LA
FRANC-MACONNERIE
RVLATIONS
D'UN
R O S E - C R O I X
A P R O P O S DES V N E M E N T S ACTUELS
CINQUIME DITION, R E V U E ET AUGMENTE
P A R I S
B A R - L B - D T J G
Typ. des Clestins B E R T R A N D
36, rue de la Banque, 3 6
BLOUD
et B A R R A L , Libraires
30, rno Cassette, 30
Biblio!que Saint Libre
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Bibliothque Saint Libre 2010.
Toute reproduction but non lucratif est autorise.
LA
FRANC-MAONNERIE
FR.-M.
A NOS
LECTEURS
L'tude que nous publions
plus importance
aujourd'hui a
qu'elle se rattache
doutant
directement
notre situation politique, religieuse et sociale.
La France est aux prises avec la Rvolution. Or la
Rvolution est Vuvre de la Franc-Maonnerie.
Si donc nous voulons savoir ce que le Radicalisme
nous rserve, notre premier soin doit tre de chercher
quelles ont t et quelles sont les doctrines de la secte
maonnique.
Cest ce que nous avom
fait.
Voulant couper court toute polmique, nous nous
sommes borns, dans les deux premires parties de ce
travail, recueillir et grouper les aveux des sectaires
eux-mmes.
La troisime partie est Vuvre d'un homme qui a t
ml pendant assez longtemps aux menes
dissolvantes
des Loges. Son tmoignage emprunte cette circo?istance une autorit toute
particulire.
Mes rvlations , nous crivait-il ces jours derniers,
irriteront
la secte, car elles sont l'expression
fidle
de la vrit; mais, quoi qu'il arrive, je n'hsiterai pas
ni maintenir
fexaclUude,
et porter aux rrirc-
" Loges la dfi de se laver des accusations que je dirige
contre elles.
Puh il ajoutait :
Je ne parle pas de la tourbe maonnique. Elle ne
> saurait avoir aucune autorit dans la question qui
nous occupe : croire sans preuves, obir
aveuglment,
se cohtpromeltre au besoin, en se faisant
Vinstrument
passif
de la puissance
mystrieuse
tel est le rle humiliant
qui la dirige :
qu'elle est condamne
jouer .
La Franc-Maonnerie est une socit
Elle s'attaque tout principe
secrte;
religieux;
Elle travaille sans cesse miner sourdement les bases
sur lesquelles repose la socit ;
Elle fait fi du patriotisme et n'hsite jamais sacri
fier son pays ses passions.
De nos jours, en particulier,
ne prenant conseil que
de son fanatisme, elle ne nglige rien pour abaisser la
France et la livrer, s'il le faut, pieds et poings lis, aux
chefs de la Maonnerie prussienne. C'est de Berlin,
depuis quelques annes, que lai vient la lumire.
Voil, en peu de mots, les quelques vrits que les
auteurs de cet opuscule se sont attachs tablir.
Comment se fait-il qu'en prsence dm pareil tat de
choses, le gouvernement
Y aurait-il
se refuse toute rpression ?
dans les rgions du Pouvoir une myst
rieuse influence capable d'arrter le bras de la justice ?
Peut-tre l
Eh bien, que les hommes ordre, que les honntes
gens qui croient quelque chose et ne tiennent pas
voir la socit s'effondrer sous les efforts continus de la
secte, se runissent enfin et rclament nergiquement
la suppression de la Maonnerie.
LA
FRANC-MAONNERIE
TAT D E
LA
QUESTION
La plupart des vnements qui se sont accomplis, dans
le m o n d e , depuis les dernires annes du rgne de
Louis XV, et la majeure partie de ceux dont nous sommes
en ce moment les tmoins attrists, ne peuvent s'expliquer
d'une manire satisfaisante que par l'action continue des
socits secrtes. C'est ce que nous allons essayer d'tablir.
Voulant faire preuve d'une scrupuleuse impartialit,
nous nous bornerons invoquer le tmoignage des
crivains autoriss de la secte, et alors seulement que
leurs affirmations n'ont t l'objet d'aucun dmenti.
1 La Franc-Maonnerie s'occupe-t-elle de religion ?
2 La Franc-Maonnerie a-t-elle un but tout la fois
politique et social?
3 Quels sont les faits que Von peut mettre la charge
de la Franc-Maonnerie avant et pendant la premire Rvo
lution franaise sous le premier Empire, sous la Restauration,
9
en 1830, en 1848, en 1852, et depuis cette poque jusqu'
nos jours?
Telles sont les questions que nous avons rsoudre*
40
Ceux de nos lecteurs qui voudront bien nous suivre
avec quelque attention ne tarderont pas voir que la
Franc-Maonnerie n'est point aussi inoffensive qu'on se
plat h le supposer. Une fois de plus, ils pourront se con
vaincre de la sagesse de l'Eglise qui a su, ds le principe,
se rendre exactement compte des tendances inavoues et
inavouables de cette vaste association et les signaler la
vigilance dos pouvoirs tablis*
Mais, avant d'aborder les divers points que nous venons
d'indiquer, nous rappellerons aussi brivement que pos
sible les origines de la Franc-Maonnerie. Ces origines
sont obscures, si bien que les initis eux-mmes sont
diviss sur ce point. Gela tant, notre rle se bornera
elui de simple rapporteur.
NOTIONS
PRLIMINAIRES
La Franc-Maonnerie avant la Rvolution de 89
La premire socit maonnique tablie en France ne
remonte pas au del de 1723. Ge fut vers cette poque
seulement que Dorwent-Vaters fonda une loge Paris.
En peu de temps cette loge runit plus de six cents
membres. Le nombre des Francs-Maons grandissant
toujours, des Loges nouvelles ne tardrent pas se former.
Aprs Derwent-Vaters lord d'Harnouester en fut le grandmatre. Le duc d'An tin lui succda en 1738.
La Maonnerie peut se diviser en trois classes : la
Maonnerie hermtique, la Maonnerie cabalistique, et la
Maonnerie clectique.
Chacune de ces branches se distingue de l'autre par un
enseignement particulier, quoique leur but soit absolument
le mme.
La doctrine des Maons hermtiques est renferme
tout entire dans ce passage d'Herms Trismgiste :
Tout est partie de Dieu ; si tout en est partie, tout
est Dieu. Ainsi, tout ce qui est s'est fait soi-mme et ne
cessera jamais d'agir ; car cet agent ne peut se reposer.
Et comme Dieu n'a point de fin, de mme son ouvrage
n'a ni commencement ni fin .
42
est le panthisme avec tontes ses consquences reli
gieuses et sociales.
Les Maons cabalistiques ont emprunt Mans son
bon et son mauvais principe, escorts chacun de bons et
de mauvais gnies qui habitent les plantes et exercent de
l sur les humains une influence conforme h leur nature
Les Maons Rose-Croix et les Martinistes appartiennent
en gnral aux Maons de la Cabale.
Les Francs-Maons clectiques sont ceux qui, aprs
avoir pass par tous les grades, ne s'attachent aucun
systme religieux, mais se forment uno croyance parti
culire compose do diverses erreurs empruntes un peu
partout et runies en un corps de doctrino.
Le prince de Gonti ayant t initi, on lui donna le titre
de grand-matre, afin d'chapper a la colre de Louis XV,
qui ne voyait pas de bon il ces dangereuses nouveauts.
Son rle, d'ailleurs, se borna toujours celui de para
tonnerre, le seul que les Maons pussent lui confier sans
imprudence.
Parmi les sophistes qui, les premiers, entrrent dans
les loges, nous devons citer Condorcet, Lalande, Menou,
Lafayette, Ghapellier, Mirabeau, Dupui, Banneville, Volney, Fouchet, Bailiy, Guillotin, Sieys, etc.
L'aristocratie, par je ne sais quel aveuglement fatal,
se laissa aller ce nouveau courant. Ces malheureux
rejetons de la vieille et chevaleresque noblesse de France
ne voyaient dans la Maonnerie qu'un premier essai de
mutualit, ou, tout au plus, une socit de libres-penseurs
issue de la Rgence.
Le Grand-Orient, espce de bureau central d'o ma
naient tous les ordres que les chefs avaient h transmettre
43
aux Loges de province, tait l'me de la socit. Le GrandOrient formait, en outre, une espce de cour suprme o
se jugeaient les diffrends de la secte. Chaque semestre,
on y envoyait les diverses cotisations des Frres, cotisa
tions au moyen desquelles les affilis parvinrent runir
des sommes considrables.
La loge de la rue Coq-Hron tait celle qui, aprs le
Grand-Orient, avait le plus d'importance. Sieys et
Condorcet en faisaient partie. Le duc de Larochefoucauld
en tait prsident.Vint un jour o, les yeux du malheureux
s'tant dessills, il cessa de se rendre aux runions.
Sieys et Condorcet devinrent alors les chefs de cette
loge, o se runissaient tons les Arrire-Maons de la
capitale.
Le club de la Propagande , dit Girtaner (1), ce est
trs-diffrent du club appel des Jacobins, quoique tous
les deux se mlent souvent ensemble. Celui des Jacobins
est le grand moteur de l'Assemble nationale. Celui de la
Propagande veut tre le moteur du genre humain. Ce
dernier existait dj en 1786
a Le grand objet du club propagandiste est d'tablir
un ordre philosophique, dominant sur l'opinion du genre
humain. Pour tre admis cette socit, il faut tre
partisan de la philosophie la mode, c'est--dire de
l'athisme dogmatique, ou bien ambitieux, ou mcontent
du gouvernement. La premire chose requise, lors de
l'initiation, est la promesse du plus profond secret. On
dit ensuite que le nombre des adeptes est immense ;
qu'ils sont rpandus sur toute la terre ; que tous sont
sans cesse occups dcouvrir les faux Frres pour se
dlivrer d'eux et se dfaire de ceux qui trahiraient le
(i) Girtaner tait membre e cette Loge. Ses renseignements doivent donc
tre exacts.
14
secret. L'aspirant doit promettre de n'avoir lui-mme
rien de cach pour ses Frres, de dfendre toujours le
peuple contre le gouvernement, de s'opposer constamment
lout ordre arbitraire, de faire tout ce qui dpendra de
lui pour introduire une tolrance gnrale de toute
religion.
Il y a dans cette socit deux sortes de membres :
les contribuables et les non-payants. Les premiers
fournissent au moins trois louis d'or par an, et les riches
doublent la contribution. Le nombre des payants est
d'environ cinq mille : tous les autres s'engagent pro
pager partout les principes de la socit et si tendre
toujours h son objet. Ces derniers sont au moins cinquante
mille.
En 1790, il y avait, dans la caisse de l'Ordre, VINGT
MILLIONS DE LIVRES, ARGENT COMPTANT ; suivant les COIUptesrendus, il devait s'y trouver dix millions de plus avant la
fui de 1791.
On ne saurait nier , disent les adeptes, que l'op
pression sous laquelle vivent les hommes ne soit affreuse
ment barbare. G'cst la lumire philosophique rveil
ler les esprits, rpandre l'alarme contre les oppresseurs.
Gela une fois fait, il n'est plus question que d'attendre le
moment favorable, celui o les esprits seront gnrale
ment disposs h embrasser le nouveau systme, qu'il fau
dra alors faire prchor h la fois dans toute l'Europe. S'il
est des opposants, il faudra les gagner ou par la conviction
ou p a r l e besoin. S'ils persvrent dans leur opposition, il
faudra les traiter comme on traite les Juifs, et leur refu
ser partout le droit de bourgeoisie .
On organisa, quelque temps avant la Rvolution, une
loge maonnique dont les membres se donnrent le nom
A*Amis des Noirs. Sous prtexte de travailler l'abolition
de l'esclavage, les cbefs de ce nouveau conciliabule cher
chrent organiser le mouvement insurrectionnel qu'ils
15
mditaient. Pour russir plus srement, ils appelrent
eux tous les mcontents de l'poque. Leur choix ne fut
pas toujours heureux, et,parmi les hommes qu'ils s'adjoi
gnirent, il y en eut qui refusrent d'accepter leurs prin
cipes. Mal leur en prit; car les Francs-Maons ne cessrent
de les poursuivre de leur vengeance. Le marquis Beaupoil de Saint-Aulaire nous a laiss, ce sujet, quelques
dtails des plus instructifs :
J'ai su , crit-il, que le lendemain de mon abdica
tion, la sance roula sur les moyens de me punir de ce
qu'ils appelaient trahison. Les conseils taient violents;
Mirabeau n'opina encore que pour les moyens de me dis
crditer par la calomnie, de me faire regarder comme un
homme dangereux, et sur la foi de qui on ne pouvait se
reposer. Carra et Gorsas se chargrent de la commission ;
leur plume assaisonna la calomnie des diatribes les plus
violentes contre moi. Quand le temps des proscriptions
ft arriv, mon nom se trouva en tte de toutes les listes
des gens massacrer .
Le Comit rgulateur ou des Amis des Noirs faisait pas
ser ses dlibrations au Grand-Orient qui les adressait,
son tour, aux vnrables des Loges de province. Les pre
mires instructions que ces derniers reurent taient
accompagnes d'une lettre dont mes lecteurs seront
bien aises de connatre le texte :
Aussitt que vous aurez reu le paquet ci-joint, vous
en accuserez la rception. Yous y joindrez le serment
d'excuter fidlement et ponctuellement tous les ordres
qui vous arriveront sous la mme forme, sans vous met
tre en peine de savoir de quelle main ils partent ni com
ment ils vous arrivent. Si vous refusez ce serment, ou si
vous y manquez, vous serez regard comme ayant viol
celui que vous avez fait votre entre dans l'Ordre des
Frres. Souvenez-vous de YAqua TophanaQe plus efficace
des poisons). Souvenez-vous des poignards qui attendent
les tratres.
Jusqu'alors les Francs-Maons s'taient recruts dans
les classes les plus intelligentes de la socit. Ils avaient,
sous ce rapport, dbut comme les philosophes.
Mais le moment est venu de songer au peuple* Pour
assurer le triomphe de l'athisme et bouleverser le monde,
les thories ne suffisent pas; il faut la volont perverse
des novateurs des bras qui la secondent.
Cultivateurs et artisans furent enrls par les adeptes et
faonns, dans le secret des loges, pour l'uvre sanglante
que les sophistes mditaient depuis si longtemps. Sur ces
entrefaites une force nouvelle vint se joindre aux philoso
phes et la Franc-Maonnerie ; j e veux parler des Illumi
ns d'Allemagne, Tune des sectes les plus dangereuses
qu'ait enfantes le gnie du mal.
Voici ce qu'en dit Blumenhagen :
Un professeur, nomm Adam Weisshaupt, fonda en
Bavire l'Ordre des Illumins : la lumire, dans l'accep
tion la plus tendue du mot, tait son but avou. Mais le
monstre n'avait pour mobile secret que l'gosme et la
soif de la domination ; leur maudit avorton n'tait que la
rvolution sous le manteau de la philosophie. Sans tre
Maons dans le principe, les Illumins surent s'emparer
de la plupart des Loges ; les Maons les plus estims furent
fiers du titre d'Illumins, jusqu' ce que le gouvernement,
avec une sage svrit, dchira les voiles de leurs mys
tres, prvint l'excution de leurs projets sinistres, et
expulsa les adeptes dans un pays voisin, o leurs torches
infernales surent trouver un aliment h la combustion et
une scurit plus complte, de fut vers li France que
cette expdition des Argonautes se dirigea ; mais, au lieu
de tuer un dragon et de conqurir la toison d'or de la
libert spirituelle, ces hommes, si fiers de leur clbrit,
se livrrent a l'incubation d'une couve de dragons.
Gomme une troupe d'animaux carnassiers, leurs dignos
rejelons se rpandirent sur la surface du monde, et rem
plirent la terre d'horreurs et de crimes inconnus jus
qu'alors. Nulle part autant que dans ce pays on n'a abus
de la Franc-Maonnerie. Auparavant elle tait rduite,
par ses jongleries grossires, au rle d'un charlatan ; son
esprit tait dtremp en trente et quelques grades de che
valiers ; son but n'tait plus que l'imposture et la cupidit
la plus sordide. Puis nous avons vu dans le jacobinisme
et le terrorisme un fratricide Egalit et un Robespierre,
buveur de sang. Nous les avons vus d'infmes autels
remplacer le maillot du matre par la hache du bourreau;
nous les avons entendus prficher le rgicide et l'athisme.
Le Chevalier du poignard ([ni, du temps des Sluarts, tait,
en Italie et en France, le plus haut grade de l'Ordre, put
exercer rellement ses excrables fonctions; les Frres
qui, dans les Loges, avaient t instruits transpercer par
le fer un mannequin plac dans une caverne, montrent
au grand jour l'adresse qu'ils ont acquise et frappent avec
la soumission d'un souple colier (4) .
Blumenhagen parle ensuite de l'Espagne et de l'Italie.
Il avoue que dans le premier de ces deux royaumes
la Franc-Maonnerie dpassa les bornes qu'elle aurait d
respecter*
Puis il ajoute :
Les derniers vnements qui se sont accomplis en
Italie prsentent un dsolant contraste. A quoi bon nous
(1)fiuill.Bliwicnhagen :
FR.-M.
ht Maonnerie et l'Etat.
48
dissimuler nous-mmes que les Carbonari sont les en
fants pervers de la Maonnerie, et que leurs Loges, rem
plies d'un trouble sauvage, sont appuyes sur nos temples
comme l'amre noix de galle crot sur le noble chne (1)
( l ) GniU. Irtnmoulwgou .*
Ln Wt^omierie rt VEtat.
PREMIRE
PARTIE
Fanatisme anti-religieux de la Franc-Maonnerie
Abordons maintenant la premire question que nous
nous sommes pose, et voyons si la Franc-Maonnerie
s'occupe de religion, contrairement ce que voudraient
nous persuader les Maons de nos jours.
Ici encore nous nous bornerons invoquer l'autorit
des membres les plus illustres de l'Ordre.
Chemin-Duponts, dans un crit que les sommits
maonniques ont couronn, s'exprime en ces termes :
Que ne puis-jc me livrer aux dveloppements nces
saires pour comparer le culte maonnique aux autres
systmes religieux! Je dmontrerais par nos principes,
par nos crmonies, par l'appareil mme de nos temples,
que nous avons conserv ce qu'il y a de plus pur, de plus
raisonnable, dans les cultes anciens et modernes (1) .
Nous lisons dans le Bulletin du Grand-Orient (juillet,
1848, p . 172) :
De mme qu'il y a u n droit naturel qui est la source
de toutes les lois positives, de mme il y a une religion uni
verselle qui renferme toutes les religions particulires du
(1) Encyclopdie maonnique^ v. n, p. 22.
20
globe. (Test cette religion universelle que nous professons.
Kebold est encore plus explicite :
Pourquoi donc la Franc-Maonnerie, institue ds
son origine comme une socit civile et religieuse,
a-t-clle eu de tout temps des temples qu'elle a consacrs,
comme cela se pratique dans toutes les religions ? Pour
quoi a-f-clle son culte propre, ses symboles particuliers?
Dans ses crmonies, ne rend-elle pas aussi hommage
l'Etre suprmc, qu'elle n'appelle, il est vrai, ni Jhovah,
ni Dieu, ni Allah, parce que, comme elle admet dans son
sein des hommes de tout pays, et parlant, de croyances
diffrentes, elle doit reprsenter la Divinit sous une
forme gnrale, comprhensible pour tous, mais qu'elle
nomme le Grand Architecte de l'univers, parce qu'elle
regarde l'univers comme la plus belle, la plus parfaite
architecture?
Enfin, le i \ janvier d8W, le Grand-Orient do France
proposait aux adeplcs la solution d'une question ainsi
conue :
u Gomment rendre ;i la Maronnerie le caractre reli
gieux qui lui est propre* (I) ?
Par ce qu'on vient de lire, il est facile de voir que les
socits maonniques, de quclquenom qu'elles s'affublent,
ne se dsintressent pas des questions religieuses. Nous
pouvons ajouter, preuves en main, qu'elles sont violem
ment hostiles h l'Eglise catholique.
Maonnerie cl Catholicisme , lisons-nous dans Le Pr
sent el l'Avenir de la Franc-Maonnerie
\\) U'bolil :
IHst. les trois Gt\-Loge$
p. 210.
21
s'excluent mutuellement. Supposer une Maonneriechrtienne serait supposer un cercle carr, un carr rond (1) .
VHumanitaire, organe accrdit du Grand-Orient de
Palerme, n'est pas moins catgorique :
La Maonnerie , dit-il, aspire rtablir la question
religieuse dans ses vritables termes. La religion dfi
gure, profane par les prtres, doit s'lever la hauteur
d e l morale universelle. La Maonnerie voit la religion,
non pas dans les diffrentes sectes religieuses qui divisent
les peuples, mais dans les principes ternels de justice et
d'amour qui lient les hommes entre eux. Elle se spare
du prtre pour se rapprocher de la vrit; elle la rvre
non pas dans des pratiques puriles, mais dans le sanc
tuaire de la conscience. De ces prmisses jaillit logique
ment le grand principe de la libert des consciences .
Nous lisons dans la Revue maonnique de janvier 1 8 1 8 ,
la page 31 :
Lorsqu'on attaque le ct religieux de l'Ordre, on
combat une chimre. l'exception de quelques Loges
particulires, la grande majorit de l'Ordre, non-seule
ment n'admet pas le christianisme, mais encore le combat
outrance .
La Voix de l'Orient, que nous avons dj cite, s'ex
prime en ces termes :
Pourquoi, dans tout le rituel maonnique, ne dcouvre-t-on pas la moindre trace du Christianisme reli
gieux? Pourquoi le nom du Christ n'est-il pas profr une
seule fois ni dans les serments, ni dans la prire rcite
avant l'ouverture de la Loge de table ? Pourquoi dans
(1)
La Voix de rOrient, Manuel pour les Fraucs-Maroi.
22
toute la Maonnerie ne rencontre-t-on pas un seul sym
bole chrtien ? Pourquoi exclusivement le compas,
requerra et la perpendiculaire ? Pourquoi n'y voit-on
pas figurer la croix et les autres instruments de supplices
soufferts par les martyrs ? Pourquoi, au lieu des mots :
Sagesse, Force, Beaut , n'a-t-on pas adopt la devise :
Foi,Esprance,Charil? C'est parce qu'une Maonnerie
chrtienne est aussi impossible qu'un cercle carr .
Boernc crit de son ct :
La domination naquit et avec elle l'esclavage. Aprs
cela, les mchants s'effrayrent et tinrent un conseil
criminel :
Notre royaume devrait-il donc s'crouler ?
N'est-il pas vident que la lutte que nous croyions teinte se
rallume de nouveau ? Et le ciel n'a plus de foudres pour
anantir le monde! Ils cherchrent ces foudres et ils
les t r o u v a n t . Ce qu'il y a de plus sacr au ciel et sur la
terre, le bien le plus prcieux que l'homme possde, ils le
ravirent effrontment, le jetrent au milieu du champ de
bataille, et le feu de la guerre flamboya de nouveau.
Quel tait cet objet sacr qui devait servir de jouet leur
folie? Gomment s'appelait cet objet divin que l'homme
dgradait jusqu' en faire l'instrument de sa pervorsit ?
Comment il s ' a p p e l a i t ? . . . Que personne ne me
demande ce nom. Dans cet asile de la paix et du bonheur
(la Loge YAurore naissante)^ je n'ose prononcer ce mot qui,
comme une horrible magie, carte le voile qui couvre un
pass sanglant. Je n'ose prononcer ce mot qui, en peu de
syllabes, rappelle le comble de l'horreur : assassinat, assas
sin, assassin : le CHRISTIANISME !
Nous allons extraire quelques passages d'un discours
prononc dans la loge de Lige, il y a peu d'annes. On
pourra se convaincre, en les lisant, de la haine que les
Francs-Maons ont voue au catholicisme :
23
L'esprit humain, aveugl par la thologie , dit
l'orateur, n'a fait aucun pas en avant.
La superstition influa sur tout et servit tout
corrompre.
La philosophie, guide par elle, ne fut plus qu'une
science imaginaire.
Dans toutes les difficults on fit intervenir la Divinit,
et, ds lors, les choses ne firent que s'embrouiller de
plus en plus; rien ne put les claircir.
De l les schismes en thologie, en philosophie; de l
les religions inventes par des imposteurs plus ou moins
habiles. Si la religion chrtienne tait prouve venir de
Dieu ou de la nature (puisque ces mots signifient le
mme agent), il faudrait l'admettre avec soumission, et
d'ailleurs elle se trouverait parfaitement en rapport avec
notre organisation et avec la nature, puisqu'elle en pro
viendrait.
Permettez-moi, mes frres, de vous entretenir un
instant de ce sujet.
La naissance et les progrs de cette religion mon
trent son humanit; l'examen des dogmes et de la mo
rale qu'elle enseigne dcle suffisamment son auteur;
puisque ce qu'elle a de bon est pill chez les auteurs
paens et que, dans ce qu'elle a de singulier son institu
teur, elle ne vaut rien.
Avant que de prouver l'existence de la religion, il fau
drait prouver Fexistence de Dieu, de ce Dieu qui a parl
aux hommes et qui leur a dit exactement les mmes
choses que l'on nous propose comme articles de foi, en
rapporter les termes; si la rvlation s'est faite par crit,
montrer les originaux, les produire en caractres ineffa
ables, intelligibles tous et revtus du sceau de la
Divinit de qui on les tiendrait.
Et, quant ses ministres, la mauvaise conduite du
sacerdoce en gnral et la sclratesse d'un grand nombre
de particuliers qui le composent dgradent la majest du
premier Etre qu'on suppose et anantissent le respect que
le prjug lui dvoue. On ne se persuade pas assez qu'une
source aussi pure puisse produire autant de salets, et la
consquence que des esprits attentifs ont tire de la con
tradiction qui est entre le caractre des prtres et leur
conduite gnrale et particulire, est le grand principe du
discrdit dont ils sont couverts .
Et plus loin :
Quand la religion chrtienne serait encore dgage
de ce sacerdoce brutal, de ses plates momeries et de son
inquisition scandaleuse, comme elle n'en serait pas plus
vraie, elle ne serait point de rigueur. Les gens instruits
ne lui devraient jamais que le respect extrieur, et laisse
raient au vulgaire ces bas motifs d'tre vertueux, ces
peines et rcompenses et cette ternit chimrique de
bonheur ou de malheur .
Ainsi, d'aprs l'orateur que nous citons, la thologie a
aveugl l'esprit humain, l'existence de Dieu est loin d'tre
prouve, tout ce que le christianisme renferme de bon
nous vient des auteurs paens, le clerg catholique est un
ramassis de sclrats, et les crmonies du culte doivent
tre considres comme de plates momeries. Quant aux
dogmes de la spiritualit de l'me, des peines et des
rcompenses, enseigns par l'Eglise, les hommes clai
rs doivent refuser de les admettre, parce qu'ils ne sont
dignes que des intelligences vulgaires.
Le discours de l'orateur se termine par l'exhortation
que voici :
Le bonheur de tous nous impose l'obligation sacre
de combattre le flau de l'espce humaine, la SUPERSTITION
(c'est--dire le catholicisme), et de lui substituer le code
sublime de la morale et de la nature .
Cette lutte de la Franc-Maonnerie contre l'Eglise doit
tre aussi ardente qu'effective. D'aprs le rituel du grade
de chevalier Kadosch, le rcipiendaire est oblig de per
cer un serpent trois ttes dont l'une est coiffe de la
tiare.
L e F , \ Ragon, expliquant le sens de cette crmonie,
s'exprime en ces termes :
Le poignard, qui effraie la foule ignorante des Ma
ons, n'est pas cette arme que nous abandonnons aux
mains jsuitiques; mais il n'est autre chose que le poignard
mythriaque, la faulx do Saturne; ainsi cet attribut des
lus rappelle de nouveau aux parfaits initis l'empire
dominant du bien et du mal, symboliss par le manche
qui est blanc et par la lame qui est noire. Cette arme, au
moral, rappelle aux grands lus qu'ils doivent continuel
lement travailler combattre et dtruire les prjugs,
Yignorance et la superstition .
Nous avons le regret d'ajouter que la Franc-Maonnerie
contemporaine, loin de renier les doctrines que nous
venons d'exposer, pousse encore plus loin la haine de
tout principe religieux. C'est ce que nous allons dmon
trer, au moyen de citations dont personne ne songera
contester la valeur.
Tout le monde sait que le roi Lopold tait FrancMaon. A sa mort, le Grand-Orient de Belgique lui ren
dit les honneurs funbres. Parmi les inscriptions dont la
Loge tait orne, on lisait celle-ci : L'ASIE MANE DE DIEU
EST nnroRTELLE. Les Frres de Louvain ne trouvrent pas
de leur got cette profession de foi. Ils accusrent le
Grand-Orient de mconnatre la libert de conscience,
en affirmant d'une manire officielle le dogme de
26
l'existence de Dieu et celui de l'immortalit de l'me. On
essaya, mais en vain, de calmer l'irritation des esprits. Le
Grand-Comit dut intervenir. Il trancha la question de la
manire la plus simple; il rappela que :
Ds l'anne prcdente, le Grand-Orient avait, dans
une circulaire adresse toutes les Loges de son ob
dience, profess le principe de la libert de conscience la
plus tendue, et que, par suite, il ne lui appartenait pas
d'tablir, en fait de religion ou de philosophie, un corps
do doctrine auquel les Frres soient tenus de se confor
mer... Si le principe de l'immortalit de l'me , continue
le Grand-Comit, apparat dans les rituels, ou dans les
formulaires; si l'ide de Dieu s'y produit sous la dnomi
nation du Grand Architecte de l'univers, c'est que ce sont
l des traditions de F Ordre; mais jamais le Grand-Orient
n'a impos ni proclam un dogme sur aucun de ces
points. De notre temps , poursuit-il, <c il serait puril de
s'attacher, sous prtexte d'une formule qui ne lie aucune pen
se et n'enchane aucune conscience, soulever des questions
qui ne peuvent conduire aucune solution (i) .
Il est donc bien entendu qu'aux yeux de la Maonnerie
belge l'existence de Dieu et l'immortalit de l'me
doivent dsormais tre relgues parmi les curiosits du
muse des antiques, et si la Loge du Grand-Orient
se permet encore d'en parler, ce n'est qu' titre de
souvenir.
La mfimo question fut souleve en France en 1865. Il
s'agissait de savoir si l'on supprimerait ou si l'on conser
verait la clbre formule : A la gloire du Grand Archi
tecte de l'univers. Le F.-. Brmond, un des plus hauts
(l) La Franc-Maonnerie soumise au grand jour de la publicit.
27
dignitaires de l'Ordre, s'exprima ainsi devant la Consti
tuante, au tribunal de laquelle on avait dfr le litige :
Si nous cherchons nos origines dans les mystres de
l'antiquit, il faut bien reconnatre que la tradition sacre
oppose au polythisme vulgaire, reposait sur deux
croyances suprieures : l'existence d'un Dieu unique,
l'immortalit de l'me. Ces deux croyances, la Maon
nerie NE LES IMPOSE PAS, mais ELLE LES CONSERVE et les
PROCLAME, comme elle tient honneur de proclamer et
de conserver sa devise qui dit tous les hommes libres,
gaux et frres.
L'assemble de 1867 s'associa sans hsiter celte thorie
qui ne diffre pas sensiblement de celle du Grand-Orient
de Belgique.
La mme anne, le grand-matre de la Loge de Naples
fit la dclaration suivante aux applaudissements des
Maons runis :
Nous invoquons, il est vrai, le G.*. A . \ D . \ L . \ ,
mais ce n'est l qu'une expression gnrique, qui donne
chacunle moyen de remonter jusqu' la cause premire :
le serment s'adresse aussi cet tre que chacun apprcie
d'aprs sa croyance respective (i) .
En d'autres termes, croyez en Dieu ou n'y croyez pas,
cela nous est parfaitement gal ; nous conservons, par
respect pour les traditions de l'Ordre, la formule concer
nant le Grand Architecte de l'univers, laissant aux Frres
le soin de se moquer, si cela leur plat, de l'tre chim
rique auquel la superstition a donn le nom de Dieu.
Henri Martin ayant eu la malencontreuse inspiration
( l ) Bulletin du Gi\~Orient de la Maonnerie en Italie, t. u , p. l\.
28
d'crire que la Maonnerie tait diste, deux Maons
d'une incontestable autorit, les F F . . Gaubet et Massol
se htent de lui prouver qu'en parlant de la sorte il fait
preuve d'ignorance :
La Maonnerie , disent-ils en forme de conclusion,
est une institution base sur le droit, soustraite tout
joug d'Eglise et de sacerdoce, tous les caprices des
rvlateurs et toutes les hypothses des mystiques
(Henri Martin un mystique !!!). Sa force consiste tout
entire dans sa spontanit, dans sa libert, et cette
libert fait de la Maonnerie une association souveraine
ment progressive, ouverte tous les mouvements gn
reux de l'opinion, et cre par consquent pour des ini
tiatives puissantes .
Le Franc-Maon Rey, de la Logo VAvenir, a fait une
profession de foi d'o l'quivoque est exclue :
Attendu , dit-il, que le bien ne saurait exister en
dehors du vrai et qu'il n'existe pas de vrit en dehors de
celle qui nous vient par la science ; qu'il importe de sparer
la morale progressive et scientifique des dogmes suranns,
condamns par la raison et rprouvs par le sentiment ;
que la conscience rejette les doctrines religieuses qui
rgissent l'homme par la peur ; que ces doctrines ont
dsuni les hommes, en faussant la morale et en corrom
pant la notion du droit
; que la communaut d'action,
en donnant l'exemple, soutien et force, peut seule rendre
facile la lutte d'une vie rationnelle contre l'habitude et
les prjugs, les soussigns, rompant avec les doctrines
qu'ils renient en principe, s'obligent ne recevoir de
sacrements d'aucune religion .
Le F . \ Garrisson, de son ct, s'crie ;
29
Est-ce que Proudhon, un des plus grands esprits da
ce sicle, n'a pas t Maon? Est-ce que les jeunes
du Congrs de Lige n'ont pas t reus Maons? Si
certainement ; nous leur ayons tendu la main et nous
leur avons dit : Travaillez avec nous. -Or, Proudhon
tait athe, et les tudiants du Congrs de Lige n'ont
pas hsit affirmer que la morale vanglique est fausse
et conduit la dpravation des esprits; qu'il faut mettre
en pices le galetas du ciel ; que la l'volution est le triomphe
de rhomme sur Dieu; que le culte de l'avenir est l'athisme;
etc.i etc. .
L'ide de Crateur , dit le F , ' . Frapolli, est un
produit de l'ignorance ; de l la Toute-Puissance d'un
Dieu personnel hypothtique, Pre ternel ou Dieu barbu;
de l l'abjeclion attribue aux cratures, la domination
et la servitude, la lutte et le dsordre dans le monde (i) .
On se plat quelquefois reprsenter les Francs-Maons
comme formant une socit plus ridicule que dange
reuse, et dont les grotesques momeries ont puissamment
contribu grossir la rputation auprs des simples
d'esprit.
La Maonnerie est, au contraire, une coalition de
sectaires fanatiques et militants.
Une grande mission est confie aux Maons , disait
Mri Fortani aux membres de la Loge de Lucques, a celle
de draciner les prjugs anciens, de combattre l'obscu
rantisme, de dvoiler au peuple crdule et tromp les
perfides menes des Jsuites et des Paulistes, de l'arra
cher aux mains de ces rtrogrades pour le faire entrer
dans la voie du progrs, et le moraliser par l'instruction,
de proclamer la foi maonnique, de tenir son drapeau
(!) Bulletin du Gr.-Orient
janvier, 1864, 1865).
de la Maonnerie italienne (dcembre,
30
haut et ferme. En vain les fils des tnbres cherchent-ils
l'abattre : la lutte entre ceux-ci et les aptres de la
lumire ne saurait tre de longue dure .
Les citations qu'on vient de lire suffisent et au del
pour dmontrer aux plus incrdules que le but de la
Franc-Maonnerie, considre sous le rapport religieux,
est de ruiner toute croyance dans l'esprit du peuple, et
de nous ramener vers un tat beaucoup plus redoutable
que la barbarie.
31
DEUXIME
PARTIE
lia Franc-Maonnerie est une socit politique.
Ses tendances anti-sociales
La Franc-Maonnerie s'occupe de politique aussi bien
que de religion. Je n'hsite mme pas affirmer que les
chefs de la secte ne poursuivent la destruction des
croyances religieuses que pour raliser plus facilement
leurs rves politiques.
Pour faire la preuve de ce que j'avance, je me
bornerai, ici encore, citer le tmoignage des FrancsMaons eux-mmes.
Est-ce par reconnaissance , dit le P.*. Ragon,
pour les services que notre institution a rendus
l'ordre civil que les puissances suprmes des divers rites
maonniques s'occupent elles-mmes, de temps autre,
de politique? Ce n'est pas toutefois dans l'intention de
voir les membres de l'Ordre s'en occuper, car la place
qu'on leur laisse est bien innocente; mais ces hauts
Frres, plus politiques que Maons, souvent plus esclaves
que libres, dsirent prouver au gouvernement de chaque
anne que l'institution qu'ils dirigent marche dans le
sens de la politique du jour .
Voil ce qui s'appelle parler sans ambages : les chefs
que la Maonnerie accepte des gouvernements ne sont
pas des Francs-Maons proprement dits. Ils ne doivent
tre considrs que comme des agents politiques dsi
reux de tranquilliser le pouvoir sur les tendances de la
.secte.
S i j e vous droulais , continue le mme crivain,
la liste des mots d'ordre qu'ont fait circuler, dans cet
Orient, les prtendues suprmes puissances qui ont surgi
dans ces derniers temps, vous reconnatriez mieux celte
vrit : que tous les chefs maonniques se mlent de politique,
malgr la dfense faite aux adeptes de s'y livrer (1) .
Il serait difficile de dmontrer d'une manire plus
preraploiro la stupidit des gouvernements qui croient
pouvoir utiliser au prolil de leurs ides politiques les
influences occultes de la Franc-Maonnerie.
L'Astre, un des organes autoriss de la secte, fait les
mmes aveux que le F . \ Ragon :
La Franc-Maonnerie , dit-il, s'appuie presque sur
le troue lui-mme par le moyen d'hommes honorables qui
n'associent nos projets.
Jusqu' maintenant vous avez dignement travaill
non-seulement au bien de vos Frres, mais encore au
salut du monde entier. Grce ;\ votre impulsion, l'auguste
gnie de l'indpendance, qui embrase tout cur gn
reux, a parcouru l'univers et enflamm tous les peuples.
Par vous, le noble lan qui affranchit les nations est
devenu plus gnral, et c'est votre appui que les
peuples doivent do voir leurs chanes brises.
Oui, disons-le sans dtour, c'est l'influence de la
(I) ll.igou :
Cours philosophique et inl. p. 381 e l suiv.
t
33
Maonnerie qu'il faut attribuer le grands vnement*
politiques, les heureuses transformations qui ont donn
la plus grande partie des peuples de l'Europe des
monarchies constitutionnelles, et ont rendu l'indpen
dance presque tout le continent amricain. Semblable
au feu sacr de Vesla, elle a entretenu dans ses temples
les saintes maximes du libralisme .
Ailleurs, la mme Revue prend le ton de la menace :
Malheur aux souverains qui s'obstineraient ne pas
appliquer les principes de la Maonnerie! La rforme
religieuse du xvi sicle et la Rvolution franaise sont
l pour apprendre aux peuples, comment ils doivent
revendiquer leurs droits. Au jour marqu, les Maons
sortent de leurs temples et renversent tout ce qui fait
obstacle leurs desseins. Et pourquoi pas? Les rvolu
tions ne sont que des crises dans l'histoire du dveloppe
ment de chaque nation .
Gomme si cela n'tait pas assez clair, l'auteur ajoute
les rflexions suivantes :
Si le pouvoir s'obstine maintenir une chose que
l'esprit de l'poque repousse et qui est use par le temps,
il faut, d'aprs les lois de la dynamique, qu'un pouvoir
plus fort s'lve, brise ces entraves, et fasse excuter les
lois del fatalit (1) .
La Revue maonnique ne parle pas avec moins declarl;
lisez plutt :
La Maonnerie ne doit pas se borner inculquer
aux Frres des ides troites de politique. L'organisation
(i) Asirt, 4845.
FR.-M.
S i
de cette institution rpublicaine et sociale doit servir de
modle aux nouveaux rgimes politiques (1) .
Blumenhagen, que nous avons dj cit, professe les
mmes ides relativement au rle politique de la FrancMaonnerie, dans un discours qu'il pronona en 1820 :
L'enfance et l'adolescence de l'Ordre sont passes. Il
est parvenu ft l'Age de la virilit; avant qu'il ait achev
son troisime sicle d'existence, le monde reconnatra ce
qu'il est. C'est pourquoi, prvenant le temps et le juge
ment du monde, veillez sur l'esprit de l'association. Que
nos difices s'lvent dans tous les coins du monde; que
rOrdre s'tablisse solidement dans le cur de chaque
pays. Lorsque dans tout l'univers brillera le temple
maonnique, que l'azur des cieux sera son toit, les ples
ses murailles, le trne et l'Eglise ses colonnes, alors les
puissants de la terre devront cux-mmes s'incliner,
abandonner nos mains la domination du monde, et
laisser aux peuples la libert que nous leur avons pr
pare. Que le matre du monde nous accorde encore un
seul sicle, et nous aurons atteint le but si ardemment
dsir, et les peuples ne chercheront plus leurs princes
que parmi les initis. Mais pour cela il est ncessaire que
le travail ne se ralentisse jamais, et que chaque jour la
construction de l'difice fasse des progrs! Plaons
insensiblement les pierres une h une : c'est ainsi que le
mur s'lvera par degrs, mais plus solidement .
Fischer attribue a la Franc-Maonnerie le progrs des
ides dmocratiques. Nous lisons dans le discours qu'il
adressa en 1849 aux membres de la Loge $ Apollon, le
passage suivant :
Nos Frres ont inspir au monde une telle confiance,
(1) Hernie maonnique. Mamici pour Jes Frres, 1823.
35
que nous voyons figurer leurs noms au parlement de
Francfort, la tte du gouvernement et de la chambre
de la Saxe, de l'universit et de la commune de Leipzig..
Tous nos efforts doivent tre consacrs au succs de
la dmocratie. Quelque vive que soit la rsistance contre
le torrent de l'esprit actuel, cependant l'aristocratie,
mme la plus opinitre, est force d'avouer que le sys
tme des privilges et de la tutelle, tel qu'il existait il y a
un an, est perdu d'une manire irrvocable
La d
mocratie est un besoin ; ses formes doivent se dvelop
per. . . . La dmocratie n'est autre chose que le triomphe
de l'esprit humain, parvenu son complet dveloppe
ment dans la majorit des peuples.
Mais cette dmocratie, telle que je viens del dpein
dre, qu'est-elle elle-mme, sinon un vnement auquel
notre art devait ncessairement conduire, et que notre
art poussera plus loin encore ? Oui, la dmocratie est notre
enfant! Ne vous en effrayez pas, c'est un fruit dont nous
n'avons pas rougir, quelque rude que son enveloppe
paraisse. Oui, elle est notre enfant, enfant digne de nous,
enfant riche d'esprances !
Le Journal maonnique de Vienne (2 anne) s'exprime
en des termes dont rien ne saurait galer la violence :
Levez-vous, arrachez la couronne de la tte du con
qurant et placez-la sur celle de l'innocence opprime ;
brisez les chanes de l'esclavage qui couvrent les hommes
ns libres ; apprenez l'humanit nos bonzes ; rprimez
l'orgueil des grands ; rendez la libert les droits qu'on
lui a drobs ; relevez l'humanit de la poussire o l'ont
couche le despotisme et le fanatisme .
La Maonnerie , dit Marchai dans son Etude critique
et philosophique, doit crer un nouvel ordre d'ides dans
les esprits, et raliser le but que Proudhon a fix la
politique contemporaine en ces termes : Hter le retour
aux institutions et aux principes de 1789, affirmer les
36
droits de l'homme, et l'incarnation de la justice dans
l'humanit .
Le mme auteur ajoute :
L'ide maonnique entrera au sein des populations
sous la forme du sentiment de la force aveugle : elle
deviendra l'me des rvolutions et des socits secrtes,
dans la signification la plus sauvage du mot .
Ragon, tout en s'efforant de dissimuler le rle poli
tique de la Franc-Maonnerie, laisse tomber de sa plume
un aveu dont l'importance n'chappera h personne :
Dans les runions maonniques ORDINAIRES, on ne
parle, il est vrai, ni de religion, ni de politique, mais telle
est l'admirable organisation de cette institution protectrice
des hautes sciences, que ses grades religieux parlent l'in
telligence de l'initi, en mme temps que les formes et
l'administration de cet Ordre parlent l'esprit politique
de tous les Frres.
Les rflexions qu'elles leur suggrent sont reportes
dans le monde comme un type sr et sacr, au moyen
duquel ils cherchent amliorer ou . dtruire ce qui,
dans l'ordre religieux ou politiquej perd la comparaison
avec ce que prsente l'Ordre maonnique .
Il
Une digression & propos de la bienfaisance
maonnique
La Franc-Maonnerie est une socit politique et anli
religieuse. Je crois l'avoir dmontr. S'occupe-t-elle de
bienfaisance ? La question peut d'autant mieux tre
pose, que des crivains autoriss l'ont rsolue d'une
manire ngative.
Pendant un demi-sicle, et de nos jours encore, on
s'est plu reprsenter les Francs-Maons comme for
mant une socit de secours mutuels dont le but est de
venir en aide aux Frres malheureux. Beaucoup de gens
se sont fait initier, esprant trouver dans leur affiliation
une sorte d'assurance contre les ventualits fcheuses
de l'avenir. Ceux d'entre eux que le malheur est venu
frapper n'ont pas tard s'apercevoir qu'ils s'taient fait
illusion.
En parlant ainsi, je ne suis que l'cho des oracles de
l'Ordre. Voici ce qu'on lit la page 3G8 du Cours philos,
et interpr. de Ragon :
Rappelons-nous surtout, mes Frres, que la Maonne,
rie n'a pas constitu un corps d'individus vivant aux
dpens les uns des autres. Ces mendiants, qui s'associent
pour faire de la misre, oseraient-ils avouer dans quel but
ils se sont fait recevoir?
Ils viennent audacieusement vous imposer leur d
tresse et le poids de leur vice, sans avoir t utiles
l'Ordre par aucun talent, par aucune vertu.
Cette lpre hideuse de la Maonnerie en France
dmontre la coupable ngligence des Loges, surtout de
celles de Paris
Un autre adepte, le F.-. Bazot, n'est pas plus doux que
Ragon pour les affilis malheureux.
Le Maon mendiant, dit-il dans son Code, est sans
cesse chez vous, sur vos pas, dans vos Loges; c'est un
gnie malfaisant qui vous obsde partout et toute heure.
Rien ne peut vous soustraire son importunit, et son
38
insolence ne connat ni bornes, ni obstacles. Il est votre
lever, au moment de vos affaires, votre repas, votre
sortie. Son parchemin est l'arrt de mort de votre huma
ni L. Mieux vaudrait rencontrer sa main arme d'un
poignard, vous pourriez du moins opposer le courage au
glaive assassin. Arm seulement de son titre de Maon, il
vous dit : Je suis Maon, donnez-moi, car je suis votre
Frre, et votre loi vous ordonne de faire la charit. Donnez,
ou je publierai partout que vous tes un mchant et maua vais Frre . Donnez, Maons, mais apprtez-vous
donner sans relche, le guet-apens est permanent .
No prsentez jamais dans l'Ordre , crivait Beurnouville Kottiers de Montaleau, a que des hommes qui
peuvent vous prsenter la main et non vous la tendre .
Les Loges franaises ont accept, il est vrai, des hommes
sans fortune ; mais nous devons ajouter qu'elles avaient
besoin d'en user de cette faon dans l'intrt de leurs
passions politiques. Les chefs de la secte veulent, sans
doute, bnficier des rsultats obtenus, mais ils chargent
volontiers le populaire de l'ordre de courir les mauvaises
chances de l'entreprise. Il leur faut des bras, cote que
cote; or, ces bras, o les trouver, sinon parmi les
dshrits de la fortune?
On exalte l'imagination des Frres malheureux, en fai
sant miroiter leurs yeux les sduisantes perspectives du
socialisme ; mais, en attendant que se ralisent ces rves
enchanteurs, il y a des besoins immdiats h satisfaire. De
l ces exigences dont se plaignent bien tort les farceurs
politiques de l'Ordre. Je dois ajouter que les victimes de
la mendicit maonnique ne sont pas les meneurs de la
secte. Ces derniers restent inconnus a la tourbe des ini
tis. Les dignitaires la bourse desquels font appel les
frres visiteurs ne sont pas appels d'ordinaire h bn-
39
cier des rvolutions prpares par les Arrire-Loges. Ren
tiers, ngociants, fonctionnaires, industriels, ils ont
pour mission d'alimenter la caisse de l'Ordre au profit des
chefs masqus qui les font manuvrer.
III
Les dupes dans la Franc-Maonnerie
II n'est pas de Maon qui ne prtende connatre tous
les secrets de l'Ordre. On lui a cependant affirm le con
traire et dans sa Loge et ailleurs. Au fond, il ne doute pas,
et la preuve, c'est qu'il n'a qu'une seule ambition, celle
d'tre initi aux grades suprieurs.
Je l'ai dj dit et ne cesserai de le rpter, le nombre
des dupes, parmi les initis, est peu prs incalculable.
Draeske, dans un discours qu'il pronona h la Loge de
Brome en 1849, n'hsite pas affirmer ceci :
Il y a tel Maon qui ne parviendra jamais connatre
notre secret, pas mme par les Loges et nonobstant tous
ses grades : ce n'est qu'un profane, ft-il assis l'Orient
du temple, et ft-il revtu des insignes du grand-matre.
Le duc de Brunswick, grand-matre de la Maonnerie
clectique, a crit, de son ct :
La prudence a fait modifier les lois et les dispositions
d'aprs les poques et les circonstances. Il se prsente
parfois des temps critiques o nous sommes forcs do
tenir soigneusement cach le but principal de l'Ordre.
C'est pour ce motif et pour d'autres encore qu'un grand
nombre de nos vnrables Frres ont d se mprendre sur
40
le but de notre association. Ils ont subi le mme sort que
les Romains, du temps de leur domination. Ne pouvant pas
leur refuser l'initiation, on ne leur communiquait qu'une
partie do notre secret. On se masquait peu peu en leur
prsence, jusqu' ce qu'enfin ils ne sussent plus o ils en
taient .
Marwitz n'est pas moins explicite :
a Au sommet de l'Ordre , fait-il observer, se trou
vent les hommes pervers qui ne convoitent que la richesse,
la domination et la puissance, et pour qui tous les
moyens sont bons ds qu'ils servent atteindre le but.
Plus bas sont ceux qui s'imaginent avoir atteint le der
nier grade, tandis qu'il n'ont pas mme foul la premire
marche du temple qui leur est inconnu. Ce sont d'abord
les enthousiastes, qui voulent propager le rgne de la
raison, cote que cote ; puis viennent les BORNS, qui se
contentent de contribuer de leur bourse l'uvre com
mune. Chacune de ces catgories croit bnvolement
qu'elle est la clef de vote de tout l'Ordre; un vnrable
des BORNS ne serait pas peu surpris d'apprendre qu'audessus do lui se trouvent les enthousiastes ; et ces derniers
vous taxeraient d'imposteur si vous prtendiez qu'ils ne
sont eux-mmes que les jouets des intrigants .
J'ai dj fait observer que la Franc-Maonnerie a
coutume de s'abriter sous la haute protection des princes
et des hommes d'Etat qui ont la confiance des souverains.
Voici, l'appui de mon affirmation, ce que les Loges
directrices du systme clectique crivaient leurs
surs relativement cette question :
Il sera permis une ou plusieurs loges de se choisir
un protecteur, mme tranger, la condition toutefois
que celui-ci ne lui donne jamais d'ordre, qu'il ne s'attri-
bue aucune espce de direction, et qu'une telle lection
ne soit jamais un obstacle ce qu'on reconnaisse un pro
tecteur gnral qui viendrait tre nomm par les Loges
la majorit des voix. Ce dernier ne pourrait tre lu
qu'aux mmes conditions, et son titre ne lui confrerait
aucun pouvoir particulier .
Dans une autre pice du mme genre nous lisons ce
qui suit :
On a attir des princes dans le sein des Loges, et une
grande multitude a suivi ces fantmes. Sans doute, les
princes qui convoqurent le convent de Wilhemsbade
taient anims de bonnes intentions...; mais un petit
nombre de Maons tait dispos accepter leurs lois. Ils
n'taient pas capables, du reste, de donner une explica
tion claire et satisfaisante des hiroglyphes maonniques
qu'ils ne connaissaient pas eux-mmes .
Le serment que fait le rcipiendaire dans le systme
des Trois Globes ne laisse subsister aucun doute sur le
sens des passages qu'on vient de lire :
Je jure , dit-il, de ne jamais dvoiler les secrets
personne, pas mme au grand-matre de tout l'Ordre, si
je ne le vois pas reconnu par la haute Loge cossaise ou
si les chefs de cette Loge ne me l'ont pas fait reconnatre
comme tel .
Je ne puis rsister au dsir que j'prouve de citer un
tmoignage dont les Francs-Maons ne s'aviseront pas de
rcuser l'autorit. Nous lisons dans YHistoire de la FrancMaonnerie, par Venturini, les lignes suivantes :
L'entre des souverains dans l'Ordre est de trs-bon
augure. Quoiqu'ils ne puissent contribuer la construction
du temple maonnique, quoiqu'il nous faille subir le spec
tacle des brillants insignes attachs leur boutonnire,
ils sont trs-prcieux pour l'Ordre, soit cause de leurs
richesses, soit cause de leur immense influence. Quelque
libres qu'elles puissent paratre, les associations secrtes
sont encore trop dpendantes des dispositions de la classe
suprieure; elles ne peuvent se dvelopper qu'aux rayons
du soleil, au milieu d'un ciel sans nuages. L oi le prince
boude, il y a mauvaise grce vouloir trop s'lever ;
tandis qu'on peut cingler pleines voiles ds qu'une brise
favorable s'lve de la cour. Puissent nos augustes htes
Cire toujours dispenss de travailler la sueur do leui
front et continuer rester muets et inactifs comme, la pou
pe de Martin. Leur prsence produit d'assez heureux
effets sur ceux-l surtout qui il en cote dj beaucoup
de faire quelque chose d'utile dans l'ombre et le silence !
O ils disparaissent, l'difice est menac, comme une
ruche sans reine .
Les princes ne sont pas les seuls qui ignorent absolu
ment le but que se propose la Franc-Maonnerie. Bon
nombre de Maons, nous l'avons dj dit, ne sont que
des instruments aveugles dans les mains des ambi
tieux qui les font manuvrer au profit de leurs sinis
tres projets de dmolition. En veut-on la preuve? que
l'on ouvre le rituel de la Grande-Logo des Trois globes,
et qu'on lise les paroles que le vnrable adresse au frre
que l'on revt du grade de chevalier de Saint-Andr :
Je reprends, lui dit-il, ce tablier que vous avez
port jusqu' prsent, et vous ceins du tablier des augus
tes Frres Ecossais. Cette crmonie doit vous convaincre
que tout ce que vous avez appris jusqu' ce jour n'est rien
en comparaison des secrets qui vous seront certainement
dvoils dans la suite, si vous tes lu, et si vous nu vous
eu rendez pas indigne .
43
Et ailleurs :
Concluez de l que, quoique tous les Maons soient
nos frres, ils sont nanmoins aussi loigns de nous que
les profanes.
Les six grades infrieurs se composent donc d'une foule
d'adeptes qui ignorent peu prs absolument le but que
se proposent les meneurs de l'Ordre. Il y a beaucoup
d'appels, mais peu d'lus , dit Ragon, propos de la
question qui nous occupe.
Nous voulions dmontrer que la Franc-Maonnerie est
une socit dont les tendances anti-religieuses et les pas
sions politiques ne sauraient tre rvoques en doute.
Nous croyons avoir tabli la preuve de cette double
vrit.
NOTA. Aprs avoir recueilli les tmoignages qu'on vient
de lire, j'ai consult un de mes amis. Son jugement a
d'autant plus de poids mes yeux, qu'il est bas sur
autre chose que sur l'tude.
La lettre qu'il m'crit sera de quelque intrt pour mes
lecteurs :
X... ie 20 juin 1877.
y
Mon cher ami,
Vous me demandez ce que je pense de votre tude sur
la Franc-Maonnerie. Voici ma rponse en deux mots :
Vous affirmez, preuves en main, que les socits secrtes
s'occupent de religion et de politique : de religion, pour
assurer le triomphe du scepticisme, et de politique, pour
tout bouleverser. Votre thse est vraie, absolument vraie.
Le doute ne saurait tre possible, puisque les coupables
eux-mmes reconnaissent le bien fond de vos accusa Lions.
Poussant l'impartialit jusqu' la dernire limite, vous
44
vous contentez de citer les crivains de la Maonnerie,
dont les aveux sont tout ce qu'il y a de plus involontaire.
Pour se faire une ide exacte de la ralit des choses, vos
lecteurs devront avoir soin de lire entre les lignes.
Vous me dites, en terminant : Pourriez-vous complter
mon travail et ajouter aux renseignements que j'ai sous
la main, vos renseignements v o u s ? J e le puis avec
vous; je ne le pourrais pas, selon toute probabilit, si
vous tiez un autre. Je vous ai fait, l'anne dernire, sous
une forme peu srieuse, des prophties qui se sont rali
ses. En prophtisant ainsi, je n'ai pas eu beaucoup de
mrite. Connaissant les projets de la Franc-Maonnerie,
ou, ce qui est plus exact, des chefs de la secte, et la doci
lit moutonnire de la foule des initis, il m'tait facile
d'annoncer les divers vnements dont notre pays allait
tre le thtre.
La situation s'est encore aggrave depuis lors. Les
Arrires-Loges redoublent d'activit et ne ngligent rien
de ce qui peut leur assurer la victoire. Une fois de plus, j e
puis vous dire d'une manire h peu prs certaine quels sont
les projets del secte et les moyens d'excution qu'elle
compte employer. Je vous prviens seulement que force
me sera de toucher la politique.
Vous avez eu la bont, l'anne dernire, de transcrire
vous-mme le manuscrit que j e vous adressai et de le
signer : GIL PRS. Veuillez me rendre un service sembla
ble pour les quelques pages que vous recevrez. Je vous
prierai, toutefois, de modifier mon pseudonyme ; car les
choses que j'ai h vous rvler ne sont pas d'une gaiet
folle. Vos lecteurs trouveraient singulier qu'on s'avise de
publier cela sous le couvert d'un nom qui rappelle un peu
trop les jovialits de la comdie franaise.
45
TROISIME PARTIE
I
Immunits dont jouissent les Loges
La Franc-Maonnerie est debout. Elle fonctionne
comme le ferait une institution rgulire ; ses membres se
runissent, publient des livres, ditent des Revues, corres
pondent avec l'tranger et conspirent tout la fois contre
l'Eglise et contre l'Etat.
Et la socit demeure impassible, et les gouvernements
s'inclinent devant cette puissance occulte qui mine sour
dement le terrain sous leurs pieds.
Gomment expliquer ce silence des pouvoirs tablis ?
D'o vient qu'on permet la Franc-Maonnerie de se mou
voir en toute libert, tandis que l'on n'hsiterait pas, le cas
chant, frapper vingt et un citoyens inoffensifs qui
se constitueraient en socit, sans autorisation pralable,
dans le but assez peu dangereux de combattre l'odium
ou le phylloxra!
Notre Gode renferme des lois d'une grande svrit
contre les socits secrtes, et on laisse la plus redou
table de toutes poursuivre impunment son uvre de
dmolition religieuse et sociale!
La Franc-Maonnerie est toute-puissante, parce qu'elle
a des intelligences partout. Elle en a dans l'arme, dans
le barreau, dans la magistrature, dans les administrations
civiles, au Snat, la Chambre des dputs et jusque dans
les rgions du pouvoir.
Avec de semblables moyens d'action que peut-elle re
douter?
Les assembles dlibrantes vitent avec soin de frois
ser les Maons. On a pu, ces temps derniers, traner dans
la boue les institutions religieuses et dsigner la haine
des foules inconscientes toute une classe de citoyens,
sous le nom gnrique de clricaux; mais pas un seul
orateur ne s'est lev pour dnoncer au pouvoir les menes
subversives des Loges maonniques.
Eh bien, ce que ni dputs, ni snateurs, n'ont os faire,
un ancien llose-Croix le fait aujourd'hui.
On a souvent parl de pril social, et on s'est plu le
chercher l o il n'est pas.
Le seul danger qui menace le monde, depuis la fin du
dernier sicle, est tout entier dans l'organisation redou
table des socits secrtes.
C'est nos devanciers dans l'Ordre maonnique que la
France doit les horreurs do U3, les ignominies du Direc
toire, et les bouleversements successifs dont l'Europe a
t le thtre.
47
II
Une parenthse
Des hommes d'une grande notorit, me dira-t-on peuttre, ont dsert la Franc-Maonnerie et sont rentrs avec
clat dans le giron de l'Eglise. Peut-on supposer un seul
instant qu'ils se fussent condamns garder le silence, si
les doctrines de la secte avaient le caractre anti-social
que vous leur attribuez?
La rponse est facile et n'exige pas de longs dvelop
pements.
Les initis dont vous parlez ont d se taire et se sont
tus, ou parce qu'ils ne savaient rien, ou parce que, en
raison de leur notorit mme, il pouvait y avoir danger
pour eux rompre le silence.
L'ignorance laquelle est condamne la foule des Ma
ons dpasse tout ce que l'on peut imaginer. La seule
chose que l'on essaie de faire comprendre la classe des
BORNS et des ENTHOUSIASTES, c'est qu'il y a des rformes
sociales oprer, c'est que les Frres doivent secouer
tout prjug religieux.
Et vous ne comprenez pas qu'au moyen de ce double
levier quelques meneurs actifs et intelligents peuvent sou
lever les classes populaires et bouleverser tout un pays !
Quand les Frres sont persuads qu'une rforme est
indispensable, on laisse tomber du haut de la tribune un
mot de ralliement. Ce mot ne tarde pas h tre comment
par tous les organes de la presse maonnique. On s'en
tonne et on se dit : Gomment se fait-il que des crivains
48
dont la rputation d'esprit semblait incontestable s'avi
sent de rpter une rengaine aussi stupide. Et la ren
gaine va son train; et les journaux de province se font
les chos serviles des feuilles parisiennes; et le mme
mot ble est rpt satit ; et des hommes srieux
finissent par croire que sous celte phrase ou cet adjectif
qui leur avait tout d'abord fait hausser les paules de
piti se cache peut-tre une pense profonde.
Je pourrais passer en revue les diffrents mots d'ordre
dont les Loges se sont servies tour tour depuis 1789.
Qu'il me suffise de citer ceux qui ont ou de nos jours
le plus de succs.
On nous a ressass toute sorte de lieux communs
contre les Ultramontains d'abord et les Clricaux ensuite.
Les Ultramontains paraissent dmods. Il nous reste les
Clricaux, dont la dernire Chambre a fait un pouvantail.
Mais l'pithte vieillit un peu et ne tardera pas lre
remplace par une autre. On a trouv quelque chose de
mieux pour combattre les candidats qui refuseront
d'accepter les thories radicales. Dsormais on dira : le
gouvernement des curs, le ministre des curs, Fadministration des curs, le candidat des curs; etc., etc.
Je ferme la parenthse et j'entre dans le cur mme
de mon sujet.
IT
Les Francs-Maons et 93
Pouvons-nous attribuer la Franc-Maonnerie
crimes do la Terreur ?
les
49
Je rponds oui et j e l e prouve en m'appuyant sur les
Frres eux-mmes Louis Blanc n'hsite pas en faire
l'aveu,
A la veille de la Rvolution franaise , dit-il, la
Franc-Maonnerie se trouvait avoir pris un dveloppement
immense. Cependant, dans l'Europe entire, elle secondait
le gnie mditatif de l'Allemagne, agitait sourdement la
France, et prsentait partout l'image d'une socit fonde
sur des principes contraires ceux de la socit civile..
Le cadre de l'institution s'largissant, la dmocratie
courut y prendre place; et, ct de beaucoup de Frres
dont la vie maonnique ne servait qu' charmer l'orgueil,
occuper les loisirs, ou mettre en action la bienfai
sance, il y eut ceux qui se nourrissaient de penses
actives, ceux que l'esprit des rvolutions agitait.
Bientt se produisirent des innovations d'un
caractre redoutable. Comme les trois grades de la
Maonnerie ordinaire comprenaient un grand nombre
d'hommes opposs par tat et par principes tout projet
de subversion sociale, les novateurs multiplirent les
degrs de l'chelle mystique gravir; ils crrent les
Arrire-Loges rserves aux mes ardentes; ils institurent
les hauts-grades 'lu, de chevalier du soleil, de la stricte
observance, de Kadosch^ ou homme rgnr, sanctuaires
tnbreux, dont les portes ne s'ouvraient h l'adepte
qu'aprs une longue srie d'preuves, calcules de
manire constater les progrs de son ducation rvolu
tionnaire, prouver la constance de sa foi, essayer la
trempe de son cur.
Il plut des souverains, au grand Frdric, de
prendre la truelle et de ceindre le tablier. Pourquoi non ?
L'existence des hauts grades leur tant soigneusement
drobe, ils savaient seulement de la Franc-Maonnerie ce
qu'on pouvait montrer sans pril; et ils n'avaient point
s'en inquiter, retenus qu'ils taient dans les grades
infrieurs, o le fond des doctrines ne perait que confuFn.-M.
50
sment travers l'allgorie... Mais, en ces matires, la
comdie touche au drame; et il arriva, par une juste et
remarquable dispensation de la Providence, que les plus
orgueilleux contempteurs du peuple furent amens cou
vrir de leur nom, servir aveuglment de leur influence
les entreprises latentes diriges contre eux-mmes.
Cependant, parmi les princes dont nous parlons, il y
en eut un envers qui la discrtion ne fut point ncessaire.
C'tait le duc de Chartres, le futur ami de Danton, ce
Philippe-Egalit, si clbre dans les fastes de la Rvolu
tion, laquelle il devint suspect et qui le tua .
Blumenhagen, nos lecteurs l'ont vu, affirme que les
Jacobins n'taient autres que des Franc-Maons, initis h
rilluminisme. Les trois quarts de l'Assemble nationale
appartenaient la Franc-Maonnerie, et je ne crois pas
que Ton puisse citer un seul conventionnel qui no dt
son mandai sa qualit d'adepte.
Ds le dbut de la Rvolution franaise, une agitation
de mauvais augure se manifesta au del du Rhin. Les
gouvernements comprirent alors toute la gravit du pril ;
Mais ils ne pouvaient frapper les sectaires, tant euxmfcmes affilis. Ils curent donc recours au duc de Bruns
wick qui tait grand-matre de l'Ordre clectique.
Le duc adressa un manifeste ceux dont il tait le
chef, manifeste qui avait pour but la fermeture des Loges
soumises h son obdience.
Cet illustre BORN, me disait dernirement un de mes
amis, avait pris au srieux son rle de grand-matre.
Aussi son lonnement ne connut-il plus de bornes, quand
il s'aperut que le troupeau dont il croyait tre le berger
se composait exclusivement de loups. Il ne trouva rien
de mieux, pour expliquer la mtamorphose qui venait
de s'oprer sous ses yeux que d'allguer l'intervention de
rilluminisme dans les affaires de son Ordre.
Oui, sans doute, les Illumins avaient souffl leur
esprit aux Maons clectiques, mais l'insu du duc de
Brunswick : ce qui prouve que ce haut personnage tait
tranger au gouvernement de la secte, bien qu'il ft
dcor du titre de grand-matre.
Quoi qu'il en soit, voici ce qu'on peut lire dans le do
cument qu'il adressa aux Frres clectiques :
a Cette secte (les Illumins), tout le monde la connat :
ses Frres ne sont pas moins connus que son nom. C'est
elle qui a sap les fondements de l'ordre jusqu' ce qu'il
ft compltement renvers ; c'est par elle que toute l'hu
manit a t empoisonne et gare pour plusieurs gn
rations. La fermentation qui rgne parmi les peuples est
son ouvrage. Elle a fond les projets de son insatiable
ambition sur l'orgueil politique des nations. Ses fonda
teurs s'entendaient introduire cet orgueil dans la tte
des peuples. Ils commencrent par verser l'odieux sur la
religion.
<f Raillerie et ddain, telles furent les armes de cette
secte, d'abord contre la religionelle-mme, ensuite contre
ses ministres. Si elle s'tait contente de contenir ce m
pris dans son sein, elle n'aurait t digne que de piti ;mais
elle ne cessait d'exercer ses compagnons au maniement
le plus habile de ces armes. On prcha, du haut des toits,
les maximes de la licence la plus effrne, et cette licence
on l'appela libert. On inventa des droits de l'homme
qu'il est impossible de dcouvrir dans le livre mme del
nature, et l'on invita les peuples arracher leurs prin
ces la reconnaissance de ces droits supposs. Le plan que
l'on avait form de briser tous les liens sociaux et de
dtruire tout ordre se rvla dans tous les discours et
dans tous les actes. On inonda le monde d'une multitude
de publications; on recruta des compagnons detoutrang
cl do toute puissance ; on trompa les hommes les plus
perspicaces, en allguant faussement d'autres intentions.
On rpandit dans le cur de la jeunesse la semence de
la convoitise, et on l'excita par l'amorce des passions les
plus insatiables. Fiert indomptable, soif du pouvoir, tels
furent les uniques mobiles de la secte. Ses matres
n'avaient rien moins en perspective que les trnes de la
terre, et le gouvernement des peuples devait tre dirig
par leurs clubs nocturnes.
Voil ce qui s'est fait et se fait encore. Mais on re
marque que les princes et les peuples ignorent comment
i t par quels moyens cela s'accomplit. C'est pourquoi nous
leur disons avec toute libert : L'abus de notre Ordre, la
mprise sur notre secret a produit tous les troubles politiques
et moraux dont la terre est avjowd'hui remplie. Vous qui
avez t initis, il faut que vous vous joigniez nous pour
lever la voix et apprendre aux peuples et aux princes
que les sectaires, les apostats de notre Ordre ont seuls t
et seront les auteurs des rvolutions prsentes et futures .
IV
O Ton prouve que la plupart des Francs-Maons
n'hsitent presque jamais trahir leur pays
Peu de temps aprs la publication de ce manifeste, les
armes allies marchaient contre la Rvolution. Les
troupes franaises ne tardrent pas plier et se retirer
dans la direction de Paris. Tout semblait assurer le
triomphe des puissances coalises, lorsque le roi de Prusse
et Brunswick oprrent leur retraite, sur un ordre man
des Loges maonniques.
partir do ce moment les armes de la Rpublique ne
cessrent de marcher de victoire en victoire.
Leur entre en Savoie et en Belgique fut prpare par
la secte.
Les Illumins nous ouvrirent les portes deMayence, de
Trves, de Spire, de Worms et de Francfort. Qui ne sait,
parmi les vrais initis, que le maon Eckenmaier, de
Strasbourg, se rendit Mayence, l'approche de Gustino,
et ngocia la reddition de cette ville avec Stein, ministre
du roi de Prusse, et le commandant Gimmich, l'un et
l'autre grands dignitaires de l'Ordre.
Gustine tait si bien renseign d'avance, qu'il ne songea
mme pas h se munir du matriel indispensable pour le
sige d'une place forte.
Une dputation maonnique, ayant le F . \ Bohmer
sa tle, vint au-devant du gnral franais et lui offrit les
clefs de la ville.
La prise de Francfort fut prpare par Pietzsch et les
Frres d'Isenbourg.
Dans la rpublique Cis-llhnane, Grard, Whatterfalet
Kcmpis jourent le mme rle.
Gobelscroix, dont le nom vritable tait Yandernoot,
livra Dumouriez les Flandres et le Brabant. Il est prouv
que ce personnage envoyait chaque jour les plans de
dfense aux Frres de Paris, qui les faisaient passer
immdiatement au gnral franais.
Le moment venu, les Flamands et les Brabanons se
soulevrent et le pays tomba en notre pouvoir, sans que
nos soldats eussent eu besoin de tirer l'pe.
Des faits analogues se produisirent en Hollande. La
ville d'Amsterdam comptait quarante Loges elle seule.
84
Les sectaires, la tte desquels tait le juif Sporta, rece
vaient des maisons Gondere, Rescier et Rochereau tous les
fonds dont ils avaient besoin. Le complot ayant t dcou
vert, le gnral Eustache et trente de ses complices furent
incarcrs, mais sans rsultat; car ceux des Francs
Maons qui chapprent aux recherches de la justice trou
vrent moyen de livrer Pichegru Nimgue, Utrecht,
Bcrg-op-Zoom et Amsterdam.
Dans la plupart des principauts, les initis ne rougis
saient pas d'crire la Convention nationale pour
demander l'annexion de leurs pays la France.
o L'Allemagne , dit un crivain qui a tudi la ques
tion avec soin, donna alors un spectacle trange,
inexplicable. Ses troupes aguerries qui, nagure encore,
avaient donn la preuve de leur bravoure, semblent
tout coup frappes d'impuissance ; ses gnraux pa
raissent aveugls. Dans toutes les rencontres avec les
troupes rpublicaines et, plus t a r d , avec les troupes
impriales, elles se montrent indignes de leur antique
renomme. Les garnisons dans les forteresses mettent
bas les armes sans coup frir. Les renseignements
reus par les chefs sont faux; les dcisions arrtes dans
les conseils de guerre sont aussitt communiques h
l'ennemi ; les ordres ou ne sont pas donns ou sont mal
excuts; les renforts n'arrivent pas en temps opportun;
les munitions font dfaut ; la fidlit des officiers est
suspecte ; le dcouragement est rpandu dans l'arme
par des bruits sinistres .
Eckert, dont la Maonnerie ne mettra pas l'autorit en
doute, affirme que ces faits doivent tre attribus la
trahison des officiers adeptes qui, en agissant de la sorte,
ne faisaient qu'obir aux ordres mans des Arrire-Loges.
55
Cet crivain ne voit rien l que de trs-naturel. L'Ordre,
dit-il, considrait la Rvolution et plus tard Napolon I
comme des instruments destins faire disparatre les
nationalits europennes au profit de la Rpublique uni
verselle.
er
Les temps sont changs, mais les hommes
et les sectaires restent les mmes. 1870-1871
Le tableau qu'on vient de lire est d'une vrit saisis
sante. Ajoutons qu'il est d'une navrante actualit.
Ne dirait-on pas que l'auteur a voulu retracer les v
nements lamentables de 1870-1871? Cela ne saurait
tre cependant, puisqu'il crivait en 1859, poque o la
guerre franco-allemande n'tait nullement prvue avec
les pripties qui l'ont caractrise.
A notre tour nous pourrions dire, au sujet de cette
campagne dsastreuse :
La France donna alors un spectacle trange, inexpli
cable. Ses troupes qui, nagure encore, en Crime, au
Mexique et en Italie, avaient donn la preuve de leur
bravoure, semblent tout coup frappes d'impuissance;
ses gnraux paraissent aveugls. Dans toutes les rencon
tres avec les troupes allemandes, si on en excepte les
premiers combats, o elles ont fait preuve de qualits in
contestables, elles se montrent indignes de leur ancienne
renomme. Les garnisons mettent bas les armes et capi
tulent. Les renseignements reus parles chefs sont faux ;
on disait avec raison : Le service des claireurs est mal
fait. Les dcisions arrtes en conseil de guerre sont
50
communiques l'ennemi. Personne n'osera nier que les
sorties que devaient faire les troupes assiges, soit
Paris, soit <\ Metz, taient connues des assigeants vingtquatre heures d'avance. Les renforts n'arrivaient pas ou
arrivaient trop tard, et l'on SE BETUAIT EN BON ORDRE. Les
munitions faisaient dfaut et les vivres aussi, alors: qu'il y
avait des munitions et des vivres. Qui ne sait qu'aprs
la capitulation de Paris, on a trouv des provisions de
bouche que l'on avait laisses pourrir et que l'on se vit
oblig do jeter dans la Seine. La fidlit des officiers
tait suspecte, si bien qu'on ne les dsignait que sous
le nom de CAHTTJLARDS. Le dcouragement tait rpandu
dans l'arme par des bruits sinistres, et aussi par la con
duite inqualifiable de ceux qui avaient fait une rvolu
tion en face de l'ennemi et pris de leur propre autorit
les rnes du pouvoir .
Comme on le voit, l'identit des situations et la simili
tude des vnements ne peuvent tre contestes.
J'ajoute que la cause de nos dsastres en J870 ne differc en aucune faon de celle qui nous rendit victorieux
sous la premire Rpublique.
A Metz comme Paris, comme partout ailleurs, la
France a eu ses Sporta, ses Bohmer, ses Eckenmaier, ses
Kempis et ses Whatterfal. Je connais plus d'un nom que
je pourrais fltrir. Mais la loi me dfend de rompre le si
lence, en dpit du patriotisme qui me conseille dparier.
V!
Une objection
Mes lecteurs, la plupart du moins, ne manqueront pas
de m'adresser l'objection que voici ; Gomment se fait-il
que les Loges maonniques aient patronn la France la
fin u XYIU sicle et pendant les premires annes de
l'empire, et qu'en 1870-1871 elles se soient jetes dans
les bras de l'Allemagne?
c
Le problme est facile rsoudre pour qui sait qu'en
1792 le pouvoir mystrieux qui faisait manuvrer les
sectaires avait son sige Paris, tandis que, depuis 18G2,
il a lu domicile Berlin.
La Rvolution cosmopolite et la Franc-Maonnerie sont
une seule et mme chose. Or, la Rvolution cosmopolite,
voulant triompher tout prix, se livre sans conditions
quiconque lui donne des garanties do force et de bon
vouloir.
Si l'Italie avait eu des armes aussi redoutables et un
armement aussi puissant que la Prusse, Victor Emma
nuel aurait jou vis--vis de nous le rle dont l'Alle
magne a t charge.
Veut-on que je fournisse une preuve l'appui de mon
affirmation?
Rien n'est plus facile :
Comment se fait-il que le gouvernement prussien se
soit engag dans une perscution, dont on cherche vaine
ment l'utilit, contre les quatorze millions de catholiques
de l'empire ? Cette fraction du peuple allemand a-t-elle
dmrit pendant la guerre? Son patriotisme a-t-il d
failli sur le champ de bataille ? Les communauts reli
gieuses et le clerg sculier ont-ils manifest pour les
vaincus une coupable sympathie ? Non, mille fois non !
Quel intrt politique peut-il donc y avoir pour l'empe
reur Guillaume et sonpremier ministre s'aliner gratui
tement une partie considrable de la nation? Aucun.
58
Voici la clef de ce mystre :
L'Allemagne a triomph grce au concours des socits
secrtes. Or, comme les sectaires poursuivent avant tout
la ruine de l'Eglise, ils ont exig que le vainqueur se ft
le champion du Kulturkampf, et le gouvernement prus
sien a accept les conditions qui lui taient imposes par
les Arrire-Logos. D'ailleurs, les hommes qui ont actuelle
ment le pouvoir Berlin appartiennent tous la FrancMaonnerie; ils sont mme revtus des plus hauts grades
de l'Ordre ; mais ils n'ont pas la direction des affilis, et
l e j o u r o M . de Bismarck prendrait fantaisie do briser
ses liens, il se verrait frapp d'impuissance.
En un mot, c'est de Berlin, depuis quelques annes,
que part le mouvement maonnique. C'est Berlin que
le radicalisme franais va chercher son mot d'ordre, c'est
Berlin qu'est la force redoutable sur laquelle il s'appuie.
Que ceux qui en doutent encore veuillent bien se rap
peler l'accord unanime avec lequel la majorit de la
dernire Chambre et la minorit du Snat n'ont cess de
faire appel l'intervention de cette puissance et de l'Italie,
la patrie du Carbonarisme, pour entraver la dissolution et
et paralyser le ministre du 16 mai.
En agissant ainsi, les snateurs et les dputs FrancMaons ne faisaient qu'obir aux traditions do l'Ordre qui
a, de tout temps, class le patriotisme parmi les prjugs
dont il importe de se dfaire.
59
VII
O Ton verra la preuve de cette accusation
La socit civile , dit Lessing, un des crivains que
la Maonnerie estime le plus, ne saurait unir les hommes
en corps, sans les rpartir, ni les rpartir sans occasion
ner de profondes scissions entre eux
De l, le droit
de ragir contre de semblables sparations. Pour cet effet,
il serait grandement dsirer qu'il y et dans chaque Etat
des hommes DPOUILLS DES PRJUGS DE NATIONALIT qui
sachent bien quelle limite le patriotisme cesse d'tre une
vertu
des hommes que la grandeur civique n'aveugle
p a s . J e me figure les Francs-Maons, ajouto-t-il
quelques lignes aprs, comme des gens qui ont pris sur
eux la charge de travailler contre les maux invitables de
FEtat .
Or, s'il s'agit ici de l'Etat en gnral et non point
d'une forme de gouvernement en particulier.
D'aprs le mme auteur, la socit est dvore par le
chancre de la sparation des royaumes. On a le droit et le
devoir del gurir, en combattant cet tat de choses. Il
faut, pour entreprendre cette lutte, des hommes qui sachent
renier aie besoin le sentiment de patrie .
Fichte dclare en termes formels que la Franc-Maon
nerie exclut rsolument toutes les socits particulires :
Userait aussi ridicule, fait-il observer, q u e les
Maons se runissent en secret pour faire de beaux sou
liers, que de supposer qu'ils s'tudient rformer l'Etat
en tout ou en partie. Le Maon qui parlerait autrement
serait non-seulement dprcie comme unhomme dpourvu
GO
do toute connaissance maonnique, mais il mettrait en
doute la sant de son cerveau.
Que se propose donc la secte ? Car elle doit bien se pro
poser quelque chose :
Le but que nous poursuivons , continue le mmo
crivain, nous ne saurions l'atteindre sans nous sparer
compltement de la socit... Il s'agit de transformer la
forme particulire de l'Etat en la forme commune et uni
verselle de tous les hommes
Il importe donc que
nous nous dpouillions des sentiments troits de notre
condition particulire et de la socit civile laquelle
nous sommes lis .
En d'autres termes, PLUS DE TATHIE !
Veut-on savoir ce que pense Seydel, une autorit devant
laquelle aucun Maon quelque peu erudit ne refusera de
s'incliner ? Le voici :
Les adeptes qui se sont unis entre eux dans l'unit de
pense cl qui ont en vue le bien do l'humanit en gn
ral se sont obligs h combattre partout et de toutes leurs
forces toute tendance personnelle, tout lment de divi
sion, tant en eux-mmes que chez les autres. Il est vi
dent, d'aprs cela, que la tendance ou l'esprit personnel
ne doit pas se rgler... d'aprs l'esprit de nationalit ou de
famille, mais d'aprs la tendance originelle qui conduit
l'homme sa fin dernire .
El Hebold que les Logos franaises ne rcuseront certai
nement pas, comment s'cxprime-t-il au sujet de cette
question?
La Franc-Maonnerie de nos jours , lisons-nous dans
son Histoire des trois Grandes-Loges, proclame la fraternit
61
universelle comme le but qu'elle s'est propose d'at
teindre; ses efforts tendent constamment touffer
parmi les hommes les prjugs de caste, les distinctions
de couleur, d'origine, d'opinion, de NATIONALIT .
Frapolli nous apprend que :
La Maonnerie aspire absorber la socit humaine tout
entire, et cela en faisant disparatre tout intrt politique et
religieux.
Que l'on s'tonne, aprs avoir lu ces quelques citations,
des clameurs que pousse en ce moment la presse
maonnique allemande, italienne et anglaise ! U n'est pas
ncessaire d'avoir vcu parmi les initis et de connatre
le but et l'esprit des Arrire-Loges, pour savoir que ce
concert d'injures l'adresse du Marchal, du nouveau
ministre et de la majorit du Snat, est dirig par un
chef d'orchestre que j e pourrais nommer et dont le
patriotisme est tout au moins problmatique.
Les menaces de l'tranger peuvent intimider le bour
geois et jeter la panique dans les campagnes. Alors
donc recourons aux menaces de l'tranger. La natio
nalit est un prjug, et nous sommes arrivs 5. la
limite o le patriotisme a cess d'tre une vertu. La spara
tion des Etats est un chancre, et nous devons savoir
renier le sentiment de pairie.
Gomme on le voit, les principes de la Franc-Maon
nerie et la conduite des radicaux s'harmonisent on ne
peut mieux.
Les tendances des Loges au cosmopolitisme et au
mpris systmatique des intrts nationaux forment, en
quelque sorte, le caractre distinclif des socits secrtes,
depuis que la civilisation europenne est aux prises avec
elles.
VIII
Les Francs-Maons et le premier Empire
ot
Napolon , qui savait cependant combien cette secte
est redoutable, ne voulut point la supprimer. Il crut
qu'en la surveillant d'une manire attentive il arriverait,
tout h la fois, h la diriger et . l'utiliser.
Lorsqu'on rdigea les deux articles de la loi qui inter
disent les runions de plus de vingt personnes, un con
seiller d'Etat ayant demand que l'on fit une exception en
faveur de la Franc-Maonnerie, Non, non , rpondit
l'empereur; ce protge, la Franc-Maonnerie n'est p a s u
redouter; autorise, elle peut devenir trop forte et mme
dangereuse. Telle qu'elle est aujourd'hui, elle dpend de
moi ; je neveux pas dpendre d'elle .
Napolon, pour atteindre plus facilement son but, flt
nommer ses partisans aux dignits de l'Ordre, qui fut,
pendant quelque temps, d'une servilit rvoltante.
Les Frres espraient sans doute, au moyen de ces
hypocrites dmonstrations, pouvoir tromper la vigilance
de l'empereur. Mais l'empereur n'avait en eux qu'une
confiance limite.
Le prfet do police, ayant acquis la certitude que les
sectaires trahissaient la cause du souverain, voulut
appliquer leur socit l'article 291 du Gode pnal.
Le Grand-Orient protesta de sa fidlit. Gambacrs
intervint alors, et Savari dut renoncer toute mesure de
rpression.
63
Quelques annes plus tard, Napolon devait expier
cruellement cet acte de faiblesse.
Eckert n'hsite pas affirmer que les Loges franaises
s'entendirent avec les Loges allemandes et travaillrent
de concert la ruine de l'empire, comme elles avaient
travaill prcdemment la destruction des nationalits
allemandes au profit de la Convention nationale.
partir de ce moment, l'toile du grand homme
sembla plir et son gnie militaire l'abandonner. Frapp
de ce phnomne, M. Thiers se demande si les facults
intellectuelles de l'empereur n'avaient pas subi quelque
fcheuse atteinte.
Le conqurant n'tait plus renseign comme autrefois
sur la position et les forces de l'ennemi ; ses gnraux
le secondaient mal, et les secours qu'il attendait n'arri
vaient pas ou arrivaient trop tard.
Grce la tolrance dont il avait us l'gard des
sectaires, les Loges s'taient multiplies outre mesure.
Lindner nous apprend que, pendant les diverses cam
pagnes que nos armes firent en Allemagne, les
officiers franais affilis la Franc-Maonnerie fraterni
saient avec leurs frres d'Outre-Rhin, et que ce fut dans
le secret des Loges que la puissance de Napolon reut
la premire atteinte.
Eckert nous dit, de son ct, qu'aprs la bataille de
Leipzig, les officiers franais et les officiers allemands
affilis la secte se runissaient, le soir, dans les les du
Rhin. De l l'oubli du devoir, il n'y avait qu'un
pas.
Kloss, dans son Histoire de la Franc-Maonnerie, raconte
que les adeptes de Ghaumont fraternisaient avec les
64
Maons des armes allemandes, et que leurs tenues
taient communes.
Le 14 avril 18i4, cinq jours aprs rentre h Paris de
l'arme d'occupation, le Conseil Suprme, abdiquant
toute pudeur, enjoignit aux Loges et Chapitres de son
obdience de supprimer les dnominations qui pouvaient
rappeler de prs ou de loin le rgime dchu. Les
officiers allemands qui taient initis aux grades sup
rieurs furent invits au banquet que donna le GrandOrient de Paris pour clbrer la chute de l'empereur.
A la fte solsliciale de la mme anne, toutes les
Loges se mirent en liesse ot prodigurent h Louis XYI1I
les plus basses adulations.
Le nouveau souverainsc montrarcconnaissant.BoSUiers,
Lger de Bresse, Ghoiscul-Slainvillect huit ou dix autres
Maons furent dcors pour les services qu'ils avaient ren
dus la cause du roi dans la journe jamais mmorable
du 30 mars. Les Grands Conservateurs se rendirent, au
nom des Loges, auprs du monarque pour l'assurer du
dvouement de l'Ordre cl le remercier.
Sait-on quelle fut la conduite de la Franc-Maonnerie
aprs la bataille de Waterloo?
Le voici :
La victoire des allis tait loin d'tre dcisive. Les
Anglo-Prussiens perdirent en doux jours prs do 70,000
hommes, tandis que nos perles nous n'arrivaient pas
30,000.11 nous restait 70,000 soldats que le marchal
Soult avait rallis entre Paris et Laon. 30,000 hommes
de troupes fraches devaient les rejoindre, sans compter
les 25,000 soldats d'lite du gnral Rapp. Nous avions
500 pices de campagne. Paris tait dfendu par
65
36,000 gardes nationaux, la plupart vieux soldats,
30,000 tirailleurs, 6,000 canonniers et 600 bouches feu
en batterie. Les retranchements qui protgeaient la rive
droite de la Seine taient formidables. En quelques jours
ceux de la rive gauche allaient tre achevs. L'arme qui
avait pour mission de couvrir Paris possdait un train
d'artillerie de 350 pices.
L'arme allie, affaiblie de plus de 80,000 hommes,
depuis le commencement de la campagne, ne pouvait
rien entreprendre de srieux avant d'avoir reu des se
cours. Nos places fortes de l'Est et du Sud-Est avaient t
mises en tat de dfense et pouvaient arrter dans leur
marche les troupes austro-russes. L'intention de Bona
parte tait de reprendre l'offensive, d'craser l'arme
anglo-prussienne et de se porter ensuite au-devant des
autres coaliss.
Mais l'empereur avait compt sans les chefs de la FrancMaonnerie, peu soucieux vraiment de l'honneur de la
France.
La nouvelle de notre dfaite tait peine connue, que
Fouch, Lafayette, Pontcoulant, Sbastiani, et Benja
min Constant, tous grands dignitaires de l'Ordre, entr
rent en ngociations avec les chefs des armes ennemies
et forcrent Napolon abdiquer. Dcidment les hommes
du 4 septembre n'ont rien invent. En faisant une rvolu
tion en face des Prussiens, ils se sont borns suivre les
traditions de la secte.
Aprs avoir trahi Napolon, la Franc-Maonnerie ne
ngligea rien pour amener la chute de Louis XVIII. Au
lieu de s'entourer d'hommes dvous, le nouveau souve
rain choisit ses conseillers intimes dans les rangs des
FR.-M.
affilis. Mes lecteurs ont nomm le duc Decazes, Lafayette,
Martignac et le gnral Foy. Aussi la majorit parlemen
taire ne tarda-t-elle pas se disloquer.
La Rvolution de 1830 fut l'uvre du Carbonarisme et
de la Maonnerie, qui placrent la couronne sur la tte du
duc d'Orlans, parce que le prince leur appartenait.
IX
Les Francs-Maons en 1848
Si les socits secrtes ne continurent pas soutenir le
souverain de leur choix, c'est qu'une fois arriv au pou
voir il voulut se soustraire leur patronage quelque peu
gnant.Les tentatives d'assassinat auxquelles fut en butte
le roi Louis-Philippe n'ayant pas abouti, les affilis song
rent lui arracher le pouvoir au moyen d'autres procds.
Fischer reconnat franchement que la Franc-Maon
nerie imprima la rvolution de 1848 son vritable ca
ractre :
a Lorsque cette anne , dit-il, fit battre le cur des
hommes des plus flatteuses esprances, quelques-uns
d'entre nous se livrrent au doux rve d'un avenir heu
reux et prochain. Les temptes de 1849sont venues; elles
ont, hlas! dtruit nos illusions, et nous nous deman
dons aujourd'hui ce qu'il nous en est rest. Le fruit, mes
Frres, est sans doute encore chtif et imperceptible;
mais rappelez-vous que les peuples qui ont lev en 1848
l'tendard de la Rvolution avaient crit sur leur ban
nire victorieuse ces trois mots augustes : LIBERT,GALIT
FRATERNIT; mots sacrs que, depuis longtemps, nous pronon
cions avec motion dans nos temples maonniques (1) .
(1) Revue maonnique, 1851,
La mme Revue, dans son Numro d'octobre 4848,
s'exprime ainsi :
Aprs le triomphe de la Rvolution en France, au mi
lieu d'un immense concours de citoyens qui applaudis
saient au gouvernement de la Rpublique, prcurseur
d'un heureux avenir, on vit, en plein midi, apparatre les
Francs-Maons. On entendit leurs orateurs dire avec or
gueil : Votre victoire est notre victoire; c'est nous qui,
depuis des sicles, nous sommes consacrs en silence au
culte de la libert, de l'galit et de la fraternit. Nous
bnissons le jour fortun o les principes de la Maonne
rie sont devenus le partage de l'humanit, o peuvent
enfin tomber les voiles qui, en prsence de la malignit
et de la stupidit gnrales, devaient nous drober aux
regards des ennemis de la lumire .
Et plus loin :
Oui, mes frres, la dmocratie est l'enfant de la Ma
onnerie; nous devons la reconnatre comme telle. Notre
mission est de l'lever, de manire ce qu'il se distingue
par la sagesse, la force et la beaut. Ce serait de la bas
sesse et de la lchet, si, en ce jour o la dmocratie est
foule aux pieds et bafoue, nous allions la dsavouer. Ce
n'tait pas cause de son triomphe que nous l'avons re
connue en 1848; ce n'est pas cause de sa dfaite que
nous la renierons aujourd'hui(1) .
Giseler fait les mmes aveux tians le discours qu'il
pronona devant les Frres du Compas or, de la ville de
Gttingue.
En 1847, un couvent maonnique international se ru
nit Strasbourg. Tous les hommes qui allaient devenir
tristement clbres, une anne plus t a r d , figuraient
(1) Hevue maonnique^ 1851.
G8
parmi les membres de ce conciliabule. Nous pouvons
citer entre autres : Crmieux, Lamartine, Gavaignac,
Lcdru-ltollin, Caussidire, Marrasl, Louis Blanc, Flix
Pyat, Marie, Proudhon, etc. Fickler, Hecker, Hervcgh,
Bassermann, Ruge, Blum, Jacobi, Yelker, etc., etc.
La runion de Strasbourg avait t prcde du con
grs national de Rocbefort. C'est l que les Frres avaient
prpar et tudi, comme au sein d'une commission par
lementaire, les questions qui devaient tre agites uiffpeu
plus tard et rsolues de concert avoc les dlgus des
Loges allemandes, suisses et italiennes.
Il fut rsolu que la France donnerait le signal du
mouvement. Mais comment justiGer une leve de bou
cliers contre le gouvernement de juillet? On chercha
un prtexte et on le trouva. Ce fut la rforme lecto
rale qui le fournit. Le ministre, voulant couper court
l'agitation que fomentaient les opposants, interdit les
banquets rformistes. Certes, le pouvoir avait le droit de
compter sur tous les hommes d'ordre qui, dans Tune
et Vautre Chambre, avaient quelque intrt le soute
nir. Malheureusement les chefs du parti constitutionnel,
tels que Vittet, de Morny, de Malleville, Berger, Duverger de Ilauranne cl plusieurs autres, cdant la
pression des Logos dont ils taient vnrables, durent se
runir et signer une protestation contre les actes du
cabinet.
Quelques jours plus tard, le trne s'croulait et LouisPhilippe reprenait le chemin de l'exil.
Le Gouvernement provisoire tait peine form, que
la grande Loge de France envoyait des dputs l'Htelde-Ville pour offrir ses flicitations au nouveau pouvoir.
69
Le F . * . Bertrand adressa l'allocution suivante MM.
Grmieux, Pagnerre et Garnier-Pags :
A la gloire du Grand Architecte de l'univers ! L'Orient
de France au Gouvernement provisoire :
Citoyens, le Grand-Orient, au nom de tous les affilis
de France, vient exprimer son adhsion au Gouvernement
provisoire.
<( Quoique place par ses statuts en dehors des fluctua
tions et des crises de la politique, la Maonnerie franaise
ne peut s'empcher d'exprimer ses sentiments en faveur
de la grande agitation qui vient de se manifester. De tout
temps les Maons ont port crits sur leur bannire ces
mots sacrs : Libert, Egalit, Fraternit ! En les voyant
paratre sur le drapeau franais, ils les saluent, comme le
triomphe de leurs principes et s'applaudissent de ce que
la France a reu de vous la conscration maonnique.
Nous admirons le courage avec lequel vous avez entrepris
et excut la tche si difficile de fonder sur des bases
solides la libert et le bonheur des peuples...
(c Quarante mille Maons, distribus dans cinq cents
Loges et n'ayant entre eux qu'un mme cur et un mme
esprit, vous promettent leur concours pour achever
l'uvre de la rgnration si heureusement commence .
La rponse de M. Grmieux n'est pas moins caract
ristique :
Le Gouvernement provisoire , dit-il, reoit avec
bonheur et satisfaction vos flicitations et vos vux.
Le Grand Architecte de l'univers a donn au monde le
soleil pour l'clairer, la libert pour le conserver. II veut
que tous les hommes soient libres ; il nous a donn la
terre pour la fconder, et la libert seule fconde.
Il est vrai, la Maonnerie n'a pas la politique pour
objet. Cependant la politique transcendante, la politique de
l'humanit a toujours trouv accueil dans les temples maon-
70
niques. Dans tous les temps, dans toutes les circonstances,
sous l'oppression de la pense comme sous la tyrannie du
pouvoir, la Maonnerie n'a jamais perdu de vue son
auguste devise : Libert, Egalit, Fraternit7 La rpublique
se trouve dans la Maonnerie ; voil pourquoi elle a eu
des partisans dans tout l'univers...
Le 10 mars suivant, le F.*. Lamartine s'exprimait ainsi
l'Hlel-de-Ville :
u J'ai la conviction que c'est du sein de la FrancMaonnerie qu'ont jailli les grandes ides qui ont jet
les fondements des rvolutions de 1739, de 1830 et de
4848 .
Pas un membre du Gouvernement qui n'appartnt alors
la Franc-Maonnerie. Les trois quarts au moins des
prfets et des sous-prfets taient affilis et avaient fait
leurs preuves.
Le lendemain du jour o Paris proclamait la rpublique;
sur tous les points de l'Europe la Rvolution se levait en
armes.
Berlin devenait le thtre de drames sanglants ;
Yienne tait en insurrection ;
Parme, Milan, Venise, Le Pimont, la Hongrie, procla
maient les principes dmocratiques du Gouvernement
provisoire.
Et partout les chefs du pouvoir ou de l'insurrection
taient aussi les chefs de la Franc-Maonnerie !
Que les sceptiques essaient d'expliquer cette double
concidence.
Un mois avait suffi pour mettre l'Europe en feu.
A cette poque la secte se dissimulait sous des noms
71
nouveaux, tels que : La Jeune France, la Jeune Italie, la
Jeune Pologne, la Jeune Allemagne, la Jeune Europe.
Tout semblait devoir assurer le triomphe des Loges,
en France surtout. Les commissaires de Ledru-Rollin,
adeptes aussi dvous qu'actifs, avaient pour mission
d'encourager les timides et de paralyser les opposants pat
la terreur.
Le parti fut tromp dans son attente. Contrairement h
ses prvisions, la majorit de la Chambre eut des ten
dances conservatrices nettement accuses.
Voyant qu'ils ne pouvaient compter ni sur la complicit
des reprsentants du peuple, ni sur les habilets de la
tribune, les meneurs de la Maonnerie essayrent de
recourir la force, et l'insurrection de juin fut orga
nise.
Le rapport de la commission charge de faire une
enqute sur ces vnements , dit la Nouvelle Gazette de
Prusse, dans son Numro du 0 aot 1848, ne mit en
avant que quatre noms : ceux de Ledru-Rollin, Louis
Blanc, Proudhon et Caussidire ; mais il affirme sans
dtour que les mouvements ont t prpars par le gou
vernement de Lamartine .
La Franc-Maonnere et Napolon III
Nomm prsident de la Rpublique, le prince LouisNapolon, qui savait quoi s'en tenir sur les agissements
des socits secrtes, n'hsita pas interdire aux Loges
franaises toute immixtion dans la polilique. Les Maons
72
s'tant montrs peu dociles, le gouvernement fit fermer
le Grand-Orient de Paris.
Une mtamorphose s'opra dans la secte, et de nom
breuses associations, exclusivement politiques et habile
ment relies entre elles, s'organisrent dans la plupart
des dpartements. Les initiations avaient lieu la nuit, au
milieu des bois ou au bord des fleuves. Les adeptes
pensaient qu'il leur serait ainsi plus facile d'chapper aux
investigations de la police.
L'initi ne connaissait d'ordinaire que le Frre insi
nuant. Grce cette mesure do prcaution, les affilis
n'avaient pas redouter les indiscrtions du nouveau
venu.
Lorsque eut lieu le coup d'Etat du 2 dcembre, trois
cent mille hommes, unis entre eux par un serment terri
ble, formaient une vaste association dont les ramifications
s'tendaient vingt-cinq dpartements. Cinq mois plus
tard, la France entire devait tre organise, et le prsi
dent allait se voir dans l'impossibilit de soutenir la
lutte.
Renseign sur cet tat de choses, le prince confia
l'un de ses partisans les plus dvous, comme lui Carbo
naro, la mission d'acheter n'importe quel prix le chef
de la section militante, homme intelligent et nergique,
mais sans moralit, dsireux avant tout de refaire sa
fortune.
u lieu d'attendre jusqu'au printemps de 1852, poque
o devait clater l'insurrection, Louis-Napolon prcipita
les vnements et contraignit les conspirateurs se
dmasquer.
Des ordres contradictoires furent donns en mme
73
temps aux diverses sections et, grce l'tat d'anarchie
o les jeta volontairement leur chef, les insurgs furent
battus et transports les uns Lambessa, les autres
Cayenne. Sur ces entrefaites, le tratre disparaissait et se
cachait sous un nom d'emprunt en Amrique ou ailleurs.
Telle est, en deux mots, l'histoire du coup d'Etat. Je puis
en garantir l'authenticit, ayant eu jouer un rle actif
dans ce drame dplorable. Je dois ajouter que, quinze ans
plus tard, j e me liai avec l'administrateur qui paya trois
cents mille francs la conscience de notre chef : un joli
prix, comme on le voit, et j ' a i ainsi pu connatre certains
dtails que j'ignorais absolument.
Lorsqu'elles virent que les enfants perdus de l'Ordre
taient dsormais rduits l'impuissance, les Loges
jugrent prudent de faire leur soumission.
Le 8 janvier 1852, le Conseil Suprme se runissait et
dcidait que le titre de grand-matre serait offert au
prince Murt.
Napolon parut d'abord tout dvou aux ides conser
vatrices. Mais Orsini eut soin de lui rappeler que la
secte ne pardonne pas ceux de ses membres qui trahis
sent leurs serments.
Peu de temps aprs, l'arme franaise traversait les
Alpes et allait verser son sang pour assurer le triomphe
des utopies maonniques.
Un obstacle s'opposait l'unification de l'Italie : le
pouvoir temporel du Pape. Eh bien, on diffamera la Pa
paut. Le gouvernement pimontais dpensera des som
mes considrables pour se concilier une partie de la
presse franaise.
Un de nos grands journaux a reu, pendant longtemps,
74
une somme annuelle de 150,000 francs, pour dfendre la
politique de M. de Cavour. J'ai intimement connu le per
sonnage qui fut charg de ngocier cette affaire avec le
ministre de Victor-Emmanuel.
On croit gnralement que tout est fini au del des
Alpes et que le gouvernement pimontais n'a plus qu'un
seul objectif : celui de consolider sa conqute.
C'est une erreur.
Voici un des articles dont le Carbonarisme a jur de
poursuivre la ralisation :
<t L'Ausonie se compose de toute la Pninsule italique,
limite au midi et l'ouest par la Mditerrane et les
plus hautes crtes des Alpes, depuis la Mditerrane jus
qu'aux sommets lesplus levs duTyrol, qui la spareront,
au septentrion, do la Bavire et do l'Autriche. Tous les
anciens Etats vnitiens seront compris dans l'Ausonie,
jusqu'aux bouches du Gattaro. Ses limites avec la Turquie
seront formes par les monts de Croatie (Trente et
Fiume comprises). Toutes les les de l'Adriatique et de
la Mditerrane, situes h moins do cent milles des ctes
de la nouvelle Rpublique, feront aussi partie de son ter
ritoire et seront occupes par des troupes sa solde .
L'Italie n'a donc pas encore toutes les frontires qu'elle
convoite. Aussi Napolon, qui connaissait les aspirations
du Carbonarisme italien, dclara-t-il, en 1859, qu'il fallait
que F Italie ft libre des Alpes VAdriatique.
De plus, l'Ausonie doit tre une rpublique et non une
monarchie. U est donc prsumer qu' la mort de Victor
Emmanuel, les sectaires ne ngligeront rien pour assurer
la ralisation de ce rve.
75
Voici maintenant quels sont leurs projets relativement
la Papaut :
Le Conseil (de la Rpublique ausonienne) lira un pa
triarche pour l*Ausonie, et son traitement sera dcuple de
celui des archevques. Le pape actuel sera pri ^accepter
cette dignit et recevra, pour ddommagement de ses revenus
temporels runis au domaine de la Rpublique, une indemnit
personnelle paye annuellement, tout le temps de sa vie,
en sus du traitement de patriarche, mais qui ne pourra
tre continue ses successeurs.
Aprs sa mort, si le Collge en lit un de nouveau, ce
chef devra transfrer son sige hors du territoire de la
Rpublique .
Je l'ai dit et je tiens le rpter, les doctrines de la
Franc-Maonnerie ne diffrent pas de celles du Carbona
risme. On peut aisment retrouver dans les quelques
lignes qu'on vient de lire les thories qui s'talent, depuis
prs de vingt ans, dans tous les journaux de la secte, soit
en Italie, soit en France et ailleurs. Ceux-l seuls qui ont
un bandeau sur les yeux s'obstinent ne pas le voir.
XI
Le bourgeois ne rira pas toujours des thories
maonniques.
Non, certes, il n'en rira pas toujours ; car je lui prdis
un sort peu prs semblable celui qui frappa le clerg
et la noblesse en 1793.
Le Radicalisme, qui n'est autre que la Franc-Maon
nerie, qui n'est autre son tour que le Carbonarisme,
76
est dcid, s'il arrive au pouvoir, tablir l'impt pro
gressif.
a Le plus pauvre , lisons-nous dans le document que
jo viens de citer, ne paiera que le septime de son
revenu, le plus riche en paiera les six septimes .
Cette loi fiscale aura un caractre essentiellement
provisoire; car le Socialisme est le but final que se
proposent les Arrire-Loges :
Toute la terre , dit Fichte, est un bien commun;
lo droit de proprit qui s'y est implant et constitu,
par la voie de l'astuce et du pouvoir arbitraire, est la
source de toutes les tyrannies et de toutes les calamits
publiques. La rpartition gale de tous les biens peut
seule les faire cesser. Les princes, les dvots et la
noblesse, ces ennemis implacables de l'espce humaine,
doivent tre extermins, et leurs biens assigns h ceux
qui leur gnie, leur science et leurs vertus donnent le
droit et le pouvoir de gouverner les autres. Ceux qui ne
s'accommodent pas de ces maximes, qui ne les acceptent
pas, ou qui se dclarent opposs d'une faon quelconque
leur mise en pratique, sont une bande de misrables.
On a tous les droits et tous les devoirs contre ces enne
mis du genre humain. Oui, tout est permis pour les
exterminer : la violence et l'astuce, le fer et le feu, la
prison et le poignard. La fin. sanctifie les moyens. Les
droits de l'homme, qui sont antrieurs tous les
contrats, toutes les Pragmatiques sanctions, et plus
sacrs qu'eux, doivent tre rtablis violemment .
Nous pourrions citer, comme professant les mmes
doctrines que Fichte, le journal maonnique La voix du
peuple, l'Humanitaire de Palerme, Stallo qui a crit par
ordre d'une Loge du rite cossais, le Bulletin du Grand-
77
Orient, le F.*. Massol, le Mnde maonnique, Vhit ita
lienne, le Globe, les Statuts de la Maonnerie italienne,
Goffin, la Maonnerie et ses dtracteurs, etc., etc.
Ajoutons que la plupart de ces crivains acceptent
sans sourciller les consquences pratiques de leurs
principes socialistes.
Nous voulons, dans l'ordre moral, arriver, par
l'anantissement de tous les prjugs de religions et
d'glises, la ngation de Dieu et au libre examen;
dans Vordre politique, nous voulons, par l'actuation de la
rpublique, parvenir la fdration des peuples et h la
solidarit des individus ; dans l'ordre social, nous voulons,
PAR LA TRANSFORMATION DES PROPRITS, PAR L'ABOLITION DE
L'HRDIT, PAR L'APPLICATION nu
PRINCIPE D'ASSOCIATION,
ARRIVER A LA SOLIDARIT DES INTRTS ET A LA JUSTICE ; nOUS
voulons finalement l'affranchissement du travailleur,
celui du citoyen et de l'individu, l'extermination de
toute distinction de classes .
Au congrs de Genve, compos de Maons, comme
celui de Lige, on proclama la suppression de toutes les
glises; la ncessit d'imprimer la Rvolution un carac
tre absolu d'universalit, comme unique moyen de faire
triompher le droit ; l'organisation permanente du socialisme
europen agissant en vue du triomphe de la Rpublique
universelle.
Au congrs deBle, les sectaires de la Maonnerie vot
rent la destruction de la proprit individuelle, au profit de
la proprit collective, par 84 voix contre 4, et dclarrent
que l'on travaillerait faire de ce vote une ralit, ds que
les vnements le permettraient.
Deux Loges (la Parfaite Intelligence et YEtoile) n'ontelles pas conclu avec les Philadelphes de l'Orient de Lon-
78
dres une sorte de pacte dont le but est celui-ci : Puiser
de nouvelles forces dans Funion et marcher d'un pas plus
ferme contre les erreurs qui rgissent la socit, les combattre,
les dtruire, et parvenir la fin que les associs ont en vue ?
Or, cette fin, voici en quoi elle consiste :
Extirper des mes la vaine pense de la vie future et
le ftichisme do la Providence ; . . . abaisser l'orgueil de
Vargent et des privilges; transformer la charit envers
les pauvres, qui les avilit, et chercher le droit qui les ennoUit; galiser les intelligences par l'instruction, les fortunes
par l'quilibre proportionn des salaires .
Le P.*. Goflin, merveill de voir que les adeptes n'ont
plus besoin de se dissimuler sous le masque de l'hypocri
sie et qu'ils peuvent professer impunment les doctrines
dont je viens dfaire l'expos, dclare qu'on doit les con
sidrer comme de nobles vainqueurs du respect humain,
comme des champions de la dignit humaine et de la foi ma
onnique, comme des hommes dont la vue excite dans les mes
un profond sentiment d'admiration et vous ravit d'un saint
enthousiasme.
Xl
Quelle est la situation de la Franc-Maonnerio
vis--vis de la loi?
La Franc-Maonnerie, nous l'avons dmontr, par le
tmoignage des Francs-Maons eux-mmes, est une socit
secrte au premier chef. Elle est donc en opposition
formelle avec l'article 13 de la loi du 28 juillet 1848.
Elle s'occupe activement, ses adeptes en font l'aveu, de
politique et de religion, sans y tre autorise par le pou
voir civil. Elle viole donc l'article 291 du Gode pnal.
Ses orateurs, au sein des Loges, provoquent la dso
bissance aux lois, poussent la haine des citoyens les
uns contre les autres, professent hautement des doctrines
antisociales et athes, et menacent tout & la fois lo droit
de proprit, la libert de conscience et jusqu' la scurit
individuelle. Ainsi elle foule aux pieds les articles 2 9 2
et 293 du Gode pnal, les articles 1,2 3 et 4 de la loj du
10 avril 1834 sur les associations.
Une fois encore, comment se fait-il que le gouverne
ment se taise en prsence d'un semblable tat de choses?
Quel intrt peut-il y avoir pour la socit laisser les
affilis de la secte conspirer impunment dans le secret
des Loges?
L'administration a ordonn, ces temps derniers, la fer
meture de quelques temples maonniques. A-t-on pour
suivi les dlinquants ? Une mesure administrative de ce
genre suppose un dlit, une violation de la loi ; or, il y a
au bout de n'importe quel dlit une sanction pnale.
Si les Francs-Maons objectaient qu'ils ne s'occupent
pas actuellement de politique, il serait facile de leur prou
ver le contraire.
A une affirmation de ce genre, le vnrable de la Loge
la Triple Essence, de Saint-Malo, rpondrait hardiment :
Mes frres, vous mentez ! car voici le discours quej'ai pro
nonc rcemment et que la Chronique de Jersey a reproduit :
Mes frres,
Six mois peine se sont couls depuis notre der-
80
nire Agape, et, je le constate avec joie, tous les membres
prsents cette dernire fte de famille ont aujourd'hui
rpondu l'appel. Quelques nouveaux sont mme venus
paissir nos rangs; ceci est d'un bon augure ; aussi pou
vons-nous dire sans tmrit que, quand nous serons en
possession de notre nouveau temple, ce qui aura lieu
l'an prochain, le nombre des adhrents h notre ordre
augmentera encore dans de plus grandes proportions. ~~
Pourquoi ? Parce que les principes que nous reprsentons
font tous les jours de grands progrs dans le monde, mme
parmi nos populations bretonnes, si tenaces au pass.
et Quelle est donc la cause de ce changement, de cette
transformation, et quelles consquences pouvons-nous en
dduire?
Mes frres, permettez-moi de vous le dire, deux
causes ont produit cet excellent effet : la premire, c'est
Gulemberg, assemblant dans des casses en bois ces
petits caractres mtalliques qui crrent l'imprimerie;
la seconde, c'est la grande et sublime Rvolution fran
aise.
Quelques esprits rtrogrades, attards, rsistent encore
et luttent contre le torrent qui les entrane ; mais le flot
monte, monto toujours, et bientt ces pauvres esprits,
aveugles ou gostes, seront submergs.
La vritable foi, en combattant le fanatisme, dtruit
les vieilles superstitions, Le miracle s'en va ! Lo
positivisme, par ses savantes dmonstrations, dtruit l'in
certain, l'arbitraire, comme un jour la libert chassera
du monde entier l'infme tyrannie.
En un mol, mes frres, c'est la vieille socit qui
croule, sape par la loi naturelle du progrs.
Nous pouvons nous en rjouir et attendre avec esp
rance et foi : c'est Fauroro de l're nouvelle.
Mais, . celle poque de transition, l'humanit,
comme la femme en peine d'enfant, n'est pas sans
prouver de rudes secousses, sans ressentir de grandes
douleurs ; le travail est laborieux.
8!
Mais soyons sans crainte: l'enfant se prsente bien.
Ces donleurs cesseront ; la sant et le calme reviendront.
Ne craignons rien pour l'enfant, il est l'esprit moderne,
ni pour la mre qui le met au monde, car, quoi qu'on
fasse, la Rpublique vivra !
O u i , mes frres, la Rpublique vivra;elle vivra,
malgr les obstacles que l'on lve sur sa route pour
entraver sa marche rgulire, incessante vers l'avenir.
Depuis notre dernier banquet de Rveil maonnique,
de grands vnements sont survenus. Dans cette salle,
que nous occupons ce soir, nous tions runis, voil
quelques mois, tous, l'esprit tranquille, le cur plein
d'esprances.
Un pais nuage a passe sur notre soleil ! L'horizon s'est
assombri ; les tnbres se sont de nouveau rpandues sur
la terre. Une nue d'hommes noirs, chasss des nations
o rgnent des gouvernants intelligents, s'est abattue sur
cette terre o florissait la libert. Ces partisans de la
nuit et de l'ignorance, laquelle ils sont attachs comme
la chenille s'attache l'arbuste qui la nourrit, ont Uni
par pntrer jusque dans les conseils de la nation, et l,
ces jsuites ! au nom d'un vieillard sur le bord de la
tombe, qui ne devrait savoir qu'aimer et bnir, ont
souffl la discorde, sem la haine et menac, peut-tre,
des foudres de l'Eglise, si l'on ne changeait point imm
diatement le chef du cabinet, l'honnte et modr rpu
blicain, notre ami Jules Simon.
Les perfides conseils de cette bande noire furent, il
parat, couts et suivis, et bientt aprs, tous les autres
citoyens qui possdaient la confiance de la nation,
portant haut le flambeau de la vrit, cherchant clairer
le genre humain sur les menes des clricaux, c'tait l
leur plus grand crime, furent obligs de quitter le pou
voir.
Depuis cet acte, la libert s'est voil la tte, et nous,
ses vrais amis, nous avons pris Yhabit de deuil : Gmissons t
gmissons!! gmissons!!! comme nous faisons dans le temple,
FR.-H.
82
h nos crmonies funbres; mais ne nous dcourageons
jamais !
((Le soleil n'est pas teint; la lumire reparatra
l'horizon; le dernier crpuscule de ces jours nfastes va
jeter ses dernires lueurs. Ayons toujours foi dans l'avenir.
La nuit ne dure qu'un temps. . Nous reverrons bientt
l'aurore. Une fourne, le 20 fvrier 487G, a chass nos
ennemis du pouvoir. Une autre fourne les chassera encore, et
avec eux, cette fois, PARTIRA L'HOMME qu'tfs nous oni
impos et qu'ils auront compromis.
Le sol qui nous porte ne peut fleurir sans soleil ;
l'esprit de l'homme ne peut vivre sans libert. Go n'est
qu'une clipse partielle, qui durera ce que durent les
clipses : l'espace d'un moment.
Dans la patrie de Voltaire, d'Edgar Quinet, de Michlet^
de Victor Hugo, de Littr, de Thiers et de Gambetta> on ne
pourrait rester bien longtemps opprim. Encore une fois,
ayons confiance, esprons !
Quand on est fort, on doit tre sans inquitude ; car
l'on n'a rien craindre. Et nous, mes frres, nous sommes
forts et sans crainte pour l'avenir, car nous puisons notre
quitude dans la constitution maonnique, qui nous
ordonne le respect des lois, quo nous respectons tous.
Pour rpondre au dsir de nos frres anglais, j e
propose do boire la Rpublique franaise, l'union des
nalions, l'Angleterre et la France en particulier.
Si, en prsence d'une pareille attitude, qui est celle de
tout l'Ordre, le gouvernement reste impassible, les Jsuites,
dont la Franc-Maonnerie a demand la suppression aux
frres et amis du Snat et de la Chambre des dputs,
seraient en droit, ce me semble, de payer de retour ces
aimables sectaires. Mais, comme il y atout lieu dpenser
que les disciples de saint Ignace ne se livreront pas des
reprsailles de ce genre, il est bon que les citoyens, pour
lesquels l'galit devant la loi est autre chose qu'un vain
83
mot demandent formellement la suppression de tout
privilge, et, par consquent, la fermeture des Loges
maonniques.
Si j'avais l'honneur d'tre FFIOMME OU le gouvernement
de I'IIOMME que les Frres de Saint-Malo et autres lieux veu
lent faire partir la question serait vite rgle, et I'IIOMME
et son gouvernement ne tarderaient pas voir les affilis
se prsenter h eux, l'chin plie en deux, et protester de
leur dvouement, comme ils l'ont fait sous le gouverne
ment de juillet et en 1852. Inutile do dire que je ne croi
rais pas une mot do ces protestations, et que je continue
rais . traiter les bons Frres comme des conspirateurs
qui ont trahi tous les pouvoirs, aprs les avoir tous gale
ment flatts.
9
XIII
Une vrit qui ressemble & un paradoxe
En agissant ainsi, I'IIOMAIE et son gouvernement ren
draient h la Rpublique un signal service. Je ne crains
mme pas d'affirmer que, s'ils laissent la Franc-Maonne
rie jouer le rle politique qu'elle joue en ce moment, c'en
sera bientt fait de la forme rpublicaine.
En 187G, le lendemain des lections, je publiais une pe
tite brochure intitule : Nous y voil, dans laquelle j'an
nonais avec prcision quels allaient tre les faits et
gestes de la Chambre.
J'avais peu de mrite prophtiser ainsi, ayant sous
les yeux le programme que les Arrire-Loges venaient
d'imposer h tous les candidats rpublicains souponns
de modrantisme. Cette pice tait signe, dans chaque
84
circonscription, par le principal intress. Douze ou
quinze membres du comit lectoral, choisis ad hoc,
conservaient chacun un exemplaire authentique du con
trat, avec mission de citer l'lu leur barre, s'il n'tait
pas fidle ses engagements.
Je vais rappeler, en les accompagnant d'un petit com
mentaire, les dix articles dont se compose ce document.
Le candidat s'engageait soutenir de son vote les
revendications de la dmocratie dont voici le rsum :
1 La dchance del dynastie impriale sera main
tenue .
(Cet article est assez inoffensif, attendu que les dynas
ties n'attendent pas d'ordinaire, pour s'implanter dans un
pays, le bon vouloir de la Chambre que leur avnement
doit faire disparatre.)
2 La constitution ne devra jamais tre rvise dans
le sens d'une monarchie quelconque .
(En d'autres termes, le candidat s'obligeait fouler
aux pieds la constitution vole par l'Assemble natio
nale, attendu que celte constitution reconnat aux dl
gus du peuple franais le droit de la rviser comme bon
leur semblera, quand le jour de la rvision sera venu.)
3 On revendiquera toutes les liberts politiques sup
primes par l'Empire et les gouvernements antrieurs.
(Cet article est d'une lasticit inquitante. Voudraiton revendiquer les liberts de 93, que Napolon I avait
jug propos d'liminer.)
er
4 Parmi ces liberts figurent en premire ligne : la
libert de la presse, la libert de runion, la libert
d'association, la libert des cafs et des cabarets, les
liberts municipales les plus larges .
5 Le candidat s'engage voter contre toute modifi
cation de la loi civile concernant le mariage dans le sens
des ides clricales .
(Cet article est la ngation pure et simple de la libert
de conscience des catholiques, que l'on pourra, le cas
chant, traiter en parias ; tandis que les athes, les juifs,
les calvinistes et les mahomtans verront leurs droits
scrupuleusement respects.)
6 Il votera pour la lacit absolue de l'enseignement
tous les degrs, lequel devra tre obligatoire et gratuit.
(Les rdacteurs du programme auraient d ajouter : et
matrialiste. C'est ainsi que les Loges entendent respecter
les droits du pre de famille qui ne veut pas de renseigne
ment absolument laque, ou de l'enseignement sans Dieu.)
7 Il rclamera l'obligation du service militaire pour
tous, sans exception ( aucune sorte .
(Si on tient ramener la France un tat de barbarie,
dont rougiraient probablement les Ttes-Plates et les
Peaux-Rouges, que l'on permette la Franc-Maonnerie
d'appliquer cet article, et la chose sera faite ; car il n'y
aura plus, ds lors, ni instituteurs, ni professeurs, soit
prtres, soit laques. Tout le monde sera soldat.)
8 U devra demander la rvision de l'impt, de
manire frapper le revenu ^
86
(Chacun, sauf les pauvres chez lesquels tout se rduit
des quantits ngatives, devra payer l'Etat les six sep
times de son revenu net, au risque de faire maigre
chre et de laisser la moiti de ses terres en friche. De
cette faon, les impts s'lveront h un joli chiffre ; mais
il n'y aura rien de trop, car les adeptes entendent que les
fonctionnaires, les employs, les conseillers gnraux, les
conseillers d'arrondissement et les conseillers municipaux
soient grassement pays. Inutile de faire observer qu'eux
seuls pourront tre mis en possession de ces poslcs
lucratifs.)
9 Le scrutin d'arrondissement sera remplac par le
scrutin de liste .
(Cet article a pour but d'annihiler les influences locales
et de remplacer, quand on le jugera utile, les candidats
indignes par les bohmes sans feu ni lieu, les avocats
sans cause et les mdecins sans clientle, 4ont fourmille
Paris et que patronnent les Arrires-Loges.)
L'article 1 0 concernait l'tat de sige. Il n'a plus de rai
son d'tre pour le moment du moins.
Voil le programme, aux formes hypocrites, dont il
s'agissait de faire tout doucement l'application.
Si la chose n'a pas russi, c'est que le Snat est venu se
mettre en travers. Ajoutons que les hommes de la majo
rit n'taient pas la hauteur d'une pareille tche.
Pour un mandat de ce genre, il et fallu les sinistres
gants de la Convention nationale. Que pouvait-ou
obtenir de robins jaboteurs et sans intelligence, et des
bourgeois prudhommesques du centre gauche ? Rien, rien,
rienl
87
Vieillis avant l'ge, la plupart d'entre eux ont perdu,
dans les brasseries et autres lieux de moralisation
l'usage du peuple et des tudiants, le peu d'nergie qu'ils
avaient reu de la nature.
En 1870, au lieu de marcher & l'ennemi, on les vit se
cacher dans les bureaux de prfecture et ailleurs. Ils
n'eussent point vot alors le service obligatoire pour tous
sans exception ; car l'exception C'TAIT EUX !
Les Loges comptent encore des hommes courageux, je
le reconnais sans peine. Les uns sont l'le des Fins, les
autres sont en Suisse, en Angleterre, en Belgique, o ils
ont pu se rfugier, grce la complicit du gouvernement
de M. Thiers et aux passe-ports qui leur furent dlivrs
secrtement. Enfin, il en est quelques-uns qui ont trouv
la mort sur les barricades, victimes de leur propre fana
tisme. Mais, parmi les hommes en vue qui nous restent,
je ne dcouvre que des histrions et des ramollis qui
voleront des lois subversives sous la pression des Loges,
qui chanteront peut-tre :
Mourir pour la Pairie,
et qui iront se rfugier sous les orangers de n'importe
quel pays, le jour o ils apercevront une pointe de
baonnette.
Tels sont les hommes en prsence de qui nous
sommes placs.
XJV
Mes prvisions avant les lections du 14 octobre.
Voici ce que j'crivais dans les premiers jours de sep
tembre dernier, un mois et demi avant la runion des
88
collges lectoraux. Mes lecteurs reconnatront que la
sagacit ne m'a point fait dfaut :
Les 363 seront-ils une seconde fois nomms par les
lecteurs ? Je l'ignore.
Supposons que le Prsident se retrouve, en octobre
prochain, en face dola mmo majorit. Qu'arrivera-t-ii?
Nous verrons se renouveler, pendant un mois ou six
semaines, les scandales qui ont attrist la France en 1876,
lorsqu'eut lieu la vrification des pouvoirs,
(( Les dbats seront d'autant plus violents, que le Gou
vernement se trouvera ml cette fois la lutte des par
tis? Pourra-1-on voter le budget? Il est permis d'en
douter, la Chambre ne voulant ni du Marchal, ni de son
ministre.
Le conflit qui a clat en mai dernier renatra plus
aigu et compromettra les intrts du pays.
Dans le cas o la majorit se dciderait & aborder les
questions budgtaires, elle ne le fera qu'en donnant un
libre cours son fanatisme antireligieux. Le Gouverne
ment et le Snat, on peut l'affirmer sans prsomption,
refusrent de suivre dans cette voie les mandataires estam
pills dos Loges.
Que deviendront, au milieu de cette agitation, le
commerce et l'industrie? Que deviendra l'agriculture ellemme?
Or, comme un pareil tat de choses ne saurait tre de
longue dure, on se demande par quel moyen la France
arrivera sortir do cette impasse.
Ces moyens sont au nombre do deux :
a 1 La retraite du Marchal, volontaire ou force ;
2 La dissolution de la nouvelle Chambre ou la con
version du Pouvoir et du Snat aux doctrines radicales.
Dans les deux cas, la Rpublique aura vcu.
Le Marchal restera au pouvoir jusqu'en 1880. U s'est
trop nettement prononc au sujet de cette question, pour
qu'il soit possible de douter encore.
89
Essaiera-t-on del violence, comme on Ta fait en 1830
contre Charles X, et en 1848 contre Louis-Philippe ? Je ne
le pense pas: car le parti maonnico-radical est convaincu
qu'il y aurait danger le faire.
Reste la deuxime hypothse. La dissolution de la
nouvelle Chambre remettra tout en question, mais ne
rsoudra rien; car, le parti rpublicain n'obissant qu'
son irritation et les conservateurs continuant rester au
coin de leur feu, le jour des lections, les mmes hommes
seront rlus, quelques exceptions prs.
a Et, pour la troisime fois, tout sera h recommencer,
et de longs mois s'couleront au milieu de" ces luttes
intestines, et, mesure que les passions politiques s'exal
teront, les intrts du pays iront la drive ; et, pendant
que nous nous prendrons aux cheveux, les puissances
europennes qui soupirent aprs l'abaissement de la
France, travailleront sans relche nous faire descendre
au rang des Etats de troisime ordre.
J'ai encore suppos le cas peu vraisemblable o, le
Pouvoir excutif et le Snat se convertissant aux ides
politiques de la Chambre, il n'y aurait plus dissentiment.
Nous verrions alors tout le monde se mettre l'uvre
et raliser le programme que mes lecteurs connaissent.
J'affirme sans hsiter que, le jour o nos lgislateurs
seraient parvenus h raliser cet idal, la France offrirait
une image parfaite du chaos. Les conservateurs, se voyant
atteints dans leurs intrts matriels, et par cela mme
frapps au cur, ces intrts tant les seuls qui touchent
encore la plupart d'entre eux, se transformeraient subite
ment en moutons enrags. Les catholiques, blesss dans
leurs convictions religieuses, revendiqueraient nergique*
ment leurs droits. Les populations des campagnes, prises
de dgot la vue d'un pareil dsordre, irrites du gas
pillage qui en serait la consquence et du despotisme
qu'exerceraient sur eux les proconsuls au petit pied dont le
pouvoir central aurait soin de doter chaque dparlement,
appelleraient de leurs vux l'intervention d'un sabre.
90
Et le sabre ne tarderait pas se montrer l'horizon.
Et Ton verrait une fois de plus la France inonde de
sang et la Rpublique touffe par ceux qui affichent la
prtention de s'en faire les soutiens.
Il n'y a qu'une chance de salut pour les institutions
rpublicaines : LE SUCCS DES CONSERVATEURS AUX PROCHAINES
LECTIONS.
Cette proposition exprime, sous sa forme paradoxale;
une vrit presque lmentaire.
Supposons que la Chambre qu'on va lire se compo
sera en majorit de Bonapartistes, d'Orlanistes, de Lgi
timistes cl do Constitutionnels. Aucun intrt ne sera corn*
promis, une assemble de ce temprament ne pouvant et
ne voulant pas faire sur le corps social des expriences
dangereuses.
Nous arriverons sans secousse et d'une faon normale
1880.
Croyez-vous qu' cette poque les Bonapartistes, les
Lgitimistes et les Orlanistes ne formeront plus qu'un
seul et mme parti dispos rviser la Constitution en
faveur du mme prtendant?
Cela ne parat gure vraisemblable.
A qui donc la majorit ?
Probablement, trs-probablement, la forme rpubli
caine, grce aux conservateurs, qui auront trouv moyen
de la rendre supportable, en prouvant qu'elle peut s'allier
avec les intrts du pays.
En sera-t-il de mme si la Maonnerie triomphe et
que la boue des Loges, montant la surface, touffe Tl*
mont conservateur ?
Hlas!hlas 1
Le Gouvernement veut-il sauver la France ?
Qu'il fasse respecter les lois que l'on a dictes contre
es Socits secrtes et qu'il nettoie enfin les curies
d'Augias.
<c L seulement est le salut de la Rpublique I
91
XV
Mes prvisions au lendemain des lections.
Le rsultat des lections tait peine connu, que je
publiai les rflexions suivantes. A mes lecteurs de voir si
mes prvisions se sont ralises.
Si Ton avait su imposer silence aux journaux de la
secte et faire aux conspirateurs anonymes des Loges une
svre application des lois dictes, depuis quatre-vingts
ans, contre les Socits secrtes, le pril social tait con
jur. La France aurait eu devant elle trois ans de calme
intrieur et de prosprit relative. Peut-tre mme seraiton arriv h rendre moins redoutable l'chance de 1880.
Mais le ministre a agi mollement. Il s'est born h
pratiquer la candidature officielle, comme on Ta toujours
fait avant lui; il s'est content de manifester ses prf
rences, au lieu de frapper le pouvoir occulte qui menace
la socit d'un affreux cataclysme, et il atout compromis
par la plus inintelligente des modrations.
La rvolution est on ne peut mieux organise. C'est
une arme formidable dont les cadres se composent des
meneurs de la Maonnerie et de quelques imbciles qui
se croient appels jouer un rle dans leur pays, parce
qu'ils sont ambitieux et millionnaires.
Los chefs de la secte n'ignorent pas que le bourgeois
surveille sa caisse d'un il jaloux. Mais ils savent aussi
qu'il a conserv, comme un hritage dont il est fier, une
teinte de voltairianisme que rien ne justifie et que l'on
peut d'autant mieux utiliser en faveur de la rvolution.
Traiter de clrical un bourgeois bel esprit, c'est l'hu
milier profondment. Ecloso l'ombre du comptoir pater
nel et sous l'influence vivifiante des denres coloniales,
son intelligence ne saurait admettre les enseignements de
l'Eglise. Le cur de sa paroisse est pour lui un simple
tcignoiV) et le riche lettr du chteau voisin, un demeu
rant du sicle de tnbres.
92
Les Arrire-Loges savent leur bourgeois par cur et
exploitent, avec une habilet infernale, sa stupide vanit
et son philosophisgae idiot.
En d85i, nous appelions cela: Faire danser A?BUSARD.
Et le BUSARD dansa jusqu'aujour o Louis Napolon frappa
la secte et rendit le danseur son pouse. J'ai connu
quelques-uns de ces honntes boutiquiers dont les comits
insurrectionnels avaient jug propps d'utiliser le zle.
On ne se fera jamais une ide de leur pouvante au mo
ment du conflit. Dieu de Dieu , me disaient-ils plus
tard, que nous l'avons chappe belle !
Etant donnes les allures sceptiques du bourgeois,
qu'avaient faire, aprs le 10 mai, les chefs occultes de
la Maonnerie? Peu de chose, vraiment; il leur suffisait
de rpter chaque jour, et cela sans varier la formule:
Prenez garde ! si vous votez pour les candidats du gou
vernement, vous serez la proie des curs ! Et des mil
liers de nafs ont cru de la meilleure foi du monde que
MM. Decazes et do Fourtou ne rvaient que bchers et
billets de confession. Et le ministre, effray du pril qui
allait rsulter pour lui de celte manuvre de mauvais
plaisant, s'est ht d'aflirmer qu'il n'obissait en aucune
faon l'influence du clerg. La dclaration tait super
flue ; car tout le monde sait quoi s'en tenir sur le compte
de Messieurs les ministres, l'endroit de cette question.
Pour convaincre les plus entts, M, ecazes n'avait qu'
exhiber son tablier maonnique.
Ges protestations du Gouvernement taient prvues ;
mais on n'ignorait pas qu'elles serviraient les intrts de
la secte. Gomment refuser de croire aux noirs projets de
l'Eglise, alors que le chef du Pouvoir excutif sentait le
besoin de repousser, lui aussi, l'accusation de clricalisme?
ce Et le bourgeois a eu peur de cette pe formidable
dont la poigne est Rome et la pointe partout. Aussi le
14 octobre, il s'est drap dans sa robe de chambre et a
dclar avec emphase qu'il ne renierait pas les immortels
principes de 89.
Et le BUSARD a dans une fois de plus, et, avec lui, tous
les BUSONS de la classe ouvrire qui croient btement aux
bienfaits d'une rgnration impossible.
93
Et le joueur de flte s'est frott les mains, envoyant
danser aux accords de son fallacieux instrument BUSARDS,
BUSES et BUSONS.
Et M. Prudhomme, rentrant le soir son domicile,
rptait, non sans orgueil, son obse et respectable
moiti. : Le Pouvoir vient de recevoir une leon I
Eh oui, cher bonhomme, le Pouvoir a reu une leon
QUI VOUS COUTERA. CHER, grce l'exemple que
vous avez donn et la navet des lecteurs qdi vous
prennent pour un malin et suivent les conseils de votre
politique.
Avec cette absence absolue de sens commun qui le
caractrise, le bourgeois s'imagine que le Pouvoir et la
Gauche radicale vont se donner le baiser de paix et se faire
de mutuelles concessions, dans l'intrt du commerce et
de l'industrie. M. Prudhomme est visiblement domin
par le souvenir de ses brouilles conjugales et des scnes
attendrissantes qui les ont suivies. Hlas ! pourquoi fautil que j e dissipe ses illusions !
ce Voici, par peu prs, comment les choses vont se
passer. Je sais ce que veut la Maonnerie radicale ; mais
il peut se faire que des vnements imprvus l'obligent
modifier son programme. Quoi qu'il en soit, je n'hsite
pas affirmer que mes prvisions se raliseront dans leur
ensemble.
Nous verrons se renouveler les scandales parlemen
taires auxquels a donn lieu, en 187G, la vrification des
pouvoirs. L'Europe sera tmoin de scnes curantes.
M. Grvy tentera vainement de modrer ses troupes. La
chambre ne tardera pas h tre un fac-simil parfaitement
russi des runions publiques deBelleville (4).
Les uns proposeront l'invalidation en masse.de tous
les candidats officiels. Gambetla se bornera peut-tre
demander le renvoi dans leurs foyers de quatre-vingts con
servateurs, afin que sa prophtie sur les 363 revenus 400
se ralise la lettre. Et la voix de Gambelta sera coute,
moins que, l'amour des principes l'emportant, on ne
supprime les deux cents et quelques candidats du Marchal.
(i) On sait maintenant que mon apprciation n'avait rien d'exagr.
94
La Droite ne se laissera pas excuter sans mot dire.
Aux invectives de la Gauche elle rpondra par de sanglantes
apostrophes, et si Gambetta ne se dcide pas rendre
compte des 243 millions disparus sous sa dictature, c'est qu'il
refusera obir aux sommations des conservateurs (1).
Pendant que les lus du suffrage universel se prendront
aux cheveux, les affaires commerciales seront frappes de
paralysie. L'industrie chmera, les faillites se multi
plieront, Paris surtout. Certains manufacturiers cl bon
nombre de commerants que je pourrais nommer se
rjouiront in petto la vue de ce gchis et prieront leurs
cranciers de les laisser tranquilles. Les gens nafs, qui
n'y comprenaient rien quelques mois auparavant, s'expli
queront alors avec facilit le zle dmocratique de leurs
dbiteurs au moment de la priode lectorale.
Mais, h ct de ces gens-l, se trmousseront les hon
ntes badauds de la bourgeoisie qui s'taient gravement
propos de faire la leon au .Marchal. Je vous le prdis,
M. Prudhomme, avant six mois vtre commerce battra de
l'aile et votre caisse fera mine do sonner creux (2).
Ajoutez ces transes du monde commercial l'agita
tion lectorale qui sera la consquence force des invali
dations que rve dj la majorit, et vous pourrez a
priori vous faire une ide exacte de notre situation int
rieure.
Croyez-vous que celte nouvelle et coteuse exp
rience ouvrira les yeux du peuple ? Assurment non.
Quelles que soient les normits dont la Gauche se rendra
coupable, les foules n'hsiteront pas affirmer que la
responsabilit des vnements doit retomber tout entire
sur les clricaux et le Pouvoir. Le bourgeois rvolution
naire, qui a perdu le pou de raison qui lui restait au
contact del politique et des journaux, sera du mme
avis.
u Malheureusement des symptmes prcurseurs no
tarderont pas rvler aux yeux des moins clairvoyants
(1) N'est-ce pas ce qui est arriv?
(2) Me snis-je tromp? Nous sommes encore loin de l'explosion de pro
sprit promise par le ministre du 13 dcembre.
95
l'existence du pril social que Ton s'obstine traiter de
chimre.
Ce pril, que la stupidit de la bourgeoisie voltairienne n'a pas vu, est nos portes ; il menace l'Europe
d'une liquidation violente.
En 93, la classe moyenne fit sa rvolution. Plus tard
elle prpara la chute de Charles X et crut que le pouvoir
lui tait dfinitivement acquis par l'avnement de LouisPhilippe.
Illusion i
Les journes de fvrier dissiprent tout coup ce
rve du bourgeois politicien, et le Socialisme se montra
aux regards effars de la finance, du commerce et de
l'industrie, sous la forme peu rassurante des ateliers
nationaux.
a Arrt brusquement dans sa marche, en 1852, le
Socialisme n'a pas tard reprendre le cours de ses op
rations, grce aux complaisances de Napolon III, dont
les radicaux ont grand tort de mdire.
VInternationale a fait des progrs d'autant plus
rapides, que les dangereuses utopies qu'elle prne sont
mles des revendications quitables.
Je n'ai pas tudier ici une question aussi complexe.
Je le ferai, j'espre, un peu plus tard. Qu'il me suffise de
constater, en attendant, que le jour est venu o le bour
geois devra songer tout autre chose qu' donner des
leons au Pouvoir.
L'ouvrier fait valoir des droits et affiche des prten
tions que ne peut contester cette classe industrielle qui
tend abjurer tout principe religieux.
Comment ! vous no croyez rien, si ce n'est la for
tune et aux jouissances qu'elle procure; vous laissez
entendre vos ouvriers qu'il n'y a pas de Dieu; qu'ils
sont libres, dans tous les cas, de se moquer de ses pr
ceptes; vous leur prchez.le nihilisme, vous tuez en eux
l'esprance, vous leur apprenez mpriser tout ce que
respectaient nos pres; et vous voudriez que ces victimes
de l'ingalit sociale acceptassent leur sort sans mur
murer ! Quels sont donc vos droits la fortune ? Estce que la terre n'appartient pas celui qui dispose de la
96
force? Vous avez reu, dites-vous, vos proprits, vos
rentes, votre industrie en hritage. Mas au moyen de
quel principe croyez-vous nous persuader que certains
hommes ont le droit d'accaparer la fortune publique et
do la transmettre h leurs descendants ? Si, du moins,
vous consentiez nous faire participer votre luxueux
bien-tre ! Mais non ! vous tes ptris d'gosme, et vous
voulez assurer vos enfants une commode oisivet. Bour
geois de 89, qui vous lcs appropri les dpouilles de la
vieille aristocratie, en vous associant aux massacres de 9 3 ,
comme le chacal s'associe aux tueries de la panthre
dont elle suit les traces et utilise les dbris, vous voulez
donc, oubliant votre origine, former votre tour une
caste privilgie, pire sent fois que celle des anciens
nobles; car ils taient soldats, eux, et ne manquaient pas
toujours de gnrosit, tandis que vous n'avez ni lva
tion de caractre, ni entrailles pour le malheureux, ni le
moindre courage en face du pril !
Ce langage, qui parat exagr, est bien celui que les
Arrire-Loges tiennent leurs adeptes, celui que les ora
teurs des congrs socialistes ne cessent de faire entendre
depuis plus de dix ans.
<c Je mets le bourgeois rvolutionnaire au dfi de
rfuter les arguments dont la Maonnerie se sert pour
battre en brche le droit de proprit. Que Ton no vienne
pas invoquer l'autorit des lois. Quand on supprime l'ide
de Dieu, les lois ne sont plus et ne peuvent plus Cire qu'un
instrument de despotisme.
Le socialiste vous dira que les lois conservatrices
sont exclusivement l'uvre des conservateurs, qui, en les
diclant, n'ont consult que leurpropre intrt. Pourquoi
ne ferait-on pas une lgislation socialiste, sile Socialisme
a la majorit pour lui ?
Or, je vous l'affirme,la secte aies gros bataillons de
son ct.
En voulez-vous la preuve ? Il m'est facile de vous la
donner.
1 Le Socialisme s'appuie sur le suffrage universel
comme sur une base inbranlable. Tous les citoyens fran
ais collaborent au mme titre et dans les mmes propos
y?
lions au gouvernement du pays. Le millionnaire et le
grand industriel sont devenus les gaux de l'homme sans
fortune, quand il s'agit de choisir les administrateurs des
deniers publics. Souvent celui qui n'a pas d'impts
payer reoit la mission de voter l'impt au gr de ses
caprices. Nos Chambres comptent dj bon nombre de
leurs membres qui, ne possdant rien, n'ont aucun intrt
protger le droit de proprit. Si tous peuvent parti
ciper la gestion de la chose publique, et dans une
mesure gale, c'est que tous en ont le mme droit ; c'est
que le droit de proprit n'est qu'un droit relatif, ou
plutt n'est pas un droit, puisqu'il peut 6tro modifi,
amoindri, ou mme supprim par celui qui ne possde
rien, tant une fois admis que la lgalit constitue le
droit, et que la lgalit n'est et ne sera dsormais que
l'expression de la volont populaire manifeste par le suf
frage universel.
2 Le Socialisme rclame depuis longtemps une magis
trature lective tous les degrs, la justice du peuple
tant la seule justice que l'on puisse admettre, justice
variable, comme les tendances, les apptits et les passions
del masse lectorale.
3 Le Socialisme poursuit la sparation de l'Eglise et
de l'Etat, c'est--dire la suppression du clerg, parce que
le clerg prche aux peuples des dogmes et une morale
qui ne sauraient se plier aux caprices de la lgalit popu
laire.
a 4 Le Socialisme demande que l'on rige en loi l'en
seignement gratuit et obligatoire, en dpit des intrts
apparents des classes populaires, afin de constater ainsi
l'galit absolue des droits et des devoirs de toutes les
familles, l'endroit d'une question purement fiscale.
Mais, si les devoirs sont les mmes pour tous, les droits
ne peuvent tre diffrents ; et de l'instruction gratuite
et obligatoire, donne par l'Etat et aux frais de l'Etat,
aux rveries du Saint-Simonisme, la distance est bien
petite.
5 En attendant que le droit de proprit soit confis
qu au profit de la nation, on en sapera les bases au
moyen de l'impt sur le revenu.
FU.-M.
98
u 6 L'arme elle-mme devra disparatre et faire place
une organisation nouvelle.
Tel est le rsum des doctrines socialistes. Tel est
aussi le programme de la nouvelle Chambre, programme
qu'elle s'efforcera de raliser, si les vnements lui per
mettent de vivre jusqu'en 1880.
Qui ne sait que la majorit de nos reprsentants est
dvoue ceux que l'on est convenu d'appeler les mar
tyrs de la Commune, lesquels n'ont t et ne sont que les
aptres militants du Socialisme ?
Le proltariat du monde onlier , dit un crivain qui n'est pas
suspect, attend le jour de la vengeance gnrale, comme les Juifs
attendaient Je Messie. Lorsque ce jour viendra, il n'y aura plus que
deux partis eu prsence : les pauvres et les riches .
La tentative de la Commune , lisons-nous dans un des organes
les plus autoriss de l'Internationale, n'est qu'un pisode dans la
rvolution sociale qui a commenc son mouvement ; qu'elle russisse
ou qu'elle choue, elle sera utile de toute manire a la cause de
tous... Les dfaites que uous avons subies jusqu'ici ont toujours
servi la cause dos ouvriers : elles ont contribu au progres do la
classiiicatiou sociale; elles ont amen une sparation plus tranche;
elles ont donn conscience d'elle-mme a la classe ouvrire et lui
ont appris a lutter avec plus d'nergie et de liai ne contre la
raction .
* La Rpublique de 1793 tait un soldat ; la Rpublique de 1871
est uu ouvrier , s'criait un chef de l'insurrection communaliste.
a Quelques jours aprs le h septembre, un des mem
bres les plus influents de l'Internationale crivait ce qui
suit. Je conseille au bourgeois de mditer ce morceau :
La piteuse Uu du Soulouque imprial nous amne au pouvoir les
Favre et les G-amhetta. Rien n'est chang. La puissance est toujours
a la bourgeoisie. Dans ces circonstances, le rle des ouvriers ou
plutt leur devoir est de laisser cette vermine bourgeoise faire ia
paix avec les Prussiens (car la honte de cet acte no se dtachera
jamais d'eux), de ne pas les a Hennir pur des meutes, mnis de pro
fiter des liberts que les circonstances vont apporter, pour organiser
toutes les forces de la classe ouvrire. La bourycotxie, qui v&t dans
ve. moment affole de son triomphe, ne s\tprreevrt* pua tout (Vabord
des progrs de l'organisation,
et pour le jour de la
vritable
guerre les travailleurs seront prts,
A l'uvre sans relche jusqu'il la rvolution sociale !
u A bas la bourgeoisie ! Vive l'Internationale !
99
Ceux auxquels s'adressait celte missive ont lu
Bonnet-Duverdier pour leur reprsentant.
Il parat donc que les frres et amis sont toujours
l'uvre et qu'ils prparent avec ardeur la grande liqui
dation.
a Que le BUSARD se dispose danser le quadrille final.
XVI
Alliance de la Maonnerie franaise avec les ennemis
de la France.
La situation est d'autant plus redoutable, que les chefs
de la rvolution, en France et ailleurs, ont abjur tout
patriotisme. Pour eux, il n'y a plus de foyer domestique.
La famille n'est qu'un mot dnu de sens, et l'ide de
nationalit une aberration d'esprit.
Le Radicalisme est avant tout cosmopolite. Aussi le
personnage qui a aujourd'hui la prtention de gouverner
la France est une sorte d'italien mtin de gascon, qui a
pour lieutenant un badois d'origine. Des aventuriers,
dans les veines desquels ne coule pas une goutte de sang
franais, disposent de notre avenir comme dlgus de la
Maonnerie prussienne ; car, je le rpte, le pouvoir re
doutable qui dirige en ce moment les Loges du monde
entier a son sige h Berlin. Aussi avec quelle ardeur les
reptiles allemands n'ont-ils pas soutenu les candidatures
radicales, et avec quelle effronterie les radicaux franais
ne se plaisaient-ils pas faire parade des tmoignages de
sympathie que leur prodiguaient les organes avrs de
M. de Bismark I II faut que la France soit descendue
bien bas pour accepter de semblables humiliations. Voil
pourtant les hommes qui ont dispos, pendant six mois,
100
du sang de nos enfants, de notre honneur et de nos finan
ces. Ils nous parlent de libert, et ils Font foule aux pieds
lorsqu'ils taient au pouvoir. Ils dclament contre les
candidatures officielles, et ils dclaraient inligible toute
une classe de citoyens ; et ils crivaient leurs prfets :
Gote que cote, il faut que nos amis triomphent ; et ils
autorisaient les administrateurs s'imposer comme can
didats leurs administrs. Ils songeaient h mettre en accu
sation le ministre du Marchal, pour avoir exerc j e ne
sais quelle pression lectorale et employ les deniers de
l'Etat faire de la propagande en faveur des candidats
officiels; et, dictateurs de l'incapacit, ils ont sacrifi
l'arme de l'Est, et ils ont gaspill les finances de l'Etat
la faveur de nos dsastres, si bien que 243 millions ont
disparu, sans qu'ils puissent en indiquer l'emploi. Us se
plaignent de je ne sais quels abus de pouvoir, et ils ont
fait une rvolution en face de l'ennemi, ce qui doit tre
considr comme un crime de lse-nation ; et ils ont vio
lemment dispers le Corps lgislatif et le Snat ; et ils ont
supprim les conseils gnraux et les conseils de prfec
t u r e ; et ils ont frapp arbitrairement les journaux qui
refusaient de se faire leurs courtisans ; et ils ont prpar
la Commune et patronn les fusilleurs d'otages, pour les
quels, en ce moment encore, ils organisent des loteries
clandestines !
Est-ce que toute notion de justice aurait disparu, estce que tout sentiment d'honneur serait touff, pour
qu'on ne songe pas faire une svre application des lois
. ces bandits politiques ?
.Ne devrait-on pas, une fois pour toutes, rgler le
comptes arrirs ?
101
L'Assemble nationale a nomm des commissions et
public des rapports que Ton peut consulter. Est-ce que
ces documents moisiront dans nos archives, sans qu'au
cune sanction vienne les appuyer !
Les gouvernements rguliers ne comprennent donc pas
que de pareils exemples d'impunit contribuent fatale
ment touffer dans l'esprit des populations toute espce
de sens moral !
Je l'ai dit, il y a deux mois, et je le rple avec instance,
l'intrt de la France exige absolument que la FrancMaonnerie disparaisse, quels que soient le nom dont elle
s'affuble et la forme qu'elle revt. Que l'on fasse une
enqute minutieuse sur les agissements des Loges, et l'on
ne tardera pas se convaincre de l'imminence et de la
gravit du pril.
Est-ce que les lois contre les Socits secrtes seraient
tombes en dsutude ?
Est-ce que les correspondants parisiens de la Maon
nerie allemande et italienne ne se rendent pas chaque
jour coupables du crime de haute trahison ?
Le Gouvernement pourra se convaincre, s'il le veut,
que l'Internationale n'a pas cess d'exister; que les chefs
de cette redoutable association sont galement les chefs
effectifs de la Maonnerie ; que les dignitaires officiels de
l'Ordre n'exercent aucun pouvoir rel ; que toutes les
Loges de France et de l'tranger correspondent entre
elles ; qu'elles s'occupent de politique bien plus que de
bienfaisance ; que la conduite tenir vis--vis des gouver-
102
nements est rgle, d'un commun accord, entre les
adeptes; que l'attitude hostile ou bienveillante de la
presse infode, h l'endroit de telle ou telle question, lui
est toujours, ou presque toujours impose par la haute
Loge charge de la direction de l'Ordre ; enfin que la
Franc-Maonnerie franaise reoit le mot d'ordre de
Berlin, sans nul souci de nos intrts.
Si des vnements qu'il est impossible de prvoir ne
viennent pas modifier les plans de la secte, l'Europe sera
bientt le thtre de nouveaux dsastres ; car le jour
approche o l'on essaiera de raliser le programme du
carbonarisme italien, programme que j'ai fait connatre
en partie dans un chapitre prcdent.
Je me borne demander un crdit de quelques mois
ceux qui seraient tents de m'accuscr de pessimisme.
XVII
Lettres du cardinal Mathieu et de l'vque de Nmes.
Je crois utile de publier ici l'extrait d'une lettre du
cardinal Mathieu, ancien archevque de Besanon. Je
l'emprunte h un travail de M. Pages, publi rcemment
chez Taranne, rue Cassette, 3 3 , Paris.
Besanon, 7 avril 1875.
1
u . . . . Je suis h m interroger pniblement, et a savoir comment il
se fait que lus puissants de <;e sicle ne regardent pas intime autour
troux, et si prs d'eux, ce qui les mine et qui les ronge, en attendant
leur renversement complet. Je suis trs-persuad que In plup.nl des
grands et sinistres vnements de nos jours ont t prpars et
consomms parla Franc-Maonnerie. II va, dans non pays, un dtail
que je puis vous donner comme certain. Il y eut b Francfort, en lT^'o",
une assemble de francs-maons on furent convoqus deux hommes
considrables de Besanon qui faisateut partie do cette socit :
103
M. de Raymond, inspecteur des postes, et M. Maire de Bouligney,
prsident du Parlement.
Dans cette runion, le meurtre du roi de Sude et celui de
Louis XVI fut rsolu. MM. de Raymond et de Bouligney revinrent
consternes, on se promettant de ne jamais remettre les pieds dans
une loge et de se trardor le secret. Le dernier survivant Ta dit il
M. Bourbon, qui est mort prs de quatre-vingt-dix uns, possdant
toutes ses facults. Vous avez pu en entendre parler ; car il a laiss
une grande rputation de probit, de droiture et de fermet, parmi
nous : je l'ai beaucoup connu, et pendant bien longtemps ; car je suis
h Besanon depuis quarante-deux ans, et il est mort assez rcemment.
Il a racont souvent le fait, et a moi et a d'autres. Vous voyez que
la secte sait, a l'avance, monter ses coups : c'est la, en deux mots,
son histoire.
Veuillez agrer, Monsieur,
l'expression de mes sentiments trs-distingus et trs-dvous.
Sign : f
CASAIRE,
Card. urch. de Besanon
P . S. M. Bourgon tait prsident de chambre honoraire
la cour.
Dans une lettre adresse Y Univers, Mgr l'vque de
Nmes a rcemment confirm les dtails qu'on vient de
lire, et les a corrobors en les appuyant de preuves nou
velles.
Uzfcs, le 25 janvier 1878.
Monsieur le Rdacteur,
a Vous avez publi dans votre numro du jeudi, 17 janvier, une
lettro de S. Em. Mgr le cardinal Mathieu, archevque de Besanon,
sur la part que la Franc-Maonnerie prit la mort de Louis XVI et
de Gustave III, en les condamnant par avance, ds 1785, dans
l'assemble gnrale des loges convoque en Allemagne. La Con
vention qui pronona la mort du roi de France, et le sectaire
furieux qui tua le roi de Sude n'ont fait qu'excuter la sentence
des loges.
Mon tmoignage n'ajoutera rien l'autorit du grand prlat ; mais
je puis confirmer sa lettre par des dtails qui ne sont pas sans
intrt, et qui m'ont t raconts souvent a Besanon, non-seulement
par M. le prsident Bourgon, mais par M. "Weiss, bibliothcaire de
la ville, membre de l'Institut, et le principal auteur de la Biographie
vnirwxcllf!, publie sous le nom do Michaud. M. Bourgon et
M. Weiss taient des gens de bien, dans toute la force du mot.
L'un avait plus de courage dans ses opinions, l'autre plus d'indul
gence pour les fautes de l'humanit. Tous deux avaient connu les
404
francs-maons et les conventionnels du dernier sicle ; ils pensaient
tous deux sur l'attentat du 21 janvier comme doit le faire tout
honnte homme ; ils moururent tous deux en chrtiens.
La Franc-Maonnerie avait t introduite a Besanon, vers le
milieu du dix-huitime sicle, par l'intendant de la province, M. de
Litroiv. Il s'tablit trois loges' qui se recrutrent dans le meilleur
inonde. La noblesse. In pnrlcmeut, le barrenu, plusieurs membres
du chapitre mtropolitain laissrent leur nom sur los listes de ces
logos primitives oi Ton clbrait la mdire, sans se douter que Ton
marchait h grands pas vers la ruine, l'exil et l'chnfaud. Il n'est
pas douteux que la bonne foi de la plupart de ces honntes yens
n'ait t surprise. Tmoin l'aven turc des trois dlgus a l'assemble
de 1785. Ces trois dlgus taient M. de Bouligney, prsident du
parlement de Franche-Comt ; M. Rougnon , mdecin minent,
professeur l'Universit, et M. de Raymond, employ tles postes.
Aprs avoir entendu jurer la mort de Louis XVI et de
Gustave III, les francs-maons bisontins jurrent entre eux de ne
plus remettre le pied dans une loge. Us tinrent parole. M. de Bou
ligney mourut en migration, M. Rougnon, dans sa ville natale, et
AL de Raymond, beaucoup plus jeune que les deux autres, leur
survcut jusqu'en 1837. Il tait membre de l'Acadmie des sciences,
belles-lettres et arts de Besanon, tournait facilement les vers, et
vivait dans une agrable intimit avec- les magistrats et les litt
rateurs do la province. Ce fut lui qui leur rvla le secret des loges
sur la condamnation de Louis XVI, a un age o Ton ne doit plus
au monde que la vrit.
m M. Weiss et M. le prsident Bourgon citaient encore sur ce
sujet les aveux du baron Jean Debry, prfet du Doubs. Franc-maon,
conventionnel et rgicide, ce personnage, que les vnements avaient
clair, joua Besanon un rle honorable, et dans les douze annes
qu'il y passa, de 1802 a 1814, aida puissamment a la rorganisation
de tous les services publics. U dtendit mme, non sans habilet ni
nergie, le clerg ildle contre le clerg asserment qui tait en
petit nombre, mais pour lequel Claude Lecoz, archevque de
Besanon, avait des prfrences marques. On l'amena plusieurs
fois, dans l'intimit de la conversation, a parler du jugement et
de la condamnation do Louis XVI. Sou vote pesait a sa conscience;
il ne l'excusait pas, il se bornait h l'expliquer.
J'tais parti de chez moi , disait-il, avec l'intention formelle
u de voter le bannissement du roi et non pas sa mort ; je l'avais
promis a ma femme. Arriv l'Assemble, on me rappela d'un
signe le serment des loges. Les menaces des tribunes achveront
u de me troubler : je votai la mort . Jean Debry ajoutait d'un air
mystrieux : On ne smira jamais si Louis XVI a't rellement
condamn la majorit de cinq voix.
Plusieurs croient que le bureau a pu modifier quelques votes,
avec, la complicit silencieuse de ceux qui les avaient'donns. Ou
m avait arrang en consquence le rcit des sances du Moniteur,
u Quand mme le vote tait public, personne, except les membres
* ilu bureau, n'en avait le relev absolument exact, La sance
105
avait dur deux jours et une nuit, et cette longueur contribua
rendre incertain le rsultat suprme. Mais on voulait en finir, et
la fameuse majorit de cinq voix a t peut-tre constate la
dernire heure pour s'pargner l'ennui d'un nouveau scrutin .
Il n'est pas inutile de publier tous ces aveux daus le temps on
nous sommes. Le crime du 21 janvier trouve assez d'apologistes qui
se prpareraient au besoin relever l'chafaud. Sachons ce qu'il en
a cot de remords h nos pres pour avoir tremp leurs mains dans
le sang du meilleur des rois et u quoi Ton s'expose en frquentant la
Franc-Maconneric.
*
Veuillez agrer, Monsieur,
l'expression de mon sincre et respectueux dvouement.
f
Louis,
rque de Nintes, Uss et Alais,
CONCLUSION.
Ce qu'taient les Francs-Maons avant 89, ils le sont
aujourd'hui, si ce n'est que le disme des anciens affilis
a fait place au matrialisme de nos Arrire-Loges.
Ceux qui croient encore la modration de la secte ne
tarderont pas tre dtromps. L'histoire est l pour
nous rappeler que partout o la Maonnerie s'est empa
re du pouvoir, on a vu la misre, les ruines et le sang
lui servir de cortge.
Si cela vous parat dur, vnrables FF.*, essayez de
prouver que je suis un imposteur, en me citant un SEUL
HOMME, parmi les chefs de la Commune, qui ne ft pas
initi, UN SEUL ! ! !
On nous a promis, dans un document que mes lecteurs
connaissent, une explosion de prosprit inconnue jusqu'
nous. Le commerce et l'industrie devaient prendre un
106
merveilleux essor, sous l'influence rparatrice de la Maon
nerie arrive au pouvoir.
KL la bourgeoisie, persuade que la presse radicale ne
pouvait ni s'abuser ni abuser la France, lorsqu'elle nous
prophtisait un nouvel ge d'or, a salu avec enthou
siasme le triomphe des candidats patronns par les ArrireLoges.
Les sectaires ont fait miroiter nos yeux la perspective
d'une paix fconde, et les avantages prcieux qui doivent
rsulter pour nous dos sympathies C Europe dmocratique.
Et YEurope dmocratique, reprsente par la Maonnerie,
ne veut ni de nous ni de notre alliance. Le carbonarisme
italien embote le pas aux frres d'Allemagne, qui obis
sent, h leur tour, avec une passivit complte, au grand
Matre do l'Ordre. Et le jour o M. de Bismark jugera
propos de jeter sur nos frontires du sud-est une arme
italienne, les Italiens marcheront. Je mets au dfi les
Maons du ministre et de l'assemble de dtacher les
Frres de la Pninsule des Frres d'Outre-Rhin. Et si
jamais la France tait de nouveau aux prises avec l'Em
pire d'Allemagne , nous verrions une fois de plus des
affilis franais abjurer tout patriotisme et trahir leur
pays au prolit de la secte ; car le Maon ne doit pas rgler
sa conduite d'APRS L'ESPRIT DE NATIONALIT OU
DE FAMILLE. Il sait, parce qu'on le lui a rpt souvent,
que la socit est dvore par le chancre de la sparation
des royaumes et qu'il faut, le cas chant, AVOIR LE COURAGE
m RENIER LE SENTIMENT DE PATRIE. Le F.-. Rcbold ne dclare-l-il pas que les efforts de la MAONNERIE tendent constamment touffer parmi les hommes
les prjugs de caste, les distinctions de couleur, origine,
107
opinion, de NATIONALIT? Ne cherche-t-on pas
persuader aux affilis qu'il est des cas o le PATRIOTISME
cesse i tre une vertu (1) ?
Que les profanes me permettent de clore ces Rvlations
par les lignes suivantes, que je ddie h mes anciens frres
chargs en France de la direction de l'Ordre :
Vous nous promettez la libert ; vous nous donnerez
la servitude. Il y a trop longtemps que vous commandez
en matres aux initis des grades infrieurs, pour suppor
ter que Ton pense autrement que vous.
Vous nous prchez la fraternit, et vous pratiquez
l'exclusivisme le plus rvoltant ; et vous chercherez
briser, au moyen de la perscution, ceux qui refuseront
d'admettre vos thories antisociales.
Vous nous parlez sans cesse de tolrance, et vous ne
tolrez que le servilisme, lorsque c'est vous qui comman
dez ; et Ton ne tardera pas voir le mensonge et le vice
braver impudemment la vrit et la vertu, si votre empire
s'affermit.
Vous faites rsonner bruyament les mots de lgalit et
de justice, et vous ne respectez la lgalit que lorsqu'elle
vous sert, et vous lui sacrifiez la justice toutes les fois que
la justice gne en quoi que ce soit vos apptits et vos
passions.
Vous dclamez avec emphase contre les dilapidations
de ceux qui vous ont prcds au pouvoir, et chaque fois
que le pays a eu le malheur de vous avoir pour chefs, on
a vu se vider les caisses de l'Etat, et les impts se multi
plier dans des proportions lamentables.
(\) Voir le chapitre v u , page O.
408
Tel est le rsum que tout homme impartial fera de
voire histoire.
J'ignore si votre rgne on Franco et en Europe sera
de longue dure ; ce que je sais, c'est qu'un jour viendra
o le bandeau qui couvre maintenant les yeux du peuple
tombera, et qu'alors vous serez poursuivis par les mal
dictions de ceux qui vous acclament en ce moment .
FIN
TABLE DES MATIRES
Pages.
.1 nos Lecteurs
ETAT D E
LA QUESTION
Notions prliminaires.
'
9
La Franc-Maonnerie avant la Rvolution
de 89
il
PREMIRE
PARTIE.
Fanatisme antireligieux de la Franc-Maonnerie
DEUXIME
19
PARTIE.
1. La Franc-Maonnerie est une socit politique. Ses tendances
antisociales
31
IL Une digression propos de la bienfaisance maonnique
:t(1
III. Les dupes dans la Franc-Maonnerie
19
TROISIME PARTIE.
I. Immunits dont jouissent les Loges
45
II. Une parenthse
47
III. Les Francs-Maons et 93
48
IV. O Ton prouve que la plnpart des Francs-Maons n'hsitent
presque jamais trahir leur pays
V. Les temps sont changs; mais les hommes et les sectaires restent
les mmes. 1870-1871
VI. Une objection
52
55
o
Vil. O Ton prouve que les Francs-Maons cherchent faire dispa
ratre le patriotisme
5D
VIII. Les Francs-Maons et le premier Empire
1)2
IX. Les Francs-Maons en 1848
fi
110
X. La Franc-Maonnerie "et Napolon III
71
XI. Le bourgeois ne rira pas toujours des thories maonniques
XII. Quelle est la situation de la Franc-Maonnerie vis--vis de la loi.
75
78
XIII. Une vrit qni ressemble un paradoxe
XIV. Mes prvisions avant les lections du 14 octobre
83
87
XV. Mes prvisions au lendemain des lections
91
XVI. Alliance de la Maonnerie franaise avec les ennemis de la France. 99
XVII. Lettres du cardinal Mathieu et de l'voque de Nimes
102
CONCLUSION
Bar-Ie-Duc - Typographie des
105
CLBBTIKS - BEEXRIKD