BANQUE DES MEMOIRES
Master de Droit et pratique des relations de travail
Dirig par Monsieur le Professeur Bernard Teyssi
2012
Le mdecin du travail
Andr-Franck Jover
Sous la direction de Monsieur le Professeur Bernard Teyssi
1
Universit Panthon-Assas
(Paris II)
LE MEDECIN DU TRAVAIL
Laboratoire de droit social
Institut dtudes europennes et
internationales du travail
par Andr-Franck Jover
Mmoire effectu en vue de lobtention du Master Droit et Pratique des Relations de Travail
Promotion Actance
Anne universitaire 2011-2012
2
ma mre, mon pre
3
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier,
Monsieur le Professeur Bernard Teyssi pour sa disponibilit, ses conseils et
surtout pour mavoir accord sa confiance,
Marie et Jean-Franois tant pour leur aide que leur patience,
La promotion Actance pour la solidarit dans leffort comme dans le rire.
Mes derniers mots sadressent la Rpublique, qui ma offert les moyens et le got
dapprendre.
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION ................................................................................................. 8
TITRE 1 LE STATUT DU MEDECIN DU TRAVAIL .................................. 41
Chapitre 1 Le contrat de travail .................................................................... 41
Chapitre 2 La responsabilit ......................................................................... 82
TITRE 2 LACTION DU MEDECIN DU TRAVAIL .................................. 102
Chapitre 1 La surveillance mdicale des salaris ....................................... 103
Chapitre 2 Laction en milieu de travail ..................................................... 172
CONCLUSION GENERALE ........................................................................... 201
5
Liste des abrviations
Al. Alina
Arch. Mal. Prof. Archives des maladies professionnelles et de lenvironnement
Arr. Arrt
Art. Article
Ass. Nat. Assemble Nationale
BIT Bureau international du travail
BOMT Bulletin officiel du Ministre du travail
Bull. Civ. Bulletin civil de la Cour de cassation
Bull. Crim. Bulletin criminel de la Cour de cassation
C. pn. Code pnal
C. sant. publ. Code de la sant publique
C. sec. soc. Code de la scurit sociale
C.civ. Code civil
C.trav. Code du travail
CA Cour d'appel
CAA Cour dappel administrative
CASF Code laction sociale et des familles
Cass. civ. Cour de cassation, chambre civile
Cass. crim. Cour de cassation, chambre criminelle
Cass. req. Cour de cassation, chambre des requtes
Cass. soc. Cour de cassation, chambre sociale
CC Convention collective
CCNE Comit consultatif national dthique
CE Conseil d'Etat
Chap. Chapitre
Chron. Chronique
Cir. Min. Circulaire ministrielle
Circ. Circulaire
CJCE Cour de justice des Communauts europennes
CJUE Cour de justice de l'Union europenne
Cons. Prudh. Conseil de prudhommes
D. Recueil Dalloz
D. Dcret
DGT Direction gnrale du travail
6
Dict. Dictionnaire
Dir. Directive
Dr. ouvrier Droit ouvrier
Dr. soc. Droit social
Ed. Edition
Et s. Et suivant(s)
Gaz. Pal. Gazette du Palais
ILO International Labour Organization
JCP S Juris-Classeur priodique (la Semaine juridique) Edition Sociale
JO Snat
Journal officiel du Snat
JOAN Journal officiel de l'Assemble Nationale
JORF Journal officiel de la Rpublique franaise
JSL Jurisprudence sociale Lamy
Juris. soc UIMM Jurisprudence sociale de lUnion des industries et des mtiers de la mtallurgie
L. Loi
LGDJ Librairie juridique de droit et de jurisprudence
N Numro
Obs. Observation
OIT Organisation Internationale du Travail
OMS Organisation Mondiale de la Sant
ONIAM Office national dindemnisation des accidents mdicaux
P. Page
Par. Paragraphe
PUF Presse Universitaire de France
RDT Revue de droit du travail
Rec. Recueil Lebon
Rp. Rponse
Rep. min.
Rponse ministrielle
Rev. jur. Soc. Revue de jurisprudence sociale
S. Recueil Sirey
SSL Semaine sociale Lamy
T. Tome
T. conflits Tribunal des conflits
TGI Tribunal de grande instance
Trib. correct. Tribunal correctionnel
V. Voir
7
La haute politique nest que le bon sens appliqu aux grandes choses
Napolon BONAPARTE, Maximes et penses.
8
INTRODUCTION
1. Des chiffres et des vies. 648 847 accidents du travail, 50 688 maladies
professionnelles. Telles sont les statistiques relatives la sinistralit en France pour lanne
2010. Au-del de lhexagone, le constat est encore plus criant. La journe mondiale de la
sant et de la scurit au travail du 28 avril 2012, axe sur lconomie verte
1
, rappelle avec
finesse que peu important sa couleur le travail tue. En 2005, le Bureau International du
Travail
2
prcisait que les accidents du travail et maladies professionnelles tuaient chaque
anne deux millions dhommes et de femmes
3
. Actualit oblige, la catastrophe de la centrale
nuclaire de Fukushima
4
a largement t relaye par les mdias, qui cherchent plus montrer
les dgts matriels et immdiats que les effets aux longs termes sur lenvironnement et la
population : quid des centaines de travailleurs irradis lors du refroidissement des racteurs de
la centrale nuclaire ? La faible mdiatisation de cette information au niveau international
rvle un manque de considration pour le thme de la sant au travail.
2. Prvention ou curation ? Sil est illusoire dteindre de tels flaux, les
Etats et organisations internationales mettent en place des dispositifs de prvention et de
curation afin de les rduire. La curation
5
, certes indispensable, traduit nanmoins un certain
fatalisme. Le mal devant tre combattu la racine, des dispositifs prventifs sont impratifs.
La France, dote de lune des lgislations les plus protectrices en la matire, a fait le choix de
la complmentarit : la curation est solide et gnralise par lintermdiaire dun systme de
protection sociale avanc. La prvention est plus jeune. Un panorama de ses principaux
acteurs simpose.
3. Galaxie de la sant au travail. Le droit de la sant et de la scurit au
travail se caractrise avant tout par la multiplicit de ses acteurs, dont les missions, au gr des
rformes lgislatives et rglementaires, ne cessent de se chevaucher. Cette galaxie contient
deux sphres complmentaires : les acteurs agissant au sein et en dehors de lentreprise.
1
http://www.ilo.org/safework/events/meetings/WCMS_175016/lang--en/index.htm.
2
Le BIT est le secrtariat permanent de lOrganisation Internationale du Travail (OIT).
3
Communiqu de presse commun BIT/OMS : le nombre des accidents du travail et des maladies
professionnelles continue d'augmenter. Le BIT et l'OMS lancent un appel commun pour la mise en place de
stratgies de prvention, 28 avril 2005.
4
Cet vnement sest droul lest du Japon le 11 mars 2011.
5
La curation englobe lensemble des dispositifs mis en uvre afin de soigner les lsions physiques ou
psychiques rsultant du travail.
9
4. Acteurs extra-entreprise. Les acteurs agissant en dehors de lentreprise
jouent un rle de conseil, daccompagnement ou de contrle auprs de lemployeur en matire
de sant et de scurit au travail. La question tant vaste, nous nous concentrerons sur le
cercle premier de ces acteurs. Premier protagoniste, linspecteur du travail est charg de
veiller lapplication du droit du travail et plus particulirement la lgislation propre
lhygine et la scurit. ce titre, il dtient un rle tant de conseil que de surveillance,
assorti dun pouvoir de sanction en cas dinfraction. Son action est complte par les caisses
dassurances retraite et de sant au travail (CARSAT), places sous la tutelle du ministre de
la scurit sociale, qui ont notamment pour but dtablir des rgles de prvention
individuelles
6
et collectives
7
ou encore de demander lintervention de linspection du travail
8
.
Au-del de cette action coercitive, la puissance publique a mis en place diverses institutions
conseillant les acteurs de la sant au travail tels que lInstitut national de recherche en scurit
(INRS)
9
et lAgence nationale pour lamlioration des conditions de travail (ANACT)
10
.
Enfin, dautres acteurs contribuent, dune manire circonscrite, la prvention des risques
professionnels en raison de la branche professionnelle concerne
11
ou du matriel utilis
12
.
5. Acteurs intra-entreprise. Les acteurs intra-entreprises, par essence au plus
prs des travailleurs, constituent les maillons essentiels de la prvention de la sant et de la
scurit des travailleurs. Le premier acteur est videmment lemployeur qui a pour mission de
faire respecter les dispositions lgales et rglementaires au sein de son entreprise
13
. Cette
obligation, sanctionne par une obligation de scurit de rsultat
14
, a pour corolaire
ltablissement dune responsabilit propre au travailleur : les salaris concourent ainsi la
prvention des risques professionnels en respectant les instructions quils reoivent de leur
6
Il sagit de mesures de prvention propres lactivit dun seul employeur.
7
Il sagit de dispositions gnrales applicables lensemble des employeurs relevant de sa comptence
territoriale.
8
C. sec. soc., L. 215-4 ; C. sec. soc., L. 421-2 ; C. sec. soc., L. 422-2.
9
Constitue en tant quassociation sous lgide de la Caisse nationale de lassurance maladie des travailleurs
salaris (CNAMTS), lINRS est une association ayant pour but daider les acteurs de lentreprise rsoudre leurs
difficults en matire de prvention des risques professionnels et de dvelopper de nouvelles techniques de
prvention.
10
LANACT est constitue de 25 associations rgionales (ARACT), finances par lEtat et les rgions et
rparties sur lensemble du territoire franais. Elle a pour objectif damliorer les conditions de travail des
salaris, lefficacit des entreprises et de favoriser lappropriation de mthodes de prvention par les acteurs de
lentreprise.
11
Il sagit par exemple du secteur du btiment et des travaux publics pour lequel toute entreprise doit adhrer
lOrganisme professionnel de prvention du btiment et des travaux publics (OPP-BTP).
12
De multiples organismes agres ont pour mission de contrler les installations, outils et environnements de
travail ncessitant une vrification ainsi que de conseiller les entreprises sur ceux-ci.
13
C. trav., art. L. 4121-1 et s.
14
Cass. soc. 17 fvrier 2010 n 08-44.298 . Indit.
10
employeur, notamment les consignes de scurit et les instructions dlivres dans le rglement
intrieur ou au cours de leur information et formation la scurit
15
. La loi du 20 juillet 2011
a renforc la prsence des salaris en crant des salaris comptents , dsigns par
lemployeur pour soccuper des activits de protection et de prvention des risques
professionnels au sein lentreprise. Ceux-ci peuvent bnficier, leur demande, dune
formation en matire de sant au travail
16
. Ils disposent du temps comme des moyens
ncessaires pour lexercice de leur activit et ne peuvent subir aucune discrimination en raison
de celle-ci
17
. Ce nouvel acteur fera ncessairement lobjet de prcisions administratives et
jurisprudentielles dans la mesure o ni le contenu de sa mission, ni ltendue de ses moyens
nont t prciss. En toute hypothse, le salari nest pas seul, puisquil dispose de
reprsentants. En matire de sant et de scurit au travail, deux acteurs se dgagent. Primo,
le comit dentreprise formule, son initiative, et examine, la demande de lemployeur,
toute proposition de nature amliorer les conditions de travail des salaris
18
. Au surplus, cet
organe doit tre inform et consult sur les problmes gnraux concernant les conditions de
travail rsultant notamment de lorganisation du travail, du temps de travail et des conditions
demploi
19
. Secundo, le Comit dhygine, de scurit et des conditions de travail (CHSCT)
dtient une place cardinale en ce quil est charg de contribuer la protection de la scurit et
de la sant physique et mentale des salaris au travers de diverses missions danalyse des
risques et de consultation sur les initiatives de lemployeur en la matire
20
. Dans les
entreprises de moins de cinquante salaris, les dlgus du personnel sont investis des
missions et obligations dvolues aux membres du CHSCT dans le cadre des moyens prvus
aux articles L. 2315-1 et suivants du Code du travail
21
. Enfin, en dehors de la reprsentation
du personnel, une institution est charge de prvenir toute atteinte la sant des travailleurs :
le service de sant au travail, plus communment nomm par la discipline quil exerce,
savoir la mdecine du travail
22
.
15
C. trav., art. L. 4122-1.
16
C. trav., art. L. 4644-1.
17
C. trav., art. R. 4644-1.
18
C. trav., art. L. 2323-1.
19
C. trav., art. L. 2323-27.
20
C. trav., art. L. 4612-1 et s.
21
C. trav., art. L. 4611-3.
22
Le service de sant au travail prsente des particularits ds le stade de son placement dans la galaxie de la
sant au travail. Pour certains, la majorit des services de sant au travail tant interentreprises, ceux-ci se situent
hors de lentreprise. Nous privilgions lide selon laquelle son principal acteur, le mdecin du travail, est lien
troit avec les travailleurs.
11
6. Ltoile brillante : la mdecine du travail. Au sein de la galaxie de la
sant et de la scurit au travail, une toile brille : la mdecine du travail. Celle-ci peut tre
dfinie de deux manires. Dun point de vue matriel, il sagit dune spcialit mdicale ayant
pour objectif de prvenir toute atteinte la sant physique et mentale des travailleurs. Dun
point de vue organique, il sagit de la mise en uvre institutionnelle de cette spcialit par
lintermdiaire des services de sant au travail
23
. Notre tude penchera indniablement vers la
seconde puisquil sagit doffrir une lecture de la mdecine du travail laune de la norme
juridique et plus prcisment de son principal protagoniste : le mdecin du travail.
7. Une discipline mal aime. La mdecine du travail na jamais t une
discipline en vogue. Pire encore, elle semble rejete par lensemble des personnes intresses.
Du ct de lemployeur, ce constat nest pas nouveau : le mdecin du travail ayant pour
mission premire dadapter le travail lHomme et non linverse, lternel conflit entre libert
dentreprise et sant des salaris apparat. En dehors de cette confrontation, nombre
demployeurs reprochent certains mdecins du travail de senliser dans un rapport
idologique avec lentreprise, en oubliant leur mission premire qui est le conseil. Il est vrai
que certains abus sont dplorer, notamment en matire de reconnaissance dinaptitude au
travail
24
. Du ct des salaris, le rejet de la mdecine du travail, loin dtre gnralis, est plus
difficile comprendre. Il sexplique avant tout par le fait que cette discipline gnre des
obligations pour le salari. Surtout, la matire renvoie la crainte, pour le salari, dtre
dclar inapte et par consquent de perdre son emploi
25
: ici, la confrontation noppose pas
lHomme au travail mais le droit lemploi au droit la sant
26
.
La profession mdicale nest pas sans reste. Au plan curatif, la mdecine du travail est raille
en ce quelle ne serait pas une vraie mdecine . Pourtant, mieux vaut prvenir que
gurir . Au plan prventif, les mdecins du travail eux-mmes admettent, pour partie,
lexistence de dceptions. Les jeunes mdecins peuvent se sentir freins par une discipline
fortement rglemente, o la libert daction est amoindrie. Pire encore, est constat depuis
plusieurs annes un dsintrt des tudiants pour une discipline noffrant pas les conforts
financiers de la mdecine librale. Cela met en lumire le mal le plus profond de la mdecine
23
C. trav., art. L. 4622-1 et s.
24
Sont vises les dclarations dinaptitudes mais aussi la croissance des avis daptitude avec rserves dont la
mise en uvre par lemployeur peut savrer trs dlicate.
25
Sauf cas exceptionnels, cette affirmation est une ide reue car le mdecin du travail prend soin de consulter le
salari avant de reconnatre son inaptitude.
26
H. Dorlhac de Borne, La mdecine du travail : plaidoyer pour lavenir, Dr. social n7/8 1987.
12
du travail : la pnurie de professionnels
27
. Cette pnurie, au cur dpres dbats et
controverses, pose elle-mme la difficult plus globale des ambitions estudiantines, centres
sur les niveaux de rmunrations, au dtriment du contenu mme des formations et
professions : lettres, sciences humaines et mdecine sociale steignent progressivement au
profit denseignements conditionnant les tudiants, au lieu de forger leurs esprits.
8. Une discipline cardinale. Nonobstant cette dsaffection, la mdecine du
travail demeure, laune des enjeux en prsence, une discipline cardinale en matire de sant
et de scurit au travail. Lenjeu est avant tout symbolique : la naissance institutionnelle de la
mdecine du travail est le fruit de lHistoire franaise, dune volont de reconstruction dune
Nation dtruite par le nazisme. Elle constitue aujourdhui, au-del de la question mdicale ou
juridique, un hritage dont nous sommes tous garants ainsi que lune des facettes de notre
modle social. Lenjeu est ensuite social : la pratique de la mdecine du travail a dmontr,
except loccasion de certains vnements dramatiques
28
, tout lintrt dune matire
contribuant la rduction des risques professionnels et donc la mise en uvre dune
politique de sant publique. Lenjeu est enfin financier : la mdecine du travail, par essence
prventive, tend rduire la place du systme de rparation des risques professionnels dont la
charge financire est colossale. Dans un contexte de rduction des dficits publics, la voie de
la prvention na jamais paru aussi lgitime.
9. Afin de dgager les problmatiques du sujet, nous offrirons un panorama du
cadre daction du mdecin du travail (Section 2), aprs avoir mis en lumire sa discipline au
prisme de lHistoire et de la norme trangre (Section 1).
27
La pnurie de mdecins du travail est comparer la pnurie de jeunes syndicalistes dans les entreprises, qui
amnera certainement rformer une nouvelle fois le droit syndical.
28
Lexemple le plus marquant est le drame de lamiante.
13
Section 1 - La mdecine du travail, au-del des ges et des frontires
Sous-section 1 Au-del des ges
10. Lhistoire de la mdecine du travail dvoile trois priodes dingales
intensits : au-del de fondements thoriques (1), la discipline a progressivement t
reconnue (2) pour ensuite tre institutionnalise (3). Depuis plusieurs dcennies, un
processus de mutation est perceptible (4).
1 : Les fondements
11. Les fondements de la mdecine du travail ont pour particularit de reposer
sur quelques hommes qui, au fil des sicles, ont apport leur pierre ldifice de la discipline.
12. Lre antique : du sicle de Pricls Marc-Aurle. Noys dans les
innombrables travaux dHippocrate, quelques documents dcrivent la colique de plomb,
maladie contracte par les ouvriers mtallurgistes : un lien entre sant et travail est ralis. Au
fil des annes, ce lien est rappel : Claude Galien, mdecin de Marc-Aurle, a produit prs de
cinq cents traits lors de son passage lcole des gladiateurs. Lun dentre eux traite de la
mortalit des hommes travaillant dans les mines de cuivre.
13. Lre mdivale. partir des avances mdicales offertes par la civilisation
arabe, lEurope du XIIIe sicle connait un essor considrable en la matire. Le lien tiss entre
mdecine et travail, quoique fragile, volue pour passer de constatations des tudes
approfondies. Cest ainsi quArnaud de Villeneuve, mdecin et alchimiste provenal, publie
deux ouvrages prcurseurs nomms Lhygine professionnelle et Les maladies des
mtiers , o sont analyss plusieurs facteurs nuisibles (chaleur, humidit, poussire)
pouvant causer des troubles aux ouvriers.
14. Lre moderne. La mdecine du travail, qui nest pas encore nomme
comme telle, franchit une tape supplmentaire lors du passage de lpoque mdivale aux
temps modernes. Cela se matrialise par le passage dune recherche de spcialistes de la sant
une action publique : en 1604, Henri IV ordonne le prlvement dans chaque mine dune
portion de minerai destine rmunrer un chirurgien ou acheter des mdicaments afin
que les pauvres blesss soient secourus gratuitement, et que, par cet exemple de charit, les
14
autres soient plus encourags au travail des dites mines . Sous le rgne de Louis XIV,
Colbert, surintendant puis contrleur gnral des Finances, met en place une politique
conomique interventionniste : parmi de multiples mesures conomiques, la politique mise en
place par Henri IV pour les mines est reprise pour les travailleurs des arsenaux.
15. Le pre fondateur : le Professeur Ramazzini. Bernardino Ramazzini,
Professeur lUniversit de Modne, a offert une description pointue des maladies
professionnelles et de leurs symptmes dans son clbre ouvrage intitul Trait des
maladies des artisans . Ces crits ont servi de rfrence en la matire pendant prs de deux
sicles et ont amorc lmergence des thories hyginistes. Hritier de ces travaux, Percivall
Pott, chirurgien britannique du XVIIIe sicle, a tabli un lien entre une substance chimique et
le cancer du scrotum chez les jeunes ramoneurs londoniens. Les fondements thoriques de la
mdecine du travail sont ainsi poss. LHistoire transforma ces fondements en prmices.
2 : Les prmices
16. Llment dclencheur : la rvolution industrielle. Se dfinissant comme
le passage, laune du rationalisme, dune socit agricole et artisanale une socit
industrielle et commerciale, la rvolution industrielle constitue la pierre angulaire de la
cration de la mdecine du travail. Cette mutation, au cours du XIXe sicle, des pays
dvelopps a engendr des migrations de populations des campagnes vers les villes,
accompagnes de nouveaux risques professionnels. Les conditions de travail, dplorables,
tuent bon nombre de travailleurs. Face ce flau, la Loi sinvita, difficilement, dans
lHistoire.
17. Louis-Ren Villerm : vers la naissance dune lgislation sociale. Aprs
avoir t chirurgien des armes napoloniennes, Louis-Ren Villerm ralise une enqute sur
ltat physique et moral de la classe ouvrire, aboutissant louvrage Le tableau de ltat
physique et moral des ouvriers . Ds 1840, la notion de risques psychosociaux, bien qu
ltat primaire, est envisage. Les conclusions de lintress sont criantes : dure de travail
infernale, salaires drisoires, conditions de travail dplorables. La misre de ceux qui taient
nomms ngres blancs est dcrite avec prcision. Fort de ce constat, merge un
mouvement dopinion favorable la classe ouvrire, conduisant la promulgation de la
premire loi sociale franaise le 22 mars 1841, relative la limitation de la dure du travail
des enfants. Protagoniste majeur de cette avance sociale, Louis-Ren Villerm prconise, ds
15
1850, la mise en place de moyens prservatifs afin de limiter ou dviter le risque
professionnel.
18. Cette naissance lgislative samplifie progressivement pour offrir une
lgislation sociale de plus en plus structure : cration de linspection du travail
29
, mise en
place dune assurance pour les risques professionnels
30
, cration dune commission dhygine
industrielle auprs du ministre du travail
31
. La norme sociale franaise sest ainsi construite
autour du thme de la sant et de la scurit au travail. Toutefois, la prvention demeure ce
stade rsiduelle : il sagit plus de rparer le dommage que de le prvenir.
19. La socit civile. La socit civile, de plus en plus soucieuse de la
prvention des risques professionnels, favorise la mise en place dun modle prventif
compltant la voie curative : le 1
er
octobre 1905, le premier enseignement dhygine
industrielle est mis en place au Conservatoire National des Arts et Mtiers (CNAM) par
Frdric-Louis Heim de Balzac ; en juin 1906 Milan, la Commission permanente
internationale de Mdecine du travail est cre. Quelques annes plus tard, les prmices de la
mdecine du travail laissent place son institutionnalisation.
3 : Linstitutionnalisation
20. Linstitutionnalisation de la mdecine du travail sest effectue lentement,
au point quon puisse distinguer sa prparation (I) de sa conscration (II).
I. Histoire de linstitutionnalisation
21. Une mise en place rsiduelle. Sous limpulsion dAlbert Thomas,
linspection mdicale des usines darmement est cre en 1916, afin dtablir une mdecine
prventive. Paralllement, le corps des surintendants, organe constitu dassistantes sociales et
infirmires dusine, est institu. Plus globalement, des institutions spcialises se dveloppent
progressivement dans les industries prives, o des mdecins dusines sont employs. Bien
29
L. du 9 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles et des femmes dans les tablissements industriels.,
Section VI Inspection, art. 17 et s.
30
L. du 9 avril 1898 sur les responsabilits des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail.
31
D. du 11 dcembre 1900.
16
que lenseignement de la mdecine du travail connaisse un essor important
32
, son application
au sein des entreprises resta limite et intimement lie aux moyens des entreprises ainsi
quaux secteurs dactivit concerns.
22. Le rgime de Vichy. Linstitutionnalisation de la mdecine du travail est
amorce le 1
er
juin 1940, par lintermdiaire dune instruction crant des services mdico-
sociaux et de scurit dans certains tablissements, exerant leurs missions sous lautorit du
chef dentreprise. Par une loi en date du 28 juillet 1942, la mdecine du travail est gnralise.
Ses objectifs sont pervertis par le rgime de Vichy et le patronat qui lutilise comme un
moyen de slectionner la main duvre. Durant ces heures sombres, leugnisme atteint
lentreprise.
II. Une institutionnalisation historique
23. Libration. La mdecine du travail telle quelle existe aujourdhui constitue
un hritage de lHistoire franaise. la fin de la seconde guerre mondiale, la France labore
un systme de protection sociale ct duquel figure une loi quelque peu oublie : la loi
n46-2195 du 11 octobre 1946 instituant la mdecine du travail. Cette loi pose les jalons de la
mdecine du travail franaise, articule autour de quatre piliers cardinaux : caractre priv,
gnral et obligatoire de la mdecine du travail, financement par lemployeur, orientation
exclusivement prventive et spcialisation des mdecins du travail. Ce socle fondamental a
progressivement t modifi, au point quon puisse parler dune nouvelle priode de la
mdecine du travail : sa mutation.
4 : La mutation
24. Toute institution volue, au gr des mutations de la socit. La mdecine du
travail nchappe pas cette rgle et a fait lobjet, tout au long de la Ve Rpublique, de
rformes successives modifiant son visage. Trois temps sont perceptibles.
25. Acte I : Prvention primaire. Dans un souci de reconstruction, la
mdecine du travail a initialement t institue afin dassurer la surveillance mdicale des
32
V. notamment la cration, au sein de la Facult de mdecine de Lyon de lInstitut Universitaire de Mdecine
du Travail en 1930 ainsi que louverture d'un Institut d'hygine industrielle et de mdecine du travail la Facult
de mdecine de Paris le 15 avril 1933.
17
salaris
33
. Les lendemains de la Libration ont laiss place aux Trente Glorieuses et son lot
de mthodes de rationalisation du travail. Pour rpondre aux nouveaux enjeux de la sant au
travail, le Gouvernement a entendu favoriser la prvention primaire, par lintermdiaire de
laction en milieu de travail, en instaurant la notion de tiers-temps
34
. Cette ambition a t
valide par la directive europenne du 12 juin 1989 relative lamlioration de la scurit et
de la sant des travailleurs
35
, dont lune des ambitions premires est la mise en place,
lchelle europenne, dune prvention primaire des risques professionnels.
26. Acte II : Pluridisciplinarit, prvention primaire et sant publique. Une
seconde phase, plus rcente, accrot la transformation de la mdecine du travail. Primo, la loi
de modernisation sociale du 17 janvier 2002 change lappellation des services de mdecine
du travail dsormais nomms services de sant au travail
36
. Loin dun simple jeu
smantique, cette rforme annonce une profonde mutation de la mdecine du travail en
envisageant la pluridisciplinarit des services de sant au travail
37
: la volont du lgislateur
est de mobiliser un ensemble de comptences ncessaires la prvention et lamlioration
des conditions de travail, dpassant la seule action mdicale. Secundo, ce cap est maintenu
lors de la rforme de 2004, dont se dgagent deux axes majeurs : favoriser laction en milieu
de travail et rduire la priodicit des visites mdicales. Tertio, la loi n2004-906 du 9 aot
2004 relative la politique de sant publique ajoute une nouvelle dimension la mdecine du
travail : le service de sant au travail participe la veille sanitaire prvue en matire de sant
publique.
27. Acte III : Approfondissement de la mutation. La troisime tape
mutagne de la mdecine du travail est avant tout une renaissance. Initialement, la rforme de
la mdecine du travail est intgre ou cache - la loi du 9 novembre 2010 relative la
rforme des retraites. Le Conseil Constitutionnel censure ces dispositions
38
, qualifies de
cavalier lgislatif
39
. Suite ce bref rappel au lgislateur des principes lmentaires du droit
33
S. Fantoni-Quinton, G. Leclercq., P-Y. Verkindt, P. Frimat, Un avenir pour la sant au travail sans aptitude
priodique est possible... : JCP S n48, 29 nov. 2011.
34
D. du 20 mars 1979. La notion de tiers temps consiste pour lemployeur prendre toutes les mesures pour
permettre au mdecin du travail de consacrer ses missions en milieu de travail le tiers de son temps de travail.
35
V. par. n36.
36
L. n2002-73 du 17 janvier 2002., art 193.
37
La pluridisciplinarit consiste en la mise en place, autour du mdecin du travail, dune quipe de
professionnels mdicaux ou paramdicaux ayant des comptences en matire de sant au travail.
38
Conseil Constitutionnel, 9 novembre 2010, n 2010-617 DC. Recueil, p. 310.
39
Est considr comme cavalier lgislatif tout article de loi nayant aucun lien avec le projet ou la proposition de
loi dans laquelle il est insr. Cette pratique est prohibe par le Conseil Constitutionnel laune de larticle 45 de
18
constitutionnel, un projet de loi spcifique est tabli, aboutissant la loi n2011-867 du 20
juillet 2011. Ce phnix lgislatif sinscrit dans la continuit des prcdentes rformes de
la mdecine du travail. Ce souci de prennit se traduit par plusieurs lignes directrices.
Sagissant de lorganisation du service de sant au travail, le rle de lemployeur dans
ladministration des services de sant au travail est instaur. Paralllement, le lgislateur opte
pour un renforcement du statut protecteur du mdecin du travail. Sagissant de laction des
services de sant au travail, trois lments sesquissent : la conscration de la
pluridisciplinarit des services de sant au travail, une nouvelle rduction de la priodicit des
visites mdicales et la mise en avant de laction en milieu de travail. Toutefois, si les
nouveaux visages de la mdecine du travail apparaissent, nous verrons que certains points
restent flous.
28. Acte IV : vers une mort lente ? Les dcrets dapplication de la loi n2011-
867 du 20 juillet 2011 tant parus le 31 janvier 2012, nous ne pouvons rendre compte de
lapplication de cette rforme. Toujours est-il quun lment de taille permet dentrevoir le
futur: la pnurie de mdecins du travail. Ce phnomne, dont nous analyserons les multiples
consquences, irrigue lensemble de notre analyse. terme, si la tendance nest pas
renverse, la question ne sera plus danalyser les mutations de la mdecine du travail mais sa
disparition.
Sous-section 2 : Au-del des frontires
29. La mdecine du travail sexprime que la frontire soit inexistante (1) ou
existante (2).
1 : Linexistence de la frontire
30. Linexistence de la frontire permet lmancipation de deux sphres : le
droit international de la mdecine du travail (I) et le droit de lUnion europenne relatif la
sant et la scurit au travail (II).
la Constitution de 1958 aux termes duquel tout projet ou proposition de loi est examin successivement dans
les deux assembles du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Sans prjudice de l'application des
articles 40 et 41, tout amendement est recevable en premire lecture ds lors qu'il prsente un lien, mme
indirect, avec le texte dpos ou transmis .
19
I. Le droit international de la mdecine du travail
31. Quand le pass prvoit lavenir. Il suffit de se rendre Genve pour
comprendre que la sant et la scurit au travail constitue la proccupation premire de
lOrganisation Internationale du Travail (OIT)
40
. Un comit dexperts mixte OIT/OMS a, ds
1950, prcis les objectifs de la mdecine du travail dans les termes suivants : promouvoir et
maintenir le plus haute degr de bien-tre physique, mental et social des travailleurs dans
toutes les professions ; prvenir tout dommage caus la sant de ceux-ci par les conditions
de leur travail ; les protger dans leur emploi contre les risques rsultant de la prsence
dagents prjudiciables leur sant ; placer et maintenir le travailleur dans un emploi
convenant ses aptitudes physiologiques et psychologiques . Ce document, g de soixante
deux ans, na pas pris une ride en ce quil envisage la mdecine du travail comme discipline
deux branches, lune relative la prvention collective des risques professionnels (action en
milieu de travail), lautre relative la surveillance mdicale et individuelle des salaris, tant
en matire de sant physique que mentale.
32. Recommander nest pas exiger. La conception internationale de la
mdecine du travail repose sur plusieurs recommandations de lOIT, au premier rang
desquelles apparat la recommandation n112 de 1959 sur les services de mdecine du travail,
qui dgage plusieurs principes : mdecine prventive, varit des modes dorganisation
(services autonomes, interentreprises), indpendance (passant par lexistence dun statut
protecteur) et spcialisation du mdecin du travail, existence dquipes de sant au travail
sous la responsabilit du mdecin du travail. En ralit, cette recommandation, qui nest que
le fruit des lgislations mises en place par les pays dvelopps, a pour objectif dinciter des
pays moins dvelopps mettre en place des normes relatives la mdecine du travail
41
.
Ces principes directeurs ont t prciss par la recommandation n171 de 1985 relative aux
services de sant au travail. De 1959 1985, le droit international comprend quune mutation
de la mdecine du travail est ncessaire : les services de mdecine au travail laissent place
aux services de sant au travail . Enfin, le caractre multidisciplinaire de ces services ainsi
que limportance dinformer et dduquer les travailleurs sont voqus.
En synthse, le droit international de la mdecine du travail est un droit ambitieux, voire
visionnaire. Toutefois, il pche par labsence de caractre coercitif. Dans certaines rgions du
40
Lentre de lOIT est en effet jalonne de statues de travailleurs ralisant des tches physiques pnibles.
41
Desoille H., Scherrer J., Truhaut R., Prcis de mdecine du travail, Masson, 3
e
Edition. p. 11.
20
monde, o le souci dharmonisation se faisait sentir, le passage dun droit recommand un
droit exig sest fait sentir.
II. Le droit europen de la sant et de la scurit au travail
33. Exiger nest pas prciser. Pourquoi parler de droit de la sant et de la
scurit au travail et non de mdecine du travail ? La rponse est simple : il nexiste pas de
lgislation europenne sur la seconde matire. Le droit de lUnion europenne offre en effet
larchitecture du thme de la sant et de la scurit au travail, en se rfrant notamment aux
services de prvention et de protection mis en uvre par lemployeur, mais laisse les Etats
libres pour lappliquer.
34. Un droit fondamental. La comptence de lUnion europenne en matire
de sant et de scurit au travail repose sur la Charte europenne des droits fondamentaux,
aux termes de laquelle tout travailleur a droit des conditions de travail qui respectent sa
sant, sa scurit et sa dignit
42
. De ce droit fondamental dcoule un objectif de protection
de la sant et de la scurit des travailleurs, faisant lobjet dune action lchelle
communautaire, consistant harmoniser les lgislations nationales par le biais de directives
europennes.
35. Le choix de la directive. Le droit driv de lUnion europenne dtient
deux principaux instruments permettant lharmonisation des lgislations nationales : la
directive, qui lie tout Etat membre destinataire quant au rsultat atteindre tout en laissant
aux instances nationales la comptence quant la forme et aux moyens ; le rglement, dot
dune porte gnrale, dune force obligatoire et directement applicable dans tout Etat
membre. En matire de sant et de scurit au travail, lUnion europenne a opt pour le
premier instrument, ce qui rvle quil sagit dun domaine sensible. Cette position est
logique dans la mesure o les Etats membres les plus dvelopps disposent dune lgislation
globalement satisfaisante en matire de sant et de scurit au travail, lenjeu tant de
favoriser lmergence dune lgislation minimale dans des rgions moins dvelopps tels que
les pays dEurope de lEst
43
. Le droit de lUnion europenne relatif la sant et la scurit
au travail repose sur deux piliers, dingales importances.
42
Charte des droits fondamentaux de lUnion europenne 2010/C 83/02., art 31. 1.
43
Dclin des services de sant dEurope centrale et orientale, Travail n42 mars 2002.
21
A. La directive fondatrice
36. Directive-cadre du 12 juin 1989. La pierre angulaire du droit de lUnion
europenne est la directive n89/391 du 12 juin 1989, dite directive-cadre concernant la
mise en uvre des mesures visant promouvoir lamlioration de la scurit et de la sant des
travailleurs au travail. Transpose en droit franais par la loi n91-1414 du 31 dcembre 1991,
elle pose les jalons de la politique de prvention des risques professionnels europenne. Deux
principes cardinaux sont tablis. Primo, lobligation pour lemployeur de prendre les mesures
ncessaires pour la protection de la sant et de la scurit des travailleurs
44
. Cette rgle dor
engendre lobligation pour lintress dinformer, consulter, former et faire participer les
travailleurs pour toute question touchant la scurit et la sant au travail
45
. En outre,
lemployeur doit recourir des personnes ou services de prvention et de protection
46
: cette
rgle constitue le fondement europen de la mdecine du travail franaise. Dailleurs, les
rformes successives de la mdecine du travail ont t effectues au prisme de cette
obligation. Lensemble de ces obligations la charge de lemployeur ont pour corolaire
linstauration de devoirs pour les travailleurs, chargs de prendre soin, selon leurs possibilits,
de leur scurit et de leur sant ainsi que de celle des autres personnes concernes du fait de
leurs actes ou de leurs omissions au travail, conformment leur formation et aux instruction
de lemployeur
47
.
B. Les directives complmentaires
37. Directives ad hoc et conception . la directive cadre, squelette de la
sant au travail, sest agrge de la chaire via des directives ad hoc et des directives
conception
48
. Les directives ad hoc sont le fruit des caractristiques de la directive-cadre,
qui ne vise aucun risque particulier. Elles sont nombreuses et propres des facteurs de risques
particuliers : lieux de travail
49
, industries extractives par forage
50
, agents chimiques
51
, bruit
52
ou encore vibrations
53
. Les directives conceptions portent quant elles sur la conception
et la mise en circulation des moyens de travail plutt que sur leurs conditions dutilisation
44
Dir. 89/391/CEE du 12 juin 1989., art 6.
45
Dir. 89/391/CEE du 12 juin 1989., art 10 12.
46
Dir. 89/391/CEE du 12 juin 1989., art 7.
47
Dir. 89/391/CEE du 12 juin 1989., art 13.1.
48
M. Babin., Sant et scurit au travail, Collection Lamy Axe Droit, 2011.
49
Dir. n89/654/CEE du 30 novembre 1989.
50
Dir. n92/91/CEE du 3 novembre 1992.
51
Dir. n98/24/CEE du 7 avril 1998.
52
Dir. n2003/10/CE du 6 fvrier 2003.
53
Dir. n2002/44/CE du 25 juin 2002.
22
permettant lharmonisation des normes techniques, notamment sagissant des machines
54
,
quipements de protections individuelles
55
ou substances et prparations dangereuses
56
.
2 : Lexistence de la frontire
38. Lorsque la frontire existe, chaque pays pose son empreinte sur la mdecine
du travail. Lanalyse comparatiste est souvent utilise pour justifier lexistence dune norme
ou sa modification, voire sa suppression. Il sagira ici de dmontrer que le droit franais de la
mdecine du travail savre tre lun des plus avancs au monde. Ce voyage nous amnera
explorer des droits continentaux (I), anglo-saxons (II) pour enfin partir vers lEst (III).
I. Les droits continentaux
A. Allemagne
39. Sources. Le texte fondateur de la mdecine du travail allemande est la loi
du 12 dcembre 1973 relative aux mdecins d'entreprise, ingnieurs de scurit et autre
personnel spcialis en matire de scurit du travail
57
. Celle-ci a t prcise par la loi du 25
septembre 1996
58
.
40. Diplme. Le mdecin du travail a ncessairement une qualification
particulire en matire de mdecine du travail , sacqurant par lintermdiaire du diplme
de mdecine du travail ou du diplme de mdecin dentreprise.
41. Mdecin salari ou libral. Les relations de travail tisses entre le mdecin
et lemployeur doivent donner lieu la conclusion dun contrat crit, qui a la forme dun
contrat de travail (activit salari) ou dun contrat de louage de services (activit librale). En
cas dexercice libral de la mdecine, le mdecin du travail peut disposer dune clientle
prive notamment constitue dentreprises. En toute hypothse, le mdecin du travail
conserve son indpendance mdicale et est tenu par le secret professionnel.
54
Dir. n2006/42/CE du 17 mai 2006
55
Dir. n89/686/CEE du 21 dcembre 1989.
56
Dir. n67/548/CEE du 27 juin 1967 ; Dir. n1999/45/CE du 31 mai 1999.
57
Gesetz ber Betriebsrzte, Sicherheitsingenieure und andere Fachkrfte fr Arbeitssicherheit
(Arbeitssicherheitsgesetz)., art 1
er
.
58
BGBl. 1996 I, p. 1476.
23
42. Missions. Le mdecin du travail dtient une double mission : la surveillance
mdicale des salaris et lassistance de lemployeur lorsquil est confront tout problme
mettant en jeu la protection de la sant des travailleurs, notamment en matire de conditions
de travail, et dans le cadre de la prvention des accidents
59
.
B. Belgique
43. Sources. Le droit belge a transpos la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989
par lintermdiaire de la loi du 4 aot 1996 relative au bien-tre des travailleurs lors de
lexcution de leur travail qui, comme en France, impose lemployeur de crer un service
interne de prvention et de protection au travail (SIPP) ou, dfaut, de recourir un service
externe agr de prvention et de protection au travail (SEPP). Laction de ces services relve
de mdecins du travail, titulaires dun diplme en mdecine du travail
60
et chargs de
conseiller lemployeur en matire de prvention.
44. Nature du contrat. La nature du contrat du mdecin du travail diffre en
fonction de la nature du service de prvention : dans les SIPP, le mdecin du travail est
ncessairement titulaire dun contrat de travail ; dans les SEPP, la relation contractuelle peut
se traduire par un contrat de travail ou un contrat dentreprise (mdecine librale).
45. Nomination du mdecin du travail. La nomination du mdecin du travail
suppose laccord pralable du comit pour la prvention et la protection au travail ( dfaut de
ladministration de lhygine et de la mdecine du travail) ainsi que laccord, sollicit par le
conseil dadministration du service de prvention, du conseil paritaire de ce mme service.
46. Excution du contrat. Dans lexercice de ses fonctions, le mdecin du
travail est protg et encadr : protg car il bnficie du principe dindpendance tant vis--
vis de lemployeur que des salaris
61
; limit en ce quil est tenu au secret professionnel, tant
pour les donnes propres la sant des travailleurs quen matire dinformations relatives
lactivit de lentreprise
62
. Le secret professionnel nempche pas le mdecin du travail de
59
Gesetz ber Betriebsrzte, Sicherheitsingenieure und andere Fachkrfte fr Arbeitssicherheit
(Arbeitssicherheitsgesetz)., art 3.
60
Arrt royal du 27 mars 1998 relatif aux services externes pour la prvention et la protection du travail.
61
L. du 4 aot 1996.
62
Rglement gnral pour la protection du travail (RGPT)., art 148 septis.
24
partager avec le personnel de lquipe mdicale des informations relatives la sant des
travailleurs dans la mesure o il est lui-mme tenu cette obligation
63
.
47. Rupture du contrat. La rupture du contrat du mdecin du travail, quil soit
de travail ou dentreprise, fait lobjet dun encadrement lgislatif avanc impliquant une
notification pralable crite et lavis de plusieurs organes comptents en matire de sant au
travail. Si lemployeur maintient sa volont de rompre le contrat du mdecin du travail, une
voie de conciliation est mise en place, supple par un recours contentieux en cas dchec.
Lorsque lemployeur ne respecte linterdiction de licenciement prise par lorgane de
conciliation ou le juge, une indemnit est octroye au mdecin du travail
64
.
C. Espagne
48. Sources. La directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 a t transpose en droit
espagnol par la loi 31/1995 relative la prvention des risques professionnels, elle-mme
prcise par voie dcrtale : lemployeur doit mettre en place un service interdisciplinaire de
prvention comprenant un mdecin du travail charg de surveiller et contrler la sant des
travailleurs
65
.
49. Service de prvention et pluridisciplinarit. En fonction du nombre de
salaris concerns, lemployeur doit mettre en place un service de prvention interne ou
recourir un service de prvention externe. LEspagne a, comme la France, abandonn la
terminologie de service mdical dentreprise afin de consacrer la mise en place dquipes
pluridisciplinaires de sant au travail. Ces quipes, composes de mdecins du travail,
infirmiers, ergonomes ou encore psychosociologues, doivent dsormais tre diriges par des
spcialistes des risques professionnels ou par les mdecins du travail eux-mmes. LEspagne
a donc fait le choix, contrairement la France, dune gestion professionnelle et non paritaire
des services de sant au travail.
50. Formation. Le mdecin du travail espagnol est spcialis. Comme en
Allemagne, deux diplmes ouvrent droit lexercice de cette profession : le diplme de
mdecin dentreprise ou celui de mdecine du travail.
63
Code de dontologie mdicale belge., art 59.
64
L. du 28 dcembre 1997 garantissant la protection des mdecins du travail.
65
D. royal 39/1997 sur les services de prvention.
25
51. Contrat de travail. Quelle que soit la nature du service de prvention, le
mdecin du travail est toujours titulaire dun contrat de travail, ce qui nenlve rien au duo
indpendance professionnelle et secret professionnel.
II. Les droits anglo-saxons
52. Les droits anglo-saxons sillustrent globalement par leur laconisme en
matire sociale. En Grande-Bretagne (A) comme aux Etats-Unis (B), la mdecine du travail
nchappe pas ce constat.
A. Grande-Bretagne
53. At will . Si une certaine prise de conscience est perceptible, la promotion
de la sant au travail en Angleterre reste contingente et prcaire
66
. Dans la mesure o aucun
texte nimpose la mise en place de la mdecine du travail, celle-ci sest forge sur la base du
volontariat patronal. La loi du 26 aot 1992 relative la gestion de la sant et de la scurit au
travail impose simplement une valuation suffisante et adquate des risques pour la sant et la
scurit des travailleurs. Lintress doit ainsi veiller procurer aux travailleurs une
surveillance mdicale adquate . Sur la base de cette obligation gnrale, lemployeur
dispose dune libert daction.
54. Diversit des modes de prvention. La rgle de droit tant pauvre, il
convient de recenser la pratique des relations de travail. La mdecine du travail connat ainsi
de multiples visages, qui diffrent en fonction de la taille de lentreprise. Dans les grandes
entreprises, des services de sant au travail composs dquipes mdicales (mdecins
gnralistes ou spcialistes, infirmires) sont frquemment mis en place. Dans les moyennes
entreprises, le recours aux services de sant au travail interentreprises voire des centres
hospitaliers est plus frquent. Enfin, dautres modes de prvention sont tablis tels que le
recours des mdecins gnralistes ou simplement des infirmires spcialises en sant au
travail. La pratique anglaise se traduit donc par une multiplicit doffres de prvention et un
libre choix de lemployeur qui, libralisme oblige, peut facilement permuter dun mode de
prvention un autre.
66
L. Krietzman, La promotion de la sant au travail en Angleterre : Safework Bookshelf, International Labour
Organization (ILO).
26
55. Nature du contrat. Par principe, le mdecin est gnraliste. Le droit
franais tend progressivement se rapprocher de cette vision de la mdecine du travail, plus
par ncessit quenvie. La nature de la relation contractuelle dpend directement du mode de
prvention choisi par lemployeur : si ce dernier a opt pour un service de sant au travail
autonome, le mdecin bnficiera dun contrat de travail langlaise ; dans les autres
situations, les relations de travail sont prvues aux termes dun contrat de louage de services,
lexercice de la mdecine tant alors libral.
B. Etats-Unis dAmrique
56. Action gouvernementale. La hausse progressive du nombre daccidents du
travail, principalement au cours des annes 1960, a favoris ladoption, en 1970, de la loi sur
la scurit et la sant au travail, crant ladministration de la scurit et de la sant au travail
(OSHA). La mise en uvre de cette lgislation est donc principalement le fruit de laction
gouvernementale, par le biais dorganisations fdrales.
57. Entreprise et rparation. Pour complter cette politique fdrale, les
services de scurit et de sant au travail agissent au niveau de lentreprise. La conception
amricaine de la sant au travail se focalise historiquement sur la rparation, au dtriment
de la prvention des risques
67
, les services de sant au travail se concentrant ainsi sur le
traitement des lsions physiques des salaris
68
. Comme son cousin anglais, le droit amricain
offre une diversit des modes de prvention en fonction de la taille de lentreprise : dans les
grandes entreprises, ceux-ci relvent essentiellement des services de scurit et de sant au
travail tandis que dans les entreprises de moindre taille, la sant des travailleurs est
gnralement assure par des hpitaux, tablissements de soins ou cabinets de mdecins
69
.
67
Sharon L. Morris, P. Orris, Les services de sant au travail aux Etats-Unis : introduction : Safework
Bookshelf, International Labour Organization (ILO).
68
P. Higgins, Les services contractuels de sant au travail aux Etats-Unis : Safework Bookshelf, International
Labour Organization (ILO).
69
Ibid.
27
III. Les droits de lEst
A. Japon
58. Source. La loi sur la scurit et lhygine du travail de 1972, pine dorsale
de la lgislation japonaise en matire de sant au travail, prcise quil incombe lemployeur
de mettre en place des services de scurit et de sant au travail.
59. Pluridisciplinarit. La mise en place des services de scurit et de sant au
travail dpend fortement des moyens dont dispose lentreprise. Dans les grandes entreprises,
sont mises en place des quipes pluridisciplinaires comprenant des mdecins du travail, des
infirmiers et dautres techniciens. Dans les petites entreprises, les quipes de sant au travail
sont moins toffes, moins structures, et les mdecins omnipraticiens
70
.
B. Russie
60. Mutations. En raison de la chute de lUnion des rpubliques socialistes
sovitiques (URSS), la protection de la sant des travailleurs en Russie est en pleine
mutation : le passage dune planification conomique lconomie de march a ainsi un
impact sur la lgislation du travail et plus particulirement sur les services de sant au
travail
71
. Larticle 37 de la Constitution de la fdration de Russie, pierre angulaire de la sant
au travail, dispose que chaque citoyen a le droit de travailler dans un environnement conforme
aux exigences tablies en matire de scurit et de sant au travail.
Diversit des modes de prvention. Au niveau tatique, lhritage du modle sovitique se
ressent puisque la prvention sarticule autour de lInspection fdrale du travail, charge,
sous la direction du ministre du Travail, de veiller la bonne application de la lgislation du
travail. Au niveau de lentreprise, la prvention relve du bureau de la scurit et de la sant
au travail, organe faisant partie de lentreprise et jouissant dune indpendance daction.. Ses
prrogatives, tendues, lui permettent dvaluer les risques professionnels, recommander des
mesures de scurit, prvenir les accidents du travail ou encore mettre en uvre les
programmes de scurit. Enfin, le bureau peut interrompre un processus de production sil
70
Ken Takahashi, Les services de sant au travail au Japon : Safework Bookshelf, International Labour
Organization (ILO).
71
N. F. Izmerov, I. A. Fedotov, La protection du travail dans la fdration de Russie : Droit et pratique :
Safework Bookshelf, International Labour Organization (ILO).
28
estime que celui-ci implique un danger pour la vie ou la sant des travailleurs. Au sein de ce
bureau sont intgres des units mdicales dont la taille et les moyens sont fonction de la
taille de lentreprise. Dans les trs grandes entreprises, des services hospitaliers, ouverts
72
ou
ferms
73
, dvelopps sont mis en place. noter que lexistence des services ouverts rsulte
dun souci plus global de sant publique. Dans les grandes entreprises ou toute entreprise
relevant dun secteur dactivit particulier (ptrochimie, chimie, mines...), sont mises en place
des units mdicales internes comprenant soit un mdecin et une infirmire (pour les plus
grosses structures) ou seulement une infirmire (pour les autres structures). Il est intressant
de noter que ces units font en toute hypothse partie du systme de sant publique russe. Au
dernier chelon de la gradation, les petites et moyennes entreprises ont gnralement recours
aux comptences des tablissements publics de sant situs proximit du lieu de rsidence
des travailleurs ainsi quaux services de sant au travail des grandes entreprises.
Conclusion
61. Des diffrences. Lanalyse comparative nous permet de dgager les
spcificits de la norme franaise. La plus importante porte sur le lien troit entre qualit de la
protection offerte aux travailleurs et taille de lentreprise. Dans de multiples systmes
juridiques trangers, la protection de la sant du travailleur est fonction de la taille et des
moyens de lentreprise (Grande-Bretagne, Japon, Russie). En France, si la taille de
lentreprise a un impact sur la nature du service de sant au travail, elle na quasiment aucune
consquence sur les droits des travailleurs. Si la mdecine du travail franaise est singulire,
elle existe toutefois au-del des frontires. Son particularisme rsulte principalement de
lHistoire et illustre plus gnralement le fait que le Droit social franais est lui-mme unique.
62. Des similitudes. Au-del des diffrences, plusieurs traits communs se
dgagent : la mise en place dquipes pluridisciplinaires de sant au travail
74
(Japon,
Espagne), lexistence dune mdecine spcialise aux relations de travail (Espagne,
Allemagne) ou encore lindpendance du mdecin du travail (Espagne, Allemagne).
Nanmoins, ces similitudes apparaissent essentiellement laune du droit continental, les
72
Ils sont exclusivement accessibles aux salaris de lentreprise.
73
Ils sont accessibles aux travailleurs, aux familles des travailleurs, voire aux personnes habitant proximit de
lentreprise.
74
Cette tendance apparait comme particulirement vive dans les pays europens, cela rsultant principalement
du respect de la directive du 12 juin 1989 requrant la mise en place dquipes pluridisciplinaires.
29
droits libraux tant par nature moins protecteurs des acteurs de la sant au travail
75
et des
travailleurs.
Section 2 - Le service de sant au travail, cadre daction du mdecin du
travail
63. Une ncessaire concision. Le droit des services de sant au travail faisant
lobjet dune rglementation toffe, nous en prsenterons les traits saillants afin de
comprendre le contexte dans lequel sinscrit le mdecin du travail, tout particulirement au
regard de la rforme du 20 juillet 2011.
64. Champ dapplication. En France, la mdecine du travail est confie des
services de sant au travail interentreprises ou autonomes
76
. La loi envisage leur mise en place
pour les employeurs de droit priv
77
, les tablissements publics caractre industriel et
commercial (EPIC)
78
, les tablissements publics administratifs (EPA) employant du personnel
dans les conditions du droit priv
79
, ainsi que certains
80
tablissements de sant, sociaux et
mdico-sociaux
81
. En toute hypothse, cette mise en place est la charge de lemployeur
82
.
Pour offrir une dfinition complte de ces services, il convient danalyser leurs missions
(Sous-section 1) avant denvisager leur organisation (Sous-section 2).
Sous-section 1 - Missions du service de sant au travail
65. Prcisions lgales. Auparavant, la loi offrait seulement une dfinition de la
mission du mdecin du travail. Cette lacune traduisait la centralit de ce dernier dans le
service de sant au travail, au point quil y ait pu y avoir une confusion entre ces deux acteurs.
Dsormais, le Droit, par lintermdiaire de la loi du 20 juillet 2011, distingue clairement les
75
V. notamment le recours frquent des mdecins libraux et non spcialiss en Grande-Bretagne.
76
Les services de sant au travail interentreprises sont des services communs plusieurs entreprises tandis que
les services de sant au travail autonomes sont propres une entreprise, un groupe voire une unit conomique
et sociale (UES).
77
C. trav., art. L. 4621-1. al 1.
78
C. trav., art. L. 4621-1. al 2., C. trav., art. L. 4111-1. 1.
79
C. trav., art. L. 4621-1. al 2., C. trav., art. L. 4111-1. 2.
80
Sont notamment viss par larticle 2 de la loi n86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires
relatives la fonction publique hospitalire les tablissements publics de sant, les hospices publics ou encore le
centre daccueil et de soin hospitaliers de Nanterre.
81
C. trav., art. L. 4621-1. al 2., C. trav., art. L. 4111-1. 3.
82
C. trav., art. L. 4622-1.
30
deux institutions en offrant une dfinition des services de sant au travail
83
. Quatre missions
complmentaires apparaissent : laction (1), le conseil (2), la surveillance (3) et la
traabilit (4). Nous verrons que ces quatre piliers sont trs proches des prrogatives du
mdecin du travail
84
.
66. Politique de sant publique. Laction des services de sant au travail doit
sinscrire dans le cadre dune coordination avec plusieurs acteurs publics. Cette ambition se
matrialise par la conclusion, dans le respect des quatre missions susmentionnes, de contrats
pluriannuels dobjectifs et de moyens (COM), dune dure maximale de cinq ans
85
, avec le
directeur rgional du travail et les organismes de prvention des caisses de scurit sociale
(CARSAT)
86
. Cette coordination, cre par la loi du 20 juillet 2011, a pour objectif dintgrer
la mdecine du travail aux politiques de sant publique.
1 : Laction
67. Prvention, conduite et sant mentale. Les services de sant au travail
conduisent les actions de sant au travail dans le but de prserver la sant physique et mentale
des travailleurs
87
. Trois observations simposent. Dune part, la loi use du terme conduire
et non raliser . Ce choix tymologique explicite clairement les rapports entretenus entre le
service de sant au travail et le mdecin du travail : une confusion entre les deux est
proscrire. Dautre part, il est rappel que la mdecine du travail est prventive, ce qui est
confirm lors de lnonc des missions du mdecin du travail
88
. Enfin et surtout, la prvention
porte sur la sant physique mais aussi mentale des travailleurs. En effet, lconomie franaise
est passe dun modle industriel une conomie de services. La mdecine du travail sadapte
progressivement ces mutations afin dtre moins focalise sur les thories hyginistes :
lenjeu est de passer dune approche individuelle
89
une approche collective
90
, cette dernire
83
L. n2011-867 du 20 juillet 2011., art 12.
84
M. Babin, La rforme de la mdecine du travail : quels changements pour lentreprise ? : JCP S n39, 27
septembre 2011, p. 19.
85
C. trav., art. D. 4622-47.
86
C. trav., art. L 4622-10 ; C. trav., art. D 4622-44.
87
C. trav., art. L. 4622-2. 1.
88
C. trav., art. R. 4624-1.
89
Lapproche individuelle vise la surveillance mdicale des salaris.
90
Lapproche collective vise laction en milieu de travail.
31
tant encore trop laisse de ct
91
. Nous analyserons ultrieurement les outils offerts au
mdecin du travail pour faire face ces nouveaux dfis
92
.
2 : Le conseil
68. Cinq. Les services de sant au travail conseillent les employeurs, les
travailleurs et leurs reprsentants sur les dispositions et mesures ncessaires dans cinq
domaines rpartis en deux branches. Primo, une branche gnrale : lamlioration des
conditions de travail. Secundo, des branches ad hoc : diminution des risques professionnels,
prvention de la consommation dalcool et de drogue sur le lieu de travail, prvention et
rduction de la pnibilit au travail et de la dsinsertion professionnelle ainsi que la
contribution au maintien dans lemploi des travailleurs
93
.
3 : La surveillance
69. Surveillance mdicale. Les services de sant au travail assurent la
surveillance de ltat de sant des travailleurs en fonction des risques concernant leur scurit
et leur sant au travail, de la pnibilit au travail et de leur ge
94
. Cette mission de surveillance
fait cho aux missions du mdecin du travail, qui doit raliser la surveillance mdicale des
salaris par lintermdiaire de visites, documents et vaccinations mdicales
95
.
4 : La traabilit
70. Sant publique. Les services de sant au travail contribuent enfin la
traabilit des expositions professionnelles ainsi qu la veille sanitaire
96
. La traabilit
sopre via le dossier mdical en sant au travail institu par la loi du 9 novembre 2010
relative la rforme des retraites
97
. La veille sanitaire tend quant elle inscrire laction de
services de sant au travail dans le cadre des politiques de sant publique
9899
.
91
S. Fantoni-Quinton, G. Leclercq., P-Y. Verkindt, P. Frimat, Un avenir pour la sant au travail sans aptitude
priodique est possible... : JCP S n48, 29 novembre 2011.
92
V. par. n598 et s.
93
C. trav., art. L. 4622-2. 2.
94
C. trav., art. L. 4622-2. 3.
95
V. par. n300 et s.
96
C. trav., art. L. 4622-2. 4.
97
V. C. trav., art. L. 4624-2.
98
M. Babin, La rforme de la mdecine du travail : quels changements pour lentreprise ? : JCP S n39, 27
septembre 2011, p. 20.
99
V. par. n70.
32
Sous-section 2 - Organisation du service de sant au travail
71. Lemployeur. Lorganisation du service de sant au travail incombe
lemployeur
100
. Il doit dterminer la forme du service de sant au travail (1) pour ensuite
envisager sa gestion (2).
1 : Forme du service de sant au travail
72. Lemployeur est face une alternative: soit il met en place un service de
sant au travail autonome, soit il adhre un service de sant au travail interentreprises
101
(I).
La rforme du 20 juillet 2011 a rnov cette distinction de faon substantielle. Ce choix, qui
nest pas totalement libre, a des consquences sur la composition du service de sant au
travail (II).
I. Le choix du service
73. La rforme du 20 juillet 2011 favorise la libert de choix en faveur de
lemployeur (A), ce qui engendre certaines difficults (B).
A. La mise en avant du choix
74. Hier : double seuil. Auparavant, la distinction entre les deux formes de
services reposait sur un double seuil do rsultaient trois possibilits. Primo, la mise en place
obligatoire dun service de sant au travail autonome au-del de 2200 salaris ou de 2134
examens mdicaux par an. Secundo, une adhsion obligatoire un service de sant au travail
interentreprises en de de 412 salaris ou 400 examens mdicaux par an. Tertio, un libre
choix lorsque lentreprise se situait entre ces deux seuils.
75. Aujourdhui : seuil unique. compter du 1
er
juillet 2012, le choix
sclaircit : ladhsion un service de sant au travail interentreprises est obligatoire lorsque
leffectif de lentreprise est infrieur 500 salaris et lemployeur dispose dun libre choix
entre les deux formes de services au dessus de ce seuil
102
.
100
C. trav., art. L. 4622-1.
101
C. trav., art. D. 4622-1.
102
C. trav., art. D. 4622-6; C. trav., art. D. 4622-10 ; C. trav., art. D. 4622-13.
33
76. Un nouveau venu : le groupe. Initialement, le service de sant au travail
autonome pouvait tre dentreprise (ou dtablissement), intertablissements ou encore
dunit conomique et sociale (UES). Dsormais, en sus de ces hypothses, un service de
sant au travail de groupe peut tre cre par voie daccord entre tout ou partie des entreprises
du groupe
103
.
B. Les effets pervers du choix
77. Un choix cornlien. Lorsque lemployeur a le choix entre les deux formes
de services de sant au travail prvues par la loi, la dcision relve de sa seule autorit aprs
consultation du comit dentreprise
104
. En cas dopposition de ce dernier, ncessairement
motive, lemployeur saisit le directeur rgional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l'emploi, qui se prononce sur la forme du service, aprs avis
du mdecin inspecteur du travail
105
. Le choix par l'employeur de la forme du service est
rput approuv par lautorit administrative si aucune opposition ne lui a t notifie dans le
dlai d'un mois compter de la rception du document de saisine
106
.
78. Grandes entreprises. Si la simplification du choix du service de sant au
travail est louable, une question pineuse surgit pour certains auteurs : labandon de
lobligation dinstaurer un service de sant au travail autonome dans les grandes entreprises
puisquelles pourraient tre incites minimiser leurs efforts en matire de sant au travail
107
.
Cette difficult doit tre relativise car comme nous lavons prcis ci-dessus, le comit
dentreprise a la facult de sopposer la dcision de lemployeur, ce dernier devant alors
saisir lautorit administrative comptente qui dcidera
108
.
II. La composition du service
79. De lunit au diptyque. Jusqu prsent, le service de sant au travail tait,
de jure, assur par un (ou plusieurs) mdecins du travail. Dsormais, la composition du
service de sant au travail diffre en fonction de sa nature : lorsquil est interentreprises, une
103
C. trav., art. D. 4622-5.
104
C. trav., art. D. 4622-2.
105
C. trav., art. D. 4622-2, C. trav., art. D. 4622-3.
106
C. trav., art. R. 4622-4.
107
M. Vricel, Les dcrets du 30 janvier 2012 relatifs aux services de sant au travail : RDT 2012.
108
V. par. n77.
34
quipe pluridisciplinaire de sant au travail est mise en place (A), lorsquil est autonome, le
mdecin du travail exerce les missions du service de sant au travail (B).
A. Service de sant au travail interentreprises
80. Conscration de la pluridisciplinarit. Lun des objectifs de la rforme du
20 juillet 2011 est de contribuer la transformation de la mdecine du travail afin quelle
passe dune politique de sant au travail mono-disciplinaire (ralise par le mdecin du
travail) une vision pluridisciplinaire. Cette ambition, qui nest consacre que pour les
services de sant au travail interentreprises, va en ralit sappliquer quasi-totalement : au
nombre de 284, les services de sant au travail interentreprises suivent prs de 95% des
effectifs de travailleurs surveills, soit 15, 1 millions de salaris au 1
er
janvier 2009
109
.
81. Notion de pluridisciplinarit. La pluridisciplinarit des services de sant
au travail interentreprises est dsormais consacre
110
. Elle consiste en la mise en place, autour
du mdecin du travail, dune quipe de professionnels mdicaux ou paramdicaux ayant des
comptences en matire de sant au travail. Ces comptences peuvent aussi bien porter sur
lergonomie, la psychologie du travail, lassistance sociale ou certains spcialits (bruit,
rayonnements ionisants).
82. Prises de conscience. Pourquoi la pluridisciplinarit apparat-elle comme
cardinale ? Deux ides-force nous clairent. Stricto sensu, il sagit dadapter la mdecine du
travail lvolution du travail lui-mme : la tertiarisation de lconomie a indubitablement
rduit certains risques
111
et modifis certains
112
. Surtout, linternationalisation des changes
conomiques, qui a pour corolaire le libralisme conomique
113
, implique une
marchandisation des travailleurs, bercs de la rive de la rentabilit celle du march et de ses
vicissitudes. De ce mouvement nat notamment des techniques de gestion du personnel plus
109
Conditions de travail, Bilan 2010, Conseil dorientation sur les conditions de travail, Ministre du Travail, de
lemploi et de la Sant, DGT.
110
La quatrime partie du Code du travail relative la sant et la scurit au travail comporte dsormais un
chapitre intitul Actions et moyens des membres de lquipe pluridisciplinaire de sant au travail .
111
Nous pensons ici aux risques physiques. Certes, il est des professions pour lesquelles un suivi rigoureux de
ltat de sant physique des travailleurs est vident. Nanmoins, laune de lensemble des travailleurs soumis
la mdecine du travail, les risques physiques ne sont plus seuls.
112
Lexemple le plus frappant est le dveloppement exponentiel des troubles musculo-squelettiques (TMS).
113
Il ne pas faut entendre la notion de libralisme conomique dans un sens pjoratif. Sur cette question, nous
renvoyons la thorie librale classique telle quenvisage par Adam Smith travers la notion de main
invisible .
35
communment rassembles sous le vocable management dont les drives conduisent
lmergence de risques psycho-sociaux (dpressions, suicides, nvroses traumatiques). Si ces
risques ne sont pas nouveaux, leurs consquences nont t que rcemment mises en lumire.
Pour les contrer, la seule comptence du mdecin du travail est insuffisante voire strile. Une
approche globale et pluridisciplinaire est inluctable
114
. Lato sensu, les pays dvelopps
prennent conscience du fait que des politiques globales constituent loutil le plus efficace afin
de rsorber un mal social. Au-del de la sant au travail, de plus en plus de politiques sociales
europennes, relayes par les Etats membres de lUnion europenne, offrent un cadre global
daction se caractrisant par une pluralit dacteurs et doutils. Tel est le cas de la stratgie
europenne pour lemploi (SEE) en matire demploi des seniors.
De cette double prise de conscience nat une quipe pluridisciplinaire de sant au travail
comprenant des mdecins du travail, des intervenants en prvention des risques professionnels
et des infirmiers. Cette quipe peut tre complte par des assistants de services de sant au
travail et des professionnels recruts aprs avis du mdecin du travail
115
. Si ce dernier fera
lobjet de toute notre attention, une prsentation de ses collaborateurs simpose.
83. Le collaborateur mdecin. Le service de sant au travail ou l'employeur
peut recruter des collaborateurs mdecins. Ces mdecins s'engagent suivre une formation en
vue de l'obtention de la qualification en mdecine du travail auprs de l'ordre des mdecins.
Ils sont encadrs par un mdecin qualifi en mdecine du travail qu'ils assistent dans ses
missions
116
. Nous verrons ultrieurement en quoi ce nouvel acteur ne constitue que le
prolongement de rformes antrieures
117
.
84. J uventa : linterne en mdecine du travail. Les services de sant au travail
peuvent dsormais tre agrs, dans les conditions prvues par l'article L. 632-5 du Code de
l'ducation, comme organismes extrahospitaliers accueillant en stage les internes inscrits au
diplme d'tudes spcialises de mdecine du travail ou les tudiants inscrits en deuxime
cycle des tudes mdicales
118
. Sous rserve du respect de certaines conditions
119
, cet interne
peut remplacer un mdecin du travail temporairement absent
120
.
114
V. par. n598.
115
C. trav., art. L. 4622-8.
116
C. trav., art. R. 4623-25.
117
V. par. n118.
118
C. trav., art. R. 4623-46.
119
C. trav., art. R. 4623-28.
120
V. par. n125 et s.
36
85. Le personnel infirmier. Linfirmier est prsent dans tout type de service de
sant au travail. Il y assure ses missions en coopration avec le mdecin du travail
121
. Dans les
services de sant au travail interentreprises, linfirmier lui apporte en outre son concours lors
dinterventions dans une entreprise
122
.
86. Lintervenant en prvention des risques professionnels. L'intervenant en
prvention des risques professionnels (IPRP) est un acteur ayant des comptences techniques
ou organisationnelles en matire de sant et de scurit au travail
123
. Lintress participe,
dans un objectif exclusif de prvention, la prservation de la sant et de la scurit des
travailleurs ainsi qu l'amlioration des conditions de travail. Dans ce cadre, il assure des
missions de diagnostic, de conseil, d'accompagnement et d'appui, et communique les rsultats
de ses tudes au mdecin du travail
124
. Assurant ses missions dans des conditions garantissant
son indpendance, il ne peut subir de discrimination en raison de ses activits de
prvention
125
.
87. Assistant de service de sant au travail. Dernier acteur du service de sant
au travail interentreprises, lassistant de service de sant au travail exerce trois missions
principales. Primo, il apporte une assistance administrative au mdecin du travail ainsi quaux
autres membres de lquipe pluridisciplinaire dans leur activit. Secundo, il participe
l'organisation, l'administration des projets de prvention et la promotion de la sant au
travail et des actions du service dans les entreprises concernes. Tertio, il contribue reprer
les dangers et identifier les besoins en sant au travail, notamment dans les entreprises de
moins de vingt salaris
126
.
B. Service de sant au travail autonome
88. Le mdecin du travail nest pas seul. Si le service de sant au travail
autonome ne contient pas, en principe
127
, dquipe pluridisciplinaire de sant au travail, le
121
C. trav., art. R. 4623-34. al 1.
122
C. trav., art. R. 4623-34. al 2.
123
C. trav., art. R. 4623-37. al 1.
124
C. trav., art. R. 4623-38.
125
C. trav., art. R. 4623-37.
126
C. trav., art. R. 4623-40.
127
En dpit du fait que la loi ne prvoir la mise en place dquipes pluridisciplinaires de sant au travail que pour
les services de sant au travail interentreprises, rien nempche lemployeur, de faon volontaire, dintgrer de
telles quipes au sein de services de sant au travail autonomes. Selon nous, une telle dcision suppose quun
37
mdecin du travail nen est pas pour autant seul: Il est assist dans ses missions par le
personnel infirmier ainsi que par lintervenant en prvention des risques professionnels. Au
surplus, il mne ses actions en coordination avec lemployeur, le CHSCT (ou dfaut les
dlgus du personnel) et les salaris comptents en matire de sant au travail (ou les
intervenants en prvention des risques professionnels)
128
.
2 : Formalits et gestion du service
89. La cration et le fonctionnement dun service de sant au travail suppose le
respect dun certain formalisme (I), formalisme qui sexprime aussi dans sa gestion
quotidienne (II).
I. Formalits
90. Cration ou renouvellement du service. La cration dun service de sant
au travail est soumise un agrment de ladministration donn pour une priode de cinq
annes par le directeur rgional du travail aprs avis du mdecin inspecteur du travail
129
. Le
silence gard pendant plus de quatre mois par ladministration sur une demande ou un
renouvellement dagrment vaut acceptation
130
. Cet agrment ne peut tre refus que pour des
motifs tirs de la non-conformit aux prescriptions des rgles relatives aux services de sant
au travail
131
. Partant, le refus dagrment doit tre motiv
132
. Au-del de lagrment
administratif, lorsque lemployeur opte pour un service de sant au travail interentreprises, il
doit consulter le comit dentreprise sur le choix du service
133
.
II. Gestion
91. La gestion du service de sant au travail varie en fonction du fait quil soit
autonome (A) ou interentreprises (B).
accord entre le service de sant au travail et lintress, outre une information et une consultation des instances
reprsentatives du personnel, soit ralis.
128
C. trav., art. L. 4622-4.
129
C. trav., art. D. 4622-48.
130
C. trav., art. D. 4622-52.
131
C. trav., art. D. 4622-49. al 1
132
C. trav., art. D. 4622-49. al 2.
133
C. trav., art. R. 4622-17.
38
A. Service de sant au travail autonome
92. Administration patronale, surveillance salariale. Le service de sant au
travail autonome est administr par lemployeur sous la surveillance du comit dentreprise
ou, le cas chant, du comit dtablissement ou du comit central dentreprise
134
. Ce dernier
est en outre consult sur les questions relatives lorganisation et au fonctionnement du
service
135
.
B. Service de sant au travail interentreprises
93. Administration quasi-patronale. Le service de sant au travail
interentreprises est constitu sous la forme dun organisme but non lucratif dot de la
personnalit civile et de lautonomie financire
136
. Il est administr paritairement par un
conseil dadministration compos de reprsentants des employeurs dsigns par les
entreprises adhrentes et de reprsentants des salaris des entreprises adhrentes, dsigns par
les organisations syndicales reprsentatives au niveau national et interprofessionnel
137
.
Le prsident du conseil dadministration est lu parmi les reprsentants des employeurs et en
cas de partage des voix dispose dune voix prpondrante
138
. Le trsorier est quant lui lu
parmi les reprsentants des salaris
139
.
94. Surveillance salariale. Lorganisation et la gestion du service de sant au
travail sont places sous la surveillance soit dun comit interentreprises constitu par les
comits dentreprise intresss soit dune commission de contrle compose pour un tiers de
reprsentants des employeurs et pour deux tiers de reprsentants des salaris. Le prsident de
cette commission est lu parmi les reprsentants des salaris
140
.
134
C. trav., art. D. 4622-6 ; C. trav., art. D. 4622-9.
135
C. trav., art. D. 4622-6.
136
C. trav., art. D. 4622-15.
137
C. trav., art. L. 4622-11. 1, 2.
138
C. trav., art. L. 4622-11. al 3.
139
C. trav., art. L. 4622-11. al 4.
140
C. trav., art. L. 4622-12.
39
95. Un renard dans le poulailler ? La prsidence patronale du service de sant
au travail constitue la question la plus polmique de la rforme de 2011
141
. Bien que les
auteurs de la proposition de loi aient prvu une prsidence patronale couple une vice-
prsidence salariale, le Snat a adopt un amendement envisageant une prsidence tournante
entre employeur et salari. Lors de lexamen du texte, lAssemble Nationale a finalement
opt pour une prsidence patronale sur la base dune triple justification : la prsidence
tournante engendrerait des difficults de mise en uvre ; lemployeur, qui finance la
mdecine du travail, doit la diriger ; il pse sur ce dernier une obligation de scurit de
rsultat. Sur le premier point, les promoteurs dune prsidence tournante avancent que celle-ci
est dj prsente dans dautres organismes tels que les conseils de prudhommes
142
. Cet
argument nous semble faible en ce que les services de sant au travail doivent mettre en place
des politiques de sant au travail sinscrivant dans le cadre de politiques de sant publique.
Partant, une politique stable est indispensable.
Sur les deux autres points, le dbat savre plus rude. Au-del de logiques partisanes,
comment concevoir que la personne dont rsulte les risques pour la sant des travailleurs soit
la mme qui prside linstitution charge de rduire ces risques ?
143
La question est gnante.
Ce sentiment doit toutefois tre tempr par deux lments. Primo, les services de sant au
travail sont dsormais soumis au droit des socits en matire dautorisation pralable par le
conseil dadministration des conventions passes avec les personnes investies dun pouvoir de
dcision dans lentreprise. Ainsi, toute convention intervenant directement ou par personne
interpose entre le service de sant au travail et son prsident, son directeur ou lun de ses
administrateurs, ou laquelle une de ces personnes est indirectement intresse, est soumise
lautorisation pralable du conseil dadministration
144
. Ce souci de transparence est
nanmoins limit car les actions patronales ne feront pas ncessairement lobjet dune
convention. Secundo, lorganisation et la gestion du service de sant au travail sont places
sous une surveillance salariale
145
. Il sagit l dun garde-fou essentiel la possible emprise de
lemployeur sur le service de sant au travail.
Dun point de vue pragmatique, quil nous soit permis de noter quen dpit du fait que la
gouvernance du service de sant au travail constitue une question essentielle, les nombreuses
141
V. notamment, M. Vricel, La loi n2011-867 du 20 juillet 2011 relative lorganisation de la mdecine du
travail : RDT dcembre 2011 ; M. Vricel, Les dcrets du 30 janvier 2012 relatifs aux services de sant au
travail : RDT 2012.
142
M. Vricel, La loi n2011-867 du 20 juillet 2011 relative lorganisation de la mdecine du travail : RDT
dcembre 2011, p. 686.
143
Ibid.
144
C. trav., art. L. 4622-15.
145
C. trav., art. L. 4622-12.
40
voix qui se sont leves contre la rforme de la mdecine du travail auraient pu saluer les
avances quelle comporte.
96. Par del bien et mal. Au gr des choix politiques, qui supposent, par
essence, dtablir des priorits, la rforme du 20 juillet 2011 oscille entre avances et lacunes.
Elle transforme pour partie le visage de la mdecine du travail et de son principal serviteur en
la personne du mdecin du travail. Si son visage est transform, son corps reste identique :
lintress dispose dun statut particulier (Titre 1) intimement li ses missions (Titre 2).
Cette summa divisio nous permettra de rpondre aux enjeux du sujet : le statut confr au
mdecin du travail lui permet-il daccomplir ses missions de manire effective ? Dans quelle
mesure laction du mdecin du travail favorise-t-elle la prvention de toute atteinte la sant
des travailleurs ?
41
TITRE 1 LE STATUT DU MEDECIN DU TRAVAIL
97. Notion de statut . Le terme de statut doit tre compris dans son
acception la plus large, c'est--dire comme lensemble des rgles qui rgissent la situation
dun groupe
146
. La pratique rvle que ce terme est utilis pour traiter des dispositions
concernant la formation, lembauche, lexercice et la cessation des fonctions
147
, en dautres
termes, du contrat de travail du mdecin du travail (Chapitre 1). Lato sensu, le statut du
mdecin du travail englobe aussi lpineuse question de sa responsabilit (Chapitre 2).
Chapitre 1 Le contrat de travail
Prolgomnes La mdecine du travail, une institution de lentreprise
98. La victoire du contrat de travail. Le mdecin du travail est li par un
contrat de travail conclu avec lemployeur ou le prsident du service de sant au travail
interentreprises
148
. Ce statut contractuel, affirm en 1946
149
, a survcu aux vicissitudes des
rformes lgislatives. Ainsi, la loi du 20 juillet 2011 relative lorganisation de la mdecine
du travail entrine, sans surprise, le principe selon lequel le mdecin du travail exerce ses
fonctions dans le cadre dun contrat de travail.
99. Lien de subordination versus indpendance professionnelle. Loin dtre
vident, le lien forg entre contrat de travail et mdecine du travail constitue une qualification
artificielle
150
. En effet, ces deux notions entrent directement en collision. Dune part, le
mdecin du travail dispose de lindpendance professionnelle propre tout mdecin. Dautre
part, critre par excellence du contrat de travail, le lien de subordination juridique implique
lexcution du travail sous lautorit de lemployeur qui a le pouvoir de donner des directives,
den contrler lexcution et de sanctionner les manquements du subordonn
151
.
100. Un service public ? Face ce conflit thorique mais surtout pratique, le
recours la notion de service public a t envisag. Dans un premier temps, llaboration de
146
Y. Fromont, Le statut des mdecins du travail : Dr. social n7/8 Juillet/aot 1987 p. 584.
147
J-C. Javillier, Le statut des mdecins du travail : Dr. social n4 Avril 1980 p. 45.
148
C. trav., art. R. 4623-4.
149
L. n46-2195 du 11 octobre 1946.
150
Y. Fromont, Le statut des mdecins du travail : Dr. social n7/8 Juillet/aot 1987.
151
Cass. soc. 13 novembre 1996 n94-13.187. Bull. Civ. V n 386 p. 275.
42
la loi du 11 octobre 1946 relative lorganisation des services mdicaux du travail conduisit
se poser la question de la mise en place dun service public de mdecine du travail. Le
lgislateur fit preuve de pragmatisme en tenant notamment compte de la pratique des
entreprises, qui avaient dj spontanment mis en place des services mdicaux
dentreprise
152
. En dpit du fait que la gestion par lentreprise a rapidement pris lascendant,
il nen demeure pas moins que le dbat ressurgit de manire sporadique.
101. Ds 1980, la doctrine envisageait la ncessaire reconnaissance dun service
public de mdecine du travail
153
. Face ces dbats, la jurisprudence ne manquait pas de
rappeler les termes de la loi : les services de sant au travail sont des institutions de droit priv
qui rendent des services leurs adhrents mais nexercent pas de mission de service public
154
.
La question eu plus de rsonance, en 2006, lors de la parution du rapport sur les risques et les
consquences de lexposition lamiante, qui prconisait la refonte totale de la mdecine du
travail en un service public
155
. Pour preuve, le Ministre dlgu lemploi estimait, quelques
mois plus tard, quun tel bouleversement napparait pas souhaitable
156
, tout comme Herv
Gosselin, conseiller la chambre sociale de la Cour de cassation
157
. Bien que les acteurs de la
sant au travail se focalisent dsormais sur la mise en uvre de la loi du 20 juillet 2011
158
, le
sujet reste au centre des proccupations politiques
159
.
102. Lexistence dun service public de la mdecine du travail est-elle possible ?
Un service public suppose la runion de trois critres cumulatifs.
Primo, lactivit concerne doit tre prise en charge par une personne publique (critre
organique). Nanmoins, la jurisprudence a progressivement admis quun service public puisse
tre gr par une personne prive
160
, en loccurrence lemployeur ou le service de sant au
travail interentreprises.
152
J. Plissier, La mdecine du travail : uvre sociale : Dr. social 1980 n4 p. 23.
153
Voir le numro spcial de la revue Droit social davril 1980 intitul La mdecine du travail et le Droit .
154
T. Conflits 24 fvrier 1992, n 2686.
155
Rapport fait au nom de la mission dinformation sur les risques et les consquences de lexposition
lamiante, n 2884, enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le 22 fvrier 2006.
156
G. Larcher, Discours du Ministre dlgu lemploi au Congrs annuel de la mdecine du travail du 24
octobre 2006.
157
H. Gosselin, Aptitude et inaptitude : les pistes dune rforme : SSL, n1299, 19 mars 2007.
158
titre illustratif, voir Lunivers de la sant au travail va changer de visage, entretien avec Jean-Franois
Nathon , conseiller confdral en charge de la sant et du travail de la CGT, SSL n1511, 31 octobre 2011.
159
J-L. Mlenchon (Front de Gauche) envisage le rinvestissement massif de lEtat dans la mdecine du
travail , Discours de Villeurbanne, 7 fvrier 2012.
160
CE, Ass, 31 juillet 1942 Monpeurt ; CE 2 avril 1943, Bouguen.
43
Secundo, dans lhypothse o lactivit concerne est gre par une personne prive, cette
dernire doit jouir de prrogatives de puissance publique
161
. Au cas particulier, il suffit de
prciser que le mdecin du travail a la possibilit dimposer divers contrles et vrifications
mdicales aux usagers du service de sant au travail
162
pour comprendre quune telle
condition est remplie.
Tertio, lactivit en question doit poursuivre un but dintrt gnral. Bien qulment
essentiel et premier de la notion de service public, ce critre est le plus difficile caractriser
car subjectif : il est la consquence de lintention des pouvoirs publics
163
. Au regard de la
jurisprudence administrative, qui offre une apprciation large de la notion
164
, il est ais
dtablir un lien solide entre intrt gnral et protection de la sant des travailleurs.
103. Si un service public de mdecine du travail est envisageable, encore faut-il
quun tel mode de gestion soit avantageux. Largument majeur, rgulirement invoqu par ses
promoteurs, est que lindpendance des mdecins du travail serait totale et effective. Au
regard des actions menes par le patronat afin davoir la mainmise sur les services de sant au
travail
165
, largument ne semble, premire vue, pas infond. Nanmoins, une analyse plus
pousse de ce postulat permet dmettre une rserve de taille : lindpendance du mdecin du
travail nest pas exclusivement lie son statut. Le fait que ce professionnel devienne
fonctionnaire ne lui offrira pas ncessairement un surcrot dindpendance
166
. De lautre ct,
les inconvnients dun service public de mdecine du travail sont substantiels. Sur le plan
social, ce bouleversement risquerait droder la capacit du mdecin du travail convaincre
lemployeur
167
ainsi qu agir, par sa connaissance de lentreprise, en faveur de la sant des
salaris
168
(en vertu dun principe de proximit). Sur le plan conomique, cette rforme irait
lencontre des engagements de la France en matire de rduction des dficits publics
puisquelle induirait un accroissement des dpenses publiques.
161
CE 28 juin 1963 Narcy.
162
P. Cabanes, Perspectives : Dr. social n 4 Avril 1980, p. 34.
163
D. Truchet, Les fonctions de la notion dintrt gnral dans la jurisprudence du Conseil dEtat, LGDJ, BDP,
t. 125, 1977.
164
A titre illustratif, le Conseil dEtat a admis la qualification de service public local pour les activits dun
thtre municipal (CE 21 janvier 1944 Loni).
165
P. Marichalar, La mdecine du travail sans les mdecins. Une action patronale de longue haleine (1971-
2010): Politix 2010. 27.
166
H. Gosselin, Aptitude et inaptitude : les pistes dune rforme : SSL, n1299, 19 mars 2007.
167
Ibid.
168
JOAN, 3 avril 2007, p. 3371.
44
104. Loin dtre de simples querelles de clocher, ces interrogations ont un impact
majeur sur le statut, et donc laction, des mdecins du travail. Si le lien entre contrat de travail
et mdecine du travail semble solide au plan juridique, il lest aussi au regard de la
conjoncture conomique et sociale de notre socit (lindpendance financire dune Nation,
galvaude par une dette publique exponentielle, est tout aussi fondamentale). Il ne faut pas
omettre le fait que le sujet est minemment politique : la mdecine librale, historiquement
protge dans notre pays, ne souhaite pas voir se dvelopper une quelconque forme de
mdecine sociale. En tout tat de cause, la mdecine du travail demeure une institution
grise , aux frontires de lintrt gnral et des intrts particuliers. De ce fait, le choix dune
mdecine de droit priv doit tre compens par une protection accrue du mdecin du travail,
de la naissance la cessation de sa relation contractuelle avec lemployeur.
105. La relation contractuelle possde trois temps, savoir la formation (section
1), lexcution (section 2) et la rupture (section 3), auxquels le contrat de travail du mdecin
du travail nchappe pas. Nanmoins, lapprciation du contenu de chacune de ces phases
permet de comprendre que le contrat de travail du mdecin du travail sloigne du contrat de
travail de droit commun.
Section 1 La formation du contrat de travail
106. Le mdecin du travail acquiert cette qualit ds lors quil respecte certaines
conditions (Sous-section 1). Dans ce cas, un employeur ou service de sant au travail
interentreprises a la facult de recruter ce professionnel (Sous-section 2).
Sous-section 1 - Conditions dexercice de la profession
107. Si les conditions dexercice de la mdecine du travail concernent
essentiellement le respect des voies daccs la profession (1), il ne faut pas omettre
lexistence dincompatibilits entre lexercice de la mdecine du travail et dautres activits
professionnelles (2).
1 : Laccs la profession
108. Laccs la profession de mdecin du travail est ouvert. Il existe deux voies
daccs : bien que la voie royale constitue, pour linstant, le diplme en mdecine du travail
45
(I), le lgislateur a envisag des voies daccs supplmentaires (II), dans le but de palier la
pnurie croissante de mdecins du travail.
I. La voie diplmante
109. La mdecine tant un art qui se pratique sur le corps, sa pratique doit tre
rserve des personnes dont le savoir est officiellement reconnu
169
. La mdecine du travail
nchappe pas cette rgle dor : agissant dans lordre mdical, social et conomique, le
mdecin du travail se doit dtre comptent, comptence rsultant notamment de sa
formation
170
. Avant tout chose, le mdecin du travail doit tre autoris exercer en France et
tre inscrit au tableau de lOrdre des mdecins
171
.
110. Les dcrets dapplication de la loi du 20 juillet 2011 ne font pas rfrence
aux diplmes requis mais au fait que le mdecin doit tre qualifi en mdecine du
travail
172
. Cette formulation, volontairement gnrale, constitue lune des armes qua trouv
le pouvoir rglementaire pour endiguer la pnurie de professionnels. Il sera intressant de voir
la manire dont cette formulation sera apprhende par les praticiens de la sant au travail
comme par le juge, le but tant dviter que nimporte qui gre un service de sant au travail.
En toute hypothse, ces termes englobent les diplmes de mdecine du travail. Aujourdhui,
trois diplmes permettent daccder la profession de mdecin du travail.
111. Diplme dtudes spcialises. Le diplme dtudes spcialises (DES) de
mdecine du travail, ouvrant un accs de droit la profession de mdecin du travail, peut tre
obtenu de deux manires : soit dans le cadre du concours de droit commun via linternat, soit
dans le cadre dun concours spcial ouvert aux mdecins en exercice au sein de lUnion
europenne. La formation en internat, qui seffectue en quatre annes, repose sur deux
piliers
173
. Dune part, un socle denseignements thoriques (dune dure denviron deux cent
cinquante heures) comprenant des disciplines gnralistes (telles que la comprhension du
monde du travail ou le cadre lgal de la mdecine du travail) et des disciplines mdicales
(toxicologie, pathologies professionnelles, physiologie). Dautre part, un socle
169
G. Mmeteau, Cours de droit mdical. p. 127.
170
B. Teyssi, Prolgomnes sur la mdecine du travail : Dr. social 1987 p. 564.
171
C. sant. publ., art. L 4111-1.
172
D. n2012-135 du 30 janvier 2012 relatif lorganisation de la mdecine du travail., art. 1. titre de rappel,
ce dcret entrera en vigueur partir du 1
er
juillet 2012.
173
Ann. W de larrt du 22 septembre 2004, JO du 6 octobre 2004.
46
denseignements pratiques, constitu de stages au sein de services hospitaliers pour une dure
de quatre semestres, dont au moins un dans un service extra-hospitalier. Sur dernier point, la
loi du 20 juillet 2011 conduit favoriser les stages en milieu extra hospitalier
174
.
112. Certificat dtudes spcialises. Cre en 1949
175
, le certificat dtudes
spcialises (CES) fut rendu obligatoire partir du 1
er
janvier 1959
176
. Aujourdhui, ce
diplme relve de lancien rgime des tudes mdicales
177
mais permet toujours dexercer la
mdecine du travail.
113. Diplme de lInstitut national de mdecine agricole (INMA). Dans le
secteur agricole, tout mdecin souhaitant exercer la mdecine du travail doit tre titulaire soit
des diplmes de droit commun (DES et CES ou quivalent europen), soit du diplme dlivr
par lINMA
178
. Ce diplme, qui se droule sur deux ans, fonctionne sur la base de trois
modules : enseignements thoriques, stage en mutualit sociale agricole et rdaction dun
mmoire
179
. Ce dernier, dont le sujet porte exclusivement sur la sant et la scurit au travail
en milieu agricole ou rural, permet notamment de mettre en exergue des enjeux sanitaires
dpassant le champ initial de recherche
180
.
114. Communication du diplme. Le mdecin du travail doit communiquer ses
titres auprs de linspection mdicale du travail comptente, dans le mois qui suit son entre
en fonction au sein dun service de sant au travail
181
. Cette obligation concerne tant les
personnes titulaires dun diplme en mdecine du travail que les mdecins passs par les
voies alternatives daccs la profession.
II. Les voies alternatives
115. La pnurie de mdecins du travail est un phnomne proccupant dont la
cause majeure est la baisse des vocations, accrue par le vieillissement des mdecins du travail
en activit. Face ce phnomne, lEtat entend, depuis quelques annes, largir sensiblement
174
V. par. n125 et s.
175
Arr. du 29 mars 1949, JORF du 6 avril 1949 p. 3523.
176
D. n57-1175 du 17 octobre 1957., art. 1.
177
http://www.conseil-national.medecin.fr/.
178
C. rur., art. R. 717-50 al. 1.
179
http://www.inma.fr/.
180
titre illustratif, voir le mmoire du Dr. A. De Jsus, La maladie du charbon : Zoonose dactualit en
milieu agricole , 2010, voquant lusage possible de bactries en matire de bioterrorisme.
181
C. trav., art. R. 4623-3.
47
laccs la profession. Cette ambition se traduit par deux mouvements : louverture aux
mdecins non spcialiss en mdecine du travail et lintgration des internes au sein des
services de sant au travail.
A. La qualification ordinale
1. De lexercice de la mdecine du travail
116. Principe. Avant le dcret du 30 janvier 2012 relatif lorganisation de la
mdecine du travail, les mdecins titulaires dun certificat dtudes spciales de sant
publique ou de mdecine du travail ainsi que les mdecins pouvant justifier de comptences
en mdecine du travail ou en sant publique pouvaient solliciter leur inscription au tableau
comme spcialiste en mdecine du travail
182
. Le but tait de favoriser laccs la profession
en faisant preuve de pragmatisme : la formulation du texte, qui laissait une grande place
linterprtation, tout comme aux instances ordinales, en constituaient des illustrations.
117. Conditions. Cette possibilit tait doublement conditionne. Dune part,
devait tre respecte une procdure dautorisation ordinale : linscription au tableau supposait
lavis favorable de commissions particulires de qualification places auprs du Conseil
national de lordre des mdecins
183
. Dautre part, cette voie daccs ne concernait que les
mdecins ayant obtenu leur doctorat en mdecine avant lentre en vigueur de la loi du 23
dcembre 1982 relative aux tudes mdicales et pharmaceutiques
184
.
2. lassistance du mdecin du travail
118. Un mdecin collaborateur. Suite la rforme de 2011, cette voie daccs
la profession nest plus explicitement mentionne par les dispositions rglementaires. Deux
interprtations taient possibles : soit le pouvoir rglementaire entendait fermer la voie de la
qualification ordinale, soit celui-ci lavait implicitement intgr dans les termes tre qualifi
en mdecine du travail
185
. En ralit, la rponse est plus subtile. La qualification ordinale
persiste travers la notion de collaborateur mdecin : lemployeur (ou le service de sant
au travail) a dsormais la facult de recruter de tels collaborateurs.
182
D. n96-188 du 12 mars 1996, renvoyant larticle 9 alina 2 de la loi n91-73 du 18 janvier 1991 portant
dispositions relatives la sant publique et aux assurances sociales.
183
L. n91-73 du 18 janvier 1991., art 9 al 8.
184
CE 21 octobre 1998 n179771 Syndicat national professionnel des mdecins du travail.
185
C. trav., art. R. 4623-2 nouveau.
48
119. Conditions. Les conditions de mise en uvre de cette voie daccs sont
profondment modifies. Dune part, le mdecin collaborateur nest plus autonome puisquil
collabore avec un mdecin qualifi en mdecine du travail. En effet, sa fonction est dassister
le mdecin du travail
186
. Dautre part, ce collaborateur sengage suivre une formation en vue
de lobtention de la qualification en mdecine du travail auprs de lOrdre des mdecins.
Ainsi, la qualification ordinale, bien que fortement encadre, a survcu.
B. La rgularisation
120. Premire phase. Au dpart, le lgislateur a envisag le recours au
mcanisme de rgularisation de manire exprimentale. Ainsi, les personnes titulaires d'un
diplme franais d'Etat de docteur en mdecine (ou des titres prvus larticle L. 4131-1 du
Code de la sant publique) qui exeraient, compter du 2 juillet 1998, dans les services
mdicaux du travail (aujourdhui nomms services de sant au travail) qui ne possdaient pas
les titres ou diplmes de mdecine du travail susmentionns (CES, DES de mdecine du
travail ou diplme de lINMA), taient autorises poursuivre leur exercice en tant que
mdecin du travail ou mdecin de prvention
187
. Cette facult tait aussi admise dans le cadre
de la fonction publique dEtat et territoriale.
121. Conditions. Ce mcanisme tait subordonn au respect de deux conditions.
Dune part, le mdecin intress devait suivre un enseignement thorique conforme au
programme dispens au titre du DES de mdecine du travail. Dautre part, les mdecins
exerant dans les services de sant au travail devaient satisfaire des preuves de contrle de
connaissances au plus tard avant la fin de l'anne universitaire 2000-2001. Cette chance
tait reporte dun an pour les mdecins exerant dans les services de sant des fonctions
publiques susmentionnes.
122. Maintien provisoire du dispositif. Le dispositif de rgularisation
provisoire prvu en 1998 fut maintenu en 2002
188
pour les mdecins en poste la date du 18
juin 2002. Le rgime juridique prvu par la loi de 1998 fut repris en totalit, mais le contrle
des connaissances devait tre opr au plus tard avant la fin de lanne universitaire 2003-
2004.
186
C. trav., art. R. 4623-25.
187
L. n98-535 du 1
er
juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrle de la scurit
sanitaire des produits destins lhomme., art 28 al 1.
188
L. n 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale., art 198.
49
C. La reconversion
123. Reconversion temporaire. Initialement, cette mthode dlargissement de
laccs la profession de mdecin du travail tait prvue par la loi du 17 janvier 2002 relative
la modernisation sociale
189
. Applicable du 18 janvier 2002 au 18 janvier 2007, elle consistait
en la reconversion des personnes titulaires dun diplme en mdecine (ou dun autre titre
prvu par l'article L. 4131-1 du Code de la sant publique). Ainsi, ces personnes avaient la
possibilit dexercer la mdecine du travail condition davoir exerc pendant au moins cinq
ans et d'avoir obtenu un titre en mdecine de sant au travail et de prvention des risques
professionnels.
124. Prennisation du dispositif. En 2003, le diplme de capacit en mdecine
de sant au travail et de prvention des risques professionnels a t prennis
190
. Il permet
aujourdhui un accs de droit la profession de mdecin du travail
191
. Dune dure de deux
ans, ce diplme est accessible condition dabandonner son activit mdicale antrieure
192
.
Dans loptique de rendre cette voie attractive, il est prvu que cet abandon permet de
bnficier dune indemnit (plafonne 5 000
193
) dont la charge financire est supporte par
la Caisse Nationale dAssurance Maladie des Travailleurs Salaris (CNAMTS)
194
.
D. Les internes en mdecine du travail
125. Principe. La loi du 20 juillet 2011 offre une nouvelle voie daccs
drogatoire lexercice de la mdecine du travail, vivement critique par certains acteurs de
la sant au travail. Dsormais, les services de sant au travail ont la facult de recruter, titre
temporaire, un interne de la spcialit exerant sous lautorit dun mdecin du travail
expriment
195
. Cette technique nest ni plus ni moins quune conscration de la pratique
professionnelle dans la mesure o un certain nombre de services de sant au travail faisaient
dj appel des praticiens nayant pas encore obtenu leur diplme spcialis.
189
L. n 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale., art 194.
190
D. n 2003-958 du 3 octobre 2003 pris pour l'application de l'article L. 241-6-1 du Code du travail et relatif
la mise en place d'un dispositif de reconversion vers la mdecine du travail et la mdecine de prvention.
191
C. trav., art. R 4326-2.
192
D. n 2003-958 du 3 octobre 2003, art. 1 II.
193
Arr. du 12 juillet 2004 fixant le montant et les modalits d'attribution de l'indemnit verse dans le cadre du
dispositif de reconversion vers la mdecine du travail et la mdecine de prvention, art 1.
194
D. n 2003-958 du 3 octobre 2003., art 5.
195
L. n2011-867 du 20 juillet 2011., art 12.
50
126. Conditions. Cette nouvelle voie daccs est laisse lapprciation des
instances ordinales. En effet, le recours des internes en mdecine du travail suppose la
dlivrance dune licence de remplacement ainsi quune autorisation dlivre par les conseils
dpartementaux comptents de lordre des mdecins. Dans loptique o ces conditions sont
remplies, les internes inscrits au DES de mdecine du travail, comme tout tudiant inscrit en
deuxime cycle des tudes mdicales, auront la facult dtre accueilli en stage au sein dun
service de sant au travail agr cet effet
196
. Ainsi, il est clair que le pouvoir rglementaire
tend favoriser de tels stages afin de remplir les rangs de services de sant de plus en plus
dserts. Cette nouvelle voie daccs protge, tout du moins en thorie, les internes, dont le
statut reste similaire celui des autres tudiants en mdecine
197
. A titre comparatif, il est
intressant de noter que les termes utiliss par les dispositions rglementaires sont trs
proches des nouvelles rgles relatives aux collaborateurs mdecins : louverture des services
de sant au travail divers profils et comptences est en marche.
127. Conclusion. Laccs la profession de mdecin du travail est une
nbuleuse, o le principe dintelligibilit de la loi souffre. Depuis plusieurs annes, le
lgislateur tend largir les voies daccs dans lunique but de pallier la pnurie de
professionnels. Dans une poque o la loi est de plus en plus malmene au gr des ambitions
politiques
198
, les rformes successives sur la question font exception puisquelles dtiennent
un fil dAriane louable et solide. Cependant, la pratique dmontre que le lgislateur a toujours
favoris les techniques daccs drogatoires, au dtriment de la voie diplmante : le fait est
que cette dernire, qui nest mme plus expressment voque par le Code du travail
199
, est
aujourdhui lexception au principe. Ce phnomne a certainement accentu la chute de la
valeur du diplme spcialis en mdecine du travail et, de facto, les vocations, au point que
certains professionnels parlent dune mdecine du travail au rabais
200
. Il est vrai que le
principe domnivalence du diplme de docteur en mdecine
201
atteint son paroxysme en
matire de sant au travail. Bien que la loi de 2011, en intgrant les internes aux services de
196
C. trav., art. R. 4623-26.
197
C. trav., art. R. 4623-27.
198
E. Docks, Le stroboscope lgislatif : Dr. Social, n9/10 2005.
199
Comme nous lavons dj indiqu, il nest plus fait rfrences au DES et CES de mdecine du travail mais au
fait que la personne doit tre qualifie en mdecine du travail.
200
Ordre national des mdecins, Conseil national de lordre, La mdecine du travail, Conditions daccs, fvrier
2006 p. 4.
201
Ce principe est prvu par larticle R. 4127-70 du Code de la sant publique qui dispose que tout mdecin est
en principe habilit pratiquer tous les actes de diagnostic, de prvention et de traitement. Mais il ne doit pas,
sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans les
domaines qui dpassent ses connaissances, son exprience et les moyens dont il dispose.
51
sant au travail, ait pour mrite de replacer le diplme au centre de laccs la profession, il
semble quune rforme plus profonde aurait t souhaitable. En effet, lattractivit de la voie
diplmante constitue sans doute la meilleure rponse la pnurie de professionnels. Le
lgislateur, dans une qute de solutions oprationnelles, a quelque peu abus des pansements
temporaires ou drogatoires. Lenfer est, dit-on, pav de bonnes intentions
2 : Les incompatibilits
128. Tout mdecin ne peut exercer une autre activit que si un tel cumul est
compatible avec son indpendance, sa dignit professionnelle et n'est pas susceptible de lui
permettre de tirer profit de ses prescriptions ou de ses conseils mdicaux
202
. De ce principe
gnral, se dgagent deux catgories dincompatibilits: celles lies aux activits du mdecin
du travail au sein dune entreprise ou dun service de sant au travail interentreprises (I) et en
dehors de lentreprise (II).
I. Incompatibilits intra-entreprise
129. Les fonctions du mdecin du travail (en entreprise comme en service
interentreprises) sont exclusives de toute autre fonction dans les tablissements dont il a la
charge et dans les services interentreprises dont il est salari
203
. La pratique montre quil nest
pas rare que les entreprises sinterrogent sur la possibilit, pour le mdecin du travail affect
celles-ci, dy exercer une autre activit mdicale (telle que la mdecine gnrale) en faveur
des salaris. Le fait est que, sauf cas durgence, tout mdecin assurant un service de mdecine
prventive pour le compte dune collectivit na pas la facult de donner des soins curatifs
204
.
En dautres termes, le mdecin du travail ne peut, dans le cadre de ses fonctions, raliser des
consultations en tant que mdecin gnraliste (ou toute autre spcialit) au sein de
lentreprise.
II. Incompatibilits extra-entreprise
130. Si le cumul dactivits professionnelles nest, en soi, pas prohib, certains
garde-fous rgulent la libert professionnelle du mdecin du travail, au nom de son
202
C. sant. publ., art. R. 4127-26.
203
C. trav., art., R. 4623-14.
204
C. sant. publ., art. R. 4127-99.
52
indpendance professionnelle, dont le corollaire est la sant des travailleurs. Ainsi, se
dgagent deux limites majeures.
A. Limite mdicale
131. Larticle L. 4623-2 du Code du travail dispose que les conditions dans
lesquelles les fonctions de mdecin du travail sont incompatibles avec lexercice de certaines
autres activits mdicales sont prvues par dcret. Ce dcret nayant jamais vu le jour, le vide
juridique a progressivement t combl.
Dune part, la fonction de mdecin du travail est interdite aux mdecins spcialistes
205
. Cette
restriction nempche pas un professionnel titulaire des diplmes requis dexercer la mdecine
du travail et la mdecine gnrale ds lors que leurs exercices respectifs sont spars. En effet,
la loi se contente daffirmer que le mdecin du travail est un mdecin autant que possible
employ temps complet qui ne pratique pas la mdecine de clientle courante
206
. Le juge
offre une lecture exgtique de cette rgle, en considrant que le licenciement dun mdecin
du travail temps partiel, pratiquant par ailleurs la mdecine de clientle courante, au motif
que dautres mdecins du travail candidats au poste ne pratiquent pas la clientle prive, est
infond
207
.
Dautre part, le mdecin du travail ne peut exercer la mdecine de contrle
208
(contrle
patronal de labsentisme des salaris ou contrle opr par la Scurit sociale) pour
dventuels conflits dintrts vidents.
B. Limite extra-mdicale
132. Rsiduelle, la limite extra-mdicale tient au fait que les fonctions de
mdecin du travail sont incompatibles avec certaines activits commerciales (telle que la
fonction de prsident directeur gnral dune socit commerciale
209
).
133. Conclusion. La pratique dmontre quun nombre substantiel de mdecins
du travail cumulent les activits mdicales. Les raisons principales sont laugmentation des
revenus et le dsir de ne pas se cantonner une mdecine exclusivement prventive. En outre,
205
CE 3 novembre 1967, n67.822.
206
C., trav., art. L. 4623-3.
207
CE 29 juillet 1983, n24.533.
208
Circ. Min. n34 du 20 juin 1969.
209
Cass. soc. 9 dcembre 1964, n64-40.069.
53
la multiplication des embauches de mdecins du travail temps partiel accentue ce
phnomne. De tels cumuls (comme le manque de disponibilit envers les patients)
engendrent des risques non ngligeables dont le rsultat est la fragilisation de la sant des
travailleurs.
Sous-section 2 - Recrutement
134. Le recrutement du mdecin du travail suppose le respect de deux tapes : la
conclusion de son contrat de travail (1), qui doit ensuite tre valid via une procdure de
nomination obligatoire (2).
1 : Formalits et contenu du contrat de travail
135. Le contrat de travail, bien que partiellement dtach du droit civil, suppose
le consentement des deux parties. Or, le contrat de travail du mdecin du travail carte ce
principe : la dcision dembaucher ce dernier ne rsulte pas du libre arbitre de lemployeur car
celui-ci est contraint par des dispositions dordre public destines protger la sant des
salaris
210
. De ce postulat se dgage une ligne directrice : le contrat de travail du mdecin du
travail est, ici encore, spcifique. Ce particularisme se traduit par le fait quil doit tre rdig
par crit (I) et respecter les prescriptions du Code de dontologie mdicale (II).
I. Contrat crit
136. Obligation dun crit. Si la lgislation europenne favorise ltablissement
dun contrat de travail crit
211
, le droit commun du contrat de travail franais nimpose rien.
Par drogation, le contrat de travail du mdecin du travail doit en toute hypothse tre rdig
par crit
212
.
137. Consquences de labsence dcrit. Puisque lobligation dtablir un
contrat de travail crit constitue une formalit substantielle, son inobservation peut engendrer
des sanctions disciplinaires, diligentes par le Conseil de lordre, lencontre du mdecin
concern
213
. Nanmoins, labsence dcrit ne prive pas le mdecin du travail, mme lorsque la
210
Y. Fromont, Le statut des mdecins du travail : Dr. social n7/8 Juillet/aot 1987 p. 585.
211
Dir. n 91/533/CEE du 14 octobre 1991, art. 3.
212
C. sant. publ., art. R. 4127-83.
213
C. sant. publ., art. L. 4113-10.
54
mconnaissance de cette obligation lui est imputable, des garanties prvues en matire de
licenciement
214
. Au surplus, toute personne physique ou morale qui refuse de rdiger par crit
le contrat de travail est passible de sanctions pnales
215
.
II. Contrat dontologique
138. Le contrat de travail du mdecin du travail doit respecter les prescriptions
du Code de dontologie mdicale
216
. De ce principe rsulte un contrle opr par les instances
ordinales comptentes (A) ainsi quun encadrement de la rmunration du mdecin du travail
(B).
A. Contrle ordinal
139. Le contrle ordinal seffectue en amont (1) et en aval (2).
1. Contrle en amont
140. Le Conseil de lOrdre a su habilement user de son pouvoir rglementaire.
Ainsi, ce dernier a rdig des clauses contractuelles types dont les prescriptions simposent
aux signataires ; clauses dont la nature rglementaire a t reconnue par la jurisprudence
217
. Il
est intressant de noter que le juge administratif a rgul limprialisme du Conseil de lOrdre
sur le statut du mdecin du travail. En effet, celui-ci a dclar certaines des clauses
contractuelles prvues par les contrats types illgales du fait quelles porteraient atteinte la
libert contractuelle des mdecins et excderaient les pouvoirs dvolus au Conseil de lOrdre.
Il en rsulte que les clauses contractuelles prvues par le Conseil de lOrdre peuvent faire
lobjet de recours en excs de pouvoir devant les juridictions administratives.
2. Contrle en aval
141. Contrairement au premier, ce contrle est relativement restreint : le projet de
contrat (ou de son renouvellement) doit tre communiqu au Conseil dpartemental de
lOrdre, mme si la collaboration envisage ne constitue quune partie de lactivit
214
CE, 22 dcembre 1967, n60.042.
215
C. trav., art. R. 4745-2.
216
C. trav., art. R 4623-4.
217
CE 13 mai 1987, n13751.
55
professionnelle du mdecin
218
. En pratique, le contrle ordinal est pouss : ds lors que les
parties prtendent respecter les dispositions du Code de dontologie mdicale sans prciser les
mesures prises afin de les respecter, le Conseil de lOrdre est fond donner un avis
dfavorable au projet de collaboration
219
. Nanmoins, le contrle opr souffre de limites
substantielles : labsence de communication du contrat de travail linstance ordinale
comptente nentrane pas la nullit du contrat
220
et, dans lhypothse o le contrat est
communiqu, le Conseil de lOrdre na pour seul mission que de vrifier sil nest pas
contraire au Code de dontologie mdicale. De ce fait, cette instance na pas la facult
dapprouver ou non ledit contrat
221
. En vertu du droit ordinal, les dcisions du Conseil
dpartemental de lordre sont susceptibles de recours (au niveau rgional puis, le cas chant,
au niveau national).
B. Rmunration
142. La rmunration du mdecin du travail est fixe librement par les parties au
contrat, sous rserve du respect des dispositions du Code de dontologie mdicale. Ainsi, un
mdecin salari ne peut, en aucun cas, accepter une rmunration fonde sur des normes de
productivit, de rendement horaire ou toute autre disposition qui aurait pour consquence une
limitation ou un abandon de son indpendance ou une atteinte la qualit des soins
222
.
En vertu des principes dontologiques, le ministre du Travail a prcis que lindividualisation
de la rmunration doit tre limite. Ainsi, une telle pratique suppose la consultation pralable
dun comit dentreprise ou de la commission de contrle (dans les services de sant au travail
interentreprises)
223
. Ces rgulations de la libert contractuelle sont contrles par le Conseil
de lOrdre.
2 : Nomination
143. Le dcret dapplication de la loi du 20 juillet 2011 fusionne les procdures
de nomination et daffectation dans un mme paragraphe. Il est donc permis daffirmer que
laffectation du mdecin du travail (I) constitue dsormais une tape de sa nomination (II).
218
CE 16 dcembre 1960, Rec. Lebon p. 713.
219
CE 9 juin 1967, n68.156.
220
Cass. soc. 24 mai 1960, n58-11.104.
221
CE, 3 juillet 1970 n78.636.
222
C. sant. publ., art. R. 4127-97.
223
Rp. Min. n34070 du 22 janvier 1996, JO Ass.nat. 8 avril 1996 p. 1949.
56
I. Procdure de nomination
144. Accord pralable. La ncessaire indpendance du mdecin du travail dans
lexercice de ses fonctions implique la mise en place dune procdure de nomination. Ainsi, le
mdecin du travail ne peut tre nomm quavec laccord soit du comit dentreprise (le cas
chant du comit dtablissement), soit du comit interentreprises ou de la commission de
contrle du service interentreprises
224
. En toute hypothse, la nomination du mdecin du
travail doit intervenir, au plus tard, avant la fin de la priode dessai de ce denier
225
.
Pour prendre cette dcision, lorganisme de contrle habilit par la loi se voit communiquer
deux types dinformations. Dune part, leffectif des salaris suivis. Dautre part, soit le
secteur auquel le mdecin est affect sagissant des services de sant au travail ou
dtablissement ; soit la liste des tablissements ou entreprises surveilles dans les services de
sant au travail interentreprises, de groupe, dune mme unit conomique et sociale (UES)
ou encore commun plusieurs tablissements
226
.
Nanmoins, lemployeur nest pas tenu de communiquer lorgane de contrle les dossiers
des candidatures cartes
227
. En dautres termes, lemployeur est seul matre du choix du
mdecin du travail. Ce principe, manation du pouvoir de direction de lemployeur,
nempche pas lorganisme de contrle de proposer un candidat lemployeur.
145. Modalits de vote. La dcision de lorganisme de contrle est prise
bulletins secrets, la majorit de ses membres, rgulirement convoqus, prsents ou
reprsents. Chaque membre ne peut disposer du pouvoir que dun seul autre membre
228
.
146. Absence daccord. Labsence daccord, caractrise mme en cas de
partage gal des voix
229
, conduit une procdure alternative de nomination. Ainsi, celle-ci
intervient sur autorisation de linspecteur du travail prise aprs avis du mdecin-inspecteur du
travail
230
. La dcision de linspecteur du travail se substitue, de droit, celle initialement prise
par lorganisme de contrle comptent. De ce fait, lirrgularit de la dcision prise par un
organisme de contrle est inopposable
231
. La dcision de linspecteur du travail peut faire
224
C., trav., art. R 4623-5.
225
C. trav., art. R 4623-8.
226
C. trav., art. R 4623-7.
227
CE 20 avril 1984, n33691.
228
C. trav., art., R 4623-6.
229
Cass. soc. 19 mai 1969, n67-14.807.
230
C. trav., art. R4623-8.
231
CE 12 octobre 1990, n91.532.
57
lobjet dun recours hirarchique auprs du Ministre du Travail ainsi que dun recours en
excs de pouvoir devant le juge administratif dans les conditions prvues par le droit du
contentieux administratif.
147. Non respect de la procdure. Les sanctions du non respect de la procdure
de nomination du mdecin du travail, bien que lourdes, sont logiques au regard de lintrt de
la rgle protge. Dune part, le contrat de travail du mdecin du travail est nul. Dautre part,
lemployeur encourt les sanctions pnales pcuniaires relatives la mdecine du travail
232
et,
si lorganisme de contrle comptent est le comit dentreprise (ou le cas chant le comit
dtablissement), les sanctions prvues en matire de dlit dentrave.
II. Procdure daffectation
148. Laffectation du mdecin du travail constitue une priode charnire, aux
frontires de la formation et de lexcution de son contrat de travail. Le dcret du 30 janvier
2012 relatif lorganisation de la mdecine du travail offre deux lments : dune part,
lextension de la procdure de nomination du mdecin du travail son affectation (A) ;
dautre part, lviction des dispositions relatives la charge de travail de ce dernier (B).
A. Extension de la procdure de nomination laffectation
149. Nouveaut de taille, laffectation du mdecin du travail est dsormais
soumise la mme procdure obligatoire que celle prvue lors de la consultation
233
. A notre
sens, laccroissement des obligations en la matire na quune seule explication : le pouvoir
rglementaire tend asseoir lune des lignes directrices de la rforme de 2011, savoir
laccroissement de la protection du mdecin du travail, notamment par un formalisme pouss,
qui, au demeurant, rapproche sensiblement le statut du mdecin du travail celui des
reprsentants du personnel.
150. Obligation dinformation. Suite la nomination du mdecin du travail, ce
dernier doit tre inform des conditions dans lesquelles il va exercer son activit. Ainsi, dans
les services de sant au travail interentreprises, le mdecin du travail se voit attribuer une liste
dentreprises et dtablissements qui indique les effectifs des travailleurs concerns ainsi que
232
C. trav., art. R4745-1 et s.
233
C. trav., art. R. 4623-5.
58
les risques professionnels auxquels ceux-ci sont exposs
234
. Dans les services autonomes de
sant au travail employant plusieurs mdecins, chacun dentre eux est affect un secteur
dtermin, dfini par lemployeur et dont leffectif lui est communiqu
235
. En dautres termes,
quel que soit le mode dorganisation du service de sant, le critre de rpartition des tches
entre mdecins est logiquement organique.
B. Suppression de la notion de charge de travail
151. Exit. Les anciennes dispositions rglementaires, applicables jusquau 1
er
juillet 2011, prvoyaient un encadrement strict de la charge de travail du mdecin du travail.
En effet, le gouvernement offrait des plafonds par lesquels il entendait rguler la charge de
travail du mdecin, dans lobjectif de permettre ce dernier dagir efficacement en faveur de
la sant des travailleurs. La disparition de ces dispositions est certainement due au contexte de
pnurie de professionnels : le lgislateur carte toute rgle tendant restreindre lactivit des
mdecins en exercice.
152. Trois plafonds. Dans les services de sant au travail interentreprises, outre
la prise en compte de la rgle dite du tiers temps (selon laquelle le mdecin du travail doit
consacrer le tiers de son temps laction en milieu de travail
236
), la charge de travail du
mdecin du travail exerant temps plein tait dtermine sur la base de trois plafonds, dont
aucun ne devait tre dpass
237
. Premirement, chaque mdecin ne pouvait tre charg de plus
de 450 entreprises ou tablissements. Chaque entreprise ou tablissement tait comptabilis,
peu important sa taille
238
. Deuximement, leffectif dont un mdecin a la charge ne pouvait
dpasser le plafond de 3300 salaris. Dans les services de sant au travail dentreprise (ou
dtablissement), seul ce plafond tait applicable
239
. Troisimement, le mdecin ne pouvait
raliser plus de 3200 examens mdicaux par an. En pratique, il fallait tenir compte de
lactivit de surveillance mdicale renforce dans la mesure o celle-ci gnre davantage
dexamens. Au surplus, lorsque le mdecin exerait son activit temps partiel, ces trois
plafonds taient calculs due proportion de son temps de travail
240
.
234
C. trav., art. R. 4623-10.
235
C. trav., art. R. 4623-11.
236
C. trav., art. R. 4624-4.
237
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
238
Ibid.
239
C. trav., art. R. 4623-11. ancien.
240
C. trav., art. R. 4623-9 ancien, C. trav., art. R. 4623-10. ancien.
59
Section 2 Lexcution du contrat de travail
153. La difficile conciliation de lindpendance professionnelle et du lien de
subordination juridique, laquelle nous avons dj fait rfrence, sexprime pleinement lors
de lexcution du contrat de travail du mdecin du travail. Pour garantir lindpendance
professionnelle du mdecin du travail, la rgle de droit amnage les relations contractuelles et
loigne un peu plus le mdecin du travail des contres du droit commun. En effet, le Droit
sattache encadrer tant les conditions dexercice (Sous-section 1) que les hypothses de
modification de la situation du mdecin du travail (Sous-section 2).
Sous-section 1 Conditions dexercice
154. Le mdecin du travail est un salari deux visages, oscillant entre le droit
commun et le droit exorbitant. Titulaire dun contrat de travail, il bnficie, comme tout autre
salari, des dispositions protectrices du droit social ( 1). Nanmoins, lexercice de lart
mdical ntant pas une prestation de travail comme les autres, le mdecin du travail se doit
de lexercer laune de principes dontologiques fondamentaux ( 2).
1 : Le mdecin du travail, un salari ordinaire
155. Puisquil est titulaire dun contrat de travail, le mdecin du travail se voit
appliquer lensemble du droit du travail
241
et peut agir devant la juridiction prudhomale.
Ainsi, loin des principes de la mdecine librale, le mdecin du travail bnficie de jours de
congs pays ou encore est soumis au droit de la dure du travail. Comme tout autre salari, le
mdecin du travail est soumis des dispositions conventionnelles (I) et au rgime gnral de
scurit sociale (II).
I. Convention collective
156. Le statut conventionnel du mdecin du travail varie en fonction du fait quil
soit salari dun service de sant au travail autonome (A) ou interentreprises (B).
241
Rp. Min. JO Ass. Nat. 11 fvrier 1950, p. 1174.
60
A. Service de sant au travail autonome
157. Lorsque le mdecin du travail exerce sa profession au sein du service de
sant au travail dune entreprise, son contrat de travail est soumis aux conventions et accords
collectifs de branche et dentreprise (voire dtablissement) applicables au sein de cette
entreprise. En dautres termes, le mdecin du travail bnficie des mmes dispositions
conventionnelles que les autres salaris de lentreprise et ventuellement du principe de
faveur.
B. Service de sant au travail interentreprises
158. Lorsque le mdecin du travail exerce au sein dun service de sant au travail
interentreprises, il bnficie des dispositions de la convention collective du personnel des
services interentreprises de mdecine du travail du 20 juillet 1976, tendue par arrt du 18
octobre 1976.
II. Protection sociale
159. Affiliation au rgime gnral. Puisquil est titulaire dun contrat de travail,
le mdecin du travail est ncessairement assujetti au rgime gnral de la Scurit Sociale.
Dans lhypothse o un mdecin cumule lexercice de la mdecine du travail et la pratique
dune clientle prive, il doit tre assujetti au rgime gnral, peu important la part des
revenus issue de son activit non salarie
242
. Ainsi, sopre un cumul dassujettissement
(rgime gnral et rgime des professions librales). En outre, le mdecin du travail relve,
toujours en vertu de son contrat de travail, du rgime de retraite complmentaire des salaris
cadres (AGIRC)
243
.
160. Assurance chmage. Loin de lexercice libral de la mdecine, le mdecin
du travail est assujetti au rgime dassurance chmage en cas de chmage total. De ce fait, ce
dernier cotise comme tout autre salari et bnficie le cas chant dallocations de chmage.
242
Cass. Soc. 13 mars 1980, n78-15.391, Bull. Civ. V n257.
243
Cass. Soc. 3 mai 1989, n86-16.654, Bull. Civ. V n338 p. 205.
61
2 : Le mdecin du travail, un salari singulier
161. La singularit du contrat de travail du mdecin du travail prime. Un solide
triptyque juridique en atteste : le mdecin du travail est devenu, au fil des rformes, un
vritable gestionnaire (I), indpendant professionnellement (II) et tenu par le secret
mdical (III).
I. Un mdecin salariet gestionnaire
162. Le mdecin du travail doit assurer personnellement lensemble de ses
fonctions
244
et, dans la mesure du possible, tre employ temps complet
245
. Si le deuxime
postulat demeure, le premier est aujourdhui, dans le contexte de la pluridisciplinarit, de pure
forme. En tout tat de cause, lorsque lemploi dun mdecin temps complet est ncessaire, il
ne peut tre fait appel plusieurs mdecins employs temps partiel. Par exception, la
Direction rgionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de
lemploi (DIRECCTE) comptente peut accorder des drogations aprs avis du mdecin
inspecteur du travail
246
.
163. Un subordonn subordonnant. Le mdecin du travail nest pas, dans
lexercice de ses fonctions, un simple excutant. En effet, les rformes successives tendent
faire du mdecin du travail un vritable gestionnaire des services de sant au travail. Ce
constat a t consacr par la reconnaissance de la pluridisciplinarit des services de sant au
travail, travers laquelle le mdecin a la facult de confier certaines de ses activits, sous sa
responsabilit (dans le cadre de protocoles crits), au personnel du service de sant au travail,
sous rserve du respect des comptences de chacun
247
. Ainsi, en dehors de lindpendance
professionnelle, le mdecin du travail dispose de plus en plus de la facult de donner des
directives dautres subordonns.
244
C. trav., art. R. 4623-14.
245
C. trav., art. L. 4623-3.
246
C. trav., art. R. 4623-9.
247
C. trav., art. R. 4623-14. al 2.
62
II. Lindpendance professionnelle
A. Conscration du principe
164. Un principe valeur lgislative. Lindpendance professionnelle constitue
indniablement la qualit cardinale du mdecin du travail. Celle-ci a t, au fil des rformes,
progressivement renforce, au point quon puisse parler dune reconnaissance exponentielle.
Initialement, le Code de dontologie mdicale affirme que lexercice salari de la mdecine
na aucune consquence sur lobligation pour le mdecin dagir en toute indpendance
248
. La
rgle a ensuite t intgre, par voie rglementaire, au Code du travail
249
. Enfin, la loi du 20
juillet 2011 consacre ce principe dindpendance au niveau lgislatif: le mdecin du travail
assure ses missions dans les conditions dindpendance professionnelle dfinies et garanties
par la loi
250
. Certes, cette rgle nest pas nouvelle. Il nen demeure pas moins que sa
conscration nest pas anodine. Dans le contexte de mise en avant de la pluridisciplinarit des
services de sant au travail, la mesure nest pas seulement symbolique. Elle constitue un
vritable garde-fou face au pouvoir de direction de lemployeur, souvent imprialiste dans le
domaine de la sant au travail. Sil est permis de douter du fait que la valeur lgislative du
principe soit reconsidre par les entreprises, il sera intressant de surveiller lapprciation
opre par le juge dans les rares dcisions o la question est dbattue.
B. Contenu du principe
165. Un rempart. Si lindpendance professionnelle du mdecin du travail
concerne lensemble des acteurs des relations de travail, lemployeur constitue le premier
acteur concern. Le pouvoir de direction de lemployeur entre directement en collision avec la
libert daction du mdecin du travail. Nanmoins, le principe dindpendance professionnelle
(1) nest pas absolu (2) : une dichotomie est tablie entre deux sphres.
1. Indpendance mdicale
166. Lindpendance professionnelle sexprime dans lactivit mdicale du
mdecin du travail : le mdecin ne peut aliner son indpendance professionnelle sous
quelque forme que ce soit
251
. Le principe, consacr rcemment par la loi, est solide.
248
C. sant. publ., art. R. 4127-95.
249
D. n2004-760 du 28 juillet 2004.
250
L. n2011-867 du 20 juillet 2011., art 1.
251
C. sant. publ., art. R4217-10.
63
Il a t protg avec vigilance par la jurisprudence dont lide-force est de repousser toute
ingrence de lemployeur dans le domaine mdical
252
. A cet effet, la chambre criminelle de la
Cour de cassation a clairement rappel que la subordination juridique du mdecin du travail,
si elle existe sur le plan administratif, ne peut stendre lactivit mdicale du praticien
253
.
Ainsi, est abusif le licenciement dun mdecin du travail au motif que ce dernier prescrivait
trop dinaptitudes au travail
254
. Dun point de vue matriel, lindpendance professionnelle se
matrialise par des prrogatives (de puissance publique ?
255
) offertes au mdecin du travail,
contre lesquelles lemployeur ne peut sopposer (libre accs aux lieux de travail, examens
mdicaux).
2. Dpendance administrative
167. Subordination. Si lindpendance professionnelle constitue le principe
cardinal du statut du mdecin du travail, elle nest pourtant pas absolue. Le lien de
subordination juridique bnficie dun terrain dexpression sur le plan administratif et
hirarchique. Lemployeur a ainsi la facult dimposer des horaires de travail prdtermins
256
ou encore de prvoir une rmunration forfaitaire
257
en faveur du mdecin du travail. Enfin et
surtout, le pouvoir disciplinaire ne sarrte pas aux portes du service de sant au travail :
lemployeur ne peut agir sur le terrain disciplinaire quen raison de considrations
administratives ou hirarchiques
258
.
168. Conclusion. Lindpendance professionnelle nest pas absolue en ce quelle
offre une frontire entre activit administrative et mdicale. Frontire plaisante en thorie. Sa
mise en pratique nous laisse perplexe. En toute hypothse, la notion dindpendance ne pas
doit tre galvaude. Trop souvent, indpendance rime avec combat contre lemployeur : cest
une erreur fatale. Son contenu nest ni plus ni moins que la facult pour le mdecin du travail
dagir dans lintrt exclusif de la sant des travailleurs.
Dun ct, si le mdecin du travail souhaite prendre part aux dcisions de lentreprise, il ne
peut sopposer de faon manichenne lemployeur
259
. Dun autre, si lemployeur,
252
Y. Fromont, Le statut du mdecin du travail : Dr. social n7/8 juillet/aot 1987 p. 587.
253
Cass. crim 15 octobre 1985, n83-92.133. Bull. Crim. 1985 n 317.
254
Cass. soc. 10 oct. 1979, n78-12.275. Bull. Civ. V n703.
255
P. Cabanes, Perspectives : Dr. social n4 avril 1980 p. 34.
256
Cass. soc. 31 mai 1965, Dr. social 1965 p. 512.
257
Cass. soc. 4 fvrier 1971, Bull. Civ. 1971, V, n80.
258
Cass. soc. 28 juin 1989, Juris Data n1989-002604.
259
B. Teyssi, Prolgomnes sur la mdecine du travail : Dr. social n7/8 Juillet/aot p. 564.
64
aujourdhui si soucieux de limage vhicule par son entreprise
260
, ne souhaite pas tre
sanctionn, il lui incombe de faciliter laction du mdecin du travail.
Lide-force est donc simple : in medio stat virtus.
III. Le secret mdical
169. Le secret professionnel nest pas une obligation propre au mdecin du
travail. Cependant, au regard de ses missions, cette obligation, dont la traduction est le secret
mdical, est essentielle.
A. Principe
170. Mdecin du travail. Le secret professionnel, institu dans lintrt des
patients, simpose tout mdecin
261
. Plus prcisment, le fait pour un mdecin dtre li dans
son exercice professionnel par un contrat nenlve rien cette obligation
262
. En pratique, les
difficults se cristallisent principalement sur le dossier mdical, qui est couvert par le secret
mdical
263
.
171. Personnel mdical. Le secret mdical stend aux personnes assistant le
mdecin du travail dans lexercice de ses fonctions : celles-ci doivent tre instruites de leurs
obligations en la matire et sy conformer
264
. La mise en place de la pluridisciplinarit des
services de sant au travail fait que cette rgle va gagner en consistance. La difficult rsidera
dans le respect effectif du secret mdical. Le mdecin du travail qui deviendra, dans le cadre
de la pluridisciplinarit, un gestionnaire , devra, outre ses nouvelles fonctions, veiller au
respect des dispositions dontologiques par lensemble de son personnel.
B. Limites
172. Nonobstant le fait que le secret mdical est un principe majeur de lexercice
de la mdecine, la situation du mdecin du travail, subordonn, en restreint le champ
dapplication.
260
Le dveloppement de la notion de responsabilit sociale des entreprises (RSE) en est un tmoignage.
261
C. sant. publ., art. R. 4127-4.
262
C. sant. publ., art. R. 4127-95.
263
Cass. soc. 10 juillet 2002, n00-40. 209. Bull. Civ. V n 251 p. 245.
264
C. sant. publ., art. R. 4127-72.
65
1. Le secret mdical face lemployeur
173. Le lien de subordination juridique qui pse sur les paules du mdecin du
travail a des consquences diverses. Lune dentre elles est que lintress a des comptes
rendre son employeur. La pratique dmontre lexistence de violations du secret mdical, o
lemployeur, cherchant pas tout moyen obtenir des informations sur les salaris, use de
procds illgaux (coutes tlphoniques, ouverture de courrier). En dehors de ces hypothses
marginales pour certains, frquentes pour dautres -, le secret mdical est limit.
174. Limite jurisprudentielle. Le mdecin du travail a pour obligation de
renseigner lemployeur et de le conseiller en lui fournissant des lments de fait ncessaires
selon la nature de la dcision prendre
265
. Nanmoins, le dossier mdical d'un salari ne peut
en aucun cas tre communiqu l'employeur
266
. A la lecture de cette limite jurisprudentielle,
la conciliation entre secret mdical et information de lemployeur semble difficile raliser.
175. Limites lgales. Plusieurs prescriptions lgales tendent effriter la force
obligatoire du secret professionnel, mais seulement pour des motifs lgitimes et suprieurs.
Dune part, le mdecin du travail doit dclarer toute maladie ou symptme dimprgnation
toxique caractre professionnel, compris dans une liste tablie par arrt ministriel, quil
constate dans lexercice de son activit. Cette obligation sapplique aussi lorsque la pathologie
en question nintgre pas cette liste rglementaire mais que le mdecin du travail estime
quelle revt un caractre professionnel
267
. Il ne sagit pas dune prrogative du mdecin mais
dune obligation : le mdecin ne peut se soustraire cette obligation de dclaration en
invoquant le secret professionnel
268
. Dautre part, ds lors quil dcle une maladie
transmissible (figurant sur une liste tablie par voie dcrtale), le mdecin du travail doit
transmettre les donnes individuelles sur la question aux autorits sanitaires comptentes
269
.
2. Le secret mdical face la mdecine curative
176. Laction du mdecin du travail est exclusivement prventive. Ainsi, lorsque
la situation du patient ncessite des soins curatifs, sa prise en charge par un confrre est
invitable. Comment concilier secret mdical et ncessit de transfrer les informations
265
Cass. crim., 6 juin 1972, n70-90.271. Bull. Crim. N190 p. 481.
266
Cass. soc. 10 juillet 2002, n00-40.209. Bull. Civ. V n251 p. 245.
267
C. sc. soc., art. L. 461-6.
268
CE., 2 juin 1953.
269
C. sant. publ., art. L. 3113-1.
66
relative ltat de sant du patient ? Au regard du droit au respect de sa vie prive
270
, le
salari peut lgitimement craindre que la transmission dinformations sensibles sur son tat de
sant ait un impact sur son activit professionnelle. Aussi le dossier mdical du patient-salari
peut tre communiqu un autre mdecin seulement si le premier en a eu linitiative et quil a
dtermin lui-mme lidentit de ce mdecin
271
. Selon lOrdre national des mdecins, le
consentement du patient-salari doit tre exprs, renouvel, libre et clair du salari
272
. Ainsi,
la transmission du dossier mdical de la mdecine prventive vers la mdecine curative
savre encore plus verrouille .
Sous-section 2 Changement daffectation et remplacement
177. Lors de lexcution de son contrat de travail, le mdecin du travail peut voir
sa situation modifie pour deux raisons : un changement daffectation (1) et son
remplacement (2).
1 : Le changement daffectation
178. Suite lentre en vigueur de la loi du 20 juillet 2011, la procdure de
nomination du mdecin du travail sapplique dsormais son changement daffectation
273
.
179. Services de sant au travail autonomes. Dans les services autonomes de
sant au travail, la procdure prvue larticle R. 4623-5 du Code du travail est applicable
deux conditions. Dune part, il doit tre envisag un changement de secteur ou dentreprise du
groupe suivi par le mdecin du travail. Dautre part, ce changement ne peut tre contest que
par le mdecin du travail ou le comit dentreprise concern
274
. La facult de contestation qui
tait offerte aux dlgus du personnel (certes dfaut dexistence du comit dentreprise) est
efface.
180. Services de sant au travail interentreprises. Dans les services de sant
au travail interentreprises, deux situations sont envisageables.
270
Larticle 9 du Code civil dispose que chacun a droit au respect de sa vie prive .
271
C. trav., art. L. 4624-2.
272
Ordre national des mdecins, Conseil national de lordre, La rforme de la sant au travail passe au crible
de la dontologie mdicale : Rapport adopt le 25 juin 2010.
273
C. trav., art. R. 4623-5.
274
C. trav., art. R. 4623-12. 1.
67
En cas de changement daffectation du mdecin au sein dune entreprise ou dun
tablissement, la procdure dautorisation pralable est applicable ds lors que le changement
daffectation est contest soit par lemployeur soit par le comit dentreprise concern.
En cas de changement daffectation de secteur du mdecin du travail, cette procdure est
applicable ds lors que le changement daffectation est contest par le comit interentreprises,
la commission de contrle du service ou son conseil dadministration
275
.
181. Absence daccord. Dans la continuit des rgles applicables en matire de
nomination, dfaut daccord des instances comptentes en vertu de larticle R. 4623-5 du
Code du travail, tout changement de secteur ou daffectation du mdecin du travail intervient
sur autorisation de linspecteur du travail dlivre aprs avis du mdecin inspecteur du
travail
276
. Cette rgle sinscrit dans le sillon de la jurisprudence relative aux salaris protgs,
aux termes de laquelle toute opposition dun salari la rvision de ses conditions de travail
ncessite lautorisation pralable de linspecteur du travail avant un ventuel licenciement
277
.
182. Document annuel. Lemployeur a pour obligation dtablir un document
annuel faisant tat de tout changement daffectation du mdecin du travail, ce document tant
tenu la disposition du directeur rgional des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de lemploi ainsi que du mdecin inspecteur du travail
278
.
2 : Le remplacement
183. Sagissant du remplacement du mdecin du travail, deux hypothses sont
envisageables: le remplacement de droit (I) et le remplacement facultatif (II).
I. Remplacement de droit
184. Remplacement obligatoire. Dans lhypothse o labsence du mdecin du
travail est suprieure trois mois, lemployeur ou le service autonome de sant au travail doit
le remplacer.
279
. Cette rgle, dj affirme par les anciennes dispositions rglementaires,
275
C. trav., art. R. 4623-12. 2.
276
C. trav., art. R. 4623-13. al 1.
277
Cass. soc. 21 novembre 2006, n04-47.068. Bull. Civ. V. n 350 p. 338.
278
C. trav., art. R. 4623-13. al 2.
279
C. trav., art. R. 4623-15. al 2.
68
rsulte de la nature mme des fonctions du mdecin du travail, savoir la ncessaire
continuit de la protection de la sant des travailleurs.
185. Type de contrat. Le remplacement du mdecin du travail ne peut en aucun
cas tre ralis sur la base dun contrat de travail temporaire
280
. Ainsi, lorsque labsence du
mdecin est temporaire, il convient de le remplacer via un contrat de travail dure
dtermine.
186. Procdure de nomination. La procdure de nomination du mdecin du
travail est applicable son remplaant
281
. Au regard de la rcente extension de cette procdure
laffectation et au changement daffectation du mdecin du travail, il est permis de se
demander si celle-ci concerne le mdecin remplaant. La logique du texte, qui est dassurer la
protection du mdecin de la formation lexcution de son contrat de travail, pencherait pour
une rponse favorable.
II. Remplacement facultatif
187. Conscration de la pratique. Si les anciennes dispositions ne prvoyaient
que le remplacement de droit
282
, la pratique des remplacements facultatifs tait assise
283
.
Dsormais, le Droit prvoit la facult de remplacer le mdecin du travail absent pour une
dure infrieure ou gale trois mois
284
. Dans une telle hypothse, il peut tre fait appel un
mdecin du travail, un collaborateur mdecin ou un interne en mdecine du travail
285
. De ce
texte, une lecture a contrario est possible : lorsque le remplacement du mdecin est de droit, il
ne peut tre fait appel qu un mdecin du travail.
188. Dans cette situation de remplacement, le recours un mdecin collaborateur
ou un interne en mdecine du travail est particulier puisque ces acteurs ne sont plus
considrs comme des membres de lquipe pluridisciplinaire mais comme de vritables
mdecins du travail. Sagissant des internes en mdecine du travail, deux points apparaissent.
Dune part, le recours ceux-ci suppose lautorisation du conseil dpartemental de lordre des
280
C. trav., art. L. 1251-10.
281
Circ DRT n3 du 7 avril 2005.
282
C. trav., art. R. 4623-17 ancien.
283
Circ DRT n3 du 7 avril 2005.
284
C. trav., art R. 4623-15. al 1.
285
C. trav., art. R. 4623-15. al 3.
69
mdecins. Dautre part, au-del du simple remplacement, un interne peut tre autoris
exercer la mdecine du travail dans lattente de la prise de fonction dun mdecin du
travail
286
.
189. Le pouvoir rglementaire a ainsi tent de concilier lobligation de recourir
des professionnels comptents et la ncessit dune protection continue de la sant des
travailleurs. Toujours est-il que cette mesure, qui fait primer le second enjeu, ne manquera pas
de faire parler delle. Il est vrai quil est permis de sinterroger sur la capacit, mme pour
quelques mois, dun interne grer un service de sant au travail dans sa globalit.
Pour limiter ce propos, au-del des simples questions mdicales, lexercice de la mdecine du
travail (plus que toute autre spcialit) sinscrit dans le cadre de rapports sociaux, pour
lesquels seule la pratique professionnelle est utile.
Section 3 La rupture du contrat de travail
190. La rupture du contrat de travail du mdecin du travail nchappe pas
lencadrement pouss de la loi. Il est dailleurs possible doprer un parallle entre la
conscration progressive de lindpendance professionnelle et la rupture du contrat de travail
du mdecin du travail. Initialement, le licenciement du mdecin du travail tait soumis aux
mmes rgles que sa nomination. La loi du 17 janvier 2002 a ensuite offert une procdure
spcifique au licenciement. Avec la rforme du 20 juillet 2011, le statut protecteur des
reprsentants du personnel est tendu au mdecin du travail : le licenciement (Sous-section 1)
et dautres modes de rupture du contrat de travail (Sous-section 2) sont dsormais encadrs.
Sous-section 1 Le licenciement
191. Le licenciement du mdecin du travail est minutieusement contrl, aussi
bien par la loi que par le juge, quil sagisse de la forme (1) ou du fond (2).
Introduction : champ dapplication de la protection
192. Point de dpart. La protection du mdecin du travail sapplique compter
de la date laquelle le mdecin a t engag, peu important que les instances de contrle
286
C. trav., art. R. 4623-28.
70
comptentes naient pas encore donn leur accord sur sa nomination
287
. Cette solution est
logique en ce que le statut protecteur du mdecin du travail, dordre public, na pas
dpendre de la tenue dune runion
288
.
193. Priode dessai. Initialement, la jurisprudence considrait que la rupture du
contrat de travail du mdecin du travail pendant la priode dessai tait exclue du champ du
statut protecteur
289
. Aujourdhui, la Cour adopte une position contraire
290
. En pratique, ce
revirement pose des difficults. Sur quelle base le contrle du mdecin du travail sappuie-t-
il ? Son contrle a-t-il la mme intensit quen cas de licenciement ?
291
194. Dmission. Bien que le statut protecteur du mdecin du travail ait t
fortement tendu, la dmission - supposer quelle soit claire et non quivoque nest pas
encadre. Le droit commun de la dmission tant applicable au mdecin du travail, ce dernier
a la facult de dmontrer que sa dmission tait en ralit une prise dacte de la rupture de son
contrat de travail ayant les effets dun licenciement sans cause relle et srieuse. Dans une
telle hypothse, le mdecin du travail pourrait solliciter le prononc des sanctions civiles et
pnales affrentes au non respect de son statut protecteur.
195. Procdure dordre public. La procdure de licenciement du mdecin du
travail est dordre public. Il ne peut tre drog cette procdure par voie contractuelle ou
conventionnelle
292
, ni mme en cas de faute lourde imputable au salari
293
. Au surplus, peu
importe qui est imputable la situation ayant motiv la rupture du contrat ; lemployeur doit,
en toute hypothse, appliquer la procdure
294
.
287
Cass. soc. 29 octobre 2010, n08-70.412, Indit.
288
A. Martinon, Salaris protgs point de dpart de la protection du mdecin du travail : JCP S n5 1er
fvrier 2011, p. 40.
289
Cass. soc. 6 juin 1985, n82-42.598.
290
Cass. soc. 26 octobre 2005, n03-44. 585. Bull. Civ. V n 306 p. 266.
291
M. Hautefort, Salaris protgs La protection joue mme pendant la priode dessai : JSL n178 29
novembre 2005, p. 8.
292
Cass. crim. 2 fvrier 1982. Bull. crim. 1982, n38.
293
Cass. soc. 6 juillet 2011, n10-13. 805, Publi au bulletin.
294
Cass. crim. 2 octobre 1985. Bull. crim, n295.
71
1 : Procdure de licenciement
196. La procdure de licenciement du mdecin du travail comporte deux tapes :
la consultation de linstance de contrle comptente
295
(I) et lautorisation de linspecteur du
travail
296
(II), sous peine de sanctions (III).
I. Consultation de linstance de contrle comptente
197. La consultation de linstance de contrle comptente rpond une
chronologie rigoureuse. Dans un premier temps, lemployeur doit procder un entretien
pralable au licenciement du mdecin du travail
297
. Ensuite, linstance comptente doit
auditionner le mdecin du travail. Auparavant, le juge considrait que nonobstant le fait que le
mdecin du travail devait tre en mesure de prsenter ses observations, sa convocation devant
linstance comptente ntait pas obligatoire
298
. Cette consultation est ralise, selon la nature
du service de sant au travail, par le comit dentreprise, le comit interentreprises ou la
commission de contrle ainsi que le conseil dadministration
299
. Comme pour la nomination
du mdecin du travail, linstance de contrle comptente doit se prononcer par un vote
bulletin secret, la majorit de ses membres, rgulirement convoqus, prsents ou
reprsents. Chaque membre ne peut disposer que du pouvoir dun seul autre membre
300
.
Dans lhypothse o le mdecin du travail a t mis pied, la consultation doit avoir lieu dans
un dlai de dix jours compter de cette mesure
301
.
II. Autorisation de linspecteur du travail
198. Lautorisation de linspecteur du travail respecte une procdure en trois
temps : lemployeur demande lautorisation linspecteur du travail (A), qui ralise un
contrle (B) afin doprer un choix (C).
295
C. trav., art. L. 4623-4.
296
C. trav., art. L. 4623-5.
297
C. trav., art. R. 4623-18.
298
Cass. soc. 9 dcembre 1964 : Dr. Soc. 1965. p. 316, obs. J. Savatier.
299
C. trav., art. R. 4623-18.
300
C. trav., art. R. 4623-19.
301
C. trav., art. R. 4623-20. al. 4.
72
A. Demande dautorisation
199. Dlais. Le licenciement du mdecin du travail ne peut intervenir quaprs
autorisation de linspecteur du travail dont dpend le service de sant au travail, lui-mme
statuant aprs avis du mdecin-inspecteur du travail. La demande dautorisation est adresse
par lettre recommande avec avis de rception
dans les quinze jours suivant la dlibration de
linstance de contrle comptente En cas de mise pied, ce dlai est rduit quarante-huit
heures
302
.
200. Contenu. Le contenu de la demande dautorisation est double : elle doit
noncer les motifs du licenciement et tre accompagne du procs verbal issu de la
consultation de linstance de contrle comptente. Dans lhypothse o la demande
dautorisation est incomplte (en dautres termes, que lun de ses deux lments nest pas
prsent), linspecteur du travail en informe lemployeur
303
.
B. Contrle de linspecteur du travail
201. Enqute contradictoire. Aprs avoir recueilli lavis du mdecin-inspecteur
du travail
304
, linspecteur du travail procde une enqute contradictoire au cours de laquelle
le mdecin du travail peut, sur sa demande, se faire assister par une personne de son choix
appartenant au personnel de service de sant au travail ou de lentreprise
305
.
202. Objectif. Le contrle opr par linspecteur du travail na quun objectif :
vrifier que la mesure de licenciement nest pas lie aux fonctions du mdecin du travail. Il ne
sagit pas dune simple facult mais bien dune obligation la charge de linspecteur du
travail
306
. Ds lors quun tel lien existe, lintress a pour obligation de refuser lautorisation
de licenciement
307
. Cette rigueur, tant rglementaire que jurisprudentielle, est justifie par le
fait que la protection dont bnficie le mdecin du travail est dordre public, le risque tant
lexistence de divergences dapprciation entre les diffrentes inspections du travail.
302
C. trav., art. R. 4623-20.
303
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
304
C. trav., art. L. 4623-5.
305
C. trav., art. R. 4623-21. al. 1.
306
CE 5 fvrier 1988, n54534.
307
CE 6 mai 1996, n162343.
73
C. Dcision de linspecteur du travail
1. Forme et contenu
203. Motivation. La dcision de linspecteur, qui ne saurait tre arbitraire, est
ncessairement motive
308
. En dautres termes, elle doit indiquer les considrations de droit et
de fait sur lesquelles elle sappuie. Cette exigence se traduit aussi dans lobligation pour
linspecteur du travail de prciser les dlais de recours devant le tribunal administratif
comptent
309
.
204. Dlais. En principe, linspecteur du travail doit statuer dans un dlai de
quinze jours compter de la rception de la demande dautorisation prsente par
lemployeur. Nanmoins, ce dlai de droit commun est modifi dans deux hypothses.
Lorsque le mdecin du travail a fait lobjet dune mise pied, le dlai est rduit huit jours. A
contrario, si les ncessits de lenqute le justifient, linspecteur du travail a la facult de
prolonger son dlai de rponse
310
. Lexcessive largesse de cette formulation offre une facult
quasi-discrtionnaire pour linspecteur du travail de prolonger le dlai de droit commun.
Enfin, sa dcision est notifie par lettre recommande avec avis de rception aux personnes
intresses, c'est--dire lemployeur, au mdecin du travail et linstance de contrle
comptente
311
.
205. Recours. Deux recours sont envisageables. Premirement, le mdecin du
travail et lemployeur peuvent former un recours hirarchique, dans un dlai de deux mois,
devant le Ministre comptent, celui-ci ayant la facult dannuler ou de rformer la dcision de
linspecteur du travail. Le silence gard pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut
dcision de rejet
312
. Deuximement, en tant quacte unilatral faisant grief, la dcision de
linspecteur du travail peut aussi faire lobjet dun recours contentieux (recours pour excs de
pouvoir). La pratique contentieuse fait quun recours hirarchique est form avant un ventuel
recours contentieux, ce dernier pouvant tre introduit tant aprs la dcision de linspecteur du
travail que celle du Ministre comptent.
308
C. trav., art. R4623-22.
309
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
310
C. trav., art. R. 4623-21. al. 2.
311
C. trav., art. R. 4623-22.
312
C. trav., art. R. 4623-24.
74
2. Annulation
206. Lannulation, sur recours hirarchique ou contentieux, de la dcision de
linspecteur du travail autorisant le licenciement du mdecin du travail emporte les mmes
consquences que celles prvues par le statut protecteur des reprsentants du personnel
313
:
rintgration (a) et indemnisation (b).
a. Rintgration
207. La rintgration du mdecin du travail ne peut tre ralise qu la demande
de lintress dans un dlai de deux mois compter de la notification de la dcision
dannulation
314
. Le dlai est apprci strictement par la jurisprudence et ce quel que soit le
motif de la dcision dannulation
315
. La rintgration du mdecin du travail nest pas laisse
au libre arbitre de lemployeur. Si ce dernier la refuse, le conseil de prudhommes, statuant en
rfr, peut ordonner sous astreinte la rintgration de lintress
316
.
b. Indemnisation
208. Libert de choix du mdecin. Le lgislateur a rcemment fait preuve de
finesse dans la mesure o il a effac le renvoi qui tait fait aux dispositions relatives
lindemnisation des reprsentants du personnel pour les intgrer directement dans la partie
relative la protection du mdecin du travail
317
. Cest par ces petites attentions que
lintelligibilit de la loi ressuscitera. Ainsi, le mdecin du travail a droit, sa demande, au
paiement dune indemnit correspondant la totalit du prjudice subi au cours de la priode
coule entre son licenciement et sa rintgration. Le dlai de deux mois prvu en matire de
rintgration est applicable. Dans lhypothse o le mdecin du travail ne demande pas sa
rintgration, le prjudice sapprcie au regard de la priode allant de son licenciement
lexpiration du dlai susmentionn
318
.
313
C. trav., art. L. 4623-6 renvoyant larticle L. 2422-4 du Code du travail.
314
C. trav., art. L. 4623-6.
315
Cass. soc., 23 juin 1999, n 97-41.825. Bull. Civ. V n 295 p. 213.
316
Cass. soc. 26 novembre 1997, n95-44.578. Bull. Civ. V n407 p. 291. Cette jurisprudence, applicable tout
salari protg, concernait au cas particulier un salari titulaire dun mandat de dlgu du personnel.
317
En effet, avant la recodification du Code du travail opre en 2008, la loi se contentait de renvoyer lancien
article L. 425-3 du Code du travail propre au statut protecteur des reprsentants du personnel.
318
C. trav., art. L. 4623-7 al 1 et 2.
75
209. Montant de lindemnisation. En application de la jurisprudence relative au
statut protecteur des reprsentants du personnel, la somme alloue doit rparer tant le
prjudice matriel c'est--dire la perte de salaire
319
- que moral mme sil est trs rduit
320
du mdecin du travail. Enfin, en tant que complment de salaire, cette somme est soumise
cotisations sociales
321
.
III. Non respect de la procdure
210. Il ne faut pas confondre annulation de lautorisation de licenciement et
absence dautorisation. Dans cette seconde hypothse, la procdure na mme pas t
engage. Les sanctions sont naturellement plus lourdes.
211. Sanctions civiles. Sur la question des sanctions civiles, le Code du travail
est tonnamment muet. Deux lments laissent penser que la jurisprudence relative au statut
protecteur des reprsentants du personnel est applicable : dune part, le renvoi aux
dispositions relatives au statut protecteur des reprsentants du personnel en matire de
rintgration ; dautre part, lextension du statut protecteur du mdecin du travail via la loi du
20 juillet 2011. Dans cette optique, outre son droit rintgration (ou indemnisation
lorsquil ne souhaite pas tre rintgr), le mdecin du travail peut voir la mesure de
licenciement dont il a t victime dclare nulle
322
. Dailleurs, la jurisprudence a dj
considr que le licenciement du mdecin du travail sans laccord pralable de lorganisme de
contrle est nul
323
.
212. Sanctions pnales. Le non respect des rgles relatives au statut protecteur
du mdecin du travail est puni de lamende prvue pour les contraventions de cinquime
classe. Les sanctions civiles semblent donc plus dissuasives que la loi pnale.
319
Cass. soc. 28 fvrier 1989, n85-46.322. Bull. Civ. V n 144 p 88.
320
Cass. soc. 11 mai 1999, n97-41.821. Indit.
321
C. trav., art. L. 4623-7. al 3.
322
Cass. soc. 4 juillet 1989, n87-45.198. Bull. Civ. V n 498 p. 302.
323
Cass. soc. 12 mai 1965. Bull. Civ. IV, n374.
76
2 : Motif de licenciement
213. En vertu du droit commun, le licenciement du mdecin du travail suppose
lexistence dune cause relle et srieuse
324
. De ce principe dcoule un contrle tant du motif
personnel (I) quconomique (II) du licenciement.
I. Licenciement pour motif personnel
214. Prvalence du motif disciplinaire. Une analyse exhaustive de la
jurisprudence dmontre que le licenciement du mdecin du travail se cristallise
majoritairement sur le motif personnel et plus particulirement sur le motif disciplinaire. Il
nen demeure pas moins que le mdecin du travail peut tre licenci pour insuffisance
professionnelle ou encore pour perte de diplme. Sur le premier point, la jurisprudence nest
pas toffe, sans doute en raison du fait que lemployeur sinquite plus du proactivisme
du mdecin du travail que de sa passivit
325
.
215. Apprciation de la faute. Comme pour tout salari, le licenciement pour
motif disciplinaire du mdecin du travail suppose lexistence dune faute commise dans
lexercice de ses fonctions
326
. En cas de faute grave imputable au mdecin du travail,
lemployeur peut prononcer la mise pied de ce dernier dans lattente de lautorisation de
licenciement. Si cette autorisation est refuse, la mise pied est annule et ses effets sont
supprims de plein droit
327
. Pour dterminer si le fait litigieux est constitutif dune faute, le
juge, de la mme faon que linspection du travail, recherche si la mesure de licenciement est
lie ou non lexercice de ses fonctions par le mdecin
328
. Autrement dit, la frontire est
brumeuse. Nanmoins, deux lignes directrices permettent dy voir plus clair. Dune part, ds
lors que le licenciement affecte lindpendance technique du mdecin du travail, celui-ci sera
dclar abusif. Il en va ainsi lorsque lemployeur fait preuve dingrence dans lactivit du
mdecin du travail
329
ou considre quil dclare trop dinaptitudes mdicales
330
. Dautre part,
324
C. trav., art. L. 1232-1 ; C. trav., art. L. 1233-2.
325
Cette remarque, volontairement subversive, est temprer. En effet, certaines entreprises dplorent le fait que
les mdecins du travail, qui seraient trop centrs sur les visites mdicales, ne soient pas assez impliqus dans
leurs missions relatives laction sur le milieu de travail.
326
Cass. soc. 5 octobre 1978, n77-40.295. Bull. Civ. V n643 p. 480.
327
C. trav., art. L. 4623-5. al 2.
328
CE, 6 mai 1996, n162343.
329
Cass. soc. 10 octobre 1979, n78-12.275. Bull. Civ. V n703.
330
Cass. soc. 23 fvrier 1966, n64-40.665.
77
toute latitude nest pas laisse au mdecin du travail : au regard de limportance de la mission
qui lui est dvolue, il doit accomplir sa prestation de travail (de bonne foi
331
). Ainsi, commet
une faute grave le mdecin du travail qui, ne pouvant obtenir un changement de secrtaire,
refuse dexaminer les salaris convoqus, dans la mesure o les examens pouvaient avoir lieu
sans secrtaire
332
. Idem lorsque le mdecin du travail adopte une attitude agressive envers le
personnel administratif du service et que certains salaris refusent de passer les visites
mdicales en sa prsence
333
ou encore refuse de participer aux runions de service et exerce
son activit de faon totalement isole
334
.
II. Licenciement pour motif conomique
216. Contrle du motif conomique. La jurisprudence relative au licenciement
pour motif conomique du mdecin du travail, bien que plus marginale, traduit le contrle
pouss de la Cour de cassation quant au contenu du motif conomique : il appartient
linspecteur du travail et, le cas chant, au ministre comptent, de rechercher sous le contrle
du juge, si la situation de lentreprise ou du service interentreprises justifie le licenciement du
mdecin, en tenant compte notamment, si lemployeur invoque des difficults conomiques,
de la ncessit des rductions deffectifs envisages
335
. La mesure de licenciement peut tout
autant rsulter de la suppression dun service mdical autonome
336
.
217. Obligation de reclassement. Lobligation de reclassement la charge de
lemployeur est applicable au licenciement pour motif conomique du mdecin du travail
337
.
A dfaut du respect pralable de cette obligation, le licenciement est priv de cause relle et
srieuse
338
.
Sous-section 2 Lextension du statut protecteur
218. Lextension du statut protecteur du mdecin du travail sest effectue par le
biais de multiples outils juridiques. La loi constitue tout de mme loutil majeur : lextension
331
C. trav., art. L. 1222-1.
332
Cass. soc. 28 juin 1989, n86-42.542. Indit.
333
Cass. soc. 14 mars 1990, n89-40.518. Indit.
334
CE, 21 dcembre 2001, n224605.
335
CAA Bordeaux, 19 octobre 2006, n05-969, n06-193.
336
CE, 5 fvrier 1988, n54534.
337
CAA Bordeaux, 19 octobre 2006, n05-969, n06-193.
338
Cass. soc. 19 novembre 2008, n07-44.416. Indit.
78
du statut protecteur du mdecin du travail est ainsi lune des plus grandes avances de la
rforme du 20 juillet 2011. Dsormais, linstar de la protection accorde aux reprsentants
du personnel, le mdecin du travail est protg en cas de rupture de son contrat de travail
dure dtermine (1), de rupture conventionnelle (2) et de transfert partiel (3). Il ne faut
pas ngliger laction de la jurisprudence, notamment en matire de mise la retraite du
mdecin du travail (4).
1 : Rupture du contrat de travail dure dtermine
219. Lextension du statut protecteur du mdecin du travail la rupture de son
contrat de travail dure dtermine concerne quatre situations pour lesquelles sont
appliques, soit la procdure de droit commun (I), soit une procdure drogatoire (II).
I. Procdure de droit commun
220. Lensemble des rgles mentionnes en matire de licenciement sont
applicables (procdure de licenciement, recours administratif relatif la dcision de
linspecteur du travail) dans trois hypothses : lors de la rupture du contrat de travail dure
dtermine avant lchance du terme en raison dune faute grave, en cas dinaptitude
mdicale et larrive du terme lorsque lemployeur nenvisage pas de renouveler un contrat
comportant une clause de renouvellement
339
. Dans ces situations, lemployeur a pour
obligation de consulter lorganisme de contrle comptent en vertu des rgles relatives au
licenciement du mdecin du travail
340
. Aprs cette consultation, la rupture du contrat suppose
lautorisation de linspecteur du travail dont dpend le service de sant au travail aprs avis du
mdecin inspecteur du travail
341
.
221. CDD et faute grave. En vertu des rgles relatives la rupture du contrat
dure indtermine du mdecin du travail, lorsque la rupture rsulte dune faute grave
imputable au mdecin, lemployeur a la facult de prononcer la mise pied immdiate de
lintress dans lattente de la dcision de linspecteur du travail. Si la rupture du contrat
dure dtermine nest pas autorise, la mise pied est annule et ses effets sont supprims de
plein droit
342
.
339
C. trav., art. L. 4623-5-1.
340
C. trav., art. R. 4623-18.
341
C. trav., art. L. 4623-5-1.
342
C. trav., art. L. 4623-5.
79
II. Procdure drogatoire
222. Arrive terme du CDD. Lors de larrive du terme du contrat de travail
dure dtermine, apparaissent deux spcificits. Sur le fond, linspecteur du travail a pour
obligation de vrifier si cette rupture nest pas en lien avec lexercice des missions de mdecin
du travail et ne constitue pas une mesure discriminatoire
343
. En outre, le mdecin inspecteur
du travail ainsi que lorganisme de contrle thoriquement comptent nont pas tre
consults
344
. Sur la forme, saisit un mois avant larrive du terme du contrat
345
, linspecteur du
travail doit statuer avant la date du terme du contrat
346
.
2 : Rupture conventionnelle
223. La rupture conventionnelle
347
du contrat de travail du mdecin du travail est
dsormais soumise la procdure prvue en cas de licenciement : outre la consultation de
lorgane de contrle comptent
348
, lemployeur doit obtenir lautorisation de linspecteur du
travail, ce dernier statuant aprs avis du mdecin-inspecteur du travail
349
. Par cette prcision,
la loi du 20 juillet 2011
350
ne fait quentriner la position rcemment adopte par
ladministration
351
. Ce principe nest dailleurs que lmanation de la rgle selon laquelle le
statut protecteur du mdecin du travail est dordre public. Il ne peut donc tre cart par voie
conventionnelle.
3 : Transfert partiel
224. Procdure allge. Contrairement la procdure de droit commun,
lemployeur na pas consulter lorgane de contrle thoriquement comptent
352
. Le transfert
dun mdecin du travail compris dans un transfert partiel de service de sant au travail, par
343
C. trav., art. L. 4623-5-2. al 1.
344
C. trav., art. R. 4623-18.
345
C. trav., art. L. 4623-5-2. al 2.
346
C. trav., art. L. 4623-5-2. al 3.
347
La rupture conventionnelle se matrialise par une convention par laquelle le salari et lemployeur dcident
de rompre le contrat de travail dun commun accord.
348
C. trav., art. R. 4623-18.
349
C. trav., art. L. 1237-15. al 2.
350
L. du 20 juillet 2011., art. 6.
351
Circ. DGT 2009-04 du 17 mars 2009.
352
C. trav., art. R. 4623-23.
80
application de larticle L. 1224-1 du Code du travail
353
, ne peut intervenir quaprs
autorisation de linspecteur dont dpend le service de sant au travail, aprs avis du mdecin
inspecteur du travail
354
. Lusage par le lgislateur du terme partiel nous semble difficile
comprendre. Lorsque la pratique rvlera cette maladresse, ladministration claircira
certainement la situation. Toujours est-il que la demande dautorisation de transfert doit tre
adresse linspecteur du travail par lettre recommande avec avis de rception quinze jours
avant la date arrte pour le transfert.
225. Contrle de linspecteur du travail. Linspecteur du travail doit sassurer
que le transfert nest pas en lien avec lexercice des missions du mdecin du travail et ne
constitue pas une mesure discriminatoire
355
. Par cette rgle, le lgislateur entend empcher
tout transfert constituant une sanction dguise .
4 : Mise la retraite
226. Contrairement aux hypothses de rupture du contrat de travail
prcdemment voques, la mise la retraite du mdecin du travail nest pas envisage par la
loi. Ds 1982, la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis que le statut protecteur
dont bnficie le mdecin du travail sapplique sa mise la retraite
356
. Ce principe fut
ultrieurement entrin par ladministration
357
.
Conclusion
227. Un contrat particulier. Le contrat de travail du mdecin du travail, de sa
formation sa rupture, revt des particularits certaines, qui lloignent nettement du droit
commun des relations de travail. Les nombreux dbats, tant doctrinaux que parlementaires,
sur la reconnaissance de la mdecine du travail en tant que service public en est une
illustration marquante. Pourquoi un tel particularisme ? La nature de la tche du mdecin du
travail, protger la sant des travailleurs, ne constitue pas une prestation comme une autre.
353
Cet article dispose que lorsque survient une modification dans la situation juridique de lemployeur,
notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en socit de lentreprise, tous les
contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de
lentreprise .
354
C. trav., art. L. 4623-5-3.
355
C. trav., art. L. 4623-5-3.
356
Cass. crim. 2 fvrier 1982, n81-91.352. Bull. Crim n38.
357
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
81
228. Un particularisme croissant. Les rformes engages depuis des annes
dmontrent une indniable cohrence, qui se traduit par un accroissement progressif de la
protection du mdecin du travail. Cette protection se matrialise principalement par
lindpendance professionnelle et la protection de la rupture de la relation de travail. Dernire
rforme en date, la loi du 20 juillet 2011 nchappe pas ce constat : dun ct,
lindpendance professionnelle du mdecin du travail a t consacre par le lgislateur ; dun
autre, le statut protecteur du mdecin du travail a t fortement largi. Si le renforcement de la
protection du mdecin du travail constitue une nette avance, il convient de la replacer dans
son contexte : la mise en place de la pluridisciplinarit des services de sant au travail.
229. Pluridisciplinarit : quelles consquences ? Les liens tisss entre
pluridisciplinarit et son acteur central - le mdecin du travail - ne peuvent cette heure tre
exposs de manire exhaustive. En effet, lapplication de la loi du 20 juillet 2011 et de ses
dcrets dapplication en date du 30 janvier 2012 permettra dclaircir la situation. Nanmoins,
un phnomne est dores et dj visible : le renforcement de la protection du mdecin du
travail ne peut luder le fait que les autres acteurs (personnel infirmier, collaborateur mdecin,
assistant de service de sant au travail) du service de sant au travail ne sont pas protgs.
Aussi, apparat la question suivante : le renforcement de la protection du mdecin du travail
nest-il pas artificiel? La question est dlicate, voire passionnelle
358
. Les deux positions sont
lgitimes. Du ct de lentreprise, faire bnficier lensemble du personnel du service de sant
au travail dun statut protecteur limiterait sans doute excessivement le pouvoir de direction de
lemployeur. Du ct des salaris, les craintes de pressions patronales lencontre dun
personnel de sant vulnrable - touchant indirectement laction du mdecin du travail - se
font entendre. Le problme semble insoluble. Bien quun statut protecteur bnficiant
lensemble du personnel du service de sant au travail soit difficilement praticable, labsence
totale de protection constitue une faille de taille dans la protection de la sant des travailleurs.
Une troisime voie naurait-elle pas t souhaitable
359
?
358
M. Vricel, La loi n 2011-867 du 20 juillet 2011 relative lorganisation de la mdecine du travail -
Renforcement de la protection des salaris ou renforcement de l'autorit patronale sur les services de sant au
travail ?: RDT 2011. 682.
359
Sur cette question, V. obs. au par. n634 et s.
82
Chapitre 2 La responsabilit
230. Essor de la responsabilit mdicale. La responsabilit mdicale a t
envisage tardivement par le juge. En 1835, la Cour de cassation reconnaissait pour la
premire fois la responsabilit dun mdecin ayant commis de graves fautes dans lexercice de
sa profession
360
. Il faudra attendre un sicle pour que la responsabilit mdicale soit
pleinement reconnue et systmatise. Larrt Mercier
361
reconnaissait alors la responsabilit
de tout mdecin du fait de ses actes et ce sur un fondement contractuel. Sur cette base
jurisprudentielle, la France a assist, ds les annes 1950, a une inflation notable du
contentieux mdical
362
. Ce constat ne sest pas cantonn au territoire franais : en Belgique
notamment, certains auteurs ont not une croissance sans pareil du droit de la
responsabilit mdicale, se matrialisant par une hausse du contentieux
363
.
231. Lexception : la mdecine du travail. La mdecine du travail, une fois
encore, est contre-courant. Lessor de la responsabilit mdicale ne sest pas rpercut en
cette matire puisque le contentieux est modeste
364
. Le caractre prventif de cette mdecine
tend limiter le nombre de faits fautifs et il est de toute manire difficile dtablir un lien
causal entre un prjudice et un acte prventif. La faiblesse du contentieux nenlve rien
limportance du sujet, qui, au fil des rformes, savre de plus en plus pineux.
232. Une question pineuse. Deux facteurs dingale importance expliquent le
fait que la responsabilit du mdecin du travail est une question de plus en plus opaque.
A titre principal, le particularisme du statut du mdecin du travail complexifie indniablement
le rgime de la responsabilit du mdecin du travail : lintress, salari de droit priv, agit
pour le compte de son employeur. Or, ce dernier est lui-mme responsable de la sant tant
physique que mentale de ses salaris, responsabilit matrialise par une obligation de
scurit de rsultat
365
. De ce fait, les liens tisss entre contrat de travail et responsabilit
cartent, pour partie, le droit commun de la responsabilit. Nous verrons que ce constat
savre nanmoins plus prgnant en matire civile que pnale. En effet, si le contrat de travail
360
Cass. req., 18 juin 1835 Thouret-Noroy , S 1835, 1, 401.
361
Cass. Civ., 20 mai 1936, D.1936, p. 88.
362
D. Thouvenin, La responsabilit mdicale : Flammarion, 1995.
363
A. Prims, T. Vansweevelt, M. Van Lil, Ontwikkeling van het gezondeheidsrecht in Belgi, Tidjschift voor
Gezondheidsrecht, 1989, p. 212-127.
364
A. Jammeaud, Mdecine du travail et responsabilit civile : Droit social n4 avril 1980 p. 77.
365
Cass. soc. 17 fvrier 2010 n 08-44.298 . Indit.
83
constitue un rempart solide lapplication du droit commun de la responsabilit civile
(Section 1), la responsabilit pnale (Section 2) ne connat pas de barrires.
A titre complmentaire, la mise en place de la pluridisciplinarit des services de sant au
travail conduit la cration de nouvelles relations entre les protagonistes de ces services,
posant de facto de nouvelles hypothses de responsabilit. A titre illustratif, la loi du 20 juillet
2011 offre la possibilit au mdecin du travail de confier certaines de ses activits, sous sa
responsabilit (dans le cadre de protocoles crits), au personnel du service de sant au travail,
sous rserve du respect des comptences de chacun. Comment agencer les responsabilits de
chacun ?
Section 1 De la responsabilit civile
233. La responsabilit civile du mdecin du travail peut tre engage de deux
manires : au regard du droit commun de la responsabilit mdicale (Sous-section 1) et du
Code de dontologie mdicale (Sous-section 2).
Sous-section 1 Responsabilit de droit commun
234. Le mdecin du travail tant le conseiller de lemployeur (Sous-section 1)
comme des salaris (Sous-section 2), sa responsabilit civile peut tre engage par ces deux
protagonistes.
1 : Responsabilit lgard de lemployeur
235. Identification de lemployeur. La responsabilit du mdecin du travail
lgard de lemployeur dpend directement de la nature juridique du service de sant au
travail. Au sein des services de sant au travail autonomes, lemployeur du mdecin du travail
est le chef de lentreprise dans laquelle ce dernier ralise sa prestation de travail (I). Au sein
des services de sant au travail interentreprises, lemployeur du mdecin du travail est distinct
de lemployeur des salaris bnficiaires de son action (II).
I. Service de sant au travail autonome
236. Nature de la responsabilit. Lemployeur et le mdecin du travail sont lis
par un contrat de travail. La nature de la responsabilit du mdecin du travail est ds lors
exclusivement contractuelle.
84
237. Conditions dengagement de la responsabilit. Comme pour tout autre
mdecin, la responsabilit civile du mdecin du travail suppose la runion de trois conditions.
Lexistence dune faute imputable au mdecin du travail, dun prjudice pour son employeur
et dun lien de causalit entre ce prjudice et la faute
366
.
238. Fautelourde. Cest sur le terrain de caractrisation de la faute que
lambigit du statut du mdecin du travail surgit. En droit commun de la responsabilit
mdicale, une faute simple suffit
367
. Or, le contrat de travail du mdecin du travail fait
obstacle aux rgles de droit commun : lemployeur ne peut engager la responsabilit civile
pcuniaire du salari quen cas de faute lourde
368
. Autrement dit, lemployeur doit dmontrer
lintention de nuire du mdecin du travail
369
.
239. Prjudice. La responsabilit du mdecin ne peut tre engage qu' la
condition que lemployeur fasse tat dun prjudice rparable. Ce prjudice peut notamment
rsulter dune carence du mdecin dans la ralisation des visites mdicales obligatoires
prvues par le Code du travail.
240. Lien de causalit. La reconnaissance de la responsabilit du mdecin du
travail suppose la caractrisation dun lien de causalit entre la faute imputable ce dernier et
le prjudice dont son employeur est victime. Cette condition, bien quessentielle, est pourtant
incertaine. La jurisprudence oscille ainsi entre deux thories (causalit adquate ou
quivalence des conditions
370
) au point que certains auteurs ont pu considrer que le juge
statuait en la matire par sentiments
371
. Le mdecin du travail nchappe pas ces
atermoiements jurisprudentiels. Selon nous, le caractre prventif de cette spcialit mdicale,
qui rend dautant plus difficile la caractrisation dun lien entre une faute et un prjudice,
ainsi que la ncessit dune faute lourde, conduirait privilgier la thorie de lquivalence
des conditions, sous peine dune quasi immunit civile du mdecin du travail lgard de
366
C. civ., art. 1382.
367
Larticle L. 1142-1-I du Code de la sant publique prvoit que les professionnels de sant "ne sont
responsables des consquences dommageables d'actes de prvention, de diagnostic et de soins qu'en cas de
faute .
368
Cass. soc., 11 avr. 1996, n
o
92-42.847. Bull. Civ. V n 152 p. 107.
369
Cass. soc., 9 nov. 2009, n
o
08-40.112, Indit.
370
Ces deux notions constituent des constructions doctrinales sur lesquelles la jurisprudence sappuie pour
tablir ou carter lexistence dun lien de causalit. La premire tend dgager, parmi les diffrents facteurs du
dommage, celui qui en est la cause efficiente. La seconde, au contraire, place sur un mme plan toutes les
circonstances ayant concouru produire le dommage.
371
P. Esmein, Le nez de Cloptre ou les affres de la causalit : D. 1964, chron. p. 205.
85
son employeur
372
. Nanmoins, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation,
qui tend restreindre le champ de la faute lourde, affirme une volont plus globale de
limitation de la responsabilit civile du salari lgard de lemployeur. Cela ferait alors
primer la thorie de la causalit adquate.
II. Service de sant au travail interentreprises
241. Action rcursoire. La faute du mdecin du travail peut engager la
responsabilit civile du service de sant au travail interentreprises dont il est salari. Dans
lhypothse o la responsabilit civile du service est reconnue, ce service dispose dune action
rcursoire lencontre de son mdecin salari
373
. Ici encore, le contrat de travail fait obstacle
lapplication du droit commun de la responsabilit civile, une faute lourde du mdecin du
travail tant ncessaire. Au surplus, la caractrisation dun prjudice et dun lien de causalit
entre celui-ci et la faute du mdecin est indispensable.
242. Conclusion. Le contrat de travail du mdecin du travail restreint de manire
certaine la facult de lemployeur dengager la responsabilit civile de son mdecin salari :
en dehors de toute intention de nuire, aucune action nest possible. De ce fait, le moyen le
plus efficace pour lemployeur de tendre ce que le mdecin rponde de ses actes est un outil
offert par le droit du travail lui-mme : le droit disciplinaire. Dans ce cadre, la sanction
pcuniaire est totalement prohibe et lintrt de la responsabilit civile fort rduit. Ici encore,
le statut du mdecin du travail, salari de droit priv, fait dbat.
2 : Responsabilit lgard des salaris
I. Conditions
243. Nature de la responsabilit. Sur le plan mdical, le patient-salari nest ni
plus ni moins que le patient du mdecin du travail. Aucun contrat ne liant ces deux personnes,
la responsabilit du mdecin du travail semble tre dlictuelle.
244. Droit commun de la responsabilit mdicale. Lorsque le mdecin du
travail voit sa responsabilit civile engage par un patient-salari, le droit commun de la
372
Ce propos acquiert plus de force lorsque lon tient compte du fait que la charge de la preuve du lien de
causalit incombe, en vertu de larticle 1315 du Code civil, lemployeur.
373
Cass. civ 1
re
. 13 novembre 2002 n 1577. Bull. Civ. I. n 263 p. 205.
86
responsabilit mdicale est applicable
374
. La condamnation du mdecin du travail suppose
alors la runion de lternel triptyque: une faute imputable au mdecin du travail
375
, un
prjudice subi par le patient-salari et un lien de causalit entre ces deux lments
376
.
II. Hypothses
245. Responsabilit de lemployeur. Dans le domaine de la sant et de la
scurit au travail, pse sur lemployeur une obligation de scurit de rsultat lgard de ses
salaris
377
. Cette ide-force se rpercute indniablement sur la responsabilit du mdecin du
travail lgard du salari, qui est alors rduite. Cependant, la responsabilit du mdecin du
travail lgard des salaris dont il a la charge nest pas inexistante. Le contentieux en la
matire concerne tant les actes prventifs (A) que curatifs (B).
A. Responsabilit et mdecine prventive
246. Multiplicit des risques. Les missions du mdecin du travail tant de plus
en plus importantes, sa responsabilit devrait tre croissante. Mme sil nexiste que peu de
contentieux sur ces questions, de multiples situations peuvent conduire la responsabilit du
mdecin du travail : absence de dclaration des maladies contagieuses, dfaut de signalement
dune maladie professionnelle, dfaut de convocation des salaris aux visites mdicales
obligatoires ou encore une erreur dans lapprciation de laptitude du salari. Sur cette
dernire question, le patient-salari a la facult de demander rparation du prjudice li cet
avis d'inaptitude s'il tablit la ngligence, l'imprudence ou la maladresse du mdecin du travail
dans l'laboration de cet avis
378
. Une telle action serait alors envisageable dans lhypothse o
le mdecin du travail na pas tudi le poste et les conditions de travail du salari.
247. Pratique. En pratique, la majorit du contentieux porte sur le fait que le
mdecin du travail, lors dun examen mdical, ne dtecte pas une affectation grave dont
souffre le patient-salari. La jurisprudence a tabli une frontire permettant de dterminer les
hypothses dans lesquelles le mdecin du travail est responsable ou non : le juge doit
374
Ici encore, la responsabilit du mdecin du travail en raison des fautes ou omissions du personnel du service
de sant au travail peut jouer.
375
Contrairement la responsabilit civile du mdecin lgard de son employeur, une faute simple suffit.
376
C. civ., art. 1382.
377
Cass. soc. 17 fvrier 2010 n 08-44.298, Indit.
378
CA Montpellier, 7 dcembre 1999.
87
rechercher si le mdecin a la facult de dceler un problme mdical dans le cadre de ses
prrogatives (cest--dire lors des visites mdicales).
Lapprciation opre par le juge est trs casuistique. Ainsi, il a t jug quil ne peut tre
reproch un mdecin du travail de ne pas avoir procd une radiographie pulmonaire
dune salarie, qui lui aurait permis de dceler son cancer pulmonaire
379
. A contrario, ds lors
que le mdecin du travail prend connaissance dune pathologie grave pour le salari mais
sabstient de demander des examens complmentaires et de len informer, celui-ci commet
une ngligence engageant sa responsabilit : deux mdecins du travail en possession dune
radiographie thoracique voquant la possibilit dune tuberculose pulmonaire et nayant pas
ralis les examens mdicaux complmentaires ncessaires ont ainsi t jugs responsables.
Les juges avaient aussi tenu compte du fait que le salari en cause avait t maintenu son
poste de travail alors mme que cela aggravait son tat de sant
380
. Mme raisonnement
lorsque le mdecin du travail renvoie ses occupations professionnelles sans examen
pralable un employ donnant des signes dimpotence la suite dune chute et se borne
suivre la suggestion du mdecin traitant, en omettant denvoyer le bless pour examen
lhpital auquel il ne la adress que tardivement, aprs plusieurs consultations alors que le
malade prsentait des symptmes alarmants
381
.
B. Responsabilit et mdecine curative
248. Soins urgents et exceptionnels. Le rle du mdecin du travail tant
exclusivement prventif, toute pratique curative de sa part nest envisageable quen cas
durgence. Dans cette situation, la responsabilit du mdecin du travail semble bien plus aise
tablir dans la mesure o le salari sappuiera sur un acte positif et non une simple omission
ou ngligence. Une fois encore, le rgime juridique de la responsabilit mdicale trouvera
pleine application
382
.
249. Vaccinations. Dans certaines conditions, le mdecin du travail peut tre
amen raliser des vaccinations, tantt obligatoires tantt facultatives. Sans prjudice des
actions qui pourraient tre exerces conformment au droit commun, la rparation intgrale
des prjudices directement imputables une vaccination obligatoire est assure par
379
TGI Grenoble, 19 novembre 1998. JurisData : 1998-973592.
380
Cass. soc., 8 dcembre 1960, n
o
58-10.171. JurisData : 1960-001149.
381
CA Paris 29 mai 1961, D. 1961-J-497.
382
Le salari devra prouver que le mdecin du travail a commis une faute mdicale, quil a subi un prjudice et
quil existe un lien de causalit entre la faute et ce prjudice.
88
l'ONIAM
383384
. Nanmoins, jusqu' concurrence de l'indemnit qu'il a paye, cet office est, s'il
y a lieu, subrog dans les droits et actions de la victime contre les responsables du
dommage
385
. Ainsi, lONIAM a la facult dengager la responsabilit du mdecin du travail
ds lors quil prouve que ce dernier a commis une faute
386
. Dans lhypothse dune
vaccination facultative, il semble que la responsabilit civile du mdecin du travail pourra tre
engage directement par le salari ls en vertu du droit commun de la responsabilit
mdicale.
Sous-section 2 - Responsabilit dontologique
250. Force juridique du Code de dontologie mdicale. La profession
mdicale tant la premire stre dote dun code de dontologie, la responsabilit qui en
dcoule est loin dtre rsiduelle. Ce postulat est confort par le fait que le Code de
dontologie mdicale a rcemment t intgr la partie rglementaire du Code de la sant
publique
387
, ce qui ne laisse place aucun doute quant la force coercitive de cette norme.
Une telle codification nest pas anodine dans la mesure o bon nombre de codes de
dontologies propres dautres professions ne dtiennent aucune force juridique
388
. Ainsi, le
non-respect de ses dispositions est sanctionn par les formations disciplinaires du Conseil de
l'Ordre
389
.
1 : Procdure
251. La procdure dontologique peut impliquer trois temps : le recours en
premire instance (I), le recours en appel (II) et le pourvoi en cassation (III).
I. Premire instance
252. Chambre disciplinaire de premire instance. La responsabilit
dontologique du mdecin du travail doit tre engage devant la chambre disciplinaire de
383
Office national d'indemnisation des accidents mdicaux, des affections iatrognes et des infections
nosocomiales.
384
C. sant. publ., art. L 3111-9. al 1.
385
C. sant. publ., art. L 3111-9. al 6.
386
C. Teyssier-Cotte, Vaccination et responsabilit judiciaire du mdecin du travail, Arch. Mal. Prof., 1993, 54,
pp. 641-647.
387
D. n 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions rglementaires) du Code de la sant
publique et modifiant certaines dispositions de ce Code.
388
V. exemple du Code de dontologie des psychologues du 22 mars 1996.
389
V. C. sant publ., art. L. 4124-1 L. 4124-14.
89
premire instance du Conseil rgional de lOrdre des mdecins. En pratique, la saisine est
opre par lintermdiaire du conseil dpartemental de lOrdre comptent. Cette chambre doit
statuer dans les six mois du dpt de la plainte. A dfaut, le prsident de la chambre
disciplinaire nationale peut transmettre une autre chambre disciplinaire de premire
instance
390
.
253. Comptence territoriale. La chambre disciplinaire comptente est celle
dans le ressort de laquelle le praticien ou la socit professionnelle poursuivi est inscrit au
tableau de lOrdre la date o la juridiction est saisie
391
. En dautres termes, peu importe la
localisation du service de sant au travail o exerce le mdecin du travail.
254. Personnes susceptibles de former le recours. La loi mentionne,
limitativement, les personnes susceptibles dengager la responsabilit dontologique de tout
mdecin. Trois catgories de comptences sont ainsi admises. Premirement, une comptence
ordinale : le conseil national ou le conseil dpartemental
392
, agissant de sa propre initiative ou
la suite de plaintes, formes notamment par les patients, les mdecins-conseils chefs ou
responsables du service du contrle mdical plac auprs d'une caisse ou d'un organisme de
scurit sociale ou encore les organismes locaux d'assurance maladie obligatoires.
Deuximement, une comptence administrative : le ministre charg de la sant, le prfet de
dpartement, le directeur gnral de l'agence rgionale de sant et le procureur de la
Rpublique du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le praticien est inscrit au
tableau. Troisimement, une comptence professionnelle : une organisation syndicale ou une
association de praticiens peut saisir les juridictions ordinales
393
. En pratique, la majorit des
recours en matire de mdecine du travail est forme par des mdecins, plus particulirement
sur la base du principe de confraternit : le mdecin du travail ayant une mission
exclusivement prventive, il ne peut prodiguer de soins au patient-salari. Il doit donc
adresser le patient-salari quil a reconnu malade au mdecin traitant ou tout autre mdecin
dsign par le salari
394
, au risque de la prononciation dune sanction ordinale
395
.
390
C. sant. publ., art. L. 4124-1
391
C. sant. publ., art. R. 4124-1.
392
Comptent au regard du critre territorial mentionne au par. n253.
393
C. sant. publ., art. R. 4124-1.
394
C. sant. publ., art. R. 4127-99.
395
Conseil national de l'ordre, 17 dc. 1980.
90
255. Consquences. En dehors de ces trois hypothses, aucune autre personne ne
peut engager la responsabilit du mdecin du travail devant lOrdre des mdecins. Ainsi, le
patient-salari ne peut engager la responsabilit du mdecin du travail que par lintermdiaire
dune plainte dpose au conseil dpartemental de lOrdre, qui devra transmettre cette
demande au conseil rgional. En revanche, lemployeur ne peut, a priori, pas saisir les
juridictions ordinales. Sur ce dernier point, une apprciation ad litteram des dispositions
rglementaires permettrait peut tre douvrir une brche: larticle R. 4124-1 du Code de sant
publique mentionne le terme syndicat , qui peut trs bien renvoyer une organisation
patronale. Aussi, lide selon laquelle un employeur, par lintermdiaire de lorganisation
patronale laquelle il adhre, forme un recours devant le Conseil de lOrdre ne semble pas
saugrenue.
256. Personnes susceptibles de subir le recours. Le premier concern est
videmment le mdecin du travail, mais la plainte peut aussi viser un tudiant en mdecine
396
.
Dans le contexte de pnurie de mdecins du travail, o la loi du 20 juillet 2011 envisage le
recours croissant des internes en mdecine au sein des services de sant au travail, la
responsabilit dontologique dtudiants pourrait augmenter.
257. Enqute facultative. La chambre disciplinaire comptente a la facult,
doffice ou la demande des parties, dordonner une enqute sur les faits dont la constatation
lui parat utile linstruction de laffaire
397
.
II. Appel
258. Chambre disciplinaire nationale. La chambre disciplinaire nationale, qui
sige auprs du Conseil national de lOrdre, connat en appel des dcisions rendues par les
chambres disciplinaires de premire instance
398
. Le dlai dappel est de trente jours compter
de la notification rendue en premire instance
399
Les termes employs par la loi ne sont pas
anodins : la chambre disciplinaire de premire instance nest pas le Conseil rgional de
396
Dans ce cas, larticle R. 4124-1 du Code de la sant publique prvoit que le conseil dpartemental ayant
qualit pour saisir la chambre disciplinaire est le conseil au tableau auquel est inscrit le praticien auprs duquel a
t effectu le remplacement ou l'assistanat.
397
C. sant. publ., art. L 4124-3. al 1.
398
C. sant. publ., art. L. 4122-3. I.
399
C. sant. publ., art. R. 4126-44. al 1.
91
lOrdre et la chambre disciplinaire nationale ne fait que siger auprs de lOrdre. En
dautres termes, la juridiction ordinale sort de lOrdre
400
.
259. Personnes susceptibles de former le recours. Peuvent faire appel, outre
l'auteur de la plainte et le professionnel sanctionn, le ministre charg de la sant, le
reprsentant de l'Etat dans le dpartement, le directeur gnral de l'agence rgionale de sant,
le procureur de la Rpublique, le conseil dpartemental et le conseil national de l'ordre
intress
401
.
III. Cassation
260. Comptence du Conseil dEtat. L 4122-3. Les dcisions rendues par la
chambre disciplinaire nationale sont susceptibles de recours devant le Conseil d'Etat
402
. Ce
recours est ouvert aux personnes qui ont la qualit de partie dans l'instance ayant donn lieu
la dcision attaque
403
Cette rgle de comptence sinscrit dans le sillon de la comptence
gnrale du Conseil dEtat pour connatre des recours en annulation dirigs contre les
dcisions dorganismes collgiaux comptence nationale.
2 : Faute dontologique
261. Notion. Les termes de l'article L. 4121-2 du Code de la sant publique
404
ont
permis au juge dadopter une lecture exgtique de la notion. Ainsi, la faute dontologique
peut tre caractrise de deux manires. Stricto sensu, lorsquest caractrise une violation
dune rgle du Code de dontologie mdicale. Lato sensu, la faute peut tre reconnue
nonobstant le fait que le comportement reproch nest pas contraire une disposition expresse
du Code de dontologie, ds linstant o il heurte la morale mdicale
405
. Cest ainsi que la
jurisprudence a reconnu la responsabilit dontologique dun mdecin en sappuyant, en
dehors de la lettre du Code de dontologie mdicale, sur les principes dontologiques
fondamentaux simposant au mdecin dans les rapports avec son patient
406
.
400
G. Mmeteau, Cours de droit mdical, 4
e
dition, p. 177.
401
C. sant. publ., art. L. 4122-3.
402
C. sant. publ., art. L. 4122-5. V.
403
CE, 30 juill. 1949, Faucon, Rec. Lebon. 409.
404
Cet article dispose que "l'ordre des mdecins (...) veille au maintien des principes de moralit, de probit et
de dvouement indispensables l'exercice de la mdecine (...) et l'observation, par tous leurs membres, des
devoirs professionnels, ainsi que des rgles dictes par le Code de dontologie prvu l'article L. 4127-1".
405
CE, 20 fvr. 1953 : S. 1953, 3, p. 77.
406
CE ass., 2 juill. 1993, Milhaud : D. 1994, jurispr. p. 74, note J. Peyrical,
92
262. Absence dautorit de la chose juge de la dcision ordinale. Lexercice
dune action ordinale contre le mdecin du travail na aucune incidence sur les autres actions
en responsabilit civile ou pnale pouvant paralllement tre exerces contre lui
407
. De ce fait,
la dcision de la juridiction ordinale est dpourvue de toute autorit de chose juge lgard
du juge pnal ou civil
408
. Nanmoins, la pratique judiciaire rvle que la norme dontologique
est prise en compte par le juge civil dans lapprciation dune prtendue faute imputable au
praticien.
263. Sanctions. Les sanctions pouvant tre prononces contre tout mdecin ne
respectant pas la dontologie mdicale sont multiples : avertissement, blme, interdiction
temporaire ou permanente (avec ou sans sursis) d'exercice ou encore radiation du tableau de
l'Ordre
409
.
264. Conclusion. La responsabilit civile du mdecin du travail nest, en
pratique, que trs peu voque dans les prtoires. Si, dun point de vue acadmique, la loi du
20 juillet 2011 ractualise certains points, tel que lordonnancement des responsabilits entre
les diffrents acteurs dun service de sant au travail, la jurisprudence sur notre question reste
ancienne, peu renouvele. Lobligation de scurit de rsultat en matire de sant et scurit
au travail pesant sur lemployeur, la responsabilit civile du mdecin du travail reste
marginale. Lorsque la responsabilit civile du mdecin du travail est engage par un patient-
salari, le droit commun de la responsabilit mdicale dtient une place majeure. Lorsque la
responsabilit civile du mdecin du travail est engage par son propre employeur, le champ
daction est fortement restreint par le contrat de travail liant les parties au litige, dont dcoule
la ncessit dune faute lourde imputable au mdecin.
Le risque tant inhrent lactivit mdicale, le mdecin du travail a la facult et mme
lintrt - de souscrire une assurance civile professionnelle
410
. Cette assurance est nanmoins
circonscrite. Le mdecin du travail, comme tout autre justiciable, ne peut couvrir sa
responsabilit pnale.
407
C. sant publ., art. L. 4126-5.
408
Cass. 1re, civ. 16 mai 2006, n 03-16.253 : JurisData n 2006-033513.
409
C. sant. publ., art. L. 4124-6.
410
Larticle 8 de lannexe la convention collective des services de sant au travail interentreprises du 20 juillet
1976, abroge compter du 30 juin 1986, prvoyait que les mdecins du travail doivent sassurer leurs frais,
en ce qui concerne leurs responsabilits professionnelles, un organisme dassurance notoirement solvable . En
pratique, les modles de contrats de travail mis par lOrdre national des mdecins contiennent des clauses
relatives lassurance professionnelle du mdecin du travail.
93
Section 2 De la responsabilit pnale
265. Un contentieux rsiduel. Si la responsabilit civile a pour but de rparer
pcuniairement le dommage caus par le mdecin du travail, la responsabilit pnale tend
rprimer un comportement. Le contentieux judiciaire est sans appel : la responsabilit pnale
du mdecin du travail nest que trs rarement engage. Quelle en est la raison ? A notre sens,
il faut tenir compte du manichisme du droit pnal du travail qui tend faire peser la sanction
pnale sur lemployeur. Les lumires judiciaires tant centres sur lemployeur (ou son
reprsentant), le mdecin du travail est dans lombre.
266. Responsabilit personnelle. Contrairement au droit de la responsabilit
civile, la responsabilit pnale est, en principe, purement personnelle
411
: la responsabilit du
mdecin du travail ne peut tre engage sil na pas commis une faute personnelle
412
. Par
consquent, la responsabilit pnale du mdecin du travail ne peut tre engage du fait des
actes commis par le personnel du service de sant au travail dont il a la charge.
La responsabilit pnale du mdecin du travail nchappe donc pas au droit pnal gnral :
elle est engage ds lors que sont caractriss un lment lgal, un lment matriel et un
lment intentionnel.
267. Elment lgal. Nullum crimen, nulla poena sine lege : une action ou
une abstention ne peut tre sanctionne par le juge pnal que lorsque le lgislateur la vise
dans un texte et interdite sous la menace dune peine
413
. Aussi appel principe de lgalit
des dlits et des peines , ce principe valeur constitutionnelle
414
est prcis par le Code
pnal
415
.
268. Elment matriel. Llment matriel se caractrise par laccomplissement
dun acte fautif positif (action) ou ngatif (omission). La mdecine du travail, prventive par
nature, conduit ce que la responsabilit pnale du mdecin du travail soriente plus vers les
actes fautifs ngatifs.
411
Ce propos est temprer, spcialement en droit pnal du travail, o la responsabilit pnale de lemployeur
est frquemment retenue alors mme quil nest pas personnellement lauteur de linfraction pnale.
412
C. pn., art. 121-1.
413
B. Bouloc, Droit pnal gnral, Dalloz 20
e
dition. p. 101.
414
Larticle 5 de la Dclaration des droits de lHomme et du citoyen du 26 aot 1789 dispose que tout ce qui
nest pas dfendu par la loi ne peut tre empch, et nul ne peut tre contraint de faire ce quelle nordonne
pas .
415
Larticle 111-3 du Code pnal dispose que nul ne peut tre puni dune peine non prvue par la loi ou par le
rglement .
94
269. Elment intentionnel. Lacte fautif susceptible dune sanction du fait de la
loi doit tre, en principe, luvre de la volont de son auteur
416
. Il existe nanmoins des
infractions non intentionnelles, telles que limprudence ou la ngligence, pour lesquelles seule
lexistence dune faute est requise.
270. Comme tout autre justiciable, le mdecin du travail est susceptible dtre
incrimin pour une multitude de raisons. Dans un souci dintelligibilit, il convient de se
focaliser sur les principales infractions directement lies lexercice de sa profession.
Sous-section 1 : Prjudice matriel
271. Le prjudice matriel peut rsulter de limprudence, de la ngligence du
mdecin du travail (1) ou encore de la non assistance personne en pril (2).
1 : Imprudence et ngligence
272. Principe. Par drogation la rgle selon laquelle lintention de lauteur doit
tre dmontre, toute personne peut tre reconnue coupable dun dlit pnal en cas de faute
d'imprudence, de ngligence ou de manquement une obligation de prudence ou de scurit
prvue par la loi ou le rglement, s'il est tabli que l'auteur des faits n'a pas accompli les
diligences normales, compte tenu, le cas chant, de la nature de ses missions ou de ses
fonctions, de ses comptences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait
417
. Les
personnes physiques qui n'ont pas caus directement le dommage, mais qui ont cr ou
contribu crer la situation qui a permis la ralisation du dommage ou qui n'ont pas pris les
mesures permettant de l'viter, sont responsables pnalement s'il est tabli qu'elles ont, soit
viol de faon manifestement dlibre une obligation particulire de prudence ou de scurit
prvue par la loi ou le rglement, soit commis une faute caractrise et qui exposait autrui
un risque d'une particulire gravit qu'elles ne pouvaient ignorer
418
.
273. Sanctions. Les sanctions prvues sur la base de cette incrimination pnale
dpendent de la gravit du prjudice dont est victime le patient-salari. La peine est
contraventionnelle lorsque les agissements du mdecin du travail engendrent soit une
416
C. pn., art. 121-3. al 1.
417
C. pn., art. 121-3. al 2.
418
C. pn., art. 121-3. al 3.
95
incapacit de travail dune dure infrieure ou gale trois mois
419
, soit des blessures
noccasionnant aucune incapacit totale de travail
420
. La peine est dlictuelle lorsque le
patient- salari est victime dune incapacit totale de travail dune dure suprieure trois
mois ou est dcd
421
.
274. Illustrations. A titre illustratif, la responsabilit pnale du mdecin du
travail pourra tre engage en cas de dlivrance dun avis dinaptitude un patient-salari
sans avoir effectu dexamen mdical ou encore lorsque la surveillance mdicale renforce de
certains salaris na pas t mise en place. Il faudra alors dmontrer que cet acte a eu pour
consquence directe la mort du patient-salari, son incapacit totale de travail ou des simples
blessures.
2 : Non assistance personne en pril
275. Principe. Le mdecin du travail peut voir sa responsabilit pnale engage
pour non assistance personne en pril dans deux situations. Premirement, lorsquil
s'abstient volontairement de porter une personne en pril l'assistance que, sans risque pour
lui ou pour les tiers, il pouvait lui prter soit par son action personnelle, soit en provoquant un
secours. Deuximement, alors quil peut empcher par son action immdiate, sans risque pour
lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un dlit contre l'intgrit corporelle de la personne, il
s'abstient volontairement de le faire. Dans ces deux hypothses, le mdecin du travail encourt
une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende
422
.
276. Traductions. Les hypothses dapplication de cette disposition lgale sont
multiples. Celle-ci renvoie avant tout la situation dun salari victime dun accident de
travail dont la gravit est telle que le mdecin du travail, bien quil ait connaissance de la
situation, nagit pas. Plus marginale mais tout aussi possible est la situation dans laquelle le
mdecin du travail ne prodigue aucun soin un salari bless suite une rixe qui sest
droule au sein de lentreprise alors quil avait connaissance de ltat de sant de celui-ci. Sa
419
Larticle R. 625-2 du Code pnal prvoit ce titre que lauteur de linfraction est puni de lamende prvue
pour les contraventions de la 5
e
classe.
420
Larticle R. 622-1 du Code pnal prvoit ce titre que lauteur de linfraction est puni de lamende prvue
pour les contraventions de la 2
e
classe.
421
Dans ces hypothses, le mdecin du travail est respectivement passible des peines de trois ans
demprisonnement et de 45 euros damende ou de deux ans demprisonnement et de 30000 euros damende.
422
C. pn., art. 223-6.
96
responsabilit serait carte dans lhypothse o la rixe naurait pas cess et que son action
engendrerait un risque pour sa propre scurit.
Sous-section 2 : Prjudice moral
277. Au regard de la nature des missions du mdecin du travail, ce dernier peut
notamment se rendre coupable dune violation du secret professionnel (1) ainsi que de la
ralisation de faux (2).
1 : Secret professionnel
278. Le secret professionnel. Le secret professionnel ne reprsente quun petit
chapitre dans lensemble de la dontologie mdicale, mais il est un symbole : le symbole du
respect que le mdecin doit avoir pour son malade
423
. Si le secret professionnel du mdecin
renvoie directement au secret mdical (I), lexercice de la mdecine du travail fait apparaitre
un autre aspect : le secret de fabrication (II).
I. Secret mdical
A. Principe
279. Un principe intelligible. Le secret mdical nest pas dfini par la loi pnale.
Mme si le Code de dontologie mdicale ne constitue pas une source pnale, il offre une
large tendue de la notion puisque le secret couvre tout ce qui est venu la connaissance du
mdecin dans l'exercice de sa profession, c'est--dire non seulement ce qui lui a t confi,
mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris
424
. Au surplus, le fait que le mdecin du travail
soit li dans son exercice professionnel par un contrat de travail ne lexonre en rien du
respect de ce principe
425
. La jurisprudence pnale a elle aussi prcis la notion, en la
renforant : le secret professionnel simpose aux mdecins de manire absolue et il
nappartient personne de les en affranchir
426
. Ainsi, la rvlation dune information
caractre secret par une personne qui en est dpositaire soit par tat ou par profession, soit en
raison dune fonction ou dune mission temporaire, est punie dun an demprisonnement et de
15 000 euros damende
427
.
423
R. Villey, Histoire du secret mdical, Ed. Seghers, 1986, p. 163.
424
C. sant. publ., art. R. 4217-4.
425
C. sant. publ., art. R. 4217-95.
426
Cass. crim. 8 mai 1947, Bull. Crim n124.
427
C. pn., art. 226-13.
97
280. Secret mdical et pluridisciplinarit. Le Code de dontologie mdicale
affirme que le mdecin doit veiller ce que les personnes qui l'assistent dans son exercice
soient instruites de leurs obligations en matire de secret professionnel et s'y conforment
428
.
Cette disposition rglementaire cre une responsabilit la charge du mdecin du travail. Si la
responsabilit du fait des prposs est admise en matire civile, le droit pnal exclut toute
responsabilit du fait dautrui, sauf disposition contraire
429
. En dautres termes, en cas de
violation du secret mdical par un membre du personnel du service de sant au travail, le
mdecin du travail est irresponsable pnalement, peu important les rgles dontologiques de
la profession. En revanche, la responsabilit pnale de ce membre du personnel peut tre
engage.
281. Une pratique dlicate. La mission du mdecin du travail, tant conseiller du
chef dentreprise que des salaris, conduit une difficile conciliation entre des intrts
opposs. En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation prcise que le mdecin du
travail a pour obligation de renseigner lemployeur et de le conseiller en lui fournissant des
lments de fait ncessaires selon la nature de la dcision prendre
430
. Comment dlimiter la
frontire entre la violation du secret professionnel et lobligation dinformation de
lemployeur ? Si certaines hypothses sont simples, dautres semblent insolubles. Ainsi, en
matire dinaptitude, le mdecin du travail doit concilier lobligation dinformer lemployeur
avec la protection de ses constatations mdicales, tant en matire de diagnostic que de
traitement
431
.
B. Exceptions
282. L'article 226-13 du Code pnal n'est pas applicable dans deux situations : en
raison dune disposition au libell gnral ainsi que dans des hypothses particulires. Dans
ces hypothses, la rupture du secret mdical par le mdecin du travail ne peut faire l'objet
d'aucune sanction disciplinaire.
428
C. sant. publ., art. R. 4217-72.
429
Larticle 121-1 du Code pnal dispose en effet que nul n'est responsable pnalement que de son propre
fait .
430
Cass. crim., 6 juin 1972, n70-90.271. Bull. Crim. n190 p. 481.
431
Rp. David 1
er
aot 1994 : JOAN p. 3943 n 14420.
98
283. Exception gnrale. Le mdecin du travail a lobligation de rompre le
secret mdical lorsque la loi impose ou autorise la rvlation de linformation
432
. Il en est
notamment ainsi en matire de maladies transmissibles ou maladies professionnelles
433
.
284. Exceptions particulires. Outre lhypothse dexception gnrale, deux
situations expressment mentionnes par la loi pnale sont applicables au mdecin du travail.
Premirement, le mdecin du travail a la facult, avec laccord du patient-salari, de porter
la connaissance du procureur de la Rpubliques les svices ou privations quil a constats, sur
le plan physique ou psychique, dans l'exercice de sa profession et qui lui permettent de
prsumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont t
commises
434
. Lorsque le patient-salari est mineur ou nest pas en mesure de se protger en
raison de son ge ou de son incapacit physique ou psychique
435
, laccord de la personne nest
plus ncessaire. Deuximement, ne viole pas le secret mdical le mdecin du travail qui porte
la connaissance du prfet ( Paris, lautorit comptente est le prfet de police) le caractre
dangereux pour lui-mme ou pour autrui
436
du patient-salari qui le consulte et dont il sait
quil dtient une arme ou quil a manifest son intention den acqurir une
437
.
II. Secret de fabrication
285. Dans le cadre de ses missions, le mdecin du travail, plus que tout autre
salari, est susceptible de prendre connaissance de secrets de fabrique appartenant
lentreprise. Ce constat se justifie par les multiples visites mdicales ralises par celui-ci,
durant lesquelles un patient-salari peut lui dvoiler des informations confidentielles mais
aussi et surtout dans le cadre de sa mission daction sur le milieu de travail, par laquelle il
peut prendre connaissance dinformations sensibles de lentreprise.
432
C. pn., art. 226-14. al 1.
433
V. par. n175.
434
Le patient-salari peut ainsi faire tat au mdecin du travail du harclement moral ou sexuel dont il est
victime au sein de lentreprise.
435
Dans lentreprise, il peut notamment sagir des travailleurs saisonniers mineurs ou des travailleurs
handicaps.
436
Lapprciation du caractre dangereux dun patient-salari par le mdecin du travail peut essentiellement
avoir lieu lors dune visite mdicale, au cours de laquelle ce dernier dclerait notamment des troubles
psychiques ou neuropsychiques.
437
C. pn., art. 226-14.
99
286. Au regard des termes employs par la loi
438
, la responsabilit pnale du
mdecin du travail en la matire est directement lie son statut, c'est--dire le contrat de
travail le liant un service de sant au travail. En pratique, la rvlation dun secret de
fabrication semble plus ouverte dans un service de sant au travail autonome, o le mdecin
du travail est plus intgr lentreprise bnficiaire et peut donc plus facilement obtenir des
donnes sensibles.
287. Sanctions. Le fait pour le mdecin du travail comme pour tout salari de
rvler ou de tenter de rvler un secret de fabrication est puni dun emprisonnement de deux
ans et dune amende de 30000 euros. Le juge a galement la facult de prononcer, titre de
peine complmentaire, pour une dure de cinq ans au plus, linterdiction des droits civiques,
civils et de famille prvue par larticle 131-26 du Code pnal
439
.
2 : Faux
288. Le nombre demployeurs reprochant certains mdecins du travail de
raliser des certificats de complaisance en faveur de patients-salaris est loin dtre
ngligeable. Or, notre connaissance, laccusation de ralisation de faux lencontre du
mdecin du travail est une question dlaisse tant par la jurisprudence que la doctrine. Il nous
semble donc utile de dmontrer quune telle pratique, aussi marginale soit-elle, intgre la
qualification de faux au sens de la loi pnale.
289. Elment lgal. Le fait dtablir une attestation ou un certificat faisant tat
de faits matriellement inexacts est puni dun an demprisonnement et de 15 000 euros
damende
440
. Cette infraction tant indpendante de la notion de faux de droit commun
441
,
certaines spcificits apparaissent.
290. Elment intentionnel. Sagissant de llment intentionnel de linfraction
de faux certificat, aucune disposition spcifique nest prvue par la loi ou la jurisprudence. Au
438
C. trav., art. L. 1227-1. al 1.
439
C. trav., art. L. 1227-1. al 2.
440
C. pn., art. 441-7.
441
Selon larticle 441-1 alina 1
er
du Code pnal, constitue un faux toute altration frauduleuse de la vrit, de
nature causer un prjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un crit ou tout autre support
d'expression de la pense qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'tablir la preuve d'un droit ou d'un fait
ayant des consquences juridiques .
100
regard du droit commun, le mdecin du travail doit avoir conscience du fait quil ralise un
faux.
291. Elment matriel. La chambre criminelle de la Cour de cassation a t
amene pallier la concision du lgislateur quant larticle 441-7 du Code pnal. Ainsi, pour
tre qualifi de faux, le certificat doit tre tabli en faveur dun tiers
442
et comporter la
signature authentique de son auteur
443
. Au cas particulier du mdecin du travail, lavis
dinaptitude est bien sign par ce dernier et ralis en faveur dun tiers, en la personne du
patient-salari. Si la caractrisation dun prjudice nest pas ncessaire
444
, son existence peut
avoir pour effet daggraver les sanctions encourues.
292. Aggravation des sanctions. Lorsque le faux certificat a pour but de porter
prjudice au Trsor public ou au patrimoine dautrui, les peines slvent trois ans
demprisonnement et 45 000 euros damende
445
. La caractrisation dun prjudice nest donc
pas suffisante. Il faut prouver que le mdecin du travail a lintention de porter prjudice
lemployeur, ce qui semble difficile. En tout tat de cause, le prjudice pour ce dernier peut
tre double : dune part matriel, puisquen cas dinaptitude lintress supporte notamment
une obligation de reclassement du salari dclar inapte ; dautre part moral, lemployeur
risquant de voir son image dtriore par un taux dinaptitude important dans son
entreprise
446
. Lancien article 441-8 du Code pnal, abrog par larticle 152 de la loi n2011-
525 du 17 mai 2011, prvoyait des sanctions encore plus lourdes lorsque lacte tait commis
par un mdecin
447
.
442
Cass. crim., 7 fvrier 1962. Bull. crim. 1962, n84.
443
Cass. crim., 15 mars 2000. Bull. crim. 2000, n 117.
444
Cass. crim., 15 janvier 1990. Bull. crim. 1990, n23.
445
C. pn., art. 441-7. al. 2.
446
La jurisprudence a ainsi admis comme prjudice moral ventuel le fait de porter atteinte la rputation
professionnelle dune personne (Cass. crim., 13 octobre 1999. Bull. crim. 1999, n218).
447
Cet article prvoyait qu Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende le fait, par
une personne agissant dans l'exercice de sa profession, de solliciter ou d'agrer, directement ou indirectement,
des offres, promesses, dons, prsents ou avantages quelconques pour tablir une attestation ou un certificat
faisant tat de faits matriellement inexacts. Est puni des mmes peines le fait de cder aux sollicitations prvues
l'alina prcdent ou d'user de voies de fait ou de menaces ou de proposer, directement ou indirectement, des
offres, des promesses, des dons, des prsents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne
agissant dans l'exercice de sa profession qu'elle tablisse une attestation ou un certificat faisant tat de faits
inexacts. La peine est porte cinq ans d'emprisonnement et 75000 euros d'amende lorsque la personne vise
aux deux premiers alinas exerce une profession mdicale ou de sant et que l'attestation faisant tat de faits
inexacts dissimule ou certifie faussement l'existence d'une maladie, d'une infirmit ou d'un tat de grossesse, ou
fournit des indications mensongres sur l'origine d'une maladie ou d'une infirmit ou sur la cause d'un dcs .
101
Conclusion
294. Droit commun de la responsabilit. Malgr les multiples rformes de la
mdecine du travail, la loi noffre aucune prcision sur la question de la responsabilit du
mdecin du travail, quelle soit civile ou pnale. La conscration de la pluridisciplinarit des
services de sant au travail nous semble donc incomplte : crer des relations juridiques
nouvelles (notamment entre les internes en mdecin du travail et le mdecin du travail) pour
adapter le Droit la pratique des relations de travail constitue une avance. Encore faut-il en
prvoir les consquences.
295. Un droit inappliqu. Tant en matire civile que pnale, la jurisprudence
relative la responsabilit du mdecin du travail est pauvre, voire inexistante. Cela rsulte
certainement des prjugs contemporains du droit pnal du travail, focalis sur lemployeur et
non sur ses prposs. Pourtant, le mdecin du travail ne bnficie-t-il pas dune indpendance
professionnelle en matire mdicale ? Un grand pouvoir implique de grandes
responsabilits
448
. Il devrait donc assumer pleinement cette indpendance sur le plan de sa
responsabilit
449
. La rforme du 20 juillet 2011, qui renforce laction du mdecin du travail,
modifiera-t-elle ce constat ? A notre sens, aucun changement nest prvoir car la rgle de
Droit ne change pas les mentalits.
448
S. Lee, The amazing Spiderman, vol. 1, mars 1963 : Ed. Marvel Universe, coll. Comic books, USA.
449
La question fut voque lors du drame de lamiante. Sur cette question, V. G. Driot, J-P. Godefroy, Rapport
dinformation fait au nom de la commission commune sur le bilan et les consquences de la contamination par
lamiante, n37 Snat 2005/2006.
102
TITRE 2 LACTION DU MEDECIN DU TRAVAIL
Introduction Le cadre daction du mdecin du travail
296. La nouveaut : pluridisciplinarit. Laction du mdecin du travail dpend
directement de la forme du service de sant au travail au sein duquel il exerce. Dans les
services de sant au travail autonomes, les mdecins du travail agissent en coordination avec
les autres intervenants de la sant au travail
450
. Dans les services de sant au travail
interentreprises, est mise en place une quipe pluridisciplinaire dont lanimation et la
coordination est dvolue au mdecin du travail
451
. En pratique, la grande majorit des services
de sant au travail sont de type interentreprises. Aussi, lavnement la pluridisciplinarit, qui
modifie les prrogatives de certains acteurs et en intronise dautres
452
, a des rpercussions sur
laction du mdecin du travail. Toutefois, si changement il y a, aucun bouleversement nest
prvoir.
297. La constance : action prventive et duale. Laction du mdecin du travail,
exclusivement prventive, consiste viter toute altration de la sant des travailleurs du fait
de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions dhygine au travail, les risques de
contagion et leur tat de sant
453
. Aussi, laction du mdecin du travail sarticule autour de
deux axes complmentaires : la facette individuelle, se matrialisant par la surveillance
mdicale des salaris (Chapitre 1) et la facette collective, se concrtisant par laction en milieu
de travail (Chapitre 2).
450
C. trav., art. L 4622-4.
451
C. trav., art. L 4622-8.
452
V. par. n80 et s.
453
C. trav., art. L 4622-3.
103
Chapitre 1 La surveillance mdicale des salaris
298. Epine dorsale. La pratique rvle que la surveillance mdicale des salaris
constitue lpine dorsale de laction du mdecin du travail. Il sagit en effet du domaine dans
lequel le mdecin du travail sinvestit le plus, au dtriment de laction sur le milieu de travail.
Le suivi mdical de ltat de sant des salaris est ralis par le biais doutils mdicaux
(Section 1), dont la finalit est la dtermination de laptitude ou non du salari son poste de
travail (Section 2).
Section 1 Les moyens de la surveillance
299. Les moyens de la surveillance mdicale des salaris diffrent en fonction du
poste de travail du salari. Lorsque ce dernier na pas de consquences mdicales
particulires, le salari bnficie des moyens de surveillance de droit commun (Sous-section
1). A contrario, plusieurs catgories de salaris bnficient dune surveillance mdicale
spciale (Sous-section 2). En toute hypothse, les moyens de la surveillance sont similaires.
Seules les modalits dapplication varient.
Sous-section 1 La surveillance mdicale de droit commun
300. La surveillance mdicale de droit commun se matrialise par deux outils
complmentaires la disposition du mdecin du travail et de son quipe : les visites mdicales
(1) ainsi que les documents et vaccinations (2).
1 : La visite mdicale
301. Les examens mdicaux raliss par le mdecin du travail se caractrisent par
leur multiplicit. Les visites mdicales dembauche (I), priodiques (II), complmentaires
(III), de reprise (IV) ou de prreprise (V) sont autant de moyens offerts au mdecin du travail
pour accomplir sa mission. Enfin, la question du non respect de ces visites se pose (VI).
Introduction : lencadrement de la visite mdicale
302. Par encadrement des visites mdicales il faut entendre un tronc de rgles
communes lensemble des visites mdicales. Ces rgles concernent tant le droulement (A)
que la priodicit des visites (B).
104
A. Le droulement
1. Temps
303. Temps de travail. Le temps ncessit par les visites mdicales, y compris
les visites complmentaires, est, soit pris sur les heures de travail du salari sans quaucune
retenue de salaire puisse tre opre, soit rmunr comme temps de travail normal lorsque
ces examens ne peuvent avoir lieu pendant les heures de travail
454
. Ce mme temps est pris en
compte dans le calcul de la dure du travail
455
(particulirement en matire dheures
supplmentaires et de dures maximales de travail).
304. Temps de trajet. Les temps et les frais de transport ncessits par les visites
mdicales sont entirement pris en charge par lemployeur
456
. Ainsi, la jurisprudence a-t-elle
admis quil appartient aux juges du fond de rechercher si le salari a effectivement subi la
visite mdicale litigieuse, peu important que ce dernier ne justifie pas des frais affrents
cette visite
457
.
2. Lieux
305. Principe. Dans les tablissements industriels de deux cents salaris et plus
ainsi que dans les autres tablissements de cinq cents salaris et plus, les examens mdicaux
sont raliss dans ltablissement o le salari concern ralise sa prestation de travail
458
.
306. Drogations. Ce principe de territorialit souffre de deux types de
drogations. Dune part, une voie drogatoire caractre gnral : aprs avis du mdecin
inspecteur du travail, linspecteur du travail comptent a la facult daccorder des drogations
relatives au lieu o la visite mdicale est ralise
459
. Dautre part, des drogations ad hoc,
propres la spcificit de certaines professions : il en est ainsi notamment pour les VRP qui
ont la possibilit, avec l'accord de leur employeur, de passer les visites mdicales dans le
service interentreprises de sant au travail le plus proche de leur domicile
460
ou encore pour
454
C. trav., art. R. 4624-28. al 1.
455
Note DRT du 2 juin 1997, p. 470.
456
C. trav., art. R. 4624-28. al 2.
457
Cass. soc. 4 juin 2008, n 06-45.819, Indit.
458
C. trav., art. R. 4624-29. al 1.
459
C. trav., art. R. 4624-29. al 2.
460
Rp. Bizet : JOAN 8 septembre 1980, p. 3893.
105
les salaris employeurs multiples, qui effectuent les visites mdicales sous la responsabilit
du principal employeur, la fiche daptitude constituant un justificatif auprs des autres
employeurs
461
.
3. Conditions matrielles
307. Encadrement. Dans un souci dhomognisation des conditions matrielles
et sanitaires des services de sant au travail, le pouvoir rglementaire prvoit un encadrement
des caractristiques auxquelles rpondent les centres dexamens mdicaux (matriel
minimum, quipement), en fonction de limportance du service de sant au travail
462
. Cette
ambition a t concrtise par larrt du 12 janvier 1984 relatif aux locaux et lquipement
des services mdicaux du travail
463
, qui distingue leurs obligations raison de la nature du
service de sant au travail et des effectifs de ltablissement concern
464
.
B. La priodicit
308. Ordre public absolu. Si lencadrement du droulement des visites
mdicales ne constitue pas un lment nouveau, le pouvoir rglementaire a rcemment prvu
de nouvelles dispositions communes relatives la priodicit de lensemble des visites
mdicales ralises par le mdecin du travail. Ainsi, lissue dun dlai de dix-huit mois
compter de la promulgation de la loi du 20 juillet 2011, les clauses des conventions ou
accords collectifs de travail comportant des obligations en matire de visites mdicales
diffrentes de celles prvues par les dispositions lgales et rglementaires seront rputes
caduques. Cette mesure phare tend endiguer les effets de la pnurie de mdecins du travail :
puisque ces derniers, faute dtre assez nombreux, ne parviennent pas raliser les visites
prvues par le Code du travail, celles prvues par voie conventionnelle sont en effet
superficielles, voire nfastes
465
.
461
Rp. Bizet : AN 8 septembre1980, p. 3893.
462
C. trav., art., R. 4624-30.
463
Les termes services mdicaux du travail renvoient aujourdhui la notion de service de sant au travail.
464
Voir par. n73 et s.
465
Elles sont nfastes en ce quelles entretiennent la faiblesse de laction en milieu de travail.
106
I. Visite mdicale dembauche
309. La visite mdicale dembauche est perue par la loi comme par la
jurisprudence comme une garantie fondamentale de la sant du travailleur. De ce fait, sa force
obligatoire est tendue (A) et son objet renouvel (B).
A. Une visite obligatoire
310. Lemployeur qui recrute un salari doit organiser un examen mdical
dembauche
466
. Le caractre obligatoire de cette visite est dtermin trois niveaux.
1. Ratione personae
311. Principe. Cette obligation sapplique toutes les entreprises ainsi qu
lensemble des salaris recruts. Ainsi, sont notamment concerns les salaris sous contrat de
travail dure dtermine, les jeunes embauchs pour un travail saisonnier
467
(sous certaines
conditions spcifiques
468
), les apprentis
469
ou les stagiaires
470
.
312. Exception. Un nouvel examen mdical dembauche nest pas obligatoire
lorsque trois conditions cumulatives sont runies. Premirement, le salari doit tre appel
occuper un emploi identique prsentant les mmes risques dexposition
471
. Deuximement, le
mdecin du travail doit tre en possession de la fiche daptitude de ce salari
472
. Enfin, aucune
inaptitude ne doit avoir t reconnue lors du dernier examen mdical intervenu au cours soit
des vingt-quatre mois prcdents lorsque le salari est nouveau embauch par le mme
employeur, soit des douze derniers mois lorsque le salari change dentreprise
473
. Auparavant,
ces dures slevaient respectivement douze et six mois. Ainsi, ds le stade de la visite
mdicale dembauche, le fil dAriane de la rforme du 20 juillet 2011 est perceptible : la
rduction du nombre de visites mdicales laune de la pnurie de professionnels.
466
C. trav., art. R. 4624-10.
467
Rp. Min. JO Snat du 24 fvrier 1983, p. 332.
468
Voir par. n428 et s.
469
En vertu de larticle R. 6222-40-1 du Code du travail, l'apprenti bnficie dune visite mdicale dembauche
au plus tard dans les deux mois qui suivent son embauche.
470
Cass. crim., 4 janvier, 1983 : D. 1983, 256, note H. Seillan, Indit.
471
Sur ce point, il est intressant de noter que le dcret dapplication de la loi du 20 juillet 2011 a prcis la
notion demploi identique en y ajoutant les termes mmes risques dexposition .
472
Sur la fiche daptitude, V. par. n365 et s.
473
C. trav., art. R. 4624-12.
107
313. Exceptions lexception. Cette exception lobligation de raliser une
visite mdicale dembauche souffre elle-mme de limitations. Aussi, la visite mdicale
dembauche est obligatoire dans deux situations. Dune part, lorsque le mdecin du travail
estime que la visite mdicale est ncessaire ou que le salari intress en fait la demande,
celle-ci est obligatoire, peu important le fait les conditions drogatoires prvues larticle R.
4624-12 du Code du travail soient runies. Dautre part, la dispense dexamen mdical
dembauche nest pas applicable aux salaris bnficiant dune surveillance mdicale
intressant certaines professions ou certains modes de travail
474
ainsi quaux salaris relevant
dune surveillance mdicale renforce
475
.
314. Cas particulier : la pluralit demployeurs. En cas de pluralit
demployeurs, ces derniers ont la facult de ne raliser quun seul examen mdical
dembauche. Pour ce faire, deux voies sont ouvertes : soit les employeurs ont conclu un
accord sur la question, soit ils sont couverts par un accord collectif de branche prvoyant
notamment les modalits de rpartition de la charge financire de la surveillance mdicale
476
.
dfaut d'apporter la preuve que le salari a subi cet examen mdical sous la responsabilit
d'un autre employeur, un employeur ne peut s'exonrer de son obligation
477
. Jusquau 1
er
juillet 2012, seule la premire voie est envisage par le pouvoir rglementaire, sous rserve
que les employeurs concerns prvoient notamment les modalits de rpartition de la charge
de la surveillance mdicale
478
.
2. Ratione materiae
315. Stricto sensu. La jurisprudence de la Cour de cassation apprcie de manire
stricte le respect ou non de lobligation pour lemployeur de raliser la visite mdicale
dembauche. Ainsi, il appartient l'employeur de prendre les dispositions ncessaires pour
soumettre le salari cette visite, dans le dlai lgal, en sorte que la carence de l'association
interentreprises de la mdecine du travail, ne libre pas l'employeur de son obligation
479
.
474
Larticle R. 4624-13 renvoie aux dispositions de larticle L. 4111-6 3 du Code du travail.
475
En application de larticle R. 4624-18 du Code du travail.
476
C. trav., art., R. 4624-14.
477
CA Paris, 11e ch. A, 19 mars 1991: JurisData n1991-021907.
478
C. trav., art. R. 4624-14. ancien.
479
Cass. soc. 28 mars 2001, n99-41.626, Indit.
108
Le simple fait de faire convoquer le salari la visite mdicale ne suffit pas donc pas
remplir l'obligation, la dfection du salari ne pouvant tre invoque comme cas de force
majeure car la visite d'embauche est une condition pralable au contrat de travail
480
.
3. Ratione temporis
316. Principe. La visite mdicale dembauche nest pas obligatoirement ralise
lembauche : elle a lieu avant lembauche ou au plus tard avant lexpiration de la priode
dessai
481
. De ce fait, lemployeur est fautif lorsque la visite mdicale d'embauche d'un salari
a t effectue bien aprs la priode d'essai
482
.
317. Exceptions : du ciel aux roulottes. Le pouvoir rglementaire envisage
deux hypothses drogatoires. Primo, les salaris soumis une surveillance mdicale
renforce et les navigants professionnels de laronautique civile
483
doivent subir cet examen
mdical avant leur embauche
484
. Secundo, lorsquune entreprise foraine envisage
dembaucher un salari lors de son passage dans une localit loigne dun centre dexamen
du service de sant au travail auquel elle est affilie, lexamen dembauche peut avoir lieu lors
du prochain passage dans une localit o fonctionne un de ces centres
485
. Si le salari
embauch est g de moins de dix-huit ans, il doit tre muni dune attestation daptitude la
profession exerce, remise aprs examen mdical pass dans un service mdical de main
duvre et conserve par lemployeur
486
.
B. Un objet renouvel
1. Lobjet initial : laptitude du salari
318. De jure. Lobjectif premier de la visite mdicale dembauche sapprcie
travers le prisme de lemployeur : dans quelle mesure le salari peut-il, au regard de sa sant,
intgrer lentreprise ? Cette ide-force se matrialisait par trois finalits. Dune part, sassurer
que le salari est mdicalement apte au poste de travail auquel lemployeur envisage de
480
Cass. crim., 4 mai 1976 : Jurispr. soc. UIMM n365, p. 277.
481
C. trav., art. R. 4624-10.
482
CA Paris, 11e ch., sect. B, 9 mars 1990 : JurisData n1990-026017.
483
Sont viss les professionnels mentionns par larticle L. 6511-1 du Code des transports, c'est--dire le
commandant, les pilotes, les mcaniciens et toute personne assurant la conduite dun aronef.
484
C. trav., art. R. 4624-10.
485
C. trav., art. R. 4624-15. al 1.
486
C. trav., art. R. 4624-15. al 2.
109
laffecter. Dans laffirmative, le mdecin du travail ralise le dossier mdical ainsi que la
fiche daptitude du salari concern
487
. Dautre part, de proposer dventuelles adaptations au
poste ou laffectation dautres postes de travail. Enfin, rechercher si le salari nest pas
atteint dune affection dangereuse pour les autres travailleurs
488
. Sur ce point, la question du
virus du SIDA sest pose : au regard de la charte du Conseil suprieur de la prvention des
risques professionnels, le dpistage du virus du SIDA nest, sauf motif lgitime, pas justifi.
319. De facto. En dehors des finalits prvues par le Code du travail,
lemployeur est tent de confrer la visite mdicale dembauche dautres orientations. Ce
constat se cristallise tout particulirement en matire de dpistage de lusage de produits
illicites, dalcool ou de mdicaments psychotropes. Face au dveloppement pratique de la
question, le CCNE
489
a prcis sa position dans un avis n114 en date du 19 mai 2011 : une
gnralisation de cette pratique serait contraire au respect des liberts individuelles.
Nanmoins, une telle pratique est envisageable pour les postes de sret et de scurit, du fait
de lexistence de dangers encourus par les tiers. Un tel dispositif devra en toute hypothse tre
prvu dans le rglement intrieur de lentreprise ainsi que dans les contrats de travail des
salaris concerns.
2. Lobjet nouveau : la prvention
320. La loi du 20 juillet 2011, par lintermdiaire de son dcret dapplication du
30 janvier 2012, entend offrir une nouvelle finalit la visite mdicale dembauche : informer
le salari sur sa sant lors de lexcution de sa prestation de travail. Cet objectif, qui sagrge
lobjet initial de la visite mdicale dembauche, se divise en deux points. La visite mdicale
dembauche a dsormais pour fonction dinformer le salari des risques des expositions au
poste de travail et du suivi mdical ncessaire ainsi que de le sensibiliser aux moyens de
prvention mettre en uvre
490
. Cette nouveaut constitue lune des traductions des
ambitions du lgislateur de 2011, savoir le renforcement de la prvention en matire de
sant et scurit au travail. Elle intgre en outre une autre donne essentielle : la
responsabilisation du salari, premier acteur de sa propre scurit
491
.
487
V. par. n355 et s.
488
C. trav., art. R. 4624-11. 1. 2. 3.
489
Comit consultatif national d'thique pour les sciences de la vie et de la sant.
490
C. trav., art. R. 4624-11. 4. 5.
491
C. trav., art. L. 4122-1.
110
II. Visite mdicale priodique
321. Tout au long de sa carrire dans lentreprise, le salari bnficie de visites
mdicales priodiques
492
. Celles-ci sont encadres tant dans leur priodicit (A) que leur objet
(B).
A. Priodicit
322. Libralisation. En principe, le salari bnficie dune visite mdicale
priodique au moins tous les vingt-quatre mois. Nanmoins, compter du 1
er
juillet 2012,
lagrment du service de sant au travail comptent peut prvoir une priodicit excdant
vingt-quatre mois lorsque sont runies deux conditions. Premirement, cette drogation doit
maintenir un suivi adquat de la sant du salari. Deuximement, doivent tre mis en place
des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles, ces dernires devant tenir
compte dventuelles recommandations de bonnes pratiques
493
.
323. Priodicit vince. Indpendamment des rgles de priodicit
susmentionnes, le salari bnficie dun examen mdical priodique sa demande ou celle
de son employeur. Lorsque la demande est formule par le premier, aucune sanction
disciplinaire ne peut en dcouler
494
. Des abus imputables au salari peuvent tre constats
lorsque celui-ci use trop frquemment de ce droit. Toujours est-il que dans lhypothse o la
visite mdicale na donn lieu aucune rserve de la part du mdecin du travail, le refus du
salari dexcuter son travail constitue une faute grave, peu important lavis du mdecin
traitant
495
.
B. Objet
324. Les examens mdicaux priodiques revtent deux finalits : sassurer du
maintien de laptitude mdicale du salari au poste de travail occup et linformer sur les
consquences mdicales des expositions au poste de travail et du suivi mdical ncessaire
496
.
A lissue de la visite, le mdecin du travail complte la fiche daptitude et le dossier mdical
492
C. trav., art. R. 4624-16 et s.
493
C. trav., art., R. 4624-16.
494
C. trav., art., R. 4624-17.
495
Cass. soc. 9 octobre 2001, n98-46.144. Bull. Civ. V, n313. p. 251.
496
C. trav., art., R. 4624-17.
111
du salari. Cest souvent lors de ce type dexamen mdical que le mdecin du travail opte
pour des examens complmentaires.
III. Visite mdicale complmentaire
325. La prescription, par le mdecin du travail, de visites mdicales
complmentaires nest prvue que dans des hypothses particulires (A). Lorsque ce dernier
estime que de telles visites sont ncessaires, celles-ci sont encadres dans leur contenu (B).
A. Hypothses
326. Triptyque. Si la prescription dexamens mdicaux complmentaires relve
exclusivement de linitiative du mdecin du travail, ce dernier ne peut les envisager que dans
trois situations : pour la dtermination de laptitude mdicale du salari au poste de travail,
notamment en matire de dpistage des affections comportant une contre-indication ce
poste ; pour le dpistage dune maladie professionnelle ou caractre professionnel
susceptible de rsulter de lactivit professionnelle du salari
497
; et enfin pour le dpistage
des maladies dangereuses pour lentourage du salari
498
.
B. Consquences
327. Financement par lemployeur. Lorsque le mdecin du travail prescrit un
examen mdical complmentaire en faveur dun salari, cet examen est la charge soit de
lemployeur lorsque celui-ci dispose dun service autonome de sant au travail soit du service
de sant au travail interentreprises
499
. Ainsi, mme dans cette seconde hypothse, la charge
financire de lexamen complmentaire repose sur lemployeur travers le paiement dune
cotisation au service de sant au travail. Les examens doivent, en toute hypothse, tre
raliss dans des conditions garantissant le respect de leur anonymat
500
.
497
Force est de constater que les termes employs par le dcret du 30 janvier 2012 sont imprcis. Lancien article
R. 4624-25 du Code du travail optait en effet pour les termes suivants : au dpistage des maladies caractre
professionnel prvues larticle L. 461-6 du Code de la scurit sociale et des maladies professionnelles non
concernes par les dispositions rglementaires prises en application du 3 de larticle L. 4111-6 du Code du
travail . En dautres termes, le pouvoir rglementaire a souhait largir les hypothses dans lesquelles le recours
des examens mdicaux complmentaires est admis. Il aurait nanmoins t prfrable, dans un souci
dintelligibilit de la loi, que la distinction opre entre les maladies professionnelles reconnues par le Code de la
scurit sociale et les autres types de maladies lies lactivit du salari soit mieux prcise.
498
C. trav., art. R. 4624-25.
499
C. trav., art. R. 4624-26. al 1.
500
C. trav., art. R. 4624-17. al 2.
112
328. Choix de lorganisme mdical. Le choix de lorganisme charg de
pratiquer les examens relve de lapprciation du mdecin du travail. Ce postulat appelle deux
questions. La premire est financire : puisque le cot financier repose sur lemployeur ou le
service de sant au travail, ces acteurs pourraient, notre sens, veiller ce que les prix
proposs ne soient pas excessifs. En effet, le mdecin du travail, tenu dune obligation de
loyaut, devrait sattacher rduire les cots de son employeur sans pour autant ngliger la
qualit de la prestation offerte par le prestataire extrieure. La seconde est mdicale : si le
Code du travail offre toute latitude au mdecin du travail pour choisir lorganisme charg de
raliser lexamen mdicale complmentaire, il nen demeure pas moins que ladministration a
prcis que ds que cela est possible, les examens doivent tre confis des organismes
spcialiss en mdecine du travail, qui sont particulirement comptents et spcialement
quips pour cela
501
. Nanmoins, le caractre incitatif et lanciennet du propos conduisent
reconnaitre sa faible valeur coercitive.
329. Dsaccord. En cas de dsaccord entre lemployeur et le mdecin du travail
sur la nature et la frquence des examens complmentaires, le litige est tranch par le mdecin
inspecteur du travail. Le mdecin inspecteur du travail exerant son action en appui
linspection du travail, sa dcision peut, notre sens, tre conteste via un recours
hirarchique, voire un recours contentieux
502
.
IV. Visite de prreprise
330. Conscration. La visite mdicale de prreprise est la visite effectue par le
mdecin du travail avant la fin de larrt de travail dun salari. Initialement intgre aux
dispositions relatives la visite de reprise, elle est dsormais reconnue comme visite mdicale
part entire par le dcret n2012-135 du 30 janvier 2012. En outre, si la ralisation dune
visite mdicale de prreprise tait laisse la libre apprciation de certains acteurs
503
, elle est
dsormais obligatoire dans certaines conditions.
501
Circ. Min. n34 du 20 juin 1969.
502
Dans le respect du droit du contentieux administratif.
503
C. trav., art. R., 4624-23 ancien.
113
A. Conditions
1. Ratione materiae
331. Auparavant, la visite mdicale avait pour but de faciliter la recherche de
mesures ncessaires lorsquune modification de laptitude au travail du salari tait
prvisible
504
. Dsormais, elle revt une mission plus gnrale : favoriser le maintien dans
lemploi des salaris en arrt de travail
505
.
2. Ratione personae
332. La visite mdicale de prreprise est organise par le mdecin du travail
linitiative du mdecin traitant, du mdecin conseil des organismes de scurit sociale ou du
salari
506
. Lemployeur ne peut donc pas tre linitiateur de la visite de prreprise.
3. Ratione temporis
333. La visite mdicale de prreprise nest obligatoire que pour les salaris en
arrt de travail dune dure de plus de trois mois
507
. Au surplus, les termes de larticle R.
4624-20 du Code du travail laissent entendre que lorsque la dure de larrt de travail est
infrieure trois mois, aucune visite de prreprise nest envisageable. Dans cette hypothse,
le salari a la possibilit de demander une visite mdicale auprs du mdecin du travail en
vertu de larticle R. 4624-17 du Code du travail, sans que celle-ci puisse toutefois tre
qualifie de visite de prreprise.
B. Contenu
334. Recommandations. Au cours de la visite mdicale de prreprise, le
mdecin du travail a la facult de recommander des amnagements et adaptations du poste de
travail, des prconisations de reclassement ou encore des formations professionnelles
organiser en vue de faciliter le reclassement du salari ou sa rorientation professionnelle. Le
cas chant, le mdecin du travail doit sappuyer sur le service social du travail du service de
sant au travail dans lequel il exerce son activit
508
.
504
C. trav., art. R., 4624-23 ancien.
505
C. trav., art. R., 4624-20.
506
C. trav., art. R., 4624-20.
507
C. trav., art. R., 4624-20.
508
C. trav., art. R., 4624-21. al 5.
114
335. Information de lemployeur. Sauf opposition du salari, le mdecin du
travail doit informer lemployeur et le mdecin conseil de ses recommandations afin que
toutes les mesures soient mises en uvre en vue de favoriser le maintien dans lemploi du
salari
509
. Aucune prcision nest faite sur les modalits de cette information. La logique
voudrait quun crit fasse tat de la position du mdecin du travail dans loptique dun
contentieux futur.
V. Visite de reprise
336. Le retour. Lorsque larrt de travail du salari arrive terme, l'intress
rintgre normalement son poste de travail. Sous certaines conditions, ce retour dans
lentreprise ncessite laccomplissement dune visite mdicale de reprise.
337. Une visite obligatoire. Ds lors que les conditions de ralisation de la visite
mdicale de reprise sont remplies, celle-ci est imprative et ce mme lorsque le salari est
class en invalidit
510
. Ainsi, lemployeur est en droit de refuser la reprise du travail un
salari refusant de se soumettre cette visite mdicale
511
. Lorsque ce refus est ritr, le
salari peut tre licenci pour faute grave
512
.
A. Hypothses
1. Droit positif
338. Prescriptions non conditionnes. La visite mdicale de reprise nest
ralise par le mdecin du travail que dans des situations limitativement numres.
Premirement, sont envisages des hypothses o la visite mdicale de reprise est obligatoire,
peu important la dure de labsence du salari. Tel est le cas aprs un cong maternit ou une
absence pour maladie professionnelle
513
.
339. Prescriptions conditionnes. Dautres situations subordonnent laction du
mdecin du travail une condition de dure darrt de travail. Il en est ainsi aprs une absence
509
C. trav., art. R., 4624-21. al 6.
510
Cass. soc. 12 octobre 1999, n97-40.835. Bull. Civ. V n 376 p. 276.
511
Cass. soc. 26 mai 1983 : Jurispr. soc UIMM 1983. 346.
512
Cass. soc. 29 novembre 2006, n04-47302. Bull. Civ. V n 361 p. 347.
513
C. trav., art., R. 4624-22. 1. 2.
115
dau moins trente jours, pour cause daccident du travail, de maladie ou daccident non
professionnel
514
.
340. Prescription facultative. Le mdecin du travail doit tre inform de tout
arrt de travail dune dure infrieure trente jours pour cause daccident du travail. Par suite,
il apprcie de faon discrtionnaire lopportunit dun nouvel examen mdical. En
concertation avec lquipe pluridisciplinaire de sant au travail, il prconise en outre des
mesures de prvention des risques professionnels
515
.
2. Droits envols
341. Rductions du nombre de visites. Avant la rforme du 20 juillet 2011, les
hypothses de prescription dune visite mdicale de reprise taient plus nombreuses et moins
conditionnes. Plus nombreuses puisque le pouvoir rglementaire admettait, outre les
hypothses susmentionnes, la ralisation dune visite mdicale de reprise en cas d absences
rptes pour raisons de sant
516
. Ces termes, particulirement larges, laissaient un large
pouvoir dapprciation au mdecin du travail ainsi quau juge. Ce dernier apprciait avec
rigueur les textes : en prsence darrts de travail rpts suivis de reprise du travail,
lemployeur manquait son obligation de scurit de rsultat en nassurant pas au salari le
bnfice dun examen mdical de reprise
517
. Moins conditionnes car les visites mdicales de
reprises pour cause daccident du travail et cause de maladie ou accident non professionnel
taient respectivement subordonnes des arrts de travail dau moins huit jours et vingt et un
jours
518
. L encore, la volont de rduire le nombre de visites mdicales est palpable.
B. Objet
342. Triptyque. La visite mdicale de reprise revt plusieurs objectifs, certains
tant propres celle-ci, dautres lis la visite mdicale de prreprise. Premirement, la visite
mdicale de reprise a pour finalit de dlivrer lavis dinaptitude mdicale du salari
reprendre son poste ou ventuellement de prconiser lamnagement, ladaptation du poste ou
le reclassement du salari
519
. En outre, la rforme de 2011 entend renforcer le lien entre visite
514
C. trav., art., R. 4624-22. 3.
515
C. trav., art., R. 4624-24.
516
C. trav., art. R. 4624-21. 5. ancien.
517
Cass. soc. 1
er
fvrier 2012, n10-26.385. Indit.
518
C. trav., art. R. 4624-21. 3. 4.
519
C. trav., art. R. 4624-23. al 1et 2.
116
mdicale de reprise et visite mdicale de prreprise afin de favoriser les mesures prventives
et le recours la seconde. Ainsi, lors de la visite mdicale de reprise, le mdecin du travail
doit examiner les propositions damnagement, dadaptation du poste ou de reclassement
faites par lemployeur la suite des prconisations mises par le premier lors de la visite
mdicale de prreprise
520
.
C. Modalits
343. Initiative nest pas organisation. Ds que lemployeur a connaissance de
la date de la fin de larrt de travail du salari, il saisit le service de sant au travail comptent
qui organise la visite mdicale de reprise dans un dlai de huit jours compter de la reprise du
travail par le salari
521
. Linitiative de la visite mdicale de reprise tant expressment
dvolue lemployeur, la jurisprudence selon laquelle elle peut tre sollicite par le salari
soit auprs de lemployeur soit auprs du mdecin du travail en avertissant lemployeur de
cette demande
522
est elle obsolte ? Aucune rponse tranche ne semble possible.
En toute hypothse, la formulation de larticle R. 4624-21, applicable compter du 1
er
juillet
2012, rduit sensiblement la responsabilit de lemployeur : sous lempire de lancienne
lgislation, en cas de convocation tardive du salari auprs du mdecin du travail, le salari
tait en droit de demander loctroi de dommages et intrts lorsque la ngligence patronale
lavait priv de salaire pendant cette priode
523
. Dsormais, cette jurisprudence est corne : la
convocation tardive du salari la visite mdicale de reprise portera prjudice au salari
uniquement si cet tat de fait rsulte de la carence de lemployeur dans la saisine du mdecin
du travail, lorganisation de la visite incombant au seul mdecin du travail.
344. Consquences. Lorsque la visite mdicale de reprise conclu laptitude du
salari, cela met fin la suspension du contrat de travail de ce dernier et ce mme lorsque
lavis daptitude est subordonn des amnagements de poste
524
. Puisque lorganisation de la
visite revient dsormais au service de sant au travail, lemployeur pourra engager la
responsabilit civile de ce dernier en cas de dfection.
520
C. trav., art. R. 4624-23. 3.
521
C. trav., art. R. 4624-21. al 2.
522
Cass. soc. 12 novembre 1997. n95-40632. Bull. Civ. V n 366 p. 263.
523
Cass. soc. 28 septembre 2011, n10-16. 757. Indit.
524
Cass. soc. 26 octobre 1999, n97-41314. Bull. Civ. V n 410 p. 301.
117
VI. Non respect des visites mdicales
345. La ralisation des visites mdicales obligatoires est, en raison de leur finalit
( savoir la protection de la sant des travailleurs), apprcie strictement tant par la loi que la
jurisprudence. Partant, le dfaut de ralisation emporte des risques tant civils (A) que pnaux
pour lemployeur (B).
A. Enjeu civil
1. Consquence directe
346. Le ncessaire prjudice. Le dfaut de visite mdicale obligatoire imputable
lemployeur, dont la finalit prventive sinscrit dans le cadre de son obligation de scurit
de rsultat, cause ncessairement un prjudice au salari, quil appartient au juge, saisi dune
demande, de rparer
525
. Auparavant, le juge considrait que le salari devait prouver
lexistence dun lien de causalit entre labsence de visite mdiale et son tat de sant
526
.
Toute la question est de savoir si le premier principe, jeune, constitue une nouvelle ligne
jurisprudentielle de la Cour de cassation.
2. Consquences indirectes
347. Multiplicit des risques. Si loctroi de dommages et intrts pour dfaut de
visite mdicale obligatoire constitue le risque communment voqu, apparaissent de
multiples risques indirects dont les consquences sont tout autant prjudiciables
lemployeur.
a. Lexcution du contrat de travail
348. Arrt de travail. Dans lhypothse o lemployeur na pas respect ses
obligations relatives la visite mdicale priodique, ce dernier est responsable de larrt de
travail ultrieur ncessit par ltat de sant dun salari
527
.
525
Cass.soc. 5 octobre 2010, n09-40.913. Indit.
526
Cass. soc. 13 fvrier 1980 n 78-40.469, JurisData n1980-755241.
527
CA Bourges 27 fvrier 1987 n 86-1061, St Duprilot c/ Brun.
118
349. Accident du travail. En cas daccident du travail, le dfaut de visite
mdicale imputable lemployeur peut conduire la reconnaissance dune faute inexcusable
impliquant une indemnisation complmentaire du salari.
b. La rupture du contrat de travail
350. Initiative du salari. Le dfaut de passation dune visite mdicale
obligatoire constitue un manquement aux obligations contractuelles pouvant justifier la
rupture du contrat de travail aux torts de lemployeur. Au regard de lobligation de scurit de
rsultat pesant sur ses paules, lemployeur ne peut donc pas laisser le salari reprendre le
travail sans lui faire passer la visite de reprise dans les cas o celle-ci est obligatoire. A dfaut,
la prise dacte par le salari de la rupture de son contrat de travail se justifie
528
et ce malgr un
nouvel arrt dans les huit jours
529
.
351. Initiative de lemployeur. Ds lors que lemployeur ne fait pas raliser au
salari la visite mdicale dembauche, il ne peut se prvaloir de linaptitude de celui-ci pour le
licencier. Si le licenciement pour inaptitude et impossibilit de reclassement de lintress est
nanmoins effectu, celui-ci est dpourvu de cause relle et srieuse
530
.
B. Enjeu pnal
352. Les enjeux pnaux sont tout aussi importants. Lemployeur qui ne respecte
pas les dispositions relatives aux examens mdicaux encourt la peine contraventionnelle de
cinquime classe
531
. Au surplus, lemployeur ne peut sexonrer de sa responsabilit en
invoquant la dfection du salari
532
. Ainsi, encourt une sanction pnale lemployeur qui ne fait
pas pratiquer la visite mdicale dembauche un salari
533
. Le risque stend logiquement aux
obligations relatives aux surveillances mdicales spciales : tel est le cas lorsque lemployeur
ne soumet pas une surveillance mdicale particulire lun de ses salaris expos un produit
toxique
534
.
528
Cass.soc. 16 juin 2009, n08-415.19. Bull. Civ. V, n 147.
529
Cass.soc. 5 octobre 2010, n09-40.913. Indit.
530
Cass.soc. 21 novembre 1990, n87-45.450. Bull. Civ. V n 572 p. 346.
531
C. trav., art. R. 4745-1.
532
Cass. crim. 4 mai 1976, n75-92.127.
533
Cass. crim. 6 fvrier 1990, n 89-82 963. Indit.
534
Cass. crim. 23 janvier 1979, n77-91278. Bull. Crim. n31. p. 87.
119
2 : Les documents mdicaux et vaccinations
353. Des outils complmentaires. Laccomplissement des visites mdicales
auxquelles est assujetti le salari conduit la ralisation de divers documents mdicaux voire
des vaccinations. Ces outils restent, aussi utiles soient-ils, restent secondaires par rapport
aux visites mdicales.
I. Les documents mdicaux
354. Pour tout salari, le mdecin du travail doit constituer un dossier mdical
(A) ainsi quune fiche mdicale daptitude (B).
A. Le dossier mdical
355. Le rgime juridique du dossier mdical en sant au travail a t rnov par
la dernire rforme des retraites
535
: sont envisags son contenu (1) mais surtout sa
transmission (2).
1. Contenu
356. Cration. Le dossier mdical en sant au travail est constitu par le mdecin
du travail lors de la visite mdicale dembauche
536
. En pratique, celui-ci est cr par un
secrtaire du service de sant au travail, ce qui ne pose a priori aucun problme dans la
mesure o celui-ci est, comme le mdecin du travail, tenue au secret professionnel.
357. Lempreinte du Code de la sant publique. Le dossier mdical, la dure et
les conditions de sa conservation rpondent aux exigences du Code de la sant publique
537
. Ce
principe, dont la totalit des effets nest pas connue tant le spectre est large, implique que le
Code de dontologie mdicale sapplique en totalit au dossier mdical. Lengagement de la
responsabilit dontologique du mdecin du travail en raison de la tenue du dossier mdical
est ainsi consacr
538
.
535
L. n2010-1330 du 9 novembre 2010., art 60.
536
C. trav., art. D. 4624-46.
537
Ibid.
538
On pense principalement au respect, par le mdecin du travail, du secret mdical qui est dailleurs rappel
larticle L. 4624-2 du Code du travail.
120
358. Un contenu volutif. La finalit du dossier mdical est triple. La fonction
principale et historique est de retracer les informations relatives ltat de sant du travailleur.
La fonction complmentaire est de recenser les avis et propositions du mdecin du travail,
notamment celles formules en application de larticle L. 4624-1 du Code du travail. Lusage
de ladverbe notamment tend inciter le mdecin du travail intgrer au dossier mdical
tout avis quil a formul lgard du salari, peu important le fondement juridique de celui-ci.
La fonction moderne, fruit des questions de pnibilit, est dy intgrer les expositions
auxquelles le salari a t soumis
539
. En somme, le dossier mdical constitue la carte
didentit mdicale du patient-salari, partir de laquelle le mdecin du travail peut oprer
des choix circonstancis son gard.
359. Communication du dossier mdical au salari. Toute personne a accs
lensemble des informations concernant sa sant dtenues, quelque titre que ce soit, par des
professionnels et tablissements de sant, qui sont formaliss ou ont fait lobjet dchanges
crits entre professionnels de sant, notamment de rsultats dexamen
540
. Ainsi, le patient-
salari ou, en cas de dcs de celui-ci, les personnes mentionnes aux articles L. 1110-4 et L.
1111-7 du Code de la sant publique
541
peuvent demander la communication du dossier
mdical. Le dossier mdical doit tre communiqu au plus tard dans les huit jours suivant la
demande du salari et au plus tt aprs quun dlai de rflexion de quarante-huit heures aura
t observ. Ce dlai est port deux mois lorsque les informations mdicales datent de plus
de cinq ans
542
.
360. Communication du dossier mdical lemployeur. En revanche,
lemployeur ne peut en aucun cas se voir adresser le dossier mdical dun de ses salaris
543
.
Le recours un intermdiaire, mme sil sagit du directeur du service de sant au travail, ne
permet pas de droger cette rgle dor
544
.
539
C. trav., art. L. 4624-2.
540
C. sant. publ., art. L. 1111-7. al 1.
541
Larticle L. 1110-4 du Code de la sant publique prcise que le secret mdical ne fait pas obstacle ce que
les informations concernant une personne dcde soient dlivres ses ayants droit, dans la mesure o elles
leur sont ncessaires pour leur permettre de connatre les causes de la mort, de dfendre la mmoire du dfunt
ou de faire valoir leurs droits, sauf volont contraire exprime par la personne avant son dcs .
Larticle L. 1111-7 du Code de la sant publique renvoie aux dispositions de larticle L. 1110-4 du mme code.
542
C. sant. publ., art. L. 1111-7. al 2.
543
Cass. soc. 10 juillet 2002, n00-40.209, Bull. Civ. V n 251. p. 245.
544
Trib. correct. de la Seine, 15 dcembre 1964, inf. soc. 1965.92.
121
2. Transmission
361. La transmission du dossier mdical, au regard de la sensibilit de son
contenu, fait lobjet dune attention toute particulire de la part du lgislateur. La loi envisage
ainsi des situations o la transmission est tolre en raison de la volont du salari (a) ou, de
faon rsiduelle, du fait de limpriosit de la situation (b).
a. Transmission et volont
362. Mdecine du travail. Le dossier mdical du patient-salari peut tre
communiqu un autre mdecin du travail deux conditions. Dune part, cette transmission
doit tre ralise dans le cadre dune continuit de prise en charge de lintress. Il en est
notamment ainsi lorsque, dans le contexte dune restructuration, les conditions tenant au
transfert dun service de sant au travail ne sont pas remplies. Dautre part, le salari est en
droit de sopposer ce transfert
545
. En dehors des prvisions lgales, le mdecin du travail
licenci a pour obligation de mettre les dossiers mdicaux en sa possession disposition de
son successeur
546
. Il a tout de mme la possibilit de soustraire, avant la transmission, les
notes caractre strictement personnel ventuellement intgres aux dossiers mdicaux par
ses soins
547
.
363. Mdecine curative. Le dossier mdical du patient-salari peut tre
communiqu un autre mdecin seulement si le premier en a eu linitiative et quil a
dtermin lui-mme lidentit de ce mdecin
548
. Ainsi, la transmission du dossier mdical de
la mdecine prventive vers la mdecine curative savre encore plus verrouille .
b. Transmission et impriosit
364. Mdecine du travail. Le lgislateur nenvisage que deux situations o le
dossier du patient-salari peut tre transmis une tierce personne sans prise en compte de la
volont de lintress : soit en raison dun risque pour la sant publique, soit la demande du
mdecin du travail lui-mme. Dans ces hypothses, le dossier mdical ne peut tre transmis
qu une seule personne, savoir le mdecin inspecteur du travail
549
.
545
C. trav., art. L. 4624-2.
546
Cass. soc. 20 fvrier 1986, n83-41.671. Bull. Civ. V n30. p. 23.
547
Cass. soc. 20 fvrier 1986, n83-41.671. Bull. Civ. V n30. p. 23.
548
C. trav., art. L. 4624-2.
549
C. trav., art. L. 4624-2.
122
B. La fiche mdicale daptitude
365. Le Code du travail envisage deux types de fiches mdicales : la fiche
mdicale dite classique (1) et la fiche mdicale dite spciale (2).
1. La fiche mdicale classique
366. Cration et contenu. lissue dune visite mdicale obligatoire, le
mdecin du travail ralise une fiche mdicale daptitude du salari en deux exemplaires
550
. Le
modle de la fiche mdicale est prvu par un arrt du 24 juin 1970. La sensibilit des
informations mentionnes a conduit un encadrement supplmentaire : la fiche mdicale
dembauche ne peut porter atteinte au principe du secret mdical
551
. Ainsi, ne devant
comporter aucune mention dordre mdical, elle constitue un simple avis sur laptitude du
salari occuper lemploi envisag et ne fait quindiquer des postes auxquels il ne doit pas
tre affect et ceux qui lui conviendraient le mieux. De ce fait, lindication de ltat de
grossesse dune postulante un emploi ne peut figurer sur la fiche mdicale daptitude
552
.
367. Double Transmission. Un exemplaire de cette fiche daptitude est remis
lemployeur et au salari. Lemployeur conserve cet exemplaire qui doit tre prsent tout
moment, sur leur demande, linspecteur du travail et au mdecin inspecteur du travail
553
.
2. La fiche mdicale spciale
368. Cration. Le mdecin du travail a pour obligation dtablir une fiche
mdicale lorsque le salari en fait la demande ou quitte lentreprise. Comme la fiche mdicale
classique, celle-ci est tablie en deux exemplaires
554
.
369. Contenu. Ds 1970, ladministration a incit les mdecins du travail
rguler les informations contenues dans ces fiches daptitude spciales. Il est ainsi souhaitable
que celles-ci ne constituent pas la copie intgrale du dossier mdical du salari. Cette
orientation est justifie par deux lments dingale importance. A titre principal, il sagit de
protger le salari des informations relatives sa propre sant, dont il ne peut apprcier et
550
C. trav., art. D. 4624-47. al 1.
551
CE, 28 mai 1982, Synd. nat. professionnel des mdecins du travail.
552
Rp. Lagatu n 12989 : JO db. Sn. 2 aot 1973 p. 1197.
553
C. trav., art. D. 4624-44. al 2.
554
C. trav., art. D. 4624-48. al 1.
123
pondrer la valeur. Tel est le cas en matire daffectations graves ou chroniques. A titre
complmentaire, il sagit de limiter la divulgation des secrets de fabrication ventuellement
consigns par le mdecin du travail dans les dossiers mdicaux
555
. A notre sens, cette
orientation administrative, notamment en raison de son anciennet, est aujourdhui altre par
un principe qui gagne en importance en droit de la sant : le droit pour le patient dtre
inform sur son tat de sant
556
. En toute hypothse, la fiche ralise lors du dpart du salari
doit, a minima, mentionner lidentit du salari, la date de son entre dans lentreprise, le
dernier poste occup dans lentreprise, la date du dernier examen mdical, ladresse du service
de sant au travail et le nom du mdecin du travail ayant tabli la fiche.
370. Transmission unique. Un exemplaire de la fiche daptitude spciale est
adress au salari alors que lautre est conserv, par le mdecin du travail, dans le dossier
mdical de lintress
557
.
II. Les vaccinations
371. La prvention et ses limites. En principe, le mdecin du travail a un rle
exclusivement prventif. Sa mission est en effet de conserver et prserver la sant des salaris,
non de les soigner. Cette rgle, premire qualit de la mdecine du travail, connat pourtant
deux drogations, propres aux limites de la seule prvention. Primo, le mdecin du travail a la
facult, voire le devoir, de prodiguer des soins en cas durgence. Lurgence ne pose, en soi,
pas de problme dans la mesure o le mdecin du travail, dfaut daction, encourt les
sanctions pnales prvues pour dfaut dassistance personne en pril
558
. Secundo, la
vaccination, acte ralis sur le corps du salari, savre plus dlicate. Dans quelle mesure le
mdecin du travail peut-il procder des vaccinations ? La question, oublie par la loi
559
, est
considre par ladministration
560
. Il sagit en toute hypothse dune prrogative peu connue
du mdecin du travail, exceptionnellement relaye par la presse et le gouvernement lors de
laffaire de la grippe A
561
.
555
Instr. TE/2-70 du 29 juin 1970.
556
C. sant. publ., art. L. 1111-2.
557
C. trav., art. D. 4624-48. al 2.
558
Voir par. n275 et s.
559
Le Code du travail nenvisage que les rgles applicables aux services de sant au travail des tablissements de
sant, sociaux et mdico-sociaux (Article R. 4626-5 du Code du travail).
560
Les dispositions de la lettre circulaire du 26 avril 1998 relative la pratique des vaccinations en milieu de
travail par les mdecins du travail sont applicables et remplacent la lettre circulaire TE 25/74 du 14 mai 1974
relative la vaccination en milieu de travail.
561
http://www.travailler-mieux.gouv.fr/18-08-2009-Si-des-cas-de-grippe.html.
124
372. Les vaccinations prodigues par le mdecin du travail rpondent au but
exclusif de prvention des risques professionnels. De ce fait, elles font lobjet dun
encadrement strict (A), quelles soient obligatoires ou facultatives (B).
A. Lencadrement des vaccinations
373. Ds lors que le mdecin du travail envisage de procder la vaccination
dun salari, de multiples obligations sont sa charge. Celles-ci concernent sa propre activit
(1) ou les personnes intresses (2).
1. Obligations personnelles
374. Tiers temps. En vertu de la rgle dite du tiers-temps
562
, lemployeur
doit prendre toutes les mesures possibles pour que le mdecin du travail consacre son action
en milieu de travail le tiers de son temps
563
. Le mdecin du travail ne doit pas inclure le temps
ncessaire la pratique de la vaccination dans le tiers-temps
564
. Cette position semble logique
en ce que la vaccination, acte mdical par essence individuel, intgre le champ du suivi
mdical du salari et non laction collective sur le lieu de travail.
375. Responsabilit civile. Le mdecin du travail doit signaler et inclure la
pratique vaccinale dans son contrat dassurance en responsabilit civile professionnelle
souscrite obligatoirement
565
. Dans le cas contraire, le mdecin du travail sera susceptible
dengager sa responsabilit civile sans aucune protection
566
.
376. Matriel. Dun point de vue pratique, ladministration oblige le mdecin du
travail disposer dune trousse de secours adapte afin deffectuer les premiers gestes de
prvention
567
.
562
V. par. n621 et s.
563
C. trav., R. 4624-4. al 1.
564
Lettre circulaire du 26 avril 1998 relative la pratique des vaccinations en milieu de travail par les mdecins
du travail.
565
Ibid.
566
Sur la responsabilit civile du mdecin du travail pour vaccination, v. par. n248.
567
Lettre circulaire du 26 avril 1998 relative la pratique des vaccinations en milieu de travail par les mdecins
du travail.
125
2. Obligations impersonnelles
377. Outre un encadrement propre son activit, le mdecin du travail doit
prendre en considration des personnes extrieures, savoir le salari (a), lemployeur (b)
ainsi que certains professionnels de sant (c).
a. Le salari
378. Information, consentement et rigorisme. Le salari doit donner son
accord explicite lacte de vaccination
568
. Cette directive nest quune manation du
principe selon lequel le patient doit consentir lacte mdical pratiqu sur son corps
569
. En
outre, le mdecin du travail doit effectuer un examen clinique du salari (se traduisant par une
visite mdicale) ainsi quune tude de son poste de travail avant chaque injection. Il est
permis de douter de lutilit dun tel rigorisme, notamment lorsque plusieurs vaccinations,
ralises pour une mme finalit, ont lieu dans un laps de temps rduit. Enfin, le mdecin du
travail doit donner une information claire et prcise au salari sur les avantages et les risques
de chaque vaccination.
b. Lemployeur
379. Information et consentement. Lobligation dinformation stend
lemployeur ainsi quau CHSCT (ou aux dlgus du personnel). Pour lemployeur,
linformation nest pas suffisante : son accord pralable est ncessaire. Ladministration parle
daccord de principe . Est-ce dire quun accord pour chaque vaccination nest pas
ncessaire ?
c. Les professionnels de sant
380. Pratiques mdicales. Toute vaccination ralise par le mdecin du travail
doit rpondre aux recommandations formules par le comit technique des vaccinations et
approuves par le conseil suprieur dhygine publique de France.
568
Ibid.
569
C. sant. publ., L. 1111-4.
126
B. Les types de vaccinations
381. Le mdecin du travail est susceptible de pratiquer des vaccinations
obligatoires (1) ou non obligatoires (2).
1. Vaccinations obligatoires
382. Acceptation du salari. Les vaccinations obligatoires sont imposes par le
Code de la sant publique pour certaines professions. Il sagit principalement de vaccinations
contre la fivre typhode, lhpatite B, la polio ou encore le ttanos. Le mdecin du travail,
pour dterminer laptitude du salari, doit oprer une apprciation casuistique en tenant
compte de limportance du risque, des moyens de prvention collective et individuelle mis en
place, de ltat de sant du salari ainsi que de son tat immunitaire
570
.
383. Refus du salari. Le refus dune vaccination est un droit pour le patient.
Lorsque le patient est salari, ce droit persiste mais ses consquences sont teintes du
particularisme des relations de travail : puisquil sagit dune obligation contractuelle, le refus
peut entrainer un changement daffectation voire une rupture du contrat de travail en cas
dimpossibilit daffecter le salari son poste de travail
571
.
2. Vaccinations facultatives
384. Caractre complmentaire. Les vaccinations non obligatoires ont pour but
dassurer la protection des salaris contre les risques rsultant de leur exposition potentielle
des agents biologiques. Elles sont aussi recommandes pour certains personnels, notamment
ceux ayant un contact avec une clientle. Toutefois, cette voie nest que complmentaire : elle
ne doit en aucun cas se substituer la mise en place de moyens de prvention collectifs et
individuels efficaces. Le fil dAriane est limpide : la mdecine du travail reste une mdecine
de prvention, mme lorsque des soins sont susceptibles dtre prodigus.
385. Refus du salari. Les vaccinations facultatives sont proposes par le
mdecin du travail, par crit, lemployeur qui, aprs information du CHSCT ou des dlgus
du personnel, dcide sil y a lieu ou non de les effectuer. Ce dernier ne peut toutefois exiger la
570
Lettre circulaire du 26 avril 1998 relative la pratique des vaccinations en milieu de travail par les mdecins
du travail.
571
Ibid.
127
ralisation dune vaccination non obligatoire. Le refus dtre vaccin ne peut ainsi justifier
lviction dun poste sauf en cas de risque caractris particulirement grave, non ou
difficilement traitable et pour lequel le mdecin du travail dispose dun vaccin dont
lefficacit et linnocuit sont reconnues
572
386. Rigorisme et pluridisciplinarit. En dpit du fait que la vaccination en
milieu de travail ne fait pas lobjet dune attention juridique particulire, ladministration sest
attache encadrer celle-ci afin de protger le salari
573
comme le mdecin du travail
574
.
Toutefois, certaines rgles, dont la force juridique est en toute hypothse faible, dmontrent
un rigorisme risquant de paralyser le mdecin du travail. La frontire entre mdecine
prventive et mdecine curative est (trs) difficile franchir. Dans ce contexte, la
conscration de la pluridisciplinarit des services de sant au travail savre pertinente
575
.
Sous-section 2 La surveillance mdicale drogatoire
387. Le suivi mdical drogatoire a pour mission doffrir une protection adquate
en raison de conditions de travail particulires. Cette ambition se matrialise par la mise en
place dun rgime dune surveillance mdicale renforce (1) et de dispositifs propres des
catgories particulires de travailleurs (2).
1: La surveillance mdicale renforce
388. La surveillance mdicale renforce (SMR) tend amliorer la prvention
mdicale en faveur de catgories de travailleurs sujettes des risques mdicaux soutenus. Ces
catgories, limitativement numres (I), bnficient ainsi dun rgime de surveillance
mdicale drogatoire (II).
I. Salaris bnficiaires
389. Obligation la charge de lemployeur. La dtermination des salaris
bnficiaires constitue une question majeure pour lemployeur puisquelle relve de son
572
Ibid.
573
La prservation des principes cardinaux du droit de la sant, au rang desquels apparait le consentement du
patient, constitue lobjectif premier.
574
On pense essentiellement sa responsabilit du fait des vaccinations.
575
On pense notamment au rle pouvant tre jou par les internes en mdecine du travail et les infirmires du
travail.
128
entire responsabilit
576
. Les catgories de salaris bnficiaires sont limitativement
numres sur la base de endognes (A) ou exognes (B).
A. Facteurs endognes
1. Les travailleurs mineurs
390. Protection de lenfance. Les travailleurs gs de moins de dix-huit ans
bnficient dune surveillance mdicale renforce
577
. Cette rgle sinscrit dans le giron du
droit du travail franais qui offre une lgislation pousse pour les enfants. Cest ainsi que
linspecteur du travail peut requrir tout moment un examen mdical dun jeune travailleur
g de quinze ans et plus dans le but de constater si le travail dont il est charg excde ses
forces
578
. Les termes employs par le lgislateur ne sont pas anodins. On y peroit la notion
de force ou les rminiscences de la premire loi sociale franaise, qui limitait le temps de
travail des enfants
579
.
2. Les femmes enceintes
391. La mre oublie. Les femmes enceintes bnficient dune surveillance
mdicale renforce
580
. Jusquau 30 juin 2012, cette protection bnficie aussi aux mres
dans les six mois qui suivent leur accouchement et pendant la dure de leur allaitement
581
.
Cette suppression rsulterait des recommandations de bonnes pratiques existantes ainsi que de
ltat des connaissances scientifiques et mdicales, permettant de dcarter certains risques
pour lesquels une surveillance mdicale renforce ne serait pas ncessaire
582
.
La suppression de cette catgorie de bnficiaires, ne du souci de rduction du nombre de
visites mdicales, est critiquable. La politique est, par essence, question de priorits. Dans le
contexte de mise en avant du taux dactivit professionnelle des femmes, cette mesure est
contestable. Sa force est dtre noye dans un arsenal lgislatif et rglementaire, au point que
sa disparition nest releve que par les spcialistes de la sant au travail
583
.
576
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
577
C. trav., art. R. 4624-18. 1.
578
C. trav., art. L. 4153-4.
579
L. n923 du 22 mars 1841 rglementant le travail des enfants, Bulletin des Lois, 1841, n795.
580
C. trav., art. R. 4624-18. 2.
581
C. trav., art. R. 4624-19. 5. ancien.
582
M. Delaunay et G. Lefrand, Rapport dinformation sur la mise en uvre de la loi n2011-867 du 20 juillet
2011 relative lorganisation de la mdecine du travail, Commission des affaires sociales, 7 mars 2012. p. 46.
583
Ibid.
129
3. Les travailleurs handicaps
392. Dveloppement du droit du handicap. Le dispositif de surveillance
mdicale renforce est applicable aux travailleurs handicaps
584
. Cette mesure nest quune
des nombreuses pices du droit du handicap, qui sest considrablement dvelopp au fil des
annes, tant en droit du travail
585
quen protection sociale
586
.
B. Facteurs exognes
393. Prise en main par le lgislateur. Les anciennes dispositions rglementaires
sarticulaient autour de deux branches : le rgime de surveillance mdicale renforce
sappliquait soit en raison dune disposition rglementaire gnrale soit par le biais de la
ngociation collective de branche
587
. Dsormais, la voie conventionnelle est supprime et les
facteurs exognes impliquant lapplication du rgime de surveillance renforce sont
limitativement numrs et plus cibls
588
. Plus prcisment, sont distingus des facteurs
exognes non conditionns (1) et des facteurs exognes conditionns (2).
1. Facteurs non conditionns
394. Larticle R. 4624-18 du Code du travail envisage lapplication du rgime de
surveillance mdicale renforce pour tout salari expos lamiante
589
, aux rayonnements
ionisants
590
ou au risque hyperbare
591
. La mise en uvre de la surveillance mdicale renforce
584
C. trav., art. R. 4624-18. 4.
585
Plus prcisment, les rgles juridiques relatives aux travailleurs handicaps sarticulent principalement autour
des deux axes : lobligation demploi et les conditions demploi.
586
Il est ici fait rfrence lallocation aux adultes handicaps (AAH).
587
Lancien article R. 4624-19 du Code du travail disposait que la surveillance mdicale renforce sappliquait
notamment aux salaris affects certains travaux comportant des exigences ou des risques dtermins par
les dispositions particulires intressant certaines professions ou certains modes de travail. Des accords
collectifs de branche tendus peuvent prciser les mtiers et postes concerns ainsi que convenir de situations
relevant dune telle surveillance en dehors des cas prvus par la rglementation .
588
C. trav., art. R. 4624-18. 3.
589
Lamiante est un silicate naturel hydrat de calcium et de magnsium, contexture fibreuse, rsistant
l'action du feu et utilis pour fabriquer des matriaux, des tissus incombustibles (Dict. Larousse).
590
Les rayonnements ionisants, en traversant le corps des travailleurs exposs,
591
Le risque hyperbare se manifeste par des lsions pathologiques aigus ou chroniques, apparaissant pendant ou
aprs un sjour une pression suprieure la pression atmosphrique. Ce sjour en pression peut se drouler en
tant en atmosphre sche quen milieu humide subaquatique.
130
ntant pas conditionne pour ces risques, il convient simplement de prciser que ceux-ci font
lobjet de dispositions rglementaires intgres au Code du travail
592
.
2. Facteurs conditionns
395. Un conditionnement prcis. En sus de facteurs engendrant
automatiquement la mise en uvre dune surveillance mdicale renforce, certains risques,
numrs limitativement, sont conditionns de manire prcise.
a. Le plomb
396. Le saturnisme. Prs de 135 000 salaris seraient exposs au plomb,
principalement dans les secteurs du btiment, de la cramique et de la verrerie. Cette
exposition - par voie buccale ou nasale - peut engendrer des lsions rnales, sanguines ou
neurologiques regroupes sous le terme de saturnisme.
397. Taux dexposition. Le Code du travail offre donc un encadrement strict des
conditions de travail des travailleurs exposs au plomb
593
. Ceux-ci bnficient dune
surveillance mdicale renforce dans deux situations alternatives : soit lorsque lexposition
une concentration de plomb dans lair est suprieure 0, 05 mg/m (calcule comme une
moyenne pondre en fonction du temps sur une base de huit heures), soit lorsquest mesure
une plombmie suprieure 200 g/l de sang pour les hommes ou 100 g/l de sang pour les
femmes
594
.
b. Le bruit
398. Le bruit se fait entendre. Le bruit est reconnu, depuis le dcret n 2011-
354 du 30 mars 2011 relatif la dfinition des facteurs de risques professionnels, comme
facteur de risque professionnel pris en compte dans le cadre de la prvention de la pnibilit.
Dans un souci de continuit, il nchappe donc pas aux dispositions du dcret du 30 janvier
2012 relatif lorganisation de la mdecine du travail.
592
Les expositions lamiante, au risque hyperbare et aux rayonnements ionisants sont respectivement
envisages aux articles R. 4492-14 et suivants, R. 4461-1 et suivants et R. 4451-1 et suivants du Code du travail.
593
C. trav., art. R. 4412-156 et s.
594
C. trav., art. R. 4412-160.
131
399. Taux dexposition. La surveillance mdicale renforce des travailleurs en
raison du bruit a deux objectifs : diagnostiquer de manire prcoce toute perte auditive due au
bruit et prserver la fonction auditive des travailleurs. La protection de ces travailleurs est
ainsi renforce ds lors quun certain seuil est atteint
595
. Ici encore, est prvue une alternative:
soit le niveau dexposition quotidienne au bruit slve 85 dB (A), soit le niveau de pression
acoustique de crte est de 137 dB (C)
596
.
c. Les vibrations
400. Les vibrations se font sentir. linstar du bruit, les vibrations constitue un
nouveau facteur reconnu au titre de la pnibilit
597
. Deux hypothses permettent la
reconnaissance de ce facteur. Dune part, est vise toute vibration mcanique transmise aux
mains et aux bras qui entraine des risques pour la sant et la scurit de la personne
(notamment des troubles vasculaires, lsions osto-articulaires, troubles neurologiques ou
musculaires). Dautre part, est envisage toute vibration mcanique transmise lensemble du
corps qui entraine des risques pour la sant et scurit des travailleurs (notamment des
lombalgies et microtraumatismes de la colonne vertbrale)
598
.
401. Taux dexposition. Lapplication de la surveillance mdicale renforce aux
travailleurs exposs aux vibrations suppose latteinte dun seuil dexposition journalier
(rfrence de huit heures) : 2, m/s2 pour les vibrations transmises aux mains et bras ou 0, 5
m/s2 pour les vibrations transmises lensemble du corps
599
.
d. Les agents biologiques
402. Notion. La notion dagents biologiques renvoie aux micro-organismes, y
compris ceux gntiquement modifis, aux cultures cellulaires ainsi quaux endoparasites
humains qui sont susceptibles de provoquer une infection, une allergie ou une intoxication.
Ceux-ci sont rpartis en quatre groupes allant de 1 4.
595
C. trav., art. R. 4624-18. 3. e., C. trav., art. R. 4435-1. al 1.
596
C. trav., art. R. 4431-2. 2.
597
D. n 2011-354 du 30 mars 2011 relatif la dfinition des facteurs de risques professionnels.
598
C. trav., art. R. 4441-1.
599
C. trav., art. R. 4443-2.
132
403. Conditions. Les salaris exposs, lors de lexcution de leur prestation de
travail, des agents biologiques des groupes 3 et 4
600
bnficient dune surveillance mdicale
renforce
601
. Ergo, les agents biologiques des groupes 1 et 2 sont carts.
e. Les agents cancrognes, mutagnes ou toxiques pour la reproduction
404. Notions. Les agents cancrognes, mutagnes ou toxiques pour la
reproduction (aussi nomms agents CMR ) ont t recenss par lannexe I de la directive
67/548/CEE, elle-mme transpose en droit franais par lannexe I de larrt du 20 avril
1994 modifi. Il faut ainsi distinguer la cause des effets. La cause est commune aux trois
agents : est envisage toute substance ou prparation qui, par inhalation, ingestion ou
pntration cutane, engendre lagent. Les consquences sont propres chacun : la
provocation dun cancer ou laugmentation de sa frquence
602
(agent cancrogne), la
production de dfauts gntiques hrditaires ou laugmentation de leur frquence
603
(agent
mutagne) et la production ou laugmentation de la frquence d'effets nocifs non hrditaires
dans la progniture ou latteinte aux fonctions ou capacits reproductives
604
(agent toxique).
405. Degr de connaissance. Sont distingues trois catgories dagents CMR.
Contrairement aux facteurs susmentionns, les agents sont ici classs non pas en raison de
leur impact sur la sant des travailleurs mais en raison de leur degr de connaissance
605
. Ainsi,
seuls les agents CMR des catgories 1 et 2 sont concerns par la mise en uvre dune
surveillance mdicale renforce
606
.
600
Le groupe 3 intgre les agents biologiques pouvant provoquer une maladie grave et constituer un danger
srieux pour le travailleur et pouvant gnralement tre traits de manire efficace. Le groupe 4 recense quant
lui le mme type dagents biologiques mais il n'existe gnralement aucun traitement efficace.
601
C. trav., art. R. 4624-18. 3. g.
602
C. trav., art. R. 4411-6. 12.
603
C. trav., art. R. 4411-6. 13.
604
C. trav., art. R. 4411-6. 14.
605
A titre illustratif, larticle R. 4411-6 du Code du travail prvoit, en matire dagents cancrognes, les
classifications suivantes :
a) Agents cancrognes de catgorie 1 : substances et prparations que l'on sait tre cancrognes pour
l'homme ;
b) Agents cancrognes de catgorie 2 : substances et prparations pour lesquelles il existe une forte
prsomption que l'exposition de l'homme de telles substances et prparations peut provoquer un cancer ou en
augmenter la frquence ;
c) Agents cancrognes de catgorie 3 : substances et prparations proccupantes pour l'homme en raison
d'effets cancrognes possibles, mais pour lesquelles les informations disponibles sont insuffisantes pour classer
ces substances et prparations dans la catgorie 2 .
606
C. trav., art. R. 4624-18. 3. h.
133
II. Priodicit des examens mdicaux
406. Pouvoir discrtionnaire du mdecin du travail. Lorsque le salari
bnficie dun rgime de surveillance mdicale renforce, le mdecin du travail est juge des
modalits de ralisation des visites mdicales
607
.
407. Limites rsiduelles. La rforme de 2011 a cart la limite la plus
consquente au pouvoir discrtionnaire du mdecin du travail. Auparavant, les visites
mdicales priodiques pratiques dans le cadre de la surveillance mdicale renforce devaient
tre renouveles au moins une fois par an
608
. Dsormais, le pouvoir discrtionnaire du
mdecin du travail nest rgul que par trois moyens de faible puissance. Premirement, le
mdecin du travail, pour apprcier les modalits de surveillance mdicale des salaris, doit
tenir compte des recommandations de bonnes pratiques existantes. Deuximement, les
salaris exposs aux rayons ionisants (catgorie A) doivent bnficier dun suivi de leur tat
de sant au moins une fois par an
609
. Enfin, le mdecin du travail doit, a minima, raliser un
ou des examens mdicaux selon une priodicit nexcdant pas vingt-quatre mois
610
. En
synthse, ces limites sont, compares aux anciennes dispositions rglementaires, peu
coercitives.
2 : Le suivi mdical de catgories spcifiques de salaris
408. Multiplicit des catgories spcifiques. Depuis plusieurs annes, le
nombre de catgories spcifiques de salaris bnficiant dune surveillance mdicale
drogatoire (partielle ou totale) a cru de faon significative. La loi du 20 juillet 2011 envisage
cette dernire dans onze hypothses. Actualit oblige, nous nous intresserons certaines
dentre elles afin de mettre en avant les lignes de force de la rforme. Le suivi mdical
drogatoire est ainsi mis en uvre par la voie rglementaire (I) ou conventionnelle (II).
409. Rgulation de la multiplicit. Si le phnomne de multiplicit des
catgories spcifiques est incontestable, le lgislateur tend nanmoins aligner sur le droit
commun de la surveillance mdicale certaines catgories qui relevaient auparavant dune
607
C. trav., art. R. 4624-19. al 1.
608
C. trav., art. R. 4624-17. ancien.
609
C. trav., art. R. 4624-19. al 1.
610
C. trav., art. R. 4624-19. al 2.
134
rglementation spcifique. Cest le cas des gardiens dimmeubles, des employs de maison et
les travailleurs domicile
611
.
I. La voie rglementaire
410. Le dcret du 30 janvier 2012, pris en application de loi du 20 juillet 2011,
prcise les rgles relatives lorganisation, au choix et au financement du service de sant au
travail ainsi quaux modalits de surveillance de ltat de sant des travailleurs applicables
certaines catgories de travailleurs limitativement numrs
612
. Sont notamment viss les
travailleurs temporaires (A), les travailleurs des associations intermdiaires (B) ou encore les
travailleurs saisonniers (C). En toute hypothse, les rgles et modalits de surveillance
spciale ne peuvent avoir pour effet de modifier la priodicit des examens mdicaux de droit
commun
613
.
A. Travailleur temporaire
411. Les dispositions relatives la surveillance mdicale du travailleur
temporaire se focalisent sur deux difficults : la visite mdicale dembauche (1) et certaines
visites mdicales obligatoires (2).
611
Abrogation des articles L. 7214-1 et L. 5132-12 du Code du travail et modification de larticle L. 7221-2 du
mme code.
612
Larticle L. 4625-1 du Code du travail dispose que un dcret dtermine les rgles relatives l'organisation,
au choix et au financement du service de sant au travail ainsi qu'aux modalits de surveillance de l'tat de
sant des travailleurs applicables aux catgories de travailleurs suivantes : 1 Salaris temporaires ; 2
Stagiaires de la formation professionnelle ; 3 Travailleurs des associations intermdiaires ; 4 Travailleurs
excutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur ; 5
Travailleurs loigns excutant habituellement leur contrat de travail dans un dpartement diffrent de celui o
se trouve l'tablissement qui les emploie ; 6 Travailleurs dtachs temporairement par une entreprise non
tablie en France ; 7 Travailleurs saisonniers.
613
Larticle L. 4625-1 du Code du travail prvoit que ces travailleurs bnficient d'une protection gale celle
des autres travailleurs. Des rgles et modalits de surveillance adaptes ne peuvent avoir pour effet de modifier
la priodicit des examens mdicaux dfinie par le prsent code. Des rgles adaptes relatives l'organisation
du service de sant au travail ne peuvent avoir pour effet de modifier les modalits de composition et de
fonctionnement du conseil d'administration prvues l'article L. 4622-11.
135
1. Visite mdicale dembauche
a. Mdecin du travail comptent
412. Principe : domos. En principe, la visite mdicale dembauche est ralise
par le mdecin du travail de lentreprise de travail temporaire (ETT)
614
.
413. Drogations : service de sant au travail extrieur. Dans deux situations,
les entreprises de travail temporaire peuvent sadresser un service de sant au travail
extrieur pour faire raliser la visite mdicale dembauche du travailleur : soit via un service
interentreprises de sant au travail proche du lieu de travail du travailleur temporaire, soit via
le service autonome de lentreprise utilisatrice auprs de laquelle lintress est dtach
615
.
414. Communications. Lentreprise de travail temporaire qui a recours lune
de ces drogations doit communiquer au service de sant au travail concern les coordonnes
de son propre service de sant habituel afin de faciliter lchange dinformations entre les
deux services. Ces relations sont gouvernes par lobligation de confidentialit
616
. Lorsque
lentreprise de travail temporaire dlgue la ralisation de la visite mdicale dembauche un
service de sant au travail autonome, elle doit en outre informer, au pralable, le mdecin
inspecteur rgional du travail de son intention de le faire
617
.
b. Force obligatoire
415. Le mdecin du travail de lentreprise de travail temporaire a la facult de ne
pas raliser de nouvelle visite mdicale dembauche avant une nouvelle mission, sous rserve
du respect de quatre conditions inhrentes la situation du salari () et de lemployeur ().
. La situation du salari
416. Volont du salari. Le pouvoir dapprciation du mdecin du travail nest
pas absolu : le salari peut demander ce que la visite mdicale dembauche pour la nouvelle
614
C. trav., art. R. 4625-9. al 1.
615
C. trav., art. R. 4625-9. al 3.
616
C. trav., art. R. 4625-9. al 4.
617
Ibid.
136
mission soit ralise
618
. Il faut cependant un acte positif du salari, son simple silence tant
insuffisant pour teindre la voie drogatoire.
417. Inaptitude. En dehors de toute volont du salari, deux conditions propres
son tat de sant doivent tre runies. Laptitude mdicale ou lune des aptitudes reconnues
lors de lexamen mdical dembauche ralis loccasion dune mission prcdente doit
correspondre aux caractristiques particulires du poste et aux informations mentionnes aux
articles D. 4625-19 et suivants du Code du travail
619
. Au surplus, aucune inaptitude ne doit
avoir t reconnue lors du dernier examen mdical de lintress, intervenu soit au cours des
vingt quatre mois qui prcdent, si le travailleur est mis disposition par la mme entreprise
de travail temporaire, soit au cours des douze mois qui prcdent, dans le cas dun
changement dentreprise de travail temporaire
620
.
. La situation du mdecin du travail
418. Pouvoir dapprciation. Le mdecin du travail doit apprcier lopportunit
de raliser la visite mdicale dembauche, notamment au vu des informations relatives aux
caractristiques particulires du poste mentionnes au 4 de larticle L. 1251-43 et des
informations mentionnes aux articles D. 4625-19 et suivants (relatives la communication
dinformations entre entreprises de travail temporaire et entreprises utilisatrices)
621
.
419. Fiche mdicale daptitude. Le mdecin du travail doit enfin prendre
connaissance de la fiche mdicale daptitude tablie en application de larticle R. 4624-47 du
Code du travail soit pour le compte de la mme entreprise de travail temporaire soit pour celui
dune autre entreprise de travail temporaire
622
.
c. Finalit
420. Finalit suppltive. La visite mdicale dembauche du travailleur
temporaire peut avoir pour finalit, outre celles prvues aux termes de larticle R. 4624-10 du
Code du travail, de rechercher si le salari est mdicalement apte exercer plusieurs emplois
618
C. trav., art. R. 4625-10. al 1.
619
C. trav., art. R. 4625-10. 3.
620
C. trav., art. R. 4625-10. 4.
621
C. trav., art. R. 4625-10. 1.
622
C. trav., art. R. 4625-10. 2.
137
dans la limite de trois
623
. Les termes du dcret du 30 janvier 2012 laissant entendre que cette
finalit constitue une simple facult, il semble que lopportunit dune telle recherche relve
de la libre apprciation du mdecin du travail.
2. Visites mdicales spcifiques
421. Situations particulires. Pour certaines professions, certains modes de
travail ou certains risques, lorsque la ralisation dexamens obligatoires destins vrifier
labsence de contre indication au poste de travail (notamment avant laffectation) est prvue
par dcret, ces examens sont raliss par le mdecin du travail de lentreprise utilisatrice. Ce
dernier se prononce sur lexistence ou labsence de contre-indication
624
.
422. SMR. Les examens pratiqus au titre de la surveillance mdicale renforce
sont raliss par le mdecin du travail de lentreprise utilisatrice qui se prononce,
ventuellement, sur laptitude mdicale du salari occuper le poste de travail. Le mdecin du
travail de lentreprise de travail temporaire est ensuite inform du rsultat de ces examens
625
.
B. Salaris dassociations intermdiaires
423. Les associations intermdiaires
626
doivent assurer le suivi mdical des
personnes mises disposition dun utilisateur par lintermdiaire dun service de sant au
travail interentreprises
627
. Cette surveillance mdicale est encadre dans sa priodicit (1)
comme dans sa matrialit (2).
1. Priodicit
424. Priodicit. En principe, la visit mdicale est ralise ds la premire mise
disposition du salari ou au plus tard dans le mois suivant
628
, puis renouvele deux ans aprs
623
C. trav., art. R. 4625-9. al 2.
624
C. trav., art. R. 4625-11.
625
C. trav., art. R. 4625-12.
626
Les associations intermdiaires sont des structures mettant, titre onreux, des salaris disposition de
personnes physiques ou morales.
627
C. trav., art. R. 5132-26-6.
628
C. trav., art. R. 5132-26-7. al 1.
138
la premire mise disposition
629
. Par drogation, cette priodicit peut tre modifie lorsque
lagrment du service de sant au travail interentreprises le prvoit
630
.
2. Finalits
425. Quinque. Les finalits de la visite mdicale du salari dassociation
intermdiaire sont nombreuses puisquau nombre de cinq. Cette multiplicit a pour but que le
mdecin du travail tienne compte des spcificits de cette activit pour oprer son choix. Les
deux finalits propres la visite mdicale dembauche rapparaissent : laptitude et le conseil.
426. Laptitude. Pour dterminer si le salari est apte son poste, le mdecin du
travail doit, dune part sassurer que la personne mise disposition est mdicalement apte
exercer plusieurs emplois, dans la limite de trois, cits par lassociation intermdiaire lors de
sa demande de visite mdicale ; dautre part prconiser - ventuellement - des affectations
dautres emplois et rechercher si lintress nest pas atteint dune affection dangereuse pour
elle ou pour les tiers
631
.
427. Le conseil. Outre lapprciation de laptitude du salari, le mdecin du
travail doit informer ce dernier sur les risques des expositions au poste de travail, sur le suivi
mdical ncessaire ainsi que le sensibiliser sur les moyens de prvention mettre en uvre
632
.
C. Travailleurs saisonniers
428. Visite mdicale dembauche. Par essence, le travail saisonnier est
temporaire. De ce fait, les rgles en la matire se focalisent sur la visite mdicale dembauche,
au prisme de la dure de la mission.
1. Une faible protection
429. 45 jours : un parasol. En principe, la visite mdicale dembauche est
obligatoire pour les salaris saisonniers recruts pour une dure au moins gale quarante-
cinq jours de travail effectif. Par drogation, cette visite est facultative lorsque le salari est
629
C. trav., art. R. 5132-26-7. al 2.
630
C. trav., art. R. 5132-26-7. al 3.
631
C. trav., art. R. 5132-26-8. 1, 2, 3.
632
C. trav., art. R. 5132-26-8. 4, 5.
139
recrut pour un emploi quivalent ceux prcdemment occups si aucune inaptitude na t
reconnue lors du dernier examen mdical intervenu au cours des vingt-quatre mois
prcdents. En dautres termes, ds lors que le travailleur saisonnier accomplit des missions
quivalentes dune anne lautre, la visite mdicale dembauche ne sera pas ralise
633
.
430. 44 jours : un coup de soleil. Les salaris saisonniers recruts pour une
dure infrieure quarante-cinq jours ne bnficient pas dune visite mdicale dembauche.
Tout au plus le service de sant au travail organise des actions de formation et de prvention,
qui peuvent tre communes plusieurs entreprises
634
. Ces actions font lobjet dune
consultation pralable du comit dhygine, de scurit et des conditions de travail
635
. Cette
absence de protection nous rappelle que chaque anne, les travailleurs saisonniers ralisent
que le Code du travail laisse place au soleil, voire linsolation
636
.
2. amliore par ladministration ?
431. Notion daccord. Afin de tenir compte de spcificits locales en matire de
recours des travailleurs saisonniers, lautorit administrative peut approuver des accords
adaptant les modalits dfinies par dcret sous rserve que des adaptations garantissent un
niveau au moins quivalent de protection de la sant des intresss
637
. Les termes de la loi
pchent par labsence de toute prcision sur lautorit administrative comptente et sur la
nature des accords relatifs la surveillance mdicale des travailleurs saisonniers. Un accord
collectif de travail ne serait pas obligatoire
638
Un engagement unilatral de lemployeur ou un
usage dentreprise peuvent-ils tre approuvs par ladministration ? Lavenir dterminera si
cette voie damlioration sera effective et, le cas chant, permettra de rpondre ces
interrogations.
II. La voie conventionnelle
432. Un accord collectif de branche tendu peut prvoir, sous rserve du respect
de certaines conditions, des drogations aux rgles relatives lorganisation et au choix du
633
C. trav., art. D. 4625-22. al 1.
634
C. trav., art. R. 4625-22. al 2.
635
C. trav., art. R. 4625-22. al 3.
636
V. J. D, Htesse Roland-Garros : abus social, puisement et insolation, Rue 89, 28 mai 2011.
637
C. trav., art. L. 4625-1. al 4.
638
F. Morel, Une prvention des risques professionnels plus efficace, SSL n1525, 13 fvrier 2012.
140
service de sant au travail ainsi quaux modalits de surveillance de ltat de sant de
certaines catgories de travailleurs
639
.
A. De laccord collectif de branche tendu
1. Conditions
433. Nature de laccord. La voie conventionnelle nest envisageable que
lorsquest conclu un accord collectif de branche tendu ayant fait lobjet dun avis pralable
du Conseil national de lordre des mdecins
640
.
434. Catgories vises. La facult de droger la surveillance mdicale de droit
commun par voie conventionnelle nest possible que pour quatre catgories de travailleurs :
les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les VRP
641
et les salaris
du particulier employeur
642
. Lobjectif du lgislateur est damliorer la surveillance mdicale
de catgories de travailleurs historiquement laisses lcart de la mdecine du travail en
raison de leurs particularits ou consacrer et dencadrer des pratiques propres chaque
profession.
435. Priodicit et principe de faveur. Laccord collectif de branche tendu ne
peut en aucun cas modifier la priodicit des examens mdicaux de droit commun
643
. Comme
pour la surveillance mdicale drogatoire rglementaire, la loi institue donc le principe de
faveur en matire de priodicit des examens mdicaux.
2. Effets
436. Mdecine non spcialise. Lorsque les conditions susmentionnes sont
respectes, laccord collectif de branche tendu sapplique de plein droit aux travailleurs
intresss. En outre, celui-ci peut prvoir des rgles propres aux salaris du particulier
employeur et des mannequins. Le suivi mdical de ces deux catgories peut ainsi tre effectu
par des mdecins non spcialiss en mdecine du travail signant un protocole avec un service
de sant au travail interentreprises. Ces protocoles sont valables ds lors quils prvoient les
639
C. trav., art. L. 4625-2. al 1.
640
C. trav., art. L. 4625-2. al 7.
641
Voyageurs, reprsentants et placiers.
642
C. trav., art. L. 4625-2. al 2.
643
C. trav., art. L. 4625-2. al 1.
141
garanties en termes de formation des mdecins non spcialistes, les modalits de leur exercice
au sein du service de sant au travail ainsi que lincompatibilit entre la fonction de mdecin
de soin du travailleur ou de l'employeur et le suivi mdical du travailleur prvu par le
protocole
644
.
437. Mdecine spcialise. En cas de difficult ou de dsaccord relatif lavis
dlivr par un mdecin non spcialis en mdecine du travail, lemployeur ou le salari
intress peut solliciter un examen mdical auprs dun mdecin du travail appartenant au
service de sant au travail interentreprises ayant sign le protocole
645
. A notre sens, il semble
ncessaire de formuler cette demande pour ensuite envisager de contester lavis rendu par le
mdecin du travail sur la base de larticle L. 4624-1 du Code du travail.
B. au retour la voie rglementaire
438. Silence. En labsence de conclusion dun accord collectif de branche tendu
dans un dlai de douze mois compter de la date de promulgation de la loi du 20 juillet 2011,
un dcret en Conseil dEtat, pris aprs avis du Conseil national de lordre des mdecins,
dterminera les rgles applicables ces quatre catgories de travailleurs
646
.
439. Lexemple des assistants maternels. Les assistants maternels constituent
lune des professions envisages par les termes salaris du particulier employeur en ce
quils ont pour mission daccueillir habituellement et de faon non permanente des mineurs
leur domicile en contrepartie dune rmunration
647
. La Convention collective nationale des
assistants maternels du particulier employeur du 1
er
juillet 2004
648
prvoit que les partenaires
sociaux sengagent tudier la possibilit de mettre en place un systme de surveillance
mdiale adapt aux spcificits de la profession afin que la totalit des salaris concerns
puissent accder la mdecine du travail. A ce jour, aucune mesure na t mise en uvre
puisquen pratique les assistants maternels ne bnficient dune visite mdicale qu chaque
renouvellement dagrment par lintermdiaire de leur mdecin traitant. Si ce silence persiste
jusquen juillet 2012, le pouvoir rglementaire prcisera les contours de la surveillance
mdicale des assistants maternels et pourrait ainsi accrotre la priodicit des visites
644
C. trav., art. L. 4625-2. al 3.
645
C. trav., art. L. 4625-2. al 8.
646
L. 2011-867 du 20 juillet 2011 art. 10, II.
647
CASF., art. L 421-1. al 1.
648
CC des assistants maternels du particulier employeur., art. 15.
142
mdicales. Or, certains acteurs de la profession, au premier rang desquels les assistants
maternels, rejettent lide dune surveillance mdicale amliore
649
. Dautres font valoir le fait
quintgrer les assistants maternels la sphre de la mdecine du travail effacera les
difficults perues aujourdhui en cas dinaptitude. Comment concilier protection de la sant
et volont des travailleurs ? Le Droit devra trancher.
Section 2 Les finalits de la surveillance
440. Les outils mis la disposition du mdecin du travail et le cas chant
lquipe pluridisciplinaire de sant au travail ont pour finalit essentielle de dterminer si le
salari est apte ou non intgrer ou rintgrer son poste de travail (Sous-section 1). En
fonction du choix, des mesures dadaptation du poste de travail de lintress peuvent tre
envisages (Sous-section 2). Ces dcisions, dont les consquences sont majeures tant pour
lemployeur que le salari, sont susceptibles dtre contestes (Sous-section 3).
Sous-section 1 : Le choix
441. Notion daptitude. Le choix se dfinit comme la dcision prise par le
mdecin du travail de considrer le salari apte ou non raliser la prestation de travail pour
laquelle ce dernier a t engag. Omniprsente, la notion daptitude nest pourtant pas dfinie
par la Loi. Il sagit de la compatibilit optimale entre le salari et son poste de travail et cela
correspond une synthse de la connaissance qua le mdecin du travail de lentreprise, du
poste de travail et de ltat de sant du salari
650
. La notion daptitude est donc, par essence,
subjective.
442. Comptence exclusive du mdecin du travail. Le choix du mdecin du
travail est, de jure, binaire : le salari est soit apte (1), soit inapte son poste de travail (2).
Quelle que soit sa dcision, il est seul habilit constater linaptitude dun salari
651
. Lavis
mdical rendu par le mdecin traitant du salari
652
, le mdecin-conseil de la caisse primaire
649
Ce constat rsulte notamment du fait la ralisation de plusieurs visites mdicales impliqueraient
limpossibilit durant ces priodes de garder les enfants pour lesquels les assistants maternels sont rmunrs et,
de facto, un nouveau dsavantage de ces professionnels face aux autre modes de garde denfants.
650
P. Frimat et F. Conso, Rapport sur le bilan de rforme de la sant au travail, oct. 2007.
651
C. trav., art. L. 1226-2, C. trav., art. L. 1226-10.
652
CA Versailles, 24 janvier 1997, 5
e
ch. B, SARL M3A Quality Price c/Refraf.
143
dassurance maladie
653
ou une commission mdicale prvue conventionnellement
654
est donc
dpourvu deffet.
1 : Le choix de laptitude
443. Un choix ternaire ? De facto, le caractre binaire de la dcision du mdecin
du travail semble tre corn. En effet, lavis daptitude dlivr par le mdecin du travail peut
tre total (I) ou assorti de rserves (II).
I. Laptitude totale
444. Maintien du salari son poste de travail. Deux situations sont
envisageables. Lorsque laptitude du salari est reconnue la suite dune suspension de son
contrat de travail conscutive un accident du travail ou une maladie professionnelle,
lintress doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti dune rmunration au
moins quivalente. En outre, les consquences de laccident ou de la maladie professionnelle
ne peuvent entrainer pour lintress aucun retard de promotion ou davancement au sein de
lentreprise
655
. En dehors du caractre professionnel de laccident ou de la maladie, la loi est
muette. La jurisprudence a donc forg un rgime juridique aux termes duquel le salari est
maintenu son poste de travail lorsque le mdecin du travail conclu son aptitude. En
principe, aucune modification du poste du salari nest possible, hormis une application du
droit commun de la modification du contrat de travail
656
. La contestation de cette dcision en
vertu de larticle L. 4624-1 du Code du travail est gnralement ralise par le salari
concern qui estime ne pas tre apte son poste.
II. Laptitude avec rserve
445. Droit lemploi versus droit la sant. Il est frquent, en pratique, que le
mdecin du travail dclare le salari apte avec diverses restrictions, plus ou moins
importantes : on parle davis daptitude avec rserve(s). Ces restrictions peuvent notamment
porter sur la dure daccomplissement ou lintensit de certaines tches. Dans certaines
hypothses, les restrictions sont telles que lavis daptitude sapparente presque un avis
dinaptitude. Pourquoi lexistence de tels avis est-elle si rpandue ? Le Professeur Verkindt
653
Cass. soc. 25 mai 1994, n91-41.408. Indit.
654
Cass. soc. 21 mai 2002, n00-41.012. Bull. Civ.V. n 167 p. 166.
655
C. trav., art. L. 1226-8.
656
Cass. Soc. 8 avril 2009, n07-45.234. Bull. Civ V, n 106.
144
note trs justement que le mdecin du travail sait quun avis dinaptitude, mme sil oblige
lemployeur rechercher le reclassement du salari sur un poste adapt ses capacits,
fragilise lemploi de ce dernier La tentation est alors grande dviter lemploi du mot
fatidique dinaptitude et de lui prfrer celui daptitude quitte lassortir de nombreuses
rserves
657
. La guerre entre droit lemploi et droit la sant est donc mre de ces avis
hybrides.
446. Qualification. La chambre sociale de la Cour de Cassation considre,
depuis peu, que lavis daptitude avec rserve ne peut en aucun cas tre qualifi davis
dinaptitude
658
. Peu importe que de facto les rserves sapparentent une dclaration
dinaptitude. Lenjeu est de taille, deux titres. Dun point de vue individuel, le salari
dclar apte avec rserve ne peut plus bnficier des dispositions du Code du travail relatives
linaptitude
659
. Dun point de vue collectif, il pose lpineuse et reporte question dune
rforme profonde du droit de linaptitude
660
.
447. Consquences. Le choix opr par la jurisprudence offre deux possibilits
lemployeur : soit il forme un recours devant linspecteur du travail en vertu de larticle L.
4624-1 du Code du travail
661
, soit il sen tient cet avis et maintient le salari son poste en
respectant les prconisations du mdecin du travail.
2 : Le choix de linaptitude
448. Complexit. Le choix de linaptitude du salari est, de loin, le plus pineux
tant en raison du volume du contentieux que de sa complexit
662
. Les enjeux lis la
dclaration dinaptitude ont conduit un encadrement progressif et pouss de celle-ci.
449. Protection du salari. Le mdecin du travail ne peut constater linaptitude
mdicale du salari son poste de travail que sil a ralis une tude de ce poste, des
conditions de travail dans lentreprise (I) et un contrle mdical de lintress
663
(II). Ce lourd
657
P-Y. Verkindt, note sous Cass. soc. 14 juin 2007, n06-40. 474, Indit.
658
Cass. soc. 10 novembre 2009, n08-42.674. Bull. Civ. V, n 253.
659
C'est--dire aux rgimes dcoulant respectivement des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail.
660
V. en ce sens, P. Pochet, Laptitude avec rserves : JCP S, n16, 17 avril 2012.
661
Voir par. n509 et s.
662
V. en ce sens, F. Lebrun, La sant des salaris, un casse-tte : Les Echos, 26 janvier 2012.
663
C. trav., art. R. 4624-31. al 1.
145
formalisme a pour but de protger le salari qui, lorsquil est dclar inapte, voit sa vie
professionnelle, et de facto personnelle, gravement affecte.
I. Etude du poste du salari et des conditions de travail dans lentreprise
450. Incomptence du juge judiciaire. Ltude du poste du salari et des
conditions de travail dans lentreprise constitue une condition de validit de la dclaration
dinaptitude ralise par le mdecin du travail. Pour autant, la Cour de cassation considre
quil nappartient pas au juge judiciaire, saisi dune contestation relative la licit du
licenciement dun salari dclar inapte son poste de travail, de se prononcer sur le respect
par le mdecin du travail de cette obligation
664
. Cette dcision semble guide par des
considrations pragmatiques. Le mdecin du travail connait gnralement les postes de travail
de lentreprise pour laquelle il travaille. En outre, la notion dtude du poste et des conditions
de travail ntant aucunement prcise par les dispositions rglementaires, son intensit est
incertaine. Or, au regard de la pnurie de professionnels et donc du manque de temps de ceux-
ci pour raliser lintgralit de leurs missions, le juge a certainement estim utile de focaliser
son attention sur la condition dun double examen mdical. Enfin, puisquen pratique le
mdecin du travail ne ralise pas systmatiquement cette double tude, lui attribuer une force
obligatoire aurait conduit un essor de la responsabilit civile de celui-ci lgard de son
employeur.
451. Comptence administrative. Dans cette mme dcision, la chambre sociale
de la Cour de cassation considre le juge judiciaire incomptent au motif que la contestation
de lavis dinaptitude relve de la comptence administrative (plus prcisment de
linspection du travail). Aussi, la comptence du juge administratif semble indirectement
admise : notre connaissance, la jurisprudence administrative na pas statu sur la question.
452. Une condition oublie. Ltude du poste de travail du salari concern et
des conditions de travail dans lentreprise constitue une condition vince par les mdecins du
travail, les salaris et les prtoires. Le pouvoir rglementaire la maintenue via le dcret
dapplication de la loi du 20 juillet 2011 : pourquoi supprimer des dispositions protectrices du
salari - ce qui aurait fait naitre des polmiques alors quelles sont volontairement cartes
par les acteurs les appliquant ?
664
Cass. soc. 19 dcembre 2007, n06-46.147. Bull. Civ. V, n222.
146
II. Contrle mdical
453. La rgle dor. Le contentieux de linaptitude dmontre que les difficults se
cristallisent autour de la rgle selon laquelle le mdecin du travail, pour dclarer un salari
inapte son poste, doit, en principe, raliser deux examens mdicaux.
A. Principe
1. Contenu
454. Deux examens. Pour dclarer un salari inapte son poste de travail, le
mdecin du travail doit raliser deux visites mdicales espaces de deux semaines,
accompagnes, le cas chant, de visites mdicales complmentaires
665
. Le dlai de deux
semaines entre les deux examens mdicaux court partir de la date du premier de ces
examens mdicaux
666
. En dautres termes, le second examen ralis le 15
e
jour est valable
667
.
455. Initiative du second examen. Lemployeur, tenu dune obligation de
scurit de rsultat, doit en assurer leffectivit : ds lors quil a connaissance du fait que le
mdecin du travail a dclar linaptitude temporaire du salari suite au premier examen
mdical, linitiative du second examen pse donc sur lui
668
.
2. Sanctions
456. Double examen et sanctions. Lorsque lemployeur procde au licenciement
du salari dclar inapte sur la base dun unique examen mdical, la Cour de cassation offre
une gradation des sanctions. Si le salari se prvaut dune discrimination en raison de son tat
de sant
669
, le licenciement de ce dernier est entach de nullit
670
. Si le salari ne se prvaut
pas dune telle discrimination, il semble que le juge considre que son licenciement est
665
C. trav., art. R. 4624-31. al 1. 3.
666
Cass. soc. 8 dcembre 2004, n02-44.203. Bull. Civ V. n 319 p. 287. Par cet arrt, la Cour de cassation a mis
fin aux divergences constates entre les juridictions du fond : la rfrence la notion de quinzaine est
carte.
667
titre illustratif, lorsque le premier examen mdical est ralis le 2 avril, le second peut tre effectu ds le
16 avril.
668
Cass. soc. 28 avril 2011, n09-68.303. Indit.
669
Cette discrimination est prohibe en vertu de larticle L. 1132-1 du Code du travail.
670
Cass. soc. 9 juin 2004, n02-42. 644. Indit.
147
dpourvu de cause relle et srieuse
671
. Toutefois, lemployeur nest pas responsable de la
dfection du salari : le salari qui refuse de se rendre au second examen mdical sans motif
malgr une mise en demeure de lemployeur est expos un licenciement pour faute grave
672
.
457. Dlai et sanctions. Lorsque la violation de la loi porte sur les dlais
impartis, deux manquements sont possibles : la seconde visite mdicale est soit prmature,
soit tardive. Lorsquelle est prmature, le licenciement pour inaptitude du salari ls est nul
en application de larticle L. 1132-1 du Code du travail
673
. Lorsquelle est tardive, le juge
semble oprer une distinction casuistique. Ainsi, est dpourvu de cause relle et srieuse le
licenciement pour inaptitude alors que le second examen mdical est demand par
lemployeur plusieurs mois aprs la premire visite
674
. La solution devrait tre toute autre si la
tardivet ne rsulterait que de quelques jours.
B. Exceptions
458. Lavis dinaptitude du salari peut tre ralis en un seul examen mdical
dans deux hypothses : lorsque le maintien du salari son poste de travail entraine un danger
immdiat pour sa sant ou sa scurit ou lorsquun examen de prreprise a eu lieu dans un
dlai de trente jours au plus
675
.
1. Le danger immdiat
459. Notion de danger immdiat. Si la jurisprudence laisse au mdecin du
travail un pouvoir discrtionnaire dans lapprciation de la notion de danger immdiat, elle
contrle nanmoins strictement les formalits procdurales auxquelles est soumise cette
drogation. Ainsi, lavis mdical ralis la suite de la premire visite mdicale doit
imprativement mentionner la situation de danger ou indique, en faisant rfrence aux
dispositions de larticle R. 4624-31 du Code du travail, quune seule visite mdicale est
effectue
676
. Autrement dit, le document ralis ultrieurement
677
, voire le mme jour, par le
671
Cass. soc. 19 juin 2001, n99-43.133. Indit.
672
Cass. soc. 28 octobre 2009, n08-42.748. Indit.
673
Cass. soc. 20 septembre 2006, n05-40.241. Bull. Civ. V n 275 p. 261.
674
Cass. soc. 16 mai 2000, n97-42.410. Bull. Civ. V n 182 p. 140.
675
C. trav., art. R. 4624-31. al 5.
676
Cass. soc. 28 avril 2011, n10-14.671. Indit.
677
Cass. soc. 19 octobre 2005, n03-48. 383. Bull. Civ. V n 292 p. 254.
148
mdecin du travail pour reconnaitre un danger immdiat pour le salari nest pas valable
678
.
En outre, les mentions procdure spciale
679
ou procdure immdiate
680
, nonobstant
lindication de la ralisation dune seule visite, ne sont pas admises. En dautres termes, les
entreprises doivent avoir conscience du fait que la drogation en raison dun danger immdiat
reste exceptionnelle, et tre le cas chant attentives au contenu de lavis dinaptitude dlivr
par le mdecin du travail.
2. La visite de prreprise
460. Conscration. A compter du 1
er
juillet 2012, le mdecin du travail aura la
facult de dlivrer un avis dinaptitude mdicale par le biais dun seul examen mdical
lorsquun examen de prreprise a eu lieu dans un dlai de trente jours au plus
681
. Par cette
nouvelle voie drogatoire, la conscration de la visite mdicale de prreprise est entire
puisquelle dtient un effet utile.
Sous-section 2 : Laccompagnement du choix
461. Le choix du mdecin nest pas isol. Il est assorti de deux dispositifs
daccompagnement du salari : lun est facultatif et linitiative du mdecin du travail (1),
lautre est obligatoire, la charge de lemployeur mais le mdecin du travail y reste un acteur
central (2).
1 : Les propositions du mdecin du travail
462. Comptence gnrale du mdecin du travail. La loi offre une comptence
gnrale au mdecin du travail quant la proposition de mesures individuelles afin de
concilier ltat de sant du salari et son maintien dans lemploi. Ainsi, le mdecin du travail
est habilit proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de
postes, justifies par des considrations relatives notamment lge, la rsistance physique
ou ltat de sant physique et mentale des travailleurs
682
. Si les dispositions lgales ne
prcisent pas les situations dans lesquelles cette prrogative sexprime, la pratique rvle
678
Ibid.
679
Cass. soc. 1
er
dcembre 2005, n04-48.607. Bull. Civ. V n 345 p. 308.
680
Cass. soc. 26 dcembre 2007, n06-44.767. Indit.
681
C. trav., art. R. 4624-31. al 5.
682
C. trav., art. L. 4624-1, al. 1.
149
quelle est mise en uvre loccasion de tout examen mdical, quil ait t conclu laptitude
ou linaptitude du salari.
I. Nature des propositions
463. Notion extensive. Les termes du Code du travail rvlent lintention du
lgislateur
683
, savoir offrir une relative libert au mdecin du travail. En sus de mutations ou
transformations de postes, le mdecin du travail peut donc envisager dautres voies
daccompagnement du salari. Cette approche a t confirme par ladministration qui
recommande au mdecin du travail, lorsquil met un avis daptitude ou dinaptitude,
dutiliser pleinement les prrogatives quil tire de larticle L. 4624-1 du Code du travail, cela
se traduisant notamment par la mise en avant des aptitudes du sujet
684
.
II. Prise en compte des propositions
A. Lemployeur et les propositions
1. La force obligatoire...
464. Force obligatoire et loi. Lemployeur est tenu de prendre en considration
les propositions du mdecin du travail et, en cas de refus, de faire connatre les motifs qui
sopposent ce quil y soit donn suite
685
. Ainsi, le lgislateur entend attribuer une force
coercitive aux propositions du mdecin du travail.
465. Force obligatoire et jurisprudence. la force obligatoire de la loi sest
agrge une jurisprudence de la Cour de cassation pointilleuse dont le fondement est plus
lobligation de scurit de rsultat la charge de lemployeur que le caractre impratif des
dispositions lgales susmentionnes. Ce constat se manifeste travers deux lments. Ds lors
que le salari fait valoir que lemployeur na pas adapt son poste de travail conformment
aux recommandations du mdecin du travail, il appartient lemployeur de justifier quil a
procd cette adaptation
686
. En outre, lorsque les prconisations formules par le mdecin du
683
Larticle L. 4624-1 du Code du travail use des termes telles que sagissant des moyens de ralisation de
mesures individuelles.
684
Lettre-circulaire n 4 du 4 mai 1982 : BOMT n 82-21 du 30 juin 1982.
685
C. trav., art. L. 4624-1. al. 2.
686
Cass. soc. 14 octobre 2009, n 08-42.878. Bull. Civ. V. n 221.
150
travail ne sont que facultatives ou formules au conditionnel, celles-ci revtent tout de mme
une valeur contraignante pour lemployeur
687
.
2. ... et ses consquences
466. Coexistent deux hypothses dans lesquelles le juge considre que
lobligation la charge de lemployeur de prendre en compte les prconisations du mdecin
du travail nest pas respecte : le non respect pur et simple et la tardivet imputable
lemployeur.
467. Le non respect stricto sensu Le contentieux porte essentiellement sur la
non prise en compte par lemployeur des prconisations formules par le mdecin du travail.
Cela emporte des consquences majeures pour tous les actes entachs du non respect de cette
rgle. En cas de licenciement pour inaptitude o les enjeux et le contentieux sont de loin les
plus importants le juge admet de manire constante labsence de cause relle et srieuse
688
.
En cas de sanction disciplinaire, lannulation de la mesure est retenue
689
. Le non respect de
lobligation de prise en compte des prconisations peut aussi engendrer dautres difficults, tel
que lexercice du droit de retrait par le salari ls.
468. Le non-respect lato sensu. Au-del de ces consquences, la jurisprudence a
rcemment reconnu la prise dacte du salari de la rupture de son contrat de travail produisant
les effets dun licenciement sans cause relle et srieuse en raison de la prise en compte
tardive par lemployeur des mesures envisages par le mdecin du travail. A notre sens, il ne
faut pas dduire de cette dcision un principe de condamnation systmatique. En effet, pour
admettre une telle sanction, le juge sattache prciser que la prise en compte tardive par
lemployeur des prconisations du mdecin du travail a eu pour consquence de mettre en
pril la sant du salari concern
690
. Toutefois, il sagit l dune nouvelle traduction de la
ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation qui tend protger les prises de position du
mdecin du travail.
687
Cass. soc. 19 dcembre 2007, n 06-46.134. Indit.
688
Cass. soc. 14 juin 2007, n 06-41.377. Indit. ; Cass. soc. 11 mars 2009, n 07-44.816. Indit.
689
Cass. soc. 19 dcembre 2007, n 06-43.918.Bull. Civ. V, n 216.
690
Cass. soc. 20 septembre 2006, n 05-42.925. Indit.
151
B. Le salari et les propositions
469. La loi nenvisage pas la prise en compte par le salari des propositions
mises par le mdecin du travail son gard. Pour pallier cette dfaillance, la Cour de
cassation a progressivement tiss les relations entretenues entre lindividu et la mesure. De
cette cration prtorienne se dgage deux lignes de force : la prise en compte de lavis du
salari et, le cas chant, sa protection.
470. Prise en compte de lavis du salari. Lorsque le salari conteste le contenu
des recommandations du mdecin du travail, lemployeur doit, mme sil a pris en compte
celles-ci, solliciter nouveau lavis du mdecin du travail
691
.
471. Protection du salari. Le salari en droit de refuser son affectation en
attendant lavis du mdecin du travail. En dautres termes, le comportement du salari nest
pas fautif
692
: un licenciement pour insubordination
693
ou absence injustifie
694
serait alors
dpourvu de cause relle et srieuse. Si protection du salari il y a, elle nest pas absolue :
lorsque le salari refuse daccomplir une tche compatible avec les rserves mises le par
mdecin du travail, lemployeur est en droit de le licencier
695
. En lespce, le salari avait fait
lobjet dun avis daptitude sous rserve de ne pas accomplir certains gestes et lemployeur lui
reprochait ses absences rptes lors de runions dinformations pour lesquelles aucun geste
ntait requis. En dehors de cette hypothse dcole, il pourra savrer fort complexe
dappliquer cette ligne jurisprudentielle, lorsque la notion de tche compatible se rvlera
floue. Le caractre raisonnable du refus du salari, dj utilis en matire de droit de retrait
696
,
devrait apparaitre.
472. Du facultatif au coercitif. Au-del de la facult pour le mdecin du travail
dadopter des mesures individuelles lgard du salari, un autre mode daccompagnement de
lintress est envisag. Il est diffrent trois titres : il est obligatoire, la charge de
lemployeur et applicable seulement en cas dinaptitude du salari. Il nen demeure pas moins
un complment daction, pour le mdecin du travail, et un bouclier pour le salari.
691
Cass. soc. 6 fvrier 2008, n 06-44.413. Bull. Civ. V n 33.
692
Cass. soc. 23 septembre 2009, n 08-42.629. Bull. Civ. V n 189.
693
Cass. soc. 6 fvrier 2008, n 06-44.413. Bull. Civ. V n 33.
694
CA Paris 1
er
octobre 2008, n 07-8, 22
e
ch. A, St Arcade Scurit c/ Kakou.
695
Cass. soc. 26 octobre 2010, n09-42.313. Indit.
696
C. trav., art. L. 4131-1.
152
2 : Lobligation de reclassement du salari inapte
473. Pour dterminer si lemployeur doit ou non respecter une obligation de
reclassement du salari inapte, la loi opre une distinction entre linaptitude non
professionnelle (I) et linaptitude professionnelle (II).
I. Obligation de reclassement et inaptitude non professionnelle
474. Le bouclier. Lorsque, lissue dune priode de suspension du contrat de
travail conscutive une maladie ou un accident non professionnel, le salari est dclar
inapte par le mdecin du travail reprendre lemploi quil occupait prcdemment,
lemployeur doit lui proposer un autre emploi appropri ses capacits. Cette proposition
prend en compte les conclusions crites du mdecin du travail et les indications quil formule
sur laptitude du salari exercer lune des tches existantes dans lentreprise. Lemploi
propos doit tre aussi comparable que possible lemploi prcdemment occup, au besoin
par la mise en uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou
amnagement du temps de travail
697
. Ces dispositions lgales, qui crent une obligation de
reclassement du salari inapte la charge de lemployeur, sont dordre public. Il ne peut y tre
drog par voie conventionnelle ou contractuelle
698
. Encore faut-il en dterminer le champ
dapplication (A) pour voquer sa mise en uvre (B).
A. Champ dapplication
1. Salaris viss
475. Secteur priv. Lobligation de reclassement du salari inapte simpose
tout employeur du secteur priv ds lors que les conditions prvues par larticle L. 1226-2 du
Code du travail sont remplies, et ce tant pour les contrats dure indtermine que
dtermine
699
. La jurisprudence a t confronte certaines situations o la qualit
professionnelle du travailleur faisait dbat. Ainsi, il a t jug que les grants non salaris des
succursales de maisons dalimentation
700
ou encore les marins ( dfaut de rgles spciales en
la matire)
701
intgrent la sphre de lobligation de reclassement pour inaptitude.
697
C. trav., art. L. 1226-2.
698
Cass. soc. 29 juin 1999, n 97-40.426. Bull. Civ. V. n 315.
699
Cass. soc. 19 mai 2010, n 09-40.633. Indit.
700
Cass. soc. 15 mai 2007, n 06-40.872. Bull. Civ. V. n 78.
701
Cass. soc. 20 mai 2009, n 07-42.424. Indit.
153
476. Entreprises statut. Les dispositions de larticle L. 1226-2 du Code du
travail ne sont pas applicables aux salaris des entreprises statut lorsque le statut du
personnel de ces dernires ne prvoit pas une telle obligation
702
. Lopinion du Conseil dEtat
diverge de celle de la Cour de cassation, ce premier estimant quil rsulte dun principe
gnral du droit que lorsquun salari a t dclar inapte, il appartient lemployeur de le
reclasser dans un autre emploi et, en cas dimpossibilit, de le licencier
703
.
2. Situations vises
477. Plusieurs conditions cumulatives restreignent le champ dapplication de
lobligation de reclassement pour inaptitude non professionnelle (a). Or, sur cette question, le
fil dAriane de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation est limpide :
favoriser lapplication de cette obligation de reclassement. Ce faisant, le juge tend carter
tout lment non prvu par la loi risquant de rduire son champ dapplication (b).
a. Des lments ncessaires...
478. Le salari inapte... Lobligation de reclassement du salari inapte nest,
comme son nom lindique, applicable quau salari dclar inapte. Ce principe de pure
logique doit tout de mme tre rappel par la Cour de cassation : le salari dclar, lissue de
la suspension de son contrat de travail pour maladie, apte la reprise de son emploi avec des
rserves ne peut se prvaloir des dispositions de larticle L. 1226-2 du Code du travail
704
.
479. pour cause non professionnelle. Linaptitude du salari doit tre
constate lissue dune priode de suspension du contrat de travail conscutive une
maladie ou un accident non professionnel. Plusieurs prcisions simposent. Primo, les termes
de la loi sous entendent que lobligation de reclassement ne peut tre enclenche qu la suite
dune visite mdicale de reprise
705
et, par consquent, un arrt de travail du salari est
indispensable. Secundo, seule linaptitude de nature non professionnelle est envisage.
Linaptitude professionnelle relve des dispositions de larticle L. 1226-10 du Code du
travail
706
.
702
Cass. soc. 28 octobre 2003, n 01-42.612. Bull. Civ. V. n 260.
703
CE 2 octobre 2002, n 227868, Chambre de commerce et d'industrie de Meurthe-et-Moselle.
704
Cass. soc. 8 juin 2011, n 09-42.261. Publi au bulletin.
705
Cass. soc. 19 novembre 2003, n 01-43.902. Indit.
706
V. par. n499 et s.
154
b. ... lindiffrence des lments
480. Volont du mdecin du travail. En pratique, il est frquent de lire dans les
avis dinaptitude mis par les mdecins du travail la mention inapte tout poste .
Lemployeur ne doit pas prter attention cette mention dont la teneur est en vrit dnue de
toute valeur juridique. Ainsi, lobligation de reclassement du salari inapte sapplique mme
lorsque lavis du mdecin du travail comporte une telle mention
707
. Idem lorsque lemployeur
est en prsence dun avis dinaptitude comportant la mention salari inapte tout
travail
708
. Autrement dit, peu importe la position du mdecin du travail, lobligation de
reclassement existe.
481. Volont de la scurit sociale. Dans la mme logique, les dcisions prises
par la scurit sociale nont aucune incidence sur la force obligatoire de lobligation de
reclassement : le classement dun salari en invalidit deuxime catgorie, qui obit une
finalit distincte et relve dun rgime juridique diffrent, na aucune incidence sur les
obligations de lemployeur en matire de reclassement
709
.
482. Volont du salari. Lobligation du reclassement du salari inapte tant
dordre public, la position prise par le salari na aucune incidence sur sa force obligatoire
710
.
Cette position jurisprudentielle voque le problme plus gnral de la renonciation volontaire,
par le salari, ses droits sociaux. Lenjeu se cristallise avec vigueur en matire de temps de
travail, o les doctrines anglo-saxonnes, relayes par lUnion europenne, soutiennent lide
dune primaut de la volont contractuelle sur la Loi
711
. Selon nous, la vision latine du Droit
doit rsister ces dangereuses tentations. Dura lex sed lex.
B. Mise en uvre
483. Deux temps. La mise en uvre de lobligation de reclassement la charge
de lemployeur du salari inapte se dcompose en deux tapes : lemployeur doit procder la
recherche dun poste de reclassement compatible avec les recommandations du mdecin du
travail (1) pour ensuite proposer ledit poste au salari (2).
707
Cass. soc. 6 fvrier 2008, n 06-44.898. Indit.
708
Cass. soc. 9 juillet 2008, n 07-41.318. Bull. Civ. V n 151.
709
Ibid.
710
Cass. soc. 23 mars 2011, n 09-67.514. Indit.
711
V. lexemple de l opt-out , mesure par laquelle le salari renonce volontairement lapplication des
dures maximales hebdomadaires de travail son contrat de travail.
155
1. Recherche dun poste de reclassement
484. La recherche dun poste de reclassement au profit du salari inapte fait
surgir plusieurs questions, dont la prise en compte des propositions du mdecin du travail (a)
et le cadre de cette recherche (b) sont les pices matresses. A titre complmentaire, la
pratique rvle des difficults concernant lapprciation du point de dpart de lobligation de
reclassement (c).
a. La prise en compte des propositions du mdecin du travail
485. Les prises en compte. La notion de prise en compte des propositions du
mdecin du travail diffre en fonction de sa finalit : des variations apparaissent entre les
articles L. 4624-1 et L. 1226-2 du Code du travail. Dans le second, est prcis que la
proposition de reclassement faite au salari dun autre emploi appropri ses capacits prend
en compte les conclusions crites du mdecin du travail et les indications quil formule sur
laptitude du salari exercer lune des tches existantes dans lentreprise
712
. Nanmoins, lors
du reclassement, lemployeur doit aussi prendre en compte les prconisations mises par le
mdecin du travail au titre de larticle L. 4624-1 du Code du travail.
486. Apprciation stricte de la notion de prise en compte. La chambre sociale
de la Cour de cassation adopte une lecture stricte des dispositions de larticle L. 1226-2 du
Code du travail
713
. Ainsi, seules les recherches de reclassement compatibles avec les
conclusions du mdecin du travail mises au cours de la visite de reprise peuvent tre prises
en compte pour apprcier le respect par lemployeur de son obligation de reclassement
714
.
Plus encore, lemployeur se doit de respecter, ad litteram, lavis du mdecin du travail. Ds
lors que l'employeur ajoute des restrictions celles mises par le mdecin du travail dans son
certificat mdical, la recherche de reclassement ne peut tre valablement ralise. Le
licenciement du salari prononc ultrieurement pour impossibilit de reclassement est alors
infond
715
. Allant plus loin dans son raisonnement, la Cour de cassation estime mme que
lorsque le mdecin du travail, aprs avoir conclu l'inaptitude du salari tout poste dans
l'entreprise, rend ultrieurement un nouvel avis moins restrictif, l'employeur se doit de
712
C. trav., art. L 1226-2. al. 2.
713
On peut dores et dj noter que cette interprtation jurisprudentielle est similaire en matire de reclassement
du salari inapte pour raison professionnelle.
714
Cass. soc. 26 novembre 2008, n07-44.061. Bull. Civ. V. n 231.
715
Cass. soc. 20 janvier 2010, n 08-44.322. Indit.
156
chercher nouveau un poste de reclassement dans la mesure o le champ du reclassement est
largi. A dfaut, il manque son obligation de reclassement
716
.
487. Le dfaut de proposition. Le dfaut de proposition du mdecin du travail
ne dispense en aucune manire lemployeur de son obligation de reclassement. Dans une telle
hypothse, lemployeur se doit de solliciter lavis du mdecin du travail
717
. Il ne peut donc se
prvaloir de la consultation dun mdecin autre que le mdecin du travail
718
.
b. Le cadre de la recherche du reclassement
488. Le cadre de la recherche du reclassement sentend de la sphre ainsi que du
dlai dans lequel lemployeur doit accomplir son obligation.
489. La sphre classique: lentreprise. La sphre de la recherche de
reclassement du salari inapte est une cration prtorienne. Le juge la progressivement
dessine, ses contours tant figs peu important la nature de lentreprise. Ainsi, lorsque
lentreprise possde plusieurs secteurs dactivit, la recherche du reclassement doit se raliser
dans lensemble de ces secteurs
719
. Bien que le cadre commun du reclassement soit
lentreprise, la jurisprudence na pas hsit largir celui-ci ds lors que la structure de
lentreprise sy prte.
490. La sphre moderne : le groupe. La notion de groupe varie en fonction du
cadre dans lequel elle est envisage. En matire de reclassement, elle sapprcie lintrieur
du groupe auquel appartient lemployeur concern parmi les entreprises dont les activits,
lorganisation ou le lieu dexploitation permettent deffectuer la permutation de tout ou partie
du personnel
720
. Ds lors que le groupe existe, le reclassement du salari inapte doit tre
recherch dans lensemble des socits du groupe
721
La notion de groupe en matire
dinaptitude est donc, linstar de la notion de groupe en matire de reclassement en raison
dun licenciement pour motif conomique, fonctionnelle. Le contentieux en la matire
dmontre une apprciation in concreto opre par les juges du fond, elle-mme fortement
encadre par la Cour de cassation qui affirme pourtant le contraire. Ainsi, caractrise
716
Cass. soc. 25 mars 2009. Indit.
717
Cass. soc. 27 mars 1990, n 87-41.391. Indit.
718
Cass. soc. 28 juin 2006, n 04-47.672. Bull. Civ. V. n 230.
719
Cass. soc. 27 octobre 1993, n90-42.560. Bull. Civ. V. n 250 p. 170.
720
Cass. soc. 14 fvrier 2007, n05-44.807. Indit.
721
Cass. soc. 16 novembre 2011, n 10-19.518. Indit.
157
lexistence dun groupe au sens du reclassement pour inaptitude le fait que plusieurs maisons
de retraite, bien que constitues sous la forme de socits indpendantes, soient toutes situes
dans la mme rgion, regroupes sous un mme sigle, mises en commun via des outils de
communications et fassent en outre tat dans leur documentation de la notion de groupe. Ces
lments de faits caractrisent la possibilit dune permutation du personnel
722
. Idem
lorsquune pharmacie dtient 80% des actions dune autre officine tout en sachant que ces
deux entits se trouvent dans la mme ville et exercent la mme activit
723
. Cette approche
casuistique implique une analyse pointue par les juges du fond des lments caractrisant la
notion de groupe. Aussi, cette dernire ne saurait maner dlments organiques : la seule
appartenance une franchise
724
ou le seul fait que la mutuelle dun groupe se voit appliquer
les accords collectifs de travail de ce groupe
725
ne suffit pas caractriser lexistence dun
groupe au sens de lobligation de reclassement du salari inapte. Quid du groupe
international ? Lobligation de reclassement du salari inapte se moque, tort ou raison, des
frontires : lemployeur se doit dtendre ses recherches de reclassement aux socits
trangres intgres un mme groupe
726
, peu important le refus antrieur du salari dun
poste situ en France du fait de lloignement gographique
727
.
491. Le dlai de recherche. Le dlai dans lequel lemployeur doit rechercher un
poste de reclassement au profit du salari inapte suppose de dterminer le point de dpart de
cette obligation. Dans la mesure o le respect de lobligation de reclassement suppose la prise
en compte des conclusions du mdecin du travail, la seconde visite de reprise constitue le
point de dpart, sauf danger immdiat
728
. Cela ne signifie pas pour autant que lemployeur est
dans lincapacit dentamer les recherches avant ce second examen mdical. Partant, si la loi
nimpose aucun dlai lemployeur dans sa recherche de reclassement, il nen demeure pas
moins quune recherche prcipite peut conduire le juge estimer que celle-ci nest pas
valable. Il en est ainsi lorsque lemployeur engage la procdure de licenciement pour
inaptitude trois jours aprs lavis dinaptitude mis par le mdecin du travail
729
.
Enfin, contrairement une croyance rpandue dans les entreprises, lobligation de
reclassement nest enferme dans aucun dlai. Ds lors, larrive terme de la priode dun
722
Cass. soc. 24 juin 2009, n 07-45.656. Bull. Civ. V. n 163.
723
Cass. soc. 22 juin 2011 n 10-18.403. Indit.
724
Cass. soc. 20 fvrier 2008, n 06-45.335. Indit.
725
Cass. soc. 7 juillet 2009, n 08-40.359. Indit.
726
Cass. soc. 9 janvier 2008, n 06-44.407. Indit.
727
Cass. soc. 25 mai 2011, n 10-17.237. Indit.
728
Cass. soc. 6 janvier 2010, n 08-44.177. Bull. Civ. V, n 1.
729
Cass. soc. 30 avril 2009, n 07-43.219. Bull. Civ. V. n 120.
158
mois prvue par la loi pour la reprise du salaire du salari dclar inapte
730
ne marque en rien
la fin de lobligation de reclassement la charge de lemployeur
731
.
c. Les caractristiques du poste de reclassement
492. A titre de rappel, larticle L. 1226-2 du Code du travail prcise que lemploi
propos au salari inapte doit tre aussi comparable que possible lemploi prcdemment
occup, au besoin par la mise en uvre de mesures telles que mutations, transformations de
postes de travail ou amnagement du temps de travail.
493. Notion de transformation de poste. La notion de transformation doit tre
entendue largement : elle vise certes les postes existants dj et adapts mais aussi les postes
adapts en raison de linaptitude du salari. Surtout, lemployeur doit aussi envisager
ladaptation du salari lui-mme, en vertu de son obligation dadaptation des salaris
lvolution de leur emploi
732
. En revanche, adaptation ne signifie pas cration : la violation de
lobligation de reclassement ne peut tre caractrise lorsque lemployeur na pas cre un
poste
733
.
494. Notion de mutation. Au regard des dispositions de larticle L. 1226-2 du
Code du travail, le reclassement par mutation du salari inapte doit tre recherch parmi les
emplois disponibles dans lentreprise. Intgre donc la sphre du reclassement le poste de
travail pourvu avant le licenciement du salari inapte, nonobstant le fait quil sagisse dun
contrat dure dtermine
734
. La volont de reclasser a nanmoins des limites : lemployeur
ne peut tre tenu dimposer un autre salari une modification de son contrat de travail dans
le but de librer son poste pour le proposer en reclassement au salari inapte
735
.
495. Proposition de poste et modification du contrat de travail. Lemployeur
doit, en priorit, proposer des postes de reclassement nemportant pas de modification du
730
Lorsqu lexpiration dun dlai dun mois compter de la visite mdicale de reprise du travail confirmant
linaptitude du salari ce dernier nest ni reclass ni licenci, lemployeur doit reprendre le versement de la
rmunration de lintress.
731
Cass. soc. 21 mars 2012, n10-12.068. Publi au Bulletin.
732
Cass. soc. 13 juillet 2010, n 08-44.121. Bull. Civ. V, n 172.
733
Cass. soc. 30 mai 2007 n 06-43.006. Indit.
734
Cass. soc. 23 septembre 2009, n 08-44.060. Indit.
735
Cass. soc. 15 novembre 2006, n 05-40.408. Bull. Civ. V n 339.
159
contrat de travail du salari inapte
736.
Si lemployeur ne dispose que de postes ncessitant une
modification du contrat de travail, il doit les proposer au salari qui est en droit de refuser
737
.
En vertu du droit commun de la modification du contrat de travail, le refus du salari ne peut
tre sanctionn par lemployeur. Si lemployeur outrepasse cette rgle, le salari inapte est en
droit de prendre acte de la rupture de son contrat de travail, rupture produisant alors les effets
dun licenciement sans cause relle et srieuse
738
.
2. Proposition dun poste de reclassement
a. Nature de la proposition
496. Une proposition exhaustive et prcise. Lorsque lemployeur a identifi des
postes de reclassement, il doit les proposer en totalit au salari, peu important la volont
prsume de ce dernier den refuser un ou plusieurs
739
. En toute hypothse, la proposition de
reclassement doit ncessairement tre prcise
740
. Il est frquent que lemployeur prenne soin
de prciser au salari quen cas de refus du ou des postes disponibles, il sexpose une
mesure de licenciement.
b. Volont du salari
497. Acceptation. Lorsque le salari accepte le poste de reclassement propos
par lemployeur, des difficults peuvent surgir en matire probatoire. Aussi, les parties auront
tout intrt formaliser cette dcision par crit. Cette affirmation revt dautant plus de force
lorsque le reclassement emporte une modification du contrat de travail du salari inapte. Il
faudra en tout tat de cause prter attention la date laquelle le salari a formul son
acceptation du poste de reclassement, lacceptation antrieure la dclaration dinaptitude
nayant aucune valeur juridique
741
.
498. Refus. Le salari inapte est en droit de refuser le ou les postes de
reclassement proposs par son employeur. Que le reclassement emporte modification du
736
Cette constatation rsulte des dispositions de larticle L. 1226-2 du Code du travail qui use des termes aussi
comparable que possible . Cette formulation est dailleurs identique sagissant de linaptitude pour raison
professionnelle (article L. 1226-10 du Code du travail).
737
Cass. soc. 29 janvier 2002, n 99-45.989. Indit.
738
Cass. soc. 9 avril 2008, n 06-44.724. Indit.
739
Cass. soc. 16 septembre, 2009 n 08-42.301. Indit.
740
Cass. soc. 6 fvrier 2001, n 98-43.272. Bull. Civ. V n 40.
741
Cass. soc. 28 mars 2006, n 04-44.895. Indit.
160
contrat de travail ou simple changement de ses conditions de travail, ce refus nest donc pas
fautif
742.
Au surplus, la Cour de cassation estime depuis peu que le refus par le salari du
poste de reclassement ne peut constituer, en soi, une cause relle et srieuse de licenciement,
que la proposition emporte modification du contrat de travail ou simple changement des
conditions de travail
743
. Cette solution est novatrice en ce quauparavant le licenciement tait
considr comme valable lorsqutait en jeu un simple changement des conditions de travail
du salari inapte
744
. A notre sens, cette innovation jurisprudentielle est critiquable deux
titres. Dune part, au regard du Droit : la jurisprudence de la Cour de cassation en matire de
modification du contrat de travail prcise depuis longtemps que le refus par le salari dun
changement de ses conditions de travail constitue un motif valable de licenciement
745
. Dautre
part, au regard de lquit : cette dcision ne tient pas compte des efforts raliss par
lemployeur afin de proposer des postes de reclassement au salari inapte. Ce dernier, en
retour, se devrait dtre un protagoniste actif de son propre reclassement. Finalement, larrt
rendu le 26 janvier 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation tient compte de cette
notion dquit mais en offre une autre traduction, en sattachant plus ltat de sant du
salari, inapte, qu laction de lemployeur.
II. Obligation de reclassement et inaptitude professionnelle
A. La similarit
499. Dispositions lgales. premire vue, les dispositions de larticle L 1226-10
du Code du travail semblent identiques celles de larticle L. 1226-2 du Code du travail.
Ainsi, lorsque, lissue des priodes de suspension du contrat de travail conscutives un
accident du travail ou une maladie professionnelle, le salari est dclar inapte par le
mdecin du travail reprendre lemploi quil occupait prcdemment, lemployeur lui
propose un autre emploi appropri ses capacits. Cette proposition doit prendre en compte
les conclusions crites du mdecin du travail et les indications quil formule sur laptitude du
salari exercer lune des tches existantes dans lentreprise. Enfin, lemploi propos est
aussi comparable que possible lemploi prcdemment occup, au besoin par la mise en
uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou amnagement du temps
de travail
746
.
742
Cass. soc. 9 avril 2002, n 99-44.192. Bull. Civ. V n 122.
743
Cass. soc. 26 janvier 2011, n 09-43.193. Bull. Civ. V, n 32.
744
Cass. soc. 14 juin 2000, n 98-42.882. Bull. Civ. V n 228.
745
Cass. soc. 6 octobre 2004, n 02-43.488. Indit.
746
C. trav., art. L. 1226-10.
161
500. Position(s) prtorienne(s). De la quasi-similarit des articles L. 1226-2 et
L. 1226-10 du Code du travail dcoule un principe logique : la grande majorit des solutions
jurisprudentielles prsentes en matire dinaptitude non professionnelle sont applicables la
situation du salari inapte pour raison professionnelle. Il en est notamment ainsi pour
lapprciation du cadre de recherche du reclassement du salari ou encore pour la notion de
poste disponible en cas de mutation. La quasi-permutabilit des dcisions rendues sous
lempire de ces deux dispositions lgales fait que le praticien peut sappuyer sur celles-ci
indiffremment pour oprer un choix en matire daptitude professionnelle ou non. Toutefois,
certaines spcificits apparaissent, pour lesquelles le contentieux est toff.
B. Les spcificits
1. Le rle des dlgus du personnel
501. Consultation des dlgus du personnel : une obligation substantielle.
Larticle L. 1226-10 du Code du travail offre une premire spcificit de taille: la proposition
de reclassement mise par lemployeur doit, avant dtre prsente au salari, tre porte la
connaissance des dlgus du personnel qui formulent un avis
747
. Loin dtre anodine, cette
obligation a t rige par la jurisprudence en une condition substantielle de la procdure de
reclassement du salari inapte pour raison professionnelle. Elle sapplique donc peu important
que linaptitude du salari soit temporaire ou dfinitive
748
, que lemployeur invoque
limpossibilit du reclassement de lintress en sappuyant sur une attestation tablie par le
comit dentreprise
749
ou encore que le reprsentant dune organisation syndicale ait admis le
fait quil y avait peut de possibilits de reclasser la salari inapte
750
.
502. Moment de la consultation. Le moment o la consultation des dlgus du
personnel est ralise a fait lobjet dune construction prtorienne progressive, dont le fruit est
une chronologie dsormais bien assise. Primo, la consultation des dlgus du personnel doit
tre effectue postrieurement la constatation de linaptitude du salari par le mdecin du
travail. La constatation de linaptitude se faisant en principe par lintermdiaire de deux
examens mdicaux espacs de deux semaines
751
, la procdure est irrgulire lorsque lavis des
dlgus du personnel est recueilli alors que le salari na fait lobjet que du premier examen
747
C. trav., art. L. 1226-10. al 2.
748
Cass. soc. 16 juin 1988, n 85-46.452. Bull. Civ. V n 370.
749
Cass. soc. 30 octobre 1991, n 87-43.801. Bull. Civ. V n 454.
750
Cass. soc. 21 fvrier 1990 n 88-42.125. Bull. Civ. V n 72.
751
V. par. n454 et s.
162
mdical
752
. Secundo, la consultation des dlgus du personnel doit intervenir avant la
proposition au salari dun poste de reclassement
753
ainsi que la mise en uvre de la
procdure de licenciement du salari inapte
754
.
503. Modalits de la consultation : labsence de formalisme. Bien que
lensemble des dlgus du personnel doivent tre consults
755
, aucun formalisme nest
requis : lemployeur na pas lobligation de recueillir lavis de ces salaris protgs
collectivement lors dune runion
756
. En dautres termes, lemployeur peut recueillir lavis de
chaque dlgu du personnel de manire individuelle. Cette position est surprenante en ce
quelle admet explicitement lrosion du collectif pour une dcision pourtant prise par des
reprsentants du personnel sur une question loin dtre anodine (linaptitude professionnelle
dun salari). Au-del de cette anicroche doctrinale, des difficults probatoires sont
apparues
757
. En tout tat de cause, labsence de formalisme nteint pas lobligation pour
lemployeur de fournir aux dlgus du personnel les informations ncessaires afin de leur
permettre de donner un avis en connaissance de cause. Les conclusions du mdecin du travail
relatives laptitude du salari exerce lune des tches existantes dans lentreprise en font
partie
758
.
504. Modalits de la consultation et caractristiques de lentreprise. Deux
situations inhrentes lorganisation de lentreprise ont suscit dbat. Sagissant de
lexistence dtablissements distincts au sein de lentreprise, lemployeur doit consulter les
dlgus du personnel de ltablissement dans lequel le salari exerce son activit salarie
759
.
Cette position semble anime par le principe de proximit des salaris avec leurs
reprsentants. Sagissant de lexistence dune dlgation unique du personnel (DUP), la
consultation ralise par lemployeur est valable lorsque cette institution a t consulte en
qualit de dlgus du personnel et non en qualit de comit dentreprise
760
.
752
Cass. soc. 8 avril 2009, n 07-44.307. Bull. Civ. V. n 109.
753
Cass. soc. 19 juin 1990, n87-41.499. Bull. Civ. V. n291.
754
Cass. soc. 28 avril 2011, n 09-71.658. Indit.
755
Cass. soc. 3 juillet 1990, n 87-41.946. Indit.
756
Cass. soc. 29 avril 2003, n 00-46.477. Bull. Civ. V. n 144.
757
V. en ce sens : CA Bordeaux 17 aot 2011, n 10-283, ch. soc., B. c/ St Saur France.
758
Cass. soc. 26 janvier 2011, n09-72.284. Indit.
759
Cass. soc. 13 novembre 2008, n 07-41.512. Bull. Civ. V. n 222.
760
Cass. soc. 25 fvrier 2009, n 07-42.412. Indit.
163
505. Absence de dlgus du personnel. Lobligation de recueillir lavis des
dlgus du personnel nexiste qu partir du moment o ceux-ci sont prsents dans
lentreprise. Nanmoins, lemployeur ne saurait tre exempt de cette obligation ds lors que
la mise en place de cette institution est obligatoire en vertu de larticle L. 2312-1 du Code du
travail et quaucun procs verbal de carence na t tabli lors du second tour de scrutin
761
.
Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.
506. Consquences. Ds lors que ce dernier ne procde pas ou ralise
irrgulirement la consultation des dlgus du personnel, il encourt le paiement de
lindemnit prvue larticle L. 1226-15 du Code du travail
762
. Au surplus, lorsque lavis des
dlgus du personnel conclut labsence de possibilit de reclassement du salari inapte,
cela ne dispense pas lemployeur de son obligation de reclassement
763
.
2. Le rle du mdecin du travail
507. Formation du salari inapte. La loi n2009-1437 du 24 novembre 2009
relative lorientation et la formation professionnelle tout au long de la vie renforce
laccompagnement du salari inapte dans les entreprises de cinquante salaris et plus, au sein
desquelles le mdecin du travail formule galement des indications sur laptitude du salari
bnficier dune formation destine lui proposer un poste adapt
764
.
508. Incertitudes. A notre connaissance, le juge na pas encore eu loccasion de
prciser les contours de cette nouvelle facult offerte au mdecin du travail. Il sagira,
notamment, de cerner ltendue des formations et de facto, leurs montants - pouvant tre
proposes par le mdecin du travail.
Sous-section 3 : La contestation du choix
509. Hier : une contestation librale. Avant la rforme du 20 juillet 2011 et ses
dcrets dapplication, la contestation des avis daptitude et dinaptitude chappait tout
encadrement lgal ou rglementaire. Larticle L. 4624-1 du Code du travail se contentant de
prciser quen cas de difficult ou de dsaccord, lemployeur comme le salari ont la facult
761
Cass. soc. 28 avril 2011, n 09-71.658. Indit.
762
Cass. soc. 22 mars 2000, n 98-41.166. Bull. Civ. V. n 119.
763
Cass. soc. 10 novembre 1993, n 89-41.898. Indit ; Cass. soc. 20 juillet 1994, n 91-41.420. Indit.
764
L. n2009-1437 du 24 novembre 2009., art 9.
164
dexercer un recours devant linspecteur du travail. Face ce laconisme, la chambre sociale
de la Cour de cassation a t contrainte de forger le rgime juridique de la contestation des
avis mdicaux raliss par le mdecin du travail, sans pour autant crer des rgles qui
nexistent pas. Cest dans ce contexte qua t adresse une question prioritaire de
constitutionnalit (QPC) la Cour de cassation en vue de son renvoi devant le Conseil
constitutionnel. Lune des demandes porte sur labsence de dlai pour lexercice dun recours
contre un avis daptitude rendu par le mdecin du travail. La Cour de cassation a rejet cette
demande aux motifs quelle ne prsente pas un caractre srieux ds lors quelle se fonde sur
une atteinte non caractrise au principe dgalit devant la loi et sur la violation dun
principe de scurit juridique non reconnu comme tant de valeur constitutionnelle
765
. Il sagit
l dune traduction dun mouvement jurisprudentiel plus vaste : un contrle strict, par la Cour
de cassation, des QPC susceptibles dtre renvoyes devant le Conseil constitutionnel. Cette
position est vivement critique par certains auteurs au sens o la Haute Cour se proclamerait
indirectement juge constitutionnel . Consciente des incidences pratiques de son refus, la
Cour de cassation, travers son rapport annuel pour lanne 2011, invite une modification
du Droit pout instaurer un dlai raisonnable
766
. Toujours est-il quau cas particulier, les
rapports entre pouvoir lgislatif, rglementaire et juge sont innovants. La fonction actuelle de
la loi sociale est, tort ou raison
767
, de faire taire la norme prtorienne
768
. Ici, le schma est
tout autre : le pouvoir rglementaire pallie les dfaillances de la Loi et du juge.
510. Aujourdhui : une contestation encadre. Le dcret n2012-135 pris en
application de la loi du 20 juillet 2011 carte donc ce caractre libral pour offrir un
encadrement des conditions dexercice de la contestation qui prendra effet compter du 1
er
juillet 2012 : la dcision du mdecin du travail peut tre conteste dans un dlai de deux
mois
769
.
765
Cass. soc. QPC 5 octobre 2011, n11-40.053. Publi au Bulletin.
766
Rapport de la Cour de cassation, 2011. Premire partie.
767
Les rapports entretenus entre la Loi et le juge, au-del mme du droit social, ont toujours fait lobjet dpres
controverses. Selon nous, le juge, bouche de la Loi, ne peut tre crateur de la norme quen cas de dfaillance de
cette dernire. Largument dmocratique fait dailleurs pencher la balance vers la primaut de la Loi et ce peu
important la position prise par le juge.
768
Lexemple le plus rcent est lannihilation de la jurisprudence Jaboulet (Cass.soc. 28 septembre 2010, n08-
43.161), aux termes de laquelle linstauration dune modulation du temps de travail constitue une modification
du contrat de travail qui requiert laccord exprs du salari. Ce principe a t vinc par larticle 45 de la loi du
22 mars 2012 relative la simplification du droit et lallgement des dmarches administratives.
769
C. trav., art. R. 4624-36.
165
511. Hier et aujourdhui : une contestation controverse. La pierre angulaire
de la contestation des avis mdicaux du mdecin du travail est reste intacte : le recours est
exclusivement form devant linspecteur du travail
770
. Ce principe, connu des praticiens de la
sant au travail, fait lobjet de multiples critiques, certains estimant que la comptence de
linspecteur du travail est une aberration
771
.
1 : Le recours contre lavis du mdecin du travail
I. Champ dapplication
512. La rnovation de la contestation se peroit avant tout au stade de la
possibilit dexercer un recours contre les avis du mdecin du travail. Sont ainsi rnoves les
critres personnel (A), matriel (B) et temporel (C).
A. Ratione personae
513. En cas de difficult ou de dsaccord, lemployeur ou le salari peut exercer
un recours devant linspecteur du travail qui prend sa dcision aprs avis du mdecin
inspecteur du travail
772
. Le champ personnel du recours prvu larticle L. 4624-1 du Code
du travail sarticule donc autour de deux axes complmentaires : la personne habilite
former le recours et celle habilite statuer.
1. Personnes habilites former le recours
514. Le salari. Un salari qui conteste une proposition faite son gard par le
mdecin du travail, peut, en se fondant sur les dispositions de larticle L. 4624-1 du Code du
travail, saisir linspecteur du travail
773
. Ce recours est ouvert tout salari, peu important quil
soit ou non en priode dessai. Linspecteur du travail peut donc tre saisi par un salari qui a
fait lobjet dun avis dinaptitude par le mdecin du travail lors de sa visite mdicale
770
C. trav., art. L. 4624-1.
771
H. Gosselin, Rapport pour le ministre charg du Travail, Aptitude et inaptitude mdicale au travail :
diagnostic et perspectives, janvier 2007.
772
C. trav., art. L. 4624-1. al 3.
773
CE 27 juillet 1984 : Juri-social 1984, F96.
166
dembauche
774
. Enfin, le salari na pas lobligation dinformer lemployeur de lexercice de
ce recours
775
.
515. Lemployeur. Aux termes des dispositions de larticle L. 4624-1 du Code
du travail, lemployeur, en tant que personne ayant intrt agir, peut former le recours
devant linspecteur du travail. Quil sagisse de ce dernier ou du salari, la saisine de
linspecteur du travail est facultative. Aussi, le salari licenci ne peut reprocher
lemployeur de ne pas avoir saisi cet organe administratif
776
. Dans lhypothse o ni
lemployeur ni le salari ne conteste lavis du mdecin du travail, ce dernier simpose aux
parties
777
.
2. Personne habilite statuer sur le recours
516. Comptence exclusive de linspecteur du travail. De cette disposition
lgale, la jurisprudence a offert une apprciation ad litteram : la contestation de lavis du
mdecin du travail ne peut tre ralise que devant linspecteur du travail
778
. La consquence
est vidente : le juge judiciaire ne peut se prononcer sur le bien-fond de lavis du mdecin du
travail
779
. Il ne peut non plus tre ordonn, en cas de dsaccord entre lemployeur et le salari,
une expertise mdicale judiciaire aux fins de contrler le bien-fond de lavis du mdecin du
travail
780
.
517. Notion dentreprise. Linspecteur du travail comptent est celui dont relve
lentreprise
781
et non ltablissement. Auparavant, la jurisprudence considrait que
linspecteur comptent tait celui de la section dinspection dans le ressort de laquelle le
salari ayant form le recours exerait ses fonctions
782
. Aujourdhui, le choix de lentreprise
renvoie au lieu du sige social de la personne morale, ce qui risque dengendrer certaines
difficults pour dterminer linspecteur du travail comptent. En toute hypothse, linspecteur
774
CE 17 juin 2009 n 314729, St Le crdit lyonnais.
775
Cass. soc. 3 fvrier 2010, n08-44455. Bull. Civ. V. n35.
776
Cass. soc. 27 fvrier 1991, n 87-44.033. Indit.
777
Cass. soc. 16 septembre 2009, n 08-42.212. Bull. Civ. V. n 185.
778
Cass. soc. 2 fvrier 1994, n 88-42.711. Bull. Civ. V. n 43.
779
Cass. soc. 12 mars 1987 n 85-16.121. Bull. Civ. V. n 165 p. 105.
780
Cass. soc. 12 mars 1988, n86-16.121, Bull. Civ. I. n148 p. 102.
781
C. trav., art. R. 4624-35.
782
CAA Paris, 11 mars 2010, Min. travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarit et de la ville c/
Assoc. mdicale Kleber.
167
du travail saisi mais incomptent a lobligation de transmettre la demande lagent
comptent
783
.
B. Ratione materiae
518. Nature de lacte. La contestation forme devant linspecteur du travail peut
porter tant sur lavis daptitude ou dinaptitude que sur les propositions de mesures
individuelles pouvant accompagner celui-ci. Sue le premier point, louverture du recours est
dsormais consacre par le pouvoir rglementaire puisqua t intgre au Code du travail une
sous-section nomme contestation des avis mdicaux daptitude ou dinaptitude .
Ladministration a dailleurs prcis que le recours est ouvert peu important lorigine
professionnelle ou non de ltat de sant du salari
784
. Sur le second point, le fondement est
lgal puisque larticle L. 4624-1 du Code du travail traite des propositions de mesures
individuelles mises par le mdecin du travail.
C. Ratione temporis
519. Hier : la complexit. Auparavant, le recours devant linspecteur du travail
tait ouvert indfiniment. Ce principe tait dailleurs rcemment rappel dans un arrt du
Conseil dEtat en date du 27 juin 2011
785
. Lavis du mdecin du travail pouvant tre contest
plusieurs annes aprs sa ralisation, de multiples difficults apparaissaient. Dune part, le
contrle opr par linspecteur du travail pouvait savrer impossible dans la mesure o
lintress devait se prononcer en fonction des considrations de fait et de droit existant au
moment o il statuait
786
. Dautre part, en cas dannulation dun avis dinaptitude, cette mesure
rtroagit la date de la dcision du mdecin du travail et permet au salari, dans lhypothse
o son licenciement a dj t prononc, de demander la requalification de ce dernier en
licenciement sans cause relle et srieuse voire nul.
520. Aujourdhui : la scurit. A compter du 1
er
juillet 2012, le recours contre
la dcision du mdecin du travail est enferm dans un dlai de deux mois
787
. Cet encadrement
ratione temporis a t salu par de nombreux praticiens en ce quil scurise le rle de chacun.
Pour assurer les droits des personnes susceptibles dexercer ce recours, lavis mdical
783
T. Kapp, La contestation des avis du mdecin du travail encadre : JCP S n12, 20 mars 2012, n1117.
784
Circ. DRT 93-11 du 17 mars 1993 n III-3-1-3, a.
785
CE, 27 juin 2011, n334834.
786
T. Kapp, La contestation des avis du mdecin du travail encadre, JCP S n12 20 mars 2012 n1117.
787
C. trav., art. R. 4624-35.
168
daptitude ou dinaptitude doit mentionner les dlais de recours
788
. Les termes employs par le
pouvoir rglementaire ne mentionnent que les avis daptitude ou dinaptitude. Quid des
propositions de mesures individuelles mises par le mdecin du travail au titre de larticle L.
4624-1 du Code du travail ? notre sens, une lecture tlologique des textes doit primer :
puisque ces propositions sont aussi concernes par le champ dapplication de ce nouveau dlai
de recours, celles-ci doivent respecter larticle R. 4624-34 du Code du travail.
Un lment de taille est nanmoins pass sous silence : le point de dpart du dlai. En
principe, cest partir de la date de notification de la dcision du mdecin du travail que le
dlai commencera courir. Pour le salari, la remise dun exemplaire de la fiche mdicale est
faite en main propre lissue de la visite mdicale. Pour lemployeur, il est question de
transmission dun exemple de cette fiche mdicale
789
. En pratique, la transmission est faite
par courrier. En dautres termes, le point de dpart du dlai fluctuera en fonction de la
personne ayant agi contre la dcision du mdecin du travail.
II. Action de linspecteur du travail
A. En amont
521. Lexistence dun dsaccord ou dune difficult. Linspecteur du travail ne
peut intervenir quen prsence dune difficult ou dun dsaccord sur lavis du mdecin du
travail portant sur linaptitude physique du salari son poste de travail antrieur, son aptitude
physique au poste de reclassement propos, la ncessit dune adaptation des conditions des
conditions de travail ou dune radaptation du salari
790
. Aussi, il nappartient pas
linspecteur du travail dapprcier lincidence de ltat de sant du salari sur le contrat de
travail lui-mme ou sur les conditions dans lesquelles son excution devrait thoriquement se
poursuivre
791
.
522. Confirmation. La ncessaire existence dune difficult ou dun dsaccord a
t implicitement consacre par le pouvoir rglementaire qui impose dornavant la personne
formant le recours dnoncer les motifs de la contestation
792
. De cette nonciation linspecteur
du travail dclera lexistence ou non dune difficult ou dun dsaccord.
788
C. trav., art. R. 4624-34.
789
C. trav., art. R. 4624-47.
790
Cass. soc. 28 juin 2006, n 04-45.600. Bull. Civ. V. n 234. p. 224.
791
CAA Paris 20 novembre 1997, n 96-592.
792
C. trav., art. R. 4624-35.
169
B. En aval
523. Un pouvoir propreet contest. En cas de dsaccord ou de difficult, il
appartient linspecteur du travail de se prononcer lui-mme sur laptitude dun salari tenir
son poste de travail sans pouvoir se contenter dannuler les propositions du mdecin du travail
et de lui enjoindre den formuler de nouvelles
793
. Cest cette comptence tendue en matire
mdicale qui a fait lobjet de critiques provenant de professionnels de la sant, estimant que
linspecteur du travail na pas les comptences requises pour dterminer si le salari est apte
ou non
794
.
524. Date deffet de la dcision. La dcision de linspecteur du travail, quelle
soit confirmative ou infirmative, est considre comme effective ds la date laquelle lavis
du mdecin du travail a t mis
795
. Une telle position a des consquences majeures sur les
relations entretenues entre lemployeur et le salari inapte. Ainsi, lorsque linspecteur du
travail infirme un avis dinaptitude mis par le mdecin du travail, une alternative apparait : si
le salari avait t affect un autre emploi du fait de la dclaration dinaptitude, il doit tre
rintgr dans ses fonctions dorigine
796
. Si le salari avait t licenci pour inaptitude
physique et impossibilit de reclassement, ce licenciement est priv de cause relle et
srieuse
797
. Cette dernire situation tant particulirement prjudiciable lemployeur, ce
dernier a tout intrt, lorsquil a connaissance du recours
798
, attendre la dcision de
linspecteur du travail pour faire son choix. Encore faut-il que la dcision prise par
linspecteur du travail ne fasse pas elle-mme lobjet dun recours
2 : Les recours contre lavis de linspecteur du travail
525. Contentieux administratif. Les recours contre lavis de linspecteur du
travail rpondent aux rgles prvues en matire de contentieux administratif. Apparaissent
donc deux modalits de contestation : la voie non contentieuse(I) et la voie contentieuse (II).
793
CE 27 septembre 2006, n 275845.
794
Voir par. n511 et s.
795
CE 16 avril 2010, n 326553.
796
Cass. soc. 28 janvier 2010, n08-42.702. Indit.
797
Cass. soc. 26 novembre 2008, n07-43598. Bull. Civ. V, n 233.
798
En effet, lemployeur na pas ncessairement connaissance du recours form contre la dcision du mdecin du
travail dans la mesure o le salari nest pas tenu de len informer.
170
I. La voie non contentieuse
526. Principe gnral du droit. Larticle R. 4624-36 du Code du travail dispose
que la dcision de linspecteur du travail peut tre conteste dans un dlai de deux mois
devant le ministre charg du travail. Bien quune prcision soit utile, son inexistence naurait
eu aucune consquence puisquil sagit dun recours reconnu au titre des principes gnraux
du droit par la jurisprudence administrative
799
. Au surplus, aucun lment ne semble aller
lencontre de la possibilit de former un recours gracieux devant linspecteur du travail.
II. La voie contentieuse
527. Principe gnral du droit. Nonobstant le fait que le pouvoir rglementaire
ne le prvoit pas, le recours contentieux, se traduisant au cas particulier par un recours en
excs de pouvoir, est envisageable. Ici encore, il sagit dun principe gnral du droit
800
. Le
recours contentieux peut-il tre form par lemployeur ou le salari avant mme lintroduction
du recours hirarchique ? Dans lhypothse o le recours administratif non contentieux nest
pas obligatoire, le recours contentieux peut tre form sans exercice pralable du premier. Or,
les dispositions de larticle R. 4624-36 ne confrent aucun caractre obligatoire au recours
hirarchique. Aussi, il semble que lemployeur et le salari intress ont la facult
doutrepasser le recours hirarchique pour envisager la voie contentieuse
801
.
528. Avenir. Il faut se fliciter de linstauration dun encadrement des recours
contre les dcisions du mdecin du travail, dont la principale consquence est la
scurisation des relations de travail. Le dlai de deux mois (fix laune du Droit
administratif commun), coupl dune obligation dinformation sur lavis du mdecin du
travail, offre des garanties pour le salari comme lemployeur. Ce tableau idyllique soufrera-t-
il deffets pervers ? Certains professionnels mentionnent le risque dune inflation du
contentieux due lobligation dinformation. A notre sens, cette crainte doit tre tempre par
le fait que les parties susceptibles dagir nont pas besoin dune mention porte sur lavis du
mdecin du travail pour savoir quelles disposent de voies de recours, la question de
linaptitude tant suffisamment politise pour que les organisations patronales et salariales
renseignent ceux-ci sur les moyens de saffronter.
799
CE, 30 juin 1950, Queralt. Rec. Lebon. p. 413.
800
CE, 17 fvrier 1950, Ministre de l'Agriculture c/ Mme Lamotte. Rec. Lebon. p. 110.
801
T. Kapp, La contestation des avis du mdecin du travail encadre, JCP S n12 20 mars 2012 n1117.
171
Conclusion
529. Hier : naissance et aptitude. Historiquement, la mdecine du travail est
centre sur laction individuelle, c'est--dire sur la surveillance mdicale des salaris. Ce
choix, fruit de lHistoire (la fin de la seconde guerre mondiale), avait pour but de limiter les
maladies contagieuses et dassurer une prise en charge minimale et gnralise de la sant. Ce
modle a conduit, au fil des annes, faire de la notion de la surveillance mdicale la pierre
angulaire de la mdecine du travail.
530. Aujourdhui : pnurie et prise de conscience. Depuis plusieurs annes, le
lgislateur a entam plusieurs rformes du droit de la surveillance mdicale au prisme de la
pnurie croissante de mdecins du travail. La France a fait le choix dun affaiblissement de la
surveillance mdicale au profit de laction collective (action sur le lieu de travail). Cette
tendance se matrialise notamment par la modification de la priodicit des visites mdicales -
modification rimant avec rduction - ainsi que loptimisation de chacune dentre elles
802
.
Nanmoins, la pnurie de professionnels ne doit pas justifier le dmantlement du droit du
salari la protection de sant
803
. Le Droit ne doit pas exclusivement tre le fruit de
contingences factuelles. Il sagit aussi et surtout de la vision qua une Nation delle-mme et,
au cas particulier, de la sant de ses citoyens
804
.
531. Demain : quelle place pour laction en milieu de travail ? A notre sens, la
survie voire la renaissance de la mdecine du travail suppose un subtil quilibre entre la
surveillance mdicale des salaris et laction sur le milieu de travail. Le systme actuel
favorisant la premire, la seconde doit tre intensifie.
802
V. en ce sens la conscration de la visite mdicale de prreprise ou encore la nouvelle finalit de la visite
mdicale dembauche.
803
V. en ce sens la faible surveillance mdicale des travailleurs saisonniers ou lextinction de la SMR en faveur
des jeunes mres.
804
Au regard de lalina 11 du prambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la Nation garantit tous,
notamment lenfant, la mre et aux vieux travailleurs, la protection de la sant.
172
Chapitre 2 Laction en milieu de travail
Introduction
532. Dfinition. Laction sur le milieu de travail se dfinit comme la prparation,
la ralisation et les suites immdiates dune intervention du mdecin du travail au bnfice
dune entreprise ou de plusieurs entreprises, pralablement identifies
805
. Plus prcisment,
lintress mne ou propose des actions de prvention, de correction ou damlioration des
conditions de travail.
533. Pluridisciplinarit. Avant la rforme du 20 juillet 2011, ladministration
prcisait que laction en milieu de travail la charge du mdecin du travail pouvait
sorganiser dans le cadre dune collaboration pluridisciplinaire
806
. Dsormais, sagissant
des services de sant au travail interentreprises, les actions sur le milieu de travail sinscrivent
obligatoirement dans un cadre pluridisciplinaire
807
.
534. Entre dlimitation et libert. Il nexiste pas de prsentation exhaustive de
laction en milieu de travail du mdecin du travail. Lusage de ladverbe notamment
larticle R. 4624-1 du Code du travail dmontre la volont de mettre en avant les principales
caractristiques de son action, tout en lui accordant une marge de manuvre
808
. Il en dcoule
une distinction entre les missions (Section 1) et les moyens (Section 2) du mdecin du travail.
805
Circ. DRT. n03 du 7 avril 2005.
806
Circ. DRT. n01 du 13 janvier 2004.
807
C. trav., art. R. 4624-1.
808
Conformment larticle R. 4624-1 du Code du travail, les missions du mdecin du travail comprennent
notamment : 1 La visite des lieux de travail ; 2 L'tude de postes en vue de l'amlioration des conditions de
travail, de leur adaptation dans certaines situations ou du maintien dans l'emploi ; 3 L'identification et
l'analyse des risques professionnels ; 4 L'laboration et la mise jour de la fiche d'entreprise ; 5 La
dlivrance de conseils en matire d'organisation des secours et des services d'urgence ; 6 La participation aux
runions du comit d'hygine, de scurit et des conditions de travail ; 7 La ralisation de mesures
mtrologiques ; 8 L'animation de campagnes d'information et de sensibilisation aux questions de sant
publique en rapport avec l'activit professionnelle ; 9 Les enqutes pidmiologiques ; 10 La formation aux
risques spcifiques ; 11 L'tude de toute nouvelle technique de production ; 12 L'laboration des actions de
formation la scurit prvues l'article L. 4141-2 et celle des secouristes.
173
Section 1 Les missions
535. Diptyque : conseil et proposition. Laction en milieu de travail est duale :
elle intgre le conseil, facette historique et partiellement renouvele (Sous-section 1), et le
pouvoir de proposition, facette juvnile en qute daffirmation (Sous-section 2).
536. Missions connexes. En dehors de ce diptyque, le mdecin du travail mne
des activits connexes propres son activit. Avant que la notion soit vince, ces activits
taient prises en compte dans sa charge de travail
809
. Il sagit dabord dactions relatives au
fonctionnement du service de sant au travail : participation aux travaux du conseil
dadministration du service de sant, la veille sanitaire, aux runions internes au service ou
encore au tutorat des mdecins en formation. Il sagit aussi dactions rgissant les relations du
service de sant au travail avec des agents extrieurs : participation au programme de sant
publique dans le domaine de la prvention des risques professionnels
810
ou aux runions
ralises dans le cadre dorganismes externes. Si ces missions ne seront pas approfondies, leur
vocation est primordiale en ce quelle permet dores et dj dillustrer un lment factuel de
taille : la mission du mdecin du travail tant plthorique, son temps savre de plus en plus
prcieux.
Sous-section 1 Le conseil
Introduction De la surveillance mdicale au conseil
537. Prvention primaire. Le conseil constitue le cur de laction sur le milieu
de travail. Cette mission, dont bnficie aussi bien lemployeur, les reprsentants du personnel
que les services sociaux
811
, constitue un complment indispensable la surveillance mdicale.
Puisque laction est collective, elle savre plus prventive : on parle de prvention primaire.
538. Les deux piliers. La mission de conseil repose sur deux piliers intensit
variable. Le premier pilier, le plus solide, est la consultation (1). Le deuxime pilier, bien
que rsiduel, se rapproche du pouvoir de dcision. Il sagit de la participation (2).
809
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
810
C. sant. publ., L. 1411-8.
811
C. trav., art. R. 4623-1.
174
1 : La consultation
539. Voie privilgie. La consultation du mdecin du travail sur des questions
relevant de sa comptence constitue la voie privilgie par le lgislateur pour concrtiser la
mission de conseil de ce dernier (I). La loi du 20 juillet 2011 entrine cette position en offrant
une nouvelle comptence au mdecin du travail : la formulation de prconisations (II).
I. Les consultations classiques
540. Multiplicit. Les consultations classiques du mdecin du travail se
caractrisent par leur multiplicit et leur dispersion dans le Code du travail. Fille du droit
civil, la loi sociale fait merger deux catgories : les consultations propres aux locaux et
matriaux de travail (A) et celles propres aux travailleurs (B).
A. Les biens
541. Laction du mdecin du travail englobant lensemble des lments ayant des
incidences sur la sant et la scurit des travailleurs, lintress dispose dun pouvoir de
consultation tant pour les biens immeubles (1) que pour les biens meubles (2).
1. Biens immeubles
542. La consultation du mdecin du travail permet de conseiller soit lemployeur
(a), soit linspecteur du travail (b).
a. Conseil de lemployeur
543. Le mdecin du travail dispose dun pouvoir consultatif sur un ensemble de
questions intressant les locaux de lentreprise sur lesquelles lemployeur est tenu de recueillir
son avis. Sont vises les mesures prendre pour entretenir et nettoyer les locaux de travail (et
leurs annexes)
812
, protger les salaris contre le froid et les intempries
813
, identifier les postes
de travail concerns par la mise disposition dune boisson non alcoolise
814
ou encore
lorganisation et lamnagement des locaux destins assurer la protection des salaris non-
812
C. trav., art. R. 4224-18.
813
C. trav., art. R. 4223-15.
814
C. trav., art. R. 4225-3. a1 1 et 2.
175
fumeurs
815
. Dans cette dernire situation, lorsque de tels locaux sont installs, la consultation
du mdecin du travail doit tre renouvele tous les deux ans
816
.
b. Conseil de linspecteur du travail
544. Lavis du mdecin du travail peut aussi tre recueilli dans le cadre dune
autorisation pralable de linspecteur du travail, pour des mesures intressant la sant et la
scurit des travailleurs. Linspecteur du travail prendra ainsi sa dcision laune de lavis du
mdecin du travail dans deux hypothses.
545. Restauration. De faon drogatoire, lemployeur peut amnager
lemplacement de restauration des salaris dans des locaux affects au travail sous rserve du
respect de deux conditions : lactivit de ces locaux ne doit pas comporter lemploi de
substances ou prparations dangereuses et lemployeur doit recueillir lautorisation de
linspecteur du travail aprs avis du mdecin du travail
817
.
546. Sanitaires. Par drogation aux rgles relatives lamnagement des
vestiaires collectifs, lavabos et douches
818
, lemployeur peut demander linspecteur du
travail de le dispenser de certaines de ses obligations
819
. Ici encore, linspecteur du travail
prend sa dcision aprs avis du mdecin du travail et du CHSCT
820
.
2. Biens meubles
547. Triptyque. Concernant les biens meubles ncessaires la protection de la
sant et la scurit des travailleurs, coexistent trois situations dans lesquelles le mdecin du
travail formule un avis : le choix des protecteurs auditifs individuels des salaris
821
, la liste du
matriel ncessaire aux premiers soins et les consignes observer en labsence de service
infirmier
822
ainsi que les dispositions prises pour la ventilation des locaux de travail
823
.
815
C. sant. publ., R. 3511-5. al 1.
816
C. sant. publ., R. 3511-5. al 3.
817
C. trav., art. R. 4228-23. al 2.
818
C. trav., art. R 4228-1 R 4228-15.
819
C. trav., art. R. 4228-16.
820
C. trav., art. R. 4228-18.
821
C. trav., art. R. 4434-8.
822
Arr. du 12 janvier 1984 art. 5.
823
C. trav., art. R. 4222-21.
176
B. Les personnes
548. La consultation du mdecin du travail en raison de la situation du travailleur
rpond aussi la dichotomie opre entre conseil de lemployeur (1) et de linspecteur du
travail (2). A titre rsiduel, une catgorie ad hoc de conseil est relever (3).
1. Conseil de lemployeur
549. Le mdecin du travail, via la consultation, conseille lemployeur en matire
de formation renforce la scurit (a), de salaris blesss (b) et de travail de nuit (c).
a. La formation renforce la scurit
550. Scurisation. Les salaris sous contrat dure dtermine, sous contrat de
travail temporaire et les stagiaires, lorsquils sont affects des postes de travail prsentant
des risques particuliers pour leur sant ou leur scurit, bnficient dune formation renforce
la scurit
824
. La liste de ces postes de travail est tablie par lemployeur aprs avis du
mdecin du travail et du CHSCT (ou dfaut des dlgus du personnel)
825
. Comme en
matire de surveillance mdicale renforce
826
, lemployeur est responsable de la
dtermination des postes de travail concerns par cette formation. Aussi, lexpertise du
mdecin du travail constitue un garde-fou mdical prvenant ou du moins limitant une
ventuelle omission de lemployeur.
b. Les salaris blesss
551. Rentrainement et rducation. Tout tablissement ou groupe
d'tablissements appartenant une mme activit professionnelle de plus de cinq mille
salaris assure, aprs avis mdical, le rentranement au travail et la rducation
professionnelle de ses salaris malades et blesss
827
. Cette obligation est dissocie de lavis
dinaptitude rendu par le mdecin du travail : la dclaration d'inaptitude dfinitive du salari
son poste antrieur ne permet donc pas l'employeur de se librer de lobligation prvue
l'article L 5213-5 du Code du travail ds lors que cette obligation a pour but de permettre au
824
C. trav., art. L 4154-2. al 1.
825
C. trav., art. L 4154-2. al 2.
826
V. par. n388 et s.
827
C. trav., L. 5213-5. al 1.
177
salari d'accder un autre poste de travail
828
. Le mdecin du travail, comme le CHSCT, est
consult sur les moyens les mieux adapts aux conditions dexploitation et la nature des
activits professionnelles pour optimiser cette rhabilitation
829
.
c. Le travail de nuit
552. Principe. Le mdecin du travail est consult avant toute dcision importante
relative la mise en place ou la modification de lorganisation du travail de nuit
830
.
Quentend-on par modification importante ? Au regard de limpact du travail de nuit sur la
sant et la vie personnelle du travailleur
831
, la notion doit tre apprcie largement.
553. Application. Pour formuler son avis, le mdecin du travail analyse les
consquences du travail nocturne lorsque des quipes fonctionnant en alternance comportent
un poste de nuit. Pour ce faire, il procde, durant lexcution par les salaris de leur travail de
nuit, ltude des conditions de travail et du poste de travail. Il analyse ensuite pour chaque
travailleur le contenu du poste et ses contraintes. Via ces lments, lintress conseille
lemployeur sur les meilleures modalits dorganisation du travail en fonction du type
dactivit des travailleurs
832
. Le mdecin du travail informe en outre les travailleurs de nuit
en particulier les femmes enceintes et les travailleurs vieillissants - des incidences
potentielles du travail de nuit sur la sant, tout en les informant des prcautions quil y a lieu,
le cas chant, de prendre
833
.
2. Conseil de linspection du travail
554. Le mdecin du travail conseille linspecteur du travail en matire de travaux
dangereux raliss par des travailleurs prcaires (a), dutilisation de protecteurs auditifs (b) et
durant lanalyse du document dorganisation (c).
828
Cass. soc. 17 fvrier 2010 n 08-45.476. Indit.
829
C. trav., art. R. 5213-24.
830
C. trav., art. L. 3122-38.
831
V. F. Edouard, Le travail de nuit: impact sur les conditions de travail et de vie des salaris, avis du conseil
conomique, social et environnemental, 2010.
832
C. trav., art. R. 3122-20.
833
C. trav., art. R. 3122-21.
178
a. Travail prcaire et dangereux
555. En principe, il est interdit de conclure un contrat de travail dure
dtermine ou de recourir au travail temporaire pour effectuer certains travaux
particulirement dangereux figurant sur une liste tablie par voie rglementaire
834
. titre
exceptionnel, lautorit administrative peut autoriser lemployeur droger cette
interdiction
835
. La demande formule par lemployeur doit tre accompagne des avis du
mdecin du travail et du CHSCT (ou dfaut des dlgus du personnel)
836
. Au regard de la
complexit de la question, nous estimons que lexpertise mdicale (lavis du mdecin du
travail) a plus dintrt, de facto, que lexpertise reprsentative (lavis du CHSCT).
b. Utilisation de protecteurs auditifs
556. Quand la protection devient danger. Outre le choix des protecteurs
auditifs individuels, leur utilisation peut faire lobjet dune consultation du mdecin du travail
ds lors quelle est susceptible dentrainer un risque plus grand pour la sant ou la scurit
que leur non utilisation. Dans ce cas, lemployeur peut demander linspecteur du travail
daccorder des drogations la lgislation applicable en la matire
837
. Dans sa demande,
lemployeur prcise les lments justifiant une telle drogation et transmet lavis du mdecin
du travail sur la question (comme celui du CHSCT)
838
.
c. Document dorganisation
557. Dans les entreprises et tablissements dots d'un CHSCT, les modalits
d'application de la lgislation relative la mdecine du travail sont dfinies dans un document
sign par l'employeur et le prsident du service de sant au travail interentreprises
839
, aprs
avis du ou des mdecins du travail intervenant dans l'entreprise. Suite cet avis, le document
est soumis au comit d'entreprise ou d'tablissement ou, dfaut, aux dlgus du
personnel
840
. Au regard du contenu de ce document, le mdecin du travail peut notamment
834
C. trav., art. L. 1242-6. 2.
835
C. trav., art. L. 1242-6. al 3.
836
C. trav., art. D. 4154-3.
837
C. trav., art. R. 4437-1.
838
C. trav., art. R. 4437-2.
839
En dautres termes, la production dun document dorganisation suppose que lentreprise ou ltablissement
ait un effectif dau moins cinquante salaris et quelle soit adhrente dun service de sant au travail
interentreprises.
840
C. trav., art. D. 4622-65.
179
donner son avis sur le temps dont il dispose pour remplir ses fonctions (notamment en matire
de tiers temps
841
), le personnel du service de sant au travail (nombre, comptences)
842
ou
encore sur le nombre de salaris surveiller ainsi que les risques professionnels auxquels ils
sont exposs
843
. En cas de contestation par le mdecin du travail
844
sur ce dernier point,
lemployeur doit saisir linspecteur du travail, qui dispose dun dlai dun mois pour faire
connatre ses observations. La signature du document dorganisation ne peut intervenir
quaprs rception des observations de linspecteur ou, dfaut, lexpiration du dlai dun
mois
845
.
3. Conseil des personnes comptentes en matire de sant
558. Cadences de travail. Au-del du conseil de lemployeur et de
ladministration, le mdecin du travail dispose dun pouvoir de consultation mconnu relatif
aux cadences de travail. Il peut tre consult par toute personne qui dtient des responsabilits
en matire de protection de la sant des travailleurs dans lentreprise lorsque les cadences
imposes ne paraissent pas supportables pour lensemble des travailleurs ou certaines
catgories dentre eux
846
. Les termes employs par ladministration traduisent la facult pour
le CHSCT, le CE, les dlgus du personnel voire le responsable de la scurit au sein de
lentreprise de consulter le mdecin du travail. Cette hypothse ad hoc ne fait somme toute
quentriner le principe selon lequel le mdecin du travail est le conseiller des reprsentants
du personnel en ce qui concerne notamment ladaptation des postes, des techniques et des
rythmes de travail la physiologie humaine
847
.
II. La consultation nouvelle
559. Les prconisations. La loi du 20 juillet 2011 offre un nouveau mode de
consultation du mdecin du travail, linitiative de lemployeur, sous le terme de
prconisation . Elle se distingue des consultations dites classiques deux titres : elle est
841
V. par. n621 et s.
842
Cette consultation acquiert dautant plus de force lorsquon sait que le mdecin du travail a dsormais la
charge dune quipe pluridisciplinaire de sant au travail.
843
C. trav., art. D. 4622-66.
844
Ou de toute autre instance consulte sur le sujet.
845
C. trav., art. D. 4622-69.
846
Rp. Deniau 21 octobre 1971 : JOAN p. 4709 n19547.
847
C. trav., art. R. 4623-1. 2.
180
facultative et caractre gnral. Son exercice suppose le respect dune chronologie deux
temps : lemployeur saisit le mdecin du travail (A), qui rpond (B).
A. La saisine par lemployeur
560. Comptence gnrale. Le mdecin du travail doit rpondre lemployeur
ds lors que ce dernier lui adresse une question relevant des missions qui lui sont dvolues en
application de larticle L. 4622-3 du Code du travail
848
. Pour rappel, cet article prcise que
le rle du mdecin du travail est exclusivement prventif. Il consiste viter toute altration
de la sant des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions
d'hygine au travail, les risques de contagion et leur tat de sant . Autrement dit, la
prconisation du mdecin du travail nest pas encadre dans sa matrialit : toute question
relative la sant et la scurit des travailleurs peut fait lobjet dune prconisation. Le but
de cette nouvelle prrogative est dajouter une nouvelle dimension laction de conseil du
mdecin du travail, qui, outre son rle consultatif sur des points dtermins, est dsormais
somm de rpondre toute interrogation de lemployeur.
B. La rponse du mdecin du travail
561. Rponse crite. Lorsque le mdecin du travail est saisi par lemployeur, il
doit faire connatre ses prconisations par crit
849
. Cette obligation peut avoir des
consquences en cas dengagement de la responsabilit de lemployeur ou du mdecin du
travail.
562. Refus du mdecin du travail. Aucune prcision nest donne sur les
consquences dun refus par le mdecin du travail dtablir une prconisation. Dans une telle
hypothse, lemployeur doit tre prudent : il convient de demander les raisons de ce refus au
mdecin du travail pour ensuite envisager une ventuelle mesure disciplinaire
850
. Celle-ci
pourra dailleurs faire lobjet dune gradation en fonction de limportance de la question
soumise au mdecin du travail, ainsi que des ventuelles consquences de ce refus sur la sant
des travailleurs.
848
C. trav., art. L. 4624-3. al 3.
849
Ibid.
850
Cass. soc. 26 fvrier 2002, n00-40.722. Indit.
181
Conclusion
563. Duo de consultations. La consultation, mission privilgie du mdecin du
travail, a t partiellement transforme par la rforme du 20 juillet 2011. Deux branches
coexistent : la consultation dite classique, qui rvle une multitude de missions portant sur des
points prcis, et la consultation dite nouvelle, dont les contours et enjeux ne sont pas encore
connus. Encore faut-il que le mdecin du travail dispose du temps ncessaire son exercice
564. Concours de consultations. La consultation du mdecin du travail est
associe celle du CHSCT voire concurrence par elle. En effet, les comptences classiques
font systmatiquement rfrence lavis de ces deux acteurs. La comptence nouvelle, qui ne
fait mention que de la consultation du mdecin du travail, nempche pas la consultation du
CHSCT sur toute question relevant de sa comptence
851
. Nous sommes donc en prsence de
consultation technocratique
852
(le mdecin du travail) et reprsentative (le CHSCT).
Lascension du CHSCT cache indniablement le mdecin du travail, qui peine et peinera
encore saffirmer. Ce constat est regrettable en ce que le mdecin, fin connaisseur de
lentreprise et de ses salaris, a un rle primordial jouer dans la protection de la sant de ces
derniers. Ce propos acquiert dautant plus de force lorsquil est apprci laune des intrts
de lemployeur : le CHSCT peut dans certaines situations recourir un expert
853
. Lquipe
pluridisciplinaire de sant au travail nest-elle pas tout aussi comptente voire plus
comptente en la matire? Nous arrterons le dbat ce stade, lternelle question du choix de
la comptence (lquipe pluridisciplinaire de sant au travail) face la reprsentation (le
CHSCT) tant trop sensible. Une conciliation des deux semble possible : elle passe
notamment par un renforcement de la participation du mdecin du travail la prise de
dcision.
2 : La participation
565. Au sein du conseil, les voies de linformation et de la consultation sont
indispensables. La participation savre fondamentale, voire lune des clefs de la survie de la
mdecine du travail. Elle permet, en pratique, dintgrer le mdecin du travail au processus
dcisionnel de lentreprise, titre individuel (I) ou collectif (II).
851
C. trav., art. L. 4612-13.
852
Au sens littral du terme.
853
C. trav., art. L. 4614-12.
182
I. La participation individuelle
566. Plus Ultra. Le mdecin du travail est associ ltude de toute nouvelle
technique de production
854
ainsi qu llaboration des actions de formation la scurit et
la dtermination du contenu de linformation dispense ce titre
855
. Au-del de ces
hypothses numres par la loi, la formulation extensive des missions du mdecin du travail
prvues larticle R. 4624-1 du Code du travail laisse place la facult reconnue
lemployeur de faire participer ce dernier dautres vnements touchant lentreprise.
II. La participation collective
567. Lassociation collective se dfinit comme la participation du mdecin du
travail au processus de dcision dorganes spcialiss dans la sant et la scurit des
travailleurs (A) et de certains organes dcisionnels comptence plus gnrale (B).
A. Organes comptents en matire de sant et de scurit des travailleurs
568. Si le CHSCT constitue le principal organe au sein duquel le mdecin du
travail participe au processus dcisionnel (1), une autre hypothse, quoique rsiduelle, doit
tre mentionne (2).
1. Le CHSCT
569. Voix consultative. Le ou les mdecins du travail chargs de la surveillance
mdicale du personnel assistent avec voix consultative aux sances du CHSCT
856
. Les
entreprises adhrant un service de sant au travail interentreprises doivent faire connaitre
lavance la date de ces runions, afin que le mdecin du travail puisse effectivement y
participer
857
.
854
Si larticle R. 4624-3. ancien du Code du travail a t supprim, il semble que cette prrogative persiste par
lintermdiaire de larticle R. 4624-1 du Code du travail.
855
C. trav., art. R. 4141-6.
856
C. trav., art. L. 4613-2. al 2.
857
Circ. n34, 20 juin 1969 : BOMT, n26/69, Annexe, Titre I.
183
2. Le CISSCT
570. Conditions de constitution. Dans les secteurs du btiment et du gnie civil,
le matre douvrage lobligation de constituer un collge interentreprises de scurit, de sant
et des conditions de travail (CISSCT) lorsque le nombre dentreprises, travailleurs
indpendants et entreprises sous-traitantes inclus, est suprieur dix, sil sagit dune
opration de btiment, ou cinq, sil sagit dune opration de gnie civil, l'effectif des
travailleurs dpassant en outre un volume de 10 000 hommes par jour
858
.
571. Missions. Le CISSCT peut dfinir, notamment sur proposition du
coordonnateur, certaines rgles communes destines assurer le respect des mesures de
scurit et de protection de la sant applicables au chantier et vrifie que l'ensemble des rgles
prescrites - par lui-mme ou le coordonnateur - sont effectivement mises en uvre
859
.
572. Participation des mdecins du travail. Le mdecin du travail peut assister,
titre consultatif, aux runions du CISSCT
860
. En labsence de rgles relatives sur la question,
les mdecins du travail de lensemble des entreprises concernes par louvrage sont habilits
se prsenter aux runions.
B. Autres organes dcisionnels
573. La participation du mdecin du travail aux runions de certains organes
dcisionnels est subordonne au respect de deux conditions.
1. Ratione materiae
574. Un champ large. Lordre du jour de lorgane dcisionnel doit comporter
des questions relatives l'organisation et au fonctionnement des services de sant au travail
ou qui concernent les missions du mdecin du travail telles que dfinies l'article L. 4622-3
du Code du travail
861
. Au vu des termes employs par la loi, le champ matriel est trs tendu.
858
C. trav., art. L. 4532-10; C. trav., art. R. 4532-77. al 1.
859
C. trav., art. L. 4532-13.
860
C. trav., art. R. 4532-79.
861
C. trav., art. R. 4623-16. al 1; C. trav., art. L. 4532-10; C. trav., art. R. 4532-77. al 1.
184
2. Ratione personae
575. Nature de lorgane dcisionnel. Le mdecin du travail ou, en cas de
pluralit de mdecins, le ou les dlgus du mdecin assistent, avec voix consultative, aux
runions de certains organes dcisionnels. Lorsquil relve dun service de sant au travail
autonome, il sagit des runions du comit dentreprise. Lorsquil relve dun service de sant
au travail autonome, il sagit des runions du comit interentreprises ou de la commission de
contrle ainsi que du conseil dadministration du service de sant au travail
862
.
576. Mdecin du travail comptent : lections mdicales . En cas de
pluralit de mdecins du travail, des dlgus doivent tre nomms afin de participer aux
runions. Cette nomination est ralise par le biais dlections la charge soit de lemployeur
(dans les services de sant au travail autonome) soit du prsident du service de sant au travail
interentreprises
863
.
577. Mode dlection. Dans les services autonomes de sant au travail, ces
dlgus sont lus raison d'un titulaire et d'un supplant pour huit mdecins, dans la limite
de quatre titulaires et quatre supplants
864
. Dans les services interentreprises, les dlgus sont
lus raison d'un titulaire et d'un supplant par secteur, dans la limite de quatre titulaires et
quatre supplants
865
. La dure du mandat des dlgus est, quelle que soit la nature du service
de sant au travail, dune dure de trois ans
866
.
Sous-section 2 La proposition
Introduction : du conseil la prise de position
578. Diptyque. En matire de proposition, le mdecin du travail dispose de deux
armes : lune est ancienne et rsiduelle car spcifique une catgorie de travailleurs (1),
lautre est nouvelle et puissante car gnrale (2). Larticle 2 de la loi n2011-867 du 20
juillet 2011 offre ainsi une nouvelle dimension laction du mdecin du travail : au-del du
conseil, lintress propose des mesures lemployeur sur toute question touchant la sant et
862
C. trav., art. R. 4623-16. al 2 et 3.
863
C. trav., art. R. 4623-17. al 4.
864
C. trav., art. R. 4623-17. al 1.
865
C. trav., art. R. 4623-17. al 2.
866
C. trav., art. R. 4623-17. al 3.
185
la scurit des travailleurs
867
. Les dispositions prvues larticle L. 4624-3 II du Code du
travail relatives au pouvoir de prconisation du mdecin du travail sont cartes puisquelles
crent une simple consultation linitiative de lemployeur. La frontire entre conseil et
proposition est franchie.
1 : Les propositions en matire de handicap
579. Les dcrets dapplication de la loi du 20 juillet 2011 ont rnov le pouvoir
de proposition du mdecin du travail en ce qui concerne les travailleurs handicaps (I),
teignant certains droits (II).
I. Droit positif
580. Initiative du mdecin du travail. Lemployeur prend en considration les
avis prsents par le mdecin du travail sur lapplication des dispositions relatives lemploi
des travailleurs handicaps
868
.
581. Obligation de lemployeur. Lorsque lemployeur ne retient pas les
propositions formules par le mdecin du travail, il doit lui faire connatre les motifs sur
lesquels il fonde son refus
869
. En cas de difficult ou de dsaccord, la dcision est prise par
l'inspecteur du travail, aprs avis du mdecin inspecteur du travail
870
.
II. Droits teints ?
582. Le dcret dapplication de la loi du 20 juillet 2011 apporte deux
modifications. Primo, exit les emplois rservs. Secundo, le principe selon lequel le pouvoir
de proposition confr au mdecin du travail ne fait pas obstacle lapplication de larticle L.
4624-1 du Code du travail (relatif au pouvoir de proposition individuel du mdecin du travail)
disparat. Est-ce dire que la proposition collective teint la proposition individuelle ? A
contrario, sagit-il dun simple rafraichissement des textes, la formulation des deux types de
propositions tant, par essence, possible ? En labsence de disposition fermant lapplication
dune des voies, la deuxime position semble primer. Larticle R. 4624-6 du Code du travail
867
C. trav., art. L. 4624-3.
868
C. trav., art. R. 4624-6. al 1.
869
Ibid.
870
C. trav., art. R. 4624-6. al 2.
186
reste en toute hypothse isol, circonscrit. Larticle L. 4624-3 I du Code du travail va plus
loin : il est imprialiste.
2 : Les propositions vocation gnrale
583. Le prisme europen : la prvention primaire. Le nouvel article L. 4624-3
I du Code du travail, en offrant au mdecin du travail la possibilit certes conditionne de
proposer des mesures visant prserver la sant des travailleurs, privilgie la prvention
primaire
871
. Cette ambition, rcurrente dans la rforme du 20 juillet 2011, est le fruit,
presque trop mr, de la directive europenne du 12 juin 1989 concernant la mise en uvre des
mesures visant promouvoir lamlioration de la sant et de la scurit des travailleurs au
travail. Il en rsulte un rgime juridique favorisant le dialogue entre lemployeur et le mdecin
du travail (I) et engendrant des consquences majeures pour les deux acteurs (II).
I. Rgime juridique
584. Chronologie. Larticle L. 4624-3 I du Code du travail renferme deux
tapes : la proposition effectue par le mdecin du travail (A), puis la rponse de lemployeur
cette proposition (B).
A. La proposition du mdecin du travail
585. Lorsque le mdecin du travail constate la prsence dun risque pour la sant
des travailleurs, il propose par un crit motiv et circonstanci des mesures visant la
prserver
872
. De ce principe dcoule deux interrogations relatives la notion de risque (A) et
celle dcrit (B).
1. La notion de risque
586. Notion large. Le pouvoir de proposition est ouvert ds lors quun risque
pour la sant des travailleurs est dcel. De prime abord, lapprciation du risque relve de
la seule apprciation du mdecin du travail. Ensuite, labsence de caractre grave ou imminent
dmontre lintention du lgislateur : largir de faon significative les voies daction du
mdecin du travail, au-del dune simple participation. A notre sens, la jurisprudence,
871
M. Roussel, Les nouveaux visages de la mdecine du travail : RDT avril 2012, p. 202.
872
C. trav., art. L. 4624-3. al 1.
187
soucieuse de la prservation de la sant des travailleurs, offrira une lecture exgtique de la
notion de risque dans le but doffrir au mdecin du travail ainsi qu son quipe toute latitude.
2. La notion dcrit
587. Motivation. Bien que la loi offre une comptence gnrale au mdecin du
travail, elle prend soin dencadrer subtilement son usage : lcrit ralis par le mdecin du
travail doit tre motiv et circonstanci
873
. Lobjectif de cette prcision est de permettre
lemployeur, rcepteur de la proposition, de comprendre les attentes du mdecin du travail
mais aussi de percevoir un ventuel abus par ce dernier de ses prrogatives. En effet, une
proposition dnue de toute motivation parait inutile voire contreproductive.
B. La rponse de lemployeur
588. Motivation. Lorsque le mdecin du travail a formul une proposition
lemployeur, ce dernier doit la prendre en considration et, en cas de refus, faire connatre par
crit les motifs sopposant ce quil y soit donn suite
874
. Ici encore, lobligation de
justification prvaut. Certains auteurs prcisent juste titre quune lecture tlologique du
texte impliquerait que le pouvoir de proposition du mdecin du travail soit peru non pas
comme un droit ou une facult mais bien comme une obligation la charge de lemployeur
875
.
589. Refus et contestation. La loi ne prcise ni les consquences dun refus par
lemployeur de suivre les propositions du mdecin du travail, ni la possibilit de contester la
proposition de ce dernier. Sur la premire question, le silence est volontaire : les
parlementaires ont estim quaucune sanction ad hoc ntait ncessaire, lobligation de
scurit de rsultat la charge de lemployeur se suffisant elle-mme. Sur la seconde
question, le silence est plus gnant. Une lecture comparative simpose : les termes employs
par les articles L. 4624-3 et L. 4624-1 I du Code du travail sont identiques
876
. Lapplication de
lalina 3 de larticle L. 4624-1 du Code du travail semble donc envisageable, voire vidente :
les propositions formules titre collectif par le mdecin du travail pourraient ainsi tre
873
Ibid.
874
C. trav., art. L. 4624-3. al 2.
875
M. Caron, P-Y Verkindt, La rforme de la mdecine du travail nest plus (tout fait) un serpent de mer... :
JCP S n39, 27 septembre 2011. p. 14.
876
A titre de rappel, larticle L. 4624-1 alina 2 du Code du travail dispose que lemployeur est tenu de prendre
en considration ces propositions et, en cas de refus,, faire connatre les motifs qui sopposent ce quil y soit
donn suite .
188
contestes par lemployeur devant linspecteur du travail. Reste savoir si un salari aurait la
facult de contester la proposition mise par le mdecin du travail. A notre sens, la mesure
tant par nature collective, seul lemployeur ou une organisation syndicale serait habilit en
contester le contenu.
II. Consquences juridiques
590. Au-del du dialogue. Les relations qui vont progressivement tre tisses
entre le mdecin du travail et lemployeur sur la base de larticle L. 4624-3 I du Code du
travail vont certainement conduire favoriser un dialogue trop souvent inexistant ou
contreproductif. Au-del de cette consquence factuelle, des consquences juridiques,
centres sur lemployeur (A), closent. Quant au mdecin du travail, des nouveauts
pourraient natre. Son destin est entre ses mains (B).
A. Consquences pour lemployeur
591. Les consquences pour lemployeur sont loin dtre ngligeables : les
lments du dialogue doivent tre conservs(1), ce qui conduit lmergence de risques (2).
1. La conservation du dialogue
592. Memoria. Les propositions et prconisations du mdecin du travail ainsi que
les rponses de lemployeur mentionnes larticle L. 4624-3, I et II du Code du travail sont
tenues, leur demande, la disposition de plusieurs acteurs de la sant au travail. Dans
lentreprise, est vis le CHSCT ou, dfaut, les dlgus du personnel. En dehors de
lentreprise, sont concerns linspecteur ou contrleur du travail, le mdecin inspecteur du
travail ainsi que les agents des services de prvention des organismes professionnels de sant,
de scurit et des conditions de travail
877878
.
2. Les risques du dialogue
593. Bellum conflare. Tout dialogue engendre un risque de conflit. Au cas
particulier, le conflit est prjudiciable lemployeur. Certes, le mdecin du travail gnreux
en propositions attirera les foudres de certains employeurs. Il nen demeure pas moins quil
877
C. trav., art. L. 4624-3. al 4.
878
C. trav., art. L. 4643-1.
189
dispose dun solide statut protecteur dont lemployeur a parfaitement connaissance.
Lemployeur, peut voir, sur la base de ce nouvel article L. 4624-3 du Code du travail, sa
responsabilit engage plus aisment. Il ne faut pas oublier quen matire didentification du
responsable en matire de sant et scurit au travail, lemployeur est lacteur principal
879
.
a. Responsabilit civile
594. Obligation de scurit de rsultat. Pierre angulaire de la responsabilit
civile de lemployeur en matire de sant et de scurit au travail, la violation de lobligation
de scurit de rsultat
880
la charge de lemployeur pourra tre facilite, bien quil ne soit pas
difficile, en ltat actuel de la jurisprudence, de la caractriser.
595. Faute inexcusable. La faute inexcusable est caractrise lorsque
lemployeur avait ou aurait d avoir conscience du danger auquel tait expos le salari et
quil na pas pris les mesures ncessaires pour len prserver. En dautres termes, la
proposition du mdecin du travail na, a priori, aucune incidence sur la responsabilit de
lemployeur. Toujours est-il qu partir du moment o le mdecin du travail constate
lexistence dun risque et en informe lemployeur, ce dernier ne pourra pas prtendre ignorer
le danger
881
. La charge de la preuve de la faute inexcusable pesant sur le salari, lexistence
dune proposition antrieure en lien avec la lsion de ce dernier facilitera grandement la
preuve. Cette preuve sera dautant plus plausible que lemployeur est tenu de conserver les
traces du dialogue entretenu avec le mdecin du travail
882
.
b. Responsabilit pnale
596. Sur la base de larticle L. 121-3 du Code pnal, lemployeur pourrait voir sa
responsabilit pnale engage pour imprudence dans la mesure o la faute caractrise est
celle qui expose autrui un risque dune particulire gravit que la personne ne pouvait
ignorer. Ici encore, la matrialit de linfraction ne rsulterait pas de la proposition du
mdecin du travail mais celle-ci faciliterait grandement la preuve de limprudence.
879
V. par. n245.
880
Cass. soc. 17 fvrier 2010 n 08-44.298 . Indit.
881
M. Roussel, Les nouveaux visages de la mdecine du travail : RDT avril 2012, p. 202.
882
V. par. n592.
190
597. La participation tue-t-elle la consultation ? Les consquences civiles et
pnales de larticle L. 4624-3 I du Code du travail nont pas toutes t envisages lors de sa
cration. Pour certains, elles auront des consquences sur larticle L. 4624-3 II du Code du
travail, qui devrait tre appliqu la marge en ce quil relve du libre arbitre de
lemployeur
883
.
B. Consquences pour le mdecin du travail
598. Risques psychosociaux ? La lecture de la loi du 20 juillet 2011 et de ses
dcrets dapplication laisse ouverte une interrogation: quid des risques psychosociaux ? La
question, qui nest pas nouvelle, est pourtant au cur des politiques contemporaines de sant
au travail. Cette prise en compte exponentielle de la sant mentale des travailleurs rsulte de
deux mouvances complmentaires. Dune part, une mouvance structurelle : la tertiarisation de
lconomie franaise
884
a conduit une rduction - relative - des risques lis lhygine
industrielle mais a eu comme corollaire lmergence de risques propres aux activits de
service, o les risques psychosociaux sont centraux. Dautre part, une mouvance factuelle :
lune des origines de la loi du 20 juillet 2011 est la survenance dpisodes dramatiques lis
aux conditions de travail
885
renvoyant notamment des sries de suicides chez France
Tlcom et Ple Emploi. Pourtant, le sujet napparat que dans lexpos des motifs de la loi.
Aucune trace dans sa chaire Il sagit l de la rsistance de la vision franaise et
traditionnelle de la mdecine du travail, cantonne lactivit clinique
886
. Ce constat conduit
dailleurs certains praticiens affirmer que la mdecine du travail nest pas la meilleure voie
pour lutter contre les risques psychosociaux
887
. Sans doute. Toujours est-il que le nouveau
pouvoir de proposition du mdecin du travail peut constituer un formidable outil pour
renverser cette opinion
888
et ainsi faire du mdecin du travail un acteur central de la lutte
contre les risques psychosociaux. La question des risques psychosociaux implique en effet
une approche collective et primaire, c'est--dire une action en milieu de travail
889
, la
883
M. Roussel, Les nouveaux visages de la mdecine du travail : RDT avril 2012, p. 202.
884
Sur cette question, V. notamment les travaux de A. Schreiber et A. Vicard, La tertiarisation de lconomie
franaise et le ralentissement de la productivit entre 1978 et 2008, Document de travail, Direction des tudes et
synthses conomiques, INSEE, 2011.
885
V. lexpos des motifs de la proposition de loi.
886
Fantoni-Quinton S., Leclercq G., Verkindt P-Y., Frimat P., Un avenir pour la sant au travail sans aptitude
priodique est possible... : JCP S n48, 29 nov. 2011.
887
P. Davezies, Dfis et responsabilits face la souffrance au travail, Approche institutionnelle de la
prvention des risques psychosociaux au travail : SSL Supplment n1536, 30 avril 2012, p. 47.
888
V. par. n583 et s.
889
K. Chatzilaou, Les nouveaux visages de la mdecine du travail, RDT avril 2012, p. 206.
191
surveillance mdicale tant en la matire purement palliative
890
. La rcente rforme de la
mdecine du travail laisse donc apparatre, en filigrane, deux voies dingale puissance
partir desquelles le mdecin du travail pourrait saffirmer : la pluridisciplinarit (1) et le
pouvoir de proposition (2).
1. La pluridisciplinarit
599. De la mdecine la psychologie. La pluridisciplinarit des services de
sant au travail, consacre larticle L. 4622-8 du Code du travail, pourrait contribuer une
meilleure identification des lments susceptibles dentrainer des risques psychosociaux : le
mdecin du travail ntant pas un spcialiste de la sant mentale
891
, laide de psychiatres et
psychologues du travail serait bienvenue
892
.
2. Le pouvoir de proposition
600. Un choix. Larticle L. 4624-3 I du Code du travail ntant pas restreint dans
sa matrialit, le mdecin du travail a la facult de proposer une mesure collective en matire
dhygine industrielle mais aussi et surtout en matire de risques psychosociaux.
La tche sera difficile car il sagira avant tout de convaincre les mdecins eux-mmes dagir
sur ce point. Conseills par leur quipe pluridisciplinaire, ils offriront des positions
pertinentes lemployeur qui sera tenu dy rpondre. titre illustratif, les propositions
pourront porter sur lenvironnement de travail, c'est--dire le bruit ou encore la mauvaise
conception des lieux de travail (notamment des open space
893
). Si le CHSCT constitue la cl
de vote du systme de prvention des risques psychosociaux
894
, il pourrait laisser un peu de
place au mdecin du travail Lavenir nous dira si les mdecins du travail sauront utiliser les
armes mises leur disposition. En tout tat de cause, une inaction fautive suite la prise de
connaissance dun risque pourra renvoyer la lecture de nos propos en matire de
responsabilit pnale pour non assistance personne en pril
895
.
890
Le mdecin du travail est ici lcoute du salari lors des visites mdicales ou constate linaptitude de
lintress en raison de troubles psycho-sociaux.
891
V. en ce sens Stress et risques psychosociaux : concept et prvention , Documents pour le mdecin du travail,
n106 2006. p. 169, INRS.
892
K. Chatzilaou, Les nouveaux visages de la mdecine du travail, RDT avril 2012, p. 206.
893
Sur la question, V. C. Andries, Open space, open stress, Libration, 11 mars 2008.
894
L. Lerouge, Risques psychosociaux au travail : quel rle du CHSCT aujourdhui ?, SSL Supplment 30 avril
2012, n1536, p. 49.
895
V. par. n275 et s.
192
Conclusion
601. Les certitudes. Le pouvoir de proposition confr au mdecin du travail
savre tre une mission cardinale dont les effets peuvent aller au-del des ambitions du
lgislateur, notamment en matire de lutte contre les risques psycho-sociaux. Sil est mis en
uvre par son dtenteur, ce pouvoir lui permettra de sintgrer au processus dcisionnel dans
lentreprise en privilgiant la prvention primaire.
602. Les incertitudes. Limpact du pouvoir de proposition diffrera certainement
en fonction du lieu o il est exerc : les grandes entreprises seront, en principe, plus mme
de jouer le jeu du dialogue en ce quelles disposent de moyens financiers pour y participer.
Certaines dentre elles insistent dailleurs sur la rduction de lactivit clinique du mdecin du
travail au profit de laction en milieu de travail. Cette demande est moins prgnante dans les
PME/TPE. Enfin, il est permis de sinterroger sur la facult pour le mdecin du travail
dexercer pleinement cette nouvelle mission dans un contexte de pnurie de professionnels
conjugue une augmentation de leurs prrogatives. La tche sannonce colossale.
Section 2 Les moyens
603. Les moyens du mdecin du travail se dfinissent comme un ensemble
doutils mis sa disposition afin de raliser sa mission en milieu de travail. Ces moyens, qui
se caractrisent par leur varit, sont obligatoires (Sous-section 1) ou facultatifs (sous-section
2).
Sous-section 1 : Les moyens obligatoires
1 : Linformation
604. Mission ou moyen ? Certains considrent linformation comme une
mission du mdecin du travail. Dans la mesure o linformation nest pas mise mais reue
par ce dernier, elle ne constitue quun moyen daction : elle nest pas une finalit en soi mais
bien un outil parmi dautres pour mieux protger la sant des travailleurs.
193
605. Parent pauvre. Linformation est pauvre : il nexiste pas dobligation
gnrale dinformation du mdecin du travail comme cela est le cas pour le CHSCT
896
.
Certes, le mdecin du travail nest pas un reprsentant du personnel. Nanmoins, au regard
des missions qui lui sont dvolues, des moyens appropris simposent. Linformation
(obligatoire), moyen daction premier de tout acteur, se cantonne des questions certes
multiples mais circonscrites et parpilles. La sphre de linformation tant immense, nous
nous focaliserons sur ses lments majeurs.
606. Informations conglomres. Afin dviter toute altration de la sant des
travailleurs du fait de leur travail, la partie rglementaire du Code du travail en sa section
relative aux actions sur le milieu de travail prcise que le mdecin du travail est inform
deux titres. Primo, de la nature et de la composition des produits utiliss ainsi que de leurs
modalits demploi. Lemployeur transmet notamment au mdecin du travail les fiches de
donnes de scurit dlivres par le fournisseur de ces produits
897
. Secundo, des rsultats de
toutes les mesures et analyses ralises dans les domaines mentionns larticle R. 4623-1 du
Code du travail
898
.
607. Informations parpilles. Au-del de ces deux hypothses mises en
vidence, le Code du travail recense de multiples obligations dinformation, dissmines au
gr des rformes lgislatives et rglementaires. Sont notamment vises les expositions
anormales un agent cancrogne
899
et les mises jour du plan de prvention lors de travaux
effectus par une entreprise extrieure
900
.
2 : Les documents
608. Feu le plan annuel. Avant la rforme, le mdecin du travail devait tablir
un plan annuel dactivit portant sur les risques de ltablissement, les postes et les conditions
896
C. trav., art. L. 4612-8.
897
Sur ce point, larticle R. 4411-73 du Code du travail prcise que le fournisseur dune substance ou prparation
dangereuse doit fournir au destinataire de celle-ci une fiche de donnes de scurit conforme aux exigences
prvues par le rglement CE 1907/2006 du rglement du Parlement et du Conseil du 18 dcembre 2006 relatif
lenregistrement, lvaluation et lautorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables
ces substances (REACH).
898
Sur la facult pour le mdecin du travail de raliser ou faire raliser des mesures et analyses, v. par. n623.
899
C. trav., art. R. 4412-92.
900
C. trav., art. R. 4513-9. al 2.
194
de travail
901
. Dsormais, seuls deux documents doivent tre tablis : le rapport annuel
dactivit (I) et la fiche dentreprise (II).
I. Le rapport annuel dactivit
609. Le rapport annuel dactivit de dcompose en deux catgories : le rapport
dit classique (A) et le rapport propre lentreprise (B).
A. Rapport annuel dactivit classique
1. Contenu
610. Obligation personnelle. Le mdecin du travail doit tablir un rapport
annuel dactivit
902
dont la forme est prvue par un arrt en date du 13 dcembre 1990
903
. Le
contenu de ce rapport diffre en fonction de la nature du service de sant au travail, mme si
les grandes lignes, similaires, se focalisent sur la quantit de travail du mdecin : nombre de
visites mdicales ralises, dtudes de poste de travail, de fiches mdicales. Dans les services
de sant au travail comprenant plusieurs mdecins, chaque mdecin doit tablir son propre
rapport, nonobstant le fait quun rapport densemble soit ralis pour le service
904
.
611. Contenu spcifique. Au-del de ce modle rglementaire, il existe des
situations o des prcisions sont obligatoires. Tel est le cas en matire de travail de nuit, pour
lequel le mdecin du travail doit prciser la manire dont il a t pratiqu dans lentreprise
905
,
ainsi que pour la surveillance mdicale des salaris temporaires
906
.
2. Transmission
612. Premire transmission. Le destinataire du rapport annuel dactivit dpend
de la nature du service de sant au travail. Dans les services interentreprises, le mdecin du
travail le remet au conseil dadministration ainsi qu la commission de contrle ou au comit
901
C. trav., art. D. 4624-33. ancien.
902
C. trav., art. D. 4624-42.
903
Arr. du 13 dcembre 1990, JORF 1
er
fvrier 1991.
904
Circ. Min. n34 du 20 juin 1969.
905
C. trav., art. R. 3122-22.
906
C. trav., art. D. 4625-14.
195
interentreprises
907
. Dans les services autonomes, la remise est effectue au comit dentreprise
ou le cas chant au comit dtablissement comptent
908
. En toute hypothse, la prsentation
lorgane comptent doit tre ralise au plus tard la fin du quatrime mois qui suit lanne
pour laquelle le rapport a t tabli
909910
. Dans la mesure o le rapport rsume lensemble de
lactivit du mdecin du travail, il importe que ce dernier puisse le prsenter en personne
lorganisme de contrle comptent
911
.
613. Seconde transmission. Lemployeur ou le prsident du service de sant au
travail transmet, dans un dlai dun mois compter de sa prsentation devant lorgane
comptent, un exemplaire du rapport annuel dactivit au directeur rgional des entreprises,
de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ainsi quau mdecin
inspecteur du travail. Il ne sagit pas dune transmission stricto sensu : le rapport peut tre
accompagn dventuelles observations formules par lorgane de surveillance
912
.
B. Rapport annuel dactivit propre lentreprise
614. 300. Dans les entreprises ou tablissements de plus de 300 salaris, le
mdecin du travail tablit un rapport annuel dactivit propre lentreprise, transmis
exclusivement au comit dentreprise
913
et au CHSCT
914
. Par extension, ce rapport doit tre
ralis pour toute entreprise ou tablissement lorsque le comit dentreprise ou le CHSCT en
fait la demande
915
.
II. La fiche dentreprise
615. La ralisation de la fiche dentreprise suppose dy intgrer des informations
prcises (A), pour ensuite tre publie (B).
907
C. trav., art. D. 4625-43. 1.
908
C. trav., art. D. 4625-43. 2.
909
C'est--dire avant le 1
er
mai.
910
C. trav., art. D. 4625-43. al 3.
911
Circ. Min. n34 du 20 juin 1969.
912
C. trav., art. D. 4625-44.
913
Cette transmission doit seffectuer dans les conditions prvues larticle D. 4624-44 du Code du travail, le
rgime de la seconde transmission est donc appliqu.
914
C. trav., art. D. 4624-45. al 1.
915
C. trav., art. D. 4624-45. al 2.
196
A. Contenu
616. Notion dtablissement. Pour chaque entreprise ou tablissement dont il a
la charge, le mdecin du travail tablit et met jour une fiche dentreprise ou
dtablissement
916
, peu important leffectif de lentreprise
917
. Pour les entreprises adhrentes
un service de sant au travail interentreprises, la fiche dentreprise doit tre tablie dans
lanne suivant ladhsion de lentreprise ce service
918
.
617. Thmes. La fiche dentreprise consigne notamment les risques
professionnels et les effectifs de salaris qui y sont exposs
919
. Cest pourquoi ce document,
loin dtre anodin, permet lemployeur de mettre en uvre son obligation dvaluation des
risques professionnels
920
. La structure de la fiche sappuie sur trois piliers : des informations
dordre gnral (date dtablissement ou de mise jour, identification de lentreprise),
lapprciation des risques (facteurs de risques, conditions gnrales de travail, nombre
daccidents du travail et de maladies professionnelles) et les actions tendant leur
rduction
921
. Si le mdecin du travail le juge ncessaire ou si lemployeur ou le CHSCT en
fait la demande, les renseignements que comporte la fiche sont prsents sparment pour une
ou plusieurs units de travail de lentreprise ou de ltablissement
922
.
B. Publicit
618. Ttrade. La publicit de la fiche dentreprise seffectue auprs de trois
acteurs, dune manire diffrente pour chacun : elle est transmise lemployeur
923
, prsente
au CHSCT en mme temps que le bilan annuel relatif la situation gnrale de la sant, de la
scurit et des conditions de travail
924925
et tenue la disposition de linspecteur du travail et
du mdecin inspecteur du travail
926
. Elle peut en outre tre consulte par les agents des
services de prvention des caisses rgionales dassurance maladie et les agents des
916
C. trav., art. D. 4624-37.
917
Pour les entreprises de moins de 11 salaris, la fiche dentreprise est devenue obligatoire compter du 1
er
janvier 2006.
918
C. trav., art. D. 4624-38.
919
C. trav., art. D. 4624-37.
920
Circ. DRT n3 du 7 avril 2005.
921
Arr. du 29 mai 1989. JORF du 8 juin 1989 p. 7112.
922
Ibid.
923
C. trav., art. D. 4624-39. al 1.
924
Ce bilan est mentionn larticle L. 4612-16 1 du Code du travail.
925
C. trav., art. D. 4624-39. al 2.
926
C. trav., art. D. 4624-40. al 1.
197
organismes professionnels de sant, de scurit et des conditions de travail mentionns
larticle L. 4643-1 du Code du travail
927
.
3 : La formation continue
619. Obligation dontologique. Tout mdecin dtient le devoir dentretenir et de
perfectionner ses connaissances
928
. Cette obligation sapplique donc aux mdecins du travail
qui doivent consacrer une partie de leur temps de travail la mise jour de leurs
connaissances techniques et scientifiques
929
.
620. Formations informelles. La formation continue se traduit par des
sminaires de formation et une documentation spcialise. Cette premire est informelle
puisquelle repose sur les associations rgionales de mdecine du travail, plusieurs
groupements professionnels de mdecins du travail et lAssociation pour la formation dans les
services mdicaux du travail (AFOMETRA). Les services de sant au travail ont aussi accs
de multiples revues spcialises tels que les cahiers de mdecine interprofessionnelle, la revue
de mdecine du travail
930
ou encore les archives des maladies professionnelles et de mdecine
du travail
931
.
4 : Le temps de mission
621. De jure. Lemployeur, dans les services de sant au travail autonome, ou le
prsident du service de sant interentreprises doit prendre toutes les mesures pour permettre
au mdecin du travail de consacrer ses missions en milieu de travail le tiers de son temps de
travail. Pour un mdecin temps plein, ce temps comporte au moins cent cinquante demi-
journes de travail effectif par anne, rparties mensuellement. Pour les mdecins temps
partiel, le nombre de demi-journes est calcul proportionnellement au temps de travail.
622. De facto. La pratique dmontre que la rgle du tiers temps est peu respecte.
Ce constat est imputable deux acteurs. Premirement, au lgislateur. Ce dernier tend
accrotre les prrogatives du mdecin du travail chaque rforme sans pour autant se
927
C. trav., art. D. 4624-40. al 2.
928
C. trav., art. R. 4127-11. al 1.
929
Circ. Min. n34 du 20 juin 1969.
930
Revue publie par le Groupement national des mdecins du btiment et des travaux publics.
931
Ces archives comprennent entre autres les comptes rendus des journes nationales de mdecine du travail.
198
demander si ce dernier dispose du temps ncessaire pour raliser lintgralit de ses missions.
Plusieurs tudes ont dailleurs dmontr une chose affolante : le mdecin du travail ne dispose
pas du temps ncessaire pour raliser lintgralit des visites mdicales prvues par la loi.
Deuximement, au mdecin du travail lui-mme. Certes, nous venons de voir quil court aprs
le temps. Il nen demeure pas moins que certaines entreprises dplorent le manque dinitiative
de certains mdecins du travail quant leur action en milieu de travail. Le lien historique
entre mdecine du travail et aptitude est robuste
932
, mme et surtout dans lesprit des
mdecins du travail. Il sagit l dune question fondamentale laquelle il est encore temps de
rpondre : la formation des rares internes en mdecine du travail doit casser les codes de la
profession pour que celle-ci ne se rsume pas la ralisation de visites mdicales. Encore
faut-il que les formateurs aient cette ambition...
Sous-section 2 Les moyens facultatifs
623. Outre un ensemble de moyens obligatoires, le mdecin du travail dispose de
plusieurs outils facultatifs, plus ou moins incisifs.
1 : Mesures et enqutes
I. Mesures, analyses et prlvements
624. Pouvoir discrtionnaire. Dans lexercice de ses missions, le mdecin du
travail peut raliser ou faire raliser des prlvements et des mesures aux fins danalyses. Il
peut galement faire procder des analyses ou mesures quil estime ncessaires par un
organisme habilit. Lensemble de ces mesures et analyses est ralis aux frais de
lemployeur
933
.
625. Dsaccord. En cas de dsaccord entre lemployeur et le mdecin du travail,
la dcision est prise par linspecteur du travail aprs avis du mdecin inspecteur du travail
934
.
Le dsaccord peut porter tant sur lutilit de la prescription ralise par le mdecin du travail
que sur le montant de la prestation. Malgr le silence de la loi, la dcision de linspecteur du
932
Fantoni-Quinton S., Leclercq G., Verkindt P-Y., Frimat P., Un avenir pour la sant au travail sans aptitude
priodique est possible... : JCP S n48, 29 nov. 2011.
933
C. trav., art. R. 4624-7.
934
C. trav., art. R. 4624-7.
199
travail peut faire lobjet dun recours non contentieux (recours gracieux et recours
hirarchique) ou dun recours contentieux devant le juge administratif.
II. Recherches, tudes et enqutes
626. Le mdecin du travail peut participer, notamment en liaison avec le mdecin
inspecteur du travail, toutes recherches, tudes et enqutes, en particulier caractre
pidmiologique, entrant dans le cadre de ses missions
935
.
2 : Accs aux lieux et documents de travail
627. Documents de travail. Le mdecin du travail peut demander tout moment
ce que les attestations, consignes, rsultats, rapports de vrification et de contrle
mentionns larticle L. 4711-1 du Code du travail lui soient communiqus
936
.
628. Lieux de travail. Le mdecin du travail a libre accs aux lieux de travail. Il
ralise la visite des entreprises et tablissements dont il a la charge soit son initiative, soit
la demande de lemployeur ou du CHSCT (ou dfaut des dlgus du personnel)
937
.
Lors de ces visites, le mdecin du travail peut formuler des observations quant lhygine et
la scurit des locaux de travail ou ltat des outils de production. En pratique, lintress est
souvent accompagn, par le responsable de la scurit, des membres du CHSCT ou encore le
responsable de ltablissement.
935
C. trav., art. D. 4624-50.
936
C. trav., art. R. 4624-5.
937
C. trav., art. R. 4624-1.
200
Conclusion
629. La loi : moyens versus temps. Les moyens dont dispose le mdecin du
travail se caractrisent avant tout par leur varit. Ils savrent nanmoins inapplicables dans
leur totalit. Le mdecin du travail, au prisme de la rgle du tiers temps, doit raliser des
documents obligatoires accaparant une grande partie de son temps de travail. Les miettes de
temps restant sont insuffisantes pour laborer une politique de sant au travail exhaustive et
efficace. Des choix sont ncessaires. Avec la mise en place dquipes pluridisciplinaires, ces
choix seront sans doute moins catgoriques.
630. Au-del de la loi : le dialogue. Un mdecin du travail efficace ne peut
rester isol. Au-del des moyens prvus par la loi, il dispose doutils relevant du bon sens,
parfois bien plus efficaces. Ceux-ci se cristallisent autour dune mme notion : le dialogue. Ce
dialogue doit tre nou avec de multiples acteurs : salaris, reprsentants du personnel, caisses
de scurit sociale, inspection du travail ou encore et surtout employeur. Question si
vidente, quelle nest que peu voque, elle constitue une illustration de la frontire entre le
droit et la pratique des relations de travail, zone grise o la relation humaine est reine.
201
CONCLUSION GENERALE
631. La mdecine du travail et, de facto, le mdecin du travail, se trouve une
priode charnire de son histoire. Depuis plusieurs annes, la discipline mute progressivement
afin de sadapter aux volutions du travail ainsi qu la pnurie de mdecins du travail. Ces
deux tendances ont conduit le lgislateur, par le biais de la loi du 20 juillet 2011, rnover la
mdecine du travail et plus prcisment le statut et les missions de son principal acteur : le
mdecin du travail. La rnovation a donn naissance dindniables avances, nanmoins
teintes damertume.
632. Le progrs. Le fil dAriane de la loi du 20 juillet 2011 est le pragmatisme,
qui irrigue dsormais lintgralit de la lgislation relative au mdecin du travail. Sagissant
de son statut, deux lignes directrices mergent : laccs la profession de mdecin du travail
est fortement largi, afin de lutter, de manire immdiate, contre la pnurie de professionnels ;
le statut protecteur du mdecin du travail est consolid, laune de lextension de ses
missions, de sorte quil peut dsormais tre intgr la catgorie des salaris protgs
938
.
Sagissant de ses missions, la notion de prvention est consacre comme pierre angulaire de
sa discipline et plus gnralement de la sant au travail. Cette prise de conscience se
matrialise avant tout par la cration dquipes pluridisciplinaires de sant au travail o des
professionnels, au-del du strict champ mdical, apporteront leurs savoir-faire afin danticiper
tout risque pour la sant des travailleurs. Cette nouveaut va de pair avec la mise en avant de
laction en milieu de travail, dans loptique dune rglementation primaire, ayant pour
corollaire la rduction de la mission historique du mdecin du travail quest la surveillance
mdicale des salaris. Au final, le lgislateur a su instituer un subtil quilibre entre action
individuelle et collective.
633. Lamertume. Le progrs rvle des dfaillances substantielles, se
cristallisant essentiellement sur le statut du mdecin du travail. Primo, si llargissement de
laccs la profession de mdecin du travail constitue une mesure ncessaire et pragmatique,
elle suppose toutefois une rponse de fond au problme de la pnurie de professionnels. Or,
aucune trace dune telle ambition nest perceptible dans la loi du 20 juillet 2011. Il sagit l
dune rsignation dont les consquences seront dsastreuses : la mort sourit, patiemment, en
attendant une nouvelle victime en la personne du mdecin du travail. Secundo, la
938
Auparavant, le mdecin du travail ntait pas considr, juste titre, comme un salari protg. V. en ce sens
H. Rose, Y. Struillou, Droit du licenciement des salaris protgs, 4
e
dition, p. 49.
202
consolidation du statut protecteur du mdecin du travail passe sous silence la protection
accorde sa nouvelle quipe pluridisciplinaire. laune du lien de subordination juridique,
le rapport de force entre pouvoir de direction de lemployeur et protection de la sant des
travailleurs penchera en faveur du premier. Tertio, laccroissement des missions du mdecin
du travail na paradoxalement pas pour corollaire la mise en place dune lgislation adapte
lintress en matire de responsabilit civile et pnale. Ce constat nest pas tonnant
puisquen matire de sant et de scurit au travail, le viseur du lgislateur comme du juge est
focalis sur lemployeur. Sagissant des missions du mdecin du travail, les dceptions sont
moins prgnantes. Il nous est nanmoins permis de relever que laccroissement des missions
du mdecin du travail sallie difficilement au contexte de pnurie de professionnels, ces
derniers ne parvenant mme pas effectuer lintgralit des visites mdicales obligatoires.
Les quipes pluridisciplinaires semblent plus que jamais bienvenues. Enfin, la mise en avant
de laction en milieu de travail, qui nest pas nouvelle, appellera une certaine vigilance :
vigilance lgard des mdecins du travail, afin quils se saisissent de leurs nouvelles armes ;
vigilance lgard du lgislateur, qui, influenc par le patronat, pourrait tre tent de rduire
la surveillance mdicale une peau de chagrin
939
.
634. Lespoir. Pour que le progrs touffe lamertume, nous nous permettons de
prsenter plusieurs propositions. La politique supposant par essence dtablir des priorits, il
convient de se focaliser sur les difficults nvralgiques, donc sur le statut du mdecin du
travail. Sagissant de lquipe pluridisciplinaire de sant au travail, une voie intermdiaire
entre statut protecteur et absence totale de protection est envisageable. La loi pourrait ainsi
prciser qu linstar de nouveaux acteurs de la sant au travail
940
, les membres de lquipe
pluridisciplinaire de sant au travail ne peuvent faire lobjet dune discrimination en raison de
lexercice de leurs missions. En labsence daction du lgislateur, nous proposons aux
membres des quipes pluridisciplinaires victimes dventuelles pressions patronales dagir en
aval, sur la base de la notion de discrimination par association. Aux termes de cette notion, la
prohibition des discriminations stend aux individus qui, sans tre personnellement
concerns, sont lis des tiers prsentant eux-mmes des caractristiques interdisant toute
939
En effet, la rduction de la priodicit des visites mdicales a des limites. Ces limites ont t rappeles dans
nos dveloppements relatifs aux travailleurs saisonniers, aux jeunes mres ou plus gnralement la refonte de
la surveillance mdicale renforce (SMR).
940
Aux termes de larticle R. 4644-1 alina 3 du Code du travail, le salari dsign pour apporter son aide
lemployeur pour la gestion de la sant et de la scurit au travail ne peut subir de discrimination en raison de ses
activits de prvention.
203
mesure discriminatoire
941
. Au cas particulier, une discrimination visant un membre de
lquipe pluridisciplinaire de sant au travail en raison de son action pourrait tre caractrise
en raison de son lien professionnel avec le mdecin du travail. Si la notion nest aujourdhui
reconnue que par la jurisprudence europenne
942
, une volution de la norme prtorienne
franaise, dont les prmices sont perceptibles
943
, est envisageable. Sagissant de la pnurie de
mdecins du travail, la tche savre bien plus importante et dlicate. Lobjectif est de
(re)donner le got de la mdecine du travail aux tudiants. Relever ce dfi suppose une
rforme en profondeur de lenseignement de la discipline
944
. Nous avons vu que les nouveaux
visages de la mdecine du travail rvlent quil ne sagit plus dune matire exclusivement
mdicale : dautres comptences sont requises. Selon nous, la situation tant alarmante, seule
une refonte radicale est envisageable. Celle-ci se traduirait par une singularisation de
lenseignement de la mdecine du travail voire une scission partielle entre la discipline et les
Facults de mdecine pour crer des ples spcifiques denseignement
945
, o les cursus
seraient plus courts, le mode de recrutement et les enseignements rnovs. Bouger les lignes
dune telle faon savrera difficile voire impossible. Impossible nest pas franais
941
M. Le Barbier-Le Bris, Lactualit de la jurisprudence communautaire et internationale, Protection pour la
mre dun handicap : la Cour de Justice reconnat la discrimination par association : Rev. jur. Soc. 2008,
01/10/2008, p. 883 et s.
942
CJCE 17 juillet 2008 aff. 303/06, Coleman c/Attridge Law.
943
Cons. Prudh. Caen 25 novembre 2008, n06/00120.
944
V. Dellacherie C., Frimat P., Leclerc G., La sant au travail, Visions nouvelles et professions davenir,
Propositions pour des formations et un rseau de recherche en phase avec les missions, avril 2010.
945
Sur cette question, il semble utile de sintresser au modle de lInstitut National de Mdecine Agricole
(INMA) ; v. par. n113.
204
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INMA : http://www.inma.fr/
OIT : http://www.ilo.org/global/lang--fr/index.htm
OMS : http://www.who.int/fr/
Ordre national des mdecins : http://www.conseil-national.medecin.fr/
UE : http://europa.eu/index_fr.htm
212
INDEX
Les numros indiqus renvoient aux pages.
A
Accs la profession
Diplme ................................................................... 45
Interne en mdecine du travail ................................ 49
Qualification ............................................................ 47
Reconversion ........................................................... 49
Rgularisation .......................................................... 48
Accs aux lieux et documents de travail ..................... 199
Affectation .................................................................... 57
Changement ............................................................ 66
Agence nationale pour lamlioration des conditions de
travail ......................................................................... 9
Aptitude
Aptitude avec rserves .......................................... 143
Aptitude totale....................................................... 143
Recours .......................................................... 165, 169
Assistant de service de sant au travail ........................ 36
Assistant(e) maternel(lle) ............................................ 141
Associations intermdiaires ........................................ 137
Autorisation de l'inspecteur du travail .......................... 71
C
Caisses dassurances retraite et de sant au travail ........ 9
Charge de travail ........................................................... 58
Collaborateur mdecin ................................................. 35
Collge interentreprises de scurit, de sant et des
conditions de travail .............................................. 183
Comit dentreprise ...................................................... 10
Comit dhygine, de scurit et des conditions de
travail ............................................................... 10, 182
Contrat de travail .......................................................... 41
Dontologie mdicale .............................................. 54
Ecrit .......................................................................... 53
Rmunration .......................................................... 55
Convention collective
Service de sant au travail autonome ..................... 60
Service de sant au travail interentreprises ............ 60
D
Dmission ...................................................................... 70
Dontologie mdicale ............................................. 54, 88
Diplme ......................................................22, 45, 50, 203
Certificat dtudes spcialises. ............................... 46
Diplme dtudes spcialises ................................. 45
Diplme de lInstitut national de mdecine agricole 46
Dossier mdical ........................................................... 119
Contenu ................................................................. 119
Transmission .......................................................... 121
F
Faute inexcusable ................................................ 118, 189
Fiche d'entreprise
Contenu ................................................................. 196
Publicit ................................................................. 196
Fiche mdicale ............................................................ 122
Formation continue .................................................... 197
H
Handicap .............................................................. 129, 185
I
Inaptitude
Double examen mdical ........................................ 146
Etude du poste ...................................................... 145
Notion de danger immdiat .................................. 147
Obligation de reclassement pour inaptitude non
professionnelle ................................................. 152
Obligation de reclassement pour inaptitude
professionnelle ................................................. 160
Propositions individuelles ...................................... 149
Recours ........................................................... 165, 169
Visite de prreprise ............................................... 148
Incompatibilits professionnelles ................................. 51
Indpendance professionnelle ..................................... 62
Inspecteur du travail .......................................... 9, 71, 177
Institut national de mdecine agricole .................. 46, 203
Institut national de recherche en scurit ...................... 9
Interne en mdecine du travail................................ 35, 49
Intervenant en prvention des risques professionnels. 36
L
Licenciement
Consultation de l'instance de contrle comptente 71
Motif disciplinaire .................................................... 76
Motif conomique ................................................... 77
Obligation de reclassement ..................................... 77
M
Mdecine du travail
Allemagne ................................................................ 22
Belgique ................................................................... 23
dfinition ................................................................. 11
droit de l'Union europenne ............................ 20, 186
droit international ................................................... 19
Espagne ................................................................... 24
213
Etats-Unis d'Amrique ............................................. 26
Grande-Bretagne ..................................................... 25
histoire ..................................................................... 13
Japon ........................................................................ 27
Russie ....................................................................... 27
Mesures, analyses, prlvements ............................... 198
Mise la retraite ........................................................... 80
N
Nomination ................................................................... 55
O
Obligation de scurit de rsultat ........................... 9, 189
Organisation Internationale du Travail
Bureau International du Travail ................................. 8
recommandation ..................................................... 19
Organisation Mondiale de la Sant ............................... 19
P
Pnurie ..................................... 12, 46, 105, 171, 201, 202
Priode dessai .............................................................. 70
Personnel infirmier ....................................................... 36
Plan annuel d'activit .................................................. 193
Pluridisciplinarit des services de sant au travail . 17, 34,
61, 81, 102, 172, 191, 201
Prconisation .............................................................. 179
Protection sociale
Assurance chmage ................................................. 60
Rgime gnral ........................................................ 60
R
Rapport annuel d'actiivt
Transmission .......................................................... 194
Rapport annuel d'activit ............................................ 194
Contenu ................................................................. 194
Recherches, tudes, enqutes .................................... 199
Remplacement .............................................................. 67
Responsabilit civile
Action rcursoire ..................................................... 85
Faute .................................................................. 84, 85
Lien de causalit ................................................ 84, 85
Prjudice ............................................................ 84, 85
Soins urgents ........................................................... 87
Vaccinations ............................................................. 87
Responsabilit dontologique ...................................... 88
Notion de faute ........................................................ 91
Procdure ................................................................ 88
Responsabilit pnale
Faux ......................................................................... 99
Imprudence ............................................................. 94
Ngligence ............................................................... 94
Non assistance personne en pril ......................... 95
Secret de fabrication ............................................... 98
Secret mdical ......................................................... 96
Risques psychosociaux ................................................ 190
Rupture conventionnelle .............................................. 79
Rupture du contrat de travail dure dtermine ...... 78
S
Salaris comptents en matire de sant et de scurit
au travail .................................................................. 10
Secret mdical ......................................................... 64, 96
Service de sant au travail
choix du service ....................................................... 32
composition ............................................................. 33
cration ................................................................... 37
gestion ..................................................................... 37
missions ................................................................... 29
organisation ............................................................. 32
renouvellement ....................................................... 37
Service public ................................................................ 41
Surveillance mdicale renforce
Bnficiaires .......................................................... 127
Priodicit des examens mdicaux ....................... 133
T
Tiers temps .................................................... 58, 124, 197
Transfert d'entreprise ................................................... 79
Travailleur saisonnier .................................................. 138
Travailleur temporaire ................................................ 134
Visite mdicale d'embauche .................................. 135
Visite mdicale spcifique ..................................... 137
U
Union europenne
charte europenne des droits fondamentaux ......... 20
directive ................................................................... 21
V
Vaccinations ................................................................ 123
Vaccinations facultatives ....................................... 126
Vaccinations obligatoires ....................................... 126
Visite mdicale ............................................................ 103
Examen de reprise ................................................. 114
Examen mdical complmentaire ......................... 111
Examen mdical de prreprise .............................. 112
Examen mdical d'embauche ................................ 106
Examen mdical priodique .................................. 110
214
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 8
Section 1 - La mdecine du travail, au-del des ges et des frontires ............................. 13
Sous-section 1 Au-del des ges ................................................................................ 13
1 : Les fondements ................................................................................................... 13
2 : Les prmices ....................................................................................................... 14
3 : Linstitutionnalisation ......................................................................................... 15
I. Histoire de linstitutionnalisation .................................................................... 15
II. Une institutionnalisation historique ............................................................ 16
4 : La mutation ......................................................................................................... 16
Sous-section 2 : Au-del des frontires ......................................................................... 18
1 : Linexistence de la frontire ............................................................................... 18
I. Le droit international de la mdecine du travail ............................................. 19
II. Le droit europen de la sant et de la scurit au travail ............................. 20
A. La directive fondatrice ................................................................................ 21
B. Les directives complmentaires .................................................................. 21
2 : Lexistence de la frontire .................................................................................. 22
I. Les droits continentaux ................................................................................... 22
A. Allemagne ................................................................................................... 22
B. Belgique ...................................................................................................... 23
C. Espagne ....................................................................................................... 24
II. Les droits anglo-saxons ............................................................................... 25
A. Grande-Bretagne ......................................................................................... 25
B. Etats-Unis dAmrique ................................................................................ 26
III. Les droits de lEst ........................................................................................ 27
A. Japon ........................................................................................................... 27
B. Russie .......................................................................................................... 27
Conclusion ................................................................................................................. 28
Section 2 - Le service de sant au travail, cadre daction du mdecin du travail ............. 29
Sous-section 1 - Missions du service de sant au travail ............................................... 29
1 : Laction ............................................................................................................... 30
2 : Le conseil ............................................................................................................ 31
3 : La surveillance .................................................................................................... 31
215
4 : La traabilit ....................................................................................................... 31
Sous-section 2 - Organisation du service de sant au travail ........................................ 32
1 : Forme du service de sant au travail ................................................................... 32
I. Le choix du service ......................................................................................... 32
A. La mise en avant du choix .......................................................................... 32
B. Les effets pervers du choix.......................................................................... 33
II. La composition du service........................................................................... 33
A. Service de sant au travail interentreprises ................................................. 34
B. Service de sant au travail autonome .......................................................... 36
2 : Formalits et gestion du service ......................................................................... 37
I. Formalits ....................................................................................................... 37
II. Gestion ........................................................................................................ 37
A. Service de sant au travail autonome .......................................................... 38
B. Service de sant au travail interentreprises ................................................. 38
TITRE 1 LE STATUT DU MEDECIN DU TRAVAIL ....................................................... 41
Chapitre 1 Le contrat de travail ......................................................................................... 41
Prolgomnes La mdecine du travail, une institution de lentreprise .......................... 41
Section 1 La formation du contrat de travail ................................................................... 44
Sous-section 1 - Conditions dexercice de la profession ............................................... 44
1 : Laccs la profession ........................................................................................ 44
I. La voie diplmante ......................................................................................... 45
II. Les voies alternatives .................................................................................. 46
A. La qualification ordinale ............................................................................. 47
1. De lexercice de la mdecine du travail ............................................... 47
2. lassistance du mdecin du travail .................................................... 47
B. La rgularisation .......................................................................................... 48
C. La reconversion ........................................................................................... 49
D. Les internes en mdecine du travail ............................................................ 49
2 : Les incompatibilits ............................................................................................ 51
I. Incompatibilits intra-entreprise ..................................................................... 51
II. Incompatibilits extra-entreprise ................................................................. 51
A. Limite mdicale .......................................................................................... 52
B. Limite extra-mdicale ................................................................................. 52
Sous-section 2 - Recrutement ........................................................................................ 53
216
1 : Formalits et contenu du contrat de travail ......................................................... 53
I. Contrat crit .................................................................................................... 53
II. Contrat dontologique ................................................................................. 54
A. Contrle ordinal .......................................................................................... 54
1. Contrle en amont .................................................................................... 54
2. Contrle en aval ....................................................................................... 54
B. Rmunration .............................................................................................. 55
2 : Nomination ......................................................................................................... 55
I. Procdure de nomination ................................................................................ 56
II. Procdure daffectation ............................................................................... 57
A. Extension de la procdure de nomination laffectation ............................ 57
B. Suppression de la notion de charge de travail ............................................. 58
Section 2 Lexcution du contrat de travail ................................................................... 59
Sous-section 1 Conditions dexercice......................................................................... 59
1 : Le mdecin du travail, un salari ordinaire ........................................................ 59
I. Convention collective ..................................................................................... 59
A. Services de sant au travail autonomes ....................................................... 60
B. Services de sant au travail interentreprises ................................................ 60
II. Protection sociale ........................................................................................ 60
2 : Le mdecin du travail, un salari singulier ........................................................ 61
I. Un mdecin salariet gestionnaire ......................................................... 61
II. Lindpendance professionnelle .................................................................. 62
A. Conscration du principe ............................................................................ 62
B. Contenu du principe .................................................................................... 62
1. Indpendance mdicale ............................................................................ 62
2. Dpendance administrative ...................................................................... 63
III. Le secret mdical ......................................................................................... 64
A. Principe ....................................................................................................... 64
B. Limites ......................................................................................................... 64
1. Le secret mdical face lemployeur ....................................................... 65
2. Le secret mdical face la mdecine curative ......................................... 65
Sous-section 2 Changement daffectation et remplacement....................................... 66
1 : Le changement daffectation .............................................................................. 66
2 : Le remplacement ................................................................................................ 67
217
I. Remplacement de droit ................................................................................... 67
II. Remplacement facultatif ............................................................................. 68
Section 3 La rupture du contrat de travail ...................................................................... 69
Sous-section 1 Le licenciement .................................................................................. 69
Introduction : champ dapplication de la protection .................................................. 69
1 : Procdure de licenciement .................................................................................. 71
I. Consultation de linstance de contrle comptente ........................................ 71
II. Autorisation de linspecteur du travail ........................................................ 71
A. Demande dautorisation .............................................................................. 72
B. Contrle de linspecteur du travail .............................................................. 72
C. Dcision de linspecteur du travail .............................................................. 73
1. Forme et contenu ...................................................................................... 73
2. Annulation ................................................................................................ 74
a. Rintgration ......................................................................................... 74
b. Indemnisation ....................................................................................... 74
III. Non respect de la procdure ........................................................................ 75
2 : Motif de licenciement ......................................................................................... 76
I. Licenciement pour motif personnel ................................................................ 76
II. Licenciement pour motif conomique......................................................... 77
Sous-section 2 Lextension du statut protecteur ......................................................... 77
1 : Rupture du contrat de travail dure dtermine ............................................... 78
I. Procdure de droit commun ............................................................................ 78
II. Procdure drogatoire ................................................................................. 79
2 : Rupture conventionnelle ..................................................................................... 79
3 : Transfert partiel .................................................................................................. 79
4 : Mise la retraite ................................................................................................. 80
Conclusion ......................................................................................................................... 80
Chapitre 2 La responsabilit .............................................................................................. 82
Section 1 De la responsabilit civile .............................................................................. 83
Sous-section 1 Responsabilit de droit commun ........................................................ 83
1 : Responsabilit lgard de lemployeur ............................................................ 83
I. Service de sant au travail autonome .............................................................. 83
II. Service de sant au travail interentreprises ................................................. 85
2 : Responsabilit lgard des salaris .................................................................. 85
218
I. Conditions ....................................................................................................... 85
II. Hypothses .................................................................................................. 86
A. Responsabilit et mdecine prventive ....................................................... 86
B. Responsabilit et mdecine curative ........................................................... 87
Sous-section 2 - Responsabilit dontologique ............................................................. 88
1 : Procdure ............................................................................................................ 88
I. Premire instance ............................................................................................ 88
II. Appel ........................................................................................................... 90
III. Cassation ..................................................................................................... 91
2 : Faute dontologique ............................................................................................ 91
Section 2 De la responsabilit pnale ............................................................................. 93
Sous-section 1 : Prjudice matriel ............................................................................... 94
1 : Imprudence et ngligence ................................................................................... 94
2 : Non assistance personne en pril ..................................................................... 95
Sous-section 2 : Prjudice moral ................................................................................... 96
1 : Secret professionnel ............................................................................................ 96
I. Secret mdical ................................................................................................. 96
A. Principe ....................................................................................................... 96
B. Exceptions ................................................................................................... 97
II. Secret de fabrication .................................................................................... 98
2 : Faux .................................................................................................................... 99
Conclusion ....................................................................................................................... 101
TITRE 2 LACTION DU MEDECIN DU TRAVAIL ........................................................ 102
Introduction Le cadre daction du mdecin du travail ................................................. 102
Chapitre 1 La surveillance mdicale des salaris ............................................................ 103
Section 1 Les moyens de la surveillance ...................................................................... 103
Sous-section 1 La surveillance mdicale de droit commun ..................................... 103
1 : La visite mdicale ............................................................................................. 103
Introduction : lencadrement de la visite mdicale .............................................. 103
A. Le droulement ......................................................................................... 104
1. Temps ..................................................................................................... 104
2. Lieux....................................................................................................... 104
3. Conditions matrielles ............................................................................ 105
B. La priodicit............................................................................................. 105
219
I. Visite mdicale dembauche ......................................................................... 106
A. Une visite obligatoire ................................................................................ 106
1. Ratione personae .................................................................................... 106
2. Ratione materiae .................................................................................... 107
3. Ratione temporis .................................................................................... 108
B. Un objet renouvel .................................................................................... 108
1. Lobjet initial : laptitude du salari ....................................................... 108
2. Lobjet nouveau : la prvention ............................................................. 109
II. Visite mdicale priodique ........................................................................ 110
A. Priodicit ................................................................................................. 110
B. Objet .......................................................................................................... 110
III. Visite mdicale complmentaire ............................................................... 111
A. Hypothses ................................................................................................ 111
B. Consquences ............................................................................................ 111
IV. Visite de prreprise.................................................................................... 112
A. Conditions ................................................................................................. 113
1. Ratione materiae .................................................................................... 113
2. Ratione personae .................................................................................... 113
3. Ratione temporis .................................................................................... 113
B. Contenu ..................................................................................................... 113
V. Visite de reprise ......................................................................................... 114
A. Hypothses ................................................................................................ 114
1. Droit positif ............................................................................................ 114
2. Droits envols ......................................................................................... 115
B. Objet .......................................................................................................... 115
C. Modalits ................................................................................................... 116
VI. Non respect des visites mdicales ............................................................. 117
A. Enjeu civil ................................................................................................. 117
1. Consquence directe ............................................................................... 117
2. Consquences indirectes ........................................................................ 117
a. Lexcution du contrat de travail ........................................................ 117
b. La rupture du contrat de travail .......................................................... 118
B. Enjeu pnal ................................................................................................ 118
2 : Les documents mdicaux et vaccinations ......................................................... 119
220
I. Les documents mdicaux .............................................................................. 119
A. Le dossier mdical .................................................................................... 119
1. Contenu .................................................................................................. 119
2. Transmission .......................................................................................... 121
a. Transmission et volont ...................................................................... 121
b. Transmission et impriosit ................................................................ 121
B. La fiche mdicale daptitude ..................................................................... 122
1. La fiche mdicale classique .................................................................... 122
2. La fiche mdicale spciale ..................................................................... 122
II. Les vaccinations ........................................................................................ 123
A. Lencadrement des vaccinations ............................................................... 124
1. Obligations personnelles ........................................................................ 124
2. Obligations impersonnelles .................................................................... 125
a. Le salari ............................................................................................. 125
b. Lemployeur ....................................................................................... 125
c. Les professionnels de sant ................................................................ 125
B. Les types de vaccinations .......................................................................... 126
1. Vaccinations obligatoires ....................................................................... 126
2. Vaccinations facultatives........................................................................ 126
Sous-section 2 La surveillance mdicale drogatoire............................................... 127
1: La surveillance mdicale renforce ................................................................... 127
I. Salaris bnficiaires .................................................................................... 127
A. Facteurs endognes ................................................................................... 128
1. Les travailleurs mineurs ......................................................................... 128
2. Les femmes enceintes............................................................................. 128
3. Les travailleurs handicaps .................................................................... 129
B. Facteurs exognes ..................................................................................... 129
1. Facteurs non conditionns ...................................................................... 129
2. Facteurs conditionns ............................................................................. 130
a. Le plomb ............................................................................................. 130
b. Le bruit ............................................................................................... 130
c. Les vibrations ...................................................................................... 131
d. Les agents biologiques ....................................................................... 131
e. Les agents cancrognes, mutagnes ou toxiques pour la reproduction
132
221
II. Priodicit des examens mdicaux ............................................................ 133
2 : Le suivi mdical de catgories spcifiques de salaris ..................................... 133
I. La voie rglementaire ................................................................................... 134
A. Travailleur temporaire............................................................................... 134
1. Visite mdicale dembauche .................................................................. 135
a. Mdecin du travail comptent ............................................................ 135
b. Force obligatoire ................................................................................. 135
. La situation du salari ........................................................................... 135
. La situation du mdecin du travail ........................................................ 136
c. Finalit ................................................................................................ 136
2. Visites mdicales spcifiques ................................................................. 137
B. Salaris dassociations intermdiaires ....................................................... 137
1. Priodicit............................................................................................... 137
2. Finalits .................................................................................................. 138
C. Travailleurs saisonniers ............................................................................. 138
1. Une faible protection .......................................................................... 138
2. amliore par ladministration ? ......................................................... 139
II. La voie conventionnelle ............................................................................ 139
A. De laccord collectif de branche tendu ................................................ 140
1. Conditions .............................................................................................. 140
2. Effets ...................................................................................................... 140
B. au retour la voie rglementaire ........................................................... 141
Section 2 Les finalits de la surveillance ..................................................................... 142
Sous-section 1 : Le choix ............................................................................................ 142
1 : Le choix de laptitude ....................................................................................... 143
I. Laptitude totale ............................................................................................ 143
II. Laptitude avec rserve ............................................................................. 143
2 : Le choix de linaptitude .................................................................................... 144
I. Etude du poste du salari et des conditions de travail dans lentreprise ....... 145
II. Contrle mdical ....................................................................................... 146
A. Principe ..................................................................................................... 146
B. Exceptions ................................................................................................. 147
Sous-section 2 : Laccompagnement du choix ............................................................ 148
1 : Les propositions du mdecin du travail ............................................................ 148
222
I. Nature des propositions ................................................................................ 149
II. Prise en compte des propositions .............................................................. 149
A. Lemployeur et les propositions ................................................................ 149
1. La force obligatoire... ............................................................................. 149
2. ... et ses consquences ............................................................................ 150
B. Le salari et les propositions ..................................................................... 151
2 : Lobligation de reclassement du salari inapte ................................................. 152
I. Obligation de reclassement et inaptitude non professionnelle ...................... 152
A. Champ dapplication ................................................................................. 152
1. Salaris viss .......................................................................................... 152
2. Situations vises ..................................................................................... 153
a. Des lments ncessaires... ................................................................. 153
b. ... lindiffrence des lments .......................................................... 154
B. Mise en uvre ........................................................................................... 154
1. Recherche dun poste de reclassement ................................................... 155
a. La prise en compte des propositions du mdecin du travail ............... 155
b. Le cadre de la recherche du reclassement .......................................... 156
c. Les caractristiques du poste de reclassement .................................... 158
2. Proposition dun poste de reclassement ................................................. 159
a. Nature de la proposition ...................................................................... 159
b. Volont du salari ............................................................................... 159
II. Obligation de reclassement et inaptitude professionnelle ......................... 160
A. La similarit .............................................................................................. 160
B. Les spcificits .......................................................................................... 161
1. Le rle des dlgus du personnel.......................................................... 161
2. Le rle du mdecin du travail ................................................................. 163
Sous-section 3 : La contestation du choix ................................................................... 163
1 : Le recours contre lavis du mdecin du travail ................................................. 165
I. Champ dapplication ..................................................................................... 165
A. Ratione personae ....................................................................................... 165
1. Personnes habilites former le recours ................................................ 165
2. Personne habilite statuer sur le recours ............................................. 166
B. Ratione materiae ....................................................................................... 167
C. Ratione temporis ....................................................................................... 167
223
II. Action de linspecteur du travail ............................................................... 168
A. En amont ................................................................................................... 168
B. En aval ....................................................................................................... 169
2 : Les recours contre lavis de linspecteur du travail .......................................... 169
I. La voie non contentieuse .............................................................................. 170
II. La voie contentieuse .................................................................................. 170
Conclusion ................................................................................................................... 171
Chapitre 2 Laction en milieu de travail .......................................................................... 172
Introduction ..................................................................................................................... 172
Section 1 Les missions ................................................................................................. 173
Sous-section 1 Le conseil ......................................................................................... 173
Introduction De la surveillance mdicale au conseil ............................................ 173
1 : La consultation .................................................................................................. 174
I. Les consultations classiques ......................................................................... 174
A. Les biens ................................................................................................... 174
1. Biens immeubles .................................................................................... 174
a. Conseil de lemployeur ....................................................................... 174
b. Conseil de linspecteur du travail ....................................................... 175
2. Biens meubles ........................................................................................ 175
B. Les personnes ............................................................................................ 176
1. Conseil de lemployeur .......................................................................... 176
a. La formation renforce la scurit ................................................... 176
b. Les salaris blesss ............................................................................. 176
c. Le travail de nuit ................................................................................. 177
2. Conseil de linspection du travail ........................................................... 177
a. Travail prcaire et dangereux ............................................................. 178
b. Utilisation de protecteurs auditifs ....................................................... 178
c. Document dorganisation .................................................................... 178
3. Conseil des personnes comptentes en matire de sant .................. 179
II. La consultation nouvelle ........................................................................... 179
A. La saisine par lemployeur ........................................................................ 180
B. La rponse du mdecin du travail ............................................................. 180
Conclusion ............................................................................................................... 181
2 : La participation ................................................................................................. 181
224
I. La participation individuelle ......................................................................... 182
II. La participation collective ......................................................................... 182
A. Organes comptents en matire de sant et de scurit des travailleurs ... 182
1. Le CHSCT .............................................................................................. 182
2. Le CISSCT ............................................................................................. 183
B. Autres organes dcisionnels ...................................................................... 183
1. Ratione materiae .................................................................................... 183
2. Ratione personae .................................................................................... 184
Sous-section 2 La proposition .................................................................................. 184
Introduction : du conseil la prise de position ........................................................ 184
1 : Les propositions en matire de handicap .......................................................... 185
I. Droit positif ................................................................................................... 185
II. Droits teints ? ........................................................................................... 185
2 : Les propositions vocation gnrale ................................................................ 186
I. Rgime juridique ........................................................................................... 186
A. La proposition du mdecin du travail ....................................................... 186
1. La notion de risque ................................................................................. 186
2. La notion dcrit ..................................................................................... 187
B. La rponse de lemployeur ........................................................................ 187
II. Consquences juridiques ........................................................................... 188
A. Consquences pour lemployeur ............................................................... 188
1. La conservation du dialogue .................................................................. 188
2. Les risques du dialogue .......................................................................... 188
a. Responsabilit civile ........................................................................... 189
b. Responsabilit pnale ......................................................................... 189
B. Consquences pour le mdecin du travail ................................................. 190
1. La pluridisciplinarit .............................................................................. 191
2. Le pouvoir de proposition ...................................................................... 191
Conclusion ............................................................................................................... 192
Section 2 Les moyens ................................................................................................... 192
Sous-section 1 : Les moyens obligatoires.................................................................... 192
1 : Linformation .................................................................................................... 192
2 : Les documents .................................................................................................. 193
I. Le rapport annuel dactivit .......................................................................... 194
225
A. Rapport annuel dactivit classique .......................................................... 194
1. Contenu .................................................................................................. 194
2. Transmission .......................................................................................... 194
B. Rapport annuel dactivit propre lentreprise ......................................... 195
II. La fiche dentreprise.................................................................................. 195
A. Contenu ..................................................................................................... 196
B. Publicit ..................................................................................................... 196
3 : La formation continue ....................................................................................... 197
4 : Le temps de mission ......................................................................................... 197
Sous-section 2 Les moyens facultatifs...................................................................... 198
1 : Mesures et enqutes .......................................................................................... 198
I. Mesures, analyses et prlvements ............................................................... 198
II. Recherches, tudes et enqutes ................................................................. 199
2 : Accs aux lieux et documents de travail ........................................................... 199
Conclusion ................................................................................................................... 200
CONCLUSION GENERALE ................................................................................................ 201
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 204
INDEX ............................................................................................................................ 212
TABLE DES MATIERES .............................................................................................. 214