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These LionelCharbonnel

Ce document présente une thèse de doctorat en droit portant sur la hiérarchie des normes conventionnelles. La thèse est divisée en deux parties, la première partie examine la possibilité de rapports hiérarchiques entre conventions et la réalité de tels rapports. La seconde partie analyse les conditions nécessaires pour qu'un lien hiérarchique puisse s'établir entre conventions.

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These LionelCharbonnel

Ce document présente une thèse de doctorat en droit portant sur la hiérarchie des normes conventionnelles. La thèse est divisée en deux parties, la première partie examine la possibilité de rapports hiérarchiques entre conventions et la réalité de tels rapports. La seconde partie analyse les conditions nécessaires pour qu'un lien hiérarchique puisse s'établir entre conventions.

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UNIVERSIT DAVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE

FACULT DE DROIT
THSE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR EN DROIT DE LUNIVERSIT DAVIGNON ET DES PAYS DE VAUCLUSE
Discipline : Droit Priv

Prsente et soutenue publiquement par


Lionel CHARBONNEL
Le 24 novembre 2010

LA HIRARCHIE DES NORMES CONVENTIONNELLES :


CONTRIBUTION LANALYSE NORMATIVISTE DU
CONTRAT

Directeur de Thse
Mme Anne PLISSIER
Professeur lUniversit Montpellier I

JURY :
M. Arnaud MARTINON

Professeur lUniversit dAvignon et des Pays de Vaucluse

Mme Anne PLISSIER

Professeur lUniversit Montpellier I

M. Franck PETIT

Professeur lUniversit dAvignon et des Pays de Vaucluse

M. Didier PORACCHIA

Professeur lUniversit Aix-Marseille III Paul Czanne


(Rapporteur)

M. Pascal PUIG

Professeur lUniversit de la Runion (Rapporteur)

La Facult nentend donner aucune approbation ni improbation aux


opinions mises dans cette thse ; ces opinions doivent tre considres
comme tant propres leur auteur .

REMERCIEMENTS

La prsentation de ce travail doit tre loccasion de remercier une longue liste de


personnes y ayant contribu dune manire ou dune autre.
Je tiens, bien videmment, remercier avant tout Madame le Professeur Anne
PLISSIER pour avoir accept de diriger cette recherche, pour ses conseils aviss et pour ses
patientes relectures. Je la remercie encore de mavoir un jour offert des travaux dirigs de
droit international priv, linvestissement fut difficile, mais excessivement plaisant.
Je remercie galement les membres de ce jury qui me font lhonneur de participer
lapprciation de ce travail. Des remerciements particuliers doivent tre adresss Monsieur
le Professeur Pascal PUIG qui ma offert ce trs beau sujet sur lequel jai eu un immense
plaisir travailler.
Je tiens encore remercier chaleureusement Mme Batrice CHAPLEAU pour la
confiance quelle ma accorde pendant toutes les annes de la thse, et avant mme, en me
confiant chaque anne des travaux dirigs. Assurer ces derniers fut toujours un immense
plaisir.
De vifs remerciements doivent encore tre adresss Mesdames Brengre GLEIZE et
Patricia PARTYKA, pour leur confiance manifeste bien des gards, pour leurs conseils et
leur soutien sans faille, pour nous avoir associs leurs projets et pour bien dautres choses
encore
Ce travail a t facilit par laide prcieuse de mes camarades et amis doctorants et
jeunes docteurs. La confiance mutuelle que nous nous sommes accorde a sans aucun doute
facilit notre travail au sein de cette Universit, elle la galement de toute vidence rendu
plus agrable. Que Claire POITEVIN, Delphine GALAN, Jean-Christophe TIXADOR, et Mlanie
PARISET (que je remercie particulirement pour ses relectures) trouvent ici lexpression dune
amiti sincre. Jadresse galement mes remerciements mon vieux compagnon de route
pour son soutien et sa longue amiti.
Pour conclure, je tiens faire part du grand bonheur que jai eu travailler et tudier
au sein de lUniversit dAvignon.
Je remercie pour leurs enseignements, leurs conseils, leur gentillesse, lensemble des
enseignants que jai pu ctoyer pendant ma formation, en particulier Mesdames les
Professeurs Martine LE FRIANT et Delphine COSTA, Madame Agns MAFFRE-BAUG,
Messieurs les Professeurs Joseph PINI et Jean-Michel BRUGUIRE, pour la bienveillance dont
ils ont toujours fait preuve mon gard.
Enfin, que lensemble des personnels administratifs de la Facult de Droit trouve ici
lexpression de mes sincres remerciements. Leur aide, toujours prcieuse, a grandement
facilit mon travail.
Je remercie enfin Madame Carine JALLAMION, Professeur lUniversit Montpellier I,
pour ses prcieux conseils et ses relectures.

LISTE DES PRINCIPALES ABRVIATIONS

APD
AJDA
Ann. Loyers
AJDI
AJ pnal
Ass. Pln.

Archives de philosophie du Droit


Actualit juridique. Droit Administratif
Annales des Loyers
Actualit juridique Droit immobilier
Actualit juridique Pnal
Assemble plnire de la Cour de cassation

BJS
Bull. civ.
Bull. crim.

Bulletin Joly socit


Bulletin des arrts de la Cour de cassation (Chambre civile)
Bulletin des arrts de la Cour de cassation (Chambre criminelle)

CC
CE
Civ. (1, 2, 3)
Coll.
Com.
Comm.
Concl.
Contrats, conc., consom.
Crim.

Conseil constitutionnel (dcision)


Conseil dEtat (dcision)
Cour de cassation chambre civile (premire, seconde, troisime)
Collection
Cour de cassation chambre commerciale
Commentaire
Conclusions
Revue des contrats, de la concurrence et de la consommation
Cour de cassation chambre criminelle

D.
DC
Defrnois
DH
DP
Dr. soc.
Dr. socits

Recueil Dalloz
Dalloz critique
Rpertoire du notariat Defrnois
Dalloz hebdomadaire
Dalloz priodique
Revue de droit social
Droit des socits

Fasc.

Fascicule

Gaz. Pal.

Gazette du Palais

Ibid
IIAP
Infra

Ibidem (au mme endroit)


Institut international dadministration publique
Ci-dessous

J.-Cl.
JCP E
JCP G
JCP N
JO

Juris-classeur encyclopdie
Juris-classeur priodique dition entreprise
Juris-classeur priodique dition gnrale
Juris-classeur priodique dition notariale
Journal officiel.

LGDJ
LPA

Librairie gnrale de droit et de jurisprudence


Les Petites Affiches

Op. cit.

Opere citato (ouvrage dj cit)

p.
PUAM
PUF
PUG
PUL
PUR

page
Presses Universitaires dAix-Marseille
Presses Universitaires de France
Presses Universitaires de Grenoble
Presses Universitaires de Lille
Presses Universitaires de Rennes

RDC
RDP
Rev. Dr. imm.
Rev. socits
Rp. Civ.
RFDA
RFDC
RIEJ
RIDE
RJ Com
RJDA
RJS
RRJ
RSC
RTD civ.
RTD com.
RTD comp.
RTD eur.

Revue droit des contrats


Revue de Droit public
Revue de Droit immobilier
Revue des socits
Rpertoire encyclopdique Dalloz
Revue Franaise de Droit Administratif
Revue Franaise de Droit Constitutionnel
Revue interdisciplinaire dtudes juridiques
Revue internationale de droit conomique
Revue de jurisprudence commerciale
Revue de jurisprudence de droit des affaires
Revue de jurisprudence sociale
Revue de recherche juridique (Droit prospectif)
Revue de sciences criminelles
Revue trimestrielle de droit civil
Revue trimestrielle de droit commercial
Revue trimestrielle de droit compar
Revue trimestrielle de droit europen

S.
Soc.
SSL
Supra

Recueil Sirey
Cour de cassation chambre sociale
Semaine Sociale Lamy
Ci-dessus

vol.

Volume

SOMMAIRE

PREMIRE PARTIE LEXISTENCE DE HIRARCHIES DE NORMES


CONVENTIONNELLES

TITRE PREMIER LA POSSIBILIT DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE


CONVENTIONS.

CHAPITRE PREMIER LA CONVENTION EST UNE NORME.


CHAPITRE SECOND LA CONVENTION EST UNE NORME JURIDIQUE.

TITRE SECOND LA RALIT DES RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE


CONVENTIONS.

CHAPITRE PRLIMINAIRE DFINITION DE LA VALIDIT DUNE CONVENTION.


CHAPITRE PREMIER LA PRSENCE INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES
ENTRE CONVENTIONS.

CHAPITRE SECOND LABSENCE INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE


CONVENTIONS ET ACCORDS COLLECTIFS DE TRAVAIL.

SECONDE PARTIE LES CONDITIONS DE LA HIRARCHISATION DES


NORMES CONVENTIONNELLES.

TITRE PREMIER LES CONDITIONS PRALABLES LTABLISSEMENT


DUN LIEN HIRARCHIQUE.

CHAPITRE PREMIER UNE PLURALIT DE CONVENTIONS.


CHAPITRE SECOND UN LIEN ENTRE CONVENTIONS.

TITRE SECOND LES LMENTS CONSTITUTIFS DU LIEN HIRARCHIQUE.


CHAPITRE PREMIER LIMMUTABILIT CONVENTIONNELLE DE LA NORME
SUPRIEURE.

CHAPITRE SECOND LALTRIT DE PARTIES.

A mes parents

INTRODUCTION

La discipline de l'esprit scientifique ne


commencerait-elle pas seulement au refus de
toute conviction ? C'est probable ; reste
savoir si l'existence d'une conviction n'est pas
dj indispensable pour que cette discipline
elle-mme puisse commencer. (...) On voit par
l que la science elle-mme repose sur une
croyance ; il n'est pas de science sans
postulat
F. Nietzsche, Le gai savoir
Pour expliquer un brin de paille il faut
dmonter tout l'univers
R. De Gourmont, Le chemin de velours :

nouvelles dissociations dides

1.

Parmi les adages juridiques, il nen est peut-tre pas de plus goste que la vieille

maxime res inter alios acta aliis neque prodest neque nocet, maxime transpose presque
littralement dans larticle 1165 du Code civil Ainsi, le contrat parat vou un splendide
isolement . Cest par ces quelques mots que Lalou introduisait une chronique devenue
clbre crite en 19281. Le modle des relations contractuelles telles quelles avaient t
conues par les rdacteurs du Code civil avait dj vcu 2, le splendide isolement du
contrat appartenait au pass et Lalou, sattachant en apporter la preuve, nimaginait sans
doute pas combien, le sicle avanant, lisolement du contrat allait encore stioler.

2.

Redfinissant la notion deffet relatif des conventions deux auteurs3 allaient,

peine une dcennie plus tard, ouvrir la voie lrection en principe4, dsormais considr

H. LALOU 1382 contre 1165, ou la responsabilit dlictuelle des tiers lgard dun contractant ou dun
contractant lgard dun tiers , DH, 1928, chron., p. 69
2

Le problme nest neuf ni en doctrine ni en jurisprudence. Depuis longtemps les auteurs ont pos en principe
que le tiers qui sassocie sciemment la violation dun contrat encourt une responsabilit (toujours en
introduction de larticle cit).
3

A. WEILL, La relativit des conventions en droit priv franais, Thse Strasbourg, Dalloz, 1938 ; S.
CALASTRENG, La relativit des conventions, Thse, Toulouse, 1939
4

B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit civil, les obligations, Tome II, Le contrat, 6me dition, Litec,
1998, n 1482, p. 512 qui intitulent un paragraphe le principe de lopposabilit ; v. encore J. DUCLOS,

La hirarchie des normes conventionnelles


comme un corollaire indissociable du premier5, de lopposabilit du contrat aux tiers.
Lisolement des parties contractantes ntait plus, le contrat tait opposable aux tiers par les
parties, comme moyen de preuve ou source de responsabilit, et aux parties par les tiers. Le
paroxysme de lopposabilit du contrat tait sans doute atteint6 une fois le manquement
contractuel drelativis 7/8. La solitude du contrat tait donc rompue lgard des
personnes. Un autre pan de la solitude du contrat allait son tour cder, ctait dsormais au
milieu dautres actes juridiques que le contrat devait voluer.
Outre ses rapports avec la loi ou dautres sources de Droit tatique9, le contrat apparut

3.

rapidement comme llment dun ensemble plus vaste en relation avec dautres actes
juridiques. Limage dun contrat mcanisme clos, indiffrent aux contrats conclus ct de
lui 10 devait son tour voler en clats au fur et mesure que le groupe prenait
lascendant sur lindividu11. Les relations de la convention avec les actes juridiques
unilatraux furent remarques12, mais ce sont essentiellement ses rapports avec dautres
Lopposabilit, Essai dune thorie gnrale, (prface M. DIDIER), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv,
Tome 179, 1984, qui nomme la premire partie de sa thse le principe dopposabilit .
5

J. DUCLOS, Ibid., n 244, p. 277

G. WICKER, La sanction dlictuelle du manquement contractuel ou lintgration de lordre contractuel


lordre juridique gnral , RDC 2007, p. 593, v. n 2
7

Ce nologisme est luvre de Monsieur J.-P. TOSI, Le manquement contractuel drelativis , in, Ruptures,
mouvements et continuit du droit (Autour de Michelle Gobert), Economica, 2004, p. 479
8

Ass. Pln. du 6 octobre 2006, Sur cet arrt v. D. 2006, p. 2825, Note G. VINEY ; Contrats conc. conso., 2007,
comm. 63, L. LEVENEUR ; JCP G., 2006, II, 10181, commentaire M. BILLIAU ; Rev. dr. imm. 2006, p. 504,
observations P. MALINVAUD ; RTD civ. 2007, p. 123, Note P. JOURDAIN ; V. galement la Rubrique Dbat
Contrats sans frontires de la Revue des Contrats davril 2007, Avec les contributions de Messieurs, A.
MAZEAUD, P. ANCEL, P.-Y. GAUTIER, C. GRIMALDI, P. JACQUES, J.-L. SOURIOUX, P. STOFFELMUNCK, G. WICKER, R. WINTGEN, B. MOORE et C. POPINEAU-DEHAULLON ; Plus gnralement, sur
la critique de lassimilation des fautes contractuelles et dlictuelles, v. M. BACACHE-GIBEILI, Groupes de
contrats et relativit des conventions, (Prface Y. LEQUETTE), LGDJ, Coll. Thse, Bibliothque de droit priv,
Tome 268, 1996, en particulier, n 56 et s., p. 52 et s.
9

Sur lesquels v. notamment, P. TERNEYRE, Les rapports hirarchiques entre Constitution, loi et contrat en
droit positif franais , in, Renouveau du droit constitutionnel, Mlanges en l'honneur de Louis FAVOREU,
Dalloz, Coll. Etudes, Mlanges, Travaux, 2007, p. 1435
10

J. CARBONNIER, Droit civil, Les biens, les obligations, PUF, Coll. Quadrige, 2004, n 1026, p. 2107

11

R. CABRILLAC, Lacte juridique conjonctif en droit priv franais, (prface P. CATALA), LGDJ, Coll.
Bibliothque de droit priv, Tome 213, 1990, n 2, p. 1 qui remarquait qu il devient un lieu commun de relever
que le groupe imprgne le droit du XXme sicle finissant .
12

NEAU-LEDUC P., La rglementation de droit priv, Litec, Coll. Bibliothque de droit de lentreprise, Tome
38, 1998 ; R. ENCINAS DE MUNAGORRI, Lacte unilatral dans les rapports contractuels, (Prface A.
LYON-CAEN), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 254, 1996

Contribution lanalyse normativiste du contrat


conventions qui attirrent toutes les attentions de la doctrine. Indniablement, le premier acte
marquant de cette nouvelle squence fut lapparition de la notion de groupe de contrats, que
Monsieur Teyssi13 sut identifier et laquelle la jurisprudence donna, un temps, une certaine
consistance14. Depuis, le phnomne ne cesse dtre perfectionn15 et dclin dans plusieurs
de ses variantes, chacune faisant lobjet dtudes particulires16. Lisolement du contrat nest
plus.
La convention est aujourdhui communment apprhende comme une partie dun

4.

ensemble plus vaste, pice des montages complexes17 ou lment densembles nous 18, de
manire interdpendante19, indivisible20 ou mme, hirarchique21. Cest dans cette perspective
consistant tudier le contrat dans ses interactions avec dautres actes de mme nature que
nous voudrions inscrire nos recherches, en poursuivant ltude dune relation, la relation
hirarchique, qui reprsentent sans doute la manifestation la plus aboutie des rapports interconventionnels . La question a dj fait lobjet dune premire tude qui a sans aucun doute
permis davancer sur la voie trace jusqu prsent. Nous proposerons de faire quelques pas
13

B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, (prface J.-M. MOUSSERON), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit
priv, Tome 139, 1975
14

V. en particulier les arrts de la premire chambre civile de la Cour de cassation des 8 mars 1988, JCP 1988,
II, 21070, RTD civ. 1988, p. 760 Observations P. JOURDAIN, et 21 juin 1988 : dans un groupe de contrats, la
responsabilit contractuelle rgit ncessairement la demande en rparation de tous ceux qui n'ont souffert du
dommage que parce qu'ils avaient un lien avec le contrat initial , D. 1989, p. 5 note C. LARROUMET, JCP
1988, II, 21125 note P. JOURDAIN.
15

Par exemple, M. BACACHE-GIBEILI, Groupes de contrats et relativit des conventions, op. cit.

16

Entre autres, J. NERET, Le sous-contrat, (prface P. CATALA), LGDJ, Coll. Bibliothque que droit priv,
Tome 163, 1979 ; D. MAINGUY, La revente, (Prface P. MALAURIE), Litec, Bibliothque de droit de
lentreprise, Tome 35, 1996 ; B. MALLET-BRICOUT, La substitution de mandataire, (Prface C.
LARROUMET), Panthon-Assas, Coll. Droit priv, 2000
17

Sur ce point entre autres, D. PORACCHIA, La rception juridique des montages conus par les
professionnels, (prface J. MESTRE), PUAM, Coll. Institut de droit des affaires, 1998 (mme si les montages
envisags par lauteur ne sont pas exclusivement composs dactes contractuels).
18

Selon lexpression de Monsieur Couret propos de la socit, v. Le gouvernement dentreprise : la


corporate governance , D. 1995, p. 163 ; v. encore M. CABRILLAC, Remarques sur la thorie gnrale du
contrat et les crations rcentes de la pratique commerciale , Mlanges ddis G. MARTY, Universit des
sciences sociales de Toulouse, 1978, n 19 p. 247, qui parle de contrats imbriqus .
19

La notion est consacre par le dernier projet connu de rforme de droit des obligations larticle 126 du projet
qui consacre lensemble contractuel .V. ce projet sur le Blog de Monsieur Houtcieff : http://www.dimitrihoutcieff.fr/files/projet%20DACS%20modifi%20mai%202009-numrot.pdf
20

J.-B. SEUBE, Lindivisibilit et les actes juridiques, (Prface M. CABRILLAC), Litec, Bibliothque de droit
de lentreprise, Tome 40, 1999
21

J. PERROUIN, La hirarchie des conventions en droit priv, (Direction L. ROZES), Thse Toulouse, 2000

La hirarchie des normes conventionnelles


supplmentaires en apprhendant le terme hirarchie dans un sens un peu plus strict que
celui dj retenu. La notion de hirarchie des normes est en effet polysmique, susceptible
de degrs, et cest une relation dun degr plus profond que nous voudrions consacrer ce
travail. Cela suppose, pour faire lconomie de quelques malentendus, de circonscrire aussi
prcisment que possible lobjet de notre recherche.

I. Objet de la recherche.
Dfinition de la convention Quest-ce quune convention ? La rponse cette

5.

interrogation mriterait assurment bien plus que les quelques lignes que nous pouvons lui
consacrer dans cette introduction. Au demeurant, nous ne serions sans doute pas plus assurs
de pouvoir cerner mieux la convention en lui consacrant dimportants dveloppements22 tant
la dfinition du contrat est fonction des convictions et opinions de chacun. Peut-tre nexistet-il pas, de toute faon, de contrat en soi ou dide pure de contrat 23. La24 notion de
convention est vraisemblablement, linstar dautres notions pourtant fondamentales25,
introuvable26. Il est certainement plus facile de dire ce qui nest pas un contrat que de
dfinir ce qui en est un 27. Mais notre propos nest pas l. Il convient simplement de dfinir
ce que nous considrerons, dans la prsente tude, comme une convention, de manire
dlimiter le champ de nos investigations.
22

V. Cependant sur cette question, entre autres : G. ALPA, Le contrat individuel et sa dfinition , RID
comp., 1988, p. 327 ; J. GHESTIN, La notion de contrat , D. 1990, p. 147 et La notion de contrat au regard
de la diversit de ses lments variables, Rapport de synthse , in, La relativit du contrat, Travaux de
l'association Henri Capitant, Tome IV, 1999, LGDJ, 2000, p. 223 ; G. MONTANERI , Rgles et techniques
de la dfinition dans le droit des obligations et des contrats en France et en Allemagne : La synecdoque
franaise , RID comp., 1984, p. 7 ; G. ROUHETTE, Contribution l'analyse critique de la notion de contrat,
Thse, Paris, 1965; F. COLLART-DUTILLEUL, Quelle place pour le contrat dans l'ordonnancement juridique
? , in, La nouvelle crise du contrat (direction C. JAMIN et D. MAZEAUD), Coll. Actes, Thmes et
commentaires, Dalloz, 2003, p. 225 ; v. galement les numros des revues Droits, n 12, 1990 et les Archives de
philosophie du Droit, Le problme du contrat, 1940 et Sur les notions du contrat, Tome 13, 1968
23

J-P. CHAZAL, De la thorie gnrale la thorie critique du contrat , RDC, 2003, n 1, p. 30

24

Lutilisation de cet article dfini nest dailleurs sans doute pas trs heureuse tant il est acquis que les
dfinitions du contrat sont plurielles. V. Sur ce point, G. ROUHETTE, Thse prcite, p. 49 ; en ce sens
galement, J. GHESTIN, La notion de contrat au regard de la diversit de ses lments variables, Rapport de
synthse , prcit, p. 225 et p. 231, pour lequel lhypothse est douteuse .
25

C. GRZEGORCZYK, Le concept de bien juridique : l'impossible dfinition? , APD 1979, p. 259

26

F. COLLART-DUTILLEUL, Quelle place pour le contrat dans l'ordonnancement juridique ? , prcit, p.


225 227
27

M. S. ZAKI, Le formalisme conventionnel, illustration de la notion de contrat-cadre , RID comp., 1986, p.


1079, n 99

Contribution lanalyse normativiste du contrat


6.

La convention est traditionnellement dfinie comme un accord de volont destin

crer des effets de droit. Elle serait le genre dune catgorie dactes juridiques dont, chacun le
sait, le contrat est une espce28. Elle sen distinguerait de par la nature de ses effets. Alors que
la convention serait susceptible de transfrer, dteindre ou de crer une obligation, le contrat
naurait que le dernier des effets dcrits (et la rigueur celui de transfrer la proprit 29). La
doctrine est unanime sur les termes de cette distinction, elle lest presque autant dans son
choix dassimiler, une fois la distinction pose, la convention et le contrat 30. Nous ne ferons
de ce point de vue l preuve daucune originalit. vrai dire, nous concevons assez
difficilement comment lon pourrait aujourdhui distinguer ces deux actes selon un critre,
lobligation, dont la doctrine a soulign quil ntait ni, loin sen faut, le seul effet produit par
le contrat31, ni mme, leffet principal de larchtype32 de lacte contractuel33. Contrat,
convention, les deux termes seront utiliss prsent comme de parfaits synonymes, ils
voqueront un accord de volont destin crer des effets de droit et auquel le Droit objectif
fait produire de tels effets34.
Conventions de droit priv Un bmol doit cependant tre apport cette

7.

conception a priori assez large de la convention. Elle sera exclusive des contrats
administratifs. Lexclusion de ces conventions nallait pas de soi. Contrats administratifs et
contrats de droit priv prsentent indniablement de grandes similitudes. Tous correspondent
28

Par exemple J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Doit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique,
14me dition, Sirey, Coll. Sirey Universit, 2010, n 80, p. 66
29

Sur ce point prcis et sur ceux qui prcdent, v. par exemple J. CARBONNIER, Droit civil, Les biens, les
Obligations, op. cit., n 930, p. 1942
30

Entre autres ; J. GHESTIN, La formation du contrat, 3me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit civil, 1993, n 5
p. 5 ; A. WEILL, F. TERRE, Droit civil, Les obligations, 4me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 1986, n 23, p. 25 ; v.
cependant contra P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, 11me dition, Litec, Coll.
Manuels, 2010, qui juge que cest tort que lavant-projet de rforme du droit des obligations et de la
prescription abandonne cette distinction. Sur cet avant projet v. P. CATALA (direction), Rapport, Avant-projet
de rforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation franaise, 2006
31

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , RTD civ., 1999, p. 771 ; v. galement,
A.-S. LUCAS PUGET, Essai sur la notion dobjet du contrat, (prface M. FABRE-MAGNAN), LGDJ, Coll.
Bibliothque de droit priv, Tome 441, 2005, en particulier, n 573 et s., p ; 330 et s.
32

Sur ce point, M.-E. ANCEL, La vente dans le Code civil : raisons et draisons d'un modle contractuel , in,
Code civil et modles, Des modles du code au code comme modle, (Direction T. REVET), LGDJ, Coll.
Bibliothque de l'Institut Andr Tunc, 2005, p. 285
33

M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de lobligation de donner , RTD civ., 1996, p. 85

34

Chacun reconnatra ici la dfinition emprunte Monsieur Ghestin, v. La notion de contrat , D. 1990, Ch.
p. 147 ; La formation du contrat, op. cit., n 8, p. 9

La hirarchie des normes conventionnelles


la dfinition retenue de la convention. Mais cette catgorie de convention prsente
dindniables et importantes spcificits quant son rgime juridique qui la font chapper la
thorie gnrale du contrat, quelle semble mme condamner35. Ds lors, mme si certains
auteurs ont soulign que le droit priv se rapprochait par certains aspects du droit
administratif des contrats, en particulier par un important dveloppement de lunilatralisme
en droit des contrats privs36, les diffrences sont encore nombreuses qui nous conduiront
exclure les contrats de ladministration de nos investigations. Reste dterminer avec
prcision ce que nous entendrons par hirarchie des normes.
La hirarchie : Une notion courante et polysmique La hirarchie des normes

8.

est lune de ces notions dont on peut affirmer sans craindre de faire erreur quelle sige au
Panthon des notions dominantes sur le sol franais 37. La doctrine admet couramment la
hirarchie des normes comme une ide qui va de soi 38. Il est question de hirarchie des
normes dans diffrentes branches du droit, en droit constitutionnel39, en droit
communautaire40, en droit du travail41 ou dans diffrentes situations particulires, dans les
rapports entre les contrats-cadres et les contrats d'application42 ou encore entre les diffrents
niveaux de conventions et accords collectifs de travail43. On voque souvent la hirarchie des

35

L. CLERC, La validit des contrats administratifs, (direction J. PINI), Thse, Avignon, 2007, cette
singularit inhrente aux contrats administratifs remet en cause lexistence dune thorie gnrale des
obligations, n 512, p. 599
36

F. BRENET, La thorie du contrat administratif, volutions rcentes , AJDA 2003, p. 923 ; En droit priv,
v. par exemple, P. ANCEL, Laccroissement de la place de lunilatralit dans le contrat ?, in, La
contractualisation de la production normative, Dalloz, Coll. Thmes et commentaires, 2008, p. 307
37

D. DE BECHILLON, Sur la conception franaise de la hirarchie des normes, Anatomie dune


reprsentation , RIEJ, 1994, 32, p. 81
38

P. AMSELEK, Une fausse ide claire: La hirarchie des normes juridiques , in, Renouveau du droit
constitutionnel, Mlanges en l'honneur de Louis FAVOREU, Dalloz, Coll. Etudes, Mlanges, Travaux, 2007, p.
983
39

L. FAVOREU (Direction), Droit constitutionnel, 12me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 2009, n 80, p. 62

40

P.-Y. MONJAL, La confrence intergouvernementale de 1996 et la hirarchie des normes


communautaires , RTD Eur., 1996, n 4, p. 687
41

J.-M. OLIVIER, Les conflits de sources en droit du travail in, Les sources du droit du travail, (direction B.
TEYSSIE), PUF, Coll. Droit, thique, Socit, 1998, p. 201
42

Par exemple, F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, Le contrat cadre, par del les paradoxes , RTD
com., 1996, n 39, p. 201; J. RAYNARD, Note sous Civ. 1, 25 novembre 2003, JCP G, 2004, II, 10046, n 6 ; J.
PERROUIN, Thse prcite, n 221 et s., p. 122 et s.
43

Sur ce point, v. infra, n 13 et s.

Contribution lanalyse normativiste du contrat


normes pour formuler son encontre toutes formes de critiques44, dmontrer les perturbations
en son sein45, les contradictions quelle recle46 ou encore ses mutations47. Cette notion
familire n'est pourtant pas (doit-on vritablement sen tonner48) dpourvue d'ambigits49.
Si la hirarchie est prsente partout (...) elle n'est nulle part exprime 50, ce dont il rsulte
quelle est en gnral utilise sans trop se soucier de rigueur 51. Ce manque de rigueur,
dans un domaine dans lequel l'importance des dfinitions n'est plus dmontrer 52, est
assurment gnant si lon considre le fait que nous lavons dit la hirarchie est
protiforme. Nombreuses sont en effet les hypothses dans lesquelles il est possible
d'identifier une relation de cette nature, au point qu'entre deux normes x et y, il soit frquent
de pouvoir relever des rapports de supriorit/infriorit apparemment contradictoires 53. Une
liste des configurations dans lesquelles il est possible dentrevoir des relations hirarchiques
entre deux normes, dresse par Monsieur Troper, permettra de sen assurer assez rapidement.
Il peut y avoir une hirarchie entre deux normes :
a) Si x a prescrit les conditions de production de y.
b) Si x a prescrit de donner y un contenu spcifique.
c) Si x a interdit de donner y un certain contenu.
44

P. AMSELEK Rflexions critiques autour de la conception Kelsenienne de l'ordre juridique , RDP, 1978, p.

5
45

F. GRANET, Perturbations dans la hirarchie des normes juridiques , in, Le droit priv franais la fin du
XXme sicle, tudes offertes Pierre CATALA, Litec 2001, p. 41
46

P. AMSELEK Kelsen et les contradictions du positivisme juridique , APD, 1983, t. 28, p. 271

47

P. PUIG, La hirarchie des normes : du systme au principe , RTD civ., 2001, p. 749

48

Comme la en effet relev Monsieur ATIAS, plus les notions juridiques occupent une position centrale,
moins elles sont dfinies , Restaurer le droit du contrat , D. 1998, p. 137, n 1
49

D. DE BECHILLON, Sur la conception franaise de la hirarchie des normes, Anatomie dune


reprsentation , RIEJ., 1994, 32, p. 85
50

J.-L. QUERMONNE, L'volution de la hirarchie des actes juridiques en droit public franais, Thse CAEN,
1952, p. 268, cit par P. AMSELEK, Une fausse ide claire : La hirarchie des normes juridiques , in,
Renouveau du droit constitutionnel, Mlanges en l'honneur de Louis FAVOREU, Dalloz, 2007, p. 983
51

N. ALIPRANTIS, La place de la convention collective dans la hirarchie des normes, (Prface H. SINAY),
LGDJ, Coll. Bibliothque douvrages de droit social, Tome 22, 1980, p. 39
52

H.L.A. HART, L'importance des dfinitions en droit , in, Le positivisme juridique, LGDJ, Coll. La pense
juridique, 1992, p. 90
53

M. TROPER, Souverainet de l'tat et hirarchie des normes dans la jurisprudence constitutionnelle : en


guise d'introduction: la thorie constitutionnelle et le droit constitutionnel positif , Les cahiers du Conseil
constitutionnel, n 9/2000, p. 137 (les rfrences renverrons toujours la version lectronique des cahiers
disponible sur le site internet du Conseil constitutionnel. Les numros de page divergent de ceux de la version
papier).

La hirarchie des normes conventionnelles


d) Si x peut abroger b, tandis que b ne peut abroger x.
e) Si, au cas o y aurait enfreint l'une des trois premires prescriptions, une troisime norme z
ordonne l'annulation de y par un juge.
f) Si, au cas o y aurait enfreint l'une des trois premires prescriptions, une troisime norme z
interdit au juge d'appliquer y.
g) Si, en cas de conflit entre le contenu de x et le contenu de y, une troisime norme z ordonne
d'appliquer x .
Les configurations prsentes sont nombreuses et les rapports peuvent tre, comme nous
lannoncions, contradictoires. Imaginons deux lois au sens organique du terme. Ces deux lois
sont au mme niveau hirarchique au sens a, b, et c. Toutes deux sont en effet soumises la
Constitution qui leur est suprieure. Aucune ne peut dterminer les conditions de validit de
l'autre. En revanche, au sens d, une loi peut tre suprieure une autre. L'abrogation d'une
rgle de nature lgislative se produit en effet par le vote d'une nouvelle loi54 dont le contenu
ordonnera l'abrogation de lacte antrieur. Voil une situation bien paradoxale dans laquelle
une loi peut tre apprhende comme tant la fois au mme niveau hirarchique quune
autre loi, tout en pouvant tre considre comme suprieure cette autre loi55. Le constat a de
quoi dconcerter. Il est souvent lorigine des trs vives critiques adresses la thorie de
la hirarchie des normes et laisse entrevoir dimmenses difficults ceux qui auraient
lambition de rendre compte de relations entre deux rgles en termes de hirarchie. En ralit
la difficult, si elle est prsente, est bien moins grande quelle ne parat si lon accepte de se
dfaire de lide commune que le critre hirarchique est unique 56. Deux57 voire trois
54

L. FAVOREU, op. cit., n 93, p. 70

55

Une autre illustration de cette situation paradoxale peut-tre trouve en droit du travail. Dans ce domaine,
comme dans les autres, la Constitution est suprieure la loi qui elle-mme est suprieure la convention
collective ou au contrat de travail au sens a. Or, si la hirarchie est envisage dans l'acception voque au point
g, (cest--dire x suprieure y si en cas de conflit entre le contenu de x et y, une troisime z, ordonne
d'appliquer x) on peut considrer parfois que le contrat ou la convention collective de travail sont
hirarchiquement suprieurs la loi. On sait qu'il existe en effet en droit du travail un principe fondamental
(...) selon lequel, en cas de conflit de normes cest la plus favorable au salari qui doit recevoir application
(Soc. 17 juillet 1996, SNCF et EDF, Bull. civ. V, n 296 et 297), plus simplement connu sous le nom de principe
de faveur. Il y a donc ici au sens g dfini par Michel Troper une hirarchie des normes. Une norme z, le principe
de faveur, ordonnant dappliquer une norme x (la plus favorable) en cas de conflit entre cette dernire et une
norme y (la moins favorable). On aboutit donc l encore au paradoxe suivant : le contrat de travail ou l'accord
collectif de travail, norme hirarchiquement infrieure la loi au sens a, est la norme hirarchiquement
suprieure au sens g.
56

N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 40

57

N. ALIPRANTIS, op. cit. p. 39 et s., Selon cet auteur, le critre de la hirarchie est double. Au sens strict du
terme, sans doute faut-il lui donner raison. Mais il est indniable quune troisime acception du terme, la moins
prcise, est courante aujourdhui. Il sagit de celle que nous dcrirons la premire ; En ce sens encore, v. P.

Contribution lanalyse normativiste du contrat


acceptions diffrentes de la notion de hirarchie des normes peuvent tre retenues, chacune
devra faire lobjet dun rapide expos.
La hirarchie extrmement simplifie 58 Pour une grande partie de la doctrine, la

9.

hirarchie des normes est comprise aujourd'hui dans un sens large ou trs simplifi 59.
Dans ce sens l, cette thorie se rsume l'exigence que les normes infrieures soient
conformes aux normes suprieures sans que ne soit livr de critre prcis de la supriorit
hirarchique, ni expliqu ce qu'il advient si, en contravention avec la thorie , des normes
ne sont pas conformes60. Ce terme est finalement utilis pour exprimer toute mise en ordre
des normes juridiques, n'importe quel principe satisfaisant le postulat de la cohrence de
l'ordre juridique 61. C'est une dfinition de cet ordre que donne un grand vocabulaire
juridique pour lequel la hirarchie est : l'ensemble des composantes dun systme
juridique considr dans leur coordination et fond sur le principe selon lequel la norme dun
degr doit respecter et mettre en uvre celle du degr suprieur 62.
Il peut alors tre question de hirarchie en matire de conventions si lon admet que ce
terme dsigne : un lien particulier qui ordonne, les uns par rapport aux autres, les contenus
normatifs de deux ou plusieurs conventions (...) Quand elle s'tablit entre deux conventions
distinctes la hirarchie a pour effet de subordonner le contenu de l'une celui de l'autre
place au-dessus d'elle 63. Entendue de la sorte, cette dfinition permet de rvler plusieurs
rapports hirarchiques entre deux conventions en droit positif64 : les contrats-cadres dj
cits65 ou les conventions et accords collectifs de travail66 ou locatifs67 seraient tous des actes
PUIG, La hirarchie des normes : du systme au principe , prcit, n 32, p. 783
58

O. PFERSMANN, Hirarchie des normes in, Dictionnaire de la culture juridique, (Direction S. RIALS et
D. ALLAND), PUF, Quadrige, 2003, p 779
59

Ibid.

60

O. PFERSMANN, Ibid.

61

N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 39

62

G. CORNU, (direction), Vocabulaire juridique, 8me dition, PUF, Quadrige, 2007, p. 457

63

J. PERROUIN, Thse prcite, n 3-2, p. 5, cest nous qui soulignons

64

Pour une tude complte sur la question voir, J. PERROUIN, Thse prcite

65

V. supra n 8, et infra n 532 et s.

66

Sur cette question v. infra, n 312 et s. et les nombreuses rfrences cites.

67

J. PERROUIN, Thse prcite, n 71 et s. p. 57

La hirarchie des normes conventionnelles


dans une position hirarchiquement suprieure dautres conventions (ces actes seraient
respectivement suprieurs aux contrats dapplication et aux conventions et accords ayant un
champ dapplication moins large). Une violation des rgles suprieures par les normes
infrieures peut alors avoir pour consquence de sanctionner la convention rebelle (par la
nullit ou encore la mise en conformit68), ou les auteurs de cette convention (par les
mcanismes de responsabilit civile contractuelle et dlictuelle par exemple69).
Les dfinitions de la hirarchie peuvent se faire un peu plus prcises et sordonner
autour de critres plus stricts. La thorie de la hirarchie des normes comprend [alors] deux
volets distincts : l'un destin fonder l'existence des normes, l'autre se proccupant de rgler
les ventuels conflits entre elles 70.

10.

La hirarchie force drogatoire 71 La question de la hirarchie au sens de la

force drogatoire se pose au stade de lapplication de la rgle et se dcline en deux


interrogations distinctes : comment liminer les normes en vigueur devenues indsirables
(abolition totale de la norme ou abrogatio72) ? Quelle norme appliquer lorsque les contenus
respectifs de deux rgles semblent tre en opposition (il s'agit alors de l'abolition partielle ou
derogatio73) ?

11.

Force drogatoire et abrogation En termes de force drogatoire au sens de

labrogation, une norme est dite suprieure une autre si elle contient des dispositions qui
permettent de la priver de sa validit donc de l'liminer du systme 74. On retrouve ici la
hirarchie au sens d formule par Monsieur Troper. Une loi qui en abroge une autre est
considre comme tant suprieure en force drogatoire.
68

Ibid. n 1029 et s. p. 440 et s.

69

Ibid. n 1132 et s. p. 481 et s.

70

P. PUIG, La hirarchie des normes : du systme au principe , prcit, n 32, p. 783

71

L. FAVOREU, op. cit., n 91, p. 69, drogatoire devant tre ici entendu comme le fait qu'une norme ne
s'applique pas, au moins directement, sous l'effet d'une autre rgle, soit que celle-ci la fasse dfinitivement
disparatre, soit qu'elle en empche provisoirement la concrtisation , v. galement Monsieur ALIPRANTIS,
op. cit., p. 42 qui parle de hirarchie selon la force juridique des normes
72

H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, PUF, Coll. Lviathan, 1996, p. 146

73

L. FAVOREU, op. cit., n 92 et s. p. 69 et s.

74

Ibid.

10

Contribution lanalyse normativiste du contrat


12.

Si l'on se place sur le terrain conventionnel un contrat peut tre considr comme

hirarchiquement suprieur un autre qui lie les mmes parties, puisque les parties peuvent
toujours, par un nouvel accord de volont, se dfaire de ce qu'elles ont antrieurement
voulu75. Leur nouvel accord sera hirarchiquement suprieur au premier en termes de force
drogatoire .

13.

Force drogatoire et concrtisation La force drogatoire , entendue au sens de

la concrtisation de la norme, voque ce que lon dsigne couramment comme des rgles de
conflit ou de concours de normes. La supriorit hirarchique dune norme se manifeste alors,
en cas de concours de normes, par lapplication d'une norme par rapport une autre 76.
On retrouve ici la hirarchie dfinie au sens g par Monsieur Troper77. Dans cette acception
une rgle x est suprieure une rgle y si, lorsque les contenus de x et y sont incompatibles,
une troisime norme z78 ordonne lapplication de la norme x.

14.

L'usage de ce dernier sens de la notion de hirarchie est trs rpandu en matire de

conventions, plus particulirement en droit du travail.

15.

Une partie de la doctrine travailliste utilise effectivement de manire habituelle cette

acception de la hirarchie pour dcrire les mcanismes d'articulation des diffrentes sources
du droit du travail. Cest par exemple le cas lorsquil sagit de rendre compte des rapports
entre

les

diffrents

niveaux

de

conventions

et

accords

collectifs

de

travail79

(interprofessionnel, branche, entreprise, et groupe80). Les dbats ayant eu lieu loccasion de

75

Larticle 1134 alina 2 du Code civil dispose en effet que les conventions peuvent tre rvoques du
consentement mutuel des parties, v. infra, n 523 et s.
76

L. FAVOREU, op. cit., n 92, p. 70

77

Si, en cas de conflit entre le contenu de x et le contenu de y, une troisime norme z ordonne d'appliquer x ,
Souverainet de l'tat et hirarchie des normes dans la jurisprudence constitutionnelle : en guise
d'introduction : la thorie constitutionnelle et le droit constitutionnel positif , Les cahiers du Conseil
constitutionnel, n 9/2000, p. 143
78

Par exemple : les maximes lex posterior derogat priori ou specialia generalibus derogant ; le principe de
faveur ou encore, en droit pnal, la rgle selon laquelle en cas de concours de qualifications les faits doivent
tre poursuivis sous leur plus haute expression pnale.
79

Par exemple, G. VACHET, La rforme de la ngociation collective , JCP E., 2004, p. 1245 qui crit,
Jusqu' prsent, la hirarchie des normes en droit du travail reposait sur le principe dit de faveur .
80

Niveau lgalement consacr depuis 2004. V. J. GRANGE, Les conventions et accords collectifs de groupe ,
SSL, supp. n 1183, 27 septembre 2004, p. 73

11

La hirarchie des normes conventionnelles


llaboration de la loi Fillon81 sont particulirement rvlateurs cet gard. Larticulation des
diffrents niveaux de ngociation a en effet souvent t traite sous lintitul hirarchie des
normes 82. Plusieurs auteurs ont affirm que le mcanisme mis en place par cette loi (qui
permet aux accords de branche et dentreprise de droger 83 aux conventions de niveaux
suprieurs dfaut dinterdiction expresse de leur part) avait pour effet dinverser la pyramide
des normes84 ou de crer une nouvelle hirarchie des normes85. La loi du 4 mai 2004
emploie dailleurs elle-mme cette acception du terme en disposant dans son article 45 que
la valeur hirarchique accorde par leurs signataires aux conventions et accords conclus
avant l'entre en vigueur de la prsente loi demeure opposable aux accords de niveaux
infrieurs 86 (dans une formule sans doute assez peu heureuse87/88).

81

Loi n 2004-391 relative la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

82

Anonyme, La hirarchie des normes , SSL, 27 septembre 2004, supp. n 1183, p. 27

83

Au sens de la possibilit de () poser des normes moins favorables aux salaris , P. RODIERE, La loi
du 4 mai 2004 sur la dialogue social : une rforme en devenir , SSL, 27 septembre 2007, n 1183, p. 7
84

Y. CHALARON, Laccord drogatoire en matire de temps de travail , Dr. soc. n 4, avril 1998, p. 363 ; N.
DAUXERRE, Le rle de laccord collectif dans la production de la norme sociale, (prface B. TEYSSIE),
PUAM, Coll. Institut de droit des affaires, 2005, n 326, p. 378 ; M. MORAND, Faut-il renforcer la puissance
de l'accord collectif face au contrat de travail ? , Revue de droit du travail, 2007, p. 144 ; M.-A. SOURIAC,
Larticulation des accords de branche et dentreprise : une question de principe , SSL, supp. n 1084, 15 juillet
2002, p. 12
85

P. LANGLOIS, Approche critique des principales dispositions du projet de loi II , SSL, 26 janvier 2004, n
1153, p. 9
86

Sur cet article, S. STEIN, La scurisation des accords de branche commentaire de larticle 45 de la loi du 4
mai 2004 , SSL, 27 septembre 2007, n 1183, p. 64
87

H. TISSANDIER, Larticulation des niveaux de ngociation : des principes en mutation , SSL, 27


septembre 2007, n 1183, p. 57 et spc. p. 62
88

Les dbats en matire de conventions collectives de travail illustrent encore la ncessit de dfinir avec
prcision les diffrentes acceptions de la hirarchie et celle pour laquelle nous opterons. Plusieurs auteurs ont en
effet vivement dnonc lutilisation du terme hirarchie pour rendre compte de larticulation entre les
diffrents niveaux de conventions et accords en estimant que lon parlait alors de hirarchie dans un sens
impropre (N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 39). La hirarchie des normes, crit un auteur, n'est pas renverse
par l'opration de drogation () la hirarchie est [alors] confondue avec articulation (F. BOCQUILLON,
Vraies fausses ides sur les rapports entre la drogation et la hirarchie des normes , tudes offertes P.
ORTSCHEIDT, PU Strasbourg, 2003, p. 34). Au fond, il nous semble que la querelle aurait pu tre vite si
chacun avait prcis de quelle notion de hirarchie il tait question. Alors que certains emploient dans ce dbat le
terme hirarchie au sens de la force drogatoire, ceux qui contestent l'ide de l'existence de rapports
hirarchiques entre les conventions collectives de diffrents niveaux se rfrent la hirarchie au sens dun
rapport de production. Plus que lillustration de positions contraires, ce dbat est une preuve de la confusion qui
rgne autour de la notion de hirarchie et de limprieuse ncessit de fixer clairement les termes du dbat.

12

Contribution lanalyse normativiste du contrat


16.

La hirarchie rapport de production Enfin, la hirarchie peut galement

dsigner lexistence dun rapport de production89 entre plusieurs normes. On ne peut voquer
cette acception du terme sans parler immdiatement de lcole de Vienne, et plus
particulirement de Hans Kelsen, qui lon doit cette notion90. Pour le matre autrichien, le
fait que la validit dune norme fonde la validit dune autre norme, constitue le rapport entre
une norme suprieure et une norme infrieure . Une norme est avec une autre norme
dans un rapport de norme suprieure norme infrieure si celle-ci est fonde sur la validit
de celle-l. Si la validit de la norme infrieure est fonde sur la validit de la norme
suprieure par le fait que la norme infrieure a t cre de la manire prescrite par la norme
suprieure alors, la norme suprieure a le caractre dune norme de constitution au regard
de la norme infrieure 91. On dit alors d'une norme qui dtermine les conditions de validit
d'une autre norme qu'elle relve d'un statut hirarchique suprieur par rapport celle-ci 92.
On le constate donc (et Kelsen le disait93), la hirarchie dans ce sens l est plus stricte que la
dfinition que nous avons voque en premier. La pyramide94 kelsnienne est forme de
normes qui entretiennent lune par rapport lautre non de simples rapports de coordination
(visant mettre en uvre la norme suprieure au moyen de la norme infrieure), mais de
vritables liens existentiels. Ce qui fait la supriorit et linfriorit dune rgle de Droit par
rapport une autre, cest que la norme suprieure dtermine les rgles de production 95 de
la norme infrieure. La subordination de la norme infrieure rsulte de ce [quelle est] cre
en vertu des normes du degr suprieur 96.
89

Certains prfrant parler de hirarchie selon le conditionnement des normes N. ALIPRANTIS op. cit., p. 40 et

s.
90

Par exemple, H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, op. cit., p. 346

91

Ibid. p. 345

92

L. FAVOREU, op. cit., n 84, p. 64

93

Un ordre juridique positif reprsente un systme de normes non pas coordonnes, mais hirarchises .

94

Notion dont il ne faut pas perdre de vue quelle nest pas sous la plume de lauteur viennois une reprsentation
rigoureuse de lordre juridique mais tout au plus une simple mtaphore permettant de rendre compte de manire
simple de la forme de lordre juridique (or une mtaphore est par dfinition simplificatrice et donc
dformatrice) v. cet gard, H. KELSEN, Thorie pure du droit, Bruylant, LGDJ, Coll. La pense juridique,
1999, p. 224 ; G. TIMSIT, Les mtaphores dans le discours juridique , Revue europenne des sciences
sociales [En ligne], XXXVIII-117 | 2000, mis en ligne le 17 dcembre 2009, consult le 24 septembre 2010.
URL : http://ress.revues.org/712
95

O. PFERSMANN, Hirarchie des normes , prcit, p. 780

96

R. BONNARD, La thorie de la formation du droit par degrs dans luvre dAdolph Merkl , RDP 1928
p. 676

13

La hirarchie des normes conventionnelles


17.

Acception retenue Cest tout au long de notre tude cette conception de la

hirarchie des normes que nous nous rfrerons. Une tude importante a dj t consacre
dans la premire acception du terme aux relations hirarchiques entre conventions. Sans doute
naurions-nous pas grand-chose ajouter au travail rcent et consquent de Monsieur
Perrouin. Nous formulerons seulement, lorsque loccasion se prsentera, quelques remarques
propos de diffrents points sur lesquels nos travaux se rejoignent invitablement. Une tude
de la hirarchie en termes de force drogatoire naurait sans doute en matire
conventionnelle pas non plus grand intrt. Au sens de labrogatio , nous naurions que
peu de choses ajouter aux travaux qui ont t consacrs llimination dune convention par
une autre, par le biais de techniques juridiques aussi diffrentes que varies (le mutuus
dissensus par exemple97).

En termes de derogatio enfin, la question des conventions

collectives de travail qui cristallise une grande partie des dbats a dj fait lobjet de trs
nombreux travaux98. Hors de ce domaine, la question de larticulation entre des conventions
dont les termes peuvent se contredire a elle-mme fait lobjet dune thse rcente99.

18.

Au contraire, notre connaissance, lexistence dun rapport de production entre deux

ou plusieurs conventions na jamais fait lobjet daucune tude spcifique. La question est
parfois traite de manire incidente loccasion de lanalyse de quelques rapports particuliers,
mais elle na jamais t aborde dans son ensemble. Nous nous proposerons donc dexaminer
lexistence de relations hirarchiques au sens dun rapport de production entre deux
conventions, en considrant quune premire convention est hirarchiquement suprieure
une seconde si elle en dtermine les conditions de validit100. Ce choix nous semble dautant
97

Sur ces points v. infra, n 523 et s

98

V. les rfrences dj cites n 15 et celles cites, infra n 312 et s.

99

F. GAULT, Les clauses contraires. Contribution ltude de la contradiction et de la drogation, (Direction


B. FAGES), Thse, Avignon, 2007 v. en particulier la premire partie.
100

Prcisons que nous entendrons ici le terme validit comme synonyme de la validit au sens strict et de
la conformit . Une norme suprieure peut en effet dterminer deux types de conditions de validit que l'on
pourrait rsumer l'opposition connue entre les conditions de forme et les conditions de fond. Si la norme
suprieure ne fixe que des conditions de forme pour qu'une norme soit valable, on parle alors de systme
dynamique . Si la norme suprieure ne vise qu' instaurer une correspondance au fond entre son contenu et celui
de la norme infrieure, on parle de systme statique (Sur ces points v. H. KELSEN, Thorie pure du droit,
op. cit., p. 195 et 196). Si l'on considre que le droit est un systme dynamique alors, une distinction doit tre
faite entre la validit et la conformit d'une norme. Si une rgle de Droit ne peut pas tre conforme sans tre
valide, elle peut en revanche tre valide et non-conforme, c'est--dire, respecter les conditions de forme et non de
fond (L. FAVOREU, op. cit., n 89, p. 66 68). Cette distinction na aucune pertinence en droit positif. Comme
le relve Kelsen (et bien que lon oublie trs souvent cet aspect lorsque lon rsume la pense de lauteur) dans la
plupart des cas, le systme juridique ne se borne pas un simple complexe de cration de normes les normes
gnrales dictes par le lgislateur dtermin[ent] toujours non seulement la procdure des organes qui ont

14

Contribution lanalyse normativiste du contrat


simposer que les enjeux dune telle recherche la rendent aujourdhui essentielle.

II. Enjeux de la recherche.

19.

Enjeux pratiques On a beaucoup parl des crises du contrat. Batiffol dans les

annes soixante rendait compte de celle qui agitait ses contemporains et incitait certains
dentre eux se demander si la notion de contrat conservait quelque consistance 101. La
notion a gard toute sa consistance et cest bien pour cela que lon a pu parler il y a quelques
annes dune nouvelle crise du contrat102. Cest galement pour cela que des auteurs, partant
du constat que le phnomne est cyclique103, sessayent parfois esquisser les contours de ce
que pourrait tre la future crise du contrat104. En dpit de ces alertes rcurrentes le contrat se
porte bien. Les dclins voqus sont sans doute plus ceux de certaines conceptions du contrat
que du contrat lui-mme105. la vrit, cet acte na t confront depuis 1804 qu une seule
vritable crise, une crise de croissance 106. Le contrat est en plein essor. Le phnomne
tait annonc107, il a t dcrit diffrentes poques108, il nest sans doute pas achev109. Cet

appliquer ces normes, mais aussi le contenu de ces normes (H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, op.
cit., p. 346). La validit dune norme ne tient alors plus seulement au respect dune procdure ddiction, mais
galement une correspondance de fond (P. PUIG, La hirarchie des normes : du systme au principe ,
RTD civ., 2001, n 3, p. 752). Pour cette raison, comme nous lavons annonc, nous considrerons la validit
comme synonyme de validit au sens strict et de conformit .
101

H. BATIFFOL, La crise du contrat et sa porte , APD, 1968, p. 13, Interrogation que ne partage pas
lauteur qui saccommode des interventions lgales sans pour autant que cela ne condamne pour lui la
qualification contractuelle.
102

D. MAZEAUD, C. JAMIN, (Direction), La nouvelle crise du contrat, Dalloz-Sirey, Coll. Thmes et


commentaires, 2003
103

G. ROUHETTE, op. cit., p. 6

104

V. sur ce point T. REVET, Objectivisation et subjectivisation du contrat. Quelle valeur juridique? , in, La
nouvelle crise du contrat, op. cit., p. 83, qui dcrivant les phases dobjectivisation et de subjectivisation du
contrat prdit une phase prochaine (peut-tre dj en cours) dobjectivisation du contrat.
105

J. GHESTIN, La formation du contrat, op. cit., n 182, p. 163

106

Lexpression est de Monsieur G. CORNU, Lvolution du droit des contrats en France , in, Journes de la
socit de lgislation compare 1979, p. 449
107

H. SUMMER MAINE, Ancient Law: Its connection with the early history of society and its relation to
modern idea, (traduction Courcelle et Seneuil), Paris, Durand et Pedone, 1874, v. en particulier le Chapitre IX, p.
288 et s.
108

L. JOSSERAND, Lessor moderne du concept contractuel , in, Recueil dtude sur les sources du droit en
lhonneur de Franois Gny, Tome II, Sirey, 1934 p. 333 lauteur identifie un double essor du contrat, quantitatif
dabord, mais galement qualitatif ; M. VASSEUR, Un nouvel essor du concept contractuel , RTD civ. 1964,
p. 5

15

La hirarchie des normes conventionnelles


essor a dailleurs largement dpass le contrat proprement parler. Lhtronomie devient
suspecte 110 et cest tout le concept contractuel qui, voquant la discussion, la
ngociation, lacceptation111, fait dsormais recette 112. Cest une contractualisation du
Droit113 que lon assiste aujourdhui au point que le contrat est rig par certains en modle de
la rgle de Droit114 et que dautres, (utopistes[ ?]),imaginent une socit 115 ou, dans une
logique pluraliste116, un ordre juridique conventionnel117 que certains ont dailleurs dj vu
apparaitre dans quelques domaines prcis118.

109

La France serait en effet en train de combler un retard important dans lutilisation du contrat et du phnomne
contractuel en gnral par rapport ses voisins. Ce retard trouverait ses causes dans lhistoire trs centralise de
notre pays. Sur ces points v. M. ROCARD, Le malaise franais en matire de contractualisation , in,
Approche critique de la contractualisation, (direction S. CHASSAGNARD-PINET , D. HIEZ), LGDJ, Coll.
Droit et socit, 2007, p. 179 et s.
110

A. SUPIOT, La relativit du contrat en question. Conclusion gnrale , in, La relativit du contrat,


Travaux de l'association Henri Capitant, Tome IV, 1999, LGDJ, 2000, p. 194
111

J. CHEVALLIER Conclusion , in, Contrat ou institution : Un enjeu de socit, (Direction B.


BASDEVANT-GAUDEMET), LGDJ, Coll. Systme droit, 2004, p. 186 qui voque le mirage contractualiste
[qui] permet de renforcer ladhsion des membres aux institutions en dniant symboliquement le statut
dassujettissement .
112

A. HOLLEAUX, Vers un ordre juridique conventionnel , Bulletin de lIIAP, 32, 1974, p. 680

113

Il serait dailleurs impossible de dresser la liste des manifestations de cette contractualisation ni mme des
travaux qui y sont consacrs, v. cependant, S. CHASSAGNARD-PINET , D. HIEZ Approche critique de la
contractualisation, op. cit. et La contractualisation de la production normative, Dalloz, Coll. Thmes et
commentaires, 2008 ; v. galement en droit pnal : F. ALT-MAES, La contractualisation du droit pnal, mythe
ou ralit ?, RSC 2002, p. 501 ; J.-P. CERE, P. REMILLIEUX, De la composition pnale la comparution
sur reconnaissance pralable de culpabilit : le plaider coupable la franaise , AJ Pnal, 2003, p. 45 et le
dossier spcial consacr par la revue cette question ; en droit de la famille : P. DE VAREILLES-SOMMIRES
P., D. FENOUILLET, (Direction) La contractualisation de la famille, Economica, Coll. Etudes juridiques,
2002 ; en droit public : v. CONSEIL DETAT, Rapport public 2008, Volume II, Le contrat, mode daction
publique et de production de normes, La documentation franaise, Coll. Etudes et documents du Conseil dEtat,
2008
114

Il serait selon les mots dun auteur, emblmatique de la post-modernit juridique , J. CHEVALLIER,
Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la rgulation juridique , RDP, 3-1998, p. 678
115

A. HOLLEAUX, Ibid. p. 685

116

Sur le pluralisme juridique v. infra, n 418 et s.

117

Du titre de larticle de Monsieur HOLLEAUX, Ibid., p. 667

118

La question est particulirement prsente en droit du sport v. de manire non exhaustive, D. PORACCHIA,
Aux confins du contrat, lordre juridique sportif , Les cahiers de droit du sport, n 11, 2008, doctr. p. 17 ; G.
RABU, Lorganisation du sport par le contrat, Essai sur la notion dordre juridique sportif, (direction D.
PORACCHIA, F. RIZZO), Thse, Aix-Marseille III, 2008 et les nombreuses rfrences cites ; G. SIMON
Existe-t-il un ordre juridique du sport ? , Droits, 12, 1990, p. 97

16

Contribution lanalyse normativiste du contrat


20.

Ce contexte de foisonnement contractuel, et le dsordre qui peut sen vincer119,

appellent invitablement sinterroger sur les modes de production des rgles


conventionnelles et, en particulier, sur linfluence que peut avoir une convention dans la
production dune autre norme de mme nature.
La pratique na dailleurs pas tard, devant cette profusion des contrats, essayer
dencadrer par la voie conventionnelle la production dautres conventions. Cela sest par
exemple traduit en droit du travail par lapparition daccords-cadres 120 par lesquels les
parties ont souhait contrler un niveau donn la production conventionnelle des niveaux
infrieurs . Dans dautres domaines les fameux contrats-cadres121 procdaient de la mme
intention. Toutes ces conventions ont ou avaient pour but dencadrer la formation, et donc la
validit, dautres actes de mme nature. Il nest pas vident que ce but ait toujours t
atteint122.
Lincroyable croissance du contrat a galement gnr un nombre croissant de conflits
entre les conventions. Les hypothses dans lesquelles un contrat est conclu en violation des
droits contractuels dautrui 123 se multiplient sans que lon sache toujours quel sort leur
rserver. Sil est depuis longtemps acquis que lon puisse en la matire recourir aux
mcanismes de la responsabilit dlictuelle, le recours linvalidit de la convention par
laquelle il est port atteinte aux droits dun tiers est souvent plus incertain dans son principe et
dans son fondement124.

119

Le droit du sport, linstant voqu, fournit de nombreux exemples de ces dsordres. V. par exemple, pour
une violation de la charte du football professionnel (charte de nature conventionnelle, mme si sa nature
juridique prcise est dbattue en particulier sur le point de savoir sil sagit dune convention collective) par un
contrat de travail, CA Lyon, 26 avril 2006, RTD civ. 2007, p. 339, note J. MESTRE, B. FAGES.
120

M.-L. MORIN, F. TEYSSIER, Laccord-cadre , Dr. soc., 1988, n 11, p. 741 ; S. FROSSARD,
Lencadrement des conventions collectives dentreprise par les conventions de champ dapplication plus
large , Dr. soc., 2000, p. 617 et s.
121

J. GATSI, Le contrat-cadre, (prface M. BEHAR-TOUCHAIS), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv,


Tome 273, 1996
122

Sur ces points v. infra, n 315 pour laccord-cadre et n 532 pour les contrats-cadres.

123

B. STARCK, Des contrats conclus en violation des droits contractuels dautrui , JCP G, 1954, I, 1180

124

STARCK le relevait dj il y a plus dun demi-sicle qui crivait lincertitude surgit quant la nature
mme de laction () laction est-elle une action en nullit, en inopposabilit, ou en responsabilit ? , Ibid., n
13 ; Par exemple, en matire de conventions dindisponibilit, v. R.-N. SCHTZ, Rp. Civ. Dalloz, VInalinabilit, n 83

17

La hirarchie des normes conventionnelles


21.

Dans ce contexte, tudier si une convention peut dterminer les conditions de la

validit dune autre convention nous apparat comme tant dune utilit certaine. Lintrt de
la problmatique est dautant plus vif que lide de conditionner la validit dune convention
au respect des stipulations dune autre ne fait, a priori, gure recette en doctrine.

22.

Enjeux thoriques vrai dire, la question est le plus souvent ignore. Presque

aucun manuel ou prcis de droit des obligations naborde notre connaissance cette
problmatique en ces termes125. Seuls quelques rapports conventionnels sont parfois analyss
en termes de hirarchie. Les conventions et accords collectifs de travail dj cits, les
contrats-cadres et les contrats dapplication, les contrats principaux et les sous-contrats126 ou,
enfin, les normes socitaires. Lhypothse est assez limite dautant que la nature
conventionnelle de certains des actes cits ne fait pas lunanimit et que la doctrine prcise
rarement, lorsquelle indique la prsence de liens hirarchiques entre deux conventions,
quelle acception de ce terme elle se rfre. Lide de relations de nature hirarchique entre
conventions reste relativement vasive. Le plus souvent, les auteurs qui envisagent quune
convention puisse dfinir les conditions de validit dun autre acte juridique de mme nature
sont conduits, en raison de considrations trs diffrentes, condamner cette hypothse.
Mme le premier auteur avoir envisag de manire gnrale la possible existence de
rapports hirarchiques entre conventions semble ngliger lhypothse dun rapport de validit
entre deux actes. Il rpte en effet diverses reprises que la hirarchie est un lien qui
intresse la substance de la convention, non son existence 127. Cette indiffrence peut se
comprendre si lon prte attention aux importants obstacles thoriques auxquels la thse
envisage doit faire face.

23.

Cest dabord lgalit juridique des conventions qui a t prsente comme

obstacle lide de la hirarchisation de plusieurs conventions. Les conventions feraient

125

V. cependant louvrage de Madame FABRE-MAGNAN qui envisage les sources conventionnelles du droit
des contrats Les obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, 2me dition, PUF, Coll. Thmis Droit,
2010, p. 121 et 122. Lauteur traite alors des conventions collectives de travail, des contrats-cadres, ou encore du
contrat de socit
126

Sur ce point v. J. NERET, op. cit., qui intitule la premire partie de la thse quil consacre au sous-contrat
Contrat originaire et sous-contrat : Rapports de hirarchie , mme si le sens quil donne ce terme est alors
quelque peu diffrent de celui que nous avons retenu dans notre thse
127

J. PERROUIN, Thse prcite, n 924, p. 399, v. galement, n 846, p. 362, n 977, p. 418 ; Il consacre tout
de mme, la fin de sa recherche, une dizaine de pages (sur prs de 500) aux sanctions atteignant la validit de
la convention infrieure, v. n 1048 1072, pp. 448 459

18

Contribution lanalyse normativiste du contrat


toutes partie, du point de vue de la thorie gnrale du Droit, de la mme catgorie de normes
juridiques128. Elles seraient en consquence des actes de mme intensit juridique 129 qui
seraient pour cette raison inaptes se hirarchiser. Lide de la hirarchisation entre deux
conventions nest-elle pas, crit un auteur, condamne davancepar lgalit juridique
des conventions 130 ? Sans doute, conclut-il assurment131, ces actes se situent dun point de
vue hirarchique au mme rang132. Tous ont pour fondement de leur validit une mme
norme, la loi133? lgalit juridique des conventions sajouterait encore, plaidant en
dfaveur de la thse prsente, lgalit juridique des parties qui caractrise en principe le
contrat134. La hirarchie, synonyme dingalit, exclurait donc le procd contractuel135.
Lapparition de rapports hirarchiques est dailleurs, de ce point de vue, ce qui devrait
conduire distinguer le contrat dautres notions auxquelles lide de hirarchie est
consubstantielle, comme linstitution136, gnratrice dun vritable ordre juridique
hirarchis137.
128

N. ALIPRANTIS, Conflits entre conventions collectives de niveaux diffrents : tude comparative , RIDC,
1987, p. 10
129

M. GRANDI, cit par N. ALIPRANTIS, Ibid.

130

Y. CHALARON, Lapplication de la disposition la plus favorable in, Les transformations du droit du


travail, tudes offertes G. LYON-CAEN, Dalloz, 1989, p. p. 251
131

Ibid., p. 251 et 252, qui rpond linterrogation quil formule de la manire suivante : lobjection serait
dcisive sil fallait entendre par hirarchie une supriorit dacte acte ; sil fallait dcider que la convention
conclue au niveau le plus gnral simpose par elle-mme et exclut la convention particulire non conforme qui,
en cela, serait entache dun vice . Lauteur propose ensuite dentendre de manire plus souple la notion de
hirarchie.
132

En ce sens, N. ALIPRANTIS, Conflits entre conventions collectives de niveaux diffrents : tude


comparative , prcit, p. 26 ; voir encore P. PUIG, La hirarchie des normes : du systme au principe ,
prcit, n 31, p. 782 qui sinterroge : Faut-il maintenir, comme par le pass, une hirarchie entre les
conventions et accords collectifs conclus des niveaux diffrents alors qu'ils sont juridiquement gaux .
133

E. JEANSEN, Larticulation des sources du droit, Essai en droit du travail, (prface B. TEYSSIE)
Economica, Coll. Recherches juridiques, 2008, n 100, p. 84, lauteur rend compte des difficults quil existe
tablir un rapport hirarchique entre la convention collective et le contrat de travail dans la mesure o crit-il
les deux sources disposent dune position identique au regard de leur conditionnement , la loi fondant leur
validit .
134

P. PUIG, Le transfert au contrat des exigences de formulation dune source normative , in, La
contractualisation de la production normative, prcit, p. 286
135

F. JULIEN-LAFERRIERE, Contractualisation versus institutionnalisation de laction publique , in,


Contrat ou institution : Un enjeu de socit, (Direction B. BASDEVANT-GAUDEMET), LGDJ, Coll. Systme
droit, 2004, p. 53 et 54
136

J.-L. BERGEL, Thorie gnrale du droit, 4me dition, Dalloz, Coll. Mthodes du droit, 2004, n 170, p.
198 et 199, qui crit que la hirarchie inhrente aux institutions est parfois prsente comme une autre
diffrence fondamentale par rapport au contrat qui est thoriquement soumis au principe dgalit des parties

19

La hirarchie des normes conventionnelles


24.

Cest ensuite le principe de leffet relatif des conventions qui se poserait son tour

comme un obstacle la hirarchisation de deux conventions138. Condamner la validit dune


convention pour la raison quelle viole les stipulations dune autre convention, liant des
parties diffrentes, serait lvidence faire produire lgard dun tiers leffet dune
convention laquelle il nest pas partie. Lide peut heurter. Elle est dailleurs inacceptable
pour certains auteurs, tel Lon Duguit, qui crivait de manire on ne peut plus radicale alors
quil traitait de la nature juridique de lassociation et de la socit : conoit-on que la
validit dun contrat intervenir avec un tiers puisse tre dtermine par un contrat antrieur
auquel ceux-ci ne sont pas parties ? Non. Point. Ce serait contradictoire avec lide mme de
contrat 139. Ainsi propose-t-il dapprhender les actes dcrits comme des actes-rgles ,
cest--dire des actes modifiant le Droit objectif140. Duguit souligne alors incidemment le
troisime obstacle lide que puisse exister un rapport de production entre deux
conventions : le contrat ne serait pas une norme juridique.

25.

Le contrat ne serait pas une rgle de Droit. Le principe communment admis est [en

effet] que les normes juridiques ou rgles de Droit se limitent des dispositions par voie
gnrales et impersonnelles et sidentifient avec elles. En vertu de ces rgles () naissent des
137

Y. PUYO, Essai sur le contrat et linstitution, les relations entre les groupements institutionnels et le contrat
en droit priv, (Direction B. BEIGNIER) Thse, Toulouse, 2006, n 266 et s., p. 184
138
En ce sens, C. BOURRIER, N. BOUCHE, La sanction des clauses contractuelles contraires une
convention collective , D., 1999, p. 159 spc. n 9 ; J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, Droit du
travail, Dalloz, Coll. Prcis, v. la 20me dition, 2000, n 823, p. 818 la nullit pour mconnaissance des
stipulations dun autre contrat, serait au demeurant bien difficile expliquer et concilier avec la relativit des
actes juridiques (la phrase semble avoir disparu dans la dernire dition) ; v. encore, bien que les termes du
dbat ne soient pas exactement les mmes, v. J. PERROUIN, Thse prcite, n 13, p. 18, Dans lhypothse o
les parties la convention subordonne sont trangres la convention suprieure, le fait quelles subissent les
effets de lacte auquel elles nont pas particip constitue une entorse la relativit des conventions pose
larticle 1165 du Code civil .
139

L. DUGUIT, La rgle de Droit, le problme de ltat, Paris, E. De Boccard, 1927 . 39, p. 404

140

Duguit distingue trois catgories dactes juridiques. Les actes-rgles (qui sont des actes gnraux et abstraits
et qui sont faits avec lintention quil se produise une modification dans les rgles de droit () la suite
desquels se produit uniquement une modification dans le domaine du Droit objectif, sans quil soit touch en
quoi que ce soit la situation dun ou plusieurs individus dtermins 31, p. 327). Les actes-condition (que
Duguit dfinit comme les actes qui dterminent un individu de telle manire quune norme juridique qui ne lui
tait pas antrieurement applicable lui devient applicable ou tout acte la suite duquel nat pour un individu
un statut quil navait pas auparavant . Lauteur cite lexemple du mariage qui par sa clbration dclenche
lapplication dun ensemble de rgles. Lacte est la diffrence du prcdent, la fois objectif en ce quil na
dautre rsultat que de conditionner lapplication dune rgle du Droit objectif mais il possde galement une
dimension subjective en ce quil dtermine lapplication de cette rgle de Droit un individu dfini par lacte,
31, p. 328). Enfin une dernire catgorie dactes, les actes subjectifs, qui sont des actes la suite desquels
apparat la charge dun sujet une obligation spciale, concrte, individuelle, momentane, qui ntait point
cre par le Droit objectif, qui nexisterait point la charge de cet individu par lapplication dune rgle
quelconque de Droit objectif , dont le contrat est la meilleure illustration ; 31 p. 328 et 329). Les rfrences
cites sont tires de louvrage cit ci-dessus.

20

Contribution lanalyse normativiste du contrat


rapports de droit ou des situations juridiques qui ont un contenu individuel ou concret ()
qui ne contiennent pas de rgles de Droit () elles procdent de rgles de Droit 141. Le
contrat est donc dans cette prsentation classique, comme toutes les rgles individuelles, un
acte dexcution du Droit. Le contrat est simplement gnrateur de droits subjectifs,
essentiellement dobligations. Or, si lon imagine assez aisment quune rgle de Droit puisse
dfinir les conditions de validit dun acte juridique il est sans doute moins vident de
concevoir que dun acte dexcution du Droit procde un acte juridique142. Le fait que lon
nhsite dailleurs pas parler de hirarchie en matire de contrats-cadres, de conventions
collectives de travail143, ou de socits144, conventions dont on souligne volontiers les effets
normatifs 145, est sans doute assez rvlateur de lobstacle cr par labsence de
normativit juridique de la convention146.

26.

La thse parat si trange que mme les partisans de la normativit du contrat semblent

parfois faire, incidemment, preuve dun certain scepticisme face laptitude du contrat tre
une norme fondatrice. Ces auteurs relayent en effet frquemment lide commune147 selon
laquelle le contrat serait une norme qui se situerait en bas de la pyramide des normes. Il en
serait le dernier niveau . Aprs lui, plus rien148. Diffusant cette ide, Monsieur Heuz
141

R. BONNARD, La thorie de la formation du droit par degrs dans luvre dAdolph Merkl , prcit, p.
673
142

En ce sens M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 121, qui qualifie lhypothse
dtonnante .
143

V. infra, n 312 et s.

144

J.-M. MOUSSERON (Direction), Technique contractuelle, 3me dition, 2005, ditions Francis Lefebvre, n
127, p. 74
145

Effets qui seraient antinomiques avec la notion de contrat, en ce sens, P. RODIERE, La convention
collective de travail en droit international priv, Contribution ltude des normes juridiques de source
professionnelle, Litec, Coll. Institut des relations internationales, 1987
146

Alors que le contrat est dailleurs gnralement exclu de la liste des sources du Droit, la convention collective
trouve, elle, bonne place au sein de ces sources, v. par exemple, D. MAINGUY, Introduction gnrale au droit,
5me dition, Litec, Coll. Objectif Droit, 2010, n 183, p. 155 ; H. ROLAND, L. BOYER, Introduction au droit,
Litec, Coll. Traits, 2003, n 1554, p. 540 ; G. TAORMINA, Introduction ltude du droit, Librairie de
l'Universit d'Aix-en-Provence, 2005, n 276 et s., p. 138 et s. ; P. MALAURIE, P. MORVAN, Introduction
gnrale, 3me dition, Defrnois, Coll. Droit civil, 2009, n 313, p. 259 ; F. TERRE, Introduction gnrale au
droit, 8me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 2009, n 375 p. 305 et 306, lauteur voque ici les conventions
collectives de travail. Il aborde plus haut dautres conventions mais de manire moins affirmative.
147

Pour une illustration de ce lieu commun v., L. AYNES, Le contrat, loi des parties , Cahiers du Conseil
constitutionnel, 17, 2004, p. 121
148

Dans une conception normativiste de lordre juridique, toutes les normes sont conditionnantes et
conditionnes , deux exceptions prs. La norme hirarchiquement la plus leve nest que

21

La hirarchie des normes conventionnelles


souligne que pour Kelsen les actes individuels et les contrats se trouvent lextrmit
infrieure de la hirarchie des normes149. Monsieur Ancel admet, dans le mme sens, que si le
contrat est une norme cette norme est situe l'tage infrieur de la pyramide 150. Les
publicistes semblent de la mme manire condamner cette thse. Lauteur dune recherche
rcente qui sattache dmontrer longuement la normativit du contrat conclut que celui-ci
est une norme concrte de droit public qui se situe au bas de la hirarchie des normes 151.
Monsieur de Bchillon, enfin, crit quant lui au terme dun article o il sest attel
dmontrer que le contrat est une norme juridique : tout au plus, en conclusion, concdera-ton un bmol. Les contrats appartiennent sans doute cette famille particulire de rgles que
lon peut dire normes de conduites . Contrairement aux normes de structures , dont
lobjet principal est dorganiser les moyens de la production du Droit, les normes de conduite
sadressent directement, immdiatement, aux comportements matriels des sujets de
droit 152. La concession, qui rduit la convention la cration de normes primaires153 et
exclut ainsi que cet acte puisse tre une norme fondatrice154, semble bien condamner notre
ide.
conditionnante (elle nest conditionne au respect daucune autre). La norme au rez-de-chausse de la
hirarchie est elle conditionne (sans tre conditionnante ) (Sur ce point v. O. PFERSMANN,
Hirarchie des normes , prcit, p. 780 ; H. KELSEN, Thorie pure du droit, op. cit., p. 235). Le contrat
occuperait donc ce rez-de-chausse normatif . Il serait ainsi une norme conditionne . Il ne serait en
revanche conditionnant lgard daucune autre norme juridique.
149

V. HEUZE, La rglementation franaise des contrats internationaux, Etude critique des mthodes , Joly
ditions, 1990, n 49, p. 29. la vrit, telle nest pas exactement la pense du Matre Viennois. Pour cet auteur,
les normes figurant au niveau zro de la hirarchie sont les normes de contrainte. Il y a, crit-il, les actes
qui ne sont quapplication du droit et nullement cration du droit. Ce sont () les actes qui ralisent les actes de
contrainte status par les normes juridiques , v. sur ce point, Thorie pure du droit, op. cit., p. 237
150

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, p. 775, n 6, nous soulignons.

151

L. CLERC, Thse prcite, n 511, p. 598. V. galement, n 56 et s., p. 75 et s. o lauteur situe la convention
dans la hirarchie des normes et la place au dessous des normes constitutionnelles, lgales, rglementaires, et
galement au dessous des actes administratifs unilatraux.
152

D. DE BECHILLON, Le contrat comme norme dans le droit public positif , RFDA, 1992, 1, p. 34 et 35.
Lauteur attnue cependant quelques lignes plus tard ce propos dj mesur ; il semble sen loigner dans un
article ultrieur o il dnonce la solution de facilit consistant intgrer lensemble des actes [des personnes
prives] au degr zro (ou un) de la pyramide des normes, Sur la conception franaise de la hirarchie des
normes, Anatomie dune reprsentation , RIEJ, 1994, 32
153

Sur la distinction entre les rgles primaires et secondaires, la polysmie de ces termes, et un essai de synthse
v. lclairant article de N. BOBBIO, Nouvelles rflexions sur les normes primaires et secondaires , in, Essais
de thorie du droit, Bruylant, LGDJ, Coll. La pense juridique, 1998, p. 159 et s.
154

Le terme est emprunt au Professeur Joseph PINI qui, lors de ses cours dispenss en Master II Droit des
contrats privs et publics lUniversit dAvignon, enseignait que le contrat administratif est une norme
fonde et fondatrice ; Il est galement celui employ par Monsieur NEAU-LEDUC dans sa thse sur la
rglementation de droit priv pour dcrire le rle du contrat (norme fondatrice) lgard de lacte unilatral
rglementaire qui en dcoule. V. La rglementation de droit priv, op. cit., n 346, p. 219

22

Contribution lanalyse normativiste du contrat


27.

Au regard des arguments qui viennent dtre exposs, lide quune convention puisse

dterminer lune au moins des conditions de la validit dune autre convention semble bien
dlicate soutenir. contre-courant de ce sentiment il nous semble au contraire que la chose
est parfaitement admissible. Les arguments avancs en dfaveur de la thse propose ne
semblent pas tre de nature y faire vritablement obstacle ; quant au droit positif, il semble
recler des situations dans lesquelles une convention dtermine manifestement les conditions
de validit dun autre acte de mme nature. Lexistence de rapports hirarchiques entre
normes conventionnelles est indniable (PREMIRE PARTIE).

28.

Une fois tablie lexistence de rapports de validit entre deux conventions nous

essayerons de cerner le phnomne. lappui des rapports conventionnels hirarchiques dj


identifis il sera possible de dgager les lments qui sont indiffrents, favorisants, ou
dterminants dans linstauration dun lien de validit entre deux conventions. La preuve de
lexistence de rapports hirarchiques entre conventions cdera alors la place celle des
conditions de lapparition dun lien de validit entre conventions (SECONDE PARTIE).

PREMIRE PARTIE LEXISTENCE DE HIRARCHIES DE NORMES


CONVENTIONNELLES.

SECONDE PARTIE LES CONDITIONS DE LA HIRARCHISATION DES NORMES


CONVENTIONNELLES.

23

PREMIRE PARTIE LEXISTENCE DE


HIRARCHIES DE NORMES CONVENTIONNELLES

29.

Lexistence de rapports hirarchiques entre plusieurs conventions, nous lavons dit en

introduction, se heurterait trois obstacles principaux. Leffet relatif des conventions, lgalit
juridique de ces actes, labsence de normativit juridique du contrat. Dmontrer lexistence de
relations de type hirarchique entre deux ou plusieurs conventions suppose donc
invitablement de lever, un un, les obstacles cette thse (TITRE I).

30.

Dmontrer quil est thoriquement possible de hirarchiser deux conventions ne suffit

assurment pas sassurer de lexistence de rapports hirarchiques en droit positif. Pour cette
raison, et cest pour nous lessentiel, encore faut-il vrifier dans le droit positif lexistence de
relations hirarchiques entre normes conventionnelles. Si lon admet quune hirarchie existe
entre deux normes lorsque lune dtermine un lment que lautre norme devra respecter sous
peine de ne pas tre valable, alors, ltude du droit positif nous permettra de dmontrer quen
plus dtre thoriquement admissible lexistence de rapports hirarchiques entres normes
conventionnelles est une ralit (TITRE II).

TITRE PREMIER LA POSSIBILIT DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.


TITRE SECOND LA RALIT DES RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.

La hirarchie des normes conventionnelles

TITRE

PREMIER

LA

POSSIBILIT DE RAPPORTS

HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.

31.

Leffet relatif des conventions, lgalit juridique de ces actes, et labsence de

normativit du contrat seraient donc les principales difficults auxquelles doit faire face
lopinion que nous voudrions soutenir. vrai dire, deux de ces prtendus obstacles peuvent
tre carts sans quil soit ncessaire den discuter trop longuement puisquils reposent sur
des prmisses que rien ne permet de soutenir a priori ou sur une vision trop simple de la
hirarchie des normes .

32.

Leffet relatif des conventions nest pas un obstacle Tel est en premier lieu le cas

de largument consistant rejeter lide propose en considration du principe nonc


larticle 1165 du Code civil.

33.

Largument est en partie une pure ptition de principe. Il repose, implicitement mais

ncessairement, sur le prsuppos selon lequel les deux conventions hirarchises ne lient pas
les mmes parties. Faire produire une convention liant primus et secundus un effet lgard
dune autre, liant secundus tertius, serait manifestement faire subir tertius leffet dun acte
auquel il nest pas partie. Or, rien nindique pour linstant quun lien hirarchique ne puisse
pas relier deux conventions liant les mmes parties. Nous aurons dailleurs par la suite
loccasion de dmontrer que cette alternative est parfaitement envisageable et quelle se
manifeste dans diverses situations en droit positif. Largument tir de leffet relatif des
conventions ne peut, ds lors, tre quun obstacle partiel rduit lhypothse suivante.

34.

Si lon envisage quun lien hirarchique puisse relier deux conventions ayant des

parties intgralement ou partiellement diffrentes, c'est--dire si lon admet quune convention


forme entre primus et secundus puisse dterminer les conditions de validit dune convention
liant tertius quartus, force est dadmettre alors quune convention produit un effet lgard
dun (ou plusieurs) tiers. Cela tant, rien ne permet de prjuger que cet effet est attentatoire
la rgle pose larticle 1165 du Code civil. Il est depuis longtemps admis que dire que le
contrat a un effet relatif ne signifie pas quil soit dpourvu de tout effet lgard des
26

Contribution lanalyse normativiste du contrat


tiers 155. Latteinte leffet relatif des conventions nest caractrise qu la condition quune
convention produise un effet prcis lgard des tiers (quelle les engage contractuellement).
Il ne peut donc tre, a priori, tir argument de leffet relatif des conventions pour sopposer
lide mme que nous souhaitons dfendre. Seul le constat, a posteriori, de ce que
ltablissement dun lien hirarchique entre deux actes engage contractuellement un tiers
serait de nature faire obstacle notre hypothse156.

35.

Lgalit juridique des conventions nest pas un obstacle La seconde cause qui

devrait avoir pour consquence la condamnation de lopinion que nous avons form le dessein
de soutenir, tiendrait lgalit juridique des conventions. vrai dire, l encore, la remarque
ne rsiste pas lanalyse. premire vue lide est pleine de bon sens. Elle repose sur la
considration que les conventions sont dun point de vue formel des normes de mme niveau
hirarchique. Une convention est gale une convention, une loi est gale une loi, un arrt
municipal est gal un autre arrt municipal. Toutes les normes sont gales aux autres
normes qui appartiennent la mme catgorie de normes . Pour cette raison, on peut avoir
quelques difficults concevoir quune norme puisse dfinir les conditions de validit dune
mme catgorie de normes (et lui soit donc hirarchiquement suprieure); il peut donc tre
difficile de concevoir quune convention dtermine les conditions de validit dune autre
convention (et lui soit donc hirarchiquement suprieure).

36.

Une telle approche formelle est sans aucun doute trop rductrice. Lgalit formelle de

deux actes juridiques, le fait que leur valeur juridique soit identique, ne fait pas obstacle
lexistence de rapports hirarchiques entre deux normes en termes de rapport de production.
Nous en donnerons un unique mais probant exemple. La Constitution de la Vme Rpublique
prvoit dans son Titre XVI (dans un unique article 89) ses propres modalits de rvision. Les
rgles nonces cet article sont donc des normes de production de normes
constitutionnelles qui entretiennent, ce titre, un rapport hirarchique avec les normes
constitutionnelles () dont elles formulent les conditions de validit 157. Des normes de
valeur constitutionnelle dterminant les conditions de la validit dautres normes de
155

M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, 2me dition, PUF, Coll.
Thmis Droit, 2010, p. 506
156

Nous nous en tenons pour linstant ces quelques remarques. La question sera tudie de manire plus
dtaille ultrieurement, infra, n 543 et s.
157

C. BRAMI, La hirarchie des normes en droit constitutionnel franais, Essai danalyse systmique,
(Direction G. CALVES), Thse, Cergy-Pontoise, 2008 p. 228

27

La hirarchie des normes conventionnelles


valeur constitutionnelle , preuve est faite que lgalit juridique formelle de deux rgles de
Droit ne garantit pas ncessairement leur galit hirarchique du point de vue de leur
production. lgalit juridique des conventions ne peut donc suffire faire obstacle
linstauration entre ces actes de rapports hirarchiques.

37.

Labsence de normativit du contrat est un obstacle Enfin, demeure le dernier

obstacle que nous avons relev. Jamais exprim, mais invitablement prsent dans tous les
esprits, celui de la non normativit du contrat. Le contrat serait un acte dexcution matrielle
du Droit et non un acte producteur de Droit. Cette prsentation nous lavons dit saccorde
assez mal avec lide quune convention puisse dterminer lune au moins des conditions de
validit dune seconde convention. Seule une rgle de Droit, autrement dit, un acte crateur de
Droit peut, comme son nom lindique, crer du Droit. Admettre que le contrat est une rgle de
Droit (autrement dit, une norme juridique158) savre donc indispensable si lon aspire
rendre compte des rapports inter-conventionnels en termes de hirarchie.

Il nous reviendra donc, la suite de quelques auteurs, de dmontrer que le contrat est,
en droit priv159 positif, une vritable norme juridique.

38.

Considrer le contrat comme une rgle de Droit nest certainement pas adopter une

position commune. La rception de cette thse est assez faible dans la doctrine civiliste
(mme si elle connat un indniable essor depuis quelques annes160) qui le plus souvent nie le
158

Nous nous rallions ici la position de plusieurs auteurs et nous emploierons tout au long de notre tude les
deux termes, normes et rgles, comme synonymes. En ce sens par exemple, P. AMSELEK, Lacte juridique
travers la pense de Charles EISENMANN , APD, 1987-2, p. 314 et Le droit, technique de direction publique
des conduites humaines , Droits, 10, 1989, p. 7; D. DE BECHILLON, Qu'est-ce qu'une rgle de Droit, Odile
Jacob, 1997, notamment p. 165; G. KALINOWSKI, Trois notions du droit , Droits, 10, 1989, p. 45; A.
JEAMMAUD, La rgle de Droit comme modle , D. 1990, p. 199, n 3 qui relve propos de la distinction
entre norme et rgle que tout est affaire de convention ; Contra, voir P. MAYER, La distinction entre rgles
et dcisions et le droit international priv, Dalloz, 1973 ; Lauteur distingue les deux concepts, les rgles tant
alors une sous catgorie de normes se distinguant, en partie, de par leur caractre gnral dune autre catgorie
de normes, les dcisions, v. en particulier, n 48 79, p. 35 55
159

Pour une dmonstration de la normativit juridique du contrat en droit public, v. D. DE BECHILLON, Le


contrat comme norme dans le droit public positif , prcit ; L. CLERC, Thse prcite, en particulier le Titre I
de la premire partie, p. 22 81
160

Notamment les travaux de Monsieur P. ANCEL sur la distinction entre la force obligatoire du contrat et ses
effets obligationnels. V. encore la thse de R. LEVACHER, La rgle contractuelle dans lordre juridique,
contribution lanalyse normative du contrat, (Direction R. ENCINAS DE MUNAGORRI), Thse, Nantes,
2007 ; sans oublier les nombreux travaux de Messieurs GHESTIN, ROUHETTE ou de Monsieur ENCINAS DE
MUNAGORRI qui seront rgulirement cits.

28

Contribution lanalyse normativiste du contrat


caractre normatif du contrat161 quand elle n'ignore tout simplement pas la question. Il
suffit pour s'en faire une ide de se rfrer quelques uns des principaux manuels
dintroduction au Droit ou de prter attention quelques travaux consacrs aux sources du
Droit162. ct de la Constitution, de la loi, de la coutume, parfois de la jurisprudence, le
contrat nest gure envisag par les juristes comme une source du Droit 163/164. Le
161

Par exemple rcemment, L. IZAC, L'autorit du contrat, Essai sur l'ordre juridique subjectif, Thse,
Toulouse, 2006, (direction T. REVET), notamment, n 474, p. 435
162

Ne citant pas le contrat comme lune des sources du Droit objectif : J.-L. AUBERT, E. SAVAUX,
Introduction au droit et thmes fondamentaux du droit civil, 13me dition, Sirey, Coll. Sirey Universit, 2010,
n 77 et s., p. 59 et s. ; Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-TERNEYRE , Droit civil, Introduction,
16me dition, Sirey, Coll. Sirey Universit, 2009, n 42 et s. p. 20 et s.; B. BEIGNIER, C. BLERY, Manuel
dintroduction au Droit, PUF, Coll. Manuels, Droit fondamental, 2004, n 74 et s., p. 123 et s. ; R.
CABRILLAC, Introduction gnrale au Droit, op. cit., n 91, p. 93; J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction,
1re dition, Quadrige, PUF, 2004, n 106 et s., p. 194 et s. ;P. COURBE, Introduction gnrale au droit, op.
cit., 2009, p. 42 et s. ; G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, 13me dition, Montchrestien, Coll. Prcis
Domat, 2007, n 72 et s. p. 46 et s. ; M. DOUCHY-OUDOT, Droit civil, Premire anne, op. cit., n 76 et s., p.
51 et s. ; S. DRUFFIN-BRICCA, L.-C. HENRY, Introduction gnrale au droit, Gualino, Coll. Manuels, 2007,
n 331, p. 153 ; P. MALINVAUD, Introduction l'tude du droit, 12me dition, Litec, Coll. Manuels, 2008, n
58 et s., p. 49 et s; B. PETIT, Introduction gnrale au droit, 7me dition, PU Grenoble, 2008, n 41 et s. p. 41
et s. ; J.-L. SOURIOUX, Introduction au droit, 2me dition, PUF, Coll. Droit fondamental, 1989, n 96 et s. p.
121 ;H. ROLAND, L. BOYER, Introduction au droit, op. cit., n 482 p. 173 ; Voir aussi APD numro spcial
sources du Droit ; v. encore la thse de Monsieur P. MAYER, La distinction entre rgles et dcisions et le
droit international priv, (prface H. BATIFFOL), Dalloz, 1973, n 16 p. 12 o lauteur refuse de considrer le
contrat comme une norme argument pris du fait quil nest pas raisonnable de penser que ltat a accord un
blanc-seing gnral tous les citoyens pour sexprimer en son nom .
163

R. ENCINAS DE MUNAGORRI, Le contrat individuel parmi les sources du droit : le cas de


lindemnisation des chmeurs , RTD civ. 2004, p. 594 ; v. galement en ce sens, G. MARTY, De la place des
conventions dans lordonnancement juridique , Recueil de lacadmie de lgislation de Toulouse, 1951, p. 76
164

Voir cependant, dans la doctrine contemporaine qui affirme sans quivoque lappartenance de la convention
aux sources du Droit objectif : Parmi les manuels dintroduction au droit ou de droit des obligations, R.
ENCINAS DE MUNAGORRI , Introduction gnrale au droit, Champs Universit, Flammarion, Coll. Champs,
2006, qui est sans doute lauteur le plus affirmatif de la qualit de rgle de Droit de la convention. Il prsente en
effet dans un Chapitre intitul la formation des rgles de droit , et aprs deux sections consacres la
jurisprudence et la coutume, une troisime section ddie aux actes juridiques, subdivision elle-mme partage
en deux sous-sections dans lesquelles lauteur envisage successivement les rgles tablies par les particuliers
(contrats et actes juridiques unilatraux) puis les rgles dorigines tatiques (la Constitution, les lois et les actes
administratifs), p. 116 et s. ; J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Introduction gnrale,
4me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit civil, 1994, n 240 et s. p. 199 et s. ; J. GHESTIN, C. JAMIN, M.
BILLIAU, Les effets du contrat, 3me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit civil, 2001, n 1, p. 1 ; X. LABBEE,
Introduction gnrale au droit, Pour une approche thique, PU du Septentrion, 2006, qui consacre au Titre II
la norme voulue , parmi laquelle se trouve la convention, p. 101 ; C. LARROUMET, Droit civil, Tome I,
Introduction ltude du droit priv ,5me dition, Economica, Coll. Droit civil, 2006, n 183 et 184, p. 112 et
113 ; F. TERRE, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 373, 374 et 375 p. 303 306, mais lauteur prsente
le contrat comme une pratique (elle-mme source du droit, n 369 et s. p. 300 et s.) ce qui donne un sentiment
dambigut sur la porte exacte des propos tenus, sans doute nutilise-t-il pas ici la mme acception que nous du
terme sources ; quelques monographies ou thses dveloppent la mme ide ; D. DE BECHILLON, op. cit.,
en particulier, p. 50 et 51 ; L. CLERC, La validit des contrats administratifs, Thse, Avignon, 2007, (direction
J. PINI) p. 1 83; P. JESTAZ, Les sources du droit, Dalloz, Coll. Connaissance du droit, 2005, qui consacre la
seconde partie de cet ouvrage aux sources venues de la base , p. 79, le Chapitre premier tant consacr
lacte juridique des particuliers , p. 81 et s. ; R. LEVACHER, Thse prcite ; G. ROUHETTE, Contribution
l'analyse critique de la notion de contrat, Thse, Paris, 1965 ; quelques articles, P. ANCEL, Force
obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit ; D. DE BECHILLON, Le contrat comme norme

29

La hirarchie des normes conventionnelles


paradoxe est pouss ce point qu'il est plus souvent trait de la question de la qualit de
source du Droit de la doctrine que de celle de la convention.

39.

contre courant de cette doctrine majoritaire, nous essayerons de montrer que le

contrat est une norme juridique comme les autres. Cest souvent en tudiant ses effets que lon
remarque ici ou l que le contrat produit des normes, quil a, tel ou tel autre gard un effet
normatif . Il est presque devenu commun de souligner ces effets normatifs du contrat
(qui sont cependant souvent considrs comme tant exceptionnels). Ce nest cependant pas
parce que le contrat a des effets normatifs quil doit tre considr comme une norme.
Cest au contraire parce quil est une norme quil produit des effets normatifs . Nous ne
soulignerons donc pas ici les diffrentes manifestations de ces effets normatifs du contrat.
Nous nous attacherons, au contraire, souligner que la convention correspond la dfinition
qui est pour nous celle de la norme juridique. Cela nous conduira donc dans un premier temps
dmontrer que le contrat est une norme (CHAPITRE PREMIER) dont le caractre juridique (la
juridicit) nous semble acquis (CHAPITRE SECOND).

CHAPITRE PREMIER LA CONVENTION EST UNE NORME.


CHAPITRE SECOND LA CONVENTION EST UNE NORME JURIDIQUE.

dans le droit public positif , prcit ; J. GHESTIN, La notion de contrat , D. 1990, Ch. p. 147 ; les donnes
positives du droit , RTD civ. 2002, p. 11 ; G. ROUHETTE, La dfinition du contrat et la mthode juridique
franaise , Droits, 12, 1990, p. 59 ; La force obligatoire du contrat, Rapport franais , in, Le contrat
aujourd'hui: comparaison franco-anglaise, (direction D. TALLON, D. HARRIS), LGDJ, Coll. Bibliothque de
Droit priv, Tome 196, 1987, p. 27

30

Contribution lanalyse normativiste du contrat

CHAPITRE PREMIER LA CONVENTION EST UNE NORME.


40.

En partant en amont dune dfinition trs gnrale de la norme nous essayerons

progressivement, et par limination, de souligner ce qui fait dans lunivers des normes la
spcificit des normes juridiques (SECTION I). Cette dmarche mene son terme, il sera alors
temps de comparer la convention cette dfinition pour vrifier si la convention peut tre
qualifie de norme (SECTION II).

SECTION I DFINITION DE LA NORME.


41.

Lide mme de norme juridique est incontestablement trs marque, voire

connote. Mme si lutilisation de ce terme se dveloppe et transcende aujourdhui les


courants de pense165, elle reste attache, particulirement lorsquon la juxtapose la notion
de contrat, une certaine tradition juridique dont nous voudrions essayer de la dtacher166 de
manire dpassionner la question. Pour ce faire nous nous proposerons, plutt que
dopter demble pour une dfinition de la norme juridique, de reconstruire (bien
modestement) par tape la notion de norme en la dtachant brivement de la science
juridique. Confronter les normes juridiques dautres normes issues de diffrentes disciplines
contribuera atteindre deux objectifs : mettre en lumire la fois la grande banalit de cette
notion de norme et le fait quelle dpasse le cadre de la science juridique (et donc a fortiori le
cadre dune doctrine juridique) ; souligner progressivement les spcificits de la norme
juridique, ce qui permettra ultrieurement de confronter la dfinition de la convention celle
de la norme.

42.

Aprs avoir donn une dfinition gnrale de la norme (1) nous prciserons donc les

spcificits de la norme juridique qui font delle une norme thique (2).

165

En ce sens, F. TERRE, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 243, p. 197, Nagure, on aurait pu se
passer de lemploi de ce mot, laissant le soin den disserter aux reprsentants dune certaine philosophie du
droit, inspire de Kelsen () Aujourdhui, la situation est diffrente dans la mesure o le mot norme a
dsormais conquis une place de choix dans notre ordonnancement juridique .
166

Il ne sagit pas de nier pour autant linfluence de cette doctrine sur notre conception du Droit.

31

La hirarchie des normes conventionnelles


1. La notion de norme.

43.

Le sens d'un nonc qui pose un modle Une tude de plusieurs dictionnaires de la

langue franaise nous enseigne que la norme est le plus souvent dfinie comme une rgle ou
une loi167. Assurment, cette dfinition ne nous claire que trs peu sur le sens du mot norme,
puisque nous avons pris le parti de considrer ces termes comme synonymes168. Il faut donc,
avant de revenir vers d'autres dfinitions proposes, sattacher un instant l'tymologie de ce
terme dont plusieurs auteurs s'accordent reconnatre le caractre trs instructif169.

44.

Norme est un driv du grec gnomon170 dont la traduction latine, norma, dsignait

comme le terme grec une rgle au sens de l'instrument de bois, de mtal ou de quelque autre
matire, qui sert guider la main quand on veut tracer des lignes droites171 (cette rgle
permettait galement de former des angles droits172). Les deux termes norme et rgle
taient donc dj synonymes. La norme est donc lorigine un outil, matriel, utilis par
l'homme qui va progressivement devenir une chose immatrielle. partir de l'intuition
vidente que ce quelque chose prsentait lui aussi fondamentalement une nature d'outil 173,
la norma, qui guidait la main de l'homme et lui servait de modle pour tracer des lignes et des
angles, devient un outil intellectuel guidant la conduite de lhomme et lui servant de modle
de comportement. L'instrument permettant de tracer des lignes devient ainsi une ligne de
conduite 174. Pour les stociens, dsireux d'imiter la sagesse de Socrate, ce dernier tait le
gnomon175.

167

Entre autres, ACADMIE FRANAISE, Dictionnaire de lacadmie Franaise, 9me dition, v Norme ; J.
REY-DEBOVE, A. REY, (Direction), Le nouveau petit Robert de la langue franaise, 2010, v Norme ; P.-E.
LITTR, Dictionnaire de la langue franaise, Tome III, v Norme.
168

Le mot Loi tant bien entendu pris dans son acception matrielle.

169

P. AMSELEK, Norme et loi , APD, 1980, p. 90.

170

A. REY (Direction), Dictionnaire historique de la langue franaise, Dictionnaire le Robert, 2006, v Norme.

171

Dictionnaire de l'acadmie Franaise, 8me dition, V- rgle.

172

Le nouveau petit Robert, prcit ; Dictionnaire historique de la langue franaise, prcit.

173

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 91, qui relve mme que l'usage du mot norme pour dsigner un
outil matriel a, un temps, disparu pour ne laisser subsister que le seul usage de norme au sens psychique du
terme.
174

175

Dictionnaire historique de la langue franaise, prcit.


S. SIMHA, norme, in, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse & CNRS ditions, p. 568 ; On

32

Contribution lanalyse normativiste du contrat


45.

Cette conception figure de la norme s'est impose ct du sens originel et lon

trouve d'ailleurs assez souvent, dans un certain nombre de dictionnaires, la norme dfinie
comme un modle176/177. La norme serait donc un modle, mais pas un modle imiter de
faon mcanique et servile 178. Elle est ce qui sert de rfrent pour une infinit d'actions
179 et plus prcisment, comme le dfinit Denys de Bchillon, l'ide ou le concept d'une
situation ou d'un comportement ou d'une chose auquel on veut rapporter une situation, un
comportement ou une chose rels par le biais d'une opration de jugement 180. Dans ce sens,
la norme n'est donc plus un lment accessible aux sens mais l'esprit. La norme ne se voit
pas, elle se comprend 181. Elle est pour reprendre une formule familire, le sens d'un
nonc182.

46.

Dire qu'une norme est le sens d'un nonc c'est exclure de la dfinition de la norme

son support. propos d'une norme juridique par exemple, celle-ci n'est pas la loi le dcret ou
tout autre texte de loi au sens matriel que l'on peut rencontrer en droit positif183. La norme est

retrouverait galement semble t-il des traces de l'utilisation du mot norme au sens figur chez Cicron qui
pourrait avoir t le premier dvelopper vritablement cette acception du terme v. S. AUROUX (Direction),
Les notions philosophiques, dictionnaire, Tome II, PUF, p. 1767.
176

Ibid., p.1768; Dictionnaire de lacadmie Franaise, prcit, v Norme, qui dfinit notamment la norme
comme un comportement qui peut tre pris pour rfrence ; modle, principe directeur qu'on tire de
l'observation du plus grand nombre ; Le nouveau petit Robert de la langue franaise, v Norme, p. 1704; S.
SIMHA, prcit, p. 567; Trsor de la langue franaise informatis, v Norme, qui dfinit la norme comme la
rfrence un modle .
177

V. galement, A. JEAMMAUD, La rgle de Droit comme modle , D. 1990, Ch., p. 199, en particulier n
9 17, p. 203 206.
178

S. SIMHA, op. cit., p. 568.

179

Ibid.

180

D. DE BECHILLON, op. cit., p. 171 ; v. galement, reprenant peu prs les mmes termes A. JEAMMAUD,
La rgle de Droit comme modle , prcit, n 10, p. 203.
181

Ibid., p. 166.

182

Entre autres auteurs recourant au sens dun nonc dans leur dfinition de la norme, v. P. AMSELEK,
Norme et loi , prcit, p. 93 la norme, c'est le message dont les signes sont porteur, leur sens ; D. DE
BECHILLON, op. cit., p. 166, la norme comme signification d'une proposition ; H. KELSEN, Thorie
gnrale des normes, op. cit., p. 2, adapt la norme juridique, il la dcrit comme la signification d'un acte de
volont ; E. MILLARD, Qu'est-ce qu'une norme juridique , Cahiers du Conseil constitutionnel, n 21, 2006
p. 87.
183

En se sens, P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 93; D. DE BECHILLON, op. cit., p. 166; E.
MILLARD, Ibid., p. 88 et 89.

33

La hirarchie des normes conventionnelles


galement distinguer du texte qui l'nonce184, de la proposition signifiant la norme. La
diffrence est de taille. Il suffit pour l'illustrer de se remmorer l'pisode relatif
l'interprtation qu'il y a lieu de retenir de l'article 13 de la Constitution185 et de la crise
laquelle cette interprtation a donn lieu en 1986 lors de la premire cohabitation. Certains
voyaient dans les dispositions de cet article une obligation faite au Prsident de la Rpublique
de signer les ordonnances, d'autres y apercevaient lexercice dun choix. Le texte est
susceptible de revtir diffrents sens, la norme n'est qu'un seul de ces sens. C'est en cela que
les deux lments se distinguent.

47.

Modle de survenance d'vnements dans le cours des choses La norme est donc

le sens d'un nonc. On peut sans doute prciser un peu plus encore la dfinition de la norme
au sens immatriel. Initialement rduite au sens d'un nonc constituant un modle de
comportement humain, la norme s'est largie un modle de survenance d'vnements dans le
cours des choses. Les normes et rgles au sens figur dpassent le champ de modles de
comportement pour s'tendre, outre les normes juridiques et morales ou thiques, aux normes
sociologiques, statistiques, mdicales, naturelles ou scientifiques (mme si les juristes tendent
parfois ne reconnatre que difficilement le caractre normatif aux rgles scientifiques186/187).
Les disciplines scientifiques ont donc bien, elles aussi, leurs normes, que l'on nomme le plus
souvent lois188 ou principes, et qui sont des modles de survenance d'vnements dans le
cours des choses.
On parle ainsi des lois de Newton en sciences physiques, de Pareto189 en conomie, de
la clbre loi de Moore en informatique, de la loi des grands nombres en statistique, ou encore

184

D. DE BECHILLON, op. cit., p. 166; E. MILLARD, Ibid.

185

Le Prsident de la Rpublique signe les ordonnances et les dcrets dlibrs en Conseil des Ministres, v. E.
MILLARD, Ibid., p. 89.
186

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 97.

187

Voir par exemple l'attitude ambigu de Kelsen sur cette question qui crit qu'il existe des normes qui peuvent
signifier une rgle normative et d'autres normes qui noncent des rgles de fait , ce qui semble alors tre
une catgorie de normes qui ne seraient pas des normes, Thorie gnrale des normes, p. 11 ; V. galement R.
CAPITANT, Introduction l'tude de l'illicite : L'impratif juridique, Dalloz, 1928, qui ds la premire page de
sa thse oppose la norme , ce qui doit-tre , la loi naturelle, ce qui est , p. 1.
188

Sur l'origine thologique du succs du terme loi en matire de sciences naturelles, voir J.-M. L.-L, in,
Dictionnaire culturel des sciences, V- Loi, dition Seuil-Regard.
189

80 % des richesses sont dtenues par 20 % des personnes conomiques .

34

Contribution lanalyse normativiste du contrat


du principe de Peter190 en gestion. Le sens de l'nonc selon lequel tout corps persvre dans
l'tat de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, moins que
quelque force n'agisse sur lui, et ne le contraigne changer d'tat 191, de celui selon lequel
le nombre de transistors par circuit de mme taille double, prix constants, tous les dix-huit
mois 192, ou celui en vertu duquel le Prsident de la Rpublique signe les ordonnances et
les dcrets dlibrs en Conseil des Ministres sont tous des normes. Tous ces noncs ont
pour objet la survenance d'un ou plusieurs vnements dans le cours de choses.

48.

Il existe donc une grande varit de normes dans toute une srie de disciplines. Toutes

ne possdent cependant pas les mmes caractristiques. C'est en confrontant les normes
juridiques aux normes des autres disciplines que l'on dgagera les caractres principaux qui
font de la norme juridique une varit de normes, les normes thiques.

2. Varits de normes.

49.

La norme juridique est, nous le constaterons, une norme thique. Cette catgorie de

normes est une sous-catgorie des normes directives, que lon peut opposer aux normes
recognitives ou scientifiques. Avant d'tre une norme thique (2), la norme juridique est donc
une norme directive (1).

A. Les normes juridiques sont des normes directives.

50.

Dualit des noncs des normes On peut distinguer deux grandes catgories de

normes : les normes recognitives et les normes directives193. Les normes recognitives (les
normes ou lois scientifiques ou naturelles) sont des modles de survenance des choses qui se
ralisent ou qui se produisent effectivement 194. Ces normes sont alors labores grce
l'exprience. Il s'agit de voir pour prvoir, tudier ce qui est afin d'en conclure ce qui sera
190

Tout employ tend s'lever son niveau d'incomptence .

191

Loi de Newton.

192

Loi de Moore.

193

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 96 et s. ; Sur ce point v. D. DE BECHILLON, op. cit., p. 164 qui
oppose les normes descriptives et prescriptives . Si les termes sont diffrents ils rendent compte de la
mme opposition.
194

P. AMSELEK, Ibid., p. 97.

35

La hirarchie des normes conventionnelles


195. Partant de ce qui est aujourd'hui il est par exemple possible de dterminer quelle sera la
taille des transistors par circuit pour un prix donn dans dix-huit mois selon la loi de
Moore.

51.

Les normes directives elles, sont des modles d'une toute autre nature. Ces normes ne

sont pas des modles de la survenance effective d'un vnement mais des modles
remplir, suivre, observer 196, des modles de comportement. Ce type de norme a donc
pour objet les conduites humaines qu'elles visent diriger, guider197. Elles ne sont donc plus
comme les normes scientifiques l'tablissement d'un lien de cause effet entre ce qui est et ce
qui sera. Du fait que la Constitution prvoit que Le Prsident de la Rpublique signe les
ordonnances et les dcrets dlibrs en Conseil des Ministres, on ne peut dduire qu'il les
signera effectivement198. De la mme manire, on ne peut dduire de la norme il est interdit
de mentir si un individu dira la vrit. Les normes directives ne prvoient pas, la
diffrence des normes recognitives, ce qui sera effectivement. C'est cette catgorie des
normes directives qu'appartiennent les normes juridiques.

52.

Au sein mme de cette catgorie de normes directives, une nouvelle prcision doit tre

apporte. Celle-ci est en effet subdivise en plusieurs catgories dont la comparaison nous
permettra d'affiner encore la spcificit des normes juridiques.

B. Les normes juridiques sont des normes thiques.

53.

Dfinition des normes thiques Toutes les normes directives ayant pour objet de

diriger un comportement humain ne sont pas des normes juridiques, ni mme des normes
thiques. Il est en effet des normes qui ont pour objet de diriger les comportements humains
pour leur permettre de parvenir un certain rsultat, une certaine fin 199/200 et qui sont

195

A. COMTE, Discours sur l'esprit positif, Carillan-Goeury et Vr. Dalmon, 1844, p. 17.

196

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 96.

197

Ibid.

198

Comme en atteste l'issue du clbre pisode de la cohabitation voqu.

199

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 99.

200

A. DREWS, Les normes sont des prescriptions ou des rgles qu'il faut observer si l'on veut qu'un certain
but soit atteint , Manuel de logique, Berlin, 1928, p. 10, cit par H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, op.

36

Contribution lanalyse normativiste du contrat


labores en fonction d'un savoir201. Elles sont en cela fondes sur des lois scientifiques202.
Il en va ainsi par exemple d'une recette de cuisine que l'on doit suivre pour obtenir un certain
rsultat. Ces normes, techniques203, sont en fait l'expression d'une relation causale entre deux
phnomnes. Il faut pour parvenir un certain rsultat satisfaire un certain comportement.
Ces normes techniques sont, selon l'expression de Kelsen, un falloir tre 204.

54.

l'inverse, les normes juridiques sont des normes thiques qui ne reprsentent pas un

falloir tre mais, selon l'expression devenue clbre, un devoir tre 205. la diffrence
des normes techniques qui expriment une ncessit causale 206, les normes thiques et
juridiques expriment que quelque chose doit tre. Comme l'explique le chef de file de l'cole
de Vienne lorsque l'thique dcrit une norme morale gnrale dans la proposition si
quelqu'un est dans le besoin, on doit le secourir 207, ou si la science du droit dcrit une
norme juridique gnrale dans la proposition si quelqu'un a reu un prt, il doit le
rembourser 208, alors, la connexion de condition consquence n'a manifestement pas le
caractre d'une ncessit causale. Elle est exprime par un devoir tre et non par un
falloir tre . Il est possible que quelqu'un dans le besoin ne soit pas secouru, et que
quelqu'un ayant reu un prt ne le rembourse pas209 alors qu'il est par exemple impossible,
notre connaissance, de monter des blancs dufs en neige sans les battre.

55.

Les normes thiques peuvent donc tre dfinies comme la signification d'une

cit., p. 11.
201

P. AMSELEK, Norme et loi , prcit, p. 99.

202

F. VIOLET, Articulation entre la norme technique et la rgle de droit, (prface J. SCHMIDT-SZALEWSKI),


PUAM, Coll. institut de droit des affaires, 2003, p. 41.
203

Sur ce type de normes, nuanant la distinction de celles-ci et des normes juridiques, v., BOY L., Normes
techniques et normes juridiques , Cahiers du Conseil constitutionnel, n 21, 2006, p. 119 et s.; et F. VIOLET,
Ibid., en particulier lintroduction de louvrage.
204

H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, op. cit., p. 11 et s.

205

H. KELSEN, Thorie pure du droit, op. cit., p. 13 Le mot norme exprime l'ide que quelque chose doit tre.

206

H. KELSEN, Thorie gnrale des normes, op. cit., p. 11, il faut ncessairement que quelque chose soit pour
qu'une autre chose soit galement.
207

Ibid., p. 27.

208

Ibid.

209

Ibid. p. 27 et 28.

37

La hirarchie des normes conventionnelles


proposition qui indique un modle de comportement210 en vertu duquel quelque chose doit
tre211.

56.

Contenu des normes thiques Cette dfinition mrite un certain nombre de

prcisions. Les normes thiques ne se bornent pas tablir des devoir tre au sens le plus
strict du terme212. Il ne s'agit pas, en posant le fait que les normes thiques indiquent un
devoir tre entendre par l qu'elles ne se bornent qu' commander, imposer, obliger. La
doctrine donne en effet au terme devoir un sens qui va bien au-del du sens commun de ce
terme. Il doit tre compris comme

signifiant galement avoir le droit et avoir le

pouvoir 213. Le contenu des normes peut tre d'une grande varit et peut indiffremment
consister en une autorisation, une permission214, une habilitation, une interdiction, une
obligation, etc.

215

. L'expos de quelques normes thiques permet de confirmer cela. En

disposant qu'il est interdit de mentir la morale nonce une interdiction ; elle peut poser une
obligation en imposant d'aimer son prochain. D'autres normes thiques, comme l'article 1984
du Code civil, habilitent (le mandataire accomplir des actes juridiques au nom et pour le
compte de son mandant). Enfin, l'article D. 143 du Code de procdure pnale prvoit des
permissions (de sortie au bnfice des personnes dtenues, pour passer un examen
universitaire par exemple).

57.

La norme au sens thique du terme tant dsormais dfinie, il nous faut maintenant

passer la convention travers la grille de cette catgorie, afin de dterminer si elle lui
210

En ce sens, A. SERIAUX, Jalons pour la rcupration dune conception mtaphysique du Droit , Droits,
10, 1989, p. 85 ; v. cependant, sinscrivant vigoureusement en faux contre cette opinion, A. JEAMMAUD, La
rgle de Droit comme modle , prcit, pour lequel si les rgles de Droit sont des modles, ces modles sont
autrement plus varis que des modles de comportement.
211

dfaut de poser un devoir tre , la norme nen serait plus une. V. cet gard, la jurisprudence du Conseil
constitutionnel qui censure dsormais les dispositions lgislatives qui ne contiennent aucune rgle, aucun
contenu normatif , et perdent ds lors leur caractre de norme juridique. CC, 21 avril 2005, dcision n
2005-512 DC, LPA 2005, n 100, p. 3, Note J.-E. SCHOETTL ; RTD civ. 2005, p. 564, Observations P.
DEUMIER ; RFDA 2005, p. 930, comm. W. SABETE ; JCP G. 2005, actu., n 250, observations, B. MATHIEU
; D. 2006, p. 826, observations V. OGIER-BERNAUD, C. SEVERINO.
212

H. KELSEN, Thorie pure du droit, op. cit., p. 13.

213

Ibid.

214

Sur labsence de spcificit des normes permissives v., J.-M. FEVRIER, Remarques sur la notion de norme
permissive , D. 1998, p. 271.
215

E. MILLARD, Qu'est-ce qu'une norme juridique? , prcit, p. 89 ; v. galement ces mots de PORTALIS,
La loi permet ou elle dfend, elle ordonne, elle tablit, elle punit ou elle rcompense , cit par P. MAZEAUD,
La loi nest pas un rite incantatoire , JCP G. 2005, actu. 70.

38

Contribution lanalyse normativiste du contrat


appartient ou non.

SECTION II ADQUATION DE LA CONVENTION AVEC LA


DFINITION DE LA NORME.

58.

La convention est-elle une norme216? Au regard de la dfinition que nous avons

donne de la norme au sens thique du terme, la convention ou le contrat peuvent


indniablement tre intgrs cette catgorie. La convention correspond nen pas douter la
dfinition de la norme thique (1). Son contenu potentiel est d'ailleurs le mme que celui des
normes thiques (2).

1. Un modle de comportement de ce qui doit tre.

59.

Nous avons dfini les normes thiques comme la signification d'une proposition qui

indique un modle de comportement en vertu duquel quelque chose doit tre. Or, les
stipulations conventionnelles peuvent parfaitement s'intgrer dans cette dfinition. Toutes
indiquent en effet un modle de comportement en vertu duquel quelque chose doit tre.
L'tude des effets obligationnels et non obligationnels217 du contrat semble accrditer cela.

60.

Contenu obligationnel Du point de vue des obligations stipules par les parties la

convention d'abord, il nous semble que toutes peuvent s'exprimer selon la dfinition propose
de la norme. Les obligations cres conventionnellement nous semblent tre indiscutablement
des modles dun comportement humain. Outre le cas de l'obligation de donner dont
l'existence a t remise en question218 (et qui relve des effets non obligationnels du

216

La formule, le contrat est-il une norme est ici dlibrment simplificatrice. Nous avons en effet expliqu
que la norme se distingue de l'acte qui l'nonce et nous devrions donc poser la question de savoir si le contrat
cre des normes et non pas s'il est une norme. Par facilit de langage et parce que la question est le plus souvent
aborde sous l'angle du caractre de norme du contrat plus que sous l'angle de la question de la cration de
normes par le contrat, nous serons amens souvent identifier la norme au contrat plutt qu'au sens de l'nonc
qu'il contient.
217

Sur cette distinction voir bien entendu, P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat ,
prcit.
218

M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de lobligation de donner , RTD civ., 1996, p. 85, qui dmontre que le
transfert de proprit est toujours un effet lgal, automatique du contrat, il a lieu de plein droit (...). Or il est
impossible de dire d'un fait qui se produit de plein droit qu'il correspond une obligation pesant sur une
partie .

39

La hirarchie des normes conventionnelles


contrat219), les obligations de faire comme de ne pas faire ont toutes pour objet un
comportement humain (ne serait-ce quindirectement). Toutes sont des rgles qui prescrivent
ce qui doit tre ou ce qui ne doit pas tre. L'obligation par laquelle une partie soblige livrer
une chose un lieu donn exprime la traduction concrte d'un modle220 en vertu duquel
quelque chose doit tre. Le dbiteur doit livrer la chose selon les modalits dfinies au lieu
dfini. Il sera alors possible de vrifier par le biais d'une opration de jugement (par rfrence
aux stipulations conventionnelles) si le comportement est conforme au comportement qui
devait tre. Ces remarques valent galement pour les obligations de ne pas faire. Nous l'avons
dj dit, le terme devoir tre est entendu largement et comprend donc aussi ce qui ne doit
pas tre. La convention par laquelle une partie s'engage conserver un secret de fabrication
pose un modle de comportement humain selon lequel quelque chose doit tre. Ici, le secret
doit tre gard, il ne doit pas tre divulgu.

61.

Contenu non obligationnel La question des effets non obligationnels du contrat et

de leur adquation avec la dfinition retenue de la norme est sans doute plus dlicate 221.
ct des traditionnelles obligations caractristiques du contrat il est souvent prcis que la
convention peut transfrer la proprit, transmettre ou teindre des obligations.

62.

Le premier effet non obligationnel cit, transfrer la proprit, peut-il se rsumer en

un devoir tre ? Nous le pensons. Il va de soi que celui-ci ne peut tre : si une vente est
conclue, on doit transfrer la proprit de l'objet de celle-ci (le transfert de proprit ayant
lieu de plein droit). Madame Fabre-Magnan propose que l'on considre que dans les
contrats translatifs de proprit, le propritaire initial ne puisse plus, une fois le contrat
conclu, s'opposer au transfert consenti 222. Ainsi exprim cet effet du contrat est l'expression
219

En ce sens, P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, n 19, p. 783 et 784.

220

Dont nous rappelons que nous l'avons dfini (reprenant la dfinition de Monsieur de Bchillon) comme
l'ide ou du concept (...) d'un comportement (...) auquel on veut rapporter (...) un comportement par le biais
d'une opration de jugement .
221

En raison, sans doute, du fait qu'il est moins vident au premier abord de rsumer certaines stipulations
conventionnelles en termes de comportements humains, en termes de prescriptions. Certaines rgles ont fait,
comme nous l'avons dj dit, douter certains auteurs du fait que le comportement humain soit le seul objet des
rgles de Droit. Nous ne dvelopperons pas ce point ici, dans la double mesure o nous l'avons dj rejet plus
tt concernant la rgle de Droit et qu'il n'a aucun relief particulier au regard de la problmatique qui est la ntre.
Le fait que les rgles se rsument ou ne se rsument pas des mesures de comportements humains ne permet ni
d'affirmer ni d'infirmer l'ide selon laquelle la convention est une norme.
222

M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de lobligation de donner , prcit, n 15.

40

Contribution lanalyse normativiste du contrat


d'un modle de comportement humain (le propritaire ne peut pas s'opposer) qui exprime un
devoir tre 223.

63.

Il en va de mme pour ce qui est de l'extinction des obligations. La convention par

laquelle les parties teignent une obligation par le biais d'une remise de dette ou d'une
transaction est sans aucun doute une norme au sens dfini. Comme le relve Monsieur Ancel,
si ces conventions ne produisent pas dobligations (ou ne produisent pas uniquement des
obligations224), des effets obligatoires sont produits qui imposent qu'un comportement humain
doive tre. Lauteur relve par exemple, propos de la transaction, que les parties ne
pourraient agir pour obtenir paiement d'une dette conventionnellement teinte en invoquant
l'inexcution d'une obligation. Labsence dobligation n'est pas synonyme d'absence de devoir
tre. Comme le dit encore Monsieur Ancel, ni les parties ni le juge ne peuvent mconnatre
cette extinction 225. C'est donc bien un devoir tre qu'exprime l'nonc dont le sens est
d'teindre une obligation. La transaction ou la remise de dette, mme si elles n'ont pas
directement pour objet d'imposer un devoir tre de comportement humain, nen n'imposent
pas moins un indirectement.

64.

Les conventions qu'elles produisent ou non des obligations nous semblent donc bien

toujours tre des modles exprimant ce qu'un comportement doit tre. D'ailleurs, si les
conventions correspondent la dfinition de la norme, elles peuvent en avoir tous les objets.

2. Des objets identiques ceux des normes thiques.

65.

Les normes thiques peuvent avoir une grande varit de contenus : autoriser, obliger,

interdire, habiliter, etc. Les conventions nous semblent remplir toutes ces fonctions.

66.

Obliger Ce point l ne se prte gure de plus amples rflexions que celle

consistant remarquer que mme si la convention peut produire d'autres effets que la cration
d'obligations, cet effet reste trs largement le principal effet du contrat. Celui qui contracte
une obligation s'oblige bel est bien... Cette obligation est dclenche par la volont de
223

Devoir tre pouvant s'entendre, nous le rappelons, comme un pouvoir tre.

224

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, n 12 et s., p. 779 et s.

225

Ibid. n 16, p. 782.

41

La hirarchie des normes conventionnelles


celui qui soblige mais elle n'en perd pas pour autant son caractre obligatoire. Il suffit pour
s'en assurer de se souvenir des dispositions de l'article 1134 du Code civil.

67.

Interdire Interdire est videmment aussi lun des objets de la convention. Cet objet

est dailleurs en pratique une sous catgorie de celui que lon vient dtudier. Interdire est sans
doute seulement obliger ne pas faire. Un interdit est ainsi exprim dans tout ce que l'on peut
qualifier d'obligation de ne pas faire, comme celle consistant prohiber l'exercice d'une
activit en application d'une clause de non-concurrence. Cette stipulation ne vise qu' interdire
un certain comportement puisque l'obligation de ne pas faire consiste dans l'interdiction
d'un fait prcis 226.

68.

Autoriser Autoriser (permettre) ensuite. L encore, de nombreuses conventions ont

pour objet d'autoriser une partie faire telle ou telle autre chose. Les exemples ne manquent
pas. L'objet d'une convention par laquelle une personne donne son accord pour l'utilisation de
son image, ce qui est souvent indispensable pour qu'il ne soit pas port atteinte l'article 9 du
Code civil, est une autorisation227. De la mme manire, pour se prvaloir des dispositions des
articles L. 145-47 et suivants du Code de commerce (relatifs la dspcialisation des locaux
commerciaux), le preneur bail commercial doit y tre autoris 228 par le propritaire. L
encore une convention229 a donc pour objet d'autoriser .

69.

Habiliter Habiliter enfin. Cette dernire illustration de la varit du contenu des

normes thiques se retrouve encore en matire conventionnelle. Si l'on dfinit lhabilitation


comme la source d'accroissement du pouvoir ou d'acquisition du pouvoir 230 alors
incontestablement le mandat, contrat par lequel une personne donne une autre le pouvoir

226

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, 10me dition, Dalloz, Coll. Prcis,
2009, n 588, p. 595.
227

Civ. 1., 12 juin 1990, Bull. civ. I, n 164 p. 116, ... que la socit X n'avait pas sollicit et obtenu de M. X
(...), ainsi qu'elle en avait l'obligation, l'autorisation de faire figurer sa photographie sur les placards
publicitaires parus dans la presse (...) .
228

Article L. 145-48 alina premier du Code de commerce.

229

Civ. 3, 26 octobre 1971, Bull. civ. III, n 510 p. 364, qui nonce qu'un locataire ne peut se prvaloir d'une
activit exerce sans autorisation conventionnelle ou judiciaire pour obtenir la condamnation du propritaire
au payement d'une indemnit majore .
230

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., v- Habilitation, p. 453.

42

Contribution lanalyse normativiste du contrat


de faire quelque chose 231, dmontre quune convention peut avoir pour objet dhabiliter.

70.

La convention correspond donc la dfinition de la norme, au sens thique du terme,

en ce quelle pose toujours un modle de ce que doit tre un comportement humain. Elle a
dailleurs potentiellement les mmes objets que les normes thiques en gnral. La convention
habilite, autorise, interdit, permet. Tout conduit donc affirmer que la convention est (ou
pose) une norme.

*
*

71.

Conclusion du Chapitre premier La norme est par essence un modle. Elle peut

tre, comme les normes dites recognitives, un modle de la survenance effective dun
vnement ou, comme les normes directives, un modle suivre, un modle de
comportement. La norme juridique fait partie de cette dernire catgorie de normes. Elle est
mme plus prcisment une norme thique, c'est--dire une norme qui pose un modle de ce
que doit tre un comportement. Elle soppose en cela dautres normes, techniques, qui
posent, elles, un modle de ce quil faut faire pour parvenir un certain rsultat (telle une
recette de cuisine). La norme juridique, comme les normes morales ou religieuses, pose donc
un modle de ce que doit tre un comportement humain. Ce type de norme peut avoir pour
objet dobliger, dhabiliter, dinterdire ou dautoriser.

72.

Indniablement, la convention correspond cette dfinition de la norme. Cet acte

dfinit toujours, de manire directe ou non, ce que doit tre un comportement humain. Tel est
le cas des effets obligationnels du contrat qui imposent un comportement aux parties (ou le
proscrivent). Tel est encore le cas des effets non obligationnels du contrat qui imposent
galement un modle de comportement de ce qui doit tre. Lune des parties une remise de
dette ne peut par exemple saisir le juge dune demande en excution des obligations teintes
par cet acte. Le contrat dicte en cela ce que doit tre ou ne doit pas tre le comportement du
contractant. Correspondant la dfinition de la norme thique la convention peut galement

231

Article 1984 alina premier du Code civil.

43

La hirarchie des normes conventionnelles


en avoir tous les objets potentiels. La convention oblige, bien videmment, mais elle habilite,
elle autorise, elle interdit. La convention est donc une norme. Elle appartient comme les
normes juridiques la catgorie des normes thiques.

73.

Le contrat est une norme. La chose nous semble acquise. Elle nous semble dailleurs

indiscutable. ce stade, le propos nest pas contradictoire, bien que sa formulation puisse le
laisser croire, avec les conceptions de la doctrine majoritaire. Lorsque cette dernire dbat de
la nature normative ou non du contrat elle procde en fait par ellipse. Ce nest pas le caractre
de norme que lon conteste au contrat, cest son caractre de norme juridique232, de rgle de
Droit. Autrement dit, le contrat peut bien tre une norme il nest pas pour autant une norme
juridique. Reste alors prciser ce qui fait de ces normes thiques des normes juridiques.
Quel est le critre de leur juridicit ? Constater que celui-ci est satisfait nous permettra
daffirmer que la convention est bel et bien une norme juridique.

232

V. par exemple, D. MAINGUY qui admet que le contrat est un acte normateur , mais pas une norme au
sens o on entend ce terme en thorie du droit, L'efficacit de la rtractation de la promesse de contracter ,
RTD civ., 1994, p. 1 spc. n 4.

44

Contribution lanalyse normativiste du contrat

CHAPITRE SECOND LA CONVENTION EST UNE NORME


JURIDIQUE.
74.

La rgle de Droit est habituellement dfinie comme une rgle de conduite ()

gnrale, abstraite, obligatoire et dont la sanction est assure par lautorit publique 233.
Certes, certains de ces caractres sont contests234, dautres seraient manquants aux yeux de
quelques auteurs235. Mais la formule de Monsieur Cabrillac rsume assez bien ce qui fait pour
la majorit des auteurs contemporains la spcificit de la rgle de Droit. Celle-ci serait donc
obligatoire, sanctionne, gnrale et impersonnelle. Il ne nous revient pas ici de nous atteler
la tche combien difficile de dterminer quels sont les caractres de la rgle de Droit, mais
simplement de sattacher ceux qui pourraient exclure la convention de la catgorie des
normes juridiques.

75.

nen pas douter, les conventions remplissent, de lavis de chacun, les deux premiers

critres noncs de la rgle de Droit. Le contrat est videmment obligatoire236, le non respect
de ses stipulations est de manire tout aussi vidente sanctionn237. Les deux conditions
suivantes conduiraient au contraire a priori rejeter la convention hors de la catgorie des
normes juridiques. Assurment, le contrat nest le plus souvent ni gnral, ni impersonnel.
Lobstacle nest quapparent. La gnralit et labstraction ne sont aujourdhui, pas plus
quelles ne ltaient hier, caractristiques de la norme juridique (1).

76.

Un second critre souvent oubli, ou rejet, de la dfinition de la rgle de Droit mrite

une attention particulire. Outre le fait quil soit nos yeux dcisif, sa prsence pourrait
compte tenu dune longue tradition juridique fondant la force obligatoire du contrat sur le
principe de lautonomie de la volont, tre douteuse en matire de conventions. Ce critre qui
233

R. CABRILLAC, Introduction au Droit, op. cit., n 5, p. 7.

234

Sur le caractre superflu de la sanction pour identifier la rgle de Droit v. D. DE BECHILLON, op. cit., p. 59
89.
235

Sur cette question des critres de la rgle de Droit, v. X. LABBEE, Les critres de la norme juridique, PUL,
Coll. Manuels, 1994.
236

Lalina premier de larticle 1134 du Code civil ne laisse aucune place au doute sur ce point.

237

Dire du contrat quil est obligatoire cest dire que son excution est juridiquement sanctionne , Y.-M.
LAITHIER, Etude comparative des sanctions de linexcution du contrat, (prface H. MUIR-WATT), LGDJ,
Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 419, 2004, n 512, p. 599.

45

La hirarchie des normes conventionnelles


fait d'une norme thique, qu'elle soit d'origine morale, religieuse ou autre, une norme
juridique, c'est son intgration un systme juridique. Nous montrerons donc que la
convention est, en dpit des quelques vestiges de lindividualisme juridique qui hantent
encore parfois la doctrine contractualiste, une norme intgre l'ordre juridique (2).

SECTION I INDIFFRENCE DU CARACTRE INDIVIDUEL DE LA


CONVENTION.

77.

Le contrat est un acte juridique qui produit le plus souvent ses effets entre deux ou

plusieurs personnes nominativement dsignes dans l'acte. Or, la rgle de Droit est presque
toujours prsente comme une rgle gnrale. Dans ces conditions (et c'est sur cet argument
que repose souvent la contestation de la normativit du contrat238) la convention, parce qu'elle
vise nommment les parties, ne pourrait pas tre une rgle de Droit.

78.

Nous pourrions d'emble relever le caractre insuffisant de cet argument s'opposer

lui seul la qualification de la convention comme une rgle de Droit. En effet, si la plupart
des conventions ne possdent pas ce prcieux caractre de gnralit, tel n'est pas le cas de
toutes. Nombre de conventions sont en effet rdiges de manire gnrale. Les conditions
gnrales de vente 239 (ou plutt de service240) du principal oprateur franais de tlphonie
mobile sont rdiges de manire gnrale. Elles sont galement destines s'appliquer un
nombre de personnes bien plus tendu que beaucoup de lois241. De la mme manire, les
dispositions d'une convention collective de travail sont le plus souvent rdiges de manire
gnrale et ont, pour les conventions nationales interprofessionnelles ou mme de branche, un
champ d'application bien plus large que bien des dispositions lgales. Le contrat n'est donc
pas ncessairement synonyme de rgle individuelle et ne devrait donc pas tre exclu a priori
de la catgorie des rgles de Droit (dautant que le phnomne de gnralisation du contrat va
238

G. MARTY De la place des conventions dans lordonnancement juridique , prcit, p. 80. Lauteur
condamne, pour cette raison, le caractre de rgle de Droit non de toutes les conventions, mais des conventions
(et plus gnralement des actes) individuelles.
239

C. LARROUMET, Droit civil, Introduction l'tude du droit priv, op. cit., n 26 p. 18.

240

Sur le recours abusif au modle de la vente, v. M.-E. ANCEL, La vente dans le Code civil : raisons et
draisons d'un modle contractuel , in, Code civil et modles, Des modles du code au code comme modle,
(Direction T. REVET), LGDJ, Coll. Bibliothque de l'Institut Andr Tunc, 2005, p. 285, en spc. n 18 p. 98.
241

En ce sens, J. GHESTIN, les donnes positives du droit , RTD civ. 2002, p. 11, spc. n 21.

46

Contribution lanalyse normativiste du contrat


croissant242). Ds lors, distinguant selon que les stipulations dune convention sont ou non
gnrales, on devrait tre conduit admettre que certains contrats sont des rgles de Droit et
que d'autres n'en sont pas. Adopter cette trange dmarche savre inutile. Elle repose sur la
suppose gnralit de la rgle de Droit (1), qualit dont nous constaterons qu'elle ne
peut pas tre un critre de ce type de rgles243 (2).

1. La gnralit : Une qualit suppose de la rgle de Droit.

79.

La gnralit, une qualit couramment attribue la rgle de Droit Si un

homme a incrimin un autre homme, et a jet sur lui un malfice, et ne l'a pas convaincu de
tort, celui qui l'a incrimin est passible de mort 244. Si un homme, dans un procs, s'est lev
pour un tmoignage charge, et s'il n'a pas justifi le propos qu'il a tenu, si cette cause est
une cause de vie (ou de mort), cet homme est passible de mort 245. Si l'acheteur n'a pas
amen le vendeur qui lui a livr, et les tmoins devant qui il a achet, alors que le
propritaire de l'objet perdu a amen les tmoins connaissant son objet perdu, l'acheteur est
assimil au voleur et passible de mort. Le propritaire de l'objet perdu reprendra son objet
perdu 246. Ds 1780 avant notre re Hammourabi, qui a fait rdiger ce qui reste l'un des
premiers exemples de codification247, donnait aux rgles de son code un caractre gnral.
Bien que toutes tires d'expriences jurisprudentielles les lois du roi de Babylone, comme
celles de Moise248, nonaient des prceptes valables pour tous les hommes 249. La
gnralit est prsente comme ayant toujours t consubstantielle la loi250. Aristote, plus de
trois cents ans avant J.-C., aurait affirm que la loi est toujours quelque chose de
242

P. PUIG, Le transfert au contrat des exigences de formulation dune source normative , prcit, p. 290 et s

243

Sur l'ensemble de la question, v. D. DE BECHILLON, op. cit., p. 19 et s.

244

Code dHammourabi, Paragraphe I.

245

Ibid., Paragraphe III.

246

Ibid., Paragraphe X.

247

Sur cette question v. R. CABRILLAC, Les codifications, PUF, Coll. Droit, thique, socit, 2002, p. 10 13.
Si le code dHammourabi est le plus complet et le plus connu, le premier code est selon lauteur le code dUrNammu datant de 2100 avant notre re.
248

Mme si les dix commandements sont rdigs sur le mode impratif, la deuxime personne du singulier.

249

A. HOLLEAUX, La fin des rgles gnrales , Bull. De l'IIAP, juillet-sept 1976, p. 419.

250

Pour un vritable inventaire historique, v. R. CARRE DE MALBERG, Contribution la thorie gnrale de


l'Etat, T. I, Sirey, 1920-1922, Rdition CNRS, 1962, n 96 et s. p. 289 et s.

47

La hirarchie des normes conventionnelles


gnral 251. Au Moyen ge Saint Thomas d'Aquin relayait la mme ide252 que l'on
trouverait galement chez Montesquieu253 et chez Rousseau. Ce dernier l'exprimait dans une
maxime proche de celle d'Aristote : l'objet des lois est toujours gnral (...) la loi considre
les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une
action particulire 254. Un peu plus tard Portalis prcisait dans le discours prliminaire au
premier Code civil que la loi statue sur tous : elle considre les hommes en masse, jamais
comme particuliers 255.

80.

L'ide de la gnralit de la norme juridique a donc semble-t-il connu jusqu'

aujourd'hui une vritable permanence et elle fait toujours preuve de vigueur dans les travaux
d'une trs grande partie de la doctrine. La plupart des manuels dintroduction au Droit256/257

251

thique Nicomaque, Librairie philosophique Jean Vrin, 1994, Livre V, Chap. XIV, 1137 b 10

252

P. LOUIS-LUCAS, La loi , D. 1964, Chron., p. 197.

253

C. EISENMANN, L'esprit des lois et la sparation des pouvoirs , in, Mlanges Raymond Carr de
Malberg, Fac-sim. de ldition, Sirey 1933, 1977, n 5 p. 190.
254

J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social, in, uvres compltes de J.-J. Rousseau, Paris, Dalibon, 1826, Tome VI,
adde., La matire sur laquelle on statue est gnrale comme la volont qui statue. C'est cet acte que j'appelle
une loi (...) , p. 71 et 72.
255

J.-E.-M. PORTALIS, Discours prliminaire prononc lors de la prsentation de la commission du


gouvernement , P.-A. FENET, Recueil complet des travaux prparatoires du Code civil, T. I, Videcoq, 1836, p.
475.
256

J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Introduction au droit et aux thmes fondamentaux du droit civil, op. cit., n 8,
p. 8 ; J.-L. BERGEL, op. cit., La gnralit de la loi parat relever de sa nature et non dune option
constitutionnelle parmi dautres , n 36, p. 47 ; R. CABRILLAC, Introduction gnrale au droit, 8me dition,
Dalloz, Coll. Cours, 2009, La rgle de Droit n'est pas faite pour rgir des cas particuliers , n 6, p. 9; J.
CARBONNIER, Droit civil, Introduction, op. cit., n 5, p. 13 Un acte individuel ne peut pas tre une rgle de
Droit (...) Une rgle c'est une disposition abstraite cest--dire gnrale ; P. COURBE, Introduction gnrale
au droit, 11me dition, Dalloz, Coll. Mmentos, 2009, p. 5 ; G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, op.
cit., n 16 p. 19, Toute rgle se dfinit par un certain caractre de gnralit ; M. DOUCHY-OUDOT, Droit
civil, Premire anne, 5me dition, Dalloz, Coll. HypersCours, 2009, n 39, p. 30 ; S. DRUFFIN-BRICCA, L.C. HENRY, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 180, p. 83 ; P. MALAURIE, P. MORVAN, op. cit., n
246, p. 199 La loi (au sens matriel) possde tous les caractres de la rgle de Droit, abstraite gnrale (...)
; M. FABRE-MAGNAN, Introduction gnrale au droit, PUF, Coll. Licence, p. 31 ; J. GHESTIN, G.
GOUBEAUX, Introduction gnrale, 3me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit civil, 1990, n 232, p. 199 En
tant que rgle de Droit, la loi, au sens matriel, est gnrale, permanente et abstraite (v. cependant, la 4me
dition de louvrage, dans laquelle les auteurs reviennent sur cette position op. cit., n 240, p. 199) ; D.
MAINGUY, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 61, p. 61 ; MALINVAUD, P., Introduction ltude du
droit, op. cit., n 37 et 38, p. 32 et 33 ; B. PETIT, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 26 et s., p. 30 La
gnralit est inhrente la notion mme de rgle ; F. PETIT, J.-C. MASCLET, Introduction gnrale au
droit, 2me dition, SUP. FOUCHER, Coll. LMD Parcours juridiques, 2010, p. 31 ; F. TERRE, Introduction
gnrale au droit, 8me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 2009, Au point de vue (...) matriel, le mot loi dsigne les
rgles consistant en des dispositions abstraites cest--dire gnrales , n 246, p. 199 et 200 ; v. galement, la
position originale de Monsieur JEAMMAUD qui, sil admet le caractre gnral et abstrait de la rgle de Droit,
nen fait pas pour autant un critre distinctif de ce type de rgles. Pour lauteur, la rgle de Droit tient cette
qualit de sa nature gnrique de modle v. La rgle de Droit comme modle , prcit, n 18, p. 206.

48

Contribution lanalyse normativiste du contrat


s'attlent rappeler le caractre essentiel de cette qualit, mise en avant par les spcialistes de
droit priv comme de droit public258. De nombreuses tudes consacres aux rgles de Droit
dans leur ensemble259 ou certaines d'entre elles260 voquent galement la gnralit de la
rgle de Droit. On prcise mme parfois que relever ce caractre c'est se livrer une
constatation (...) banale 261.

81.

Les origines de la gnralit de la rgle de Droit La gnralit de la rgle de Droit

trouve son origine dans un objectif, l'idal d'galit262, et dans une ide, l'assimilation de la loi
au Droit dans son ensemble.

82.

La loi a longtemps t assimile au Droit. L'exemple le plus frappant est sans doute

l'utilisation du terme loi entendu dans son acception matrielle comme synonyme de
l'expression rgle de Droit 263 (on peut d'ailleurs relever que cette assimilation n'est pas
propre notre langue. L'anglais utilise galement le mme mot, law, pour dsigner le Droit et
la loi). Le Titre prliminaire du Code civil aujourd'hui intitul De la publication des effets et
de l'application des lois en gnral tait l'origine dans les travaux de la commission
charge de l'laboration d'un projet de Code civil, un Livre prliminaire alors intitul du
Droit et des lois en gnral 264. Portalis cultivait d'ailleurs cette confusion entre le Droit et la
loi lorsqu'il expliquait que selon les rdacteurs du Code civil : le droit est la raison
universelle, la suprme raison fonde sur la nature mme des choses. Les lois sont ou ne

257

V. encore, relevant avant nous le mme phnomne, J. GHESTIN, Les donnes positives du droit , RTD
civ. 2002, p. 11, n 18 et les rfrences cites.
258

L. DUGUIT, Manuel de droit constitutionnel, 4me dition, E. De Boccard, 1923, n 30, p. 92.

259

Par exemple, A. JEAMMAUD, La rgle de Droit comme modle , D. 1990, p. 199, n 18.

260

P. LOUIS-LUCAS, La loi D. 1964, Chron., p. 197; F. TERRE, La crise de la loi , APD, 1980, p. 17
et s. dans une vision matrielle (...) la loi est une rgle gnrale .
261

P. LOUIS-LUCAS, Ibid., p. 197.

262

L'unification du territoire par l'application d'un droit unique, par exemple.

263

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., 560 ; L. DUGUIT, dfinit la loi dans ce sens l comme Tout
acte manant de l'tat contenant une rgle de Droit objectif , Manuel de droit constitutionnel, op. cit., n 29, p.
92.
264

J.-E.-M. PORTALIS, Discours prliminaire prononc lors de la prsentation de la commission du


gouvernement , prcit, p. 476. Une telle formulation laisse presque croire que le Droit nest quune partie dun
tout plus vaste que serait la loi.

49

La hirarchie des normes conventionnelles


doivent tre que le droit rduit en rgles positives, en prceptes particuliers 265. Cette vision
est le produit de la Rvolution franaise et du sicle des lumires qui exaltaient la loi. On la
retrouve de nombreuses reprises au cur de la Dclaration des droits de l'homme et du
citoyen, dans un nombre important d'articles dans lesquels le mot loi est utilis dans son sens
matriel, cest--dire au sens de rgle de Droit266. Les annes qui ont suivi n'ont pas dmenti
la place que la loi occupait alors. L'une des caractristiques de l'cole de l'exgse a t
d'entretenir le culte de la loi et l'identification du droit positif tout entier avec elle 267, ce
qui conduit Monsieur Terr considrer qu' au sicle dernier268, surtout pendant la premire
moiti, [la] place [de la loi] tait prpondrante 269. Les IIIme et IVme Rpubliques ont
entretenu cette vision majestueuse de la loi, quasi-unique source de Droit, qui n'tait alors
soumise aucun vritable contrle de constitutionnalit. On parlait alors d'un tat lgal (et
non d'tat de Droit) bti autour du dogme de la suprmatie de la loi 270 que Raymond
Carr de Malberg voquait comme seule (...) doue de puissance initiale absolue 271.

83.

Issue essentiellement de la philosophie des lumires et de la Rvolution franaise272,

l'ide selon laquelle la loi devait tre la principale voire la seule source d'un Droit fait de
dispositions gnrales prend sa source dans l'aspiration une plus grande galit qui a anim
cette poque273. Aprs une priode pendant l'ancien rgime marque par un Droit qui diffrait
pour chacun des trois ordres, les cahiers de dolances se sont fait l'cho de revendications
galitaires274. Les auteurs des textes rvolutionnaires ont traduit ces idaux dans les textes et
265

J.-E.-M. PORTALIS, Ibid.; Cette vision tait d'ailleurs traduite dans les premiers articles du projet de Code
civil, v. P.-A. FENET, Recueil complet des travaux prparatoires du Code civil, Videcoq, 1836, T. II, p. 3.
266

Par exemple l'article 5 Tout ce qui n'est pas dfendu par la Loi ne peut tre empch ou l'article 8 La
Loi ne doit tablir que des peines strictement et videmment ncessaires, et nul ne peut tre puni qu'en vertu
d'une Loi tablie et promulgue antrieurement au dlit, et lgalement applique .
267

V. RANOUIL, L'autonomie de la volont, naissance et volution d'un concept, PUF, 1980, p. 79.

268

L'article a t crit au XXme sicle.

269

F. TERRE, La crise de la loi , prcit, p. 26.

270

L. FAVOREU, op. cit., n 31, p. 25.

271

Cit par L. FAVOREU, Ibid.

272

Sur le caractre douteux de l'affirmation de la gnralit de la loi avant cette poque, infra, n 86 et s.

273

H. DUPEYROUX, Sur la gnralit de la loi , in, Mlanges Raymond Carr de Malberg, Sirey, 1933, n 5
p. 146.
274

Cette nation n'a qu'un seul Roi il y a lieu de croire qu'elle n'aura qu'une seule loi (...) tous tant les sujets

50

Contribution lanalyse normativiste du contrat


cest ce qu'exprime l'article 6 de la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen lorsqu'il
dispose que la loi doit tre la mme pour tous, soit qu'elle protge, soit qu'elle punisse . Le
Code civil consacre lui mme implicitement cette ide dgalit. Portalis dans le discours
prliminaire rappelle cet gard, alors quil prsente la partie consacre au droit des biens,
que dans lancien rgime, la distinction des personnes privilgies ou non privilgies,
nobles ou roturires, entranait, par rapport aux biens, une foule de distinctions qui ont
disparu et qui ne peuvent plus revivre 275/276. La loi gnrale est donc un gage d'galit277 et
d'impartialit278. Ce caractre constitue la protection la plus efficace de l'individu contre
l'arbitraire de l'tat 279.

2. La gnralit: Une qualit condamne de la rgle de Droit.

84.

En dpit des indices relevs favorables la thse de la ncessaire gnralit de la rgle

de Droit, nous sommes contraints de relever, avec certains auteurs, que s'il est sans doute
vrai que la plupart des rgles de Droit sont des rgles gnrales et abstraites, on peut se
demander si on doit nier le caractre de rgle de Droit une rgle de conduite sous prtexte
qu'elle ne serait ni gnrale ni abstraite 280. La rponse apporter cette question doit selon
nous tre ngative. Il n'est pas possible de nier le caractre de rgle de Droit une norme au
seul prtexte qu'elle n'est pas gnrale. L'affirmation selon laquelle une rgle de Droit est une
rgle gnrale est on ne peut plus douteuse 281/282. Comme le relve un auteur, l'ide de la

du mme prince , Cahiers de dolances de la province de Bresse, rdig au nom des trois ordres, 1er Avril 1789,
Archives nationales, cit par A. HOLLEAUX, La fin des rgles gnrales , Bull. de l'IIAP, juillet-sept 1976,
p. 419.
275

J.-E.-M. PORTALIS, Discours prliminaire prononc lors de la prsentation de la commission du


gouvernement , prcit, p. 508.
276

Montesquieu cite par exemple les biens, propres, acquts ou conquts, dotaux, paraphernaux, paternels et
maternels, meubles de plusieurs espces, libres, substitus, du lignage ou non, nobles en franc-alleu, ou
roturiers, rentes foncires ou constitus prix d'argent , De l'esprit des lois, in, uvres compltes de
Montesquieu, Tome I, Paris, Lefvre diteur, 1839, p. 109.
277

J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, op. cit., n 5, p. 13 ; B. PETIT, Introduction gnrale au droit,
op. cit., n 27, p. 31.
278

P. LOUIS-LUCAS, prcit, p. 198.

279

L. DUGUIT, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., n 30, p. 95.

280

C. LARROUMET, Droit civil, Introduction l'tude du droit priv, op. cit., n 23 p. 16.

281

Ibid., n 16 et s. particulirement, n 22 et s., p. 16.

51

La hirarchie des normes conventionnelles


gnralit, inhrente la nature de la loi, [est] si bien adapte aux catgories
gnralisatrices et simplificatrices de notre esprit, que tous les juristes du XIXme sicle se la
transmirent sans examen les uns aux autres 283. Or, le critre de la gnralit de la rgle de
Droit ne rsiste pas l'examen. Ses fondements historiques sont en effet trop friables pour la
soutenir (A), et rien ne semble pouvoir s'opposer ce qu'une rgle non gnrale puisse tre
qualifie de rgle de Droit (B).

A. Des fondements friables de la gnralit de la loi.

85.

L'attribution de cette qualit la rgle de Droit, nous l'avons dit, repose sur la

conjugaison des ides selon lesquelles la loi, par nature gnrale, a t pendant longtemps la
source presque unique du Droit. La loi tant gnrale et la loi tant tout le Droit, le Droit ne
pouvait qu'tre gnral284. Or, cette conjugaison au pass est une faute au prsent (2). cela
s'ajoute selon nous le dfaut de vritables fondements philosophiques de l'ide de gnralit
de la loi (1).

1. Une assise philosophique incertaine.

86.

Des fondements historiques incertains Maurice Hauriou professait qu'il faut

accorder beaucoup d'importance aux choses qui ont t crues pendant longtemps par de bons
esprits 285, or, les bons esprits qui l'on prte d'avoir au fil de temps grav dans le marbre la
gnralit de la loi sont lgion. Mais s'il est sans doute, comme l'affirmait Hauriou,
indispensable de rflchir deux fois avant d'essayer de dtruire les fondations des difices
les plus anciens, encore faut-il que ces difices aient vritablement de solides fondations. Or,
celles de la gnralit de la rgle de Droit semblent prsenter, si on les observe de prs, un
caractre parfois friable.

87.

propos d'Aristote, qui est le premier des philosophes cits au nombre de ceux qui

proclameraient la gnralit de la loi, deux passages trs souvent rapports appellent quelques
282

Au del, mme les auteurs qui formulent le vu de voir se maintenir la gnralit de la rgle de Droit
constatent son recul v., A. JEAMMAUD, La rgle de Droit comme modle , prcit, n 18.
283

H. DUPEYROUX, prcit, n 1, p. 137.

284

D. DE BECHILLON, op. cit., p. 20.

285

M. HAURIOU, Prcis de droit constitutionnel, 2me dition, Sirey, 1929, p. 348.

52

Contribution lanalyse normativiste du contrat


rflexions.
Le premier passage, le plus souvent cit, est extrait de l'thique Nicomaque286. La
loi est toujours quelque chose de gnral 287. Cette affirmation, sortie de son contexte, ne
semble pas laisser de place au doute. Or, la lecture de cette uvre les choses sont moins
claires que ce que l'expression rapporte semble indiquer. Aristote ne se livre en effet pas,
dans l'thique Nicomaque, un quelconque exercice de dmonstration ou d'argumentation
au soutien du caractre ncessaire de gnralit de la loi. Il l'voque tout au plus. Il faut pour
rendre cet extrait la porte qui est la sienne le remettre dans son contexte. La citation
mentionne est extraite du paragraphe XIV du Livre V de l'thique Nicomaque, paragraphe
intitul l'quit et l'quitable . Dans ces dveloppements, le philosophe compare les deux
notions d'quitable et de juste. Il remarque alors qu'il y a identit entre les deux termes puis
nuance trs lgrement ce propos en crivant que l'quitable, tout en tant juste, n'est pas ce
qui est juste selon la loi, mais un correctif de la justice lgale. La raison en est que la loi est
toujours quelque chose de gnral et qu'il y a des cas d'espce pour lesquels il n'est pas
possible de poser un nonc gnral qui s'applique avec rectitude 288. La gnralit de la loi
n'est qu'voque par Aristote au dtour d'un dbat relatif une toute autre question. Si l'ide
de la gnralit de la rgle de Droit est donc ( peine) prsente, la porte de celle-ci est
incontestablement moindre que celle que la doctrine accorde cette citation. Aristote n'a pas
ici plaid pour la gnralit de la rgle de Droit. La proposition semble bien tre un simple
constat289.
La seconde citation, extraite de La politique290, est elle l'objet de plus grandes rserves
encore. On prte au philosophe d'avoir crit que la loi dispose toujours de manire gnrale

286

ARISTOTE, thique Nicomaque, Librairie philosophique Jean Vrin, 1994, Livre V, Chap. XIV, 1137 b, p.
267.
287

Ibid.

288

Ibid.

289

On pourrait aujourdhui, rendant compte du droit positif crire que la loi est en principe toujours gnrale.
Cette description du droit positif ne prjuge en rien de lopinion que lon peut avoir sur la ncessit de ce
caractre.
290

ARISTOTE, Politique, (traduction par J. BARTHELEMY SAINT-HILAIRE), 3me dition, LADRANGE,


1874, Livre III, Chapitre X, 4, p.180.

53

La hirarchie des normes conventionnelles


et ne prvoit pas les cas accidentels 291. Or, ce passage n'a sans doute pas l non plus sous la
plume de son auteur toute la porte qu'on lui prte. Cette citation d'Aristote intervient en effet
alors que le philosophe pose la question de savoir s'il est prfrable de remettre le pouvoir
un individu de mrite, ou de le laisser de bonnes lois 292. Un auteur avance propos de ce
texte qu'Aristote (...) n'a pas pris position sur notre question 293 et que la gnralit n'est
pas prsente comme une nature inhrente la loi 294. Nous serions enclins partager sa
vision des choses d'autant qu'une seconde traduction de ce texte nous offre une version
sensiblement diffrente de celle cite, et jette ainsi un premier doute sur le sens des propos
tenus. Cette traduction est la suivante : le premier point de cette recherche, est de savoir s'il
est prfrable de remettre le pouvoir un individu de mrite ou de le laisser de bonnes lois.
Les partisans de la royaut, qui la trouvent si bienfaisante, prtendront, sans nul doute, que la
loi, ne disposant jamais que d'une manire gnrale, ne peut prvoir tous les cas accidentels,
et que c'est draisonner que de vouloir soumettre une science, quelle qu'elle soit, l'empire
d'une lettre morte, comme cette loi d'gypte, qui ne permet aux mdecins d'agir qu'aprs le
quatrime jour de la maladie, et qui les rend responsables, s'ils agissent avant ce dlai. La
lecture de la partie du paragraphe dont est issue cette formule indique que si l'auteur considre
la loi comme une rgle le plus souvent gnrale, il n'emploie pas l'indicatif gnralement
utilis pour rapporter ce texte. Il utilise un participe prsent qui peut tre interprt comme un
simple constat n'ayant alors pas la valeur qui semble lui tre attribue.
Une troisime traduction295 de cet extrait (dont la structure est lgrement
modifie296), permet de douter rellement de la prsence dans l'esprit du philosophe grec de
toute ide de gnralit de la loi. On peut ainsi lire sous la plume d'un traducteur
contemporain l'extrait suivant : Le point de dpart de la recherche est celui-ci : Est-il plus
avantageux d'tre gouvern par l'homme le meilleur ou par les lois les meilleures ? Ceux qui

291

Voir par exemple, R. CARRE DE MALBERG, op. cit., n 96, p. 289.

292

ARISTOTE, Politique, (traduction par J. BARTHELEMY SAINT-HILAIRE), Ibid.

293

Cit par H. DUPEYROUX, prcit, n 2 p. 138.

294

Ibid.

295

ARISTOTE, Les politiques, (traduction, indite, de P. PELLEGRIN), 2me dition, Flammarion, 1993, Livre
III, Chapitre XV, 4, p. 262.
296

Le Livre III, Chapitre X, 4, devient dans cette nouvelle traduction le Livre III, Chapitre XV, 4.

54

Contribution lanalyse normativiste du contrat


sont d'avis qu'il est avantageux d'tre gouvern par un roi297 pensent que les lois ne peuvent
noncer que le gnral298 sans pouvoir rien prescrire concernant les situations
particulires 299. La diffrence entre ce passage et la citation souvent rapporte est flagrante.
Elle se passerait presque de commentaire. Aristote cite un argument des partisans d'une thse
qui n'est pas la sienne ! Il n'exprime nullement son opinion sur la question de la gnralit de
la loi. Quelques lignes plus bas on peut encore lire, sans doute semblerait-il (...) qu'une
personne dlibrera mieux propos des cas particuliers 300. Comment ne pas voir dans cette
remarque le signe qu'Aristote puisse admettre que la loi dispose sur une situation
particulire ? Comment ne pas, au moins, douter trs srieusement de la thse selon laquelle
Aristote affirme que la loi est gnrale ? Les fondements philosophiques de la gnralit de la
loi sont indniablement fragiliss. Ils le sont encore si lon sattache luvre des
philosophes du XVIIIme sicle.

88.

Les philosophes des lumires, qui l'on prte galement d'avoir beaucoup dvelopp

cette thse, ne sont pas ncessairement les partisans de la gnralit de la loi que l'on prsente.

Montesquieu, par exemple, n'voque que brivement la gnralit de la loi. Ce


caractre nest dailleurs sous la plume de cet auteur jamais absolu, puisquil consacre
quelques dveloppements imaginer des mcanismes correcteurs de la rigueur de la loi
consistant noncer des rgles particulires. Ainsi peut-on lire dans l'esprit des lois lextrait
suivant : Il pourrait arriver que la loi qui est en mme temps clairvoyante et aveugle soit en
certains cas trop rigoureuse. Mais les juges de la Nation ne sont comme nous avons dit, que
la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des tres inanims qui ne peuvent modrer ni la
force ni la rigueur. C'est donc la partie du corps lgislatif que nous venons de dire tre, dans
297

L'auteur ne fait pas partie de ceux-l, par exemple, ARISTOTE, Les politiques, (traduction, indite, de P.
PELLEGRIN), 2me dition, Flammarion, 1993, Livre III, Chapitre XV, 11, p. 264, Il n'est sans doute pas
facile qu'il existe [aujourd'hui] encore une constitution autre qu'une dmocratie .
298

Ide que l'on retrouve d'ailleurs semble-t-il chez PLATON, uvres compltes, (traduction E. CHAMBRY),
Tome V, Le politique, Garni, 1950, n 294 a b p. 241, qui, quand il pose la question de l'attribution du pouvoir
un homme ou plusieurs hommes, crit dans un dialogue entre Socrate et l'tranger :
L'tranger : Il est vident que la lgislation appartient jusqu' un certain point la science royale, et
cependant l'idal n'est pas que la force soit aux lois, mais un roi sage. Sais-tu pourquoi?
Socrate : Et toi, comment l'entends-tu ?
L'tranger : C'est que la loi ne pourra jamais embrasser exactement ce qui est le meilleur et le plus juste pour
tout le monde la fois, pour y conformer ses prescriptions .
299

ARISTOTE, Les politiques, (traduction, indite, de P. PELLEGRIN), op. cit. Livre III, Chapitre XV, 4, p.
262.
300

Ibid. 5, p. 262.

55

La hirarchie des normes conventionnelles


une autre occasion un tribunal ncessaire301, qui l'est encore dans celle-ci, c'est son autorit
suprme modrer la loi en faveur de la loi mme, en se prononant moins rigoureusement
qu'elle 302. En prvoyant ce qui s'apparente un rfr lgislatif, Montesquieu303 prvoit dans
les attributions de l'organe lgislatif le pouvoir de droger la loi par des dispositions
d'espce 304. Cela prouve encore que la gnralit nest pas pour tous les philosophes des
lumires un caractre immuable de la rgle de Droit.

Rousseau quant lui, l'un des chantres de cette philosophie des lumires, semble avoir
une conception trs particulire de cette gnralit. La gnralit de la rgle de Droit a comme
chacun sait une double dimension. Il y a d'abord la gnralit absolue 305 cest--dire le fait
que la loi sapplique sans distinction tous les membres d'une communaut. C'est dans ce
sens que l'on dit que la loi est la mme pour tous 306. Dans un autre sens, plus rcent, la
gnralit serait le caractre de la rgle de Droit qui ne dtermine pas nominativement la ou
les personnes qu'elle vise. Gnralit est ici synonyme d'abstrait ou d'impersonnel. Rousseau,
loin de plaider pour une vritable gnralit de la loi au double sens du terme, ne plaide en fait
que pour une loi gnrale dans la seconde acception voque. On peut en effet lire dans le
contrat social307 : quand je dis que l'objet des lois est toujours gnral, j'entends que la loi
considre les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme
individu ni une action particulire. Ainsi la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilges308,
mais elle n'en peut donner nommment personne ; la loi peut faire plusieurs classes de
citoyens, assigner mme les qualits qui donneront droit ces classes, mais elle ne peut
nommer tels et tels pour y tre admis ; elle peut tablir un gouvernement royal et une

301

L'auteur voque ici une partie du corps lgislatif constitue des nobles.

302

MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, op. cit., p. 196. Pour carter tout risque de confusion, il nous faut
prciser ici qu'il n'est pas question de donner au lgislateur un vritable rle de juge, l'auteur prcise d'ailleurs
quelques lignes plus bas que la puissance lgislative ne peut pas juger .
303

Qui tait sans doute plus le philosophe dune collaboration des pouvoirs que de leur vritable sparation. V.
par exemple, Michel Troper, Sparation des pouvoirs , in, Dictionnaire lectronique Montesquieu [En ligne],
mis jour le : 14/02/2008, URL : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lsh.fr/index.php?id=286.
304

H. DUPEYROUX, prcit, n 2 p. 141.

305

Ibid., n 4, p. 143.

306

Ibid.

307

Dans le paragraphe suivant celui le plus souvent cit comme fondement de la gnralit de la loi!

308

Ici et dans tout ce paragraphe, nous soulignons.

56

Contribution lanalyse normativiste du contrat


succession hrditaire, mais elle ne peut lire un roi, ni nommer une famille royale: en un
mot, toute fonction qui se rapporte un objet individuel n'appartient point la puissance
lgislative309. Si Rousseau affirme bien que la loi doit tre gnrale cette expression a chez
lui un sens trs relatif ! La gnralit de loi n'a pas le sens que l'on donne habituellement
cette expression. Si l'on crit souvent que la loi doit tre gnrale et impersonnelle , c'est
sans aucun doute pour mieux souligner la premire acception de la gnralit, la gnralit
absolue . Or, Rousseau n'admet en aucun cas dans le contrat social que la loi doive tre
gnrale au sens de l'article 6 de la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen 310. Il ne
rompt pas vraiment dans ces propos avec la tradition d'un ancien rgime constitu de trois
ordres et de multiples privilges et se trouve bien loin de la position de rvolutionnaires
comme Sieys pour qui tous les privilges sont par la nature des choses, injustes, odieux, et
contradictoires la fin suprme de toute volont politique 311.

Enfin, et pour conclure sur ce point, il faut relever que nombre d'auteurs majeurs de la
fin du XIXme et du dbut du XXme sicle n'ont pas non plus soutenu que la gnralit tait
une caractristique de la rgle de Droit. Kelsen, bien entendu, condamne cette ide. Cest
galement le cas de Jellinek qui aurait envisag l'hypothse thorique d'un systme juridique
uniquement constitu que de dispositions particulires312. Raymond Carr de Malberg enfin
condamnait galement cette exigence de gnralit313.

89.

Les ressorts philosophiques de la gnralit de la loi ne sont donc sans doute pas si

stables que ce que l'on a pu croire. Deux des philosophes qui semblent tre dans les manuels
d'introduction au Droit les principaux aptres de ce caractre de la rgle de Droit n'en ont sans
doute pas fait l'apologie, ou du moins, pas toute l'apologie que l'on croit. Au-del,
dimportants philosophes des lumires ou des juristes du dbut du sicle dernier nont pas
partag lunanimit qui se dessine aujourdhui autour de la gnralit de la rgle de Droit. Ce
caractre de la rgle de Droit prsente donc sans doute des fondations moins solides que ce

309

310

J.-J. ROUSSEAU, op. cit., p. 72.


La loi doit tre la mme pour tous, soit qu'elle protge, soit qu'elle punisse .

311

E.-J. SIEYS, Essai sur les privilges, 1788, p. 5 et 6.

312

R. CARRE DE MALBERG, Contribution la thorie gnrale de l'tat, op. cit., Tome I, n 100, p. 302.

313

Il cite galement de nombreux auteurs dont il tait contemporain ayant abandonn cette conception gnrale
de la rgle de Droit, op. cit., n 99 et s. p. 300 et s.

57

La hirarchie des normes conventionnelles


quil y parat, dautant que sa raison dtre est bien vanescente.

90.

Un raisonnement aujourdhui dpass Si la gnralit de la loi permet en principe

de limiter le risque d'arbitraire et garantit mieux qu'une rgle individuelle l'galit entre
citoyens, celle-ci n'est en rien une garantie absolue. On sait en effet que la loi peut
parfaitement sous couvert de gnralit crer des privilges314 ou mettre des obligations la
charge de quelques personnes seulement. On connait galement les exemples de lois qui nont
eu, malgr leur rdaction impersonnelle, que pour vocation que de rgir une situation
particulire315. L'galit formelle n'est donc pas parfaitement garantie par la gnralit de la
norme. De surcrot, cette notion d'galit formelle de tous les citoyens est de nos jours
largement dpasse. La conception de l'galit a bien volu depuis la Rvolution franaise.
Si cette poque tait celle d'une galit entendue comme une galit formelle, la qute
dgalit de nos socits passe par la recherche dune galit sociale316. Depuis longtemps le
lgislateur a pris conscience que l'galit relle doit parfois se traduire par une ingalit de
droits317. Parce que chaque situation est diffrente la loi ne peut pas tre la mme pour tous.
La vritable galit consiste traiter galement les choses gales et ingalement les choses
ingales 318. Cette vision des choses est approuve par le juge constitutionnel319.
Aujourd'hui, la gnralit d'application ne constitue plus une condition sine qua non de
l'galit des droits qu'elle tablit 320. De ce point de vue, la porte est donc ouverte
ladmission de normes juridiques non gnrales.
314

Rappelons nous des propos de Rousseau qui bien que prnant la gnralit de la loi envisageait de crer
plusieurs classes de citoyens , v. supra n 88.
315

V. par exemple, N. MOLFESSIS, La loi de la course , RTD civ. 1998, p. 778, propos de larticle 4 de la
loi du 6 mars 1998, qui sous lapparence dune loi gnrale visait satisfaire les demandes du cessionnaire
exclusif des droits dexploitation audiovisuelle des grands prix de Formule Un que la Cour de cassation venait de
dbouter de ses prtentions.
316

B. PETIT, Introduction, prcit, n 27, p. 31.

317

On trouve d'ailleurs des traces de cette ide chez les grecs. Aristote mentionnait le fait que certains
philosophes avaient imagin que lon pouvait rtablir assez promptement lgalit, en prescrivant aux riches
de donner une dot leurs filles, et de nen point recevoir ; tandis que les pauvres, au contraire, nen donneraient
point, mais en recevraient , ARISTOTE, Politique, in, La morale et la politique dAristote, Tome II, Firmin
Didot, Paris, 1824, p. 95.
318

L. DUGUIT, L'tat, le Droit objectif, la loi positive, Dalloz, Coll. Bibliothque Dalloz, 2003, p. 96.

319

Par exemple, CC, 16 janvier 1982, dcision n 81-132, considrant n 30, Considrant que le principe
d'galit ne fait pas obstacle ce qu'une loi tablisse des rgles non identiques l'gard de catgories de
personnes se trouvant dans des situations diffrentes , D. 1983, p. 169, note L. HAMON.
320

D. DE BECHILLON, op. cit., p. 21.

58

Contribution lanalyse normativiste du contrat

91.

Si les fondements philosophiques de la gnralit de la loi ne semblent plus

aujourdhui aussi certains et pertinents que ce quils ont pu le paratre hier, lassimilation du
Droit la loi a galement vcu.

2. Une assimilation fausse du Droit une loi ncessairement gnrale.

92.

Outre les fondements philosophiques cits, ce qui a longtemps conduit affirmer la

gnralit de la rgle de Droit tait une rduction du Droit une loi gnrale. Le raisonnement
est aujourdhui doublement vici dans la mesure o la loi nest plus gnrale (a) et quil serait
irraliste de continuer assimiler le Droit la loi (b).
a. La loi nest pas gnrale.

93.

Le premier terme de la conjugaison dont l'examen met en chec la thse de la

gnralit de la rgle de Droit est celui de la gnralit de la loi au sens formel du terme. La
loi n'est plus gnrale et ce pour deux raisons principales. Elle perd depuis de nombreuses
annes son caractre rare et commun au profit d'une multiplication de rgimes particuliers. Il
n'y a plus sur une question une seule loi, (...) mais des cascades de lois ou de dcrets 321.
La loi se balkanise . Pire encore, la loi prend parfois un caractre personnel incompatible
avec toute ide de gnralit.

94.

La balkanisation de la loi En pratique, la loi est de moins en moins une rgle

gnrale. Certains de ceux qui affirment la gnralit de la loi reconnaissent dans la foule le
caractre relatif de cette qualit322. Si l'on a pendant longtemps entretenu le mythe d'une loi
rare et unique, la loi connait aujourd'hui un phnomne d'miettement de moins en moins
compatible avec l'idal de gnralit. Devant la complexification de la socit, la gnralit de
la loi se trouve affecte 323. Cet miettement est au moins triple.

95.

Dans le discours prliminaire du Code civil Portalis constatait qu' un grand tat

321

A. HOLLEAUX, La fin des rgles gnrales , prcit, p. 423.

322

G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, op. cit., n 16, p. 19.

323

Ibid. n 328, p. 183.

59

La hirarchie des normes conventionnelles


comme la France, qui est la fois agricole et commerant, qui renferme tant de professions
diffrentes, et qui offre tant de genres divers dindustries, ne saurait comporter des lois aussi
simples que celles dune socit pauvre ou plus rduite 324 et relevait que l'on ne pouvait
comparer les institutions dun peuple naissant, avec celles dun peuple parvenu au plus
haut degr de richesse et de civilisation 325. La complexification de la socit a
invitablement conduit une complexification du Droit. Le droit civil rgit de moins en moins
de situations, il est de moins en moins un droit commun. Si le droit de la famille est sans
doute encore un droit applicable vritablement tous, le droit des obligations contenu dans le
Code civil est de plus en plus concurrenc par d'autres branches du droit. Les contrats ne sont
plus uniquement rgis par les dispositions du Code Napolon mais par des dispositions
spciales qui se multiplient (la liste des contrats spciaux n'a cess de s'allonger). Le droit de
la consommation, le droit des affaires, le droit de la proprit intellectuelle, le droit de la
construction, etc. Toutes ces branches du droit concurrencent le droit commun, s'y ajoutent ou
s'y substituent. La vente en est un formidable exemple. Si ce contrat avait trouv dans le Code
civil une conception unitaire avec un rgime unique et de rares exceptions326, le droit
contemporain a au contraire multipli les rgimes applicables ce contrat au point qu'il n'y a
plus une vente mais, une vente civile, une vente internationale, une vente commerciale, une
vente entre professionnels et consommateurs, la vente de meubles, d'immeubles, construire
ou achevs327 etc.

96.

Accompagnant cette complexification du droit, la multiplication des revendications

catgorielles a conduit une multiplication des rgimes applicables certaines corporations


ou groupes sociaux. La loi nest pas faite pour les Franaiselle est faite pour le vigneron
ou le marchand de vin, pour le petit industriel ou louvrier travaillant domicile, pour le
propritaire de limmeuble ou le locataire commerant. Encore faut-il distinguer, il y a le
gros propritaire et le petit () les gros et les petits locataires, diviss en tranches () 328.

324

PORTALIS, Discours prliminaire prononc lors de la prsentation de la commission du gouvernement ,


prcit, p. 467 et 468.
325

Ibid. p. 468.

326

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Les contrats spciaux, Defrnois, Coll. Droit civil, 2009, n
34, p. 25.
327

Ibid.

328

G. RIPERT, Lordre conomique et la libert contractuelle , in, Recueil dtudes sur les sources du droit
en lhonneur de Franois Gny, Tome II, Sirey, 1934, n 7, p. 351.

60

Contribution lanalyse normativiste du contrat


Les lgislations spciales se multiplient de manire exponentielle et l'on ne peut que constater
la revanche des pluralismes contre le monisme 329.

97.

tout cela s'ajoute encore un vritable miettement spatio-temporel de la rgle de

Droit330. Le caractre permanent de la rgle de Droit a perdu de sa splendeur. Certaines lois,


de plus en plus nombreuses, ne sont pas permanentes331. On ne compte plus en effet les lois
transitoires, rvisables332, exprimentales333, dure dtermine ou dont l'abrogation est
annonce avant mme la promulgation334. Enfin, l'article premier de la Constitution peut bien
s'crier que La France est une Rpublique indivisible , les disparits normatives locales
sont lgion et nombreuses sont les zones bnficiant d'un statut spcial ou drogatoire. Les
zones franches, les zones d'ducation prioritaire, tous les sites classs (patrimoine mondial de
l'humanit, rserve de biosphre, monument historique etc.), les lieux pouvant se prvaloir
d'une tradition locale ininterrompue pour organiser des corridas ou combats de coqs 335, les
communes ou zones touristiques qui peuvent ouvrir leurs commerces le dimanche336. ces
spcificits localises dans de petits espaces sajoutent d'autres plus vastes concernant des
rgions entires. On se souvient par exemple, entre autres spcificits d'un vritable
droit local 337, du rgime de la faillite civile qui a t longtemps une exception propre
329

F. TERRE, La crise de la loi , prcit, p. 20.

330

A. HOLLEAUX, La fin des rgles gnrales , prcit, p.425 et s.

331

G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, op. cit., n 331, p. 183.

332

La loi n 2004-800 du 6 aot 2004 relative la biothique prvoit ( l'instar de sa devancire) dans son article
40 la disposition suivante : la prsente loi fera l'objet d'un nouvel examen d'ensemble par le Parlement dans un
dlai maximum de cinq ans aprs son entre en vigueur .
333

Que consacre la rforme constitutionnelle du 28 mars 2003 qui insre dans la Constitution un article 37-1
disposant : la loi et le rglement peuvent comporter, pour un objet et une dure limits, des dispositions
caractre exprimental .
334

Allusion est faite ici la loi sur l'galit des chances, du 31 mars 2006 dont l'article 8, qui crait le contrat
premire embauche, a t abrog par la loi n 2006-457 du 21 avril 2006 aprs l'annonce faite par le Prsident de
la Rpublique le 31 mars de son intention de faire abroger cette disposition.
335

Article 521-1 du Code pnal, Les dispositions du prsent article ne sont pas applicables aux courses de
taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut tre invoque. Elles ne sont pas non plus applicables
aux combats de coqs dans les localits o une tradition ininterrompue peut tre tablie .
336

Article L. 3132-25 du Code du travail, dont lalina premier dispose que Sans prjudice des dispositions
de l'article L. 3132-20, les tablissements de vente au dtail situs dans les communes d'intrt touristique
ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente
peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel .
337

Pour un point de vue d'ensemble sur cette question v. J.-M. WOEHRLING, J.-Cl. Alsace-Moselle, v

61

La hirarchie des normes conventionnelles


l'Alsace et la Moselle338. On pourrait galement relever les trs nombreuses rgles locales
applicables l'outre-mer, par exemple Mayotte339.

98.

C'est donc juste titre que l'on a pu crire que l'on se trouve devant un naufrage du

droit commun, de la rgle uniforme, et donc, de la loi comme on l'entendait il y a quelques


cent cinquante ans 340. Nos normes s'appellent encore lois ou dcrets car les peuples sont
conservateurs 341 mais elles n'ont plus rien des lois originelles342. Elles n'ont en pratique plus
de caractre vritablement gnral. Le dclin de la gnralit de la loi ne s'arrte pas l. ct
de lois de moins en moins gnrales le droit positif nous offre galement des exemples de lois
ayant perdu tout caractre abstrait.

99.

La personnalisation de la loi l'inverse du prcdent, ce phnomne n'a rien de

nouveau. Les ouvrages d'introduction au Droit et autres manuels regorgent d'exemples de lois,
d'hier et d'aujourd'hui, n'ayant pour destinataire qu'un seul et unique individu nommment
dsign. Sont ainsi cites la loi ayant accord une pension la veuve de Clmenceau343, des
lois dcernant des obsques nationales d'illustres serviteurs de la Nation 344, celle accordant
douard Herriot l'usage gratuit du tlphone345, celle qui promut le Capitaine Dreyfus chef
d'escadron346 ou qui interdit le territoire Franais certains membres des anciennes familles

perspectives sur le droit local, fasc.30.


338

Article L 628-1 du Code de commerce Les dispositions du prsent Titre (Titre II Du redressement et de la
liquidation des entreprises, du Livre sixime) s'appliquent aux personnes physiques domicilies dans les
dpartements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et leur succession qui ne sont ni des commerants ni
des personnes immatricules au rpertoire des mtiers, ni des agriculteurs lorsqu'elles sont en tat
d'insolvabilit notoire .
339

Collectivit laquelle le Livre IV du Code civil (dispositions applicables Mayotte) est entirement
consacr.
340

A. HOLLEAUX, La fin des rgles gnrales , prcit, p. 424.

341

Ibid., p. 438.

342

F. TERRE, La crise de la loi , prcit, p. 17, La loi n'est plus ce qu'elle tait .

343

G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, op. cit,. n 332, p. 184.

344

J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, op. cit., n 5, p. 13.

345

G. CORNU, Ibid., n 16, p. 19.

346

L. DUGUIT, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., n 30, p. 93.

62

Contribution lanalyse normativiste du contrat


ayant rgn sur la France347. On pourrait galement faire mention des lois permettant les
privatisations, telle la loi du 19 juillet 1993348, dont les annexes dsignent nominativement
certaines personnes morales (la rgie nationale des usines Renault par exemple, ou plus
rcemment et aprs modification par la loi du 7 dcembre 2006349, Gaz de France). Dans de
telles hypothses, la loi ne revt alors pas le moindre caractre de gnralit ; elle est une
norme individuelle. Plusieurs auteurs s'accordent pour nier le caractre de rgle de Droit de
ces dispositions lgislatives350. S'ils reconnaissent que ces actes sont des lois au sens
organique du terme, cest--dire un acte vot par le Parlement dans les conditions dfinies par
la Constitution (ce que l'on peut tout de mme assez difficilement nier), cela n'emporte pas
selon eux la qualification de loi. De tels actes ne peuvent tre des lois qu'au point de vue
formel ; Ils ne le sont pas quant au fond 351. Lexercice conduit de curieuses conclusions.
Quoi qu'il en soit, la pratique montre que les lois ne sont pas par nature gnrales.
Laffirmation de la gnralit de la loi est dpasse, son assimilation au Droit lest galement.

b. Tout le Droit n'est pas loi.

100.

Le second terme du syllogisme, ou sophisme, qui a conduit consacrer la thse de la

gnralit de la loi est donc celui de l'assimilation de la loi au Droit. Ce terme l ne rsiste pas
non plus l'examen du Droit positif. On peut en effet affirmer aujourd'hui que le rgne de la
loi, dont les philosophes du XVIIIme sicle se firent les prophtes et dont 1791 devait
connatre l'avnement est l'histoire d'une grande esprance due 352. La loi n'est plus la
rgle presque unique qu'elle tait auparavant. C'est aujourd'hui un lieu commun de souligner

347

R. CARRE DE MALBERG, Contribution la thorie gnrale de l'tat, op. cit., n 98 p. 295.

348

Loi n 93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation, JO, n 166 du 21 juillet 1993 p. 10255.

349

Loi n 2006-1537 du 7 dcembre 2006 relative au secteur de l'nergie, JO, n 284 du 8 dcembre 2006 p.
18531.
350

J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Introduction au droit et thmes fondamentaux du droit civil, op. cit., Une
prtendue rgle qui viserait une seule personne ne serait, en ralit, quune dcision , n 8, p. 8 et 9 ; B.
BEIGNIER et C. BLERY, op. cit., n 9, p. 27 ; G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, op. cit., n 16, p.
19 cet acte, n'est pas une rgle de Droit , n 332, p. 184 ; J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, op. cit.,
n 5, p. 13 ; L. DUGUIT, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., La disposition par voie individuelle et
concrte n'est pas une loi au sens matriel ; B. PETIT, Introduction gnrale au droit, op. cit., Une loi qui
viserait une personne unique et dnomme ndicterait pas une rgle de Droit , n 26, p. 30 ; J.-J.
ROUSSEAU, op. cit., ce qu'ordonne mme le souverain sur un objet particulier n'est pas une loi , p. 72 et 73.
351

F. TERRE, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 246, p. 200.

352

G. BURDEAU, Essai sur l'volution de la notion de loi , APD, 1939, p. 30.

63

La hirarchie des normes conventionnelles


le foisonnement des sources du Droit. Trois volutions majeures ont condamn la primaut de
la loi.

101.

Importance croissante de la jurisprudence Si le juge a pu tre un temps la bouche

de la loi en se bornant mettre en uvre une loi encore source majeure de Droit, ds le milieu
du XIXme sicle, la jurisprudence a pris une part de plus en plus importante dans l'laboration
du Droit. Il semble difficile de la considrer encore comme une simple autorit. La part du
juge dans l'laboration des grands principes de droit de la responsabilit civile dlictuelle est
connue (on pense invitablement aux arrts Tffaine353, Franck354, Jand'heur355, Blieck356).
L'uvre du juge ne s'arrte pas cela. Certaines disciplines juridiques reposent
essentiellement aujourd'hui sur des rgles jurisprudentielles. Que serait le droit administratif
sans les arrts Blanco357, Bac d'Eloka358, Effimief359, Nicolo360 ? Le droit international priv
sans les arrts Lautour361, Rivire362, Caraslanis363, Scheffel364 ? Le travail du juge a port un
coup svre la loi. La Constitution du 4 octobre 1958 a achev ce travail.

102.

Une norme rsiduelle en droit interne La Constitution de la Vme Rpublique a

port un coup trs dur la vision d'une loi majestueuse qui prvalait jusqu'alors. Cette
Constitution met en effet en place une vritable hirarchie des normes dans laquelle la loi
n'occupe plus quune place subordonne. Elle est mme soumise (pour la premire fois
353

Civ., 16 juin 1896, DP, 1897, I, p. 43, note R. SALEILLES.

354

Ch. Runies, 2 dcembre 1941, DC, 1942, p. 25 note G RIPERT.

355

Ch. Runies, 13 fvrier 1930, DP, 1930, I, 57, note G RIPERT.

356

Ass.pln., 29 mars 1991, D. 1991, Jur. p. 324, note C. LARROUMET.

357

TC, 8 fvrier 1973, in, M. LONG, P. WEIL, G. BRAIBANT, P. DELVOLVE, B. GENEVOIS, Les grands
arrts de la jurisprudence administrative (GAJA), 17me dition, Dalloz, Coll. Grands arrts, 2009, n 1 p. 1.
358

TC, 22 janvier 1921, Socit commerciale de l'ouest africain, Ibid., n 36, p. 217.

359

TC, 28 mars 1955, Ibid., n 71, p. 461.

360

CE Ass., 20 octobre 1989, Ibid., n 93, p. 656.

361

Civ. 25 mai 1948, in, B. ANCEL , Y. LEQUETTE, Les grands arrts de la jurisprudence, franaise du droit
international priv (GA), 5me dition, Dalloz, 2006, n 19, p. 164.
362

Civ., 17 avril 1953, Ibid., n 26, p. 232.

363

Civ., 22 juin 1955, Ibid., n 27, p. 245.

364

Civ., 30 octobre 1962, Ibid., n 37, p. 319.

64

Contribution lanalyse normativiste du contrat


vritablement365) une exigence de conformit aux rgles prescrites par la Constitution. Pis
encore, la loi a vu son champ d'application tre svrement concurrenc par un rglement qui
occupe dsormais tout l'espace normatif l'exception des quelques matires dtermines
l'article 34 de la Constitution. La comptence de la loi est rsiduelle. C'est encore la
Constitution qui a, dans son article 55, en partie ouvert la voie au troisime coup port la
majest de la loi, l'internationalisation du Droit.

103.

Internationalisation du Droit Il est l encore inutile de dvelopper excessivement

ce point qui a t abondamment comment et qui est connu de tous. Il suffira de rappeler que
les diffrentes tapes de l'intgration europenne ont conduit ce qu'aujourd'hui l'on estime
parfois que 70% du droit en matire conomique est directement inspir de Bruxelles 366. Dans
certains domaines tel le droit international priv, les rgles dorigine internationale (accords
bilatraux, multilatraux, ou encore rglements communautaires) sont les principales sources
de Droit. La part rserve aux rgles de droit commun d'origine interne est rsiduelle.

104.

Il est ds lors assez juste de parler d'un abandon de la concidence antrieure entre

loi et rgle de Droit 367. La loi n'est plus tout le Droit. La loi nest de toute faon plus
gnrale. Au-del, aucun argument ne fait obstacle ce que lon admette que des rgles de
Droit soient individuelles.
B. Une absence dobstacles au caractre individuel d'une norme juridique.

105.

Les fondements avancs de la gnralit de la rgle de Droit ne justifient aujourd'hui

plus le maintien de ce caractre de la rgle de Droit. Cela tant, le fait que les arguments
gnralement invoqus ne fondent pas la gnralit de la norme juridique ne fait pas obstacle
ce quil puisse exister d'autres arguments dcisifs permettant de justifier ce caractre de la
rgle de Droit. Or, il semble que rien ne fasse barrage ce qu'une norme juridique ne soit pas
gnrale, ni sur le plan thorique, ni sur le plan pratique.

106.

Absence d'obstacles thoriques Aucun argument logique ne fait obstacle ce que

365

Sur l'histoire du contrle de constitutionnalit des lois en France, v. L. FAVOREU, op. cit., n 364 et s., p.
289 et s.
366

D. DE BECHILLON, op. cit., p. 26.

367

F. TERRE, La crise de la loi , prcit, p. 19.

65

La hirarchie des normes conventionnelles


l'on puisse admettre quune disposition individuelle soit une norme. Si l'on reprend la
dfinition de la norme que nous avons pralablement donne (le sens dun nonc en vertu
duquel un comportement doit tre), alors une norme peut parfaitement tre individuelle. Nous
lavons dj vrifi avec la convention. Rien ne soppose logiquement ce que ce devoir
tre sexprime aussi bien sous forme gnrale que sous forme individuelle. Il peut aussi bien
viser un nombre indtermin de personnes quune personne dtermine ; et en cela, il ne
change pas de nature 368. La mme ide saffirme chez Ren Capitant qui enseignait qu' un
impratif369 peut tre gnral ou individuel370, il peut avoir pour sujet toute une catgorie
d'individus, tous les individus se trouvant dans des conditions dtermines ; il peut, au
contraire, avoir pour sujet un individu spcialement dsign 371. Du point de vue de
laptitude prescrire, la norme individuelle est aussi bien arme quune norme gnrale.

107.

Est-ce que la gnralit de la loi devrait alors se dduire, comme le pense Monsieur

Jeammaud, de sa vocation de modle372 ? Largument ne convainc pas. Un modle peut bien


tre individuel373, pour les stociens, nous lavons voqu, le gnomon tait dailleurs un
individu374.

108.

Thoriquement la norme juridique peut bien tre individuelle, juridiquement, le droit

positif ne sy oppose pas.


368

R. BONNARD, La thorie de la formation du droit par degrs dans luvre dAdolph Merkl , prcit, p.
674 ; v. encore D. DE BECHILLON, op. cit., p. 34, Il peut y avoir des normes de porte individuelle car il n'y
a aucune raison pour qu'il n'y en ait pas. Aucune diffrence de nature n'oppose la norme gnrale la norme
individuelle en regard de leur aptitude prescrire ; il n'existe entre elles qu'une diffrence de degr. Dans le cas
de la norme particulire, le devoir tre est simplement individualis, mais c'est toujours le mme genre
d'impratif que l'on met .
369

Impratif tant pour l'auteur synonyme de rgle de Droit , (R. CAPITANT, op. cit., p. 55). L'auteur n'aurait
cependant pas crit qu'une norme peut tre individuelle puisqu'il fait une distinction terminologique entre les
deux termes. Les normes tant pour lui une sous catgorie des rgles de Droit qui sont gnrales (p. 60). Nous ne
trahissons cependant pas ses propos puisque cette prcision est d'ordre purement terminologique. Le point
retenir tant qu'une rgle de Droit (que nous ne distinguons pas du terme norme) puisse tre individuelle sans
que cela ne remette en cause son aptitude prescrire.
370

Nous soulignons.

371

Ibid., p. 58.

372

La rgle de Droit comme modle , prcit, n 18, p. 206.

373

Lauteur compare dailleurs la rgle de Droit dautres modles, tel le patron dun vtement, or, le vtement
peut tre taill sur mesure. La premire tape de la fabrication consiste alors en la fabrication dun patron aux
mesures de lindividu auquel le vtement est destin, nouvelle preuve que le modle peut tre individuel.
374

V. supra, n 44.

66

Contribution lanalyse normativiste du contrat


109.

Absence d'obstacles juridiques Carr de Malberg relevait en son temps que les

seuls arguments conduisant exiger de la rgle de Droit qu'elle soit gnrale taient de nature
politique, historique, et qu'en vrit (...) toute base de droit positif fai[sait] compltement
dfaut [cette] doctrine 375. Aujourd'hui comme hier, dans ce que l'on peut appeler le bloc
de constitutionnalit , aucune norme ne semble exiger de la loi qu'elle soit gnrale. Cet
argument suffit lui seul condamner la gnralit de la loi. Certes, l'article 6 de la
Dclaration des droits de l'homme et du citoyen prcise bien que la loi est l'expression de la
volont gnrale , mais ce texte, parfois prsent comme le fondement de la gnralit des
lois376, n'exige rien de tel. C'est une chose de dire que la loi exprime la volont gnrale, c'en
est une autre de dire que cette rgle doive tre gnrale. Aucun texte de nature
constitutionnelle ne semble imposer la gnralit de la loi.

110.

Le juge constitutionnel a d'ailleurs, maintes reprises, valid des textes dont le

caractre individuel tait vident377 ( propos de lois de nationalisation par exemple ou encore
lors des nombreuses lois de validation 378). Le juge constitutionnel a mme expressment
affirm la validit de normes individuelles. Dans une dcision du 20 juillet 1983 des dputs
et snateurs faisaient valoir le fait qu'aprs avoir donn du champ d'application de la loi des
critres gnraux, le lgislateur y a drog, soit en incluant dans ce champ, aux termes du 2
de l'article premier, des entreprises nominativement dsignes dans une annexe et ne
rpondant pas ces critres gnraux, soit en en excluant, au moins partiellement, aux
termes de l'article 4, d'autres entreprises rpondant ces critres gnraux et
nominativement dsignes 379 dans une autre annexe, ce qui devait tre considr comme
contraire la Constitution. Les neuf sages ont dcid que toutes les dispositions lgislatives
ayant la mme force juridique, aucun principe ou rgle de valeur constitutionnelle n'interdit
au lgislateur, aprs avoir adopt une rgle gnrale, d'y faire exception ou d'y droger ft-ce
375

R. CARRE DE MALBERG, Contribution la thorie gnrale de l'tat, op. cit., n 98, p. 296.

376

la suite des travaux de Jean-Jacques Rousseau qui estimait que le fait que la loi soit l'expression de la
volont gnrale signifie que la loi prend et doit prendre sa source et sa consistance dans la volont
universelle du peuple, mais encore qu'elle ne peut avoir un objet que gnral R. CARRE DE MALBERG,
Contribution la thorie gnrale de l'tat, op. cit., p. 277.
377

J. GHESTIN, Les donnes positives du droit , RTD civ. 2002, p. 11, n 19.

378

Visant par exemple confirmer par la loi des nominations ou dsignations faites par dcret et annules ou
susceptibles de l'tre par le Conseil d'tat, par exemple, CC, 22 juillet 1980, n 80-119, Loi portant validation
d'actes administratifs, AJDA 1980, p. 480.
379

CC, 20 Juillet 1983, n 83-162, Loi relative la dmocratisation du secteur public, considrant n 10.

67

La hirarchie des normes conventionnelles


par voie de disposition particulire 380. Laffirmation est on ne peut plus nette. La
dsignation nominative de certaines personnes (physiques ou morales) ne fait pas obstacle
ce qu'un acte soit qualifi de loi au sens formel, loi dont il nous parat impossible de soutenir
qu'elle n'est pas une rgle de Droit381.

111.

Le caractre nominatif de certaines conventions ne fait donc pas obstacle ce que lon

qualifie ces actes de rgles de Droit. Aucun argument rationnel ne fait obstacle ce quune
rgle de Droit soit individuelle382. La gnralit n'est pas une qualit de la rgle de Droit. En
revanche, une qualit est indispensable la juridicit d'une norme, c'est son intgration
l'ordre juridique.

SECTION II INTGRATION DE LA CONVENTION LORDRE


JURIDIQUE.

112.

Lintgration lordre juridique, critre de la juridicit Toute norme thique,

cest--dire toute signification d'une proposition qui indique un modle de comportement en


vertu duquel quelque chose doit tre , n'est pas ncessairement une norme juridique. Quel
est alors le critre qui distingue une norme morale ou religieuse d'une norme juridique ? Le
huitime commandement, les rgles morales de nos socits occidentales ou encore les
articles 1116 du Code civil ou 434-13 du Code pnal383, condamnent tous, dans une certaine
mesure, le mensonge. Toutes ces normes sont des normes thiques dont le sens et le contenu
sont identiques ou trs proches les uns des autres. Pourtant, parmi ces normes certaines
seulement, les articles 1116 du Code civil et 434-13 du Code pnal, accdent au rang de

380

Ibid., considrant n 11.

381

Dans le mme sens, H. DUPEYROUX, op. cit., n 6 p. 155 Nous avouons ne pas comprendre l'obstination
de nombreux auteurs qui refusent le caractre lgislatif de tel actes .
382

V. Sur ce point dailleurs la dmarche de G. MARTY De la place des conventions dans lordonnancement
juridique , prcit. Alors quil analyse la dmarche de KELSEN qui introduit les conventions dans lordre
juridique, il condamne un un tous les arguments thoriques des dtracteurs du Matre autrichien. Il nen conclut
pas moins, contre toute attente, lexclusion des conventions individuelles de lordre juridique pour des raisons
que lon pourrait qualifier de mtaphysiques (le qualificatif est celui employ par Monsieur J. HAUSER pour
rendre compte de la dmarche de G. MARTY, v. sur ce point, Objectivisme et subjectivisme dans lacte
juridique, LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 117, 1971, n 47 p. 61).
383

Le tmoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police
judiciaire agissant en excution d'une commission rogatoire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000
euros d'amende .

68

Contribution lanalyse normativiste du contrat


norme juridique alors que d'autres au contraire ne le sont pas. Quel est donc le critre qui
distingue deux noncs identiques prescrivant (ou proscrivant) le mme type de
comportement ? Une ide largement rpandue voudrait que la rgle de Droit soit juridique en
raison de certaines qualits qui lui sont propres. Ces qualits la distingueraient des autres
rgles thiques. En ralit, la norme juridique ne saurait tre dfinie seulement par des
caractristiques intrinsques () le propre des rgles juridiques () cest quelles relvent
dun ensemble plus large, un ordre juridique384. C'est donc son intgration un ordre ou un
systme juridique385/386 qui confre une norme sa juridicit. Or, cette juridicit ne peut lui
tre confre que par par une autre norme du systme 387. Cela revient donc considrer,
en dernire analyse, que ce qui fait d'une norme une norme juridique c'est sa production en
conformit avec les exigences du systme juridique388.

Pour s'assurer de la juridicit du contrat il convient donc de rpondre une dernire


interrogation. Le contrat (ou la convention) est-il intgr dans l'ordre juridique, autrement dit,
tire t-il sa force obligatoire de sa production en conformit avec les exigences d'une ou
plusieurs normes suprieures ?

113.

La rponse cette question peut sembler vidente. Les conventions ont force

obligatoire parce que larticle 1134 du Code civil en dispose ainsi. Pourtant, la doctrine
semble empreinte dun certain flou sur la question et la lecture de certains auteurs pourrait
parfois instiller un doute sur le fondement de la force juridique des conventions. Lide que la
convention tire sa force obligatoire de la volont, de lautonomie des parties, est expose

384

J. CHEVALLIER, Droit, ordre, institution , Droits, 10, 1989, p. 21.

385

Les deux termes tant souvent employs comme synonymes. En ce sens, M. TROPER, Systme juridique et
tat , APD 1986, p. 30.
386

Sur cette dlicate question des systmes ou ordres juridiques que nous ne pouvons pas traiter sans nous
loigner trop du sujet qui nous occupe v. entre autres : Archives de philosophie du droit, Le systme juridique,
Tome XXXI, Sirey, 1986 ; D. DE BECHILLON, op. cit., p. 244 et s., G. TIMSIT, Systme , in, Dictionnaire
de la culture juridique, op. cit., p. 1462 et s., Thmes et systmes de droit, 1re dition, PUF, 1986 ; S.
ROMANO, L'ordre juridique, Dalloz-Sirey, 2002, M. VAN DE KERCHOVE et F. OST, Le systme juridique,
entre ordre et dsordre, 1re dition, PUF, 1988; R. VERNENGO, Le droit est-il un systme , APD, 1991, p.
253.
387

E. MILLARD, Qu'est-ce qu'une norme juridique? , prcit, p. 91 ; v. encore propos du contrat V.


HEUZE, La rglementation franaise des contrats internationaux, tude critique des mthodes , Joly ditions,
1990, n 48, p. 29 lorsque lon affirme que le contrat est une norme juridique () par l, on entend signifier
que la norme contractuelle appartient un ordre juridique donn lagencement duquel elle participe .
388

E. MILLARD, Qu'est-ce qu'une norme juridique ? , prcit, p. 91 et 92.

69

La hirarchie des normes conventionnelles


comme une thse envisageable en droit positif et semble mme tre parfois soutenue avec plus
ou moins de force par certains auteurs.

114.

Louvrage que Madame Fabre-Magnan consacre au droit des obligations est

parfaitement rvlateur de cette ambigut. Cet auteur pose en effet dans cet ouvrage la
question du fondement de la force obligatoire des conventions. Plusieurs doctrines sont alors
prsentes parmi lesquelles une vision positiviste de la force obligatoire du contrat389, la
thorie des attentes lgitimes390 (ou reliance) et la thorie de lautonomie de la volont391.
Dautres auteurs, attels la mme tche, prsentent galement au nombre des rponses
possibles (outre celles dj cites), les thses de Monsieur Ghestin sur l'utile et le juste392 ou
les thories solidaristes393. Toutes sont mises sur le mme plan laissant croire quelles
peuvent toutes fonder la force obligatoire du contrat en droit positif. Or, lautonomie de la
volont (ou au moins une certaine conception, absolue, de cette notion polysmique394), si elle
tait vritablement le fondement de la force obligatoire des conventions ferait obstacle la
thse que nous soutenons. Dire que la volont est autonome cest en effet ignorer la
hirarchie des normes juridiques 395. Cest donc condamner notre thse (1). Le droit positif,
nous le verrons, ne consacre cependant pas cette vision absolue de lautonomie. Il consacre au
contraire clairement la soumission du contrat au Droit et donc son intgration lordre
juridique (2).
1. Une intgration incompatible avec lautonomie de la volont.

115.

En revenant brivement sur la naissance et lvolution de la notion dautonomie de la

volont, nous essayerons dexposer le contenu qua pu revtir cette thorie au sens le plus
389

M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, 2me dition, PUF, Coll.
Thmis Droit, 2010, p. 61.
390

Ibid., p. 59 61.

391

Ibid., p. 57 59.

392

SIRI A., L'volution des interprtations du principe de la force obligatoire du contrat, de 1804 l'heure
prsente , RRJ, 2008-3, n 27, p. 1375.
393

Ibid., n 32 et s., p. 1379 et s.

394

J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Doit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique, 14me dition,
Sirey, Coll. Sirey Universit, 2010, n 95, p. 81.
395

B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, op. cit., n 21, p. 8.

70

Contribution lanalyse normativiste du contrat


absolu dvelopp par la doctrine (A). Cela permettra de dmontrer en quoi cette notion
soppose toute ide de hirarchisation des conventions (B).
A. La conception absolue de lautonomie de la volont.

116.

Naissance396 de l'autonomie de la volont Autonomie est driv du grec auto (soi-

mme) et nomos (la rgle). L'autonomie de la volont est donc tymologiquement la proprit
de la volont de se faire elle-mme sa propre rgle, sa propre loi. Cette expression apparat
de lavis de chacun dans les travaux d'Emmanuel Kant 397 (dans les fondements de la
mtaphysique des murs en 1785) qui ont fait au XIXme sicle le fond de la philosophie
populaire et de la philosophie universitaire 398. C'est au cours de ce XIXme sicle que ce
concept a progressivement merg399 dans une doctrine juridique encore marque par
l'exgse et peu encline dvelopper une vision conceptuelle de la matire400.
396

Sur cette question v. en particulier, E. GOUNOT, Le principe de l'autonomie de la volont en droit priv,
contribution l'tude critique de l'individualisme juridique, Rousseau, 1912 ; V. RANOUIL, L'autonomie de la
volont, naissance et volution d'un concept, PUF, 1980, dans lequel nous avons souvent puis pour crire les
dveloppements qui suivent (de nombreuses notes de bas de page prciseront au lecteur les passages prcis).
397

Si les termes autonomie et volont sont rapprochs pour la premire fois par E. KANT, lide dune
volont souveraine est plus ancienne et apparat sans doute vritablement, aprs avoir muri au Moyen ge, dans
les travaux de GROTIUS pour lequel le respect de la parole donne est une rgle de droit naturel , en ce
sens, P. OURLIAC, J. DE MALAFOSSE, Histoire du droit priv, Tome I, Les Obligations, 2me dition, PUF,
Coll. Thmis, 1969, n 88 et s., p. 110 et s. en particulier p. 113.
398

A. FOUILLEE, cit par E. GOUNOT, op. cit., p. 54.

399

L'influence de KANT sur l'mergence de cette notion dans le langage juridique est aujourd'hui controverse.
Si l'on a dans un premier temps pens que les juristes avaient emprunt cette dernire la philosophie (il serait
inutile de citer tous les auteurs qui attribuent l'influence de KANT l'adoption de l'autonomie de la volont par
la doctrine juridique. Citons E. GOUNOT qui crit propos de KANT s'il n'est pas l'initiateur de
l'individualisme franais, il lui fournit du moins des formules qui l'exprimaient excellemment , op. cit., p. 54),
l'ide a par la suite t conteste. Madame RANOUIL, a pour de multiples raisons - principalement parce que
l'auteur germanique n'est jamais cit par les premiers promoteurs de cette thse, et parce que l'autonomie de la
volont revt un sens diffrent sous la plume des juristes et sous celle de KANT, (sur ce point, outre les travaux
de Madame RANOUIL, v. l'article de Monsieur PUTMAN, qui accepte avec quelques nuances la thse de
Madame RANOUIL, et crit que Kant est le philosophe de l'autonomie de la volont mais pas celle des
juristes , v. les dveloppements qui suivent cette citation KANT et la thorie du contrat , RRJ, 1996-3, n 7,
p. 688; v. galement, C. ATIAS, Le contentieux contractuel, 4me dition, Librairie de Luniversit dAix-enProvence, 2008, n 17, p. 24 26 ; P. MALAURIE, La pense juridique du droit au XXme sicle , JCP G
2001, I, 283, spc. n 11) - avanc que cette expression n'avait pas t emprunte au philosophe allemand, mais
qu'elle avait t en ralit recre (Sur ces trois points, v. V. RANOUIL, prcit, p. 53 et 54) par les juristes a
partir de l'analyse scientifique du rle de la volont (Selon une formule de G. ROUHETTE). Certains
auteurs, dont Monsieur ROUHETTE, doutent de cette analyse et relvent qu'tant donn l'aura des thses du
natif de Knigsberg et le caractre populaire dans le monde universitaire de cette expression, la pure
concidence d'une cration ex nihilo (...) serait incomprhensible La force obligatoire du contrat, Rapport
franais , prcit, p. 41, n 14, et v. la convaincante dmonstration de l'auteur ce paragraphe et dans les deux
qui prcdent).
400

E. GOUNOT, remarque dans sa thse que les auteurs du XIX me sicle triomphent dans l'annotation du

71

La hirarchie des normes conventionnelles


117.

Si l'autonomie est une notion connue des juristes et notamment du droit allemand

depuis longtemps401, son rapprochement avec la notion de volont ne se fait qu' partir de la
fin du XIXme sicle402, en droit international priv d'abord, sans doute en raison de la plus
grande libert dont bnficient les spcialistes d'une matire l'abri du poids que peut
constituer l'existence d'un Code403.

118.

Sens originel de l'autonomie de la volont l'origine, pour les premiers

internationalistes faire usage de la notion d'autonomie des parties ou des personnes, il est
simplement question de donner, a posteriori, une explication la rgle de conflit de lois
applicable en matire de contrats404. Mais trs vite, des auteurs vont faire de cette autonomie
non plus une explication des rgles de conflit retenues en matire conventionnelle, mais un
fondement de ces solutions. L'autonomie devient sous la plume de Laurent, suivi par une
majorit de la doctrine internationaliste405, un principe a priori406 de solution de conflit de
lois. Laurent dans son ouvrage de droit civil international crit ce propos qu'en matire de
Dalloz ou du Sirey. Mais (...) dcourags par le spectacle idologique de la rvolution, s'abstiennent presque
systmatiquement de toute ide d'ensemble sur les principes fondamentaux du droit. Ils ont comme une dfiance
instinctive pour tout ce qui s'appelle philosophie, mtaphysique, droit naturel, thorie gnrale du droit , op.
cit., p. 8, v. galement p. 23 ; Pour une vision plus nuance de lcole de lexgse, C. JAMIN, Loubli et la
science, Regard partiel sur l'volution de la doctrine privatiste la charnire des XIXme et XXme sicles , RTD
civ., 1994, p. 815 et les rfrences cites.
401

Les internationalistes allemands utilisaient en effet depuis quelques temps dj ce terme, v. dans ce sens, F.
LAURENT, Droit civil international, Tome II, Bruylant Ch. & Cie, Bruxelles, 1880, n 213, p. 383 ;
RANOUIL, op. cit., p. 22; G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, n 12,
p. 38.
402

Exception faite du cas d'ACCOLAS, qui ayant un profil pluridisciplinaire (V. RANOUIL, op. cit., p. 80)
voque cette ide ds 1866. V., Ncessit de refonte de l'ensemble de nos Codes et notamment le Code
Napolon, au point de vue de l'ide dmocratique, Librairie Centrale, Paris, 1866, qui crit p. 13 la premire
autonomie crer c'est l'autonomie de l'individu .
403

Cest un internationaliste, FOELIX (sur ce point. J.-L. HALPERIN, Histoire du droit priv franais depuis
1804, PUF, Coll. Quadrige, 2001, n 93, p. 145) puis quelques autres, qui commencent par rapprocher le terme
autonomie avec ceux d'homme , de citoyen , d'individu , de partie , pour justifier la solution de
conflit de lois retenue en matire de conventions. Ces expressions, comme le sens qui leur est attach, sont
dclines jusqu' ce qu'en 1883, pour la premire fois, soient associs sous la plume d'un juriste, BROCHER, les
termes autonomie et volont (V. De ce dernier auteur, Cours de droit international priv selon les principes
consacrs par le droit positif franais, Tome II, Paris et Genve, 1883, p. 41 et 67 Si la volont individuelle
pouvait apparatre comme souveraine se suffisant elle-mme et se dirigeant par sa propre autonomie, il
faudrait lui faire directement sa place dans notre doctrine ). Cette notion, sera reprise par WEISS qui l'utilise
plusieurs reprises dans son Trait lmentaire de droit international priv publi en 1886. Elle connatra alors un
vritable essor dans la doctrine internationaliste puis civiliste en raison sans doute du succs de cet ouvrage (en
ce sens, G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, n 12, p. 38).
404

V. RANOUIL, op. cit., p. 23.

405

Ibid. p. 37.

406

Ibid. p. 29 et s.

72

Contribution lanalyse normativiste du contrat


conventions les parties intresses sont lgislateurs et jouissent par consquent de la plus
entire libert tant qu'elles ne font que rgler leurs intrts privs 407. Il ajoute encore qu'il
s'agit d'un principe universel , lequel dcoule de la nature mme des conventions 408. On
le voit cet auteur (et mme si son propos reste encore circonscrit au droit international
priv409), donne une dimension nouvelle l'autonomie de la volont dont il semble faire un
vritable principe propre gouverner la rgle de Droit d'origine tatique, et imposer une
solution particulire de conflit de lois en matire conventionnelle410. Laurent fait passer
l'autonomie d'une conception relativement pragmatique visant justifier une rgle lgale, un
principe thorique fondement de la rgle lgale. Cette acception largie et plus thorique de
l'autonomie par rapport aux travaux antrieurs en la matire, prend une dimension encore plus
gnrale dans le fait qu'elle trouve son fondement directement dans le Code civil, dans les
dispositions du premier alina de l'article 1134411. Le parallle fait avec un fondement issu du
Code civil, comme la gnralit des conceptions dveloppes, facilitera l'adoption de
l'autonomie par la doctrine civiliste qui s'appropriera ce concept la toute fin du XIX me sicle
lui donnant alors une dimension encore plus importante.

119.

Le sens absolu de l'autonomie de la volont Si l'expression d'autonomie n'merge

dans le vocabulaire juridique que relativement tard par rapport son laboration dans le
domaine philosophique, l'ide qu'elle vhicule est elle, sans doute, majoritaire dans la doctrine
post-codification marque par un profond individualisme. Cependant, nous l'avons dit, c'est
l'autonomie de la volont dans un sens absolu qui peut constituer un obstacle l'intgration
des conventions dans un ordre juridique. Or, l'expression de cette conception de l'autonomie
de la volont est finalement assez rare dans les travaux d'une doctrine qui faisait de
l'autonomie comme Monsieur Jourdain faisait de la prose : sans s'en apercevoir 412. Il est
407

F. LAURENT, Droit civil international, T. II, op. cit., n 212, p. 381.

408

Ibid.

409

Monsieur ROUHETTE a d'ailleurs relev que l'on ne retrouve pas chez le mme auteur dans ses principes de
droit civil des dveloppements de la mme importance sur l'autonomie des parties que ceux qui y sont consacrs
dans l'ouvrage de droit civil international La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, n 12, p.
38.
410

Dans la matire des contrats, la volont des parties est tout (...) c'est donc leur volont qui dterminera la
loi par laquelle elles sont rgies , Droit civil international, T. II, op. cit., n 213, p. 383.
411

F. LAURENT, Droit civil international, T. II, op. cit., n 212, p. 381, alors qu'il traite des conventions,
l'auteur crit que c'est l'article 1134 [qui] tablit la rgle fondamentale en cette matire .
412

E. GOUNOT, op. cit., p. 11.

73

La hirarchie des normes conventionnelles


dailleurs difficile de trouver de vritables conceptions synthtiques et absolues de ce concept,
sans doute en raison de l'absence de besoin de nommer ce qu'il n'tait pas ncessaire de
dfendre (les thses individualistes tant alors trs majoritairement admises). Ce n'est donc
que chez quelques auteurs du milieu du XIXme sicle puis, face la socialisation
croissante du Droit compter de la fin du XIXme sicle, que l'on prne et dfinit
vritablement l'autonomie de la volont413 essentiellement, et paradoxalement, dans les
travaux de ses dtracteurs414/415.

120.

La lecture des auteurs les plus empreints d'individualisme permet cependant de se faire

une ide des conceptions qui couraient au XIXme sicle dans une partie de la doctrine. La
conception mme du Droit de Charles Beudant ouvre la porte une interprtation absolue de
l'autonomie de la volont. Le Droit affirme-t-il, c'est l'autonomie de l'tre humain. La
facult inhrente sa nature de ne dpendre que de lui mme dans la direction de sa pense
et de ses actes 416. Sur le terrain contractuel cela conduit tirer deux sries de consquences.
D'abord une libert contractuelle totale qui aurait pour consquence d'offrir aux parties la
facult de contracter leur guise et sur tout ce qui les intresse 417. Crtinon affirme ainsi
que tout engagement contractuel est licite (...) et [qu'en consquence] je peux m'engager
tout ce que je veux 418. Si une telle libert est possible c'est parce que dans cet esprit
autonomiste, et cest le second aspect de lautonomie, ce sont les parties qui par leur seule
volont donnent une force contraignante leurs engagements. Pour Toullier la loi tire sa
force de la seule volont du souverain ; la convention du consentement des deux parties 419.

413

Et de manire plus gnrale, lindividualisme juridique, v. J.-L., HALPERIN, op. cit., n 124, p. 186.

414

Il est d'ailleurs rvlateur de soulever que le premier vritable juriste avoir fait mention de l'autonomie de la
volont, BROCHER, aprs avoir crit si la volont individuelle pouvait apparatre comme souveraine se
suffisant elle-mme et se dirigeant par sa propre autonomie, il faudrait lui faire directement sa place dans
notre doctrine , poursuit de la manire suivante : nous sommes persuads que cette volont ne cesse pas un
instant de se trouver sous la dpendance de la loi , op. cit., p. 67.
415

V. RANOUIL, op. cit., p. 95, l'auteur relve que ce sont les dtracteurs de ces thses qui en feront la synthse
pour mieux en faire la critique.
416

C. BEUDANT, Le Droit individuel et ltat, introduction ltude du Droit, 3me dition, Rousseau, 1920 p.
146.
417

R. SAVATIER, La thorie des obligations en droit priv conomique, 4me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 1979,
n 103, p. 143.
418

CRETINON, Le point de vue individualiste et le point de vue social dans le droit , Semaine sociale de
Bordeaux, 1909, p. 134, Cit par E. GOUNOT, op. cit., p. 61.
419

C.-B.-M. TOULLIER, Le droit civil franais suivant l'ordre du Code, Tome I, 4me dition, Paris, Warree,

74

Contribution lanalyse normativiste du contrat


Cette position le conduit logiquement considrer que l'obligation est parfaite par la
volont seule, sans l'intervention de la loi 420. Larombire prcise dans le mme esprit que
ce sont les contractants eux-mmes qui s'obligent parce qu'ils en ont la volont et que, ayant
cette volont ils en ont le pouvoir 421. Gounot, dans sa thse sur l'autonomie de la volont,
rsumera cette approche en qualifiant la volont d' organe crateur de Droit 422 qui peut
par elle-mme crer des obligations 423, sans qu'il soit besoin du renfort d'aucune
norme 424. Cest ce quexprime nouveau parfaitement Larombire lorsqu'il affirme que
l'obligation civile qui rsulte de tout contrat est prexistante la loi civile 425. Cest encore
la mme ide que lon retrouve plus rcemment chez Monsieur Aynes qui admet que le
contrat est obligatoire, non parce que la loi le veut bien, mais parce qu'il procde de
l'exercice d'un droit fondamental, dont le respect s'impose au lgislateur. La convention et la
loi n'entretiennent aucun rapport de hirarchie. Elles oprent dans deux ordres
diffrents 426. Deux ordres diffrents. Lobstacle que constitue cette thse la juridicit de la
convention apparat alors clairement.

B. Un obstacle la juridicit de la convention.

121.

Cette acception de l'autonomie de la volont, comme plus gnralement toutes les

conceptions auto-fondatrices du contrat, condamnent notre thse pour deux raisons


diffrentes.

1824, n 16 p. 17.
420

L'auteur ajoute ensuite c'est donc manquer d'exactitude que de dire comme nous l'avons fait que toute
obligation vient de la loi, que les conventions n'obligent qu'en vertu de la loi, qui commande de tenir la parole
que l'on donne Le droit civil franais suivant l'ordre du Code, Nouvelle dition, Tome VI, Bruxelles, 1838, n
3, p. 6.
421

L. LAROMBIERE, Thorie et pratique des obligations, Tome VII, Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1885, n
2 p. 390.
422

E. GOUNOT, Thse prcite, p. 3.

423

E. GAUDEMET, (publi par J. GAUDEMET J. et H. DESBOIS), Thorie gnrale des obligations, rdition
de l'dition de 1937, Sirey, 1965, p. 27.
424

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 25, p. 32.

425

L. LAROMBIERE, op. cit., Tome I, n 2, p. 379. Lauteur ajoute encore Que lon ne dise donc pas que les
conventions nont de force que parce que les lois civiles lont ordonn, comme sil leur avait t possible de
supprimer en lhomme la libert () Cest une grande erreur .
426

L. AYNES, Le contrat, loi des parties , prcit, p. 121, nous soulignons.

75

La hirarchie des normes conventionnelles


122.

Dans cette vision autonomiste, comme lcrit Monsieur Aynes, le contrat n'est pas

intgr dans un ordre juridique. Il nest donc pas une norme juridique. La volont autonome
fait face loi427 elle cre le contrat, seule, et sans conditions. Se situant alors dans un ordre
diffrent de lordre juridique tatique le contrat ne peut en tre un lment. Le contrat pourrait
bien tre une norme thique, il pose toujours un modle en vertu duquel un comportement doit
tre, mais il nest pas une norme juridique. Il est une norme, mais une norme extrieure la
pyramide des normes 428 juridiques. dfaut dtre un lment de lordre juridique le
contrat ne pourrait pas crer de Droit, puisque seule une rgle de Droit peut avoir cet effet. Il
ne pourrait alors conditionner la validit dautres conventions.

123.

Le second obstacle la thse que nous soutenons rside dans le caractre auto-

fondateur proprement dit de la convention. Si lon admet que le contrat na pas tre soumis
la loi, sil ne doit pas tre soumis au Droit objectif ou lordre juridique en gnral, comment
pourrait-il tre soumis au respect dune autre convention ? La chose pourrait la rigueur
sexpliquer en prsence de deux conventions liant les mmes parties. Le fait quelles soient
lies par un premier accord pourrait justifier quune seconde convention dont elles sont les
auteurs soit conditionne au respect de leur premier engagement. Il ny aurait ici quune
manifestation de lautonomie des parties429. Toute ide de hirarchie entre conventions liant
des parties diffrentes serait en revanche condamne. Le contrat ntant pas soumis au Droit,
a fortiori, il ne pourrait pas tre soumis un acte dexcution du Droit form par des tiers.

124.

Lobstacle peut cependant tre lev. Lautonomie de la volont na aucune consistance

en droit positif.

427

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 94, qui dfinit lautonomie de la volont comme la thorie
fondamentale selon laquelle la volont de l'homme (face celle du lgislateur) est apte lui donner sa propre
loi (...) .
428

La formule est celle de Monsieur MAINGUY qui considre que le contrat est certes un acte normateur
() mais sans que l'on doive le rattacher imprativement la pyramide des normes , RTD civ. 2004, p. 1,
spc. n 4.
429

Comp. Avec la thse qui fonde lexercice du pouvoir de droit priv sur lexercice de la libert contractuelle.
V. par exemple, P. NEAU-LEDUC, Le pouvoir de droit priv, op. cit., p. 37 et s. ; En ce sens galement, v., G.
RABU, Lorganisation du sport par le contrat, Essai sur la notion dordre juridique sportif, op. cit. n 75 et s. p.
64 et s. La hirarchie entre lacte unilatral dexercice du pouvoir et la convention par laquelle est attribu le
pouvoir peut exclusivement tre explique par lautonomie des parties.

76

Contribution lanalyse normativiste du contrat


2. Lautonomie de la volont : un obstacle fictif la juridicit de la convention.

125.

L'autonomie de la volont dans le sens o nous l'avons dfinie n'est pas, et n'a sans

doute jamais t430, un obstacle au caractre de norme juridique du contrat, et pour cause,
cette thse relve plus du mythe431 que de la ralit. Lautonomie de la volont n'a jamais t
consacre par le Code civil (A). Elle est totalement absente aujourd'hui de notre droit positif
qui nadmet la force obligatoire du contrat que parce que ce dernier se soumet au Droit
objectif (B).

A. Une assise historique douteuse.

126.

Dans la doctrine classique Les prcurseurs du Code civil, Domat, Pothier, sils ont

orient le Code civil vers lindividualisme juridique nont jamais affirm le principe de
lautonomie de la volont432. La doctrine du XIXme sicle et du dbut du XXme sicle n'a
probablement jamais soutenu non plus une conception absolue de l'autonomie de la volont.
En dpit de linfluence des thses individualistes au XIXme sicle, les auteurs contemporains
du sicle ayant vu natre notre Code civil nont sans doute jamais adhr dans leur ensemble
une conception niant toute part d'htronomie dans le contrat 433. Outre le fait qu' l'origine les
termes d'autonomie et de volont aient t rapprochs par les dtracteurs de cette doctrine, la
plupart des auteurs qui mentionnent ou dfendent l'autonomie reconnaissent, implicitement
parfois, explicitement d'autres fois, la part d'htronomie du contrat. Weiss, premier
promoteur de l'expression d'autonomie de la volont prcise que celle-ci ne s'exprime que
dans les domaines o la loi n'impose rien aux parties faisant de cette autonomie une

430

En ce sens entre autres, J. CARBONNIER, Il faut prendre garde, toutefois, que l'autonomie de la volont
n'a jamais t pose comme absolue dans les lois ; Mme en 1804, l'affirmation philosophique avait d pour
passer dans le Code, se temprer de restrictions , Droit civil, Les biens, les Obligations, op. cit., n 931, p.
1945; C. LARROUMET, Droit civil, Tome III, Les obligations, le contrat,1re partie, Conditions de formation,
6me dition, Economica, Coll. Droit civil, 2007, n 117 p. 96 le principe de l'autonomie de la volont n'a
jamais eu une porte absolue en droit positif ; R. SAVATIER, En ralit la libert des parties n'a jamais t
complte , La thorie des obligations en droit priv conomique, op. cit., n 103, p. 143.
431

Mais les mythes prennent corps , G. CORNU, Lvolution du droit des contrats en France , in, Journes
de la socit de lgislation compare, 1979, p. 449.
432

Sur ces points v. J. GHESTIN, La formation du contrat, op cit., n 57 et 58, p. 39 et 40.

433

En ce sens J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Droit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique,
prcit, n 106, p. 87; C. JAMIN, Une brve histoire politique des interprtations de l'article 1134 du Code
civil , D. 2002, p. 901 et s. et G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, p.
27 et s. et les nombreux auteurs cits par eux.

77

La hirarchie des normes conventionnelles


concession de la loi434. Toullier, dont les affirmations prennent la forme dun plaidoyer
pour l'autonomie de la volont lorsqu'il prcise que cette dernire suffit rendre l'obligation
parfaite sans l'intervention de la loi435, avait dj affirm dans un tome antrieur que toute
obligation vient de la loi (...) toute obligation suppose une loi antrieure 436. Il avait encore
ajout que les conventions elles-mmes n'obligent qu'en vertu de la loi qui commande de
tenir la parole qu'on a donne 437/438.
Plus tard Aubry et Rau, parmi des principes fondamentaux sur lesquels ont t bass
les prceptes du Code civil 439, noncent celui en vertu duquel la loi prend les mesures
ncessaires pour empcher que des conventions particulires tendent tablir de manire
permanente l'ingalit des fortunes ou l'galit devant la loi 440. la mme poque Duranton
crit que les obligations contractuelles sont un fait de l'homme auquel la loi attache la force
obligatoire 441.
Au dbut du XXme sicle Gny, l'un des deux premiers auteurs avoir introduit
l'expression en droit civil442, crit que dans le vaste domaine des actes juridiques, rgne, en
matre souverain, le principe de l'autonomie de la volont individuelle, qui, sous la rserve
d'un petit nombre de restrictions impratives, laisse un libre champ la dtermination des

434

En ce sens, V. RANOUIL, prcit, p. 49.

435

L'auteur se rtracte dans la suite de l'ouvrage et renie les propos ici cits, v. supra, n 120.

436

C.-B.-M. TOULLIER, Le droit civil franais suivant l'ordre du Code, Tome VI, 4me dition, Paris, Warree,
1824, n 3 p. 3.
437

Ibid., n 4 p. 3 et 4, Nous soulignons.

438

Sur ce point, v. l'intressante analyse que Monsieur JAMIN, pour lequel les propos de TOULLIER et son
changement de cap apparent ne sont pas le fruit d'une prise de position thorique, mais le simple effet d'une
analyse exgtique du Code et, plus prcisment, des intituls des Titres III et IV du Livre III du Code civil,
Une brve histoire politique des interprtations de l'article 1134 du Code civil , prcit, p. 901 ; Dans le
mme sens, un auteur qui a consacr quelques annes plus tard un article au mme thme que celui de Monsieur
JAMIN (A. SIRI, L'volution des interprtations du principe de la force obligatoire du contrat, de 1804
l'heure prsente , RRJ 2008-3, en part. n 6, p. 1355) classe TOULLIER au nombre des auteurs qui fondent la
force obligatoire des contrats sur le fondement lgal et non avec les partisans de la thse de l'autonomie de la
volont. V. galement, le rcent article de F. CHENEDE, Charles Toullier, les sources de lobligation , RDC,
2010, n 3 p. 1015 et s.
439

C. AUBRY, C. RAU, Cours de droit civil franais, par C.S. ZACHARIAE, 2me dition, Tome I, Mline, Cans
et Comp., Bruxelles, 1850, 16, p. 17.
440

Ibid., Les auteurs citent alors l'article 913 du Code civil relatif la quotit disponible et la rserve
hrditaire titre d'exemple.
441

A. DURANTON, Cours de droit civil franais selon le Code civil, Tome X, 4me dition, Thorel et Guilbert,
Paris, 1844, n 20, p. 10.
442

V. RANOUIL, op. cit., p. 92 s.

78

Contribution lanalyse normativiste du contrat


droits et la modification de leur contenu 443. Lauteur rejette ainsi une vision absolue de
l'autonomie. De manire gnrale plusieurs auteurs s'accordent reconnatre que les partisans
d'une conception absolue de l'autonomie de la volont se comptaient sur les doigts d'une
main444. Allant mme plus loin lon soutient parfois que personne n'a jamais vritablement ni
la part d'htronomie du contrat445. Gounot dans sa thse abonde dans ce sens et reconnat
plusieurs reprises qu'il a volontairement forc le trait446, parfois jusqu' la caricature, pour
faciliter sa critique. Il crit d'ailleurs de manire on ne peut plus claire, aprs avoir dfini une
conception absolue de l'autonomie de la volont, qu'il ne prtend pas que les juristes
franais du XIXme sicle aient prsent les deux principes dont nous avons parl comme
traduisant de faon exacte et complte l'tat actuel de notre lgislation positive 447.
Compltant ces propos un auteur relve que les travaux de Gounot citaient le plus souvent,
lorsqu'il s'agissait de dfinir l'autonomie de la volont, des philosophes ou conomistes, non
des juristes448, dans les travaux desquels cette vision de l'autonomie n'apparaissait quasiment
pas. Au contraire, la plupart des auteurs reconnaissaient le rle de la loi en matire de
conventions et concdaient comme Planiol qu'il y a une condition pour que les contrats
aient force obligatoire : il faut qu'ils soient lgalement forms 449. On a mme crit au cur
des annes trente que s'il fallait parler d'un principe c'est plutt de celui qu'il n'existe pas
d'autonomie de la volont 450. Pour la plupart des auteurs l'autonomie de la volont au sens
absolu n'existe donc pas. Ce qui le plus souvent est soutenu par la doctrine classique est non le
fait que la volont soit seule toute puissante et suffisante pour rendre le contrat obligatoire,
mais la ncessit pour le lgislateur d'intervenir le moins possible. L'autonomie de la volont
443

F. GNY, Mthode d'interprtation et sources en droit priv positif : essai critique, 2me dition, Tome I,
LGDJ, 1919, n 80, p. 185.
444

Monsieur ROUHETTE n'en dnombre que deux, TOULLIER et LAROMBIRE, Monsieur JAMIN en ajoute
un troisime, BUFNOIR.
445

C. JAMIN, Une brve histoire politique des interprtations de l'article 1134 du Code civil , prcit, p.
906.
446

E. GOUNOT, op. cit., p. 81.

447

Ibid.; C. ATIAS, Le contentieux contractuel, op. cit., n 20, p. 28 Ils n'ont reconnu la place prtendument
donne l'autonomie de la volont que pour la combattre et en critiquer les excs ; F. TERRE, P. SIMLER, Y.
LEQUETTE, op. cit., n 19, p. 29, il est vident que plus la thse prise pour cible est caricaturale, plus la
rfutation en est aise .
448

G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, p. 48, note n 72.

449

M. PLANIOL, Trait lmentaire de droit civil, LGDJ, T. II, 6me dition, 1912, n 1165.

450

J. PERITCH, La volont des particuliers comme cratrice de droits privs , RTD civ., 1929, p. 7.

79

La hirarchie des normes conventionnelles


est envisage par eux comme une doctrine politique ou philosophique, non comme un
principe juridique.

127.

Il ne nous parat donc pas exagr d'affirmer que le principe juridique de l'autonomie

de la volont n'a sans doute, dans son acception la plus stricte, jamais t prsent dans
l'histoire du droit civil451, au moins depuis 1804. Il ne l'est pas plus dans le droit positif.

B. Une absence certaine en droit positif.

128.

Absente ou presque des travaux de la doctrine classique lautonomie de la volont est

galement absente, en tant que principe juridique, du droit positif (1). Le contrat tire sa force
obligatoire et sa validit, dans ltat du droit actuel, de son respect du Droit (2).
1. Absence de lautonomie de la volont comme principe juridique dans le droit
positif.

129.

Absence de l'autonomie de la volont dans le Code civil Le Code civil, on le

relve parfois, ne consacre pas de manire expresse l'autonomie de la volont. Il ne la


consacre d'ailleurs pas plus implicitement.

130.

Certains auteurs (sans adhrer ces propos), ont relev juste titre que c'tait un lieu

commun d'enseigner que les rdacteurs du Code civil, ont en matire contractuelle consacr
l'autonomie de la volont 452/453. Il semble pourtant que la chose soit moins vidente que
451

En ce sens entre autres, J. CARBONNIER, Droit civil, Les biens, les Obligations, op. cit., n 931, p. 1945 ; C.
LARROUMET, Droit civil, Tome III, les obligations, le contrat, op. cit., n 117 p. 96.
452

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 19, p. 29.

453

Pour quelques illustrations de ce lieu commun v. par exemple : M. ARMAND-PREVOST, D. RICHARD,


Le contrat dstabilis (de l'autonomie de la volont au dirigisme contractuel) , JCP 1979, I, 2952, n 1, La
construction du Code civil repose sur le principe de l'autonomie de la volont ; J. CARBONNIER, Droit civil,
Introduction, op. cit., n 169, p. 326, o lauteur parle de larticle 1134 du Code civil, citadelle de lautonomie
de la volont ; E. CLAUDEL, Le droit civil des affaires. Rle et place des mcanismes fondamentaux du
droit civil en droit des affaires, Le consentement en droit de la concurrence, conscration ou sacrifice ? , RTD
com., 1999, p. 291, spc. n 3 On sait que le droit des contrats s'est construit, ou a t construit, autour
du principe d'autonomie de la volont ; J. DANIEL, Le devoir de mise en garde du banquier , LPA 2008, n
35, p. 5, spc. n 2, Les rdacteurs du Code civil consacrrent en 1804 le principe de l'autonomie de
la volont en matire contractuelle ; J. DUCLOS, Lopposabilit, Essai dune thorie gnrale, op. cit., n 22,
p. 47, Le Code Napolon est largement imprgn de la philosophie librale et individualiste. Les ides en
cours se traduisent dans le droit des obligations par la libert contractuelle et le grand principe de lautonomie
de la volont ; F. FAVENNEC-HERY, La date certaine des actes sous sein priv , RTD civ., 1992, p.1,

80

Contribution lanalyse normativiste du contrat


cela. Les quatre auteurs du Code, comme le lgislateur napolonien, nont vraisemblablement
jamais eu cette volont454. Il a t dmontr que le lgislateur de l'poque post-rvolutionnaire
ne semblait pas empreint des conceptions philosophiques qui sont la base de
l'individualisme juridique et de l'autonomie de la volont455. Les codificateurs ne partageaient
pas l'optimisme quant la nature humaine des philosophes individualistes. Ils ont t souvent
guids par des considrations trs pragmatiques en partant du principe que les hommes sont
gostes et froids pour les affaires d'autrui 456. S'il en est ainsi pour les lgislateurs, il en va
de mme pour ce qui est des rdacteurs du Code civil.

131.

On connait l'aversion de certains des auteurs du Code Napolon pour les thses

Kantiennes. Celle-ci poussa mme l'un d'entre eux consacrer plusieurs pages 457 la critique
du philosophe allemand au motif que chez Kant tout est faux 458 pour la raison, qui trouve
un cho particulier pour nous, que tout est absolu 459. Ce rejet des thses kantiennes ne
suffit pas lui seul carter le doute qui pourrait subsister quant une ventuelle volont des
rdacteurs du Code civil de consacrer le principe de l'autonomie de la volont. La paternit du
philosophe lgard de l'autonomie de la volont des juristes est en effet conteste. Il suffit
alors pour achever de se convaincre de l'absence de volont de Portalis et de ses co-auteurs de
consacrer le principe de lautonomie de la volont, de relire la prsentation faite par le
jurisconsulte aixois le 23 fvrier 1803 au corps lgislatif du Titre prliminaire du Code civil.
Alors quil aborde les dispositions de l'article 6 du Code civil lauteur provenal tient des
propos dnus de toute ambigut : des jurisconsultes , dit-il, ont pouss le dlire jusqu'

spc. n 4, le Code civil tentait de traduire dans des textes tels que les articles 1134 et 1165, le principe de
l'autonomie de la volont ; H. MAZEAUD, L. MAZEAUD, J. MAZEAUD et F. CHABAS, Obligations,
thorie gnrale, Tome II, 9me dition, Montchrestien, Coll. Leons de droit civil, 1998, n 116, p. 103, les
rdacteurs du Code civil ont adopt le principe de l'autonomie de la volont .
454

En ce sens, entre autres, C. ATIAS, Restaurer le droit du contrat , D. 1998, p. 137.

455

En ce sens, v. le passionnant article de X. MARTIN, De l'insensibilit des rdacteurs du Code civil


l'altruisme , Revue historique de droit franais et tranger, 1982, p. 589 ; galement, F. TERRE, P. SIMLER,
Y. LEQUETTE, op. cit., n 27, p. 32 et 33, Les rdacteurs du Code n'ont pas entirement adhr au postulat
sur lequel repose l'autonomie de la volont .
456

A.-J. ABRIAL, alors ministre de la justice, cit par FENET, Recueil complet des travaux prparatoires du
Code civil, Tome IX, Videcoq, p. 272.
457

J.-E.-M. PORTALIS, De l'usage et de l'abus de l'esprit philosophique durant le XVIII me sicle, 3me dition,
Tome I, Moutardier, Paris, 1834, v. en particulier, Chapitre VII, p. 183 et s.
458

Ibid. p. 200.

459

Ibid.

81

La hirarchie des normes conventionnelles


croire que des particuliers pouvaient traiter entre eux comme s'ils vivaient dans ce qu'on
appelle l'tat de nature et consentir tel contrat qui peut convenir leurs intrts comme s'ils
n'taient gns par aucune loi (...) Toutes ces dangereuses doctrines fondes sur des subtilits
et versives maximes fondamentales, doivent disparatre devant la saintet des lois. Le
maintien de l'ordre public dans une socit est la loi suprme. Protger les conventions contre
cette loi ce serait placer les volonts individuelles au-dessus de la volont gnrale, ce serait
dissoudre l'tat 460. Il est sans doute difficile d'tre plus clair. Les rdacteurs du Code civil
n'ont pas entendu consacrer le principe de l'autonomie de la volont461, ils l'ont mme
explicitement et svrement condamn.

132.

Le codificateur n'ayant pas voulu consacrer le principe de l'autonomie de la volont, ce

dernier est logiquement absent du Code civil. Il serait vain de multiplier de trop nombreuses
illustrations de cette affirmation cela ayant dj t fait par d'autres 462. Il suffit 463 de citer
les articles 6 et 1134464 du Code civil. En vertu du premier, on ne peut droger, par des
conventions particulires, aux lois qui intressent l'ordre public et les bonnes murs ; le
second, dans son alina premier, dispose que les conventions lgalement formes tiennent
lieu de loi ceux qui les ont faites . L encore, autant que les affirmations de Portalis la
tribune du corps lgislatif, et bien que l'on ait souvent affirm le contraire465 sur la foi de la
formule tiennent lieu de loi 466, une lecture mme rapide 467 de ces dispositions
condamne fermement toute tentative d'riger en principe de droit positif l'autonomie de la
460

J.-E.-M. PORTALIS, cit par P.-A. FENET, Recueil complet des travaux prparatoires du Code civil, Tome
VI, op. cit., 362.
461

Sous laspect historique, v. HALPERIN J.-L., Histoire du droit priv franais depuis 1804, op. cit., n 14, p.
32.
462

G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , op. cit., en particulier, p. 29 et s. n 4


et s.
463

L. LEVENEUR, La libert contractuelle en droit priv : les notions de base (autonomie de la volont, libert
contractuelle, capacit...) , AJDA, 1998, p. 676.
464

Dans lequel nombre de civilistes voient la conscration du principe de lautonomie de la volont , R.


ENCINAS DE MUNAGORRI, Kelsen et la thorie gnrale du contrat , in, Actualit de Kelsen en France,
LGDJ, Coll. La pense juridique, 2001, p. 116.
465

Par exemple E. GAUDEMET, Thorie gnrale des obligations, op. cit., p. 27 ; encore rcemment, P.
MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, 11me dition, Litec, Coll. Manuels, 2010, n 77, p. 60.
466

Sur le sens de cette expression, v. J-P. CHAZAL, De la signification du mot loi dans l'article 1134 alina
premier du Code civil , RTD civ., 2001, p. 265.
467

En ce sens, F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 28, p. 33.

82

Contribution lanalyse normativiste du contrat


volont. Les articles 6 et 1134 du Code civil et le droit positif en gnral sont simplement
incompatibles 468 avec cette thse.

133.

Aucune rgle dans le Code civil ne consacre l'autonomie de la volont. Il en est de

mme hors du droit civil. Si une conscration constitutionnelle de l'autonomie de la volont a


parfois t souhaite, elle n'a jamais eu lieu.

134.

Absence de l'autonomie de la volont dans le droit constitutionnel Le Conseil

constitutionnel a bien un temps sembl reconnatre un principe de l'autonomie de la volont


dans quelques dcisions469. Mais il fallait alors dans celles-ci entendre ce principe au sens de
l'article 34 de la Constitution470. La seule consquence de cette conscration est de faire entrer
l'autonomie de la volont dans la comptence d'attribution du lgislateur, cest--dire dans
le meilleur des cas de lui confrer valeur lgislative. Or, loin d'tre une avance pour les
partisans d'une autonomie de la volont ces dcisions semblaient au contraire condamner toute
conception souveraine de la volont des parties. En effet, en donnant l'autonomie une valeur
lgislative, le juge constitutionnel confirme qu'il est possible d'y porter atteinte par un texte de
mme nature, cest--dire, par la loi471. La reconnaissance de l'autonomie de la volont au
nombre des principes fondamentaux du droit des obligations au sens de l'article 34 de la
Constitution est donc encore une fois, comme pour l'article 1134 du Code civil, ouvertement
contradictoire avec le sens absolu de cette thse472.

135.

Enfin, quant la valeur constitutionnelle de l'autonomie de la volont, la seule valeur

juridique qui en mettant la volont des parties hors d'atteinte de la loi pourrait permettre de
s'approcher d'une conception entire de cette notion, elle a toujours t carte par le juge
constitutionnel qui a en 1997 clairement nonc qu'il ne rsulte ni de l'article 4 de la
468

C. ATIAS, Prcis lmentaire de contentieux contractuel, 2me dition, PUAM, 2003, n 18, p. 31 ; J.
GHESTIN, la notion de contrat , prcit, p. 147.
469

Dcision n 59-1 FNR, du 27 novembre 1959; Dcision n 61-3 FNR du 08 septembre 1961; Dcision n 7380 L du 28 novembre 1973.
470

L'article 34 de la Constitution, qui dtermine le domaine de la loi, prcise que la loi, dtermine les principes
fondamentaux des obligations civiles et commerciales .
471

G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat, Rapport franais , prcit, n 8, p. 34.

472

Ce principe semble de toute faon avoir disparu de la jurisprudence du Conseil depuis 1973. Sur ce point,
Ibid., n 8, p. 35; le propos est confirm par une recherche informatique des termes autonomie de la volont
sur le site internet du Conseil constitutionnel.

83

La hirarchie des normes conventionnelles


Dclaration des droits de l'homme et du citoyen ni d'aucune autre norme de valeur
constitutionnelle un principe constitutionnel dit de l'autonomie de la volont 473. L'autonomie
de la volont n'est donc pas un principe de droit positif ce que confirme, malgr quelques
formules ambigus, la doctrine contemporaine.

136.

Absence de l'autonomie de la volont dans les travaux de la doctrine

contemporaine La position de la doctrine contemporaine sur la question de l'autonomie de


la volont n'est pas claire. La lecture de plusieurs auteurs incite indniablement croire en
lexistence, ou en la persistance, dun principe de lautonomie de la volont en droit positif474.

Carbonnier considre par exemple qu'en dpit des atteintes de plus en plus frquentes
subies, la doctrine de l'autonomie de la volont conserve mme aujourd'hui valeur de
principe 475. Messieurs Malaurie, Ayns et Stoffel-Munck abondent galement en ce sens et
prcisent que l'on doit maintenir le principe 476 de l'autonomie de la volont, tout comme
Monsieur Bnabent aux yeux duquel les atteintes portes n'ont jamais remis en cause sa
fonction mme de principe 477. Monsieur Malinvaud et Madame Fenouillet affirment quant
eux que l'autonomie de la volont reste la ligne directrice du droit des contrats 478 et voient
dans cette doctrine un principe intangible 479. Enfin, on pouvait encore lire rcemment sous
la plume de Monsieur Aynes une tirade ne laissant aucun doute sur la persistance dudit
principe dans notre droit puisque cet auteur indiquait que lon peut () lire l'article 1134 du
473

Dcision n 97-388 DC du 20 mars 1997, loi crant les plans d'pargne retraite, considrant n 48; M.
FABRE-MAGNAN, Les principes de libert contractuelle et d'autonomie de la volont n'ont pas valeur
constitutionnelle , JCP G, 1997, I, 4039; L. FAVOREU, Constitutionnalit de la loi crant les plans
d'pargne-retraite , D. 1999 p. 234.
474

C. RADE, Rflexions sur les fondements de la responsabilit civile. 1 Limpasse , D. 1999, p. 313 spc.
n 2, pourrait-on en effet se passer du principe de non-rtroactivit des lois, () de la territorialit des lois de
police, de la prohibition du dni de justice et des arrts de rglement () du principe de l'autonomie de la
volont ? .
475

J. CARBONNIER, Droit civil, Les biens, les Obligations, op. cit., n 931, p. 1945.

476

P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, v. la 3me dition, Defrnois, Coll. Droit
civil, 2004, n 748, p. 372 ; Cependant, laffirmation devient dans la dernire dition de louvrage, le principe
se maintient .
477

A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, 12me dition, Montchrestien, Coll. Prcis, Domat, 2010, n 27
p. 22.
478

Ligne qui est dcrite par les auteurs comme tantt droite, tantt brise, tantt sinusodale , Droit des
obligations, op. cit., n 78, p. 61.
479

Ibid. ; F. VIOLET, Rupture de manire dlibre et de mauvaise foi de pourparlers , JCP E 2001, p. 423.

84

Contribution lanalyse normativiste du contrat


Code civil de la manire suivante : les conventions, pourvu qu'elles soient valablement
formes, constituent la mesure des obligations respectives des parties. Nul besoin d'une loi
tatique suprieure, ou d'un ordre objectif qui accepterait de leur dlguer une partie de son
autorit. Bien au contraire, la loi contractuelle s'impose au respect de la loi, parce qu'elle
procde d'une source supra-lgale : le droit fondamental de l'homme se gouverner par sa
volont 480. Dans ce contexte, il nest pas surprenant que des auteurs utilisent dans leurs
travaux le principe de lautonomie de la volont comme ils utiliseraient une disposition lgale,
c'est--dire comme le fondement dune argumentation juridique, propre justifier ou
sopposer telle ou telle autre rponse un problme de droit donn481.

137.

Dans une large mesure les propos cits ne marquent pas l'adhsion de leurs auteurs

une conception absolue de l'autonomie de la volont. Cette doctrine rejette le plus souvent

480

L. AYNES, Le contrat, loi des parties , prcit, p. 121 ; laffirmation nous semble dailleurs recler une
contradiction.
481

De manire arbitraire et non exhaustive v. par exemple : D. CHOLET, La novation de contrat , RTD civ
2006, p.467, sp. n 21, La novation de contrat repose sur les principes d'autonomie de la volont et de libert
contractuelle ; E.-S. DE LA MARNIERE, Clause pnale : indemnit forfaitaire, ddit et pouvoir du juge de
modrer ou augmenter , D. 1990, p. 392 L'art. 1152 c. civ., al. 2, () donne au juge la facult, mme d'office,
de modrer ou d'augmenter la peine convenue si elle est manifestement excessive, ou drisoire. Ce qui est
une atteinte considrable au principe fondamental de l'autonomie de la volont ; L. EYRIGNAC, tendue
de l'action estimatoire et dsquilibre entre les prestations contractuelles , D. 2006, p. 1216, la lsion ne
constitue pas une cause gnrale de rescision des conventions parce qu'elle serait contraire au principe
d'autonomie de la volont ; M.-O. GAIN, Le droit de premption de la Safer et les ventes indivisibles , JCP
N 2002, p. 1396, spc., n 3 quel qu'il soit, le droit de premption, par nature, vient neutraliser le principe de
l'autonomie de la volont (le neutraliser nous paraissant ici particulirement rvlateur de la croyance en la
positivit du principe) ; P.-A. GIRARD, J.-P. PROHASZKA, La protection de lacqureur immobilier au
regard de la situation hypothcaire , JCP N., 2003, p. 1320, spc. n16, En vertu du principe de l'autonomie
de la volont les cocontractants pourront dcider de retarder la date du transfert de proprit ; J.-M. JUDE,
Le rglement par carte bancaire et par chque : unit ou dualit ? (au juriste de lire les cartes), D. 2003, p.
2675, spc. note de bas de page n 17, Il est possible d'admettre qu'en vertu du principe de l'autonomie de la
volont les parties puissent amnager le mandat et prvoir un tel recours ; N. MARTIAL-BRAZ, Fausse
note dans la symphonie de l'assurance-vie : quand la Cour de cassation joue le dsaccord l'gard du lgislateur
sur les consquences de l'acceptation du bnficiaire LPA, 2008, n 98, p. 13, spc. n 3 La Cour de
cassation ne fait donc en l'espce qu'une stricte application du principe de l'autonomie de la volont ; F.
OSMAN, Le pouvoir modrateur du juge dans la mise en uvre de la clause rsolutoire de plein droit ,
Defrnois, 1993, n2, p. 65, spc. n 2 La validit de principe de la clause rsolutoire de plein droit est fonde
sur le principe d'autonomie de la volont ; S. PIQUET, Lindivisibilit des contrats , D. 1996, p. 141, spc.
n 7, L'indivisibilit subjective, application du principe de l'autonomie de volont, est fonde sur la recherche
de l'intention des parties ; F. POLLAUD-DULIAN, propos de la scurit juridique , RTD civ 2001, p.
492 Mais on peut aussi bien fonder cette solution sur le respect du principe d'autonomie de la volont et de la
libert contractuelle ; F. RIZZO, Le principe de lintangibilit des engagements des associs , RTD com
2000, p. 27, spc. n 17 le fondement de la validit de la clause d'exclusion rside dans le principe de
l'autonomie de la volont lauteur voque dailleurs un peu plus loin, le principe de l'autonomie de la
volont dont les dispositions de l'article 1836, alina 2 du Code civil fournissent une illustration propre au droit
des socits .

85

La hirarchie des normes conventionnelles


cette conception du principe482 pour admettre que la volont n'est pas pleinement
souveraine483 et ne spanouit, au contraire, que dans le cadre des lois qui la
rglementent 484. Sur ce point, ces auteurs rejoignent ce qui est indniablement lopinion
majoritaire485 qui condamne la thse de lautonomie de la volont dans son acception la plus
pure.

138.

Monsieur Savatier reconnat que dans la pratique la libert des parties n'a jamais t

complte486 ; Monsieur Sriaux affirme nettement que l'on ne peut s'obliger tout et
n'importe quoi 487 ; Messieurs Flour Aubert et Savaux, noncent que l'autonomie de la
volont dans son sens originel ne peut expliquer le systme classique du contrat 488. Plus
radicaux encore, beaucoup d'auteurs se rangent ce qui sapparente, sur ce point, une vision
normativiste du contrat. Entre autres489, Madame Fabre-Magnan pour laquelle l'autonomie de
la volont n'est pas un principe juridique de droit positif 490 ajoute encore que c'est le
Droit qui dcide, qui pose, que les contrats sont obligatoires491. Elle rejoint ainsi dautres
auteurs tel Messieurs Terr Simler et Lequette, qui crivent dans leur prcis de droit des
obligations que la force obligatoire ne vient pas de la promesse mais de la valeur que le
Droit attribue la promesse, cette valeur procdant d'une norme extrieure. Le contrat

482

P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, op. cit., 2004, n 748, p. 340 on doit maintenir le
principe, tout en soulignant que la puissance de la volont n'est pas absolue et la dernire dition de louvrage,
o les auteurs admettent que cette analyse nest plus admise , Droit civil, Les obligations, 4me dition,
Defrnois, Coll. Droit civil, 2009, n 748, p. 367. Cest cette dition que nous ferons rfrence dans les
dveloppements suivants, sauf prcision contraire.
483

P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit, n 79, p. 61.

484

Ibid.

485

M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, op. cit., p. 59, La
doctrine semble aujourd'hui s'accorder pour rejeter la thse de l'autonomie de la volont .
486

R. SAVATIER, La thorie des obligations en droit priv conomique, op. cit., 1979, n 103, p. 143.

487

A. SERIAUX, Droit des obligations, PUF, 1992, n 8, p. 27, Lauteur ne consacre plus dans la dernire
dition de dveloppements lautonomie de la volont.
488

J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Doit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique, op. cit., n
110, p. 90.
489

V. bien entendu Monsieur G. ROUHETTE, Thse prcite, en particulier, n 224, p. 636.

490

M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, op. cit., p. 59.

491

M. FABRE-MAGNAN, Les principes de libert contractuelle et d'autonomie de la volont n'ont pas valeur
constitutionnelle , JCP G. 1997, I, 4039, n 8.

86

Contribution lanalyse normativiste du contrat


n'engage donc vraiment que pris par un ordre juridique 492. Cette conception est encore
partage par Messieurs Starck, Roland et Boyer qui, l encore de manire assez nette,
affirment que les contrats ne peuvent exister, se dvelopper, que dans le cadre lgal, celui
du Droit objectif 493. Madame Porchy-Simon dans le mme esprit assure que la force
obligatoire du contrat ne vient donc pas de la volont elle-mme, mais de la force que la loi
accorde cette volont 494 et que, si autonomie il y a, elle doit tre entendue dans un sens
plus dulcor comme une volont dlgue par la loi et non une volont parfaitement
autonome 495. La plupart de ces opinions semblent pouvoir se rsumer dans la formule des
professeurs Weill et Terr selon lesquels le contrat est un accord de plusieurs personnes
pour se soumettre une rgle de Droit objectif 496. Lautonomie de la volont nest donc pas,
aux yeux de la doctrine contractualiste, un principe de droit positif. Chacun saccorde sur ce
point. Certains auteurs considrent, au-del, que ce principe est une utopie497, prime498,
dpasse499, incapable de rendre compte de la ralit du droit des contrats 500,
rvlatrice des erreurs qui menacent, chaque pas, le savoir juridique 501, dont la
formulation traditionnelle est la fois excessive et illusoire 502 et dont on peut finalement
faire abstraction dans l'tude de la notion de contrat 503.

492

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 28, p. 33, Nous soulignons.

493

B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, op. cit., n 20, p. 8.

494

PORCHY-SIMON S., Droit civil, 2me anne, Les obligations, 6me dition, Dalloz, Coll. HyperCours, 2010,
n 67, p. 30.
495

Ibid.

496

A. WEILL, F. TERRE, op. cit., n 64, p. 62.

497

D. MAZEAUD, Le nouvel ordre contractuel , RDC 2003, n1, p. 295, n 2.

498

J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Droit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique, op. cit., n 95,
p. 81 ; B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, op. cit., n 23, p. 8 v. en ce sens galement, M. ARMANDPREVOST, D. RICHARD, Le contrat dstabilis (de l'autonomie de la volont au dirigisme contractuel) ,
prcit, n 1.
499

R. SAVATIER, La thorie des obligations en droit priv conomique, op. cit., 1979, n 111, p. 155.

500

J-P. CHAZAL, De la thorie gnrale la thorie critique du contrat , RDC, 2003, n 1, p. 32 ; v.


galement, J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, op. cit., , n 110, p. 90.
501

C. ATIAS, Le contentieux contractuel, op. cit., n 16, p. 24.

502

L. LEVENEUR, La libert contractuelle en droit priv : les notions de base (autonomie de la volont, libert
contractuelle, capacit...) , prcit, p. 677.
503

J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, op. cit., n 110, p. 90.

87

La hirarchie des normes conventionnelles


139.

Certes, lautonomie de la volont demeure prsente dans le langage juridique, mais

elle na alors plus le mme sens que celui que lon pouvait lui attribuer hier. La notion ne
survit quen raison dune double ambigut.
La premire, souvent releve504, rside dans lamalgame entre lautonomie de la
volont et la libert contractuelle. Les exemples de confusion sont lgion505 et ne peuvent
qu'entretenir la croyance qu'il existe un vritable principe juridique dit de l'autonomie de la
volont506/507.

La seconde, plus grave du point de vue qui est le ntre, se manifeste propos du dbat
sur le fondement de la force obligatoire du contrat. Lautonomie de la volont est alors place
sur le mme plan que les thories fondant la force obligatoire du contrat sur la loi, ce qui nous
semble tre une erreur. La rponse emprunte Kelsen du fondement de la force obligatoire
du contrat ne peut pas tre compare aux autres. Kelsen rpond une seule question qui est la
suivante : Pourquoi le contrat a-t-il juridiquement force obligatoire508 ? La rponse cette
question est connue. Le contrat a juridiquement force obligatoire parce que l'ordre juridique,
dans notre droit positif l'article 1134 du Code civil, enjoint aux parties de remplir leurs
engagements contractuels. Ensuite, peut se poser une seconde question : pourquoi les
lgislateurs de manire gnrale consacrent-ils dans la quasi-totalit des systmes juridiques
504

J. GHESTIN, La formation du contrat, op. cit., n 186, p. 167.

505

DEMOGUE dj, aprs avoir affirm que le principe de l'autonomie de la volont est l'un des principes les
plus importants du droit civil citait quelques exemples des consquences de l'autonomie de la volont hors du
droit des obligations puis prcisait qu' ce principe se rattachait en matire d'obligations la libert des
conventions... (Les notions fondamentales du droit priv, essai critique pour servir d'introduction l'tude des
obligations, Paris, Rousseau, 1911, p. 147). CARBONNIER parle de lautonomie de la volont que lon connait
sous le nom plus courant de libert contractuelle (Droit civil, Les biens, les Obligations, op. cit.,n 931, p.
1945) confondant ainsi sciemment les deux notions linstar de Messieurs FLOUR, AUBERT et SAVAUX qui
dfinissent l'autonomie de la volont comme la facult laisse aux sujets d'organiser leurs changes comme ils
l'entendent dans les limites fixes par le Droit objectif cest--dire leur libert contractuelle (n 110, p. 90).
Monsieur SRIAUX qui crit que l'autonomie de la volont n'est donc qu'une autre manire de dire: libert
contractuelle , adopte la mme dmarche (Droit des obligations, PUF, Coll. Droit fondamental, 1992, n 8, p.
28. La phrase a disparu des ditions suivantes), tout comme Messieurs MAZEAUD et CHABAS crivent
propos de notre principe l'autonomie de la volont, cest--dire la libert du contractant , (op. cit., n 28, p.
22). Les auteurs assimilent encore les deux notions en concluant une partie intitule l'autonomie de la volont
par ces mots : la libert de contracter a reu de nombreuses atteintes () Celle-ci demeure la rgle chaque
fois qu'elle ne nuit pas l'ordre public (n 127, p. 116).
506

J-P. CHAZAL, L'autonomie de la volont et la libre recherche scientifique , RDC, n 3, 2004, p. 621.

507

Sil nexiste pas de principe de lautonomie de la volont, il existe en revanche en droit positif un principe de
libert contractuelle.
508

H. KELSEN, La thorie juridique de la convention , APD, 1940, n 13 p. 47.

88

Contribution lanalyse normativiste du contrat


la force obligatoire des contrats ? Pourquoi, d'un point de vue extra-juridique, le contrat a-t-il
force obligatoire ? On peut trouver cette question plusieurs rponses. On peut considrer que
les conventions doivent tre excutes par leurs auteurs parce quelles sont utiles et justes509
ou parce qu'il faut protger les attentes lgitimes des contractants510, condition ncessaire la
bonne marche de notre socit511. On peut encore donner cette question une rponse fonde
sur une approche volontariste du contrat. Mais il est impratif de distinguer les deux plans et
de ne pas faire une confusion que dnonait Kelsen ds 1940 dans les archives de philosophie
du droit entre le point de vue de la thorie juridique et celui de la politique juridique 512.
Or, mettre en concurrence le fondement positiviste de la force obligatoire du contrat avec
l'autonomie de la volont, cest accrditer la thse selon laquelle l'autonomie de la volont est
une solution possible un problme juridique, alors quen ralit cette thorie nest quune
rponse une interrogation idologique513/514. Elle n'est dailleurs qu'une rponse parmi
509

J. GHESTIN, qui considre que le contrat est obligatoire parce qu'il est utile et la condition qu'il soit
juste , La notion de contrat D. 1990, p. 149; v. galement, L'utile et le juste dans les contrats , D. 1982,
ch. p. 1.
510

M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 59 et s.

511

Ibid., p. 62.

512

H. KELSEN, La thorie juridique de la convention , prcit, n 13, p. 48 ; On peroit d'ailleurs aisment


qu'il y a une confusion entre deux niveaux de discussion en constatant que ces thses ne sont pas exclusives l'une
de l'autre. En effet, La thorie de Monsieur GHESTIN par exemple n'est en rien incompatible avec la thorie
dfendue par HANS KELSEN laquelle Monsieur GHESTIN adhre explicitement (v. La notion de contrat ,
prcit, p. 149, et en part. Le passage suivant o lauteur crit : partir des observations de Kelsen on peut
dire que le contrat tire sa force obligatoire de la volont du lgislateur de le sanctionner. On peut ajouter
galement que le lgislateur, conformment au Droit objectif qui le dpasse, ne sanctionne le contrat que parce
qu'il est utile et la condition qu'il soit juste ). On peut de la mme manire considrer que le lgislateur
sanctionne la promesse contractuelle parce que quelqu'un a lgitimement cru qu'elle serait tenue , croyance
qui doit tre protge par la socit sans quoi cette dernire ne serait sans doute pas viable, M. FABREMAGNAN, JCP G, 1997, I, 4039, n 8 et Droit des obligations, op. cit., p. 60 et s.
513

En ce sens, C. ATIAS, Restaurer le droit du contrat , D. 1998, p. 137, n7, qui crit que l'autonomie de la
volont est aujourd'hui ce que la Doctrine du Droit voulait qu'elle ft, un postulat extrieur au droit ; M.
FABRE-MAGNAN, Les principes de libert contractuelle et d'autonomie de la volont n'ont pas valeur
constitutionnelle , JCP G, 1997, I, 4039, n 6; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, op. cit., n 96, p. 81,
pour lesquels l'autonomie de la volont exprime une doctrine de philosophie juridique ; G. MARTY, P.
RAYNAUD, Droit civil, Les obligations, 2me dition, Tome 1, Les sources, Sirey, 1988, n 43, p. 38, Quant
savoir si la volont est autonome, il sagit dune question de philosophie du droit, lie la querelle du Droit
objectif et des droits subjectifs sur la quelle on peut se dispenser de prendre parti ds linstant que les solutions
du Droit positif sont claires ; H. KELSEN, La thorie juridique de la convention , prcit, n 13, p. 48 ;
Pour une conclusion identique en droit public, o lauteur remarque au terme de ses dveloppements que
l'autonomie de la volont se prsente moins comme un principe normatif que dot d'une fonction rhtorique et
qu'il convient d'admettre que lorsqu'une discipline juridique manifeste un choix dlibr d'en prendre une autre
comme source d'inspiration alors que rien ne l'y oblige, le recours cet emprunt satisfait moins une ncessit de
la technique juridique que certaines proccupations idologiques , v. S. SAUNIER, L'autonomie de la
volont en droit administratif franais : une mise au point , RFDA 2007, p. 609 ; A. SIRI, L'volution des
interprtations du principe de la force obligatoire du contrat, de 1804 l'heure prsente , prcit, n 19, p. 1367,
il s'agit bien l d'une position idologique et non d'une loi scientifique .

89

La hirarchie des normes conventionnelles


d'autres, ni plus ni moins respectable qu'une autre 515, qui doit tre soigneusement
distingue du droit positif516 et ne doit pas tre utilise dans le raisonnement juridique517/518. Si
le contrat a force obligatoire cest bien parce que la loi, et plus gnralement le Droit objectif,
limpose. Le droit positif ne laisse pas place au doute cet gard.
2. Le Droit. Fondement juridique de la force obligatoire du contrat519.

140.

Le Droit. Fondement de la force juridique de la convention Les ambiguts sur

les rles respectifs de chaque notion ayant t leves, seule demeure la question initiale. La
convention est-elle intgre lordre juridique ? La rponse ne fait pas mystre, nous lavons
plusieurs reprises annonce. La convention est intgre lordre juridique. Les explications
seront brves tant la question (une fois lautonomie de la volont remise la place qui est la
sienne) fait lunanimit en doctrine.

141.

Les dispositions de larticle 1134 du Code civil suffisent dmontrer la juridicit de la

norme conventionnelle. Les conventions lgalement formes tiennent lieu de loi ceux qui
les ont faites dispose cet article qui contient dans une formule efficace tous les lments de
rponse notre question. Il nest gure contestable 520 que ce qui fait des conventions
quelles sont obligatoires, ce qui fait de ces conventions quelles doivent tre respectes, cest
quelles sont lgalement formes. Autrement dit, elles sont fondes, elles sont en cela

514

Le degr de libert concd peut donc varier. Il peut-tre extrmement vaste dans un rgime conomique
libral ou plus rduit voire ananti dans un rgime communiste I. PELIKANOVA., Le droit priv dans les expays communistes , D. 2007, p. 1408.
515

J-P. CHAZAL, L'autonomie de la volont et la libre recherche scientifique , prcit, p. 621.

516

Ibid.

517

C. ATIAS, Restaurer le droit du contrat , prcit, n7.

518

Cette diffrence entre deux conceptions de l'autonomie de la volont s'illustre merveille dans la dmarche
suivie par Monsieur Sriaux qui, alors qu'il rejette clairement toute conception autonomiste du contrat au sens de
principe juridique, plaide en revanche pour que cette philosophie inspire plus largement le droit positif et appelle
de ses vux une vritable politique de l'autonomie de la volont , prcit, n 8.
519

Contra, bien quadoptant une analyse normativiste du contrat, R. LEVACHER, Thse prcite, p. 336 et s.
Lauteur carte cette thse, moins fermement cependant que celle de lautonomie de la volont, et estime que le
contrat tire sa force obligatoire de sa fonction de rgle de Droit le Droit tant par essence contraignant ,
en particulier, n 396, p. 340.
520

M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 62, il n'est gure contestable que la force
obligatoire du contrat dcoule du systme juridique et en dernier ressort de l'tat qui est garant du systme .

90

Contribution lanalyse normativiste du contrat


intgres lordre juridique521. La convention est obligatoire dans la mesure o l'ordre
juridique la considre comme un tat de fait crateur de Droit 522. Cette analyse est sans
aucun doute celle qui dcrit le plus exactement la ralit contemporaine du droit positif 523.
Certes, les contractants ont une libert relle en matire de conventions, certes cette libert est
prsente dans la plupart des systmes juridiques, mais elle est toujours concde par la loi qui
conserve la position dominante 524 en habilitant les contractants crer du Droit. Les
parties nont quune libert soumise la loi, ce qui peut tre considr comme le contraire
mme de lautonomie525. Si le contrat est obligatoire, s'il est valable, c'est parce que 526, et la
condition, qu'il respecte les rgles lgales. Cest parce qu'il est intgr un ordre juridique
en labsence duquel la parole vaudrait comme simple engagement moral 527. Intgr
lordre juridique, il est une norme thique juridique528, autrement dit, une rgle de Droit
objectif529.
521

En ce sens, M. FABRE-MAGNAN, Les principes de libert contractuelle et d'autonomie de la volont n'ont


pas valeur constitutionnelle , prcit, n 8 ; B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, op. cit., n 20, p. 8 ; F.
TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 28, p. 33.
522

H. KELSEN, La thorie juridique de la convention , prcit, p. 47.

523

J. GHESTIN, La formation du contrat, op. cit., n 190, p. 171.

524

A. WEILL, F. TERRE, op. cit., n 59, p. 57.

525

En ce sens J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Droit civil, Les obligations, Tome I, L'acte juridique,
op. cit., n 110, p. 90.
526

La chose serait dailleurs historiquement consubstantielle la notion mme du contrat dans le Code civil.
Cette notion dfinie larticle 1101 du Code civil en rfrence lobligation , nest autre que la traduction
des Institutes de Justinien (sur ce point v. D. DEROUSSIN, Histoire du droit des obligations, Economica, Coll.
Corpus, 2007, p. 174). Or, les Institutes dfinissaient lobligation comme le lien de droit par lequel nous
sommes enchans, en raison de la ncessit quil y a, selon notre droit civil, de payer quelque chose (cites
par D. DEROUSSIN, Ibid., p. 14, qui ajoute quen droit romain, lobligation na dexistence et de signification
que relativement lordre juridique de la cit , p. 15).
527

P. JESTAZ, Les sources du droit, op. cit., p. 83 et 84.

528

Nous tenons sur ce point apporter une dernire prcision sur la porte de notre conclusion. La loi est, en
droit positif, le fondement de la force obligatoire des conventions. Voil tout ce que nous souhaitions dmontrer.
Rien de plus. Nous sommes bien entendu conscients (convaincus mme), que dun point de vue historique, le
contrat a sans doute prexist la loi ou, au moins, il a sans doute t efficient avant sa reconnaissance par une
norme dun systme juridique. Comme le relve un auteur, pour poser le principe du respect de la parole donne
il fallait dabord que la notion de contrat ait elle-mme vu le jour (A. SUPIOT, La relativit du contrat en
question. Conclusion gnrale , prcit, p. 202). Cela tant, comme lcrit Monsieur de Bchillon, ce primat
historico-sociologique ne fait rien laffaire au regard du Droit tatique () ce qui tait l avant relevait peuttre du Droit , mais seulement dans le cadre dune autre dfinition de la juridicit, antrieure celle
quimpose la forme moderne de ltat , ( Sur la conception franaise de la hirarchie des normes, Anatomie
dune reprsentation , prcit, p. 110 et 111).
529

V. Sur ce point la remarque de Monsieur J. HAUSER qui admet cette conclusion dans la formule alambique
suivante. Il semble que linclusion de la norme conventionnelle dans lordonnancement juridique ne soit pas
laspect le moins solide de la thorie kelsnienne, Objectivisme et subjectivisme dans lacte juridique, LGDJ,

91

La hirarchie des normes conventionnelles


*
*
142.

Conclusion du chapitre second Ce second chapitre nous a permis de dmontrer que

la convention pouvait tre une norme juridique qui peut donc trouver sa place dans une
hirarchie de normes juridiques.

143.

Un obstacle important se dressant sur la voie de la reconnaissance de la convention

comme une rgle de Droit a t lev en dmontrant que la gnralit ntait pas une qualit de
ce type de rgles. Les fondements philosophiques de cette primaut sont friables. Certains de
ceux que lon prsente comme tant les aptres de la gnralit de la loi nen ont certainement
jamais fait lapologie, et lassimilation entre le Droit et la loi qui devrait tre une rgle
gnrale ne repose plus aujourdhui sur rien. Le Droit ne se rsume plus, loin sen faut, la
loi. Quant aux facteurs idologiques qui ont contribu exiger une poque une loi gnrale,
ils sont aujourdhui largement dpasss. Les exemples de normes, et de lois en particulier,
ayant une dimension personnelle se multiplient. Aucun lment ne peut faire obstacle
lexistence de normes individuelles. Dun point de vue logique, les normes individuelles ont
la mme aptitude prescrire ce qui doit tre que des normes gnrales. Dun point de vue
juridique, rien nimpose que les rgles de Droit soient impersonnelles, le Conseil
constitutionnel la expressment admis.

144.

Les dveloppements sur ce point ont pu paratre longs, ils ont pu sembler sloigner

parfois de lessentiel. Cette richesse nous semblait indispensable sur plusieurs points.
Dabord, suivant les conseils dHauriou dj rapports, nous ne pouvions quaccorder
beaucoup dimportance ce point qui a t cru pendant si longtemps et qui, surtout, lest
toujours trs majoritairement par la doctrine contemporaine. La prgnance de la gnralit de
la rgle de Droit est encore telle que rfuter cette ide ne pouvait se faire que de la manire la
plus exhaustive possible. Cela simposait dautant que cette ide de gnralit omniprsente
dans la doctrine se prsentait comme un obstacle quasi-rdhibitoire la reconnaissance de la
qualit de rgle de Droit la convention, cette dernire tant par nature individuelle.
Lobstacle a t lev. Il nous semble avoir dmontr que cette thse aux fondements,
historiques, philosophiques et politiques trs friables, navait aucune consistance en droit

op. cit. n 47 p. 61.

92

Contribution lanalyse normativiste du contrat


positif. Elle ne simpose ni dun point de vue thorique, ni dun point de vue pragmatique.

145.

Tout obstacle la possibilit de considrer une rgle particulire comme une rgle de

Droit tant lev, il restait dmontrer que cette rgle particulire revtait la qualit
transformant une norme thique en norme juridique, lintgration de cette rgle un ordre
juridique. Faire cette dmonstration supposait de lever cette fois-ci ce qui ressemble
finalement plus un malentendu qu un vritable obstacle, la place de lautonomie de la
volont dans le droit positif. L encore, les dveloppements consacrs cette tche ont pu
paratre trop gnreux. L encore, ces dveloppements nous paraissaient essentiels tant les
rfrences au principe de lautonomie de la volont sont communes, tant est rpandue
lide que lautonomie de la volont est un principe juridique sur lequel il est possible de
fonder un raisonnement juridique530. Un tel principe, qui implique de considrer que la
convention tire sa force obligatoire de la seule volont des parties, le contrat faisant alors
face la loi, nexiste pas en droit positif. La doctrine, comme le Code civil et le Conseil
constitutionnel, saccordent pour nier lautonomie de la volont le rle dun vritable
principe juridique. Cette conclusion nest dailleurs, nous lavons vu, sans doute pas propre au
droit positif. Lexistence de cette thse dans la doctrine classique, pourtant empreinte
dindividualisme juridique, est plus que douteuse. Au fond, si lautonomie de la volont
trouve encore droit de cit dans la littrature juridique contemporaine, ce qui est une source
indniable dune confusion qui justifie elle seule les dveloppements que nous avons
consacrs la question, cest en tant que synonyme de la libert contractuelle, ou comme
doctrine philosophique ou politique. Cest en aucun cas en tant que principe de droit positif.
En dpit de quelques formules parfois confuses, la doctrine semble presque unanime sur ce
point.
Lautonomie de la volont nexiste donc pas en droit positif et na vraisemblablement
jamais exist, mme dans les travaux de la doctrine classique. Cette condamnation de la
thorie de lautonomie de la volont emporte ncessairement la conscration de la thorie
fondant la force obligatoire du contrat sur son intgration un ordre juridique ( la pyramide
des normes , comme lon dit parfois). Il ny a nos yeux aucune autre alternative.
Lautonomie est ou elle nest pas. Lide dune autonomie limite par quelques dispositions
dordre public est, nos yeux, intenable en ce quelle recle une grave contradiction. Un
530

En ce sens, J-P. CHAZAL, De la thorie gnrale la thorie critique du contrat , op. cit,, p.32, qui relve
que lautonomie de la volont est toujours proclame comme principe .

93

La hirarchie des normes conventionnelles


pouvoir subordonn, ne serait-ce que faiblement, est antinomique avec toute ide d'autonomie.
Les conventions tirent juridiquement leur force obligatoire de leur soumission au Droit, c'est-dire, de leur intgration lordre juridique. Elles peuvent donc, puisque nous avons tabli
quelles taient des normes, tre qualifies de normes juridiques.

*
*

94

Contribution lanalyse normativiste du contrat


146.

Conclusion du titre premier La convention est une norme juridique.

147.

Cet acte est avant tout une norme qui, comme beaucoup dautres normes,

scientifiques, morales, religieuses, pose un modle. La norme juridique se distingue des


normes scientifiques en ce que ces dernires ont pour objet de dcrire ce qui est ou ce
qui sera ncessairement . La norme juridique, elle, est un modle suivre ce qui en fait une
norme directive. Plus prcisment encore, elle est une norme thique. En cela, elle se
distingue dautres normes directives, les normes techniques qui, labores en fonction dun
savoir dcrivent ce quil faut faire pour parvenir un certain rsultat. La norme thique
pose elle un modle de ce qui doit tre . Elle peut alors avoir pour objet dinterdire,
dautoriser, dhabiliter ou de permettre. Assurment la convention correspond cette
dfinition de la norme thique. Elle pose, par le biais de son contenu obligationnel ou non
obligationnel, un modle, plus ou moins direct, de ce que doit tre un comportement. Elle peut
avoir les mmes objets que les normes thiques, habiliter, obliger, permettre, autoriser.

148.

La convention est donc bien une norme, elle est galement une norme juridique.
Son caractre concret ne peut suffire faire obstacle ce quon la considre comme

une rgle de Droit. Fruit dune assimilation entre le Droit et la loi, qui elle devrait tre
gnrale, lide de gnralit du Droit vole aujourdhui en clats. Les fondements
philosophiques de la gnralit de la loi sont douteux, son but, lgalit des citoyens, nest
plus ncessairement atteint par lgalit des droits. ct de cela, lassimilation de la loi au
Droit nest plus soutenable de nos jours. Les sources du Droit se multiplient et la plupart
dentre elles perdent de plus en plus leur caractre de gnralit pour embrasser un nombre
dhypothses, de sujets, de plus en plus prcis. Les rgles de Droit sont mme de plus en plus
souvent individuelles. Aucune rgle en droit positif ne fait dailleurs obstacle cette
volution. Dans ces conditions, tout pousse considrer que la gnralit nest pas une qualit
de la rgle de Droit, ce qui ouvre la porte ce que lon puisse admettre la juridicit de la
convention.

Pour cela, pour faire passer la convention au statut de norme juridique, il fallait
dmontrer que cet acte est intgr lordre juridique (autrement dit, quil est valable parce
quil est produit en conformit avec les rgles du Droit objectif). Le principe de lautonomie
de la volont, qui a pour consquence dapprhender le contrat comme un acte autonome
95

La hirarchie des normes conventionnelles


lgard du Droit objectif, faisant face la loi, aurait pu conduire exclure le contrat de lordre
juridique. Cela tant, et en dpit de quelques opinions contraires dont on trouve toujours des
traces dans la doctrine contemporaine, ce principe na aucune valeur en droit positif. Les
rdacteurs du Code civil lont expressment condamn et lon ne trouve aucune traduction ni
lgale ni constitutionnelle de ce principe, dans le Code civil ou ailleurs. Lautonomie de la
volont est une doctrine philosophique, ou politique, dont les promoteurs sont encore
nombreux mais il nest en revanche pas un principe juridique qui exclurait la convention de
lordre juridique. Une grande majorit de la doctrine contemporaine saccorde sur ce point, le
contrat est valable dans la mesure o il est produit conformment aux exigences du Droit.
La convention est donc une norme, une norme intgre lordre juridique, elle est
donc une norme juridique.

*
*

96

Contribution lanalyse normativiste du contrat


149.

Admettre que le contrat est une norme juridique, c'est--dire un acte crateur de Droit,

permet denvisager que cet acte puisse dterminer les conditions de validit dun autre acte de
mme nature. Le contrat est une norme juridique, il y a donc tout lieu de penser quil
fonctionne de la mme manire 531 que toutes les autres normes. Ds lors, puisque Ltat
moderne hirarchise toutes les rgles de son Droit 532, les conventions doivent bien pouvoir
se hirarchiser entre elles. Dun point de vue technique si le contrat est une norme il a
invitablement un effet normatif (une force obligatoire533) qui peut dpasser, comme la
dmontr Monsieur Ancel, le cadre de la cration dobligations. Le contrat produit en effet
nombre deffets obligatoires non obligationnels : il transfre des droits, teint des droits, cre
des droits ou des situations juridiques nouvelles534. Il peut galement, puisque ces actes sont
soumis au Droit, et quil est un lment du Droit, conditionner la validit dautres
conventions. Le droit positif en apporte la preuve.

531

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, n 7, p. 775.

532

D. DE BECHILLON, Sur la conception franaise de la hirarchie des normes, Anatomie dune


reprsentation , RIEJ, 1994, 32, p. 109.
533

P. ANCEL, Ibid., n 5, p. 774.

534

Ibid., n 13.

97

La hirarchie des normes conventionnelles

TITRE

SECOND

LA

RALIT

DES

RAPPORTS

HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.

150.

En droit positif, la question de la hirarchie des normes voque instinctivement les

rapports entre la loi et la Constitution. Cest en effet essentiellement loccasion de lentre


en vigueur de la Constitution de 1958535 que la notion a merg536. En censurant un article de
loi au visa de lune des dispositions du bloc de constitutionnalit, le Conseil constitutionnel
fait du respect de cette disposition une condition de validit de la loi. De la mme manire, en
frappant dinvalidit un acte juridique conventionnel parce quil viole une ou plusieurs
stipulations dune autre convention, la loi ou le juge rigent le respect des stipulations de cette
dernire convention en condition de la validit dun acte juridique conventionnel. Le respect
de la convention est alors incontestablement un lment auquel est subordonn la validit de
lacte juridique. Pour conclure sur ce point, si le respect des stipulations dune convention est
une condition de la validit dun autre acte de mme nature, on peut alors affirmer quil y a un
rapport hirarchique entre deux conventions. Reste donc rpondre la question suivante : Le
droit positif instaure-t-il des rapports de cette nature entre plusieurs conventions ?

151. Rpondre cette question impose au pralable de dterminer avec prcision le critre
hirarchique que nous devons retenir. Nous lavons dj indiqu, la hirarchie est dans le sens
que nous avons retenu synonyme de rapport de validit. Cette notion de validit mrite un
certain nombre de prcisions lorsquon la rapporte lobjet de notre tude. Il nous faudra
donc dterminer ce que nous entendrons par validit dune convention . Ce sera lobjet de
dveloppements prliminaires (CHAPITRE PRLIMINAIRE).

152.

Une fois les termes du dbat solidement poss, nous pourrons apporter

linterrogation formule une rponse clairement positive. Comme la Constitution sert de rgle
de rfrence pour dterminer si la loi est ou non valable, comme le Code civil sert de

535

Et du vritable contrle de constitutionnalit quelle instituait

536

M. MONIN, 1989, Rflexions loccasion dun anniversaire : Trente ans de hirarchie des normes ., D.
1990, p. 27

98

Contribution lanalyse normativiste du contrat


rfrence pour juger de la validit dun contrat ou de tout autre acte juridique537, certaines
stipulations conventionnelles servent galement de rfrence pour juger de la validit ou non
dautres rgles de mme nature. Le droit civil regorge de situations dans lesquelles la
validit dune convention est subordonne au respect dune autre convention, autrement dit,
dillustrations de lexistence de rapports hirarchiques entre normes conventionnelles.

153.

La preuve en sera apporte par ltude de quelques rapports conventionnels loin dtre

exhaustifs et loin dtre inconnus. Nous ne prtendrons pas dans cette dmarche faire de
grandes rvlations sur les rgles de droit positif. La plupart des situations exposes et des
solutions retenues sont connues. Nous voudrions en revanche clairer sous un angle nouveau
des phnomnes classiques, les apprhender en termes de hirarchie des normes , de
manire dmontrer qu contre-courant de lindiffrence, voire des rticences, que manifeste
souvent la doctrine lgard de la question, les conventions peuvent entretenir des rapports
hirarchiques. Notre modeste ambition sera de dmontrer que lon peut vritablement parler
de hirarchie des normes en matire conventionnelle. Elle sera galement de souligner que
loin dtre nouveau, rsiduel, ou exceptionnel ce phnomne est ancien, frquent, commun.
537

Ce parallle appelle dailleurs une prcision. L'ide selon laquelle la hirarchie des normes est un rapport
linaire c'est--dire que chaque norme n'est hirarchiquement suprieure et infrieure qu' une seule et unique
norme trouve un certain cho en doctrine, elle est mme selon certains majoritaire (O. PFERSMANN, Carr de
Malberg et la hirarchie des normes , RFDC, 1997, p. 482). Si tel tait le cas, l'ide de hirarchie entre deux
conventions serait exclue dans la mesure o il est acquis que les principales conditions de validit des
conventions, la capacit, le consentement, la cause et l'objet sont justement dtermines l'article 1108 du Code
civil. La loi serait donc la seule norme directement suprieure au contrat. Laffirmation na bien entendu aucun
fondement. La hirarchie des normes ne constitue pas un rapport linaire et trivialement pyramidal (Ibid., p.
488 et 489) puisqu'une famille de normes ne trouve pas ncessairement sa validit dans la famille de normes
immdiatement suprieure et rciproquement une famille de normes peut dterminer la validit de plusieurs
familles infrieures. Autrement dit, une norme peut avoir plusieurs normes qui lui sont hirarchiquement
suprieures. Lobservation du droit positif accrdite incontestablement cette thse. Il est indiscutable que la
Constitution de la Vme Rpublique dtermine les conditions de validit de la loi, mais galement celles du
rglement par le biais notamment de l'article 37 qui dtermine ce qui est du domaine du rglement. Or, si en ce
qui concerne le pouvoir rglementaire autonome, une premire lecture de la Constitution de 1958 pouvait
laisser supposer que le pouvoir rglementaire autonome ne serait pas soumis au respect de la loi puisqu'il
intervenait dans des domaines o, prcisment, le lgislateur n'tait pas comptent (V. TCHEN, J.-Cl.
Administratif, v Domaines de la loi et du rglement, fasc. n 106 n 142) il n'en est rien. Le pouvoir
rglementaire doit assurment dans l'exercice de ses attributions respecter (...) les dispositions des lois
applicables (CE, sect., 15 juin 1959, Syndicat des ingnieurs conseils, Rec. CE, 1959, p. 394) sous peine
d'entacher d'illgalit la mesure dicte. On le voit, deux normes au moins dterminent les conditions de validit
des rglements de l'article 37 de la Constitution. Il y a donc deux normes hirarchiquement suprieures ce type
de rgle. La validit des conventions collectives de travail est galement soumise au respect de deux catgories
de normes. Outre celles prvues aux articles L. 2231-1 et suivants du Code du travail, la convention collective
doit encore respecter la Constitution, en particulier larticle 7 du prambule de 1946 en vertu duquel le droit de
grve s'exerce dans le cadre des lois qui le rglementent . dfaut, la convention (ou la clause) contraire est
nulle ou inopposable (v. sur ces derniers points B. MATHIEU, Une convention collective ne peut rglementer
le droit de grve : encore un progrs dans l'application de la Constitution par le juge social , Note sous Soc. 7
juin 1995 D. 1996, p. 75). L encore, une norme voit ses conditions de validit dtermines par deux catgories
de normes.

99

La hirarchie des normes conventionnelles


Le choix sera donc fait de ne retenir quun panel restreint de rapports conventionnels, tous
relativement connus, tous relativement anciens, tous relevant plus ou moins, du droit civil ou
droit commun. Il ne sagit pas de dmontrer que quelques conventions hyper spcialises
se comportent comme des normes de constitution lgard dautres contrats. Il sagit de
dmontrer que ltude de grands contrats, des situations classiques et trs varies, rvle la
prsence inattendue de rapports hirarchiques entre conventions (CHAPITRE PREMIER).
Paradoxalement, la hirarchie apparat l o on ne lattend pas toujours. En revanche, il nous
sera impossible de ne pas noter que dans lune des rares situations dans laquelle larticulation
entre plusieurs conventions est apprhende en des termes hirarchiques, des rapports de cette
nature ne semblent pas stablir (CHAPITRE SECOND).

CHAPITRE PRLIMINAIRE DFINITION DE LA VALIDIT DUNE CONVENTION.


CHAPITRE PREMIER LA

PRSENCE INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE

CONVENTIONS.

CHAPITRE SECOND LABSENCE

INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE

CONVENTIONS ET ACCORDS COLLECTIFS DE TRAVAIL.

100

Contribution lanalyse normativiste du contrat

CHAPITRE PRLIMINAIRE DFINITION DE LA VALIDIT


DUNE CONVENTION.

154.

Une norme est hirarchiquement suprieure une autre si elle en dtermine les

conditions de validit. En termes conventionnels, cela signifie qu'une convention est


suprieure une autre si la violation de l'une des conditions fixes par la convention
suprieure entraine la non-validit de la convention infrieure. De toutes les sanctions
pouvant frapper un contrat, seules nous semblent devoir tre tudies celles qui sanctionnent
un vice contemporain de la formation du contrat. La hirarchie est en effet un rapport de
production . Cest donc seulement aux sanctions qui assurent le respect des rgles de
production des contrats que nous devons nous consacrer. Pour ces raisons la caducit 538, la
rsolution539, ou la rsiliation, qui toutes ont en commun dtre des causes dextinction des
conventions rputes valablement formes, ne nous semblent pas devoir retenir notre
attention. En revanche deux sanctions frappant un vice contemporain de la formation du
contrat doivent tre tudies. La nullit (1) mais galement linopposabilit (2).

1. La nullit est une absence de validit.

155.

Pour certains auteurs parler de norme juridique valide relve du plonasme. Une

norme juridique est valide ou elle n'est pas. En matire conventionnelle, si une convention
n'est pas valide, si elle n'est pas, elle est nulle. L'article 1108 du Code civil qui dtermine
quatre conditions de validit des conventions frappe d'ailleurs le non respect de ces conditions
par la nullit. Cette sanction est sans aucun doute en matire conventionnelle la forme la plus
vidente de linvalidit. La doctrine assimile d'ailleurs invalidit d'un acte juridique et nullit
de cet acte de manire naturelle540. Comme le remarquent certains chaque annulation
538

J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Droit civil, Les obligations, Tome I, lacte juridique, op. cit., La
caducit concerne un contrat rgulirement conclu , n 322, p. 297 ; v. cependant, rattachant la caducit la
question de la formation du contrat, larticle 89 des propositions de rforme du droit des contrats, in, F. TERRE
(direction), Pour une rforme du droit des contrats, Dalloz, Coll. Thmes et commentaires, 2009, en particulier
la contribution de D. HOUTCIEFF, n 30 et 31, p. 236 et 237.
539

Ibid.

540

Voir par exemple A. JEAMMAUD, La rgle de Droit comme modle , D. 1990, p. 200, n 3 qui crit tel
acte priv demeure-t-il valide ou a-t-il t annul ? ; v. Encore sur ce point, M. MEKKI, Nullit et validit
en droit des contrats : un exemple de pense par les contraires , RDC 2006, n 3, p. 679, qui parle de La
validit, reflet invers de la nullit .

101

La hirarchie des normes conventionnelles


tmoigne, en quelque sorte, de l'infriorit de la norme censure et la supriorit de la norme
de rfrence 541. Il y a donc sans aucun doute un lien hirarchique entre deux conventions
lorsque le non respect d'une condition exige par une norme de cette nature entraine la nullit
(sans doute devrions-nous plutt parler d'annulabilit542) d'une autre norme de la mme
nature. Cette notion de nullit doit s'entendre ici comme couvrant aussi bien celle de nullit
relative que de nullit absolue cette distinction nayant aucune incidence sur la question qui
nous occupe.

156.

Lacte nul nest assurment pas valable. La question ne pose aucun problme. Les

certitudes sestompent en revanche propos dune autre sanction, linopposabilit.

2. L'inopposabilit est une absence de validit.


157.

L'inopposabilit, dont on empruntera la dfinition Bastian ( l'inefficacit au regard

des tiers d'un droit n par suite de la passation543 d'un acte juridique 544), est-elle une preuve
de la non validit d'un acte juridique? Cest cette question quil nous revient imprativement
de rpondre. Les rares auteurs qui l'abordent ne font que l'voquer et semblent partags sur la
rponse y apporter. L'inopposabilit est tantt dfinie comme une sanction due la
circonstance que l'acte manque de l'une des conditions de son intgration l'ordre
juridique 545, tantt comme une sanction qui est retenue pour certaines raisons
indpendantes de [la] validit 546 d'un acte juridique. Nous expliquerons brivement
541

M. MONIN, 1989 : Rflexions l'occasion d'un anniversaire : 30 ans de hirarchie des normes , D. 1990,
p. 30 et 31.
542

O. GOUT, Le juge et l'annulation du contrat, (prface P. ANCEL) PUAM, Coll. Institut de droit des affaires,
1999, qui dmontre que lacte nest jamais nul automatiquement. Lacte est seulement annulable, lintervention
du juge tant presque toujours (sauf lhypothse des nullits conventionnelles) indispensable pour prononcer
cette sanction. V. sur ce point le Titre premier de la premire partie de la thse de lauteur, n 26 et s. p. 41 et s. ;
Dans le mme sens dj, H. KELSEN, Le contrle de constitutionnalit des lois. Une tude comparative des
constitutions autrichienne et amricaine , RFDC, 1990, p. 22 Dans un systme de droit positif, il n'y a pas de
nullit absolue. Il n'est pas possible de qualifier un acte qui se prsente lui-mme comme un acte juridique de
nul a priori. Seule est possible l'annulation d'un tel acte ; l'acte n'est pas nul il est seulement annulable (...) l'acte
doit juridiquement exister s'il veut faire l'objet d'un jugement par une autorit ; v. encore, Thorie pure du
droit, op. cit., p. 272.
543

ou par suite de la nullit prcise t-il encore. Cette hypothse ne nous intressera pas ici.

544

D. BASTIAN, Essai d'une thorie gnrale de l'inopposabilit, Thse Paris, Sirey, 1929, p. 3.

545

G. CORNU, Vocabulaire juridique, prcit, p. 494. N'tant pas intgr l'ordre juridique il ne serait donc pas
valable.
546

A. WEIL, F. TERRE, op. cit., n 288, p. 299; en ce sens galement, D. BASTIAN, op. cit., p. 11.

102

Contribution lanalyse normativiste du contrat


pourquoi il nous semble que cette sanction quand on va au fond des choses apparat (...)
comme une simple varit de nullit 547. Pour ce faire, nous soulignerons que nullit et
inopposabilit ne sont pas, contrairement une opinion souvent dfendue, des sanctions de
nature diffrente. l'instar de Ren Japiot, nous croyons que la diffrence entre les deux
sanctions voques affecte simplement ltendue de linefficacit, plutt que sa
nature 548/549. Les causes (A) comme les effets (B) de la nullit et de l'inopposabilit ont
sans doute plus de points communs que de dissemblances.

A. Identit de la cause de la sanction avec la nullit.

158.

Nullit et inopposabilit sont parfois prsentes comme deux sanctions se distinguant

dabord sur le plan de leurs causes550. Alors que la nullit sanctionne l'irrespect des
conditions lgales auxquelles est soumise la formation d'un acte juridique (...)
l'inopposabilit affecte[rait] un acte rgulier qui porte un prjudice illgitime un tiers (...)
551. Les causes de la nullit et de l'inopposabilit seraient donc diffrentes, la nature de ces
deux sanctions galement. Il nous semble au contraire qu'aucune diffrence significative
n'existe au stade de lorigine des deux sanctions. Les points communs entre les deux notions
sur le terrain de leurs causes, comme les critres trop peu pertinents qui permettent
aujourd'hui de dlimiter le champ d'application assign chacune delles, plaident pour un
rapprochement entre nullit et inopposabilit.

1. Identit chronologique de la cause de la sanction.


159.

Sanction dune imperfection contemporaine de la formation du contrat Nullit

et inopposabilit ont en commun le fait dtre des sanctions frappant un acte qui est dans tous

547

R. JAPIOT, Des nullits en matire dactes juridiques, Thse Dijon, 1909, p. 15.

548

Ibid. p. 15.

549

Contra, D. BASTIAN, op. cit., p. 351 et s. C'est tout d'abord par leur nature que les deux institutions se
sparent nettement ; P. SIMLER, La nullit partielle des actes juridiques, LGDJ, Coll. Bibliothque de droit
priv, Tome 101, 1969, n 14, p. 15 L'inopposabilit n'est pas une nullit partielle .
550

P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 669, p. 334.

551

Ibid. p. 334 et 335 ; Dans le mme sens, P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit.,
p. 382, p. 296.

103

La hirarchie des normes conventionnelles


les cas un acte irrgulier552. Mais plus que cela, nous lavons soulign, ce qui est sanctionn
dans les deux hypothses envisages ici, cest une imperfection contemporaine la
formation du contrat 553. La nullit est en effet prsente comme un vice originaire de
l'acte 554. Linopposabilit est, elle, une inefficacit originaire 555. Cest parce quil existe
une irrgularit la base que nullit et inopposabilit sont prononces.

On pourrait alors opposer cette identit chronologique une diffrence du champ


d'application de chacune des sanctions pour les distinguer. Or, les principaux critres retenus
pour oprer une distinction entre nullit et inopposabilit, s'ils ont le mrite de la simplicit et
de la pdagogie, doivent tre vivement remis en cause dans la mesure o ils apparaissent
comme tant peu rigoureux et ne rendant pas compte de la ralit.
2. Labsence de critre distinctif quant la cause de la sanction.

160.

Le critre auquel il est classiquement recouru pour distinguer nullit et inopposabilit

ne nous parat pas satisfaisant. Il nest pas rigoureux dun point de vue thorique (a), il nest
pas convainquant sur le plan pratique (b).

a. D'un point de vue thorique.

161.

D'un point de vue thorique d'abord, il semble qu'il soit assez difficile de tracer une

frontire entre nullit et inopposabilit. Une ide trs rpandue veut que la nullit sanctionne
l'inobservation d'une des conditions de formation 556 ou de validit 557 du contrat, quand
l'autre sanction envisage ici viendrait frapper le non respect d'une rgle qui a pour seul
552

M. FALAISE, La sanction de lacte irrgulier (distinction entre inopposabilit et nullit), LPA, 1997, n
103, p. 5, n 1.
553

R. JAPIOT, Thse prcite, p. 14 ; En ce sens galement, J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Droit
civil, Les obligations, Tome I, lacte juridique, op. cit., n 322, p. 297 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE,
op. cit., n 82, p. 101 ; A. WEILL et F. TERRE, op. cit., n 288, p. 299.
554

R. JAPIOT, Thse prcite, p. 14.

555

Ibid. p. 25.

556

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 82, p. 100 ; M. FALAISE, prcit, n 3 ; P.


MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit., p. 382, p. 296.
557

A. WEILL, F. TERRE, op. cit., n 285, p. 298; Dans ce sens galement, M. FABRE-MAGNAN, Droit des
obligations, Tome I, Contrat et engagement unilatral, op. cit., p. 440 ; M. FALAISE, Ibid.

104

Contribution lanalyse normativiste du contrat


objet la protection des tiers 558.

162.

La nullit sanctionnerait donc un dfaut des conditions de formation ou de validit du

contrat, l'inopposabilit une atteinte aux droits des tiers. Ce critre de distinction nous semble
cependant tre trs incertain et la distinction entre les deux sanctions n'est en ralit pas
aussi simple qu'il y parat 559. En effet, les deux dfinitions respectives de la cause des
sanctions ici voques n'apparaissent pas comme tant exclusives lune de lautre. Cela
sexplique par le fait que le champ dapplication de chaque sanction est dfini par le recours
un critre diffrent. Alors que la dfinition de la nullit voque le critre d'une condition de
formation ou de validit de l'acte, la dfinition de l'inopposabilit voque le critre de la
violation d'une rgle ayant pour objet la protection d'un tiers. Ces deux critres ont le dfaut
dtredeux (sans tre exclusifs lun de lautre). Or, deux catgories juridiques
hermtiques ne peuvent tre traces qu' la condition de reposer sur un mme critre ou
sur plusieurs exclusifs les uns des autres560. Si lon en revient aux sanctions qui nous
proccupent, deux critres diffrents sont retenus ce qui ne permet pas de garantir
l'hermtisme de chaque catgorie. Cela se vrifie en pratique.

163.

Il est possible du fait de la dualit de critres voque, d'imaginer que les conditions de

formation d'un acte, ou conditions de validit , trouvent leur raison d'tre dans la protection
des tiers. L'article 1589-2 du Code civil, anciennement article 1840 A du Code gnral des
impts, en est une illustration. Ce texte impose sous peine de nullit561 la publication des
promesses unilatrales de vente. La publication562 est donc une vritable condition de
558

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 82, p. 101; M. FABRE-MAGNAN, Ibid. ; M.


FALAISE, Ibid. ; P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 669, p. 334 et 335, par ses
causes la nullit sanctionne l'irrespect des conditions lgales auxquelles est soumise la formation d'un acte
juridique. L'inopposabilit affecte un acte irrgulier qui porte un prjudice illgitime un tiers .
559

M. FALAISE, Ibid.

560

M.-L. MATHIEU-IZORCHE, Le raisonnement juridique, PUF, Coll. Thmis Droit priv, 2001, p. 30. Le
partage [dun jeu de cartes] en rois , rouges et noirs nest pas un classement, car si toutes les cartes
peuvent tre places dans une catgorie, certaines dentre elles appartiennent deux catgories la fois
(par exemple le roi de cur) , aussi crit lauteur, un niveau donn dune division, ou dune subdivision de
lunivers, le principe de division permettant de sparer les objets doit tre le mme .
561

Civ. 3, 2 juin 1993, Bull. Civ. III, n 80, L'omission de cette formalit rend la promesse, frappe de nullit,
insusceptible d'tre tablie par quelque mode de preuve que ce soit .
562

Les rgles de publicit sont dailleurs souvent prsentes par la doctrine comme des formalits dont
l'inobservation conduit rendre l'acte juridique inopposable v. P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, op. cit, n
383 p. 296 L'inopposabilit sanctionne au profit des tiers le dfaut de publicit de certains actes ou
renseignements .

105

La hirarchie des normes conventionnelles


formation ou de validit de cet acte juridique. Or, la seule finalit de la publication n'est-elle
pas de prserver l'administration fiscale, tiers au contrat, contre le risque de fraude fiscale par
dissimulation du prix563?
De la mme manire, un acte peut tre nul alors quaucune condition de formation
na t viole mais que seul lintrt des tiers a t atteint. La nullit frappe par exemple lacte
conclu en violation dune stipulation dinalinabilit alors que la sanction devrait tre
l'inopposabilit puisque aucune condition de formation de l'acte prohib ne fait dfaut 564.
Cest aussi le cas de l'article 595565 du Code civil qui impose l'usufruitier d'obtenir le
consentement du nu-propritaire pour consentir certains types de baux, qui est sanctionn par
une nullit qui peut tre invoque par le nu-propritaire avant mme la fin de l'usufruit566. La
nullit frappe donc encore une rgle institue dans l'intrt d'un tiers la convention. Les
exemples pourraient tre multiplis567.

164.

Les deux champs d'application des peines tudies ne sont donc pas exclusifs les uns

des autres. moins de considrer quest une condition de formation ou de validit une
condition dont la violation entrane la nullit de lacte (on pourrait alors stigmatiser le
caractre circulaire de la dfinition), il faut bien admettre que la ligne de partage actuelle n'est
pas satisfaisante. La pratique le dmontre avec clat.

b. D'un point de vue pratique.


165.

D'un point de vue pratique En pratique, le flou qui rgne quant la dfinition des

causes de la nullit et de l'inopposabilit se manifeste de deux manires diffrentes au moins.

166.

D'abord, force est de constater que souvent les deux termes sont employs l'un la

563

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, Contrats spciaux, v. la 14me dition, Cujas, 2001, n 115, p.
104.
564

R. MARTY, De lindisponibilit conventionnelle des biens , LPA, 2000, n 233, p. 11, n 17.

565

Dont l'alina 4 dispose L'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propritaire, donner bail un fonds
rural ou un immeuble usage commercial, industriel ou artisanal .
566

Civ. 3, 26 janvier 1972, Bull. Civ. III, n 69, p. 50, D. 1975, Juris., p. 22, Note J. PENNEAU.

567

La violation du pacte de prfrence entraine parfois la nullit de la vente faite en violation du pacte un tiers.
Or, la vente annule porte atteinte aux droits du bnficiaire du pacte qui est un tiers lacte de vente. Lavantprojet CATALA retient dailleurs larticle 1106-1 linopposabilit comme sanction dans cette situation ( la
diffrence du dernier projet chancellerie connu).

106

Contribution lanalyse normativiste du contrat


place de l'autre568. Les exemples sont lgion, il suffit d'en donner quelques-uns pour s'en faire
une ide. Ren Japiot relevait dj au dbut du sicle cette situation569 et voquait entre autres
exemples que par suite d'une confusion (...) on dit parfois qu'un contrat entach de dol (...)
n'est pas opposable la partie trompe 570. La sanction adquate est bien entendu la nullit
de la convention. En coproprit, alors que la jurisprudence semble admettre la nullit du bail
conclu en violation des dispositions du rglement de coproprit, certains auteurs prcisent
que cette nullit laisse survivre le bail entre le bailleur et le locataire 571. Dans cette hypothse,
et bien que lon parle de nullit, c'est l'inopposabilit qui est la sanction retenue. Enfin, le
lgislateur n'chappe pas la confusion. Dans l'hypothse o des cranciers ont accept pour
leur dbiteur une succession laquelle ce dernier avait refus leur prjudice, l'ancien article
788 du Code civil disposait que dans ce cas, la renonciation n'est annule qu'en faveur des
cranciers et jusqu' concurrence seulement de leurs crances : elle ne l'est pas au profit de
l'hritier qui a renonc 572. L encore, sous couvert de nullit, c'est d'inopposabilit qu'il
s'agissait573. Les exemples pourraient encore tre multiplis.

167.

Enfin, il est frquent qu'un acte irrgulier soit sanctionn d'abord par l'une des

sanctions envisages ici, puis pas une autre574.

Il en va ainsi en procdures collectives quant la sanction des actes accomplis pendant


la priode suspecte. La nullit, sanction historiquement retenue ds l'poque romaine et par le
Code de commerce de 1807575, a t transforme par un dcret du 20 mai 1955 en
inopposabilit (sanction conserve dans la loi du 13 juillet 1967), avant que la loi du 25

568

D. BASTIAN, op. cit., p. 2; P. SIMLER op. cit., n 14, p. 14.

569

R. JAPIOT, Thse prcite, p. 25.

570

Ibid.

571

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., Dalloz, v- Coproprit des immeubles btis, n 621.

572

Ces dispositions dplaces par la loi n 2006-728 du 23 juin 2006, l'article 779 du Code civil ont t
modifies et il est dsormais nonc que : L'acceptation n'a lieu qu'en faveur de ces cranciers et jusqu'
concurrence de leurs crances. Elle ne produit pas d'autre effet l'gard de l'hritier .
573

F. TERRE, SIMLER F., Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, v. la 9me dition, Dalloz, Coll. Prcis,
2005, n 1157, p. 1106.
574

M. FALAISE, prcit, n 7.

575

C. SAINT-ALARY-HOUIN, M.-H. MONSRI-BON, J-Cl., Procdures collectives, v Redressement et


liquidation judiciaires, Nullits de droit et nullits facultatives, fasc. 2502, n 2 et 3.

107

La hirarchie des normes conventionnelles


janvier 1985 ne rintroduise nouveau la nullit576 comme sanction des actes accomplis
frauduleusement.
La sanction des dispositions de l'article 1861 du Code civil577 appelle les mmes
remarques. Face la violation d'une disposition statutaire soumettant une cession de parts
sociales un agrment des associs (lorsque les statuts ont rtabli, par exemple, l'exigence
d'un agrment en cas de cession un ascendant ou descendant du cdant), la jurisprudence
hsite sur la sanction adopter. Elle oscille 578 entre nullit579 et inopposabilit580. En
matire de violation dun pacte de prfrence, nous avons dj dit que cest cette fois-ci la
doctrine qui oscille actuellement entre nullit et inopposabilit581.

168.

Pour conclure, comme le rsume parfaitement un auteur, on ne peut tablir une

dfinition de ces sanctions partir de leurs seules sources, dans la mesure o il rgne en la
matire une incohrence qui se traduit par l'application d'une nullit ou d'une inopposabilit
sans qu'aucun critre ne vienne justifier l'une plutt que l'autre 582. Les causes de la nullit et
de l'inopposabilit que l'on distingue souvent, ne semblent pas pouvoir l'tre sur la base des
critres classiquement retenus. Reste alors tudier les effets de ces sanctions qui sont
unanimement prsents comme la principale diffrence entre nullit et inopposabilit. L
encore cependant, la diffrence est mince.

576

L'article L. 621-107. I du Code de commerce nonce aujourd'hui que : Sont nuls, lorsqu'ils auront
t faits par le dbiteur depuis la date de la cessation des paiements, les actes suivant avant d'noncer
la liste des actes frapps de cette sanction.
577

Les parts sociales ne peuvent tre cdes qu'avec l'agrment de tous les associs.
Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrment sera obtenu une majorit qu'ils dterminent, ou qu'il
peut tre accord par les grants. Ils peuvent aussi dispenser d'agrment les cessions consenties des associs
ou au conjoint de l'un d'eux. Sauf dispositions contraires des statuts, ne sont pas soumises agrment les
cessions consenties des ascendants ou descendants du cdant .
578

H. LECUYER, note sous, CA Paris, sect. A, 6 dc. 2005, no 04/22426, Consorts S. c/ SCI Val Thorens et
autres, BJS, 01 avril 2006, n 4, p. 521.
579

Civ. 3, 19 juillet 2000, Bull. Civ. III, n 151 p. 104, Rev. Socits, 2000, p. 737, Note J.-F. BARBIERI.

580

CA Paris, sect. A, 6 dc. 2005, prcit.

581

Sur ce point, v. supra, n 163.

582

M. FALAISE, prcit, n 6.

108

Contribution lanalyse normativiste du contrat


B. Quasi-identit de l'effet de la sanction.

169.

Une diffrence mince Si la limite entre les deux peines envisages est parfois

difficile tracer sur le plan des causes de chacune d'elles, chacun s'accorde reconnatre une
diffrence entre les effets de celles-ci583. Alors que la nullit emporte la disparition rtroactive
de l'acte avec effets l'gard de tous, l'inopposabilit ne prive l'acte de ses effets qu' l'gard
des tiers demandeurs l'action584. Si cette diffrence est incontestable, elle ne doit pas tre
exagre.

D'abord, l'inopposabilit n'est pas une moindre sanction alors que la nullit serait une
sanction plus grave. Dans bien des cas, l'inopposabilit sera beaucoup plus dangereuse que
la nullit relative 585, dans la mesure o elle est ouverte un nombre de personnes plus
important586. Ensuite, elle peut s'avrer plus lourde encore que toutes les formes de nullit
dans la mesure o elle tient les auteurs de l'acte la fois des consquences de lexistence de la
convention entre eux, et de sa nullit envers les tiers587.
Ensuite, au niveau des effets prcis de l'inopposabilit, l encore, la diffrence est
relativiser. Du point de vue de l'auteur de la demande leffet produit [est] identique puisque
[l'inopposabilit] se traduira par une inefficacit de lacte son gard 588. Il y aura pour le
demandeur un retour au statu quo ante589. Si certains parlent d'inexistence relative 590, on
peut encore voir dans cette sanction une nullit relative 591 ou encore, selon la sduisante
583

D. BASTIAN, op. cit., p. 355; M. FALAISE, prcit, n 27; R. JAPIOT, Thse prcite, p. 33; P.
MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 669, p. 334 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y.
LEQUETTE, op. cit., n 82, p. 101.
584

M. FALAISE, prcit, n 27.

585

D. BASTIAN, op. cit., p. 353.

586

Ibid.

587

M. FALAISE, prcit, n 2.

588

Ibid. n 30.

589

Ibid.

590

S. SANA-CHAILLE DE NERE, J.-Cl., Civil Code, art 1304 1314, v Contrats et obligations, Nullit ou
rescision des conventions, fasc. 10, n 31.
591

Relative au sens des personnes vis--vis desquelles elle produit ses effets.

109

La hirarchie des normes conventionnelles


formule du professeur Simler, une nullit distributive 592. La confusion frquente que nous
avons voque entre inopposabilit et nullit, s'explique d'ailleurs sans doute en partie par le
fait que ces deux sanctions ont parfois des effets similaires.
Si pour les tiers la situation revient en pratique au mme, ce peut tre le cas galement
pour les parties. Comme le signalait l encore Japiot en son temps, si une hypothque tait
consentie par un commerant l'un de ses cranciers pendant la priode suspecte, celle-ci tait
dclare inopposable. Si l'immeuble tait alors vendu purg de toute hypothque il ne restait
rien de plus (...) de l'acte constitutif d'hypothque (...) au point de vue pratique que si l'acte
eut t entirement nul : c'est que la valeur de cet acte consiste prcisment en ceci que ses
effets doivent tre opposables aux cranciers 593. Japiot soulignait ainsi trs justement que
lefficacit dun acte ne se rsume pas son effet entre les parties, cette efficacit se confond
parfois avec la production deffets lgard des tiers594.
170.

L'inopposabilit est une invalidit de l'acte Au terme des ces brefs

dveloppements, qui mriteraient n'en pas douter d'tre considrablement approfondis, il


nous semble fictif de chercher distinguer nullit et inopposabilit. S'il n'est pas question ici
de contester une diffrence vidente au niveau des effets des deux sanctions, du point de vue
de leurs champs d'application respectifs, il nous semble que l'opportunit de l'une ou de l'autre
des sanctions est souvent le seul critre qui justifie que lon rserve les effets de la peine aux
parties, ou que lon fasse le choix de les tendre aux tiers. Comme l'ont trs bien crit Japiot
puis Bastian, la nullit ( laquelle le premier assimile l'inopposabilit) est une sanction qui
doit s'adapter au but de la rgle dont elle tend assurer l'observation et au milieu dans lequel
elle intervient 595 et ce n'est donc qu' la dernire extrmit que l'on doit se rsigner
dclarer une volont absolument inefficace et la considrer en droit comme absolument
inexistante 596. Au fond, comme nous l'avons dj dit, nullit et inopposabilit sont des
peines de mme nature qui sanctionnent une irrgularit dans le processus de formation d'un
592

P. SIMLER, op. cit., n 14, p. 13, par la suite l'auteur prcise cependant qu'il n'assimile pas les deux notions
de nullit et d'inopposabilit.
593

R. JAPIOT, Thse prcite, p. 33.

594

M. MEKKI Lefficacit attendue du contrat , RDC 2010, n 1, p. 349.

595

Ibid. p. 13.

596

D. BASTIAN, op. cit., p. 355.

110

Contribution lanalyse normativiste du contrat


acte. Ds lors, nous considrerons par la suite que l'acte inopposable est un acte non-valide.
Mme si l'acte est partiellement valide, il est galement partiellement non-valide597.

171.

Cette prcision tant apporte, lexistence de relations hirarchiques entre conventions

peut tre recherche.

597

Contra, considrant que linopposabilit nest pas une sanction de la formation du contrat, D. HOUTCIEFF
La sanction des rgles de formation du contrat , in, Pour une rforme du droit des contrats, Dalloz, Coll.
Thmes et commentaires, 2009, p. 223.

111

La hirarchie des normes conventionnelles

CHAPITRE PREMIER LA PRSENCE INATTENDUE DE


RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.

172. Lobjet du prsent chapitre sera donc, comme nous lavons annonc, de mettre en
relief lexistence et limportance du phnomne hirarchique entre normes conventionnelles.
Pour ce faire, nous adopterons pour ltude de chaque rapport conventionnel une mme
mthode. Nous proposerons dans chaque contrat spcial tudi, didentifier (sans tre
exhaustif), quelques stipulations purement contractuelles 598 en rfrence desquelles la
licit dune autre convention peut tre juge. Aprs avoir identifi ces stipulations
rfrences , nous rechercherons si la sanction laquelle donne lieu leur violation atteint la
validit de la convention irrgulirement conclue. Si tel est le cas, si la stipulation rfrence
conditionne la validit de lacte soumis, il sera alors possible de conclure lexistence dun
rapport hirarchique entre conventions.

173.

Dans cette dmarche, le regard sera initialement port vers un type de rapports

conventionnels dans lequel il nest sans doute, la rflexion, pas vritablement si surprenant
que cela de voir surgir une hirarchie des normes entre plusieurs actes. Monsieur Didier a
dgag, ct de celles consacres par le Code civil ou imagines par la suite par la doctrine,
une nouvelle opposition entre deux catgories de contrats. la catgorie des contrats
change , qui correspondrait la figure classique du contrat, serait oppose une catgorie
nouvelle, les contrats organisation 599. Les premires, au nombre desquelles lon compte la
vente ou le bail ont, selon lauteur de cette distinction, pour objet une permutation au terme
de laquelle le bien de A se trouve dans les mains de B et le bien de B entre les mains de

598

Puisque lon considre parfois que tout nest pas contractuel dans le contrat (E. DURKHEIM, De la division
du travail social, PUF, Coll. Quadrige, 2me dition, 1991, p. 189), nous choisirons presque toujours pour
souligner la supriorit de stipulations conventionnelles sur dautres conventions, des clauses sur lesquelles les
parties exercent une influence relle.
599

Sur cette distinction v. P. DIDIER, Le consentement sans lchange : Contrat de socit , RJ com,
novembre 1995, p. 74 et s., dans lequel lauteur pose une bauche de la distinction et, surtout, Brves notes sur
le contrat organisation , in, Lavenir du Droit, Mlanges en hommage Franois Terr, Dalloz, PUF, JurisClasseur, 1999, p. 635 ; v. galement la svre critique de cette distinction faite par Monsieur SEUBE, qui juge
la distinction la fois artificielle et archaque, La relativit de la distinction des contrats organisation et des
contrats change , Journal des Socits, avril 2008, p. 38.

112

Contribution lanalyse normativiste du contrat


A 600. Ce type de convention tablit un jeu somme nulle entre les parties o chacun se
dpouille de ce que lautre gagne. linverse, les conventions organisation que sont pour
lauteur la socit, lassociation, la coproprit, la communaut conjugale ou encore
lindivision, instaurent une collaboration entre les deux parties qui se traduit par la mise en
commun de biens appartenant chacun. Les intrts des parties sont alors convergents. Cette
catgorie de conventions se singularise encore par le fait quelle nest quun moyen dexercer
une activit (associative, familiale, professionnelle etc.) qui se traduit en fait par la
conclusion de nombreux contrats-change 601, ce qui implique souvent la mise en place
dorganes destins assurer la ralisation de lactivit602. De par leur fonction
organisationnelle, les conventions de ce type ont donc une tendance naturelle simposer,
notamment, dautres actes conventionnels, en consquence de quoi, assez logiquement,
nombre des structures hirarchiques entre deux conventions reposent sur un contrat
organisation (SECTION I). Linstitution dune structure hirarchique conventionnelle, de
manire sans doute plus surprenante, ne tient cependant pas pour autant lobjet particulier de
ces conventions. Le droit positif dmontre effectivement que des conventions change
peuvent, linstar des conventions prcdemment cites, dterminer les conditions de validit
dautres actes conventionnels (SECTION II).

SECTION I LES HIRARCHIES FONDES SUR UNE CONVENTION


ORGANISATION

174.

Nous aurions pu choisir de nombreuses conventions permettant dillustrer lhypothse

o des conventions organisation se comportent comme une convention suprieure une


autre. Lassociation en serait un excellent exemple en ce que les statuts dterminent dans une
large mesure les conditions de formation dautres actes juridiques conventionnels603.
Lindivision aurait galement sans doute t un objet dtude trs instructif. Ltude de trois
actes particuliers semblait cependant simposer. La socit dabord, qui est lun des trois
600

P. DIDIER, Brves notes sur le contrat organisation , prcit, p. 636.

601

Sur tous ces points, v. Ibid.

602

Ibid., p. 638.

603

Des dveloppements ce sujet seraient sans doute trop rptitifs avec ceux que nous accorderons, plus tard,
au mandat et aux statuts de la socit.

113

La hirarchie des normes conventionnelles


gants retors du Code civil604, la base de lactivit conomique et au centre dun rseau
perptuel et quotidien de conventions605, dont lorganisation est si souvent compare avec
lorganisation dune socit dmocratique ne pouvait tre lude (1). ct de ce contrat, le
rglement de coproprit prsentait galement un attrait vident. Convention organisation
au mme titre que les statuts dune socit ou dune association, la coproprit prsente la
particularit de rglementer essentiellement le droit de proprit, droit dont on sait que le
Code civil le proclame absolu et plus encore. Linteraction entre conventions amnageant ce
droit fondamental et la problmatique de leurs ventuelles relations hirarchiques justifiait
que lon se penche sur cette hypothse (2). Enfin, la convention matrimoniale, acte dune
infinie richesse, qui dfinit la fois la titularit des droits des poux sur leurs biens et les
pouvoirs respectifs de chacun sur les diffrentes masses de biens nous semblait galement
simposer (3).

1. Les statuts de socits.

175.

Socit et hirarchie ne sont pas deux termes trangers lun lautre. La socit [dit-

on] est une organisation hirarchique 606, dont les statuts seraient la Constitution 607 ou
lordre normatif 608. Cette image ne nous semble pas galvaude puisque les statuts dune
socit noncent des stipulations qui simposent bien dautres actes de nature
conventionnelle ou non. Placs par la loi au sommet de la pyramide constitue de toutes les
conventions labores au sein dune socit, le contenu de tous les autres actes leur est
subordonn 609. Ainsi, le rglement intrieur dune socit, acte unilatral 610, est
604

J. CARBONNIER, Variation sur les petits contrats , in, Flexible droit : Pour une sociologie du droit sans
rigueur, 10me dition, LGDJ, 2001, p. 339.
605

La socit tant comme lont crit certains un nud de contrat , A. COURET, Le gouvernement
dentreprise : la corporate governance , prcit, p. 163.
606

Y. CHAPUT, Rp. Dr. Socit., Dalloz, v Objet social, n 45 ; Certains auteurs voquent mme un
principe de hirarchie des normes socitaires , J.-M. MOUSSERON (Direction), Technique contractuelle,
3me dition, 2005, ditions Francis Lefebvre, n 127, p. 74.
607

Y. CHAPUT, La libert et les statuts , Rev. Socit, 1989, p. 362 et 365 ; P. LE CANNU, Le rglement
intrieur des socits , BJS, 1986, n 7-8, p. 723, n 2.
608

H. KELSEN, Thorie pure du droit, op. cit., p. 177.

609

J. PERROUIN, Thse prcite, n 32, p. 27.

610

Cet acte est prsent par certains comme une convention (J.-P. STORCK, La validit des conventions extrastatutaires , D. 1989, Ch., p. 267) par dautres comme un acte unilatral (P. LE CANNU, Le rglement
intrieur des socits , prcit, n 6) nayant alors pas un caractre contractuel (Y. CHAPUT, La libert

114

Contribution lanalyse normativiste du contrat


incontestablement un acte infra statutaire 611 soumis aux stipulations des statuts. Cette
subordination rvle le caractre de norme fondatrice de cet acte, mme si la hirarchie est ici
dorigine conventionnelle et non conventionnelle (la norme infrieure nayant pas la
nature requise). Ltude du droit des socits offre cependant une multitude dexemples dans
lesquels les conditions de validit dune convention sont dtermines par les statuts. Sans
faire un expos exhaustif qui naurait sans doute que peu dintrt, nous essayerons de
dmontrer travers quelques exemples le caractre de norme suprieure dautres
conventions des statuts de socit, de manire rvler un premier exemple de la ralit de la
hirarchie des conventions en droit positif. Nous tudierons pour ce faire les rapports que
peuvent entretenir les statuts avec deux catgories de conventions, les conventions entre
associs (A) et certaines conventions de la socit contractante (B).
A. Supriorit hirarchique des statuts lgard des conventions extra-statutaires.

176.

Les conventions entre associs sont lune des hypothses majeures dans lesquelles

sillustre le caractre de rgle rfrence des statuts (1). Leurs stipulations simposent aux
associs lorsquils concluent entre eux une convention, sous peine de nullit (2).

1. Stipulations rfrences.

177.

Avant dtudier dans quelle mesure les statuts peuvent simposer aux conventions

entre associs (b), nous illustrerons brivement ce que recouvrent en pratique ces conventions
(a).

a. Les conventions entre associs.

178.

Dfinition De la mme manire que la Constitution de la Vme Rpublique nest pas

la seule disposition permettant dorganiser le fonctionnement de notre socit, les statuts,


et les statuts , prcit, p. 368). Sa nature dpend en fait sans doute de son mode dlaboration, contrat lorsquil
est labor par lensemble des associs, acte unilatral lorsquil est rdig par un organe social (en ce sens, D.
VELARDOCCHIO-FLORES, Les accords extra-statutaires entre associs, (Prface J. MESTRE) PUAM, Coll.
Institut de droit des affaires, 1993, qui range le rglement intrieur dans la catgorie des actes extra-statutaires
( quelle dfinit comme des contrats conclus entre associs dune mme socit p. 19) avant de prciser que
tel est le cas au moins quand il nest pas labor par un organe social p. 47, voir galement n 30, pp.48 et
49).
611

P. LE CANNU, Le rglement intrieur des socits , prcit, n 14.

115

La hirarchie des normes conventionnelles


Constitution dune socit, ne peuvent pas tre la source normative unique organisant les
relations entre associs. La socit [est] au centre dun rseau de relations qui lunissent
aux associs ou ses dirigeants ou qui unissent ceux-ci 612 entre eux. Les conventions extrastatutaires sont des contrats conclus entre diffrents associs dune mme socit, localiss
hors des statuts613, par lesquels ils affinent, compltent, ou amendent, directement, ou
indirectement, le pacte social614. Ces conventions, frquentes en raison de leur flexibilit et de
leur discrtion615, peuvent tre le fait de tous les associs ou dune partie seulement616. Il ne
nous appartient pas ici de lister ce type de conventions617 ou dtudier lensemble de la
question de leur validit618, mais den donner seulement un petit nombre dexemples
permettant de relever la supriorit des statuts.

179.

Illustrations La catgorie des actes extra-statutaires est aussi varie quhtroclite.

180.

Ce type de conventions peut prendre la forme dun rglement intrieur 619. Cet acte

participe de lorganisation de la socit. Intrieur, il ne concerne que les relations entre


associs ou entres les associs et les organes de la personne morale620. Il peut ainsi prvoir la
bonne tenue vestimentaire que devront porter des associs exploitant un club de gymnastique,
les horaires douverture des magasins dun centre commercial, mais aussi le taux dintrt d

612

Y. GUYON, Les socits, amnagements statutaires et conventions entre associs, 5me dition, LGDJ, Coll.
Trait des contrats, 2002, n 198, p. 303.
613

D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 5, p. 19.

614

J.-P. STORCK, La validit des conventions extra-statutaires , prcit, p. 267.

615

Y. GUYON, Les socits, amnagements statutaires et conventions entre associs, op. cit., n 203, p. 312.

616

Ibid.

617

Sur cette question : L. FAUGEROLAS et D. MARTIN, Les pactes dactionnaires , JCP G,, 1989, I, 3412 ;
Y. GUYON, Les socits, amnagements statutaires et conventions entre associs, op. cit., n 198 et s. p. 303 et
s. ; G. PARLEANI, Les pactes dactionnaires , Rev. socits, 1991, p. 1 ; D. VELARDOCCHIO-FLORES,
op. cit., en particulier, p. 25 184.
618

Voir, L. FAUGEROLAS et D. MARTIN, prcit ; J.-P. STORCK, La validit des conventions extrastatutaires , prcit, p. 267 ; D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., en particulier, p. 189 245.
619

Dont nous avons dj vu que la nature, conventionnelle ou non, dpend de son mode dlaboration. Prcisons
encore que le rglement intrieur peut galement (mais cela nentre pas dans le cadre de notre tude) tre intgr
aux statuts dont il ne se distingue alors pas sil a t adopt dans les mmes conditions queux , Y. GUYON,
Les socits, amnagements statutaires et conventions entre associs, op. cit., n 13, p. 33 et 34.
620

P. LE CANNU, Le rglement intrieur des socits , prcit, n 7.

116

Contribution lanalyse normativiste du contrat


sur un compte dbiteur par les associs621, une clause compromissoire622, lexclusion dun
associ623, ou encore prciser les pouvoirs du conseil dadministration624.

181.

Les pactes dassocis ont galement souvent pour objet lamnagement de la

transmission du capital social. Ils peuvent assurer une parfaite stabilit du capital625, en
cristallisant626 cet lment dans les mains de ses dtenteurs, par le biais de clauses
dinalinabilit627. Lamnagement peut tre plus souple et permettre de faire voluer le
capital tout en maintenant une certaine stabilit. Ces conventions peuvent alors instaurer de
classiques pactes de prfrence ou encore des promesses unilatrales dachat ou de vente628.

182.

Enfin, les parties peuvent amnager les droits rsultant de leur proprit sur leurs parts

sociales, par des conventions de vote , ou par des pactes relatifs la rpartition des
bnfices et des pertes629.

183.

Il existe donc une grande varit de conventions prenant plusieurs formes et ayant des

parties diffrentes et les objets les plus divers. Un point unit cependant toutes ces conventions,
la question de leur validit630. Ce point doit videmment sapprcier la lumire des
diffrentes dispositions lgislatives existantes, aussi bien en droit des socits, quen droit

621

Civ. 1, 8 octobre 1996, Bull. civ. I, n 345, p. 242; D. 1997, p. 232, note J.-C. HALLOUIN.

622

Civ. 1, 20 septembre 2006, Bull. civ. I, n 403, p. 349.

623

D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 29, p. 47.

624

Ibid., p. 48.

625

L. FAUGEROLAS et D. MARTIN, prcit, n 2.

626

G. PARLEANI, prcit, n 8.

627

Ces clauses sont (en application du droit commun en la matire Article 900-1 du Code civil qui dispose
que : Les clauses dinalinabilit affectant un bien donn ou lgu ne sont valables que si elles sont
temporaires et justifies par un intrt srieux et lgitime ) valables quand elles sont temporaires, v. sur ce
point, D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 167, p. 161 ; v. encore, C. FERRY, Porte des clauses
dinalinabilit ayant pour objet des actions , Dr. des socits, n 7, Juillet 2010, tude 12.
628

L. FAUGEROLAS et D. MARTIN, prcit, n 3.

629

D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 59 et s. pp. 77 96.

630

J.-P. STORCK, La validit des conventions extra-statutaires , prcit, p. 267, et toutes les autres tudes
cites qui consacrent une part importante la question de la validit de ces conventions.

117

La hirarchie des normes conventionnelles


commun631, mais cela ne suffit pas. Une autre condition doit tre satisfaite.
b. Des conventions soumises aux stipulations statutaires.
184.

Les conventions extra-statutaires occupent incontestablement un rang subordonn

dans la hirarchie des dispositions rglementant le fonctionnement des socits 632. Leur
validit est donc galement conditionne au respect des normes juridiques suprieures, dont
les statuts, puisquil est inconcevable quun simple accord entre associs puisse leur porter
atteinte 633. Toute la doctrine saccorde sur ce point et nombreux sont les auteurs qui
relvent, loccasion dtudes portant sur une convention particulire634, ou sur la question de
ces conventions en gnral635, quelles ne sont rgulirement conclues que lorsquelles ne
sont pas contraires () une stipulation imprative des statuts 636.

185.

Ds lors, dans une hypothse o un contrat dadhsion une socit cooprative et les

stipulations des statuts de celle-ci prvoient une dure minimale dadhsion diffrente, les
statuts doivent tre privilgis637.

186.

Cette rgle sert de rfrence pour juger la licit dautres conventions, elle entraine la

nullit de toute convention qui lui porte atteinte.

631

L. FAUGEROLAS et D. MARTIN, prcit, n 7 et s.

632

J.-P. STORCK, Ibid. p. 267, n 4.

633

Ibid. p. 268, n 9.

634

propos du rglement intrieur pas exemple : P. LE CANNU, Le rglement intrieur des socits ,
prcit, n 17.
635

Y. CHAPUT, La libert et les statuts , prcit, p. 368 ; Y. GUYON, Les socits, amnagements
statutaires et conventions entre associs, op. cit., n 201, p. 309 ; J.-P. STORCK, prcit, Ch., p. 267, n 4 ; G
RIPERT et R. ROBLOT, par M. GERMAIN, Trait de droit commercial, t. 1, vol. 2, Les socits commerciales :
LGDJ, 18me dition, 2002, n 1623, p. 398 ; D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 250 et s. p. 216 et s.
636

Y. GUYON, Ibid.

637

Civ. 1, 13 juin 1995, Bull. civ., I, n 252, p. 177; Rev. des socits, 1996, p. 75, note Y. GUYON ; RTD com.
1996, p. 80, note JEANTIN M. ; v. encore en matire de socit cooprative, pour des statuts prvoyant un
transfert de proprit immdiat et une convention postrieure de rserve de proprit, Civ. 1, 13 fvrier 2001,
Rev. Socits, 2001, p. 834, note B. SAINTOURENS ; RTD civ. 2002, p. 92, note J. MESTRE, B. FAGES ; v.
encore trs rcemment dans le mme sens, Com. 8 dcembre 2009, Dr. rural, n 383, 2010, comm. 65, note
BARBIERI J.-J.

118

Contribution lanalyse normativiste du contrat


2. Des rfrences conditionnant la validit des conventions entre associs.

187.

Invalidit de lacte violant les statuts Dans lhypothse o un pacte dassocis

localis hors des statuts violerait une disposition du pacte social, jurisprudence et doctrine
semblent saccorder considrer que les statuts doivent primer. Toute clause dune telle
convention est nulle638 (ou inopposable639). Les stipulations du rglement intrieur dune
socit anonyme ne peuvent donc pas contredire les statuts de cette socit. dfaut, leur
nullit est encourue640. Dans une telle situation, avantage doit tre donn la norme
hirarchiquement suprieure, les statuts641.

188.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles Dans leurs rapports

avec les conventions extra-statutaires, les statuts occupent trs clairement une place
hirarchiquement suprieure une autre convention. En effet, ces derniers servent de
rfrence pour juger de la possibilit de stipuler valablement telle ou telle clause dans un
pacte extra-statutaire. Cest parce que les statuts prvoient une dure minimale dadhsion
diffrente de celle prvue par un bulletin dadhsion que les stipulations de ce dernier sont
nulles. Cest encore en rfrence la rpartition du capital entre diffrents associs, et en
rapport aux clauses figurant dans les statuts visant amnager cet quilibre, que seront
valides ou non les conventions entre associs ayant un objet proche ou identique. Dans toutes
ces hypothses, ce sont vritablement les statuts, acte juridique conventionnel, qui vont
dterminer quelles conditions dautres actes juridiques conventionnels seront ou non
valablement conclus. Cet exemple dmontre la ralit de la hirarchisation des conventions en
droit positif. Le droit des socits en offre dautres illustrations.

638

J.-P. STORCK, prcit, p. 268, n 11 ; D. VELARDOCCHIO-FLORES, op. cit., n 262, p. 222 et n 267 et s.
p. 228 et s.
639

CA Paris, sect. A, 6 dcembre 2005, prcit.

640

Com. 2 juin 1987, Bull. civ. IV, n 133, p. 102, Mais attendu que, rpondant aux conclusions invoques, la
cour dappel a retenu que les stipulations d'un " rglement intrieur " contraire aux statuts constituent
simplement en elles-mmes une violation de ces statuts et que leur nullit peut tre souleve par tout intress
sans entraner pour autant la nullit de la socit elle-mme ; qu'elle a ainsi lgalement justifi sa dcision .
641

Civ. 1, 13 juin 1995, Bull. civ. I, n 252, p. 177, Rev. Soc., 1996, p. 75, obs. Y. GUYON; RTD com. 1996, p.
80, note M. JEANTIN.

119

La hirarchie des normes conventionnelles


B. Supriorit hirarchique des statuts lgard des conventions de la socit
contractante642.
189.

Les statuts se posent encore comme une rfrence permettant dapprcier la rgularit

dautres conventions passes par la socit en tant que contractant, et non plus en tant
quobjet de contrat. Les contrats forms par la socit prsentent la spcificit juridique643
de voir leur validit influence par les statuts. Cette ralit se trouve particulirement mise en
valeur dans la confrontation des conventions conclues par la socit avec lobjet social de la
personne morale (1), dont le respect simpose cette dernire et ses cocontractants (2).

1. Stipulations rfrences.

190.

Lobjet social est dfini dans chaque socit par les statuts. Mme si son rle

originaire tait dcisif 644, en ce quil dterminait la capacit de la personne morale645 (ses
dirigeants ne pouvant lengager que dans la limite de cet objet646), son rle est aujourdhui en
dclin647. Il conserve cependant une importance souvent capitale, les stipulations relatives
lobjet social (a) pouvant rendre valide, ou non, toute une srie de conventions (b).
a. Contenu de lobjet social.

191.

Lobjet social est dfini comme le genre dactivit que la socit se propose

dexercer en vue de faire des bnfices ou des conomies 648. Il dtermine donc le champ de
lactivit de la socit. La tendance est certainement la rdaction de plus en plus large des
statuts de manire ne pas avoir les remanier trop frquemment, mais quelques clauses
prcises peuvent cependant tre stipules dans la dfinition de lobjet social. Il peut ainsi
642

Sur cette question v., C. PRIETO, La socit contractante, (prface J. MESTRE), PUAM, Coll. Institut de
droit des affaires, 1994.
643

J. MESTRE, La spcificit juridique des contrats conclus par les socits , Revue Lamy droit civil, 2004,
n1, p. 41, v. en particulier la premire partie.
644

R. BESNARD-GOUDET, J.-Cl. Socits Trait, v Objet social - Notion et influence sur la condition
juridique de la socit, fasc. 9-10, n 1.
645

G. RIPERT et R. ROBLOT, par M. GERMAIN, op. cit., n 1056-60, p. 42.

646

Ibid.

647

Ibid.

648

P. MERLE, Droit commercial, socits commerciales, 13me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 2009, n 52, p. 80.

120

Contribution lanalyse normativiste du contrat


prvoir, outre lactivit qui sera exerce par la personne morale, les lieux dans lesquels devra
avoir lieu lactivit de la socit, les modalits selon lesquelles sera exerce lactivit
(lexploitation directe ou en location grance par exemple dun fond de commerce), ou bien
encore le nom de ltablissement qui sera lobjet de lactivit de lentreprise.

192.

Toutes ces stipulations simposent avec plus ou moins de force aux conventions que la

socit sera amene conclure via le truchement de ses dirigeants.

b. Des stipulations imposes la socit contractante.


193.

Deux types datteintes lobjet statutaire sont prohibes et rpondent deux rgimes

diffrents. Les dirigeants des personnes morales en question peuvent dabord, par diverses
conventions, dpasser lobjet statutairement dfini (i). Il est galement des hypothses dans
lesquelles les actes des dirigeants ont pour consquence de faire disparatre lobjet social (ii).
i. Dpassement de lobjet social.
194.

Plusieurs conventions peuvent avoir pour consquence un dpassement prohib de la

spcialit statutaire, nous en prsenterons seulement une illustration propos des garanties
(conventionnelles) consenties par la socit. Il ne sagit pas de faire un point sur une
question649 dont le caractre fluctuant650 en jurisprudence conduit certains auteurs concder
quelle apparat rebelle la synthse 651. Nous mettrons simplement en vidence
linfluence que peut avoir lobjet social sur ces garanties conventionnelles (cautionnements652,
nantissements653 ou encore hypothques). Consentir une telle garantie, un cautionnement le
plus souvent654, peut parfaitement savrer conforme lobjet social. Outre les exemples des
banques ou des socits de caution mutuelle, dont lobjet mme est de conclure ce type de

649

Sur cette question voir par exemple, H. HOVASSE, Les cautionnements donns par les socits et lobjet
social , Dr. et patrimoine 4/2001, p. 76.
650

R. BESNARD-GOUDET, op. cit., n 16.

651

H. HOVASSE, prcit, p. 76.

652

Com., 14 juin 2000, BJS, 2000, p. 1054, note A. COURET.

653

Com., 26 janv. 1993, Rev. Socits, 1993, p. 396, note J.-F. BARBIERI.

654

R. BESNARD-GOUDET, op. cit., n 13.

121

La hirarchie des normes conventionnelles


conventions655, il est de nombreuses hypothses dans lesquelles le juge admet sans aucune
difficult cette conformit656. Celle-ci nest pas pour autant automatique et lobjet social
interdit parfois que le dirigeant dune socit consente valablement une garantie. Il en est ainsi
ds lors que lengagement consenti par le dirigeant est totalement tranger l'objet social657.
Il en va encore de la sorte pour la plupart des cautionnements de dettes personnelles dun
associ658, y compris lorsque la dette a t contracte par un associ dans le but dacqurir des
parts dans la socit caution659.

195.

Les statuts, dans la dfinition quils donnent de lobjet social, exercent un rle de

norme rfrence en vertu de laquelle sera juge la rgularit dun acte conventionnel. Si lacte
entre dans le cadre de lobjet social il sera rgulier. Conclu au-del de lobjet social il ne le
sera pas. La situation est identique lorsquune convention modifie lobjet social.
ii. Modification de lobjet social.

196.

Si les dirigeants peuvent accomplir dans leurs rapports avec les tiers un grand nombre

dactes, leurs pouvoirs ne sont cependant pas sans limites. Ces derniers sont en effet borns
par les prrogatives attribues par la loi aux autres organes sociaux, dont lassemble gnrale
extraordinaire, souvent seul organe habilit modifier les statuts. Partant, si les actes qui
n'entrent pas dans l'objet social engagent [parfois] la socit, c'est condition qu'ils
n'entranent pas une modification de cet objet social 660. Trois types dactes peuvent, selon

655

H. HOVASSE, prcit, 76.

656

Il est notamment frquemment admis quune socit civile immobilire, bailleresse, se porte caution des
dettes de la socit locataire, ou dune socit avec laquelle elle a des associs communs (v. par exemple, Civ. 1,
1er fvrier 2000, BJS., 2000, p. 501, Note A. COURET) ou quune socit mre cautionne des dettes de sa filiale
ou de ses fournisseurs ou clients (sur ce point, v. H. HOVASSE, prcit, p. 77).
657

Civ. 1, 6 mars 1979, Bull. civ. I, n 81; RTD com., 1979, p. 753, observations E. ALFANDARI, M. JEANTIN
Une cour dappel a donc pu dcider dans une hypothse o l'objet social d'une socit civile immobilire
consistait en l'exploitation de proprits rurales et en la gestion d'immeubles, que l'engagement de cautionner
une SA n'entre pas dans cet objet et n'est donc pas de la comptence du grant .
658

Com., 14 juin 2000, prcite.

659

Com., 26 janvier 1993, prcit ; comme le relve un auteur, a priori, on ne voit pas () comment la
garantie de dettes personnelles d'un associ pourrait entrer dans l'objet social d'une socit , R. BESNARDGOUDET, op. cit., n 26.
660

Ibid. n 2.

122

Contribution lanalyse normativiste du contrat


un auteur661 avoir cette consquence. Ceux portant sur les biens sociaux, sur le mode
dexploitation de lactivit, ou enfin, ceux qui entranent la disparition de lobjet social.

197.

Les reprsentants dune socit ne peuvent donc, sans modifier de fait les statuts,

aliner les biens tels un fonds de commerce ou une marque ou mme un immeuble, qui sont
expressment mentionns dans les statuts, comme lis la ralisation de lobjet, leur cession
ncessitera lintervention de lassemble comptente pour modifier les statuts . Le grant
dune SARL le journal de Doullens ne peut donc pas cder sans laccord de lassemble
gnrale extraordinaire le journal du mme nom662. La chose est identique en ce qui concerne
le mode dexploitation dune activit. Si les organes de gestion ont normalement comptence
pour modifier le mode dexploitation de lactivit, une modification de fait de lobjet social
peut rsulter exceptionnellement de la mise en location grance dun fond de commerce
lorsque ce mode dexploitation est vis par les statuts. Les dirigeants ne peuvent donc pas
seuls accomplir cet acte663. Enfin, les actes emportant disparition de lobjet social peuvent
galement avoir pour effet de modifier les statuts, ce qui limite donc les pouvoirs des
dirigeants sociaux au profit de la collectivit des associs. La Cour de cassation a par exemple
retenu que lassemble gnrale ordinaire ne pouvait pas autoriser le prsident du conseil
dadministration dune socit vendre un fonds de commerce, seul actif dune socit664,
puisque cela privait de fait la socit () de toute possibilit de remplir son objet
social 665.

198.

Toutes ces atteintes, dpassements, ou modifications de lobjet social, peuvent

conduire linvalidit de la convention conclue par la socit.

2. Des rfrences conditionnant la validit des conventions de la socit contractante.


199.

Les prrogatives des dirigeants sociaux sont donc limites par une stipulation

statutaire, lobjet social. La sanction des actes non conformes lobjet social est

661

La classification tant celle retenue par Madame PRIETO C., La socit contractante, op. cit., n 126, p. 93.

662

Com. 12 janvier 1988, Bull. civ. IV, n 24, p. 16, LPA 1988, n 107, p. 2, note P. MORETTI.

663

C. PRIETO, op. cit., n 128, p. 94.

664

Com. 24 juin 1997, Rev. Soc., 1997, p. 792, note P. DIDIER.

665

Ibid.

123

La hirarchie des normes conventionnelles


cependant diffrente selon latteinte porte lobjet statutaire et la forme sociale en question.

200.

Dpassement de lobjet social Les violations conventionnelles de lobjet social

chappent parfois une sanction emportant leur validit. Il est en effet de principe en matire
de socits risque limit, depuis lordonnance du 20 dcembre 1969, que la spcialit
statutaire nest pas opposable aux tiers666. La personne morale est donc engage si lacte est
accompli par un dirigeant social rgulirement nomm667 (lacte irrgulier accompli au mpris
de lobjet social a seulement pour effet dengager la responsabilit de lauteur de lacte668).

201.

Le principe sinverse en revanche ds lors que lacte a t conclu par des dirigeants

avec des tiers de mauvaise foi669. Lobjet social est alors pleinement opposable aux tiers la
socit670. La chose est identique en matire de socits risque illimit, que le tiers
contractant soit ou non de mauvaise foi. Les associs tant tenus indfiniment du passif
social671, la socit nest engage que par les actes entrant dans lobjet social672.

202.

Dans ces deux hypothses, cette opposabilit aux tiers de la spcialit statutaire permet

de frapper de nullit673 lacte irrgulirement accompli. La solution est invitable 674. Elle
666

Il est ainsi prvu en matire de socit responsabilit limite par larticle 223-18, alina 5, du Code de
commerce que dans les rapports avec les tiers, la socit est engage mme par les actes du grant qui ne
relvent pas de lobjet social ; la solution vaut galement pour dautres types de socits. En matire de socit
anonyme les articles 225-35 et 225-64 disposent que dans les rapports avec les tiers, la socit est engage
mme par les actes du conseil dadministration [ou du directoire] qui ne relvent pas de lobjet social . En
matire de SAS, cest larticle 227-6 du Code de commerce alina 2, qui prvoit que dans les rapports avec
les tiers la socit est engage mme par les actes du prsident qui ne relvent pas de lobjet social .
667

Y. CHAPUT, Rp. Dr. Socit, Dalloz, v Objet social, n 54.

668

NGUYEN XUAN CHANH, Le sort des actes irrgulirement accomplis au nom dune socit
commerciale , D. 1978, Ch., p. 69, n 2.
669

Articles 227-6 alina 2 ; 225-35 et 225-64, alina 2 ; 223-18 alina 5 du Code de commerce qui disposent tous
moins quelle ne prouve que les tiers savaient que lacte dpassait cet objet ou quil ne pouvait pas lignorer
compte tenu des circonstances .
670

NGUYEN XUAN CHANH, prcit, n 4.

671

Y. GUYON, Droit des affaires, Tome I, 12me dition, Economica, Coll. Droit des affaires et de lentreprise,
2003, n 266, p. 268.
672

Article 221-5 alina 1 du Code de commerce pour les socits en nom collectif et 1849 alina 1 du Code civil
en matire de socit civile : Dans les rapports avec les tiers, le grant engage la socit par les actes entrant
dans lobjet social .
673

J. PICARD, L'acte conclu par un dirigeant avec dpassement de ses pouvoirs : nullit/inopposabilit , Dr.
socits, juin 1998, p. 4.

124

Contribution lanalyse normativiste du contrat


vaut pour les actes passs avec des tiers connaissant (ou ne pouvant ignorer) le dpassement
de lobjet social675 en matire de socits risque limit. Elle vaut encore pour les actes
conclus par une socit responsabilit illimite676.

203.

En matire de modification de lobjet social Ici les choses sont plus simples et

aucune distinction ne doit tre faite. Comme le relvent certains en matire de socits
anonymes, tout acte dun dirigeant qui porte atteinte l'objet social est nul de soi comme
accompli en dehors des limites que la loi elle-mme trace aux pouvoirs du prsident 677. La
solution stend aux autres socits.

204.

Sont ainsi annulables les ventes, consenties par les seuls dirigeants dune socit, dun

fonds de commerce de salle de spectacle lorsque la socit avait pour unique activit
lexploitation de la salle en question678, ou celle du journal portant le mme nom que la
socit cdante679.

205.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles La violation de la

spcialit statutaire, et donc des statuts qui la dfinissent, par une convention laquelle la
socit est partie permet de nouveau dillustrer la supriorit hirarchique dune convention
sur une autre rgle de mme nature. Dans les hypothses que nous avons tudies, cest
indniablement une stipulation conventionnelle qui dtermine les conditions de la validit
dune autre convention. Cest en effet parce que les fondateurs de la socit dsignent dans
lobjet social un bien qui doit tre exploit par la socit que les conventions par lesquelles
sont alins ces biens sont frappes de nullit. Cest par rfrence une convention que la
validit de lalination conventionnelle est apprcie. Mentionn dans les statuts, un bien ne
peut tre alin sans autorisation de la collectivit des associs, ignor des statuts, il peut
ltre. Il en va de mme pour ce qui est du cautionnement dun acte par une socit. Le

674

Ibid. n 5.

675

Ibid.

676

Ibid. n 8.

677

P. DIDIER, L'organe comptent lors de la cession de l'actif d'une socit , note sous Com. 24 juin 1997,
Rev. socits, 1997 p. 792.
678

Com. 24 juin 1997, Bull. civ., IV, n 206, p. 179, Ibid.

679

Com. 12 janvier 1988, prcit.

125

La hirarchie des normes conventionnelles


cautionnement donn par un dirigeant social680 sera jug invalide sil nentre pas dans lobjet
social. Si les statuts prvoient au contraire cette possibilit, il sera valable. Cest encore par
rfrence une convention que la validit dune autre sera juge. Dautres exemples de la
supriorit des statuts pourraient encore tre trouvs hors des seuls rapports entre statuts et
conventions entre associs ou conventions de la socit contractante.

206.

Le droit des socits illustre donc merveille la ralit de la hirarchie entre

conventions en droit positif. Une autre convention claire galement cette ralit, il sagit du
rglement de coproprit.

2. Le rglement de coproprit.

207.

Le rglement de coproprit est une convention681 qui exerce une influence

considrable sur un grand nombre dactes conventionnels. Il est, linstar des statuts de la
socit ou dune association, la Constitution 682, la charte 683, de limmeuble en
coproprit. Le rglement de coproprit est un acte-rgle. Il gouverne d'autres actes dont il
dtermine le rgime ou le contenu 684. ce titre, il peut noncer en partie les conditions dans
lesquelles doivent se tenir les assembles gnrales de copropritaires, les charges dont
doivent sacquitter ces derniers, lutilisation qui doit tre faite des diffrentes parties de
limmeuble ou les prrogatives des copropritaires en matire dalination de leurs biens. Les
exemples dans lesquels cette convention est utilise comme une rgle rfrence lgard
dautres conventions sous peine dinvalidit de ces dernires sont innombrables. Parmi ceux
relevs nous nen prsenterons que quelques uns, les plus rvlateurs, les plus importants, ou
les plus originaux, dans le but de dmontrer que le rglement de coproprit est une rgle qui
va servir de rfrence (A) pour juger de la validit dune autre convention portant sur la
gestion ou la disposition du bien soumis la coproprit (B).

680

Exception faite de la convention contracte avec un tiers de bonne foi dans une socit risque limit.

681

Sur la nature juridique du rglement de coproprit v. infra, n 338 et s., spc. n 397 400.

682

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, La coproprit, Dalloz, Coll. Dalloz Action, 2010-2011, n


543.
683

F. ALIBERT, A. DEBEAURAIN, G. FAU, R. PORTE, J.-P. RYF, Le rglement de coproprit , Ann.


Loyers, 1971, p. 521.
684

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., Dalloz, v- Coproprit des immeubles btis, n 142.

126

Contribution lanalyse normativiste du contrat


A. Stipulations rfrences.

208.

Le rglement de coproprit a pour but dorganiser la vie de la coproprit685 et cela ne

serait pas possible sans quun minimum de latitude ne soit concde aux rdacteurs du
rglement pour dfinir tel quils lentendent le standing de leur immeuble. La libert
contractuelle de ces derniers se voit alors restreinte par lobligation de respecter les exigences
expressment formules dans le rglement de coproprit686, dans leurs rapports avec des
cocontractants notamment. ct des restrictions imposes directement par le rglement (1),
la charte de la coproprit peut galement par certains aspects dfinir les titulaires de droits
attachs aux lots. Cette rpartition des droits par le rglement dtermine bien entendu, dans
une certaine mesure, la rgularit de conventions conclues par les titulaires de lots (2).

1. Stipulations restreignant les prrogatives des propritaires.

209.

Protectrices des droits de proprit, les dispositions rgissant limmeuble en

coproprit limitent videmment dans une certaine mesure les atteintes qui peuvent tre
portes par le rglement la possibilit pour un propritaire de jouir et de disposer de son
bien. Ainsi, plusieurs clauses restreignant trop les possibilits dexercer pleinement son droit
de proprit sur un lot sont rputes non-crites. Cependant, la constitution de la
coproprit peut contenir des stipulations qui auront pour objet de restreindre le droit de
donner bail le bien dtenu dans une coproprit (a), tout comme le droit de disposer de ce
bien (b), la condition que les restrictions aux droits des copropritaires soient justifies par
la destination de l'immeuble687.

a. En matire de baux.

210.

Restriction du droit de donner un lot bail Le rglement de coproprit peut

contenir diverses restrictions au droit de donner bail un lot de coproprit. Ces restrictions
peuvent tre plus ou moins tendues et lon peut valablement stipuler des clauses prohibant
685

E. KISCHINEWSKY-BROQUISSE, La coproprit des immeubles btis, 4me dition, Litec, 1989 n 536, p.
593.
686

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., op. cit., n 687.

687

Larticle 8 alina 2 de la loi de 1965 dispose que : Le rglement de coproprit ne peut imposer aucune
restriction aux droits des copropritaires en dehors de celles qui seraient justifies par la destination de
l'immeuble, telle qu'elle est dfinie aux actes, par ses caractres ou sa situation .

127

La hirarchie des normes conventionnelles


dexercer une activit commerciale en particulier, voire, dans certains immeubles, des clauses
prohibant lexercice de toute activit commerciale dans un lot usage dhabitation688. Il en va
de mme en matire de baux dhabitation. Le rglement peut prohiber la location un nombre
trop important de personnes689, voire, dans certains immeubles de grand standing , toute
location690.

211.

Ds lors, le preneur ne [pouvant] prtendre avoir plus de droits que son

propritaire 691, un copropritaire ne peut pas consentir un locataire un bail autorisant


exercer dans les lieux une activit incompatible avec la destination des locaux, dans la
mesure au moins o le respect de celle-ci est ncessaire au maintien des caractres
d'ensemble de l'immeuble 692. De la mme manire, le bail consenti une socit qui exerce
une activit de loueur professionnel en meubl, alors que le rglement de coproprit interdit
toute activit commerciale dans les locaux usage d'habitation, est irrgulier693 ; tout comme
quand le rglement le prvoit, un bail consenti une personne trangre la coproprit. Le
rglement est dans cette situation une rfrence qui permet dapprcier la rgularit dune
autre convention. Cette situation peut galement tre observe en matire de mutation des
lots.

b. En matire de mutation des lots.

212.

En matire de mutation de lots L encore, les possibilits de restrictions sont

limites694 par les dispositions de larticle 8 alina 2 de la loi de 1965. Plusieurs


amnagements sont nanmoins admis. Parmi ceux-ci, peuvent tre stipules des clauses

688

Civ. 3, 4 janvier 1991, Bull. civ. III, n 2, p. 1 ; Rev. Dr. imm. 1991, p. 248 Note P. CAPOULADE, C.
GIVERDON ; RTD civ. 1992, p. 138, Note P.-Y. GAUTIER.
689

CA Versailles, 18 octobre 1983, D. 1984, IR 382, obs. C. GIVERDON.

690

Lorsque celles-ci risquent, par exemple, dengendrer une augmentation significative du nombre des usagers
des parties communes de nature menacer la qualit de limmeuble, CA Paris, 27 avril 1984, D. 1984, IR 385,
obs. C. GIVERDON.
691

Civ. 3, 18 novembre 1992, Loyers et coproprit, 1993, n 68.

692

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., op. cit., n 660.

693

Civ. 3, 4 janvier 1991, prcit.

694

F. ALIBERT, A. et J. DEBEAURAIN, G. FAU, R. PORTE, J.-P. RYF, prcit, p. 566, n 88.

128

Contribution lanalyse normativiste du contrat


dagrment ou de prfrence695/696. Cette possibilit est au cur de lune des mesures de la loi
du 25 mars 2009697, qui insre dans la loi du 10 juillet 1965 un nouvel article 8-1, qui dispose
que le rglement de coproprit de certains immeubles peut prvoir une clause attribuant un
droit de priorit aux copropritaires l'occasion de la vente de lots exclusivement usage de
stationnement au sein de la coproprit .

213.

Prohibition de la division de lots Les auteurs du rglement peuvent encore insrer

des stipulations prohibant la vente dune fraction dun lot. Ces clauses sont en principe
interdites et lon affirme que toute restriction au droit de mutation lui-mme serait nulle698.
Cependant si la division d'un lot relve de la libert du copropritaire intress 699,
lexception est l encore admise dans les conditions dj exposes de lalina 2 de larticle 8
de la loi de 1965700. Le syndicat () peut s'opposer cette division () si elle est contraire
la destination de l'immeuble 701. Ces stipulations, que lon peut galement imaginer en
matire de bail, sont rgulirement admises par la jurisprudence702 qui dcide quelles sont
valables, par exemple, dans le cas dun immeuble cossu et bien entretenu, qui tait occup
seulement par huit copropritaires, qui tait situ dans un quartier rsidentiel alors que la
volont des copropritaires tait d'assurer un petit nombre de personnes un mode de vie,
caractris par un nombre rduit d'appartements spacieux, favorisant la tranquillit de
chacun par la sparation des parties d'habitation de celles rserves au service dans un
immeuble vocation essentiellement bourgeoise, et que cette volont des rdacteurs du
rglement n'tait contredite par aucune autre clause relative l'occupation ou la location,
695

G. VIGNERON, J.-Cl. Coproprit, v Alination de lots, Constitution de droits rels, fasc. 68-10, n 21, leur
validit est cependant conteste.
696

Sur ce point, nous renvoyons vers nos dveloppements ultrieurs relatifs aux pactes de prfrence, infra,
n261 et s.
697

Loi n 2009-323 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, sur les mesures relatives la
coproprit v. C. ATIAS, La rforme du statut de la coproprit des immeubles btis par la loi n 2009-323 du
25 mars 2009 , AJDI 2009, p. 284.
698

F. ALIBERT, A. et J. DEBEAURAIN, G. FAU, R. PORTE, J.-P. RYF, prcit, p. 566, n 89.

699

Civ. 3me, 26 mai 1988, Bull. civ. III, n 98 p. 55 ; D. 1989, p. 421, Note C. ATIAS.

700

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., op. cit., n 691.

701

Civ. 3me, 26 mai 1988, prcit.

702

C. GIVERDON, Hommage rendu la volont exprime dans le rglement de coproprit , observations


sous, Civ. 3me, 4 juin 1998 Patrick Simon c/ Syndicat des copropritaires. 12, rue Oswaldo-Cruz 75016 Paris,
Rev. Dr. Imm., 1998 p. 416 ; J. LAFOND et B. STEMMER, Code de la coproprit, Litec, Coll. JurisCode,
2005, n 170, p. 48.

129

La hirarchie des normes conventionnelles


et se trouvait conforte par l'absence de constitution des chambres de service en lots spars
et par la possibilit d'changes de ces chambres entre les propritaires dans la maison 703.

214.

Le rglement de coproprit simpose donc, dans tous les exemples cits, une autre

norme de nature conventionnelle. Il est une rfrence en vertu de laquelle sera juge la
rgularit de certaines conventions quil a pour objet dautoriser, de prohiber ou dencadrer.
Son rle de norme de rfrence ne se limite pas cela.

2. Dfinition des parties privatives et des droits de jouissance exclusive .

215.

Dfinition des parties privatives par le rglement Le rglement de coproprit a

toujours pour objet initialement de dsigner les parties communes et privatives. Il lui revient
galement parfois de prvoir que certains travaux raliss par des copropritaires seuls sur une
partie commune seront la proprit de ceux-ci. dfaut de prcision lors des travaux, ils sont
considrs comme une partie commune704. En attribuant ainsi un droit de proprit sur une
partie, ou sur le rsultat de travaux (par exemple un ascenseur), le rglement de coproprit se
pose comme une rfrence qui permettra de juger de la validit de certaines conventions
portant sur ces parties.

216.

Droits de jouissance exclusive Dans le mme ordre dide, se trouve la question

des droits de jouissance exclusive dune partie commune. Il est des hypothses, assez
frquentes, dans lesquelles des parties communes de limmeuble, cours, terrasses, jardins,
balcons705 sont mises la disposition exclusive dun seul copropritaire. Ces droits se
distinguent cependant clairement des parties privatives706. Le copropritaire titulaire du droit
de jouissance exclusive ne peut, sans autorisation de lassemble gnrale, en disposer au
profit de quelqu'un dautre 707 sparment de son lot708.

703

Civ. 3me, 4 juin 1998, observations, C. GIVERDON, prcit.

704

GIVORD F, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op. cit., n 1048-1.

705

G. VIGNERON, J.-Cl. Coproprit, v Statut de la coproprit, lments constitutifs de la coproprit,


parties communes et parties privatives, fasc. 62, n 42.
706

J. LAFOND et B. STEMMER, Code de la coproprit, op. cit., n 259, p.86 ; G. VIGNERON, J.-Cl.
Coproprit, v Droits et obligations des copropritaires, parties communes, attribution de droits dusage
privatif, fasc. 67, n 35.
707

E.-J. GUILLOT, commentaire sous, Civ. 3, 4 janvier 1990, Administrer, octobre 1990, p. 50.

130

Contribution lanalyse normativiste du contrat


217.

Le rglement de coproprit contient un nombre important de stipulations qui sont une

rfrence par rapport laquelle sera apprcie la possibilit de conclure ou non une autre
convention ou, au moins, de garnir cette convention de toutes les stipulations souhaites.
Cette influence du rglement de coproprit sur des actes juridiques conventionnels est
indniable. Mais influence nest pas hirarchie, celle-ci ne stablit dans lacception adopte
que dans la mesure o la validit de lacte conclu irrgulirement est atteinte. Tel est le cas
dans les hypothses que nous avons prsentes.

B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions portant sur les lots de
coproprit.

218.

Dans toutes les hypothses que nous avons prcdemment envisages, la violation des

stipulations du rglement de coproprit entrane linvalidit de lacte conclu en violation de


la norme conventionnelle tudie. La solution vaut lgard des conventions qui ont viol les
restrictions de jouissance et de disposition poses par le rglement quand elles sont justifies
par la destination de limmeuble. Elle vaut encore, de manire assez vidente, lorsque les
parties se sont comportes comme titulaires de droits quelles ne possdaient pas en vertu des
stipulations du rglement de coproprit.

219.

Nullit (ou inopposabilit) des actes conclus en violation des restrictions aux

droits des copropritaires Mme sil existe dautres sanctions qui sont souvent plus
utilises que la nullit ou linopposabilit en matire datteinte aux restrictions
conventionnelles poses par le rglement, linvalidit de lacte peut assurment frapper toutes
les violations de la charte de la coproprit. Dans lhypothse dun bail conclu en infraction
aux rgles dtermines par le rglement, la jurisprudence reconnat au syndicat des
copropritaires la possibilit dagir en annulation709. Mme si un doute subsiste, en labsence
dune jurisprudence fournie de la Cour de cassation quant savoir si la sanction est une
vritable nullit ou une inopposabilit710, lacte est atteint dans sa validit.
708

Civ. 3, 25 janvier 1995, Bull. civ. III, n 29 p. 17 ; Rev. Dr. Imm., 1995, p. 370, note P. CAPOULADE C.
GIVERDON, AJDI 1995, p. 868, Comm. R. LEOST.
709

Civ. 3, 9 juin 1993, Bull. civ. III, n 82; Rev. Dr. Imm., 1993, p. 429, Note P. CAPOULADE, C. GIVERDON
; D. 1994, p. 127, Note C. ATIAS.
710

En ce sens, C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., Dalloz, v- Coproprit des immeubles btis, n 660; Cet auteur
prcise que le bail demeure sans doute valable dans les rapports entre le bailleur et le locataire, il s'agirait alors
d'inopposabilit et non de nullit. Le peu de jurisprudence disponible ne permet pas de se faire une ide prcise

131

La hirarchie des normes conventionnelles


220.

Les clauses restreignant la possibilit de diviser un lot, et donc de vendre une partie de

ce lot, doivent connatre, nous semble-t-il, le mme sort. Il est en effet possible de les analyser
en une clause dinalinabilit autonome de celle du droit commun711. La dfinition de cette
clause, par laquelle, un bien ne peut tre lobjet dune alination () en vertu de la volont
de lhomme 712, correspond parfaitement la ralit des stipulations pouvant tre prvues par
le rglement. Si les conditions dans lesquelles il est possible dy recourir sont sensiblement
diffrentes de celles prvues par le droit commun, il ny a sans doute aucune raison de faire
une diffrence au niveau de la sanction, la nullit (ce qui compte tenu des dispositions de
larticle 4 du dcret de 1967713 est tout fait lgitime). Il en va dailleurs ainsi pour ce qui est
de la violation de la priorit cre au profit des copropritaires en vertu des dispositions de la
rcente loi du 25 mars 2009 que nous venons dvoquer714.

221.

Nullit des actes conclus sur des biens au-del des droits attribus par le

rglement de coproprit La vente dune partie dfinie par le rglement comme une partie
commune, quand bien mme les copropritaires y auraient effectu des travaux
damnagement, est elle aussi frappe de nullit. Lacte suprieur a pour effet dattribuer la
titularit dun droit de proprit. La vente dun bien que le rglement dfinit comme tant le
bien dautrui est donc logiquement frappe de la sanction prvue larticle 1599 du Code
civil715. En coproprit de surcrot, lacqureur ne peut nous semble t-il que difficilement
invoquer lapparence, en raison aussi bien des dispositions dj cites de larticle 4 du dcret
de la sanction exacte retenue.
711

Les conditions de leur validit ne sont en effet pas celles de larticle 900-1 du Code civil, mais celles, dj
tudies, poses larticle 8 alina 2 de la loi de 1965.
712

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 474.

713

Cet article dispose en effet que : Tout acte conventionnel ralisant ou constatant le transfert de proprit
d'un lot ou d'une fraction de lot, ou la constitution sur ces derniers d'un droit rel, doit mentionner expressment
que l'acqureur ou le titulaire du droit a eu pralablement connaissance, s'ils ont t publis dans les conditions
prvues par l'article 13 de la loi du 10 juillet 1965, du rglement de coproprit ainsi que des actes qui l'ont
modifi.
Il en est de mme en ce qui concerne l'tat descriptif de division et des actes qui l'ont modifi, lorsqu'ils existent
et ont t publis.
Le rglement de coproprit, l'tat descriptif de division et les actes qui les ont modifis, mme s'ils n'ont pas t
publis au fichier immobilier, s'imposent l'acqureur ou au titulaire du droit s'il est expressment constat aux
actes viss au prsent article qu'il en a eu pralablement connaissance et qu'il a adhr aux obligations qui en
rsultent .
714

En ce sens, C. ATIAS, La rforme du statut de la coproprit des immeubles btis par la loi n 2009-323
du 25 mars 2009 , prcit.
715

La vente de la chose d'autrui est nulle .

132

Contribution lanalyse normativiste du contrat


de 1967 que de lintervention dun notaire lors dune vente dimmeuble. Ces deux lments
rendent sans doute plus complexe la dmonstration de la bonne foi de lacqureur dun lot
auquel serait associ le bien commun la coproprit. Enfin, il en va de mme propos des
droits de jouissance exclusive. Si un copropritaire alinait, sans autorisation et sans y
attacher la partie principale de son lot, un bien que le rglement dfinit comme un droit de
jouissance exclusive (qui demeure une partie commune), cette alination serait frappe de
nullit716 pour les mmes raisons.

222.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles Le rglement de

coproprit dans les relations quil entretient avec dautres conventions occupe donc souvent
la place dune rgle hirarchiquement suprieure. Il dtermine vritablement les conditions de
la validit dune autre convention. Cest en effet par rfrence aux stipulations de cette
convention que sera trs souvent apprcie la validit dun autre acte ayant la mme nature.
Le bail consenti par un copropritaire un commerant sera valable uniquement si le
rglement de coproprit ne rserve pas limmeuble un usage exclusif dhabitation. Cest
encore parce que les stipulations de ce rglement permettent ou prohibent la division dun lot,
que la vente dune partie seulement dun lot de coproprit sera valide. Enfin, en dterminant
les titulaires des droits de proprit sur certaines parties, en les dclarant communes,
communes usage privatif ou privatives, la convention objet de nos dveloppements
dtermine encore les conditions de la validit des conventions portant sur ces parties. Cest
par rfrence la nature de la partie concerne, nature dfinie par le rglement, que la validit
dune convention sera apprcie. Le rglement de coproprit, dans ses rapports avec les
conventions qui lui sont soumises, illustre son tour la ralit en droit positif du phnomne
hirarchique entre conventions. La dmonstration sera poursuivie avec ltude des
conventions matrimoniales.

716

Civ. 3, 4 janvier 1990, prcit.

133

La hirarchie des normes conventionnelles


3. Les conventions matrimoniales.

223.

Le mariage, si on le considre comme un contrat717, peut tre apprhend comme une

convention hirarchiquement suprieure d'autres conventions. En contractant un


mariage les poux se soumettent en effet un ensemble de rgles lgales pouvant influer sur
la formation des conventions. Mieux, ces rgles lgales dterminent parfois la validit mme
de conventions que les poux peuvent conclure. Les articles 215 et suivants du Code civil, qui
dfinissent le rgime matrimonial primaire, imposent pour former la vente de l'immeuble
constituant le logement de famille l'autorisation des deux poux, sous peine de nullit, mme
si l'immeuble est un propre de l'un seul des poux. Un contrat, le mariage, dtermine alors,
indirectement, les conditions de validit d'une autre convention, la vente. Le premier contrat
cit serait alors, au sens o nous l'avons dfini, hirarchiquement suprieur au contrat de
vente. Pour parer lventuelle remarque selon laquelle tout nest pas contractuel dans ce
contrat, nous consacrerons quelques dveloppements une autre convention gnre
loccasion de cet vnement. Le mariage est en effet parfois synonyme de contrat de mariage.
Or, cet acte peut tre la source directe d'une hirarchie de conventions.

224.

L'article 1387 du Code civil dispose que la loi ne rgit l'association conjugale, quant

aux biens, qu' dfaut de conventions spciales que les poux peuvent faire comme ils le
jugent propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes murs ni aux
dispositions qui suivent . Cet article fonde le pouvoir des poux d'organiser par une
convention leurs rapports patrimoniaux pendant le mariage. Le contrat de mariage, ou
convention matrimoniale, va donc rgir une partie des actes conclus entre eux ou avec des
tiers et avoir une influence certaine sur des actes de nature conventionnelle que les poux vont
passer. Il est une vritable charte du foyer domestique 718. Le rgime matrimonial, lorsqu'il
est conventionnel719, est une rfrence permettant de juger de la rgularit ou non dactes

717

Sur ce point, v. X. LABBEE, Les rapports juridiques dans le couple sont-il contractuels ?, (Prface J.
HAUSER), Septentrion PU, 1996 ; v. encore pour un dbat sur la nature juridique du mariage, E. GOUNOT, op.
cit., p. 255 262.
718

R. TROPLONG, Le droit civil expliqu selon l'ordre des articles du Code, Du contrat de mariage et des
droits respectifs des poux, Tome I, Paris, C. Hingray, 1850, n 16, p. 31.
719

Nous exclurons donc de notre tude l'influence du rgime lgal de la communaut rduite aux acquts,
rgime qui, bien qu'il ait t parfois prsent comme un rgime conventionnel tacite, ne forme pas une
convention, v. contra, R. TROPLONG, op. cit., n 18 p. 32, le lgislateur, a pris soin de ne pas permettre qu'il
existe un mariage sans un contrat exprs, ou tacite et lgal, qui rgle les intrts des poux ou encore n 21 p.
36 quoique la communaut soit lgale, ce n'est pas la loi qui en est la cause immdiate (...) la cause immdiate

134

Contribution lanalyse normativiste du contrat


conventionnels. Le choix dun rgime matrimonial particulier modifie en effet la composition
des masses des biens des poux et parfois les pouvoirs de chaque poux sur certaines
catgories de biens. En dfinissant proprit et pouvoirs, le contrat de mariage sert de
rfrence (A) pour juger de la validit des conventions dont les poux sont auteurs et qui
portent sur leurs biens (B).

A. Stipulations rfrences.

225.

Les parties peuvent par un contrat de mariage stipuler deux types de clauses qui auront

un effet sur la conclusion dautres conventions en modifiant les pouvoirs dont chacun dispose
sur certains biens. Cela peut se faire directement par le biais de clauses amnageant les
pouvoirs des poux sur certaines catgories de biens (2), ou par le biais dun amnagement
conventionnel de la composition des diffrentes masses de biens (1).

1. Amnagements conventionnels de la composition des masses.

226.

Depuis la rforme de 1965, le rgime lgal est le rgime de la communaut rduite aux

acquts. Il simpose aux poux dfaut dun autre choix de leur part. Dans ce rgime, de
manire assez schmatique, les biens sont rpartis en deux masses, une masse de biens
communs, compose principalement des acquts faits par les poux ensemble ou
sparment durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des
conomies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ; une masse de biens
propres, compose des biens acquis ou reus avant le mariage, des biens propres par nature de
l'article 1404 du Code civil, ainsi que les biens reus par succession ou donation 720. Cette
rpartition lgale nest pas immuable et les parties peuvent par convention amnager ce
rgime communautaire en lui apportant des modifications, tout en en conservant lesprit, ou
opter pour une rpartition conventionnelle sparatiste.

227.

Amnagements

des

rgimes

communautaires

Plusieurs

amnagements

conventionnels du rgime lgal peuvent influer sur la formation dautres conventions. Le


Code civil permet dabord quelques petits amnagements modifiant le rgime lgal, il

qui produit cette communaut est une convention (...) .


720

Sauf stipulations contraires, v. larticle 1405 du Code civil.

135

La hirarchie des normes conventionnelles


prvoit en outre deux rgimes conventionnels alternatifs au rgime lgal.

228.

Larticle 1387 du Code civil proclamant la libert des conventions matrimoniales, les

parties peuvent laborer plusieurs clauses pour modifier tant le rgime lgal que ses variantes
conventionnelles. Les poux peuvent ainsi modifier les actifs propres ou communs en
stipulant des clauses permettant d'englober dans la masse commune certains biens ou
catgories de biens qui en sont normalement exclus. Ils peuvent au contraire exclure des
catgories de biens (ou un seul bien) de la communaut au profit de la masse des biens
propres721.

229.

Les poux peuvent galement opter pour un vritable rgime conventionnel alternatif.

La communaut des meubles et acquts722, ancien rgime lgal, est lun de ces rgimes.
Lamnagement consiste intgrer aux biens dj communs dans le rgime lgal, des biens
meubles dont les poux avaient la proprit ou la possession au jour du mariage ou qui leur
sont chus depuis par succession ou libralit (sauf quand le donateur ou testateur en a
dispos autrement, et sauf les biens meubles propres par nature de l'article 1404 du Code
civil). Sont galement communs les immeubles acquis entre le contrat de mariage et la date de
clbration du mariage, sauf disposition contraire du contrat de mariage.

230.

Les poux peuvent enfin opter pour un autre rgime communautaire, la communaut

universelle723, le plus simple des rgimes matrimoniaux724. La communaut comprend alors


en principe tous les biens meubles et immeubles prsents et venir des poux l'exception,
sauf disposition contraire, des biens propres par nature725 et des successions et libralits
quand l'auteur de celles-ci ou le de cujus l'a stipul.

721

Les biens propres par nature par exemple, qui sont exclus de la communaut dans un rgime de communaut
universelle par l'article 1526 du Code civil peuvent tre par une stipulation contractuelle inclus dans celle-ci. De
la mme manire, un immeuble propre ou indivis peut tre inclus dans la communaut par la volont des poux.
Un meuble pour une raison quelconque peut galement tre inclus ou exclu de la communaut afin d'avantager
un poux ou de le protger au contraire contre les futurs cranciers de la communaut.
722

Sur ce point voir, F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, 5me dition, Dalloz, Coll.
Prcis, 2008, n 433 et s. p. 347.
723

Ibid., n 444 et s., p. 355.

724

Ibid.

725

Article 1526 du Code civil : Sauf stipulation contraire les biens que l'article 1404 dclare propres par leur
nature ne tombent point dans cette communaut .

136

Contribution lanalyse normativiste du contrat


231.

Amnagements en rgimes sparatistes Les poux peuvent encore opter pour des

amnagements conventionnels lesprit sparatiste. Le plus clbre et le plus utilis des


rgimes conventionnels est celui de la sparation de biens prvu l'article 1536 du Code civil.
Dans ce rgime, aucune masse commune, chaque poux est seul propritaire des biens qu'il
possde au jour du mariage comme des biens venir. On parle ici de biens personnels (et non
propres726). Les biens acquis ou reus par les deux poux ensemble avant ou pendant le
mariage sont soumis au rgime de l'indivision, chacun possdant une part de celle-ci727.

232.

Les parties une convention matrimoniale peuvent encore choisir le rgime de la

participation aux acquts. La situation des biens des poux est alors la mme. Seules changent
les rgles applicables la dissolution du rgime matrimonial. ce stade chacun des poux a
le droit de participer pour moiti en valeur aux acquts nets constats dans le patrimoine de
lautre, et mesurs par la double estimation du patrimoine originaire et du patrimoine final .
Une estimation de la fortune de chaque poux doit donc tre faite au jour du mariage et la
dissolution de celui-ci. Celui des deux poux qui se sera le moins enrichi aura alors droit la
moiti de la diffrence en valeur entre son enrichissement et celui de son conjoint.

233.

Ces deux rgimes de sparation des biens peuvent eux aussi tre amnags par les

poux sur le plan de la composition des masses. Les rgimes de sparation de biens, nous
l'avons dit, ne crent en principe aucune masse commune. Pour pallier les difficults relatives
ltablissement de la proprit de tel ou tel bien au profit de lun ou lautre des poux
(comme le caractre indivis dun bien), des clauses de dclaration d'apport peuvent tre
stipules.

234.

Toutes ces modifications opres par les poux ont entre autres consquences de

conditionner la rgularit de conventions dont les poux peuvent tre les auteurs, au mme
titre que les amnagements que peuvent apporter les poux aux rgles relatives la gestion
des biens.

726

Mme si l'on s'accorde pour reconnatre que les deux termes sont synonymes G. CORNU, Vocabulaire
juridique, op. cit., p. 114.
727

F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 777, p. 622 et s.

137

La hirarchie des normes conventionnelles


2. Amnagements conventionnels de la gestion des biens.

235.

Modifications conventionnelles de la gestion des biens La rpartition des biens

dans les diffrentes masses peut bien entendu modifier les pouvoirs des poux sur chaque bien
de leur patrimoine. Ces pouvoirs peuvent galement tre directement modifis par le contrat
de mariage, sans que la titularit des droits ne soit pour autant affecte. Dans les rgimes
communautaires, il est en effet loisible aux poux de se lier par plusieurs conventions en ce
sens. Au nombre des principales clauses imaginables se trouvent, par exemple, les clauses
dites d'administration conjointe prvues l'article 1503 du Code civil. Par cette clause, les
poux soumettent leur double signature tout acte d'administration ou de disposition sur les
biens communs. A fortiori, les poux peuvent dans le mme esprit tendre la cogestion audel de son champ d'application lgal, sans aller jusqu' la cogestion intgrale mise en uvre
par la clause ci-dessus voque728. Les poux peuvent par ces clauses, par exemple, faire
entrer dans le champ de la gestion conjointe les actes rservs par l'alina second de l'article
1421 la gestion exclusive d'un seul poux (sans doute ne peuvent-t-il par contre pas les
soumettre la gestion concurrente729). Enfin, les parties au contrat de mariage peuvent se
confier, par cette convention, mandat de gestion de certains biens ou de l'ensemble du
patrimoine (ce mandat est, selon l'article 218 du Code civil, tout moment librement
rvocable730). Cette stipulation est dailleurs lune des seules admises en matire de rgimes
sparatistes. Les poux ne disposent en effet en matire de sparation de biens que de peu de
marge de manuvre et trs rares sont, aujourd'hui, les rgles de gestion susceptibles d'tre
l'objet d'amnagements conventionnels 731.

236.

Tous ces amnagements conventionnels apports la composition des masses et la

gestion des biens communs simposent aux conventions conclues par les poux lesquelles,
nous allons le voir, sont atteintes dans leur validit si elles violent lune des stipulations du
contrat de mariage.

728

F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 555, p. 441.

729

A. LAMBOLEY, J.-Cl. Civil Code, article 1497, v Communaut conventionnelle, gnralit, fasc. Unique,
n 139.
730

Le rgime de ce mandat tant en application de larticle 1431 du Code civil celui de droit commun, nous
renvoyons sur cette question aux dveloppements propres cette convention.
731

A. LAMBOLEY, J.-Cl. Civil Code, op. cit., n 90.

138

Contribution lanalyse normativiste du contrat


B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions ayant pour objet les biens des
poux.

237.

La convention matrimoniale liant les poux dtermine, directement ou indirectement,

les pouvoirs de ceux-ci sur leurs biens. En cela, cet acte conditionne la rgularit des
conventions que les poux peuvent conclure avec des tiers. Dans plusieurs hypothses, le non
respect par les parties des rgles dtermines par le contrat de mariage va entacher dun vice
la convention irrgulirement conclue. Cela peut tre relev propos aussi bien des biens
propres ou personnels (1) que communs (2).

1. Conventions portant sur des biens propres (ou personnels).

238.

Conventions portant sur des biens propres Quel que soit le rgime choisi, la rgle

pose par l'article 225 est claire, chacun des poux administre, oblige et aline seul cette
catgorie de biens732. Dans l'hypothse d'une gestion des biens propres d'un poux par l'autre
poux au mpris de l'opposition du premier, le Code ne prvoit pas les consquences de cette
gestion vis--vis des tiers. Les alinas 3 des articles 1432 (pour le rgime de la communaut)
et 1540 (pour la sparation de biens) disposent seulement que si c'est au mpris d'une
opposition constate que l'un des poux s'est immisc dans la gestion des biens de l'autre, il
est responsable de toutes les suites de son immixtion, et comptable sans limitation de tous les
fruits qu'il a perus, nglig de percevoir ou consomms frauduleusement . La doctrine
considre cependant que l'poux dont les droits ont t bafous peut invoquer l'inefficacit733
des actes accomplis par son conjoint734. Cette inefficacit est une nullit pour certains 735, une
inopposabilit pour d'autres736. Cette solution nous semble tre parfaitement logique. Elle est
celle retenue par la Cour de cassation737. Elle atteint quoi quil en soit la validit de lacte et
732

l'exception des biens de nature particulire tel le logement de famille, mais ces restrictions sont alors
lgales et non conventionnelles.
733

A. COLOMER, Droit civil, Rgimes matrimoniaux, 12me dition, Litec, Coll. Manuels, 2005, n 547, p. 259.

734

G. CORNU, Les rgimes matrimoniaux, 9me dition, 1997, PUF, Coll. Thmis, n 75, p. 394.

735

G. YILDIRIM, Rp. Civ., Dalloz, v- Communaut lgale (2 Gestion des biens), n 32 ; Y. FLOUR, G.
CHAMPENOIS, Les rgimes matrimoniaux, 2me dition, Armand Colin, Coll. U. Srie droit priv, n 394, p.
387.
736

G. MARTY, P. RAYNAUD, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, Sirey, 1978, n 261, p. 217.

737

Civ. 1, 6 juillet 1976, Bull. civ. I, n 246, p. 200, JCP G., 1978, II, 18845, note R. LE GUIDEC ; qui rejette le

139

La hirarchie des normes conventionnelles


rvle une hirarchie de conventions.

239.

Liquidation de la participation aux acquts Une autre situation qui mrite notre

attention est celle existant en matire de participation aux acquts. L'article 1573 indique que
pour calculer le patrimoine des poux au jour de la liquidation de la communaut, doivent tre
considrs comme faisant partie des biens existants d'un poux ceux dont il a dispos par
donation sans le consentement de son poux ou ceux qu'il a alin frauduleusement. L'article
1577 prcise que l'poux qui bnficie d'une crance de participation peut en poursuivre le
recouvrement sur ces biens. Sous couvert de l'indpendance de la gestion des patrimoines, ces
dispositions tendent tablir une cogestion de fait des biens correspondant [en
communaut] des acquts 738, en exigeant expressment le consentement du conjoint avant
toute donation. Ce consentement, mme s'il n'est pas obligatoire, s'imposera sans doute aussi
aux autres alinations dans la mesure o notaires et cocontractants des poux auront tendance
faire intervenir le conjoint l'acte739. Si l'on retient l'exemple de la donation, pour lequel le
consentement de l'poux est expressment exig, le choix du rgime de participation aux
acquts revient soumettre la disposition titre gratuit d'un bien personnel acquis pendant le
mariage au consentement du conjoint. Une condition conventionnelle (trouvant son origine
dans la convention matrimoniale) est donc pose pour que soit accompli un acte ayant
galement une nature conventionnelle (la donation).

240.

En cas de contravention la rgle fixe par l'article 1573 du Code civil, la sanction

reste prciser. Certains auteurs affirment que l'acte ainsi accompli par un poux ne serait pas
nul740, d'autre qu'il est inopposable l'poux dont le consentement a t oubli. Sans doute
faut-il ce stade faire une distinction en deux temps. Dans un premier temps, la sanction de
l'absence du consentement frappe uniquement l'poux en contravention avec les dispositions
prcites. Les biens alins ou donns sont de manire fictive runis aux biens qu'il possde
rellement. On fait comme si les biens en question navaient pas quitt le patrimoine de
lpoux alinateur, on ne remet pas pour autant en question du moins dans limmdiat et
pourvoi form contre une dcision de la cour dappel de Toulouse qui avait prononc la nullit d'un bail consenti
par un poux notoirement en instance de divorce sur un bien propre de son pouse.
738

G. CORNU, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 122, p. 636.

739

S. DAVID, A. JAULT, Rp. Civ., Dalloz, v Participation aux acquts, n 58; F. TERRE, P. SIMLER, Droit
civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 819, p. 665.
740

F. TERRE, P. SIMLER, Ibid.

140

Contribution lanalyse normativiste du contrat


ncessairement les oprations dalination elles-mmes 741. C'est dans l'hypothse o les
biens d'un poux ne suffisent pas assurer le paiement de sa crance de participation qu'une
restitution peut avoir lieu de la part du tiers. L'poux crancier bnficiait avant la loi de 1985
d'une action rvocatoire et les alinations et donations lui taient inopposables742. Le terme
d'action rvocatoire a t abandonn dans les dispositions actuelles743. Aujourd'hui, chacun
s'accorde pour reconnatre l'action du crancier la nature d'une vritable action paulienne744.
L'article 1578 du Code civil prcise que l'action ouverte contre les tiers l'est en vertu de
l'article 1167. La sanction de cette action tant l'inopposabilit de l'acte 745, il y a donc ici une
hirarchie entre deux normes conventionnelles, que lon retrouve encore en matire de gestion
des biens communs.

2. Conventions portant sur des biens communs.

241.

La gestion des biens communs offre un schma plus complexe. Il est difficile de

rvler une hirarchie en ce qui concerne les biens soumis une gestion concurrente des
poux. Chacun ayant le pouvoir d'engager seul la communaut, si un poux contracte sur un
bien commun, l'acte est valable.

242.

La question des biens soumis gestion conjointe semble, elle, plus intressante.

Rappelons qu'outre l'institution d'une communaut conventionnelle (laquelle en modifiant la


composition des masses, influence directement les pouvoirs des poux sur certains biens), les
poux peuvent galement stipuler des clauses d'administration conjointe. Celles-ci, comme les
autres conventions imaginables qui altrent les pouvoirs des poux seuls, sont de vritables
conditions de validit des conventions que les poux pourraient conclure sur les biens soumis
cogestion. L'poux qui a dpass ses pouvoirs en agissant seul, alors que l'intervention de
son conjoint tait prescrite conventionnellement, peut en effet voir les actes accomplis
annuls. L'article 1427 du Code civil offre celui dont le consentement a t bafou une
741

S. DAVID, A. JAULT, Rp. Civ., Dalloz, op. cit., n 214.

742

S. PIEDELIEVRE, J.-Cl., Civil Code, articles 1569 1581, v Participation aux acquts, Fasc. Unique, n 19.

743

A. COLOMER, Droit civil, Rgimes matrimoniaux, op. cit., n 1266, p. 584.

744

A. COLOMER, Droit civil, Rgimes matrimoniaux, op. cit., n 1299, p. 596; G. CORNU, Les rgimes
matrimoniaux, op. cit., n 129 p. 677; F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n
852, p. 688.
745

Civ. 1, 1er juillet 1975, Bull. Civ., I, n 213.

141

La hirarchie des normes conventionnelles


action en nullit qui lui est ouverte pendant deux ans746. La sanction vaut aussi bien lorsque la
gestion conjointe est impose par la loi que par une modification conventionnelle (telle une
clause d'administration conjointe)747.

243.

Enfin, reste la question des biens communs dont la gestion est exclusivement rserve

l'un des poux. l'instar de ce qui a cours en matire de dpassement de pouvoir sur les
biens objets de gestion conjointe, l'article 1427 frappe n'en pas douter748 l'acte de l'poux qui
abuse de ses pouvoirs par le prononc dune nullit749. Cette sanction rvle encore le
caractre hirarchiquement suprieur de la convention matrimoniale sur d'autres actes de
mme nature.

244.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles Le contrat de mariage,

en modifiant les masses de biens communes et propres (ou personnels), comme en modifiant
directement les rgles de gestion des biens, dtermine les pouvoirs des poux sur les biens
dont ils sont propritaires. Dterminer le rgime matrimonial, cest , comme lont crit
certains, oprer une rpartition des pouvoirs entre les poux. De cette rpartition dpendra
la validit des actes que chacun pourra ultrieurement passer sur telle ou telle catgorie de
biens 750. Lpoux qui accompli seul un acte conventionnel, telle une vente un tiers, peut
valablement le faire uniquement parce que ce bien est dfini comme tant un bien propre ou
personnel par le contrat de mariage. Si tel nest pas le cas, nous lavons vu, lacte accompli
sur un bien propre de son conjoint nest alors pas valablement form. Une convention, le
contrat de mariage, dtermine donc les conditions de la validit dune autre convention, le
contrat de vente entre lpoux et un tiers. La dmarche du juge confront un problme de
validit de la vente consentie par un poux, conduira ncessairement ce dernier tudier le
contenu de la convention matrimoniale afin de dterminer les pouvoirs de lpoux auteur de la
vente sur le bien objet de celle-ci. Cest en rfrence cette convention que sera juge la

746

Si l'un des poux a outrepass ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre, moins qu'il n'ait ratifi l'acte,
peut en demander l'annulation.
L'action en nullit est ouverte au conjoint pendant deux annes partir du jour o il a eu connaissance de l'acte,
sans pouvoir jamais tre intente plus de deux ans aprs la dissolution de la communaut .
747

A. COLOMER, Droit civil, Rgimes matrimoniaux, op. cit., n 1115, p. 509.

748

F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 480, p. 384.

749

V. les dispositions de cet article ci-dessus, note n 745

750

J. FLOUR, G. CHAMPENOIS, Les rgimes matrimoniaux, 2me dition, Armand Colin, 2001, n 169, 157.

142

Contribution lanalyse normativiste du contrat


validit de la vente. Il en va de mme lorsquun poux aura abus de ses pouvoirs sur les
biens communs (lorsquils sont conventionnellement soumis une gestion conjointe par
exemple). L encore, cest parce que la convention matrimoniale prvoit une clause de gestion
conjointe quun acte accompli par le mari ou la femme seul pourra tre frapp de nullit. Cest
encore une fois en rfrence cette convention entre poux que sera juge la validit de la
convention consentie un tiers. Toutes ces hypothses offrent donc une nouvelle illustration
de la ralit de la hirarchie des conventions en droit positif. Lintrt de la convention
matrimoniale ne sarrte dailleurs pas l. Nous aurions encore pu dmontrer sa supriorit
hirarchique lgard dautres conventions en raison de son immutabilit. Les parties ne
peuvent en effet, en principe, pas modifier par des conventions conclues entre elles ou avec
des tiers les stipulations de la charte de la famille. Tout acte (et donc toute convention) ayant
pour objet ou pour effet de modifier le rgime matrimonial des poux751 est en effet atteint
dans sa validit752. Cela illustre nouveau une hypothse de hirarchisation de plusieurs
conventions (hypothse sur laquelle nous aurons loccasion de revenir753).

*
*

751

La Cour de cassation ayant prcis quil y a changement prohib au rgime matrimonial lgal ou
conventionnel (...) toutes les fois que le maintien de conventions passes ou d'arrangements conclus pendant le
mariage aurait pour rsultat d'altrer ou de neutraliser les effets rguliers ou lgaux que devaient produire les
clauses du contrat de mariage ou les dispositions de la loi (Civ. 1, 5 novembre 1985, Bull. Civ. I, n 285 p.
254 ; JCP N., 1986, II, 247, note P. SIMLER) les poux ne peuvent donc pas opter par une simple convention
pour une communaut rduite aux acquts en lieu et place du rgime sparatiste prvu au contrat de mariage (C.
AUBRY, C. RAU, Cours de droit civil franais, Troisime dition, Tome IV, Paris, Cosse et Marchal, 1860, n
503, p. 219) Sont galement prohibes les conventions ayant pour effet de modifier la rpartition conventionnelle
des biens, telles les ventes entre poux dun bien commun (Rp. min., J.O. 5 janvier 1987, Db. Ass. nat.,
Questions et rponses, p. 69 ; J.O. 13 avril 1987, Db. Ass. nat., Questions et rponses, p. 2159) ou dun bien
propre au profit de la communaut (MORIN G., La vente entre poux , Defrnois 1991, n 20, p. 1089, spc.
n 9). Il en va de mme dun mandat qui ne serait pas rvocable (l'article 218 du Code civil dispose en effet dans
son alina second que Il [lpoux] peut, dans tous les cas, rvoquer librement ce mandat ).
752

Mme si les dispositions actuelles du Code de 1804, pas plus que ne le faisait l'ancien article 1395 du Code
civil, ne prcise quelle est la sanction de ces dispositions, celle-ci ne donne lieu aucune controverse. La rgle
est simple, les actes par lesquels les poux ont, pendant le mariage, modifi leurs conventions matrimoniales,
sont frapps de nullit (C. AUBRY, C. RAU, Cours de droit civil franais, Seconde dition, Tome II,
Bruxelles, Mline & Cans, 1850, 503, p. 188), La jurisprudence a consacr cette solution de nombreuses
reprises (par exemple Civ.1., 28 juin 1983, Bull. Civ., I, n 190 ; D. 1984. 254, Note G. MORIN).
753

V. Infra, n 515 et s.

143

La hirarchie des normes conventionnelles


245.

Une premire srie dexemples tirs du droit positif permet donc dillustrer que deux

conventions peuvent parfaitement sordonner hirarchiquement. Autrement dit, une


convention, organisation , peut dterminer les conditions de la validit dune autre
convention. Cela se vrifie dans lhypothse o lorganisation se traduit par lmergence
dune personne morale, mais galement dans lhypothse inverse. Les statuts de la socit
dterminent les conditions de validit de plusieurs conventions conclues par la socit ou
entre les associs. Il en est de mme pour le rglement de coproprit qui dtermine la validit
de plusieurs conventions ayant pour objet limmeuble organis en coproprit. Enfin, les
conventions matrimoniales, en dterminant les pouvoirs des poux sur leurs biens ou la
titularit des droits de ces derniers, dterminent la validit doprations contractuelles portant
sur ces biens.

246.

La spcificit de ces conventions, qui peut en partie expliquer cette domination

quexercent sur dautres actes, la socit, le rglement de coproprit ou la convention


matrimoniale, nest cependant pas dterminante dans ltablissement dune hirarchie entre
conventions. Dautres contrats, dont on prtend quils sont plus classiques, et qui nentrent
donc pas dans cette catgorie originale des contrats organisation , se comportent
galement lgard dautres conventions comme de vritables constitutions.

SECTION II LES HIRARCHIES FONDES SUR UNE CONVENTION


CHANGE

247.

Nous nous proposons de faire la dmonstration que la hirarchie des conventions dj

mise en vidence ne devait rien la spcificit des contrats organisation qui composaient
en partie ces structures hirarchiques. Pour ce faire, nous tudierons certaines conventions
parmi les plus communes (toutes ou presque sont issues du Code civil). Toutes ces
conventions change rvlent pourtant une hirarchie entre deux conventions. Cest le cas
du mandat (1), des avant-contrats de vente (2), des conventions dindisponibilit (3) ou
encore des contrats principaux dans leurs relations avec des sous-contrats (4).

144

Contribution lanalyse normativiste du contrat


1. Le mandat.

248.

Le mandat est le contrat par lequel une personne donne autrui le pouvoir

daccomplir un acte juridique pour son compte et en son nom 754. Le mandat transfre donc
un pouvoir du mandant au mandataire, pouvoir qui ne peut cependant tre sans bornes. Les
pouvoirs transfrs doivent ltre dans certaines limites qui sont variables et qui sont dfinies
par le contrat lui-mme qui sert alors de norme de rfrence par rapport la convention
projete (A). Cette dernire convention ne sera le plus souvent pas valable si elle nest pas
conclue dans les limites dfinies (B).

A. Stipulations rfrences.

249.

Le mandat doit dfinir en son sein les limites du pouvoir que le mandant confie au

mandataire. Connatre avec prcision ltendue du mandat est essentiel et plusieurs


dispositions du Code civil sont dailleurs consacres cette question, tels les articles 1986,
1987 et 1988, ou encore des dispositions relatives certains mandats spciaux. Le mandat
donn doit tre limit, il peut ltre dans son objet (1) et/ou dans sa dure (2).
1. Lobjet du pouvoir.
250.

On distingue classiquement755 (et mme si la distinction est parfois subtile 756) deux

types de limites pouvant tre dfinies dans le contenu du pouvoir confr un mandataire.
Elles sont relatives lobjet et la nature des actes accomplir. ct de cela, il est possible
pour les parties de prvoir quelles conditions lacte doit tre accompli757.

251.

Objet des actes accomplir Aux termes de larticle 1987 du Code civil, le mandat

peut tre spcial, ou pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou gnral et pour
toutes les affaires du mandant . Le mandat spcial a pour but de donner pouvoir au
mandataire pour agir sur un bien ou sur une question particulire. Le mandat gnral donne

754

P. PETEL, Le contrat de mandat, Dalloz, Coll. connaissance du droit, 1994, p. 2.

755

Ibid. p. 33.

756

Ibid.

757

Ibid. p. 34.

145

La hirarchie des normes conventionnelles


linverse pouvoir au mandataire dagir sur une multitude de questions. Il sagit donc l du
premier point sur lequel peuvent porter les limites des pouvoirs attribus.

252.

Nature des actes accomplir Larticle 1988 du Code civil vise lui la dtermination

de la nature des actes que le fond de pouvoir peut valablement accomplir. Le mandat rdig
en des termes gnraux ne permet celui qui reoit les pouvoirs de naccomplir que des actes
dadministration. Laccomplissement dactes de disposition requiert un mandat exprs.

253.

Conditions de lacte accomplir En plus de pouvoir prciser sil est exprs et/ou

spcial, le contrat de mandat peut dterminer quelles conditions lacte projet doit tre
accompli. Il sagit par exemple en matire de vente de convenir du prix auquel un bien devra
tre cd ou acquis, ou pour une vente en viager, de dterminer quelle date la rvision de
rente annuelle doit avoir lieu758. Si un mandat impratif est donn au mandataire, il devra sy
conformer. Larticle 1989 du Code civil prvoit en la matire que le mandataire ne peut rien
faire au-del de ce qui est port dans son mandat . Ces conditions doivent tre
imprativement respectes. dfaut, le mandataire engage sa responsabilit voire, la validit
de lacte.

2. La dure du pouvoir.
254.

Bien que larticle 2003 du Code civil ne fasse pas de lchance du terme lune des

diffrentes manires dont le mandat finit , les parties peuvent valablement donner mandat
pour une dure dtermine. La limite dans le temps des pouvoirs donns au mandataire est
mme la rgle pour certains mandats spciaux (celui donn lagent immobilier759 ou au
gomtre-expert760) sous peine de nullit761.

255.

Les pouvoirs attribus aux mandataires peuvent donc tre limits par la convention

758

Civ. 1re, 2 dcembre 1992, Bull. civ. I, n 298, p. 195, Defrnois, 1993, n 18, p. 1070, Commentaire G.
VERMELLE ; RTD com. 1993, p. 567, note B. BOULOC.
759

G. DURANTON, Rp. Dr. Com., Dalloz, v Agent immobilier, n 237.

760

Larticle 138 du dcret n 96-478 du 31 mai 1996 portant rglement de la profession de gomtre expert et
Code des devoirs professionnels dispose que le mandat d'entremise immobilire prcise son objet et l'tendue
des pouvoirs confis au gomtre expert ainsi qu' peine de nullit, sa dure de validit.
761

Larticle 7 de la loi du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet , dispose en effet sont nulles les promesses et les
conventions de toute nature relatives aux oprations vises l'article 1er qui ne comportent pas une limitation
de leurs effets dans le temps .

146

Contribution lanalyse normativiste du contrat


liant ce dernier son mandant. Ce sont notamment ces limites et la sanction de leur
dpassement qui permettent de rvler le caractre de norme suprieure, par rapport la
convention projete, du contrat de mandat.

B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions conclues en application du


mandat.

256.

Parce qu il nest pas concevable que la personne pour le compte de laquelle

lintermdiaire [est] cens agir supporte un acte quil ne voulait pas 762, le mandant ne peut
tre tenu que par ce qui est fait dans les limites du pouvoir quil a donn son mandataire763.
Si ce dernier agit au-del, le mandant nest alors (exception faite de la ratification 764 et du
mandat apparent) pas tenu par lacte ainsi conclu. Mais plus que cette inopposabilit765 de
lacte accompli en dpassement du pouvoir confi par le mandataire, la sanction frappant le
second contrat est la nullit (le caractre relatif ou absolu de celle-ci tant incertain tant en
jurisprudence766 quen doctrine767).

257.

Ce rapport de hirarchie se retrouve dans lhypothse la plus classique de dpassement

de pouvoir, telle la conclusion dune vente des conditions diffrentes de celles stipules dans
le mandat768, ou dans la stipulation dune clause attributive de comptence, exorbitante du
droit commun, par un mandataire devant seulement souscrire des ordres dinsertion dans
lannuaire769. Il en va encore de mme, notamment, en cas dexpiration du mandat. La validit
dune vente est en effet fonction de la date dexpiration du mandat confi un notaire pour
762

N. DISSAUX, La qualification dintermdiaire dans les relations contractuelles, (prface C. JAMIN), LGDJ,
Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 485, 2007, n 840, p. 377.
763

Article 1998 al. 2 du Code civil, Il nest tenu de ce qui a pu tre fait au-del, quautant quil la ratifi
expressment ou tacitement .
764

Ibid.

765

Ass. Pln. 28 mai 1982, Bull. civ. AP, 1982, n 3, p. 5 ; D. 1983, juris, p. 349 Note E. GAILLARD et p. 117,
conclusions J. CABANNES.
766

Pour la nullit absolue v. par exemple, Civ. 3, 15 avril 1980, Bull. civ. III, n 73, p. 53, D. 1981, IR, p.314,
note J. GHESTIN contra v. Civ. 1, 2 novembre 2005, RTD civ. 2006, p. 138, obs. P.-Y. GAUTIER.
767

M. MEKKI., J.-Cl. Civil Code, articles 1991 2002, v Mandat, Obligations du mandant, Effets entre les
parties, Effets l'gard des tiers, fasc. 20, n 61.
768

Civ. 1re, 2 dcembre 1992, prcit.

769

Com. 23 janvier 2001, indit, pourvoi n 97-11944.

147

La hirarchie des normes conventionnelles


procder celle-ci770. Lacte pass par un mandataire dont les pouvoirs ont expir est entach
de nullit771.

258.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles Le mandat est donc une

convention hirarchiquement suprieure une autre. Il sert en effet systmatiquement de


rfrence pour juger de la validit de lacte conclu en application de ses stipulations. Cest
donc toujours, dans toutes les hypothses envisages, en se rfrant aux termes du contrat
unissant mandant et mandataire que le juge devra apprcier la validit de lacte accompli par
ce dernier. Accompli dans les limites dfinies, lacte sera valable. Accompli hors des limites
dfinies, lacte verra sa validit potentiellement compromise. La validit de lacte juridique
conventionnel accompli par le mandataire est donc fonction des termes du mandat. Ce dernier
dtermine incontestablement les conditions de la validit dune autre convention.

259.

Importance de lexemple du mandat Le mandat est donc comme dautres

conventions dj tudies une convention la base de la validit dautres actes de mme


nature. Ce contrat nest pas une simple hypothse supplmentaire de hirarchie entre
conventions. Il est important de relever lintrt particulier que prsente ltude du mandat.
Cette convention recouvre un nombre consquent de situations772. Le mandat est une
technique indispensable la vie juridique 773 et ne se limite plus lhypothse classique du
contrat gratuit conclu entre amis 774. Ce contrat a volu775, il a mme connu selon certains
une vritable explosion 776. De nombreux professionnels lutilisent aujourdhui777 et son
utilit ne se limite pas lactivit des personnes physiques. Cette convention est galement
indispensable au fonctionnement des personnes morales qui ne peuvent agir que par le

770

Civ. 1, 7 mars 1972, Bull. civ. I, n 72, p. 66, solution implicite.

771

A. BENABENT, Droit civil, Les contrats civils et commerciaux, Montchrestien, Coll. Prcis Domat, 8me
dition, 2008, n 955, p. 456 ; par exemple, pour la nullit de lacquisition dactions au-del du dlai fix, Com.
26 mars 2008, RTD civ., 2008, p. 689, Note P.-Y. GAUTIER.
772

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 521, p. 271.

773

P. PETEL, op. cit., p. 1.

774

P. LE TOURNEAU, De lvolution du mandat , D. 1992, Ch., p. 157.

775

Ibid.

776

A. BENABENT, Droit civil, Les contrats civils et commerciaux, op. cit., n 902, p. 424.

777

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 521, p. 272.

148

Contribution lanalyse normativiste du contrat


truchement de leurs organes 778. Les dveloppements sur le mandat auraient donc
galement pu trouver leur place dans ceux consacrs diffrentes conventions dj tudies
ou non. ct de ceux abusivement qualifis de mandataires779 (les mandataires sociaux780 ou
le syndic de coproprit, mandataire du syndicat des copropritaires781, qui sont des
reprsentants lgaux) dautres, comme le prsident dune association, sont de vritables
mandataires782 de cette personne morale dont les pouvoirs sont fixs conformment aux
dispositions de la convention dassociation783. Pour toutes ces raisons, limportance du
mandat dans la dmonstration de lexistence de rapports hirarchiques entre conventions
devait tre souligne.

260.

Un autre rapport conventionnel permettra nouveau de souligner lomniprsence des

situations hirarchiques entre conventions en droit positif, les avant-contrats de vente.

2. Les avant-contrats de vente.

261.

Lavant-contrat est lune de ces conventions dont lobjet est la prparation dun autre

acte juridique conventionnel. Le pacte de prfrence, comme la promesse unilatrale de vente,


ont en commun notamment cet aspect de projeter une future vente en anticipant dans une
certaine mesure sur les parties et les conditions de celle-ci. Ces actes sont une rfrence (A)
la lueur de laquelle la validit dautres conventions, telle la vente un tiers, sera apprcie
(B).

A. Stipulations rfrences.

262.

Le rle de rfrence de lavant-contrat lgard dautres conventions se vrifie aussi

bien en ce qui concerne les pactes de prfrence (1) que les promesses unilatrales de vente

778

P. LE TOURNEAU, prcit, p. 157.

779

P. PETEL Le contrat de mandat, op. cit., p. 7 et 16.

780

Dont le cas ne relve pas de cette tude leur mandat tant dorigine lgale Ibid.

781

C. ATIAS, Rp. Dr. Imm., op. cit., n 465 ; C. LOMBOIS, Commentaire de la loi n 65-557 du 10 juillet
1965, fixant le statut de la coproprit des immeubles btis , D. 1966, lgislation, p. 107.
782

Civ. 1re, 5 fvrier 1991, Rev. Socit, 1991 p. 773, note D. RANDOUX.

783

Ibid.

149

La hirarchie des normes conventionnelles


(2).
1. Stipulations du pacte de prfrence.
263.

Le pacte de prfrence est une convention par laquelle une personne sengage, pour

le cas ou elle dciderait de vendre un bien, loffrir dabord au bnficiaire du pacte (lequel
jouit ainsi pour se porter acqureur, dun droit de premption) 784. Cette convention
dtermine en cela un lment dun autre acte juridique, elle est une rfrence de ce qui doit
tre dans la mesure o elle impose ou prohibe certaines conventions accomplies dans
certaines conditions.

264.

Une obligation de ne pas vendre prioritairement un tiers La doctrine admet

presque unanimement785, comme la jurisprudence786, que le pacte de prfrence pose une


obligation de faire, celle doffrir au bnficiaire la prfrence sil vend 787. Dautres
considrent que le promettant sest irrvocablement engag contracter avec le
bnficiaire du pacte de prfrence au cas o il dciderait finalement de vendre 788. Le
modle de rfrence pos dans cette hypothse serait donc peu prs le suivant. Vendre au
bnficiaire si lon dcide de vendre.

265.

Le modle peut galement tre traduit en termes dobligation de ne pas faire789

(obligation qui consiste de la part du dbiteur s'abstenir de tel ou tel acte qu'il aurait sans
cela le droit d'accomplir, celles qui ont pour objet une abstention que le crancier a le droit

784

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 652.

785

V. par exemple, L. AYNES, Obs. Civ. 3, 4 janv. 1995, D. 1995, Somm. p. 236 ; P. MALAURIE, L. AYNES,
P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 145, p. 94 ; D. MAZEAUD, La mconnaissance par le juge de l'existence d'un
contrat , D. 1997, p. 475, spc. n 7 ; P. JOURDAIN, Responsabilit pour violation dun pacte de prfrence :
la Cour de cassation condamne la substitution de contractants , Note sous, Civ. 3, 30 avril 1997, RTD civ. 1997
p. 673.
786

Civ. 1, 10 juillet 2002, qui nonce Attendu, d'abord, que l'arrt retient, bon droit, que l'article 1143 du
Code civil n'est pas applicable la violation d'un pacte de prfrence qui met une obligation de faire la
charge du dbiteur , indit, numro de pourvoi 00-13669.
787

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 145, p. 94.

788

D. MAZEAUD, La mconnaissance par le juge de l'existence d'un contrat , prcit, n 7.

789

Par exemple, P.-H. ANTONMATTEI, J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spciaux, 6me dition, Litec, Coll.
Manuels, 2008, n 28, p. 25.

150

Contribution lanalyse normativiste du contrat


d'exiger 790). Comme le relve juste titre un auteur, s'abstenir d'aller conclure le contrat
dfinitif de vente () avec un autre que le bnficiaire, c'est nettement une obligation de ne
pas faire 791. Cette analyse nous semble la plus juste. En effet, il nous parat vident que le
promettant a lobligation de ne pas conclure la vente avec un tiers avant que le bnficiaire de
la prfrence nait dclin loffre lui faite par son cocontractant. Quant lobligation de
faire, nous avons du mal en saisir la substance. Elle ne peut pas tre celle doffrir. En effet le
promettant peut librement choisir de ne pas vendre sans violer le pacte de prfrence. Quant
celle doffrir au bnficiaire la prfrence sil vend 792, quelle serait la substance de cette
obligation ? Quelle serait sa spcificit par rapport lobligation de ne pas faire mentionne
prcdemment ? Dans quelle hypothse cette obligation de faire serait-elle viole ? Le
promettant pourrait-il ne pas offrir la prfrence au bnficiaire sil vend, sans violer
lobligation de ne pas traiter avec un tiers avant que le bnficiaire ait dclin [la]
proposition 793 ? De surcrot, si lon considre comme certains que le promettant avait
d'ores et dj donn de manire irrvocable son consentement la vente au profit du
bnficiaire pour le cas o il se dciderait vendre 794, ce qui dclenchera la possibilit pour
le bnficiaire dexercer son droit, cest la mise en vente du bien. Si le consentement la
vente est dj donn, que peut devoir faire le promettant ? De quelle obligation de faire seraitil tenu ? Dune obligation dinformation la rigueur. Informer le bnficiaire quil
souhaite vendre. La violation ne se matrialisera pas en pratique par un dfaut dinformation,
mais par la vente faite en priorit un tiers. moins de la confondre avec une obligation de
ne pas faire, il nous semble donc que le promettant nest pas tenu dune obligation de faire. Le
pacte de prfrence pose donc nos yeux une norme qui est un modle de comportement
consistant ne pas vendre prioritairement un tiers. Le modle peut tre amnag de
quelques modalits.

790

C. BEUDANT, Cours de droit civil, 2me dition par R. BEUDANT et P. LEREBOURS-PIGEONNIRE, t.


VIII par G. Lagarde, n 423, cit par P.-Y. GAUTIER, Violation du pacte de prfrence : de la relativit de la
division des obligations de faire et de ne pas faire, ou comment d'une commodit, on a fait un principe ,
observations sous Civ. 1, 10 juillet 2002, RTD civ. 2003 p. 107.
791

P.-Y. GAUTIER, Ibid., p. 107 ; En ce sens v. galement, T. PIAZZON, Retour sur la violation des pactes de
prfrence , RTD civ. 2009, p. 433, spc. n 7.
792

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 145, p. 94.

793

B. PETIT, J.-Cl. Civil Code, article 1109, v Contrats et obligations, Consentement, Fasc. unique, n 57.

794

P. JOURDAIN, Responsabilit pour violation dun pacte de prfrence : la Cour de cassation condamne la
substitution de contractants , prcit, p. 674, lopinion nest pas celle de lauteur qui plaide pour une obligation
de faire, qui consiste consentir .

151

La hirarchie des normes conventionnelles


266.

Modalits de lobligation ct de cette obligation de ne pas vendre autrui sans

avoir prioritairement offert au bnficiaire du pacte de prfrence dacheter, le pacte peut


galement contenir dautres lments qui seront utiliss pour juger du respect ou non des
dispositions du pacte par une autre convention. Cette interdiction peut par exemple tre
assortie dun dlai pendant lequel il sera possible dexercer son droit de prfrence. De la
mme manire, certaines conditions de forme de lacceptation peuvent galement tre
prvues. De manire plus exceptionnelle le prix de la chose peut tre valablement dtermin
(pour viter la spculation immobilire par exemple795).

267.

Toute comme le pacte de prfrence, la promesse unilatrale de vente contient

galement des stipulations rfrences.

2. Stipulations de la promesse unilatrale de vente.


268.

Une obligation de ne pas vendre prioritairement un tiers La promesse

unilatrale de contrat est laccord de volont par lequel une personne sengage
immdiatement envers une autre passer avec elle un certain contrat des conditions
dtermines, le bnficiaire de cet engagement investi dun droit doption pendant un dlai
donn restant libre de ne pas conclure le contrat envisag ou de le conclure en levant
loption 796. L encore, et la dfinition donne le laisse apparatre, lobligation du promettant
est dans ce contrat analyse le plus souvent comme une obligation de faire par la doctrine797 et
par la jurisprudence798. Le promettant serait tenu de conclure le contrat 799. L encore cette
analyse nous semble contestable800. Comme en matire de pacte de prfrence, sil y a sans

795

Civ. 3, 23 septembre 2009, D. 2009, p. 2573, Chron. MONGE A.-C., NESI F. ; RTD civ. 2009, p. 717, Note
B. FAGES et 2010, p. 127 note P.-Y. GAUTIER ; AJDA 2010, p. 685, Note F. BOUYSSOU, C. TEISSEYRE ;
AJDI 2010, p. 578, note F. COHET-CORDEY ; RDC 2010, n 1, p. 32 Observations T. GENICON ; Defrnois
2010, n 1, p. 104, note R. LIBCHABER ; Contrats, conc. conso., n 1, 2010, comm. 2, Note L. LEVENEUR,
JCP G, 2009, 479, note G. PILLET.
796

G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 731.

797

J. GHESTIN, la formation du contrat, op. cit., n 332 et s. p. 299.

798

Par exemple, Civ. 3, 15 dcembre 1993, D. 1994, p. 230, Observations O. TOURNAFOND ; p. 507, Note F.
BENAC-SCHMIDT ; D. 1995, p. 87, Observations L. AYNES.
799

J. GHESTIN, Ibid. ; v. cependant, J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, op. cit., n 3, p. 7 Le promettant


ne soblige pas conclure un contrat, mais donne immdiatement son consentement la vente .
800

En ce sens par exemple, F. COLLART-DUTILLEUL, Les contrats prparatoires de la vente d'immeuble,


Sirey, Coll. Immobilier Droit et Gestion, 1988, n 227 et s., p. 129 et s. en particulier n 231 et 232.

152

Contribution lanalyse normativiste du contrat


doute une obligation de ne pas faire (ne pas passer d'actes contraires la promesse, par
exemple ne pas vendre le bien un tiers801), nous identifions mal de quelle obligation de
faire le promettant serait tenu. Conclure le contrat802? Continuer vouloir conclure le contrat
ou consentir ? Ces explications ne sont pas satisfaisantes803. De surcrot, une fois loption
leve, le promettant na plus rien faire et le transfert de proprit sopre automatiquement.
Sous rserve de lexistence de lobligation de donner804, le promettant serait aprs la leve de
loption tenu dune telle obligation or, on ne peut expliquer pourquoi c'est la leve de
l'option par le bnficiaire qui changerait la nature de l'obligation du promettant805. Il ny a
donc selon nous quune obligation de ne pas faire806, mme si leffet de ce contrat ne se
rsume pas cette seule obligation807.

269.

Modalits de lobligation Comme en matire de pacte de prfrence linterdiction

de vendre un tiers sans que le bnficiaire nait renonc peut saccompagner de modalits.
Elles peuvent consister en une dure pendant laquelle la promesse sera valable ou encore en
des modalits formelles. Le prix doit quant lui galement tre dtermin.

270.

Pactes de prfrence et promesses unilatrales de vente contiennent donc une srie de

stipulations qui peuvent servir de rfrence pour juger de la compatibilit ou non dune
convention avec leurs stipulations. Ces actes imposent dans le rapport entre les parties un
modle de comportement en vertu duquel quelque chose ne doit pas tre. Ce modle de
comportement exprim en termes obligationnels entre les parties, se traduit sur le terrain du
futur contrat de vente [comme] un lment de sa formation 808.

801

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, n 21, p. 785 et 786.

802

J. GHESTIN, la formation du contrat, op. cit., n 332 et s. p. 299 ; G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.
cit., p. 731.
803

Sur ce point v. F. COLLART-DUTILLEUL, Les contrats prparatoires de la vente d'immeuble, op. cit., qui
relve quune telle obligation ne peut tre constitue. Le promettant a dj irrvocablement consenti dans une
convention sur laquelle il ne peut pas revenir. Larticle 1134 len empche, v. n 231, p. 131 et lanalyse de
Monsieur ANCEL poursuivant celle de lauteur, article prcit, n 21, p. 785 et 786.
804

M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de lobligation de donner , prcit.

805

Ibid. spc. n 18.

806

Voir P.-H. ANTONMATTEI, J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spciaux, op. cit., 58, p. 57.

807

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , n 21, p. 785 et 786.

808

P.-H. ANTONMATTEI, J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spciaux, op. cit., n 58, p. 57.

153

La hirarchie des normes conventionnelles


B. Des rfrences conditionnant la validit des ventes conclues en contravention de
lavant-contrat.
271.

Le rgime de la violation de la promesse unilatrale de vente (2), comme celui de la

violation du pacte de prfrence (1), sils divergent sur certains points, ont en commun un
aspect particulirement important dans la perspective qui est la ntre, la nullit, sanction
pouvant frapper aussi bien la violation de lune ou de lautre de ces conventions.

1. En matire de pactes de prfrence.

272.

Le pacte de prfrence peut entraner la nullit dune vente qui ne respecterait pas la

priorit conventionnelle donne au bnficiaire. Cette sanction, qui nest plus une simple
option pour le juge809 (le bnficiaire du pacte tant en droit dexiger lannulation du
contrat pass avec un tiers en mconnaissance de ses droits 810), nest cependant pas
automatique et certaines conditions pralables doivent tre runies pour la prononcer.

273.

Aprs avoir peu ou prou tout connu et expriment en la matire 811, la Cour de

cassation a consacr la possibilit pour le bnficiaire du pacte de prfrence flou de


demander la nullit de la vente consentie par le dbiteur de la prfrence et sa substitution
lacqureur de mauvaise foi. Cependant, la vente entre dbiteur et bnficiaire de la
prfrence nayant videmment jamais t forme, lannulation de celle-ci ne peut pas tre
fonde sur les dispositions de larticle 1599 du Code civil relatif la vente de la chose
dautrui. Cest la maxime fraus omnia corrumpit que le juge a eu recours pour prononcer la

809

Auparavant, Le tribunal, [avait] la libert de prononcer la rparation la plus adquate au dommage subi ,
Civ. 1, 15 dcembre 1965, Bull. civ. I, n 718.
810

Ch. Mixte, 26 mai 2006, Bull. Mixte, n 4 p. 13, voir notamment, F. COLLART-DUTILLEUL, Le pacte de
prfrence : entre retour l'ordre et nouveau dsordre , RDC, 2006, n 4, p. 1131 ; P. DELBECQUE,
Sanction de la violation d'un pacte de prfrence , JCP E, n 38, 21 Septembre 2006, 2378 ; P.-Y. GAUTIER,
Excution force du pacte de prfrence : un peu victoire la Pyrrhus, beaucoup probatio diabolica , D. 2006
p. 1861 ; H. HOUBRON, L'excution force du pacte de prfrence , LPA, 18 septembre 2006 n 186, p. 12 ;
L. LEVENEUR, La violation du pacte de prfrence peut tre sanctionne par la substitution du bnficiaire
dans les droits de l'acqureur de mauvaise foi , JCP G,, 2006, II 10142 ; D. MAINGUY, Annulation et
substitution : les deux mamelles de la prfrence ? , D. 2006, p. 1861 ; D. MAZEAUD, Excution force en
nature des avant-contrats , RDC 2006, n 4, p. 1080 ; A. PAULIN, Et le phnix renat de ses cendres ! (
propos du pacte de prfrence) , LPA, 11 janvier 2007 n 9, p. 13 ; B. THULLIER, Revirement de
jurisprudence : une chambre mixte admet la substitution du bnficiaire du pacte viol , JCP N., n 29, 21
Juillet 2006, 1256.
811

F. COLLART-DUTILLEUL, Le pacte de prfrence : entre retour l'ordre et nouveau dsordre , prcit


n 4, p. 1131.

154

Contribution lanalyse normativiste du contrat


nullit812, ce qui implique de dmontrer la collusion frauduleuse entre le vendeur et le tiers
acqureur813. Cette fraude consiste en la connaissance par le tiers de lexistence de la
prfrence conventionnelle et de lintention du bnficiaire de sen prvaloir814.

2. En matire de promesses unilatrales de vente.

274.

La situation est en matire de promesses unilatrales de vente relativement proche de

celle retenue pour sanctionner la violation de la prfrence conventionnelle, une nuance


prs, que lon sexplique mal 815. Le bnficiaire dune promesse unilatrale de vente peut,
en cas de vente du bien promis un tiers de mauvaise foi, obtenir la nullit de la vente
conclue en violation de la promesse816. La seule diffrence existant sur ce plan de la sanction
est lapprciation de la mauvaise foi du tiers acqureur. Cette notion constitue de deux
lments en matire de prfrence conventionnelle semble se rduire une seule en matire
de promesse817, la connaissance de lexistence de celle-ci semblant tre suffisante818. Quelles
que soient les conditions ncessaires son prononc la nullit est, comme pour la violation du
pacte de prfrence, une sanction venant frapper la vente conclue en violation de cet avantcontrat.
275.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles En frappant de nullit la

convention conclue en violation de lavant-contrat, ce dernier dtermine lune des conditions


de la validit de cette convention. Les conventions voques posent un modle de
comportement destination de leurs auteurs. Ce modle se traduit sur le terrain de la relation
contractuelle entre les parties lavant-contrat par une obligation de ne pas faire. Cette
obligation de ne pas faire sur le terrain de la relation entre promettant et bnficiaire est, sur
812

Mme si la plupart des arrts sont rendus au visa de larticle 1142 du Code civil.

813

26 octobre 1982, Bull. civ. III, n 208, Gaz Pal. 1983, 2, p. 661, note E.-S. DE LA MARNIERRE.

814

Civ. 3, 10 fvrier 1999, Bull. civ. III, n 37, p. 25 ; Rev. Dr. imm. 1999, p. 316, Note F. COLLARTDUTILLEUL RTD civ. 1999, p. 616, Observations J. MESTRE et p. 856, Observations P.-Y. GAUTIER.
815

P. BRUN, Conditions de l'annulation d'une vente conclue en violation d'un pacte de prfrence : les
exigences dmesures de la Cour de cassation , Observations, sous, Civ. 3, 10 fvrier 1999, D. 2000 p. 278.
816

Civ. 3,10 mai 1972, Bull. civ. III, n 300.

817

Y. DAGORNE-LABBE, note sous Civ. 3, 10 fvrier 1999, JCP G. 1999, II, n 10191.

818

Il suffit au bnficiaire d'apporter la preuve que le tiers acqureur connaissait l'existence de la promesse,
un point c'est tout ! D. MAZEAUD, La mconnaissance par le juge de l'existence d'un contrat , prcit, n
4.

155

La hirarchie des normes conventionnelles


le terrain du futur contrat de vente un lment de sa formation 819, puisque la validit de la
future vente en dpend. En prsence dune promesse unilatrale de vente ou dun pacte de
prfrence limits dans le temps par exemple, la validit de la vente un tiers sera fonction
des stipulations de lavant-contrat. Conclue avec un tiers avant expiration de la promesse ou
de la prfrence, la convention sera nulle. Conclue aprs expiration du dlai prvu par lavantcontrat, la convention avec le tiers sera valable (la chose serait la mme propos du prix).
Dans toutes les hypothses, cest par rfrence lavant-contrat que la validit dune
convention avec le tiers sera juge. Cet acte dtermine les conditions de la validit dune
convention. La dmonstration est donc faite quune hirarchie, au sens dun rapport de
production, peut stablir entre deux conventions alors mme que la convention suprieure est
ici encore une convention classique . Loriginalit de la situation ne peut tre mise sur le
compte de la spcificit de la convention suprieure. La chose est identique en matire de
conventions dindisponibilit.

3. Les conventions d'indisponibilit.

276.

La clause ou convention dinalinabilit (ou dindisponibilit) est un nouvel exemple

de conventions ayant pour objet ou pour effet de dterminer les conditions de validit dune
autre norme de mme nature. La clause d'inalinabilit est une stipulation contractuelle
ayant pour effet d'empcher le propritaire d'un bien de transfrer librement titre gratuit ou
onreux un tiers la proprit du bien objet de la clause et plus largement de faire sur ce
bien un quelconque acte de disposition 820. Le domaine de prdilection de ces clauses est
sans aucun doute celui des successions et plus particulirement des testaments. Cependant,
linalinabilit peut galement trouver sa source dans une convention telle une donation ou
plus rarement une vente.

277.

Il nest pas utile de revenir ici sur la question connue des conditions de validit dune

telle stipulation. La jurisprudence, puis le lgislateur821, ont fix en ce domaine des conditions
prcises de validit dont il est suffisant de rappeler quelles consistent en une dure limite et
un intrt srieux et lgitime de recourir cette clause, lorsque la partie qui en est tenue est
819

P.-H. ANTONMATTEI, J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spciaux, op. cit., n 58, p. 57.

820

R. MARTY, De lindisponibilit conventionnelle des biens , LPA, 2000, n 232 p. 6 n 4.

821

Sur la loi de 1971 v. P. SIMLER, Les clauses dinalinabilit , D. 1971, Lgis., p. 416-1.

156

Contribution lanalyse normativiste du contrat


une personne physique822. La chose se vrifie aussi bien propos des actes titre gratuit
quonreux823. Nous soulignerons simplement que ces conventions sont des rfrences (A) en
vertu desquelles la validit dautres conventions peut tre juge (B).

A. Stipulations rfrences.

278.

linstar du pacte de prfrence et de la promesse unilatrale de vente, la convention

dindisponibilit pose deux types de stipulations rfrence. Dabord, et principalement, cette


convention interdit de disposer, interdiction dont nous essayerons dans un premier temps de
saisir toute la porte (1). Ensuite, dautres stipulations permettent, comme nous lavons vu
pour les conventions tudies au paragraphe prcdent, damnager cette interdiction (2).
1. Linterdiction de disposer.
279.

Linalinabilit conventionnellement stipule a pour effet dinterdire la conclusion ou

lexcution de plusieurs conventions. La vente dabord et la donation ensuite sont bien


entendu les deux principales conventions dont la conclusion est en contradiction avec une
clause dinalinabilit. Mais dautres conventions peuvent galement violer une clause
dindisponibilit. Cest le cas, par exemple, de srets comme lhypothque conventionnelle.
Si la question ne fait pas dbat en prsence de prcisions quant linterdiction de consentir
une telle garantie dans lacte initial824, la situation est plus complexe en labsence de telles
prcisions. La doctrine semble considrer aujourdhui que linterdiction daliner emporte
interdiction de consentir une hypothque825. La jurisprudence, aprs quelques moments de
822

Pour les personnes morales, les conditions requises par larticle 900-1 sont extensibles mais en partie
seulement. La stipulation dinalinabilit peut ne pas tre temporaire si elle est justifie par un intrt lgitime ;
P. MALAURIE, Les successions les libralits, 3me dition, Defrnois, Coll. Droit civil, 2008 n 368, p. 191 et
192 ; Contra, P. SIMLER, Les clauses dinalinabilit , D. 1971, Lgis., p. 416-5, pour qui larticle 900-1 ne
vise que les possibilits nouvelles instaures par la loi du 3 juillet 1971, c'est--dire lintervention judiciaire,
lexclusion des conditions de validit.

La rforme visait uniquement le domaine des successions, mais lon saccorde dire que les
conditions sont extensibles aux stipulations issues des autres actes juridiques que ceux viss par
larticle 900-1 du Code civil (P. SIMLER Ibid., p. 416-4). La Jurisprudence la rcemment confirm. V. Civ.
823

1, 31 octobre 2007 ; BJS 2008, n 5, p. 450, note J.-F. BARBIERI ; LPA 2008, n 189, p. 6, comm. C. KUHN ;
RDC 2008, n 2, p. 248, note Y.-M. LAITHIER ; JCP N. 2008, n 5, 1064, note R. MORTIER ; RTD civ. 2008,
p. 126, Observations T. REVET ; Rev. Socit, 2008, p. 321, Note S. SCHILLER ; D. 2008, p. 963, Comm. A.L. THOMAT-RAYNAUD ; Defrnois 2008, n 13, p. 1485, comm. B. THULLIER.
824

M. GRIMALDI (Direction), Droit patrimonial de la famille, Dalloz, Coll. Dalloz Action, 2008, n 313-97.

825

J.-L. BERGEL, M. BRUSCHI, S. CIMAMONTI, Les biens, 2me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit civil,

157

La hirarchie des normes conventionnelles


doutes826, a opt pour linterdiction de consentir une hypothque conventionnelle827. La clause
dinalinabilit prohibe donc toutes les alinations cites, la vente, la donation ou encore
lhypothque conventionnelle du bien objet de la clause. Ltendue de lalination peut
galement tre amnage par la convention.
2. tendue de linterdiction de disposer.
280.

Limitations et conditions de fond

Linterdiction daliner peut tout dabord tre

absolue, toute alination est alors interdite. Lalination dun bien peut galement tre
seulement limite plusieurs gards. Le bnfice de la vente ou de la donation peut en effet
tre interdit une personne en particulier ou un groupe de personnes. La vente peut
linverse tre autorise seulement lorsque lacqureur est une personne dtermine ou membre
dun groupe dtermin (cercle de famille, associs dune socit).

281.

Limitations et conditions de forme Comme dans plusieurs des situations dj

tudies les limites la libert de contracter de la partie tenue par la clause dinalinabilit
peuvent tre uniquement de forme. Linterdiction daliner peut ntre en effet quune
interdiction daliner dfaut daccord ou dagrment de la part du donateur 828 ou du
vendeur.

2010, n 87, p. 101 ; A. SERIAUX, J. Cl. Civil, Code, article 900-1, v Libralits, Dispositions gnrales,
Clauses dinalinabilit, fasc. unique, n 19 ; F. ZENATI-CASTAING F., T. REVET, Les biens, 3me dition,
PUF, Coll. Droit fondamental, 2008, n 37, p. 81.
826

M. GRIMALDI, Droit civil, libralit partage dascendants, Litec, Coll. Manuels, 2000, n 1222, p. 169,
Pendant cette priode, la Cour a sembl considrer que la possibilit dhypothquer de manire conventionnelle
un bien frapp dinalinabilit tait une question de fait laisse lapprciation des juges du fond, qui devaient
dterminer si le donataire ou vendeur avait exprim une inalinabilit simple, ou une telle stipulation double de
celle dhypothquer. V. Civ. 1, 6 fvrier 1901, Attendu que les parties taient en dsaccord sur le point de
savoir si cette interdiction, qui est drogatoire du droit commun, comprenait pour les lgataires la dfense
dhypothquer le bien lgu ; quil y avait donc lieu interprtation () Attendu quen attribuant ce sens et
cette porte la clause litigieuse larrt attaqu ne la pas dnatur et na ni viol larticle 1134 du Code civil,
ni aucun autre texte de loi , DP 1902, I, p. 71.
827

Civ. 1, 23 janvier 2008, Bull. civ. I, n 19 p. 15 ; La Cour casse la dcision dune cour dappel qui refuse
dannuler les hypothques conventionnelles consenties par une association sur des biens grevs dinalinabilit
lors dune donation, Defrnois, 2008, n 13, p. 1485,Comm. B. THULLIER ; Dr. socits, 2008, n7, comm.
145, R. MORTIER.
828

A. SERIAUX, J. Cl. Civil, Code, article 900-1, v Libralits, Dispositions gnrales, Clauses
dinalinabilit, fasc. unique, n 1 ; Pour un exemple de donation avec interdiction daliner sauf recueillir
laccord des auteurs de la donation, Civ. 3, 31 mai 2006, Bull. civ. III, n 136 p. 112, AJDI 2006, p. 830,
Observations F. DE LA VAISSIERE.

158

Contribution lanalyse normativiste du contrat


B.

Des rfrences conditionnant la validit des conventions portant sur le bien

indisponible.
282.

Les contrats conclus ici en violation des droits contractuels dautrui829 connaissent un

sort diffrent selon les hypothses. Cependant, la nullit frappe frquemment830 la convention
par laquelle des parties en violent une autre.

283.

La nullit, une sanction classique Dans un grand nombre de cas, la violation de la

clause dinalinabilit est frappe de nullit831. La jurisprudence est dsormais fixe et ce


depuis le milieu du XIXme sicle832. Quant la doctrine, si elle dbat encore parfois du
fondement de cette solution833, la possibilit de frapper de nullit la convention par laquelle
des parties violent une stipulation dinalinabilit semble faire en son sein lobjet dun
consensus834. Sont ainsi dclares nulles la vente835, la donation ou lhypothque836, dun bien
vis par une stipulation dinalinabilit. Peu importe que lacqureur, donataire, ou crancier
hypothcaire ait eu ou non connaissance de cette interdiction837.

284.

Conclusion :

Une

hirarchie

de

normes

conventionnelles

La

clause

829

B. STARCK, Des contrats conclus en violation des droits contractuels dautrui , JCP G, 1954, I, 1180.

830

A. SERIAUX, J. Cl. Civil, Code, op. cit., n 24.

831

Si laction en nullit est en principe une sanction pouvant intervenir dans tous les cas de violation par une
convention dune clause dinalinabilit, cette sanction ne frappe cependant pas toujours la norme venant violer
la disposition prohibant lalination dun bien. Laction en nullit ne bnficie qu celui dans lintrt duquel la
clause a t stipule (F. TERRE et P. SIMLER, Les biens, op. cit. n 136, p. 138 140). Linterdiction daliner
stipule au profit de lalinateur (volont de maintenir un bien dans le cercle de famille ou de mnager un droit
de retour) donnera ce dernier la possibilit dagir en annulation de lacte procdant lalination prohibe.
Dans lhypothse o la stipulation a pour but de protger le donataire ou plus rarement lacheteur, seul ce dernier
pourra agir en nullit.
832

Req. 9 mars 1868, S. 1868, I, p. 204.

833

R.-N. SCHTZ, Rp. Civ. Dalloz, V- Inalinabilit, n 83.

834

Voir par exemple, M. GRIMALDI, Droit civil, libralit partage dascendants, op. cit., n 1223, p. 171 ; P.
MALAURIE, Les successions, les libralits, op. cit., n 370, p. 193 ; A. SERIAUX, J. Cl. Civil, Code, op. cit.,
n 24 ; F. TERRE et P. SIMLER, Droit civil, Les biens, op. cit., n 134 et 135 p. 137 et 138 ; F. ZENATICASTAING, T. REVET, op. cit., n 37, p. 81.
835

Civ. 1, 23 janvier 2008, prcite.

836

Ibid. Le mme arrt statut sur quatre ventes et une donation.

837

B. STARCK, Des contrats conclus en violation des droits contractuels dautrui , prcit, n 11. Lorsque
linalinabilit a t publie. dfaut de publicit, ou de connaissance de la clause par le tiers, cette clause lui
est bien videmment inopposable. V. sur ce point, R.-N. SCHTZ, Rp. Civ. Dalloz, V- Inalinabilit, n 90 et
91.

159

La hirarchie des normes conventionnelles


dinalinabilit stipule dans une convention illustre donc nouveau lexistence, dans une
situation commune, dune hirarchie de normes conventionnelles. La vente ou autre
convention conclue en prsence dune inalinabilit conventionnelle sera ou non valable en
fonction des stipulations de la convention dindisponibilit. Cest parce quune clause de cette
nature existe ou non quune alination conventionnelle sera ou non valable ; cest parce que
cette convention contiendra une clause permettant de vendre aux membres de la famille ou
aux actionnaires dune socit, que la vente consentie lun des membres de ce groupe sera
ou non valable. Dans toutes les hypothses la convention dindisponibilit, qui pose un
modle de comportement du propritaire de la chose838, sert de norme de rfrence pour juger
de la validit ou non dune autre convention.

285.

Dans lhypothse tudie, une convention dtermine les conditions de la validit dune

autre convention. Lomniprsence de rapports hirarchiques entre conventions en droit positif


prend encore un peu plus forme. Une dernire illustration apparat dans la figure dessine par
un contrat principal et un sous-contrat.

4. Les contrats principaux (le sous-contrat).

286.

Le sous-contrat est la relation contractuelle qui s'tablit entre deux personnes B et C

soit en vue de l'excution par C de tout ou partie des obligations auxquelles s'est engag B
dans la relation contractuelle qu'il a tablie avec A, soit pour faire bnficier C de l'excution
par A de tout ou partie des obligations auxquelles celui-ci s'est engag au profit de B.
Autrement dit, le sous-contrat est un contrat secondaire conclu avec un tiers par l'un des
contractants un contrat principal et destin l'excution de celui-ci 839. La loi envisage
plusieurs types de sous-contrats comme la sous-location (sans doute devrions nous parler
des sous-locations), le sous-mandat840 ou la sous-traitance. ct de cela, la pratique a
imagin un grand nombre dautres sous-contrats, comme la sous-commission, le sous-

838

C. KUHN, Note sous Civ. 31 octobre 2007, prcit.

839

R. BONHOMME, J.-Cl. Contrats et distribution, v Sous-contrat et co-contrat Adjonction et conjonction de


contractants, fasc. 105, n 5.
840

Nous retiendrons ici une acception large du sous-mandat comprenant la fois le sous-mandat
proprement parler et la substitution de mandataire. Sur cette difficult qualifier la substitution de mandataire de
sous-contrat, voir : P. LE TOURNEAU, Rp. Civ. Dalloz, v Mandat, n 245 et les rfrences cites ; B.
MALLET-BRICOUT, Contribution ltude de la thorie de la reprsentation : la substitution de
mandataire , LPA, 21 dcembre 1999, n 253, p. 13 ; La substitution de mandataire, op. cit.

160

Contribution lanalyse normativiste du contrat


affrtement ou encore le sous-prt.
Mme sil est des hypothses dans lesquelles tout recours au sous-contrat est
absolument prohib, dans la plupart des cas le recours ce mode dexcution de la convention
est admis. Les contrats principaux et sous-contrats peuvent alors en thorie se multiplier
presque linfini formant ainsi une structure dapparence pyramidale841 qui voque la
hirarchie. Plus que dvoquer la hirarchie, la structure contrat principal/sous-contrat cre un
lien de production842. Le contrat principal fixe par un certain nombre de stipulations un
vritable cadre (A) dans lequel il est possible de recourir valablement au sous-contrat (B).

A. Stipulations rfrences.

287.

Avant de pouvoir amnager le recours au sous-contrat, encore faut-il que celui-ci soit

lgalement possible. Tel est souvent le cas.

288.

Interdiction de recourir au sous-contrat L'interdiction de recourir au sous-contrat

peut tre absolue. Tel est le cas en matire de coproprit. Le syndic ne peut se substituer un
tiers dans la gestion de la coproprit (seule lassemble des copropritaires peut permettre
une telle substitution une fin dtermine843). Le sous-contrat de syndic de coproprit est
donc prohib.

289.

Interdiction attnue Plus frquente, et plus intressante, est lhypothse de

linterdiction attnue844 de conclure un sous-contrat. Cette hypothse est la plus commune en


matire de rgimes spciaux de baux845, elle est galement la rgle pour les mandataires de
justice au redressement et la liquidation judiciaire des entreprises en difficult qui peuvent
exceptionnellement, aprs autorisation judiciaire, confier un tiers lexcution dune partie de
841

R. BONHOMME, J.-Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 16.

842

J. NERET, op. cit., qui relve que le contrat originaire conditionne le sous-contrat dans son existence et son
essence , n 77, p. 67.
843

Article 18 de la loi du 10 juillet 1965, dont lavant dernier alina dispose que Seul responsable de sa
gestion, il ne peut se faire substituer. L'assemble gnrale peut seule autoriser, la majorit prvue par
l'article 25, une dlgation de pouvoir une fin dtermine .
844

R. BONHOMME, J.-Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 30.

845

En matire de bail commercial (article L. 145-31 du Code de commerce), de baux dhabitation (article 78 de
la loi du 1er septembre 1948 et 8 de la loi du 6 juillet 1989).

161

La hirarchie des normes conventionnelles


leur mission846.

290.

Autorisation de recourir au sous-contrat Enfin, la possibilit de recourir un

sous-contrat peut tre le principe, linterdiction de sous-contracter constituant alors


lexception. L'article 12 de la loi n 66-80 du 18 juin 1966 dispose par exemple que
l'affrteur peut sous-frter le navire ou l'utiliser des transports sous connaissement .
Mme si lintuitu personae qui imprgne le mandat ne devrait autoriser quune excution du
mandat par le mandataire seulement, sauf accord des parties 847, larticle 1994 du Code civil
prvoit, de manire implicite, que le sous-mandat est valable mme sans accord du
mandant848. De la mme manire, larticle 1717 du Code civil prvoit encore que le preneur
a le droit de sous-louer sans exiger le consentement du bailleur.

291.

Le silence de la loi Reste la problmatique du silence de la loi. L o la loi ne

prvoit aucune disposition, il faut sans doute en conclure que le recours au sous-contrat est
possible849. Cependant, en prsence dun fort intuitu personae le principe sinverse850. En
matire de contrat dentreprise Brenger prcisait, pour emporter la conviction quil fallait
conserver la disposition suivante, le contrat de louage douvrage est dissous par la mort de
louvrier 851, que lorsquon traite avec un architecte, ce nest pas seulement parce quil est
architecte, mais parce quon le croit habile 852. Pour cette raison, une partie de la doctrine
considre quen la matire le principe est celui de lexcution par lentrepreneur principal 853.
De la mme manire, on considre traditionnellement que le mandat Ad litem nest pas (sauf
846

847

(L. 811-1, alina 2, du Code de commerce).


P.-H. ANTONMATTEI, J. RAYNARD, Droit civil, Contrats spciaux, op. cit., n 480, p. 361.

848

B. MALLET-BRICOUT, Contribution ltude de la thorie de la reprsentation : La substitution de


mandataire , prcit, spc. n 1.
849

R. BONHOMME, J.-Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 31.

850

R.-J. POTHIER R.-J., La dcision de la question me parat dpendre de la nature de laffaire qui fait lobjet
du mandat. Si laffaire est de nature que sa gestion demande une certaine prudence, une certaine habilet, on ne
doit pas prsumer que le mandant, qui en a confi la gestion au mandataire par la confiance quil avait en sa
prudence et en son habilet, ait voulu lui permettre de se substituer un autre pour le faire , uvres de
POTHIER (par BUGNET), Tome V, les contrats de bienfaisance, 2me dition, 1861, Cosse et Marchal, H. Plon,
p. 212.
851

P.-A. FENET, Recueil complet des travaux prparatoires du Code civil, Tome XIV, op. cit., p. 234.

852

Ibid., p. 266.

853

J. HUET, Les principaux contrats spciaux, (direction J. GHESTIN), 2me dition, LGDJ, Coll. Trait de droit
civil, 2001, n 32286, p. 1392 et 1393.

162

Contribution lanalyse normativiste du contrat


disposition contraire) susceptible de faire lobjet dune substitution de mandataire854.

292.

Quoi quil en soit, interdiction ou autorisation de principe, toutes ces hypothses (ou

presque) ont en commun la particularit de laisser aux parties une place trs importante dans
le choix du recours au sous-contrat. Le plus souvent ce sera donc vers la convention principale
quil faudra se tourner pour apprcier la possibilit pour le contractant intermdiaire de souscontracter. Le contrat principal qui fixe alors le principe du recours au sous-contrat (1)
dtermine galement, lorsquil lautorise, les conditions dans lesquelles peut natre une
convention de second ordre (2).

1. Recours au sous-contrat.

293.

Baux dimmeubles En matire de baux soumis aux lois du 1er septembre 1948855 et

du 6 juillet 1989856, le principe est invers par rapport celui pos larticle 1717857 afin
dviter toute spculation en la matire858. Le propritaire peut cependant autoriser dans le
bail dhabitation le recours la sous-location859. Le bail commercial, qui interdit lui aussi en
principe le recours la sous-location, permet par exception aux parties de saccorder sur un
possible recours cette convention dans le contrat de bail860. Enfin, si le bail rural interdit en
principe tout recours la sous-location, il existe des exceptions. Le preneur peut alors
consentir une sous-location pour un usage de vacances ou de loisirs ou une sous-location de
btiments usage dhabitation, sil y a t autoris par le bail principal861.
854

Req. 8 janvier 1912, DP, 1913, I, p. 185 ; rcemment, mandat de former un pourvoi en cassation : Civ. 2, 4
mai 2007, Attendu que l'article 1994 du Code civil n'autorise la substitution du mandataire dans
l'accomplissement de son mandat que si le mandat le prvoit .
855

le preneur na le droit ni de sous-louer, ni de cder son bail, sauf clause contraire du bail ou accord du
bailleur .
856

Le locataire ne peut ni cder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec accord crit du
bailleur, y compris sur le prix du loyer .
857

P. MALAURIE, L. AYNES, P.-Y. GAUTIER, op. cit., n 696, p. 399.

858

H. KENFACK, Actualit du droit de la sous-location , AJDI, 2007, p. 812.

859

N. DAMAS, Rp. Droit Imm. Dalloz, v Baux d'habitation et mixtes (Rapports locatifs individuels : loi du
6 juillet 1989), n 151.
860

C. QUEMENT, J.-Cl., Bail loyer, v Bail commercial, sous-location, fasc. n 1460, n 16.

861

Article L. 411-35 alina 3 du Code rural : Toute sous-location est interdite. Toutefois, le bailleur peut
autoriser le preneur consentir des sous-locations pour un usage de vacances ou de loisirs. Chacune de ces

163

La hirarchie des normes conventionnelles


294.

Autres sous-contrats Le recours au sous-mandat est nous lavons dit en principe

autoris862. Cependant, comme dans les autres hypothses envisages, le mandant peut
interdire tout recours cette convention863. De la mme manire, dans le contrat dentreprise,
les parties peuvent () prvoir une clause excluant la sous-traitance, le contrat devant
alors tre excut par le titulaire lui-mme 864. En matire de commission de transport, l
encore, la sous-commission ou substitution de commissionnaire peut tre valablement ou non
utilise par les parties. Il ny a en principe pas dobstacle ce que deux commissionnaires de
transport se suivent pour la mme opration 865, et ce, alors mme que la commission de
transport suppose le transport de bout en bout . Il y a alors un commissionnaire principal et
des commissionnaires intermdiaires866. Le contractant principal peut cependant interdire la
sous-commission en stipulant une clause cet effet867, comme il peut la permettre ou
limposer868.

295.

Le recours au sous-contrat dpend donc dans une large mesure de la convention

principale. Elle est cet gard une norme en rfrence de laquelle la rgularit du recours au
sous-contrat sera juge. Elle dtermine le principe du recours au sous-contrat, elle peut encore
dterminer les modalits de ce recours.

sous-locations ne peut excder une dure de trois mois conscutifs. Dans ce cas, le bnficiaire de la souslocation n'a aucun droit son renouvellement, ni au maintien dans les lieux son expiration. En cas de refus du
bailleur, le preneur peut saisir le tribunal paritaire. Le tribunal peut, s'il estime non fonds les motifs de
l'opposition du bailleur, autoriser le preneur conclure la sous-location envisage. Dans ce cas, il fixe
ventuellement la part du produit de la sous-location qui pourra tre verse au bailleur par le preneur. Le
bailleur peut galement autoriser le preneur consentir des sous-locations des btiments usage d'habitation.
Cette autorisation doit faire l'objet d'un accord crit .
862

P. PUIG, Contrats spciaux, 3me dition, Dalloz, Coll. HyperCours, 2009, n 904, p. 522 ; v. galement :
Soc., 9 janvier 1974, Bull. civ. V, n 24, p. 22 Il est loisible au mandataire de se substituer un tiers lorsque la
loi ou la convention nen dispose pas autrement .
863

P. LE TOURNEAU, Rp. Civ. Dalloz, prcit, n 243.

864

A. BENABENT, J. Cl. Contrats et distribution, V Sous-traitance, sous-traitance de march de personnes


prives, fasc. 1450, n 40
865

R. RODIERE, Des commissionnaires de transport successifs , D. 1958, Chron., p. 217.

866

B. MERCADAL, Droit des transports terrestres et arien, Dalloz, Coll. Prcis, 1996, n 16, p. 17.

867

M.-P. DUMOND-LEFRAND, J.-Cl. Contrats et distribution, v Commission, Rgime, fasc. 830, n 19.

868

Ibid.

164

Contribution lanalyse normativiste du contrat


2. Modalits de recours au sous-contrat.

296.

Conditions de fond Le sous-contrat tant profondment dpendant du contrat

principal, ce dernier dtermine directement ou indirectement les conditions de fond auxquelles


est soumis le sous-contrat. Les rapports entre conventions principales et sous-conventions
tant gouverns par la rgle nemo plus juris869, la dure870 du sous-contrat, les missions
attribues ou plus gnralement ltendue871 du sous-contrat, ne peuvent excder celles du
contrat principal.

297.

Au-del de ces limites naturelles , le contrat principal peut dfinir en son sein des

limites plus rigoureuses. Le contrat dentreprise peut limiter le recours la sous-traitance pour
une partie seulement de louvrage. La sous-location peut tre limite une dure moindre que
celle du bail principal, des sous-locations prcaires, certains sous-locataires (telle une
socit faisant partie du mme groupe que la socit titulaire du bail872), ou encore une
partie de la surface loue seulement873.

298.

Conditions de forme Des conditions de forme peuvent galement tre stipules par

les parties. Ces dernires peuvent convenir de lexigence dun acte authentique pour toute
sous-location874. Elles peuvent galement supprimer une formalit lgale en prvoyant, dans
le bail commercial, le renoncement du bailleur concourir lacte en cas de sous-bail875.
Dans le contrat dentreprise, elles peuvent par anticipation renoncer lagrment du soustraitant en acceptant le recours la sous-traitance876. En matire de Bail elles peuvent enfin

869

J. NERET, op. cit., n 177, p. 143.

870

Ibid. n 163, p. 131.

871

Ibid. n 177, p. 143.

872

J.-P. BLATTER, Baux commerciaux : chronique d'actualit lgislative et jurisprudentielle, mars 2003 mars 2004 , AJDI, 2004 p. 942.
873

G. TEILLIAIS, La sous-location de locaux commerciaux , Defrnois, 1997, p. 146 spc. n 8.

874

B. VIAL-PEDROLETTI, J.-Cl., Bail dhabitation, v, Locations rgies par le droit commun du louage (Code
civil), droits du locataire, cession et sous-location, fasc. 236, n 29.
875

M.-P. DUMONT, Rp. Dr. Imm, Dalloz, v- Baux commerciaux, n 264.

876

J. HUET, Les principaux contrats spciaux, op. cit., n 32324.

165

La hirarchie des normes conventionnelles


exiger, lorsque cela nest pas lgalement impos, le concours ou lagrment du bailleur 877 (ou
la notification ce dernier du projet de bail878).

299.

Tous les lments dont le respect est prescrit par le contrat principal entranent, sils ne

sont pas respects, linvalidit du sous-contrat. Cela se traduit ici, non par la nullit de lacte
conclu en violation de la premire convention mais, le plus souvent, par son inopposabilit.

B. Des rfrences conditionnant la validit du sous-contrat.

300.

Si la possibilit de conclure un sous-contrat a t au cur des nombreuses rflexions

menes autour de cette opration juridique, la question de la sanction du recours une


convention de second ordre en violation des dispositions conventionnelles dune premire
convention na pas fait lobjet de la mme attention. Chacun saccorde dire que le souscontrat prohib est irrgulier (1) mais la sanction de cette irrgularit mrite plus dattention.
Le plus souvent, lorsque cette question est envisage, elle est rduite la relation liant les
contractants primus et secondus et se rsume envisager la responsabilit de secondus ou la
rsiliation du contrat principal. Les rapports entre secondus et tertius ne sont en gnral
voqus que pour prciser que le sous-contrat peut tre rsili (du fait de la disparition du
contrat principal ou indpendamment de celle-ci). La sanction de la convention principale ou
de ses auteurs est loin dtre la seule pouvant dcouler dun sous-contrat irrgulirement
conclu. Outre lintrt pratique que peut avoir une partie invoquer linvalidit du souscontrat sans remettre en cause lexistence du contrat principal, il faut ici pour tudier
lexistence dune hirarchie conventionnelle dterminer si la validit du sous-contrat
irrgulirement form peut tre mise en cause. Comme le relve Madame Mallet-Bricout dans
sa thse propos de lhypothse particulire du mandat (mais lon peut sans mal gnraliser
ses propos), la doctrine na pas russi saccorder 879 sur notre question en raison sans
doute dune jurisprudence qui naborde jamais la question de front [et qui] ne rpond qu
des problmes annexes ou se contente daffirmer le principe de lillicit 880. Cela tient sans
877

B. VIAL-PEDROLETTI, J.-Cl., Bail dhabitation, op. cit., n 29 ; v. rcemment, pour la mise disposition (
titre gratuit) du bien lou un tiers sans lagrment du bailleur, alors que celui-ci tait exig par le bail ; Civ. 3,
10 mars 2010, RTD civ. 2010, p. 343, observations P.-Y. GAUTIER.
878

G. TEILLIAIS, La sous-location de locaux commerciaux , prcit, n 8.

879

B. MALLET-BRICOUT, La substitution de mandataire, op. cit. n 290, p. 199.

880

Ibid.

166

Contribution lanalyse normativiste du contrat


doute, comme le relvent certains propos du sous-bail, au fait que la situation est
particulirement complexe, du fait de l'imbrication des dispositions qui concernent tantt
les rapports du bailleur et du locataire principal, tantt ceux du locataire principal et du
sous-locataire, tantt ceux, enfin, du bailleur et du sous-locataire 881. Nous montrerons
cependant que les rares solutions existantes semblent indiquer que la norme forme en
violation du contrat liant primus et secondus nest pas juridiquement parfaite (2).

1. Irrgularit du dpassement des limites conventionnelles.

301.

La violation des limites conventionnelles rend certainement le sous-contrat irrgulier.

Le sous-bail octroy une personne autre que celles avec lesquelles le preneur tait autoris
contracter est irrgulier882. Le sous-bail serait irrgulirement conclu dfaut dappel au
bailleur de concourir lacte883.
Cette irrgularit semble permettre dengager la validit du sous-contrat. Le plus
souvent, cet acte sera inopposable lgard du contractant principal qui nest pas partie au
sous-contrat.

2. Invalidit du dpassement des limites conventionnelles.

302.

Sous-traitance La sanction qui frappe la sous-convention qui contrevient la

prohibition conventionnelle de recourir la sous-traitance est linopposabilit884


lentrepreneur principal du sous-traitant. Ce dernier ne bnficie pas alors de laction directe
prvue par la loi de 1975885 ( moins bien sr quil nen soit convenu autrement par la suite).

881

R. RAFFI, Rflexions sur le renouvellement de la sous-location commerciale et sur les relations entre
bailleur, locataire principal et sous-locataire , Note sous, Civ. 3, 27 septembre 2006, LPA, 31 juillet 2007 n
152, p. 20, n 2.
882

J.-P. BLATTER, Baux commerciaux : chronique d'actualit lgislative et jurisprudentielle, mars 2003 mars 2004 , prcit, p. 942.
883

CA Versailles, ch. com. runies, 13 fvrier 2001, SARL Twin Holding c/ SA De Passy, n98/1857, Bull. Joly
Socits, 1er aot 2001 n 8-9, p. 868, note, J.-F. BARBIERI.
884

J. PERROUIN, Thse prcite, n 1062, p. 456.

885

P. PUIG, Contrats spciaux, op. cit., n 821, p. 477 ; Ch. Mixte, 13 mars 1981, Bull. civ Mixte., n 3, D.
1981, p. 309, Note A. BENABENT.

167

La hirarchie des normes conventionnelles


303.

Baux En matire de bail commercial, la Haute juridiction considre que le non

respect des conditions permettant la sous-location entrane galement linopposabilit de la


sous-location au bailleur886. Le preneur est lgard du contractant principal un occupant sans
droit ni titre887/888. En pratique le plus souvent, ce constat fait chec au droit au
renouvellement du sous-locataire. Mme si les juges du fond semblent parfois suggrer
linverse889, la nullit de la convention ne semble pas pouvoir tre obtenue. La Cour de
cassation, dans une dcision du 30 mars 1978, a nonc que si une sous-location
irrgulirement consentie est inopposable au propritaire elle produit tous ses effets dans les
rapports entre le locataire principal et sous-locataire tant que le premier a la jouissance des
lieux 890.

La solution gnrale applique ici un bail soumis aux dispositions du dcret de 1953
vaut galement pour les autres types de baux. Le bail entre le preneur et le sous-preneur reste
valable891 mais il est inopposable au bailleur892. Sa rsiliation peut donc tre obtenue
directement, ou par le biais de la rsiliation judiciaire du bail principal (sanction traditionnelle
de la sous-location irrgulire lgard du preneur893).

304.

La seule exception cette rgle concerne le bail rural dont les conditions de cession ou

de sous-location sont trs strictement encadres pour des motifs dordre public. Si le
contentieux est rare en matire de sous-location894, il lest moins dans un domaine voisin,
886

M.-P. DUMOND-LEFRAND, obs. sous, Civ. 3, 27 septembre 2006, AJDI, 2007, p. 197 ; H. KENFACK,
Actualit du droit de la sous-location , AJDI, 2007, p. 812 ; C. QUEMENT, J.-Cl., Bail loyer, op. cit., n
43 ; G. TEILLIAIS, La sous-location de locaux commerciaux , prcit, n 13.
887

Civ. 3, 5 mai 1970, Bull. civ. III, n 309 p. 225.

888

Le non respect des conditions fixes par le dcret sur les baux commerciaux a en effet conduit la Cour de
cassation noncer que la sous-location doit tre considre comme inexistante lgard des propritaires ,
Com., 12 juin 1965, Bull. civ. IV, n 364.
889

CA Paris, 16e ch. B, 21 fvr. 2003, AJDI, 2004, p. 32, CA qui refuse une action en nullit du bail au souslocataire, au motif que n'tant pas partie au bail principal, le sous-locataire ne peut se prvaloir de sa
violation et que, n'tant pas propritaire, il ne peut invoquer l'article L. 145-31 .
890

Civ. 3, 30 mars 1978, Bull. civ. III, n 131, p. 103.

891

C. AUBERT DE VINCELLES, Rp. Civ. Dalloz, v Bail, n 78.

892

Ibid.

893

S. BEAUGENDRE, Le bailleur et la sous-location irrgulire , AJDI, 2004 p. 631.

894

J. DERRUPPE, Les baux ruraux et les sous-locations prohibes , Rev. Dr. imm., 1993 p. 281.

168

Contribution lanalyse normativiste du contrat


celui des cessions de bail rural (cessions et sous-locations sont aujourdhui rgies par le mme
article L. 411-35 du Code rural). Cette question a donn loccasion la Haute juridiction de
prciser les sanctions dune sous-location consentie sans accord pralable du bailleur. Cet acte
doit tre frapp de nullit895.

305.

La substitution de mandataire Sur cette question encore la doctrine a eu du mal

trouver une position unitaire896. Certains ont prconis de retenir la nullit de la convention
irrgulirement conclue897. La sanction semble tre ici encore cependant la mme, le recours
prohib au sous-mandat entrane linopposabilit du sous-contrat au mandant principal. Cette
solution, dj prconise par Pothier898, a t confirme par la chambre commerciale de la
Cour de cassation dans un arrt du 2 dcembre 1997899. Dans cette dcision, des mandants
avaient confi la gestion de portefeuilles de valeurs mobilires un mandataire titulaire de la
carte professionnelle d'auxiliaire de la profession boursire. Aprs la loi du 2 aot 1989,
supprimant cette profession et instituant une profession unique de grant de portefeuille pour
lexercice de laquelle le mandataire navait pas obtenu dagrment, ce dernier se substitua une
socit dont il tait salari. Les mandants, se fondant sur le dfaut dautorisation cette
substitution de mandataire, demandrent que leurs comptes soient remis dans ltat o ils
taient avant cette substitution, ce qui revenait invoquer linopposabilit des actes
irrgulirement conclus. La Cour de cassation, pour sopposer cette demande, nonce que
si cette substitution n'tait pas autorise par les contrats de mandat, ce qui aux termes de
l'article 1994 du Code civil avait pour seul effet de rendre le mandataire responsable de la
gestion de celui qu'il s'est substitu, elle n'tait pas interdite 900 admettant ainsi, a contrario,
que linterdiction conventionnelle de toute substitution aurait entach la validit de la
substitution.
895

Ch. runies, 7 mars 1960, Bull. civ., Ch. runies, n 1, D. 1960, p. 349, note R. SAVATIER ; RTD civ. 1960,
p. 494, Note J. CARBONNIER.
896

B. MALLET-BRICOUT, op. cit., n 290, p. 199.

897

A. DURANTON, Cours de Droit franais suivant le Code civil, quatrime dition, Tome XVIII, Thorel et
Guilbert, 1844, n 252 p. 243 et 244 Si le mandat interdisait formellement au mandataire de se substituer
quelquun, ou de substituer telle ou telle personne, et que nanmoins le mandataire eu fait la substitution, on
devrait la considrer nulle et de nul effet mme lgard des tiers, qui auraient trait avec le substitu .
898

Il est vident que le mandataire en ce cas, a excd les bornes du mandat et que ce qui a t fait noblige
pas le mandant , uvres de POTHIER (par BUGNET), Tome V, les contrats de bienfaisance, 2 me dition,
1861, Cosse et Marchal H. Plon, p. p. 211.
899

Com., 2 dcembre 1997, JCP G., 1998, II 10160, Note M. STORCK.

900

Ibid.

169

La hirarchie des normes conventionnelles


Cette inopposabilit se traduit encore ici sur le terrain de laction directe. Alors que le
mandataire substitu dispose dune action en paiement contre le mandant, que la substitution
ait t autorise ou non901, doctrine902 et jurisprudence903 saccordent pour refuser cette action
directe lorsquune interdiction de substitution a t expressment stipule.

306.

La sous-commission La doctrine relve en la matire que lorsque lopration a t

interdite par la convention initiale, celle-ci est nulle lgard du commettant. Dans les
rapports entre le substituant et le substitu 904 la convention reste valable905. La sanction
semble tre une nouvelle fois linopposabilit.

307.

Le sous-contrat de transport Si la sous-traitance de transport est possible906, les

parties peuvent interdire d'y recourir et exiger lexcution directe par le contractant choisi par
lexpditeur. En cas de recours non autoris la sous-traitance, la convention entre
transporteur initial et substitu nest pas opposable au contractant principal. La Haute
juridiction de lordre judiciaire a dailleurs eu loccasion daffirmer cette position. Dans une
espce dans laquelle un transporteur avait t substitu celui dsign par lexpditeur, la
Cour de cassation a censur les juges du fond qui avaient refus au sous-traitant lexercice de
son action directe au motif que, le voiturier qui excute en qualit de substitu l'expdition,
a une action directe en paiement de ses prestations contre l'expditeur, garant du prix du
transport, sauf si ce dernier a interdit son cocontractant toute substitution (or, aucune

901

Com. 9 novembre 1987, Bull. civ. IV, n 233 p. 174 ; Pour plus de dtails v. B. MALLET-BRICOUT, op. cit.,
n 469 et s. pp. 308 et s.
902

B. MALLET-BRICOUT, Ibid., n 471 p. 309.

903

CA Paris, 10 Avril 1992, Juris-Data n 020979, En vertu de lalina 2 de larticle 1994 du Code civil, le
mandataire substitu une action directe contre le mandant pour obtenir le remboursement de ses avances et
frais ainsi que le paiement de la rmunration laquelle il a droit ; Quil ne pourrait en tre autrement que dans
le cas dune interdiction de substitution faite par le mandant .
904

M.-P. DUMONT, Lopration de commission, (Prface J.-M. MOUSSERON) Litec, Coll. Bibliothque de
droit de l'entreprise, 2000, n 430, p. 348, note n 50.
905

Ibid.

906

Sans que le transporteur initial ne perde pour autant sa qualit de transporteur au profit de celle de
commissionnaire de transport. Sur ce point v. L. GUIGNARD, Sous-traitance et transport, (prface B.
MERCADAL) Litec, Coll. Bibliothque de droit de l'entreprise, 2001 ; J.-P. TOSI, L'action directe en
paiement de l'article L. 132-8 du Code de commerce : trois avances , note sous Com. 28 janvier 2004, D. 2004,
p. 944.

170

Contribution lanalyse normativiste du contrat


interdiction navait t stipule ici)907. L encore, comme dans les autres hypothses
envisages, la sanction est donc linopposabilit.

308.

Conclusion : Une hirarchie de normes conventionnelles Les dveloppements ont

pu paratre longs, mais ils taient ncessaires pour sassurer de lhomognit du rgime du
sous-contrat. Ltude des rapports entretenus entre contrats principaux et sous-contrat tant
mene son terme, il est possible de relever quil sagit vritablement dune nouvelle
hypothse de droit positif instaurant une hirarchie entre conventions. Dans toutes les
conventions cites, et que le principe soit lautorisation ou la prohibition, cest sans conteste la
convention initiale qui dtermine dans une trs large mesure sil est ou non possible de
recourir un substitut dans lexcution ou dans le bnfice dun contrat. Cest en rfrence
aux stipulations du contrat principal que la possibilit de recourir un sous-contrat sera
apprcie. Cest, de la mme manire, le sous-contrat qui dtermine les conditions de fond ou
de forme dans lesquelles est possible le recours au sous-contrat. Cest parce que le bail prvoit
la possibilit de recourir au sous-contrat que ce dernier sera pleinement valide. Cest parce
que le contrat principal le prvoit, cest en rfrence ce dernier, quil sera valablement
possible de sous-traiter lensemble dun ouvrage. Le contrat principal, en frappant
dinopposabilit le sous-contrat conclu hors du cadre de rfrence dtermin par le contrat
principal, dtermine les conditions de validit du recours au sous-contrat. Il est au sens o
nous lavons dfini une convention hirarchiquement suprieure une autre convention.

*
* *

907

Com. 28 janvier 2004, prcit.

171

La hirarchie des normes conventionnelles

309.

Conclusion du chapitre premier Ltude du droit positif et de certaines

conventions en particulier nous a permis de dmontrer que des conventions pouvaient


dterminer les conditions de validit dautres conventions, c'est--dire entretenir avec des
rgles de la mme nature des relations que lon peut qualifier de hirarchiques. Cela se vrifie,
assez logiquement, lorsque la convention dite suprieure est un contrat organisation . Les
statuts de la socit dfinissent ainsi partiellement les conditions de validit des actes conclus
par les associs entre eux ou par les organes sociaux au nom de la socit. Le rglement de
coproprit dtermine les conditions de validit de certaines conventions conclues par les
copropritaires sur leurs lots. Enfin, les conventions matrimoniales, en dterminant la titularit
des droits et les pouvoirs de chaque poux sur leurs biens, dterminent les conditions de
validit des actes portant sur ces biens.

310.

Le rle particulier des conventions organisation nest pas exclusif de lexistence de

rapports du mme type hors de la prsence de tels actes. Les conventions change
dterminent galement les conditions de validit dautres conventions. Les avant-contrats de
vente et conventions dindisponibilit dterminent en partie les conditions de validit de
ventes futures du bien objet du premier contrat, tout comme le mandat dtermine videmment
les lments de la validit du contrat projet. Enfin, cest en rfrence aux stipulations du
contrat principal que sera apprcie la validit du sous-contrat. La hirarchie des normes est
donc omniprsente dans les rapports conventionnels. Elle ne se limite pas quelques
conventions mais se manifeste dans un nombre considrable de situations toutes assez
communes.

311.

Paradoxalement, en dpit de cette prsence inattendue de rapports hirarchiques entre

conventions, des relations de nature hirarchique semblent tre absentes dune structure
conventionnelle propos de laquelle est pourtant frquemment voque la notion de
hirarchie, celle forme par les diffrents niveaux de conventions et accords collectifs de
travail.

172

Contribution lanalyse normativiste du contrat

LABSENCE

CHAPITRE

SECOND

RAPPORTS

HIRARCHIQUES

ENTRE

INATTENDUE

DE

CONVENTIONS

ET

ACCORDS COLLECTIFS DE TRAVAIL.

312.

Cest indniablement propos des rapports entre les diffrents niveaux de conventions

et accords collectifs de travail que lexpression hirarchie des normes conventionnelles a


trouv ses lettres de noblesse. vrai dire, cest probablement mme dans ce seul domaine que
le terme de hirarchie a vritablement t utilis de manire commune pour rendre compte des
relations entre plusieurs contrats ou conventions908. Pour cette seule raison, ltude des
rapports entre les diffrents niveaux de conventions et accords collectifs simpose. Pour
autant, et la diffrence de toutes les situations tudies jusqu prsent, assez
paradoxalement, il ne nous semble pas que les rapports entretenus aujourdhui par ces normes
soient marqus du sceau de la hirarchie.

313.

Avant daller plus loin sur ce point, un bref rappel et quelques explications simposent

propos des rgles darticulation des diffrents niveaux de conventions et accords collectifs
de travail. Nous nenvisagerons ici, comme ailleurs, que la question de la hirarchie en termes
de rapport de production entre deux normes, autrement dit, il sera question de savoir si
une convention collective peut dterminer un lment dune autre convention collective sous
peine de nullit ou dinopposabilit de cette dernire. Cest ce stade quune ambigut
pourrait apparatre. Il est en effet rgulirement soutenu en droit du travail que lorsquune
rgle prime sur une autre au stade de lapplication celle qui est carte est inopposable 909.
Or, linopposabilit tant nos yeux une varit dinvalidit cela signifierait que lorsquune
convention collective est carte ( inoppose ) au stade de lapplication, elle serait
hirarchiquement infrieure celle qui reoit application.
Quelques prcisions doivent tre apportes. Si lon comprend aisment que lon parle
908

Une recherche de cette locution sur une base de donnes juridiques oriente invitablement et quasiexclusivement le chercheur vers lunivers travailliste.
909

En ce sens, E. JEANSEN, Larticulation des sources du droit, Essai en droit du travail, (prface B.
TEYSSIE) Economica, Coll. Recherches juridiques, 2008, n 101, p. 85 qui crit que la suprmatie de la
convention collective sur le contrat de travail est assure par la technique exceptionnelle dans notre droit de
linopposabilit des clauses contractuelles contraires aux conventions collectives .

173

La hirarchie des normes conventionnelles


dinopposabilit dans cette situation, celle-ci nest pas la mme que linopposabilit dont nous
avons trait jusqu prsent, elle nest pas une sanction. La convention provisoirement carte
au profit dune seconde, plus favorable par exemple (lorsque le principe de faveur demeure),
nest en aucun cas frappe dinopposabilit . Linopposabilit (au sens o elle a t
entendue jusqu prsent) atteint effectivement un acte irrgulirement form. Or ici, la
convention carte parce quelle est moins favorable est forme de manire parfaitement
rgulire. Elle nest pas atteinte dun vice contemporain de sa formation. La convention est
parfaitement forme, elle aura dailleurs parfois t valablement applique pendant plusieurs
annes avant quune rgle plus favorable (ou depuis 2004, plus spciale) ne prime sur elle,
parfois mme provisoirement. Il ny a donc, cet gard, aucun rapport de hirarchie au sens
o nous lentendons dans larticulation des conventions et accords collectifs de travail ayant
des champs dapplication diffrents. La convention carte nest pas frappe
dinopposabilit . Cette prcision tant apporte la question de lexistence dun rapport de
production entre conventions et accords collectifs de travail peut tre aborde.

314.

La problmatique des rapports hirarchiques entre les diffrents niveaux de

conventions collectives a connu de nombreuses volutions en peine un peu plus dun sicle.
Si lorigine910, la convention collective de travail, contrat sui generis, est marque par une
grande libert contractuelle, les rformes successives intervenues en la matire modifient la
nature des liens entre les conventions et accords ayant un champ dapplication diffrent. Ds
avant la seconde guerre mondiale, en 1919 et en 1936, le lgislateur sempare de la
question. Mais cest compter de 1946911 que la libert contractuelle qui tait de mise avant
guerre sefface au profit dun systme dans lequel la conclusion dune convention requiert une
autorisation des autorits publiques, le contenu de la convention tant dtermin par la loi qui
prcise quelles doivent tre les questions incluses ou exclues de la ngociation. Cest avec
cette loi que lon commence parler de hirarchie entre les diffrents niveaux de conventions
collectives. Il est alors prcisment question de hirarchie chronologique 912. Cest en effet
seulement aprs que les partenaires sociaux aient ngoci une convention nationale et que
celle-ci ait t agre par le gouvernement, que les partenaires rgionaux ou locaux pouvaient
910

Sur lhistoire des conventions collectives, v. J. LE GOFF, La naissance des conventions collectives ,
Droits, 12, 1990, p. 67.
911

Loi n 46-2924 du 23 dcembre 1946 relative aux conventions collectives de travail, Dr. soc., 1947, p. 114.

912

N. DAUXERRE, Le rle de la convention collective dans la production de la norme sociale, op. cit., n 253,
p. 292.

174

Contribution lanalyse normativiste du contrat


adapter les conventions gnrales aux conditions particulires de travail dans le ressort de la
convention collective infrieure . Cest en cela que lon pouvait admettre lexistence de
rapports hirarchiques entre conventions et accords de diffrents niveaux913. La matire,
souligne un auteur, se forme par degr, consacrant le principe dune hirarchie des normes
dont senchanterait la rigueur dun Kelsen 914. Lchec de ce systme hirarchis
dlaboration de la norme ngocie conduit le lgislateur lassouplir. Avec la loi du 11
fvrier 1950, lobligation de ngocier au niveau le plus lev avant toute ngociation
dcentralise disparat en partie, mais demeure trs largement pour les conventions
dentreprises (consacres par ce texte). lexclusion des questions lies la rmunration,
ces actes ne peuvent porter que sur les points dj abords par des accords plus larges, et
encore, laccord dentreprise ne peut quadapter les stipulations de ces actes au cas particulier
de ltablissement915. Demeure donc toujours une conception des conventions et accords qui
repose sur une hirarchie relativement rigide 916. Ce systme disparat partir des lois du
13 juillet 1971, puis du 13 novembre 1982, qui ouvrent la priode en cours dans laquelle
lexistence de relations hirarchiques, bien que la question demeure controverse, ne nous
semblent pas assure (1). Le droit du travail ne drogeant pas la rputation de complexit
quil sest forg917, nous relverons que cette absence de principe de relations hirarchiques ne
fait pas obstacle ce que quelques manifestations de rapports de validit entre conventions et
accords collectifs de travail fassent parfois une irruption en droit positif (2).
1. Labsence de principe de relations hirarchiques entre conventions et accords
collectifs de travail.

315.

Avec la promulgation des lois de 1971 et 1982, le droit positif est dsormais anim par

le principe 918 de lautonomie collective . Cela se traduit par labsence de ngociation


913

G. VACHET, Les conflits entre conventions collectives en droit franais, Thse, Lyon III, 1977, p. 165.

914

P. DURAND, Pouvoir syndical et puissance publique : propos de la loi d 23 dcembre 1946 sur les
conventions collectives , D. 1947, Chron., p. 42.
915

M.-A. SOURIAC, Les accords collectifs au niveau de lentreprise, Thse, Paris I, 1986, p. 1299.

916

Ibid. ; M. DESPAX, La place de la convention dentreprise dans le systme conventionnel , Dr. Soc. 1988,
p. 9.
917

T. TAURAN, Remarques sur la complexit actuelle des normes juridiques : lexemple du droit du travail ,
RRJ, 2003-2, vol. I, p. 933 spc. p. 935 et suivantes o lauteur parle du droit du travail, branche complexe .
918

Sur ce principe et sa nature (principe vritablement normatif ou descriptif du droit positif), v. A.

175

La hirarchie des normes conventionnelles


obligatoire un double niveau de ngociation et par la libert dont jouissent les partenaires
sociaux pour rgler chaque question nimporte quel niveau de ngociation919. Chaque niveau
est autonome et indpendant des autres. La conception hirarchique des rapports entre les
conventions collectives de diffrents niveaux [tant] trs souvent bien ancre dans lesprit
des ngociateurs du niveau suprieur 920, la pratique a bien imagin des accords visant
rduire un niveau donn la libert de ngocier aux niveaux infrieurs (il sagissait des
accords parfaits ou des accords cadre 921), mais ce type daccords ne permet
techniquement pas aux conventions et accords des niveaux les plus levs de conditionner la
validit des actes les moins levs922. Au fond, le seul vritable argument qui plaide en faveur
de lexistence de rapports hirarchiques entre conventions et accords collectifs de travail tient
dans ce quil reste, depuis la rforme du 4 mai 2004, du principe de faveur 923. Les
conventions et accords collectifs sont en effet, dans une certaine mesure, soumis lobligation
de respecter les stipulations des actes ayant un champ dapplication plus tendu, ce qui plaide
en faveur de la thse de lexistence dune hirarchie924 au sens que nous retenons de ce terme
(A). Tel ne nous semble pas tre vritablement le cas (B).

JEAMMAUD, Les principes dans le droit franais du travail , Dr. soc., 1982, p. 618 spc. p. 623.
919
Il nexiste pas en principe de restrictions de la comptence ngociatrice des diffrents niveaux , N.
ALIPRANTIS, Conflits entre conventions collectives de niveaux diffrents : tude comparative , RIDC, 11987, p. 14 ; v. galement, N. DAUXERRE, op. cit., n 256, p. 296, chaque niveau possde un pouvoir
normatif propre avec lentire libert de rgler toutes questions .
920

M. DESPAX, article prcit, p. 14.

921

Que lon peut dfinir comme un accord ayant pour rle de fixer les orientations, les mthodes ou lobjet de
lexercice du droit la ngociation collective diffrents niveaux M.-L. MORIN, F. TEYSSIER, Laccordcadre , Dr. soc., 1988, p. 741, n 1.
922

Les premiers, qui ont pour objet dinterdire des niveaux infrieurs daborder un point dj trait au niveau
suprieur et dclar autosuffisant , sont, selon plusieurs auteurs, illicites (v. sur ce point, M. DESPAX,
prcit, p. 15). Les seconds, qui comme leur nom lindique visent encadrer sur le fond ou la forme les accords
des niveaux infrieurs, ont une efficacit juridique limite (v. sur ce point, M.-L. MORIN., F. TEYSSIER, ibid.,
n 12 et s. p. 747 et s.). v. galement sur ce point, concluant que lencadrement des conventions dentreprise
par des conventions de niveau suprieur, sil est rel, a une porte juridique () limite , S. FROSSARD,
Lencadrement des conventions collectives dentreprise par les conventions de champ dapplication plus
large , Dr. soc. 2000, p. 617 et s.
923

Sur le principe de faveur v. Y. CHALARON, Lapplication de la disposition la plus favorable op. cit., p.
243 ; A. CHEVILLARD La notion de disposition la plus favorable , Dr. soc. 1993, p. 363 ; A. JEAMMAUD,
Le principe de faveur : enqute sur une rgle mergente Dr. soc. 1999, p. 115 ; S. LAULOM et N. MERLEY,
La fabrication du principe de faveur , Revue de droit du travail, 2009, p. 219 ; V. OGIER-BERNAUD, Le
Conseil constitutionnel et lembarrassant principe de faveur , RFDC, 2003, n 55, p. 567 et s., galement
publi in, SSL, 2003, n 1111, p. 6 ; J. PELISSIER, Existe-t-il un principe de faveur, en droit du travail ? in,
Mlanges ddis au Prsident M. DESPAX, PU De sciences sociales de Toulouse, 2001, p. 389.
924

J.-M. OLIVIER, Les conflits de sources en droit du travail , prcit, p. 206, qui relve largument, mais
ny adhre pas.

176

Contribution lanalyse normativiste du contrat

A. Stipulations rfrences.

316.

Avant la loi du 4 mai 2004, le principe tait simple. Une convention ou un accord

collectif pouvait parfaitement contredire un accord de niveau suprieur, condition quil


soit plus favorable aux salaris. Dsormais, larticulation des stipulations des conventions et
accords collectifs de diffrents niveaux est organise selon des modalits un peu plus
complexes925. En vertu de larticle L. 2253-3 du Code du travail, le principe peut se rsumer
selon ladage specialia generalibus derogant926/927. Autrement dit, les actes conventionnels
des niveaux infrieurs peuvent en principe928 comporter des dispositions moins favorables aux
salaris que les actes ayant un champ dapplication plus large, moins que laccord suprieur
ait expressment stipul quil ne pouvait tre drog in pejus ses stipulations929. En vertu de
larticle L. 2253-2, si un accord de niveau suprieur intervient alors quun accord existe dj
dans lentreprise, le premier accord doit tre adapt en consquence, si la convention du
niveau suprieur le prvoit. Cest en cela quil serait possible didentifier entre les
conventions en prsence un rapport hirarchique. Cest en rfrence au contenu de la norme
ayant le champ dapplication le plus large que la validit de la convention ayant un champ
dapplication plus troit serait juge. Au regard de la thorie Kelsnienne, crit un auteur,
laccord dentreprise est bien subordonn laccord de niveau suprieur. Si chaque tage
de la hirarchie tire son principe de validit des normes suprieures qui fixent les conditions
ddiction des normes infrieures, la validit est, dans une approche statique930, soumise un

925

Par souci de simplicit, nous ne raisonnerons que sur les rapports entre les conventions de branche et
dentreprise. Occulter les autres rapports conventionnels ne change cependant rien notre raisonnement, les
conclusions seraient identiques si lon prenait en compte les autres niveaux de ngociation, les diffrences de
rgime dans larticulation de ces accords, qui compliqueraient la prsentation, nont aucun effet sur ce que nous
entendons souligner.
926

Cest avec cet adage que Madame SOURIAC rsume les rgles darticulation des diffrents niveaux de
ngociation collective depuis la rforme du 4 mai 2004 v., Larticulation des niveaux de ngociation , Dr.
soc., 2004, n 6, p. 583.
927

Sur cet adage v., H. ROLAND, L. BOYER, Adages du droit franais, 4me dition, Litec, n 418, p. 843

928

Le premier alina de larticle nonce, par exception, qu en matire de salaires minima, de classifications,
de garanties collectives complmentaires mentionnes l'article L. 912-1 du Code de la scurit sociale et de
mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d'entreprise ou
d'tablissement ne peut comporter des clauses drogeant celles des conventions de branche ou accords
professionnels ou interprofessionnels .
929

En vertu de larticle L. 2253-3 alina second in fine.

930

Lauteur fait ici rfrence une distinction faite par KELSEN entre deux types de systmes juridiques. Dans

177

La hirarchie des normes conventionnelles


contenu plus favorable. Un accord dont le contenu serait moins favorable que celui duquel il
dpend, ne serait pas forcment non conforme laccord suprieur. Seule sa validit risque
dtre mise en cause 931. Autrement dit, chaque fois que le principe demeure lapplication
de la rgle la plus favorable dans les relations entre des contrats collectifs de travail , la
convention infrieure dont les stipulations sont moins favorables, en plus dtre carte, serait
atteinte dans sa validit. Cela permettrait daffirmer la prsence de relations hirarchiques
entre les diffrents niveaux de conventions et accords collectifs de travail. La position de
quelques auteurs qui estiment parfois que le principe de faveur, en plus dtre une solution de
conflit de normes, concerne galement la validit dactes juridiques crateurs dautres
rgles de droit 932, et fait ainsi encourir la nullit tout acte moins favorable quune autre
rgle933, soutient incontestablement cette thse. Il ne nous semble cependant pas que les
raisons invoques puissent suffire justifier de lexistence dun lien hirarchique entre
conventions et accords collectifs de travail.

B. Des rfrences ne conditionnant pas la validit des conventions infrieures .

317.

Distinction de larticulation et de la validit des normes par le lgislateur Il nest

pas question de revenir ici sur la distinction entre larticulation et la cration des normes que
nous avons dj voque plusieurs fois. Il est en revanche opportun de souligner que le Code
du travail pose clairement la distinction entre validit et articulation des conventions et
accords collectifs de travail. Ce code consacre dans un Livre de sa seconde partie un Titre
III aux conditions de ngociation et de conclusion des conventions et accords collectifs de
travail , dans lequel un premier Chapitre est rserv aux conditions de validit 934 de ces

les uns, dits dynamiques, la norme suprieure ne dtermine que des conditions de forme qu'une norme infrieure
doit respecter pour tre valable. Dans les autres, dits statiques, la norme suprieure ne vise qu' instaurer une
correspondance au fond entre son contenu et celui de la norme infrieure. Pour lauteur, les deux systmes
peuvent tre, et sont souvent, mls. Sur ces points, v. Thorie pure du droit, op. cit., p. 195 et 196 et Thorie
gnrale des normes, op. cit., p. 346.
931

N. DAUXERRE, op. cit., n 264, p. 304, nous soulignons.

932

J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, Droit du travail, 20me dition, op. cit., , n 94, p. 111,
Comparer avec J. PELISSIER, Existe-t-il un principe de faveur en droit du travail ? , in, Mlanges ddis au
Prsident M. DESPAX, PU des sciences sociales de Toulouse, 2001, p. 390, qui crit, seul, que quelle que soit la
norme dont il sagit, loi, jurisprudence, convention, le principe de faveur ne concerne pas llaboration des
normes du travail .
933

J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, Ibid.

934

Chapitre compos des articles L. 2231-1 L. 2231-9.

178

Contribution lanalyse normativiste du contrat


actes (sont ici traites les conditions communes de validit). Dans un second Chapitre935 sont
traites les rgles applicables chaque niveau de ngociation . Or, les dispositions que
nous avons cites dans la subdivision prcdente ne se trouvent ni dans ces chapitres ni mme
dans ce Titre (complt dautres chapitres accessoires notre dmonstration) mais dans un
Titre V que le lgislateur a intitul Articulation des conventions et accords . Pour
lauteur de la loi, la stipulation de rgles plus favorables aux salaris lorsquelle est
impose nest pas une condition de validit de lacte ngoci. Dailleurs, toute autre
solution serait bien trange. Si lon peut en effet imaginer quune convention dentreprise
doive respecter sous peine de nullit les stipulations dune convention de branche antrieure,
il est plus complexe de concevoir la mme sanction si la convention de branche est
postrieure une convention dentreprise dont certaines stipulations sont moins favorables. La
nullit, comme linopposabilit, sont en effet nous lavons soulign des sanctions frappant
un acte vici ds sa formation. Tel ne serait pas le cas ici. Ds lors, sans doute convient-il
daffirmer labsence de hirarchie des normes dans la matire ici tudie.

318.

Absence de hirarchie des normes entre les conventions et accords collectifs de

travail ayant un champ dapplication diffrent Les conventions et accords collectifs de


travail ayant un champ dapplication diffrent ne sont donc pas hirarchises. Cette
conclusion nous semble rejoindre celle retenue par la majorit de la doctrine travailliste.
Mme si cette question fait souvent lobjet de vifs dbats, troubls par les diffrentes
acceptions de ce terme qui ne sont le plus souvent pas distingues clairement, tous les
auteurs936 qui abordent cette question sous langle du rapport de validit admettent quil ny a
pas entre les actes considrs de hirarchie des normes selon lacception classique que nous
a laiss le normativisme Kelsnien 937. Il faudrait pour cela que la validit de la convention
935

Chapitre compos lui des articles L. 2232-1 L. 2232-53.

936

notre connaissance, et lexception de Madame DAUXERRE dont les conclusions ont t exposes.

937

P. MORVAN, Conventions et accords drogatoires aprs la loi du 4 mai 2004 : de la thorie des flaques
deau , in, Le nouveau droit de la ngociation collective, (Direction B. TEYSSIE), ditions Panthon-Assas,
srie Colloques , 2004, n 45, p. 37 ; Dans le mme sens, niant lide de hirarchie entre les conventions
collectives, v. par exemple : N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 202 et s. il nexiste pas de hirarchie entre les
diffrentes catgories de conventions collectives en droit franais , article prcit, p. 26 et 28 ; M. DESPAX,
article prcit, p. 9, On est donc parti dune conception trs hirarchise, dun systme conventionnel
construit sur le mode pyramidal () pour aboutir un systme o lhorizontalit lemporte sur la verticalit. La
loi, sauf exceptions, () ninstitue pas de chronologie ni de hirarchie bien dfinie ; E. JEANSEN op. cit., n
92 et s. p. 78 80 qui parle de la difficile affirmation dun dispositif hirarchique entre conventions ; M.-L.
MORIN, Le droit des salaris la ngociation collective, principe gnral du droit, (prface M. DESPAX),
LGDJ, Coll. Bibliothque de droit social, Tome 27, 1994, n 688 692, p. 570 573 ; M.-L. MORIN, F.
TEYSSIER, Laccord cadre , Dr. soc., 1988, p. 745 On peut dire quil nexiste pas dans notre droit de

179

La hirarchie des normes conventionnelles


collective soit atteinte si elle disposait moins favorablement 938. Or, tel nest pas le cas939. Le
principe de faveur nest quune rgle darticulation des conventions, il ne produit aucun effet
sur leur production940. Il na pour effet que dcarter une rgle qui peut par la suite
ventuellement (si la convention plus favorable est dnonce ou arrive son terme) retrouver
tout son empire941. Ds lors, quand bien mme la structure des conventions et accords
collectifs de travail pourrait voquer une figure pyramidale942, et sil nest pas exclu de parler
de hirarchie au sens de la force drogatoire , les conventions et accords collectifs de
travail ayant le champ dapplication le moins large ne sont pas hirarchiquement subordonns
ceux ayant un champ dapplication plus large en termes de rapport de production . Cela
nous parat dautant plus vident que, mme si lobligation de stipuler de manire plus
favorable conditionnait vritablement la validit des conventions infrieures, cela ferait de
lexistence dun rapport hirarchique une solution de toute faon exceptionnelle, dans la
mesure o si le principe de faveur tait la rgle avant 2004, il est dsormais, dans les
relations entre conventions collectives, lexception943.
hirarchie des accords collectifs ; J.-M. OLIVIER, Les conflits de sources en droit du travail , prcit, p.
205 et 206 Il nest sans doute plus possible, comme par le pass, de considrer quil sagit de normes
hirarchises ; G. VACHET, Les conflits entre conventions collectives en droit franais, Thse, Lyon III,
1977, p. 165, Si antrieurement la loi du 13 juillet 1971, on pouvait admettre une hirarchie entre
conventions collectives (...) il nen va plus de mme aujourdhui , v. enfin, bien que lauteur soit souvent
prsent comme partisan dune conception hirarchise des rapports entre conventions collectives de travail, P.
RODIERE, La convention collective de travail en droit international priv, Contribution ltude des normes
juridiques de source professionnelle, Litec, Coll. Institut des relations internationales, 1987, en particulier n
148, p. 107 o lauteur prcise que les recoupements entre domaines dapplication des conventions collectives
() natteignent pas la validit propre de chacun des accords .
938

En ce sens N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 204.

939

Y. CHALARON, J.-Cl., Travail Trait, Fasc. 1-36, 2000, n 36, o lauteur crit, Le principe hirarchique
ne va pas jusqu confrer lacte suprieur une autorit sur les actes infrieurs identiques celle dune loi
dordre public sur les conventions () il est dailleurs en gnral admis que la violation du principe
hirarchique exprim par les articles L. 132-13 et L. 132-23 (aujourdhui L. 2252-1 et L. 2253-3 alina 2) nest
pas sanctionne par la nullit .
940

Y. CHALARON, Lapplication de la disposition la plus favorable , prcit, p. 243 ; J. PELISSIER, le


principe de faveur ne concerne pas llaboration des normes du travail , prcit, p. 390.
941

En se sens, N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 204 ; Y. CHALARON, Laccord drogatoire en matire de temps
de travail , Dr. soc., 1998, p. 358.
942

Si lon se rfre aux chiffres fournis par Monsieur RAY, plus les conventions ont un champ dapplication
troit, plus elles sont nombreuses, Droit du travail, Droit vivant, 18me dition, LIAISONS, 2009, n 1063, p.
641 ; v. sur la reprsentation mtaphorique de larticulation des diffrents niveaux de conventions et accords
collectifs, P. MORVAN, Conventions et accords drogatoires aprs la loi du 4 mai 2004 : de la thorie des
flaques deau , prcit, p. 37, qui substitue limage de la pyramide celle des flaques deau sur le sol,
parses, rpandues les unes ct des autres. Dune envergure variable, selon ltendue de leur champ
dapplication () gnralement distinctes les unes des autres mais, parfois, se superpos[ant] et se
confon[dant] .

180

Contribution lanalyse normativiste du contrat


319.

Ce constat doit cependant tre nuanc. Si la loi ntablit pas de manire gnrale une

hirarchie entre conventions et accords collectifs de diffrents niveaux, elle peut le faire de
manire exceptionnelle.

2. La prsence exceptionnelle de relations hirarchiques entre conventions et accords


collectifs de travail.

320.

Deux exemples rcents permettront dillustrer lexceptionnelle prsence dun lien de

validit entre conventions et accords ayant un champ dapplication diffrent.

321.

Les accords instituant un mode de ngociation drogatoire 944 Le premier est

issu de la loi du 12 novembre 1996. Cette dernire, traduction lgislative de laccord national
interprofessionnel du 31 octobre 1995945, qui hsitait dj entre la raffirmation de
lautonomie des niveaux et la tentation dune plus grande hirarchie 946, prvoyait une
drogation au monopole des dlgus syndicaux en matire de ngociation dans lentreprise.
Pour mettre un terme cette situation, et lever ainsi lcueil que constituait le dfaut de
dlgus syndicaux dans certaines entreprises, les partenaires sociaux, relays par le
lgislateur, ont souhait quil puisse tre drog ce monopole en permettant une ngociation
avec les reprsentants des lus du personnel. Dans ce systme, un rle important tait attribu
aux conventions collectives de branche puisque la loi nhabilitait pas directement ces
[nouveaux] ngociateurs ; un accord de mthode [tait] en effet ncessaire pour les
habiliter 947. Larticle 6 de la loi cite disposait en effet quil revenait notamment ce niveau
de ngociation de prvoir, en labsence de dlgus syndicaux, que des reprsentants lus du
personnel (article 6 I) ou des salaris mandats (6 II) auraient la capacit de conclure dans
lentreprise des accords collectifs. Ce niveau de ngociation devait encore prvoir le champ
du ngociable et les modalits dites de validation de laccord par une commission paritaire
943

Madame DAUXERRE, considre dailleurs que la facult confre chaque niveau de ngociation de
droger au niveau suprieur participe largement du renversement de la hirarchie des normes voire de sa
suppression , Thse prcite, n 333, p. 388.
944

La formule est de Monsieur F. PETIT Lordre public drogatoire , RJS, 4/07, Chronique, p. 4.

945

Sur cet accord v. G. COIN, Politique contractuelle : laccord interprofessionnel du 31 octobre 1995 , Dr.
soc., 1996, n 1, p. 3.
946

H. TISSANDIER, Larticulation des niveaux de ngociation : la recherche de nouveaux principes , Dr.


soc., 1997, p. 1046.
947

C. RADE, Droit du travail et conventions collectives , RDC, 2004, n 4, p. 1007.

181

La hirarchie des normes conventionnelles


de branche. dfaut du respect des conditions prvues par la branche (ou de la validation par
la commission institue ce niveau), lacte conclu ntait pas une convention collective
valable. Ces dispositions, reprises pour partie par la loi du 4 mai 2004 (qui sinscrit dans une
certaine continuit de la loi de 1996948), prvoyaient en effet quen labsence dapprobation
par la branche, lacte devait tre rput non-crit949. Cet incontestable rapport de validit entre
deux conventions a t phmre, puisque si la possibilit de conclure un accord collectif avec
dautres reprsentants des salaris que les dlgus syndicaux demeure, cette facult est
dsormais accorde directement par des dispositions lgislatives depuis la loi du 20 aot
2008950, ce qui supprime tout rapport conventionnel.

322.

La validation des accords majoritaires Une autre disposition, introduite cette

fois-ci par la loi du 4 mai 2004, rintroduisait galement entre les conventions et accords de
diffrents niveaux des relations hirarchiques. Le lgislateur a, paralllement la libration
des niveaux de ngociation, voulu redonner une lgitimit aux accords dentreprise951. Cette
qute a conduit la conscration de lide majoritaire 952, c'est--dire un mode de
formation des conventions et accords collectifs permettant dviter que, comme auparavant,
un seul syndicat reprsentatif, mme minoritaire, puisse par sa seule signature former
laccord. Cette volont majoritaire sest traduite, au niveau de lentreprise, par un double
choix sur des modalits de validation de laccord. Laccord dentreprise tait en effet valid
soit par la signature dun syndicat majoritaire ou par la ratification par un vote des salaris de
lentreprise la majorit, soit par labsence dopposition dun ou plusieurs syndicats
reprsentant la majorit des salaris dans un certain dlai. Or, le choix entre ces diffrentes
modalits, et cest ce point qui prsente un intrt particulier, tait la discrtion des
ngociateurs du niveau de la branche ou de linterprofession. Cest en effet une convention
ou un accord tendu de ces niveaux quil revenait de prciser la modalit retenue pour

948

G. BORENFREUND, La ngociation collective dans les entreprises dpourvues de dlgus syndicaux ,


Dr. soc., 2004, p. 607.
949

Sur ce point et plus gnralement sur la reprise de ces dispositions dans la loi du 4 mai 2004, v. G.
BORENFREUND, La ngociation collective dans les entreprises dpourvues de dlgus syndicaux , Dr.
soc., 2004, p. 606 en partic. 609.
950

Seule subsiste, dans une certaine mesure, lobligation de validation par une commission paritaire de branche.

951

J.-E. RAY, Les curieux accords dits majoritaires dans la loi du 4 mai 2004 , Dr. soc., 2004, n 6, p. 590.

952

Ibid.

182

Contribution lanalyse normativiste du contrat


valider les accords dentreprise953. dfaut de respecter les conditions ainsi dtermines, la
convention dentreprise tait atteinte dans sa validit954. Il y avait donc incontestablement ici
encore une hirarchie entre la convention dentreprise et la convention ayant un champ
dapplication plus large. L encore, ces modalits de validation dictes par les conventions
ayant un champ dapplication plus large ont disparu. Depuis le 1er janvier 2009, ce sont des
dispositions lgislatives qui prvoient directement les conditions dans lesquelles doivent tre
valids les accords dentreprise955.

323.

La question de lexistence de rapports de validit entre les diffrents niveaux de

conventions et accords collectifs de travail peut donc se rsumer de la manire suivante. En


principe les conventions et accords collectifs ayant des champs dapplication diffrents sont
autonomes les uns des autres et ne sont pas hirarchiss. Par exception, la loi peut, bien
videmment, introduire dans quelques hypothses une hirarchie quelle ntablit pas de
manire gnrale.

*
*

953

Ancien article L. 132-2-2 III du Code du travail qui disposait alors III. - Une convention de branche ou un
accord professionnel tendu conclu conformment aux dispositions du II dtermine les conditions de validit des
conventions ou accords d'entreprise ou d'tablissement, en retenant l'une ou l'autre des modalits numres
aux 1 et 2 ci-aprs : 1 Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'tablissement est sign par une ou des
organisations syndicales de salaris reprsentatives ayant recueilli au moins la moiti des suffrages exprims au
premier tour des dernires lections au comit d'entreprise ou, dfaut, des dlgus du personnel ; si les
organisations syndicales de salaris signataires ne satisfont pas la condition de majorit, le texte peut tre
soumis, dans des conditions fixes par dcret et devant respecter les principes gnraux du droit lectoral,
l'approbation, la majorit des suffrages exprims, des salaris de l'entreprise ou de l'tablissement,
l'initiative des organisations syndicales de salaris signataires, laquelle des organisations syndicales de
salaris non signataires peuvent s'associer ; 2 Soit la convention ou l'accord d'entreprise ou d'tablissement est
subordonne l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salaris reprsentatives
ayant recueilli au moins la moiti des suffrages exprims au premier tour des dernires lections au comit
d'entreprise ou, dfaut, des dlgus du personnel. L'opposition est exprime dans un dlai de huit jours
compter de la date de notification de cet accord .
954

Larticle L. 123-2-2 III ci-dessus qui voque bien les conditions de validit des conventions dentreprise ou
dtablissement .
955

Article L. 2232-12, L. 2232-13, L. 2232-22 ; L. 2232-27 pour les accords dentreprise ; L. 2232-34 pour les
accords de groupe.

183

La hirarchie des normes conventionnelles


324.

Conclusion du titre second Le droit positif recle dexemples dans lesquels une

convention dtermine lune au moins des conditions de validit dun autre acte de mme
nature juridique.

325.

Le phnomne est dabord remarquable en prsence de ce que lon peut nommer des

conventions organisation . La socit, la coproprit ou encore la convention matrimoniale,


sont autant dactes qui en dfinissant, par exemple, les pouvoirs des poux ou des dirigeants,
ou les titulaires de certains droits, dterminent les conditions de validit des actes accomplis
par la socit, par les poux sur leurs biens ou par les copropritaires sur limmeuble soumis
au rglement de coproprit. En dpit de la dfaveur qui semblait habiter la doctrine lgard
de lexistence de relations hirarchiques entre conventions, cette situation nest cependant pas
vritablement surprenante si lon considre la nature organisationnelle des actes placs en
position de supriorit hirarchique. Ltude dautres conventions, change cette-fois ci,
dmontre que lexistence de relations hirarchiques entre conventions ne doit rien la
spcificit des premiers actes tudis. Le mandat dtermine les conditions de validit de lacte
conclu en son application. Le contrat principal dtermine certaines des conditions de validit
du sous-contrat. Les avant-contrats de vente, ou les conventions dindisponibilit,
conditionnent la validit de ventes (entre autres conventions) ayant pour objet le mme bien.
Lexistence de rapports hirarchiques entre des conventions trs classiques est donc son tour
dmontre. Certes, toute violation de la norme contractuelle suprieure nemporte pas
systmatiquement llimination de la convention violant cette norme mais, vrai dire, la
chose importe peu du point de vue qui est le ntre956.
956

Il est en effet parfaitement concevable de parler de supriorit hirarchique dune norme sur une autre quand
bien mme la violation de la norme suprieure par la norme infrieure nemporte pas llimination systmatique
de cette dernire. Si laffirmation peut surprendre, quelques exemples tirs du droit public permettront de la
soutenir. Nul ne doute aujourdhui que la Constitution du 4 octobre 1958 soit une norme systmatiquement
suprieure la loi. Or, si dans limmense majorit des cas une violation de la norme fondamentale par une
disposition lgislative entrane linvalidit de la loi (nous laissons de ct ici les hypothses dans lesquelles une
loi nest jamais dfre au Conseil constitutionnel qui napporte rien de particulier notre raisonnement) cela
nest pas systmatiquement le cas. Entre une dcision de conformit et une dcision de non-conformit, le juge
constitutionnel dispose dune troisime voie dcisionnelle (I. MONTEILLET, L'influence l'gard des
juridictions ordinaires des rserves d'interprtation formules par le Conseil constitutionnel dans ses dcisions ,
Gaz. Pal., 01 juin 2002 n 152, p. 3) celle dune dcision de conformit accompagne dune rserve
dinterprtation. Dans une telle hypothse, le Conseil ajoute au texte ce qui lui manque pour tre conforme,
sous couleur de linterprter (L. FAVOREU, La dcision de constitutionnalit , cit par, X. SAMUEL, Les
rserves dinterprtation mises par le Conseil constitutionnel, http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseilconstitutionnel/root/bank_mm/pdf/Conseil/reserves.pdf, 2007, p. 13). Le texte dpourvu de rserves
dinterprtation constructive nest donc pas conforme la Constitution. Pour autant, ce texte est sauv et sa
validit nest pas, en dpit dune violation de la norme fondamentale, atteint dans sa validit. La Constitution
nen perd pas pour autant en principe son statut de norme hirarchiquement suprieure la loi. Le droit
administratif permettrait galement de faire le mme constat. Si la loi est toujours hirarchiquement suprieure
aux actes administratifs (R. CHAPUS, De la soumission au droit des rglements autonomes , D. 1960, Ch., p.

184

Contribution lanalyse normativiste du contrat


326.

Le droit positif impose donc dadmettre quune convention peut parfaitement

dterminer, en partie, les conditions de la validit dune autre convention. Cela ne doit pas
conduire identifier des relations de ce type dans tous les rapports conventionnels et il faut
mme, de manire sans doute l encore assez surprenante, nier lexistence de rapports
hirarchiques entre les conventions et accords collectifs de travail. Si cest incontestablement
en la matire que lide dapercevoir des relations hirarchiques entre conventions a germ,
lexception de quelques hypothses prcises (et phmres), le principe nous semble bien tre
que les conventions et accords collectifs ayant le champ dapplication le plus large ne
conditionnent pas la validit des conventions et accords collectifs de travail ayant un champ
dapplication moins tendu. Si les conventions des niveaux les plus levs influencent
indniablement le contenu des actes des niveaux les moins levs, cette influence ne
conditionne pas la validit des conventions et accords improprement considrs comme
hirarchiquement infrieurs.

*
*

22), des auteurs ont pourtant relev quil existait plusieurs procds permettant dviter l'annulation dun acte
illgal (B. SEILLER, Lillgalit sans lannulation , AJDA 2004 p. 963), l encore, la loi reste
potentiellement hirarchiquement suprieure aux actes administratifs). Toute violation dune norme par une autre
qui lui est infrieure nentraine donc pas systmatiquement linvalidit de la norme infrieure. En revanche,
dfaut de possibilit dune telle sanction, il ny a pas de hirarchie entre deux normes.

185

La hirarchie des normes conventionnelles


327.

Conclusion de la premire partie Contrairement au sentiment qui prdomine, ou

semble prdominer, compte tenu de la quasi-indiffrence de la doctrine cette question, il


nous est possible daffirmer la prsence certaine en droit positif de relations hirarchiques
entre conventions.

328.

Dun point de vue thorique, lexistence dun rapport de validit entre deux actes

semble pouvoir sexpliquer par une analyse du contrat comme une norme juridique. Sil
apparat effectivement malais de rendre compte du phnomne dcrit en termes de droits
subjectifs ou dobligations, la chose devient plus claire lorsque lon accepte de considrer le
contrat comme une rgle de Droit qui, se comportant comme toutes les autres rgles de cette
nature, peut parfaitement fonder la validit dautres actes juridiques.
Admettre que le contrat est une norme juridique suppose daccepter pralablement que
le contrat est une norme, autrement dit le sens dun nonc qui pose un modle de
comportement en vertu duquel quelque chose doit tre. Assurment, tel est le cas du contrat
qui par les obligations quil cre, ou par les effets non obligationnels quil produit, pose des
modles de ce que doit tre un comportement humain. Ces modles sont aussi varis que ceux
que peuvent produire toutes les normes thiques. Le contrat peut en effet, comme ces normes,
habiliter, interdire, obliger et autoriser.

La convention est une norme, elle est encore une norme de nature juridique.
Laffirmation ncessitait dcarter dabord lune des caractristiques supposes de la rgle de
Droit, sa gnralit (le contrat tant presque invariablement une norme concrte). En dpit de
la quasi-unanimit doctrinale sur ce point, nous avons montr que la gnralit ne pouvait
plus tre tenue comme une qualit de la rgle de Droit. Cette suppose qualit de la norme
juridique ne repose plus sur aucun fondement, ni historique, ni philosophique, ni (et cest l
lessentiel) juridique ou logique. Cela tant acquis, il fallait alors dmontrer que la convention
remplissait la condition de la juridicit, autrement dit son intgration lordre juridique, c'est-dire quelle tire sa validit du respect des prescriptions dautres normes hirarchiquement
suprieures. La thorie de lautonomie de la volont qui, en fondant la force obligatoire de la
convention sur la seule puissance de la volont (celle-ci faisant face la loi ), pouvait
apparatre comme un obstacle lintgration de la convention au systme juridique, na pas
plus que la gnralit de la loi sa place dans le droit positif. Cette doctrine est une doctrine
politique ou philosophique, elle na pas, et na sans doute jamais eu, de valeur en tant que
186

Contribution lanalyse normativiste du contrat


principe juridique en droit positif. Le contrat nest valable que parce que et la
condition quil respecte les normes de Droit objectif auxquelles il est soumis. Le contrat est
donc une norme juridique, soumise au Droit objectif, il tait donc parfaitement envisageable
quil puisse dterminer les conditions de validit dautres normes de mme nature.

329.

Ltude du droit positif permet de confirmer cette conclusion dun point de vue

empirique. Mme si la prsence de relations hirarchiques semble, nous venons de le voir,


plus que douteuse entre conventions et accords collectifs de travail ayant un champ
dapplication diffrent, alors que larticulation entre ces actes est souvent analyse sous
langle hirarchique, le droit priv contient une grande varit de rapports dans lesquels les
conditions de validit de certaines conventions sont dtermines par rfrence aux stipulations
dautres actes de mme nature.
La chose se vrifie dabord, de manire assez comprhensible, lgard de structures
conventionnelles formes partir de conventions organisation . La socit, le rglement de
coproprit ou les conventions matrimoniales, sont en effet de vritables chartes de la socit,
de limmeuble en coproprit ou de la famille, appeles dominer pour cette raison une
grande srie dactes juridiques conventionnels (ou non) en dfinissant dans beaucoup
dhypothses les conditions de validit des actes subordonns. Les rapports hirarchiques
entre conventions sont nombreux et varis en matire de contrats organisation . Ils ne se
limitent pas ce type particulier de conventions.

De manire sans doute moins vidente, les conventions change jouent galement
de manire trs frquente le rle de normes de constitution lgard dautres conventions.
Les avant-contrats de vente, les conventions dinalinabilit, le mandat ou encore les contrats
principaux lgard des sous-contrats, sont autant de conventions dont les stipulations posent
un modle de comportement en vertu duquel la validit dautres actes (la future vente ou
alination, lacte juridique accompli par le mandataire ou la convention en sous-ordre) sera
apprcie.

330.

La liste de conventions dresse nest assurment pas exhaustive. Nous aurions pu

ajouter celle-ci bien dautres conventions. La vente, par exemple, en transfrant la proprit
de la chose vendue de primus secundus, permet ce dernier de pouvoir disposer son tour
valablement du bien acquis. Cest donc en rfrence cette convention et ses stipulations
187

La hirarchie des normes conventionnelles


que sera juge la validit dune autre convention par laquelle secundus dispose de la chose
envers tertius. Les remarques propres cette dernire convention auraient pu tre tendues
tous les actes conventionnels ayant pour objet, ou pour effet, de transfrer la proprit dune
chose et, de manire plus gnrale encore, toutes les conventions ayant pour objet ou pour
effet de dfinir la titularit des droits sur une chose (donation, convention dindivision,
PACS). La titularit des droits implique en effet souvent la possibilit de disposer
conventionnellement957. Lassociation aurait galement pu trouver sa place dans cette liste.
Cette organisation, dont les pouvoirs du prsident (entre autres organes) sont dtermins par
les statuts, et qui fonctionne sur le modle du mandat, aurait pu offrir une illustration
supplmentaire du phnomne que nous dcrivons comme, l encore, si lon gnralise le
propos, toutes les structures formes partir dune convention qui transfre une personne un
pouvoir. Les rapports hirarchiques entre conventions sont donc, en droit positif, aussi
nombreux que communs.

331.

En choisissant dexposer la socit, le mandat, les avant-contrats de vente, la

coproprit et les autres conventions choisies, nous avons entendu dmontrer, outre la ralit
et limportance de la hirarchisation des conventions en droit priv, un autre aspect de la
question, son caractre commun et ancien . Les contrats tudis sont, pour la plupart, issus
du Code civil et sont de vieux contrats . Plusieurs prexistaient la codification
Napolonienne. Le phnomne de hirarchie des conventions est donc une ralit, une ralit
ancienne, une ralit presque banale, prsente dans les situations les plus classiques.

332.

Le phnomne tant dcrit, reste prciser les conditions de son apparition.

957

Mme sil a t trs brillamment dmontr que la correspondance entre la titularit des droits sur une chose et
le pouvoir daliner celle-ci ntait pas parfaite, v. sur ce point, I. TOSI, Acte translatif et titularit des droits,
(prface M.-L. IZORCHE-MATHIEU), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 471, 2006.

188

SECONDE PARTIE LES CONDITIONS DE LA


HIRARCHISATION DES NORMES
CONVENTIONNELLES.

La hirarchie des normes conventionnelles

333.

Linstauration dun lien hirarchique en prsence de deux conventions nest bien

entendu pas automatique. La remarque est vidente, le dernier exemple tudi, celui des
rapports entre les conventions et accords collectifs de travail, dmontre que des conventions,
entretenant pourtant certains liens troits, nentretiennent pas ncessairement pour autant des
relations hirarchiques. Plusieurs lments sont indispensables pour que sinstaure un lien de
validit entre deux conventions que lon peut classer dans deux catgories distinctes.

334.

limage de certaines infractions pnales, il ne saurait y avoir une hirarchie de

normes conventionnelles en labsence de certaines conditions pralables 958. De la mme


manire que lon ne peut concevoir le dlit domission de porter secours que dans le cas o
une personne se trouve en pril 959, on ne peut concevoir lexistence dune hirarchie de
normes conventionnelles sans lexistence dun lien entre une pluralit de normes
conventionnelles. Lnonciation de ces conditions pralables peut sembler bien vidente, elle
nappelle pas moins plusieurs remarques (TITRE PREMIER).

335.

Une fois un lien entre plusieurs conventions tabli, il sera alors possible de dcrire les

lments dcisifs en ce quils permettent de crer un lien de validit entre deux actes
conventionnels. En nous inspirant nouveau du champ lexical du droit pnal, nous dcrierons
les lments constitutifs du lien hirarchique (TITRE SECOND).

TITRE PREMIER LES CONDITIONS PRALABLES LTABLISSEMENT DUN


LIEN HIRARCHIQUE.

TITRE SECOND LES LMENTS CONSTITUTIFS DU LIEN HIRARCHIQUE.

958

Sur cette notion v. J.-P. DOUCET, La condition pralable linfraction , Gaz. Pal., 1972, II, Doct., 726 ;
plus rcemment, B. THELLIER DE PONCHEVILLE, La condition pralable de linfraction , (prface A.
VARINARD), PUAM, Coll. Institut de Sciences Pnales et de Criminologie, 2010.
959

J.-P. DOUCET, Ibid.

190

Contribution lanalyse normativiste du contrat

TITRE PREMIER LES CONDITIONS PRALABLES


LTABLISSEMENT DUN LIEN HIRARCHIQUE.
336.

La hirarchie est un classement tabli () entre deux ou plusieurs lments de mme

nature 960. Rapport notre question, la dfinition de la hirarchie impose donc dtablir une
pluralit dlments et lidentit de nature de ceux-ci. Autrement dit, une hirarchie de normes
conventionnelles ne peut voir le jour qu la condition sine qua non que soit tablie la
prsence de plusieurs normes et la nature conventionnelle de celles-ci (CHAPITRE PREMIER).

337.

La pluralit de convention ne suffit bien videmment pas tablir les circonstances

dans lesquelles peut spanouir une hirarchie entre conventions. Deux actes qui porteraient
sur des points parfaitement trangers nauraient en effet aucune chance dentretenir une
relation de validit. Un lien entre les deux conventions est donc indispensable la mise en
ordre hirarchique de deux conventions. Il ne peut y avoir de hirarchie que si les conventions
en prsence ont certains points communs (CHAPITRE SECOND).

CHAPITRE PREMIER UNE PLURALIT DE CONVENTIONS.


CHAPITRE SECOND UN LIEN ENTRE CONVENTIONS.

960

Dictionnaire de lacadmie franaise, 9me dition, v. hirarchie, 4.

191

La hirarchie des normes conventionnelles

CHAPITRE PREMIER UNE PLURALIT DE CONVENTIONS.


338.

Une hirarchie ne peut sinstaurer entre normes conventionnelles qu la double

condition que les normes hirarchises aient une nature conventionnelle et que lon soit en
prsence dune relle pluralit de normes. Lnonc de ces deux conditions apparat nous
lavons dit particulirement vident. Cette vidence ne doit pas dissimuler la richesse des
remarques qui mritent dtre formules aussi bien lgard de la nature des normes
hirarchises (SECTION I) que de la pluralit de normes ncessaire pour tablir une hirarchie
(SECTION II).

SECTION I LA NATURE CONVENTIONNELLE DES NORMES.


339.

Toutes les situations que nous avons prsentes dans notre premire partie mettent au

premier abord en relation des actes qui ont tous une nature conventionnelle. Or, si la nature
juridique de certains actes, comme les sous-contrats, la vente ou le mandat, ne font pas dbat,
il est bien connu que la nature juridique de la socit, de lassociation, du rglement de
coproprit ou mme des conventions matrimoniales, soulve un dbat rcurent. Il y aurait en
droit positif des conventions classiques et dautres conventions dites mixtes, dualistes,
hybrides, rglementaires, institutionnelles, en un mot (compos), pluri-dimensionnelles961.

340.

Cette considration est, dans la perspective qui est la ntre, particulirement

importante. Il semble en effet que le droit positif soit imprgn par la thse latente selon
laquelle la nature de certaines conventions jouerait un rle dans ltablissement dune
relation hirarchique. Les conventions la nature complexe seraient naturellement appeles
dominer les conventions la nature simple . Sil ne saurait y avoir de hirarchie, nous
lavons dit, sans une pluralit de conventions, nous montrerons que les conventions en rapport
peuvent tre indiffremment de nature uni ou pluri-dimensionnelle sans que cela ninflue en
rien sur la place respective de chaque acte dans la hirarchie. Lexistence de plusieurs
conventions est ncessaire, elle est galement cet gard, suffisante (1).

961

Lopposition uni-dimensionnelle/pluri-dimensionnelle tant emprunte Monsieur C. CHAMPAUD, Le


contrat de socit existe-t-il encore ? , in, Le droit contemporain des contrats, bilan et perspectives, (Direction
L. CADIET), Economica, Coll. Travaux et recherches, 1987, spc. p. 132.

192

Contribution lanalyse normativiste du contrat


341.

nos yeux, le constat annonc tient ce quil nexiste pas en droit positif de

conventions la nature juridique pluri-dimensionnelle. Poursuivre la dmonstration de cette


thse amorce par certains auteurs prsente, du point de vue qui est le ntre, un triple intrt
sur lequel nous reviendrons (2).

1. Indiffrence de la nature juridique des conventions hirarchises.

342.

Lanalyse pluri-dimensionnelle des actes auxquels lon prte cette nature et, a fortiori,

une analyse rglementaire ou institutionnelle de ces actes, implique ncessairement lide de


la domination de la convention la nature hybride sur une convention de mme nature ou sur
une convention simple . Bien que rarement exprime, puisque lhypothse sur laquelle elle
repose (lexistence de rapports hirarchiques entre conventions) est elle-mme rarement
soutenue, ce prsuppos se retrouve en doctrine de manire incidente.

343.

Nous lavons dj relev dans notre introduction, puis lore de notre premire

partie, le contrat ne trouve en gnral pas sa place au sein de la prsentation traditionnelle des
sources du Droit. Cet acte nest habituellement pas cit comme un lment intressant (ou
modifiant) le Droit objectif. Quelques exceptions sont cependant faites cette prsentation par
la doctrine majoritaire qui intgre alors dans les sources du Droit quelques actes aux
stipulations gnrales comme les conventions collectives de travail, les contrats de socit ou
dassociation962, les conventions matrimoniales ou mme les conventions collectives en
matire locative963, les contrats-types964 ou encore, les contrats dadhsion. Cette prsentation
nest autre que le fruit de lanalyse pluri-dimensionnelle de tous ces actes. Elle permet alors
de concevoir que certaines conventions sont des sources du droit des contrats 965,
autrement dit, quil existe des rapports hirarchiques entre ces conventions et dautres. Pour
962

condition que ces groupements aient un grand nombre de membres, en ce sens v. G. MARTY, De la
place des conventions dans lordonnancement juridique , prcit ; G. RENARD, La thorie de linstitution,
essai dontologie juridique, Sirey, 1930, par exemple p. 377 et s. ; G. ROUJOU DE BOUBBEE, Essai sur lacte
juridique collectif, (direction G. MARTY), LGDJ, 1961, p. 270, qui admet cependant que cette prcision pose un
problme de seuil bien difficile rsoudre .
963

G. TAORMINA Introduction ltude du droit, prcite, n 277, p. 138 et 139.

964

J.-L. BERGEL, op. cit., n 43-1, p. 56 ; G. CHANTEPIE, De la nature contractuelle des contrats-types ,
RDC, 2009, n 3, p.1233 ; D. MAINGUY, Introduction gnrale au droit, op. cit., n 183, p. 154 ; J.-J NUEUR,
Le contrat-institution : essai sur les modes de formation du contrat en droit priv , LPA, 19 juin 1995, n 73,
p. 4, n 27.
965

M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 121.

193

La hirarchie des normes conventionnelles


les partisans des thses institutionnelles ou rglementaires les actes en question sont en effet,
la diffrence des contrats classiques, des lments du Droit objectif. Duguit, qui qualifie les
conventions collectives de travail ou les socits d actes-rgles , dfinit cette catgorie
dactes comme des lois au sens matriel966, c'est--dire des actes qui oprent une modification
dans le domaine du Droit objectif967. Lanalyse institutionnelle des conventions tudies
propose par Hauriou le conduit, sur ce point, aux mmes conclusions. Pour le Professeur
toulousain le vritable lment objectif du systme juridique cest linstitution 968. Hrites
de ces conceptions969, les analyses pluri-dimensionnelles des actes considrs ont maintenu
cette ide qu la diffrence des conventions classiques les conventions la nature
rglementaire ou institutionnelle taient des sources de Droit, des rgles de Droit970.

344.

Sans tre affirme, la supriorit hirarchique des conventions pluri-dimensionnelles

sur les conventions simples svince inluctablement de cette prsentation. Les


conventions ayant comme particularit de pouvoir modifier le Droit objectif ne peuvent en
effet naturellement que simposer, soit une autre rgle de mme nature soit, a fortiori, une
convention simple971. Ce point apparat dautant plus vident que si contrat et hirarchie sont

966

L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel, Troisime dition, Tome I, La rgle de Droit, le problme de
ltat, Paris, E. De Boccard, 1927, spc. . 39, p. 399 propos de la socit et de lassociation ; . 40, p. 413
propos des conventions collectives de travail.
967

Sur ce point v. n 24 note 139.

968

M. HAURIOU, La thorie de linstitution et de la fondation. Essai de vitalisme social , in, Aux sources du
Droit, Le pouvoir, lordre et la libert, Cahiers de la nouvelle journe, 1933, p. 127 et 128, lauteur ajoute
encore : ce sont les institutions qui font les rgles de droit, ce ne sont pas les rgles de droit qui font
linstitution ; v. galement sur ce point, J. BRETHE DE LA GRESSAYE, La convention collective de travail
est-elle un contrat ? , in, tudes de droit civil la mmoire dHenri Capitant, Dalloz, 1939, p. 101 et spc. p.
107 et Y. PUYO, Essai sur le contrat et linstitution, Les relations entre les groupements institutionnels et le
contrat en droit priv, Thse prcite, en particulier n 249, p. 174.
969

Nous navons cit que les thses rglementaires et institutionnelles, mais nous aurions galement pu faire
mention de la thse de Monsieur ROUJOU DE BOUBBEE qui qualifie certains des actes voqus dactes
collectifs . Ce type dactes, tendance normative peut, selon lauteur, tre considr comme faisant partie
des rgles de Droit v. op. cit., p. 264 et s.
970

Cest cette conclusion quarrive MARTY dans son article sur la place des conventions dans
lordonnancement juridique (prcit). Pour cet auteur, si la convention ne peut tre intgre lordre juridique,
il en va diffremment de ce quil consent considrer comme des actes-rgles (article prcit, spc. p. 83)
comme les conventions collectives, les contrats-types ou, dans une moindre mesure, les socits. Lauteur admet
en conclusion que les rgles conventionnelles porte gnrale peuvent, mais aussi doivent, tre comptes
parmi les sources du Droit objectif (p. 84).
971

V. par exemple A. MAZEAUD, Droit du travail, 6me dition, Montchrestien, Coll. Prcis Domat, 2008, n
321 p. 257 qui crit que la convention collective prime sur le contrat de travail, parce quelle lui est dune
nature suprieure ; prcisons dailleurs que mme certains partisans dune approche normativiste du contrat
considrent que les contrats effets rglementaires priment hirarchiquement sur les simples contrats. V. en

194

Contribution lanalyse normativiste du contrat


deux notions qui paraissent a priori trangres, la hirarchie est au contraire consubstantielle
la notion dinstitution972 laquelle le contrat (synonyme dgalit) serait dailleurs
infrieur973. Dans lordre juridique, linstitution se situerait entre ltat et le contrat 974.
Si lon admettait cette prsentation une convention qui nest pas une rgle de Droit ne
pourrait, bien entendu, pas imposer des conditions de validit nouvelles une convention
ayant cette nature de rgle de Droit. Admettre toute position contraire serait aussi absurde que
de considrer quune convention puisse dterminer une ou plusieurs des conditions de validit
dune loi. Une simple convention ne pourrait donc tre hirarchiquement suprieure une
convention pluri-dimensionnelle.

345.

Cette supriorit des conventions pluri-dimensionnelles sur les conventions uni-

dimensionnelles se rvle dailleurs, comme nous lavons l encore soulign en introduction,


dans le fait que les seules situations dans lesquelles la doctrine fait rgulirement rfrence au
terme de hirarchie pour rendre compte des relations entre plusieurs conventions, mettent en
scne des actes dont le caractre rglementaire est nettement affirm (conventions collectives,
socits, contrats-cadres). Dans ces structures, la convention pluri-dimensionnelle occupe
toujours la place de la norme hirarchiquement la plus leve. Madame Fabre-Magnan, en
envisageant lide, qualifie de surprenante , selon laquelle que des conventions peuvent
tre sources du droit des contrats , fait dailleurs rfrence aux conventions collectives de
travail, aux contrats-cadres et aux statuts de la socit975. Lide semble si profondment
vidente quelle est mme incidemment soutenue par Monsieur Perrouin qui, (alors quil se
prononce en faveur dune analyse pleinement contractuelle des conventions pluridimensionnelles), affirme plusieurs reprises que dans les structures hirarchiques
conventionnelles, la convention place au bas de la hirarchie est toujours une convention la
ce sens, L. CLERC, Thse prcite, n 61, p. 81, qui crit : Les conventions rglementaires possdent une
valeur normative suprieure celle du contrat au sens strict .
972

J.-L. BERGEL, op. cit., n 170, p. 198 et 199 ; J. LAFOND, La coproprit, contrat ou institution ? ,
Administrer, Mars 1977, p. 4 ; G. RENARD, La thorie de linstitution, essai dontologie juridique, op. cit., p.
364 qui crit que la hirarchie est la loi de linstitution .
973

G. RENARD, La thorie de linstitution, op. cit., p. 335, Linstitutionnel prime le contractuel ; M.


MICHALAUSKAS, La nature juridique de lassociation , in, Contrat ou institution : Un enjeu de socit,
(Direction B. BASDEVANT-GAUDEMET), LGDJ, Coll. Systme droit, 2004, p. 153.
974

Y. PUYO, Thse prcite, n 286, p. 197.

975

M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 121, lauteur voque les statuts dune socit
cooprative, dans la note n1.

195

La hirarchie des normes conventionnelles


nature juridique simple 976/977. Lide, enfin, semble mme trouver certains chos en droit
public978.

346.

Ce prsuppos, aussi vif soit-il, doit tre condamn. La nature juridique des

conventions hirarchises est parfaitement indiffrente dans leur hirarchisation. La norme de


constitution dune structure hirarchique peut tre une norme pluri-dimensionnelle (A)
comme uni-dimensionnelle (B) et peut dominer des conventions de toute nature .
A. Supriorit dune norme pluri-dimensionnelle .

347.

La domination hirarchique dune convention pluri-dimensionnelle peut se manifester

sur une convention uni-dimensionnelle (1) comme sur une convention de mme nature (2).
1. Sur une norme uni-dimensionnelle .

348.

Une convention pluri-dimensionnelle peut tre hirarchiquement suprieure une

convention simple. Laffirmation nappelle sans doute aucune remarque particulire. Il parat
vident, tant dun point de vue thorique (et ce, quel que soit le parti que lon prenne), que
dun point de vue empirique, quune telle mise en ordre hirarchique puisse se raliser.

349.

Le droit positif offre une multitude dexemples de cette domination possible des

976

Lauteur crit prcisment : la convention place au bas de la hirarchie est toujours constitue par une
convention individuelle . Le terme individuel est pour lauteur synonyme de convention simple . Sil ne
parle pas de conventions la nature purement conventionnelle ou mixte dans la mesure o il nie cette
distinction (nous y reviendrons), il oppose en revanche les actes collectifs (ce qui dsigne chez lui les actes
formation ou effets collectifs retenant ainsi les deux dfinitions des actes collectifs donnes par Messieurs
ROUAST et ROUJOU DE BOUBBEE) aux actes individuels . Cela tant, si le critre de lopposition nest
pas le mme, les contours des deux catgories sont identiques. Monsieur Perrouin qualifie par exemple dactes
collectifs , les conventions collectives de travail, les statuts de personnes morales, le contrat de mariage ou le
rglement de coproprit.
977

J. PERROUIN, Thse prcite, n 788, p. 344 ; v. encore n 159, p. 100 ( le mcanisme lgal de la
hirarchisation, comme la procdure administrative conduisent reconnatre la primaut dun acte collectif sur
dautres actes collectifs ou sur des contrats individuels - le propos est cependant ici rserv un type
particulier de hirarchie) ; et n 795, p. 346 (o lauteur parle de manire gnrale cette fois-ci des conventions
individuelles qui occupent la base de toutes les structures hirarchiques ).
978

En matire de recours pour excs de pouvoir, si le juge nadmet pas en principe de recours contre un acte
violant un contrat administratif (sil ne soumet pas la validit dun acte administratif au respect des stipulations
contractuelles), ce recours est admis au contraire si la convention est rglementaire (la convention dtermine
alors les conditions de validit dun autre acte juridique). Sur cette question v. D. PEANO, J.-Cl. Administratif,
v Recours pour excs de pouvoir, fasc. 1150, n 36 ; D. DE BECHILLON, Le contrat comme norme dans le
droit public positif , prcit, p. 26 et 27.

196

Contribution lanalyse normativiste du contrat


conventions la dimension rglementaire sur des conventions purement contractuelles . Il
en va ainsi, notamment, ds que les statuts dune socit dterminent la validit de certaines
conventions que peuvent conclure entre eux les associs, ou encore quand le rglement dune
coproprit dtermine les conditions dans lesquelles les propritaires dun lot peuvent soit
laliner, soit le donner bail. Il nest pas utile de poursuivre plus loin une dmonstration qui
ne ferait que revenir sur les dveloppements relatifs ltude des hirarchies bties partir
dun rglement de coproprit, dune convention matrimoniale ou des statuts dune personne
morale. Le constat semble devoir tre identique si la convention en position dinfriorit est
une convention pluri-dimensionnelle.

2. Sur une norme pluri-dimensionnelle .

350.

Si lobjet de la subdivision prcdente tombait sous le sens et semblait vritablement

incontestable, lhypothse prsente nous parat, elle, soulever demble plus dinterrogations.
Pourtant, dun point de vue thorique, aucun obstacle ne peut sopposer vritablement la
reconnaissance de cette hypothse ; mme si lon attachait la conception classique des
sources du Droit. Laspect thorique de la question ne soulve donc a priori aucune difficult.
Cest si lon se place dun point de vue empirique que la rponse la question pose peut
sembler moins vidente. En effet, il y a sans aucun doute un moins grand nombre de situations
dans lesquelles une convention prsentant une nature prtendument hybride dtermine lune
des conditions de la validit dune autre convention de mme nature, que dans lhypothse
prcdemment tudie. Cela tant, quelques situations permettent de valider cette seconde
hypothse. Nous en avons tudi quelques unes, mme si elles taient exceptionnelles, en
matire de conventions collectives de travail. Nous en tudierons rapidement une autre
varit.

351.

Constitution de socit et apport dun bien commun En matire matrimoniale,

nous lavons vu, les poux maris sous un rgime communautaire peuvent en principe
administrer et disposer seuls des biens de la communaut (article 1421 du Code civil). Cette
rgle connait cependant quelques exceptions comme celle prvue lalina premier de
larticle 1424 du Code civil qui dispose que les poux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliner
ou grever de droits rels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dpendant de la
communaut, non plus que les droits sociaux non ngociables et les meubles corporels dont
l'alination est soumise publicit . Lun des poux ne peut donc pas apporter en socit un
197

La hirarchie des normes conventionnelles


des biens communs viss par cet article sans le consentement de son conjoint. dfaut,
lalination que constitue lapport en socit979 peut tre annule en application des
dispositions de larticle 1427 du Code civil, annulation qui stendra fatalement au contrat
de socit dans son ensemble 980 si lapport du bien commun en question tait indispensable
la ralisation de lobjet social981.

352.

Ce cas de figure illustre la supriorit potentielle dune convention prtendument

pluri-dimensionnelle sur une autre. Le caractre commun dun bien dpend en effet des
stipulations de la convention matrimoniale. Cest donc par rfrence aux stipulations du
contrat de mariage que la validit de lapport en socit, et donc de la socit, sera apprcie.
Lacte pluri-dimensionnel quest la convention matrimoniale est hirarchiquement suprieur
un autre acte de mme nature, le contrat de socit.

353.

Une convention la nature dualiste peut donc dominer une convention de mme

nature ou une convention simple. Reste dsormais dmontrer quune convention qui ne
prsente pas cette spcificit peut galement tre une convention hirarchiquement suprieure
une autre convention de quelque nature que ce soit.
B. Supriorit dune norme uni-dimensionnelle .

354.

Ce cas de figure est nen pas douter le plus intressant dun point de vue thorique.

Si ceux tudis ci-dessus ne pouvaient souffrir, de ce point de vue, aucune contestation, il en


va diffremment en matire de conventions la nature moniste. Ces derniers actes ntant pas,
dans une conception classique des sources du Droit, des lments du Droit objectif, il est
difficilement concevable de les imaginer tre lun des fondements de la validit dune autre
convention, a fortiori lorsque cette convention est une convention pluri-dimensionnelle.
Labandon de cette prsentation et ladoption dune analyse normative de la convention, pour
laquelle nous avons opt, nous permettent en revanche denvisager la supriorit dune
convention simple sur une autre convention. Le Droit positif nous permettra den faire la
preuve. Une convention uni-dimensionnelle peut dterminer la validit dune convention de
979

En ce sens, F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 495, p. 397 ; Civ. 1, 2
dcembre 1975, JCP G, 1976, II, 18390, note Y. CHARTIER, solution implicite.
980

J. HONORAT, Rp. Dr. Socits, Dalloz, v Nullits, n 23.

981

Ibid.

198

Contribution lanalyse normativiste du contrat


mme nature (1) comme celle dune convention la nature censment pluri-dimensionnelle
(2).

1. Sur une norme uni-dimensionnelle .

355.

Comme lorsquil sest agi de relever quune convention pluri-dimensionnelle pouvait

tre hirarchiquement suprieure une convention unidimensionnelle, nous ne nous


appesantirons pas trop sur la prsente hypothse tant les conclusions que nous pouvons tirer
en la matire sont attendues. Nous avons, sans le relever expressment, de multiples
reprises, dj mis en lumire le fait quune convention purement conventionnelle puisse
dterminer les conditions de validit dune convention de mme nature.

356.

Le fait quun mandat dtermine certaines des conditions de la validit de lacte

accompli en application de cette convention ; celui quun contrat principal dtermine en partie
les conditions dans lesquelles un sous-contrat sera rgulirement form ; quun avant-contrat
de vente dtermine dans des circonstances donnes les conditions de la validit de la vente
dun bien objet de lavant-contrat ; ou enfin, la liste ntant bien entendu pas exhaustive, celui
quune vente dtermine les conditions de la validit de toutes les ventes successives portant
sur le mme bien, sont autant dhypothses dans lesquelles une convention unidimensionnelle dtermine les conditions de la validit dune autre convention de mme
nature.

357.

Lhypothse suivante appelle sans doute plus dattention dans la mesure o, nous

lavons soulign, elle est celle qui cadre le plus difficilement avec une vision classique de
la place des conventions dans les sources du Droit.

2. Sur une norme pluri-dimensionnelle .

358.

Les illustrations de la domination hirarchique dune convention uni-dimensionnelle

sur une convention pluri-dimensionnelle sont sans aucun doute moins nombreuses que les cas
tudis linstant. Il nen demeure pas moins que plusieurs illustrations de cette supriorit
peuvent tre identifies dans le droit positif.

359.

Mandat et convention matrimoniale Le contrat de mariage est une convention


199

La hirarchie des normes conventionnelles


marque par un certain formalisme. Cet acte doit notamment revtir la forme authentique et
tre fait en la prsence simultane des parties. Le Code civil, depuis la loi de 1965, offre, dans
le mme article qui impose ce formalisme, la possibilit aux parties de se faire reprsenter lors
de la rdaction et de la signature de lacte. Larticle 1394 alina premier du Code civil,
dispose effectivement que toutes les conventions matrimoniales seront rdiges par acte
devant notaire, en la prsence et avec le consentement simultans de toutes les personnes qui
y sont parties ou de leurs mandataires . Le mandat donn au mandataire de reprsenter le
futur poux loccasion de la conclusion de lacte doit tre spcial et revtir la forme
authentique982.

360.

Dans cette situation, une convention uni-dimensionnelle se prsente alors comme une

norme hirarchiquement suprieure une convention pluri-dimensionnelle .

361.

Mandat et conventions collectives La supriorit hirarchique dune convention

uni-dimensionnelle sur une convention pluri-dimensionnelle peut encore tre releve en


matire de droit du travail. Larticle L. 2231-2 du code du travail en vigueur depuis le 1er mai
2008, prvoit que les reprsentants des organisations ayant comptence pour ngocier des
conventions et accords collectifs de travail doivent tre habilits selon les modalits
suivantes : 1 Soit [par]une stipulation statutaire de cette organisation ; 2 Soit [par] une
dlibration spciale de cette organisation983 ; 3 Soit [par]de[s] mandats spciaux crits qui
leur sont donns individuellement par tous les adhrents de cette organisation . Cest donc
une convention uni-dimensionnelle qui dans le troisime cas prvu par cet article habilite le
ngociateur. Or, doctrine984 et jurisprudence985 saccordent considrer que la convention ou
laccord collectif conclu sans habilitation est frapp de nullit, ce qui tablit un lien
hirarchique entre les deux actes. Cest par rfrence au contenu du mandat que sera juge la
validit dune convention collective. Cest par rfrence aux stipulations dune convention
uni-dimensionnelle que sera juge la validit dune convention soi-disant pluri-

982

F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 170, p. 128.

983

Les deux premiers cas de figure prvus cet article auraient pu trouver leur place dans les dveloppements
relatifs la supriorit dune convention pluri-dimensionnelle, les statuts de lorganisation, sur une autre, la
convention collective de travail.
984

F. PETIT La notion de reprsentation dans les relations collectives de travail, (prface P. RODIERE),
LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 291, 2000, n 302, p. 355.
985

Soc., 27 nov. 1958, Dr. soc. 1959, p. 87.

200

Contribution lanalyse normativiste du contrat


dimensionnelle.

362.

Autres exemples Pour conclure, nous prciserons trs brivement que le prsent

constat ne tient pas la particularit de la convention place ici au sommet de la hirarchie


conventionnelle, c'est--dire un mandat. Dautres situations dans lesquelles une pure
convention est hirarchiquement suprieure une autre pourraient tre prsentes. La nullit
dun apport par exemple, qui peut entraner dans les conditions que nous avons exposes la
nullit de la socit, peut parfaitement se concevoir en raison du fait que le bien apport
nappartienne pas lauteur de lapport986. Ds lors, ce peut tre en rfrence aux stipulations
dun contrat de vente ou de donation (une convention la nature simple ) que la validit de
lapport, et donc de la convention pluri-dimensionnelle qui en rsulte, sera juge.

363.

Alors que lon aurait pu sattendre, pour les raisons exposes, une solution contraire,

la nature juridique des conventions en rapport na finalement aucune incidence ni sur la


propension de celles-ci se hirarchiser, ni sur la place respective occupe par chacune des
conventions dans la pyramide conventionnelle forme. La raison de ce constat nous parat
tenir dans ce qui nest sans doute que la suite logique de lanalyse normative de la convention,
c'est--dire lunit de la notion de convention.
2. Lunit de la notion de convention.

364.

Au regard des thses majoritaires dans la doctrine contemporaine, la catgorie

contractuelle a perdu lunit quelle affichait son origine. Il y aurait ct des conventions
simples , dautres conventions dont la nature ne serait pas exclusivement contractuelle. Le
constat que nous venons de faire, nous lavons soulign, se marie assez mal avec cette thse.
En revanche, lindiffrence de la nature juridique des conventions en rapport dans leur
hirarchisation, nous semble sinscrire parfaitement dans un courant actuel qui tend affirmer
lunit de la notion de convention (B) et abandonner les analyses dualistes dun certain
nombre dactes (A).

986

J. HONORAT, Rp. Dr. Socits, op. cit., n 23 et les rfrences cites.

201

La hirarchie des normes conventionnelles


A. Les diversits apparentes de la nature juridique des conventions.

365.

Une analyse initialement contractuelle Initialement, chacune des conventions

pluri-dimensionnelles a t prsente comme une convention. Dans le sillage des travaux de


Domat et Pothier987, traduction dune tradition encore plus ancienne988, le code de 1804 a pris
le parti de dfinir la socit larticle 1832 (dans sa version antrieure la loi de 1985)
comme un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en
commun des biens ou leur industrie, en vue de partager le bnfice ou de profiter de
l'conomie qui pourra en rsulter . Le schma devait tre le mme pour lassociation dfinie
par larticle premier de la loi du 1er juillet 1901989, dans une formule qui ne devait rien au
hasard990, comme la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, d'une faon permanente, leurs connaissances ou leur activit dans un but autre que
de partager des bnfices (...) et () rgie, quant sa validit, par les principes gnraux du
droit applicables aux contrats et obligations . La convention collective de travail quant
elle, que lon dsignait souvent ses origines sous la locution de contrat collectif de
travail , apparat dans la pratique comme un contrat civil sui generis 991. Le rglement de
coproprit est lui dfini, par larticle 8 de la loi du 10 juillet 1965, comme un acte
conventionnel . Le contrat de mariage est, enfin, qualifi plusieurs reprises dans les
articles 1387 et suivant du Code civil de contrat ou de convention. Passe lunanimit initiale
autour de lanalyse contractuelle des actes considrs, des voix se sont leves pour contester
une qualification qui, pour nombre dauteurs, devenait injustifiable ; des analyses alternatives
se sont alors fait jour qui proposaient dexclure simplement les conventions considres de la
catgorie contractuelle (1). Une nouvelle unanimit sest peu peu dessine autour dune
seconde alternative qui consiste intgrer chaque dimension des conventions concernes qui
987

Voir par exemple J. DOMAT, Loix civiles dans leur ordre naturel, seconde dition, Tome I, Paris, Auboun,
Emery, Clouzier, 1697, Livre I, Titre VIII, v. la section I la nature de la socit , p. 294 et 295 ; POTHIER,
Trait du contrat de socit, in, uvres compltes de Pothier, Tome VII, PARIS, Thomine et Fortic, 1821, en
particulier le Chapitre premier, De la nature du contrat de socit , p. 150 171. Les deux auteurs analysent
clairement la socit en termes contractuels.
988

Certains auteurs affirment que la conception contractuelle de la socit se trouvait dj affirme dans le Code
dHammourabi, v. sur ce point, J.-C. MAY, La socit, contrat ou institution , in, Contrat ou institution : un
enjeu de socit, (Direction B. BASDEVANT-GAUDEMET), LGDJ, Coll. Systme droit, 2004, p. 124.
989

Loi relative au contrat dassociation .

990

V. le plaidoyer pour une qualification contractuelle de lauteur de la loi, P. WALDECK-ROUSSEAU,


Associations et congrgations, p. 52 et 53 http://classiques.uqac.ca/
991

G.-H. CAMERLYNCK, G. LYON-CAEN, Droit du travail, 9me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 1978, n 607,
p. 611.

202

Contribution lanalyse normativiste du contrat


sont alors prsentes comme des actes pluri-dimensionnels (2).
1.

Les

tentatives

danalyses

uni-dimensionnelles

(rglementaires

et

institutionnelles).

366.

Les principales analyses uni-dimensionnelles alternatives aux thses conventionnelles

ont t celles dfendues par deux grands publicistes, Duguit et Hauriou. Les deux auteurs ont
en commun davoir lun et lautre rejet nettement les analyses conventionnelles des actes tels
la socit ou la convention collective de travail. Les arguments et conclusions respectives des
deux auteurs divergent cependant sur quelques points.

367.

Lanalyse rglementaire Pour Duguit dabord, les actes considrs sont, dans la

classification quil propose des actes juridiques992, des exemples trs nets dactesrgles 993, plus prcisment des actes-collectifs (pour la socit et lassociation) et des
unions (pour les conventions collectives de travail) qui se distinguent du contrat aussi bien
sur le plan de leur formation que sur celui de leurs effets994.

368.

Sur le plan de la formation de lacte, dveloppant un argument qui sera ultrieurement

repris par les partisans des thses rglementaires ou institutionnelles de la socit, Duguit
estime que lon est en prsence de dclarations de volont qui sont toutes dtermines par le
mme but , ce qui distinguerait les socits ou associations du contrat puisque cet acte se
singulariserait sur ce point par des manifestations de volont qui ont un but diffrent995.

369.

Duguit relve encore que plusieurs des effets des actes-collectifs et des unions ,

entre les parties, ou lgard des tiers, ne sont pas compatibles avec lide de contrat.
Lauteur sattache par exemple, entre les parties, aux effets disciplinaires telles les amendes
ou exclusions prononces par les groupements (il sagit pour lauteur dun vritable droit
pnal qui simpose aux membres du groupe et conduit bien loin du contrat, acte juridique
992

Classification que nous avons expose en introduction, supra, n 24 et les rfrences cites ce numro.

993

L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel, Troisime dition, Tome I, op. cit., 1927, . 31, p. 327 et 328.

994

Pour ne pas multiplier les notes infrapaginales pour le paragraphe venir, et sauf mention contraire, se
reporter louvrage prcit, n 39, p. 399 404 en ce qui concerne les actes collectifs (associations et socits) et
n 40 p. 409 et 425 pour les unions, en particulier, p. 411 419 (conventions collectives de travail).
995

L. DUGUIT, Trait de droit constitutionnel, Troisime dition, Tome I, op. cit., n 38 p. 383.

203

La hirarchie des normes conventionnelles


dfini, ne pouvant faire natre quun rapport entre crancier et dbiteur entre deux sujets de
droit dont les intrts sont opposs ). Au-del du cercle des parties, il conteste lide quun
contrat puisse avoir pour effet, qu lgard des tiers, la validit des actes conclus par une
association soit conditionne au respect des statuts. En ce qui concerne toujours ces mmes
effets, en matire de conventions collectives, une approche contractuelle de cet acte ne peut
selon lui expliquer que les employeurs et les salaris soient contraints de respecter les
stipulations de la convention collective laquelle ils ne sont pas parties. Cest sans aucun
doute dans ce dernier aspect soulev par lauteur, a priori drogatoire leffet relatif des
conventions, quapparat le plus clairement la dimension normative, rglementaire 996 de
certaines conventions. Cest parce que les conventions collectives de travail, les conventions
matrimoniales ou encore le rglement de coproprit, produisent des effets lgard des tiers
que la doctrine est souvent tente dattribuer ces actes un caractre intgralement ou
partiellement rglementaire997.

370.

Lanalyse institutionnelle La seconde analyse uni-dimensionnelle marquante,

alternative la qualification contractuelle est lanalyse institutionnelle, initie par Hauriou.


Pour cet auteur, conventions collectives et autres groupements ne sont pas des conventions
mais bien des institutions, c'est--dire, une ide duvre ou dentreprise qui se ralise et
dure juridiquement dans un milieu social ; pour la ralisation de cette ide, un pouvoir
sorganise qui lui procure des organes ; dautre part entre les membres du groupe social
intress la ralisation de lide, il se produit des manifestations de communion diriges
par les organes du pouvoir et rgles par des procdures 998/999. Cette notion, bien quelle
996

J. LE GOFF, Petit trait de droit du travail : Droit du travail et socit, Tome II, Les relations collectives de
travail, PUR, 2002, p. 474.
997

Pour les conventions collectives de travail : Ibid., A. COEURET, B. GAURIAU, M. MINE, Droit du travail,
2me dition, Sirey, Coll. Sirey Universit, 2009, n 925, p. 668 et 669 ; J. RIVERO, J. SAVATIER, Droit du
travail, 12me dition, PUF, Coll. Thmis, 1993, p. 322 et 323 ; M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations,
op. cit., p. 181 ; J. FLOUR, J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, op. cit., n 509, p. 479 linstitution [la convention
collective] est aux frontires du contrat et du rglement , et n 512 p. 481 le contrat collectif permet de
contourner leffet relatif des contrats ; propos des conventions matrimoniales : J. FLOUR, G.
CHAMPENOIS, op. cit., n 169, 157 ; P. MALAURIE, L. AYNES, Les rgimes matrimoniaux, 2me dition,
Defrnois, Coll. Droit civil, 2007, n 205, p. 85 ; enfin, sur le rglement de coproprit : P. MALAURIE, L.
AYNES, Les biens, 4me dition, Defrnois, Coll. Droit civil, 2010, n 719, p. 239.
998

M. HAURIOU, La thorie de linstitution et de la fondation. Essai de vitalisme social , prcit, p. 96.

999

Cette dfinition tant communment prsente comme la plus aboutie de la notion dinstitution que donne
Hauriou. Sur ce point, v. E. MILLARD, Hauriou et la thorie de linstitution , Droit et socit, 30/31, 1995, p.
390 et s., o lauteur reconstitue les grandes tapes de la construction par lauteur toulousain de la thorie de
linstitution.

204

Contribution lanalyse normativiste du contrat


soit entoure dun flou certain1000, se distingue nettement du contrat sur plusieurs points1001.

371.

La principale diffrence quHauriou dveloppe entre le contrat et linstitution est que

linstitution est faite pour durer tandis que le contrat nest pas fait pour durer . De sa
nature dacte juridique rsulterait, pour lauteur, une infirmit du contrat, mcanisme
la fois trop fragile et trop rigide . Cette fragilit tiendrait par exemple lexistence de la
condition rsolutoire qui conduit la disparition du contrat en cas dinexcution des
obligations des parties, l o la nature de linstitution permettrait den exclure un membre
sans mettre en danger cette dernire. La stabilit des institutions est encore pour Hauriou
marque par la capacit la faire voluer par des rgles de fonctionnement souples, alors que
le contrat serait incommutable 1002. La flexibilit de linstitution permettrait, en matire de
socit, une modification des statuts la majorit, la survie de linstitution nest [alors plus]
lie la continuit du consentement des intresss 1003.
Si lon admet rgulirement que les termes et les enjeux du dbat sur la nature
institutionnelle de la socit ne sont pas clairement fixs 1004, cet lment est
incontestablement lun de ceux qui apportent de leau au moulin de lanalyse institutionnelle
de la socit1005 ou de lassociation, mais galement parfois du rglement de coproprit1006,
puisque ces institutions laissent toutes une place, notamment, ce que lon dsigne sous le
1000

La chose est unanimement releve et mme les promoteurs de linstitution dnoncent les incertitudes, voire
les incohrences, des travaux dHauriou sur ce point v. Y. PUYO, Essai sur le contrat et linstitution, Les
relations entre les groupements institutionnels et le contrat en droit priv, op. cit, n 10, p. 8.
1001

Pour une comparaison entre le contrat et linstitution, v. M. HAURIOU, Principes de droit public lusage
des tudiants en licence et en doctorant es sciences politiques, 2me dition, Recueil Sirey, 1916, p. 199 209
dont sont extraites, sauf mention contraire, toutes les citations du prsent paragraphe.
1002

G. RENARD La thorie de linstitution, essai dontologie juridique, op. cit., p. 364.

1003

J.-L. BERGEL, op. cit., n 170, p. 198.

1004

M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, Droit des socits, 23me dition, Litec, Coll. Manuels, 2010,
n 10 p. 4.
1005

Ibid. ; v. G RIPERT et R. ROBLOT, par M. GERMAIN, op. cit., n 1056-20, p. 12 ; v. galement, G.


FLORES , J. MESTRE, Brves rflexions sur lapproche institutionnelle de la socit , LPA, 14 mai 1986, p.
27 qui rsument parfaitement cette opposition en crivant propos dune espce dans laquelle un associ
demandait la dissolution de la socit pour msintelligence : Lenjeu de la question pose au juge est des
plus clairs : constater quun contrat de socit na plus de sens, et doit donc tre rsolu, ds lors que les
contractants ne sentendent plus() ou bien reconnatre quune institution doit pouvoir survivre, au-del des
conflits de personnes qui la menace , et admettre une proposition de rachat des parts du demandeur prsente
par les dfendeurs.
1006

J. LAFOND, La coproprit, contrat ou institution ? , prcit, spc. p. 4 et 5.

205

La hirarchie des normes conventionnelles


terme de principe majoritaire 1007.

372.

La seconde diffrence majeure entre les deux notions tient pour le matre de lcole de

Toulouse son adhsion une vision trs classique du contrat qui fait de cet acte le fruit
dune libre ngociation1008. Ds lors, toutes les conventions dans lesquelles apparaissent ce
quil qualifie de lex c'est--dire la dicte des clauses par lune des parties et le fait que
lautre partie nait qu adhrer, moins quelle ne renonce au contrat , ne sont pour
lauteur que des situations ne formant un lien que de manire apparente, le contrat
sefforant de singer linstitution . Ce deuxime lment de comparaison du contrat et de
linstitution est lun de principaux qui a conduit une partie de la doctrine sur la voie dune
analyse institutionnelle de la socit1009 ou de lassociation1010. Il en est encore ainsi propos
du rglement de coproprit qui rvlerait sa nature institutionnelle lorsquil est rdig par
une seule personne (un promoteur immobilier) ou encore lorsque de nouveaux propritaires
acquirent des lots puisque, dans ces deux hypothses, les copropritaires nont pas dautres
alternatives que de consentir au rglement existant ou de renoncer la mutation du lot1011.
Ces deux thses, institutionnelles ou rglementaires, ont en commun lunit de la
nature juridique quelles reconnaissent aux conventions considres1012/1013. Toutes ont t
dpasses et cdent aujourdhui dans une large mesure des analyses mlant les diffrents
aspects de chaque convention.
1007

Sur ce point v., RJ Com Novembre 1991, numro spcial, La loi de la majorit .

1008

V. cet gard, la svre critique de JOSSERAND, Les auteurs qui prconisent cette opposition (entre le
contrat et linstitution) et qui se proccupent surtout de faire mordre le droit public sur le droit priv, se font du
contrat une ide bien archaque et bien troite ; ils en sont rests au temps de la stipulation romaine avec la
double dclaration de volont quelle contenait, alors que dans le droit moderne, il convient de voir un contrat
dans tout acte plurilatral tendant crer ou dplacer des obligations, Lessor moderne du concept
contractuel , in, Recueil dtude sur les sources du droit en lhonneur de Franois Gny, Tome II, Sirey, 1934
p. 338.
1009

Y. GUYON, Les socits, amnagements statutaires et conventions entre associs, op. cit., n 8, p. 20 et 21.

1010

M. MICHALAUSKAS, La nature juridique de lassociation , prcit, p. 151 et 152.

1011

Dans le mme ordre dide, soulignant le caractre institutionnel du rglement de la coproprit en raison de
limportance des rgles lgales impratives J. LAFOND, La coproprit, contrat ou institution ? , prcit, p.
4.
1012

P. DURAND, Le dualisme de la convention collective de travail , RTD civ., 1939, p. 356.

1013

Mme si la frontire est parfois mince entre le contrat et linstitution et que lunion du contractuel et de
linstitutionnel est parfaitement admise par certains promoteurs de linstitution. Sur ce dernier point v., G.
RENARD, La thorie de linstitution, op. cit., p. 438 et s.

206

Contribution lanalyse normativiste du contrat


2. Le succs des analyses pluri-dimensionnelles.

373.

Apparition des analyses pluri-dimensionnelles En raction (et parfois mme par

anticipation1014) aux dbats relatifs la nature des conventions instituant une personne morale
ou aux conventions collectives de travail, la doctrine va proposer dadopter une vision
intgrant lanalyse des actes juridiques la nature controverse leur double dimension,
contractuelle et rglementaire ou institutionnelle1015. Ces thses dualistes, mixtes, ou pluridimensionnelles, font incontestablement leur premire apparition vritablement remarque en
droit du travail propos de la convention collective avec larticle devenu clbre de Durand,
le dualisme de la convention collective de travail 1016. Dans cet article, lauteur dveloppe
une analyse selon laquelle lacte en question serait conventionnel par sa formation et
rglementaire par ses effets1017. Cette proposition, bien quencore parfois critique par la
doctrine qui conteste son caractre fictif, a connu un indniable succs au point que les dbats
relatifs aux autres actes la nature douteuse se sont finalement tous solds par le mme
rsultat.

374.

Prdominance actuelle des analyses pluri-dimensionnelles Contrairement aux

prvisions de son principal promoteur, qui ne voyait en lanalyse dualiste de la convention


collective de travail quune doctrine transitoire amene cder la place une autre au fur et

1014

V. HAURIOU M., qui ds 1906 signale la prsence marque des thses dualistes v., Linstitution et le
droit statutaire , prcit, p. 176, note infrapaginale n 3.
1015

En elle-mme, lanalyse reposant sur une addition de plusieurs actes juridiques ne se dmarque pas
ncessairement des thses rglementaires. DUGUIT, conoit parfaitement que des actes juridiques puissent avoir
une nature mle de diffrentes influences. Ainsi crit-il propos de la nature juridique de lassociation, lacte
collectif est la fois un acte-rgle et un acte-condition, mais le caractre dacte-rgle est videmment celui qui
est prdominant n 39, p. 406. Plus loin il admet encore cette possibilit propos des unions, n 40, p. 409.
Loriginalit de lapproche pluri-dimensionnelle est de mler les aspects rglementaires et contractuels, ce que
DUGUIT semble condamner plusieurs reprises. HAURIOU condamne galement ces thses dualistes. Aprs
les avoir exposes propos de la socit, il dclare quune telle position est intenable et incomprhensible ,
Linstitution et le droit statutaire , Recueil de lgislation de Toulouse, Deuxime srie, T. II, douard Privat,
1906, p. 177.
1016

P. DURAND, Le dualisme de la convention collective de travail , prcit ; cette conception, popularise


par lauteur tait dj partage par une partie de la doctrine. V. Par exemple, P. LOUIS-LUCAS, Les
conventions collectives de travail , RTD civ. 1919, p. 65 et s. en particulier la premire partie.
1017

Cette prsentation commune tant un brin rductrice puisque pour lauteur, la nature dualiste de la
convention collective de travail se manifeste aussi bien au stade de la formation qu celui de lexcution. Il
soulve en revanche le fait que la nature contractuelle est plus marque au premier stade que la nature
rglementaire et inversement. v. sur ce point le dbut de la seconde partie de larticle cit, p. 368 et 369.

207

La hirarchie des normes conventionnelles


mesure de laffirmation de ce mcanisme, la majorit de la doctrine travailliste1018 enseigne
toujours aujourdhui que cet acte est la fois conventionnel par sa formation et rglementaire
par ses effets1019. Le dbat sur la nature juridique de la convention collective de travail, sil
suscite parfois encore quelques remarques1020, ne fait plus vritablement lobjet de trs vifs
changes doctrinaux. Il est dailleurs frappant de constater que plusieurs ouvrages de droit du
travail nen touchent pas mot.

375.

Apparu plus tardivement, le rglement de coproprit1021 a suscit un rel dbat relatif

sa nature, bien que moins anim que ceux que lon a pu connatre propos dautres
conventions. Cet acte est, comme la convention collective, aujourdhui assez communment
prsent comme un acte caractre mixte, tenant la fois du contrat et de linstitution et/ou
du rglement1022. Il en est encore de mme pour dautres conventions telles les conventions

1018

Entre autres : A. COEURET, B. GAURIAU, M. MINE, op cit., n 925, p. 668 ; G. COUTURIER, Trait de
droit du travail, Tome 2, les relations collectives de travail, 1re dition, PUF, Coll. Droit fondamentaux, 2001,
n 202 et s., p. 486 et s. ; J. LE GOFF, op. cit., p. 472 ; J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Droit du
travail, 24me dition, Dalloz, Coll. Prcis, 2008, n 1037, p. 1304 ; J. RIVERO, J. SAVATIER, op. cit., p. 322 ;
contra, ne jugeant pas cette thse satisfaisante. T. REVET Le contrat-rgles , in, Libre Droit, Mlanges en
lhonneur de Philippe LE TOURNEAU, Dalloz, Coll. Etudes, mlanges, travaux, 2008, p. 928.
1019

Par exemple, J. PELISSIER, A. SUPIOT, A. JEAMMAUD, Ibid. ; J. RIVERO, J. SAVATIER, op. cit., p.
322 ; A. ROUAST, La nature et lefficacit de la convention collective de travail , DS, 1960, p. 639 ; v.
cependant G. COUTURIER, Ibid., qui tout en adhrant la conception dualiste dcrit la distinction du terrain de
la formation et des effets comme trop simple , n 202, p. 490.
1020

Par exemple, N. ALIPRANTIS, op. cit., p. 66 et s.; H. BLAISE, Les conventions de travail , in, Le droit
contemporain des contrats, bilan et perspectives, (Direction L. CADIET), Economica, Coll. Travaux et
recherches, 1987, p. 57 ; en faveur de la thse contractuelle, P. LANGLOIS, Droit civil et contrat collectif de
travail , Dr. soc., 1988, p. 395 et s. Lauteur, sinspirant notamment des conclusions de la thse de Monsieur
ROUHETTE, soutient cette ide par le biais du mcanisme de la reprsentation. Il sagit cependant ses yeux
non dune reprsentation de la volont des salaris, mais de leurs intrts v. en particulier p. 397 et 398 ; v.
encore reconsidrant cette distinction sur certains points, F. PETIT, La notion de reprsentation dans les
relations collectives de travail, op. cit., en particulier, le sous Titre II du Titre premier de la seconde partie, n
348 et s. p. 413 et s.
1021

Cet acte a connu sa conscration lgale par la loi de 28 juin 1938, loi tendant rgler le statut de la
coproprit des immeubles diviss par appartements .
1022

F. ALIBERT, A. et J. DEBEAURAIN, G. FAU, R. PORTE, J.-P. RYF, prcit, p. 637 ; F. GIVORD, C.


GIVERDON, P. CAPOULADE, op cit., n 545 ; E. KISCHINEWSKY-BROQUISSE, op. cit., n 539, p. 595 ;
P. MALAURIE, L. AYNES, Les biens, op. cit., n 719, p. 239 qui voquent un acte quasi-rglementaire ; G.
VIGNERON, J.-Cl. Coproprit, v Rglement de coproprit, gnralits, champ dapplication, fasc. 76, n
13 ; F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les biens, op. cit., n 642, p. 539 et 540 ; Contra, pour une qualification
contractuelle v. C. ATIAS, Droit civil, les biens, 10me dition, Litec, Coll. Manuels, 2009, n 417, p. 272 (mme
si lauteur qualifie ailleurs cet acte dacte-rgle cela ne nous semble pas que cela remette en cause la
qualification contractuelle que lauteur soutient fermement, Rp. Dr. Imm., Dalloz, v- Coproprit des
immeubles btis, n 142) ; Pour une qualification institutionnelle, J. LAFOND, La coproprit, contrat ou
institution ? , prcit, p. 2 et s.

208

Contribution lanalyse normativiste du contrat


matrimoniales1023 et, dans une certaine mesure, pour lassociation1024.

376.

Il est en revanche un dbat qui se distingue par sa vigueur toujours aussi marque,

cest celui relatif la nature juridique de la socit. Les controverses sur la nature juridique de
cet acte ont, tour tour, consacr lavnement de certaines thses presque aussitt effaces par
des thses nouvelles ou le renouvellement dopinions plus anciennes. Dans les grandes
lignes1025, aprs la conscration de la thse institutionnelle, la doctrine a t marque par
lapparition de la thse fonctionnelle qui, en mettant laccent sur le fait que la socit est une
technique dorganisation de lentreprise 1026, a conduit certains de ses partisans conclure
une contribution par une sentence retentissante : la socit nest plus un contrat 1027. Peu
aprs lavnement de cette thse, un mouvement inspir par le concept de corporate
governance a remis le contrat au centre du dbat. Partant de lide selon laquelle
lentreprise est fondamentalement un nud de contrats 1028, des auteurs relvent (et
prnent) un dveloppement des mcanismes contractuels dans la socit (tels les pactes
dactionnaires) pour amliorer son fonctionnement. Le dbat sur la nature juridique de la
socit sen est trouv relanc et la thse contractuelle, que lon pensait irrmdiablement
distance, sest nouveau retrouve au centre de toutes les attentions. Sur des bases trs
diffrentes, un nime renouveau des thses contractuelles se fait jour depuis le dbut des
annes 2000. Des auteurs, sattachant au rgime juridique contractuel du contrat de socit et
1023

J. FLOUR, G. CHAMPENOIS, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 169, 157.

1024

L. BUTSTRAEN, Lassociation contrat ou institution. Lassociation contrat et institution , Gaz. Pal., 18


Dcembre 2001, n 352, p. 12 ; A.-S. MESCHERIAKOFF, M FRANGI, M. KDHIR, Droit des associations,
PUF, Coll. Droit fondamental, 1996, p. 101 et 102, qui crivent que lassociation est un contrat, mais un contrat
qui est la mise en commun dune activit au sein dune institution ; P. POTENTIER, Lassociation,
personne ou contrat ? Propos daprs congrs , Defrnois, 1996, n 22, p. 1323, n 1 l'association est la fois
une personne et un contrat .
1025

Pour une prsentation complte de lvolution des diffrentes conceptions de la nature juridique de la socit
v. BERTREL J.-P., le dbat sur la nature de la socit , in, Droit et vie des affaires, tudes la mmoire dA.
SAYAG, Litec, Coll. Le droit des affaires, 1997, p. 131 et s. et plus rcemment, F. DEBOISSY, Rapport
franais, Le contrat de socit , in, Le contrat, travaux de lassociation H. Capitant, Tome LV, Socit de
lgislation compare, p. 119 et s.
1026

Sur la thse fonctionnelle v. J. PAILLUSSEAU, La socit anonyme, technique dorganisation de


lentreprise, (prface Y. LOUSSOUARN), Sirey, Coll. Bibliothque de droit commercial, Tome 18, 1967 ; v.
galement : Les fondements du droit moderne des socits , JCP G,, 1984, I, 3148 ; Le droit moderne de la
personnalit morale , RTD civ., 1993, p. 705 ; C. CHAMPAUD, Le pouvoir de concentration de la socit par
actions, (prface Y. LOUSSOUARN), Sirey, Coll. Bibliothque de droit commercial, 1962.
1027

C. CHAMPAUD, Le contrat de socit existe-t-il encore ? , prcit, p. 139.

1028

A. COURET, Le gouvernement dentreprise : la corporate governance , D. 1995, p. 163 ; La structure


juridique des entreprises (corporate governance) , RIDE, 2/2002 (t. XVI), p. 339.

209

La hirarchie des normes conventionnelles


adhrant une dfinition plus moderne du contrat, pure dlments prtant le flanc la
critique, proposent de mettre laccent sur la dimension contractuelle de la socit et mme,
pour certains dentre eux, dapprhender la socit comme une forme purement
contractuelle1029.
Aussi riche, passionnant, et parfois confus1030 que puisse tre ce dbat, il nen demeure
pas moins quici comme ailleurs, la majorit de la doctrine commercialiste a dj opr sa
mutation vers une analyse dualiste de la socit1031.

377.

Ces analyses pluri-dimensionnelles des conventions que nous avons tudies ne nous

paraissent pas rendre compte de manire satisfaisante de la vritable nature juridique de


celles-ci. Nous partageons avec une partie croissante de la doctrine contemporaine le
sentiment quen dpit de ce que beaucoup considrent comme des particularits rdhibitoires,
la socit, lassociation, la coproprit, les conventions collectives de travail et tous les autres
actes dont on soutient la nature pluri-dimensionnelle, ne sont rien dautre que de simples
conventions.
B. Lunit mergeante de la nature juridique des conventions.

378.

Avant de prciser les raisons qui nous conduisent admettre lunit de la notion de

convention, il nous faut lever quelques obstacles secondaires la qualification contractuelle


des actes collectifs, en particulier une partie de ceux tendant adopter une analyse

1029

Chronologiquement v., J. MESTRE, La socit est bien encore un contrat in, Mlanges la mmoire
de C. Mouly, t. II, Litec 1998, p. 131 ; C. LAPEYRE, La nature de la socit depuis la loi sur les nouvelles
rgulations conomiques , BJS 2004, p. 21 ; F. DEBOISSY, Rapport franais, Le contrat de socit , in, Le
contrat, travaux de lassociation H. Capitant, Tome LV, Socit de lgislation compare, p. 119 et s. ; T.
FAVARIO, Regards civilistes sur le contrat de socit , Rev. Soc., 2008, p. 53 ; M. COZIAN, A. VIANDIER,
F. DEBOISSY, op. cit., n 10, p. 5 propos du dbat contrat ou institution les auteurs crivent, Il suffit de
parler de contrat et dordre public .
1030

Sur ce point v. F. DEBOISSY, Rapport franais, Le contrat de socit , prcit, spc. n 10 et s., qui
soulve nombre des confusions obscurcissant un peu plus ce dbat (confusion entre les conceptions juridiques et
politiques, entre les statuts de la socit et la socit , confusion entre lentreprise et la socit, oppositions de
thses non-exclusives les unes des autres comme lopposition contrat/personne morale etc.).
1031

Cest la conclusion laquelle arrive Monsieur BERTREL au terme de son article sur le dbat sur la nature
de la socit , prcit, p. 131 et s., en particulier p. 141 145 et les nombreuses rfrences cites ; v. galement
J.-C. MAY, Articl prcit, qui aprs avoir remis en cause point par point lanalyse institutionnelle de la socit
conclut malgr tout que la socit si elle reste un contrat, ou pour certains un acte juridique unilatral, est
aussi autre chose que cela sans que lon puisse assurer que cette autre chose est indubitablement une
institution , p. 150.

210

Contribution lanalyse normativiste du contrat


institutionnelle de la socit, et notamment celui tir de lexistence dun corpus de
dispositions impratives qui contraindrait les associs opter pour une formule lgale ou
renoncer contracter1032.
Cet argument doit tre fermement cart. La seule prsence marque dordre public, et
plus largement, dhtronomie, ne peut exclure la qualification de contrat au profit de
linstitution, moins de rduire peau de chagrin une catgorie juridique contractuelle qui
serait alors vide du contrat de travail1033, des contrats dassurance1034, des contrats de
consommation, des baux commerciaux et de tant dautres conventions. cet gard, le
recours la notion dinstitution est devenu inutile dans la mesure o lordre public est une
donne intgre par la lgislation contemporaine 1035 et admettre linverse conduirait
simplement considrer que le contrat nexiste (quasiment) plus 1036. Au-del de cet aspect,
qualifier un contrat dinstitution pour cette raison l conduirait rserver un traitement
diffrent des conventions trs semblables. La socit, marque par lordre public serait ainsi
une institution. Lassociation, entirement libre, livre l'inspiration cratrice du rdacteur
des statuts 1037 serait, elle, voue tre exclue de cette catgorie. Lopposition serait bien
artificielle et lon ne pourrait raisonnablement sen satisfaire.

379.

Cet argument secondaire tant cart, demeurent les principaux. Aprs les succs

relatifs des thses rglementaires, institutionnelles, voire fonctionnelles ( propos des


personnes morales), il nous semble que la thse contractuelle est en passe de prendre de
nouveau un ascendant dcisif dans le dbat relatif la nature juridique de certains actes.
Quelques auteurs ont propos une nouvelle conception moniste de ces conventions dans leur

1032

Pour un point sur la double dimension de la notion dinstitution v. PUYO Y., Thse prcite, en particulier
lintroduction.
1033

Sur la dimension institutionnelle du contrat de travail, v., A. JEAMMAUD, M. LE FRIANT, A. LYONCAEN, Lordonnancement des relations de travail , D. 1998, p. 359, spc. n 13.
1034

M. GERMAIN, Rapport gnral, le contrat de socit , in, Le contrat, travaux de lassociation H.


Capitant op. cit., p. 26 ; J.-C. MAY, op. cit., p. 139.
1035

M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, op. cit., n 10 p. 5.

1036

En ce sens, R. VATINET, propos du mariage, reprenant les propos de PLANIOL et RIPERT, sil fallait
cesser dappeler contrat tous ceux dont les effets ne peuvent tre librement dtermins par les parties, on ne
trouverait plus gure de contrats , Le mutuus dissensus , RTD civ. 1987, n 21, p. 267.
1037

P. POTENTIER, La libert de rdaction du contrat dassociation ; Ombre et lumire , LPA, 1996, n 50,
p. 20.

211

La hirarchie des normes conventionnelles


ensemble, qui repose partiellement sur une approche normative du contrat. Sil ne nous
revient videmment pas ici de nous aventurer sur un terrain qui nous conduirait hors des
limites de notre recherche, il est indispensable de revenir brivement sur ce renouveau des
thses contractuelles (1), dautant que ce renouveau est indniablement confort par le constat
de lexistence de relations hirarchiques entre conventions (2).

1. Les nouvelles analyses contractuelles.

380.

Deux auteurs ont rcemment, dans des perspectives assez diffrentes, avanc chacun

une analyse proposant de dmontrer lunit de la notion de contrat en soulignant le caractre


purement conventionnel des conventions la nature prtendument hybride. Pour ce faire,
chacun deux sest attel dmontrer quil tait parfaitement admissible dapprhender en
termes uniquement contractuels la convention collective de travail (a). Leurs conclusions
propos de cette convention trouvent un indniable cho dans dautres dbats relatifs dautres
actes la nature conteste, au point quil nous semble aujourdhui raisonnable de concevoir
tous les actes dits pluri-dimensionnels comme des contrats part entire (b).

a. Les thses de Messieurs Perrouin et Levacher.

381.

Cest dans la thse de Monsieur Perrouin, consacre la hirarchie des conventions

en droit priv , que les prmisses dun renouveau de la thse contractuelle apparaissent
timidement (i). Ce renouveau sera poursuivi par Monsieur Levacher, de manire trs
convaincante nos yeux, dans sa thse consacre la rgle contractuelle dans lordre
juridique (ii).

i. La thse de Monsieur Perrouin.

382.

Monsieur Perrouin, aprs avoir tabli quune hirarchie sinstaure entre ce quil choisit

de dsigner comme des actes collectifs et dautres conventions qui nont pas ce caractre,
est naturellement conduit poser la question de la vritable nature juridique de ces actes
dapparence hybride de manire sassurer de leur caractre conventionnel. On comprend
dans la dmarche qui est la sienne (et qui est galement ici la ntre) limportance de la
question. Dans cette perspective lauteur sattle donc dmontrer, brivement, partir de
lexemple de la convention collective de travail, la nature conventionnelle des actes
212

Contribution lanalyse normativiste du contrat


collectifs en relativisant les spcificits de ces derniers.

383.

Monsieur Perrouin btit son raisonnement sur le constat que le dbat sur la nature des

actes collectifs se cristallise essentiellement autour de la question des effets lgard des tiers
que produisent ces actes. Aprs avoir relev brivement que le principe de leffet relatif des
conventions est contingent et quil na quune valeur lgale larticle 1165 du Code civil (ce
qui laisse effectivement au lgislateur la possibilit dy droger), Monsieur Perrouin sinscrit
dans un courant doctrinal proposant une redfinition des notions de parties et de tiers1038 en
proposant de considrer comme parties au contrat toutes les personnes, qui ds sa formation
ou seulement au moment de son excution, vont tre soumises volontairement ou en dehors de
toute manifestation de volont aux effets dune convention 1039. Cette extension de la
catgorie juridique des tiers permet, aux yeux de Monsieur Perrouin, dviter le recours
laspect rglementaire de la convention collective de travail 1040 et de conclure ainsi que la
convention collective de travail rpond la dfinition du contrat et conserve sa nature
contractuelle 1041. Il propose pour conclure dtendre cette analyse lensemble des actes
dont la nature est conteste.

384.

Nous ne souscrivons pas cette analyse. Lauteur se rfre en effet une distinction

des parties exagrment large qui conduit finalement justifier toutes les atteintes leffet
relatif des conventions de sorte que ce principe ne soit finalement jamais atteint, puisque toute
personne qui ressent les effets dune convention est partie cet acte1042. Par ailleurs, il
rduit le problme des conventions pluri-dimensionnelles la question de leurs effets
lgard des tiers, alors que le dbat dpasse nettement cette problmatique. En revanche, nous
adhrons la conclusion. Lintuition de lauteur selon laquelle lobstacle que constitue
latteinte leffet relatif des conventions peut tre gomm pour affirmer lunit de la notion
de contrat nous parat fondamentalement juste, elle sera dailleurs confirme de manire trs
convaincante par Monsieur Levacher.
1038

Sur la question de la distinction des parties et des tiers, v. infra, n 520 et s.

1039

J. PERROUIN, Thse prcite, n 127, p. 87, Lauteur, sans lexprimer, sous-entend cependant quici
salaris et employeurs sont reprsents par les syndicats. En ce sens, v. n 472 p. 221.
1040

Ibid.

1041

Ibid.

1042

V. dailleurs n 458 et s. p. 218 et s. o lauteur semble finalement opter, propos dun autre dbat, pour une
dfinition moins extensive des parties et des tiers.

213

La hirarchie des normes conventionnelles


ii. La thse de Monsieur Levacher.

385.

Dans la premire des trois parties sa thse, Monsieur Levacher sattle dmontrer le

caractre normatif du contrat et lillustre notamment lappui de la convention collective


de travail dont les effets normatifs sont admis de tous. Il est dans cette dmarche,
naturellement conduit dmontrer la nature purement conventionnelle de la convention
collective de travail. Sa dmonstration, bien que limite cette convention, permet de
tmoigner ses yeux de lunit fondamentale de la notion de contrat 1043.

386.

La normativit : un aspect commun tous les contrats Appliquant la distinction

Kelsnienne entre la norme et la procdure1044 la convention collective de travail, Monsieur


Levacher constate que ce qui constitue pour la doctrine laspect contractuel de la
convention collective de travail, cest la procdure suivie, autrement dit la formation de
lacte, laccord de volont. Ce qui se prsente au contraire comme laspect rglementaire de
ces conventions serait leurs effets, autrement dit la production dune norme . Cest en effet
en considration de leffet normatif des conventions collectives quintervient le rejet de la
qualification contractuelle de cet acte (la chose est dailleurs identique si lon sattache
dautres actes comme les conventions matrimoniales ou le rglement de coproprit. Seul le
dbat sur la nature juridique de la socit dpasse vritablement le cadre des effets de cette
convention).

387.

Reprenant son compte une analyse mene dans sa thse par Monsieur Aliprantis1045,

Monsieur Levacher sattle alors dmontrer que cet effet normatif ne peut en rien
exclure les conventions collectives de travail (comme dautres conventions) de la catgorie
des actes contractuels. Pour cet auteur, si lon admet la vision normativiste du contrat, c'est-dire que toute procdure contractuelle a pour consquence de produire une norme
contractuelle et quil ne peut exister de contrat sans procdure contractuelle, force est
dadmettre que toute norme qui nat de la procdure contractuelle est une norme
1043

R. LEVACHER, Thse prcite, n 118, p. 87.

1044

Kelsen attire lattention sur le caractre polysmique du terme convention qui dsigne aussi bien une
procdure dtermine (lchange des consentements), que rsultat le cette procdure, cest--dire leffet de
laccord de volont. Lexpression conclure une convention renvoie par exemple lide de procdure,
autrement dit, laccord de volont ; excuter une convention voque au contraire leffet de laccord de
volont, La thorie juridique de la convention , op. cit., 2 et 3, p. 35 37.
1045

La place de la convention collective dans la hirarchie des normes, op. cit., en particulier p. 74.

214

Contribution lanalyse normativiste du contrat


contractuelle. La convention collective est donc un acte juridique dont on peut affirmer quil
est de nature contractuelle 1046.

388.

La dmonstration est limpide, elle parat imparable1047. Tout contrat tant, dans la

tradition juridique dans laquelle sinscrit lauteur, producteur dune norme, cet effet des
conventions dites pluri-dimensionnelles ne peut justifier de les exclure de la catgorie des
contrats. Le critre du contrat est donc trouver ailleurs que dans ses effets, il rside dans le
fait de suivre une procdure contractuelle (dans laccord de volont). La convention collective
rpond ainsi la dfinition du contrat1048, ce que confirme son rgime juridique et ses effets.

389.

Un rgime juridique et des effets contractuels Sur le plan du rgime juridique de

la convention collective de travail, lauteur relve que mme sil existe certaines spcificits
propres cet acte, dans les grandes lignes, le rgime de la convention collective peut tre
rapproch de celui de la convention en gnral1049. Sur le plan des effets de cet acte, la thse
rglementaire ne semble selon lauteur pas plus simposer.

390.

Pour Monsieur Levacher, si la cration dune norme ne peut en rien permettre de

discriminer laccord collectif puisque tout contrat produit une norme, lauteur confesse que
lacte considr se singularise au sein des actes contractuels par leffet original de la norme
ainsi cre. Cette norme est gnrale et impersonnelle, elle a une vocation tre oppose
au-del du cercle des parties. Cette spcificit ne dnote cependant toujours pas pour lauteur
avec les concepts contractuels et, en particulier, avec le principe de leffet relatif des
conventions. Dun point de vue technique, il suffit pour sen convaincre de considrer que
leffet relatif des conventions ne signifie pas que les contrats ne peuvent produire aucun

1046

R. LEVACHER, Thse prcite, n 125, p. 94.

1047

Mme si elle tient peut-tre un peu de la rhtorique. Largumentation de lauteur ne se limite cependant pas
cette remarque.
1048

En ce sens galement, H. BLAISE, Les conventions de travail , prcit, p. 57.

1049

Ce point est communment soulign par la doctrine. Lauteur reprend ce constat dans les grandes lignes et
souligne par exemple que le contentieux relatif ces actes, mme tendus par un arrt ministriel, est
exclusivement judiciaire et que lon peut soutenir que la mthode dinterprtation des conventions collectives est
celle retenue par le Code civil pour linterprtation des conventions. Il en va encore de mme pour la question de
lapplication de la loi nouvelle aux conventions en cours. On pourrait encore ajouter que ces conventions sont
par exemple soumises aux conditions de validit des contrats poses par le Code civil.
Sur ces points, v. la thse de lauteur, n 128 130 p. 96 100.

215

La hirarchie des normes conventionnelles


effet 1050 lgard des tiers, mais uniquement que les contrats ne peuvent pas faire natre une
obligation la charge des tiers. Certes, lanalyse nest pas nouvelle1051, mais elle est assume.
Dire que le contrat produit des effets lgard des tiers, ce nest pas dire que le contrat met
des obligations la charge de ces derniers. Ds lors, reste dmontrer que la convention
collective de travail ne produit pas dobligations lgard des salaris ou des employeurs qui
ny sont pas parties. Cest ce que fait Monsieur Levacher. son sens, la convention collective
ne cre pas directement de droits ou dobligations la charge ou au bnfice des parties au
contrat de travail. Les obligations dont sont tenus mutuellement employeurs et salaris ne sont
que la consquence du contrat de travail qui lie ces parties, contrat soumis aux stipulations de
la convention collective. Mais les obligations sont cres par le contrat individuel de travail
par rfrence la convention collective qui nest applicable qu loccasion 1052 du contrat
de travail. Les obligations ne sont pas cres par cette dernire1053. La jurisprudence de la
Cour de cassation, qui refuse quune convention collective puisse crer des obligations la
charge dun travailleur indpendant qui nemploie aucun salari, et nest donc li par aucun
contrat de travail, semble conforter sur ce point lopinion de lauteur1054. La spcificit de cet
acte ne tient alors plus une drogation leffet relatif de conventions1055. Elle tient

1050

En dpit de la formulation de larticle 1165 du Code civil : Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties
contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prvu par l'article 1121 .
1051

V. Infra, les dveloppements consacrs leffet relatif des conventions, n 520 et s.

1052

Sur ce point et sur les autres v. H. THUILLIER, Contribution la thorie des sources en droit du travail. La
rception des sources : un ordre statutaire , JCP G. 1974, I, 2649, dont lanalyse de Monsieur LEVACHER est
trs proche.
1053

La thse nous semble tre soutenue par le fait que la doctrine travailliste souligne souvent, de manire
incidente, que ce ne sont pas les salaris qui sont soumis une convention collective, mais bien le contrat de
travail. V. en ce sens, J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, op. cit., 24me dition, n 1070 et s., p. 1135
o les auteurs traitent une section intitule application de la convention collective au contrat individuel de
travail ; v. galement G. COUTURIER, op. cit., n 202, p. 489 lauteur crit les effets normatifs de la
convention collective se manifestent particulirement dans ses rapports avec ces contrats (les contrats de
travail) aprs avoir prcis que les dispositions de la convention collective sappliquent aux contrats
individuels de travail .
1054

Soc. 21 mars 2007, Bull. civ. V., n 54 ; Cahiers sociaux du Barreau de Paris, 2007, n192, p. 282,
Observations F.-J. PANSIER; Gaz Pal., 20 dcembre 2007, n 354, p. 31.
1055

La chose semble conforte par le fait que si drogation leffet relatif il devait y avoir, elle serait limite
une partie des personnes lgard desquelles la convention collective de travail produit ses effets, les salaris. Il
a en effet t dmontr que lengagement des employeurs (lorsque laccord collectif est form par un
groupement patronal) rsulte davantage dune reprsentation conventionnelle que dune reprsentation lgale
dans la mesure o un groupement demployeur peut parfaitement conclure un accord collectif sans engager ceux
de ses membres qui ne souhaiteraient pas ltre (lemployeur peut en effet dmissionner de lorganisation avant
que lacte ne soit form ou ntre engag qu la condition davoir spcialement mandat son organisation cet
effet) V. en ce sens F. PETIT, La notion de reprsentation dans les relations collectives de travail, op. cit.,
2000, n 291 et s. p. 343 et s.

216

Contribution lanalyse normativiste du contrat


uniquement son rayonnement particulier qui svince de la finalit originale qui est la
sienne, llaboration de rgles communes relatives aux conditions de travail1056.

391.

En rsum, Monsieur Levacher considre que toute convention tant une norme,

laspect normatif de la convention collective de travail ne peut suffire carter une


qualification contractuelle de cet acte. Cet acte correspond la dfinition de la convention et
en pouse le rgime. La convention collective prsente cependant des spcificits, elle produit
des normes gnrales, ce qui sexplique par la finalit qui est la sienne, mais ne droge en rien
leffet relatif des conventions puisquelle ne cre directement aucune obligation la charge
des tiers qui sont soumis ses effets par leur adhsion un contrat de travail. Cette analyse, a
pour son auteur vocation stendre hors du champ du droit du travail. Il est vident que ces
lments, rapidement rapports, mriteraient sans doute de plus amples dveloppements dans
la mesure o laspect rglementaire de la convention collective de travail ne rsume pas
uniquement aux points voqus. Cela tant, la thse contractuelle est indniablement
conforte par les dveloppements de lauteur qui trouvent en tous points cho dans les dbats
relatifs aux autres actes dont la nature contractuelle est conteste.
b. Lextension de la thse de Monsieur Levacher.

392.

Si lon reprend les principales tapes du raisonnement men par lauteur de la thse

sur la rgle contractuelle dans lordre juridique propos dautres actes tudis, les
conclusions de celui-ci se confirment.
i. Des critres dinsertion et un rgime juridique contractuel.

393.

Des critres dinsertion dans la catgorie juridique contractuelle Si lon

considre que tous les contrats ont pour effet de produire une norme, largument ci-dessus
voqu consistant carter la nature contractuelle de certaines conventions en raison de leurs
effets normatifs nest plus recevable lgard daucun acte. Le seul lment qui
caractrise alors le contrat (comme le souligne Monsieur Levacher et comme la si bien crit
Monsieur Ghestin), cest dtre la fois un accord de volont et de se voir reconnatre le
1056

Ce point expliquant ds lors les quelques particularits de rgime de la convention collective. Appele
laborer des conditions de travail communes, et donc des normes gnrales, son rgime juridique est sur
quelques points diffrents de celui du contrat (publication, contrle lourd de la Cour de cassation plutt
quune contrle de la dnaturation), v. sur ce point R. LEVACHER, Thse prcite, n 133, p. 101.

217

La hirarchie des normes conventionnelles


pouvoir de crer des effets juridiques par le Droit objectif 1057. Force est alors dadmettre
que la totalit des actes dont la dualit est parfois soutenue sont des contrats. Tous sont des
accords de volont destins produire des effets de droit. Peu importe que les parties soient
mues par des intrts communs1058 plutt que par des intrts opposs, cette distinction,
dailleurs trs relative1059, ne simpose en rien et repose sur une analyse restrictive du contrat
se rsumant aux contrats change 1060 en ajoutant la dfinition de cet acte juridique un
lment quelle ne contient traditionnellement pas1061.

394.

Lune des preuves de cette nature contractuelle rside, comme la soulign Monsieur

Levacher propos de la convention collective, dans le rgime juridique de ces actes. Il ne


nous revient pas dexaminer en dtail lensemble des rgles de Droit applicables chacun des
actes en question, il suffit de rappeler que la doctrine a ces dernires annes soulign
maintes reprises le rgime contractuel de la socit1062 ou de lassociation1063. Le rglement de
coproprit est galement essentiellement rgi par le droit commun des contrats et personne
ne conteste le caractre contractuel du rgime des conventions matrimoniales.

1057

La notion de contrat , op. cit., p. 152.

1058

La convergence des intrts des parties est, pour certains auteurs, exclusive de lide de contrat. Cet acte se
singulariserait au contraire par le fait que les volonts des parties ont des contenus diffrents voire opposs. Cest
ce qui conduit Monsieur ROUJOU DE BOUBBEE exclure pour les associations ou les socits la qualification
contractuelle, au profit de celle dacte collectif . v. Essai sur lacte juridique collectif, op. cit., p. 57 ( propos
des associations), 65 et 67 ( propos des socits).
1059

v. sur ce point P. DURAND, Le dualisme de la convention collective de travail , prcit, n 16 p. 373 qui
pour tre lun des partisans de la nature, en partie, rglementaire de la convention collective de travail nen
conteste pas moins srieusement ce point en crivant : Sur ce plan, loriginalit de la convention collective ne
peut apparatre, car la convention ralise la conciliation dintrts opposs. Chaque groupement cherche en
retirer des avantages, les concessions quil consent sont pour lui une monnaie dchange au cours de la
ngociation. On retrouve au sein de la commission les mmes procds de discussion que dans tout autre
contrat, les prtentions initiales sont exagres afin de permettre un marchandage ultrieur ; v. encore R.
CABRILLAC, Lacte juridique conjonctif en droit priv franais, op. cit., n 82 p. 40 o lauteur souligne entre
autre que dire que des personnes concluent un contrat avec des motifs opposs est une pure supposition .
1060

Monsieur ROUJOU DE BOUBBEE crit dailleurs, en un mot, il ny a pas dchange ; cette notion qui est
la base mme du contrat ne se retrouve pas lorigine de lassociation , op. cit., p. 58.
1061

En ce sens notamment, R. LIBCHABER, La socit contrat spcial , in, Prospectives du Droit


conomique, Dialogues avec Michel JEANTIN, Dalloz, 1999, p. 286.
1062

J. MESTRE, La socit est bien encore un contrat , prcit ; C. LAPEYRE, prcit ; T. FAVARIO,
prcit. En particulier la premire partie, n 8 30 ; F. DEBOISSY, prcit, n 32 38.
1063

Y. CHARTIER, Lassociation, contrat dans la jurisprudence rcente de la Cour de cassation , in, Aspects
actuels du droit des affaires, Mlanges Y. GUYON, Dalloz, 2003, p. 195.

218

Contribution lanalyse normativiste du contrat


ii. Des effets originaux contractuels.

395.

Comme pour la convention collective de travail, ce sont essentiellement les effets des

actes considrs qui sopposent une admission sans rserve des thses contractuelles.
Laspect normatif des conventions pluri-dimensionnelles ne peut tre le critre de leur
exclusion de la catgorie contractuelle puisque tous les contrats sont des normes. Cela ne doit
cependant pas masquer les spcificits indniables des conventions en question par rapport
la vision la plus classique du contrat. Ces spcificits, qui trouvent leurs raisons dtre dans la
finalit assigne chacun des actes dont on souligne un aspect rglementaire, peuvent tre de
diffrentes natures. Tous les actes en question prsentent la particularit de produire des effets
lgard des tiers ; Tous produisent galement entre les parties des effets dont on prtend
parfois quils saccommodent mal avec le contrat.

396.

Les effets lgard des tiers Dans toutes ces hypothses, le rayonnement de ces

actes trouve son sens dans la finalit qui est la leur. Tous sont prsents comme tant des
constitutions ou des chartes dune organisation, dun groupe, dun immeuble. Ils ont
par essence une fonction structurante 1064. En somme, ils sont ce que Monsieur Didier
dcrit comme des contrats organisation 1065. De cette vocation organisationnelle dcoule
leur rayonnement au-del du cercle des parties.

397.

Dun point de vue technique, et cest l lessentiel, les effets produits lgard des

tiers sexpliquent par laspect normatif du contrat, autrement dit par son effet obligatoire,
sans quil ne soit port atteinte leffet relatif des conventions puisque, si lon se tient la
dfinition classiquement admise de ce principe, aucune obligation contractuelle nest mise la
charge dun tiers1066. Seul ce que Monsieur Ancel dcrit comme leffet obligatoire sans leffet
1064

Selon lexpression de Madame LAPEYRE, propos de la socit, prcit ; Sur la finalit particulire de la
socit, v. encore T. FAVARIO, prcit, en particulier, n 38 et s.
1065

P. DIDIER, Brves notes sur le contrat organisation , prcit ; Tous, sauf peut-tre la convention
collective de travail qui ne nous semble pas correspondre la dfinition du contrat organisation .
1066

Nous avons conscience, en entrant dans le prsent dbat, de souscrire implicitement lide selon laquelle
tout contrat est ncessairement relatif. Or, les choses sont sans doute moins videntes que cela. Nous nirions
peut-tre pas jusqu affirmer comme certains que le principe de leffet relatif nest pas consubstantiel la
notion de contrat , (D. DE BECHILLON, Le contrat comme norme dans le droit public positif , prcit, p.
19), mais il nous faut bien reconnatre que ce principe nest quun principe lgal, auquel la loi peut donc
valablement apporter toutes les exceptions quelle juge utiles sans que cela ne disqualifie lacte dont la porte
serait ainsi tendue. Chacun admet, en dpit de latteinte leffet relatif des conventions, que la stipulation pour
autrui est vritablement conventionnelle, les termes de larticle 1121 du Code civil sont unanimement considrs

219

La hirarchie des normes conventionnelles


obligationnel du contrat simpose aux tiers. Nous lavons expliqu en matire de conventions
collectives, cela vaut galement pour lassociation ou la socit qui proprement parler
() nimposent dobligations par exemple celle de faire un apport ou de payer une
cotisation quaux seuls associs ou socitaires 1067. La chose ne mrite sans doute pas
dtre dmontre lgard des conventions matrimoniales qui, si elles peuvent crer des
obligations lgard dautres personnes que les poux1068, ne rendent jamais les tiers dbiteurs
ou cranciers dengagements contractuels. vrai dire, la seule convention qui peut, linstar
de la convention collective de travail, troubler le tableau dress est le rglement de coproprit
puisque cet acte peut tre une rfrence permettant dengager dautres personnes que les
copropritaires initiaux, en particulier des ayants cause titre particulier dun
copropritaire1069.

398.

Tel est dabord le cas de lacqureur dun lot de coproprit qui sera, une fois le

transfert de proprit effectif, dbiteur de toutes les obligations stipules par le rglement de
coproprit. Il ny a cependant pas lieu de relever ici une quelconque entorse leffet relatif
des conventions, puisque cet acqureur devient par leffet de lacte translatif membre du
syndicat des copropritaires et, ce titre, partie au rglement de coproprit1070.

399.

La situation du locataire de lun des copropritaires est en revanche peut-tre plus

dlicate. Ce dernier est tenu de respecter toutes les stipulations du rglement de coproprit
qui lui est opposable1071. Il doit ainsi, respecter la dlimitation des parties communes et
privatives, la destination des lieux, les rgles relatives lutilisation des parties communes ou
comme une exception au principe de larticle 1165 (exception quil pose dailleurs lui-mme). Ds lors, on
pourrait parfaitement admettre que dautres actes subissent le mme traitement. Cela tant, le dbat tant port
sur ce point, nous ne pouvons pas lluder.
1067

P. DIDIER, Brves notes sur le contrat organisation , prcit, p. 639.

1068

Dautres personnes que les poux peuvent en effet tre parties cet acte. Tel est le cas des parents de lun
des poux consentant au couple une donation loccasion du mariage.
1069

C. ATIAS, Droit civil, Les biens, op. cit., n 417, p. 272.

1070

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op cit., n 291; Il en va a fortiori de mme pour layant


cause universel ou titre universel, v. sur ce point, P. FREMONT, De la force obligatoire des rglements de
coproprit et de leurs modifications ventuelles , Administrer, 1998, p. 16, n 39.
1071

En vertu de larticle 13 de la loi 10 juillet 1965 qui dispose que Le rglement de coproprit et les
modifications qui peuvent lui tre apportes () sont opposables aux ayants cause titre particulier des
copropritaires () dater de leur publication au fichier immobilier ; tant entendu quen matire de
coproprit, le preneur est communment considr comme un ayant cause titre particulier du bailleur. En ce
sens, notamment, P. FREMONT, Ibid. p. 18, n 55.

220

Contribution lanalyse normativiste du contrat


des quipements communs etc.
lgard du bailleur, le respect de ce rglement de coproprit oblige
contractuellement le preneur. Lapparence de latteinte leffet relatif des conventions se
dissipe cependant rapidement. Lengagement de respecter le rglement de coproprit est en
gnral contractualis1072 par linsertion dune clause dans le bail imposant le respect du
rglement, ou par lannexion (dsormais obligatoire1073) du rglement de coproprit au
contrat de bail. Le preneur contracte donc en toute connaissance de cause 1074. dfaut de
connaissance du rglement par la faute du copropritaire bailleur, cet acte lui est inopposable
par ce dernier1075.

400.

Le preneur est galement tenu du respect des dispositions du rglement lgard du

syndicat des copropritaires. Cest sans aucun doute cet gard que le rglement de
coproprit peut sembler tenir en chec la rgle nonce larticle 1165 du code
Napolon1076. y regarder de plus prs, l encore, le principe est sauf. Si le preneur est tenu
de respecter le rglement de coproprit, il nest pas li contractuellement la coproprit1077
et ses infractions cette norme lengagent, vis--vis du syndicat de coproprit, sur le

1072

J.-M. ROUX, Lopposabilit du rglement de coproprit au locataire , note sous, civ. 3, 3 mars 2004,
Rev. Des Loyers, 2004, p. 393 le rglement de coproprit se situe alors dans la sphre contractuelle .
1073

V. larticle 3 de la loi du 6 juillet 1989 qui dispose notamment que lorsque l'immeuble est soumis au statut
de la coproprit, le copropritaire bailleur est tenu de communiquer au locataire les extraits du rglement de
coproprit concernant la destination de l'immeuble, la jouissance et l'usage des parties privatives et communes
et prcisant la quote-part affrente au lot lou dans chacune des catgories de charges .
1074

La formule est celle de la troisime chambre civile de la Cour de cassation, 7 juillet 1982, indit.

1075

Civ. 3 Mars 2004, prcit.

1076

Se prononant sur cette question, Civ. 3, 4 janvier 1991, Bull. civ. III, n 2, p. 1, RTD civ. 1991, p. 138, Note
P.-Y. GAUTIER ; Rev. Dr. imm. 1992, p. 248, Note C. GIVERDON, P. CAPOULADE.
1077

La chose se rsume souvent dans une mme formule que lon retrouve sous la plume de plusieurs auteurs, il
ny a pas de liens de droit entre le locataire et le syndicat des copropritaires. En ce sens, F. ALIBERT, A. et
J. DEBEAURAIN, G. FAU, R. PORTE, J.-P. RYF, prcit, n 261, p. 645 ; F. GIVORD, C. GIVERDON, P.
CAPOULADE, op cit., n 346 ; E. KISCHINEWSKY-BROQUISSE, op. cit., n 559 ; J.-P. MANTELET,
Louage immobilier et statut de la coproprit , Administrer, fvrier 1994, p. 2 ; G. VIGNERON, J.-Cl.
Coproprit, v Location de lots, fasc. 68-20, n 22 et 48 ; V. cependant la formule ambigu de Monsieur
FRMONT, certains auteurs estimaient autrefois que les locataires dun copropritaire taient des tiers par
rapport au rglement de coproprit () cette thse ne rsiste pas lexamen n 55, p. 18; v. galement les
remarques de Monsieur MANTELET qui tout en admettant quil ny a pas de liens entre le locataire et le
syndicat crit par la suite que lon doit reconnatre que le locataire nest pas un tiers pour le syndicat des
copropritaires , n 1.3 p. 5.

221

La hirarchie des normes conventionnelles


fondement dlictuel1078. En somme la situation du preneur bail dun lot de coproprit nest
gure diffrente de celle de nimporte quel tiers, engageant sa responsabilit civile dlictuelle
par la violation dune convention laquelle il nest pas partie. Il est aujourdhui largement
admis quil ny a dans ce cas de figure aucune atteinte leffet relatif des conventions 1079. Le
contrat est communment opposable aux tiers1080, rien ne doit distinguer sur ce point le
rglement de coproprit des autres conventions, dautant que sa publicit est largement
assure par les dispositions de la loi de 1965.

401.

Des effets inhabituels inter partes Les effets produits par les contrats concerns

lgard des parties peuvent galement se conjuguer dans la langue du contrat.


La facult de modifier les statuts la majorit est parfaitement compatible avec ce
concept. Lunanimit est certes la rgle en matire contractuelle, et lon imagine mal quune
personne puisse sengager contractuellement par la voix dun vote majoritaire. Mais une fois
engages contractuellement, pourquoi refuser dadmettre que les parties puissent convenir de
se soumettre, pour lavenir, par la norme contractuelle (par ladhsion aux statuts dune
socit faisant une place au principe majoritaire, ou par la conscration de cette facult dans
les statuts dune association par exemple), la loi de la majorit1081 ? Rien ne nous semble
techniquement faire obstacle cette possibilit. Sil est admis que les parties peuvent se
soumettre la volont dun tiers au contrat pour dterminer un prix1082 ou juger dun litige les
opposant, pourquoi refuser dadmettre que les parties acceptent de se soumettre la loi de la
majorit par un accord de volont ? La seule chose qui compte est que les parties consentent
se soumettre la loi du tiers, ou ici, de la majorit. En matire de socit, elles y consentent

1078

J. LOT, Les rapports juridiques syndicat de coproprit/locataires , Administrer, juillet 1979, p. 10,
laction directe du syndicat contre le locataire fautif trouve son fondement dans lapplication de larticle 1382
du Code civil .
1079

Un contrat () peut devenir une source de responsabilit dlictuelle contre des tiers , cest la conclusion
laquelle arrivait dj LALOU 1382 contre 1165, ou la responsabilit dlictuelle des tiers lgard dun
contractant ou dun contractant lgard dun tiers , DH, 1928, chron., p. 69, v. conclusion p. 72. Lauteur
nenvisageait certes que la responsabilit du tiers complice de la violation du contrat par un cocontractant, mais
rien nimpose de limiter la remarque cette hypothse. Sur lopposabilit du contrat par les parties aux tiers, v.
galement la premire partie de la thse de Madame Florence BERTRAND, Lopposabilit du contrat aux tiers,
Thse, Paris II, 1979, n 12 189, pp. 23 288.
1080

V. Sur ce point, infra , n 520 et s.

1081

F. DEBOISSY, prcit, n 37, p. 140.

1082

Article 1592 du Code civil.

222

Contribution lanalyse normativiste du contrat


incontestablement1083. Ladoption de la rgle de la majorit est dailleurs mme, comme lont
relev quelques auteurs, lexercice dune libert publique1084, qui trouverait son fondement
mme dans le fruit du consentement de ceux qui sont soumis la loi de cette majorit 1085. De
surcrot, si dans le contrat les parties doivent avoir eu la volont de sengager, rien noblige
ces dernires continuer de vouloir pour que le contrat fonctionne et produise ses
effets. Cette absence de ncessit de la permanence de volont dans le contrat a t souligne
bien des reprises propos de questions trs diffrentes1086. Elle ne prsente ici pas la
moindre originalit.

Il en est enfin ainsi des sanctions disciplinaires, stigmatises en son temps par
Duguit, dont la doctrine souligne aujourdhui quelles se coulent dans le moule
contractuel 1087. Elles sont mme selon certains les manifestations extrmes du caractre
contractuel 1088 des groupements de personnes en ce quelles sont le rsultat de lexercice de
deux liberts publiques dessence conventionnelle1089. Au-del, ce droit pnal qui pour
Duguit loignait lacte-rgle du contrat est-il, au regard des clauses qui assument la mme
fonction (comme les clauses pnales), ce point orignal quil doive conduire exclure la
1083

En ce sens P. DIDIER, Le consentement sans lchange : Contrat de socit , prcit, p. 76, La loi de la
majorit est crite dans la loi ou dans les statuts. Elle parat donc ncessairement accepte .
1084

V. sur ce point, F. NEAU-LEDUC, La rglementation de droit priv, op. cit., n 84 et s. p. 68 et s. ; v.


galement en ce sens, G. RABU, Lorganisation du sport par le contrat, Essai sur la notion dordre juridique
sportif, op. cit. n 40 et s. p. 34 et s. en particulier sur ce point, n 56 p. 51.
1085

Sur cette ide v. F. TERRE, Fondements historiques et philosophiques de la loi de la majorit , RJ com,
numro spcial, novembre 1991, p. 9 et s. en part. p. 20.
1086

En matire davant-contrat v. D. MAZEAUD, La mconnaissance par le juge de lexistence dun contrat ,


prcit, spc. n 10.
1087

M. GERMAIN, R. VATINET, Le pouvoir disciplinaire des personnes morales de droit priv , in, Aspects
actuels du droit des affaires, Mlanges en lhonneur de Y. GUYON, Dalloz, 2003, n 7, p. 400.
1088

P. POTENTIER, Lassociation, personne ou contrat ? Propos daprs congrs , prcit, n 11.

1089

Pour Monsieur NEAU-LEDUC, le pouvoir de droit priv trouverait en effet son fondement dans lexercice
de deux liberts publiques : la libert dassociation et la libert dorganisation des relations prives par
convention. Cest par lexercice de ces liberts, par le consentement, par le contrat, que se justifierait le pouvoir
rglementaire dorigine priv. Les personnes prives disposent dune libert de principe pour mettre en uvre
un pouvoir rglementaire de droit priv et la mise en uvre du pouvoir rglementaire de droit priv rsulte
dune convention entre personnes qui consentent lier leur libert individuelle . n 32 et 34, p. 37 et 39, de
manire gnrale, sur ce point, voir le Titre premier de la premire partie de la thse de lauteur, p. 37 et s. ; en
ce sens galement, v., G. RABU, Lorganisation du sport par le contrat, Essai sur la notion dordre juridique
sportif, op. cit. n 75 et s. p. 64 et s.; contra, Y. PUYO, Essai sur le contrat et linstitution, Les relations entre
les groupements institutionnels et le contrat en droit priv, op. cit., n 265, p. 183 les rgles visant rgir la
vie des membres de linstitution nont pas pour origine le contrat mais le pouvoir institutionnel dont le but est de
raliser lintrt du groupement. Le droit disciplinaire, comme le droit statutaire, est constitutif de rgles
secondaires fondes sur lintrt collectif .

223

La hirarchie des normes conventionnelles


qualification contractuelle ? Le recours linstitution est inutile pour fonder ce que la
technique contractuelle suffit amplement expliquer. Recourir linstitution serait ne croire
plus gure au contrat, ni la libert dorganisation des rapports sociaux par des volonts
prives 1090. Les phnomnes disciplinaires ou majoritaires ne doivent pas tre perus selon
nous comme une marginalisation de la volont loignant les actes considrs du contrat. Ils
sont bien au contraire le signe de la puissance de la volont et de la vigueur du contrat1091.

402.

En conclusion, comme le relve Monsieur Levacher propos des conventions

collectives, si lon accepte de considrer que le contrat est une norme, quil recouvre les
ralits les plus diverses et prsente, en raison des finalits originales quil poursuit, certaines
spcificits, alors, toutes les conventions que lon dcrit comme ayant une dimension
rglementaire ou institutionnelle peuvent tre rduites des conventions classiques dont
elles correspondent la dfinition, dont elles pousent en grande partie le rgime et dont elles
produisent les effets. Il ny a sans doute, dans le second temps de cette dmarche, rien de
vritablement rvolutionnaire. Le Code civil, ceux qui lont inspir1092 et, plus tard, certains
de ceux qui lont comment1093 plaidaient dj ouvertement en faveur de cette conception du
contrat.

403.

Au terme des ces trop brefs dveloppements (compte tenu de la richesse des dbats)

qui mriteraient dtre encore considrablement approfondis, la catgorie des contrats apparat
donc comme tant unitaire. Il ny a pas de contrat la dimension institutionnelle ou
rglementaire pour aucune des raisons que lon invoque traditionnellement. La dfinition
classique du contrat permet denglober toutes les conventions sans exception. Le rgime
1090

M. GERMAIN, R. VATINET, prcit, n 23, p. 408.

1091

Encore une fois, nous renvoyons sur ce point la dmonstration faite par Monsieur NEAU-LEDUC du rle
fondateur du contrat dans lapparition du pouvoir rglementaire de droit priv (mme si nous ny adhrons que
partiellement).
1092

V. propos de Domat et Pothier leurs observations sur la nature juridique de la socit, supra, n 365.

1093

V. Pour une conception moderne du contrat, Josserand qui crivait il convient de voir un contrat dans tout
acte plurilatral tendant crer ou dplacer des obligations () sans distinguer daprs la dure de ces
dernires ni selon quune situation permanente se trouve tablie entre les parties, sans quoi, il faudrait refuser le
caractre contractuel au bail longue dure, au louage de service conclu pour une dure dtermine, et mme
au mandat car cette dernire opration est susceptible, elle aussi, dinstituer entre les parties un rgime
organique longue porte. En ralit, les publicistes ont confondu le contrat avec ses effets, et ils ont pris
prtexte de limportance de la dure ce ceux-ci, pour contester lexistence de celui-l ; et ils ont fait du droit
romain, voire de lancien droit romain, sans sapercevoir que le concept de contractuel avait volu, depuis ces
temps lointains, dans un sens toujours plus comprhensif et libral , Lessor moderne du concept
contractuel , prcit, p. 338.

224

Contribution lanalyse normativiste du contrat


comme les effets des actes dont on souligne une dualit sont contractuels, et lon peut
parfaitement en rendre compte laide des concepts contractuels. Or, comme le relevait
propos dun autre dbat Monsieur Ghestin, il faut, mais il suffit, que tous les objets classs
dans une mme catgorie prsentent un caractre essentiel commun, toujours semblable. Il
n'est nullement ncessaire que tous ces objets soi[ent] sur tous les points identiques, ni mme
semblables 1094. Les quelques diffrences entre les conventions dites uni et pluridimensionnelles ne justifient sans doute donc pas que lon rejette la qualification contractuelle
de certains actes dautant que, nous le verrons, ces diffrences doivent tre relativises la
lueur, notamment, des conclusions de notre premire partie.

404.

Outre le fait quil permette de fonder dun point de vue thorique lindiffrence de la

nature juridique des conventions eu gard leurs places respectives dans une hirarchie de
normes conventionnelles, le renouveau des thses contractuelles contribue asseoir la
cohrence et lamplitude des propositions issues de notre premire partie. Il aurait en effet t
possible de relever que prs de la moiti des structures hirarchiques prsentes taient
fondes sur une convention dont la nature juridique pouvait tre conteste. Or, nous lavons
indiqu, lampleur du phnomne dcrit dans notre premire partie est, nos yeux, presque
aussi important que davoir soulign lexistence de relations hirarchiques entre conventions.
Les prsents dveloppements permettent de maintenir lampleur des constatations faites dans
notre premire partie.

405.

Affirmer lunit de la notion de convention conforte donc certaines de nos

conclusions. Rciproquement, il nous semble que notre thse permet galement dalimenter
lanalyse contractuelle des conventions considres comme pluri-dimensionnelles.
2. Des analyses confortes par lexistence de relations hirarchiques entre conventions.

406.

Largument principal permettant de nier la nature contractuelle des conventions dites

pluri-dimensionnelles est, nous lavons soulign de multiples reprises, quelles produiraient


une norme dont les effets seraient ressentis par les tiers1095. Cet expos se rsume parfaitement
1094

J. GHESTIN, Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers ,
RTD civ., 1994, p. 777, n 5 ; ces propos font cho la confusion dnonce par JOSSERAND, dans lextrait
rapport ci-dessus, entre le contrat et ses effets.
1095

Pour un nouvel exemple, T. REVET, Le contrat-rgles , prcit, p. 920, qui crit : La question que

225

La hirarchie des normes conventionnelles


dans une interrogation que formule Duguit dans son Trait de Droit constitutionnel et que
nous avons dj voque en introduction. Dans le paragraphe quil consacre aux actes
collectifs , et alors quil sattache dmontrer que ces actes (la socit, lassociation) ne
peuvent tre qualifis de contrats, Duguit pose la question suivante : conoit-on que la
validit dun contrat intervenir avec un tiers puisse tre dtermine par un contrat antrieur
auquel ceux-ci ne sont pas parties ? Non. Point. Ce serait contradictoire avec lide mme de
contrat 1096. Tout est dit. On peroit immdiatement lintrt de la remarque. Sil faut choisir
de disqualifier toutes les conventions qui dterminent les conditions de validit dautres
conventions postrieures et conclues entre des parties diffrentes, alors, nombre dactes
conventionnels devraient subir un tel traitement si lon se souvient des situations dcrites dans
notre premire partie.

407.

Parmi les actes qui seraient disqualifis, et cest sans doute sur ce point que nos

constatations plaident en faveur des thses contractuelles exposes, plusieurs sont des
conventions dont personne na jamais soutenu quelles soient des conventions laspect
partiellement rglementaire ou institutionnel. Le mandat est une convention hirarchiquement
suprieure la vente que le mandataire a reu pouvoir de conclure. La promesse unilatrale de
vente est hirarchiquement suprieure la vente conclue en violation de la premire
convention. Le contrat de bail est hirarchiquement suprieur au sous-bail qui sera conclu par
le preneur avec un tiers. Dans toutes ces hypothses, une convention, dont la nature
contractuelle est admise de tous, dtermine les conditions de la validit dune autre
convention. Doit-on alors avec Duguit nier la nature contractuelle du bail, du mandat, de la
promesse de vente ? Labsurdit de la question dmontre sans doute que le principal critre
conduisant une analyse pluri-dimensionnelle de certaines conventions nest pas
discriminant. Elle dmontre encore que le postulat sur lequel cette question repose, (selon
lequel une convention ne peut pas produire deffets normatifs lgard des tiers), est
dpass, et que le rayonnement dune convention lgard de sujets ny tant pas parties ne
peut plus tre apprhend comme un facteur dexclusion de la catgorie contractuelle. Ds
lors, si un contrat de bail peut dterminer les conditions de validit dune autre convention
sans que lon conteste sa nature juridique contractuelle, une convention collective et un
contrat de socit peuvent bien produire des effets lgard des tiers sans que lon cherche
pose, immdiatement, le contrat source de normes impersonnelles le contrat-rgles est dailleurs de savoir
sil est seulement contractuel
1096

Trait de droit constitutionnel, Troisime dition, Tome I, op. cit., . 39, p. 404

226

Contribution lanalyse normativiste du contrat


pour autant les disqualifier.

408.

La mise en ordre hirarchique de plusieurs conventions met en lumire laspect

normatif lgard des tiers dun grand nombre de conventions, autres que celles
auxquelles on prte traditionnellement un tel effet. Le constat de la capacit de deux contrats
dentretenir des rapports de validit, en mettant laccent sur laspect normatif que recle
chaque convention, conforte donc indniablement en partie les thses plaidant pour une unit
de la notion de contrat.

409.

Outre quelle conforte les choix que nous avons fait dans notre premire partie et

quelle permette de prserver lampleur du phnomne que nous avons dcrit, lanalyse des
conventions pluri-dimensionnelles en termes uniquement contractuels permet en outre de
fonder lindiffrence de la nature des conventions dans leur hirarchisation. La prsence de
normes la nature conventionnelle est donc une condition pralable sine qua non toute
hirarchie de normes conventionnelles. Peu importe en revanche la nature respective
suppose de chaque convention. Celle-ci na aucune influence sur leur place dans les
hirarchies conventionnelles, ce qui sexplique aisment si lon accepte lunit de la nature
juridique de toutes les conventions.

410.

Il ne saurait donc y avoir de hirarchies conventionnelles sans normes de nature

conventionnelle, il ny en aurait pas non plus en labsence dune pluralit de normes


conventionnelles.

SECTION II LA PLURALIT DE NORMES.


411.

L encore, cette prcision peut apparatre comme tant dune particulire vidence.

Dans les hypothses que nous avons cites, par exemple un mandat et une convention conclue
en application de cet acte, un contrat principal et un sous-contrat1097 ou encore des
conventions matrimoniales et les conventions conclues par des poux aprs le mariage, il y a
toujours de manire vidente un rapport entre deux conventions qui nous a permis de relever
la prsence dun lien hirarchique entre ces actes. Lvidence de la pluralit de normes en
rapport nest cependant pas toujours telle, et il est parfois difficile de se prononcer sur
1097

J. NERET, op.

cit., n 181, p. 147 pour lequel le sous-contrat reste un contrat distinct .


227

La hirarchie des normes conventionnelles


lexistence dune hirarchie en raison de lhsitation possible sur le nombre de normes
prsentes dans une situation donne1098. Au-del de quelques prcisions sur ce point, qui
seront loccasion de quelques remarques accessoires (1), nous voudrions surtout souligner
que ce rapport entre plusieurs conventions peut, loin des exemples simples que nous avons
jusqu prsent essentiellement prsents, stablir dans des schmas trs varis et plus
complexes que ceux dj dcrits (2).

1. Une pluralit de conventions.

412.

Existence dune pluralit de conventions Il nest pas toujours vident de

dterminer si plusieurs actes diffrents sont prsents dans une situation donne. Tel est par
exemple le cas en matire de contrat de transport. Larticle L. 132-8 du code de commerce
dispose en effet que la lettre de voiture forme un contrat entre l'expditeur, le voiturier et le
destinataire ou entre l'expditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier . La
lecture de cet article peut conduire douter, puisquun seul contrat lie la totalit des
protagonistes de lopration de transport (lorsquun commissionnaire recourt, par exemple,
un transporteur1099), de lexistence de plusieurs conventions et donc, dune hirarchie entre
elles1100. La chose pourrait galement tre souligne dans plusieurs autres situations quil
1098

Voir sur ce point, J. PERROUIN, Thse prcite, n362 et s. p. 183 et s. ; v. encore Monsieur TEYSSIE,
dans sa thse, Les groupes de contrats, op. cit. n 20, p. 10.
1099

Ce dernier devient partie un contrat le liant alors lexpditeur au destinataire et au commissionnaire. Sur
les parties au contrat de transport v. notamment, P. LE TOURNEAU, Rp. Civ., Dalloz, v Contrat de transport,
n 35.
1100

En dpit de lapparence, larticle L. 132-8 du Code de commerce ne nous semble pas faire obstacle la
prsence de plusieurs conventions. Dabord, un auteur a relev que c'est une chose de dire qu'il existe des liens
de nature contractuelle entre les protagonistes de l'opration de transport, mais c'en est une autre de dire que
toutes ces personnes sont parties un mme contrat (C. HECART, L'action directe du voiturier : sagacit ou
maladresse ? , D. 2006, p. 1821, n 7). linstar de lauteur cit, une partie de la doctrine considre quil y a de
vritables raisons de douter du fait que chacun des participants devienne partie au contrat de commission de
transport (B. PETIT, Les transports , JCP E,., 1999, p. 712, n 1). Il ne nous appartient pas ici de revenir sur
ce dbat qui ne prsente pas un intrt spcifique dans la perspective qui est la ntre. En revanche, nous pouvons
relever quau-del de cette adhsion conteste une convention unique des diffrents participants lopration
de transport, le fait que les participants, expditeur, commissionnaire, transporteur, destinataire, soient
ventuellement tous parties une seule et mme convention, ne fait en rien obstacle ce que chacun de ces
intervenants soit li, avec chacun de ses cocontractants directs, par une convention distincte de celle forme par
la lettre de voiture. Un auteur relve dailleurs que lopration de transport (plus sans doute quune vritable
convention unique) forme un ensemble contractuel , qui ne fait pas obstacle lexistence de rapports
bilatraux naturellement indpendants les uns des autres (X. DELPECH, Difficults probatoires dans la mise
en uvre de l'action directe du transporteur , D. 2006 p. 2529). Dailleurs, cest en rfrence aux stipulations
tablies dans ces rapports bilatraux que seront apprcies certaines des prrogatives du transporteur. Ce dernier
ne peut par exemple agir directement en paiement contre lexpditeur que dans la mesure o ce dernier na pas,
dans ses rapports avec son cocontractant direct, prohib tout recours un transporteur substitu (Com. 28 janvier
2004, D. 2004, p. 944, note J.-P. TOSI) dans la mesure o le transporteur a eu ou aurait d avoir

228

Contribution lanalyse normativiste du contrat


nest sans doute pas utile de dvelopper. linverse de lindivisibilit par exemple, le lien
hirarchique (qui nest quun simple rapport de production, rien de plus), nest pas une
catgorie de lien laquelle sattacherait un rgime juridique qui justifierait que lon dtermine
si dans une situation donne existe, ou non, une pluralit dactes. Si la difficult tablir une
dualit de conventions est donc parfois relle, il est suffisant de la mentionner sans quil soit
ncessaire dy consacrer de plus amples dveloppements qui nauraient aucun intrt
particulier dans la perspective poursuivie. Quelques remarques seulement mritent dtre
formules propos de lhypothse des chanes de vente puisquen la matire, la coexistence
de deux normes distinctes a pu tre nie.

413.

Coexistence de plusieurs conventions Si la hirarchie suppose lexistence de

plusieurs conventions, encore faut-il que les normes coexistent1101.

414.

Dans sa thse sur la hirarchie des conventions en droit priv, Monsieur Perrouin

dfend lide selon laquelle aucune hirarchie ne pourrait tre tablie en prsence dune
chane de contrats par addition lorsque les contrats ont des auteurs diffrents1102, pour la
raison que dans une telle hypothse lexcution de la premire convention, sans laquelle la
naissance de la seconde est (pour lauteur) impossible, a pour effet de lteindre 1103. Monsieur
Perrouin crit pour rejeter toute ide de coexistence dans une telle hypothse, que pour
viter de tomber sous le coup de la vente de la chose dautrui (article 1599 du Code civil),
chacun des contrats qui composent une chane de ventes successives suppose ncessairement
pour natre lexcution pralable de celui qui le prcde. Si la conclusion de chaque
convention nest possible quune fois la prcdente excute et donc teinte, il sagit dune

connaissance de linterdiction de substitution (Com., 13 juin 2006, D. 2006, p. 1967). propos de cette
prcision, un auteur souligne le caractre bancal de la thse de la convention unique puisque que finalement, le
sous-traitant semble ntre partie qu certains et non tous les lments du contrat de transport (J.-P.
TOSI, Interdiction de sous-traiter et divisibilit du contrat de transport , D. 2006 p. 1967, n 4), dans la
mesure o il nest pas partie la clause prohibant le recours la sous-traitance, se trouvant vis--vis de cette
clause dans la situation dun tiers (J.-P. TOSI, Ibid. ; Dans le mme sens, H. KENFACK, Droit des
transports, Juillet 2005-Juin 2006 , D.2007, p. 111), la clause ne le liant pas mais pouvant seulement, dans
certaines conditions, lui tre oppose (Com. 13 juin 2006 prcit, qui nonce qu Attendu qu'il rsulte de ce
texte que ne peut tre oppose au transporteur substitu terme qui pour Monsieur TOSI, voque la position
de tiers au contrat).
1101

Sur ce point, voir galement, J. PERROUIN, Thse prcite, n 386, p. 192 et s. qui relve galement cette
condition.
1102

Sur ces chanes de contrats, v. la thse de Monsieur TEYSSIE, en particulier, n 74 et s., p. 42 et s.

1103

J. PERROUIN, Thse prcite, en particulier, n 404 et s., p. 197 et s.

229

La hirarchie des normes conventionnelles


succession de conventions qui nont pas dexistence simultane 1104. Lexcution dune
convention aurait donc pour effet de lteindre ce qui, par consquent, rendrait impossible
toute existence simultane de cette convention avec un autre contrat de vente portant sur le
mme objet et conclu postrieurement.

Monsieur Teyssi, dans sa thse sur les groupes de contrats, semblait dj considrer,
de la mme manire, que lexcution dune convention, telle une vente, emporte
inluctablement sa disparition. Cet auteur distingue en effet deux types de chanes de contrats
par addition1105, celles issues de la diffraction1106 dune premire convention, dans lesquelles
lapparition de la seconde convention nengendre pas la disparition de la premire, et celles
par addition, dans lesquelles, au contraire, la seconde convention ne coexiste pas avec la
premire mais lui succde1107.

Cette position est encore soutenue par Monsieur Nret dans sa thse relative au souscontrat. Alors quil distingue lobjet de sa thse des oprations contractuelles multiples et plus
particulirement des contrats successifs, cet auteur affirme avec une nettet encore plus
marque que ces derniers se distinguent de manire radicale du rapport contrat principal souscontrat en ce quen matire de contrats successifs lextinction dun contrat est ncessaire
la conclusion du suivant 1108.
Pour ces auteurs, cette situation serait le fruit du caractre particulier de lobligation
de donner 1109 dont lexcution se confond avec la formation du contrat de vente. Monsieur
Perrouin explique ainsi, que compte tenu de son caractre automatique et instantan,
lobligation de donner na pas vritablement dexistence () or, comme lobligation de
donner constitue lobligation principale du contrat de vente, elle fait de ce dernier un contrat
instantan qui sexcute en un seul trait de temps. Et cest de cette instantanit du contrat de

1104

Ibid. n 404, p. 198.

1105

B. TEYSSIE, op. cit., n 69 et s. p. 39.

1106

Ibid., n 122 et s., p. 69 et s.

1107

Ibid., n 70 et s. p. 39.

1108

J. NERET, op. cit., n 64, p. 57.

1109

Ibid., op. cit., n 64, p. 57 ; v. galement J. PERROUIN qui reprend cette explication tout en renvoyant la
thse de Monsieur NERET.

230

Contribution lanalyse normativiste du contrat


vente que dcoule lide que les diffrents maillons, qui forment une chane par addition de
ventes, se succdent sans avoir dexistence commune 1110. Linstantanit de lexcution des
obligations serait donc incompatible avec toute ide de coexistence de plusieurs conventions,
cette affirmation reposant sur le postulat selon lequel lexcution des obligations dune
convention fait disparatre cette dernire1111. Or, cette ide doit nous semble-t-il tre conteste.
En effet, lexcution dune convention, dune vente en particulier, ne fait en rien disparatre
cette dernire. Nous pensons mme que cest exactement linverse qui se produit, ce
quatteste sans aucun doute lanalyse de la question des ventes successives en termes
hirarchiques.

415.

Il serait possible de dmentir lide voque selon laquelle lexcution de lobligation

de donner ferait disparatre la vente, en relevant simplement que le fait que lobligation
principale de la convention soit excute ne signifie pas quaucune autre obligation ne
subsiste. Si lobligation de donner (ou le transfert de proprit) est la principale obligation1112
de la vente, elle nest incontestablement pas la seule. Le vendeur, en plus de donner, est
galement tenu de deux obligations, qui en croire le Code civil sont dailleurs les deux
principales obligations du vendeur, dlivrer et garantir1113/1114. Cet argument, que
nignorent pas les partisans de la thse de la disparition de la convention par son excution,
peut selon ces derniers tre cart en invoquant le caractre intuitus rei de ces obligations1115.

416.

Quoi quil en soit, au-del de ce recours aux obligations accessoires pour dmontrer

que le contrat perdure en dpit de lexcution de son effet principal , un autre point bien
plus important doit selon nous tre relev. Il nous parat en effet impossible daffirmer que le
contrat se dissout une fois sa pleine excution termine pour la raison que dans une succession
de vente cest le contrat initial qui, loin davoir disparu pour laisser sa place dventuels
1110

J. PERROUIN, Thse prcite, n 406, p. 199.

1111

Monsieur Perrouin crit dailleurs dans un extrait cit ci-dessus : chaque convention nest possible quune
fois la prcdente excute et donc teinte .
1112

Ou le principal effet lgal v. M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de lobligation de donner , prcit, spc.


n 9.
1113

Larticle 1603 du Code civil dispose que : Il [le vendeur] a deux obligations principales, celle de dlivrer et
celle de garantir la chose qu'il vend .
1114

Obligations auxquelles pourrait tre ajoute aujourdhui lobligation de scurit P.-H. ANTONMATTEI, J.
RAYNARD, Droit civil, contrats spciaux, op. cit., n 171, p. 139.
1115

J. PERROUIN, Thse prcite, n 408 415, p. 200 204.

231

La hirarchie des normes conventionnelles


successeurs, est le fondement mme de tous les autres contrats translatifs portant sur un mme
objet. La proprit de chaque acqureur successif dcoule de tous les contrats de vente
successifs. Monsieur Ancel lexplique de manire convaincante nos yeux. Si le caractre
rel du droit de proprit fonde son opposabilit erga omnes ce qui, en amont, fonde le droit
de proprit cest bel et bien le contrat translatif. Cest par leffet de la norme
contractuelle 1116 que lacqureur est investi du droit de proprit. Lacte translatif est le1117
fondement juridique du droit de proprit de lacqureur. Le contrat mme excut nest pas
teint. Il ne disparat pas. Il conserve au contraire toute sa force obligatoire, mme vid de ses
obligations. Cest dailleurs la condition de la persistance du droit des propritaires successifs.
En effet, si la convention venait disparatre, par le prononc dune nullit par exemple, tous
les propritaires successifs seraient en thorie potentiellement privs de leurs droits de
proprit. En application de la rgle nemo plus juris, la destruction de lun des maillons
dune chane par addition expose au mme sort les accords situs en aval de celui qui a t
ananti 1118. Si cette rgle connait un certain nombre de drogations visant maintenir dans
une certaine mesure la scurit juridique, il nen demeure pas moins que le principe met
parfaitement en lumire le caractre persistant du contrat de vente. Si sa disparition (par
annulation ou rsolution) fait scrouler ldifice contractuel bti au fil du temps cest parce
que mme excute, et si les obligations sont alors teintes, la convention conserve une
vigueur certaine. Cette vigueur est dailleurs telle, quelle constitue le socle de la validit de
tous les actes translatifs de proprit qui se situent en aval. La coexistence de plusieurs
conventions est donc nos yeux acquise dans la prsente situation. Il est donc parfaitement
possible de voir entre deux ventes conscutives une relation hirarchique.

417.

La hirarchie entre deux conventions suppose donc une pluralit de conventions,

pluralit existant de manire simultane. Cette affirmation apparat vidente, nous avons vu
quil existait pourtant certaines situations dans lesquelles le doute tait permis. Ces conditions
communes toutes les hirarchies ne doivent cependant pas masquer la grande diversit des
hypothses dans lesquelles deux conventions sont en rapport lune avec lautre. Si la prsence
de plusieurs conventions est indispensable, la relation entre ces diffrents actes peut ne pas
tre directe.
1116

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , prcit, n 17, p. 782.

1117

Ou, plus prcisment, lun des .

1118

B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, op. cit., n 275, p. 146.

232

Contribution lanalyse normativiste du contrat


2. Lindiffrence dun rapport direct entre conventions.

418.

Les situations de rapports hirarchiques entre conventions que nous avons

dveloppes, avaient toutes pour point commun dtre des situations parmi les plus simples.
Un mandant donnant un mandat un mandataire qui allait conclure lui-mme une convention
en excution du mandat ; un contractant un contrat principal (par exemple un bail) qui
conclut, aprs ce contrat, un sous-contrat portant sur un mme objet (un sous-bail). Dans
presque tous les cas exposs, les deux conventions hirarchises taient deux conventions
directement en rapport lune avec lautre. Or, cette configuration, si elle a le mrite de la
simplicit, nest pas la seule que lon retrouve en droit positif. Ltablissement dun lien
hirarchique entre deux conventions nimplique pas ncessairement que ces actes soient en
relation directe lun avec lautre. Dun point de vue thorique, et mme si la hirarchie est
souvent prsente comme un rapport linaire1119, dans lequel une catgorie de normes
dtermine la validit dune autre catgorie, une norme peut parfaitement dterminer les
conditions de la validit dune autre qui ne se trouve pas directement au degr
infrieur1120. linstar de Hans Kelsen qui parlait dinconstitutionnalit indirecte 1121, nous
voudrions souligner que la hirarchie entre deux conventions peut tre une hirarchie
indirecte. Dans ces hypothses, le rapport de validit entre deux actes juridiques
conventionnels stablit alors par lintermdiaire dun ou de plusieurs actes juridiques. L'acte
ou les actes juridiques intercals peuvent-tre de nature conventionnelle, ce qui donne alors
naissance une pyramide ou des sous-ordres juridiques 1122 conventionnels (A) ou,
lorsque lacte interpos nest pas une convention, dorigine conventionnelle (B).
A. Interposition dun acte conventionnel.

1119

O. PFERSMANN, Carr de Malberg et la hirarchie des normes , RFDC, 1997, p. 482.

1120

M. TROPER, La pyramide est toujours debout ! Rponse Paul Amselek , RDP 1978, p. 1531 dans
l'ordre juridique franais () les normes de chaque niveau sont bien poses en vertu d'une habilitation confre
par une norme de niveau suprieur, mme s'il ne s'agit pas toujours du niveau immdiatement suprieur.
1121

H. KELSEN, Le contrle de constitutionnalit des lois, une tude comparative des constitutions
autrichiennes et amricaines , prcit, p. 18.
1122

Ayant une vision moniste de lordre juridique, nous prfrons les expressions sous-ordre juridique ou
ordre juridique partiel empruntes Kelsen (Thorie pure du droit, prcit, p. 321 et s.), lide dordre
juridique contractuel parfois utilise par les tenants du pluralisme juridique (v. par exemple, G. RABU,
Lorganisation du sport par le contrat, Essai sur la notion dordre juridique sportif, Thse prcite). Il ny a
donc notre sens pas, dans la construction de pyramide contractuelles, de vritables ordres juridiques
autonomes, puisque toutes ces constructions reposent en dernier ressort sur une norme tatique.

233

La hirarchie des normes conventionnelles


419.

Un rapport de validit peut stablir entre deux conventions par le truchement dune,

voire plusieurs, autres conventions1123. La situation ne prsente aucune complexit particulire


mais sera rapidement voque en ce quelle prsente une situation originale dont lintrt
pratique pourrait tre important. Cette hirarchie indirecte peut se manifester que la
convention qui sinterpose soit (1), ou non, une convention identique aux conventions situes
aux extrmits de la structure (2).
1. Interposition dune mme convention.

420.

Chanes de contrats par addition entre parties diffrentes Un lien existentiel

entre deux conventions peut dabord tre tabli alors quest interpose entre ces deux
conventions une troisime identique. Cette hypothse nest ni plus ni moins celle dcrite par
Monsieur Teyssi comme une chane de contrats par addition entre parties diffrentes1124. Tel
est concrtement le cas lorsque se succdent plusieurs ventes ou plusieurs donations. Deux
parties primus et secundus concluent un contrat de vente portant sur un mme objet qui sera
ultrieurement nouveau lobjet dune convention identique entre le contractant secundus et
un nouveau contractant tertius, puis entre ce dernier et un nouveau contractant quartus, ainsi
de suiteDans cette hypothse de ventes successives que nous avons dj brivement
voque, la validit de toutes les conventions, en raison de la combinaison des rgles
applicables la vente de la chose dautrui1125 et de la puissance destructrice [de la] rgle
nemo plus juris 1126, repose sur la premire convention unissant les deux premiers
contractants.

421.

Chanes de contrats par diffraction Lautre hypothse dans laquelle une hirarchie

peut stablir entre conventions par lintermdiaire dune autre convention identique aux deux
conventions hirarchises est pour suivre l encore une prsentation emprunte Monsieur
Teyssi celle des chanes de contrats par diffraction1127, ou autrement dit, lhypothse du
1123

Sur ce point, v. J. PERROUIN, Thse prcite, n 789 et s. p. 344 qui voque trs brivement cette possibilit
et en rduit la porte.
1124

B. TEYSSIE, op. cit., n 74 92, p. 42 et s.

1125

Article 1599 du Code civil.

1126

B. TEYSSIE, op. cit., n 275, p. 146.

1127

op. cit., n 122 172, p. 69 et s.

234

Contribution lanalyse normativiste du contrat


sous-contrat cette qualification supposant lidentit de nature des conventions qui
composent la structure contrat principal/sous-contrats1128. L encore, une hirarchie peut
stablir entre plusieurs conventions par lintermdiaire dune troisime. Un bail conclu entre
primus et secundus dtermine les conditions de la validit dun sous-bail conclu entre
secundus et tertius et donc, indirectement, dun ventuel nouveau sous-contrat de bail entre
tertius et quartus, ainsi de suite. Les sous-contrats peuvent se multiplier dans une figure
verticale 1129 linfini. Comme dans lhypothse prcdente, une convention, le contrat
originaire, dtermine les conditions de validit du sous-contrat et, par son intermdiaire, de
tous les sous-contrats pouvant tre ultrieurement conclus.

422.

Une convention peut donc sinterposer entre deux ou plusieurs autres conventions

identiques, lesquelles, par le truchement de la convention intermdiaire, entretiennent des


relations de cette nature. Le mme constat peut tre fait quand la convention intermdiaire est
diffrente de celles entre lesquelles elle sinterpose.
2. Interposition dune convention diffrente.

423.

Chanes de contrats translatifs de proprit Les propos que nous avons tenus

propos des chanes de contrats par addition avec des personnes diffrentes peuvent galement
trouver un cho ici. Le schma dcrit reste identique si lon substitue un contrat de vente,
toute autre convention translative de proprit telle une donation. Une vente entre deux
contractants, primus et secundus, est hirarchiquement suprieure une autre vente entre deux
autres contractants, tertius et quartus, y compris dans lhypothse o le bien objet de la vente
a t lobjet dune donation entre secundus et tertius. Ici, par le biais dune convention de
nature diffrente, deux conventions de mme nature sont lies par un lien hirarchique
puisque, en dernire analyse, la validit de la seconde vente repose sur la premire vente
conclue entre primus et secundus.

424.

Il nest sans doute pas utile de dvelopper tous les cas de figure imaginables, mais la

situation est bien entendu identique tant que se succdent des conventions translatives de
proprit, quel que soit lordre dans lequel ces conventions se succdent. Dans toutes les

1128

Voir, entre autres, J. NERET, op. cit., n 154 p. 123.

1129

R. BONHOMME, J.-Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 16.

235

La hirarchie des normes conventionnelles


hypothses, et bien quune convention soit intercale entre deux ou plusieurs autres, la
validit de la dernire convention translative de proprit repose sur la premire des
conventions translatives de proprit.
425.

Chanes de contrats non-translatifs de proprit Enfin, en prsence de contrats de

diffrentes natures qui nauraient pas en commun la transmission de la proprit, une


hirarchie peut tout de mme stablir entre deux conventions par lintermdiaire dune
troisime. Tel est le cas par exemple lorsque deux ventes se succdent, la premire ayant t
conclue en excution dun mandat. Lannulation du mandat entranant corrlativement
lannulation de la premire des ventes1130, cest en partie par rfrence la premire
convention, le mandat, que la validit de la seconde vente sera juge (quand bien mme une
troisime convention, la premire vente, est interpose entre les deux conventions extrmes).
L encore, la structure peut tre longue et compose de conventions les plus diverses chacun
de ses niveaux.

426.

Une hirarchie peut donc exister entre les conventions extrmes dune chane de

contrats, que toutes les conventions soient les mmes ou non. Une hirarchie indirecte peut
encore tre tablie si lacte interpos entre deux conventions nest pas conventionnel.
B. Interposition dun acte juridique unilatral.

427.

Souvent, lacte interpos entre deux conventions est, lorsquil nest pas conventionnel,

un acte unilatral. Il peut alors sagir dun acte juridique unilatral individuel (1) ou dun acte
juridique unilatral collectif (2).
1. Interposition dun acte unilatral individuel.

428.

Chanes, non contractuelles, translatives de proprit Plusieurs actes unilatraux

peuvent sintercaler entre deux conventions, lesquelles seront hirarchiquement lies. Dans le
mme esprit que les chanes de conventions translatives de proprit, peuvent tre identifies
des chanes dactes juridiques translatifs de proprit dans lesquelles, une convention, est
substitu un acte juridique unilatral, tel un testament. Dans cette situation, si un bien objet

1130

Pour une illustration rcente en matire de nullit du mandat dun agent immobilier v. THIOYE M., Nullit
de la vente conclue sur la base dun mandat irrgulier , commentaire sous, Civ. 3., 8 avril 2009, AJDI, 2009, p.
890.

236

Contribution lanalyse normativiste du contrat


dune vente fait lobjet dune transmission par voie successorale, laquelle est organise par
des dispositions testamentaires, puis fait nouveau lobjet dune vente par le bnficiaire du
testament, la vente par lui consentie est indirectement conditionne par la premire vente1131.
Ce rapport hirarchique nest pas un rapport direct, il stablit par lintermdiaire dun acte
juridique unilatral individuel. Ce cas de figure nest cependant vraisemblablement pas le plus
reprsentatif des hypothses de hirarchies indirectes entre deux conventions relies par un
acte unilatral individuel. Lhypothse suivante est sans aucun doute bien plus frquente.

429.

Dcision1132 dun organe individuel dune organisation collective Lacte reliant

les deux conventions hirarchises peut tre un acte unilatral, manant dun dirigeant ou dun
reprsentant dune personne morale ou de manire gnrale dune organisation collective
(dirigeant de socit, prsident dune association, syndic de coproprit). Ce dernier est
amen conclure plusieurs conventions au nom et pour le compte de lorganisation quil
reprsente. Cette convention conclue doit respecter la charte collective que constitue selon les
cas, le rglement de coproprit, les statuts de la socit ou encore ceux dune association. Or,
en amont du second acte juridique conventionnel, un autre acte juridique prexiste, celui de la
dcision. Certes, la nuance est subtile entre agir et dcider d'agir 1133, lorsque les deux
actes sont le fait dune seule et mme personne, elle est pourtant bien relle 1134. Cette
dcision, un acte juridique unilatral doit, comme la convention quelle peut entraner, tre
conforme la charte fondamentale de lorganisation en question.

430.

Ds lors, que ce soit en matire de socit, dassociation ou encore de coproprit, les

dcisions prises par un organe individuel de reprsentation dune organisation collective,


lorsquelles ont pour consquence dengager lorganisation contractuellement, sont des actes
juridiques qui sinterposent entre deux conventions. La hirarchie entre conventions est donc
une hirarchie indirecte, elle stablit par lintermdiaire dun acte juridique unilatral
individuel.

1131

Les successions tant un mode driv dacquisition de la proprit, C. DEMOLOMBE, Cours de Code civil,
TOME VII, Des successions, STIENON J., BRUXELLES, 1858, n 6, p. 6.
1132

Sur la dcision, v. P. LOKIEC, La dcision et le droit priv , D. 2008, p. 2293.

1133

C.-M. BENARD, Reprsentation d'une association et pouvoir du prsident en matire de licenciement ,


BJS, 01 fvrier 2004 n 3, p. 426.
1134

Ibid.

237

La hirarchie des normes conventionnelles


431.

Cette situation apparat de manire plus vidente lorsque lacte dcisionnel est un acte

juridique unilatral manant dun organe collectif. Il y a alors une hirarchie indirecte par
linterposition dun acte juridique unilatral collectif.
2. Interposition dun acte juridique unilatral collectif1135.

432.

Plusieurs exemples dune hirarchie stablissant entre deux conventions de manire

indirecte peuvent tre trouvs dans les hypothses o une convention donne naissance une
personne morale, ou au moins une organisation collective, qui sexprime notamment par le
biais dorganes dexpression collective. Nous le dmontrerons avec lexemple des dcisions
de lassemble gnrale des copropritaires, mais des dveloppements identiques pourraient
tre consacrs aux assembles gnrales1136 dautres organisations.

433.

Hirarchie par le truchement dune dcision de lassemble gnrale des

copropritaires En matire de coproprit, les rgles relatives au fonctionnement de


lassemble gnrale sont le plus souvent dorigine lgale. Les rdacteurs du rglement de
coproprit conservent cependant une certaine latitude pour insrer dans cet acte des
stipulations vritablement conventionnelles.

434.

Le rglement de coproprit peut tout dabord dterminer toute une srie de rgles de

forme devant tre respectes lors de la runion de chaque assemble gnrale. Il en va


notamment ainsi du dlai de convocation de lassemble gnrale, qui est en principe fix
quinze jours, mais qui peut tre amnag par le rglement. Il ne peut pas tre rduit par le
rdacteur de lacte, mais celui-ci peut choisir de lallonger1137. Il en va de mme pour la date
et l'heure de la runion qui peuvent galement tre prcises 1138 (le plus souvent de manire

1135

Sur ce point v., J. MARTIN DE LA MOUTTE, Lacte juridique unilatral : essai sur sa notion et sa
technique en droit civil, Thse Toulouse, 1949, en particulier, n 44, p. 52, o lauteur emploie cette expression
et en attribue la paternit Demogue ; Sur les actes juridiques collectifs, v A.-L. PASTRE-BOYER, Lacte
juridique collectif en droit priv franais, contribution la classification des actes juridiques, (prface R.
CABRILLAC), PUAM, Coll. Institut de droit des affaires, 2006.
1136

Retenant cette qualification dacte unilatral collectif pour les dlibrations dassemble, A.-L. PASTREBOYER, Ibid., n 83 et s. p. 77 80, en part. n 85, p. 78.
1137

Article 9 alina 2, D. n 67-223, du 17 mars 1967 : Cette convocation est notifie au moins quinze jours
lavance, moins que le rglement de coproprit nait prvu un dlai plus long .
1138

Article 9, alina premier.

238

Contribution lanalyse normativiste du contrat


ngative, exclusion du dimanche et des jours fris1139). Cest encore au rglement de
coproprit de prvoir le lieu de runion de lassemble1140 ( dfaut de prcision dans le
rglement, la runion doit se tenir dans la commune dans laquelle est situ limmeuble1141). Le
rglement de coproprit peut galement dfinir la composition du bureau lors de la runion
de lassemble gnrale1142 ou amnager quelques rgles de majorit1143, par exemple en
matire dalination du droit de surlvation1144. Dans cette hypothse particulire, la charte
de la coproprit peut prvoir une majorit suprieure celle de droit commun1145, qui le plus
souvent sera lunanimit1146.

435.

Toute violation des rgles de forme ou de fond stipules par le rglement de

coproprit peut entraner la nullit de lassemble gnrale elle-mme, ou de lune seulement


de ses dlibrations. Cest le cas dune assemble gnrale tenue dans un lieu autre que celui
contractuellement prvu1147 ou encore dune assemble gnrale tenue avec un bureau
compos de manire irrgulire en rfrence la charte de la coproprit1148. Dans toutes ces
hypothses, comme dans dautres, la dlibration est rpute nulle et non avenue ; elle est
cense navoir jamais exist, non seulement lgard du copropritaire demandeur, mais
aussi vis--vis de tous les autres membres de la coproprit 1149. Lannulation prononce
1139

J. LAFOND et B. STEMMER, op. cit., n 1132, p. 49.

1140

Article 9 alina 3.

1141

H. SOULEAU, Le lieu de runion d'une assemble gnrale est la commune de situation de l'immeuble
dfaut de stipulation du rglement de coproprit , note sous, Civ. 3, 22 mai 1990, D. 1991, p. 142, censure de
lassemble gnrale de copropritaires tenue Bruxelles (ces derniers tant majoritairement originaires du
Benelux) alors que le rglement de coproprit de limmeuble situ Juan-les-Pins ne prvoyait rien.
1142

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op. cit., n 858.

1143

Mme si dans la quasi-totalit des cas, les majorits prvues par la loi sont dordre public (LOMBOIS C.,
Commentaire de la loi n 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la coproprit des immeubles btis ,
prcit, p. 105).
1144

Loi de 1965, Article 35 alina 3 ; LOMBOIS C., Ibid.

1145

Loi de 1965, Article 35 alina 2.

1146

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op. cit., n 1052.

1147

Civ. 3, 22 mai 1990, Bull. civ. III, n 127, p. 70 ; note H. SOULEAU, prcit ; D. 1991, p. 81, Note C.
GIVERDON, J. LAFOND, J.-R. BOUYEURE.
1148

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op. cit., n 858.

1149

G. VIGNERON, J.-Cl. Coproprit, Assembles gnrales, voies de recours contre les dcisions
dassemble, Procdure, fasc. 87-20, n 120.

239

La hirarchie des normes conventionnelles


entrane la disparition rtroactive de la dcision de lassemble 1150.

436.

Une hirarchie de normes conventionnelles indirecte Les actes dcoulant de

lassemble gnrale annule en raison dune violation dune stipulation du rglement


conventionnel de coproprit tant eux-mmes nuls, il y a une hirarchie entre conventions
lorsque la dlibration de lassemble gnrale annule avait comme consquence de
contracter ou de permettre de le faire. Une dcision de la troisime chambre civile de la Cour
de cassation du 7 avril 20041151 permet den rendre compte. Dans cette espce, une assemble
gnrale se tient le 7 juin 1999 pour renouveler le mandat du syndic. Parce que le dlai de
convocation nest pas respect, lun des copropritaires agit en annulation de cette assemble
gnrale. Le 21 octobre 1999, le syndic convoque une nouvelle assemble gnrale, provocant
une nouvelle action en annulation de la seconde assemble gnrale de la part du mme
copropritaire, au motif que le syndic nest pas comptent pour procder cette convocation,
lassemble gnrale renouvelant son mandat nayant pas t convoque dans les formes. Un
jugement du 8 mars 2000 dclare nulle la premire assemble gnrale. La Cour de cassation
saisie de la validit de la seconde assemble gnrale dclare en substance, que par l'effet de
l'annulation de la dcision de renouvellement du mandat du syndic celui-ci n'avait plus la
qualit de syndic lors de la convocation de l'assemble et que celle-ci a donc t
irrgulirement convoque 1152.

437.

Le non respect dune clause du rglement de coproprit entrane donc la nullit du

contrat liant le syndic au syndicat des copropritaires, ce quillustre le prononc de la nullit


de la seconde assemble gnrale. Le rglement de coproprit est la rgle qui sert de
rfrence pour juger de la validit de lassemble gnrale et, in fine, de la validit de la
convention liant le syndic au syndicat. Mme par lintermdiaire de lassemble gnrale, le
rglement de coproprit dtermine les conditions de la validit dune autre convention. Il y a
donc une hirarchie entre conventions, hirarchie indirecte, par lintermdiaire dune dcision
de lassemble gnrale, c'est--dire dun acte juridique unilatral collectif.

1150

F. GIVORD, C. GIVERDON, P. CAPOULADE, op. cit., n 876 (mme si dans certaines hypothses, les
actes passs avec les tiers de bonne foi demeurent valables).
1151

Civ 3, 7 avril. 2004, Bull. civ. III, n 77 ; Administrer, juin 2005, p. 28 note P. CAPOULADE.

1152

J. LAFOND, De la jurisprudence la pratique notariale , JCP N 2006, p. 1223.

240

Contribution lanalyse normativiste du contrat

*
*

438.

Conclusion du chapitre premier Deux conditions pralables videntes

apparaissent indispensables ltablissement dune hirarchie de normes conventionnelles :


des normes de nature conventionnelle et une pluralit de normes.

439.

La premire affirmation se suffit elle-mme. La prsence de deux conventions suffit,

sur ce point, tablir un lien hirarchique entre deux conventions. En dpit de ce que
plusieurs indices semblaient indiquer, ltablissement dune hirarchie entre conventions et
surtout, la place respective de chacune de ces conventions dans une structure conventionnelle,
ne doit rien leur ventuelle nature juridique uni ou pluri-dimensionnelle. Le fait quune
convention ait une nature juridique rglementaire ou institutionnelle , nimplique en
rien sa domination sur dautres conventions la nature juridique simple . Ce constat qui,
nous lavons expos, pouvait surprendre dans une conception classique de la place de la
convention dans les sources du Droit, trouve un fondement si lon affirme lunit de la notion
de convention du point de vue de sa nature juridique.
Nous avons eu loccasion de dmontrer quune analyse contractuelle nouvelle, en
partie fonde sur une approche normativiste du contrat, se dveloppe de manire trs
convaincante en doctrine et permet de rendre compte de manire parfaitement satisfaisante
des effets de tous ces actes en recourant aux techniques contractuelles. Toutes les conventions
tant des normes et ayant pour cette raison des effets normatifs , les effets de cette nature
produits par certains actes ne peuvent plus les discriminer. Cela est dautant plus vrai que tous
les effets originaux des conventions complexes se traduisent parfaitement en termes
contractuels, y compris les effets produits lgard des tiers qui ne sont jamais constitutifs
dune atteinte au principe de leffet relatif des conventions. Cette affirmation de lunit de la
notion de contrat, si elle fonde lindiffrence de la place respective de chaque convention dans
une hirarchie permet galement, en affirmant la nature contractuelle de tous les actes que
241

La hirarchie des normes conventionnelles


nous avons tudis, de maintenir lampleur des conclusions de notre premire partie.
Laffirmation de lunit de la notion de contrat nous est donc trs utile et rciproquement,
notre thse conforte indniablement cette approche. Le fait que les actes dits pluridimensionnels produisent des effets lgard des tiers ne peut en effet plus conduire les
exclure de la catgorie contractuelle, si lon prend en considration les constatations de notre
premire partie. Le mandat, les avant-contrats de vente, la vente ou encore les contrats
principaux, ont en effet galement pour consquence de produire un effet lgard des tiers,
en conditionnant la validit de certains de leurs actes au respect dune convention laquelle
ils ne sont pas parties. Or, personne ne conteste la nature juridique purement conventionnelle
de la vente, du mandat ou encore des avant-contrats de vente. Cela prouve que les effets dune
convention lgard des tiers, aussi puissants soient-il, ne peuvent suffire condamner une
analyse contractuelle des actes pluri-dimensionnels.

440.

La seconde condition qui apparat toute aussi vidente mais qui demeure indispensable

la mise en ordre hirarchique de deux conventions, est la pluralit de conventions. Une


hirarchie ne peut stablir quentre plusieurs actes conventionnels, plusieurs actes
conventionnels ayant une existence simultane, sans que ces actes ne soient ncessairement en
relation directe les uns avec les autres. Outre laspect pratique du constat, et les doutes
soulevs sur lexistence de plusieurs conventions dans quelques situations prcises, ce point
nous a permis de souligner limportant rle normatif du contrat. La prsence indispensable
de plusieurs conventions pour que stablisse un lien hirarchique entre elles ne se rduit en
effet pas la simple hypothse dun rapport linaire. Les liens peuvent tre indirects et tablis
par le truchement dautres actes juridiques, conventionnels ou unilatraux. De vritables sousordres juridiques conventionnels (ou dorigine conventionnelle) peuvent ainsi tre identifis
en droit positif, les conventions se situant de part et dautre de la structure tant lies lune
lautre indirectement.

441.

Les deux conditions identifies, si elles sont indispensables, ne suffisent bien

videmment pas ce quun lien hirarchique stablisse entre deux contrats. Cette situation ne
saurait tre suffisante puisque, comme le relve Monsieur Perrouin, il ne pourrait y avoir de
hirarchie sans quune une interfrence [ne] se cre (ou plutt existe ) entre les actes
juridiques concerns 1153.

1153

Thse prcite, n 427, p. 208.

242

Contribution lanalyse normativiste du contrat

CHAPITRE SECOND UN LIEN ENTRE CONVENTIONS.


442.

Monsieur Teyssi soulevait dj, ds lintroduction de sa thse consacre aux groupes

de contrats, limportance de ce point. Admettre lexistence dun groupe de contrats suppose


que ces actes soient unis par certains liens, tenant quelque identit dobjet () de but ()
de parties 1154. La chose nest pas diffrente en matire de hirarchie.

443.

Lindispensable interfrence entre les conventions hirarchises est bien videmment

signale par Monsieur Perrouin1155, lequel identifie dans ses travaux deux lments communs
aux conventions qui constituent une structure hirarchique. Ces actes auraient toujours un
objet commun et au moins une partie commune.

444.

Le second lment identifi par cet auteur ne nous parat pas simposer tant les

arguments qui militent en faveur de la thse oppose sont importants. Une hirarchie peut lier
deux conventions qui unissent des parties diffrentes. Il ny a pas l une condition ou un
critre dune hirarchie entre conventions (SECTION I).

445.

La communaut dobjet est en revanche le plus souvent un lment autorisant la

cration dun rapport hirarchique entre conventions. Quelques rares compositions


hirarchiques semblent cependant se distinguer et conduisent admettre, quau-del dun
objet commun, cest un intrt commun qui relie les conventions hirarchises (SECTION
II).

SECTION I LINDIFFRENCE DE LA COMMUNAUT DE PARTIES.


446.

Dun aperu rapide des situations dans lesquelles le droit positif tablit une hirarchie

entre deux conventions, se dgage le sentiment quune communaut de parties, mme


partielle, lie entre elles les conventions hirarchises. Cette thse, soutenue par Monsieur

1154

B. TEYSSIE, op. cit., n 15, p. 8, Lauteur, nous lavons voqu, retiendra finalement que ce qui unit les
contrats un groupe de contrats est une identit dobjet (il est alors questions de chanes de contrats) o de cause
(il sagit alors densembles contractuels).
1155

J. PERROUIN, Thse prcite, n 427, p. 208.

243

La hirarchie des normes conventionnelles


Perrouin1156 (1), nous semble souffrir quelques exceptions qui doivent, notre sens, conduire
exclure cet lment des conditions de ltablissement dune hirarchie entre conventions
(2).

1. La ncessit affirme de la communaut de parties.

447.

La communaut de parties entre les deux conventions hirarchises est pour lauteur

une rgle1157 (A) qui, comme toute rgle, souffrirait dinvitables exceptions (B).

A. Constat et fondement propos de la communaut de parties.

448.

La plupart des structures hirarchiques dgages par lauteur de la thse en question,

comme la plupart de celles que nous avons dveloppes lorsquil sest agi de mettre en
lumire lexistence, en droit positif, de situations tablissant un rapport de validit entre deux
conventions, rvlent incontestablement que souvent, les conventions en prsence unissent
des parties identiques. Ce constat (1) trouverait son fondement dans larticle 1165 du Code
civil (2).

1. Frquence de la communaut de parties.

449.

Lidentit de parties peut revtir deux formes selon que les parties soient partiellement

identiques ou selon que cette identit soit parfaite, autrement dit que les parties la
convention dite suprieure soient exactement les mmes que les parties la convention
infrieure.

1156

Cet auteur retient, nous lavons dj soulign, une dfinition de la hirarchie diffrente de la ntre, la fois
plus large et plus troite, puisquil dfinit ce terme comme un lien de nature substantielle en vertu duquel le
contenu dune norme se trouve subordonn celui dune autre qui lui est suprieure (thse prcite, n 3-2, p.
5). Cette dfinition embrasse une srie dhypothses plus vaste que ce que nous retenons en ce quelle nattache
pas dimportance au critre de la sanction qui est dans notre recherche le critre de la hirarchie. Elle se
distingue en revanche en tant plus troite dans la mesure o elle sattache uniquement au contenu des normes,
ce que nous avons dcrit dans notre introduction comme la conformit , c'est--dire une correspondance au
fond qui ne tient pas compte des exigences formelles. Quoi quil en soit, cette diffrence ne fait pas obstacle ce
que certaines des situations que nous tudions soient identiques et ce que les critres dgags se recoupent
parfois. Ce pourrait donc tre le cas ici.
1157

Thse prcite, n 455 et s., p. 217 et s.

244

Contribution lanalyse normativiste du contrat


450.

Communaut parfaite de parties Une premire hypothse de communaut de

parties est illustre par les rapports entre les statuts dune socit et les pactes extrastatutaires. Le plus souvent ce type de pactes, bien que ce ne soit en rien une condition de leur
validit, lient lensemble des associs. Une hirarchie stablit donc entre deux conventions
qui unissent des parties parfaitement identiques, puisque chacun des associs est la fois une
partie aux statuts et au pacte.
Cest encore le cas lorsque des poux lis par une convention matrimoniale se
consentent une vente portant sur un bien propre. Dans cette hypothse, dsormais valide par
le Code civil, une convention qui est hirarchiquement suprieure une autre lie exactement
les mmes parties que la convention place en position dinfriorit. Les poux sont tous deux
parties la convention matrimoniale. Ils sont, bien videmment, parties la vente conclue
entre eux. Dautres exemples pourraient agrmenter cette liste.

Monsieur Perrouin relve galement une autre hypothse, particulire, dans laquelle
les parties lies par les conventions hirarchises sont identiques bien quelles naient pas t
les parties contractantes de tous les actes ordonns. Ce serait le cas lorsquun contrat de travail
est soumis une convention collective conclue entre deux syndicats patronaux et de salaris
dont seraient respectivement adhrentes les deux parties au contrat de travail. Dans cette
situation employeurs et salaris seraient, par le mcanisme de la reprsentation, tous deux
parties la fois au contrat de travail par lequel ils sont lis, mais encore, la convention
collective laquelle le contrat de travail est soumis1158.

451.

Communaut partielle de parties La communaut de parties peut galement tre

partielle, elle nen illustre pas moins la condition dgage par Monsieur Perrouin. Ce cas de
figure est le plus frquent, il est le plus petit dnominateur commun la trs grande
majorit des structures hirarchiques 1159.
Les rapports entre rglement de coproprit dun immeuble bti et les actes passs par
un copropritaire prsentent une communaut partielle de parties. Le propritaire dun lot est
en effet partie la fois au rglement, mme sil y a adhr aprs son entre en vigueur, et bien
1158

La reprsentation tient ici pour lauteur lintervention de syndicats reprsentatifs. Lassimilation entre
reprsentation et reprsentativit est vident contestable, nous ny adhrons pas.
1159

J. PERROUIN, Thse prcite, n 484, p. 225 et 226.

245

La hirarchie des normes conventionnelles


entendu, lacte de vente ou de bail consenti sur son lot de coproprit. Il en est de mme
entre les conventions matrimoniales et une convention conclue par les poux avec un tiers.
Enfin, le sous-contrat et le contrat principal prsentent toujours une partie commune, tant
quun seul sous-contrat est conclu.

Monsieur Perrouin relve que cette communaut partielle de parties se manifeste


galement dans dautres situations que nous navons pas dveloppes. Les rapports entre une
convention collective de travail et un contrat de travail prsentent une partie commune, si
lemployeur est membre dun syndicat partie la convention (ou lui-mme auteur de la
convention) sans que ce soit le cas du salari.
Nombre dautres illustrations tires des travaux de lauteur de la proposition expose,
comme des notres, auraient encore pu alimenter cette proposition. La communaut de parties,
si frquente, trouve pour Monsieur Perrouin son fondement technique dans les dispositions de
larticle 1165 du Code civil.

2. Fondement de la communaut de parties.

452.

Pour le promoteur de cette condition, la communaut de parties permet de justifier

lexistence dun rapport hirarchique1160. En effet, le droit des contrats tant domin par le
principe de leffet relatif, des conventions conclues par des parties compltement
diffrentes, mme si leurs contenus respectifs intressent des questions identiques,
[nauraient] aucune raison de produire deffets entre elles 1161. dfaut, il apparaitrait
comme une entorse leffet relatif des conventions pos larticle 1165 1162. En revanche,
tel ne serait pas le cas si les conventions susceptibles dtre ordonnes ont en commun au
moins une de leurs parties, cela cre entre elles un trait dunion permettant de justifier de
leur ventuel agencement hirarchique 1163. Le principe pos par le Code civil serait alors
sauf. Le fait quune convention produise un effet sur une autre serait ainsi justifi.

1160

Ibid., n 484, p. 226.

1161

Ibid., n 455, p. 217.

1162

Ibid., n 494, p. 229.

1163

Ibid., n 455, p. 217.

246

Contribution lanalyse normativiste du contrat


453.

Ds lors, selon lauteur toulousain, la condition que constitue la communaut de

parties entre les conventions hirarchises peut tre carte dans certaines hypothses. Le
principe de leffet relatif des conventions tant un principe lgal que le lgislateur peut carter
par une norme de mme nature1164, la communaut mme partielle de parties aux conventions
hirarchises ne simpose plus dans les hypothses o la rgle pose larticle 1165 du Code
civil est carte par la loi.

B. Exceptions la communaut de parties.

454.

Dans la dmonstration initie par Monsieur Perrouin, ce dernier relve deux sries

dexceptions diffrentes.

455.

Lextension des conventions collectives Des hirarchies stablissent ses yeux, en

labsence de parties communes, dans tous les cas de figure dans lesquels un acte effet
collectif fait lobjet dune procdure dextension. Lauteur pointe, notamment, le cas le plus
connu de lextension de la convention collective de travail. Cette procdure dextension
permet de faire produire des effets une convention, lgard dautres actes de mme nature,
alors que les parties aux deux actes hirarchiss sont intgralement diffrentes 1165. Cette
situation se justifierait par une drogation lgale larticle 1165 du Code civil.

456.

La multiplication de sous-contrats Une seconde exception la condition de

communaut des parties apparat pour lauteur en prsence dune chane de contrats par
diffraction qui se prolongerait au-del dune seule diffraction . Si un sous-contrat succde
un premier sous-contrat, les parties au sous-contrat de second rang sont intgralement
diffrentes des parties au contrat principal. Il ny a en consquence dans cette alternative
aucune partie commune. Pour lauteur, la hirarchie se justifie malgr tout par la
communaut dobjet qui existe entre les conventions concernes. En effet, les diffrentes
conventions subsquentes issues de la diffraction dun premier contrat, tirent toutes leur objet
de celui de la convention initiale dont elles dcoulent 1166.

1164

Ibid., n 495 p. 229.

1165

Ibid., n 486 et s., p. 226 et 227.

1166

Ibid., n 496, p. 230.

247

La hirarchie des normes conventionnelles


457.

vrai dire, mais la chose importe peu, il ne nous semble pas quil sagisse ici dune

vritable exception1167, dautant que lexplication avance, la communaut dobjet, nest pas
de nature justifier quoi que ce soit dans la mesure o elle est prcisment, pour lauteur, une
condition commune toutes les structures hirarchiques1168.

458.

Quoi quil en soit, la condition de communaut de parties souleve par Monsieur

Perrouin ne nous semble pas simposer comme une condition, ou un lment, expliquant, ou
permettant, linstauration dune hirarchie entre deux ou plusieurs conventions. Cette
condition doit tre carte.

2. La ncessit conteste de la communaut de parties.

459.

Sil nous semble que la communaut de parties nest pas une condition de la

hirarchisation de plusieurs conventions, cest quune dmarche pragmatique semble


condamner le constat fait par Monsieur Perrouin (A). Si lon sattarde alors sur le fondement
technique de la suppose condition, force est de constater que, l non plus, rien ne limpose
(B).
A. Lexistence de hirarchies entre conventions sans communaut de parties.

460.

Outre les exceptions dj exposes, les situations que nous avons tudies mettent en

vidence lexistence de structures drogatoires la condition de communaut de parties, sans


tre de surcrot justifies par lexplication avance. Cela peut tre soulign travers lexemple
des conventions conclues par une personne morale (1). Cela aurait galement pu ltre
propos des conventions collectives de travail (2).

1167

Certes, une hirarchie sinstaure entre deux conventions, le contrat principal et le sous-contrat de second
rang, alors que ces deux conventions nont pas de parties en commun. Mais cette hirarchisation nest possible
que du fait de lexistence dune convention intermdiaire, le premier sous-contrat, par le truchement duquel se
forme valablement le sous-contrat de second ordre. Or, ce contrat intermdiaire prsente une partie commune
la convention suprieure. Cette convention contient galement une partie commune avec le dernier sous-contrat.
Ds lors, si lon tudie le rapport entre un acte et lacte directement suprieur, et non la situation dans sa
globalit, la condition dgage par Monsieur Perrouin nous parat tre ici satisfaite. Cela savre dailleurs vrai
pour toutes les hypothses de chanes de contrats, par diffraction , mais galement par addition .
1168

Sur ce point, infra, n 474 et s.

248

Contribution lanalyse normativiste du contrat


1. Les conventions de la personne morale.

461.

Conventions conclues par la socit avec un tiers aux statuts Le cas des

conventions conclues par des personnes morales prsente la singularit, assez paradoxale,
doffrir des illustrations diamtralement opposes du point qui nous intresse ici. Les
conventions conclues par un tel groupement dmontrent quune hirarchie peut sinstaurer
entre deux conventions dont toutes les parties sont identiques, nous lavons vu. Le
fonctionnement de la socit rvle cependant que, bien plus frquemment, une hirarchie
sinstaure entre deux conventions sans que ces actes naient aucune partie commune.

462.

Au quotidien, pour raliser lobjet social qui est le sien, la personne morale contracte.

Elle vend, achte, loue, emprunte, emploie 1169 et le plus souvent, elle le fait avec un
cocontractant autre que lune des parties au pacte social, autrement dit avec des tiers cette
convention. Dans toutes ces hypothses, qui sont loin dtre marginales, les deux conventions
hirarchises, les statuts et lacte contract pour la ralisation de lobjet social, nont pas
dauteurs communs. compter de leur immatriculation pour les socits ou de leur
dclaration pour les associations, ces groupements acquirent la personnalit morale. Cest
donc la personne juridique qui est dsormais lauteur des conventions quelle conclut. La
personnalit morale institue un cran qui interdit de voir les autres sujets de droit vivant ou
travaillant lintrieur de la socit [ou de tout autre groupement] personnalise 1170. Une
hirarchie est en consquence instaure entre deux conventions reliant des parties diffrentes.
463.

Certes, sans doute serait-il possible de soutenir, en dpit de laltrit certaine de la

personne morale lgard de ses fondateurs, que ces derniers sont tout de mme parties la
convention conclue entre la socit et un tiers. Lmergence de la notion de personne morale
ne sest pas faite sans heurts, et lon sait que plusieurs auteurs ont soutenu que ces
groupements ne sont pas plus une personne fictive quune personne relle 1171, mais sont
de simples organisations collectives de la proprit1172, ce qui reviendrait dire quil

1169

P. POTENTIER, Lassociation, personne ou contrat ? Propos daprs congrs , prcit, n 4.

1170

M. COZIAN, A. VIANDIER, F. DEBOISSY, op. cit., n 165 p. 93.

1171

DE VAREILLES-SOMMIRES, Les personnes morales, 1902, cit par L. DUGUIT, Trait de Droit
constitutionnel, Troisime dition, Tome I, op. cit., . 46, p. 504.
1172

M. PLANIOL, Trait lmentaire de droit civil, T. 1, 11me dition, LGDJ, 1928, n 3005 et s., p. 1009.

249

La hirarchie des normes conventionnelles


nexiste pas en elles dautres personnes que les individus associs 1173. Ces thses,
anciennes, pourraient trouver un cho dans certains aspects du droit positif. La conscration
de la socit par actions simplifie a par exemple parfois donn le sentiment que la socit
tait la chose des actionnaires 1174 ; la cration de socits unipersonnelles, dont on a pu
penser quelles ntaient parfois quun leurre 1175 permettant de limiter la responsabilit de
la personne physique, met galement laccent sur la personne des associs. Ces exemples
rendent un peu moins opaque lcran social, tout comme le dveloppement des thories de la
corporate governance qui mettent lassoci au cur de la socit jusqu confondre parfois
son intrt avec lintrt social1176.

Considrer les parties au contrat de socit comme parties aux contrats de la socit
ne nous parat cependant pas tenable. Le droit positif met l'accent sur la personnalit morale
dont est dote la socit, indpendante de ses associs 1177. Lassoci peut bien tre partie
la collectivit organise, cela n'empche pas qu'il reste tiers aux actes conclus par la
personne morale que constitue la socit 1178. En droit positif1179, le principe est certain1180.
Cela nous parat dautant plus sr que si lon imagine sans trop de difficults que lon puisse
concevoir que les deux actionnaires dune petite socit familiale soient considrs comme
parties la convention conclue par la socit, il est en revanche bien difficile de se reprsenter
la mme chose en prsence dune socit cote comptant plusieurs millions dactionnaires. En
1173

G. DE VAREILLES-SOMMIRES, Les personnes morales, op. cit., . 46, p. 504.

1174

D. PORACCHIA, Le rle de lintrt social dans la socit par actions simplifie , Rev. Socits 2000, p.
223, spc. n 25.
1175

H. LE NABASQUE, LEURL ne serait-elle quunleurre , BJS 1993, n 12, p. 1250, qui reprend une
expression que lon doit Monsieur MERLE.
1176

D. SCHMIDT, Les conflits dintrts dans la socit anonyme : Prolgomnes , BJS., 2000, n 1, p. 9,
spc. n4.
1177

P. BEZARD, Face--face entre la notion franaise dintrt social et le gouvernement dentreprise , LPA,
2004, n 31, p. 47 ; en ce sens galement, D. PORACCHIA, prcit, n25, la socit reste distincte des
membres qui la compose .
1178

D. CHOLET, La distinction des parties et des tiers applique aux associs , D. 2004, p. 1141 spc. n 13.

1179

Par exemple, Civ. 3., 8 novembre 2000, qui nonce que les associs d'une SCI ne sont pas
contractuellement lis au crancier de la socit , RTD com., 2001, p. 162, observations M.-H. MONSRIBON.
1180

D. CHOLET, La distinction des parties et des tiers applique aux associs , prcit, n 7 ; v. dailleurs, en
sens inverse , soulignant la distinction entre la socit et les parties en refusant de tenir la socit dun
engagement pris par ses membres fondateurs, Com. 20 fvrier 2007, RTD civ. 2007, p. 562, observations, B.
FAGES.

250

Contribution lanalyse normativiste du contrat


face de socits d'une certaine importance et plus forte raison de socits cotes, l'tre
moral s'impose 1181.

464.

Il ne parat donc pas raisonnable de soutenir que les membres dun groupement de

personnes sont parties aux conventions conclues par ce groupement lorsquil a la personnalit
morale. Dautres hypothses dans lesquelles deux conventions peuvent se hirarchiser
rvlent, de toute manire, une absence de communaut de parties.

2. Les conventions collectives de travail.

465.

Nous lavons dj dit, dans lacception que nous avons retenue de la hirarchie, il

nexiste pas notre sens de rapports de cette nature entre les diffrents niveaux de
conventions et accords collectifs de travail. Pour autant, nous avons galement soulign que
lon avait pu assister rcemment un phmre retour de quelques situations dans lesquelles
une convention collective dcrivait certaines des conditions de validit dautres actes de
mme nature1182. Si les dispositions qui rintroduisaient une relation exceptionnellement
hirarchique entre les conventions et accords de niveaux diffrents ont disparu depuis peu,
elles ne dmontrent pas moins que, l encore, une relation hirarchique pouvait stablir entre
deux conventions qui nunissaient pas ncessairement des parties communes.

466.

Les dispositions cites de la loi du 4 mai 2004 confiaient une convention collective,

de branche ou interprofessionnelle, le soin dopter pour lune des deux modalits de validation
des accords dentreprise prvues par la loi. Cette situation de hirarchie entre deux
conventions dmontre encore quun lien de cette nature peut bien unir deux actes
conventionnels sans quils naient aucune partie commune. Laccord interprofessionnel ou de
branche pouvait tre conclu entre un ou plusieurs syndicats de salaris primus et un syndicat
demployeur secundus, alors que laccord dentreprise tait conclu entre un employeur ntant
pas adhrent au syndicat secundus et un syndicat de salaris autre que primus. Les parties la
convention dentreprise taient donc intgralement diffrentes des parties la convention
suprieure.

1181

P. BEZARD, prcit, p. 47.

1182

Supra, n 320 et s.

251

La hirarchie des normes conventionnelles


467.

Les exceptions, majeures pour certaines dentre elles, releves dans le droit positif ou

rcent, permettent de douter srieusement de la pertinence de la condition de la communaut


de parties. Ce sentiment saffermit si lon revient sur le fondement qui est, pour Monsieur
Perrouin, celui de cet lment de la hirarchisation de deux conventions.

B. Le fondement contestable de la communaut de parties.


La communaut de parties aux conventions hirarchises simposerait en raison de

468.

leffet relatif des conventions. Nous lavons dit, pour lauteur, la communaut de parties cre
un trait dunion entre les deux conventions qui justifie que lon droge ce principe
fondamental du droit des contrats. Largument est imparable lorsque les deux conventions
hirarchises unissent deux ou plusieurs parties identiques. Aucune atteinte leffet relatif des
conventions ne peut videmment tre caractrise lorsquune convention liant deux parties
produit un effet sur un autre acte conventionnel liant les deux mmes auteurs. Lirrgularit
des stipulations dun pacte extra-statutaire en raison dune non conformit aux statuts de la
socit, pas plus que linvalidit dun acte conventionnel entre poux en raison dune atteinte
la convention matrimoniale qui les unit, ne soulvent le moindre dbat propos du principe
voqu.

469.

Pour autant, plusieurs raisons nous conduisent considrer que le principe pos

larticle 1165 ne peut tre invoqu pour expliquer la communaut de parties.

470.

Effets de la convention suprieure lgard des tiers Si largument tir de

labsence datteinte leffet relatif des conventions est imparable en prsence dune
communaut parfaite de parties, il en va diffremment lorsquune seule partie est commune
aux deux actes. vrai dire, dans ce cas de figure, nous saisissons mal en quoi la communaut
de parties permettrait de justifier la hirarchisation de plusieurs conventions.

471.

Si lon considre que la convention hirarchiquement suprieure produit un effet

lgard de la convention hirarchiquement infrieure, et que cet effet est produit en


contradiction avec larticle 1165 du Code civil, la prsence dune partie commune ne nous
semble pas changer grand-chose. En effet, si une convention, qui unit primus et secundus,
produit des effets sur un acte qui unit secundus et tertius, il peut bien y avoir une partie
commune, tertius nen demeure pas moins un tiers la convention unissant primus et
252

Contribution lanalyse normativiste du contrat


secundus. Les dbats relatifs la nature juridique de certaines conventions, qui reposent
justement en partie sur ce point, suffisent attester de ce que la partie la seconde convention
qui nest pas galement partie la premire est bien communment considre comme un
tiers. Ds lors, la convention suprieure produit bien un effet lgard dune personne qui
nest pas partie cet acte. Si lon considre que cet effet est une atteinte leffet relatif des
conventions, la prsence dune partie commune nempche pas quun tiers en soit victime.
Encore faut-il cependant que larticle 1165 soit vritablement atteint ce qui, nous y
reviendrons ultrieurement, est loin dtre acquis1183.

472.

Les conventions hirarchises ne sont donc pas ncessairement relies par leurs

parties. Si beaucoup de conventions unies par un rapport hirarchique ont en commun une ou
plusieurs parties, la situation est de pur fait. Elle nest pas une condition juridique de
ltablissement dun lien de validit entre deux conventions. Des conventions peuvent bien
tre hirarchises alors quelles lient des parties diffrentes. Si le lien entre les conventions ne
tient pas leurs parties respectives, il est en revanche impratif quelles aient un intrt
commun, un point commun.

SECTION II UN INTRT COMMUN 1184.


473.

Deux conventions ayant des contenus totalement diffrents nont aucune raison de se

trouver hirarchises 1185. Pour cette raison, les conventions unies par un lien hirarchique
auraient un objet commun. La pratique permet de confirmer ce sentiment, limmense majorit
des conventions qui entretiennent un rapport hirarchique avec un acte juridique de la mme
nature possde un objet commun avec cet acte (1). Des conventions nayant pas un mme
contenu peuvent cependant, au-del du constat fait par Monsieur Perrouin, se trouver
hirarchises. Dans quelques hypothses, cest un but commun que doivent alors
poursuivre les actes hirarchiss (2).

1183

V. infra n 543 et s.

1184

Sur lintrt commun v. T. HASSLER, lintrt commun , RTD com 1984, p. 581. Prcisons
immdiatement que la prsente notion ne doit pas sentendre au sens que lon peut lui donner habituellement ce
qui explique lutilisation de guillemets. Elle dsigne seulement ici la somme de nos deux paragraphes, lobjet et
le but (notion qui sera elle-mme ultrieurement prcise).
1185

J. PERROUIN, Thse prcite, n 436, p. 211.

253

La hirarchie des normes conventionnelles


1. Une identit dobjet.

474.

La polysmie du terme objet est rgulirement souligne. Le Code civil mentionne

alternativement lobjet du contrat et lobjet de lobligation, il voque galement, sans le


nommer, lobjet de la prestation. Des diffrentes acceptions de ce terme, seules certaines sont
mme dtre un trait dunion entre deux actes (A). La pratique dmontre que lune delles,
lobjet de la prestation, suffit rendre compte du lien cr entre les conventions hirarchises
(B).
A. Diversit de la notion dobjet.

475.

Objet du contrat, de lobligation, de la prestation La premire notion voque,

lobjet du contrat, est presque unanimement condamne par la doctrine qui relve son
caractre incorrect ou imprcis. Le contrat naurait que des effets, des obligations, qui elles
seules auraient un objet1186. Quelques auteurs soutiennent cependant lexistence de la notion
dobjet du contrat quils dsignent alors comme lobjet de lobligation principale ()
autour duquel sorganisent lquilibre et lconomie du contrat 1187, ou comme l'opration
juridique concrte voulue par les parties 1188.
Lobjet peut encore tre celui de lobligation, c'est--dire la prestation que la partie
dbitrice sest engage raliser1189. Cet objet dsigne laspect juridique de lengagement du
dbiteur, donner, faire ou ne pas faire, de manire abstraite. Cest cette acception qui est
parfois retenue lorsquil sagit de classer les obligations selon leur objet1190. Dans la vente,
lobjet de lobligation de lacheteur est alors de payer le prix1191.
Enfin, lobjet peut tre celui de la prestation. Cet objet est sans doute celui qui est vis
larticle 1128 du Code civil, il reprsente la chose ou le service concret objet de la prestation
1186

B. FAGES, Droit des obligations, 2me dition, LGDJ, 2009, n 181, p. 150.

1187

J.-F. OVERSTAKE, Essai de classification des contrats spciaux, (prface J. BRETHE DE LA


GRESSAYE) LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 91, 1969, p. 31.
1188

Cette dfinition est celle retenue par Madame LUCAS-PUGET dans sa thse, op. cit., n 499, p. 279.

1189

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 265, p. 281.

1190

B. FAGES, Droit des obligations, 2me dition, LGDJ, Coll. Manuels, 2009, n 182, p. 150 152.

1191

M. FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, op. cit., p. 355.

254

Contribution lanalyse normativiste du contrat


promise, cest le bien vendre, le bien faire, le fait faire 1192. Le plan sur lequel on se
place est ici plus bas, plus matrialiste 1193.
Il y a donc trois niveaux danalyse de lobjet qui ne sont pas tous de nature pouvoir
relier entre elles les conventions hirarchises.

476.

Dfinition de lobjet commun retenu par Monsieur Perrouin Pour cet auteur,

lobjet de la prestation, de lobligation ou du contrat, ne suffisent pas rendre compte de la


totalit des situations dans lesquelles stablit une hirarchie entre conventions.

477.

Lobjet du contrat, entendu comme lobjet de lobligation principale, est pour lauteur

une notion qui ne peut rendre compte de ce qui unit deux conventions hirarchises puisque
ce terme est trop troit. Cela se vrifierait par exemple dans les relations entre une convention
collective de travail et un contrat de travail. Lobjet de lobligation principale du premier
acte serait de dfinir les conditions de travail applicables aux contrats soumis cet acte.
Lobjet du contrat de travail est lvidence diffrent puisquil cre une relation de travail
entre deux parties. Ds lors, cet auteur peut conclure que lobjet du contrat compris comme
celui de son obligation principale est une notion beaucoup trop restrictive pour permettre de
caractriser dans toutes les hypothses de hirarchie lexigence dune communaut dobjet
() ce qui est vrai pour lobjet de lobligation principale lest a fortiori pour celui de la
prestation qui est une notion encore plus troite que la prcdente 1194. Il propose donc de
retenir comme dfinition de cette notion lopration juridique que les parties cherchent
raliser, c'est--dire toutes les obligations souscrites par les parties , autrement dit, le
contenu du contrat 1195. Dans cette acception l, tous les contrats hirarchiss auraient le
mme objet.

478.

Lobjet commun : lobjet de la prestation Cette ide de contenu du contrat, si elle

a le mrite dtre assez large pour pouvoir y intgrer lensemble des situations hirarchiques
1192

A.-S. LUCAS PUGET, op. cit., n 286, 287, et 288, p. 157 et 158.

1193

F. COLLART-DUTILLEUL, P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 8me dition, Dalloz, Coll.


Prcis, 2007, n 28, p. 31.
1194

J. PERROUIN, Thse prcite, n 446, p. 214.

1195

Ibid., n 432 et 433, p. 210, lexpression contenu du contrat tant emprunte Carbonnier, Droit civil,
Les biens, les obligations, op. cit., n 969, p. 2008.

255

La hirarchie des normes conventionnelles


tudies par lauteur, nous parat avoir les inconvnients de ses avantages, c'est--dire son
caractre parfois imprcis, presque fourre-tout . Dailleurs, le contenu du contrat qui
dsigne lobjet pour Carbonnier, reprsente pour un autre auteur la somme de lobjet et de la
cause dun contrat1196. Au-del de cette premire remarque, il nous semble que lobjet
commun aux conventions hirarchises peut tre dfini de manire plus prcise.

479.

Si la notion de contenu du contrat nous parat tre trop large, celle retenue par

Monsieur Overstake doit juste titre tre carte. Sur ce point, la proposition de lauteur de la
thse sur la hirarchie des conventions en droit priv ne peut souffrir aucune contestation.
Le fait que lobjet de lobligation principale de plusieurs conventions (lune conclue
entre primus et secundus sur un bien immeuble, lautre conclue entre tertius et quartus sur un
bien meuble incorporel) soit objectivement identique ne permet videmment pas de tisser un
lien entre deux conventions. Ce critre, qui est labor par Monsieur Overstake dans la
perspective de classer les contrats spciaux entre eux, ne peut avoir videmment aucun intrt
dans la perspective qui est la ntre. Les raisons qui doivent conduire lcarter ne sont en
revanche nos yeux pas celles retenues par Monsieur Perrouin. Ce nest pas parce que ce
critre est trop troit quil nest pas propre rendre compte de ce qui cre une connexit entre
les actes hirarchiss mais, au contraire, parce quil est marqu par un trop grand degr de
gnralit. Ce critre est un critre objectif.
Il en va encore de la sorte si lon sen tient lobjet de lobligation. Lobjet de
lobligation est alors de donner, faire, ne pas faire ou si lon descend le curseur dun cran,
donner, faire ou ne pas faire une certaine chose envisage de manire gnrale. Le fait que
deux obligations conventionnelles aient pour objet de transporter une personne ne peut suffire
crer un lien entre ces deux obligations. Deux conventions compltement trangres ne
peuvent interfrer entre elles uniquement en raison de lidentit objective de leurs obligations.
Monsieur Nret tire dailleurs la mme conclusion en matire de sous-contrat1197. Deux
1196

A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, op. cit., n 140 et s. p. 107 et s. Lauteur divise un Chapitre
intitul le contenu du contrat en deux sections consacres lobjet puis la cause du contrat ; le flou de la
notion de contenu du contrat tait galement soulign par les auteurs de lavant-projet de rforme du droit
des obligations et de la prescription qui avaient choisi de renoncer cette notion pour cette raison (V. Les propos
de J. HUET de R. CABRILLAC sur les articles 1121 1123 de lavant-projet). Prcisons que la dernire version
connue du projet de la chancellerie dfinit son article 49 le contenu du contrat comme lune des conditions de
validit de cet acte.
1197

J. NERET, op. cit.,, n 132, p. 106 et 107.

256

Contribution lanalyse normativiste du contrat


conventions ne peuvent finalement interagir que dans la mesure o elles portent sur le mme
objet concret, c'est--dire si leurs prestations rciproques portent sur la mme chose concrte,
matrielle. Si ce qui importe est de lordre du concret, la dfinition de lobjet du contrat livre
par Madame Lucas-Puget, dans la continuit des travaux dune partie de la doctrine, serait
mme de constituer un outil utile notre recherche puisquelle sinscrit justement dans cette
dimension1198. En pratique cependant, elle ne parat pas ncessaire puisque lorsque lon
affirme que les conventions hirarchises ont un objet commun, cest de lobjet de la
prestation quil sagit.
B. Identit de lobjet de la prestation.

480.

Dans la grande majorit des structures hirarchiques identifies, lobjet de la prestation

est donc le trait dunion entre les conventions hirarchises. Ces dernires peuvent alors avoir
classiquement pour objet une chose, un service ou tout autre objet.

481.

Identit de la chose La communaut de la chose objet de la prestation est la

situation qui se prsente le plus communment dans les structures que nous avons identifies.
Quelques illustrations permettront de sen convaincre.

482.

Cest dabord le cas des chanes de contrats translatifs de proprit. Ces groupes de

contrats sont unis par une mme chose. Cela se vrifie aussi bien dans les chanes homognes
quhtrognes. Dans toutes ces structures dans lesquelles, nous lavons vu, la validit de
toutes les conventions repose, en dernire analyse, sur le premier acte translatif de proprit,
les conventions sont unies par lidentit de la chose sur laquelle elles portent.
Une correspondance entre lobjet de la prestation de plusieurs conventions
hirarchises est galement prsente dans les structures composes dun avant-contrat de
vente et dune vente. Lobjet de la prestation du contrat de vente est, bien entendu, la chose
vendue. Cest galement cette mme chose qui est lobjet de la prestation dans le pacte de
prfrence ou la promesse unilatrale de vente1199. Dans ce dernier acte, la chose objet de la
1198

A.-S. LUCAS PUGET qui dfinit, rappelons-le, lobjet du contrat comme lopration juridique concrte
voulue par les parties , op. cit., n 499, p. 279.
1199

F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, Le contrat cadre, par del les paradoxes , prcit, p. 189, dans
la promesse de contrat crivent ces auteurs, lobjet de la prestation engendre par la convention initiale et

257

La hirarchie des normes conventionnelles


vente et son prix sont dj dtermins. Cette chose est celle qui sera lobjet de la future vente.
Quant au pacte de prfrence, sil se distingue notamment de la convention prcdente en ce
que le prix nest pas dtermin, lobjet de la prestation, lui, c'est--dire le bien ventuellement
vendu, est dtermin. Cest ce mme bien qui sera lobjet de la vente si elle se ralise.
Les rapports entre les conventions dinalinabilit et les conventions alinant le bien
ainsi immobilis auraient galement pu illustrer une nouvelle fois lidentit dobjet entre deux
conventions hirarchises.
Dans toutes les hypothses exposes, lidentit dobjet peut tre partielle, par
exemple, dans le dernier cas voqu, si une vente ne porte que sur une partie dun bien frapp
dindisponibilit1200. Cette identit partielle dobjet caractrise dailleurs quelques structures
hirarchiques.

483.

Une identit partielle dobjet se manifeste entre les conventions matrimoniales et les

conventions conclues par les poux entre eux ou avec des tiers. La charte patrimoniale de la
famille a pour objet un ensemble de choses, lensemble des biens des poux prsents et
venir. Ds lors, les actes que sont amens conclure ces derniers sur leurs biens ne peuvent
concerner quune partie de ceux-ci, un immeuble dtermin par exemple. Mais ici encore
lobjet de la prestation , autrement dit le bien concret sur lequel portent les deux
conventions est, ne serait-ce quen partie, identique.

Les rapports entre le rglement de coproprit et les actes des copropritaires sur leurs
lots conduisent au mme constat. Lobjet concret sur lequel porte le rglement de coproprit
est limmeuble bti que le rglement organise, autrement dit lensemble des parties privatives
et des parties communes. Ce rglement est hirarchiquement suprieur aux actes conclus par
les copropritaires sur leurs lots, c'est--dire sur une partie seulement de lobjet qui est celui
du rglement. Il en va ncessairement ainsi puisquun acte de lun des copropritaires ne
pourrait porter sur lensemble de limmeuble objet du rglement, qu la condition que tous
les lots soient runis dans ses mains. Or, cette situation entrane de plein droit la disparition

lobjet de la prestation de lautre convention contrat dfinitif sont en tout ou partie identiques .
1200

J. PERROUIN, Thse prcite, en particulier n 436 et s. o lauteur voque plusieurs reprises cette
possibilit.

258

Contribution lanalyse normativiste du contrat


de la coproprit 1201 et donc de la pluralit de conventions indispensable un rapport
hirarchique.

Certaines dispositions des statuts de la socit peuvent dsigner des biens sociaux. Ils
ont alors le mme objet que les actes alinant ces mmes biens. La vente du sige social, dun
fond de commerce ou dun immeuble mentionn dans les statuts sont autant dactes qui
portent partiellement sur le mme objet que ces statuts. Lobjet au sens de lobjet de la
prestation peut encore tre identique, bien que les illustrations soient moins nombreuses, si la
prestation consiste en une prestation de service.

484.

Identit de prestation de service Lexemple type de la structure hirarchique dans

laquelle les conventions en rapport ont pour objet commun un service est vraisemblablement
le sous-contrat (cette convention aurait dailleurs pu trouver sa place, dans les cas o elle
porte sur une chose, dans les dveloppements qui prcdent). Un contrat dentreprise qui porte
sur la ralisation dun certain ouvrage peut parfaitement faire lobjet dune sous-traitance qui
portera sur tout ou partie de cet ouvrage. Lobjet de la prestation est, dans cette structure,
intgralement ou partiellement commun aux conventions hirarchises. Cette communaut
dobjet, entendue comme lobjet de la prestation, est dailleurs lun des critres permettant
didentifier le sous-contrat1202.
Cette communaut dobjet se retrouve nouveau dans la situation dans laquelle le
contrat conclu en second rang na pas la mme nature juridique que la convention
hirarchiquement suprieure, c'est--dire si la structure forme nest pas un sous-contrat1203. Il
en est ainsi lorsquun commissionnaire de transport sous-traite une partie du transport un
transporteur. Le service concret sur lequel portent les deux conventions, le dplacement dun
bien dun point A un point B, est intgralement ou partiellement identique. Le mandat et la
convention forme en son application illustrent encore cette communaut dobjet.

485.
1201

Autres objets limage des contrats spciaux qui dpassent lopposition entre les

Civ. 3, 4 juillet 2007, AJDI, 2008, p. 488, note P. CAPOULADE.

1202

V. Sur ce point J. NERET, op. cit., n 132, p. 106 et 107. Lauteur souligne lidentit dobjet entre le contrat
principal et le sous-contrat, qui doit dailleurs tre double, lidentit de lobjet de la prestation sajoute
lidentit de lobjet du contrat, n 126 132, p. 102 107.
1203

Sur ce point v. Ibid., n 129 131, p. 102 106.

259

La hirarchie des normes conventionnelles


conventions portant sur des biens et celles portant sur des services, les objets reliant entre elles
les conventions hirarchises dpassent galement cette opposition.

486.

Dans les rapports entre les statuts et les conventions conclues entre les associs, les

objets communs peuvent tre nombreux et varis. Nous nen donnerons quun exemple. Les
stipulations disciplinaires, comportements prohibs, procdures et sanctions disciplinaires
peuvent tre lobjet des statuts comme de conventions extrieures. Cest dailleurs parce que
les deux conventions auront un objet commun, et parce quelles peuvent de ce fait se
contredire, que la hirarchie entre ces actes sera instaure.

487.

Dans la majorit des structures hirarchiques conventionnelles tudies, les

conventions sont lies par lobjet de la prestation sur laquelle elles portent, toutes ont pour
objet la mme chose concrte. Quelques rares relations hirarchiques ne correspondent
cependant pas au schma dcrit.

488.

Absence didentit dobjet entre les statuts et les conventions de la socit

contractante pour la ralisation de son objet Quelle que soit la notion dobjet que lon
retienne, les statuts dune personne morale nont notre sens pas le mme objet que les
conventions conclues au quotidien par cette personne pour la ralisation de lobjet qui lui est
assign. Raisonnons pour sen convaincre sur lexemple suivant, la conclusion par une
association daide la cration dentreprise dun contrat de vente par lequel cette association
acquiert du matriel informatique.

489.

Il nous semble demble difficile de retenir que lobjet commun aux deux conventions

est lobjet du contrat au sens que donne de cette notion Monsieur Overstake. Lobligation
principale du contrat dassociation est sans doute la mise en commun de connaissances ou
dactivits dans un but autre que le partage de bnfices 1204. Il nest pas besoin daller plus
loin pour se rendre compte que cet objet nest pas celui de lobligation principale du contrat
de vente.
Si lon saisit lobjet tel que le dfinit Madame Lucas-Puget comme l'opration
juridique concrte voulue par les parties , et que lon admet avec cet auteur que lobjet du

1204

A.-S. MESCHERIAKOFF, M. FRANGI, M. KDHIR, prcit, n 71, p. 119.

260

Contribution lanalyse normativiste du contrat


contrat dassociation est la poursuite de lobjet statutaire1205, force est encore dadmettre que,
l non plus, rien ne relie cet objet au contrat de vente du matriel informatique.
La chose est identique si lon retient de lobjet du contrat la dfinition donne par
Monsieur Perrouin1206, c'est--dire le contenu du contrat. Il est sans doute inutile den faire la
dmonstration.

490.

Lobjet nest donc pas un critre permettant de rendre compte de ce qui unit les statuts

dun groupement avec les conventions conclues par ce groupement au quotidien. Si lobjet de
ces conventions nest pas le mme, le but poursuivi lest en revanche.

2. Une identit de but .

491.

La notion de but nest trs probablement pas la plus claire et la plus rigoureuse qui

soit. Elle voque immdiatement la cause1207, mais peut galement dsigner parfois lobjet,
notamment lobjet du contrat1208. Le choix de ce terme quelque peu ambivalent est fait
dessein, il rend merveilleusement compte de ce qui relie les deux conventions hirarchises,
dans la mesure o la cause de la convention conclue par la socit participe la ralisation de
lobjet du contrat instituant une personne morale.

492.

Si nous avons t conduits carter lobjet du contrat dans le paragraphe prcdent,

parce quil ntait pas ncessaire dy recourir, cest non sans avoir prcis quil tait, du fait
de sa concrtude , exploitable dans la perspective qui est la ntre. Si lon rapporte ce
concept concret lassociation ou la socit, et que lon cherche alors le but concret voulu
par les parties, ce dernier est sans aucun doute la ralisation de lobjet statutaire (ou de lobjet
1205

A.-S. LUCAS PUGET, op. cit. n 422 p. 230 et 231, et les dveloppements qui prcdent relatifs la socit.

1206

Monsieur Perrouin, qui envisage essentiellement les rapports hirarchiques dans le cadre de la socit
lgard de la question des pactes entre actionnaires, voque cependant trs brivement cette hypothse et retient
que les statuts simposent aussi toutes les conventions que la socit, personne morale, devra passer avec
des tiers pour les besoins de son activit et pendant toute la dure de son existence , Thse prcite, n 32, p.
29. Lexception que nous relevons ne tient donc pas la diffrence des dfinitions de la hirarchie retenues.
1207

V. par exemple, B. TEYSSIE, op. cit. n 62, p. 33, o lauteur oppose les groupes de contrats ayant une
identit dobjet ceux participant la ralisation dun but commun ; cette opposition reflte pour lauteur celle
entre lobjet et la cause, entre les chanes de contrats et les ensembles contractuels ; F. TERRE, P. SIMLER, Y.
LEQUETTE, op. cit., n 332, p. 352 Le mot cause vise () le but que les parties poursuivent .
1208

A.-S. LUCAS PUGET, op. cit. entre autres, n 318, p. 174.

261

La hirarchie des normes conventionnelles


social).
Rapport notre exemple lobjet de lassociation est dapporter de laide aux
personnes crant une entreprise. Cet objet nest bien videmment pas celui du contrat de vente
conclu par la socit avec un tiers (pas plus que lobjet de la prestation ou de lobligation de
ce contrat). En revanche, ce contrat de vente poursuit le mme but. Sa cause est la ralisation
de lobjet social.
L encore, le trait dunion entre deux conventions hirarchises suppose de mener une
analyse concrte de la situation. La cause de lobligation, ou cause abstraite, qui est identique
pour tous les contrats dun mme type1209, ne peut donc pas nous tre utile. Cest bien la cause
subjective1210 qui relie le contrat de vente aux statuts de lassociation. Le matriel
informatique est acquis, par exemple, dans le but de traiter de manire plus efficace les
dossiers des entrepreneurs et donc daider au mieux ces derniers dans leur dmarche de
cration dentreprise. Cette convention participe la ralisation de lobjet statutaire. Cest la
ralisation de cet objet qui est la cause concrte du contrat de vente. Ce lien est dailleurs
indispensable la validit de la convention infrieure. dfaut, lacte conclu dans un autre
but encourt la nullit1211.

493.

Les conventions hirarchises ont donc un intrt commun . Cet intrt commun se

traduit par une communaut dobjet, entendu comme lobjet de la prestation, ou par la
communaut de but concret poursuivi par les diffrents actes. Le trait dunion entre les
conventions hirarchises est ainsi suffisamment tabli.

*
*

1209

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, prcit, n 333, p. 353.

1210

Sur lopposition entre la cause objective et la cause subjective, v. J. GHESTIN, Cause de lengagement et
validit du contrat, LGDJ, 2006, 129, p. 90.
1211

Cest le cas que nous avons cit des garanties consenties par le dirigeant dune socit un associ qui, parce
quelles dpassent lobjet social, seront invalides supra, n 189 et s.

262

Contribution lanalyse normativiste du contrat


494.

Conclusion du chapitre second La communaut de parties nest donc pas, en dpit

des affirmations contraires, une condition pralable la hirarchisation de plusieurs


conventions. Elle nest quune circonstance fortuite, frquente, non un lment commun
toutes les situations hirarchiques. En pratique, lhypothse des conventions conclues par une
personne morale avec un tiers, rvle la prsence de hirarchies entre conventions en dpit de
la diffrence totale de parties aux deux actes hirarchiss. Le principe de leffet relatif, avanc
pour justifier lexigence dune communaut au moins partielle de parties, ne peut dailleurs
justifier cette condition. Dabord, la communaut de parties, lorsquelle nest que partielle,
nempche pas que la convention suprieure produise un effet sur une personne qui est un
tiers cette convention. Ensuite, rien nindique a priori que la hirarchisation de deux
conventions porte atteinte leffet relatif des conventions. Il nest donc pas ncessaire
dexiger que les conventions hirarchises soient unies par une partie commune.

495.

dfaut de communaut de parties, les conventions lies par un lien de validit ont

toutes un intrt commun.

496.

Cet intrt se traduit le plus souvent par la prsence dun objet, entendu comme lobjet

de la prestation, commun aux conventions hirarchises. Plus rarement, cest une identit du
but concret poursuivi par les conventions hirarchises qui relie ces actes. Lobjet dune
convention, entendu comme lobjet du contrat, est alors la cause subjective de lautre
convention.

*
*

263

La hirarchie des normes conventionnelles


497.

Conclusion du titre premier Une hirarchie ne peut donc sinstaurer quen la

prsence de certaines conditions pralables : une pluralit de normes conventionnelles, un lien


entre ces conventions.
Le premier lment pralable dune hirarchie conventionnelle est donc la pluralit de
normes conventionnelles.
Ce point appelait dimportantes remarques. Contrairement ce que pouvait laisser
imaginer un certain nombre dlments, et notamment la distinction entre deux catgories de
conventions (celles la nature simple et celles la nature juridique complexe rglementaire
ou institutionnelle), la place respective de chaque convention dans une hirarchie est
indiffrente. Autrement dit, la nature juridique rpute pluri-dimensionnelle dune convention
ne fait pas obstacle ce que sa validit soit conditionne au respect dune convention la
nature juridique simple . Ce constat, qui se marie difficilement avec lanalyse classique de
la place de la convention dans lordre juridique, et en particulier avec la diffrence de
traitement entre les conventions simples et les conventions complexes , sexplique
nos yeux par lunit de la notion de convention. Il nexiste sans doute pas en droit positif de
conventions pluri-dimensionnelles. Cette position, qui mergeait dans les dbats relatifs
plusieurs des actes concerns peut sans mal tre gnralise, dautant quelle est
indniablement soutenue par le constat de lexistence de rapports hirarchiques entre
conventions. Nier le dualisme de la nature juridique de certains actes permet en effet de
justifier un constat qui serait incompatible avec lanalyse dominante. Cette position permet
galement, en affirmant la nature contractuelle de la socit, du rglement de coproprit ou
des conventions matrimoniales, de conforter lampleur du phnomne que nous avons dcrit
dans notre premire partie (qui aurait pu tre amoindri si lon avait pris le parti de considrer
que plusieurs des structures hirarchiques exposes reposaient sur un acte dont la nature
contractuelle tait douteuse). La pluralit de conventions suffit donc, sur ce point, permettre
lmergence dune hirarchie conventionnelle. La nature juridique des conventions
hirarchises est indiffrente.

En prsence de normes conventionnelles, il reste tablir, pour voir poindre une


hirarchie entre conventions, une pluralit dactes.
La pluralit de conventions, suppose, outre lexistence de plusieurs actes qui peut ne
pas tre vidente caractriser, leur coexistence. Tel est le cas, mme si la chose a pu tre
conteste, dans une chane de ventes. La vente excute ne steint pas pour autant, son
264

Contribution lanalyse normativiste du contrat


existence est mme tout au contraire la condition de la persistance du droit de proprit des
acqureurs successifs. Mais laccent mis sur la pluralit de conventions a surtout permis de
relever que le rapport entre plusieurs actes ne doit pas ncessairement tre direct. Une
convention peut en effet dfinir les conditions de validit dune autre avec laquelle elle nest
relie que par le truchement dun autre acte de mme nature ou par le biais (en matire de
socit ou de coproprit par exemple) dun acte juridique unilatral. Le rapport de
hirarchisation peut donc tre indirect et sloigne parfois singulirement des hypothses de
relations linaires que nous avons dcrites initialement. Ce constat rvle lampleur et
limportance concrte des hirarchies conventionnelles (et mme plus largement, dorigine
conventionnelle). Il souligne aussi limportant rle conditionnant ou fondateur du
contrat qui est alors bien loin doccuper le rez-de-chausse de ldifice normatif.

En prsence de plusieurs normes conventionnelles, un lien doit enfin tre tabli entre
les diffrents actes pour que la loi ait une raison dtablir une relation de nature hirarchique.
Ce lien se traduit par lexistence dun intrt commun. Dans la majorit des cas, cet intrt
rside dans une identit dobjet de la prestation entre les conventions hirarchises. Plus
rarement, cest un but commun qui unit les actes hirarchiss. Concrtement, ce cas de figure
recouvre lhypothse dans laquelle une personne morale contracte avec un tiers pour la
ralisation de son objet social. Lobjet du contrat, c'est--dire la ralisation de lobjet
statutaire, est alors identique la cause finale du contrat conclu par la personne morale.
En revanche, et bien que linverse ait pu tre soutenu, la hirarchisation de deux
conventions ne suppose pas quelles soient relies par une ou plusieurs parties communes.
Cette communaut de parties, mme si elle est en pratique trs frquente, ne simpose pas
comme une condition de linstauration dun rapport hirarchique entre deux conventions. La
pratique dmontre que des conventions nayant aucune partie commune entretiennent des
relations hirarchiques (cest lexemple des conventions de la socit contractante lgard
des statuts). Largument invoqu pour justifier cette condition, leffet relatif des conventions,
ne limpose dailleurs pas. La prsence dune partie commune ne prserve en rien dune
ventuelle atteinte larticle 1165.

498.

Plusieurs normes conventionnelles ayant un intrt commun peuvent donc

potentiellement entretenir des relations de validit. Toutes les conventions qui ont un objet ou
un but commun ne sont cependant pas aptes se hirarchiser. Encore faut-il que les lments
qui sont constitutifs de la nature hirarchique du lien soient runis.
265

La hirarchie des normes conventionnelles

TITRE

SECOND

LES

LMENTS CONSTITUTIFS DU

LIEN HIRARCHIQUE.
499.

Dfinition dune condition de validit La premire partie de notre travail a mis en

vidence une pluralit dhypothses dans lesquelles une convention ntait pas frappe
dinvalidit de manire systmatique lorsquelle portait atteinte aux stipulations dune autre
convention1212. Il serait tentant, dans le cadre de lidentification des lments gnrateurs du
lien hirarchique, dessayer didentifier le ou les critres qui expliquent de manire gnrale
pourquoi linvalidit dun acte est une sanction gomtrie variable et de dterminer ainsi
les raisons pour lesquelles un rapport de validit nexiste que dans certaines circonstances
prcises. Cette observation pose une premire question : pourquoi, dans certaines structures
hirarchiques, linvalidit nest-elle pas prononce de manire systmatique ?

500.

Ltude de quelques structures dans lesquelles deux conventions sont troitement

lies, permet de constater que certains rapports conventionnels ne sont jamais hirarchiss. La
violation dune clause de non-concurrence dans un contrat de travail ne conduit jamais
lannulation de la convention liant le salari dbiteur de cette clause son nouvel employeur.
Le plus souvent, la sanction consiste en des dommages-intrts voire lexcution force et
la rsiliation du nouveau contrat de travail1213. Jamais, linvalidit de lacte nest prononce.
Dans les rapports entre conventions collectives et contrats de travail, les clauses de ces
derniers, contraires celles de la convention collective, sont ipso jure remplaces par les
clauses de lacte collectif. Il est [cependant] de tradition dcarter la nullit stricto sensu des
clauses du contrat individuel 1214. La convention collective se substitue de manire
provisoire au contrat de travail qui est appel sappliquer de nouveau si lacte collectif cesse

1212

Tel est le cas en matire de socits. Le dpassement de lobjet social nest atteint dune telle sanction que
dans les socits risque illimit. Tel est encore le cas en matire de pacte de prfrence. La nullit de la vente
conclue en violation de lavant-contrat nest encourue qu la condition que soit dmontre la connaissance par
le tiers de lexistence de la prfrence conventionnelle et de lintention du bnficiaire de sen prvaloir.
1213

Pour un inventaire des sanctions, cf., G. BLANC-JOUVAN, J.-Cl. Travail, Trait, v Clause de nonconcurrence, Fasc. 18-25, n 166 et s.
1214

J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, op. cit., 24me dition, n 1074, p. 1337 ; Le principe sinverse
cependant si la convention collective prvoit que la violation de lune de ses stipulations devra tre sanctionne
par la nullit. La charte du football professionnel (qui vaut convention collective ) prvoit par exemple ses
articles 254 et 255 une procdure dhomologation des contrats de travail dont le non-respect entraine la nullit
des contrats non-homologus (article 256).

266

Contribution lanalyse normativiste du contrat


dtre applicable1215. La chose est galement vraie, en principe, nous lavons dtaille, en
matire de conventions collectives de travail. Une seconde question se pose alors : pourquoi
la violation dune convention par une autre nentrane-t-elle, dans certaines situations,
jamais linvalidit de la seconde convention ?

501.

Nous devons avouer avoir longtemps cherch apporter ces questions une rponse

qui nous parat, aujourdhui, vidente. Si la violation de certains lments entrane linvalidit
dun acte juridique, cest parce que le lgislateur (ou le juge) a rig cet lment en condition
de validit. Il ne peut y avoir un lien de validit entre deux conventions que lorsque lune des
conventions dfinit un lment qui est considr par le Droit comme une condition de validit
de lacte juridique subordonn. Nous en avons conscience, apporter cette prcision revient
rpondre la question par la question elle-mme, ce qui peut sembler totalement dpourvu
d'intrt 1216 et flirte avec le truisme. La question pourrait avoir un intrt la condition
quelle soit approfondie. Il sagirait alors de rpondre une nouvelle interrogation : pourquoi
la loi (ou le juge) rige-t-elle un lment donn en condition de validit dune convention ?
Pourquoi le tiers acqureur dun bien objet dun pacte de prfrence doit-il tre de bonne foi ?
Pourquoi le vendeur doit-il tre propritaire de la chose vendue ? Pourquoi la modification de
lobjet social est-elle opposable aux tiers dans certaines formes sociales seulement ? nos
yeux, il ny a aucun autre lment commun de rponse ces questions que le grand
pragmatisme qui prside lrection dun lment en condition de validit1217. Aucun
lment, ou presque1218, nest par nature une condition de validit dun acte juridique
conventionnel. Ce sont des conditions dopportunit, de justice, de scurit juridique,
autrement dit de politique juridique, qui dictent au lgislateur, ou au juge, ce qui doit tre ou
non considr comme une condition de validit1219. La chose est particulirement vraie de nos
1215

J. PELISSIER, A. JEAMMAUD, A. SUPIOT, op. cit., n 1075, p. 1338.

1216

J. GHESTIN, Nouvelles propositions sur un renouvellement de la distinction entre les parties et les tiers ,
prcit, n 1.
1217

En ce sens et sur ce point, v., M. MEKKI, Nullit et validit en droit des contrats : un exemple de pense
par les contraires , prcit.
1218

En matire contractuelle, nous nidentifions pas un lment dont il soit acquis pour chacun quil soit par
nature une condition de validit du contrat. Mme le consentement nest pas unanimement considr comme un
lment indispensable la formation du contrat. V. Sur ce point la thse de Monsieur G. ROUHETTE dj cite.
1219

M. MEKKI, article prcit, p. 679 et 680 Il demeure difficile de savoir pourquoi et comment, un moment
donn et dans des circonstances donnes, les acteurs du droit concerns - juges et autorits diverses - dcident
de prononcer la nullit d'un contrat ; Ce pragmatisme se retrouve dailleurs dautres gards. Pour souligner
le rle du juge en matire dannulation du contrat, Monsieur O. GOUT par exemple relve que lopposition entre

267

La hirarchie des normes conventionnelles


jours1220. Il suffirait dailleurs pour sen assurer de relever que nombre des conditions de
validit dactes juridiques ont un caractre relatif dans le temps1221. Dterminer ce qui prside
lrection de tel ou tel lment en condition de validit dune convention savrerait sans
doute trs complexe. La difficult de la tche ne peut cependant justifier que lon fasse le
choix de lcarter. Une autre considration nous conduit en revanche mettre cette question
lcart. Identifier les considrations concrtes qui conduisent riger tel ou tel lment en
condition de validit dun acte juridique ne nous apprendrait rien sur laptitude de deux
conventions se hirarchiser. Identifier la raison qui justifie que lon ne frappe pas de nullit
ou dinopposabilit le contrat de travail conclu en violation dune clause de non-concurrence
ne prsente aucun intrt spcifique dans le cadre de notre dmarche. Pour cette raison, il ne
nous revient pas de rpondre aux deux questions poses. Dautres conditions ont en revanche
un intrt spcifique dans la perspective qui nous anime, nous les tudierons aprs avoir
apport une ultime prcision.

502.

Catgories de conditions de validit Laffirmation prcdente ne fait pas obstacle

ce que lon puisse rapidement identifier quelques catgories de conditions de validit . Il


nous semble que dans presque toutes les hypothses de rapports hirarchiques, linfluence de
la convention suprieure lgard de la convention infrieure sexerce sur deux catgories de
conditions1222 : la titularit des droits et/ou le pouvoir daccomplir un acte conventionnel1223.

503.

Titularit des droits Le fait que la convention suprieure dfinisse le titulaire de

certains droits est assez vident dans certaines conventions. Toutes les conventions

la nullit relative et absolue, si elle ne doit pas tre forcment condamne, ne saurait tre conue comme un
modle intangible, les contingences du milieu (le terme est emprunt R. JAPIOT, op. cit., p. 13), auront
toujours leur mot dire crit lauteur v. Le juge et lannulation du contrat, op. cit., n 338, p. 226.
1220

Comme la crit Madame FABRE-MAGNAN qui relve que de plus en plus de dispositions lgislatives ou
jurisprudentielles semblent dictes par des considrations concrtes et la doctrine peine alors justifier dun
point de vue thorique et rationnel, des solutions qui ont t adoptes pour des raisons dopportunit pratique et
de circonstances despces , Introduction , in, La relativit du contrat, Travaux de l'association
Henri Capitant, Tome IV, 1999, LGDJ, 2000, p. 2.
1221

En droit du travail par exemple, ce nest que rcemment que la jurisprudence a exig lexistence dune
contrepartie sous peine de nullit de la clause de non-concurrence v. Soc. 10 juillet 2002, D. 2002, p. 2491, Note
Y. SERRA.
1222

Mais la liste nest pas ncessairement exhaustive.

1223

Considrant le pouvoir comme une condition de validit des conventions, v. P. MALINVAUD, D.


FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit, n 91 et s., p. 74 et s., en particulier, n 102 111 p. 82 89 ; v.
encore lavant-projet de rforme du droit des obligations et de la prescription, article 1108 et articles 1119 et s.

268

Contribution lanalyse normativiste du contrat


translatives de proprit que nous avons voques ont bien videmment cet effet. Mais tel est
galement le cas de la convention matrimoniale qui, en rpartissant les biens des poux dans
les diffrentes masses, dtermine la titularit des droits de chacun des poux sur ces biens. Tel
est encore le cas du rglement de coproprit qui en dfinissant les parties privatives ou
communes dtermine, comme nous lavons vu, le titulaire du droit de proprit sur la partie
concerne. Tel est encore le cas, mme si la chose est peut tre moins vidente, lorsque la
charte de la coproprit prohibe un usage dtermin dun lot. Cest sur le fondement de
ladage nemo plus juris1224 que doctrine et jurisprudence condamnent les conventions
conclues en violation des restrictions poses par la charte de la coproprit1225. Cest encore
cet adage qui fonde, comme le relevait Monsieur Neret, linfriorit hirarchique du souscontrat lgard du contrat principal1226. Sans doute les conventions dindisponibilit peuvent
faire lobjet de la mme analyse. Par cet acte, cest bien nous semble-t-il la titularit des droits
du propritaire qui est atteinte. La proprit est comme lcrit un auteur ampute 1227 par
lindisponibilit conventionnelle. La clause tudie peut tre conue comme un
dmembrement du droit de proprit1228 en consquence duquel le propritaire est priv du
jus abutendi1229. Enfin, en matire davant-contrats, et plus particulirement en matire de
promesse unilatrale, une analyse dans les mmes termes nest sans doute pas impossible
tenir. Celui qui a consenti une promesse de vente[] perd positivement, le droit de vendre
autrui la chose dj promise [] Sil le fait, il dispose en ralit de ce quil na plus 1230/1231.

504.
1224

Attribution dun pouvoir de contracter La supriorit hirarchique de la

H. ROLAND, L. BOYER, Adages du droit franais, 4me dition, Litec, n 259, p. 506.

1225

Civ. 3, 18 novembre 1992, prcit, dans lequel la Haute juridiction nonce quun locataire ne peut
prtendre avoir plus de droits que son propritaire .
1226

J. NERET, op. cit., n 177, p. 143.

1227

R. MARTY, De lindisponibilit conventionnelle des biens , prcit, n 4, p. 6.

1228

J.-L. BERGEL, M. BRUSCHI, S. CIMAMONTI, op. cit., n 87, p. 101.

1229

R.-N. SCHTZ, Rp. Civ. Dalloz, V- Inalinabilit, n 83. Cest ce quadmet la majorit de la doctrine
contemporaine. Quelques auteurs analysent cependant cette clause comme une obligation de ne pas faire dont la
violation est sanctionne par la nullit sur le fondement de larticle 1143 du Code civil. V. en ce sens, F.
ZENATI-CASTAING, T. REVET, n 36, p. 78 et R. MARTY, prcit, n 14.
1230

En ce sens, v. galement, B. STARCK, Des conventions conclues en violation des droits contractuels
dautrui , prcit, n 47.
1231

propos du pacte de prfrence, v. Civ. 3, 4 mars 1971, Bull. civ. III, n 164, p. 120, D. 1971, juris., p. 358,
note E. FRANK, qui nonce que le pacte de prfrence est une restriction au droit de disposer. Mme si la
solution a t abandonne. v. Civ. 3, 16 mars 1994, D. 1994, p. 486, note A. FOURNIER.

269

La hirarchie des normes conventionnelles


convention suprieure peut galement se manifester par lattribution dune aptitude agir
valablement dans un intrt au moins partiellement distinct du sien 1232, autrement dit dun
pouvoir. Ce pouvoir peut tre, classiquement, de reprsentation. Le mandat bien entendu,
comme les statuts de la socit, attribuent un pouvoir de cette nature au mandataire et au
dirigeant de la personne morale. En matire de conventions collectives, les deux hypothses
dgages attribuaient un pouvoir de reprsentation (des salaris) pour conclure (ou sopposer
la conclusion) dune convention ou accord collectif dentreprise. Enfin, mme si lon rduit
parfois le pouvoir lhypothse de la reprsentation1233, il peut galement tre dune autre
nature1234. Tel est le cas du pouvoir dont disposent les poux dengager les biens de la
communaut voire, dans quelques cas de figure, les biens propres de leur conjoint1235.

505.

Les quelques prcisions qui prcdent ne sont que descriptives. Nous ne prtendons

pas que toutes les hypothses dans lesquelles un lien de validit voit le jour entre plusieurs
conventions se rduisent ncessairement aux deux catgories cites. Le pouvoir nest pas
toujours une condition de validit dun acte juridique. Quant la titularit des droits, elle nest
pas non plus systmatiquement une condition de validit dun acte translatif1236. En outre, le
choix driger un lment en condition de validit tant un choix pragmatique, il ne peut pas
se rsumer de manire rigide ces hypothses. Toutes les prcisions prcdentes tant
apportes, reste prciser la condition qui nous apparat indispensable linstauration dun
lien de nature hirarchique entre conventions.

506.

Quand bien mme la convention suprieure aurait pour objet, ou pour effet,

dinfluencer la constitution dun lment dfini par le Droit comme un lment de validit
dun acte conventionnel, cet lment ne peut tre considr comme une condition de validit
que dans la mesure o il est pos de manire imprative.

1232

La dfinition est emprunte Monsieur E. GAILLARD, Le pouvoir de droit priv, Economica, Coll. Droit
civil, 1985, n 75, p. 53 ; dans une perspective diffrente et donnant une dfinition diffrente, v. P. LOKIEC,
Contrat et pouvoir : essai sur les transformations du droit priv des rapports contractuels, (prface A. LYONCAEN), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 408, 2004. Lauteur dfinit le pouvoir comme la
facult dimposer sa volont autrui .
1233

V. Dailleurs E. GAILLARD Ibid., qui dans lintroduction de sa thse relve cette assimilation, n 5, p. 10.

1234

Ibid., n 333 et s., p. 223.

1235

Sur ces points v. supra, n 223 et s.

1236

V. sur ce point notamment, la thse de Madame I. TOSI, op. cit.

270

Contribution lanalyse normativiste du contrat


507.

Imprativit1237 des conditions de validit Lune des conditions de validit dun

acte juridique peut-elle tre suppltive ? La question a de quoi surprendre. Instinctivement,


une rponse ngative semble simposer puisque linvalidit de lacte contraire aux
dispositions dune rgle de Droit est souvent le signe distinctif de limpratif et du suppltif.
Cest parce que la loi indique notamment que ses dispositions simposent peine de
nullit 1238 ou que toute convention contraire est nulle 1239, que lon pourra dterminer si
ces dispositions sont ou non impratives. La traduction du dbat en termes de hirarchie
accrdite les propos qui prcdent. La supriorit hirarchique dune disposition sur une autre
suppose limprativit de la norme occupant le rang le plus lev, autrement dit que cette
norme ne puisse tre valablement carte par une convention1240 (ou une manifestation de
volont1241) contraire. Le contrat, par exemple, que lon prsente volontiers comme tant
infrieur la loi nest en ralit, comme le relve incidemment un auteur, hirarchiquement
infrieur quaux dispositions impratives de la loi1242. Le contrat ne peut dans la mme
logique tre suprieur une autre convention qu la condition que cet acte ne puisse lui
droger.
1237

Sur la notion dimprativit et sur son caractre polysmique v. C. GROULIER, L'impratif dans la
jurisprudence Duvignres : rflexion sur un ssame contentieux , RFDA, 2008, p. 941 et s. ; v. galement la
thse de Monsieur R. CAPITANT, op. cit., en particulier lopposition entre les rgles impratives et suppltives,
p. 69 et s.
1238

B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Introduction au droit, op. cit., n 455.

1239

J.-P. GRIDEL, Notions fondamentales de Droit et Droit franais, 2me dition, Dalloz, 1994, p. 344 ; v.
encore, implicitement, G. CORNU, Introduction au droit, op. cit., n 338, p. 186, qui crit que lorsque la
question se pose, il y va de la validit du contrat litigieux ; F. PETIT, J.-C. MASCLET, Introduction
gnrale au droit, op. cit., p. 53.
1240

P. MALINVAUD, Introduction ltude du droit, op. cit., n 41, p. 35.

1241

J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Introduction gnrale, op. cit., n 321, p. 297 il


nous semble en effet que (mme si cest cette hypothse qui retient particulirement notre attention ici compte
tenu de lobjet de notre recherche) une disposition suppltive peut tre carte par une manifestation de volont
qui ne soit pas conventionnelle. Tel est par exemple le cas dune assemble gnrale des copropritaires qui par
une modification du rglement choisirait de se runir non, comme y invite la loi, dans la commune du lieu de
situation de limmeuble, mais dans une autre commune. Lviction de la loi suppltive est dans ce cas de figure
la consquence dun acte juridique unilatral et non dune convention. De manire gnrale, Monsieur C.
GROULIER dfinit limpratif dans lacception retenue comme ce qui est non suppltif, c'est--dire, les
normes dont les prescriptions [ne] peuvent [pas] tre cartes par leurs destinataires au profit d'autres
dispositions qu'ils dfinissent eux-mmes , prcit, p. 942.
1242

En ce sens, R. ENCINAS DE MUNAGORRI, Kelsen et la thorie gnrale du contrat , in, Actualit de


Kelsen en France, LGDJ, 2001, n 2, p. 109, qui crit que, le contrat est un acte juridique infrieur la loi, du
moins, ses dispositions impratives v. galement, H. KELSEN, Thorie pure du droit, op. cit., p. 254, note de
pas de page n 33. Le traducteur crit, le mot Rechtsgeschft () couvre les actes juridiques faits par les
particuliers() dont la premire caractristique est dtre dun rang infrieur aux actes lgislatifs (du moins,
leurs dispositions impratives) ; rapprocher de la thse selon laquelle la rgle suppltive se situe au dernier
chelon de la normativit, C. PERES-DOURDOU, La rgle suppltive, (prface G. VINEY), LGDJ, Coll.
Bibliothque de droit priv, Tome 421, 2004, n 114 130 p. 107 122, spc. n 128 130.

271

La hirarchie des normes conventionnelles


508.

Les hypothses dans lesquelles un contrat peut dterminer les conditions de validit

dun autre acte de mme nature se trouvent invitablement rduites par laffirmation qui
prcde. Certes, quelques conventions sont dans une certaine mesure hors de porte des
parties. Elles sont, en quelque sorte, frappes dune immutabilit qui autorise penser quelles
puissent se comporter lgard dune autre convention comme une norme constitutionnelle se
comporte lgard de la loi (CHAPITRE PREMIER). En revanche, si lon excepte ce cas de
figure, le pouvoir de changer leur lien contractuel que les parties tiennent du Code civil
semble, a priori, faire obstacle la mise en ordre hirarchique de deux conventions liant les
mmes parties. Lassertion, qui doit encore tre vrifie, conduit alors admettre que
lexistence dun lien hirarchique est conditionne la prsence dun tiers la convention
infrieure, puisque ce qui caractrise le tiers est prcisment de ne [pouvoir] mettre fin un
contrat auquel il n'est pas partie, ni le modifier 1243 (CHAPITRE SECOND).

CHAPITRE PREMIER LIMMUTABILIT

CONVENTIONNELLE DE LA NORME

SUPRIEURE.

CHAPITRE SECOND LALTRIT DE PARTIES.

1243

J. GHESTIN, Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers ,
RTD civ., prcit, n 9.

272

Contribution lanalyse normativiste du contrat

CHAPITRE

PREMIER

LIMMUTABILIT

CONVENTIONNELLE DE LA NORME SUPRIEURE.

509.

Certaines des structures hirarchiques que nous avons voques prsentent une

particularit. Pour des raisons quil ne nous appartient pas daborder ici, lacte form
n'appartient plus ceux de qui il mane 1244, ce qui se traduit alors par une certaine
intangibilit de la convention initialement forme. Le contrat qui unit les parties et qui est
dordinaire une norme conventionnellement suppltive leur gard tend vers limpratif. La
validit dun nouvel accord de volont peut, ds lors, tre conditionne au respect de la
premire convention liant les mmes parties. Cette imprativit conventionnelle peut tre
aussi bien absolue (SECTION I) que relative (SECTION II).

SECTION I UNE IMMUTABILIT CONVENTIONNELLE ABSOLUE.


510.

Dans quelques unes des structures pyramidales que nous avons tudies, la convention

suprieure tire le plus souvent sa supriorit hirarchique de son immutabilit


conventionnelle. Certains statuts de socits, comme le rglement de coproprit, ne peuvent
en effet pas tre modifis par un accord de volont des parties ces actes.

511.

La modification des statuts de la socit Les rgles de modification des statuts sont

en gnral strictement encadres et soumises un formalisme marqu, ce qui confre une


certaine fixit cette norme. Dans toutes les formes sociales, cest toujours la collectivit
des associs quil choit de modifier les statuts1245. Nanmoins, la forme de la dcision de
cette collectivit peut varier. quelques exceptions prs, cest cependant souvent lassemble
gnrale des associs qui est le seul organe comptent pour modifier les statuts. Tel est par
exemple le cas en matire de socit anonyme, en vertu de larticle L. 225-96 du code de
commerce1246. Or, cet acte nest pas une convention mais bien un acte juridique unilatral

1244

R. TROPLONG, Le droit civil expliqu selon l'ordre des articles du Code, Du contrat de mariage et des
droits respectifs des poux, Tome I, Paris, C. Hingray, 1850, n 16, p. 31.
1245

1246

Y. CHAPUT, Rp. Dr. Socit., Dalloz, v Objet social, n 27.


L'assemble gnrale extraordinaire est seule habilite modifier les statuts dans toutes leurs

273

La hirarchie des normes conventionnelles


collectif. Un acte conventionnel ne peut donc modifier dans une socit anonyme la
constitution de la socit.

512.

Les statuts sont dans cette configuration une convention conventionnellement

imprative . Les parties ne peuvent y droger par un accord de volont contraire. La Cour de
cassation a ainsi censur le rglement intrieur (conventionnel) dune socit anonyme
instituant un droit de retrait des associs alors que les statuts ne le prvoyaient pas, et ce, alors
mme que toutes les parties aux statuts taient galement parties lacte extra-statutaire1247.
Cette modification de fait de la constitution de la socit entrane systmatiquement la
nullit de la convention modificatrice. Ce qui est valable lgard des parties lest dailleurs
encore lgard des tiers. Tout acte conclu par dautres que les associs qui aurait pour objet
ou pour effet de modifier les statuts est pareillement atteint dans sa validit. Il suffit pour sen
assurer de se remmorer les dveloppements consacrs lobjet social1248.

513.

Le rglement de coproprit Les mmes remarques simposent lgard du

rglement de coproprit. Cet acte ne peut tre modifi, en vertu de larticle 26 de la loi du 10
juillet 1965, que par une dcision de lassemble gnrale des copropritaires prise la
majorit des deux tiers1249, donc par un acte unilatral collectif. Le respect de cette rgle est
impratif1250. Tout accord de volont nou hors de ce cadre lunanimit des copropritaires,
ft-il recueilli dans un acte authentique, nest pas de nature modifier valablement la charte
de la coproprit1251. Cet acte est conventionnellement impratif. Cest cette imprativit
conventionnelle du rglement de coproprit qui permet techniquement dexpliquer que cette
dispositions .
1247

Civ. 1, 25 mai 2004, v. note F.-X. LUCAS, RDC, 2004, p. 1018.

1248

Le respect de cette rgle, qui nest en principe impos aux conventions de la socit contractante que dans la
mesure o cette dernire est une socit risque illimit, simpose toutes les conventions ds lors quelles ont
pour objet ou pour effet de modifier voire de supprimer lobjet social puisque cela quivaut alors une
modification de fait des statuts. Or, une telle modification ne saurait tre admise et entrane invariablement la
nullit de lacte conventionnel modifiant les statuts. v. supra n 203.
1249

Voire lunanimit pour les modifications apportes aux clauses relatives aux droits et obligations des
copropritaires sur les parties privatives G. VIGNERON, J.-Cl. Coproprit, v Rglement de coproprit,
Etablissement, Modification, Force obligatoire, fasc. 77, n 20.
1250

G. VIGNERON, Ibid., n 52.

1251

Civ. 3, 14 juin 2000, Indit, Loyers et coproprit, 2000, comm. 239. La Cour de cassation censure dans
cette dcision une cour dappel pour avoir retenu que les deux modificatifs (tablis par acte notari) ont t
signs par l'unanimit des copropritaires et n'avaient pas besoin d'tre approuvs ou ratifis par une assemble
gnrale pour tre opposables ses signataires .

274

Contribution lanalyse normativiste du contrat


norme conditionne la validit dactes conventionnels conclus par lensemble des
copropritaires. Comme en matire de socits, la convention simpose autant dans
lhypothse dans laquelle les parties sont identiques que dans celle o elles sont, ne serait-ce
que partiellement, diffrentes1252.

514.

Les deux exemples cits brillent par leur simplicit. La premire convention ne

pouvant tre altre que par un acte juridique unilatral, son imprativit conventionnelle est
vidente. Limprativit de la convention appele occuper un rang hirarchique suprieur
un autre acte de mme nature est parfois moins absolue, elle ne simpose pas moins pour
autant.

SECTION II UNE IMMUTABILIT CONVENTIONNELLE RELATIVE.


515.

Limmutabilit des conventions matrimoniales Le principe de limmutabilit des

conventions matrimoniales est sans conteste lillustration la plus commune dune convention
dont la modification chappe en principe aux parties. Pendant longtemps, le Code de 1804 a
nonc dans son article 1395 que les conventions matrimoniales ne peuvent recevoir aucun
changement aprs la clbration du mariage . La situation a depuis quelque peu volu,
puisque le lgislateur a introduit avec la loi du 13 juillet 19651253 la possibilit, deux ans aprs
le mariage, de convenir d'un changement de rgime matrimonial par acte authentique devant
tre homologu par un juge. Aujourdhui, aprs une nouvelle intervention lgislative en date
du 23 juin 2006, les poux peuvent modifier ou changer leur rgime matrimonial par acte
notari en vertu de larticle 1297 alina premier du Code civil (lhomologation nest alors
requise quen prsence denfants mineurs1254 ou en cas dopposition de personnes ayant t
parties la convention initiale, denfants majeurs ou des cranciers1255). Mme sil est

1252

La Cour de cassation a ainsi approuv une cour dappel davoir dclar nulle une convention, par laquelle
deux copropritaires seuls (sur plus de dix) avaient convenu de transfrer la jouissance exclusive dune partie
commune dun lot un autre, pour la raison quaucun des titulaires dun lot de coproprit n'a le pouvoir de
modifier [les stipulations du rglement] par des conventions particulires , Civ. 3, 4 janvier 1990, Indit,
Loyers et coproprit, 1990, comm. 187.
1253

Outre les possibilits d'apporter, avant la clbration du mariage, des changements au contrat de mariage
dans des formes identiques au contrat lui mme, en application de l'alina premier de l'article 1396 du Code civil.
1254

Article 1397, alina 5.

1255

Article 1397, alina 2, 3 et 4.

275

La hirarchie des normes conventionnelles


certainement en dclin1256, le principe de limmutabilit des conventions matrimoniales
demeure1257. L'article 1396 du Code civil dans son troisime alina commence toujours par
noncer que le mariage clbr, il ne peut tre apport de changement au rgime
matrimonial .

516.

La question de limprativit du contrat de mariage initial ne pose pas vritablement

de problme dans lventualit dans laquelle les parties doivent faire homologuer leur
convention par le juge. Elles nont alors pas, seules, le pouvoir de modifier la convention
initiale. Cette dernire peut tre sans trop de difficults considre comme tant imprative.
La question se pose en revanche avec plus dacuit lorsquune convention contraire sous la
forme authentique suffit aux poux pour changer de rgime matrimonial. Doit-on considrer
que le contrat initial est encore impratif et apte dterminer les conditions de validit dune
autre convention conclue entre les poux ? Une rponse positive simpose. Il ne faut
vraisemblablement pas concevoir la distinction entre limpratif et le suppltif de manire
trop radicale 1258. Un auteur a dmontr de manire trs probante que la distinction
voque nobit pas un raisonnement binaire, forg sur le mode du tout ou rien, dont les
termes recouvriraient exactement lopposition du permis et de linterdit, de la libert
individuelle et de la contrainte normative. Lorsquelle nest pas tout simplement neutralise et
dpasse, lopposition du suppltif limpratif revt une valeur relative, empruntant lallure
dune palette aux nuances subtiles mais contrastes 1259. Dans cet esprit, sans doute peut-on
considrer que la convention matrimoniale que les parties peuvent modifier par un acte
authentique sans homologation judiciaire demeure en partie imprative, dans la mesure o elle
ne peut pas tre modifie par une convention qui ne revtirait pas la forme exige. Au-del,
toute convention conclue devant notaire (telle une vente immobilire ou une donation) nest
pas de nature modifier valablement le contrat de mariage des poux dans la mesure o
larticle 1397, alina premier, exige peine de nullit que lacte authentique modificatif
contienne la liquidation du rgime matrimonial modifi (si elle savre ncessaire). Lacte

1256

N. PETRONI-MAUDIERE , Le dclin du principe de limmutabilit des rgimes matrimoniaux, (prface B.


VAREILLE) PULIM, 2004.
1257

E. JEAMMIN-PETIT, La libralisation du changement de rgime matrimonial, JCP G., 2007, I, 108, n 16


et 18.
1258

F. TERRE, Introduction gnrale au Droit, op. cit., n 492, p. 418.

1259

C. PERES-DOURDOU, La rgle suppltive, (prface G. VINEY), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv,
Tome 421, 2004, n 331, p. 299, plus largement v. n 188 335 pp. 171 303.

276

Contribution lanalyse normativiste du contrat


rectificatif, mme notari, doit donc avoir expressment pour objet de modifier la convention
matrimoniale. Un acte pass dans les formes prvues mais ayant seulement pour effet de
modifier le rgime matrimonial serait sans aucun doute frapp de nullit.
Si limprativit de la convention est relative, elle est cependant manifeste dans la
mesure o la convention initiale ne peut pas tre modifie par un simple accord de volont
contraire. Le contrat de mariage initial tend vers limprativit. Les solutions retenues par le
droit positif, lequel condamne les actes conclus par les poux entre eux ou avec des tiers1260,
ayant pour objet ou pour effet de modifier la convention matrimoniale, abondent en ce sens.

517.

Limprativit de la convention suprieure lgard des parties la convention

infrieure peut donc rsulter, nous en avons donn quelques exemples, de limmutabilit
conventionnelle, plus ou moins marque, de la premire convention. Les parties dpourvues
du pouvoir de modifier un acte sont alors imprativement lies. Lacte impratif peut
simposer aux nouvelles conventions conclues par ces parties entre elles ou avec des tiers.

518.

La prsente ventualit nest assurment pas la plus commune. Limprativit de la

convention suprieure se traduit plus couramment par la diffrence de parties aux deux
conventions hirarchises.

1260

F. TERRE P. SIMLER, Droit civil, Les rgimes matrimoniaux, op. cit., n 237, p. 172.

277

La hirarchie des normes conventionnelles

CHAPITRE SECOND LALTRIT DE PARTIES.


519.

Finalement, une hirarchie peut-elle vritablement sinstaurer entre deux

conventions alors que les parties conservent toujours la possibilit de se dfaire du lien
quelles ont elles-mmes tiss ? . Cette interrogation, formule par un Professeur
dUniversit au terme dun change informel alors que nous dbutions notre recherche
(imprgns dune vision trs excessive de leffet relatif des conventions, nous nosions
imaginer que deux conventions liant des parties diffrentes soient hirarchises), rsume
aujourdhui encore dans une large mesure lun des aspects conditionnant la mise en ordre
hirarchique de deux conventions. Lide a depuis t affine ; ce que nous pensions
initialement tre un critre de la hirarchie nen tait quun signe, et nous avons fait le constat
quune convention peut voir ses conditions de validit fixes par un acte conclu par des tiers.
Quoi quil en soit lintuition de ce Professeur tait bonne. Le plus souvent la prsence dun
voire plusieurs tiers la premire convention est ncessaire ltablissement dun lien
hirarchique (SECTION I), ce qui appelle invitablement quelques prcisions quant la
compatibilit de ce constat avec le principe de leffet relatif des conventions (SECTION II).

SECTION I LINCOMPATIBILIT DU LIEN HIRARCHIQUE AVEC


LIDENTIT DE PARTIES.

520.

Distinction des parties et des tiers On ne saurait prsenter la condition annonce

sans prciser brivement ce que nous entendons ici par tiers , cette notion tant empreinte
dun certain flou rgulirement soulign. La question a t, comme chacun sait, au cur dune
controverse au cours des annes 1990. Traditionnellement, les parties se dfinissent comme
les personnes qui ont voulu conclure lacte 1261, c'est--dire les parties contractantes
comme les nomme larticle 1165 du Code civil ( ces parties, on assimilait de coutume les
personnes reprsentes et les ayants cause universels et titre universel). Seraient linverse
des tiers, dont la catgorie est dfinie par opposition celle de partie, toutes les autres
personnes. La doctrine retient alors quelquefois des sous-catgories de tiers, aux penitus

1261

C. GUELFUCCI-THIEBIERGE, De llargissement de la notion de partie au contrat... llargissement du


principe de leffet relatif , RTD civ., 1994, p. 277, spc. n7 9.

278

Contribution lanalyse normativiste du contrat


extranei seraient opposs des faux tiers 1262 ou des personnes occupant une situation
intermdiaire , dans la mesure o elles gravitent troitement autour des parties1263. Aprs
une premire tentative de renouvellement de cette dfinition1264, suivie de vives critiques1265
et de contre-propositions1266, Monsieur Ghestin proposa une seconde conception renouvele
de la distinction des parties et des tiers. De cette proposition il rsulte que sont parties une
convention toutes les personnes qui, ayant conclu elles-mmes ou par l'effet d'une
reprsentation conventionnelle ou lgale le contrat, y ayant adhr lorsque la loi le permet,
ou ayant t substitues aux parties contractantes par la transmission de leur situation
contractuelle, autorise ou impose par la loi, sont lies, activement et passivement, par ses
effets obligatoires et qui disposent des prrogatives caractristiques de cette qualification,
savoir la facult de modifier ou anantir le contrat par la procdure contractuelle, c'est-dire un accord de volonts 1267. La catgorie des tiers est, classiquement, dfinie en creux de
la catgorie dcrite. Cest cette dernire acception de la notion de parties et donc de
tiers (que nous avons dj adopte tacitement au cours de ce travail), laquelle nous nous
tiendrons dans les dveloppements qui suivent1268. Outre le fait quelle ait le mrite
1262

V. galement, sur le constat de lmergence dans le contrat de personnes ne rpondant pas directement
la notion classique de partie sans que ces personnes ne soient vritablement des tiers, C. CHARBONNEAU,
F.-J. PANSIER, Du renouveau de la notion de parties , Defrnois, 2000, p. 284.
1263

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 497, p. 512.

1264

J. GHESTIN, La distinction des parties et des tiers au contrat , JCP G., 1992, I, n 3628.

1265

J.-L. AUBERT, propos dune distinction renouvele des parties et des tiers , RTD civ., 1993, p. 263.

1266

C. GUELFUCCI-THIEBIERGE, prcit.

1267

J. GHESTIN, Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction entre les parties et les
tiers , prcit, n 26.
1268

Il convient toutefois dapporter une prcision quant la dfinition gnrale donne par Monsieur GHESTIN.
Si nous adhrons presque toutes les propositions de lminent Professeur, et en particulier la conclusion selon
laquelle est une partie la personne qui a la facult de modifier ou danantir le contrat, nous pensons que cette
possibilit ne peut se rsumer comme le soutient lauteur la mise en uvre de la procdure contractuelle,
c'est--dire un accord de volont (Notamment Ibid., n 9 et n 26). Nous venons de le voir, la modification
du contrat, qui emprunte normalement la voie conventionnelle, peut exceptionnellement rsulter dune autre
manifestation de volont, comme un acte juridique unilatral. Si lon dnie la qualit de partie celui qui ne peut
modifier la convention par le biais de la procdure conventionnelle, il faut alors nier la qualit de partie aux
membres (non fondateurs) dune association dont la modification des statuts impose une dcision de lassemble
gnrale des socitaires. Assurment, cela nest pas lintention de Monsieur GHESTIN qui qualifie de parties
une convention les personnes ayant adhr une convention collective ou une personne morale et qui
considre que les acqureurs d'actions d'une socit anonyme, deviennent parties au contrat constitutif de
cette dernire. travers les organes reprsentatifs de la personne morale, par exemple l'assemble gnrale des
actionnaires dans la socit anonyme, ils pourront exercer leurs prrogatives de parties et modifier le contrat
initial ou y mettre fin , (Ibid., n 21). Sans doute est-il donc plus prcis de considrer que sont parties la
convention (outre les autres lments de la dfinition) ceux qui peuvent modifier ou anantir le contrat par la
procdure lgalement exige, c'est--dire le plus souvent la procdure contractuelle (un accord de volont), ou

279

La hirarchie des normes conventionnelles


dautoriser lactualisation de la liste des parties et des tiers au contrat tout au long de
lexistence de cet acte juridique1269, cette proposition met notre sens trs justement laccent
sur un point dcisif de la qualit de partie, la facult qui y est ordinairement attache de
modifier le contrat par un accord de volont.

521.

Cest prcisment en considration de cette prrogative quil nous parat impossible de

conditionner la validit dun contrat des lments ns dune convention liant les mmes
parties. Le droit dont jouissent les auteurs dun acte de le modifier, et plus encore, la grande
libert avec laquelle ils peuvent apporter ces modifications, constituent des obstacles
techniques linstauration dun lien hirarchique dans la situation dcrite. lgard de ses
auteurs1270, la convention est alors une norme suppltive 1271 (1). Cette conclusion
condamne lanalyse en termes de hirarchie des rapports que lon prsente pourtant
communment comme tant nous par un lien de cette nature, ceux entre les contrats-cadres et
les contrats dapplication (2).

1. Les obstacles la hirarchisation de deux conventions liant les mmes parties.

522.

Sil est impossible dadmettre que lorsque deux conventions ont des parties identiques

lune dtermine partiellement les conditions de validit dune autre, cest parce que les parties
peuvent librement apporter les changements souhaits aux actes par lesquels elles sont lies
(A). Outre cet argument l, dun point de vue plus concret, il est galement difficile de
concevoir que des parties puissent par la production dune nouvelle norme violer leur propre
convention (B).

toute autre procdure exceptionnellement exige.


1269

Ce que rejettent certains soutiens de la thse classique qui soulignent que la question est fige au moment de
la formation de la convention, v. J.-L. AUBERT, prcit, n 55 : Il faut alors se convaincre de ce que l'article
1165 est un texte troitement spcial. C'est le texte d'un moment, celui de la formation du contrat considr. Son
objet est strictement immdiat .
1270

Par commodit de langage nous employons parfois ce terme dauteur . Il sera alors utilis comme un
parfait synonyme de partie .
1271

En ce sens, J. GATSI, op. cit., n 236, p. 148 qui relve propos du contrat-cadre que les modalits prvues
dans cet acte ne devront sappliquer un contrat dapplication particulier qu dfaut de manifestation de
volont contraire des contractants .

280

Contribution lanalyse normativiste du contrat


A. Libert des parties de modifier leurs conventions.

523.

Varits des changements conventionnels envisageables Deux conventions

formes entre des parties identiques peuvent tre unies par une identit dobjet ou participer
un mme but. Les conventions peuvent tre intimement lies au point dtre indivisibles1272,
lexistence dun acte est alors parfois conditionne au maintien de lautre1273. Mais il ne sagit
pas l de hirarchie. Cette notion suppose quun acte soit atteint non dans son existence mais
bien dans sa validit, et ce, en raison dun vice contemporain de la formation du contrat. Or, si
les parties peuvent dfinir dans un acte les conditions dun acte venir1274 rien ne les
empche, le moment venu, de former lacte projet dautres conditions que celles
dtermines. Cette libert est souvent rduite par la doctrine lalina second de larticle 1134
du Code civil, mais le changement des termes dune relation contractuelle peut pouser bien
dautres formes que ce quil convient dappeler le mutuus dissensus1275. Concrtement, les
altrations apportes par les parties pourront tre analyses selon les cas considrs
comme une rvocation mutuelle, une novation, une modification de la convention, une remise
de dette ou pourquoi pas, une dation en paiement. Toute tentative de hirarchisation des
rapports contractuels des parties cde, selon nous, devant ces mcanismes. Laffirmation peut
tre taye par quelques exemples.

524.

Illustrations des altrations possibles Imaginons lhypothse dune chane de

contrats translatifs de proprit ayant comme particularit de lier les deux mmes parties.
Dans un premier temps primus consent une vente dun bien meuble secondus puis, dans un
second temps, primus consent secondus une donation portant sur le mme bien (plus
prcisment un don manuel dun bien corporel1276). Si secondus ntait pas partie la
premire convention, il y aurait assurment nullit de la donation pour la raison que le
1272

Sur lindivisibilit des conventions v. J.-B. SEUBE, Lindivisibilit entre les actes juridiques, op. cit.

1273

La rsiliation dun premier contrat entranant, par exemple, la caducit de la seconde convention avec
laquelle il est indivisiblement li, v. Com. 5 juin 2007, JCP G, 2007, II, 10184, Note Y.-M. SERINET.
1274

Elles peuvent par exemple valablement stipuler quune vente intervenue entre eux ne sera valable qu la
condition de sa ritration par acte authentique v. Civ. 3, 12 octobre 1994, Indit, Defrnois, 1995, p. 738,
observations D. MAZEAUD.
1275

R. VATINET, Le mutuus dissensus , RTD civ. 1987, p. 252.

1276

Ce qui vitera de troubler le raisonnement en raison du formalisme auquel est en principe soumise la
donation en vertu de larticle 931 du Code civil. Le don manuel, dont le terrain dlection est celui des biens
meubles corporels, chappe ce formalisme. Sur ces deux points, v. M. DAGOT, Des donations non
solennelles , JCP G., 2000, I, 248 in limine.

281

La hirarchie des normes conventionnelles


donateur nest pas propritaire de la chose1277. Un lien de validit serait donc tabli entre deux
conventions. En revanche, lidentit de parties dans lhypothse formule modifie la situation.
La donation ne sera pas interprte comme une violation de la convention suprieure mais,
selon les circonstances, comme une remise de dette1278, une convention rvocatoire suivie
dune nouvelle convention ou encore comme une novation de lune des obligations du contrat
(si les parties ont par exemple souhait conserver dautres stipulations faonnant leur
convention initiale, telle une clause dinalinabilit. Cette volont distingue en effet la
novation du mutuus dissensus1279 qui efface pour sa part lensemble de la relation
contractuelle, l o la novation ne porte que sur lobligation1280). Quoi quil en soit, la
manifestation de volont nouvelle des parties permet de les dlier des stipulations de leur
premire convention. Ceci est dautant plus facile admettre, et ce point est dcisif, quune
manifestation de volont tacite suffit former aussi bien une remise de dette1281 quune
novation1282 ou une rvocation mutuelle1283, le droit civil ne consacrant pas, linverse du
droit administratif, le principe du paralllisme des formes1284.

525.

La mme conclusion simpose si lon raisonne propos dune structure forme dun

1277

Si elle nest proclame par aucun texte, la nullit de donation de la chose dautrui est nanmoins admise par
analogie avec les articles 1599 et 1021 du Code civil v. en ce sens, Y. FLOUR, F.-J. PANSIER, Droit
patrimonial de la famille, Dalloz Action, 2008, n 314-31.
1278

Cet acte tant bien une convention, J. GHESTIN, M. BILLIAU, G. LOISEAU, Le rgime des crances et
des dettes, LGDJ, Coll. Trait de droit civil, 2005, n 1216, p. 1243.
1279

R. VATINET, Le mutuus dissensus , prcit, n 12, p. 260 et 261.

1280

Mme si un auteur a rcemment soutenu que le contrat pouvait faire lobjet dune novation, D. CHOLET,
La novation de contrat , RTD civ. 2006, p. 467 ; contra, pour une condamnation ferme et longuement
dveloppe, J. GHESTIN, M. BILLIAU, G. LOISEAU, op. cit., n 845, p. 884 889.
1281

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, prcit, n 1463, p. 1439.

1282

Ibid., n 1434, p. 1411.

1283

R. VATINET, Le mutuus dissensus , prcit, n 24, p. 270 et 27 ; cette souplesse se retrouve galement
en la matire sur le terrain de la preuve, la Cour de cassation refusant traditionnellement dappliquer la
convention rvocatoire les dispositions de larticle 1341 du Code civil. V. sur ce point, J. GHESTIN, C. JAMIN,
M. BILLIAU, op. cit., n 662, p. 706 et les arrts cits.
1284

F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 476, p. 492, il ne semble pas quexiste, limage du
droit romain, un vritable paralllisme des formes ; R. VATINET, prcit, n 29, p. 274, le droit des
contrats civils na pas rig le paralllisme des formes en principe gnral , v. cependant, P.-Y. GAUTIER,
O la Cour de cassation renoue avec le trs ancien droit romain, en rintroduisant massivement le principe du
paralllisme des formes dans la modification ou l'extinction des obligations contractuelles , RTD civ. 1996 p.
643 et Le retour en force du paralllisme des formes (suite) : propos de la modification dun emprunt , RTD
civ. 1998, p. 698 ; v. galement le dernier projet connu de rforme du droit des obligations dont larticle 48
semble consacrer ce principe. V. ce projet sur le Blog de Monsieur HOUTCIEFF : http://www.dimitrihoutcieff.fr/files/projet%20DACS%20modifi%20mai%202009-numrot.pdf.

282

Contribution lanalyse normativiste du contrat


contrat principal et dun sous-contrat. Nous lavons vu, le contrat principal dfinit les
conditions de forme et de fond du recours la convention forme en sous-ordre. Si primus,
aprs avoir conclu un contrat de bail avec secundus, contracte avec ce dernier un sousbail 1285 portant sur une partie seulement du bien lou en violation dune clause du contrat
principal prohibant toute sous-location, il est inimaginable de voir la seconde convention
frappe dinvalidit pour la raison quelle enfreint les conditions de validit du sous-contrat.
En premier lieu, les parties qui tirent de larticle 1134 alina 2 du Code civil le pouvoir
de rvoquer leurs conventions, tirent galement de ce mme article le pouvoir de modifier
lobligation prexistante 1286. Or, si lon considre que la modification se dfinit comme
l'acte juridique par lequel les parties conviennent de changer en cours d'excution un ou
plusieurs lments de la convention qui les lie en maintenant le rapport contractuel 1287,
alors il ny a rien dautre ici quune modification de la convention principale par le souscontrat, modification autorisant la formation jusqualors prohibe dun sous-contrat. Il y a
donc un exercice rgulier dune facult accorde par la loi, non violation dune convention par
une autre. Ici comme dans les autres changements apports une relation contractuelle, la
modification peut tre consentie de manire tacite1288.
Au-del de ce point, la sanction de linvalidit du sous-contrat tant en principe

1285

La qualification de sous-contrat est dailleurs rejete dans cette hypothse par Madame BONHOMME, v. J.Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 10 et 15.
1286

A. GHOZI, La modification de lobligation par la volont des parties, tude du Droit civil franais,
(Prface TALLON D.), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 166, 1980, n 16, p. 5 et 6 ; en ce sens
galement et retenant une dfinition plus large de la notion de modification , S. PONS, Rflexions sur la
modification dun lment essentiel du contrat par les parties LPA, 2008, n 71, p. 4, spc. n 5.
1287

A. GHOZI, op. cit., n 13, p. 4.

1288

En ce sens, A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, op. cit., qui crit comme les parties sont dj en
relation, on admettra plus facilement que le silence de lune sur loffre de modification prsente par lautre
puisse valoir consentement tacite , n 296, p. 229 ; v. cependant, A. GHOZI, op. cit., n 430 444, p. 175,
181. Lauteur conclut quil convient de constater que lacte modificatif nest pas soumis au consensualisme
pour des raisons diverses qui affectent soit sa validit, soit son efficacit , n 444, p. 181. Pour lauteur un crit
est ncessaire chaque fois que la nature des stipulations de la convention impose la solennit de lacte
modificatif, ce sur quoi la majorit de la doctrine saccorde. Lauteur cite lexemple dune convention
modificative qui ajouterait une hypothque un prt en change dune modification du terme. Ici, videmment,
lcrit est exig par larticle 2416 du Code civil en vertu duquel lhypothque conventionnelle ne peut tre
consentie que par acte notari . Quand aucun texte nexige un crit titre de validit, un crit serait cependant
toujours ncessaire titre probatoire, en raison des dispositions de larticle 1341 du Code civil. Un auteur estime
cependant, attnuant les propos qui prcdent qu un crit est requis sans doute pour la preuve de la
modification, conformment larticle 1341 du Code civil [mais] lcrit nest pas indispensable et le
comportement des parties peut tablir suffisamment la modification ; un courant de jurisprudence admet que la
modification dun contrat spcialement tacite, peut tre tablie par le comportement des parties et en particulier
par des actes dexcution v. G. ROUHETTE, La rvision conventionnelle du contrat , RID comp., 2-1986,
n 14 p. 386.

283

La hirarchie des normes conventionnelles


linopposabilit du sous-contrat au contractant principal1289, elle naurait dans ce cas de figure
aucun sens. Limpossibilit de hirarchiser deux conventions liant les mmes parties apparat
encore.

526.

Lanalyse serait sans aucun doute similaire si primus, aprs avoir vendu un bien

secondus en stipulant une clause dinalinabilit, se portait acqureur de ce bien dans une
nouvelle vente en sens contraire 1290 forme avec secondus. Sil est possible dhsiter sur
la qualification retenir, mutuus dissensus ou modification de la convention initiale
accompagne dune convention nouvelle, il nous semble que la validit de la seconde
convention forme est assure dans la mesure o linalinabilit conventionnelle stipule peut
parfaitement tre leve par un nouvel accord de volont, mme tacite1291.

527.

Ds que les parties retrouvent la facult de modifier par une simple convention un acte

dont elles sont les auteurs, ds que la convention devient nouveau suppltive leur gard,
lide de hirarchie svapore. On peut le constater en matire de socit civile1292. Larticle
1854 du code de 18041293 autorise en effet les associs modifier valablement les statuts dans
un simple accord sous seing priv faisant foi de leur unanimit (la Cour de cassation a mme
un temps sembl admettre quun tel accord puisse tre tacite1294). lgard des parties les
statuts ne sont pas conventionnellement impratifs. La validit dun pacte extra-statutaire,
runissant lensemble des associs, ne peut alors plus tre conditionne au respect des statuts
1289

V. supra, n 300 et s.

1290

La formule est emprunte P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 756, p. 375.

1291

A. SERIAUX, J. Cl. Civil, Code, article 900-1 v Libralits, Dispositions gnrales, Clauses
dinalinabilit, fasc. unique, n 25. Lauteur voque cette hypothse dans le cas dune donation, il nous semble
que le raisonnement peut tre valablement transpos lhypothse dans laquelle linalinabilit est stipule
loccasion dun contrat de vente.
1292

Comme en matire de SARL lorsque, en application de larticle L. 223-27 du Code de commerce, une
disposition statuaire le prvoit.
1293

Les dcisions peuvent encore rsulter du consentement de tous les associs exprim dans un acte

1294

Civ. 1., 22 novembre 1994, JCP E., 1995, p. 447, Observations J.-J. CAUSSIN et A. VIANDIER, dans
lequel la Haute juridiction nonce que constatant que les prlvements sur les bnfices, oprs par M. X (...)
de 1983 1986, l'avaient t d'un commun accord avec ses associs et retenant comme certaine l'intention des
parties de s'en tenir la rpartition ainsi effectue, la cour dappel a justement dcid qu'il n'y avait pas lieu de
revenir sur cette rpartition, mme si elle n'tait pas conforme aux dispositions statutaires . Contra, Civ. 1., 21
mars 2000, Bull. civ., I, 2000, n 99, p. 66, D. 2000, p. 475, note Y. CHARTIER Arrt qui casse au visa
notamment de larticle 1854 la dcision dune cour dappel qui avait retenu que la volont contraire et
unanime des associs peut tre tablie par tous moyens et se dduire du mode de fonctionnement de la
socit .

284

Contribution lanalyse normativiste du contrat


qui ne sont plus suprieurs aux accords forms par la totalit des associs1295.

528.

Limpossibilit de principe de hirarchiser deux conventions dont les parties sont les

mmes est confirme par ltude de ces quelques illustrations trouves en droit positif. Outre
ce constat, lide mme de violation de la norme suprieure, ncessaire toute sanction,
semble assez douteuse.
B. Labsence de violation possible de la norme suprieure par la norme infrieure.

529.

Limpossibilit de violer une rgle suppltive en y drogeant valablement Si

deux conventions se hirarchisent, si une convention est frappe de nullit ou dinopposabilit


lorsquelle viole les stipulations dun autre acte de mme nature, cest parce quil est
ncessaire de protger la volont dune personne contre une atteinte se matrialisant par leffet
dun acte juridique sur lequel elle na aucune emprise. La volont et les intrts du mandant
sont protgs en frappant de nullit lacte conclu en dpassement du pouvoir confi au
mandataire ; la volont et les intrts de lpouse sont protgs par linvalidit de lacte
conclu par lpoux en violation des rgles dfinies par le rgime matrimonial conventionnel ;
la volont et les intrts du contractant principal sont protgs par linopposabilit son gard
du sous-contrat conclu en violation du contrat principal. Linvalidit de lacte est toujours une
sanction de la violation1296 de la convention suprieure par une autre convention et, presque
invariablement, par un tiers. La nullit vient alors sanctionner, pour reprendre les termes dun
article clbre, un contrat conclu en violation des droits contractuels dautrui 1297.

530.

Or, mises part quelques hypothses tudies dans lesquelles les intrts protgs

dpassent ceux des parties1298 (ou encore celle de vices du consentement), peut-on imaginer
quune personne participe la formation dune convention en violation de ses propres droits,
droits tenus dun acte conclu avec le mme partenaire ? Force est de constater quil est bien
difficile denvisager de rpondre positivement cette interrogation. Sil savre ncessaire de
protger un contractant primus des effets dune convention laquelle il na pu sopposer parce
1295

Si lon met de ct les questions de publicit.

1296

P. MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit., n 382, p. 296 ; A. WEILL, F. TERRE,
op. cit., n 285, p. 298.
1297

B. STARCK Des contrats conclus en violation des droits contractuels dautrui , prcit.

1298

V. supra, n 509 et s.

285

La hirarchie des normes conventionnelles


quelle a t conclue par dautres auteurs, secundus et tertius, cela apparat inutile si primus,
aprs avoir contract avec secundus, contracte de nouveau avec ce dernier. Dans cette
hypothse, si une convention est forme sur un mme objet (ou dans un mme but) quune
premire mais en contradiction avec celle-ci, on aperoit, plus que la violation dune
convention, le simple exercice de la libert des parties de changer les termes de leurs relations.
Les parties drogent une rgle suppltive de volont or, la drogation la rgle suppltive
ne peut jamais tre tenue comme une violation de celle-ci 1299.

531.

Pour toutes les raisons voques, et principalement parce que la grande libert dont

jouissent les parties pour modifier leurs conventions explique que ces actes soient suppltifs
leur gard, il nest pas possible dadmettre que des relations hirarchiques relient deux actes
liant les mmes auteurs. En dpit des opinions doctrinales souvent contraires, les relations
entre les contrats-cadres et les contrats dapplication ne nous semblent pas chapper cette
rgle.
2. Labsence de rapports hirarchiques entre contrats-cadres et contrats dapplication.

532.

Bien quelle soit abondamment affirme (A), la supriorit hirarchique du contrat-

cadre est condamne par lidentit des parties unies par cette convention et par les contrats
postrieurement conclus pour son excution (B).
A. La supriorit prsume du contrat-cadre sur les contrats dapplication.

533.

Si la rgle veut que la doctrine soit indiffrente lide que deux conventions puissent

tre lies hirarchiquement, linstar des conventions collectives de travail, le contrat-cadre et


les contrats dapplication y font assurment exception. Le sentiment de la supriorit
hirarchique du contrat-cadre sur les contrats d'application est pour nombre de juristes presque
naturel. La simple vocation de la problmatique de notre thme de recherche a conduit
limmense majorit de nos interlocuteurs immdiatement dsigner cette structure comme
preuve de lexistence des rapports de validit entre conventions. Si l'ide de hirarchie en la
matire est commune1300 et fait presque l'unanimit1301, elle ne se traduit ou ne se matrialise

1299

C. PERES-DOURDOU, La rgle suppltive, op. cit. n 162, p. 146.

1300

P. DIDIER, propos du contrat de concession : la station service , D. 1966, ch., p. 56 ; R. LEVACHER,

286

Contribution lanalyse normativiste du contrat


nanmoins pas toujours de manire trs concrte. L'ide de supriorit entre ces deux
conventions est souvent assez thorique 1302 et la doctrine ne s'attache pas toujours
dmontrer en quoi le contrat-cadre serait hirarchiquement suprieur aux contrats
d'application. Lorsque cette supriorit est dveloppe, elle l'est rgulirement de manire
quivoque et l'on retrouve en la matire la confusion dj dnonce de l'utilisation simultane
de plusieurs des significations de lexpression hirarchie des normes . En consquence, les
illustrations de la supriorit hirarchique du contrat de base sur les contrats dexcution sont
aussi varies quhtroclites. Ple-mle , la domination du contrat-cadre rsulterait de ce
que ce dernier peut prvoir une clause de rserve de proprit ou une clause pnale applicable
aux ventes venir1303, les modalits de transfert des risques dans les ventes successives1304, les
formes que devront respecter les parties pour la conclusion des contrats dapplication1305 ou
les modalits dexcution de ces dernires conventions1306. Cette supriorit rsulterait encore
du fait que la disparition du contrat-cadre entraine celle des contrats dapplication1307, alors
que la disparition du contrat dapplication serait sans effet sur lexistence du contrat-cadre1308.
Enfin, mais la liste nest sans doute pas exhaustive, le contrat-cadre lorsquil dtermine les
modalits de la fixation du prix des contrats dapplication dmontrerait encore quil occupe un
rang suprieur aux conventions quil engendre.

534.

En dpit de lunanimit doctrinale qui se dessine, il nous semble que, dans le sens que

nous retenons de la notion de hirarchie des normes, un lien de cette nature nexiste pas entre
Thse prcite, n 107, p. 81 ; P. LE TOURNEAU, J.-Cl. Contrats Distribution, v Concession exclusive,
Conditions de validit au regard du droit des contrats, fasc. 1025, n 53 ; J. PERROUIN, Thse prcite, n 221
292, p. 122 153 ; F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, prcit, n 39, p. 202 ; D. PORACCHIA, La
rception juridique des montages conus par les professionnels, op. cit., n 283, p. 179 ; A. SAYAG (direction),
Le contrat cadre, Tome 1, Exploration comparative, Litec, Coll. Le droit des affaires, 1994, n 132, p. 192 ; J.
SCHMIDT, Le prix du contrat de fourniture , D. 1985, ch., p. 177, (implicitement).
1301

A. SAYAG, prcit, n 124, p. 87.

1302

J. PERROUIN, Thse prcite, n 281, p. 148.

1303

F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, prcit, n 40 42, p. 202 et 203.

1304

Ibid. n 39, p. 202.

1305

J. SCHMIDT, prcit, p. 177.

1306

R. LEVACHER, Thse prcite, n 107, p. 81.

1307

F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, prcit, n 44, p. 204 206.

1308

P. DIDIER, propos du contrat de concession : la station service , prcit, p. 59 ; P. LE TOURNEAU,


J.-Cl. Contrats Distribution, prcit, n 53 ; A. SAYAG, prcit, n 132, p. 92.

287

La hirarchie des normes conventionnelles


contrats-cadres et contrats dapplication1309.

B. La supriorit hirarchique condamne du contrat-cadre sur les contrats


dapplication.

535.

Les fausses 1310 illustrations dune hirarchie des normes Il existe une

hirarchie lorsque sinstaure un rapport de validit entre deux normes par lequel une norme,
dite suprieure, dtermine les conditions de la validit dune autre norme, dite alors infrieure.
Parce quelles ne sont pas des hypothses permettant de vrifier quune convention dtermine
les conditions de la validit dautres actes de mme nature, nombre des manifestations de la
supriorit du contrat-cadre sur les contrats dapplication doivent tre exclues de notre tude.
Cest le cas des signes de la supriorit du contrat-cadre se manifestant sur le terrain de
lexcution ou des effets du contrat dapplication, alors que la validit dun acte juridique
sapprcie lors de sa formation. Cest encore le cas des illustrations qui, bien que places sur
le terrain de lexistence ou de la validit des conventions, sont insuffisantes caractriser
lexistence dun lien de validit entre deux conventions.

536.

Les manifestations de la supriorit suppose du contrat-cadre simposant sur le terrain

de lexcution du contrat sont lgion. Tel est le cas de la clause de rserve de proprit. Il en
est de mme propos des clauses pnales, des modalits dexcution (quelles quelles soient,
livraison, assurance etc.) ou encore du transfert des risques dans la vente. Toutes ces clauses,
1309

Prcisons quil ne sagit bien entendu pas ici de nier lexistence dun rapport hirarchique en raison de
lunit que pourrait former la structure forme par une contrat-cadre et des contrats dapplication. Nous nous
rangeons la thse majoritaire en la matire qui admet lautonomie des contrats dapplication et la dualit de
normes qui en rsulte (v. cependant pour une tonalit sensiblement dissonante, J. RAYNARD, note sous Civ. 1,
25 novembre 2003, JCP G, II, 10046, qui constate que certaines dcisions incitent une perception unitaire
() de ce contrat et mettent en vidence la mue qui sopre de laccord cadre nanti de ventes dapplication
au contrat de fourniture, contrat unique excution successive , en particulier n 8). Il nest pas non plus
question de soutenir lide que le contrat-cadre soit inapte dterminer les conditions de validit de toute autre
convention. Cela pourrait au contraire tre le cas si le contrat-cadre contenait une clause dinalinabilit ou un
pacte de prfrence (v. par exemple sur ce point, J. RAYNARD, La technique contractuelle au service de la
prennit du rseau de distribution , JCP E, 2005, Cah. dr. entr. n 3, p. 34). Nous entendons simplement nier
le fait que le contrat-cadre puisse dfinir les conditions de validit dun contrat dapplication conclu entre les
mmes parties (la chose pourrait tre diffrente dans lhypothse, plus rare mais nanmoins courante, de
contrats-cadres et des contrats dapplication liant des parties diffrentes).
1310

Le terme fait cho celui retenu par Monsieur MORVAN pour rendre compte des relations entre
conventions et accords collectifs de travail. Lauteur intitule le premier paragraphe de lune de ses contributions
fausse hirarchie des normes, vritable conflits de normes , v. Conventions et accords drogatoires aprs la
loi du 4 mai 2004 : de la thorie des flaques deau , prcit, n 45, p. 37. Le terme est excessif mais prsente
lavantage de la simplicit et dun caractre marquant. Il est cependant relativiser. Fausses sentend par
rapport la dfinition que nous avons retenue. Nous nentendons bien videmment porter aucun jugement de
valeur sur le fait que telle ou telle acception de la hirarchie des normes soit plus vraie quune autre.

288

Contribution lanalyse normativiste du contrat


si elles lient les parties en vertu de larticle 1134 du Code civil et simposent donc elles en
labsence de manifestation de volont contraire lors de la formation des contrats dapplication,
amnagent les effets ou lexcution des contrats dapplication. Elles ne visent pas dfinir
leurs conditions de formation. Ces stipulations, si elles peuvent ventuellement faire la preuve
de lexistence de rapports hirarchiques dans les autres acceptions que nous avons prsentes
de la notion de hirarchie des normes sont, pour la raison voque, impuissantes rvler
lexistence dun rapport de validit entre contrats-cadres et contrats dapplication.

537.

Une conclusion identique simpose propos des manifestations de la supriorit du

contrat-cadre tenant leffet respectif de la nullit du contrat-cadre ou du contrat dapplication


sur lautre convention de la structure. Au-del du fait que la question semble tre plus
complexe que la formule par laquelle elle est parfois rsume1311, si le dbat est port ici sur
lexistence, voire la formation des deux conventions, les situations voques nillustrent pas
plus laptitude du contrat-cadre dterminer les conditions de validit des contrats
dapplication. Le seul fait que la nullit des contrats dapplication nentraine pas la nullit du
contrat-cadre ne permet en rien de montrer que cette convention dtermine les conditions de
validit des actes quelle engendre. La prcision est vidente, il nest pas besoin dy prter
plus dattention. Quant leffet de la nullit du contrat-cadre sur les conventions postrieures,
il ne nous semble pas plus sinscrire dans loptique qui est la ntre. Lexistence du contratcadre est visiblement parfois pour la Cour de cassation une condition de la validit des
contrats dapplication, puisqu dfaut de sa prsence, ces derniers sont nuls. Cela tant, si la
validit du contrat-cadre est une condition de la validit des contrats dapplication, cela ne
signifie pas que le contrat-cadre dfinisse les conditions de validit des conventions
successives. Il est une condition de validit, il ne dtermine pas les conditions de
validit. La nullit de la convention dapplication nest pas la sanction dune violation dune
1311

En ce qui concerne leffet de la nullit du contrat-cadre, Monsieur LEVACHER soutient que celle-ci ne doit
rejaillir sur les contrats dapplication que dans la mesure o le contrat-cadre stipulait une obligation de
contracter. dfaut, lautonomie juridique du contrat dapplication et sa conformit aux rgles du droit commun
des contrats suffit en assurer la validit (Thse prcite, n 115, p. 86). Monsieur GATSI quant lui soutient
avec fermet que les litiges relatifs au contrat-cadre et en particulier sa nullit ne devraient pas atteindre les
contrats dapplication dj conclus et assure dailleurs que les arrts de 1995 relatifs la dtermination du prix
consacrent cette solution (ouvrage prcit, n 421 428 pp. 289 296, v. galement tendant en ce sens, Com. 19
mars 1996, JCP E,, 1997, p. 617, en particulier n 35, observations J. RAYNARD, ici, la Cour de cassation fait
produire des effets aux contrats dapplication en dpit de lannulation du contrat-cadre ; v. encore, en ce sens, A.
SAYAG, prcit, n 154 160 pp. 110 115) ; quant leffet de la nullit des contrats dapplication, si la
doctrine semble considrer quelle ne doit pas rejaillir sur le contrat-cadre, elle nest pas toujours suivie sur ce
point par la jurisprudence (v. P. DIDIER, propos du contrat de concession : la station service , prcit, p.
59) et certains auteurs admettent quil peut en aller autrement lorsque les parties ont entendu lier indivisiblement
lensemble des conventions de la structure (v. sur ce point, F. ARHAB Les consquences de la nullit (ou de la
rsolution) dun contrat au sein des groupes de contrats , RRJ, 1999-1, n 40, p. 194).

289

La hirarchie des normes conventionnelles


stipulation du contrat-cadre (auquel cas il y aurait un rapport de validit) ; ce nest pas en
rfrence aux stipulations du contrat-cadre que sera juge la validit du contrat dapplication,
mais en rfrence son existence mme. La situation voque plus labsence de cause1312,
lindivisibilit1313 ou le rapport daccessoire principal1314, que la hirarchie.

538.

Linfluence du contrat-cadre sur la formation du contrat dapplication Plusieurs

des marques de supriorit du contrat-cadre sur les contrats dapplication qui sont
gnralement voques, ne sinscrivent donc pas dans la perspective que nous avons retenue.
Dans quelques hypothses, ltude des relations entre les deux conventions tudies pourrait
tre de nature laisser apparatre des liens de validit entre contrats-cadres et contrats
dapplication. Certains auteurs placent dailleurs ouvertement le dbat sous langle du rapport
de validit entre le contrat de base et les contrats dexcution. Il est alors possible de lire sous
la plume de certains dentre eux que la spcificit du contrat cadre est de conditionner la
validit et le contenu dautres actes juridiques, comme larticle 1108 le fait lgard des
conventions 1315. Tel serait le cas lorsque le contrat-cadre impose les formes dans lesquelles
devront tre passs les contrats dapplication, puisque lon avance que les parties sont
[alors] obliges de respecter les rgles de modo contrahendi imposes par l'accord-cadre []

1312

La convention-cadre tant la cause juridique du contrat dapplication, v. P. DIDIER, propos du


contrat de concession : La station service , prcit, p. 56 ; A. SAYAG (direction), prcit, n 152, p. 109, La
cause du contrat dapplication se trouve en quelque sorte dj tablie dans le contrat initial .
1313

Contra, J.-B. SEUBE, Lindivisibilit et les actes juridiques, op. cit., n 67, p. 107 lindivisibilit
[]nexplique rien pour statuer sur la disparition des contrats dapplication , lauteur opte plutt pour une
manifestation du rapport daccessoire principal.
1314

F. ARHAB, Les consquences de la nullit (ou de la rsolution) dun contrat au sein des groupes de
contrats , RRJ, 1999-1, n 37 p. 190 et 191, v. galement la mme page lide dveloppe brivement par
lauteur, laquelle elle nadhre pas, selon laquelle lannulation des contrats dapplication subsquente
lannulation du contrat-cadre mconnait la dualit de conventions normalement admise et rduit la figure du
contrat-cadre un contrat excution successive.
1315

R. LEVACHER, Thse prcite, n 110, p.82. Dautres dveloppements consacrs par lauteur la question
illustrent lquivoque que nous soulignons plus tt. Monsieur LEVACHER mle formation et excution des
conventions. Si certains des arguments quil invoque renvoient aux manifestations de la hirarchie que nous
avons exclues, il nen demeure pas moins quil place en partie le dbat sur les conditions (de forme et de fond)
de la validit des contrats dapplication notamment la fin de lextrait suivant : Le contrat cadre occupe une
position hirarchique suprieure aux contrats dapplication en ce quil en dtermine, au moins pour partie les
modalits de formation et dexcution. Il agit en ce sens comme la loi dfinissant les conditions de validit des
conventions. Il occupe une position hirarchique suprieure celle des contrats dapplication ensuite dans la
mesure o la nullit ou la validit de ceux-ci ne produit pas deffet sur sa validit propre[] il simpose [aux
contractants] en vertu de sa force obligatoire, mais il conditionne galement leur libert en imposant certaines
formes et un certain contenu dans leurs relations contractuelles venir, et il conditionne par l mme la validit
dautres actes juridiques Ibid., n 107, p. 81, v. encore dans le mme sens, n 112 et 113, p. 84.

290

Contribution lanalyse normativiste du contrat


pour assurer la validit des contrats d'application 1316. Cette validit pourrait galement tre
conditionne des conditions de fond1317 poses par le contrat-cadre, et lon peut alors penser
la question de la dtermination du prix. Sil est en effet acquis depuis un retentissant
revirement de jurisprudence1318 que la validit du contrat-cadre ne suppose plus que cet acte
dtermine le prix des contrats dapplication, cette possibilit nest pas pour autant exclue. En
outre, dfaut du prix, le contrat-cadre dtermine souvent les modalits qui permettront de
dterminer ce prix par une rfrence un prix fournisseur ou catalogue 1319. Sans
dterminer directement le prix, le contrat-cadre apparat alors comme une norme en rfrence
de laquelle cette condition de validit de la vente sera tablie.

539.

Largument est intressant, et il est indniable que cest ici le stade de la formation des

contrats dapplication que vise le contrat-cadre. Cest galement bien une condition de la
validit du contrat dapplication qui semble tre dtermine par le contrat-cadre. Mais l
encore, lide de hirarchie doit cder devant la facult reconnue aux parties de modifier
tout instant les conventions par lesquelles elles sont lies. Telle est la rgle en matire de droit
commun, il nen va pas diffremment en matire de contrats-cadres. La doctrine est unanime,
les parties une structure compose dun contrat-cadre et dun contrat dapplication ne sont
tenues par les stipulations de la premire convention que dans la mesure o elles ne
manifestent aucune volont contraire dans les contrats dapplication1320. Cela conduit
dailleurs Monsieur Gatsi crire dans sa thse sur le contrat-cadre que sil existe une
hirarchie en la matire, cette dernire offre une particularit puisque si parmi les normes
juridiques, les normes infrieures doivent respecter les normes suprieures, il en va

1316

O. FEVROT, Contribution une thorie des avant-contrats administratifs : l'exemple de l'accord cadre ,
RDP, 2008, p. 378; v. encore, J. SCHMIDT, Le prix du contrat de fourniture , prcit p. 177, Le contrat
cadre oblige, toujours, observer lors de lventuelle conclusion [des contrats dapplication] () les modalits
quil dtermine par avance (mme si ici lauteur nvoque pas explicitement les termes de nullit ou de
validit).
1317

V. R. LEVACHER, citation rapporte ci-dessus.

1318

Ass. Pln., 1er dcembre 1995, Bull. civ. AP, 1995, n 7, 8 et 9, p. 13 16, v. entre autres, JCP G., 1995, II,
22565, conclusions M. JEOL, et observations J. GHESTIN ; D. 1996, p. 13, note L. AYNES ; Defrnois 1996,
p. 747, observations P. DELEBECQUE; RTD civ. 1996, p. 153, observations J. MESTRE ; JCP G., 1996, II ;
JCP E, 1996, II, 776, note L. LEVENEUR ; JCP E., 1996, I, 523, n 7, observations J.-M. MOUSSERON.
1319

V. par exemple lun des arrts du 1er dcembre 1995, Bull. civ. AP., 1995, n 8.

1320

J. GATSI, op. cit., n 172, p. 114, v. galement, n 236, p. 148 ; F. POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO,
prcit, n 42 et 43, p. 203 et 204 ; M. S. ZAKI, Le formalisme conventionnel : illustration de la notion de
contrat-cadre , RID comp., 4/1986, n 133, p. 1093, Nul ne doute que les parties peuvent dun commun accord
supprimer la clause de forme .

291

La hirarchie des normes conventionnelles


diffremment du contrat-cadre. Les stipulations du contrat initial ne sont applicables entre les
contractants que si une nouvelle manifestation de volont ne vient pas les carter au moment
de la conclusion dun contrat particulier 1321. Les exigences en matire formelle ne semblent
pas tre diffrentes de celles du droit commun. Une manifestation de volont certaine, mme
tacite, suffit dlier les parties, lexigence dun crit ne semble pas l non plus simposer1322.

540.

Nous lavons soulign de manire gnrale propos du contrat et cela savre

galement exact en matire de contrat-cadre, cette norme est une sorte de loi suppltive des
parties 1323. Or, une condition de validit ne peut tre quimprative. Le contrat-cadre ne
peut donc pas dfinir les conditions de validit des contrats dapplication. Il nest pas, si lon
sen tient la signification que nous avons retenue de ce terme, une norme hirarchiquement
suprieure aux contrats dapplication.

541.

La facult dont jouissent les parties une convention de pouvoir la modifier librement,

fait donc obstacle ce quelles puissent dfinir dans un acte les unissant les conditions
auxquelles seront soumises des conventions conclues entre elles lavenir.

542.

Parce que les tiers ne peuvent au contraire pas modifier une convention laquelle ils

ne sont pas parties, la prsence dun tiers est le plus souvent une condition de ltablissement
dun lien de validit entre deux conventions. Il est videmment superflu de faire la
dmonstration de ce que deux conventions liant des parties diffrentes peuvent entretenir des
relations hirarchiques. Lessentiel de notre recherche a t directement ou indirectement
consacr ltude de pyramides conventionnelles de ce type. En revanche, il serait
difficilement comprhensible que lon ne traite pas, ne serait-ce que brivement, de la
compatibilit de ce constat avec le principe nonc larticle 1165 du Code civil.
1321

J. GATSI, op. cit., n 172, p. 114.

1322

A. GENOVESE, Le forme volontarie nella teoria dei contratti, Padoue, 1949, cit par M. S. ZAKI, n 134,
p. 1094 : Les parties peuvent par simple accord oral, droger une clause de forme mme crite et alors quil
a t expressment stipul que toute drogation doit, elle-mme, sous peine de nullit, respecter la forme
convenue, celle-ci ntant pas imprative, la diffrence du formalisme lgal (nous soulignons) ; F.
POLLAUD-DULIAN, A. RONZANO, prcit, n 43, p. 204, propos de la clause de rserve de proprit : il
importe de prserver la possibilit [] dune acceptation certaine bien que tacite ; contra, M. S. ZAKI,
prcit, n 136, p. 1095 : Une norme crite ne peut tre abolie par une pratique de valeur moindre. Si les
parties veulent carter une clause de forme, elles doivent le faire savoir par crit. Cela ne leur cote rien et vite
tant de malentendus !. Lauteur attnue cependant quelque peu ses propos par la suite en admettant quune
modification ponctuelle peut tre tacite, n 137, p. 1095.
1323

J. GATSI, op. cit., n 433, p. 297.

292

Contribution lanalyse normativiste du contrat

SECTION II COMPATIBILIT DE LALTRIT DE PARTIES AVEC


LEFFET RELATIF DES CONVENTIONS.

543.

Le principe de leffet relatif des conventions est sans doute lun de ceux qui ont fait

couler le plus dencre. Les articles1324, les thses1325 ou les dveloppements consacrs la
question dans les plus grands manuels ou traits de droit des obligations1326, asschent sans
doute considrablement la matire. Tout ou presque a t dit sur le principe de leffet relatif
des conventions. Nos ambitions ne peuvent tre en consquence que bien modestes, elles se
limitent rpondre cette question : comment expliquer quune convention puisse dterminer
les conditions de validit dune autre convention, lorsque cette dernire lie un tiers au premier
acte, sans que larticle 1165 du Code civil ne sy oppose ?

544.

A priori, on pourrait percevoir la hirarchisation de deux conventions liant des parties

diffrentes comme lune des plus graves atteintes leffet relatif des conventions. contre
courant de ce sentiment, nous voudrions souligner que leffet relatif ne nous semble en rien
atteint par la hirarchisation de deux conventions liant des auteurs diffrents (1) et qu
prter attention la question, force est dadmettre que le respect du principe nonc larticle
1165 est mme parfois assur par linstauration dun lien hirarchique entre deux actes
conventionnels (2).
1. Labsence datteinte leffet relatif des conventions par la hirarchisation.

545.

Lapparente atteinte leffet relatif Lide quune convention puisse tre frappe

de nullit ou dinopposabilit pour la seule raison quelle est contraire aux stipulations dune
autre convention dont les parties sont diffrentes, peut incontestablement apparatre comme
1324

R. SAVATIER, Le prtendu principe de leffet relatif des contrats , RTD civ., 1934, p. 525.

1325

Chronologiquement, A. WEILL, La relativit des conventions en droit priv franais, Thse Strasbourg,
Dalloz, 1938 ; S. CALASTRENG, La relativit des conventions, Thse Toulouse, 1939 ; J.-L. GOUTAL., Essai
sur le principe de leffet relatif des conventions, (prface H. BATIFFOL), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit
priv, Tome 171, 1981 ; v. encore, F. BERTRAND, Lopposabilit du contrat aux tiers, (direction P.
MALINVAUD), Thse Paris II, 1979 ; J. DUCLOS, Lopposabilit, Essai dune thorie gnrale, op. cit. ; R.
WINTGEN, tude critique de la notion d'opposabilit : les effets du contrat l'gard des tiers en droit franais
et en droit allemand, (prface J. GHESTIN) LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 426, 2004 ; v.
galement, M. FONTAINE, J. GHESTIN, (Direction) Les effets du contrat lgard des tiers, comparaisons
franco-belges, LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 227, 1992.
1326

V. les rfrences cites infra, n 548.

293

La hirarchie des normes conventionnelles


difficilement compatible avec la relativit des conventions. Cest dailleurs pour cette raison
que Monsieur Perrouin faisait de lidentit de parties une condition de la hirarchisation des
conventions1327. Il nest dailleurs presque pas une structure hirarchique qui chappe aux
observations, plus ou moins approfondies, en ce sens. Lorsque la mise en ordre hirarchique
est le fruit de dispositions lgislatives, le propos se limite souvent souligner le caractre
drogatoire au principe de larticle 1165 de certains mcanismes voqus. Cest le cas du
mandat1328 ou encore des chanes translatives de proprit1329 (le caractre rel du droit
transfr suffit en la matire couper court tout vritable dbat). Le propos est parfois plus
construit, les atteintes ou drogations leffet relatif ont abondamment t soulignes en
matire de socit, dassociation ou de rglement de coproprit1330. Dans ces dernires
hypothses, plus que de sopposer la hirarchisation des conventions, les prtendues
drogations larticle 1165 du Code civil ont souvent conduit la disqualification des actes
concerns1331.

546.

Dans dautres structures en revanche, dans lesquelles linfluence des stipulations

contractuelles sur la validit dautres actes liant des parties diffrentes est uvre du prteur, la
rgle tire de ladage res inter alios acta1332 a parfois conduit le juge ou la doctrine critiquer,
pour cette raison, ltablissement dun lien de validit entre deux conventions. Les victimes de
la violation d'un pacte de prfrence se sont [assez classiquement1333] heurtes au principe,
1327

Adde. les rfrences cites en introduction, supra, n 24.

1328

v. cet gard la remarque de BARTIN, faire natre en la personne dun tiers les droits et les obligations
rsultant dun acte auquel il na point concouru, sous la seule condition dune entente pralable entre lui et lun
des contractants, cest donner effet vis--vis de lautre une convention qui lui est trangre, la convention du
mandat : cest faire manifestement une brche au principe res inter alios acta , cit par A. WEILL, op cit., n
180, p. 316 et 317.
1329

Civ., 22 juin 1864, DP, 1864, 1, p. 412, la Cour de cassation nonce que dclarer opposable aux tiers les
titres rguliers de proprit, ce nest aucunement prtendre quil ne peut rsulter de ces titres une modification
quelconque aux droits des tiers ; et quainsi la rgle de larticle 1165, qui ne donne effet aux conventions
quentre les contractants, est ici sans application , p. 414. Plus gnralement en matire de groupes de contrats
(la question dpasse alors celle qui nous occupe ici) v. M. BACACHE-GIBEILI, La relativit des conventions et
les groupes de contrats, op. cit. ; B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, op. cit., notamment, n 20, p. 10 et 54
61, p. 25 29.
1330

Par exemple P. DIDIER, Brves notes sur le contrat organisation , prcit, p. 640 Les contrats
organisation chappent de plein droit la rgle de larticle 1165 .
1331

V. supra n 366 et s.

1332

H. ROLAND, L. BOYER, Adages du droit franais, 4me dition, Litec, n 393, p. 776.

1333

P.-Y. GAUTIER, Inefficacit du pacte de prfrence : mme la publicit foncire ne lui est daucun
secours , RTD civ., 1999, p. 644.

294

Contribution lanalyse normativiste du contrat


inhrent tout contrat, de l'effet relatif 1334, tout comme celles aspirant faire respecter une
convention dinalinabilit1335.

547.

Labsence datteinte leffet relatif des conventions En dpit des quelques

observations rgulirement formules dans les dbats relatifs chacune des structures
hirarchiques que nous avons exposes, il faut affirmer que leffet relatif des conventions
nest jamais heurt dans aucune des situations cites. Outre les justifications consistant
relever le caractre rel de certaines situations1336, dont on pourrait sans peine faire
abstraction, il suffit pour justifier les effets des conventions places en position de supriorit
hirarchique de sen tenir la distinction systmatise par Weill entre leffet relatif des
conventions et lopposabilit du contrat aux tiers1337.

548.

Cette distinction impose dapprhender larticle 1165 du Code civil comme signifiant

uniquement que seules les parties peuvent en principe devenir crancires ou dbitrices par
leffet du contrat. Cela ne fait pas obstacle ce que le contrat puisse valablement produire
dautres effets lgard des tiers auxquels il est opposable. La chose est connue, lopinion est
sans conteste celle que partage la doctrine contemporaine de manire presque unanime1338/1339,
1334

C. ZARIFIAN, la recherche de l'efficacit perdue des pactes de prfrence extra-statutaire , Gaz. Pal.,
2004, p. 1623.
1335

Civ. 1., 11 fvrier 2003, indit, n de pourvoi, 01-10366, qui censure au visa de larticle 1165 du Code civil
une cour dappel qui avait retenu pour valider le commandement aux fins de saisie immobilire que le crancier
saisissant est un tiers par rapport l'acte de donation-partage et qu'en vertu de l'effet relatif des contrats, cet
acte et la clause d'inalinabilit du bien donn qu'il contient lui sont inopposables .
1336

Au-del des chaines de contrats translatifs de proprit, la doctrine majoritaire estime que lindisponibilit
conventionnelle prsente un caractre rel. V. sur ce point, R. MARTY, De lindisponibilit conventionnelle
des biens , n 13.
1337

Sur ce point prcis, v. A. WEILL, op. cit., n 100 116 pp. 175 216 lauteur conclut une section consacre
la dmonstration de cette distinction de la sorte : condition de ne pas imposer leffet obligatoire dune
convention un tiers, on peut lui opposer toutes les conventions ; il est oblig den reconnatre lexistence de
fait, et linverse, il peut, si tel est son intrt, invoquer cette convention en tant que fait, puisquil nexige pas
lexcution son profit dune obligation issue du contrat , n 116, p. 205 ; v. galement adoptant quelques mois
plus tard, une conclusion proche de celle de lauteur prcdant, S. CALASTRENG, op. cit., en particulier le
Titre second de la deuxime partie intitul bauche de lopposabilit , p. 363 412, pour lauteur, le
principe naturel et socialement ncessaire est lopposabilit absolue de toute situation valable. La convention et
le droit rel sont opposables aux tiers. Les cas dinopposabilit sont rglements par la loi. Ce nest que pour
lobligation, pour le droit personnel, que le principe flchit et quil faut dire au contraire : le droit personnel est
seulement opposable aux tiers qui en ont eu connaissance ; son opposabilit nest que relative , p. 412
1338

F. BERTRAND, Thse prcite, n 2, p. 5 ; J. DUCLOS, op. cit., n 27-1 28, p. 51 53 ; M. FABREMAGNAN, Droit des obligations, op. cit., n p. 504 ; J. GHESTIN, C. JAMIN, M. BILLIAU, op. cit., n 678, p.
723 ; P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 789 793, pp. 408, 411 ; P.
MALINVAUD, D. FENOUILLET, Droit des obligations, op. cit n 458 et s., p. 360 ; D. MAINGUY, J.-L.
RESPAUD, Droit des obligations, Ellipses, Coll. Cours magistral, 2008, n 231, p. 174 ; G. MARTY, P.

295

La hirarchie des normes conventionnelles


et elle pourrait dailleurs prochainement tre celle exprime par le Code civil1340/1341.

549.

Si lon sen tient cette conception de leffet relatif des conventions, aucune atteinte

ce principe ne semble rsulter de linvalidit dune convention pour la raison quelle viole un
autre acte de mme nature form par des auteurs distincts. Dans toutes les pyramides
contractuelles mentionnes, linvalidit de lacte subordonn na jamais pour effet dobliger
contractuellement tertius envers primus. Les tiers ne sont jamais mis en position de dbiteur
ou de crancier contractuel par leffet de linvalidit de la convention infrieure. Le souscontractant perd le bnfice dune crance (laction en paiement ou le droit au renouvellement
de son bail), mais nest pas oblig contractuellement envers le contractant principal. En
prsence dune convention dinalinabilit, la convention annule dpouillera de la proprit
dune chose le tiers la convention viole, mais ce dernier ne sera pas tenu dune obligation
contractuelle. La nullit dune premire convention ne fait en gnral (la chose pourrait tre
vrifie propos du mandat, des conventions matrimoniales et des conventions pluridimensionnelles )

pas

natre

une

obligation

lgard

du

tiers

cet

acte.

Lorsquexceptionnellement le tiers est tenu dune obligation du fait de linvalidit de lacte


RAYNAUD, Droit civil, Les obligations, op. cit., n 260, p. 271 et 272 ; B. STARCK, Des contrats conclus en
violation des droits contractuels dautrui , prcit, n 33 ; B. STARCK, H. ROLAND, L. BOYER, Droit Civil,
Les Obligations, op. cit., n 1445 et s. , p. 501 et s. ; R. SAVATIER, La thorie des obligations en droit priv
conomique, op. cit., n 150 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, op. cit., n 483, p. 500 et n 485 et s., p.
501 et s. ; A. WEILL, F. TERRE, op. cit., n 516, p. 540.
1339

vrai dire, seul le fondement de cette opposabilit fait encore rellement dbat. Mise part lexplication
tenant lopposabilit des droits (rels notamment), le contrat serait pour certains auteurs opposable en tant que
fait ou fait social (en ce sens, v. S. CALASTRENG, op. cit. : Toute convention lgitime bnficie dune
valeur absolue ; telle que les parties lont btie, les tiers sont contraints de laccepter comme un fait extrieur
eux , p. 363 ; A. WEILL, op. cit., n 99 152, p. 172 279 ; Contra, soulignant de manire trs convaincante
les limites de cette thse v. R. WINTGEN, op. cit., en particulier, n 90 128, pp. 85 121, lauteur explique en
somme quadmettre que le contrat est un fait ne peut suffire expliquer les raisons pour lesquelles il devrait tre
respect dans la mesure o un fait ne peut produire que les effets quune rgle de Droit y attache , n 128, p.
120. Pour cet auteur, il nexisterait pas proprement parler de principe de lopposabilit du contrat aux tiers,
mais un ensemble de rgles prenant en compte lexistence du contrat. Il y aurait un grand nombre deffets
htrognes et non une notion unitaire par exemple, n 167, p. 152 et 153) pour dautres, auxquels nous nous
rallions, le contrat serait opposable en ce quil est norme juridique, v. P. ANCEL, Force obligatoire et contenu
obligationnel du contrat , prcit, n 48 53, p. 804 807.
1340

Cette interprtation semble consacre dans le dernier projet de rforme de droit des obligations qui dans son
article 105 dispose que le contrat ne cre dobligations quentre les parties contractantes . Larticle 106
reconnaissant lopposabilit du contrat au tiers. Lobligation remplacerait donc le terme impropre deffets
utilis dans lactuel Code civil, v. la dernire version du projet, mai 2009, sur le Blog du Professeur Houtcieff :
http://www.dimitri-houtcieff.fr/files/projet%20DACS%20modifi%20mai%202009-numrot.pdf.
1341

La prcision nest pas superflue pour autant dans la mesure o, comme le relevait il y a quelques annes
Monsieur GOUTAL et comme en attestent les exemples que nous venons de donner, si la distinction est acquise
la lecture des articles, monographies ou extraits de manuels consacrs spcifiquement la question de leffet
relatif des conventions, elle est un peu plus confuse dans les travaux qui sen loignent, J.-L. GOUTAL., op. cit.,
n 32, p. 33.

296

Contribution lanalyse normativiste du contrat


(telle une obligation de restitution lorsque la convention a t excute), cette obligation nest
pas de nature contractuelle1342. Leffet que produit la norme suprieure nest alors plus que le
fruit de lopposabilit du contrat aux tiers, de sa force obligatoire lgard des tiers.

550.

Leffet relatif des conventions est donc sauf, il est mme souvent prserv lorsquune

convention dtermine les conditions de validit dune seconde.


2. La prservation de leffet relatif des conventions par la hirarchisation.

551.

Le respect de la lettre de larticle 1165 du Code civil Si lon prenait la lettre une

partie des dispositions de larticle 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre
les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers , lvidence cet article pourrait
tre le fondement de ltablissement dun lien hirarchique entre deux conventions. La
remarque vaut pour lensemble des conventions conclues en violation des droits contractuels
dautrui. La vente (ou tout autre contrat translatif de proprit) de la chose dautrui, est
assurment une convention qui a un effet nuisible lgard dun tiers (le vritable
propritaire)1343 ; les conventions par lesquelles sont violes les stipulations dun avantcontrat de vente sexposent aux mmes remarques, elles sont de la mme manire des
conventions qui nuisent des personnes ny tant pas parties1344. Les exemples pourraient tre
multiplis. Ces quelques remarques tiennent cependant presque plus du sophisme que du
raisonnement juridique. La majeure partie de largumentation repose en effet sur une
1342

En ce sens, entre autres, C. GUELFUCCI-THIBIERGE, Nullit, restitutions et responsabilit,(prface J.


GHESTIN), LGDJ, Coll. Bibliothque de droit priv, Tome 218, 1992, n 658, p. 381 : Pour dceler la nature
du fondement des restitutions, il convient de procder par limination. En effet, ce nest pas un fondement
contractuel (cest lauteur qui utilise des caractres gras) : en premier lieu, en raison de lanantissement du
contrat originaire, qui le prive des effets juridiques attachs la validit et lempche de servir de base aux
restitutions ; en second lieu, en raison de labsence de contrat synallagmatique renvers : lexpression
vocatrice employe par certains auteurs laisse entendre que chaque partie doit restituer la sienne. Mais en
ralit, la restitution nest pas fonde sur la volont de la partie dbitrice, peu importe quelle soit ou non
daccord, elle se doit dexcuter le jugement la condamnant excuter .
1343

Analysant la vente de la chose dautrui comme une atteinte leffet relatif des conventions v. P.
MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 790, p. 408 : Les parties ne peuvent convenir
que dun objet dont elles ont la matrise. La relativit de la convention elle-mme est une question de
puissance : ainsi, il est impossible de transfrer un droit rel appartenant autrui ; contra, soulignant
labsence datteinte leffet relatif des conventions en ce que le vritable propritaire nest pas engag, S.
PETIT, La vente de la chose dautrui , D. 2007, p. 3116, spc. n 4 le vritable propritaire () n'a pas se
proccuper d'une vente qui - selon le principe de l'effet relatif des contrats - ne l'oblige pas.
1344

V. dans le mme sens la remarque de Monsieur MARTY, qui crit pour rcuser lide selon laquelle dans la
promesse unilatrale de vente le promettant est tenu dune obligation de ne pas faire, que considrer que le
promettant est tenu dune abstraction revient paraphraser les articles 1134 et 1165. Sengager envers un
contractant cest ncessairement refuser de sengager avec un autre , article prcit, n 3, p. 6.

297

La hirarchie des normes conventionnelles


conception exagrment extensive des termes de larticle 1165 du Code civil. Il nen demeure
pas moins que, mme rduit lanalyse communment admise de ce principe, largument peut
valablement prosprer dans plusieurs structures hirarchiques.

552.

Leffectivit de leffet relatif des conventions par la hirarchisation de deux

conventions La dfinition des conditions de validit dune convention par une autre
convention assure, dans un certain nombre de pyramides conventionnelles, leffectivit du
principe de leffet relatif des conventions. Autrement dit, linstauration dun rapport de
validit entre deux actes permet de faire en sorte quune personne ne soit pas engage par une
convention laquelle elle nest pas partie.

553.

Le sous-contrat Le systme form par la combinaison dun contrat principal et dun

ou plusieurs sous-contrats est sans doute larchtype du phnomne que nous voudrions
souligner. Lmergence dun sous-contrat a quasi-systmatiquement pour consquence de
crer un lien direct entre le contractant principal et le sous-contractant. La chose se traduit
essentiellement par la conscration lgale1345 ou prtorienne1346, dune action directe en
paiement, mais dpasse cette simple hypothse (le sous-contrat peut, en matire de sous-bail,
confrer au sous preneur un droit au renouvellement du bail envers le contractant
principal1347). Si certains auteurs jugent que lon peut douter de la nature juridique de cette
action1348, il y a tout lieu de penser quelle est de nature contractuelle 1349. Latteinte leffet
relatif des conventions par la cration dun lien contractuel entre les deux extrmes dune
chane par diffraction est alors patente, chacun saccorde sur ce point 1350 (la chose dpasse
1345

Tel est le cas de laction directe du sous-traitant contre le matre de louvrage, consacre larticle 12 de la
loi du 31 dcembre 1975.
1346

Le juge a depuis plus dun demi-sicle bilatralis au profit du sous-mandataire, laction directe de
lalina second de larticle 1994 du Code civil, v. Civ. 27 dc. 1960, D. 1961, juris. p. 491, note J. BIGOT.
1347

V. en matire de baux commerciaux, larticle L. 145-32 du Code de commerce (alina premier).

1348

R. BONHOMME, J. Cl. Contrats et distribution, op. cit., n 61.

1349

J. NERET, op. cit., v. les dveloppements consacrs par lauteur la question, n 365 et s., p. 265, en
particulier, n 371 379, p. 267 272 intituls : La prfrence doit tre donne au caractre contractuel de
laction .
1350

R. BONHOMME, Ibid., n 50 ; v. galement, J. NERET, op. cit., n 267 et s., p. 199 et s. Ce constat, dont
lauteur souligne quil nest pas compatible avec ledit principe, conduit dailleurs Monsieur NERET (aprs quil
ait fait linventaire de toutes les justifications doctrinales avances et not quaucune dentre elles ne savrait
satisfaisante) rejeter une analyse individualiste de la structure tudie au bnfice dune conception globale
mettant laccent sur lensemble que constitue le contrat principal et le sous-contrat (v. en particulier n 323 et s.,
p. 235 et s.).

298

Contribution lanalyse normativiste du contrat


dailleurs le cadre de laction directe dans le sous-contrat1351).

554.

Quoi quil en soit, linvalidit dune convention (le sous-contrat irrgulirement

conclu) en raison de sa contrarit avec un autre acte juridique de mme nature (le contrat
principal) ne contrarie pas, dans ce cas prcis, les dispositions de larticle 1165 du Code civil.
Mieux, elle en assure leffectivit. En raison de linopposabilit (ou plus rarement de la
nullit) de la convention en sous ordre irrgulirement conclue, nul ne pourra tre tenu dune
obligation rsultant dune convention laquelle il nest pas partie.

555.

La reprsentation La situation est sensiblement similaire celle dcrite chaque

fois quil y a reprsentation conventionnelle (voire mme lgale) dune personne par une
autre, ds lors quil y a un dpassement (ou absence) de pouvoir. Dans ces situations, une
personne dont les consignes ont t dpasses, pourrait tre tenue dengagements ns dune
convention laquelle elle nest pas partie. Lassertion peut heurter. Il est en effet assez
unanimement convenu que le mandant est partie la convention conclue par son reprsentant
avec son cocontractant1352. Sil ne sagit videmment pas de nier ici cette ralit, il convient
cependant de souligner que si le mandant est partie la convention conclue par un
intermdiaire avec un tiers, cest la condition que cet intermdiaire ait eu le pouvoir de
reprsenter le mandant et quil agisse dans la mesure du pouvoir qui lui a t transmis1353. Si
le reprsentant agit sans pouvoir, les actes ainsi conclus sont lgard [du mandant] res
inter alios acta 1354. Lacte est rput conclu par des tiers1355. La hirarchisation de deux
1351

En ce sens, C. JAMIN, La notion daction directe, ( prface J. GHESTIN), LGDJ, Coll. Bibliothque de
droit priv, Tome 215, 1991, pour lauteur, laction directe est un mcanisme volontairement contraire leffet
relatif des conventions, dont elle est un mcanisme correcteur () permettant [den] attnuer ou [den]
annihiler, dans des situations considres comme injustes, la rigueur , n 301, p. 270 ; A. WEILL, op. cit., n
422, p 739 et 740.
1352

P. LE TOURNEAU, Rp. Civ. Dalloz, v Mandat, n 331.

1353

V. dailleurs les dveloppements consacrs par trois auteurs cette question loccasion de lexamen de la
relativit des conventions qui crivent : lorsquune convention est conclue pour autrui par une personne
dpourvue de pouvoir dagir pour une autre, ou bien celle-ci ratifie la convention, elle se transforme alors en
partie, ou bien elle ne la ratifie pas, la convention est alors inefficace son gard , P. MALAURIE, L.
AYNES, P. STOFFEL-MUNCK , op. cit., n 790, p. 408.
1354

P. LE TOURNEAU, Rp. Civ. Dalloz, v Mandat, n 360.

1355

Ce qui suppose dadmettre que le mandataire est partie la convention conclue en violation du mandat. Sur
ce point, v. N. DISSAUX, La qualification dintermdiaire dans les relations contractuelles, op. cit., en
particulier, v. n 697, p. 323. Partant de la distinction entre la procdure contractuelle et la norme contractuelle
systmatise par KELSEN, lauteur propose dlargir la distinction entre les parties et les tiers. Il propose alors
dadmettre quexistent trois catgories de parties diffrentes. ct des parties tenues des effets juridiques

299

La hirarchie des normes conventionnelles


conventions assure, comme dans la situation prcdente, leffectivit du principe de leffet
relatif des conventions.

*
*

du contrat (qui sont en somme les parties au sens classique du terme) et des parties lmolument contractuel
(celles qui sont appeles recueillir les bnfices et les pertes du contrat on reconnat ici les parties accdant
cette qualit au cours de la vie de la convention), existeraient des parties procdurales . Si lon admet cette
dfinition de la notion de partie (qui nous semble pouvoir se marier avec celle dj retenue elle la complte,
sans la contredire), il y a alors bien dans la situation dcrite une convention conclue entre deux parties, lgard
de la laquelle le mandant est tiers.

300

Contribution lanalyse normativiste du contrat


556.

Conclusion du titre second Parce quune condition de validit ne peut qutre

imprative, une hirarchie ne peut sinstaurer entre deux actes conventionnels qu la


condition que les parties la convention infrieure ne puissent pas valablement droger par
une simple convention la convention suprieure. lgard des parties la seconde
convention, la convention suprieure doit tre imprative. En pratique cela rduit les
hypothses dans lesquelles deux conventions peuvent se hirarchiser deux situations.

557.

Dans le premier cas de figure, limprativit de la convention tient son immutabilit

conventionnelle. Une hirarchie est alors envisageable lorsque lacte contractuel form en
premier ne peut pas tre modifi (cest lhypothse de la convention matrimoniale,
normalement soumise au principe de limmutabilit), ou lorsquil ne peut pas ltre par le
biais dun acte ayant une nature conventionnelle (la plupart des statuts de socits ou le
rglement de coproprit ne peuvent tre modifis que par une dlibration de lassemble
gnrale, acte juridique unilatral).

558.

Le second cas de figure, qui est de loin le plus commun, est celui dune diffrence de

parties aux deux conventions. Ltablissement dune hirarchie entre deux actes
conventionnels est inimaginable (hors de lhypothse prcdente) dans lhypothse o les
parties aux deux actes sont les mmes. Les possibilits que tiennent les parties de la loi
(mutuus dissensus, novation, modification, dation en paiement, remise de dette etc.) de
modifier valablement par une simple manifestation de volont contraire (mme tacite) les
conventions formes entre elles, font obstacle toute possibilit de hirarchiser deux
conventions les liant. Cette conclusion, en dpit des opinions doctrinales contraires, nous
conduit rcuser lexistence de rapports hirarchiques entre les contrats-cadres et les contrats
dapplication lorsque ces actes lient les mmes parties. Lorsque les parties aux deux actes sont
diffrentes, le tiers un contrat nayant pas le pouvoir den modifier les termes, linstauration
dune relation hirarchique entre deux conventions est envisageable.
Si le constat peut a priori sembler heurter le principe de la relativit des conventions
nous venons de le voir il nen est rien. Il suffit pour ladmettre de sen tenir la vision
moderne de ce principe qui consiste uniquement considrer quune personne ne peut devenir
dbitrice ou crancire contractuelle par leffet dune convention laquelle elle nest pas
partie. Linvalidit dune convention pour violation dun autre acte juridique de mme nature
liant des parties distinctes na effectivement jamais pour effet dengager contractuellement
301

La hirarchie des normes conventionnelles


lauteur de la convention infrieure qui nest pas partie la convention suprieure. Au
contraire, ltablissement dun lien hirarchique entre deux conventions permet parfois de
prserver le principe hrit de ladage res inter alios acta en mettant lun des contractants de
la premire convention labri dun engagement contractuel, telle une action directe ne de
lexistence dun sous-contrat, ou des obligations nes dune convention conclue par un
mandataire au-del du pouvoir qui lui tait confi.

*
* *

302

Contribution lanalyse normativiste du contrat


559.

Conclusion de la seconde partie Linstauration dun lien hirarchique est soumise

deux catgories de conditions. Elle suppose dabord la runion de conditions pralables la


hirarchisation, puis la runion dlments constitutifs du lien hirarchique.

560.

Les conditions pralables la hirarchisation peuvent se rsumer dans lexigence de

plusieurs normes la nature conventionnelle.


La hirarchie suppose donc lexistence de plusieurs conventions diffrentes qui
doivent avoir de surcrot une existence simultane. Ltude de la condition de pluralit de
normes, outre le fait quelle permette de souligner quelques situations dans lesquelles
lexistence de plusieurs conventions nest pas vidente tablir, permet surtout de mettre en
lumire le fait que ltablissement dun rapport objectif entre conventions ne suppose pas
ncessairement une relation directe. La supriorit hirarchique dune convention sur une
autre peut en effet se manifester par le truchement dun autre acte juridique conventionnel ou
unilatral (ce qui permet de souligner limportant rle normatif du contrat).
Les normes en prsence doivent encore toutes avoir une nature juridique
conventionnelle. La prcision est l encore, en dpit de son vidence, riche denseignements.
Elle est galement, de ce point de vue, suffisante. Contrairement une opinion que lon
soutient parfois, et qui pourrait simposer en raison de la prsentation classique des sources du
Droit, ltablissement dune relation hirarchique est indiffrent la nature juridique (simple
ou rglementaire/institutionnelle) des conventions en rapport les unes avec les autres. Une
hirarchie peut sinstaurer entre diffrentes conventions quelle que soit la nature juridique
respective de chacun de ces actes. La place de chaque convention ne dpend pas de sa nature
suppose. La chose sexplique assez aisment si lon admet lunit de la notion de convention.
La doctrine contemporaine a souvent, ces dernires annes, soutenu la nature contractuelle de
la convention collective de travail ou de la socit. Ces analyses peuvent sans mal tre
gnralises et tendues toutes les conventions dont la nature juridique fait dbat, au point
quil est sans doute possible de considrer quil nexiste aucune convention la nature
juridique rglementaire ou institutionnelle. La preuve de lexistence de relations hirarchiques
entre conventions, en soulignant leffet normatif de tous ces actes, en particulier lgard
des tiers, conforte indniablement ces analyses contractuelles.
La seconde des conditions pralables lexistence dune hirarchie entre conventions
est lexistence dun lien subjectif, dun point commun, entre les conventions unies par un lien
de validit.
303

La hirarchie des normes conventionnelles


Concrtement cela se traduit par le fait que les actes hirarchiss portent sur un mme
intrt. Le plus souvent, cet intrt commun rside dans lidentit dobjet de la prestation des
deux conventions hirarchises (un mme bien par exemple, objet de ventes successives). Plus
rarement, cest un but commun que poursuivent les deux conventions. Le terme but ne
doit pas tre ici entendu comme synonyme de cause. Il signifie que lobjet de la
convention de lacte suprieur est identique la cause finale de lacte infrieur.
Lidentit au moins partielle de parties, dont un auteur1356 a pu affirmer quelle tait
une condition de la hirarchisation de plusieurs conventions, est en revanche indiffrente.
Deux actes nayant aucune partie en commun peuvent parfaitement entretenir des relations de
validit lun avec lautre (tel est le cas des statuts et des conventions de la socit
contractante).

561.

Les conditions pralables la hirarchisation de plusieurs conventions tablies, des

lments constitutifs du lien hirarchique sont enfin indispensables. Le premier lment, que
nous avons cart pour les raisons exposes, rside bien videmment dans le fait que la
convention suprieure ait une influence sur un lment considr par le Droit objectif comme
un lment conditionnant la validit de la convention infrieure. Le second, que nous avons
seul tudi, impose que la convention suprieure soit conventionnellement imprative
lgard des parties lacte infrieur. lvidence, une condition de validit ne peut qutre
imprative. Il ne peut exister un lien de validit entre conventions si les auteurs de la
convention infrieure peuvent modifier lacte suprieur. Limprativit conventionnelle de la
convention suprieure se retrouve dans deux hypothses diffrentes.
Dans la premire, limprativit de la convention suprieure ressort de limmutabilit
conventionnelle de la convention suprieure qui, soit ne peut pas tre modifie, soit ne peut
pas ltre par le biais dun acte juridique conventionnel (cest le cas des conventions
matrimoniales qui sont en principe immuables. Cest encore le cas du rglement de
coproprit ou des statuts de la socit qui ne peuvent la plupart du temps pas tre modifis
par une convention).
Dans la seconde hypothse, de loin la plus frquente, limprativit de la convention
suprieure est la consquence de laltrit de parties aux diffrents actes de la structure. Les

1356

Sur ce point v. les propositions de Monsieur Perrouin, n 447 et s.

304

Contribution lanalyse normativiste du contrat


parties une convention tenant en principe de la loi la possibilit de modifier ce rapport en
employant diffrentes techniques, cette convention est, leur gard, suppltive de volont. Le
constat condamne ds lors lhypothse de rapports hirarchiques dans une structure dans
laquelle ces liens sont souvent voqus ; celle entre les contrats-cadres et les contrats
dapplication.
Au contraire, la prsence dau moins un tiers la convention infrieure permet
denvisager linstauration dun lien hirarchique, puisque la qualit de tiers un acte juridique
suppose notamment linaptitude le modifier. Ce constat nest en rien incompatible avec le
principe de leffet relatif des conventions. Ltablissement dun lien hirarchique entre deux
contrats ne cre jamais une obligation conventionnelle la charge dun tiers. La rgle nonce
larticle 1165 du Code civil est dailleurs mme parfois prserve. Latteinte la validit de
la convention infrieure permet, en effet, dviter de mettre la charge de lune des parties
lacte suprieur une obligation conventionnelle ne de lacte infrieur (telle une action directe
dans le sous-contrat).

305

CONCLUSION GNRALE

Contribution lanalyse normativiste du contrat

562.

La hirarchie des normes est partout crivions nous ds lintroduction de ce travail.

Les relations inter-conventionnelles chappent-elle cette affirmation ? A priori, un principe,


leffet relatif des conventions, un argument thorique, lgalit juridique des conventions, et
un dogme, celui de la place du contrat dans lordonnancement juridique semblaient
invitablement conduire admettre que lhypothse tait bien hasardeuse.

563.

Le premier ne pouvait a priori tre dress comme un obstacle sans aucune analyse

pralable des effets potentiels de la hirarchisation de deux conventions, le second confond


deux conceptions de la hirarchie des normes, le troisime enfin, tait infond. On peut en
conclure que le contrat est une norme juridique. Il est (ou, plus rigoureusement, il pose) une
norme en ce quil dicte un modle de ce que doit tre un comportement humain. Cette norme
est galement juridique dans la mesure o elle est intgre au systme juridique, cest--dire
produite conformment aux rgles de ce systme. Labsence de gnralit de cet acte, critre
aujourdhui dpass, ne peut suffire lui refuser la qualit de rgle de Droit. La convention
tant une norme juridique, dont les effets normatifs ne se limitent pas la cration dun
rapport dobligation, il ny avait aucune raison de refuser denvisager qu linstar dautres
normes, elle soit conditionnante de la validit dautres rgles de Droit, en particulier
dautres conventions.
Quelques exemples, loin dtre exhaustifs, ont permis de valider dun point de vue
empirique la dmonstration thorique de lhypothse ainsi formule. Les statuts de la socit
ou de lassociation, en dterminant les pouvoirs des dirigeants de la personne morale,
dterminent ainsi la validit des actes accomplis par ces organes. La convention matrimoniale,
en dterminant lappartenance dun bien une catgorie de biens (propres ou communs),
dtermine le titulaire des droits sur ce bien et/ou les pouvoirs respectifs des poux sur ce bien,
ce qui, in fine, conditionne la validit des actes accomplis par les poux. Le mandat dtermine
galement les conditions de validit de lacte conventionnel conclu par le mandataire, tout
comme lavant-contrat de vente conditionne partiellement la validit de la vente conclue entre
le promettant (ou le dbiteur de la prfrence) et un tiers. Dans toutes ces situations, et dans
dautres, deux conventions sont lies hirarchiquement. La prsence de rapports hirarchiques
entre conventions est commune en droit positif. Le phnomne nest ni nouveau, ni limit
307

La hirarchie des normes conventionnelles


un domaine technique. Il touche de vieux contrats et stend toutes les branches du Droit.

564.

Lhypothse valide, il nous restait cerner les circonstances dans lesquelles une

relation de cette nature peut apparatre. Si lon sattache lessentiel, elles sont relativement
peu nombreuses. Certains lments sont indiffrents. Tel est le cas de la nature juridique des
conventions hirarchises. Les actes rputs rglementaires ou institutionnels ne sont pas
ncessairement suprieurs des conventions la nature juridique simple, sans doute pour la
raison, que nous avons dveloppe, quil nexiste aucune convention la nature juridique
pluri-dimensionnelle . Peu importe aussi que les conventions hirarchises soient en
relation directe les unes avec les autres. Un lien hirarchique peut parfaitement relier deux
actes alors quun troisime, conventionnel ou unilatral, est interpos entre eux.
Deux seules conditions simposent vritablement de manire imprative. La premire
consiste bien videmment en ce que la convention place en position de supriorit
hirarchique dtermine un lment qui est considr par le Droit (la loi ou le juge) comme une
condition de validit de lacte subordonn (le plus souvent, la convention suprieure attribue
un pouvoir ou dtermine la titularit de droits). Cette condition rsulte dun choix de politique
juridique, non de thorie juridique. La seconde rside dans limprativit de la convention
suprieure. Une condition de validit ne pouvant qutre imprative, il ne peut y avoir de
hirarchie entre deux

conventions

que si

la premire ne peut

tre modifie

conventionnellement par les parties la seconde, ce qui implique que cet acte soit dans une
certaine mesure immuable, ou form par des tiers (lesquels ne peuvent par dfinition pas
modifier un acte auquel ils ne sont pas partie).

565.

Ltablissement dun lien hirarchique entre conventions est donc possible, il est

mme une ralit assez commune en droit positif.


Dun point de vue thorique, ce point nous parat important. Il est une illustration
supplmentaire, et non des moindres, de la normativit du contrat que la doctrine souligne de
manire croissante depuis plusieurs annes. Lanalyse normativiste de la convention sort
invitablement renforce de notre tude. Elle est la seule lui offrir le cadre thorique de son
panouissement. De ce point de vue, nos conclusions ne sont sans doute quune manifestation
supplmentaire de la normativit du contrat, en particulier de ses effets non obligationnels.
Le contrat peut avoir pour effet de dterminer les conditions de validit dun autre contrat et
308

Contribution lanalyse normativiste du contrat


mme, plus largement, dun autre acte juridique. Il peut tre la norme fondamentale dune
vritable pyramide de normes , ce qui le fait sloigner catgoriquement de limage dun
acte dexcution du droit, dont la place dans la hirarchie des normes serait situe ltage le
plus bas. Cette vision du contrat, au-del de laspect soulign, permet galement de rendre la
catgorie conventionnelle une certaine homognit. la lueur de nos conclusions, et
dautres points que nous avons voqus, la spcificit des conventions dont les effets
rglementaires sont rgulirement souligns apparat bien peu vidente.

566.

Du point de vue pratique, les rpercussions concrtes de nos recherches nous semblent

ouvrir un certain nombre de perspectives.


Si lencadrement de la validit des conventions conclues par les mmes parties nous
semble en ltat actuel du droit impossible, laccent mis sur les facteurs techniques de cette
incapacit des parties hirarchiser leurs actes permet denvisager une issue diffrente
moyen terme. Le principe du paralllisme des formes, que certains auteurs ont vu merger
dans la jurisprudence, et qui pourrait tre consacr dans une prochaine rforme du Code civil,
offrirait aux parties une trs grande souplesse dans lorganisation de leurs rapports
contractuels quelles pourraient alors vritablement hirarchiser. La convention suprieure ne
pouvant tre modifie que sous certaines formes, elle serait en partie imprative et
conditionnerait, proprement parler, la validit des conventions venir entre les parties. Sans
doute les relations contractuelles y gagneraient-elles en prvisibilit.
Mais cest dans les relations des parties avec les tiers que les perspectives ouvertes par
nos conclusions nous semblent les plus intressantes. Notre travail nous a permis de souligner,
outre labsence dobstacles thoriques linstauration dun lien de validit entre deux
conventions, que les conditions dans lesquelles un lien de cette nature peut tre tabli sont
assez peu nombreuses. Linstauration dun lien de validit entre deux conventions est une
chose, thoriquement et concrtement, assez banale. Dans ces conditions, sans doute est-il
envisageable dtendre linvalidit des contrats portant atteinte aux droits contractuels
dautrui. Il nest bien videmment pas question de prtendre frapper dinvalidit toute
convention entrant en contradiction avec une autre rpute suprieure. La chose naurait
aucun sens. Il est en effet parfois prfrable que le Droit, comme en matire de conventions
collectives de travail, laisse aux contractants le plus de libert possible. En revanche, lorsque
le Droit, et plus particulirement le juge, fait le choix de soumettre une convention au respect
309

La hirarchie des normes conventionnelles


dune autre, sans doute serait-il possible de considrer que la seule violation dune convention
par une autre suffit fonder la nullit de la convention illicitement forme. Cette position
prsente deux avantages. Elle permet de faire lconomie de la qute toujours incertaine1357
dun fondement pour trouver a posteriori une explication la solution adopte par les juges.
Elle permet encore de se dfaire des contraintes imposes par le rgime du fondement retenu
qui peut conduire des solutions bien inopportunes, comme en matire de pacte de
prfrence, o le recours la fraude impose de rapporter une preuve que lon a pu qualifier de
diabolique. Admettre que le contrat est une norme comme une autre que chacun doit ds lors
respecter1358, et qui peut dun point de vue thorique parfaitement dterminer les conditions de
validit dune autre convention, suffit nos yeux justifier labsence de validit de la
convention conclue en violation des droits contractuels dautrui, condition, bien
videmment, que cette norme soit comme toute norme connue ou publie1359. Telles sont les
solutions retenues en matire de promesse de vente, de mandat, de coproprit, de vente
(dimmeubles), telle pourrait tre la solution retenue en matire de pacte de prfrence. Le
choix nest pas un choix de thorie ou de technique juridique, tout est question de politique
juridique. Cela ne nous appartient plus

1357

La doctrine discute toujours du fondement de la nullit de ces conventions dindisponibilit plus dun sicle
aprs la conscration de la solution.
1358

P. ANCEL, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat , ces normes qui, en raison de leur
origine prive, n'ont en principe qu'un effet personnel limit, n'en sont pas moins, en ce qu'elles procdent d'une
habilitation lgale, obligatoires pour tout le monde , n 53.
1359

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- De l'esprit des lois, in, uvres compltes de Montesquieu, Tome I, Paris, Lefvre diteur,
1839
PLATON
- uvres compltes, (traduction CHAMBRY E.), Tome V, Le politique, Garni, 1950
PORTALIS J.-E.-M.
- De l'usage et de l'abus de l'esprit philosophique durant le XVIIIme sicle, 3me dition,
Tome I, Moutardier, Paris, 1834
REY A. (Direction)
- Dictionnaire historique de la langue franaise, Dictionnaire le Robert, 2006, v Norme
REY-DEBOVE J., REY A. (Direction)
- Le nouveau petit Robert de la langue franaise, 2010
ROUSSEAU J.-J.
- Du contrat social, in, uvres compltes de J.-J. Rousseau, Paris, Dalibon, 1826, Tome VI
SIMHA S.
- norme in, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse & Cnrs ditions
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- Essai sur les privilges, 1788
WALDECK-ROUSSEAU P.,
- Associations et congrgations, http://classiques.uqac.ca/

355

Index alphabtique

INDEX ALPHABTIQUE
(Les numros renvoient aux paragraphes)

A
Mandat : 259, 330
Objet : 488 et s.
Parties : 520
Personnalit morale : 461 s.

Autonomie de la volont : 113 s.


Code civil : 129
Conception absolue : 116
Libert contractuelle : 139
Naissance : 116
Philosophie : 139
Valeur constitutionnelle : 134

Avantcontrat : 261 s.
B
Bail : 293 s.
Sous-bail (sanction) 303

Acte rgle
Acte-condition : 24
Acte collectif (distinction) : 367,
373
Acte subjectif : 24
Contrat (distinction) : 367 s., 401
Coproprit : 207

But :
Dfinition : 492
Identit : 491 et s.
C
Cause
Subjective : 491 s.

Acte unilatral : 3
Collectif 432 et s.
Dcision : 429
Individuel : 428
Rglement intrieur : 175

Chane
Contractuelle
Et coexistence des
Conventions : 413 s.
Htrogne : 423 s.
Homogne : 420 s.
Non contractuelle : 428 s.

Action directe
Inopposabilit : 302 s.
Sous-contrat : 302, 553

Conseil constitutionnel
Autonomie de la volont : 134
Gnralit de la loi : 110
Rserve dinterprtation : 325

Assemble gnrale
Coproprit : 216, 513
Nullit : 432 s.
Qualification : 432
Socit : 196, 511

Contrat
Dfinition : 5
Convention (distinction) :
6
Critre
Accord de volont : 5, 393

Association : 24, 173, 174


Nature juridique : 339 s.

356

Index alphabtique
Intrts opposs : 393
Apport en socit : 351
Communaut
Conventionnelle : 227 s.
Universelle : 230
Gestion des biens : 235 s.
Communs : 241
Propres : 238

De mariage (v. conventions


matrimoniale)
Force obligatoire (v. ces mots)
Unit de la notion: 378 s.
Contrat-cadre :
Supriorit hirarchique
(Contrat dapplication)

Affirmation
de
supriorit : 22, 25, 533

Ngation
de
supriorit : 535

Nature juridique
Thse contractuelle : 365,
378 s.
Thse mixte : 374
Pouvoirs : 224, 235
Participation aux acquts : 232 s.
Sparation de biens : 231 s.

la
la

Convention(s)
Coproprit des immeubles btis
Contrat (distinction) : 6
Pluralit : 338 s.
coexistence : 413 s.
Pluridimensionnelles
Supriorit hirarchique :
347 s.
Unidimensionnelles
Supriorit hirarchique :
354
Unit de la notion : 378 s.

Assemble gnrale (v. ce mot)


Bail : 210 s.
Droit de jouissance exclusive :
216
Division des lots : 213
Mutation des lots : 212
Pacte de prfrence : 212, 220
Parties communes et privatives :
215
Rglement (v. ce mot)
Syndic : 259, 288, 429, 436, 437

Conventions collectives de travail :


312 s.

D
Dualisme : 373 s.
Supriorit hirarchique 312 s.
Et principe de faveur :
15, 313, 316 s.
Contrat de travail (sur) :
500
Entre conventions
collectives
Affirmation de :
316 s., 320 s.
Absence de : 317 s.
Nature juridique : 364 et s.
Thse contractuelle : 365,
378 s.
Thse mixte : 373 s.
Thse rglementaire : 367
s.
Conventions matrimoniales : 223 s.

Donation : 330, 420, 524


Chane de contrat : 423
Droit objectif
Contrat
Conception classique du
contrat : 38
Normativit du contrat :
40 s.
Acte-rgle 24, 342, 367 s., 401,
Institution, 343
Duguit : 24, 343, 366, 401, 406,

357

Index alphabtique
concrtisation ou
Derogatio : 13 s.
Indirecte : 418 s.
Polysmie : 8
Principe de faveur : 15, 313, 316
s.
Rapport de production : 16
Simplifie : 9

E
Effet relatif des conventions : 2, 397, 452
s., 468, 543 s.
hirarchie (compatibilit) : 24, 32
s., 452, 468, 543 s.
Et conventions collectives : 369,
383, 390, 391
Rglement de Coproprit : 398 s.
Socit et Association : 369, 397
Protection : 551 s.

I
Immutabilit : 509 s.
Conventionnelle :
Rglement de coproprit :
513
Statuts : 511, 512
Des conventions matrimoniales :
244, 515 et s.

F
Force obligatoire du contrat
Fondement : 114 s.
Tiers : 2, 547

Impratif : 507 s.
G
Suppltif : 516, 522 s.
Relativit
de
distinction : 516

Gnralit du Droit : 77 s.
Affirmation : 79 s.
Aristote : 87
Condamnation : 84 s.
Conseil constitutionnel : 110

la

Imprativit
Convention matrimoniale : 244,
515 s.
Rglement de coproprit : 513
Statuts de personnes morales :
515 s.

Groupe de contrats : 3, 414, 420 s., 442,


482
H

Inalinabilit (convention de) : 181, 221,


276 s., 526, 549

Habilitation
Objet des normes thiques : 56 s.
Objet de la convention : 69

Etendue : 278 s., 280


Sanction : 163, 282
Inopposabilit : 157 s.

Hauriou
Institution : 343, 370 s.

Cause (de l) : 158 s.


Champ dapplication : 160 s.
Dfinition : 157
Effets : 169 s.
Nullit : 157 et s.
principe de faveur : 313
Sanction
Sous-contrat : 300

Hirarchie
Dfinition : 8 et s.
Force drogatoire : 10 s.
abrogation : 11, 12

358

Index alphabtique
Mutuus dissensus : 17, 523 s.

Institution : 370 s.
Contrat (distinction) : 370 s.
Droit objectif : 373
Rglement de coproprit : 371,
372
Socit : 371, 372, 378

N
Norme (au non juridique) : 41 s.
Contrat : 58
Directive : 50 s.
Etymologie : 43, 44
Ethique : 53
Juridique :
Juridicit : 112 s.
Gnralit : 77 s.
Modle : 43 s.
Objet : 56
Origine : 43 s.
Recognitive (ou scientifiques): 50

K
Kelsen : 16, 26, 53, 88, 139, 418
L
Loi
Balkanisation : 94 s.
De la majorit (v. ce mot)
Conception matrielle : 46, 82,
343
Conception organique : 8, 99
Gnralit (v. ce mot)
Fondement de la force obligatoire
du contrat (v. force obligatoire)
Personnalisation : 99 s.

Nullit
Annulabilit : 155
Inopposabilit (distinction) : 157
s.
Restitutions : 549
O

Objet :
Contenu du contrat : 477, 479
Des normes : 56
De lobligation : 475
De la prestation : 475, 478, 480 s.
Du contrat : 475, 491 s.

Mandat : 248 s.
Sous-mandat : 290, 294, 305
Supriorit hirarchique : 248 s.
Convention collective :
321, 361
Convention matrimoniale :
359

Opposabilit du contrat : 2, 416, 543 s.

Majorit

Opposabilit de la spcialit statutaire :


199 s.

Principe majoritaire 371, 401


Ordre juridique partiel : 418 s. (note de
bas de page).

Modle
Rgle de droit comme : 43 s.
Convention comme modle : 59 s.
Et gnralit de la rgle de Droit :
107

P
Pacte de prfrence : 167, 263 s.
Sanction : 272 s., 566

Modification du contrat : 12, 523 s.


359

Index alphabtique
Pactes extrastatutaires : 176 s.

Rglement de coproprit : 207 s.

Illustration : 178 s.
Soumission aux statuts : 184 s.

Nature juridique : 364 s., 375


Opposabilit aux tiers : 398 s.
Publicit : 221 (note de bas de
page)

Parties
Diffrence de : 447 s., 519 s.
Tiers (distinction) : 520 s.
Socit : 520 s.

S
Socit : 175 s.
Objet social : 189 s.
Dpassement : 194
Modification : 196
Objet du contrat : 488 s.
Nature juridique : 364 s., 376
Personnalit morale : 461 s.
Parties : 520
Statuts
- Modification : 196, 511,
512

Pouvoir
Condition de validit des actes
juridiques : 502
Dfinition : 504 (note de bas de
page)
Disciplinaire : 369, 401
Pluralisme juridique : 19, 418 s. (note de
bas de page)

Sources du Droit
Promesse unilatrale de vente : 268 s.
Contrat : 38, 343 s.
Sanction : 274
Sous-contrat : 286 s.
Principe de faveur
Notion : 315 (note de bas de
page)
Hirarchie des normes
(distinction) : 15, 313, 316 s.

Suppltivit : 507, 516


T
Tiers
Parties (distinction) : 520 s.

R
Rgle de Droit

Gnralit : 77 s.
Norme juridique (distinction) : 37
(note de bas de page)
Spcificit (juridicit) : 112 s.

Validit
Conformit (distinction)
Convention
Nullit
Inopposabilit
Norme

Rglement
Coproprit (v. ce mot)
Droit public : 102, 153 (note de
bas de page)
Intrieur des socits : 114, 180,
187, 512

Vente
De la chose dautrui : 211, 273,
330, 551
Chane de vente : 413 s., 420 s.
360

Table des matires

TABLE DES MATIRES

SOMMAIRE .................................................................................................................. 7
INTRODUCTION ............................................................................................................ 9
I. Objet de la recherche. ............................................................................................. 4
II. Enjeux de la recherche. ........................................................................................ 15

PREMIRE PARTIE LEXISTENCE DE HIRARCHIES DE NORMES


CONVENTIONNELLES....................................................................................................... 24
TITRE PREMIER LA POSSIBILIT DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS.
.............................................................................................................................................. 26
CHAPITRE PREMIER LA CONVENTION EST UNE NORME. ............................................. 31
Section I Dfinition de la norme. .............................................................................. 31
1. La notion de norme. ........................................................................................... 32
2. Varits de normes. ............................................................................................ 35
A. Les normes juridiques sont des normes directives. ......................................... 35
B. Les normes juridiques sont des normes thiques............................................. 36
Section II Adquation de la convention avec la dfinition de la norme.................... 39
1. Un modle de comportement de ce qui doit tre. ............................................... 39
2. Des objets identiques ceux des normes thiques. ............................................ 41
CHAPITRE SECOND LA CONVENTION EST UNE NORME JURIDIQUE. ............................ 45
Section I Indiffrence du caractre individuel de la convention. .............................. 46
1. La gnralit : Une qualit suppose de la rgle de Droit. ................................. 47
2. La gnralit: Une qualit condamne de la rgle de Droit. .............................. 51
A. Des fondements friables de la gnralit de la loi. .......................................... 52
1. Une assise philosophique incertaine. ........................................................... 52
2. Une assimilation fausse du Droit une loi ncessairement gnrale. .......... 59
a. La loi nest pas gnrale. .......................................................................... 59
b. Tout le Droit n'est pas loi. ........................................................................ 63
361

Table des matires


B. Une absence dobstacles au caractre individuel d'une norme juridique. ....... 65
Section II Intgration de la convention lordre juridique. ...................................... 68
1. Une intgration incompatible avec lautonomie de la volont. .......................... 70
A. La conception absolue de lautonomie de la volont. ..................................... 71
B. Un obstacle la juridicit de la convention. .................................................... 75
2. Lautonomie de la volont : un obstacle fictif la juridicit de la convention. . 77
A. Une assise historique douteuse. ....................................................................... 77
B. Une absence certaine en droit positif. .............................................................. 80
1. Absence de lautonomie de la volont comme principe juridique dans le
droit positif. ...................................................................................................... 80
2. Le Droit. Fondement juridique de la force obligatoire du contrat................ 90
TITRE SECOND LA RALIT DES RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE CONVENTIONS. .... 98
CHAPITRE PRLIMINAIRE DFINITION DE LA VALIDIT DUNE CONVENTION. .. 101
1. La nullit est une absence de validit. .............................................................. 101
2. L'inopposabilit est une absence de validit. ................................................... 102
A. Identit de la cause de la sanction avec la nullit. ......................................... 103
1. Identit chronologique de la cause de la sanction. ..................................... 103
2. Labsence de critre distinctif quant la cause de la sanction. .................. 104
a. D'un point de vue thorique. ................................................................... 104
b. D'un point de vue pratique. .................................................................... 106
B. Quasi-identit de l'effet de la sanction. .......................................................... 109
CHAPITRE PREMIER LA PRSENCE INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES
ENTRE CONVENTIONS. .................................................................................................... 112

Section I Les hirarchies fondes sur une convention organisation . ................. 113
1. Les statuts de socits. ..................................................................................... 114
A. Supriorit hirarchique des statuts lgard des conventions extra-statutaires.
............................................................................................................................ 115
1. Stipulations rfrences. .............................................................................. 115
a. Les conventions entre associs. .............................................................. 115
b. Des conventions soumises aux stipulations statutaires. ......................... 118
362

Table des matires


2. Des rfrences conditionnant la validit des conventions entre associs. .. 119
B. Supriorit hirarchique des statuts lgard des conventions de la socit
contractante. ....................................................................................................... 120
1. Stipulations rfrences. .............................................................................. 120
a. Contenu de lobjet social. ....................................................................... 120
b. Des stipulations imposes la socit contractante. .............................. 121
i. Dpassement de lobjet social. ............................................................ 121
ii. Modification de lobjet social. ........................................................... 122
2. Des rfrences conditionnant la validit des conventions de la socit
contractante. ................................................................................................... 123
2. Le rglement de coproprit. ............................................................................ 126
A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 127
1. Stipulations restreignant les prrogatives des propritaires. ...................... 127
a. En matire de baux. ................................................................................ 127
b. En matire de mutation des lots. ............................................................ 128
2. Dfinition des parties privatives et des droits de jouissance exclusive .130
B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions portant sur les lots de
coproprit. ......................................................................................................... 131
3. Les conventions matrimoniales. ....................................................................... 134
A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 135
1. Amnagements conventionnels de la composition des masses. ................. 135
2. Amnagements conventionnels de la gestion des biens. ............................ 138
B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions ayant pour objet les
biens des poux. ................................................................................................. 139
1. Conventions portant sur des biens propres (ou personnels). ...................... 139
2. Conventions portant sur des biens communs. ............................................ 141
Section II Les hirarchies fondes sur une convention change . ...................... 144
1. Le mandat. ........................................................................................................ 145
A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 145
1. Lobjet du pouvoir. ..................................................................................... 145
2. La dure du pouvoir. .................................................................................. 146
B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions conclues en
application du mandat. ....................................................................................... 147
2. Les avant-contrats de vente. ............................................................................. 149
363

Table des matires


A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 149
1. Stipulations du pacte de prfrence. ........................................................... 150
2. Stipulations de la promesse unilatrale de vente. ....................................... 152
B. Des rfrences conditionnant la validit des ventes conclues en contravention
de lavant-contrat. ............................................................................................... 154
1. En matire de pactes de prfrence. ........................................................... 154
2. En matire de promesses unilatrales de vente. ......................................... 155
3. Les conventions d'indisponibilit. .................................................................... 156
A. Stipulations rfrences. ................................................................................ 157
1. Linterdiction de disposer........................................................................... 157
2. tendue de linterdiction de disposer. ........................................................ 158
B. Des rfrences conditionnant la validit des conventions portant sur le bien
indisponible. ....................................................................................................... 159
4. Les contrats principaux (le sous-contrat). .................................................. 160
A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 161
1. Recours au sous-contrat. ............................................................................ 163
2. Modalits de recours au sous-contrat. ........................................................ 165
B. Des rfrences conditionnant la validit du sous-contrat. ............................. 166
1. Irrgularit du dpassement des limites conventionnelles. ........................ 167
2. Invalidit du dpassement des limites conventionnelles. ........................... 167
CHAPITRE SECOND LABSENCE INATTENDUE DE RAPPORTS HIRARCHIQUES ENTRE
CONVENTIONS ET ACCORDS COLLECTIFS DE TRAVAIL. ................................................ 173

1. Labsence de principe de relations hirarchiques entre conventions et accords


collectifs de travail. ................................................................................................ 175
A. Stipulations rfrences. ................................................................................. 177
B. Des rfrences ne conditionnant pas la validit des conventions infrieures .
............................................................................................................................ 178
2. La prsence exceptionnelle de relations hirarchiques entre conventions et
accords collectifs de travail. ................................................................................... 181

364

Table des matires

SECONDE PARTIE LES CONDITIONS DE LA HIRARCHISATION DES


NORMES CONVENTIONNELLES. ................................................................................. 189

TITRE PREMIER LES CONDITIONS PRALABLES LTABLISSEMENT DUN LIEN


HIRARCHIQUE. ................................................................................................................. 191

CHAPITRE PREMIER UNE PLURALIT DE CONVENTIONS. .......................................... 192


Section I La nature conventionnelle des normes. .................................................... 192
1. Indiffrence de la nature juridique des conventions hirarchises. ............ 193
A. Supriorit dune norme pluri-dimensionnelle . ....................................... 196
1. Sur une norme uni-dimensionnelle . ..................................................... 196
2. Sur une norme pluri-dimensionnelle . ................................................... 197
B. Supriorit dune norme uni-dimensionnelle . ......................................... 198
1. Sur une norme uni-dimensionnelle . ..................................................... 199
2. Sur une norme pluri-dimensionnelle . ................................................... 199
2. Lunit de la notion de convention. ................................................................. 201
A. Les diversits apparentes de la nature juridique des conventions. ................ 202
1. Les tentatives danalyses uni-dimensionnelles (rglementaires et
institutionnelles). ............................................................................................ 203
2. Le succs des analyses pluri-dimensionnelles. .......................................... 207
B. Lunit mergeante de la nature juridique des conventions. ......................... 210
1. Les nouvelles analyses contractuelles. ....................................................... 212
a. Les thses de Messieurs Perrouin et Levacher. ...................................... 212
i. La thse de Monsieur Perrouin. .......................................................... 212
ii. La thse de Monsieur Levacher. ........................................................ 214
b. Lextension de la thse de Monsieur Levacher. ..................................... 217
i. Des critres dinsertion et un rgime juridique contractuel. ............... 217
ii. Des effets originaux contractuels. ...................................................... 219
2. Des analyses confortes par lexistence de relations hirarchiques entre
conventions..................................................................................................... 225
Section II La pluralit de normes. ........................................................................... 227
1. Une pluralit de conventions. ........................................................................... 228
365

Table des matires


2. Lindiffrence dun rapport direct entre conventions. ..................................... 233
A. Interposition dun acte conventionnel. .......................................................... 233
1. Interposition dune mme convention. ....................................................... 234
2. Interposition dune convention diffrente. ................................................. 235
B. Interposition dun acte juridique unilatral. .................................................. 236
1. Interposition dun acte unilatral individuel. ............................................. 236
2. Interposition dun acte juridique unilatral collectif. ................................. 238
CHAPITRE SECOND UN LIEN ENTRE CONVENTIONS. .................................................. 243
Section I Lindiffrence de la communaut de parties. ........................................... 243
1. La ncessit affirme de la communaut de parties. ........................................ 244
A. Constat et fondement propos de la communaut de parties. ....................... 244
1. Frquence de la communaut de parties. ................................................... 244
2. Fondement de la communaut de parties. .................................................. 246
B. Exceptions la communaut de parties. ........................................................ 247
2. La ncessit conteste de la communaut de parties. ....................................... 248
A. Lexistence de hirarchies entre conventions sans communaut de parties. . 248
1. Les conventions de la personne morale. ..................................................... 249
2. Les conventions collectives de travail. ....................................................... 251
B. Le fondement contestable de la communaut de parties. .............................. 252
Section II Un intrt commun . .......................................................................... 253
1. Une identit dobjet. ......................................................................................... 254
A. Diversit de la notion dobjet. ....................................................................... 254
B. Identit de lobjet de la prestation. ................................................................ 257
2. Une identit de but . .................................................................................... 261
TITRE SECOND LES LMENTS CONSTITUTIFS DU LIEN HIRARCHIQUE. ..................... 266
CHAPITRE PREMIER LIMMUTABILIT CONVENTIONNELLE DE LA NORME
SUPRIEURE.................................................................................................................... 273

Section I Une immutabilit conventionnelle absolue. ............................................. 273


Section II Une immutabilit conventionnelle relative. ............................................ 275

366

Table des matires


CHAPITRE SECOND LALTRIT DE PARTIES. ........................................................... 278
Section I Lincompatibilit du lien hirarchique avec lidentit de parties. ........... 278
1. Les obstacles la hirarchisation de deux conventions liant les mmes parties.
................................................................................................................................ 280
A. Libert des parties de modifier leurs conventions. ........................................ 281
B. Labsence de violation possible de la norme suprieure par la norme
infrieure. ........................................................................................................... 285
2. Labsence de rapports hirarchiques entre contrats-cadres et contrats
dapplication. .......................................................................................................... 286
A. La supriorit prsume du contrat-cadre sur les contrats dapplication. ..... 286
B. La supriorit hirarchique condamne du contrat-cadre sur les contrats
dapplication. ...................................................................................................... 288
Section II Compatibilit de laltrit de parties avec leffet relatif des conventions.
.................................................................................................................................... 293
1. Labsence datteinte leffet relatif des conventions par la hirarchisation. ... 293
2. La prservation de leffet relatif des conventions par la hirarchisation. ........ 297
CONCLUSION GNRALE ......................................................................................... 306
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................... 311
INDEX ALPHABTIQUE..356
TABLE DES MATIRE....361

367

Vu et permis dimprimer
Avignon, le
Le Prsident de lUniversit dAvignon et des
Pays de Vaucluse

Emmanuel THIS

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