Manuel de Linguistique Française PDF
Manuel de Linguistique Française PDF
MRL 8
Manuals of
Romance Linguistics
Manuels de linguistique romane
Manuali di linguistica romanza
Manuales de lingstica romnica
Edited by
Gnter Holtus and Fernando Snchez Miret
Volume 8
Manuel de
linguistique
franaise
dit par
Claudia Polzin-Haumann et Wolfgang Schweickard
ISBN 978-3-11-030208-0
e-ISBN (PDF) 978-3-11-030221-9
e-ISBN (EPUB) 978-3-11-039413-9
Library of Congress Cataloging-in-Publication Data
A CIP catalog record for this book has been applied for at the Library of Congress.
Bibliographic information published by the Deutsche Nationalbibliothek
The Deutsche Nationalbibliothek lists this publication in the Deutsche Nationalbibliografie;
detailed bibliographic data are available on the Internet at http://dnb.dnb.de.
2015 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston
Cover image : Marco2811/fotolia
Typesetting : jrgen ullrich typosatz, Nrdlingen
Printing and binding : CPI books GmbH, Leck
Printed on acid-free paper
Printed in Germany
www.degruyter.com
VI
Philipp Burdy
Le franais dans lhistoire : depuis ses origines jusquau XVIe sicle
Christian Schmitt
Le franais dans lhistoire : du XVIIe sicle nos jours
Gerhard Ernst
La diachronie dans la linguistique variationnelle du franais
11
39
72
108
Le franais moderne
5
160
Ursula Reutner
Amnagement linguistique et dfense institutionnalise de la langue :
Francophonie
171
Carolin Patzelt
Linguistique populaire et chroniques de langage : Francophonie
196
Felix Tacke
Amnagement linguistique et dfense institutionnalise de la langue :
les franais rgionaux et les langues des minorits
216
VIII
Judith Visser
10 Linguistique populaire et chroniques de langage : les franais rgionaux
et les langues des minorits
242
Thomas Krefeld
11 Limmdiat, la proximit et la distance communicative
Anja Overbeck
12 La communication dans les mdias lectroniques
Kristina Bedijs
13 Langue et gnrations : le langage des jeunes
262
275
293
Annette Gerstenberg
14 Langue et gnrations : enjeux linguistiques du vieillissement
Elmar Schafroth
15 Sexe et genre
314
334
Joachim Lengert
16 Les franais rgionaux
365
Esme Winter-Froemel
17 Le franais en contact avec dautres langues
401
Elmar Eggert
18 Le franais dans la communication scientifique et internationale
Johannes Kramer et Aline Willems
19 Le franais dans le monde : Europe
457
Edith Szlezk
20 Le franais dans le monde : Canada
478
Sabine Diao-Klaeger
21 Le franais dans le monde : Afrique
505
Pierre Swiggers
22 Grammaticographie
525
432
585
Britta Thrle
25 La linguistique applique
618
Christiane Fcke
26 Le franais dans lenseignement scolaire et universitaire
Christina Reissner
27 La recherche en plurilinguisme
659
Achim Stein
28 Linguistique franaise et ressources lectroniques
Michael Schreiber
29 Traduction
696
Index
717
681
639
IX
0 Introduction
La recherche linguistique sur le franais na pas cess de faire, ces derniers temps,
dimportants progrs dans de nombreuses sous-disciplines. Bon nombre de travaux
viennent dtre publis, renfermant un potentiel innovateur important bien des
gards, aussi bien pour la diachronie que pour la langue contemporaine. Aux cts de
lespagnol et de litalien, le franais reste dans lensemble la langue romane la mieux
tudie. Depuis toujours, en linguistique franaise, le ton nest pas donn uniquement
par la recherche en France qui, bien sr, bnficie globalement de linfrastructure
universitaire la plus dveloppe. Dautres pays europens o la tradition de cette
discipline est solidement implante continuent jouer un rle important, comme
lAllemagne, lAutriche, la Suisse, la Grande-Bretagne ou les pays scandinaves.
De faon gnrale, on peut nanmoins observer que lancrage de la recherche
dans une perspective panromane, qui a longtemps domin notamment dans les pays
germanophones, est peu peu relgu au second plan. Alors quaux dbuts de la
discipline, linguistique et littrature romanes taient mme considres comme un
tout, il nest plus possible aujourdhui de faire srieusement face la multitude des
donnes et des publications. Actuellement, les recherches spcifiquement romanistes
sont surtout effectues l o la comparaison entre les diffrentes langues romanes et
les diffrents systmes linguistiques apportent un supplment de connaissances. Au
vu de la diffrenciation croissante des domaines de recherche, il ne sagit pourtant
que de cas dexception. Ltymologie et la smantique historique, o la valeur heuristique de la comparaison panromane est bien visible, en sont lexemple type (cf.
Buchi/Schweickard 2014). La meilleure description de ltat actuel de la recherche
romaniste dans son ensemble est donne par Martin Glessgen qui, dans son ouvrage
de rfrence Linguistique romane. Domaines et mthodes en linguistique franaise et
romane (12007 ; 22012), dresse un panorama du dveloppement historique de cette
discipline, de ses domaines de recherche, de son infrastructure et de ses perspectives.
Les tiquettes Philologie romane ou Linguistique romane sont les termes
gnriques qui continuent tre employs principalement dans les pays germanophones pour dsigner lensemble des philologies romanistes individuelles. En Allemagne, en Autriche et en Suisse germanophone, la plupart des chaires portent les
dnominations de Philologie romane ou de Linguistique romane mme si, bien
entendu, aucun romaniste ne peut plus apprhender lensemble de la Romania sous
toutes ses facettes. En rgle gnrale, les attributions des chaires de Romanistique
incluent nanmoins la recherche portant sur deux langues romanes, ce qui garantit
au moins, si la problmatique sy prte, de pouvoir largir fructueusement les perspectives en allant au-del dune philologie particulire. La tendance croissante la
spcialisation devrait cependant se maintenir pour lessentiel, sous leffet notamment
de pressions politiques toujours plus fortes incitant dfinir plus nettement les
contours de la discipline. En plus, du point de vue conomique, les langues nont pas
le mme poids. Ainsi, lconomisation du secteur ducatif contribue elle aussi la
rduction de la perspective traditionnelle romaniste en mettant laccent plutt sur
lutilit dune langue donne que sur la valeur heuristique lie la connaissance
de plusieurs langues romanes.
La transformation structurelle de la discipline saccompagne de profonds changements dans le domaine des langues de publication. Lallemand, en tant que langue du
pays o est ne la romanistique, voit sa porte se rduire continuellement, et son
utilisation dcrotre dans sa pratique non seulement active, mais aussi comme langue
de lecture. Les jeunes romanistes qui ne veulent pas passer inaperus dans les pays
romans ont intrt rdiger leurs travaux dans une langue romane. On observe en
outre depuis un certain temps dj que mme les tudes qui regardent des sujets
spcifiques la linguistique romane sont publies en anglais, ce qui leur assure un
cho bien plus large. Cette tendance est renforce par les maisons ddition qui en
tirent un avantage conomique. Le dbat passionn dclench par le monde politique
propos de lintroduction de langlais comme langue denseignement dans les universits franaises est symptomatique du fait que langlais est en train de simposer
dfinitivement comme lingua franca. Cet exemple montre bien le potentiel explosif
dune thmatique dans laquelle des considrations pratiques se heurtent la prservation du patrimoine culturel.
En ce qui concerne en revanche la forme prise par la publication des travaux de
recherche en linguistique romane, malgr des innovations dans le domaine des
mdias utiliss, comme les livres numriques et diverses offres en ligne, il est un point
sur lequel on ne constate pas encore de changements dcisifs : jusqu prsent, la
publication des ouvrages scientifiques de qualit seffectue presque exclusivement
sous lgide des maisons ddition. Les avantages qui en rsultent sont une garantie de
qualit grce au travail des directeurs de publication et une bonne visibilit en raison
du potentiel marketing des maisons ddition. Certes, de nombreuses initiatives existent aussi dans les domaines de la romanistique et du franais pour saffranchir de
cette emprise (la rubrique Ressources en ligne / Online-Ressourcen de la Zeitschrift fr romanische Philologie rend rgulirement compte des principaux projets en
la matire). Nanmoins, il est actuellement impossible de prvoir si et quand les
formes de publication en libre accs (cf. aussi ce sujet Agnetta 2015) parviendront
simposer de manire significative sur un march indpendant des diteurs, et si cela
vaudra galement pour les monographies de qualit, notamment les thses de doctorat et dhabilitation diriger des recherches.
Lune des tches des chercheurs est de porter un regard critique sur les rsultats
obtenus par la recherche fondamentale en linguistique romane. Le travail de pure
documentation seffectue laide des rpertoires bibliographiques appropris. Mais il
ne sagit pas seulement de trouver des indications sur des titres, ou des informations
particulires. Aujourdhui, il est tout fait possible de parvenir de bons rsultats en
maniant habilement les moteurs de recherche et les plates-formes appropris. Il reste
Introduction
cependant indispensable dadopter une perspective plus globale pour systmatiser les
grandes tendances de la recherche et daborder de faon critique les rsultats obtenus.
Jouissant dune longue tradition, particulirement en Allemagne, les manuels de
romanistique et autres publications de synthse sont le lieu privilgi de tels commentaires et critiques, conduisant le cas chant des approfondissements et des prolongements. Le prototype en est louvrage de Gustav Grber Grundriss der romanischen
Philologie (11888 ; 219041906). Depuis, des publications de synthse similaires ont t
rgulirement publies, chaque projet apportant ses propres accents. Dans la perspective du franais, il faut mentionner la publication en 1990 du vol. 5/1 du Lexikon der
Romanistischen Linguistik (LRL) qui contient des contributions portant sur lhistoire de
la langue, sa systmatisation et le cadre sociolinguistique. Ces dernires sont compltes par diffrents articles sur le franais dans les autres volumes de louvrage. Le
Handbuch Franzsisch (Kolboom/Kotschi/Reichel 12002 ; 2008) couvre des domaines
dtudes particuliers de la linguistique, mais aussi des thmatiques propres la
recherche en littrature et en civilisation. LHistoire linguistique de la Romania (Ernst
et al. 2003 ; 2006 ; 2008) se consacre lanalyse systmatique des langues romanes
dans une perspective diachronique. La Cambridge History of the Romance Languages
(Maiden/Smith/Ledgeway 2011; 2013), ne dans lespace anglophone, aborde le franais dans le contexte global des langues romanes. Le Manuel des langues romanes
(Klump/Kramer/Willems 2014) est ce jour le dernier ouvrage publi. Dans la tradition
plus que centenaire des manuels de romanistique, les volutions les plus importantes
concernant la structure et les contenus sont le renforcement de la spcialisation
thmatique et le renversement des positions de la diachronie, qui prvalait par le
pass, et de la synchronie aujourdhui dominante. Les recherches en littrature et en
linguistique prennent des trajectoires de plus en plus divergentes, leurs seuls points
de convergence et de rencontre significatifs se situant dans le domaine historique et la
philologie ditoriale.
Parmi les volutions dcrites, plusieurs se retrouvent aussi dans la conception
des Manuals of Romance Linguistics (MRL) : recul de lallemand comme langue de
publication en romanistique, tendance lusage de langlais mme pour les sujets
spcifiquement romans, et spcialisation croissante dans le domaine dune seule
langue romane. Le prsent volume ne sinscrit donc pas dans une perspective spcifiquement romaniste, mais, du point de vue de sa conception, se situe dans la ligne
douvrages de synthse portant sur des langues romanes particulires, comme lEnciclopedia dellitaliano (Simone 2010/2011) ou les volumes de la srie des Manuals of
Romance Linguistics consacrs des langues romanes spcifiques. Les diteurs et les
auteurs de ce volume se sont nanmoins efforcs dintgrer autant que possible
lexprience pouvant tre puise aux sources de la linguistique romane traditionnelle.
La structure thmatique du prsent manuel reflte ltat de la recherche et les
perspectives dans les principales sous-disciplines de la linguistique franaise. Dans le
cadre de la recherche historique (1 Le franais dans lhistoire : depuis ses origines
jusquau XVIe sicle ; 2 Le franais dans lhistoire : du XVIIe sicle nos jours ; 3 La
diachronie dans la linguistique variationnelle du franais ; 4 La philologie linguistique et ditoriale) effectue ces dernires annes, cest surtout celle ddie aux
aspects familiers et populaires aussi bien que rgionaux et dialectaux du franais qui
a continu se consolider. Sous le terme cl de verticalisation , des innovations
mthodologiques provenant de sous-disciplines trs productives se consacrant la
langue actuelle, comme la linguistique variationnelle, ont t intgres pour jeter un
regard nouveau sur le diasystme historique du franais et ses processus dvolution.
Certes, il y a dj plusieurs dcennies que la linguistique historique a commenc
prendre ses distances par rapport la position dominante des textes littraires et de la
langue crite comme sources dtude. Ce processus est cependant bien loin dtre
achev. Cest surtout laugmentation considrable du nombre de sources historiques
qui y contribue, celles-ci apportant bien des gards de nouvelles connaissances et
permettant une apprhension plus exacte des stades de lvolution historique (cf.
Schweickard 2011). Manuscrits et imprims anciens sont aujourdhui dun accs
beaucoup plus ais quautrefois, grce la numrisation et aux remarquables progrs
effectus par les bibliothques. Le projet dirig Zurich par Martin Glessgen sur les
plus anciens documents linguistiques de la France (Glessgen 2008), ainsi que les
ditions de textes privs effectues par Gerhard Ernst et Barbara Wolf (Ernst/Wolf
2005), montrent de faon exemplaire les progrs pouvant tre raliss dans ces
conditions. Il en va de mme pour la lexicographie (23 Lexicographie) et la grammaticographie (22 Grammaticographie), qui voient souvrir des perspectives entirement nouvelles.
Cest toutefois la dimension contemporaine de la langue qui se trouve au cur du
prsent manuel. On entend donner limage la plus reprsentative possible des lignes de
recherche traditionnelles et rcentes pour les diffrentes sous-disciplines. Avec lvolution extrmement rapide des technologies de linformation et de la communication, la
recherche doit faire face ces dernires annes de nouveaux dfis (12 La communication dans les mdias lectroniques). Des rsultats importants ont t obtenus aussi bien
au niveau historique que synchronique dans les domaines de la dfense de la langue et
de la politique linguistique, de la linguistique populaire, ainsi que des langues rgionales et minoritaires de France et de lespace francophone (5 Amnagement linguistique et dfense institutionnalise de la langue : France ; 6 Linguistique populaire et
chroniques de langage : France ; 7 Amnagement linguistique et dfense institutionnalise de la langue : Francophonie ; 8 Linguistique populaire et chroniques de
langage : Francophonie ; 9 Amnagement linguistique et dfense institutionnalise
de la langue : les franais rgionaux et les langues des minorits ; 10 Linguistique
populaire et chroniques de langage : les franais rgionaux et les langues des minorits ; 16 Les franais rgionaux ; 19 Le franais dans le monde : Europe ; 20 Le
franais dans le monde : Canada ; 21 Le franais dans le monde : Afrique). Lapprofondissement des recherches portant sur le langage des jeunes et sur celui des gnrations ges sest poursuivi (13 Langue et gnrations : le langage des jeunes ;
14 Langue et gnrations : enjeux linguistiques du vieillissement). Le changement de
Introduction
pratiques, il est indniable que sa comptitivit a globalement pti dans lventail des
disciplines reprsentes luniversit. Lexemple des tats Unis montre de faon
impressionnante le danger que fait peser sur la discipline une telle menace. Aprs une
priode dapoge lie lmigration force de linguistes juifs pendant la priode nazie
(Malkiel, Pulgram, Kahane), et malgr la prsence dexcellents chercheurs comme
Steven Dworkin, la linguistique franaise ny est aujourdhui plus gure reprsente
dans le spectre gnral des disciplines universitaires.
Ce manuel a pour objectif de livrer la communaut scientifique une vue
densemble actuelle, ainsi que des commentaires critiques sur les contenus et les
tendances de la linguistique franaise, en essayant de donner galement des impulsions aux recherches venir. Il sadresse en outre aux tudiants de linguistique
franaise, auxquels il sera utile comme ouvrage de rfrence, mais aussi lors de la
prparation aux examens.
Nous tenons remercier Candida Andreas, Francesco Crif, Svenja Sommer,
Kerstin Sterkel et Lisa umski (tous de Sarrebruck) pour leur prcieux soutien dans la
prparation des articles pour limpression, Emmanuel Faure (Berlin) pour la rvision
linguistique de lIntroduction, ainsi que Christine Henschel et Ulrike Krau, des
ditions De Gruyter, pour la collaboration toujours agrable et fiable. Nous remercions tout particulirement les auteurs du volume pour leur soutien collgial dans
toutes les phases du projet.
Bibliographie
Agnetta, Marco (2015), Technik, die begeistert ?! Zur Open-Access -Debatte in der Sprach- und Translationswissenschaft, in : Claudia Polzin-Haumann/Alberto Gil (edd.), Angewandte Romanistische
Linguistik : Kommunikations- und Diskursformen im 21. Jahrhundert, St. Ingbert, Rhrig Universittsverlag, 1128.
Buchi, va/Schweickard, Wolfgang (edd.) (2014), Le Dictionnaire tymologique Roman (DRom).
Gense, mthodes et rsultats, Berlin/Mnchen/Boston, de Gruyter.
Ernst, Gerhard/Wolf, Barbara (2005), Textes franais privs des XVIIe et XVIIIe sicles, CD-Rom,
Tbingen, Niemeyer.
Ernst, Gerhard, et al. (edd.) (2003 ; 2006 ; 2008), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales
Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen / Histoire linguistique de la Romania.
Manuel international dhistoire linguistique de la Romania, 3 vol., Berlin/New York, de Gruyter.
Glessgen, Martin (12007 ; 22012), Linguistique romane. Domaines et mthodes en linguistique franaise et romane, Paris, Colin.
Glessgen, Martin (2008), Les lieux dcriture dans les chartes lorraines du XIIIe sicle, Revue de
Linguistique Romane 75, 391468.
Grber, Gustav (ed.) (11888 ; 219041906), Grundriss der romanischen Philologie, vol. 1 : Geschichte
und Aufgabe der romanischen Philologie / Quellen der romanischen Philologie und deren
Behandlung / Romanische Sprachwissenschaft, Strassburg, Trbner.
Klump, Andre/Kramer, Johannes/Willems, Aline (edd.) (2014), Manuel des langues romanes, Berlin/
Boston, de Gruyter.
Introduction
Philipp Burdy
Abstract : Larticle a pour but dillustrer dans les grandes lignes lhistoire du franais
avant sa standardisation. Nous nous pencherons aussi bien sur des points dhistoire
externe de la langue que sur des aspects relatifs son histoire interne : ainsi, nous
traiterons, dune part, les plus anciens textes, lemploi du franais en tant que langue
littraire et langue administrative au Moyen ge, le rle de lle-de-France dans le
cadre de la koinisation, les rpercussions de lhumanisme sur le dveloppement du
franais au XVIe sicle, et, dautre part, des points de grammaire de lancien et du
moyen franais ainsi que lvolution du lexique.
1 Avant-propos
Lhistoire du franais se subdivise habituellement en trois priodes : lancien franais,
le moyen franais et le franais moderne. Cependant, la dlimitation prcise du
moyen franais est toujours controverse (cf. Baum 2003, 46ss.). Nous adoptons ici la
priodisation propose entre autres par Marchello-Nizia (2005, 4). Dans ce qui suit,
nous traiterons donc de lancien franais (du IXe au XIIIe sicle), du moyen franais
(XIVe et XVe sicles) et des dbuts du franais moderne (XVIe sicle).
Les premiers tmoignages de lexistence dun parler roman nettement distinct du latin
dans la partie nord de lancienne Gaule sont des tmoignages indirects. En 813, les
synodes de Reims et de Tours reconnurent les langues vulgaires comme langues de la
messe en plus du latin (MGH Conc. II,1, 255 et 288) :
[Reims] XV. Ut episcopi sermones et omilias sanctorum patrum, prout omnes intellegere possent,
secundum proprietatem linguae praedicare studeant.
[Tours] XVII. [] Et ut easdem omelias quisque aperte transferre studeat in rusticam Romanam
linguam aut Thiotiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quae dicuntur.
la mme poque, dans les diocses de Lyon et dArles, on ne trouve aucune dcision
relative aux langues utilises dans la messe. Cela donne supposer que dans les zones
o se dveloppaient loccitan et le franco-provenal, au dbut du IXe sicle, la distance
12
Philipp Burdy
entre la langue du culte et la langue du peuple ntait pas encore si importante que
lutilisation de la rustica romana lingua dans le prche et t ncessaire (cf. Richter
1983, 441). En dautres termes, la communication verticale entre les lettrs et les
illettrs (cf. Banniard 1992, 38), encore intacte aux VIIe et VIIIe sicles, a cess de
fonctionner plus tt dans le Nord de lancienne Gaule que dans le Sud. Van Uytfanghe
(2012, 441) suppose pour ce qui deviendra le domaine dol une diglossie intralinguale inconsciente vers 700800.
Une autre illustration de cette situation de plus en plus diglossique dans la partie
nord de la Galloromania est fournie par les Gloses de Reichenau.1 Compiles au
IXe sicle au plus tt (Raupach 1972, 297s.), les environ 5.000 gloses se subdivisent en
deux parties : les gloses bibliques (3152) et les gloses alphabtiques (1725), drives de
diffrents textes, comme les Origines dIsidore de Sville et la Rgle de saint Benot.
Tout en tant un glossaire latin-latin, cet ouvrage comporte un nombre assez lev de
gloses considrer comme latines-romanes. Nous en donnons quelques exemples
(Klein 1968) :
46 Pulcra : bella [fr. beau], 100 Semel : una vice [fr. une fois], 114 Fauillam : scintillam [fr.
tincelle], 141 Ager : campus [fr. champ], 247 Liberos : infantes [fr. enfants], 580 Scabrones :
uuapces [fr. gupes], 686 Sartago : patella [fr. pole], 1377 Iecore : ficato [fr. foie], 1669 Vuas :
racemos [fr. raisins], 2975 Coturnix : quaccola [fr. caille]
Le fait quun document linguistique tel que les Gloses de Reichenau soit apparu cette
poque ne doit rien au hasard : les efforts fournis par des intellectuels comptant parmi
les plus estims de lpoque carolingienne, comme Alcuin dYork et Paul Diacre, en
vue de rapprocher le latin crit contemporain du modle du latin classique commenaient porter leurs fruits. Au cours du VIIIe sicle, on constate dans les textes latins
un net retour aux normes phontiques et morphologiques du latin classique. Cette
volution fait partie du renouveau culturel appel renaissance carolingienne . En
raison de la distance croissante entre code crit et code oral, ce mouvement a donc
involontairement favoris lmergence des premiers textes se rapprochant plus de la
langue parle quauparavant.
Ce sont les fameux Serments de Strasbourg (Grtner/Holtus 1995 ; Avalle 2002 ; Lo
Monaco/Villa 2009) qui constituent le premier document non-latin proprement
parler.2 Ce document juridique reproduit littralement des serments prts en roman
et en vieux haut-allemand par Charles le Chauve et Louis le Germanique en lan 842.
Le scribe seffora dlibrment transcrire ces serments, transmis dans un contexte
latin, tels quils ont t prononcs lors de lalliance militaire des deux petits-fils de
1 Le ms. Karlsruhe Landesbibl. Aug. perg. CCXLVIII date de la premire moiti du Xe sicle (Bischoff
1981, 48).
2 La plus ancienne partie du ms. unique BnF lat. 9768 date de la fin du Xe sicle (cf. Grtner/Holtus
1995, 99). La localisation de la langue des Serments est peu claire (cf. Avalle 2002, 271295). Hilty (2010,
276) se prononce pour une rgion dans lEst qui comprend la Lorraine et la partie nord de la Bourgogne.
13
Charlemagne contre leur frre Lothaire. Voici les termes des serments (Lo Monaco/
Villa 2009, 78ss.) :
Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, dist di in avant, in quant Deus
savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo, et in aiudha et in cadhuna cosa, si
cum om per dreit son fradra salvar dift, in o quid il mi altresi fazet, et ab Ludher nul plaid
nunquam prindrai qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit.
Si Lodhuuigs sagrament, qu son fradre Karlo iurat conservat, et Karlus meos sendra de suo part
non lotanit, si io returnar non lint pois, ne io ne neuls cui eo returnar int pois, in nulla aiudha
contra Lodhuuuig nun li iv er.
3 Le ms. unique Valenciennes 150 est pratiquement contemporain la composition du pome (cf.
Berger/Brasseur 2004, 59 et 161). Quant la localisation du ms., Berger/Brasseur se limitent le situer
dans une rgion de la langue dol proche du germanique, tandis que des recherches prcdentes
lavaient attribu au domaine wallon (cf. ibid., 163 ; Avalle 2002, 321s.).
14
Philipp Burdy
15
[v10] <enim dunc> Ionas propheta habebat mult laboret e mult penet, a cel populum co dicit ; e
faciebat grant jholt et eret mult las.
[v11] <Et preparauit Dominus> un edre sore sen cheve, qet umbre li fesist e repauser si podist.
Les deux prochains textes mentionner ici font traditionnellement partie de linventaire des plus anciens documents du franais : la Passion de Clermont-Ferrand et la Vie
de saint Lger. Le premier texte est un rsum fragmentaire du rcit de la Passion, le
second est une vie de saint compose daprs un modle latin. Dans les grandes
lignes, la recherche autour de ces textes est unanime : la confection des parties du ms.
Clermont-Ferrand Bibl. mun. 240 qui contiennent les deux uvres remonterait aux
environs de lan 1000. En revanche, la localisation du manuscrit et de la rdaction
originale des deux pomes est toujours trs controverse. Le caractre hybride des
deux textes, oscillant entre roman dol et roman doc, avait port certains philologues
supposer que, dans les deux cas, il sagissait de remaniements de textes originairement franais en pays doc (cf. le bilan de recherches dans Van Hoecke 1999, 203ss.).
Postrieurement, lattribution des deux documents au patrimoine linguistique du
franais a t relativise (Avalle 2002, 449549 pour la Passion ; De Poerck 1964
et Van Hoecke 1999 pour les deux textes). Avant de donner un bref commentaire
philologique, nous en rappelons quelques vers (Avalle 2002, 374 et 513s.) :
6 Le ms. unique (Valenciennes, Bibliothque municipale 521) date de la premire moiti du Xe sicle
(De Poerck 1955, 65 ; Avalle 2002, 336) et faisait autrefois partie de la reliure dun codex.
16
Philipp Burdy
Au lieu de situer les rdactions originales dans le domaine dol, De Poerck (1963, 16 et
1964, 21s.) met lhypothse dune composition des deux uvres vers lan 1000 dans
les environs de la ville de Clermont-Ferrand. Cette dernire serait aussi le lieu de la
confection du manuscrit (galement vers lan 1000 ; ibid.). Avalle (2002, 449ss. et
497s.), en revanche, identifie le Poitou, cest--dire la zone frontalire des domaines
doc et dol, comme zone dorigine de la Passion (fin du Xe s.). En ce qui concerne la
Vie de saint Lger, il dfend lide dune rdaction originale dans le domaine picardowallon au Xe sicle (Avalle 2002, 422ss.). Linsertion du pome dans le ms. de Clermont
quil attribue la zone poitevine aurait eu lieu avant la fin du Xe sicle (Avalle 2002,
427s.). Enfin, Van Hoecke (1999, 210s. et 216s.) sest rapproch du point de vue de De
Poerck en dmontrant que quelques prtendus wallonismes et picardismes dans la Vie
de saint Lger sont plutt des archasmes quil est encore impossible de localiser.
Quant aux plus anciens textes en gnral, il tire la conclusion suivante, proche des
observations faites par Delbouille (1970) :
Certes, certains dentre eux ont un coloris qui annonce quelques caractristiques des scriptae et
de la koin soit du domaine dol, soit du domaine doc. Dautres, en particulier la Passion et la
Vie de saint Lger de Clermont-Ferrand, prsentent des formes qui prfigurent des traits caractristiques des deux traditions graphiques qui allaient se dvelopper. Mais on a tort, nous semble-til, de vouloir dj retrouver tout prix, dans ces textes anciens, les distinctions nettes qui se
profilent dans les documents des sicles ultrieurs (Van Hoecke 1999, 216).
Faisons le point : la priode du plus ancien franais (de 842 la fin du XIe sicle) ne
nous a lgu que trs peu de documents, qui ne sont dailleurs que difficilement
attribuables aux dialectes dont nous navons connaissance qu travers des documents datant de sicles ultrieurs. Tout en considrant dventuelles pertes de manu
17
scrits, il ne parat pas trop audacieux daffirmer que pendant les 250 premires annes
de lhistoire du franais, son usage lcrit tait un cas exceptionnel. Abstraction faite
des Serments de Strasbourg, les quelques documents dont nous disposons sont des
uvres littraires de peu dampleur qui proviennent du milieu ecclsiastique. Tout
change vers lan 1100.
7 Les voici : le Cantique des Cantiques, ms. BnF lat. 2297 (1re moiti du XIIe s.) ; le Sponsus, ms. BnF
lat. 1139 (f. 32117 env. 1100) ; le Crmonial dune preuve judiciaire, ms. BnF lat. 2403 (dbut (?) du
XIIe s.) ; lptre de saint tienne (ms. Tours, non cot, env. 1130). Tous ces textes peuvent tre consults
dans Foerster/Koschwitz (71932), le Sponsus galement dans Avalle (2002, 668672).
8 Lide fausse selon laquelle ces clbres reprsentants du genre de la chanson de geste auraient
t composs en le-de-France est en fait le produit de limagination drudits du XIXe sicle (cf.
Aebischer 1965, 22). Beckmann (2012) apporte de nouveaux indices sur la relation troite entre la
Chanson de Roland et la cour anglo-normande.
18
Philipp Burdy
textes les plus anciens crits en Angleterre, tels le ms. L de la Vie de saint Alexis (env.
1120) ou le ms. O de la Chanson de Roland (2e q. XIIe s.). Voici quelques caractristiques
de langlo-normand (cf. Rohlfs 31968, 94) :
tonique en syllabe ouverte aboutit ei, mais jamais oi : mei, teile, fei
tonique en syllabe ouverte aboutit probablement ou, mais est crit u, de mme que o protonique
et o devant nasale : nevu, flur, cunseil, duner, raisun, cunte
Les voyelles nasales et sont encore distinctes : grant ne rime pas avec vent
Les diphtongues nasales i et i ne sont plus distinctes : peine rime avec vilaine
La dsinence typique de limparfait est -o(u)e, par exemple chanto(u)e, chanto(u)es
Le dveloppement de a devant nasale vers au (anglo-normand tardif) : chaumbre, graunt
9 Pour lentire poque de lancien franais, le Complment bibliographique du DEAF recense au total
2900 localisations de manuscrits, parmi lesquelles 833 mss. anglo-normands, ce qui est le nombre le
plus lev parmi toutes les localisations (cf. DEAFBibl).
10 Cf. Trotter (2003), qui souligne que lchange linguistique a continu bien aprs la rupture du lien
entre la Normandie et lAngleterre.
11 Pour la notion de France et d le-de-France au Moyen ge cf. Bernus (2010, 10) : lpoque
des premiers Captiens, on dnommait France la toute petite rgion qui, au nord de Paris, est
dlimite au sud par la Seine et par la Marne, au nord par la Thve, () louest par lOise et lest par
la Beuvronne () ; cf. les noms de lieux Baillet-en-France, Bonneuil-en-France, Chtenay-en-France,
19
alliance avec lglise ntait pas intresse par cette nouvelle littrature (cf. Hausmann 1996, 164 ; Cerquiglini 2007, 177). Il importe de souligner que les manuscrits
qui nous transmettent les uvres littraires composes sur le continent ne remontent
gure des dates antrieures 1200.12 De ce bref aperu du dveloppement littraire,
il convient de tirer les conclusions suivantes pour lhistoire de la langue cette
poque : au XIIe sicle, le franais stablit dfinitivement comme langue littraire,
dabord en Angleterre, puis sur le continent. Lclosion de la littrature en langue
vulgaire est situer auprs des grands vassaux du roi de France, y compris le roi
dAngleterre, duc de Normandie, et non auprs de la cour royale. Le nombre trs
rduit de manuscrits franais continentaux porte croire que, malgr lessor que
connat la littrature franaise au cours du XIIe sicle, le copiage de manuscrits en
langue franaise ntait pas encore pratiqu couramment en dehors de lAngleterre
avant lan 1200.
() [ > ei > oi > oe : va > veie > voie, sro > seir > soir
() [ > ou > eu : dos > dous > deus, hra > oure > eure
[ > ie : ptra > pierre, pde > piet
[ > uo > ue : nvu > *nuof > nuef, fililu > filluel
[ > e : faba > feve, mare > mer, lavare > laver
Mareil-en-France, Roissy-en-France. La notion d le-de-France napparat quau XIVe sicle (Froissart) et se rfre une rgion plus vaste, cf. la carte dans Bernus (2010, 13). Cette rgion, dans lesprit
des gens du temps, parat toujours tre situe au nord de la Seine , mais la conception quon se fait
de ce pays demeure vague et variable (Bernus 2010, 11).
12 Seuls le ms. Tours 903 de la Chronique des ducs de Normandie et le fragment Ble N I 2 Nr. 83 du
Roman de Troie datent de la fin du XIIe sicle, ce dernier ayant t transcrit en Angleterre. Le fragment
dAuberi de Besanon (dbut du XIIe s.) est attribuer au domaine franco-provenal, ce qui vaut en
partie aussi pour le fragment V de la Chanson de saint Alexis (fin du XIIe s.) (cf. Mlk/Holtus 1999 et
Burdy 2006). Dautres mss. franais continentaux antrieurs lan 1200 sont trs rares. Ils constituent
souvent des traductions de textes religieux latins. Mis part les mss. mentionns dans la note 7, on
rappellera les suivants, lgrement plus rcents pour certains : Li sermon saint Bernart, ms. BnF fr.
24768 (lorr. fin du XIIe s.) et ms. Berlin Staatsbibl. Phillipps 1925 (lorr. env. 1200) ; Traduction des
homlies de Grgoire le Grand sur zchiel, ms. Bern 79 (lorr. env. 1200) ; Sermones in cantica de saint
Bernard, ms. Nantes Muse Dobre 5 (pic./wall. env. 1200) ; Epistle saint Bernart a Mont Deu, ms.
Verdun Bibl. mun. 72 (Verdun env. 1200) ; Les 17 homlies de Haimon, ms. Ars. 2083 (lorr. dbut
du XIIIe s.). Pour les quelques tmoins non-littraires de la mme poque cf. Pfister (1973, 225ss.).
20
Philipp Burdy
multu > mout, veni > vin, octo > huit, > fine > fin, luna > lune
Les consonnes nasales provoquent la nasalisation des voyelles prcdentes et entravent en partie leur volution normale :
ka > : caput > chief, campu > champ, vacca > vache
k
[ > ie : caput > chief, cane > chien
-kt- > i t : factu > fait, tractare > traitier
-kl-, -gl- > : oc(u)lu > ueil, > vig(i)lare > veillier
voyelle du latin
2e pers. du sg.
2e pers. du pl.
prbas
> prueves
+ palatale
*appdias
> apuies
a + nasale
lvas
> lieves
+ palatale
prtias
> prises
a]
21
2e pers. du sg.
2e pers. du pl.
vin (vni)
pris (prsi)
di (dbui)
vens
press
des
vint
prist
dt
venmes
presmes
demes
venstes
presstes
destes
vndrent
prstrent
drent
chantai (cantavi)
parti (partivi)
vali (*vali)
chantas
partis
vals
chanta(t)
partit
valt
etc.
etc.
etc.
n. m. parisyll.
avec -s (murus)
sans -s (pater)
nom. sg.
murs
pere
acc. sg.
mur
pere
nom. pl.
mur
pere
acc. pl.
murs
peres
n. m. imparisyll.
nom. sg.
(nepos, nepote)
(*baro, barone)
nies
ber
22
Philipp Burdy
acc. sg.
nevout
baron
nom. pl.
nevout
baron
acc. pl.
nevouz
barons
(flos)
(rosa)
nom. sg.
flour(s)
rose
acc. sg.
flour
rose
nom. pl.
flours
roses
acc. pl.
flours
roses
(inexistant)
(soror, sorore)
nom. sg.
suer
acc. sg.
serour
nom. pl.
serours
acc. pl.
serours
n. f. parisyll.
n. f. imparisyll.
er
1 degr
2 degr
m. sg.
m. pl.
f. sg.
f. pl.
nom.
cist
cist
ceste
ces
dat.
cestui
cesti
acc.
cest
cez
ceste
ces
nom.
cil
cil
cele
celes
dat.
celui
celi
acc.
cel
cels
cele
celes
nom.
acc.
melior
mieldre
meillour
peior
pire
peiour
maior
maire
maiour
minor
moindre
menour
grandior
graindre
graignour
23
Le lexique de lancien franais (cf. Stefenelli 1981, ch. IV) senrichit pratiquement ds
ses dbuts de mots savants (latinismes), surtout, mais pas exclusivement, dans la
littrature religieuse (cf. Wolf 21991, 71) : honestet, virginitet, angele, cristientet, decliner, fecunditet, humilitet, imagene, justise, nobilitet, siecle. Les premiers emprunts
des langues de contact remontent galement au Moyen ge : mots arabes, transmis
par lespagnol : algalife calife, almaur mir, amirail, azur ; mots anglais : bat, batel
bateau, est, nord, ouest, sud ; mots normands : guinder hisser un mt, hune plateforme arrondie lavant, marsouin (Wolf 21991, 71 et 73).
Lenrichissement du vocabulaire au moyen de la drivation et, dans une moindre
mesure, de la composition dpasse de beaucoup limportance de lemprunt lexical.
Prenons par exemple la formation de verbes. Le XIIe sicle voit la cration de bon
nombre de formations parasynthtiques, par exemple accourcir, alentir, amoindrir,
asservir, embellir, endurcir, rajeunir. Le suffixe -oiier (fr. mod. -oyer) est galement
productif, avec entre autres festoiier, flamboiier, foudroiier, larmoiier, tornoiier (cf.
Wolf 21991, 72). tant donn le grand nombre de drivs, le nombre de synonymes
dans le lexique de lancien franais atteint des hauteurs vertigineuses : Benot de
Sainte-Maure, un des auteurs les plus importants de cette poque, utilise demore,
demoree, demorance, demorier pour retard (tous drivs du verbe demorer) et comme
synonyme de folie, il utilise aussi folage et folor (Wartburg 121993, 99 ; pour dautres
exemples cf. Burdy 2013, 222s.). Cette richesse en synonymes se fait galement sentir
en dehors de la formation de mots. Benot connat souvent un grand nombre de mots
divers pour exprimer un seul concept, on en recense par exemple 17 pour combattre :
chapler, (re)combattre, estriver, fornir bataille, joindre, (re)joster, torner, torneier, entremesler, sei entreferir, sei entredoner, sei entrassembler, sei entrebattre, sei entraler
(Wartburg 121993, 98 ; cf. aussi Stefenelli 1967). linverse, beaucoup de mots dveloppent une forte polysmie. Ainsi, chez Chrtien de Troyes par exemple, faillir, plet et
treire ont plus de 30 significations (cf. les entres dans Foerster/Breuer 51973). Il est
vident qu cette poque, on nprouvait encore aucun besoin de bien dlimiter le
sens dun mot par rapport dautres.
24
Philipp Burdy
Au dbut du XIIIe sicle, le nombre de textes transmis en franais augmente considrablement. Comme ctait dj le cas en Angleterre (voir 3.1), les manuscrits provenant
des diffrentes rgions de la langue dol se distinguent par des conventions graphiques qui leur sont propres, appeles scriptae . En bref, ces conventions graphiques
reposent en partie sur les diffrents dialectes parls dans la partie septentrionale de la
Galloromania,16 mais sont en mme temps marques par des caractristiques interrgionales : on emprunte occasionnellement des formes et des graphmes aux zones
dialectales voisines. Par consquent, nous pouvons dcouvrir dans la scripta dune
certaine rgion des graphies qui ny correspondent aucune ralit phontique,
comme soipt sept dans louest (le graphme <oi> y reprsente [], cf. Gossen 1967,
82). La Picardie a par exemple constitu un foyer dirradiation de certaines graphies
14 Cerquiglini (2007, 180ss.), en revanche, remet en question le fait quil sagisse ici dopposer des
parlers.
15 Cf. cependant la rplique de Hilty (1973).
16 La date partir de laquelle on peut parler dune dialectalisation progressive dun ancien idiome
olique assez homogne est toujours controverse : alors que Gossen (1957, 428) et Hilty (1968, 11)
font remonter la diffrenciation dialectale en Galloromania septentrionale lpoque mrovingienne
ou du moins au IXe sicle, Delbouille (1970, 194s.) et West (1979, 377 et 397) supposent une homognit plus longue de lespace olique . Selon Remacle (1992, 167), lindividualisation du Nord-Est de
la Gaule est dj trs marque vers 1100, mais il nexclut pas une date plus tardive (1200).
25
du fait de son norme productivit littraire. Voici les scriptae principales de la langue
dol pendant la 1re moiti du XIIIe sicle :17
Pour une description des caractristiques des diffrentes scriptae cf. Gossen (1967) et
LRL II/2, nos 139145. Linnovation qui a lieu vers 1200 ne consiste pas seulement
propager les conventions graphiques rgionales, mais galement les appliquer au
domaine non-littraire : effectivement, depuis les dernires annes du XIIe sicle, on
assiste la confection de chartes en langue vulgaire (cf. Lusignan 1999, 102ss.). Cette
innovation part de lAngleterre (Suffolk 1187 et 1199) et, au cours des dcennies
suivantes jusqu 1240, gagne le Nord (Picardie), lEst (Wallonie, Lorraine, Champagne, Bourgogne), le Sud-Ouest (Poitou) et le Sud (Bourbonnais), cf. le tableau dans
Berschin/Felixberger/Goebl (22008, 192). Il est vident que la confection de chartes et
lactivit littraire en franais sont deux phnomnes troitement lis, parce que les
rgions qui produisent des manuscrits littraires et celles qui confectionnent des
chartes en se servant de leurs scriptae sont peu prs les mmes (cf. Burdy 2011,
148s.). Lle-de-France, on le sait, fait encore dfaut :18 De toute vidence, la royaut,
lglise et lUniversit ont longtemps uvr contre lemploi du franais lcrit.
17 Chaque rgion est suivie dexemples dauteurs et duvres littraires transmises dans la scripta
correspondante.
18 Mme sil est vrai quil existait dj un change interrgional de manuscrits littraires au XIIe sicle
(Grbl 2013, 344), le centre de la France napportait videmment aucun matriau propre contribuer
cet change. Nanmoins, cette circulation de textes littraires favorisait probablement dj un certain
nivellement linguistique de la langue littraire avant lapparition des premiers textes franais crits en
le-de-France (cf. Grbl 2013, 374).
26
Philipp Burdy
Mais, dans une socit mdivale largement illettre, o la premire langue crite fut une
langue trangre (le latin), il est difficile de voir comment une koin crite, en langue vulgaire,
aurait pu prendre une dimension orale et se propager comme langue parle. Il serait bien plus
fructueux de chercher les origines de la koin la base du franais standard dans les processus
habituels de la koinisation, pour lesquels toutes les conditions taient runies Paris cette
poque une explosion dmographique, due essentiellement limmigration, amenant un
brassage dialectal dans la masse des locuteurs. Cela serait tout fait en accord avec ce que lon
voit arriver dans les grandes villes qui mergent dans le monde actuel (Lodge 2010, 11).
Grbl (2013, 367), en revanche, doute quaux XIIIe et XIVe sicles, on ait dj parl
Paris cette varit mixte. Ajoutons aux objections formules par Grbl (2013, 346ss.),
surtout de nature dialectologique, une critique du point de vue historique : en rapprochant la situation sociale Paris au Moyen ge central de ce que lon voit arriver
dans les grandes villes qui mergent dans le monde actuel , on risque de commettre
un anachronisme, tant donn que nous ignorons les consquences linguistiques de
27
28
Philipp Burdy
des uvres de diffrents genres, surtout satiriques. Les genres les plus anciens,
savoir la chanson de geste et le roman courtois, subsistent aussi au XIIIe sicle.
Certains de ces romans courtois font ainsi lobjet de continuations en prose, tels
Perceval ou Tristan.
Pendant le XIIIe sicle, la royaut a russi tendre son pouvoir au dtriment des
petits seigneurs et des villes (avant tout les riches villes picardes) qui avaient perdu
leur libert. Cependant, les grands vassaux du roi sont eux aussi tombs en dchance : la Champagne et la Normandie sont rattaches au domaine royal et finissent
par perdre leur importance culturelle. Tous les anciens foyers littraires steignent
au profit de Paris. Vers 1300, la capitale du royaume nest pas seulement le centre
politique de la France, mais aussi son centre littraire, ce qui est dautant plus
remarquable quand on considre que culturellement parlant, lle-de-France avait une
influence quasiment nulle un demi-sicle auparavant. Si lusage du latin se rduit, ce
nest plus au profit des dialectes, mais au profit de la langue de Paris. Ni la faiblesse
des premiers Valois qui se lancent dans la guerre de Cent Ans contre lAngleterre
(13371453), ni certaines tendances particularistes qui ont men la constitution
temporaire des dynasties latrales comme le duch de Bourgogne (13631477)
nont pu compromettre le triomphe du franais de Paris. Cependant, ce dernier, on le
verra, a d subir de profonds changements linguistiques au cours de cette longue
poque dinstabilit politique et sociale.
29
Alain Chartier (env. 1385env. 1430) et Franois Villon (1431aprs 1463).22 Linvention de limprimerie vers le milieu du XVe sicle a galement eu des rpercussions sur
la propagation des uvres littraires franaises : mme si la part des textes franais
imprims au XVe sicle ne dpasse pas les 20%, on trouve dj des impressions du
Roman de la Rose, des Cent Nouvelles, des Quinze joies de mariage, du Maistre Pathelin
et de Franois Villon (cf. Wolf 21991, 85). Bien entendu, la confection de manuscrits,
devenue beaucoup moins chre depuis la propagation du papier comme matriau de
base (milieu du XIVe s.), continue galement (ibid.).
Voyelles en hiatus : eage > age, mer > mur, gaagner > gagner, raenon > ranon, fes > fis
e lintrieur des mots : sairement > serment, derrenier > dernier
e final samut dabord aprs voyelle (vue), ensuite aprs consonne (perte)
Les consonnes finales samussent aussi (-t, -p, -s, -n, -l, -r ; le sort de -f est moins clair
(clef, cerf etc.)). On notera que ce phnomne concerne galement les infinitifs (-er,
-oir, -ir) et certains suffixes (-eur = -eux). Par la chute des consonnes nasales, les
voyelles nasales acquirent une valeur phonologique : pain [p] vs. paix [p].
Avec lamussement du e final et des consonnes finales, le franais passe dfinitivement du type postdterminant au type prdterminant , car ds le moment o
par exemple la 2e et la 3e personne du singulier prsent sont homophones (chantes =
chante), ce ne sont que les pronoms personnels sujets qui dterminent la personne (tu
chantes vs il chante).
Les consonnes affriques se simplifient :
22 Pour une belle anthologie de la littrature franaise la fin du Moyen ge, cf. Rickard (1976).
23 La diphtongue ai stait dj monophtongue en ancien franais : maistre > mstre, pais > ps etc.
24 Ce changement phontique nest accompli quau XVIe sicle.
30
Philipp Burdy
sg.
pl.
genoil
genous
sg. genou
mantel
manteaus
sg. manteau
chevel
cheveus
sg. cheveu
conseil
conseus
pl. conseils
pareil
pareus
pl. pareils
Les adjectifs picnes sont harmoniss avec ceux qui saccordent au genre : ainsi, on
obtient le schma suivant : grand (-d latinisant), grande daprs bon, bonne (auparavant grant m., grant f.). Cette harmonisation nest accomplie quau XVIe sicle (cf.
Wartburg 121993, 128).
Dans le champ de la flexion verbale, la forme de la 1re pers. du sg. prsent sans -e
(type chant, aim) est remplace par une forme avec -e (chante, aime) suivant le modle
des verbes du type entre, dote qui comportent toujours le -e final (cf. Rickard 1976, 26).
Les alternances vocaliques dans la conjugaison (cf. 3.2) se rduisent : cest souvent la forme accentue sur la terminaison qui lemporte sur celle accentue sur le
radical, ainsi lieves leves, espoires esperes, mais lunification dans le sens oppos
se rencontre aussi : amons aimons, amer aimer (cf. Wartburg 121993, 127).
En moyen franais, les dmonstratifs (cf. 3.2) dveloppent deux sries distinctes :
lune pour lemploi dterminatif, lautre pour lemploi pronominal (cf. MarchelloNizia 2005, 170) :
Emploi dterminatif :
m. sg.
m. pl.
f. sg.
f. pl.
er
ce/cest
ces
ceste
ces
cel
ces
cele
ces
1 degr
2 degr
31
Emploi pronominal :
m. sg.
m. pl.
f. sg.
f. pl.
er
cestui
ceus ci
ceste
cestes
celui
ceus la
cele
celes
1 degr
2 degr
32
Philipp Burdy
Le nombre de drivs franais nest plus aussi lev quau XIIIe sicle, mais important
(cf. Zink 1990, 98110 ; Wolf 21991, 92s.). Les verbes en -oyer abondent, avec apitoyer,
poudroyer, tutoyer, vousoyer, de mme que les formations parasynthtiques, comme
aboutir, aplatir, raccourcir, abtir, empuantir. La formation de participes en -u continue dtre productive, avec par exemple cossu, pointu, touffu. De nombreux suffixes,
entre autres -ment, -age, -ance, -aison, -ation, -ure sont disponibles pour la formation
dabstraits (cf. Burdy 2013, 222s.). Il est tout naturel de trouver un nombre de suffixes
assez lev joint au mme radical, par exemple arestage, arestance, arestement,
dotance, doteison, formation, formaison, formance. Ainsi, le nombre de synonymes
dans le lexique du moyen franais reste important.
27 On notera que dans des mss. datant du XIIIe sicle, le e ouvert est rendu maintes reprises par <e>,
par exemple fet (=fait), pes (= paix). Sur ce point, les conventions graphiques de lancien franais tardif
taient plus progressistes que celles de lpoque suivante.
28 On en trouvera beaucoup dexemples dans le domaine des noms propres (noms de famille) : Febvre,
Lenepveu, -ault dans Foucault, Renault ; (noms de lieux :) Sceaux (Ceaus), Hrault (Erau), Saint-Arnould
(Arnou) etc. (cf. Dauzat 31988, 272ss. ; 1963, 67ss.).
33
29 Bien entendu, le franais navait gure besoin de dfense cette poque, car il avait dj consolid
sa place ct du latin. Du Bellay avait emprunt son argument Sperone Speroni, Dialogo delle lingue
(1542) (cf. Rickard 1968, 16).
34
Philipp Burdy
Grammaires :
John Palsgrave, Lesclarcissement de la langue francoyse (1530)
Jacques Dubois, In linguam Gallicam Isagge () (1531)
Louis Meigret, Le trtt de la grammre franoze (1550)
Robert Estienne, Traicte de la grammaire francoise (1557)
Pierre de la Rame, Gramere (1562), Grammaire (1572)
Dictionnaires :
Robert Estienne, Dictionarium latinogallicum (1538), Dictionaire franois-latin (1539)
Dans une certaine mesure, ces tentatives sont mettre en rapport avec le dveloppement de limprimerie. Paris, vers le milieu du XVIe sicle, un cinquime des livres
imprims sont dj des livres en franais (Wolf 21991, 97). Lorthographe de ces livres se
trouve uniquement dans les mains des imprimeurs. Pour des raisons conomiques, ils
prfrent les graphies traditionnelles transmises par les manuscrits de lpoque prcdente aux propositions de rforme propages par exemple par Meigret, Le trtt de la
grammre franoze (1550) et Peletier du Mans, Dialogu d lOrtograf et Prononciation
Franos (1550), qui plaidaient pour une orthographe phontique. Estienne, diteur
influent et humaniste, continuait utiliser lorthographe conservatrice pour ses publications, parmi lesquelles le dictionnaire atteignit des tirages levs et servit de modle
orthographique (cf. Wolf 21991, 106ss. ; Rickard 1968, 3548). Les signes diacritiques
comme les accents, la cdille, le trma et lapostrophe font lobjet de discussions au
XVIe sicle, mais on ne parvient pas encore des conventions dfinitives.
La propagation du franais en tant que langue crite dans le royaume est dj en
plein essor, ce qui entrane la substitution successive du franais loccitan dans le
Midi. Ce nest quen 1539 que ce processus est cautionn officiellement par les
fameuses Ordonnances de Villers-Cotterts. Cette disposition exclut lusage dans des
documents officiels de tout idiome autre que le franais, cest--dire non seulement le
latin, mais galement toutes les autres langues et dialectes vulgaires (Rickard 1968,
22s.) :
[art. 111] Nous [c.-.-d. Franois Ier] voulons que doresnavant tous arrestz ensemble toutes aultres
procedures soient proncez enregistrez & delivrez aux parties en langage maternel franois &
non aultrement.
35
On nglige souvent le fait que par les mmes ordonnances, Franois Ier rendit obligatoire dans ses possessions la fixation des noms de famille (cf. Dauzat 31988, 40).
Cest galement au cours du XVIe sicle quapparat pour la premire fois la
notion de l usage (Meigret, Trtt, 1550). Ds lors, il tait hors de doute que lusage
exemplaire du franais tait localis Paris, mais un aspect restait encore assez
vague : qui le reprsentait exactement ? tait-ce le langage du parlement, cest--dire
de la cour de justice de Paris (Estienne, Tory), le langage de la cour royale (Peletier du
Mans, Meigret) ou bien le parler de toutes les couches sociales Paris (de la Rame) ?
En tout cas, le bon franais est dtermin comme lidiolecte dune lite : ds le
moment o commence la rflexion sur la langue vulgaire, le langage du peuple
franais est mis hors-jeu (cf. Wolf 21991, 99s.).
30 Dans le domaine des noms de lieux, on en trouve autant dexemples ; cf. le type Ozoir (< oratoriu).
36
Philipp Burdy
non, un grand nombre ditalianismes emprunts au XVIe sicle se sont avrs phmres, tandis que dautres, condamns en partie par Estienne, entrent dans le lexique
franais pour y rester jusqu nos jours : alerte, assassin, bizarre, cadre, campagne,
crature, disgrce, faade, grotesque, manquer, pdant, russir, soldat (Wolf 21991,
105 ; Rickard 1968, 17).
En considrant linfluence au XVIe sicle dautorits capables de retarder lvolution spontane de la langue vulgaire, symptme des temps modernes, il nest peuttre pas illgitime de ne plus attribuer ce sicle au moyen franais.
7 Bibliographie
Aebischer, Paul (1965), Le voyage de Charlemagne Jrusalem et Constantinople, Genve, Droz.
Avalle, DArco Silvio (2002), La doppia verit. Fenomenologia ecdotica e lingua letteraria del medioevo
romanzo, Tavarnuzze/Firenze, Edizioni del Galluzzo.
Banniard, Michel (1992), Viva voce. Communication crite et communication orale du IVe au IXe sicle
en Occident latin, Paris, Institut des tudes Augustiniennes/Brepols.
Baum, Richard (2003), Periodisierung in der romanistischen Sprachgeschichtsschreibung / Priodisation dans lhistoriographie des langues romanes, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische
Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen,
vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 4652.
Beckmann, Gustav Adolf (2012), Malduit , ein Scherzname im Oxforder Roland-Manuskript und ein
Priester Namens Baligan, Romanische Forschungen 124, 490504.
Berger, Roger/Brasseur, Annette (2004), Les squences de sainte Eulalie. Buona pulcella fut Eulalia.
dition, traduction, commentaire, tude linguistique. Cantica uirginis Eulaliae. dition, traduction et commentaire, Genve, Droz.
Bernus, Pierre (2010, 11934), Petite histoire de lle-de-France, Cress, ditions des Rgionalismes.
Berschin, Helmut/Felixberger, Josef/Goebl, Hans (22008), Franzsische Sprachgeschichte, Hildesheim et al., Olms.
Bischoff, Bernhard (1981), propos des gloses de Reichenau. Entre latin et franais, in : Yves Lefvre
(ed.), La lexicographie du latin mdival et ses rapports avec les recherches actuelles sur la
civilisation du Moyen-ge, Paris, 1821 octobre 1978, Paris, CNRS, 4756.
Burdy, Philipp (2006), Anmerkungen zum Ms. V des altfranzsischen Alexiusliedes, Archiv fr das
Studium der neueren Sprachen und Literaturen 243, 115120.
Burdy, Philipp (2011), Zur sprachlichen Beurteilung altfranzsischer Urkunden, Zeitschrift fr romanische Philologie 127, 141154.
Burdy, Philipp (2013), Die mittels -aison und Varianten gebildeten Nomina des Franzsischen von
den Anfngen bis zur Gegenwart. Eine Studie zur diachronen Wortbildung, Frankfurt am Main,
Klostermann.
Cerquiglini, Bernard (2007), Une langue orphline, Paris, Les ditions de Minuit.
Chaurand, Jacques (1999), I. Prhistoire, protohistoire et formation de lancien franais, in : Jacques
Chaurand (ed.), Nouvelle histoire de la langue franaise, Paris, ditions du Seuil, 1792.
Dauzat, Albert (1963), Les noms de lieux. Origine et volution, Paris, Librairie Delagrave.
Dauzat, Albert (31988), Les noms de famille de France, 3me dition revue et complte par M.T. Morlet,
Paris, Librairie Gungaud.
DEAFBibl = Dictionnaire tymologique de lAncien Franais, Complment bibliographique,
http://www.deaf-page.de/fr/bibl_intro.php (02.10.2014).
37
De Poerck, Guy (1955), Le sermon bilingue sur Jonas du ms. Valenciennes 521 (475), in : Robert Vivier
et al. (edd.), Romanica Gandensia IV. tudes de philologie romane, Gent, Rijksuniversiteit te
Gent, 3166.
De Poerck, Guy (1963), Les plus anciens textes de la langue franaise comme tmoins de lpoque,
Revue de Linguistique Romane 27, 134.
De Poerck, Guy (1964), Le ms. Clermont-Ferrand 240 (anc. 189), les scriptoria dAuvergne et les
origines spirituelles de la Vie franaise de saint Lger, Scriptorium 18, 1133.
Delbouille, Maurice (1970), Comment naquit la langue franaise ?, in : Phontique et linguistique
romanes. Mlanges offerts M. Georges Straka, vol. 1, Lyon/Strasbourg, Socit de Linguistique
Romane, 187199.
Foerster, Wendelin/Breuer, Hermann (51973), Wrterbuch zu Kristian von Troyes smtlichen Werken,
Tbingen, Niemeyer.
Foerster, Wendelin/Koschwitz, Eduard (edd.) (71932), Altfranzsisches bungsbuch, Leipzig, Reisland.
Grtner, Kurt/Holtus, Gnter (1995), Die erste deutsch-franzsische Parallelurkunde . Zur berlieferung und Sprache der Straburger Eide, in : Kurt Grtner/Gnter Holtus (edd.), Beitrge zum
Sprachkontakt und zu den Urkundensprachen zwischen Maas und Rhein, Trier, Verlag Trierer
Historische Forschungen, 97128.
Gossen, Carl Theodor (1957), Die Einheit der franzsischen Schriftsprache im 15. und 16. Jahrhundert,
Zeitschrift fr romanische Philologie 73, 427459.
Gossen, Carl Theodor (1967), Franzsische Skriptastudien. Untersuchungen zu den nordfranzsischen
Urkundensprachen des Mittelalters, Wien, Bhlau.
Gougenheim, Georges (1974), Grammaire de la langue franaise du seizime sicle, Paris, Picard.
Grbl, Klaus (2013), La standardisation du franais au Moyen ge : point de vue scriptologique, Revue
de Linguistique Romane 77, 343383.
Hausmann, Frank-Rutger (1996), Franzsisches Mittelalter, Stuttgart/Weimar, Metzler.
Hilty, Gerold (1968), La Squence de Sainte Eulalie et les origines de langue littraire franaise, Vox
Romanica 27, 418.
Hilty, Gerold (1973), Les origines de la langue littraire franaise, Vox Romanica 32, 254271.
Hilty, Gerold (2010), Compte rendu Francesco Lo Monaco/Claudia Villa (edd.), I Giuramenti di
Strasburgo : Testi e Tradizione, Firenze 2009, Vox Romanica 69, 273276.
Klein, Hans-Wilhelm (ed.) (1968), Die Reichenauer Glossen, vol. 1 : Einleitung, Text, vollstndiger Index
und Konkordanzen, Mnchen, Hueber.
Lodge, R. Anthony (1997), Le franais. Histoire dun dialecte devenu langue, traduit de langlais par
Cyril Veken, Paris, Fayard.
Lodge, R. Anthony (2004), A Sociolinguistic History of Parisian French, Cambridge, Cambridge University Press.
Lodge, R. Anthony (2010), Standardisation, koinisation et lhistoriographie du franais, Revue de
Linguistique Romane 74, 525.
Lo Monaco, Francesco/Villa, Claudia (edd.) (2009), I giuramenti di Strasburgo : testi e tradizione/
The Strasbourg Oaths : Texts and Transmission, Firenze, Sismel Edizioni del Galluzzo.
Lote, Georges (1991), Histoire du vers franais, vol. 6, Aix-en-Provence, Universit de Provence.
LRL = Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.) (1995), Lexikon der Romanistischen
Linguistik (LRL), vol. II/2, Tbingen, Niemeyer.
Lusignan, Serge (1999), II. Langue franaise et socit du XIIIe au XVe sicle, in : Jacques Chaurand
(ed.), Nouvelle histoire de la langue franaise, Paris, ditions du Seuil, 91143.
Marchello-Nizia, Christiane (2005), La langue franaise aux XIVe et XVe sicles, Paris, Colin.
MGH Conc. = Albert Werminghoff (ed.) (1906), Concilia aevi Karolini, vol. 1 (742817), Hannover/
Leipzig, Hahn.
38
Philipp Burdy
Mlk, Ulrich/Holtus, Gnter (1999), Alberics Alexanderfragment. Neuausgabe und Kommentar, Zeitschrift fr romanische Philologie 115, 582625.
Pfister, Max (1973), Die sprachliche Bedeutung von Paris und der Ile-de-France vor dem 13. Jahrhundert, Vox Romanica 32, 217253.
Raupach, Manfred (1972), Die Reichenauer Glossen, vol. 2 : Entstehung und Aufbau, Mnchen, Fink.
Remacle, Louis (1992), La diffrenciation dialectale en Belgique romane avant 1600, Genve, Droz.
Richter, Michael (1983), quelle poque a-t-on cess de parler latin en Gaule ? propos dune
question mal pose, Annales. conomies, Socits, Civilisations 38, 439448.
Rickard, Peter (1968), La langue franaise au seizime sicle. tude suivie de textes, Cambridge,
Cambridge University Press.
Rickard, Peter (1976), Chrestomathie de la langue franaise au quinzime sicle, Cambridge, Cambridge University Press.
Rohlfs, Gerhard (31968), Vom Vulgrlatein zum Altfranzsischen. Einfhrung in das Studium der
altfranzsischen Sprache, Tbingen, Niemeyer.
Stefenelli, Arnulf (1967), Der Synonymenreichtum der altfranzsischen Dichtersprache, Wien, Bhlau.
Stefenelli, Arnulf (1981), Geschichte des franzsischen Kernwortschatzes, Berlin, Schmidt.
Trotter, David (2003), Langlo-normand : varit insulaire, ou varit isole ?, Mdivales 45, 4354.
Van Hoecke, Willy (1999), La Vie de saint Lger et la Passion de Clermont-Ferrand : roman dol
ou roman doc ?, Cahiers de lInstitut de linguistique de Louvain 25, 201221.
Van Uytfanghe, Marc (2012), La diachronie latino-romane : le conflit des chronologies et la diglossie,
Zeitschrift fr romanische Philologie 128, 405456.
Videsott, Paul (2010), Le plus ancien document en franais de la chancellerie royale captienne
dition et considrations linguistiques, in : Maria Iliescu et al. (edd.), Actes du 25e Congrs
International de Linguistique et Philologie Romanes, Innsbruck, 38 septembre 2007, vol. 6,
Berlin/New York, de Gruyter, 371381.
Wartburg, Walther von (121993), volution et structure de la langue franaise, Tbingen, Francke.
Wolf, Heinz Jrgen (21991), Franzsische Sprachgeschichte, Heidelberg, Quelle & Meyer.
West, Jakob (1979), La dialectalisation de la Gallo-Romania. Problmes phonologiques, Bern,
Francke.
Zink, Gaston (1990), Le moyen franais (XIVe et XVe sicles), Paris, Presses Universitaires de France.
Christian Schmitt
Abstract : Larticle fournit des informations sur les principales tapes de lhistoire de
la langue franaise du XVIIe sicle jusqu lpoque moderne. Laccent est mis sur
lhistoire linguistique interne et externe et sur les dveloppements en lexicographie et
en grammaticographie.
40
Christian Schmitt
Nam quum, hoc interpretandi munus Usu, Autoritate, Ratione constare dixerint : sane intelligendum est, usum sine ratione non semper moveri, veluti si aspirat Trophaeum, & Anchoram,
quae leniter Graecis aliis proferuntur, Atheniensium exemplo sciamus factum esse. Autoritas
vero quid aliud, qum Usus est ?
(ed. 1597, 448).
[mais puisquils ont dit que lusage, lautorit et la raison taient les principes de lvaluation, on
peut certainement comprendre que lusage ne peut pas toujours changer sans raison comme,
p.ex., nous savons que les formes aspires trophaeus et anchora (qui correspondent aux sourdes
[p] et [k] chez les autres Grecs) se sont formes daprs la prononciation athnienne. Par
consquent : est-ce que la norme est autre chose que lusage ?]
Si lusage de la langue franaise tait pareil en tous lieux, ce que vous dites auroit quelquapparence ; mais vu quil y a de la controverse quant lusage, il faut avoir recours ailleurs qu
lusage (Henri Estienne, cf. Franois 1959, vol. 1, 146).
On est donc en droit de dfendre la thse de Lausberg (1950) pour qui Malherbe a
continu une discussion entame par les humanistes qui ont repris un des sujets
linguistiques primordiaux pour les grammairiens de lAntiquit : la dfinition de
lusage linguistique crit et oral.
quelques exceptions prs, les grammaires de la Renaissance sont nourries par les
doctrines de lantiquit classique. Au XVIIe sicle, commencement du franais moderne (Klare 1998, 116ss.), tout change comme le documente(ra) le Grand Corpus des
grammaires franaises (sous la direction de Bernard Colombat et de Jean-Marie
Fournier) contenant les grammaires franaises les plus marquantes de lge classique,
cest--dire les ouvrages grammaticaux qui ont anim un dbat trs fervent sur les
problmes normatifs du franais au sicle classique et sur les traits caractristiques
41
Ces tudes portent avant tout sur la variation sociolinguistique du franais devenu
langue nationale, sur les problmes normatifs, sur lusage littraire, la traduction
idiomatique et lapprentissage de la varit parisienne reconnue comme archtype
canonique. Dans la tradition rhtorique ces grammaires doivent galement enseigner
lart de parler en respectant les figures imposes par la tradition textuelle et les formes
reconnues comme meilleures varits conformment une pragmatique dtermine,
avant tout, par lusage littraire et les premires autorits.
Ces grammaires sont souvent accompagnes par un genre typiquement franais
qui commence apparatre au milieu du XVIIe sicle avec les remarques de Vaugelas
(Ayres-Bennett 2004 ; Marzys 2009). Ces textes sont runis dans un autre Corpus
(Corpus des remarques sur la langue franaise, XVIIe sicle), sous la direction de
Wendy Ayres-Bennett (2011) qui montre jusqu quel point le public cultiv sest
occup de subtilits grammaticales et dans quelle mesure les amateurs du beau
langage (Rat 1963) sintressaient aux idiotismes qui posaient problme ceux qui
voulaient se distinguer du commun par un usage linguistique exemplaire. Tout dixseptimiste voulant comprendre les rgles souvent contradictoires du franais classique ainsi que les chemins souvent compliqus sa codification et sa standardisation est tenu de connatre ce corpus produit par les remarqueurs :
42
Christian Schmitt
Les observations savrent peu systmatiques mais les diffrents textes peuvent servir
dintroduction lhistoire des ides linguistiques, la conception normative et
grammaticale du Sicle de Louis XIV, la variation diatopique et sociolinguistique et
aussi une meilleure comprhension de la cration littraire en France.
Le XVIe sicle tait proccup par llaboration quantitative du franais langue
nationale ; la discussion du XVIIe sicle est dtermine, avant tout, par la dfinition
de rgles fixes et la rglementation dun usage linguistique peu solidement tabli.
La discussion sur la standardisation de la langue commence en 1605, avec les
fameux Commentaires sur Desportes de Malherbe (cf. Brunot 1891) ; en accord avec la
rhtorique classique (Lausberg 1950), Malherbe critique svrement lemploi darchasmes, de nologismes et contre la tradition des remarqueurs de la Renaissance
(Schmitt 1977) des mots rgionaux et des mots de mtiers comme incompatibles
avec le sermo purus et dilucidus , en commentant laide dannotations en marge
du texte de Desportes et critiquant quelques potes du XVIe sicle. Ces gloses taient
dabord destines amliorer les textes potiques et finalement reconnues pour la
conversation de gens cultives qui approuvaient lintention de Malherbe de corriger et
dgasconner la cour marque par linfluence de diffrentes varits soit dorigine
trangre, comme litalien, soit de provenance rgionale ou occitane, et de sociolectes
situs en marge du parler commun (Franois 1959, vol. 1, 274ss.). Le refus des rgionalismes et phnomnes sociolectaux peut tre qualifi de catgorique (Schmitt 1977) ;
cette prise de position justifie, pour Vaugelas, lemploi dune mtaphore mdicale :
Ce nest donc pas une acquisition si aise faire que celle de la puret du langage, puis quon
ny sauroit parvenir que par les trois moyens que jay marquez, et quil y en a deux qui
demandent plusieurs annes pour produire leur effet ; Car il ne faut pas simaginer que de faire
de temps en temps quelque voyage la Cour, et quelque connoissance avec ceux qui sont
consommez dans la langue, puisse suffire ce dessein. Il faut estre assidu dans la Cour et dans la
frequentation de ces sortes de personnes pour se prevaloir de lun et de lautre, et il ne faut pas
insensiblement se laisser corrompre par la contagion des Provinces en y faisant un trop long
sejour (ed. Marzys 2009, vol. 1, 71).
Pour les nologismes Vaugelas parle de mots (nouveaux) et souvent dans une
diction encore plus favorable dun mot, dune expression en usage depuis peu,
depuis quelque temps , etc. (cf. Remarques 61, 69, 78ss., 157, 213, 239, 254, 346, 355,
43
464, 492, 534, 553, 570) et de mots qui nont jamais t dits on est beaucoup plus
tolrant selon la recommandation dHorace ( Licuit semperque licebit / Signatum
praesente nota producere nomen , ars poet. 58s.), comme le montre, par exemple, le
commentaire sur la drivation plume plumeux (se) adjuge Malherbe :
Mais puis que jay resolu de traiter fond toute la matiere de lUsage, il faut voir sil est vray,
comme quelques-uns le croyent, quil y ait de certains mots qui nont jamais est dits, et qui
neantmoins ont quelquefois bonne grace ; mais que tout consiste les bien placer. En voicy un
exemple dun des plus beaux et des plus ingenieux esprits de nostre siecle, qui il devroit bien
estre permis dinventer au moins quelques mots, puis quil est si fertile et si heureux inventer
tant de belles choses en toutes sortes de sujets, entre lesquels il y en a un dune invention
admirable, o il a dit,
24. La principale fonction de lAcadmie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence
possible donner des rgles certaines notre langue, et la rendre pure, loquente et capable de
traiter les arts et les sciences.
25. Les meilleurs auteurs de la langue franoise seront distribus aux Acadmiciens pour
observer tant les dictions que les phrases qui peuvent servir de rgles gnrales, et en faire
rapport la Compagnie, qui jugera de leur travail et sen servira aux occasions.
26. Il sera compos un Dictionnaire, une Grammaire, une Rhtorique et une Potique sur les
observations de lAcadmie .
44
Christian Schmitt
Il dtermine avant tout la norme littraire sans oublier que lusage littraire, lui-aussi,
est sujet au changement et aux critres sociologiques qui constituent la nature des
langues vivantes.
Pour les grammaires du franais classique la polymorphie verbale due lalternance vocalique (Buridant 2000, 230406) reprsente le problme principal de la
norme. Le moyen franais a connu la formation dun systme verbal hypertrophique
(Eckert 1986, 230ss.) et de nombreux sous-systmes en concurrence, et cette rivalit a
t lgue aux poques dcisives pour la standardisation du franais national. Vaugelas est encore loin dune systmatisation des paradigmes comme le documente
lhsitation entre je vais et je vas (ed. Marzys 2009, vol. 1, 82) et ne sait pas rsoudre
les problmes qui rsultent de lopposition entre l analogie et l usage :
De tout ce discours il sensuit que nostre langue nest fonde que sur lUsage ou sur lAnalogie,
laquelle encore nest distingue de lUsage, que comme la copie ou limage lest de loriginal, ou
du patron sur lequel elle est forme, tellement quon peut trancher le mot, et dire que nostre
langue nest fonde que sur le seul Usage ou desja reconn, ou que lon peut reconnoistre par les
choses qui sont connus, ce quon appelle Analogie (ed. Marzys 2009, 80).
Mon dessein nestoit que daugmenter la grammaire du sieur Maupas : toutefois y ayant
recogneu force antiquailles rformer, & beaucoup derreurs reprendre, outre une confusion de
discours repetez, obscurs, & pedantesques, ie me suis resolu de vous en faire une moderne, afin
de purger le monde en mesme temps des ordures que iay trouves autre part, & vous desabuser
entierement (1632 : Aux curieux , fo a3r).
Et lusage au XVIIe sicle offrait un choix assez important dans les grammaires
parisiennes, plus riche encore dans les grammaires crites par des provinciaux et
extrmement variable dans les grammaires crites ltranger qui enregistraient tout
ce que leurs auteurs pouvaient dcouvrir dans les textes ou entendre dans les cours
rgionales (Schmitt 2002, 157ss.).
Les observations peuvent se rfrer des formes simples, comme p. ex. la troisime personne du pluriel du premier groupe verbal ( La troisime plurire change
la, en . Gardez-vous de dire Aimarent, Parlarent, Criarent, la mode de Gascongne ,
Maupas 21618, 103 ro), soit des irrguliers ou des paradigmes marginaux. En gnral,
lusage lemporte, et cest ainsi que le verbe semondre admonester, avec sa morphologie irrgulire, na aucune chance de survivre :
45
verbe
Oudin 21640
Rayot 1656
semondre
Pour les paradigmes marginaux nous nous limitons trois exemples assez instructifs :
chaloir, clor(r)e et douloir :
verbe
Oudin 21640
chaloir
Rayot 1656
clorre
douloir
On comprend facilement que les grammairiens ne recherchent pas la forme rare mais
plutt les formes analogiques qui sont galement prfres dans le cas des verbes
bnir (Maupas 21618, 113 v ; Oudin 1632, 155s.), cueillir (Maupas 21618, 114 r ; Oudin
1632, 157), har (Maupas 21618, 115 r/v ; Oudin 1632, 158s.), secourre (Maupas 21618,
123s. ; Oudin 1632, 179) et vestir (Maupas 21618, 117 r ; Oudin 1632, 164 r) ; mais la
grammaire franaise est encore loin dune standardisation comme la galement
retenu Fouch : Risons ne sest pas maintenu. De la Faye signale cependant encore
en 1613, ct de rioy, un imparfait risoy quil condamne dailleurs [La Faye crit :
etliche [!] sagen Risoy, aber unrecht [1613, 314] ; C.S.], et Bernard (1607) donne pour
le subjonctif les deux formes rise et rie (21967, 102). Mais dans le dsordre qui marque
la morphologie verbale des XVIIe et XVIIIe sicles (Schmitt 1995 ; 1997) cest de loin la
morphologie du futur avec sa variation excessive qui lemporte (Schmitt 2001a) et il
nest pas surprenant de constater quun chanteur parisien du XXe sicle se serve
encore des valeurs connotatives de mourirai (Renaud, Le sirop de la rue) et nous nous
en allerons (Renaud, Ds que le vent soufflera).
Les tmoignages des grammairiens nous informent bien sur la prononciation du
franais classique (Martinet 21974 ; Cohen 1946) ; la comparaison avec lusage rel du
XXe sicle (Martinet/Walter 1973) permet didentifier les forces principales de lvolution moderne (Schmitt 1984) : la restitution des consonnes finales, p. ex., est due, avant
46
Christian Schmitt
et concerne les verbes termins par -ir (ibid., vol. 2, 100ss.), les adjectifs quand <-r> est
suivi dune consonne (interdisant la liaison) et bon nombre de substantifs issus de
verbes :
47
loisir [lwazi], fr.m. [lwazir], plaisir [plzi], fr.m. [plzir], souvenir [suvni], fr.m. [suvnir]
(ibid., 75), miroir [mirwa], fr.m. [mirwar] (ibid., 66), mouchoir [muwa], fr.m. [muwar] (ibid.,
66) (etc.).
Milleran 1694
[Warnant +]
Martinet/Walter 1973
PRob 2009
absenter
[absate]
[apsate]
16 X [absate], 1 X [ab-]
obtenir
[ob- et optni]
[ptnir]
16 X [ptnir], 1 X [b-]
subtiliser
[syp- et sybtilize]
[syptilize]
14 X [syptilize], 3 X [syb-]
abject
[abkt]
[abkt]
17 X [abkt]
et confirme, par consquent, la thse de Buben (1935) qui a observ une forte
influence de lorthographe tymologique franaise sur la prononciation du franais
48
Christian Schmitt
parole
communication crite
phonique
graphique
parl
crit
Cette volution a commenc au XVIe sicle et est toujours dactualit dans lvolution
phontique du franais national, comme le tmoigne Muller qui parle des principales
tendances de lallongement consonantique en cas de gmination graphique et dune
articulation de graphmes consonantiques pure valeur graphique dans la langue
contemporaine et labore la rgle historique suivante pour le phontisme franais :
Laction exerce dans le sens contraire, cest--dire linfluence de la langue crite sur la langue
parle, est particulirement frappante lorsquelle touche la phonie et change les normes de
prononciation. Au cours de lhistoire du franais, le phnomne de spelling pronunciation
(prononciation influence par lorthographe du mot) apparat sur une large chelle lpoque de
la Renaissance, au moment o la latinisation de la graphie entrane une latinisation de la
prononciation (1985, 88).
Cette tendance a beaucoup plus dinfluence sur lvolution de la langue que des
vnements plutt phmres et marginaux comme la p r c i o s i t (du Salon de la
Marquise de Rambouillet et des fameux S a m e d i s de Mlle de Scudry) connue encore
aujourdhui par le biais des Prcieuses ridicules de Molire. Somme toute, on peut dire
que les remarques des prcieuses souvent combines avec la prciosit desprit, ainsi
que les ouvrages des gens savans en la langue comme Mnage (auteur dobservations et dun dictionnaire dtymologie) et mme la Grammaire de Port-Royal, oppo
49
50
Christian Schmitt
Le dictionnaire universel franois et latin des pres de Trvoux (1704, 3 vol. ; 1721, 5 vol. ;
1732, 5 vol. ; 1743, 6 vol. ; 1752, 7 vol. ; 1771, 8 vol. ; Paris) continuant, dans un certain sens le
Dictionnaire universel de Furetire, est le porte-parole de la tradition (catholique) oppose
lesprit de lEncyclopdie.
LAbb Girard, auteur dune Ortografe franoise (1716) et dun trait sur la Justesse de la
langue franoise, ou les diffrentes significations des mots qui passent pour synonimes (1718) a
le mrite davoir initi le dbat sur les rgles synchroniques du franais de son poque, dans
les Vrais principes de la langue franoise (1747). En mettant laccent sur la parfaite connaissance de la force des mots et leur usage sociolinguistique il est devenu un des fondateurs de
la smantique avec son ouvrage de 1718 qui a connu un succs clatant qui sexprime en de
nombreuses rditions (1736 ; 1740 ; 1769).
Philibert Joseph Le Roux, grand inconnu des dictionnaires historiques du franais, est le
continuateur dOlivier Chereau, auteur du Jargon ou langage de largot reform (Lyon 1630/
1632, 1634) avec son Dictionnaire comique, satyrique, critique, burlesque, libre et proverbial
(17181786 ; cf. Barsi 2003) qui informe sur les mots du franais courant ngligs ou vits
par les autres dictionnaires, comme p. ex. bonbon mot denfant pour dire du sucre, des
drages, dautres douceurs (Barsi 2003, 87) ou coupe-gorge terme de joueur qui dit autant
que coup fatal (ibid., 189), etc. Ce dictionnaire qui prte une ide claire du substandard et
des varits du franais mriterait une attention spciale des tymologistes.
Les lexicographes daujourdhui sintressent peu au dictionnaire nologique de Desfontaines (1726 ; 21750), trop puriste et attach aux ides des anciens ; et le Dictionnaire
philosophique portatif de Voltaire (1764) ne dpasse pas lintrt port lidologie du Sicle
des Ides domine par le rationalisme.
Le dictionnaire de Franois Feraud qui se distingue par ses observations prcises sur les
diffrents styles, les usages sociaux et rgionaux (Dictionnaire critique de la langue franaise, 3 vol., Marseille 1787) correspond le mieux aux exigences lexicologiques actuelles.
Lorthographe choisie par lauteur, oppose la tradition tymologique de lAcadmie
franaise, a certainement t dfavorable lexpansion de cet ouvrage soigneusement
51
compos destin aux jeunes gens et aux trangers. Le dictionnaire de labb Feraud reflte
lantagonisme entre le rationalisme cartsien et le sensualisme dvelopp par John Locke
et connu en France par lEssai sur lorigine des connaissances humaines (1746) de Condillac.
Im 18. Jahrhundert sind einige bedeutsame nderungen in der allgemeinen Einstellung zur
Sprache zu erkennen. Gegenber der Vorstellung, da der Sprachgebrauch die Grundlage der
Grammatik sein sollte, setzt sich das Prinzip der Logik durch. Die zahlreichen aufeinanderfolgenden Ausgaben der Grammaire de Port-Royal inspirierten Grammatiken mit hherer Zielsetzung,
die ebenfalls auf rationalen Grundstzen aufgebaut waren. Die wichtigsten darunter sind die
52
Christian Schmitt
Grammatiken von Rgnier-Desmarais (1706), Restaut (1730), Girard (1747), De Wailly (1754),
Beauze (1767), Condillac (1775) und U. Domergue (1778) .
[Au 18e sicle, on peut reconnatre plusieurs changements dans la conception de la langue.
Lide de lusage comme base de la grammaire est remplace par le principe de la logique. Les
nombreuses ditions successives de la Grammaire de Port Royal inspirrent des types de grammaires plus exigentes bases, elles aussi, sur les principes de la raison. Parmi elles, les grammaires les plus importantes sont celles de Rgnier-Desmarais (1706), Restaut (1730), Girard (1747), De
Wailly (1754), Beauze (1767) et U. Domergue (1778)]
on y trouve, dun ct, la remarque assez rpandue : On dit communment, que la voix du
peuple est la voix de Dieu, pour dire, quOrdinairement le sentiment gnral est fond sur la
vrit (II, 277 c),
mais de lautre, populairement signifie dune manire populaire. Il nest gure dusage que
dans cette faon de parler. Cest parler populairement que de se servir de cette expression
(II, 323 b).
Le Supplment (II, 765776) contenant les mots nouveaux en usage depuis la Rvolution, ne reflte pas de changement conceptuel en ce qui concerne le parler populaire :
parler ou crire populairement continue signifier parler ou crire mal. La grammaire
et le dictionnaire franais rvolutionnaires ne portent pas ce bonnet rouge rclam
par Victor Hugo. Seul le genre poissard connu, avant tout par les pices de thtre
de Jean-Joseph Vad (17151757) a profit des effets provoqus par ce vocabulaire et
par les tours syntaxiques qui caractrisent les farces et les vaudevilles et, souvent
aussi, par les chansons populaires thmes satiriques ou politiques truffes de termes
et expressions marachers que le peuple franais na toujours pas oublis.
Les varits sociales et rgionales du franais existent toujours, mais ce sont
avant tout les dialectes et langues rgionales qui, aprs le rapport fameux de labb
Grgoire (9 prairial de lan II, cest--dire le 28 mai 1794) se caractrisent par une
existence prcaire puisque
la Rvolution, aprs avoir initialement favoris la propagation des ides nouvelles par le biais
des dialectes, revenait, par lappareil des lois, une tradition dj tablie, selon laquelle la
53
dfense du franais en France est un combat politique. Dans les circonstances graves o se
trouvait la France, les langues rgionales apparaissent comme celles de lennemi, et la toutepuissance exerce par la langue franaise sur les autres langues tait conue comme seule
capable de garantir lunit et lintgrit du pays (Hagge 1996, 87).
Les jeux sont faits : lvolution normative initie par la royaut franaise la Renaissance (Gossen 1957, 427ss.), a trouv son achvement, le parler de lle-de-France est
devenu la langue de la nation (Schmitt 2008, 297s.) et la base de la langue littraire :
cette langue universelle de lEurope cultive est devenue une langue mre (Caput
1975, vol. 2, 84s.) qui enrichit les langues voisines bien plus quelle nen accueille des
lments lexicaux ou conceptuels.
54
Christian Schmitt
[l]es Franais nosent plus parler leur langue parce des gnrations de grammairiens, professionnels et amateurs, en ont fait un domaine parsem dembches et dinterdits. Dans un monde
qui change un rythme chaque jour acclr, les Franais, comme tous les humains, ont sans
cesse besoin de nouveaux mots et de nouveaux tours. Or, on les a dresss obir, respecter le
prcdent, ninnover en rien ; ils nosent pas forger un mot compos, utiliser librement un
suffixe de drivation, procder des combinaisons inattendues (21974, 29) ;
cest donc au XIXe sicle quon commence dcouvrir lnorme foss qui spare la
linguistique et le purisme ou, comme la indiqu le titre original de larticle de
Martinet, que les grammairiens tuent la langue .
Le romantisme se sert dune langue littraire qui connat un emploi mtaphorique
spcial et utilise un vocabulaire affectif et motionnel particulier, souvent proche du
style lyrique exprimant des sentiments intimes et communiquant au lecteur les
motions de lauteur ; mais ce lyrisme se sert dune langue littraire conventionnalise et continue, somme toute, la tradition classique des mots nobles et respecte les
normes acadmiques tant sur le niveau morphologique que sur le niveau grammatical : il vite les chelons bas et vulgaires du vocabulaire, et lexpression orale assez
frquente dans la prose romantique est en gnral soumise des rgles qui
dnoncent un certain souci de la puret du langage, mme dans les textes thoriques
de Victor Hugo qui suivait les principes de Vaugelas et mprisait la rhtorique
moyens dexpressions neutres et insipides. Louverture de la langue littraire a donn
accs au mot juste et au mot propre ainsi qu largot, langue de la misre, mais la
valeur de diffrentes couches sociolinguistiques na pas chang depuis le sicle
classique : les registres socialement dfinis gardent leur tonalit, les adjectifs
commun, populaire, ordinaire, bas, vulgaire et leurs familles de mots respectives
restent des marqueurs comme lpoque de Vaugelas (Schmitt 1986, 148s.) et font
partie de ce quon appelle aujourdhui le substandard (Albrecht 1986/1990, vol. 1,
65ss., vol. 3, 44ss.). Avec Hugo, la prose franaise commence reflter la multitude
des varits utilises par les locuteurs de toutes les classes et des diffrents groupes
sociaux, mais le systme de notation des signes linguistiques ainsi que les valeurs
attribues aux phnomnes de la dviation linguistique et de lcart de la norme
classique nont que peu chang. Dun ct, Victor Hugo, tout comme les auteurs du
ralisme et du naturalisme (p. ex. Balzac, Stendhal, Flaubert, George Sand, Maupas
55
sant et Zola) ont essay de payer tribut la ralit linguistique avec tous les aspects
vulgaires du rel et prconis la description objective des faits, des objets et des
personnages de la vie du travail, de la ralit banale et quotidienne (du tiers tat
comme des criminels et des gens en marge de la socit, tout comme le vrisme
italien), de lautre ils ont tenu faire preuve de leur matrise du bon franais (crit et
littraire) et de leur connaissance de la grammaire normative qui ne concident pas
avec les dialogues des protagonistes et le style indirect libre comme le documentent,
p. ex., les films Germinal (de Berri, 2005 ; avec Renaud, Depardieu et Miou Miou) et
Les Misrables (de Dayan, 2009 ; avec Malkovich et Depardieu) qui continuent
impressionner le grand public apprciant lusage des varits sociales.
Les dictionnaires du XIXe sicle refltent la richesse du vocabulaire franais,
sans pouvoir prtendre lexhaustivit. On peut tablir la distinction entre deux
types lexicographiques : les dictionnaires qui soccupent plutt du vocabulaire
classique et traditionnel, comme le dictionnaire de lAcadmie franaise (61835, une
russite qui est toujours reconnue par la lexicographie franaise ; 71878), le Dictionnaire de la langue franaise (contenant une riche nomenclature, la prononciation
avec lorthographe, la signification, une partie historique et une partie tymologique
base sur la comparaison des mmes formes dans le franais, dans les patois et
dans lespagnol, litalien et le provenal ou langue doc ) de lAcadmicien mile
Littr (4 vol. + 1 Supplment, 18631872 ; 1878) qui englobe avant tout le franais
classique et le vocabulaire des grands crivains du Sicle des Ides, et le Dictionnaire Gnral de la langue franaise du XVIIe sicle nos jours, de Hatzfeld/Darmesteter/Thomas (2 vol., 18901900), qui est prcd dun trait, trs comptent pour
lpoque, de la formation du franais qui na pas t apprci sa juste valeur,
appartiennent au premier groupe ; mais le vocabulaire du XIXe sicle est mieux
enregistr et dfini dans le Dictionnaire gnral et grammatical des dictionnaires
franais. Extrait et complment de tous les dictionnaires les plus clbres [], de
Napolon Landais (2 vol., Paris 1834 [111851]), le Dictionnaire national ou dictionnaire
universel de la langue franaise de Bescherelle [lan] (2 vol., Paris 1845 ; 91861) qui
enregistre galement le vocabulaire scientifique, et le Grand Dictionnaire universel
du XIXe sicle de Pierre Larousse (15 vol., Paris 18661876) qui se distingue des deux
autres par ses aspirations lexhaustivit et ses tendances encyclopdiques font
partie du second : pour le FEW, ce dictionnaire de Larousse reprsente la source
lexicale la plus importante pour le XIXe sicle. La Faye (Synonymes franais, Paris
21858) continue les travaux de lAbb Girard (1718) et de Roubaud (1785) qui portent
sur la synonymie (Gauger 1973) et, avec son Dictionnaire analogique de la langue
franaise ou rpertoire complet des mots par les ides et les ides par les mots (Paris
1862), Boissire prsente un nouveau type lexicographique : le dictionnaire onomasiologique (qui a eu peu dinfluence sur les travaux lexicologiques du XIXe sicle).
La richesse du vocabulaire franais, des innombrables latinismes utiliss dans les
textes scientifiques et techniques et des emprunts aux langues voisines, surtout
langlais, se reflte galement dans le Trsor de la langue franaise (16 vol., Paris
56
Christian Schmitt
57
Comme un mdecin, dit-il [scil. Littr], qui a eu une pratique de beaucoup dannes et de
beaucoup de clients, parcourant la fin de sa carrire le journal quil en a tenu, en tire quelques
cas qui lui semblent instructifs, de mme jai ouvert mon journal, cest--dire mon Dictionnaire, et
jy ai choisi une srie danomalies qui, lorsque je le composais, mavaient frapp et souvent
embarrass (ibid., 9).
Lorsquil entreprit ensuite sa grande uvre de linguistique, il ne put manquer dobserver que le langage aussi avait ses maladies. Et, aprs avoir accompli son
principal ouvrage, il y fit un post-scriptum sur la pathologie des mots, sur les altrations et dformations quils subissent. Les changements de signification, de prononciation, de constructions et de tours, de genre et la cration de mots mal venus sont
pour lui les tmoins infaillibles de la dformation du langage et les consquences
dun laxisme intolrable.
Dans La dfense de la langue franaise qui porte le sous-titre la crise de la
culture franaise , Albert Dauzat (1912) reste, sans doute, un peu moins pathtique,
mais sa vue densemble est tout de mme extrmement pessimiste. Bien quil napprcie pas le pays de la langue de Goethe et de Bismarck (1912, 22) il cite loccitaniste
Anglade pour mouvoir vivement son public : M. Anglade fait remarquer que cet
enseignement [scil. de la langue nationale] est beaucoup mieux organis en Allemagne quen France, et il insiste pour quil soit institu dans toutes nos Universits
(1912, 76).
Le pessimisme culturel se trouve dans de nombreux traits linguistiques du
e
XX sicle qui ne servent pas lillustration de cette langue internationale mais la
dfense dune thse qui porte prendre lvolution et le changement linguistiques du
mauvais ct : la langue nationale serait envahie de lextrieur et perdrait sa prcieuse syntaxe (Boulenger/Thrive 1924) ; lcriture ne connatrait que labus des
rgles grammaticales et lemploi de mots mal choisis (Curnonsky/Bienstock 1928) ; il y
58
Christian Schmitt
aurait un massacre rgulier de la langue nationale, mme par ladministration (Moufflet 1930) et le franais serait en grand danger (Lalanne 1957) ; le franais serait la
drive (Thrive 1962) et foutrait le camp (Thvenot 1976), pour ne citer que quelques
contributions loquentes significatives qui trouvaient les applaudissements de lAcadmie franaise (Hermant 1923) comme le documente la dfense dAbel Hermant
(1929) qui figure comme prface des remarques de Lancelot, auteur du Figaro (supplment littraire), sur la situation de la langue nationale (cf. aussi Thrive 1926), et
qui connaissent une actualisation par les interventions de ltat en France dans la
domaine de la langue (Schmitt 1990, 354ss. ; de Saint Robert 2000, 31ss.), en accord
avec la volont politique de tous les partis politiques et de nombreuses associations
unies pour dfendre le patrimoine national.
Les raisons qui ont amen cette dfense et provoqu cette attitude de rsistance
sont faciles expliquer : le XVIIIe sicle connat des rgles et normes lexicales bases
sur un modle social ferm auquel se conformait par surcrot la littrature du sicle de
Louis XIV qui deviendra la rfrence et le paradigme linguistique exemplaires du
XVIIIe sicle peu soucieux de lusage parl mme des rudits contemporains : le XIXe
sicle a continu reconnatre la priorit de lcrit sur loral et prfr une attitude
diachronique, les variations ne servaient que de dcor pour la reprsentation figure
des couches en marge de la socit.
Cest donc avant tout la situation politique sous la Quatrime Rpublique qui
cause des changements linguistiques et une volution du franais due un systme
du suffrage universel, comme la formul Marcel Cohen (41973, 298) :
Les auteurs du 20e sicle ont trouv ds labord un terrain dbarrass des contraintes du
classicisme et des emphases du romantisme, la posie et la prose rapproches entre elles, un
public toujours plus tendu et dsormais sans pruderie dune part, dautre part accoutum
toutes sortes de techniques .
Cet auteur qui nous devons aussi des chroniques sur la langue franaise prsentes
avec une sagacit perspicace (Herrmann 1988), a certainement raison dexpliquer les
normes du XXe sicle par un (nouveau) rapprochement de la langue crite et de la
langue parle, comme il a t magistralement dcrit par Ludwig Sll (21980, 122ss.) et,
comme dautres auteurs (cf. Mller 1990) par les caractristiques du monologue
intrieur ou du style direct permettant de plus en plus frquemment de substituer le
style parl ou la variation sociale marque au style crit ; le substandard doit son
entre avant tout au brassage social des compagnons des tranches de 19141918
comme le documente, entre autres, Le Feu, de Barbusse qui a initi une littrature
ouvrire et populaire qui va jusqu Franois Bon, auteur bien connu des artisans et
du proltariat industriel, en passant par le Voyage au bout de la nuit et la Mort crdit
de Louis-Ferdinand Cline et les romans ouvriers de lexistentialisme spcialement de
Jean-Paul Sartre (Schmitt 1979b) qui garde et respecte des normes stylistiques et
grammaticales bien plus traditionnelles dans ses pices de thtre (Klare 1998, 1). Le
manque de normes claires et univoques dun ct, d des critres sociologiques
59
dune nation dmocratique et colonialiste et les efforts pour une forme du franais
universel, incompatible avec les rgles classiques et des formes rigides de lautre, ont
contribu lvolution dun systme linguistique polyvalent caractris par de nombreuses concessions, soit la francophonie (europenne ou aux franais hors dEurope), soit aux groupes de locuteurs (rgionaux ou sociolectaux) de lHexagone ; il
existe mme des programmes dillustration et de dfense du franais assez quivoques, voire ambigus tant donn que les amateurs du beau langage correct ne savent
pas bien ce quil faut mettre en lumire ou illustrer, et ignorent contre qui ou quelles
forces nuisibles le franais mrite dtre dfendu puisquil nest pas attaqu (cf.
Schmitt 1990 ; Trabant 1995, avec plusieurs contributions). Les nombreuses chroniques de langage, elles aussi, manquent de cohrence (cf. Quemada 1970/1972 ;
6 Linguistique populaire et chroniques de langage : France) et suivent un programme plutt disparate (Schmitt 2011), mme dans la presse engage qui soccupe
avant tout des mots trangers et du franglais.
Comme la expliqu Bodo Muller dans son tableau des varits, registres et niveaux
de langue, le problme de la norme linguistique se prsente diffremment dans une
socit dmocratique pratiquant le pluralisme dans tous les domaines de la vie :
La langue, prise dans son ensemble, est un macrosystme et la norme prescriptive, un registre
labor pour tre plac au-dessus de tous les sous-systmes. Une norme prescriptive nest pas en
soi meilleure que les autres registres ; elle ne peut pas tre arbitraire si elle veut avoir des chances
de se voir accepte. Pour simposer lensemble de la communaut linguistique, il lui faut
saffirmer historiquement, socialement, culturellement, fonctionnellement. Ceci implique que le
moindre acte normatif a besoin dun fondement recueillant lapprobation du plus grand nombre
ou du moins celui dun groupe faisant autorit en matire de langue, sinon il reste sans effet. Il y
a lieu de se demander dans ce contexte sur quoi le franais normatif et les dcrets de ses
lgislateurs sappuient. Autrement dit : comment est-il possible de dgager de la multiplicit infinie
des usages une langue modle ? (1985, 292).
Ce ne sont donc plus les bonnes socits qui dcident du bon usage, les actes de
normalisation dpendent en premier lieu du jugement et de la pratique de la pluralit
des locuteurs, mais les principes du bon usage retenus dans la grammaire de
Grevisse (11936 ; 142008) ne sont pas pour ainsi dire abandonns grce lenseignement scolaire et universitaire et la grammaire utilise dans lducation nationale qui
dispense une culture traditionnelle. En gnral, on peut parler dun brassage tous
les niveaux ; dans les tranches se rencontrent des soldats issus de toutes les aires
linguistiques et de diffrentes classes sociales, le franais populaire commence se
rpandre et gagner de limportance. Albert Dauzat nous devons une description de
lArgot de la guerre (1918) et Gaston Esnault un portrait du Poilu tel quil se parle
(1919) ; cette tendance vers un subcode commun est accompagne par une standardisation notamment mdiatique due aux journaux, la radio et au cinma. En mme
temps, ce brassage est aussi provoqu par les langues dimmigrs en contact, comme
le remarque Alain Rey auteur dune petite histoire illustre de la langue franaise
(2008, 106) :
60
Christian Schmitt
Tandis que les dialectes et les langues rgionales reculaient, des vagues dimmigration arrivrent en France, en Belgique wallonne, parlant dautres langues que le franais : italien, espagnol,
polonais avant 1940, arabe maghrbin, berbre, croles, langues africaines aprs. De nouveaux
bilinguismes sinstaurent, tandis que ceux qui confrontaient les patois et des langues comme le
breton ou le catalan tendent se rduire. Mais il se produit des ractions, des rsistances
militantes, qui saffirment plus nettement la fin du XXe sicle (coles Diwan en Bretagne,
Calandretas en Occitanie o lon enseigne en breton, en occitan). Ces rsistances ne compensent
pas la perte de transmission familiale. Lalsacien, le basque, le corse rsistent mieux, tandis
que le francique de Lorraine et le flamand seffritent, que le catalan de France se rveille dans
certains milieux sous linfluence de la Catalogne espagnole. De nombreuses langues importes
coexistent avec le franais, larmnien, les langues des Roms, le yiddish, larabe maghrbin et le
berbre, des langues asiatiques et africaines ; chacune des communauts ayant ses pratiques,
modules selon les situations gographiques et sociales .
61
ses (1981, 246). Linfluence de la graphie sur la phonie est certainement sous-estime
(Schmitt 1984) : cest avant tout au XXe sicle quune tendance connue depuis la
Renaissance apparat sur une large chelle grce au fait de lenseignement obligatoire : lorthographe se prononce, mme dans les cas o la latinisation savre fausse
(cf. <g> dans legs). Quant lorthographe, on peut constater quelle continue
pencher plutt vers des principes tymologico-historiques et que ce caractre historique de la graphie franaise apparat plus nettement dans la graphie des voyelles
(Muller 1985, 82) ; la bataille de lorthographe aux alentours de 1900 est reste sans
rsultats et constitue un chec comparable linsuccs des commissions ministrielles et des activits lgislatives de Bas/Loriol (1975), de Toubon (1994) et des engagements de la presse francophone (Trabant 1995 ; Schmitt 2011) : cest toujours le
purisme classique qui lemporte plus ou moins (Klein-Zirbes 2001).
Tout ainsi que lorthographe, la morphosyntaxe du franais se caractrise par une
stabilit relative : la disparition du pass simple nest pas un phnomne rcent et la
prfrence du futur proche na pas encore eu dinfluence sur la situation du futur
simple, lexception de la langue parle. La morphologie du nom marque par la
redondance dans le code crit continue suivre les rgles du franais classique, sans
respecter des normes trop astucieuses (cf. lexemple de glaeul). La syntaxe du
franais parl se distingue de celle du franais crit par la brivet des phrases et la
simplicit de leur construction (Muller 1985, 97) ; la situation est comparable celle
de la syntaxe domine, dun ct, par le poids du pass (classique) et le respect et la
rvrence des puristes et des grandes uvres littraires, et un usage simplificateur
pratiqu avant tout par la presse et les mdia crits, sonores et visuels qui apprcient
une certaine libert dexpression et ne respectent pas toujours les traditions acadmiques. Cest ainsi que Goosse, dans son tude sur lvolution de la syntaxe franaise
arrive la conclusion peu susceptible dclaircir que parmi les faits envisags dans
son aperu certains montreraient un phnomne rciproque et dautres un phnomne inverse (in Antoine/Cerquiglini 2000, 141) ; mais, somme toute, la plupart des
phnomnes caractrisant lvolution syntaxique sont dues la dichotomie entre
langue crite et langue parle (Sll 21980, 111 ss.) et quon ne saurait parler dune
tendance dtermine et homogne, ni mme dun rseau de facteurs convergents qui
orienteraient les structures syntaxiques dans des directions aisment reprables telles
que simplification des systmes, renforcement doppositions rentables au dtriment
doppositions en perte de vitesse, etc. (Dsirat/Hord 1976, 158). Il y a trop de
facteurs qui participent la transformation du systme syntaxique et toute interprtation diachronique exige une certaine prudence.
La perspective diatopique et la reprsentation diatopique se dfinissent bien plus
facilement : les dialectes et parlers franais ont disparu ou sont en voie de disparition ;
le franais rgional qui se caractrise par lidentification avec le franais commun,
dans la conscience mtalinguistique du locuteur rgional connat actuellement une
situation favorable (16 Les franais rgionaux) ; son entre dans la littrature locale,
rgionale et provinciale a suscit un intrt, toujours croissant, aux lments du
62
Christian Schmitt
franais qui sont dune utilisation golinguistique et contribu, avant tout dans le
domaine de la lexicologie, linstauration dune lexicographie variationnelle francophone qui se comprend, par rapport au franais national, comme linguistique diffrentielle. Leur analyse socio-pragmatique dmontre clairement que ces diatopismes
exercent des fonctions bien dtermines dans le discours et dans le mtadiscours des
auteurs provinciaux (cf. Wissner 2013, 366). La littrature rgionale aidant, la dialectologie traditionnelle devrait donc se transformer en linguistique variationnelle ou
diffrentionnelle (Stehl 2012).
En ce qui concerne la perspective diastratique, on peut constater que la qualit
des registres dpend, avant tout, du statut social des locuteurs, mais, les mdias et
lenseignement favorisant ce dveloppement, un nivellement gnral commence
stablir, les parlers des couches suprieures et infrieures connaissent des convergences un niveau intermdiaire qui ne correspond ni au code labor ni au code
restreint : un systme rpublicain galitaire ne peut pas accepter ou mme privilgier
lexistence de barrires linguistiques et doit sengager en faveur du franais moyen
situ entre le bon usage et le franais populaire. En 1985, Muller, rsumant les
enqutes daprs-guerre, dfendit la thse suivante :
Concernant la formation des divers niveaux sociaux, il ne faut pas seulement tenir compte de
lopposition entre la province et la capitale ou entre la campagne et la ville ; dans les grandes
villes, il peut mme y avoir des diffrences de quartier quartier. Ces dmarcations sociales sont
particulirement sensibles dans les diffrents arrondissements parisiens o les 16e, 17e et 8e
arrondissements louest sopposent trs nettement aux faubourgs ouvriers de lest. Les carts
sociaux entranent conjointement des diffrences linguistiques : si le parler faubourien (franais
populaire de Paris) est chercher lest, la supernorme, si on veut la situer sociologiquement, est
localise louest, dans les riches quartiers rsidentiels (ibid., 185).
63
64
Christian Schmitt
scientifique a t le latin, au moins jusquau XVIIe sicle, et que les lments (grco-)
latins qui manquent de valeur motive et se distinguent par une prcision smantique peu influence par la langue commune sont spcialement apprcis par les
spcialistes qui ont besoin dun nom propre tout concept pour viter la polysmie,
comme le documentent les analyses sur -(o)mane et -(o)manie (Hfler 1972) qui
annoncent dj la future transformation des systmes prfixaux et suffixaux (cf. Stotz
19962004, vol. 2, 352), et, du point de vue typologique il n y a aucune diffrence
entre les formations telles que loterie (< nerl. lot + morphme), grontologie (< grcolatin geron/t/- + morphme) et conceptualisation (< lt. concept/u/al- + morphme) ; de
telles formations peuvent avoir des origines bien diffrentes, comme, p. ex., morphologie, d J.W. Goethe et centripte/centrifuge d Newton, ce qui montre que non
seulement les francophones rudits mais tous les membres de la communaut
scientifique participent lactivation de ce principe morphologique et laugmentation de la force la plus productive dans lvolution du franais moderne. Chose
curieuse : moins le latin est enseign dans les lyces europens plus il est incontournable pour lvolution du vocabulaire et indispensable pour la planification linguistique (Schmitt 1979a) si apprcie en France (Depecker 2001). Ce nolatin va marquer
lvolution ultrieure du franais et dterminera les entres dans les dictionnaires et
les nouvelles rgles productives et expansives des uvres grammaticales dans le
futur.
6 Bilan et perspectives
Compare aux transformations du moyen-ge et de la Renaissance si importantes et
intenses (Eckert 1986), lvolution du franais classique au franais moderne a t,
somme toute, plutt lobjet dun effort de purification, de rglementation et fixation
dun niveau atteint au Grand sicle et de conservation dun seul systme de communication, cest--dire dune norme linguistique du type ne varietur. Le fait que le
franais comme toutes les langues romanes et non romanes a pris et continue
prendre une importante varit dusages dans le temps, lespace, la situation et
moins perceptiblement et clairement lunit politique assez jeune de la francophonie na pas entrav llaboration dune langue nationale standardise et assez homogne, voire uniforme imite en dehors de lHexagone o la langue de lle-de-France
est admire par les Belges et par les Suisses et, plus encore, par les habitants des
D.O.M. ou les locuteurs des anciennes colonies qui ont gard le franais comme
langue (co)officielle. Contrairement lespagnol avec une norme pluricentrique le
franais tend, depuis trois sicles, lunicit littraire et scolaire base, historiquement parlant, sur le bon usage de la capitale qui runit les grandes maisons de presse,
les journaux, les institutions nationales, les mdias et ladministration scolaire et
universitaire qui rpand, depuis la Rvolution, la fiction du franais unitaire et dune
norme commune et unifie pour la Rpublique une et indivisible qui devrait trouver
65
7 Bibliographie
Albrecht, Jrn (1986/1990), Substandard und Subnorm. Die nicht-exemplarischen Ausprgungen
der Historischen Sprache aus variettenlinguistischer Sicht, in : Gnter Holtus/Edgar
Radtke (edd.), Sprachlicher Substandard, Tbingen, Niemeyer, vol. 1, 6589, vol. 3, 44
127.
Albrecht, Jrn (2007), Bedeutung der bersetzung fr die Entwicklung der Kultursprachen, in : Harald
Kittel et al. (edd.), bersetzung. Ein internationales Handbuch zur bersetzungsforschung,
vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 10881108.
Antoine, Grald/Cerquiglini, Bernard (edd.) (2000), Histoire de la langue franaise 19452000, Paris,
CNRS ditions.
Antoine, Grald/Martin, Robert (edd.) (1985), Histoire de la langue franaise 18801914, Paris, CNRS.
Antoine, Grald/Martin, Robert (edd.) (1995), Histoire de la langue franaise 19141945, Paris, CNRS.
Ayres-Bennett, Wendy (2004), De Vaugelas nos jours : comment dfinir le genre des remarques sur
la langue franaise ?, in : Philippe Caron (ed.), Remarques sur la langue franaise du XVIe sicle
nos jours, Rennes, PUR, 1933.
Ayres-Bennett, Wendy (ed.) (2011), Corpus des remarques sur la langue franaise (XVIIe sicle), Paris,
Classiques Garnier Numerique.
Ayres-Bennett, Wendy/Caron, Philippe (1996), Les Remarques de lAcadmie franaise sur le
Quinte-Curce de Vaugelas, 17191720. Contribution une histoire de la norme grammaticale &
rhtorique en France, Paris, Presses de lcole normale suprieure.
Ayres-Bennett, Wendy/Jones, Mari C. (edd.) (2007), The French Language and Questions of Identity,
London, Modern Humantities Research Association and Maney Publishing.
Ayres-Bennett, Wendy/Seijido, Magali (2011), Remarques et observations sur la langue franaise.
Histoire dun genre, Paris, Classiques Garnier.
Balibar, Rene (1985), Linstitution du franais. Essai sur le colinguisme des Carolingiens la
Rpublique, Paris, Presses Universitaires de France.
66
Christian Schmitt
67
Ernst, Gerhard (1985), Gesprochenes Franzsisch zu Beginn des 17. Jahrhunderts. Direkte Rede in Jean
Hroards Histoire particulire de Louis XIII (16051610), Tbingen, Niemeyer.
Esnault, Gaston (1919), Le poilu tel quil se parle. Dictionnaire des termes populaires, rcents et neufs
employs aux armes en 19141918 tudis dans leur tymologie, leur dveloppement et leur
usage, Paris, Bossard.
Estienne, Henri (1565/1970), Conformit du langage franois avec le grec, ed. Lon Feugre, Paris,
Droz (cit d'aprs l'dition 1853).
tiemble [, Ren] (1966), Le jargon des sciences, Paris, Hermann.
tiemble [, Ren] (21973), Parlez-vous franglais ?, Paris, Gallimard.
Feig, va (2005), Das geflgelte Wort von der Euromorphologie oder die Vogelgrippe als Fallstudie
zu Stand und Wirkungskraft der Konvergenztendenzen in der Wortbildung der romanischen
Sprachen, Romanistisches Jahrbuch 56, 296334.
Fgen, Thorsten (2000), Patrii sermonis egestas . Einstellungen lateinischer Autoren zu ihrer Muttersprache. Ein Beitrag zum Sprachbewutsein in der rmischen Antike, Mnchen/Leipzig, Saur.
Foisil, Madeleine (ed.) (1989), Journal de Jean Hroard. Prface de Pierre Chaunu, 2 vol., Paris, Fayard.
Fouch, Pierre (21967), Le verbe franais. tude morphologique, Paris, Klincksieck.
Franois, Alexis (1905), La grammaire du purisme et lAcadmie franaise au XVIIIe sicle, Paris,
Socit nouvelle de librairie et ddition.
Franois, Alexis (1959), Histoire de la langue franaise cultive, des origines nos jours, 2 vol.,
Genve, Jullien.
Furetire, Antoine, Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots franois tant vieux
que modernes, & les termes de toutes les sciences et des arts [], le tout extrait des plus excellens
auteurs anciens & modernes, 3 vol., La Haye, chez Arnout & Reinier Leers, 1690.
Gauger, Hans Martin (1973), Die Anfnge der Synonymik : Girard (1718) und Roubaud (1785). Ein
Beitrag zur Geschichte der lexikalischen Semantik, Tbingen, Narr.
Gerner, Dominique (2006), ducation et histoire des langues, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 12241232.
Glegen, Martin-Dietrich (2008), Histoire interne du franais (Europe) : lexique et formation des mots,
in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur
Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 29472974.
Gordon, David C. (1978), The French Language and National Identity (19301975), The Hague/Paris/
New York, Mouton.
Gossen, Carl Theodor (1957), Die Einheit der franzsischen Schriftsprache im 15. und 16. Jahrhundert,
Zeitschrift fr romanische Philologie 73, 427459.
Grevisse, Maurice (11936 ; 142008), Le bon usage, Paris/Gembloux, de Boeck/Duculot (142008 avec
Andr Goosse).
Hagge, Claude (1996), Le franais. Histoire dun combat, Paris, Hagge.
Hermant, Abel (1923), XAVIER ou les entretiens sur la Grammaire franaise, Paris, Le Livre.
Hermant, Abel (1929), Remarques de Monsieur Lancelot pour la dfense de la langue franaise, avec
une prface de M.A.H., Paris, Flammarion.
Herrmann, Michael (1988), Franzsische Linguistik fr Zeitungsleser. Marcel Cohen und seine Sprachchroniken, Zeitschrift fr franzsische Sprache und Literatur 98, 125136.
Hinrichs, Uwe (ed.) (2010), Handbuch der Eurolinguistik, unter Mitarbeit von Petra Himstedt-Vaid,
Wiesbaden, Harrassowitz.
Hfler, Manfred (1972), Zur Integration der neulateinischen Kompositionsweise im Franzsischen,
dargestellt an den Bildungen auf -(o)manie , -(o)mane , Tbingen, Niemeyer.
Hrsch, Nicole (1994), Republikanische Personennamen. Eine anthroponymische Studie zur Franzsischen Revolution, Tbingen, Niemeyer.
68
Christian Schmitt
Hunnius, Klaus (2008), Geschichte der gesprochenen Sprache in der Romania : Franzsisch, in :
Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur
Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 24242433.
Klare, Johannes (1998), Franzsische Sprachgeschichte, Stuttgart/Dsseldorf/Leipzig, Klett.
Klein-Zirbes, Anja (2001), Die Dfense de la langue franaise als Zeugnis des franzsischen
Sprachpurismus. Linguistische Untersuchung einer sprachnormativen Zeitschrift im Publikationsraum 1962 bis 2000, Frankfurt am Main et al., Lang.
Lalanne, Philippe (1957), Mort ou renouveau de la langue franaise, Paris, Bonne.
Lancelot (1929) = Remarques de Monsieur Lancelot pour la dfense de la langue franaise, avec une
prface de M. Abel Hermant de lAcadmie franaise, Paris, Flammarion.
Lausberg, Heinrich (1950), Zur Stellung Malherbes in der Geschichte der franzsischen Schriftsprache,
Romanische Forschungen 62, 172200.
Lodge, R. Anthony (1993), French. From Dialect to Standard, London/New York, Routledge.
Ludwig, Ralph/Schwarze, Sabine (2012), Ein erneuter Blick auf Entwicklungen der franzsischen
Sprachkultur : zur Vernetzung von sprachlicher Normierung und literarischer Kanonisierung
im 18. und frhen 19. Jahrhundert, Romanistisches Jahrbuch 62, 98136.
Marchello-Nizia, Christiane (2008), Histoire interne du franais : morphosyntaxe et syntaxe, in :
Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch
zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 2926
2947.
Marmet, Claude (1583), La pratique de lorthographe franoise, Lyon, Bouquet.
Martinet, Andr (21974), Le franais sans fard, Paris, PUF.
Martinet, Andr/Walter, Henriette (1973), Dictionnaire de la prononciation franaise dans son usage
rel, Paris, France-Expansion.
Marzys, Zygmunt (1974), La formation de la norme du franais cultiv, Kwartalnik Neofilologiczny 21,
315332.
Marzys, Zygmunt (1998), La Variation et la Norme. Essais de dialectologie galloromane et dhistoire
de la langue franaise, Neuchtel, Universit de Neuchtel.
Marzys, Zygmunt (ed.) (2009), Claude Favre de Vaugelas, Remarques sur la langue franoise ,
dition critique avec introduction et notes, Genve, Droz.
Mator, Georges (1968), Histoire des dictionnaires franais, Paris, Librairie Larousse.
Maupas, Charles (21618/1973), Grammaire et syntaxe franoise, Genve, Slatkine-Reprints.
Milleran, Ren (1694), Les deux grammaires fransaizes, Marseille, chez Henri Brebion.
Morin, Yves Charles (2008), Histoire interne du franais. Histoire des systmes phonique et graphique
du franais, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales
Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 2907
2926.
Moufflet, Andr (1930), Contre le massacre de la langue franaise, Paris, Privat-Didier.
Muller, Bodo (1985), Le franais daujourdhui, Paris, Klincksieck.
Mller, Bodo (1990), Gesprochene und geschriebene Sprache, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/
Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. 5/1 : Franzsisch,
Tbingen, Niemeyer, 195211.
Mller, Roman (2001), Sprachbewutsein und Sprachvariation im lateinischen Schrifttum der Antike,
Mnchen, Beck.
Neumann, Gnter (1968), Sprachnormung im klassischen Latein, in : Sprachnorm, Sprachpflege,
Sprachkritik. Jahrbuch 1966/1967, vol. 2, Dsseldorf, Schriften des Instituts fr deutsche Sprache, 8897.
Neumann, Sven-Gsta (1959), Recherches sur le franais des XVe et XVIe sicles et sur sa codification
par les thoriciens de lpoque, Lund, tudes romanes de Lund.
69
70
Christian Schmitt
Schmitt, Christian (1979b), Mensch und Sprache : zur Darstellung des Sprachproblems bei Jean-Paul
Sartre, Romanistisches Jahrbuch 30, 1742.
Schmitt, Christian (1980), Gesprochenes Franzsisch um 1600, in : Helmut Stimm (ed.), Zur Geschichte
des gesprochenen Franzsisch und zur Sprachlenkung im Gegenwartsfranzsischen, Wiesbaden,
Steiner, 1532.
Schmitt, Christian (1984), Varit et dveloppement linguistiques. Sur les tendances volutives en
franais moderne et en espagnol, Revue de linguistique romane 48, 397437.
Schmitt, Christian (1986), Der franzsische Substandard, in : Gnter Holtus/Edgar Radtke (edd.),
Sprachlicher Substandard, vol. 1, Tbingen, Niemeyer, 125185.
Schmitt, Christian (1990), Sprache und Gesetzgebung : (a) Frankreich, (b) Frankophonie, in : Gnter
Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL),
vol. 5/1 : Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 354391.
Schmitt, Christian (1995), Das Fremde als Staatsaffre : hebdolangage , tllangage und Mdias & langage , in : Jrgen Trabant (ed.), Die Herausforderung durch die fremde Sprache. Das
Beispiel der Verteidigung des Franzsischen, Berlin, Akademie-Verlag, 91115.
Schmitt, Christian (1996), Euromorphologie : Perspektiven einer neuen romanistischen Teildisziplin,
in : Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Die Bedeutung der romanischen Sprachen im Europa der
Zukunft. Romanistisches Kolloquium IX, Tbingen, Narr, 119146.
Schmitt, Christian (1997), Zur Lehre der franzsischen Sprache in Deutschland bis zum Zeitalter der
Franzsischen Revolution unter besonderer Bercksichtigung der Verbmorphologie, in : Berndt
Spillner (ed.), Franzsische Sprache in Deutschland im Zeitalter der Franzsischen Revolution,
Frankfurt/M. et al., Lang, 4768.
Schmitt, Christian (2000), Nation und Sprache : das Franzsische, in : Andreas Gardt (ed.),
Nation und Sprache. Die Diskussion ihres Verhltnisses in Geschichte und Gegenwart, Berlin/
New York, de Gruyter, 673745.
Schmitt, Christian (2001a), Zur Lehre der Futurmorphologie im 17. Jahrhundert, in : Wolfgang Dahmen
et al. (edd.), Gebrauchsgrammatik und Gelehrte Grammatik, Franzsische Sprachlehre und
Grammatikographie zwischen Maas und Rhein vom 16.19. Jahrhundert, Tbingen, Narr, 7598.
Schmitt, Christian (2001b), Sprachnormierung und Standardsprachen, in : Gnter Holtus/Michael
Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. 1/2, Tbingen, Niemeyer, 435492.
Schmitt, Christian (2002), La normalisation du systme verbal franais : le point de vue extrahexagonal, in : Interpreting the History of French. A Festschrift for Peter Rickard, Amsterdam/New
York, Rodopi, 151179.
Schmitt, Christian (2003), Externe Sprachgeschichte des Franzsischen, in : Gerhard Ernst et al.
(edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 801829.
Schmitt, Christian (2008), Franzsisch (French), in : Ulrich Ammon/Harald Haarmann (edd.), Wieser
Enzyklopdie/Wieser Enyclopaedia. Sprachen des Europischen Westens/Western European
Languages, vol. 1, Klagenfurt, Wieser, 287326.
Schmitt, Christian (2011), Das Franzsische in einer vernetzten Welt. Die engagierte Presse und
ihr Einsatz fr die Standardisierung des Wortschatzes, in : Klaus-Dieter Baumann (ed.), FachTranslat-Kultur. Interdisziplinre Aspekte der vernetzten Vielfalt, vol. 2, Berlin, Frank & Timme,
949976.
Schmitt, Christian (2013), Zur Erfassung der Fachsprachen in der franzsischen Lexikographie (dargestellt am Beispiel des Petit Robert ), in : Laura Sergo/Ursula Wienen/Vahram Atayan (edd.),
Fachsprachen in der Romania Entwicklung, Verwendung, bersetzung, Berlin, Frank & Timme,
117139.
Sll, Ludwig (21980), Gesprochenes und geschriebenes Franzsisch, Berlin, Schmidt.
71
Spengel, Andreas (1885), M. Terenti Varronis de lingua latina libri. Emendavit, apparatu critico
instruxit, praefatus est Leonardus Spengel. Leonardo patre mortuo edidit et recognovit filius
Andreas Spengel, Berolini, apud Weidmannos.
Stefenelli, Arnulf (1987), Lexikalische Archaismen in den Fabeln von La Fontaine, Passau, Haller.
Stehl, Thomas (2012), Funktionale Variationslinguistik. Untersuchungen zur Dynamik von Sprachkontakten in der Galloromania und Italoromania, Frankfurt am Main et al., Lang.
Stotz, Peter (19962004), Handbuch zur lateinischen Sprache des Mittelalters, 5 vol., Mnchen, Beck.
Straka, Georges (1981), Sur la formation de la langue franaise daujourdhui, Travaux de linguistique
et de littrature 19, 161248.
Thrive, Andr (1926), Essai sur Abel Hermant, Paris, Le Livre.
Thrive, Andr (1962), Procs de langage, Paris, Stock.
Thvenot, Jean (1976), H ! La France, ton franais fout le camp !, Gembloux, Duculot.
Thiele, Johannes (1987), La formation des mots en franais, Montral, Les Presses de lUniversit de
Montral.
Trabant, Jrgen (1995), Die Herausforderung durch die fremde Sprache. Das Beispiel der Verteidigung
des Franzsischen, Berlin, Akademie Verlag.
Treu, Brigitte (1975), Diastratische Verschiebungen in der Entwicklung des franzsischen Wortschatzes
im 20. Jahrhundert, Thse Erlangen-Nrnberg.
Tritter, Jean-Louis (1999), Histoire de la langue franaise, Paris, Ellipses.
Vlker, Harald (2006), Politique et dveloppement socio-conomique et histoire des langues : Galloromania, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 11781190.
Warnant, Lon, Dictionnaire de la prononciation franaise dans sa norme actuelle, Gembloux, Duculot, 1987.
Winkelmann, Otto (1990), Franzsisch : Sprachnormierung und Standardsprache, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. 5/1 :
Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 334353.
Wissner, Inka (2013), La Vende dans lcriture littraire. Analyse du vocabulaire rgional chez Yves
Viollier, Strasbourg, ditions de linguistique et de philologie.
Wolf, Lothar (1983), La normalisation du langage en France : de Malherbe Grevisse, in : Edith
Bdard/Jacques Maurais (edd.), La norme linguistique, Qubec/Paris, Gouvernement du
Qubec/Le Robert, 105135.
Wunderli, Peter (1989), Franzsische Lexikologie. Einfhrung in die Theorie und Geschichte des
franzsischen Wortschatzes, Tbingen, Niemeyer.
Zeidler, Heidemarie (1980), Das franais fondamental (1er degr) . Entstehung, linguistische Analyse und fremdsprachendidaktischer Standort, Frankfurt am Main et al., Lang.
Gerhard Ernst
Keywords : architecture variationnelle, changement linguistique intra-/intervariationnel, gense/diffusion dun changement linguistique, varits de limmdiat/de la
distance, linguistique variationnelle perceptive, banalisation, koinsation/standardisation, scriptae, franais avanc
Chaque membre de la communaut linguistique a sa place dans lespace gographique et dans le rseau social ; cest pourquoi sa parole, son usage de la langue sera
conditionn par le lieu (gographique) de sa formation linguistique et par sa position
dans la socit de son poque. Il sagit dans ces cas de variation selon lusager. Pour le
facteur diaphasique ce mme usager aura le choix entre plusieurs varits pertinentes
dans les diffrentes situations communicatives ; cest pourquoi on parle ici de variation selon lusage. Pour cette terminologie, cf. Gadet (2007, 23).
73
74
Gerhard Ernst
facteur position dans le rseau social est dj moins clair. En sociolinguistique, on considre gnralement que le niveau dtudes ou dinstruction est
dterminant ; dautres facteurs comme la profession ou le lieu de rsidence (ville/
campagne) y sont troitement lis (Gadet 2007, 92s.). Toutefois, pour le facteur
tudes/instruction , les transitions progressives sont caractristiques. Pour les
recherches portant sur des textes des sicles passs, il faut ajouter quil existe
certes des tudes sur le degr dalphabtisation en divers endroits diverses
poques (cf. celle, classique, de Furet/Ozouf 1977), mais que le chemin suivi dans
son instruction par tel ou tel scripteur des sicles passs ne peut tre reconstitu
que rarement ou titre exceptionnel. De plus, le facteur tudes/instruction na
pas toutes les poques le mme effet diffrenciateur pour la diversification
sociale (et partant, pour les varits diastratiques). En particulier, lenseignement
primaire obligatoire instaur en 1882 a limit les effets de ce facteur sur la
classification sociologique, de mme que pour la constitution de varits diastratiques, menant ainsi au remplacement maintes fois constat par les sociolinguistes de la variation diastratique par la diaphasique (cf. p. ex. Muller 1985, 175 ;
Gadet 22007, 16). En outre, la diffrence des facteurs biologiques, lappartenance un groupe social donn peut changer au cours de la vie sous leffet dune
initiative personnelle ou des vicissitudes de la biographie.
d) cela sajoutent le flou des lignes de dmarcation concernant la relation entre les
varits linguistiques et les facteurs extralinguistiques mentionns : dans des
situations appropries, les personnes dun niveau social lev parlent ou crivent
elles aussi un franais relch concordant sur plusieurs points avec le franais
des personnes moins instruites. Gadet (2007, 24s.) en tire la conclusion que
Les rflexions prcdentes pourraient mettre en doute la belle conception des varits
linguistiques. Elle est utile pour rendre compte des raisons de lhtrognit dune
langue, mais on voit facilement quelle est trop abstraite.
On a trouv plusieurs faons de rpondre ces difficults. Les linguistes daujourdhui tendent fusionner le diastratique avec le diaphasique. Sornicola (daprs
Dufter/Stark 2002, 89) les runit dans une seule dimension quelle appelle variation
pragmatique . Gadet (2007, 25) met en doute la notion de varit dans la mesure o
en reprsentant la langue selon un certain nombre de varits, elle les conoit leur
tour comme homognes . Dufter/Stark (2002, 102) en arrivent mme la conclusion
quil nexiste aucun support au concept dun ordre linaire des ensembles de
75
76
Gerhard Ernst
linguistiques requis (cf. les exemples donns dans Koch/Oesterreicher 2011, 12). ces
diffrents types de textes correspondent, dans le diasystme dune langue, des varits sur le plan diaphasique (diasituationnel), influences en bonne partie par le
facteur diastratique (li la position dans la socit).
Pour Koch (1999) le continuum communicatif entre immdiat et distance constitue une quatrime dimension variationnelle (si on laisse de ct la diachronie). Cette
position nest pas accepte partout (cf. surtout les arguments de Dufter/Stark 2002 ;
Selig 2011 et dernirement la discussion dtaille de ce problme dans Sinner 2013,
209226). tant donn les problmes poss par les dimensions diaphasique et diastratique (en tant que dimensions laissant au locuteur ou scripteur le choix entre
plusieurs variantes) il serait raisonnable (au moins dans le cadre de cet article) de
rserver la dnomination diastratique aux langues de spcialit et aux facteurs qui
ne sont pas soumis la volont du locuteur (ou du scripteur), comme lge et le sexe,
et de se servir, pour le reste, du modle des situations communicatives de limmdiat
et de la distance.
77
textes crits par des personnes qui ne suivent pas strictement les normes du
franais crit de leur temps, soit par manque de connaissance (personnes dites
peu-lettres ) soit parce que les textes ont un caractre priv et ne sont pas
destins la publication (lettres prives, livres de famille, autobiographies de
caractre priv etc.) ;
tudes comparatives entre le franais europen et le franais (et les croles bass
sur le franais) hors dEurope, permettant des conclusions sur la langue parle du
pass.
Pour chacun de ces types des doutes sur lauthenticit (reflet direct et fidle du parl)
sont possibles (cf., entre autres, Schafroth 2005, 420423), mais ici vaut plus que
jamais le mot de Labov, selon lequel la linguistique historique peut tre considre
comme the art of making the best use of bad data (Labov 1994, 11).
Un autre problme des textes du pass concerne leur interprtation sous laspect
de la linguistique variationnelle : tout ce qui aujourdhui fait partie dune varit de
limmdiat, navait pas ncessairement la mme caractristique dans le pass. Ce
nest pas tellement un problme pour les phnomnes universaux, anhistoriques du
parl : hsitations, rptitions, pauses etc. Mais ce type mme de phnomnes ne se
trouve pratiquement jamais dans les textes crits. Un trait plus contingent, au
contraire, comme la prononciation [i] pour il (Blanche-Benveniste 2010, 56), la phrase
segmente ou le remplacement de nous par on pourrait thoriquement avoir, dans
un texte des sicles passs, une attribution variationnelle diffrente de celle daujourdhui (Selig 1997, 218 ; Schafroth 2005, 422s.).
78
Gerhard Ernst
langue nationale, qui prsentent des varits linguistiques diffrencies dans lespace : les textes administratifs (chartes) et les textes littraires du Moyen ge. Les
rgions du Nord (Artois), de lEst (Lorraine) et du Sud (Poitou), ainsi que lAngleterre
furent les premires voir apparatre des chartes en langue vulgaire (au lieu du latin)
vers le milieu du XIIIe sicle (Berschin/Felixberger/Goebl 2008, 190ss.). Pour ldition
des chartes cf. le projet Les plus anciens documents linguistiques de la France
(Glessgen/Kiha/Videsott 2011 ; Glessgen/Duval/Videsott, d. lectronique). La ncessit dune recontextualisation de ces textes, cest--dire la reconstitution du cadre
socioculturel et situationnel qui dterminait leur fonction communicative est souligne par Vlker (2004). La diffrenciation diatopique (et, en gnral, diasystmatique) des textes crits en langue vulgaire, une espce de varit rgionale crite,
constitue un objet dtude central pour lhistoire du franais du Moyen ge ; elle
peut aussi clairer un certain degr lhistoire des varits parles dans le Nord de la
France.
Mme dans une priode qui est encore loin de la standardisation lchelle
nationale, les manuscrits du Moyen ge ne refltent pas directement loral dune
rgion : il y a dune part la tendance latinisante des scribes (et des copistes) du
premier Moyen ge dans la transposition de loral dans lcrit et, de lautre, les
tendances traditionalistes (surtout pour la graphie, dans les correspondances phonographiques, mais aussi pour certaines formules) des textes tardifs (Goebl 1995, 325).
Ces traditions se formrent dans les chancelleries des cours fodales et dans les
scriptoria des monastres. Ces lieux dcriture professionnelle avaient chacun ses
propres habitudes graphiques, morphologiques, ses particularits lexicales et ventuellement syntaxiques, o lon observe, certes, un substrat local / rgional, mais
leurs textes (les chartes comme les textes littraires) ne prsentent presque jamais une
surface linguistique homogne, expression dune varit diatopique homogne de
lcrit. Comment expliquer ces divergences internes ? Dees (1987, IX) pose la question
dans les termes suivants :
la variabilit observe pour le wallon du 13e sicle doit-elle tre attribue linfluence de
pressions externes, et plus spcialement lintrusion de formes trangres de provenance
centrale [= francienne, GE], ou bien peut-on considrer quun dosage dlments variables et
dlments invariables est naturel pour un dialecte mdival ? .
79
Les rponses dautres linguistes vont plutt dans un autre sens : ils soulignent le
rle de la scripta francienne, la varit du centre (Goebl 1970, 317 ; Holtus 1990, 579 ;
West 1995, 303). Et pourquoi justement la varit du centre ? Greub/Chambon (2008,
2509) considrent comme dcisive la position gographique centrale de lle-deFrance, position qui fait quun dialecte situ au centre dun domaine linguistique est
moins divergent des autres [] que ceux-ci ne le sont entre eux . Ils distinguent entre
a) le fait que la langue de communication de lespace linguistique dol tend
structurellement ressembler au dialecte du centre parisien et b) linfluence du
dialecte francien (ibid.).
La variation diatopique des scriptae se perd au bas Moyen ge sous la pression de
la varit utilise dans les chartes de la chancellerie royale manant de Paris. Videsott
(2013), en soulignant lapparition tardive du franais dans ces chartes, dont le premier
texte franais ne date que de 1241, explique par l que la scripta parisienne apparat
ds les dbuts sous une forme plus supralocale que dautres scriptae , tout en
restant nettement identifiable lintrieur des scriptae oliques jusque dans la
deuxime moiti du XIIIe sicle. Ce nest quun sicle plus tard quelle exerce son
influence sur les autres scriptae (Videsott 2013, 3538). Videsott nexclut mme pas
une influence de cette varit crite sur loral dans la priode suivante. Il soppose
ainsi Lodge (2004), qui dfend la naissance de la kon parisienne comme le rsultat
dun mouvement de bas en haut.
La question du rapport entre les aires gographiques des scriptae mdivales et
les varits diatopiques parles modernes trouve une rponse sur la base des recherches (et des cartes qui en rsultent) de Dees et de Goebl :
80
Gerhard Ernst
81
des textes) : la scripta des textes administratifs et celle des textes littraires. Dans la
concurrence entre la scripta administrative et le latin cest un aspect sociolinguistique
qui joue un rle considrable : lutilisation de la scripta (picarde) au lieu du latin est
fortement lie aux auteurs et aux destinataires de la bourgeoisie urbaine. La scripta
picarde littraire a exerc une certaine influence sur les textes littraires dautres
rgions. Elle semble toutefois avoir t plus loigne du picard oral que celle des
textes administratifs (West 1995, 304, en suivant Gossen).
Dans les textes administratifs, la scripta picarde a rsist plus longtemps que
celles des autres rgions lavancement dune norme commune provenant du centre.
Et de cette manire les dbuts de la littrature en moyen picard, qui met un tout
autre souci rester proche du dialecte oral, sont donc pratiquement contemporains
des dernires chartes en scripta franco-picarde (West 1995, 303). West fait ici
allusion aux premiers textes dune littrature dialectale (picarde) qui se sert consciemment du dialecte des fins littraires (la littrature dialectale rflchie). Ces
textes furent composs, en rgle gnrale, par des lettrs. Mais des hommes du peuple
comme Franois Cottignies dit Brle-Maison, marchand, chanteur des rues et chansonnier Lille (16781740), et son fils Jacques-Franois Decottignies, marchand
mercier (17061762) (cf. Carton 1965 ; 2003), publient eux aussi paralllement des vers
en franais et en patois. Pour ces derniers on peut lgitimement se demander dans
quelle mesure ils refltent le vrai patois lillois . Carton (1965, 57) juge raison :
videmment lemploi du vrai patois est une entreprise hasardeuse : le langage y est
artificiel, car personne ne sexprime tout fait naturellement en vers . Et pourtant ces
textes, tout comme ceux de la priode allant du XVIe au XVIIe sicle (Flutre 1970 ;
1977), peuvent fournir des matriaux pour reconstruire la ligne diachronique qui
stend entre le picard du Moyen ge et celui de lpoque moderne. Ces matriaux
sont prstructurs dans les chapitres et les annexes grammaticales et lexicales de
Flutre (1970, 189517), Flutre (1977, 17175), Carton (1965, 383435), Carton (2003,
4356 ; 361457). Pour qui voudrait faire lhistoire de la varit diatopique (ou des
varits diatopiques) de Picardie, il reste pourtant le problme de vrifier la correspondance entre le picard de ces auteurs et le picard oral des sicles sparant le Moyen
ge et le XIXe sicle ( 3.3.3).
Les textes des peu-lettrs de cette poque posent des problmes semblables mais
non identiques : on y trouve, certes, des traits (graphiques, lexicaux, plus rarement
morphologiques) qui pourraient servir dattestations pour tablir la ligne diachronique unissant le dialecte du Moyen ge la varit diatopique moderne. Mais le
regard port sur larrire-plan dialectal est soumis de fortes restrictions ( 3.3.6).
82
Gerhard Ernst
83
84
Gerhard Ernst
statistiques collectes auprs dun nombre important de locuteurs permettent toutefois de distinguer certaines tendances. Dans le discours dun groupe de personnes trs
ges, on trouve encore des occurrences de (mes) gosses, vieillard, bougrement, ma
foi, remplacs dans le langage dun groupe moins g (enfants / fils, filles ; vieillard ;
trs ; ) (Gerstenberg 2011, 194s.). Dans le domaine de la morphosyntaxe, on observe
chez les locuteurs gs une im Verhltnis zum Gegenwartsfranzsischen auffllige
Hufigkeit von ne (ne pas, ne jamais etc.) ( frquence frappante de ne (ne pas,
ne jamais, etc.) par rapport au franais contemporain ), ainsi que eine offenbar
generationsspezifisch noch vorhandene Verwendung von nous ( un emploi encore
effectif de nous, manifestement li la gnration ), qui confirme e contrario des
tendances dj constates ailleurs du franais oral ou familier (Gerstenberg 2011, 234 ;
245).
85
mes souvent dconcertants et des priphrases pour viter les termes considrs
comme trop bas a t caricature par Molire, dont les Prcieuses ridicules ne refltent
toutefois pas la ralit (Ayres-Bennett 2004, 172176). Tandis que labsence de culture
classique chez les femmes tait considre comme positive pour le bon usage (oral),
sa prsence pouvait en revanche tre caricature comme inconvenante, comme le
montre le type des femmes savantes (Ayres-Bennett 2004, 112 ; pour une vue
exhaustive du womens language au XVIIe sicle incluant des dtails sur ses
specific features , cf. Ayres-Bennett 2004, 111180).
Un rle important dans la discussion sur lopposition entre langage des femmes
et langage des hommes revient galement la question du caractre conservateur ou
innovateur, mais aussi de la dialectalit plus ou moins forte de la varit considre.
Tant que des communauts traditionnelles et marques par la ruralit constituent la
base de lobservation, il est probable quen raison du moindre contact des femmes
avec lextrieur, la caractrisation du langage des femmes comme tant plus conservateur et plus dialectal est valable (Neumann-Holzschuh/Heinemann 2008, 2379).
Avec leffacement de la rpartition traditionnelle des rles depuis le milieu du XXe sicle environ, les choses changent, mme si les femmes et les hommes ne forment en
aucun cas des groupes homognes. Die aufstiegsorientierten Frauen im stdtischen
Raum sprechen normorientierter, um ihren noch prekren Status abzusichern (Les
femmes de lespace urbain dsireuses de faire carrire parlent de manire plus
conforme la norme, afin de garantir leur statut encore prcaire, Jungbluth/Schlieben-Lange 2001, 334, daprs Labov). Et mme au sein de communauts traditionnelles et rurales, le contact avec les varits de prestige conduit plutt chez les femmes
labandon du dialecte, en raison de leur rle dducatrices (Bierbach/Ellrich 1990,
251).
Indpendamment de laffinit avec dautres varits, les diffrences entre le
discours fminin et masculin sont attribues la diffrence entre les attentes lies au
rle (domination masculine vs. retenue fminine), se manifestant chez les femmes par
le fait de parler moins fort, une manire indirecte de dire les choses et une plus grande
retenue dans la prise de parole (Jungbluth/Schlieben-Lange 2001, 336). ma connaissance, il nexiste pas encore dtudes srieuses consacres la question de savoir si
de telles diffrences sont restes les mmes au cours des dernires dcennies, ou bien
si elles ont t abandonnes, paralllement lvolution de la socit.
86
Gerhard Ernst
dimension diaphasique. Mme pour les sujets de leur spcialit, les spcialistes
connaissent des situations communicatives diffrentes qui exigent des stratgies
communicatives diffrentes : le langage utilis par un mdecin-chercheur dans une
revue doncologie sera diffrent de celui utilis dans une conversation avec ses
collgues sur le mme sujet ; et celui-ci ne sera pas le mme que celui dont il se sert
vis--vis dun patient. Pour les diffrents degrs de Fachlichkeit (spcialisation
linguistique) Pckl (1990, 268s.) distingue entre Theoriesprache (langage thorique,
scientifique), Werkstattsprache (langage datelier, langue spcialise familire) et
Verteilersprache (langage utilis dans la communication avec les non-spcialistes).
Cest une catgorisation valable grosso modo pour beaucoup de langues de spcialit.
Mais elle dpend de la situation particulire de chaque discipline et des types de texte
(ou de discours) quelle connat. Cf. pour la langue juridique la catgorisation de
V. K. Bhatia (dans Ondelli 2007, 105), qui est beaucoup plus diffrencie selon les
types de texte. Pour la langue des sports , Schweickard (1987, 3) arrive six varits
au moins, sans mme tenir compte de la diversit des disciplines.
Chaque langue de spcialit volue avec le dveloppement de la spcialit ellemme. Mais son existence est aussi conditionne par la situation socioculturelle et par
le prestige des langues en concurrence. Cest ainsi que le franais, dans les premiers
sicles de son existence, ne connaissait gure de langage des sciences (sil est permis
dutiliser le mot sciences au sens moderne ; cf. Kramer 2008, 3354) ou de la
religion, des varits rserves au latin jusqu la Renaissance. Pour lhistoire du
lexique des langues de la science cf. les projets de Ducos/Salvador 2013 (Moyen ge)
et de Giacomotto-Charra 2013 (pour la priode 14001650).
Au cours du XXe sicle cest langlais qui est devenu la langue dominante dans les
sciences, et ceci sous deux aspects : lusage de langlais comme langue des textes
scientifiques et la pntration de termes anglais dans le franais scientifique (pour
plus de dtails cf. Pckl 1990, 275 ; Haarmann 2008 ; Faure 2010).
87
88
Gerhard Ernst
89
Louis XIII, depuis la naissance de celui-ci (1601) jusqu sa propre mort (1628). Le
mdecin enregistre non seulement les aspects mdicaux, conformment son devoir
professionnel, mais aussi nombre de dtails relatifs lducation de cet enfant royal,
ses activits, son volution intellectuelle et aussi beaucoup de ses propos prononcs
dans un contexte situationnel donn. Hroard choisit pour les propos du petit enfant
au moins jusqu son couronnement en 1610 une espce de notation phontique, ce
qui donne avec de nombreuses petites corrections banales (p. ex. je men va, corrig
sur jiray) une grande fiabilit mme leurs aspects formels (Ernst 1985 ; Ernst 1989 ;
Prmann-Zemper 1986). On pourrait contester la valeur de ce texte comme source de
notre connaissance du franais parl (familier) du XVIIe sicle. Il serait certainement
exagr de considrer les propos de cet enfant royal comme reprsentant le franais
de son temps. Mais au vu du caractre trs familier des situations recueillies par
Hroard et en tenant dment compte du facteur acquisition du langage par lenfant ( 3.2.1.1), on y trouvera au-del des phnomnes de prononciation les
traces de toute une srie de phnomnes du franais parl au dbut du XVIIe sicle
dans une situation familire (Ernst 1985, 35102 ; Prmann-Zemper 1986 ; Ernst
1989) : des traces (encore trs faibles) dune gnralisation de on nous ; la distribution des pronoms dadresse tu / vous, ventuellement sous linfluence du milieu royal
(cf. aussi Kristol 2009b), la srialisation des pronoms objets, lemploi des dmonstratifs et de larticle partitif, la morphologie verbale, lusage du subjonctif et du pass
simple (tous les deux frquents ! pour la distribution du pass simple et du pass
compos cf. Ossenkop 1999) ; sen aller + inf. vs. aller + inf. pour le futur proche, la
ngation sans ne (avec le seul forclusif), plusieurs types de mise en relief et de
rhmatisation, les diffrents types de dislocation, la raret des interrogations par
intonation et la frquence des interrogations par inversion (simple et complexe), les
phrases secondaires sans que, le dcumul (rare) du pronom relatif. Plusieurs de ces
phnomnes attendent encore des tudes approfondies pour analyser les lignes
diachroniques qui les lient aux sicles prcdents et au franais parl familier
moderne. Pour donner un exemple : Martineau/Mougeon (2003) attribuent les nombreuses attestations de lomission de ne dans le langage du Dauphin au facteur
langage enfantin . Mais vu que le nombre domissions du ne augmente nettement
avec lge du Dauphin (Dufter/Stark 2007, 123), cette thse est peu probable et
lautorit du Journal dHroard sur ce point prime sur celle de loralit fictive des
textes littraires du XVIIe sicle.
90
Gerhard Ernst
91
raliste des varits dialectales dans les environs de Paris ou de la varit langue
des mdecins dans la communication avec un patient . Et la langue des personnes
qui agissent dans les mazarinades du XVIIe sicle ou dans les sarcelades et dans le
genre poissard du XVIIIe sicle ne reflte pas vraiment le franais parl par le bas
peuple parisien de lpoque. Les auteurs, dans leur utilisation dune varit linguistique non-standard des fins littraires, se servent principalement de deux procds :
ils choisissent parmi les traits de cette varit ceux quils considrent comme saillants et ils en font un usage exagr (cf. avec plus de dtails Thun 2005). Cest ainsi
que Lodge (2004, 137140) a trouv dans lEpistre du biau fys de Pazy, caricature en
185 vers du style de vie et de la langue dun jeune couple bourgeois de Paris, 74
occurrences de la confusion entre [r] et [z], frquence sans aucun doute exagre.
Lhistorien variationniste de la langue trouvera tout de mme de la matire pour ses
recherches, comme la dmontr Lodge plusieurs reprises : il voit dans de tels textes
le reflet de la conscience linguistique de lpoque (cf. Lodge 1995 ; 2004 ; 2007 ; 2009,
214). Les tableaux donns par Lodge dans ces recherches (surtout Lodge 2004, 187)
font voir quels sont les traits saillants qui caractrisent, dans la perspective des
auteurs et de leur public, une varit de limmdiat marque comme basse dun
point de vue social ; ils donnent de plus la possibilit de conjecturer la ralit
linguistique orale par le biais du travestissement caricatural crit.
Dans une autre perspective, Kristol (2009a) souligne lutilit de certains textes
littraires qui attestent des situations de plurilinguisme (concurrence de deux langues
ou de deux varits dune langue) : la valeur identificatrice attribue au franais et au
dialecte local dans un texte de DAubign (1619) comme dans un roman de 1900, le
caractre non-ridicule de lcolier limousin (dans le Pantagruel de Rabelais) ds lors
qu il parle son idiome natal, lintercomprhension entre les diffrentes varits
diatopiques et diastratiques dans les comdies de Molire, la non-comprhension par
des lecteurs de passages en dialecte dans un roman neuchtelois de 1882. Loptique
de Kristol comme celle de Lodge se rapprochent ainsi de la linguistique variationnelle
perceptive (perzeptive Variettenlinguistik) prne par Krefeld/Pustka (2010).
92
Gerhard Ernst
germe dans les premires annes du XVIIe sicle pouvait se dvelopper et se diffuser
paralllement en France comme dans le Nouveau Monde. Lexistence de je-ons pour
la premire personne du pluriel dans les dialectes acadiens de la Nouvelle-cosse est
l pour prouver que cette forme nest pas seulement une caricature de la varit
paysanne dans les comdies de Molire ou dans les mazarinades (Hunnius 2002, 21)
et que son absence dans un texte comme le Journal dHroard relve trs probablement de la dimension diastratique.
Certains parallles entre les croles base franaise ceux de lOcan Indien
comme ceux des Carabes pourraient galement contribuer notre connaissance du
franais parl de limmdiat au moment de la colonisation (cf. Ernst 1980, 11 ; Stein
1987).
93
94
Gerhard Ernst
rares journaux intimes, des autobiographies, des chroniques des vnements locaux
auxquels les auteurs ont assist. Deuximement, un texte crit par un cordonnier ou
par un paysan ordinaire sera rarement considr comme digne dtre conserv
travers les sicles, au contraire des textes produits par des personnes de la bonne
socit, mme si lorigine ces derniers textes, privs, ntaient pas destins la
publication.
Lintrt des linguistes pour lhistoire des varits de limmdiat et leur espoir de
trouver des traces de loral dans ces textes crits ont conduit toute une srie
dditions avec ou sans commentaire linguistique. Avec leur dition du livre de
raison dun meunier qubcois Juneau/Poirier (1973) ont initi une ligne de travaux
ditoriaux consacrs aux textes de personnes disposant dune formation scolaire
limite. Dans Amelang (1998) on trouvera des indications bibliographiques intressantes de ce point de vue ; il faut pourtant choisir parmi les auteurs de diffrentes
origines sociales et les ditions plus ou moins fiables dun point de vue linguistique.
On y ajoutera au moins Fillon (1982), Ernst/Wolf (2005) et les banques de donnes
diriges lUniversit dOttawa par France Martineau, partiellement accessibles. Un
spcimen des textes dont disposent ces banques de donnes est publi dans Martineau/Bnteau (2010). Pour le Canada, 20 Le franais dans le monde : Canada.
Pour les correspondances prives cf. Lodge (2013 ; correspondance prive du XVIe
sicle), Branca-Rosoff/Schneider (1994 ; priode rvolutionnaire), Schlindwein
(2003 ; lettres changes entre les soldats de la Rpublique de Mayence et leurs
familles, 17921813) ; on notera galement le projet prsent dans Steuckardt (2013 ;
le franais des lettres de soldats peu-lettrs, 19141918). Le Corpus de franais
familier ancien, entrepris dans le cadre du Laboratoire de franais familier ancien de
lUniversit dOttawa, contient un recueil de 5000 lettres, crites du XVIIe au XXe sicle ; malheureusement, ce corpus nest accessible que directement au laboratoire.
Pour des informations ultrieures, cf. Martineau (2010).
lintrt des linguistes variationnistes sajoute la ligne de recherche des sociologues qui fouillent les archives la recherche des documents de la vie prive du pass :
livres de famille, livres de raison, correspondances prives (cf. Cassan/Bardet/Ruggiu
2007 ; Bardet/Arnoul/Ruggiu 2010). On espre voir sortir de ces travaux des ditions
qui respectent la forme linguistique du manuscrit.
Quels sont les rsultats pour lhistoire de la langue, conue comme diasystme, que lon peut attendre de ces ditions de textes ? En aucun cas une histoire
de la langue de limmdiat. Chaque auteur a sa propre faon de rsoudre les
problmes existant linterface varits de limmdiat / ralisation dans le mdia
crit . Les diffrences dans le degr de formation scolaire et dans la matrise de
lcrit, le degr diffrent du respect pour le mdia crit, les divers types de textes
et dintentions communicatives (chroniques de la ville natale, autobiographies,
livres de famille, notes personnelles, lettres prives) tout cela rend impossible
une gnralisation par simple addition des phnomnes observs. Cette restriction
nexclut pourtant pas la possibilit de suivre isolment lhistoire de certaines
95
96
Gerhard Ernst
97
changements dans les relations entre les varits : naissance ou disparition dune
varit, fusion de deux ou plusieurs varits.
98
Gerhard Ernst
parl (cf. Hunnius 2008, 2425s. ; Koch/Oesterreicher 22011, 148). Dans ce dernier cas,
la terminologie est dj discutable : le franais parl commence avec la naissance du
franais tout court. Et si lobservateur daujourdhui ne voit pas de clivage entre les
domaines de limmdiat et de la distance jusquau XVIIe sicle (Koch/Oesterreicher
22011, 149), ceci est trs probablement d au manque de documents textuels et non
labsence de varits de limmdiat (parl). Mais le point essentiel est plutt de savoir
si certains phnomnes du franais parl moderne sont des innovations rcentes ou
sils existent depuis longtemps. La rponse sera nuance : la recherche linguistique
de ces dernires dcennies a russi montrer dun ct la continuit, la stabilit de
plusieurs phnomnes du parl qui taient jusque l souvent considrs comme
innovations rcentes, destines faire partie du franais standard du futur. Le sjour
plurisculaire de ces traits dans la salle dattente de lhistoire (compartiment varits de limmdiat oral ) ne semble pas favoriser leur prompte expansion dans le
standard. Dautre part, ce standard, on le sait, se montre en gnral relativement
hostile aux innovations, et ce pour des raisons tenant aux fonctions de base de la
communication de la distance spatiale et temporelle, qui exige une certaine stabilit
des moyens linguistiques (Koch/Oesterreicher 22011, 18). Mais le milieu socio-culturel
varie aussi dans le temps et le prestige du franais standard nest plus le mme
aujourdhui que du XVIIe au XIXe sicle. En consquence, certains traits du franais
parl sont de plus en plus accepts dans le standard daujourdhui. Ils pourraient
ainsi supplanter, dans quelques types de discours du domaine de la distance, les
variantes qui taient jusqu rcemment considres comme les seules correctes : le
dclin de certains types de liaison (r, k, p) qui ne sont maintenus que dans le
franais cultiv , varit trs proche du ple de la distance (Muller 1985, 229) ; on au
lieu de nous dans la Umgangssprache der Gebildeten (langue familire des lettrs) (Koch 2002, 9) ; le pass compos ayant repris les fonctions du pass simple
dans la tradition discursive des hot news de la presse crite (Koch 2002, 11).
99
cher 2008, 2579), la scission entre latin et langue vernaculaire devint dfinitive. Mais
ce qui sopposait au latin, langue de tous les types de discours crits, ce ntait pas
encore le franais : ctaient des idiomes issus directement des varits locales du
latin parl. Par la suite, ces idiomes pntrrent progressivement dans des types de
discours (dans la romanistique allemande on parle de Diskurstraditionen ; cf. FrankJob 2005) du domaine crit, rservs jusqualors au latin. Ce processus, dont la
prsentation dtaille dpasserait le cadre de cet article, eut ds le Moyen ge des
consquences essentielles :
a) au sein des varits des changements structurels, ncessaires pour faire face aux
exigences des nouveaux types de discours ; dans ce cadre on ne peut pas ignorer
le rle des traductions partir du latin (cf. Albrecht 2006) et la relatinisation dont
leffet se fait sentir surtout dans la graphie, le lexique et la syntaxe ;
b) la formation dun diasystme, de larchitecture variationnelle dune langue historique, le franais ;
c) une konisation des varits diatopiques et la standardisation subsquente
dune langue commune, dans lintrt de lintercomprhension sur un vaste
territoire. La discussion sur la nature de la konisation est encore ouverte :
mlange de dialectes comme consquence dune forte immigration dans le Paris
mdival (Lodge 2004, 3779 ; 2011), ou dlocalisation sur la base dune communication crite supralocale (dernirement Videsott 2013, 3538). Grbl (2011)
plaide avec de bons arguments pour une prise en considration impartiale des
deux aspects.
100
Gerhard Ernst
6 Bibliographie
Acadmie nationale de Mdecine (Version 2013), Dictionnaire. Le vocabulaire mdical du XXIe sicle,
<www.academie-medecine.fr/dictionnaire/> (15.01.2014).
Albrecht, Jrn (2003), Die Standardsprache innerhalb der Architektur europischer Einzelsprachen,
Sociolinguistica 17, 1130.
Albrecht, Jrn (2006), bersetzen und Sprachgeschichte. bersetzungen ins Franzsische und Okzitanische, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 13861403.
Amelang, James S. (1998), The Flight of Icarus. Artisan Autobiography in Early Modern Europe,
Stanford, Stanford University Press.
Ayres-Bennett, Wendy (2004), Sociolinguistic Variation in seventeenth-century France, Cambridge,
Cambridge University Press.
Ayres-Bennett, Wendy/Seijido, Magali (2011), Remarques et observations sur la langue franaise.
Histoire et volution dun genre, Paris, Garnier.
Bardet, Jean-Pierre/Arnoul, Elisabeth/Ruggiu, Franois-Joseph (edd.) (2010), Les crits du for priv
en Europe du Moyen ge lpoque contemporaine, Bordeaux, Presses Universitaires de
Bordeaux.
Bedijs, Kristina (2012), Die inszenierte Jugendsprache. Von Ciao, amigo bis Wesh, tranquille ! .
Entwicklungen der franzsischen Jugendsprache in Spielfilmen (19582005), Mnchen, Meidenbauer.
Bernhard, Gerald (2000), Franzsische Jugendsprache in den achtziger und neunziger Jahren, Franzsisch heute. Informationsbltter fr Franzsischlehrer in Schule und Hochschule 31: 3,
288297.
Bernhard, Gerald/Schafroth, Elmar (2008), Historische Aspekte der Jugendsprache in der Romania,
in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur
Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 23902403.
Berschin, Helmut/Felixberger, Josef/Goebl, Hans (2008), Franzsische Sprachgeschichte, Hildesheim et al., Olms.
Bierbach, Christine/Ellrich, Beate (1990), Alter und Generationen, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. V :1, Tbingen, Niemeyer, 238247.
Blanche-Benveniste, Claire (2010), Approche de la langue parle en franais, Paris, Ophrys.
101
Blumenthal, Peter (1983), Syntax und fachsprachliche Syntax im deutsch-franzsischen Sprachvergleich, Zeitschrift fr franzsische Sprache und Literatur 93, 4469.
Branca-Rosoff, Sonia (13 dcembre 2013), Remarques sur les pratiques dcriture des soldats de
1418 et de leurs familles, Confrence dans le cadre du GEHLF, Paris, Universit Paris-Sorbonne.
Branca-Rosoff, Sonia/Schneider, Nathalie (1994), Lcriture des citoyens, une analyse linguistique de
lcriture des peu-lettrs pendant la priode rvolutionnaire, Paris, Klincksieck.
Brunet, tienne (1981), Le vocabulaire franais de 1789 nos jours (daprs les donnes du Trsor de
la langue franaise), 3 vol., Genve/Paris, Slatkine et al.
Brunot, Ferdinand (1966, nouv. d.), Histoire de la langue franaise des origines nos jours, t. 4/1 : La
langue classique 16601715, Paris, Armand Colin.
Carton, Fernand (1965), Franois Cottignies dit Brle-Maison (16781740). Chansons et pasquilles,
Arras, Archives du Pas-de-Calais.
Carton, Fernand (2003), Jacques Decottignies (17061762). Vers nafs, pasquilles et chansons en vrai
patois de Lille, Paris, Champion.
Cassan, Michel/Bardet, Jean-Pierre/Ruggiu, Franois-Joseph (edd.) (2007), Les crits du for priv.
Objets matriels, objets dits, Limoges, Presses Universitaires de Limoges.
Chambon, Jean-Pierre/Greub, Yan (2008), Histoire des varits rgionales dans la Romania : franais,
in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur
Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 25522565.
Clment, Michle (2011), De lanachronisme et du clitoris, Le franais prclassique 15001650 13,
2745.
Dees, Anthonij (1980), Atlas des formes et des constructions des chartes franaises du 13e sicle,
Tbingen, Niemeyer.
Dees, Anthonij (1987), Atlas des formes linguistiques des textes littraires de lancien franais,
Tbingen, Niemeyer.
Ducos, Jolle/Salvador, Xavier-Laurent (direction du projet), Dictionnaire du franais scientifique
mdival, <www.crealscience.fr> (09.12.2013).
Dufter, Andreas/Stark, Elisabeth (2002) [2003], La varit des varits : combien de dimensions
pour la description ? Quelques rflexions partir du franais, Romanistisches Jahrbuch 53,
81108.
Dufter, Andreas/Stark, Elisabeth (2007), La linguistique variationnelle et les changements linguistiques mal compris : Le cas de la disparition du ne de ngation, in : Bernard Combettes/
Christiane Marchello-Nizia (edd.), tudes sur le changement linguistique en franais, Nancy,
Presses universitaires de Nancy, 115128.
Ernst, Gerhard (1980), Prolegomena zu einer Geschichte des gesprochenen Franzsisch, in : Helmut
Stimm (ed.), Zur Geschichte des gesprochenen Franzsisch und zur Sprachlenkung im Gegenwartsfranzsisch (Beitrge des Saarbrcker Romanistentages 1979), Wiesbaden, Steiner,
114.
Ernst, Gerhard (1985), Gesprochenes Franzsisch zu Beginn des 17. Jahrhunderts. Direkte Rede in Jean
Hroards Histoire particulire de Louis XIII (16051610), Tbingen, Niemeyer.
Ernst, Gerhard (1989), Le langage du Prince, in : Madeleine Foisil (ed.), Journal de Jean Hroard, 2 vol.,
Paris, Fayard, 189214.
Ernst, Gerhard (2010), quil ny a orthographe ny virgule encorre moins devoielle deconsol et pleinne
delacunne : la norme des personnes peu lettres (XVIIe et XVIIIe sicles), in : Maria Iliescu/Heidi
M. Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrs International de Linguistique et
de Philologie Romanes, Innsbruck 2007, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 543551.
Ernst, Gerhard (2014), Les fautes des peu-lettrs : idiosyncrasies ou autre ? in : Dominique Lagorgette (sous la direction de), Repenser lhistoire du franais, Chambry, Universit de Savoie,
165193.
102
Gerhard Ernst
Ernst, Gerhard/Wolf, Barbara (2005), Textes franais privs des XVIIe et XVIIIe sicles, CD-Rom, Tbingen, Niemeyer.
Fabellini, Simona (2003), Neologitis oder kommunikative Thrombose ? Die medizinischen Suffixe
ite und ose im Franzsischen, in : Gerald Bernhard/Dieter Kattenbusch/Peter Stein
(edd.), Namen und Wrter. Freundschaftsgabe fr Josef Felixberger zum 65. Geburtstag, Regensburg, Haus des Buches, 4160.
Faure, Pascaline (2010), Des discours de la mdecine multiples et varis la langue mdicale unique
et universelle, La Revue du GERAS, ASp58, 7386.
Fillon, Anne (1982), Louis Simon, taminier 17411820, dans son village du Haut-Maine au Sicle des
Lumires, Thse, Universit du Maine.
Flinzner, Katja (2006), Geschichte der technischen und naturwissenschaftlichen Fachsprachen in der
Romania : Franzsisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de
Gruyter, 22112226.
Flutre, Louis-Fernand (1970), Le moyen picard daprs les textes littraires du temps (15601660),
Amiens, Muse de Picardie.
Flutre, Louis-Fernand (1977), Du moyen picard au picard moderne, Amiens, Muse de Picardie.
Fournier, Nathalie (1998), Norme et usage de lanaphore pronominale en franais classique : principe
de proximit et principe de saillance du rfrent, in : Janine Baudry/Philippe Caron (edd.),
Problmes de cohsion syntaxique de 1550 1720, Limoges, PULIM, 191214.
Frank-Job, Barbara (2005), Sprachwandel und Sprachvariation. Zur Bedeutung von Diskurstraditionen
fr die Sprachwandelforschung, in : Kurt Grtner/Gnter Holtus (edd.), berlieferungs- und
Aneignungsprozesse im 13. und 14. Jahrhundert auf dem Gebiet der westmitteldeutschen und
ostfranzsischen Urkunden- und Literatursprachen. Beitrge zum Kolloquium vom 20. bis 22. Juni
2001 in Trier, Trier, Kliomedia, 171193.
Frei, Henri (1929), La grammaire des fautes, Paris, Gauthier.
Furet, Franois/Ozouf, Jacques (1977), Lire et crire. Lalphabtisation des franais de Calvin Jules
Ferry, Paris, Les ditions de Minuit.
Gadet, Franoise (2003), Youth language in France : forms and practices, in : Eva Neuland (ed.),
Jugendsprachen Spiegel der Zeit, Frankfurt am Main, Lang, 7788.
Gadet, Franoise (2007), La variation sociale en franais, Paris, Ophrys.
Gerstenberg, Annette (2011), Generation und Sprachprofile im hheren Lebensalter, Frankfurt am
Main, Klostermann.
Giacomotto-Charra, Violaine (direction du projet), Les mots de la science, <http://www.msha.fr/
formesdusavoir/index.php> (09.12.2013).
Glessgen, Martin-Dietrich/Duval, Frdric/Videsott, Paul, Les plus anciens documents linguistiques
de la France, dition lectronique : <www.rose.uzh.ch/docling/> (18.11.2013).
Glessgen, Martin-Dietrich/Kiha, Dumitru/Videsott, Paul (2011), Llaboration philologique et linguistique des plus anciens documents linguistiques de la France, dition lectronique. Trois tudes,
Bibliothque de lcole des Chartes 168, 724.
Glessgen, Martin-Dietrich/Thibault, Andr (2005), La rgionalit linguistique dans la Romania et
en franais, in : Martin-Dietrich Glessgen/Andr Thibault (2005), La lexicographie diffrentielle
du franais et le Dictionnaire des rgionalismes de France, Strasbourg, Presses Universitaires de
Strasbourg, IVXVI.
Goebl, Hans (1970), Die normandische Urkundensprache. Ein Beitrag zur Kenntnis der nordfranzsischen Urkundensprache des Mittelalters, Wien, Bhlau.
Goebl, Hans (1995), Franzsische Skriptaformen III. Normandie, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/
Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. II/2, Tbingen, Niemeyer,
314337.
103
104
Gerhard Ernst
Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter,
25752610.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (2011 [1990]), Gesprochene Sprache in der Romania. Franzsisch,
Italienisch, Spanisch, Berlin/Boston, de Gruyter.
Kramer, Johannes (1997), ltere Zeugnisse zu geschlechtsspezifischen Sprachunterschieden, in :
Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Sprache und Geschlecht in der Romania. Romanistisches Kolloquium X, Tbingen, Narr, 1542.
Kramer, Johannes (2008), Romanische Sprachen als Publikationssprachen der Wissenschaft bis zum
18. Jahrhundert, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter,
33543359.
Krefeld, Thomas (2011), Sag mir, wo der Standard ist, wo ist er (in der Variettenlinguistik) geblieben ?
In : Sarah Dess/Jochen Hafner/Sabine Heinemann (edd.), Koineisierung und Standardisierung
in der Romania, Heidelberg, Winter, 101110.
Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa (edd.) (2010), Perzeptive Variettenlinguistik, Frankfurt am Main,
Lang.
Kristol, Andres (1992), Que dea ! Mettes le chapron, paillard, com tu parles a prodome ! La reprsentation de loralit dans les Manires de langage du XIVe/XVe sicle, Romanistisches Jahrbuch 43,
3564.
Kristol, Andres (2009a), Textes littraires et sociolinguistique historique : quelques rflexions mthodologiques, in : Dorothe Aquino-Weber/Sara Cotelli/Andres Kristol (edd.), Sociolinguistique
historique du domaine gallo-roman. Enjeux et mthodologies, Bern, Lang, 2546.
Kristol, Andres (2009b), Sociolinguistique historique et analyse de la conversation : une nouvelle
approche du Journal d'hygine de Jean Hroard, Vox Romanica 68, 169186.
Labov, William (1994), Principles of Linguistic Change, vol. 1, Oxford, Blackwell.
Lebsanft, Franz (2005), Ein Baustein zur Frhgeschichte des Variettengefges des Franzsischen :
Langage de Picardie vs. langage de France in einer lettre de rmission von 1388, in : Kurt
Grtner/Gnter Holtus (edd.), berlieferungs- und Aneignungsprozesse im 13. und 14. Jahrhundert auf dem Gebiet der westmitteldeutschen und ostfranzsischen Urkunden- und Literatursprachen. Beitrge zum Kolloquium vom 20. bis 22. Juni 2001 in Trier, Trier, Kliomedia, 359368.
Lindschouw, Jan/Schsler, Lene, Les linguistes, quel point peuvent-ils se fier aux tmoignages crits
pour se prononcer sur la langue parle des priodes antrieures de la langue ? ( paratre dans
les actes du Congrs de la Socit de linguistique romane, Nancy 2013).
Lodge, Anthony R. (1995), Les Lettres de Montmartre et lidologie normative, Revue de linguistique
romane 59, 439465.
Lodge, Anthony R. (2004), A Sociolinguistic History of Parisian French, Cambridge, Cambridge University Press.
Lodge, Anthony R. (2007), Les Sarcelades de Nicolas Jouin (16841757), Langage et Socit 3, 113128.
Lodge, Anthony R. (2009), La sociolinguistique historique et le problme des donnes, in : Dorothe
Aquino-Weber/Sara Cotelli/Andres Kristol (edd.), Sociolinguistue historique du domaine galloroman. Enjeux et mthodologies, Bern, Lang, 199219.
Lodge, Anthony R. (2011), Standardisation et Koinisation : Deux approches contraires lhistoriographie dune langue, in : Sarah Dess/Jochen Hafner/Sabine Heinemann (edd.), Koineisierung und
Standardisierung in der Romania, Heidelberg, Winter, 6579.
Lodge, Anthony R. (2013), Graphies non-conventionnelles dans la correspondance prive en France
au XVIe sicle, paratre dans les Actes du Congrs de la Socit de linguistique romane,
Nancy.
Lusignan, Serge (2012), Essai dhistoire sociolinguistique. Le franais picard au Moyen ge, Paris,
Garnier.
105
Maa, Christiane (2011), Zur einzelfachspezifischen Binnendifferenzierung im Bereich der Wissenschaftssprache. Untersuchung an einem gemischten Korpus franzsischer Fachaufstze, in :
Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Die romanischen Sprachen als Wissenschaftssprachen. Romanistisches Kolloquium XXIV, Tbingen, Narr, 275295.
Martineau, France (2010), Les crits privs : du manuscrit la contextualisation, in : Jean-Pierre
Bardet/Elisabeth Arnoul/Franois-Joseph Ruggiu (edd.), Les crits du for priv en Europe du
Moyen ge lpoque contemporaine, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 613630.
Martineau, France (ed.), Voies du franais, <http://polyphonies.uottawa.ca> (04.12.2013).
Martineau, France (ed.), Corpus de franais familier ancien, in : Laboratoire de franais familier
ancien, <http://polyphonies.uottawa.ca> (04.12.2013).
Martineau, France/Bnteau, Marcel (2010), Incursion dans le Dtroit. dition critique du Jour Naille
Commans Le 29 octobre 1765 pour Le voiage que je fais au Mis a Mis, Quebec City, Presses de
lUniversit Laval.
Martineau, France/Mougeon, Raymond (2003), Sociolinguistic Research on the Origins of ne Deletion
in European and Quebec French, Language 79:1, 118152.
Mattheier, Klaus J. (1987), Alter, Generation, in : Ulrich Ammon/Norbert Dittmar/Klaus J. Mattheier
(edd.), Sociolinguistics. Soziolinguistik. Ein internationales Handbuch zur Wissenschaft von
Sprache und Gesellschaft, vol. 1, Berlin/New York, De Gruyter, 7885.
Michel, Andreas (2008), Romania virtu@lis, Hamburg, Kova.
Mhren, Frankwalt (2005), Le DEAF Base dun atlas linguistique de lancien franais ?, in : MartinDietrich Glessgen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle du franais et le Dictionnaire des rgionalismes de France, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 99113.
Muller, Bodo (1985), Le franais daujourdhui, Paris, Klincksieck.
Neumann-Holzschuh, Ingrid/Heinemann, Sabine (2008), Historische Aspekte geschlechtsspezifischer
Sprache in der Romania, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein
internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, De
Gruyter, 23782390.
Ondelli, Stefano (2007), La lingua del diritto. Proposta di classificazione di una variet dellitaliano,
Roma, Aracne.
Ossenkop, Christina (1999), Pass simple und pass compos im gesprochenen Franzsisch des
17. Jahrhunderts. Untersuchungen zu Dialogen in Erzhltexten und dem Journal dHroard, Bonn,
Romanistischer Verlag.
Osthus, Dietmar (2011), comme en tous arts & scices il y ha outre langage que le commun &
familier : zum humanistischen Streit um die angemessene Wissenschaftssprache in Spanien
und Frankreich, in : Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Die romanischen Sprachen als Wissenschaftssprachen. Romanistisches Kolloquium XXIV, Tbingen, Narr, 103119.
Pellat, Jean-Christophe (1998), Les mots graphiques dans des manuscrits et des imprims du
XVIIIe sicle, in : Nelly Andrieux-Reix/Simone Monsongo (edd.), Segments graphiques du franais. Pratiques et normalisations dans lhistoire, Paris, Larousse, 88104.
Pckl, Wolfgang (1990), Franzsisch : Fachsprachen, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. V/1, Tbingen, Niemeyer,
267282.
Prmann-Zemper, Helga (1986), Entwicklungstendenzen und Sprachwandel im Neufranzsischen.
Das Zeugnis des Hroard und die Genese des gesprochenen Franzsisch (Dissertation), Bonn,
Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universitt.
Prmann-Zemper, Helga (2008), Die diastratischen und diasituativen Varietten der romanischen
Sprachen aus historischer Sicht : Franzsisch und Okzitanisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.),
Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen
Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 23552365.
106
Gerhard Ernst
Qumada, Bernard (1955), Introduction ltude du vocabulaire mdical (1600 1710), Paris, Belles
Lettres.
Radtke, Edgar (1994), Gesprochenes Franzsisch und Sprachgeschichte. Zur Rekonstruktion der
Gesprchskonstitution in Dialogen franzsischer Sprachlehrbcher, Tbingen, Niemeyer.
Rey, Alain/Duval, Frdric/Siouffi, Gilles (2007), Mille ans de langue franaise. Histoire dune passion, Paris, Perrin.
Schafroth, Elmar (2005), Pour une diachronie du franais parl, in : Brigitte Horiot et al. (edd.),
Mlanges offerts au professeur Lothar Wolf, Lyon, Centre dtudes Linguistiques Jacques Goudet,
419445.
Schlindwein, Christel (2003), .. je ne me lasse point de te lire . Zur Sprachgeschichte des Alltags in
franzsischen Briefen in Deutschland (17921813), Frankfurt am Main et al., Lang (avec CD-Rom).
Schmitt, Christian (1998), Sprachkultur und Sprachpflege in Frankreich, in : Albrecht Greule/Franz
Lebsanft (edd.), Europische Sprachkultur und Sprachpflege, Tbingen, Narr, 215243.
Schweickard, Wolfgang (1987), Die cronaca calcistica . Zur Sprache der Fuballberichterstattung in
italienischen Sporttageszeitungen, Tbingen, Niemeyer.
Seguin, Jean-Pierre (1998), Les incertitudes du mot graphique au XVIII e sicle, in : Nelly AndrieuxReix/Simone Monsongo (edd.), Segments graphiques du franais. Pratiques et normalisations
dans lhistoire, Paris, Larousse, 105124.
Selig, Maria (1997), Mndlichkeit in mittelalterlichen Texten, in : Martin-Dietrich Glessgen/Franz
Lebsanft (edd.), Alte und neue Philologie, Tbingen, Niemeyer, 201225.
Selig, Maria (2011), Konzeptionelle und/oder diaphasische Variation, in : Sarah Dess/Jochen Hafner/
Sabine Heinemann (edd.), Koineisierung und Standardisierung in der Romania, Heidelberg,
Winter, 111126.
Sinner, Carsten (2013), Variettenlinguistik. Eine Einfhrung, Tbingen, Narr.
Sll, Ludwig (1985 [1974]), Gesprochenes und geschriebenes Franzsisch, Berlin, Schmidt.
Stefenelli, Arnulf (1992), Das Schicksal des lateinischen Wortschatzes in den romanischen Sprachen,
Passau, Rothe.
Stefenelli, Arnulf (2000), Von der Prestigevariante zur Normalbezeichnung, in : Martine Guille/Reinhard Kiesler (edd.), Romania una et diversa. Philologische Studien fr Theodor Berchem zum
65. Geburtstag, vol. 1, Tbingen, Narr, 341353.
Stein, Peter (1987), Kreolsprachen als Quelle fr das gesprochene Franzsisch des 17. und 18. Jahrhunderts, Archiv fr das Studium der neueren Sprachen und Literaturen 224, 5266.
Steuckardt, Agns (2013), Le franais crit des Poilus peu lettrs (19141918), in : Carnet de Praxiling,
http://praxiling.hypotheses.org/188 (24.04.2015).
Thun, Harald (2005), Literarisierte Mndlichkeit und Sprachwandel, in : Claus D. Pusch/Johannes
Kabatek/Wolfgang Raible (edd.), Romanistische Korpuslinguistik II. Romance Corpus Linguistics
II. Korpora und diachrone Sprachwissenschaft / Corpora and Diachronic Linguistics, Tbingen,
Narr, 85108.
Tittel, Sabine (2004), Die Anathomie in der Grande Chirurgie des Gui de Chauliac. Wort- und
sachgeschichtliche Untersuchungen und Edition, Tbingen, Niemeyer.
Trotter, David (2005), Traitier de cyrurgie. dition de la traduction en ancien franais de la Chirurgie
d'Ab'l Qsim Halaf Ibn 'Abbs al-Zahrw du manuscrit BNF, franais 1318, Tbingen, Niemeyer.
Vedrenne-Fajolle, Isabelle (2012), Les Pratiques linguistiques des mdecins, auteurs, traducteurs ou
copistes de traits mdicaux. Lexemple des maladies de peau (XIIIeXVe sicles), in : Jolle Ducos
(ed.), Sciences et langues au Moyen ge. Wissenschaften und Sprachen im Mittelalter, Heidelberg, Winter, 173224.
Videsott, Paul (2013), Les dbuts du franais la Chancellerie royale : analyse scriptologique des
chartes de Philippe III (12701285), Revue de linguistique romane 77, 349.
107
Vlker, Harald (2004), Zwischen Textedition und historischer Variettenlinguistik Tustep-untersttzte hypertextuelle Strukturen zur Analyse rekontextualisierter Texte, in : Gottfried Reeg/Martin
J. Schubert J. (edd.), Edieren in der elektronischen ra, Berlin, Weidler, 127144.
Vlker, Harald (2011), Un caso di ambivalenza nella teorizzazione della linguistica variazionale : la
diacronia, in : Anja Overbeck/Wolfgang Schweickard/Harald Vlker (edd.), Lexikon, Variett,
Philologie. Gnter Holtus zum 65. Geburtstag, Berlin/Boston, de Gruyter, 317328.
Vons, Jacqueline (2011), Unifier ou expliquer des dnominations anatomiques multiples ? Lexemple
des noms des dents dans quelques traits danatomie du XVIe sicle, Le franais prclassique
15001650 13, 1326.
West, Jacob (1995), Les scriptae franaises II. Picardie, Hainaut, Artois, Flandres, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. II/2,
Tbingen, Niemeyer, 300314.
109
temporel. La philologie littraire a trop longtemps nglig les implications linguistiques ne serait-ce que du travail strictement ditorial. Les scientifiques littraires ont
une telle familiarit des textes quils en ont une connaissance presque intuitive. On
pourrait presque dire que, par tradition, ils ne peroivent pas laltrit du savoir
linguistique puisque la comprhension des textes mdivaux est dans leur discipline
un pralable sine qua non. Mettre en relief limportance de la linguistique pour la
philologie ditoriale et prciser les interactions entre lanalyse linguistique et ltablissement des textes, contient pourtant un potentiel notable pour la philologie des
prochaines annes.
Indpendamment de ses orientations plus spcifiques, la philologie ditoriale est
une science moins doctrinale que pratique : elle sexprime par la publication dditions de textes et par la rflexion sur les problmes qui lui sont inhrents bien plus
que par une rflexion abstraite et thorique. La complexit de la philologie sexplique
par la multitude des cas de figure concrets, par la diversit des disciplines impliques
(littrature, linguistique, histoire) et par les diffrentes finalits de chacune dentre
elles. Sajoute par ailleurs sa dimension internationale : la philologie dont la langue
dobjet est le franais est exerce notamment, en dehors des pays francophones, en
Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves et anglo-amricains
(cf. Duval 2006). Les nombreuses traditions nationales suivent partiellement des voies
diffrentes, gnrant ainsi une science pluricentrique . Labsence de mthodologie
commune a t souvent reproche la philologie, mais cette absence est intrinsque
la discipline ; la philologie consiste plus en un faisceau de rgles mthodologiques
quen une doctrine homogne.
La philologie ditoriale couvre naturellement toute la trajectoire diachronique du
franais, du IXe sicle jusquaujourdhui. Elle a toutefois connu un dveloppement
particulier pour le franais mdival en se concentrant par tradition non seulement
sur les textes pleins (cf. infra, 3.2), mais encore sur les textes littraires. Lextension et
la richesse de la production crite du franais mdival ne sauraient pourtant tre
rduites la seule expression littraire. Ds le Moyen ge, la complexit des traditions
textuelles sexprime avec une grande intensit (cf. infra, 3.3). Cette priode a par
consquent suscit les interrogations philologiques les plus pineuses, mme si la
Renaissance, les XVIIe et XVIIIe ou les XIXe et XXe sicles demeurent des champs
dtudes passionnants.
2 Orientation bibliographique
La diversit interne de la philologie explique limmensit de la bibliographie ayant
pour objet cette discipline. Ce constat vaut dj pour le seul domaine de la langue
dol mdivale trait ici. Les rpertoires disponibles sont assez complets pour la
littrature profane ; concernant les autres genres, ils fournissent des informations
plus partielles :
110
le Grundri der romanischen Literaturen des Mittelalters (GRLMA 1968) donne le meilleur
aperu interprtatif pour les diffrents genres textuels de la littrature profane ainsi que
pour les sources historiographiques (vol. 11/111/3) ;
les bibliographies des grands dictionnaires mdivaux intgrent galement dans une mesure significative la littrature religieuse et celle dun savoir spcialis (cf. infra, 3.4) ;
dautres genres trs spcifiques ont t traits par la Typologie des sources du Moyen ge
occidental de L. Gnicot (TypSources, 1972) ;
enfin, lInstitut de recherche et dhistoire des textes (IRHT) runit un nombre considrable
dinformations sur des manuscrits individuels et ses fichiers sont en voie de numrisation
(cf. <irht.cnrs.fr>).
Les ouvrages de type interprtatif sont lgion et ne pourront tre mentionns ici que
de manire trs ponctuelle. On se reportera notamment, pour de plus amples renvois
bibliographiques, au manuel ddi intgralement la Philologie de ldition dans la
collection des Manuals of Romance Linguistics (MRL 4, ed. D. Trotter), auquel nous
renvoyons de manire systmatique. De nombreux aspects de linguistique diachronique, sous-jacents la philologie linguistique, ont t traits par ailleurs dans la
Romanische Sprachgeschichte (RSG, 20032008, cf. art. 7, 103, 107, 116, 121, 128, 175,
181, 185, 187, 192, 197, 198).
111
dune part, le Poitou na pas appartenu tout au long de son histoire lespace linguistique
olique. Initialement occitans, les parlers poitevins se sont orients de manire significative
vers le franais, aprs lan 1000 ou 1100 (Pignon 1960, 516) ;
En dehors de ces rgions o le franais est la langue hrditaire, lcrit olique est
galement prsent, pour des raisons extralinguistiques, en territoire francoprovenal,
en Angleterre, dans lOrient latin et en Italie du Nord :
Le franais est quasiment exclusif lcrit dans lintgralit de lespace francoprovenal. Les
fonctions communicatives se rpartissent entre les dialectes francoprovenaux dune part
qui constituent la langue de communication quotidienne et une scripta franaise de type
sud-oriental, qui est importe en raison de son prestige sociolinguistique. Lcrit olique
a longtemps t la seule partie visible et il est difficile de dfinir prcisment quel fut
lespace linguistique francoprovenal lpoque mdivale. Des recherches philologiques
et toponymiques rcentes ont permis de prciser lextension du francoprovenal loral qui
sest avre bien plus large quaujourdhui (en partie la Franche-Comt, la Bourgogne y
inclus Cluny , la Suisse romande ainsi que la grande rgion autour de Lyon ; cf. Zufferey
2006 ; Chambon/Mller 2013 ; cf. aussi, pour le domaine aujourdhui almanique, Kristol
2002).
112
avec prs de 1,5 million dhabitants autochtones), mais elle est stable jusquau milieu du
XIIIe sicle et peut-tre au-del. lcrit, le franais occupe une place plus importante qu
loral et pendant plus longtemps, langlais ne devenant majoritaire qu partir de ca 1430. La
scripta franaise pratique en Angleterre est terminologise comme anglo-normand, mme
si une appellation neutre comme franais insulaire serait plus adquate tant donn la
diversit de la provenance rgionale des immigrants francophones (cf. Trotter 2012 ; 2013
[2014]).
En Orient latin, le franais est utilis comme langue acrolectale surtout aux XIIe et XIIIe sicles, notamment dans les tats Croiss (Royaume de Jrusalem, Principaut dAntioche,
Comt de Tripoli, 10991291) et, plus longtemps, dans le Royaume de Chypre (11971489). Si
le volume textuel produit en Orient est plus restreint quen Angleterre, il comporte nanmoins plusieurs centaines de textes appartenant des genres divers (cf. les rpertoires de
Minervini 2010, 142146 ; 2012, 99104).
La production textuelle olique de lItalie du Nord aux XIIIe et XIVe sicles reste en revanche
un phnomne trs ponctuel et sans correspondance loral. Les quelques dizaines de
textes exclusivement littraires, rdigs dans ce franais dItalie (mal terminologis
comme franco-italien ou franco-vnitien), correspondent une scripta olique donne (souvent de type nord-oriental) qui comporte de nombreux italianismes, surtout lexicaux et
grapho-phontiques (cf. le recensement jour de Holtus/Wunderli 2005 et la synthse
scriptologique de Capusso 2007).
(1)
dabord, lmergence des langues vernaculaires lcrit, en contexte latin ou sous forme de
micro-textes, partir de ca 800,
(2)
(3)
enfin, la diffusion de limpression lettres mobiles transforme les conditions de la manuscript culture partir de ca 1500 (cette date se place entre linvention de Gutenberg en 1453
et la diffusion plus massive des livres imprims partir du milieu du XVIe sicle).
113
des lexmes souvent frquents loral (avec ou sans correspondant en latin crit de
lAntiquit) qui ont une charge pragmatique particulire dans les documents en question,
des toponymes dont lidentification dans les actes administratifs ou de la pratique juridique
tait indispensable et pour lesquels une latinisation aurait pu mettre en cause la bonne
comprhension et la validit des actes,
Paralllement aux lments romans en contexte latin dont la nature et le rle nont t
dcrits que rcemment (cf. Chambon 1998 ; Carles 2011), apparaissent des microtextes, tudis quant eux trs en dtail par la philologie romane depuis prs dun sicle.
Citons les Serments de Strasbourg (en contexte latin, 842 (?), rdaction ventuellement
plus tardive, ms. fin Xe s.), dont la romanit est indissociable dune forte relatinisation. Ces prmices du franais lcrit ont souvent tromp le regard des chercheurs,
qui ont pu y voir lexpression dun protofranais alors que lon sait les langues
romanes dj pleinement formes cette poque. La comprhension du vernaculaire
fragmentaire doit tre replace dans un contexte de lcrit o le latin est omniprsent
et jouit dun prestige trs lev. Lmergence du franais la scripturalit ne pouvait
pas ne pas en tenir compte. Les mcanismes de latinisation sont la rponse la plus
habile des scribes linsertion progressive de la langue vhiculaire de loral. Un peu
plus tard, la Squence de Sainte Eulalie (texte et ms. fin du IXe sicle) tmoigne dune
plus grande autonomie du franais lcrit. Mais les tmoignages textuels oliques
114
restent trs rares jusquau XIe sicle (cf. infra, 3.3.1/3.3.2 et InvSyst 1, 311, Table
chronologique).
Lmergence des langues romanes lpoque pr-textuelle concerne presque
exclusivement les genres textuels documentaires et, ponctuellement, la littrature
religieuse. Par ailleurs, la production littraire et scientifique reste attache la
langue classique (cf. Stotz 19962004).
Lpoque pr-textuelle est dune importance capitale pour apprhender la nature
des langues mdivales dans les premiers sicles de leur histoire et pour cerner la
lente laboration de leur systme graphmatique. Cette priode, longtemps mise
lcart par la linguistique historique, jette une lumire utile sur lmergence que lon a
longtemps cru soudaine des textes littraires romans pleins, comme la Chanson de
Roland vers 1100.
115
116
manuscrit, et rinterprte par Hilty 1994 comme tant non pas du franais, mais de
loccitan).
117
118
119
sant frquemment des rinterprtations de contenu. Les textes dun savoir labor
rpondent plus souvent au schma de la compilation, intgrant diffrentes sources
dans une nouvelle composition. Les textes documentaires enfin, sont rarement copis
plus de deux ou trois fois (copie contemporaine, transcription dans un cartulaire,
copie du cartulaire), mais sinscrivent par leur caractre sriel dans une suite ininterrompue de radaptations dun nombre limit de schmas textuels. Au-del des
attitudes divergentes, certaines constantes se relvent pour les diffrents genres : en
ligne gnrale, les copies transforment fortement les systmes grapho-phontique et
morphologique de leurs antcdents, mais en respectent souvent les choix lexicaux
ou syntaxiques.
Enfin, lencodage matriel des textes varie fortement selon les poques ; cela
concerne les supports parchemin, puis papier et les outils dcriture, lvolution
des critures et des modles de mise en page ou encore lutilisation de cahiers ou de
codex. Ces mmes contraintes conditionnent la production des diffrents genres textuels, production qui est ralise concrtement dans les mmes tablissements (
savoir les scriptoria ecclsiastiques et les chancelleries, puis au fur et mesure,
galement dans des lieux de travail individuels). En revanche, les textes destins
jouer un rle de reprsentation connaissent lemploi de matriaux plus prcieux et sont
crits dans des critures plus soignes, alors que les textes dusage font toujours appel
des cursives moins soignes et des supports moins coteux. Cela sobserve galement pour certains textes littraires de genre mineur comme les fabliaux ou les farces.
120
(1) La premire tape du recensement des manuscrits formant une tradition textuelle
mne ltablissement dun stemma qui repose sur les dpendances respectives des
manuscrits. Les mthodes pour tablir un stemma ont pu tre prcises depuis les
travaux fondateurs de K. Lachmann (ds 1816) et de J. Bdier (Le Lai de lOmbre 1913
et 1928, cf. Corbellari 1997, 505ss.). Des sondages effectus sur la structure textuelle,
sur des passages et sur des lexmes choisis peuvent donner des orientations prcieuses pour viter une comparaison intgrale des manuscrits. Mais mme circonscrite,
cette premire tape reste indispensable et fastidieuse, puisquelle suppose une transcription au moins partielle des diffrents tmoins. La stemmatologie contient par
ailleurs un certain potentiel pour des interrogations dordre socio-historique. Lidentification de la filiation et de la transmission des diffrents manuscrits permettrait de
mieux cerner les lieux de leur gense et dtablir des liens entre eux.
(2) Le choix pour tablir une dition partir de linventaire raisonn quest le stemma
dpend fortement de la nature de la transmission textuelle :
mais plus une tradition textuelle est clate, moins cette solution est satisfaisante. Il est
alors possible de retenir plusieurs prototypes textuels en parallle et de produire pour
chacun dentre eux une dition part ;
enfin, il est possible dditer chacun des manuscrits paralllement : cest le principe de
ldition synoptique comme celle des huit manuscrits des Fabliaux (Noomen 19831998). Ce
type ddition est possible sous une forme diplomatique, cest--dire la reproduction fidle
dun maximum dlments du manuscrit, ou sous une forme critique, qui intervient dans la
121
Il est important de voir que la qualit dune dition repose moins sur le choix du
type ddition dtermin en grande partie par la nature de la tradition textuelle et
par les finalits de ldition (littraire ou linguistique, grand public ou rudite) que
sur la cohrence de sa ralisation (choix des critres de transcription, prise en
considration de la prsentation matrielle des tmoins, absence ou non de fautes de
transcription, indication plus ou moins prcise des interventions ditoriales, nombre
et adquation des mendations). Des paramtres objectifs pour lvaluation dune
dition donne sont difficiles identifier ; notons que la tradition des tudes dol ne
dispose pas, ce jour, dun standard gnralement reconnu (cf. lorientation propose
par Bourgain/Guyotjeannin/Vielliard 20012002).
Par ailleurs, la rvolution mdiale de linternet a ouvert de nouvelles perspectives
ditoriales. La technologie informatique permet notamment la combinaison de diffrents types dditions dans un mme environnement (dition diplomatique et dition
critique combines comme dans les Plus anciens documents linguistiques de la France
[DocLing], dition diplomatique dun tmoin dfini et dition critique de plusieurs
prototypes textuels comme dans le projet de la Chanson dAspremont [Asprem]). Elle
permet galement dintgrer la reproduction photographique des manuscrits (cf.
Bozzi 2015) et elle ouvre des nouvelles voies pour la description linguistique des textes
(cf. infra, 4.2).
Linformatique a pu renforcer ainsi la tendance actuelle qui consiste prendre
plus fortement en considration les manuscrits individuels comme tmoins dun tat
de langue et dune interprtation prcise dun texte. Cette tendance a toujours exist
dans la tradition italienne et sest intensifie par ailleurs suite la discussion sur la
New Philology (cf. Cerquiglini 1989 ; Glessgen/Lebsanft 1997). Pour lanalyse
linguistique, les tmoins individuels sont en effet plus immdiatement exploitables
que les ditions critiques qui reposent sur diffrentes sources et oprent des mendations plus ou moins explicites. La rfrence un manuscrit unique est mme indispensable pour toute tude grapho-phontique ou morphologique. Toutefois, il reste
important de pouvoir se rfrer une dition critique lorsque lon tudie le lexique ou
la syntaxe dun auteur donn car une critique textuelle soigne est indispensable la
bonne comprhension du texte. Les philologues linguistes tendent par consquent
travailler sur des textes reposant sur peu de manuscrits, voire un seul (cf. lexemple
emblmatique de Paul Meyer, Palumbo ms. ; cf. aussi Wilhelm 2015, 2).
Il est enfin important de souligner que ldition nest pas sparable de sa description linguistique puisque celle-ci intervient obligatoirement dans ltablissement du
texte. Ajoutons que les exploitations souhaites dune dition par son auteur conditionnent la nature de celle-ci : la philologie linguistique prfre les ditions de
manuscrits individuels tandis que la philologie littraire prfre les ditions critiques
voire reconstructives permettant une lecture suivie. Une dition nest donc jamais
122
123
interrogation suppose lexistence dune rfrence qui puisse servir de point de comparaison. Or, en labsence dun standard mdival, ce terme de comparaison devrait tre
lensemble des paramtres propres au diasystme du franais lpoque concerne,
dans toute sa variation. Concrtement, il faudrait mesurer un texte en le comparant
tous les autres textes oliques analyss, autrement dit ltat gnral de nos connaissances sur la langue mdivale. Toutefois, si lon dispose aujourdhui dexcellents
dictionnaires qui constituent une rfrence solide pour le lexique, nulle synthse
nexiste pour les domaines grapho-phontique, morphologique et syntaxique. Tout
diteur de texte se retrouve donc en face de plusieurs milliers dautres ditions de
texte, contenant chacune un certain nombre dinformations linguistiques sans
compter les donnes non exploites par lditeur et doit se positionner dans sa
propre description par rapport cette mosaque insaisissable. En consquence, la
grande majorit des descriptions linguistiques accompagnant les ditions renoncent
lexigence de contrastivit et optent pour une procdure traditionnelle et strotype,
en salignant sur quelques modles antrieurs considrs comme russis.
Il est difficile de remdier cet tat de fait puisque les problmes voqus sont de
nature structurelle. Mais il est important den prendre conscience pour pouvoir oprer
des choix individuels cohrents et pour pouvoir dvelopper dans les annes venir
une stratgie de recherche qui pourrait mener la fois une meilleure connaissance
de la langue mdivale et un meilleur fondement du travail diffrentiel sur les textes
et manuscrits.
la forme a(i)nrme me, par interfrence entre an(e)me et arme (cf. Pfister 1993, 37),
dans la scripta lorraine, il existe les variantes estaule (avec vocalisation rgionale de /b/
prconsonantique), estauvle (avec un lment svarabhaktique peut-tre li loral), estable
(forme latinisante ou/et influence par des rgions voisines sans vocalisation de la bilabiale)
et, enfin, estauble (emprunt de la scripta bourguignonne o la forme reflte une interfrence
entre les types crits <able> et <aule>, cf. Glessgen 2008, 450).
124
Les ouvrages qui peuvent orienter lanalyse grapho-phontique sont peu nombreux : lanalyse dordre phonologique de J.-M. Pierret (1994), la description phontique de La Chausse (1989), louvrage fondateur de Fouch (19521969) ainsi que les
deux Atlas de Dees (1980 ; 1987) qui reprsentent, malgr leurs dfauts mthodologiques, les seuls rpertoires gnraux de la variation dans les scriptae oliques. Le plus
important desideratum de la recherche serait de runir idalement sur une base de
donnes, par consquent volutive les lments descriptifs concernant la graphophontique mdivale parpills dans les milliers dditions existantes. Une telle
synthse demanderait un effort considrable mais rendrait enfin srieusement envisageable un travail diffrentiel.
Enfin, il est important de prendre conscience du fait que la variation diatopique,
omniprsente dans les scriptae mdivales, rpond en mme temps des critres
sociologiques. Dans un mme espace gographique, lon peut trouver des scriptae
plus ou moins rgionalises, selon le prestige des rdacteurs, selon la porte
communicative des textes (Vlker 2003) ou selon les genres textuels. Un lieu
dcriture mdival nest donc pas simplement dtermin par un lieu gographique
et il peut mme tre dlocalis, comme cest le cas des grandes chancelleries princires (Glessgen 2008 ; Videsott 2013). Soulignons encore que toute tude scriptologique
contient une dimension interprtative ecdotique, notamment dans le cas de transmissions textuelles complexes (p. ex. Zinelli 2008).
125
126
Notons enfin quil existe, pour le franais mdival, une grande tradition dtudes
lexicologiques portant sur des auteurs dfinis ou des thmatiques spcifiques (telles
que les termes lis la ngation, les formules de salutation, le vocabulaire agricole ou
des sentiments) et qui se rclament juste titre de la philologie.
127
pourtant sa prsence constante dans les congrs triennaux de la Socit de Linguistique Romane). Ce constat est corrl avec la prdominance littraire dans les associations philologiques (comme la Socit des anciens textes franais, la Socit de langue
et de littrature mdivales doc et dol ou la Socit internationale renardienne). Dans
lenseignement, enfin, la philologie linguistique reste priphrique et il nexiste que
trs peu de manuels qui sinscrivent dans son optique (p. ex. Duval 2009 ; Glessgen
2012a, 420456).
Le constat gnral est donc double : une relle existence de la discipline dans les
vecteurs de la recherche de pointe soppose une assez faible prsence dans lenseignement et dans les cercles habituels de communication scientifique. Lon peut
souhaiter que sopre un rquilibrage dont la ralisation supposerait toutefois que la
linguistique thorique autant que la philologie littraire reconnaissent la philologie
linguistique sa lgitimit de droit.
6 Bibliographie
ALF = Gilliron, Jules/Edmont, Edmond (19021910), Atlas linguistique de la France, 15 vol., Paris,
Champion.
AND = Stone, Louise/Rothwell, William (edd.) (119771992), Anglo-Norman Dictionary, London, Modern Humanities Research Association ; Rothwell, William/Gregory, Stewart/Trotter, David (edd.)
(22005), Anglo-Norman Dictionary. Second edition, ib. [A-E] ; Trotter, David (ed.) (22009), AngloNorman Dictionary (version en ligne) [F-] <www.anglo-norman.net> (30.04.2015).
Andrieux, Nelly/Baumgartner, Emmanuelle (1983), Systmes morphologiques de lancien franais.
A. Le verbe, Bordeaux, d. Bire.
Asprem = La chanson dAspremont. Projet ddition lectronique <chansondaspremont.eu>
(30.04.2015).
Baum, Richard (2003), Periodisierung in der romanistischen Sprachgeschichtsschreibung, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte / Histoire linguistique de la Romania,
vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 4553.
Beltrami, Pietro (2013), A che serve unedizione critica ? Leggere i testi della letteratura romanza
medievale, Bologna, il Mulino.
Berschin, Helmut/Berschin, Walter/Schmidt, Rolf (1981), Augsburger Passionslied . Ein neuer
romanischer Text des X. Jahrhunderts, in : Walter Berschin/Reinhard Dchting (edd.), Lateinische
Dichtungen des X. und XI. Jahrhunderts. Festgabe fr Walther Bulst zum 80. Geburtstag, Heidelberg, Schneider, 251279.
Bossuat, Robert (1951), Manuel bibliographique de la littrature franaise du Moyen ge, Melun,
Librairie dArgences [Bossuat, Robert (1955), Supplment [19491953] ; Bossuat, Robert/
Monfrin, Jacques (1961), Second supplment [19541960] ; Vielliard, Franoise/Monfrin, Jacques
(1986), Troisime supplment [19601980].
Bourgain, Pascale/Guyotjeannin, Olivier/Vielliard, Franoise (20012002), Conseils pour ldition des
textes mdivaux, 3 vol., Paris, Comit des travaux historiques et scientifiques/ENC.
Bozzi, Andrea (2015), Entre texte et image : la mthode de Pise, in : David Trotter (ed.), Manuel de la
philologie de ldition, Berlin/Boston, de Gruyter.
Buridant, Claude (1999), Proposition de protocole pour la confection de lexiques de franais prclassique, Le Franais prclassique 6, 115133.
128
129
Duval, Frdric/Vielliard, Franoise (s. d.), Le miroir des classiques (ditions en ligne de lEcole des
chartes, 17), http://elec.enc.sorbonne.fr/miroir (30.04.2015).
Fouch, Pierre (19521969), Phontique historique du franais, 3 vol., Paris, Klincksieck.
Gdf = Godefroy, Frdric (18801902), Dictionnaire de lancienne langue franaise et de tous ses
dialectes du ixe au xve sicle, 10 vol., Paris, Bouillon.
Glessgen, Martin (2008), Les lieux dcriture dans les chartes lorraines du XIIIe sicle, Revue de
Linguistique Romane 75, 391468.
Glessgen, Martin (2012a), Linguistique romane. Domaines et mthodes en linguistique franaise et
romane, 2e d. intgralement remanie (12007), Paris, Colin.
Glessgen, Martin (2012b), Trajectoires et perspectives en scriptologie galloromane, Medioevo
Romanzo 36, 523.
Glessgen, Martin/Lebsanft, Franz (edd.) (1997), Alte und neue Philologie, Tbingen, Niemeyer.
Goebl, Hans (2012), Lamnagement scripturaire du domaine dol mdival la lumire des calculs
de localisation dAnthonij Dees effectus en 1983 : une tude dinspiration scriptomtrique,
publication lectronique (<medioevoromanzo.it>, seminario, 2011, Il problema della scripta)
(30.04.2015).
GRLMA = Jauss, Hans Robert, et al. (edd.) (1968), Grundri der romanischen Literaturen des
Mittelalters, Heidelberg, Winter.
Grbl, Klaus (2013), La standardisation du franais au Moyen ge : point de vue scriptologique, Revue
de Linguistique Romane 77, 343383.
Hilty, Gerold (1994), La Passion dAugsbourg , reflet dun pome occitan du Xe sicle, in : Jacqueline
Cerquiglini-Toulet/Olivier Collet (edd.), Mlanges de philologie et de littrature mdivales
offerts Michel Burger, Genve, Droz, 231244.
Holtus, Gnter/Wunderli, Peter (2005), Franco-italien et pope franco-italienne, in : Hans Robert
Jauss et al. (edd.), Grundri der romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. 3, t. 1/2, fasc. 10,
Heidelberg, Winter.
InvSyst = Frank, Barbara/Hartmann, Jrg (1997), Inventaire systmatique des premiers documents des
langues romanes, 5 vol., Tbingen, Narr.
Kiwitt, Marc (2015), Lancien franais en caractres hbreux, in : David Trotter (ed.), Manuel de la
philologie de ldition, Berlin/Boston, de Gruyter.
Klapp, Otto/Klapp-Lehmann, Astrid (1960), Bibliographie der franzsischen Literaturwissenschaft,
Frankfurt am Main, Klostermann.
Kristol, Andres (2002), Traces toponymiques du francoprovenal submerg en Suisse almanique
occidentale, Vox Romanica 61, 222244.
Kunstmann, Pierre (2013), Dictionnaire lectronique de Chrtien de Troyes, LFA/Universit dOttawa,
ATILF/Universit de Lorraine, www.atilf.fr/dect (30.04.2015).
La Chausse, Franois (de) (1989), Initiation la phontique historique de lancien franais, Paris,
Klincksieck.
Leonardi, Lino (2011), Il testo come ipotesi (critica del manoscritto-base), Medioevo Romanzo 35, 534.
Martin, Robert/Kunstmann, Pierre (2004), Base de graphies verbales <www.atilf.fr/bgv> (actuellement
indisponible).
Minervini, Laura (2010), Le franais dans lOrient Latin (XIIIeXIVe sicles). lments pour la caractrisation dune scripta du Levant, Revue de Linguistique Romane 74, 121198.
Minervini, Laura (2012), Les emprunts arabes et grecs dans le lexique franais dOrient (XIIIeXIVe sicles), Revue de Linguistique Romane 76, 99197.
Mhren, Frankwalt (2015), Lart du glossaire ddition, in : David Trotter (ed.), Manuel de la philologie
de ldition, Berlin/Boston, de Gruyter.
Noomen, Willem (19831998), Nouveau recueil complet des fabliaux (NRCF), 10 vol., Assen, Van
Gorcum.
130
Palumbo, Giovanni (ms.), Sur les pas de Paul Meyer : ldition des textes mdivaux entre thorie et
pratique.
Pfister, Max (1993), Scripta et koin en ancien franais aux XIIe et XIIIe sicles, in : Pierre Knecht/
Zygmunt Marzys (edd.), criture, langues communes et normes (Neuchtel, 2123 septembre
1988), Genve, Droz/Neuchtel, Facult des Lettres, 1741 [rimprim in : Glessgen, Martin/
Schweickard, Wolfgang (edd.), Ex traditione innovatio. Miscellanea in honorem Max Pfister
septuagenarii oblata, vol. 1, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2002, 99123].
Pierret, Jean-Marie (1994), Phontique historique du franais et notions de phontique gnrale,
Louvain-la-Neuve, Peeters.
Pignon, Jacques (1960), Lvolution phontique des parlers du Poitou (Vienne et Deux-Svres), 2 vol.,
Paris, dArtrey.
Rzeau, Pierre (2013), Les Nols en France aux XVe et XVIe sicles. dition et analyse, Strasbourg, SLiR/
LiPhi.
Roques, Gilles (2011), Typologie des glossaires des ditions de textes de franais mdival, in :
Eurolab, Dynamique des langues vernaculaires dans lEurope de la Renaissance. Acteurs et lieux,
Sminaire doctoral n 1 : Langues et glossaires (Lige, 17 mai 2010, <eurolab.meshs.fr>)
(30.04.2015).
Roques, Gilles (2015), Dfense et illustration du compte rendu scientifique, in : David Trotter (ed.),
Manuel de la philologie de ldition, Berlin/Boston, de Gruyter.
RSG = Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte / Histoire linguistique de la Romania.
Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen und ihrer Erforschung /
Manuel internationel dhistoire linguistique de la Romania (Handbcher zur Sprach- und Kommunikationswissenschaft, HSK 23/123/3), Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 3 vol. (2003,
2006, 2008).
Stotz, Peter (19962004), Handbuch zur lateinischen Sprache des Mittelalters, 5 vol., Mnchen, Beck.
TL = Tobler, Adolf/Lommatzsch, Erhard (poursuivi par Hans H. Christmann et Richard Baum) (1925
1936 ; 19542002), Altfranzsisches Wrterbuch, 11 vol., Berlin, Weidmann/Wiesbaden, Steiner.
Trotter, David (ed.) (2012), Present and future research in Anglo-Norman. Proceedings of the Aberystwyth Colloquium, July 2011, Aberystwyth, Anglo-Norman Online Hub.
Trotter, David (2013 [2014]), Deinz certeins boundes . Where does Anglo-Norman begin and end ?,
Romance Philology 67, 139177 ; version en ligne : http://brepols.metapress.com/content/
m0814673846344t3/fulltext.pdf (30.04.2015).
Trotter, David (2015), Coup dil sur les scriptae mdivales et les textes qui les reprsentent, in :
Maria Iliescu/Eugeen Roegiest (edd.), Manuel des anthologies, corpus et textes romans, Berlin/
Boston, de Gruyter.
TypSources = Gnicot, Lopold (ed.) (1972), Typologie des sources du Moyen ge occidental,
Louvain/Turnhout, Brepols.
Vachon, Claire (2010), Le changement linguistique au XVIe sicle. Une tude base sur des textes
littraires franais, Strasbourg, SLiR/LiPhi.
Videsott, Paul (2013), Les dbuts du franais la Chancellerie royale : analyse scriptologique des
chartes de Philippe III (12701285), Revue de Linguistique Romane 77, 350.
Vlker, Harald (2003), Skripta und Variation. Untersuchungen zur Negation und zur Substantivflexion
in altfranzsischen Urkunden der Grafschaft Luxemburg (12371281), Tbingen, Niemeyer.
Wilhelm, Raymund (2015), Ldition de texte entreprise la fois linguistique et littraire, in : David
Trotter (ed.), Manuel de la philologie de ldition, Berlin/Boston, de Gruyter.
Zinelli, Fabio (2008), Tradizione mediterranea e tradizione italiana del Livre dou Tresor , in :
Irene M. Scariati (ed.), A scuola con Ser Brunetto, Firenze, Galluzzo, 3589.
Zufferey, Franois (2006), Robert de Boron et la limite nord du francoprovenal, Revue de Linguistique
Romane 70, 431469.
Le franais moderne
Abstract : Cet article sattache dcrire la politique linguistique mene par la France
(le pays latin qui dtient la plus longue tradition en la matire) sur son territoire, aux
niveaux diachronique et synchronique. Il propose daborder le sujet sous deux
aspects complmentaires : dune part, il expose, travers un aperu historique du
cadre lgislatif, lamnagement linguistique comprenant la construction, la gestion,
la rglementation de la langue franaise, mais qui implique galement lacte de la
cultiver et celui de prendre en compte les consquences sociales inhrentes ces
problmatiques. Et dautre part, il prsente les institutions tatiques ddies la
dfense du franais et charges den assurer la protection et la vitalit. Il savre,
aprs analyse des phnomnes, que les efforts dploys se concentrent, toutefois, sur
la langue nationale et son hgmonie, et non sur les langues rgionales ou minoritaires territoriales et/ou allochtones.
1 Introduction
Lintervention humaine sur la langue et son usage, sur le comportement linguistique
et lattitude envers les langues, donc sur la situation linguistique dans son ensemble,
reprsente une activit recherche, plus ou moins consciente, de lHomme. La langue
inclut ou exclut aux niveaux social et politique, elle soutient et consolide la formation
dtats (cf. Schmitt 1988 ; Baggioni 1997), et, en formant une ou plusieurs normes
(langues pluricentriques ou polynomiques cf. Kloss 1969 ; Marcellesi 1984 ; 1987 pour
les concepts), elle favorise la formation de communauts aux identits spcifiques (cf.
Lapierre 1993). Il existe, par consquent, une dualit entre le processus de grer,
rglementer et laborer la langue elle-mme en valorisant les ressources disponibles
(laction sur la langue ou bien le corpus de la langue, cf. Kloss 1969, 81 ; Calvet 1996,
64) et celui dagir sur les langues coprsentes sur un territoire donn, par ex. le latin,
le franais et loccitan lpoque mdivale en France (cf. Polzin-Haumann 2006), de
ce fait le statut.1
1 Parfois, le terme status est galement employ (cf. par ex. loy 1997), mais ne simpose pas.
134
2 Par ex. : lexpansion de lusage dune langue (pareillement hors du pays dorigine), sa rpartition
fonctionnelle, son officialisation par la lgislation ou ses largissements lexical, morphosyntaxique et
terminologique.
3 [] nous ont laiss nostre Langue si pauure, et nue, quelle a besoign des ornementz, et (sil fault
ainsi parler) des plumes dautruy (du Bellay 1892 [1549], 56).
135
4 Cest sous linfluence du linguiste Jean-Claude Corbeil et les vnements au Qubec que ce remplacement seffectue.
136
5 La codification, donc la cration dune orthographe officielle, sinscrit dans la mme ligne (cf.
Boyer 2010, 69).
137
Il convient de prciser que le recul progressif du latin dans les crits cette priode
nest pas d lincomptence prsume des personnes matrisant lcrit, mais au fait
que ce latin ntait plus pratiqu du tout loral ; la majorit de la population de
lpoque ntait donc plus en mesure de le comprendre (Glessgen 2012, 373 ; cf. aussi
Grbl 2014).
La fin de la guerre de cent ans introduisit une nouvelle re puisque le rle de
loccitan, jusqu ce point une langue prestigieuse dans les domaines dcriture,
recula successivement en faveur de la langue vernaculaire du centre (le de France),
dite franoys, qui commena propulse par une nouvelle hgmonie politique et
une qualit administrative du royaume stendre inlassablement (Polzin-Haumann 2006, 1476). La ncessit dune langue unique et obligatoire pour le domaine
royal devenait de plus en plus vidente : les premiers dits royaux favorisant la
propagation du franais (ou parfois celle dautres langues vulgaires) furent publis et
rduisirent ainsi lusage du latin (sous Louis XI, 14611483, et Charles VIII, 1470
1498, voir note 6 ; Schmitt 1990, 355).
Et afin quil ny ait cause de doubter sur lintelligence desd. arrestz, nous voullons et ordonnons
quils soient faictz et escriptz si clerement quil ny ayt ne puisse avoir aucune ambiguite ou
incertitude, ne lieu a en demander interpretacion [Article 110].
Et pour ce que telles choses sont souventesfois advenues sur lintelligence des motz latins
contenuz esd. arrestz, nous voulons que doresnavant que tous arrestz, ensemble toutes autres
procedures, soit de noz courtz souveraines ou autres subalternes et inferieures, soient de
registres, enquestes, contractz, commissions, sentences, testaments, et autres quelzconques
138
actes et exploictz de justice ou qui en dpendent, soient prononcez, enregistrez et dlivrez aux
parties en langaige maternel franois et non autrement [Article 111].
Bien que lexistence dautres documents de ce type soit atteste ds la fin du XVe sicle
(et dans lesquels il apparat clairement que les dialectes et langues rgionales de
France concurrencent le franais, au mme titre que le latin6), ldit de VillersCotterts est considr comme la premire loi linguistique de France et marque ainsi
un grand tournant dans lhistoire de la langue de ce pays : alors que les textes taient
exclusivement rdigs en latin, les articles 110 et 111 imposrent lusage de la langue
franaise dans les tribunaux et pour ltablissement de lensemble des actes juridiques. Ceci sous le prtexte dassurer aux citoyens une meilleure comprhension des
documents officiels, des dpositions, tmoignages et/ou des accusations faites leur
encontre :
[c]ar si le besoin de clart, invoqu dans [l]article [111], avait t une raison srieuse, et non un
prtexte, on aurait admis, comme dans les ordonnances prcdentes, lemploi des idiomes
dialectaux. Or, lordonnance stipule schement que tout doit dsormais tre rdig en langage
maternel franais et non autrement . Et rien ne put sopposer cette dcision royale : on demeura
sourd aux nombreuses rcriminations des parlements provinciaux [] (Hagge 1996, 52s.).
6 Cf., par ex., LOrdonnance sur le reglement de la justice au pas de Languedoc (Charles VIII,
1490), autorisant le choix entre le langage franois ou maternel . Pour une plus ample documentation ce propos, cf. Siouffi (2007, 463s.).
139
140
141
derniers savraient, certes, superflus pour certaines provinces, mais ils demeuraient
politiquement pertinents pour les zones frontalires. Ainsi, lalsacien, le lorrain, le
corse, le basque et le breton tablissaient un lien entre la France et ses pays limitrophes ; le fait que ces populations soient bilingues reprsentait donc un intrt direct
pour la Rpublique.
Dans les annes 17931794, la question de la langue tourne lobsession. Bertrand Barre de Vieuzac, lun des artisans de la Terreur7, dclencha loffensive en
faveur de lexistence dune langue nationale unique.
Le 8 Pluvise, An II (soit le 27 janvier 1794), son Rapport du Comit de salut public
sur les idiomes fut prsent devant la Convention ; il sopposait avec virulence aux
patois et langues rgionales : Le fdralisme et la superstition parlent bas-breton,
lmigration et la haine de la rpublique parlent allemand, la contre-rvolution parle
italien et le fanatisme parle basque (Hagge 1996, 71). Ce rapport prconisait, entre
autres, lenvoi dinstituteurs dans les dpartements afin de mieux diffuser la langue
franaise. Cette initiative, malgr un engouement vigoureux pour le franais, naboutit pas en raison de moyens (humains et financiers) insuffisants.
Le dcret du 2 Thermidor, An II (soit le 20 juillet 1794) sur la langue franaise
entrina la terreur linguistique, imposa le franais comme langue unique de ladministration et pourchassa les langues rgionales et autres patois locaux.
Finalement, cest la scolarisation croissante, revendique pendant la Rvolution,
mais aboutie seulement aprs des dcennies dinstruction rpublicaine ( fin du
XIXe sicle ; cf. les lois Jules Ferry du 28 mars 1882 relatives lenseignement
obligatoire en primaire, de 6 13 ans) qui ralisera, effectivement mais autrement, le
programme initial propos par lAbb Grgoire, ainsi que lindustrialisation et lexode
rural, le service militaire obligatoire et lavance des mdia qui conduiront la
gnralisation de lusage du franais parmi les Franais. Le statut de la langue
franaise comme langue officielle de la Grande Nation qui commencera sinfiltrer
travers lenseignement et les mdias de faon croissante, lcrit comme loral,
jusque dans les coins et recoins les plus reculs du pays, est un fait accompli. La
puissance politique grandissante de la France aux XVIIIe et XIXe sicles entrana, en
outre, son accession au statut de langue des lites aristocratiques internationales et,
mme dans une certaine mesure, de la bourgeoisie des grandes capitales, sans
mentionner le grand nombre dindividus dans les colonies qui adoptrent, plus ou
moins volontairement, le franais comme langue civilisatrice . En bref, le nombre
de personnes qui apprenaient le franais comme langue seconde augmenta considrablement, provoquant un accroissement substantiel du prestige de la langue (cf.
Kloss 1974, cf. 1).
7 Priode stalant de mars 1793 (avec la naissance du tribunal rvolutionnaire) au 28 juillet 1794 (avec
la chute de Robespierre). Elle fut caractrise par les excutions de masse et le rgne de larbitraire.
142
Le trait de Rastatt, conclu entre lAutriche et la France en 1714 pour mettre fin la
guerre de succession dEspagne, offre la langue franaise son entre peu ou prou
officielle dans la vie diplomatique : pour la premire fois dans un trait international,
le franais y figure comme langue unique, en lieu et place du latin. On prcise toutefois
quil ne sagit l que dune exception afin de pouvoir mener bien les ngociations
avec le Marchal de Villars, plnipotentiaire franais qui ne matrise pas le latin.
Ds lors, entre 1714 et 1763, les traits internationaux furent normalement rdigs
en franais,8 mais chaque fois une mention spciale tait ajoute, prcisant que
lusage linguistique prsent nimpliquait pas obligatoirement son adoption officielle
en vue de futurs contrats (Berschin/Felixberger/Goebl 22008, 224). Cest seulement
aprs cette priode de transition que lon accepta lutilisation officielle du franais :
cest le cas partir du Trait de Paris, en 1763, qui mit fin la guerre de Sept Ans,
ruine de lEmpire colonial franais ; malgr la dfaite, on adopta la langue de la
France. Paradoxalement, nous constatons alors que ltablissement dune langue
comme moyen de communication international ne dpend pas dun pouvoir politique
quelconque car, dans aucun des traits dcisifs dalors, ni celui de Rastatt, ni celui de
Paris, la France ntait apparue comme vainqueur.
Ladoption conventionnelle du franais comme langue diplomatique unique en
Europe sera maintenue jusquau trait de Versailles. Si lon nglige la gne de
certains, durant une priode, admettre que le franais soit appliqu de faon
systmatique, alors de fait on sen tait servi durant deux sicles.
Le Trait de Versailles mit fin la Premire Guerre Mondiale. Il constitua lun des
rsultats de la Confrence de la Paix, qui eut lieu au Quai dOrsay, Paris, du 18
janvier 1919 au 20 aot 1920, o taient runis les reprsentants de 27 tats vainqueurs. Il fut sign le 28 juin 1919 dans la galerie des Glaces du chteau de Versailles
par lAllemagne et les puissances allies et associes. Il fut rdig en franais et en
anglais, les deux versions faisant galement foi.
Bien que la Confrence ait runi 27 nations, le Trait de Versailles a, en ralit, t
labor par quatre personnes : David Lloyd George (Grande-Bretagne), Vittorio Orlando (Italie), Georges Clmenceau (France) et Thomas Woodrow Wilson (tats-Unis
dAmrique). Au niveau linguistique, la langue de Shakespeare, seule langue
comprise par les quatre protagonistes, devint ainsi, ct du franais, la langue de
travail de la confrence et fut adopte officiellement pour la rdaction du Trait de
Versailles.
8 Exception faite pour le trait de 1718, conclu entre lAllemagne, lAngleterre et la France pour la
pacification de lEurope, qui fut rdig en latin. Les rserves alors mises par la France au niveau
linguistique furent acceptes.
143
Ctait la premire fois, depuis le Trait de Rastatt (1714), que le franais ntait plus
la seule langue officielle de la diplomatie occidentale. De nombreux reproches furent
adresss Clmenceau, jug coupable davoir plac langlais au mme rang que le
franais. Des protestations se firent entendre de la part du Prsident de la Rpublique
franaise et de lAcadmie franaise, ainsi que dans lopinion publique franaise.
Pourtant, en droit international, il ny a jamais eu de dposition crite au sujet
dune langue diplomatique. Le choix dune langue plutt quune autre se fait par
accord entre les partis, qui, au moment des ngociations, sont sur un pied dgalit ; il
nest donc pas ncessairement li une dominance politique ou militaire de lun des
ngociateurs. Il semble alors que des raisons pragmatiques aient conduit labandon
du franais comme langue diplomatique unique.
Vraisemblablement, des raisons extrieures ont galement contribu au cours des
choses. On nacceptait pas la prsence dinterprtes lors des confrences, dune part
en raison de lampleur secrte des ngociations, et dautre part parce quau dbut du
XXe sicle, ce ntait simplement pas la coutume.9
Il est vident que la valeur communicative de la langue franaise saffaiblit pour
la premire fois dans un domaine socioculturel. La langue atteignit, par consquent,
lapoge de prestige et commena au milieu du XXe sicle sa lutte contre la concurrence croissante de langlais (langue des deux nations partenaires les plus importantes dans la lutte contre le rgime nazi) qui menaait, dans un premier temps, le
franais, surtout dans son rle de langue seconde et diplomatique, donc de lingua
franca internationale.
9 Cf. les dbuts de linterprtation simultane lors du procs de Nuremberg, aprs la Seconde Guerre
Mondiale.
144
La loi Bas-Lauriol prescrit lusage obligatoire de la langue franaise dans lensemble des espaces publics et interdit strictement lemploi de termes trangers chaque
fois quil existe un quivalent franais agr par les commissions de terminologie.
Ainsi,
[] les transactions, dnominations et mode demploi des produits, rdactions des offres et
contrats de travail, inscriptions sur biens publics ou privs, informations ou prsentations de
programmes de radiodiffusion et de tlvision [] (Hagge 1996, 151)
[d]es lgendes entretenues par les systmes mondiaux transports, htellerie, colloques internationaux prtendent quon parle anglais dans toute lAsie, ce qui est totalement faux, ou bien
en Europe, ce qui nest partiellement vrai que dans le nord du continent. Les succs franais
lexportation ou dans la carrire scientifique, dit-on, supposent la matrise de langlais, ce qui
nest exact que dans quelques domaines (Rey 2007, 1290).
145
de la Ve Rpublique (rgime sous lequel la France vit depuis octobre 1958) fut ainsi
modifie le 25 juin 1992 sous la forme dun premier point dans larticle 2 (titre 1er) : La
langue de la Rpublique est le franais. (Constitution de la Rpublique franaise,
Art. 2). En premier lieu, il atteste plutt que ltat prend conscience dun problme,
proclament les voix critiques :
Certes, proclamer le franais langue officielle de la France est avouer que cela nest plus si
vident que cela pour certains, comme nous lavons vu dans les entreprises et la haute administration. Mais pour traiter un problme, il faut bien commencer par le poser (Montenay 2005,
226s.).
146
11 Deux exceptions sont admises : pour les cursus universitaires de langues trangres dont les cours
sont assurs dans les langues trangres respectives, et lorsque lenseignant est un intervenant
tranger invit, il a galement le droit dutiliser une langue trangre.
147
[i]l ne parat ni opportun, ni mme possible dadopter pareille disposition de loi dont la valeur
symbolique serait dautant plus grande quelle serait plus vague et qui inaugurerait de vritables
franchises linguistiques dans les universits franaises (Acadmie franaise 2013).
Les principaux reproches mis lgard de cette loi frlent parfois peut-tre le
politiquement incorrect, mais reposent sur une solide argumentation, sans appel.12
Largument avanc par la ministre amliorer lattractivit de lenseignement suprieur franais vis--vis des tudiants trangers (Piquemal 2013) est fortement
contest :
[i]l est faux, concrtement, de dire que toute la recherche se fait en anglais aujourdhui. 780
universits dans le monde utilisent le franais pour la formation et la recherche. Le franais est
une langue internationale de savoir, au mme titre que langlais, le mandarin ou lhindi. Les faits
sont l (Cerquiglini cit par Piquemal 2013).
Malgr les trs nombreuses protestations, le projet de loi Fioraso a t adopt par le
Snat le 3 juillet 2013 et par lAssemble nationale le 9 juillet 2013. La loi a t
promulgue le 23 juillet 2013. La France a donc choisi de saligner sur la politique
danglicisation adopte par ses partenaires dEurope du Nord, sans tenir compte des
rsultats ngatifs reports au moins par lAllemagne,13 et sans prendre en considration le fait fondamental que, contrairement la Scandinavie, aux Pays-Bas et
lAllemagne, [elle] nest pas en comptence de miser sur [langlais] (Truchot
2013).
En conclusion, les interventions de ltat franais sur les langues est encore
perceptible dans le comportement linguistique de ses concitoyens, mme sil faut
admettre que la grande majorit de la population nest pas (ou trs peu) initie aux
travaux des commissions terminologiques et lois linguistiques dcrtes. La mondialisation et les dfis dun pays dimmigration requirent un amnagement linguistique
chaque fois moins dirigiste et ouvert aux droits des minorits, cest--dire adapt la
diversit du XXIe sicle.
12 Notamment ici, le linguiste Bernard Cerquiglini et langliciste et sociolinguiste Claude Truchot (cf.
Truchot 2013).
13 LAllemagne a galement pratiqu une politique danglicisation dans ses universits durant une
dcennie. Elle reconnat elle-mme aujourdhui que le bilan nest pas satisfaisant (cf. Hochschulrektorenkonferenz 2011).
148
Lexistence dune autorit et dun ou plusieurs organismes et institutions responsables des questions de la langue reprsente un fait accompli dans lhistoire du
franais, et ce ds ses premiers pas essentiels en direction de la standardisation.
Lintervention sur la langue elle-mme dbute gnralement avec la pratique de
standardisation. Pour quune langue tende son usage dans divers domaines socioculturels, il faut quelle soit fixe dans son usage, cest--dire quil est indispensable
dlaborer et dofficialiser une orthographie, de promouvoir ldition dune grammaire et dun dictionnaire officiels. Ces travaux servent de rfrence quand la langue
vit une diffusion par les documents administratifs, scolaires, etc. Parfois, il est quasiment impossible de discerner avec prcision entre des organismes qui interviennent
sur le statut (cf. 2) et ceux, qui effectuent les travaux pratiques sur la langue car la
motivation de leur fondation rside, dans la majorit des cas, dans une volont
dassurer le statut de la langue travers les interventions dirigistes sur le corpus de la
langue (cf. 1). Cest pourquoi, il faut galement signaler, dans ce chapitre, linteraction
de ces deux aspects de la politique linguistique.
Les premires avances concernant la dfense de la langue, qui senracinent dans
une sensibilisation croissante en matire de langue due au contact grandissant avec
lItalie et sa conscience linguistique leve, se notent dans les cercles intellectuels et
littraires au tournant des XVe et XVIe sicles (cf. Haas 1991, 15). La langue nationale
est surtout dfendue par les hommes de lettres (Geoffroy Tory, Joachim du Bellay, cf.
1) et simpose peu peu dans quelques domaines de lenseignement.
149
langue orale qui lui parat plus importante comme modle que les textes des auteurs
classiques. Sa distinction entre le bon usage, rpandu au sein dune lite de voix ( la
cour), et le mauvais usage, bien diffus parmi la plus grande partie du peuple,
caractrise longtemps le discours dirigiste. Il est noter que, dans sa critique,
Vaugelas sappuie dj sur les crits des auteurs contemporains (dont la plupart sont
membres de lAcadmie franaise), et fait lloge de la langue parle par les femmes
des salons (cf. Winkelmann 1990, 340ss.). Mais, en essence, la norme se dveloppe
sous linfluence de la langue de la cour et la langue littraire, particulirement depuis
linstigation de Malherbe et de Vaugelas qui font jaillir lide que les deux langues
devraient converger le plus possible. Lobjectif constant de lamnagement institutionnalis demeure : atteindre un point de maturit similaire celui du latin.
La critique linguistique normativiste, en promulguant la puret et llgance de la
langue franaise, se communalise de plus en plus jusqu la fin du XVIIe sicle (cf.
Settekorn 1988, 64) et apporte un lan de fracheur lamnagement institutionnalis.
Celui-ci dbute en 1635 avec la fondation de lAcadmie franaise.
Les meilleurs auteurs de la langue franoise seront distribus aux Acadmiciens, pour observer
tant les dictions, ou les phrases qui peuvent servir de rgles gnrales, et en faire rapport la
Compagnie, qui jugera de leur travail et sen servira aux occasions (Statuts et Rglements de
lAcadmie Franoise du 22 fvrier 1635, Art. 25).
14 Lide initiale provient dun groupe dauteurs et de grammairiens autour de Valentin Conrart (cf.
Winkelmann 1990, 342).
150
15 Toutefois, sa prsence en ligne se propose de promouvoir le contact interactif avec les francophones en offrant des possibilits de poser une question sur un point prcis de la langue ou bien de
consulter le Dictionnaire.
151
Ce comit, plus tard renomm en Haut Comit de la langue franaise (1973), fournit
divers dcrets relatifs lenrichissement de la langue franaise. Il est soumis
plusieurs rorganisations et assure des interventions linguistiques importantes qui
16 nommer pour la priode avant-guerre : la Socit nationale pour la dfense du gnie franais et
la protection de langue franaise contre les mots trangers, les nologismes inutiles et toutes dformations qui la menacent (1911), lAssociation franaise de normalisation en matire de langage technique
(AFNOR, 1926), et lOffice de la langue franaise (OLF, 1937). Ce dernier publiait ses rsultats dans la
revue Le Franais moderne . Les activits les plus durables sont prsentes lAFNOR qui cre, en
1954, le Comit dtude des termes techniques franais pour lutter contre les anglicismes dans la
terminologie technique et prconise, en 1973, aprs la publication de listes terminologiques dans
plusieurs revues, la cration dune banque terminologique automatise, appele Normaterm.
152
seront dterminantes pour les dveloppements postrieurs (surtout ceux des annes
70, cf. Schmitt 1979, 39).
En 1984 le Haut Comit pour la langue franaise est remplac par deux organismes : le Comit consultatif et le Commissariat gnral la langue franaise (aussi
appel le Haut Commissariat la langue franaise).17 Ce commissariat sera substitu,
en 1989, par la Dlgation gnrale la langue franaise (DGLF), rebaptise en
Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de France (DGLFLF) partir
du 2001, qui agit sous la tutelle du ministre de la Culture et de la Communication
comme organisme tourn vers lintrieur et contrle lapplication de la loi Toubon.
Son rle est celui dun service qui vise la coopration interministrielle pour
laborer la politique linguistique de ltat en liaison avec les autres ministres et
inclut, pour la premire fois, la mission de renforcer la diversit linguistique.
La DGLFLF publie chaque anne, au nom du gouvernement, le Rapport au
Parlement sur lemploi de la langue franaise (cf. par ex. DGLFLF 2013) et veille
llaboration et la diffusion de la terminologie propose par la Commission gnrale
de la terminologie et nologie (CGTN) en liaison avec lAcadmie franaise et les
Commissions spcialises de terminologie et nologie (CSTN) de chaque ministre.
Pour apprhender le dfi de la diffusion des rsultats des institutions, il est recommand dexaminer un projet en dtail.
153
rement (par le JORF) pour orienter les usagers du franais scientifique et technique.
Mme si la protection et la sauvegarde du franais ne sont pas propulses littralement dans largumentation, celle-ci dvoile, clairement, lobjectif dfensif du projet :
Certes, le franais est bien vivant et ladaptation de son vocabulaire aux volutions du monde
contemporain se fait en grande partie directement, dans les laboratoires, les ateliers ou les
bureaux dtudes. Mais pour viter que, dans certains domaines, les professionnels soient obligs
de recourir massivement lutilisation de termes trangers qui ne sont pas comprhensibles par
tous, la cration de termes franais pour nommer les ralits daujourdhui doit tre encourage
et facilite : la production terminologique en franais est donc un impratif (France Terme
2014).
Les arguments, maintes fois voqus, comme la vitalit, lintelligibilit, le perfectionnement et lenrichissement de la langue, servent de mots dordre dans un discours de
justification des activits de dfense. Lexemple France Terme, en relevant la facilit
de son usage, montre toutefois, que les dispositifs lectroniques soutiennent activement le processus de diffusion par une accessibilit aise aux termes convenus
officiellement et facilite le dialogue avec le grand public (voir les sections Bote
ides ou Nous crire du site).
Il est donc vident que la dfense institutionnalise de la langue franaise,
consciente de la force qui rside dans la possibilit de participation publique et
laction civile, soriente de plus en plus vers une ouverture au public, afin de concourir lacceptation des termes et daffronter, de cette manire, les critiques de ce type :
Ltat ayant peu investi dans ltude des processus de diffusion, le sort de ces termes est laiss
quasiment au hasard. Leur caractre obligatoire est en gnral ignor, lexistence mme des
arrts est peu connue, et leffet normatif de ces textes est trs faible (loy 1997, 14).
4 Conclusions
Une varit voit le jour, impose et fixe par le souverain, slargit aux ncessits
dusage administratif et comme langue diplomatique, russit en tant que langue de
science et technique et devient un moyen important de cohrence et de prosprit
154
sociale (en dtail, Lodge 1993 ; 1997). Formul plus directement : qui ne parle pas
franais est contre le Roi, contre la Rvolution, contre ltat, contre lidentit nationale (cf. Berschin/Felixberger/Goebl 22008, pour une vue densemble). Ce continuum
de pense, bien enracin, qui ne vise gure accepter lunit dans la diversit (par ex.
les patois), mais qui recherche toujours un standard assez labor du franais,
conduit au fait que ce standard soit constamment surveill, protg et labor par les
intellectuels, et surtout par les entits officielles, notamment depuis 1635 avec lAcadmie franaise (cf. 3.2).
Au XXe sicle, quand le franais se voit de plus en plus menac par langlais et
commence perdre sa primaut comme langue diplomatique internationale, ltat
intervient en fondant divers organismes et institutions pour mettre en place des
mesures. Mme si les gouvernements franais ont t trs ingalement actifs dans ce
domaine (Montenay 2005, 212), il devient quasi obligatoire que chaque gouvernement montre son souci dfensif pour la langue nationale et une certaine activit dans
lintervention (cf. loy 1997, 15).
Dun gouvernement lautre, les nuances politiques se marquent dans la thmatique et dans la
manire de faire : par exemple le choix dun style rpressif, dun ton scuritaire, ou encore la
manire de raliser des innovations dans la visibilit ou dans lconomie, sous la forme de
modifications dorganigramme, comme le montre depuis 1980 lvolution des institutions voues
la langue franaise (loy 1997, 16).
18 La dclaration interprtative prpare par les autorits allait sensiblement au-del des auteurs de
la Charte ; ainsi la procdure de ratification est suspendue jusqu une ventuelle rvision de la
Constitution un avnement peu probable court terme (cf. Landick et al. 2003, 6265).
155
langue franaise comme langue unique nationale. Les mesures introduites par les
organismes de la dfense institutionnalise (cf. 3) garantissent llaboration, lactualisation et la purification recherche du franais, donc le dveloppement soutenu du
corpus de la langue franaise. Les institutions et activits sont bien nombreuses et
varies, mais au niveau de la pratique de lamnagement linguistique, ce qui
manque, cest une volont politique de coordonner, de runir et de faire travailler
efficacement au sein dun seul et mme organisme (Cornilleau 2010, 396). Cornilleau
(2010) critique surtout le fait que les amnageurs nuvrent quen ordre dispers et
sans laide irremplaable du poids de ltat, le seul qui puisse faire obstacle aux
intrts commerciaux de la mondialisation dont langlo-amricain est larme redoutable (ibid., 396). Toutefois, il est vident que le prestige de la langue franaise est
toujours norme, d lhistoire glorieuse dans une large mesure. La chute du franais
au niveau du statut international reprsente un vrai dfi pour la glottopolitique de
ltat franais, la peur de langlais persiste depuis presque une centaine danne. En
mme temps, le travail concret, par ex. celui de la terminologie, devient chaque fois
plus pragmatique, la relation avec langlais dans la vie publique quotidienne chaque
fois moins rigide et coince.
Chansou (2003, 181) soppose, par ex., activement une rationalisation excessive
en matire lexicale qui conduit des propositions irralistes.
Les anglicismes ne doivent pas tre rejets dune faon systmatique. Une langue vit demprunts, et lon constate que certains termes trangers sont adopts dans lusage parce quils
rpondent en dfinitive un besoin durable. On sattachera donc avant tout privilgier la clart
de la communication (Chansou 2003, 181).
Une telle proposition aurait t perue comme un sacrilge il y a quelques dcennies, et mme de nos jours, elle implique une approximation de la ralit sociolinguistique (loin dune norme sociolectale et litaire) qui exige un exercice sur la
corde raide pour adapter la langue un monde qui change toute vitesse. Toutefois, dans la mme ligne, Chansou (2003) revendique, ainsi que Cornilleau (2010)
et beaucoup dautres, un interventionnisme dcid de la part de ltat franais
(Chansou 2003, 181).
Si le statut de la langue est bien stable en France et irrversiblement ancr dans la
Constitution (cf. 2.4), le besoin dlaboration de corpus augmente pour garantir la
vitalit et avec elle le maintien du prestige de la langue (cf. 1). Pour couronner une
telle initiative de succs, une vritable politique dinformation et une modification
de limage publique de laction des pouvoirs publics sont ncessaires afin dloigner
les interventions des contraintes et rpressions (cf. Chansou 2003, 181 ; dans la mme
ligne, Klinkenberg 2001). Il est fort possible quune telle ouverture permettra galement une acceptation croissante de la notion de langue polynomique ou de langue
polycentrique (cf. 1). Celle-ci librerait, sans doute, lamnagement linguistique en
France, selon lexemple de lespagnol, des exigences exagres dune standardisation
indivisible.
156
5 Bibliographie
5.1 Ouvrages de rfrence
Alibert, Louis (1935), Gramatica occitana segon los parlars lengadocians, 2 volumes, Toulouse,
Societat destudis occitans / (1976), 2nde dition en un volume, Montpellier, Centre destudis
occitans.
Acadmie des Sciences Morales et Politiques (1983), Ordonnances des rois de France. Rgne de Franois Ier, tome IX, 3e partie, Paris, ditions du CNRS.
Acadmie franaise (1694, 1718, 1740, 1762, 1798), Dictionnaire de lAcadmie franaise, Paris,
Imprimerie nationale.
Acadmie franaise (1932), Grammaire de lAcadmie franaise, Paris, Firmin-Didot.
Acadmie franaise (2013), Dclaration du 21 mars 2013, http://www.academie-francaise.fr/actualites/declaration-de-lacademie-francaise-du-21-mars-2013 (05.01.2014).
Aracil, Llus V. (1982 [1965]), Conflicte lingstic i normalitzaci lingstica a lEuropa nova, Papers de
socio-lingstica, Barcelona, La Magrana, 2338.
Argod-Dutard, Franoise (ed.) (2003), Quelles perspectives pour la langue franaise ? Histoire, enjeux
et vitalit du franais en France et dans la Francophonie, Deuximes Lyriades de la langue
franaise 2002, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Baggioni, Daniel (1997), Langues et nations en Europe, Paris, Payot et Rivages.
Balibar, Rene/Laporte, Dominique (1974), Le franais national : politique et pratiques de la langue
nationale sous la Rvolution franaise, Paris, Hachette.
Baum, Richard (1989), Sprachkultur in Frankreich. Texte aus dem Wirkungsbereich der Acadmie
Franaise, Bonn, Romanistischer Verlag.
Berschin, Helmut/Felixberger, Josef/Goebl, Hans (22008), Franzsische Sprachgeschichte, Hildesheim/Zrich/New York, Olms.
Boyer, Henry (2010), Les politiques linguistiques, Mots. Les langages du politique 94, 6774.
Braselmann, Petra (1999), Sprachpolitik und Sprachbewusstsein in Frankreich heute, Tbingen,
Niemeyer.
Brunot, Ferdinand (1966), Histoire de la langue franaise Des origines nos jours, 13 vol., Paris,
Rdition Colin.
Calvet, Jean-Louis (1996), Les politiques linguistiques, Paris, Presses Universitaires de France.
Calvet, Jean-Louis (1999), La guerre des langues et les politiques linguistiques, Paris, Hachette.
Caput, Jean-Pol (1986), LAcadmie franaise, Paris, Presse Universitaires de France.
Cerquiglini, Bernard (1991), La naissance du franais, Paris, Presses Universitaires de France.
Certeau, Michel de/Julia, Dominique/Revel, Jacques (1975 [2002 pour la postface]), Une politique de la
langue La Rvolution franaise et les patois : lenqute de Grgoire. Paris, ditions Gallimard.
Chansou, Michel (2003), Lamnagement lexical en France pendant la priode contemporaine
(19501994). tude de sociolexicologie, Paris, Champion.
Cooper, Robert L. (1989), Language Planning and Social Change, Cambridge, Cambridge University
Press.
157
Cornillau, Claude Camille (2010), Langue franaise : de la dfense loffensive, Paris, Dualpha.
DGLFLF (2013), Rapport au Parlement sur lemploi de la langue franaise, http://www.dglf.culture.
gouv.fr/publications/Rapport%20au%20Parlement_2013.pdf (10.01.2014).
du Bellay, Joachim (1892 [1549]), Deffense et Illustration de la Langue Francoyse, Paris, Cerf et Fils
[Paris, ArnoullAngelier].
Duval, Frderic (2007), Le Moyen ge, in : Alain Rey/Frdric Duval/Gilles Siouffi (edd.), Mille ans de
langue franaise : Histoire dune passion, Paris, Perrin, 9349.
Eckkrammer, Eva M. (2012), Zur Normalitt einer sprachlichen Situation : Sprachpolitische Befunde zu
drei Kontinenten als Grundlage einer Rekonzeptualisierung, in : Peter Holzer/Vanessa Gampert/
Cornelia Feyrer (edd.), Es geht sich aus zwischen Philologie und Translationswissenschaft :
Translation als Interdisziplin, Festschrift fr Wolfgang Pckl, Frankfurt am Main, Lang, 6176.
loy, Jean-Michel (1997), Amnagement ou politique linguistique ?, Mots 52, 722.
Glessgen, Martin-Dietrich (2012), Linguistique romane. Domaine et mthodes en linguistique franaise et Romane, Paris, Colin.
Grevisse, Maurice/Goosse, Andr (2008 / 14e dition), Le bon usage. Grammaire franaise avec les
remarques sur la langue franaise daujourdhui, Bruxelles, De Boeck Universit.
Grbl, Klaus (2014), Variettenkontakt und Standardisierung im mittelalterlichen Franzsisch. Theorie, Forschungsgeschichte und Untersuchung eines Urkundenkorpus aus Beauvais (12411455),
Tbingen, Narr.
Guespin, Louis/Marcellesi, Jean-Baptiste (1986), Pour la Glottopolitique, Languages 21 : 83, 534.
Haarmann, Harald (1988), Allgemeine Strukturen europischer Standardsprachenentwicklung, Sociolinguistica Jg. 1988 H. 2, 1051.
Haarmann, Harald (1990), Sprache und Prestige. Sprachtheoretische Parameter zur Formalisierung
einer zentralen Bedeutung, Zeitschrift fr romanische Philologie 106, 121.
Haarmann, Harald (1993), Die Sprachenwelt Europas. Geschichte und Zukunft der Sprachnationen
zwischen Atlantik und Ural, Frankfurt am Main/New York, Campus.
Haas, Rainer (1991), Franzsische Sprachgesetzgebung und europische Integration, Berlin, Duncker
& Humblot.
Hagge, Claude (1996), Le franais, histoire dun combat, Boulogne-Billancourt, ditions Michel
Hagge.
Hagge, Claude (2012), Contre la pense unique, Paris, Jacob.
Haugen, Einar (1959), Planning for a standard in Modern Norway, Anthropological Linguistics 1:3,
821.
Haut Comit de la Langue Franaise (1975), La loi relative lemploi de la langue franaise, Paris, La
Documentation Franaise.
Hochschulrektorenkonferenz (2011), Sprachenpolitik an deutschen Hochschulen (Politique linguistique dans les universits allemandes) Empfehlung der 11. Mitgliederversammlung der HRK am
22.11.2011 in Berlin, Zusammenfassung, http://www.hrk.de/positionen/beschluesse-nachthema/ convention/empfehlung-sprachenpolitik-an-deutschen-hochschulen/ (20.01.2014).
Klinkenberg, Jean-Marie (2001), La langue et le citoyen. Pour une autre politique de la langue
franaise, Paris, Presses Universitaires de France.
Kloss, Heinz (1969), Grundfragen der Ethnopolitik im 20. Jahrhundert. Die Sprachgemeinschaften
zwischen Recht und Gewalt, Wien/Stuttgart, Braumller/Bad Godesberg, Wissenschaftliches
Archiv.
Kloss, Heinz (1974), Die den internationalen Rang einer Sprache bestimmenden Faktoren. Ein Versuch,
in : Kloss, Heinz (red.), Deutsch in der Begegnung mit anderen Sprachen ; Beitrge zur Soziologie
der Sprachen, Tbingen, Narr, 777.
Kolboom, Ingo/Kotschi, Thomas/Reichel, Edward (edd.) (2008), Handbuch Franzsisch : Sprache,
Literatur, Kultur, Gesellschaft, Berlin, Schmidt.
158
Labrie, Normand/Nelde, Hans-Peter (1994), Lamnagement linguistique dans la communaut europenne, in : Fernand Carton/Odric Delefosse (edd.), Les langues de lEurope de demain, Paris,
Presses de la Sorbonne nouvelle, 117127.
Landick, Marie et al (edd., 2003), La langue franaise face aux institutions. Actes du colloque du
24 novembre 2000 Royal Holloway, University of London, Paris, LHarmattan.
Lapierre, Jean-William (1993), Lidentit collective, objet paradoxal : do nous vient-il ?, Recherches
sociologiques 15 : 23, 195205.
Lodge, R. Anthony (1993), French, from Dialect to Standard, London, Routledge.
Lodge, R. Anthony (1997), Le franais Histoire dun dialecte devenu langue, Paris, Fayard.
Lot, Ferdinand (1931), quelle poque a-t-on cess de parler latin ?, Archivium Latinitatis Medii Aevi
6, 97159.
Marcellesi, Jean-Baptiste (1984), La dfinition de langues en domaine roman : les enseignements
tirer de la situation corse, in : Bouvier, Jean-Claude (ed.), Actes du XVIIe Congrs
International de Linguistique et Philologie Romanes (Aix-en-Provence, 29 aot 3 septembre
1983), vol. 5 : Sociolinguistique des langues romanes, Aix-en-Provence, Universit de Provence,
309314.
Marcellesi, Jean-Baptiste (1987), Laction thmatique programme : individuation sociolinguistique
corse le corse langue polynomique, tudes corses 28, Corte, A.C.S.H., 518.
Montenay, Yves (2005), La Langue franaise face la mondialisation, Paris, Les Belles Lettres.
Mller, Bodo (1985), Le franais daujourdhui, Paris, Klincksieck.
Piquemal, Marie (2013), Luniversit franaise va-t-elle parler anglais ?, Libration 12.04.2013, http://
www.liberation.fr/societe/2013/04/12/l-universite-francaise-va-t-elle-parler-anglais_895729
(10.01.2014).
Pitti Ferrandi, Franois (1991), Le franais, langue diplomatique, in : AMOPA 115 [xxx](octobre-novembre-dcembre 1991, http://www.amopa.asso.fr/francophonie_defi2.htm (10.01.2014).
Polzin-Haumann, Claudia (2006), Sprachplanung, Sprachlenkung und institutionalisierte Sprachpflege : Franzsisch und Okzitanisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen und ihrer
Erforschung, vol. 2, Berlin/New York, 14721486.
Popelar, Inge (1976), Das Akademiewrterbuch von 1694 das Wrterbuch des Honnte Homme ?,
Tbingen, Niemeyer.
Rey, Alain (1972), Usages, jugements et prescriptions linguistiques, Langue franaise 16, 428.
Rey, Alain (2007), Du premier Empire au XXIe Sicle, in : Alain Rey/Frdric Duval/Gilles Siouffi (edd.),
Mille ans de langue franaise : Histoire dune passion, Paris, Perrin, 9611320.
Schmitt, Christian (1979), Sprachplanung und Sprachlenkung im Franzsischen der Gegenwart, in :
Eckhard Rattunde (ed.), Sprachnorm(en) im Fremdsprachenunterricht, Frankfurt am Main/Berlin/
Mnchen, Diesterweg, 744.
Schmitt, Christian (1988), Typen der Ausbildung und Durchsetzung von Nationalsprachen in der
Romania, Sociolinguistica 2, 73116.
Schmitt, Christian (1990), Franzsisch : Sprache und Gesetzgebung. Lgislation linguistique, in :
Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik
(= LRL), vol. 5,1 : Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 354379.
Settekorn, Wolfgang (1988), Sprachnorm und Sprachnormierung in Frankreich : Einfhrung in die
begrifflichen, historischen und materiellen Grundlagen, Tbingen, Niemeyer.
Siouffi, Gilles (2007), De la Renaissance la Rvolution, in : Alain Rey/Frdric Duval/Gilles Siouffi
(edd.), Mille ans de langue franaise : Histoire dune passion, Paris, Perrin, 455958.
Torres, Joaquim (1984), Problems of linguistic normalization in the Pasos Catalans : from the
Congress of Catalan Culture to the present day, International Journal of the Sociology of
Language 47, 5962.
159
Truchot, Claude (2013), En ignorant les expriences ngatives de lAllemagne et des Pays-Bas, Un
enseignement en anglais dans les universits franaises ?, Mmoire des luttes, http://www.
medelu.org/Un-enseignement-en-anglais-dans (21.01.2014).
Winkelmann, Otto (1990), Franzsisch : Sprachnormierung und Standardsprache. Norme et Standard,
in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (= LRL), vol. 5,1 : Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 334353.
Wolf, Lothar (1972), Texte und Dokumente zur franzsischen Sprachgeschichte, 17. Jahrhundert, Tbingen, Niemeyer.
5.3 Sitographie
Acadmie franaise : http://www.academie-francaise.fr (10.01.2014).
Assemble nationale : http://www.assemblee-nationale.fr (10.01.2014).
DGLFLF (Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de France) : http://www.dglf.
culture.gouv.fr/ (14.01.2014).
DLF (Dfense de la langue franaise) : http://www.langue-francaise.org/ (10.01.2014).
France Terme : http://www.culture.fr/Ressources/FranceTerme (14.01.2014).
Lgifrance le service public de la diffusion du droit : http://www.legifrance.gouv.fr (24.01.2014).
Dietmar Osthus
Abstract : Depuis le milieu des annes 1990 les rflexions mtalinguistiques des nonexperts font bien partie des recherches dans le cadre de la linguistique applique
comme de la sociolinguistique. Dans cet article nous traiterons les racines de cette
linguistique populaire qui remontent dans la tradition franaise jusquau XVIIe
sicle avec mme des prcurseurs mdivaux et qui forment une partie essentielle
du discours normatif. La casuistique linguistique fait progressivement place des
manuels contre les vulgarismes et des chroniques de langage relayes par la
presse crite partir du XIXe sicle. Aujourdhui lInternet hberge maintes activits
mtalinguistiques qui permettent mme des changes entre experts et profanes
en matire linguistique.
1 Remarques prliminaires
La premire dcennie du nouveau millnaire marque une forte pousse des recherches sur la linguistique populaire, en France comme lchelle internationale. Avec
la publication de louvrage de Niedzielski/Preston (2003 [11999]), lutilit dune
linguistique populaire (angl. folk linguistics) commence simposer dans plusieurs
branches des sciences du langage, notamment en sociolinguistique et en linguistique
applique. Dautres champs dtude comme la didactique des langues (Paveau 2005),
les recherches sur les discours normatifs (Osthus 2003 ; Damar 2010) ou la dialectologie (Falkert 2012) ont bien pris en compte des phnomnes lis aux rflexions et
discours mtalinguistiques des non-experts. Pour dsigner ce champ dtudes, il
existe toute une panoplie de termes diffrents (Stegu 2008). La philologie romane a
cr le terme linguistique des profanes , probablement en analogie lallemand
Laien-Linguistik qui dsigne selon le germaniste Gerd Antos (1996) tout type
dactivits mtalinguistiques destines aux non-experts, ce qui est distinguer dune
popularisation des rsultats de la linguistique dite scientifique . Paveau (2005, 96)
propose galement des dsignations comme linguistique spontane ou nave ou
bien linguistique du sens commun , comme dautres parlent de la linguistique
hors du temple (Achard-Bayle/Paveau 2008). Malgr lintgration tardive des folk
disciplines dans le champ scientifique franais (Paveau 2005, 97), on peut constater
une rception croissante de leurs thormes, notamment travers les publications
de Marie-Anne Paveau, Laurence Rosier (par ex. Paveau/Rosier 2008), ou de Guy
161
162
Dietmar Osthus
163
Il entre dans nos vues de concourir autant quil sera en nous lpuration de la langue
franaise ; nous marquerons du sceau de la rprobation les expressions nouvelles qui nauront
pas reu la sanction des gens de lettres, et surtout les gasconismes, les provincialismes (cit
daprs HLF X/2, 726).
Barbara Grtz (1990, 50) montre la continuit entre la tradition textuelle des Remarques et Observation et la critique mtalinguistique de la presse priodique. De 1861
1881, il existe mme un journal bimensuel Le Courrier de Vaugelas consacr la
propagation universelle de la langue franaise , traitant principalement comme
lindique le frontispice des questions grammaticales et philologiques. Au contraire
du Courrier de Vaugelas qui cherche combiner (voire mme rconcilier) les
perspectives normativiste et philologique, les chroniques de langage parues dans les
grands journaux adoptent souvent des positions anti-philologiques. partir des
annes 1910, notamment, la dichotomie entre grammairiens et philologues commence
saccentuer. Cest avec lide de la crise de la langue que les commentateurs
puristes, dfendant une vision traditionaliste du bon usage, sloignent de plus en
plus des positions de la philologie acadmique. Quelques auteurs comme Abel
Hermant (18621950) se font le porte-parole dune critique grammaticale de type
puriste. Dans ses chroniques publies sous le nom de plume Lancelot qui fait
allusion la grammaire raisonne dite de Port-Royal (Arnauld/Lancelot 1660) il
cultive une aversion surtout envers la linguistique descriptive, reprochant ainsi aux
philologues leur esprit de contradiction ou de perversit (23.1.1935 ; Hermant 1936/
1938) et dfendant une conception traditionaliste de la faute linguistique :
Lusage est souverain en fait de langage, mais il ne lgitime pas plus une faute ou une locution
vicieuse que lhabitude, dans lordre de la morale, ne lgitime le pch (Hermant 1929, 35).
Beaucoup de ses chroniques ragissent soit aux questions ou remarques des lecteurs,
soit aux objections faites par dautres chroniqueurs de journaux concurrents. Les
chroniques de Lancelot sont parmi les articles les plus populaires du Temps et du
Figaro des annes 1920 et 1930. Avec sa condamnation pour avoir collabor avec
loccupant, Abel Hermant est discrdit aprs la libration et mme dchu de lAcadmie franaise.
La tradition des chroniques de langage se poursuit aprs la Seconde Guerre
Mondiale. Les chroniques continuent de discuter des questions de la correction
164
Dietmar Osthus
Notre langue doit tre activement dfendue contre ceux qui tendent restreindre sa vie en
opposant des blmes et des condamnations aux changements volutifs qui sont dans la nature
des choses. Elle doit tre protge contre les censeurs dont la seule proccupation [] est de
prserver la prennit des rgles enseignes depuis le dbut du 19e sicle, lappui dune
orthographe elle-mme immobilise (Cohen 1966, 7).
Le purisme devient ainsi la cible dattaques anti-puristes, identifiables par une attitude non-conformiste qui acquiert une certaine popularit notamment partir des
annes 1960. Toujours est-il que les positions en faveur des rformes de lorthographe
ou des simplifications grammaticales restent minoritaires.
Cest partir des annes 1960 que les linguistes et philologues comme Jacques
Cellard (Le Monde), Alain Rey (Radio France, TV5) ou Maurice Grevisse (Le Soir) font
leur entre dans les rangs des chroniqueurs. La chronique de langage ne se limite plus
la presse crite, mais se retrouve galement dans les mdias audiovisuels et
partir des annes 1990 sur Internet. Toujours est-il que les chroniqueurs remplissent
la fonction de directeur des consciences linguistiques (Cellard 1983, 664) et rpondent ainsi au besoin des lecteurs davoir des orientations normatives. Bien quil y ait
une certaine popularisation des recherches linguistiques, la plupart des chroniques
traitent des aspects pratiques de norme et dusage linguistique. Aujourdhui, les
mdias contribuent galement par des sites interactifs comme langue, sauce piquante,
le blog des correcteurs du Monde (http://correcteurs.blog.lemonde.fr), commenter
lactualit mtalinguistique. Ainsi se cre un espace de dialogue entre journalistes,
experts en linguistique et le public intress.
165
166
Dietmar Osthus
167
le purisme des internautes envers leur langue ne se manifeste pas de la mme manire selon
llment linguistique observ. [] Les commentaires puristes sont diffrents selon que le point
abord concerne la syntaxe ou la morphologie (Damar 2010, 128)
168
Dietmar Osthus
4 Bibliographie
Achard-Bayle, Guy/Paveau, Marie-Anne (edd.) (2008), Linguistique populaire ?, Pratiques 139/149.
Anon. [Louis-Augustin Alemand] (1688), Observations nouvelles ou Guerre civile des Franois sur la
langue, Paris, Langlois.
Antos, Gerd (1996), Laien-Linguistik Studien zu Sprach und Kommunikationsproblemen im Alltag,
Tbingen, Niemeyer.
Ayres-Bennett, Wendy (1997), From Malherbe to the French Academy on Quinte-Curce : The Role of
Observations, Translations and Commentaries in French Linguistic Thought, Seventeenth-Century French Studies 19, 19.
Ayres-Bennett, Wendy/Seijido, Magali (2011), Remarques et observations sur la langue franaise.
Histoire et volution dun genre, Paris, Garnier.
Boughton, Zo (2006), When perception isnt reality : Accent identification and perceptual dialectology
in French, Journal of French Language Studies 16:3, 277304.
Brunot, Ferdinand (1968), Histoire de la langue franaise des origines nos jours, vol. X/2. La langue
classique dans la tourmente. Le retour lordre et la discipline, Paris, Armand Colin.
169
Buffet, Marguerite (1668), Nouvelles observations sur la langue franoise : o il est trait des termes
anciens et inusitez et du bel usage des mots nouveaux, Paris, Cusson.
Caput, Jean-Pol (1972/1975), La langue franaise histoire dune institution, 2 vol., Paris, Larousse.
Cellard, Jacques (1983), Les chroniques de langage, in : dith Bdard/Jacques Maurais (edd.), La
norme linguistique, Qubec/Paris, Conseil de la langue franaise et al., 651666.
Cohen, Marcel (1966), Encore des regards sur la langue franaise, Paris, ditions sociales.
Cohen, Marcel (1972), Toujours des regards sur la langue franaise, Paris, ditions sociales.
Damar, Marie-ve (2010), De la polymorphie du purisme linguistique sur lInternet, Langage et socit
131:1, 113130.
Dring, Martin/Osthus, Dietmar/Polzin-Haumann, Claudia (2012), Das Internet als Arena des Sprachenstreits : metasprachliche Auseinandersetzungen um das Asturiano, das Mirands und das
Occitan im Vergleich, in : Judith Visser/Dietmar Osthus/Christian Schmitt (edd.), Streit um
Sprache. Akten zur gleichnamigen Sektion des XXXI. Romanistentags 2009, Bonn, Romanistischer
Verlag, 87122.
Falkert, Anika (2012), La dialectologie perceptuelle : problmes et perspectives, Dialectologia et
Geolinguistica 20, 108129.
Franois, Alexis (1959), Histoire de la langue franaise cultive des origines nos jours, 2 vol.,
Genve, Jullien.
Grtz, Barbara (1990), Untersuchungen zur Diskussion ber das Thema Sprachverfall im Fin-de-Sicle,
Frankfurt am Main et al., Lang.
Hardy, Stphane/Herling, Sandra/Patzelt, Carolin (edd.) (2015), Laienlinguistik im frankophonen
Internet, Berlin, Frank & Timme.
Hermant, Abel (1929), Remarques de Monsieur Lancelot pour la dfense de la langue franaise, avec
une prface de M. Abel Hermant de lAcadmie francaise, Paris, Flammarion.
Hermant, Abel (1936/1938), Chroniques de Lancelot du Temps , 2 vol., Paris, Larousse.
Kaltz, Barbara (ed.) (1997), Le moyen franais au quotidien : un recueil de textes du XIVe au XVIe sicle,
Bonn, Romanistischer Verlag.
Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa (edd.) (2010), Perzeptive Variettenlinguistik, Frankfurt am Main et al.,
Lang.
McKenzie, Robert/Osthus, Dietmar (2011), That which We Call a Rose by any Other Name Would Sound
as Sweet. Folk perceptions, status and language variation, AILA Review 24:1, 100115.
Mnage, Gilles (1675), Observations de Monsieur Mnage Sur la Langue Franoise, Paris, Barbin.
Niedzielski, Nancy A./Preston, Dennis R. (2003 [11999]), Folk linguistics, Berlin/New York, Mouton
de Gruyter.
Osthus, Dietmar (2003), Le bon usage dInternet discours et conscience normatifs dans des dbats
virtuels, in : Dietmar Osthus/Claudia Polzin-Haumann/Christian Schmitt (edd.), La norme linguistique : thorie pratique mdias enseignement. Actes du colloque tenu Bonn le 6 et le
7 dcembre 2002, Bonn, Romanistischer Verlag, 139152, <http://www.dietmar-osthus.de/
norme.htm> (17 mai 2015).
Osthus, Dietmar (2006), Laienlinguistik und Sprachchroniken : Franzsisch und Okzitanisch. Linguistique populaire et chroniques de langage : franais et occitan, in : Gerhard Ernst et al. (edd.),
Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen
Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 15331546.
Osthus, Dietmar (2015), Les disputes des profanes les dbats virtuels autour du polycentrisme
de la langue franaise, in : Stphane Hardy/Sandra Herling/Carolin Patzelt (edd.), Laienlinguistik
im frankophonen Internet, Berlin, Frank & Timme, 511528.
Osthus, Dietmar/Polzin-Haumann, Claudia (2006), Las palabras tienen cromosomas oder What
Sprachschtzer know that linguists dont . Konkurrierende Metaphernprogramme im Sprechen
170
Dietmar Osthus
Ursula Reutner
Abstract : Larticle esquisse dabord le concept de francophonie, en prsentant diffrentes interprtations du terme ainsi que diverses approches pour dterminer le
nombre de locuteurs et catgoriser les pays francophones (1), pour donner ensuite un
aperu de lexpansion du franais dans le monde et des diffrents modes de dcolonisation (2). Cest la suite de celle-ci que sest dveloppe lOrganisation internationale
de la Francophonie, dont seront retraces lhistoire et la composition (3). partir de
cette base, seront prsents diffrents types damnagements linguistiques au sein de
la francophonie : en ce qui concerne lamnagement du statut, on donnera des
exemples de diffrenciation fonctionnelle, de territorialit et dunilinguisme (4) ;
quant lamnagement du corpus, on exposera le dveloppement de normes explicites par les processus de slection, dimplmentation, de codification et dlaboration
linstar du Qubec, de la Belgique et de la Suisse, ce que viendront complter des
remarques sur les normes implicites au sein dautres rgions (5).
1 Le concept de francophonie
1.1 La dsignation
Un monde divis en races et ethnies, en puissances coloniales et colonies cest la
conception du monde au XIXe sicle. Il nest pas dusage, lpoque, de classifier les
peuples en fonction de leur langue. Cest donc une nouveaut que le gographe
Onsime Reclus entreprit dans son tude France, Algrie et colonies (1880), o il se
rfra aux ethnies employant le franais par le terme de francophonie. Mais ce nest
que vers 1960 que lexpression se rpand : en 1959, elle apparat chez Queneau (cf.
TLF) ; peu aprs, Sdar-Senghor lui apporte le sens de civilisation franaise et la
rapproche ainsi de celle de francit en tant que caractres propres la communaut
de langue franaise : en 1962, dans le numro spcial du journal Esprit Le franais
dans le monde et en 1966, lors de la confrence La francophonie comme culture
lUniversit de Laval.
Aujourdhui, lexpression regroupe au moins cinq types dinterprtation : dans
son sens de francophonie linguistique, elle dcrit lensemble des locuteurs du franais
dans le monde, dans celui de francophonie gographique, les pays dans lesquels le
172
Ursula Reutner
franais est utilis, au sens de francophonie culturelle, les nations que relient la culture
et les valeurs franaises, en tant que francophonie institutionnelle, les organismes
chargs de protger la langue et la culture franaises, et comme francophonie politique, lOrganisation internationale de la Francophonie.
173
langue vhiculaire du franais est remis en cause, dans certains dentre eux, par des
langues vhiculaires autochtones, et dans dautres, par la vernacularisation du franais mme. Comme exemple de la variante du franais exclusivement comme langue
vernaculaire, nous avons la situation diglossique du Qubec avant la Rvolution
tranquille, o le franais tait la varit basse, domine par langlais comme varit
haute. La situation actuelle des minorits francophones dans dautres rgions de
lAmrique du Nord (Ouest du Canada, Nouvelle-Angleterre, Louisiane) sapproche
galement de cette situation, mme si elles bnficient, diffrents degrs, de
mesures damnagement externes. Dans la ralit linguistique, il existe donc tant de
nuances que la tripartition ne peut tre envisage que comme une reprsentation de
prototypes.
Plus respectueuse des nuances, la typologie de Chaudenson (entre autres 1991)
distingue entre le status dune langue et son corpus, en incluant des pourcentages. La
catgorie du status englobe chez lui le statut juridique, politique et conomique de la
langue, son rle dans le systme ducatif, les mdias et le secteur priv ; et la
catgorie du corpus, tout ce qui concerne la production langagire : mode dappropriation de la comptence (langue maternelle, seconde langue, langue denseignement), la nature de la comptence, lemploi en tant que langue vhiculaire ou
vernaculaire ainsi que le corpus au sens propre. Les deux catgories constituent les
axes dun systme de coordonnes dans lequel Chaudenson situe les pays analyss :
les valeurs presque maximales pour status (100%) et corpus (98%) sont attribues la
France. Un status lev en combinaison avec un corpus faible est le propre de
nombreux tats africains dont le franais est la langue officielle, mais nest parl que
par une minorit (par ex. Burkina Faso : status 77,5%, corpus 18%). Un corpus
considrable et un status faible distinguent la Flandre, le franais ny tant pas la
langue officielle, mais sa prsence dans la socit tant relativement forte (status env.
22%, corpus env. 50%). Un status minimum (5,5%) accompagn dun corpus presque
inexistant (2,5%) caractrise la situation Sainte-Lucie, un tat certes associ la
francophonie, mais dans lequel le franais ne joue presque plus aucun rle.
174
Ursula Reutner
175
2.2 Colonisation
Le rle du franais comme langue mondiale dcoule de lexpansion coloniale du
pays, lance au XVIe sicle avec la fondation de la Nouvelle France par Jacques Cartier
(1534). La colonisation prend son essor au XVIIe sicle, en Amrique, avec la cration
des villes de Qubec (1608) et de Montral (1642 Ville Marie), la prise de possession
des les carabes comme la Guadeloupe (1635 Karukera) et la Martinique (1635), la
cession de Saint-Domingue (partie occidentale dHispaniola, aujourdhui Hati) par
lEspagne (trait de Ryswick 1697), et lexploration du bassin du Mississippi par
Cavelier de la Salle (1682) ; en Afrique, avec limplantation de comptoirs de commerce
sur la cte mditerranenne (ds 1603 en Tunisie) et atlantique (1659 Saint-Louis du
Sngal, 1686/1687 Assinie burnenne).
Aux XVIIe et XVIIIe sicles, la France entre galement en possession de plusieurs
les de lOcan Indien : La Runion (1638 le Bourbon), Madagascar (1642 le Dauphine), Maurice (1715 Isle de France), et les Seychelles (1742 les La Bourdonnais).
Au XIXe sicle commence la colonisation du territoire africain : sajoutent lAlgrie (1830), Djibouti (1884) et des pays africains dont rsultent plus tard deux entits
dadministration : lAfrique occidentale franaise (AOF, 18951958) avec le Sngal
(1854), le Bnin (1883 Dahomey), le Mali (1883 Soudan), la Cte dIvoire (1893), la
Guine (1893), le Burkina Faso (1896 Haute-Volta), le Niger (1897), et la Mauritanie
(1902) ; et lAfrique quatoriale franaise (AEF, 19101958), qui correspond aux pays
actuels du Gabon (1839), de la Rpublique Centrafricaine (1889 Oubangui-Chari), du
Congo (1891) et du Tchad (1899).
Suite la Premire Guerre mondiale, les ex-colonies allemandes du Cameroun et
du Togo (18841919) sajoutent, en grande partie, lEmpire franais, et les excolonies allemandes du Burundi et du Rwanda (18901919 partie de lAfrique orientale allemande), la colonie belge de la Rpublique dmocratique du Congo (Congo
Belge ; de 1971 1997 sous le nom de Zare).
Au Maghreb, la Tunisie (1881) et le Maroc (1912) deviennent des protectorats
franais, tandis que lAlgrie (1830) est intgre dans la mtropole, qui tablit une
176
Ursula Reutner
2.3 Dcolonisation
Lorsque la France constitue un deuxime empire colonial au XIXe sicle en Afrique,
elle a dj perdu la plupart des possessions de son premier empire en Amrique.
Certes, elle a conserv une partie de ses colonies antillaises, particulirement rentables grce la culture de la canne sucre, mais pour bien des Franais le Canada ne
reprsentait que quelques arpents de neige (cf. par ex. la figure du Martin in
Voltaire 1759, 209s., chapitre vingt-troisime : Cest une autre espce de folie, dit
Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de
neige vers le Canada, et quelles dpensent pour cette belle guerre beaucoup plus que
tout le Canada ne vaut ). Ainsi, lissue de la guerre de Sept Ans (trait de Paris
1763), le Qubec est cd lAngleterre, ce que Voltaire commente laconiquement,
dj en 1762, dans une lettre au comte de Choiseul : Jaime beaucoup plus la paix
que le Canada (Voltaire 1837, 528). LAngleterre stait alors dj empare de
lAcadie (trait dUtrecht 1713), dont elle chassa les colons partir de 1755, au cours
du Grand Drangement. Une partie dentre eux se rfugia en Louisiane, o ils diffusrent la culture (a)cadienne (angl. cajun), mais en 1763, la Louisiane passa sous le
contrle de la Couronne espagnole et, aprs un court intermde franais sous Napolon Ier (18001803), elle fut vendue aux tats-Unis. Hati, les ides de la Rvolution
franaise dclenchrent des troubles dune telle ampleur quen 1804, ils aboutirent
lindpendance et la fondation du premier tat au monde tre gouvern par
danciens esclaves. Celui-ci sera reconnu en 1825 par la France en change dune forte
indemnisation pour la perte territoriale.
Ce nest quaprs la Seconde Guerre mondiale que le processus de dcolonisation
proprement parler se met en marche. Il connatra diffrentes formes : la voie sans
doute la plus inhabituelle est celle de lassimilation, quempruntent partir de 1946 la
Martinique, la Guadeloupe, la Guyane franaise, et La Runion, en devenant des
dpartements doutre-mer.
Dautres dynamiques permettent laccs lindpendance travers des engagements politiques ou militaires. Sur le plan politique, lempire colonial devient, en
1946, lUnion franaise (qui regroupe dabord des tats et territoires associs, puis,
partir de 1956, des rpubliques semi-autonomes), et, en 1958, la Communaut franaise, qui ouvre ses membres la voie vers la souverainet, que la plupart des excolonies franaises en Afrique obtiennent en 1960.
177
178
Ursula Reutner
179
velle politique dadmission peut sappuyer sur des liens historico-culturels, mais le
changement idologique semble maner avant tout de raisonnements conomiques et
politiques. Au plan terminologique, il sexprime par la dnomination des sommets,
intituls ds 1993, Confrences des chefs dtats et de gouvernements des pays ayant en
commun lusage du franais en [] ayant le franais en partage.
Face ces nouvelles prtentions politiques, un centre de dcision supranational
tel que lACCT tombe dans la dsutude. En 1997, il est remplac par la structure
pyramidale de lOrganisation internationale de la Francophonie (OIF) sous la direction
dun secrtaire gnral : de 1997 2002, lgyptien Boutros Boutros-Ghali (1997
2002), qui succdrent le Sngalais Abdou Diouf et, depuis le 1er janvier 2015, la
Qubcoise Michalle Jean, ne en Hati. Paralllement, les comptences de lACCT
sont rduites, elle est rebaptise AIF (Agence intergouvernementale de la Francophonie) et place sous lgide du secrtaire gnral de lOIF. Les sommets constituent les
plus hautes instances de cette structure et saccompagnent de la Confrence ministrielle de la Francophonie (CMF) et du Conseil permanent de la Francophonie (CMP).
Ainsi se parachve le passage, initi par la mise en place des sommets, dune politique
supranationale une politique intergouvernementale.
180
Ursula Reutner
dIvoire (1970), le Gabon (1970), le Mali (1970), le Niger (1970), le Sngal (1970), le
Togo (1970), la Rpublique dmocratique du Congo (1977), le Congo (1981), et la
Guine (1981). Sy ajoutent le Qubec (1971) et la Fdration Wallonie-Bruxelles
(1980), tous deux ne formant pas des pays souverains, mais faisant partie dautres
tats membres par lesquels ils estiment ne pas tre suffisamment reprsents.
Ceux-ci sont lists dans la catgorie (b) du franais comme langue co-officielle
aux cts dune ou de plusieurs autres langues, qui compte 17 pays : en Europe, la
Belgique (1970 + flamand, allemand), le Luxembourg (1970 + allemand, luxembourgeois), et la Suisse (1996 + allemand, italien, romanche) ; en Amrique, le Canada
(1970 + anglais), Hati (1970 + crole), et comme troisime entit faisant partie dun
tat fdral le Nouveau-Brunswick (1977 + anglais) ; en Afrique, le Burundi (1970 +
kirundi), le Rwanda (1970 + anglais, kinyarwanda), le Tchad (1970 + arabe), la
Centrafrique (s1973 + sango), le Cameroun (1975 + anglais), Djibouti (1977 + arabe), et
la Guine quatoriale (1989 + espagnol) ; dans lOcan Indien et Pacifique, Madagascar (1970 + malgache), les Seychelles (1976 + crole, anglais), les Comores (1977 +
shikomor, arabe), et Vanuatu (1979 + anglais, bichlamar).
(c) Dans 48 tats, le franais nest ni langue officielle, ni co-officielle. Dans une
partie dentre eux, il est ancr historiquement et aujourdhui encore, partiellement
tabli comme langue quotidienne, alors que le ralliement dautres pays se justifie
plutt par le rayonnement culturel du franais. Plusieurs dentre eux sont devenus
membres aprs la chute de la Rpublique Sovitique, dont lOIF a su profiter au
niveau gopolitique.
Les pays dEurope de lEst ayant adhr aprs la restructuration de lEurope
orientale, bien que le franais ny joue, au mieux, quun rle symbolique, sont la
Bulgarie (1991 bulgare), la Roumanie (1991 roumain), la Moldavie (1996 moldavien), la Pologne (o1997 polonais), lAlbanie (1999 albanais), la Lituanie (o1999
lituanien), la Rpublique tchque (o1999 tchque), la Slovnie (o1999 slovne), la
Macdoine (2001 macdonien), la Slovaquie (o2002 slovaque), la Croatie (o2004
croate), la Gorgie (o2004 gorgien), la Hongrie (o2004 hongrois), la Serbie
(o2006 serbe), lUkraine (o2006 ukrainien), lArmnie (2008 armnien), la
Lettonie (o2008 letton), la Bosnie-Herzgovine (o2010 croate, bosnien, serbe),
lEstonie (o2010 estonien), le Montngro (o2010 montngrin), et le Kosovo
(o2014 albanais, serbe). Les pays du reste de lEurope qui se sont ajouts au cours
du troisime millnaire sont Andorre (2004 catalan), lAutriche (o2004 allemand),
la Grce (2004 grec) et Chypre (a2006 grec, turc).
Parmi les membres dAmrique qui naccordent pas de statut officiel au franais,
figurent les deux les voisines des DOM antillais, la Dominique (1979 anglais) et
Sainte-Lucie (1981 anglais), dont le rle de pomme de discorde entre colonialistes
anglais et franais explique la coexistence de langlais avec un crole base lexicale
franaise. Sy ajoutent la Rpublique dominicaine (o2010 espagnol), lUruguay
(o2012 espagnol), le Costa Rica (o2014 espagnol), et le Mexique (o2014 espagnol). En Afrique, il y a deux pays du Maghreb, la Tunisie (1970 arabe) et le Maroc
181
(1981 arabe, berbre), o le franais nest plus une langue officielle en raison de la
politique darabisation entreprise depuis lindpendance, mais reste bien prsent
dans la vie quotidienne, ainsi que la Guine-Bissau (1979 portugais), la Mauritanie
(1980 arabe), lgypte (1983 arabe), le Cap-Vert (1996 portugais), Sao Tom-etPrincipe (1999 portugais), le Ghana (a2006 anglais), et le Mozambique (o2006
portugais). La participation du Proche Orient est assure par lancien membre bien
francophone que reprsente le Liban (1973 arabe), et par les nouvellement concerns mirats arabes unis (o2010 arabe) et Qatar (a2012 arabe) ; celle de lExtrme
Orient, par les pays de lancienne Indochine sous lEmpire : Vit-Nam (1970 vietnamien), Laos (1972 laotien) et Cambodge (1991 khmer), auxquels sest rcemment
ajoute la Thalande (o/s2008). La liste des membres ayant une langue officielle autre
que le franais se termine avec lle Maurice dans lOcan Indien (1970 anglais).
182
Ursula Reutner
Marchello-Nizia 41996 ; ainsi que le portrait global dress par Deniau 1983 ; Pll 2001 ;
et, pour plus de dtails, la bibliographie indique dans les paragraphes suivants).
Dans le cadre dun article de manuel, il semble judicieux de dgager trois scnarios
principaux : dans deux dentre eux, la coexistence du franais avec une ou plusieurs
autres langues est rglemente en protgeant soit certaines des fonctions du franais
dans lensemble du pays (4.1), soit toutes ses fonctions sur un territoire spcifique
(4.2) ; dans le troisime scnario, cest ltablissement du franais en tant que langue
unique qui est ralis en supplantant la langue dominante (4.3).
183
612 de 1999) et proclame, dans larticle 116, le Val dAoste rgion autonome, dont le
statut dautonomie de 1948 stipule que la langue franaise et la langue italienne
sont galises (art. 38). Nanmoins, litalien domine aujourdhui clairement la vie
officielle de la rgion et la majorit des valdtains le dclarent comme langue
maternelle. Pour le franais, il ne reste que les domaines de lducation et du tourisme
(cf. Jablonka 1997 ; Bauer 1999).
Les Antilles franaises sont un exemple de diffrenciation fonctionnelle pour
loutre-mer : lemploi du crole sy restreint gnralement la vie quotidienne, alors
que les domaines prestigieux de lcole, de ladministration et des mdias sont
domins par le franais. Il serait pourtant rducteur de vouloir cantonner le franais
au rle de langue vhiculaire et le crole, celui de langue vernaculaire. Dune part,
le crole est concurrenc par le franais dans son rle de langue quotidienne, pour le
moins au sein de la jeune gnration qui a grandi avec les deux langues. Dautre part,
il existe depuis longtemps des initiatives visant tablir le crole dans les domaines
du langage distanci. Le crole a en effet connu une reconnaissance lgislative
significative au tournant du sicle avec la Loi dorientation pour loutre-mer, qui
stipule dans larticle 34 que les langues rgionales en usage dans les dpartements
doutre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation et tend la Loi
Deixonne de 1951 aux croles. Non sans faire surgir un dbat passionn, un CAPES est
mis en place en 2001, ce qui institutionnalise la formation des professeurs de crole
(cf. Reutner 2005).
Sur dautres les crolophones, le franais est la langue co-officielle : aux Seychelles avec langlais et le crole, en Hati, en diglossie avec le crole comme varit
basse, qui est la seule langue matrise par la grande majorit. En revanche, sur lle
Maurice, le franais est bien la langue des mdias, de la littrature, et le moyen de la
communication de la bourgeoisie, mais la langue officielle de ladministration est
langlais, alors que le crole est la seule langue connue par presque toute la population et la langue quotidienne de la grande majorit, non seulement des Croles, mais
galement de nombreux Mauriciens dorigine indienne qui ont immigr aprs labolition de lesclavage, forment presque deux tiers de la population totale et ont apport
des langues dites ancestrales comme le bhojpuri (Berrout-Oriol et al. 2011 ; Carpooran 2003).
En Afrique subsaharienne, le franais nest gnralement que la langue maternelle dune minorit, mais demeure malgr tout la langue officielle ou co-officielle des
18 tats francophones. Leur constitution en tant qutats indpendants, au cours de
la grande vague de dcolonisation qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, requrait
une dcision sur la langue officielle. Il peut sembler contraire aux intrts indpendantistes de maintenir lidiome de lancienne puissance coloniale, mais plusieurs
aspects jouaient en sa faveur : au moment de lindpendance, le franais tait bien
tabli au sein de ladministration, du systme scolaire, et disposait dun lexique bien
plus labor que les langues africaines. Dans les jeux de pouvoir entre diffrents
groupes de population, il offrait en outre lavantage de la neutralit interne et pouvait
184
Ursula Reutner
185
186
Ursula Reutner
187
Revenons quelque temps en arrire : en 1763, lorsque le pays tombe aux mains
des Anglais, les Qubcois se sentent trahis par la France et, avec langlicisation, trs
vite trangers dans leur propre pays. Avec la fondation de ltat fdral en 1867 (Acte
de lAmrique du Nord Britannique, AANB) le Canada devient de jure bilingue, mais de
facto, cest la politique dassimilation qui prend le dessus. Les francophones, catholiques et conservateurs, ne contrent dabord la prdominance anglo-protestante que
par un taux de natalit lev (revanche des berceaux) et ce nest quau cours de la
Rvolution tranquille (19601962) quils dveloppent la confiance ncessaire pour
manifester une relle opposition. Le gouvernement fdral met en place la Commission royale denqute sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963) et vote la Loi sur les
langues officielles (1969), dans laquelle le bilinguisme institutionnel est fix lchelle
nationale. Mais le bilinguisme ne parvient pas rsoudre les problmes prsents au
Qubec. La Commission denqute sur la situation de la langue franaise et sur les droits
linguistiques au Qubec, mise en place ct qubcois en 1968, constate entre autres le
rle marginal des comptences en franais pour une carrire au sein dentreprises
qubcoises et la prfrence accorde aux anglophones que cela implique (cf. Gendron 1972).
Le chemin lgislatif vers le monolinguisme se droule en trois tapes : la Loi 63,
Loi pour promouvoir la langue franaise au Qubec (1969), introduite par le gouvernement de lUnion nationale, rend le franais obligatoire dans les coles anglophones,
mais laisse le choix de la langue denseignement et se contente de formuler des
objectifs pour la langue sur le lieu de travail et en matire daffichage public : Sous
une appellation trompeuse, cette loi officialisait le bilinguisme qubcois (Rocher
2002, 19). La Loi 22 ou Loi sur la langue officielle (1974) des libraux comporte
galement de nombreuses lacunes, qui ne pourront tre combles quavec la Loi 101,
aussi appele Charte de la langue franaise (1977), du Parti qubcois. Cette dernire
stipule : Le franais est la langue officielle du Qubec (art. 1) et reprsente un
choc pour le Qubec anglophone. [] Du jour au lendemain, [il] devenait minoritaire
(Caldwell 2002, 29).
La Loi 101 dclenche une guerre linguistique dans laquelle les francophones
conservent lavantage, bien que les anglophones obtiennent la modification de certains articles : la reconnaissance des textes lgislatifs et juridiques dans leur version
franaise uniquement (art. 713) entre en contradiction avec larticle 133 de lAANB,
et, en 1979, elle est dclare anticonstitutionnelle (arrt Blaikie). Laccs aux coles
anglaises, restreint ceux dont les parents ont reu un enseignement primaire en
anglais au Qubec (clause Qubec, art. 73), en exclut les Anglo-Canadiens venus
sinstaller et se voit modifi en 1984 par une dcision de la Cour suprme, base sur la
clause Canada (art. 23) de la Charte canadienne des droits et liberts (1982). Cette
dernire garantit galement la libert dexpression, que beaucoup estiment incompatible avec lobligation dutiliser une signaltique exclusivement franaise (art. 58).
Dclare anticonstitutionnelle (arrt Ford), elle est modifie dans un premier temps
par la Loi 178 (1988), qui autorise dautres langues lintrieur des tablissements
188
Ursula Reutner
publics et commerciaux, pourvu que le franais reste prdominant, puis suite des
critiques de la part de la Commission des droits de lhomme de lONU par la Loi 86
(1993), qui autorise les autres langues en extrieur galement (cf. Reutner 2009a,
162s.).
Si la langue daffichage peut paratre purement symbolique pour certains, dautres y voient une protection contre le retour au bilinguisme et (puisquil deviendrait
inutile pour les anglophones dapprendre le franais) la ranglicisation de la
province. La russite que cela reprsente pour les amnagistes qubcois apparat
clairement lvocation de la situation dcrite par le voyageur Alexis de Tocqueville
en 1831 : [] il est facile de voir que les Franais sont le peuple vaincu. Les classes
riches appartiennent pour la plupart la race anglaise. Bien que le franais soit la
langue presque universellement parle, la plupart des journaux, les affiches, et
jusquaux enseignes des marchands franais sont en anglais ! Les entreprises
commerciales sont presque toutes en leurs mains. Cest vritablement la classe
dirigeante du Canada (1831, 202).
prsent, le principal dfi consiste rglementer limmigration : cet effet, le
Qubec a obtenu un transfert de la comptence fdrale lchelon provincial afin de
pouvoir accueillir en priorit les immigrants de pays francophones (France, Hati,
Liban, Maghreb, Vit-Nam) (cf. Commission 2001 ; Plourde 2000 ; Valdman/Auger/
Piston-Hatlen 2005).
189
190
Ursula Reutner
191
192
Ursula Reutner
urbain ivoirien, mais une valeur universelle [] Pour que les gens voient limportance
du Nouchi [sic], au-del du langage du ghetto, ils voient une richesse pour le pays .
Le Prix Goncourt a t accord Antonine Maillet (1979, premire laurate
canadienne), Tahar Ben Jelloun (1987 premier laurat marocain et africain) ou Amin
Maalouf (1993 premier laurat libanais), et son jury valorise de plus en plus lenrichissement du franais par les particularits de la francophonie. Lauteur guadeloupen Patrick Chamoiseau, qui a obtenu le Prix en 1992 pour son roman Texaco, et
dautres acteurs de la crolit dclarent firement : La crolit, comme ailleurs,
dautres entits culturelles a marqu dun sceau indlbile la langue franaise. Nous
nous sommes appropris cette dernire. Nous avons tendu le sens de certains mots.
Nous en avons dvi dautres. Et mtamorphos beaucoup. Nous lavons enrichie tant
dans son lexique que dans sa syntaxe. Nous lavons prserve dans moult vocables
dont lusage sest perdu. Bref, nous lavons habite (Bernab/Chamoiseau/Confiant
1993, 46).
6 Bibliographie
Antoine, Grald/Cerquiglini, Bernard (2000), Histoire de la langue franaise 19452000, Paris,
CNRS.
Bauer, Roland (1999), Sprachsoziologische Studien zur Mehrsprachigkeit im Aostatal mit besonderer
Bercksichtigung der externen Sprachgeschichte, Tbingen, Niemeyer.
BDL = Office qubcois de la langue franaise, Banque de dpannage linguistique, <http://www.oqlf.
gouv.qc.ca/ressources/bdl.html> (22.06.2015).
Blisle, Louis-Alexandre ([1954/1957] 21971), Dictionnaire gnral de la langue franaise au Canada,
Qubec, Blisle.
Blisle, Louis-Alexandre (1979), Dictionnaire nord-amricain de la langue franaise, Montral, Beauchemin.
Bernab, Jean/Chamoiseau, Patrick/Confiant, Raphal ([1989] 1993), loge de la crolit. In Praise of
Creoleness, Paris, Gallimard.
Berrout-Oriol, Robert, et al. (edd.) (2011), Lamnagement linguistique en Hati : enjeux, dfis et
propositions, Hati, CDIHCA.
Blampain, Daniel, et al. (edd.) (1997), Le franais en Belgique. Une langue, une communaut, Louvainla-Neuve, Duculot.
Bostock, William (1986), Francophonie. Organisation, co-ordination, valuation, Melbourne/Toronto,
River Seine/Williams-Wallace.
Bouchard, Pierre/Bourhis, Richard (edd.) (2002), Lamnagement linguistique au Qubec : 25 ans
dapplication de la Charte de la langue franaise, Qubec, Les publications du Qubec.
Cajolet-Laganire, Hlne/Guilloton, Nolle ([1977] 72014), Le franais au bureau, Qubec, Les publications du Qubec.
Caldwell, Gary (2002), La Charte de la langue franaise vue par les anglophones, in : Pierre Bouchard/
Richard Bourhis, Lamnagement linguistique au Qubec : 25 ans dapplication de la Charte de la
langue franaise, Qubec, Les publications du Qubec, 2736.
Carpooran, Arnaud (2003), le Maurice : des langues et des lois, Paris et al., LHarmattan.
Chaudenson, Robert (1991), La francophonie : reprsentations, ralits, perspectives, Paris, Didier
rudition.
193
194
Ursula Reutner
Martel, Pierre/Cajolet-Laganire, Hlne (1996), Le franais qubcois. Usages, standard et amnagement, Qubec, Institut qubcois de recherche sur la culture.
Martel, Pierre/Cajolet-Laganire, Hlne (2000), Quelle langue pour lavenir ?, in : Michel Plourde
(ed.), Le franais au Qubec. 400 ans dhistoire et de vie, Qubec, Fides, 379391.
Nash (30 mars 2013), Interview Exclusive-Nash (rappeuse Nouchi), sans dtours : La piraterie tue les
artistes ivoriens, il faut une volont politique plus forte , interview ralise par Nadge Koffi,
Jean-Baptiste Kouadio, La Diplomatique dAbidjan, <https://nadegekoffi.wordpress.com/2013/
03/31/interview-exclusive-nash-rappeuse-nouchi-sans-detours-la-piraterie-tue-les-artistesivoiriens-il-faut-une-volonte-politique-plus-forte/> (22.06.2015).
OLF (2010) = Observatoire de la langue franaise (2010), La langue franaise dans le monde, ed.
Alexandre Wolff, Paris, Nathan.
Picoche, Jacqueline/Marchello-Nizia, Christiane (41996), Histoire de la langue franaise, Paris, Nathan.
Ploog, Katja (2002), Le franais Abidjan : pour une approche syntaxique du non-standard, Paris,
CNRS.
Plourde, Michel (ed.) (2000), Le franais au Qubec. 400 ans dhistoire et de vie, Qubec, Fides.
Poirier, Claude (ed.) (1994), Langue, espace, socit. Les varits du franais en Amrique du Nord,
Qubec, Presses de lUniversit Laval.
Pll, Bernhard (2001), Francophonies priphriques. Histoire, statut et profil des principales varits
du franais hors de France, Paris, LHarmattan.
Pll, Bernhard (2005), Le franais langue pluricentrique? tudes sur la variation diatopique dune
langue standard, Frankfurt am Main, Lang.
Quivreux, Louis (1928), Flandricismes, wallonismes et expressions impropres dans la langue franaise par un ancien professeur, Anvers/Bruxelles, Moorthamers.
Reclus, Onsime (1880), France, Algrie et colonies, Paris, Hachette.
Reutner, Ursula (2005), Sprache und Identitt einer postkolonialen Gesellschaft im Zeitalter der Globalisierung. Eine Studie zu den franzsischen Antillen Guadeloupe und Martinique, Hamburg, Buske.
Reutner, Ursula (2009a), Englisch und Franzsisch in Quebec : Duett oder Duell ?, in : Ursula Reutner
(ed.), 400 Jahre Quebec. Kulturkontakte zwischen Konfrontation und Kooperation, Heidelberg,
Winter, 157184.
Reutner, Ursula (2009b), Rendez donc Csar ce qui est Csar? Remarques comparatives sur
lautoperception linguistique belge et qubcoise, in : Beatrice Bagola/Hans-Josef Niederehe
(2007), Franais du Canada, franais de France VIII. Actes du huitime Colloque international de
Trves du 12 au 15 avril 2007, Tbingen, Niemeyer, 81100.
Reutner, Ursula (2013), Nous lexicographes, nous avons donc toujours tort, Cahiers de lexicologie :
Revue internationale de lexicologie et lexicographie 103, 167192.
Reutner, Ursula (ed.) (en prp.), Manuel des francophonies, Berlin/Boston, de Gruyter.
Robillard, Didier de/Beniamino, Michel (edd.) (1993 ; 1996), Le franais dans lespace francophone,
2 vol., Paris, Champion.
Rocher, Guy (2002), Les dilemmes identitaires lorigine de lengendrement de la Charte de la
langue franaise, in : Pierre Bouchard/Richard Bourhis, Lamnagement linguistique au
Qubec : 25 ans dapplication de la Charte de la langue franaise, Qubec, Les publications
du Qubec, 1725.
Rossillon, Philippe (ed.) (1995), Atlas de la langue franaise, Paris, Bordas.
Schafroth, Elmar (2014), Franzsische Lexikographie. Einfhrung und berblick, Berlin/Boston, de
Gruyter.
Schlpfer, Robert/Bickel, Hans (edd.) (2000), Die viersprachige Schweiz, Aarau, Sauerlnder.
Sieburg, Heinz (ed.) (2013), Vielfalt der Sprachen Varianz der Perspektiven. Zur Geschichte und
Gegenwart der Luxemburger Mehrsprachigkeit, Bielefeld, transcript.
195
Carolin Patzelt
Abstract : Larticle traite de la linguistique populaire dans les pays francophones hors
de la France. Laccent est mis sur une contemplation des chroniques de langage, un
ensemble darticles propos de la langue qui paraissent rgulirement dans des
journaux, o ils occupent une rubrique fixe. Partant dun aperu des travaux portant
sur les chroniques de langage dans le monde francophone, on expose surtout la
situation des chroniques au Canada, en Suisse et en Belgique. Lors de lexamen des
pays en question, larticle fait appel tant aux jugements normatifs contenus dans les
chroniques de langage qu limportance quaccordent les profans aux renseignements prononcs dans les chroniques.
1 Introduction
Selon Brekle (1989, 39), la linguistique populaire sentend comme une pratique
sociale qui comprend :
tous les noncs quon peut qualifier dexpressions naturelles (cest--dire qui ne viennent pas
des reprsentants de la linguistique comme discipline tablie) dsignant ou se rfrant des
phnomnes langagiers ou fonctionnant au niveau de la mtacommunication. Il faut y ajouter les
noncs dans lesquels on utilise de faon explicite ou implicite les qualits phontiques,
smantiques, etc. des units dune langue afin de produire des rsultats pertinents pour la
rgulation du comportement social dun individu ou dun groupe social .1
1 Antos accentue laspect de consultation, en soulignant le fait que la linguistique populaire constitue
une discussion de lusage du langage dans la communication (cf. Antos 1996, 13).
2 Cette expression est un calque dune srie de dnominations anglo-saxonnes bases sur folk-, traduit
en franais par populaire , spontan ou mme naf (cf. Paveau 2005, 96). On trouve diffrentes dsignations dans la littrature linguistique. Osthus (2006), p. ex., propose les termes linguistique
des profanes ou linguistique populaire, tandis que Paveau/Rosier (2008) utilisent le terme linguistique
damateur.
197
experts. Ainsi, les activistes participant aux dbats populaires font souvent preuve
de connaissances tonnantes (cf. Osthus 2006). Paveau (2007) considre la linguistique populaire comme un cadre thorique et mthodologique dunification dun
ensemble de pratiques linguistiques profanes reposant sur une conception perceptive
de la norme et produisant diffrents types de discours sur la langue (cf. Lobin 2015,
35). Selon Paveau (2005), la linguistique populaire rassemble, avant tout, trois catgories fondamentales de pratiques linguistiques : descriptives (on dcrit lactivit de
langage), normatives (on prescrit les comportements langagiers) et interventionnistes
(on intervient sur les usages de la langue, cf. Paveau 2005, 98). Les questions lies la
norme et aux comportements langagiers des locuteurs se discutent dans les diffrentes formes de mass mdia, ce qui comprend des ouvrages de rfrence, des pages
internet, des chroniques de langage, ainsi que des essais spars ou les lettres de
lecteur dans les quotidiens (cf. Osthus 2006).
La linguistique populaire en tant que discipline linguistique fut beaucoup travaille aux tats-Unis depuis les annes 1960 sous lappellation de Folk Linguistics, ainsi
quen Allemagne sous le nom de Laienlinguistik (littralement : linguistique des
amateurs). Or, elle a toujours suscit moins dintrt dans les pays francophones (cf.
Achard-Bayle/Paveau 2008, 7). Le format le plus prsent en France ainsi que dans
dautres pays francophones comme le Canada depuis la fin du XVIIIe sicle est la
chronique de langage, publie dans la presse crite et renseignant le lecteur sur des
problmes de langue et du bon usage .
198
Carolin Patzelt
en France (6 Linguistique populaire et chroniques de langage : France) et au Canada. On sait bien que le franais parl par llite parisien commena vite servir de
norme de rfrence, ce qui donna lieu un certain purisme linguistique. Or, tout ce
qui tait conforme cette norme imaginaire fut jug comme reprsentant le bon usage
et la francophonie lextrieur de Paris commena se rfrer plus ou moins
inconsciemment cette norme (cf. Reinke 2004). Les chroniques de langage constituent, pourtant, un phnomne sociolinguistique important (cf. Remysen 2009a, 2).
Quemada (19701972, vol. 1, i) a t lun des premiers souligner lintrt que
prsente lanalyse de leur discours :
[Les chroniqueurs] montrent leur manire leur respect pour ce quils pensent tre la bonne
langue [] en inclinant du ct conservateur, souvent avec lenvie de trancher en montrant leur
savoir, plutt qu ils ne cherchent sinformer des causes des changements et de leurs justifications possibles. [] (Cohen 1967, 345).
Certains chroniqueurs ont mme explicitement comment leur propre activit. Cest
le cas, notamment, de Ren Georgin (1965), en France, et de Louis-Paul Bguin
(1976), au Canada franais. Ces chroniqueurs se sont essentiellement interrogs sur
3 Ce qui montre bien que celles-ci sont considres comme un phnomne sociolinguistique non
ngligeable (cf. Caput 19721975, vol. 2, 246s. ; Cohen 1967, 345 ; Daoust 2000 ; Gadet 1999, 643ss.).
199
leur rle normatif et pdagogique en tant que chroniqueur linguistique, ainsi que
sur la relation quils entretiennent avec leur public (cf. Remysen 2009a, 7). part
ces ouvrages, il y a aussi des inventaires des chroniques de langage, dont il
convient de mentionner deux uvres importantes ayant pour objet la langue
franaise : tout dabord, la premire Bibliographie de chroniques de langage (Quemada 19701972), ouvrage publi en France et prsentant, en deux tomes, une
bibliographie signaltique de lensemble des chroniques publies [en France] depuis le milieu du sicle (Quemada 19701972, vol. 1, ii). Cette bibliographie est le
fruit du dpouillement dune vingtaine de priodiques, publis entre 1950 et 1970
(cf. Remysen 2009a, 8).
Le Canada franais, son tour, dispose dune bibliographie semblable, publie
sous la direction dAndr Clas (19751976). Celle-ci recense les chroniques parues
dans huit quotidiens et un hebdomadaire canadien-franais, couvrant une priode
qui va de 1879 1970 (Remysen 2009a, 8). Quemada (19701972, vol. 1, ii) signale en
outre, dans sa prface, que dautres projets dinventaires seraient en prparation en
Belgique et en Suisse, mais ceux-ci ne semblent jamais avoir donn lieu des
publications (cf. Remysen 2009a). Ainsi, Skupien Dekens (1998, 156) souligne labsence de rpertoire des chroniques publies en Suisse romande et, malgr quelques
mmoires de licence destins inventorier des chroniques belges (cf., entre autres,
Bourgeois 1981 ; De Coster 1981), aucune bibliographie gnrale nest disponible pour
la Belgique francophone, contrairement la France et au Canada franais (Remysen
2009a, 8).
Concernant le concept de chronique, il est notable que dans leurs bibliographies
respectives, Quemada et Clas donnent un sens trs large au terme chronique de
langage :
[] nous avons donn au concept de chronique de langage un contenu extensive ; seront donc
retenus [sic] par principe toutes les rubriques destines au grand public et relatives la langue
franaise actuelle, travers son usage, ses tendances, les institutions qui la rgissent, ltudient
ou la diffusent, ainsi que les commentaires consacrs des ouvrages dactualit sur la langue.
Parmi toutes ces rubriques, une place prpondrante revient dvidence aux Courriers des
lecteurs comme aux chroniques rgulires, et se trouvent par consquent exclus tous les articles
de vulgarisation encyclopdique sur la langue (tymologie, anthroponymie, dialectalismes) []
(Quemada 19701972, vol. 1, iii).
200
Carolin Patzelt
die et Parisian French (cf. Clas 19751976, vol. 1, x), absentes dans la bibliographie de Quemada.4
Ds le XIXe sicle, le dbat sur la qualit de langue au Qubec a t trs prsent dans
les mdias, soit la tlvision, soit la radio ou la presse crite, et ici plus particulirement dans les chroniques de langage. Limportance des dbats sur la qualit de la
langue au Qubec sexplique par lhistoire du franais au Canada :
Le franais en usage au Qubec fut longtemps dvaloris, bien que les premiers
jugements de valeur que les voyageurs franais firent de la langue parle dans la
Nouvelle-France au dbut du XIXe sicle fussent plutt positifs (cf. Reinke 2004, 3).
Ces voyageurs furent confronts un franais relativement standardis qui se greffa
sur les patois des nouveaux arrivs. Par contraste, il est noter que les patois
concurrenaient encore le franais en France mtropolitaine. En outre, comme les
colons franais venaient de villes qui disposaient dun systme ducatif dvelopp, ils
avaient une bonne connaissance du franais. Ainsi, les voyageurs considraient ce
franais import au Qubec comme tant pur.
4 Il semble que certains auteurs se sont inspirs de la perspective thmatique adopte dans ces
bibliographies des fins de recherche ; cest notamment le cas des travaux de Bouchard (2002) et de
Daoust (1974).
201
Dans la suite, la conqute anglaise en 1760 rompit entirement les liens avec la
France. Par consquent, le franais qubcois ntait plus en contact avec le franais
de France. Ainsi, la langue au Qubec se caractrisa non seulement par la dominance
dun registre populaire parl par la majorit de la population lpoque, mais aussi
par linfluence de langlais qui introduisit beaucoup demprunts pendant lpoque de
la conqute. Au dbut du XIXe sicle, la population anglaise jugea le franais qubcois comme tant archaque et populaire. Elle critiqua le grand nombre danglicismes
quelle considrait comme la raison principale de la dgradation du franais au
Qubec. En gnral, on estime que le franais commena se dgrader aprs la
conqute anglaise, celle-ci constituant le dbut dune autoperception ngative qui a
longtemps domin le rapport des Qubcois leur propre langue. Ctait surtout
lintelligentsia canadienne-franaise qui, ds le milieu du XIXe sicle, commena
dnoncer la langue de ses compatriotes lorsquelle prit conscience du fait que cette
langue prsentait plusieurs diffrences par rapport celle qui avait cours en France
(cf. Remysen 2012, 422).
Au dbut du XXe sicle, lorsquune intensification du contact entre le Qubec et la
France fut en cours, les Qubcois commencrent sapercevoir de plus en plus des
diffrences existantes entre le franais qubcois et le franais de la France (cf. Reinke
2004, 7). Tout cela contribuera la mise en place dun mouvement de correction de la
langue, dont les chroniques de langage feront partie intgrante (cf. Remysen 2012,
422).
Ainsi, le discours sur la qualit de langue sest dsormais concentr la relation
entre le franais qubcois et le franais de la France. La relation problmatique que
le Qubcois entretient avec sa langue est souvent caractrise par la notion dinscurit linguistique. Cette inscurit linguistique se manifeste dans lutilisation de dictionnaires qui dcrivent ou prescrivent les usages tels quils existent dans la varit
exogne, par la consultation des services linguistiques et par la discussion sur la
qualit de la langue utilise lcole, dans ladministration, au travail et dans les
mdias (cf. Reinke/Ostiguy 2005).
202
Carolin Patzelt
203
1)
[] Lusage (on ne le rptera jamais assez : celui de France, pas le ntre, qui ne compte
pas en franais, sauf dans des cas extraordinaires) repose sur un instinct de la langue qui
5 Dont En garde !, 1912, rdit jusquen 1925 ; le Dictionnaire de bon langage [1914, rdit jusquen
1949], et le Manuel du bon parler, 1927, rdit jusquen 1960.
6 Il fut invit plusieurs reprises lmission Langage de mon pays, diffuse la radio de RadioCanada.
204
Carolin Patzelt
sgare rarement. Il sappuie aussi sur des faits qui nexistent quen France mais dont nous
devons tenir compte sous peine de ne pas tre compris des Franais, cest--dire sous peine
disolement (Dagenais 1960a, 2).
7 Pour les informations sur les chroniqueurs cits ici, cf. http://catfran.flsh.usherbrooke.ca/chroque/
chroniqueurs_beaudry.php (27.04.2015).
205
206
Carolin Patzelt
207
8 La question de savoir sil existe ou pas une identit romande a fait lobjet de dbats controverss
(Seiler/Knsel 1989).
208
Carolin Patzelt
Chers Confdrs, vous avez, en partage, lusage de la langue franaise. [] De tout temps [],
le franais dici a t expos la langue majoritaire de ce pays, que lon appelle, sans doute
plus par simplification que par ignorance, lallemand . [] Le franais de Suisse, donc ? Le
franais fdral y fleurit, surtout dans des textes venant des services fdraux, mais aussi
quotidiennement dans la bouche et sous la plume de Romands, contamins. [] Le franais,
langue des Romands ? Le franais, dont il faudrait se proccuper chez nous ? Linterventionnisme si interventionnisme il y a hsite entre la romandisation et le Kantnligeist
(https://sites.google.com/site/reynaldfrancaisfederal/).
9 LAssociation fut fonde en 2004, dun constat inquitant : lhgmonie des anglo-amricanismes
dans la vie quotidienne qui met en danger [les] langues nationales (http://defensedufrancais.ch,
27.04.2015).
10 Ainsi, le franais en Suisse subit une forte influence par lallemand dans le cadre de textes officiels.
tant donn que la grande majorit des textes publics est initialement rdige en allemand, les
Romands sont confronts une multitude de traductions, ceci ayant un impact direct sur la qualit de
la langue (cf. Lobin 2015, 32).
209
Ces mots sont extraits dune lettre ouverte du 29 septembre 2011 que Reynald Forster,
blogueur actif pour la dfense de la langue franaise en Suisse romande, adressa aux
cantons de Suisse occidentale. Il tait intervenu dj en 2005 auprs des responsables
de lducation et de linstruction publique des cantons romands avec deux lettres dans
lesquelles il dplorait titre dexemple lexpression problmatique de notice demballage . Il qualifie celle-ci de virus , ayant dsormais atteint toute lindustrie pharmaceutique suisse (https://sites.google.com/site/reynaldfrancaisfederal). Comme le rvle le texte de lune des lettres ouvertes, ce fut dj en 2005 que Reynald Forster tait
la recherche dune plateforme approprie et envisageait de se plaindre en public :
Pour ma part, la seule chose que je naie pas encore faite, cest de monter sur une
grue, Place fdrale. propos : o se trouve notre Hyde Park Corner pour la Suisse
romande? (https://sites.google.com/site/reynaldfrancaisfederal). Se dsesprant de
linertie et du non-professionnalisme des autorits responsables, il se rsolut choisir
une forme de communication participative et interactive qui permettait le transfert de
connaissances entre partenaires gaux et se mit bloguer sur ce sujet ds 2007.
En gnral, on constate chez les blogueurs une peur profonde de la contamination du franais par lallemand. Parmi les sujets les plus discuts par les profanes se
trouve la dnomination du franais de la Suisse comme franais fdral , ce terme
figurant aussi dans le Dictionnaire suisse romand (Thibault/Knecht 2004, 3791) :
Franais germanis (ou simplement fautif) des textes produits par ladministration centrale,
ainsi que par les entreprises et agences de publicit dont le sige social est situ en Suisse
almanique ; (par ext.) franais germanis (ou fautif) pratiqu par les Suisses almaniques (et,
ventuellement, par les Suisses romands) .
11 Une centaine de Neuchtelois furent invits valuer sur une chelle de 1 7 lacceptabilit dans
une conversation entre amis et dans une situation formelle de 40 noncs comportant des rgionalismes, des germanismes (rels ou fantasmatiques), des anglicismes et quelques exemples de franais
standard (cf. De Pietro 1995, 238).
210
Carolin Patzelt
4.2 La Belgique
En Belgique tout comme ailleurs dans la francophonie europenne , lexpansion
du franais commun comme langue parle au XIXe sicle conduisit des formes
intermdiaires entre les patois et le franais standard. Perus, pour longtemps,
comme des formes contamines et vicies du bon langage, ces franais rgionaux
constiturent la premire cible dun purisme prnant lalignement total sur le franais
de Paris et menant une inscurit linguistique profondment intriorise.
Ce courant puriste trouva son accomplissement dans luvre Chasse aux belgicismes (Hanse/Doppagne/Bourgeois-Gielen 1971). Ce dictionnaire correctif devenait un
vritable succs de librairie (cf. Pll 2007, 31ss.) et fut constamment utilis par les
locuteurs pour clarifier des doutes linguistiques. Cependant, actuellement et depuis
quelques temps dj, on assiste un notable rejet du modle franais et une autovaluation beaucoup moins dprciative de la pratique de langage, laquelle a aussi
conduit un changement de la conception lexicographique : Un rcent dictionnaire
diffrentiel Belgicismes. Inventaire des particularits lexicales du franais de Belgique
(cf. Bal/Doppagne/Goosse 21994) gratifie les mots quil recense de toutes les vertus,
car ils exprime[nt], au-del des ralits et des sentiments prsents, le got du pass,
le bonheur de lenfance, les souvenirs dtudiants, le plaisir des mots oublis et
retrouvs [] (ibid.). Curieux dtail signaler : deux des auteurs de ce dictionnaire
avaient collabor la Chasse aux belgicismes, et la plupart des mots et expressions
dnoncs dans le clbre recueil de mots viter apparaissent dans Belgicismes sans
faire lobjet de critique.
En outre, dans les annes 1990, les instances de la politique linguistique en
Communaut franaise de Belgique (CFB : Conseil suprieur de la langue franaise,
Service de la langue franaise) se lancrent dans des activits damnagement linguistique, cest--dire quelles intervinrent sur le corpus de la langue, et ce souvent
indpendamment de la France. Ainsi, la Belgique francophone a poursuivi sa propre
politique, aussi en ce qui concerne la Rforme de lorthographe de 1990, dont
lapplication est recommande alors que ces propositions sont restes lettre morte en
France. Moreau/Brichard/Dupal (1999) ont pu montrer que la fusion, dans limaginaire linguistique, entre les catgories belge et incorrect (et inversement : franais et
correct) nest plus pertinente et quil existe une catgorie spciale de belgicismes : il
en est des nobles , qui chappent la stigmatisation : ceux qui prennent leur
ancrage dans le groupe socioculturellement dominant (Moreau/Brichard/Dupal 1999,
10).
Cela dit, il nest pas tonnant que les chroniques de langage, de nos jours,
montrent une attitude plutt positive envers les belgicismes. Ceux-ci se dnomment et
se contrastent avec les expressions de la France, mais on ne vise pas les corriger .
Bien au contraire, les belgicismes sont souvent traits comme des signes didentit
linguistique des Belges. Le plus souvent, ces chroniques attestent un refus conscient
des emprunts du franais aux langues de contact (cf. Reutner 2009), notamment au
211
5 Rsum
Au Qubec, la plupart des journaux grand tirage ont acueilli, partir du milieu du
XIXe sicle, des chroniques de langage visant corriger la langue des Qubcois.
ces chroniques sajoutent de nombreux autres types darticles publis dans la presse
crite, soit des ditoriaux, soit des lettres dopinion. Toutes ces publications ont pour
but dinfluencer en quelque sorte lopinion publique concernant des questions linguistiques. Bien que les chroniques de langage noccupent pas une place aussi
dominante dans dautres pays francophones quau Canada, la presse constitue, dans
12 Lequel ne peut pas tre considr comme grammaire ordinaire, englobant, entre autres, des
chroniques de langage.
13 Cette chronique se publie dans les brochures du Cercle dOr, appartenant au club belge dorthographe (http://lecercledor.jimdo.com).
212
Carolin Patzelt
tous les pays, un moyen puissant et important pour commenter des questions de
langue et pour commenter et influencer le processus de standardisation et fixation de
la langue crite. Entre les pays francophones, ce sont surtout le Canada et la Belgique
dont les discours mtalinguistiques sont largement diffuss dans la presse.14 Les
profanes utilisent de plus en plus linternet pour changer des opinions et du savoir
sur de nombreuses questions linguistiques. En outre, la langue utilise par les
journalistes sert souvent de modle, ainsi quune tude de la presse crite permet de
mieux comprendre lmergence de normes standard locales (cf. Percy 2012).
6 Bibliographie
Achard-Bayle, Guy/Paveau, Marie-Anne (2008), La linguistique hors du temple , Pratiques 139/
140, 316.
Antos, Gerd (1996), Laien-Linguistik. Studien zu Sprach- und Kommunikationsproblemen im Alltag.
Am Beispiel von Sprachratgebern und Kommunikationstrainings, Tbingen, Niemeyer.
Bal, Willy/Doppagne, Albert/Goosse, Andr (edd.) (1994), Belgicismes. Inventaire des particularits
lexicales du franais en Belgique, Louvain-la-Neuve, Duculot.
Beaudry, Pierre (1974), Hommage M. Grard Dagenais, La Presse, Montral, 2 avril 1974, C8.
Bguin, Louis-Paul (1976), Un genre littraire : la chronique de langue, Le Devoir, Montral, 18 sept.,
1314.
Blanchard, tienne (1912), En garde ! Termes anglais et anglicismes dans le commerce, les amusements, les professions, les mtiers, les voyages, la ferme, au Parlement, etc. Montral,
Imprimerie Bilaudeau.
Blanchard, tienne (1914), Dictionnaire de bon langage, Paris, Librairie Vic et Amat.
Blanchard, tienne (1927), Manuel du bon parler, Montral, Les Frres des coles chrtiennes.
Bouchard, Chantal (2002), La langue et le nombril. Une histoire sociolinguistique du Qubec,
Montral, Fides.
Bourgeois, Annemie (1981), Bibliographie des chroniques de langage publies dans La Libre
Belgique , Le Soir et Le Journal des Tribunaux (196319641965), 2 vol., Leuven, mmoire
de licence, Katholieke Universiteit Leuven.
Brekle, Herbert E. (1989), La linguistique populaire, in : Sylvain Auroux (ed.), Histoire des ides
linguistiques, tome 1, Liges/Bruxelles, Mardaga, 3944.
Bron, Jacques, Chroniques de Jacques Bron, Association Dfense du franais, http://defensedufrancais.ch/association/?cat=15 (27.04.2015).
Buies, Arthur (18651866), Barbarismes canadiens, Le Pays, Montral, 26 octobre 18655 janvier
1866.
Buies, Arthur (1888), Chronique, Llecteur, Qubec, 9 janvier 18883 mars 1888.
Camartin, Iso (1985), Les relations entre les quatre rgions linguistiques, in : Robert Schlpfer (ed.),
La Suisse aux quatre langues, Genve, Zo, 251292.
Caput, Jean-Pol (19721975), La langue franaise : histoire dune institution, 2 vol., Paris, Librairie
Larousse.
14 Laquelle excerce souvent un double rle en tant que lieu de circulation des idologies linguistiques
et, la fois, lieu de normalisation dune langue.
213
Cellard, Jacques (1983), Les chroniques de langage, in : Edith Bdard/Jacques Maurais (edd.),
La norme linguistique, Qubec/Paris, Conseil de la langue franaise/Le Robert, 651
666.
Cercle dOr. Club belge dorthogaphe, http://lecercledor.jimdo.com (27.04.2015).
ChroQu = Verreault, Claude/Mercier, Louis (2000), avec la collaboration de Thomas Lavoie, Chroniques qubcoises de langage : base de donnes textuelles [en ligne], Qubec, Universit Laval,
http://catfran.flsh.usherbrooke.ca/chroque/ (27.04.2015).
Clas, Andr (ed.) (19751976), avec la collaboration de Paul Daoust et Claude Durand, Bibliographie
des chroniques de langage publies dans la presse au Canada (Montral), 2 vol., Universit de
Montral, Dpartement de linguistique et philologie (Observatoire du franais moderne et
contemporain).
Cohen, Marcel (1967), Histoire dune langue : le franais (des lointaines origines nos jours),
3e dition, revue et mise jour, Paris, ditions sociales.
Dagenais, Grard (1960a), Rflexions sur nos faons dcrire et de parler. Isolement ou participation,
Le Devoir, Montral, 1er fvrier 1960, 2.
Dagenais, Grard (1960b), Rflexions sur nos faons dcrire et de parler. La langue appartient ltat,
Le Devoir, Montral, 31 octobre 1960, 18 et 7.
Dagenais, Grard (1971), Pour un Qubec franais associ un Canada bilingue. Dfinitions importantes, All Police, Montral, 11 juillet 1971.
Dagenais, Grard (1973), Pour un Qubec franais : chronique des annes 1970, 1971, 1972, Montral,
ditions du Jour.
Daoust, Paul (1974), Vues et aperus sur le franais au Canada, Montral, Universit de Montral/
Dpartement de linguistique et philologie.
Daoust, Paul (2000), Les chroniques sur la langue, in : Michel Piourde (ed.), avec la collaboration
dHlne Duval et Pierre Georgeault, Le franais au Qubec : 400 ans dhistoire et de vie,
Montral, Fides/Qubec, Les Publications du Qubec, 200.
Darbelnet, Jean (1965), Le bilinguisme et les anglicismes : langlicisation de la langue franaise au
Qubec, ses causes et les remdes possibles, Ottawa, Commission royale denqute sur le
bilinguisme et le biculturalisme.
Darbelnet, Jean (1976), Le franais en contact avec langlais en Amrique du Nord, Qubec, Presse de
lUniversit Laval.
De Coster, Nadine (1981), Chroniques de langage publies dans les journaux et priodiques belges de
1969 1971, 2 vol., Leuven, Katholieke Universiteit Leuven.
Dlgation la langue franaise, <http://www.dlf-suisse.ch/> (27.04.2015).
De Pietro, Jean-Franois (1995), Francophone ou Romand ? Qualit de la langue et identit linguistique
en situation minoritaire, in : Jean-Michel Eloy et al. (edd.), La qualit de la langue ? Le cas du
franais, Paris, Champion, 223250.
Fichier franais de Berne (2007), <http://www.fichier-francais.ch/> (27.04.2015).
Forster, Reynald (1994), Parlez-vous suisse ?, https://sites.google.com/site/reynaldfrancais federal
(27.04.2015).
Francard, Michel (1998), La lgitimit linguistique passe-t-elle par la reconnaissance du statut de
varit nationale ? Le cas de la Communaut franaise Wallonie-Bruxelles, Revue qubcoise
de linguistique (Qubec), 26:2, 1323.
Gadet, Franoise (1999), La langue franaise au XXime sicle. 1. Lmergence de loral, in : Jacques
Chaurand (ed.), Nouvelle histoire de la langue franaise, Paris, ditions du Seuil, 581671.
Gagn, Frdrik/Verreault, Claude/Mercier, Louis (2004), La base de donnes textuelles ChroQu : un
nouvel outil pour largir la description du franais en usage au Qubec, in : Louis Mercier (ed.),
Franais du Canada Franais de France. Actes du sixime colloque international tenu Orford,
Qubec, du 26 au 29 sept. 2000, Tbingen, Niemeyer, 247261.
214
Carolin Patzelt
Georgin, Ren (1965), Quest-ce quune chronique de grammaire ?, Dfense de la langue franaise 30,
49.
Goosse, Andr (2001), Le Bon Usage, Bruxelles, Duculot/DeBoeck.
Goosse, Andr (2011), Faons belges de parler, Bruxelles, Cri.
Grevisse, Maurice (19611970), Problmes de langage, Paris, Presses Universitaires de France.
Hanse, Joseph/Doppagne, Albert/Bourgeois-Gielen, Hlne (1971), Chasse aux belgicismes, Bruxelles, Fondation Charles Plisnier.
Knecht, Pierre/Py, Bernard (1996), Sprachkontakte in Mitteleuropa. Schweiz : Suisse Romande, in :
Hans Goebl et al. (edd.), Kontaktlinguistik. Ein internationales Handbuch zeitgenssischer Forschung, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 18621871.
Kolde, Gottfried (1981), Sprachkontakte in gemischtsprachigen Stdten. Vergleichende Untersuchungen ber Voraussetzungen und Formen sprachlicher Interaktion verschiedensprachiger
Jugendlicher in den Schweizer Stdten Biel/Bienne und Fribourg/Freiburg i. Ue., Wiesbaden,
Steiner.
Lajeunesse, Marcel (2010), Le dictionnaire dans les coles francophones du Qubec, 18801960,
Papers of the Bibliographical Society of Canada/Cahiers de la Socit bibliographique du
Canada 48:2, 237255.
Lobin, Antje (2015), Les interactions linguistiques en Suisse romande virus ou facteur de cohesion ?
Une analyse dattitudes par rapport au franais fdral, in : Stphane Hardy/Sandra Herling/
Carolin Patzelt (edd.), Laienlinguistik im frankophonen Internet, Berlin, Frank & Timme, 29
47.
Ldi, Georges, et al. (1995), Changement de langage et langage du changement. Aspects linguistiques
de la migration interne en Suisse, Lausanne, Lge dHomme.
Matthey, Marinette (2003), Le franais langue de contact en Suisse romande, Glottopol. Revue de
sociolinguistique en ligne 2, 92100.
Matthey, Marinette/De Pietro, Jean-Franois (1997), La socit plurilingue : utopie ou domination
accepte ?, in : Henri Boyer (ed.), Plurilinguisme : contact ou conflit de langues ? Paris,
LHarmattan, 133190.
Molitor, Eva (2004), Message lectronique oder Email ? Einstellungen frankophoner Informatikerinnen
und Informatiker zu offiziellen Ersatzwrtern fr die Fachsprache des Internets und zur Sprachpolitik. Ergebnisse einer WWW-Befragung, Gttingen, Universittsverlag.
Moreau, Marie-Luise/Brichard, Huguette/Dupal, Claude (1999), Les Belges et la norme. Analyse dun
complexe linguistique, Bruxelles, Communaut franaise de Belgique/Duculot.
Osthus, Dietmar (2006), Laienlinguistik und Sprachchroniken. Franzsisch/Okzitanisch, in : Gerhard
Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte
der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 15331546.
Paveau, Marie-Anne (2005), Linguistique populaire et enseignement de la langue : des catgories
communes ?, Le Franais aujourdhui 151, 95107.
Paveau, Marie-Anne (2007), Les normes perceptives de la linguistique populaire, Langage et Socit
119:1, 93109.
Paveau, Maie-Anne/Rosier, Laurence (2008), La langue franaise. Passions et polmiques, Paris,
Vuibert.
Percy, Carol (2012), Early Advertising and Newspapers as Sources of Sociolinguistic Investigation, in :
Juan Manuel Hernndez-Campoy/Juan Camilo Conde-Silvestre (edd.), The Handbook of Historical
Sociolinguistics, Malden/Oxford, Blackwell, 191210.
Pll, Bernhard (2007), Le mtissage des modles normatifs : les bons usages francophones et
lascendant du franais international , Odense Working Papers in Language and Communication 28, 3144, http://www.sdu.dk/~/media/Files/Om_SDU/Institutter/ ISK/Forskningspublikationer/OWPLC/Nr28.ashx (27.04.2015).
215
Poulain de LaBarre, Franois (1691), Essai des remarques particulires sur la Langue Franoise, pour
la Ville de Genve, Genve.
Quemada, Bernhard (19701972), Bibliographies des chroniques de langage publies dans la presse
franaise, 2 vol., Paris, Didier.
Reinke, Kristin (2004), Sprachnorm und Sprachqualitt im frankophonen Fernsehen von Qubec.
Untersuchung anhand phonologischer und morphologischer Variablen, Tbingen, Niemeyer.
Reinke, Kristin/Ostiguy, Luc (2005), La concurrence des normes au Qubec, dans les mdias, lcole
et dans les dictionnaires, in : Carsten Sinner (ed.), Normen und Normkonflikte in der Romania,
Mnchen, Peniope, 197211.
Remysen, Wim (2005), La chronique de langage la lumire de lexprience canadienne-franaise :
un essai de dfinition, in : Julie Brub/Kaine Gauvin/Wim Remysen (edd.), Les Journes de
linguistique. Actes du 18e colloque 1112 mars 2004, Qubec, Ciral, 267281.
Remysen, Wim (2009a), Description et valuation de lusage canadien dans les chroniques de
langage : contribution ltude de limaginaire linguistique des chroniqueurs canadiens-franais, thse de doctorat, Qubec, Universit Laval.
Remysen, Wim (2009b), Lemploi des termes canadianisme et qubcisme dans les chroniques
de langage canadiennes-franaises, in : France Martineau et al. (edd.), Le franais dici : tudes
linguistiques et sociolinguistiques sur la variation du franais au Qubec et en Ontario, Toronto,
ditions du GREF, 207231.
Remysen, Wim (2010), Le discours normatif des chroniqueurs de langage canadiens-franais : arguments avancs pour justifier certains emplois qui ont cours en franais du Canada, in : Paul
P. Danler et al. (edd.), Actes du XXVe Congrs international de linguistique et de philologie
romanes (Innsbruck, 38 septembre 2007), vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 673684.
Remysen, Wim (2011), Lapplication du modle de lImaginaire linguistique des corpus crits : le cas
des chroniques de langage dans la presse qubcoise, Langage et socit 135, 4765.
Remysen, Wim (2012), Les reprsentations identitaires dans le discours normatif des chroniqueurs
de langage canadiens-franais depuis le milieu du XIX sicle, French Language Studies 22,
419444.
Remysen, Wim (2013), Le rle des dictionnaires franais dans le discours normatif dtienne Blanchard, chroniqueur de langue, Revue de Linguistique Romane 77, 517540.
Reutner, Ursula (2009), Rendez donc Csar ce qui est Csar ? Remarques comparatives sur
lauto-perception linguistique belge et qubcoise, in : Beatrice Bagola/Hans Josef Niederehe
(edd.), Franais du Canada, franais de France, Tbingen, Niemeyer, 81100.
Seiler, Daniel-L./Knsel, Ren (edd.) (1989), Vous avez dit Suisse romande ? Une identit conteste :
29 personnalits sinterrogent, Lausanne, ditions 24 heures.
Skupien Dekens, Carine (1998), La Bataille du franais en Suisse romande durant lEntredeuxguerres [sic] : le purisme linguistique dans les chroniques de langage de la presse romande, Vox
Romanica 57, 156171.
Thibault, Andr/Knecht, Pierre (2004), Dictionnaire suisse romand. Particularits lexicales du franais
contemporain, Genve, ditions Zo.
Vinay, Jean-Paul (1973), Le franais en Amrique du Nord : problmes et ralisations, Current Trends
in Linguistics 10:1, 323406.
Zolty, Alain (1968), Les mission de radio-tlvision consacres la langue franaise, Culture vivante,
Qubec, 78, 5054.
Felix Tacke
Abstract : Larticle dresse un panorama de la politique vis--vis de la diversit linguistique en France, savoir les varits autres que le franais standard (dialectes dol,
franais rgionaux) et les langues des minorits (langues rgionales, langues minoritaires, langues de France ). Partant des notions damnagement linguistique et de
dfense (institutionnalise) de la langue, larticle esquisse dabord la situation actuelle et identifie les principaux acteurs impliqus pour se focaliser ensuite sur
lamnagement linguistique (statut, corpus) des langues rgionales parles en France
mtropolitaine. Il est dmontr quen dpit des progrs dans le domaine de lenseignement, lamnagement linguistique des langues autres que le franais, dsormais
appeles langues de France , sinscrit dans une politique publique patrimoniale
valeur avant tout symbolique.
1 Le terme damnagement linguistique a t utilis pour la premire fois en 1973 par Jean-Claude
Corbeil, alors directeur de lOffice de la langue franaise au Qubec, lexemple, entre autres,
d amnagement du territoire , dj usuel en franais depuis le XIXe sicle.
217
2 Cf. les titres darticles n 125, 126c et 128 dans le manuel dErnst et al. (20032008) et lexposition
thorique dans Polzin-Haumann (2006, 14721474) ; lexpression allemande (institutionalisierte)
Sprachpflege y est traduite par dfense (institutionnalise) de la langue.
3 Ainsi le titre de la traduction franaise de son livre French : From Dialect to Language (Lodge 1993).
Sur lapproche historiographique de Lodge, cf. Lebsanft (2003).
4 propos des notions langage de la proximit et langage de la distance 11 Limmdiat, la proximit
et la distance communicative ; sur la culture de la langue franaise base sur le bon usage
5 Amnagement linguistique et dfense institutionnalise de la langue : France.
218
Felix Tacke
La France, comme la plupart des pays du monde, est culturellement et linguistiquement diverse. Partant dune conception de variation gographique, cette diversit se
constitue notamment par des strates de systmes linguistiques rgionaux stendant
au-dessous de la langue commune (Muller 1985, 135) sur lesquelles se situent non
seulement les ralisations diffrentes de la langue franaise et ses varits dialectales,
mais aussi les rgions franaises marques par la coexistence avec dautres langues
dites rgionales . Si la diversit relve de la ralit des pratiques linguistiques,
lamnagement linguistique, quant lui, renvoie la sphre politique et la conception culturelle qui, notamment dans le cadre de la politique linguistique tatique, est
projete sur le pays. Tandis que certaines langues sont politiquement favorises,
dautres ne sont mme pas prises en compte. Ainsi, les langues parles par les
groupes immigrants (souvent beaucoup plus nombreux que les locuteurs des langues
dites traditionnelles ) ne sont gnralement pas considres de la mme faon que
les langues parles traditionnellement 5 dans ce pays et donc reconnues en tant
que partie du patrimoine culturel rgional ou national. Dailleurs, force est de constater que dans la Constitution ne sont mentionnes que les langues rgionales, malgr
linclusion de quelques langues de tradition rcente (Cerquiglini 1999) dans le
cadre plus largi des langues de France (cf. infra).
219
a)
b)
c)
Ainsi, au moment de classer les langues, se dgagent les critres essentiels suivants :
territorial
langues rgionales
langues non-territoriales
historique/traditionnel
220
Felix Tacke
Tableau 2 : Usage des langues rgionales en France (source : INSEE 1999 / CLR 2013, 94)
locuteurs rguliers
locuteurs occasionnels
650.000
230.000
basque
50.000
breton
280.000
600.000
catalan
110.000
corse
70.000
100.000
flamand
30.000
50.000
franco-provenal
80.000
130.000
langues dol
580.000
730.000
600.000
1.600.000
langue
alsacien et francique mosellan (platt)
9 Cf. lenqute famille associe au recensement de 1999 (INSEE 1999) qui est le dernier recensement
gnral ainsi que les tableaux bass sur celle-ci dans le rapport du CLR (2013, annexe V, 9498).
10 Le CLR (2013, 12) constate une baisse de la pratique des langues rgionales [], au profit du
franais et un dclin gnral en France mtropolitaine en comparant les donnes rsultant du
recensement de 1999 et celles de lenqute information et vie quotidienne (INSEE 2011).
221
11 Loi du 16 juin 1881 tablissant la gratuit absolue de lenseignement primaire dans les coles
publiques ; Loi du 28 mars 1882 sur lenseignement primaire obligatoire.
12 La littrature autour du dbat est abondante, cf. p. ex. les contributions dans Clairis/Costaouec/
Coyos (1999) ; Viaut (2002) ; Conseil de lEurope (2003) ; Lebsanft (2004) ; Willwer (2006, 97218) ;
Woehrling (2011, 5864) ; Aln Garabato (2013, 327334) ; Polzin-Haumann (2015). Sur lapplication de
la Charte en Europe cf. les articles dans le manuel de Lebsanft/Wingender (2012).
13 Pour un aperu de lhistoire du droit des langues en France, cf. Woehrling (2013).
14 propos de lusage antrieur de lexpression, cf. Sibille (2010, 89s.).
222
Felix Tacke
Ne subissant que des modifications mineures et sans valeur juridique, la liste ainsi
que la notion ont pourtant t reprises maintes fois dans le discours politique
patrimonial et notamment au sein du ministre de la Culture et la DGLF qui, en 2001,15
sest vue rebaptise Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de
France (DGLFLF). Lexpression de langues de France ainsi officialise figure dsormais dans de nombreux textes valeur normative (cf. Sibille 2010, 9092). La liste
propose dans le rapport Cerquiglini (1999) peut surprendre plus dun titre :16 le
franais, langue nationale et langue de la Rpublique (Constitution, art. 2), ny est
pas inscrit. Se trouvent galement exclus de la liste, et donc de la politique linguistique, les franais rgionaux considrs comme de simples dialectes ( faons de
parler cette langue ).17 En revanche, Cerquiglini choisit dy faire figurer, au-del des
langues rgionales de France traditionnellement prises en compte,18 les langues
rgionales parles en Outre-mer et les langues dol.19 Selon lui, ce choix se justifie car
lcart na cess de se creuser entre le franais et les varits de la langue dol, que
lon ne saurait considrer aujourdhui comme des dialectes du franais . Parmi les
langues non-territoriales , il mentionne dun ct des langues de tradition ancienne
( judo-espagnol, romani, yiddish ) et la langue des signes franaise, et de lautre
ct l arabe dialectal , l armnien occidental et le berbre en estimant que la
tradition [dusage en France] peut tre rcente et que ces langues ne sont
protges par aucun pays.20
Bien que le concept de langue de France soit dsormais intgr au champ
politico-administratif (cf. Sibille 2010), il est nanmoins important de noter que la
politique linguistique franaise, mme si elle commence modestement sengager
dans lamnagement de la/sa diversit linguistique, favorise sensiblement les langues
rgionales (traditionnelles) de France mtropolitaine auxquelles se destine laction
15 Dcret n 2001950 du 16 octobre 2001 modifiant le dcret n 89403 du 2 juin 1989 instituant un
Conseil suprieur de la langue franaise et une dlgation gnrale la langue franaise.
16 Seront cites les langues telles quelles figurent dans la version actuelle de la liste publie dans le
rapport du CLR (2013, annexe IV, 92s.).
17 Tandis que les franais rgionaux hors de France, notamment le franais parl au Qubec, sont
susceptibles de former les bases pralables des codifications de standards nationaux (pour le franais
en tant que langue polycentrique, cf. Pll 1998 ; 2002 ; 2012 ; Francard 2001 ; Lebsanft 2005, 291s.) et
quils peuvent ainsi faire partie dun amnagement linguistique concret, les franais rgionaux de
France ne constituent pas lobjet dune standardisation quelconque (Lebsanft 2005, 292).
18 Basque, breton, catalan, corse, dialectes almanique et francique (alsacien et francique mosellan), flamand occidental, francoprovenal, occitan ou langue doc (gascon, languedocien, provenal,
auvergnat, limousin, vivaro-alpin), parlers liguriens .
19 [F]ranc-comtois, wallon, champenois, picard, normand, gallo, poitevin-saintongeais, lorrain,
bourguignon-morvandiau .
20 Dans la doctrine franaise assume par Cerquiglini, cest la notion de citoyen qui semble pertinente
au moment de dterminer les langues retenir. Il sensuit quen thorie toute langue parle par des
citoyens franais pourrait figurer parmi les langues de France, alors que selon le droit du sol , les
enfants ns de limmigration sont des citoyens franais ds la seconde gnration.
223
Elle veille inscrire les langues de France dans les politiques culturelles. Elle dveloppe leur
observation, encourage leur prservation et contribue leur valorisation. Elle met en uvre,
conjointement avec les ministres et organisations concerns, les actions de lEtat destines
promouvoir le plurilinguisme, conforter la place de la langue franaise dans les pays francophones et renforcer la diversit linguistique en Europe et dans le monde .22
En outre, dans lintention de redfinir une politique publique en faveur des langues
rgionales et de la pluralit linguistique interne , a t institu, le 6 mars 2013, au
sein du mme ministre, le Comit consultatif pour la promotion des langues rgionales et de la pluralit linguistique interne (CLR).
Au niveau des rgions dont les comptences sont codifies dans le Code gnral
des collectivits territoriales, les relations sont analogues : dun ct, la politique
patrimoniale est assume par les directions gnrales des affaires culturelles, de
lautre ct, ce sont les acadmies (les circonscriptions administratives de lducation
nationale) qui sont responsables dorganiser lenseignement des langues rgionales
selon les termes ngocis par voie de conventions entre ltat et les collectivits
territoriales. Loin dtre homognes, les politiques menes par ces acteurs varient
dune rgion et dune langue rgionale lautre (cf. Clairis et al. 2011, 111) ; dans le cas
de loccitan, elle varie ainsi mme par rapport aux diffrentes varits, lespace de la
21 De la mme manire, le CLR considre quune application de la Charte, mme dfaut dune
ratification, ne pouvait tre uniforme pour toutes les langues appartenant la liste des langues de
France et met en avant les six langues reconnues dans lenseignement public (alsacien, basque,
breton, catalan, corse, occitan).
22 Dcret n 20091393 du 11 novembre 2009 relatif aux missions et lorganisation de ladministration centrale du ministre de la culture et de la communication, article 6.
224
Felix Tacke
langue dpassant largement celui dune seule rgion. En plus dinnombrables associations prives engages dans leur promotion,23 les langues rgionales comptent sur
le support de quelques institutions officielles de statuts juridiques divers :24 lOffice
pour la langue et la culture dAlsace (Elsassisches Sprochmt), lOffice public de la
langue basque (Euskararen Erakunde Publikoa), lOffice public de la langue bretonne
(Ofis Publik ar Brezhoneg) et le Centre interrgional de dveloppement de loccitan.
Parmi les associations (de type loi 1901 25) les plus importantes figurent lInstitut de
la langue rgionale flamande (Akademie voor Nuuze Vlaemsche Taele), lInstitut culturel basque (Euskal Kultur Erakundea), la Dfense et Promotion des Langues dOl et
lInstitut dtudes occitanes (Institut dEstudis Occitans). Le catalan, quant lui,
repose sur le support de lInstitut dtudes catalanes (Institut dEstudis Catalans)
Barcelone.
Selon lanalyse des structures institutionnelles incluse dans le rapport du CLR
(2013), le manque de cohrence des stratgies de promotion des langues rgionales
empche, jusqu prsent, la mise en place dune politique linguistique efficace ; pour
une telle politique, il faudrait, selon lui (2013, 54), [m]ieux structurer les rles de
ltat et des collectivits territoriales notamment par la cration dun Comit
interministriel pour les langues rgionales et le plurilinguisme interne .
225
dire les dispositions lgislatives (lois), rglementaires et infra-rglementaires (ordonnances, dcrets, arrts, circulaires) qui rgissent lusage de ces langues dans
les diffrentes sphres de la vie publique. Sera alors pris en compte de manire
plus dtaille, du fait de son importance, le Code de lducation qui contient toutes
les dispositions normatives (lois et rglements) concernant des langues rgionales
depuis 1951 dans ce domaine cl de lamnagement linguistique. part cette
lgislation explicite envers les langues rgionales, il est indispensable de prendre
en considration la lgislation concernant la langue franaise dont dcoule, de
manire implicite, le cadre gnral dans lequel lamnagement des langues rgionales peut se dployer.
27 Carcassonne (1998, par. 35) souligne en outre que larticle 2 ntait expressment pas vis contre
lusage des langues rgionales (cf. Assemble nationale, sance du 12 mai 1992, JO, 13 mai 1992, 1019
1022). Cf. aussi Braselmann (1999).
28 Lexpression de tolrance constitutionnelle lgard des langues rgionales a t formule pour
la premire fois, selon Bertile, par Jean-ric Schoettl (1999), alors secrtaire gnral du Conseil
constitutionnel.
226
Felix Tacke
Or, au lieu de changer le cadre lgal pour permettre des mesures de sauvegarde
efficaces, la politique linguistique franaise sest apprte plutt nenvisager la
diversit linguistique que dans le cadre dune logique purement patrimoniale.29 Cest
dans ce sens quen 2008, dans le cadre de la rforme constitutionnelle,30 larticle 751
fut introduit dans la Constitution constatant dsormais que [l]es langues rgionales
appartiennent au patrimoine de la France . Loin dtre une reconnaissance officielle
des langues rgionales, larticle insiste sur la dmarche culturelle sans envisager un
changement quelconque de leur statut dans la vie publique : Linscription au patrimoine est une valorisation qui nengage aucune promotion active (Sauzet 2009,
10). Mme si linsertion de larticle dans le titre XII consacr aux collectivits territoriales semble indiquer laffirmation d un principe de responsabilit partage (CLR
2013, 47) entre celles-ci et ltat (cf. Carcassonne 2011 ; Bertile 2011),31 il sagit donc
tout dabord dun acte symbolique.
Parmi les engagements internationaux assums par la France figurent deux
conventions de lUnesco, savoir celle pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatriel et celle sur la protection et la promotion de la diversit des expressions
culturelles qui avaient dj t ratifies par la France en 2006. Au contraire, la
Charte du Conseil de lEurope, instrument de sauvegarde beaucoup plus concret et se
consacrant explicitement aux langues rgionales et minoritaires, a dj t signe par
la France en 1998 mais na pas t ratifie depuis cause du verdict du Conseil
constitutionnel. Celui-ci avait estim, dans sa dcision du 15 juin 1999,32 que plusieurs
dispositions de la Charte taient contraires la Constitution, notamment aux principes d indivisibilit de la Rpublique, dgalit devant la loi et dunicit du peuple
franais ainsi qu larticle 2 en ce quelles tendent reconnatre un droit
pratiquer une langue autre que le franais non seulement dans la vie prive mais
galement dans la vie publique, laquelle la Charte rattache la justice et les auto
227
rits administratives et services publics . Une modification de la Constitution permettant de ratifier la Charte est improbable.33
4.2.1 Enseignement
La lgislation en matire des langues rgionales remonte la Loi Deixonne35 de 1951
qui, pour la premire fois, intgrait quelques langues rgionales, savoir le basque,
le breton, le catalan et loccitan (dautres langues furent ajoutes plus tard) dans
lenseignement publique.36 Le dispositif lgal, qui est pass par nombre de dcrets et
a t codifi notamment par les lois dites Haby (1975), Savary (1984), Toubon (1994) et Fillon (2005),37 est aujourdhui intgr dans le Code de lducation.
Si, sous le titre de dispositions gnrales , le Code stipule que [l]a langue de
lenseignement, des examens et concours, ainsi que des thses et mmoires dans les
tablissements publics et privs denseignement est le franais , cest parmi les
exceptions qui peuvent tre justifies quil donne en premier lieu les ncessits
33 plusieurs reprises, une ratification de la Charte a t voque puis refuse par les autorits (sur la
dialectique sous-jacente, cf. Lebsanft 2004). Dernirement, lactuel prsident de la Rpublique, Franois Hollande, a pris ses distances avec sa promesse lectorale de la faire ratifier : lAssemble
nationale, la ministre de la Culture a indiqu que lexcutif a estim quil ntait pas possible, quelle
que soit la rdaction envisage, dintroduire dans notre Constitution une disposition permettant de
ratifier la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires, sans introduire de contradiction
majeure avec les articles 1er, 2 et 3 de la Constitution (Assemble nationale, 1re sance du mardi
23 avril 2013, JO, 24 avril 2013, p. 4827).
34 Cf. Le corpus juridique des langues de France (DGLFLF 2012) dont la dernire actualisation date
davril 2012. Tout en profitant du corpus, la normative expose par la suite est mise jour (octobre
2013) et inclut les dveloppements ultrieurs notamment au sein de lducation nationale.
35 Loi n 5146 du 11 janvier 1951 relative lenseignement des langues et dialectes locaux.
36 propos de la lgislation en matire de lenseignement, cf. Berthaud (1951) ; Gardin (1975) ;
Giacomo (1975) ; Giordan (1975) ; Marcellesi (1975) ; Lespoux (2013) ; sur la gense de la Loi Deixonne,
cf. Moliner (2010 ; 2013).
37 Loi n 75620 du 11 juillet 1975 relative lducation ( Haby ) ; Loi n 8452 du 26 janvier 1984 sur
lenseignement suprieur ( Savary ) ; Loi n 94665 du 4 aot 1994 relative lemploi de la langue
franaise ( Toubon ) ; Loi n 2005380 du 23 avril 2005 dorientation et de programme pour lavenir
de lcole ( Fillon ).
228
Felix Tacke
229
enseignement bilingue
oui
oui (allemand/
filire Abibac)
langue
basque
oui
oui
breton
oui
oui
catalan
oui
oui
corse
flamand
gnralis (primaire)
oui
non
(nerlandais langue trangre)
non
non
non
oui (gallo)
non
oui
oui
franco-provenal
langues dol
occitan langue doc
part le service public, auquel sapplique la normative expose ci-dessus, des coles
prives sous contrat de ltat dites statut associatif contribuent la transmission
scolaire des langues rgionales (Code de lducation, art. L4425ss.). Or cest dans ce
cadre que des coles associatives spcifiques (ABCM-Zweisprachigkeit, Bressola,
Calandreta, Diwan, Ikastola, Seaska etc.) proposent un enseignement fond sur la
mthode de limmersion.42 Certaines coles prives, de diffrents statuts, permettent
galement lapprentissage du flamand, du franco-provenal ainsi que de quelques
langues dol (au-del du gallo43) selon les rgions dans lesquelles elles sont en
usage.
4.2.2 Mdias
Le secteur public audiovisuel est rgl par la loi Lotard 44 de 1986 (pour un
aperu, cf. Gendry 2011). Modifie en 2009,45 celle-ci sinscrit dsormais explicitement
dans la politique patrimoniale favorable aux langues rgionales tout en perptuant
nettement la hirarchie existante entre celles-ci et le franais. Cest ainsi que la
mission linguistique de limportant Conseil suprieur de laudiovisuel, cr en 1989,
230
Felix Tacke
231
5 Standardisations et enseignement
Face limpossibilit de traiter au mme titre lamnagement des corpus des langues
rgionales parles en France mtropolitaine et en tenant compte de la complexit des
situations respectives (histoire et tat de leurs codifications, coexistence/concurrence
de plusieurs normes etc.), il ne sagira pas den donner un tat des lieux gnral,50
mais de sattarder sur la question des langues (crites) utilises ou utiliser lheure
de transmettre leur usage par la voie de lcole, ces questions impliquant celles du
matriel pdagogique, de la conception du programme pour les coles, collges,
lyces etc. Vu que le domaine de lenseignement est le seul secteur qui, jusqu
prsent, sinscrit systmatiquement dans la politique tatique favorable aux langues
rgionales, cest donc ici que se pose effectivement la question de la norme linguistique suivre. videmment, la problmatique de la norme linguistique est particulirement pertinente pour les langues uniquement ou essentiellement en usage en
France, cest--dire pour le breton, le corse et loccitan. En revanche, la problmatique
du choix dune norme est moindre dans le cas du basque et du catalan qui, de lautre
ct de la frontire espagnole, sont tablies de faon beaucoup plus forte en tant que
langues crites dans diffrentes Communauts Autonomes o elles disposent dun
rgime de co-officialit et dune histoire en tant que langues littraires. Finalement,
les locuteurs des langues de France parles en Alsace et dans les pays mosellans
peuvent se prvaloir, eux, de la culture de la langue allemande, traditionnellement
utilise en tant que langue crite.
partir des programmes denseignement de langues rgionales au palier 2 du
collge publis par le ministre de lducation nationale en 2010 (MEN 2010) et
48 Dcision du Conseil dtat n s 361767, 361768, 361912, 361913, 361990, 361991, 362028 du 3 juin
2013.
49 Cf. p. ex. larticle 16 de la Loi n 95115 du 4 fvrier 1995 dorientation pour lamnagement et le
dveloppement du territoire, modifie par la Loi n 99533 du 25 juin 1999 et larticle 2 du Dcret
n 2002898 du 15 mai 2002 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication.
50 Cf. les contributions sur les codifications des langues de France dans Guillorel/Sibille (1993),
Caubet/Chaker/Sibille (2002) et, rcemment, laperu de Caubet et al. (2013). Sur la codification de
langues minoritaires en gnral, cf. Winkelmann (1990).
232
Felix Tacke
5.2 Basque
Lenseignement du basque suit la norme codifie en Espagne (Euskara Batua) par
lAcadmie de la langue basque (Euskaltzaindia) (cf. Coyos 2013), la dimension
gographique et historique (accents, variantes linguistiques, tymologie) (MEN
2010, 10) ntant quun sujet parmi dautres.53
51 Arrt du 7 juin 2010 fixant les programmes denseignement de langues rgionales au palier 2 du
collge, JORF du 22 juin 2010 / Bulletin officiel du Ministre de lducation nationale n 27 du 8 juillet
2010 ; les programmes se trouvent dans lannexe de larrt.
52 Dans ce contexte, il est intressant de noter que ce sont prcisment le flamand (parl galement en
Belgique), les langues dol et le franco-provenal, cest--dire des langues sans tradition littraire
remarquable, utilises surtout loral et souvent considres comme des dialectes ou des patois par
leurs propres locuteurs, qui sont exclues de lenseignement public des langues. Si, par rapport ces
langues, il existe des revendications politiques et des initiatives de codification, celles-ci sont rcentes et
sinscrivent dans le courant de la revitalisation des langues lie lide que la sauvegarde dune langue
nest possible que par sa standardisation (cf. la problmatique dans Gal 2006 ; 2010 ; Lebsanft 2012, 36s.).
53 Cependant, Sarraillet (2009, 6) indique que la rgion la plus orientale, o le dialecte conserve des
formes archaques et une prononciation influence par le gascon voisin, dispense un enseignement en
dialecte jusquau collge ou au lyce selon les filires .
233
5.3 Breton
Le breton standard enseign lcole correspond la graphie unifie (cf. Favereau
2002 ; Broudic 2013, 446449). Tenant compte du fait que cette forme constitue un
compromis entre les diffrentes varits diatopiques du breton, lenseignement est
cens confronter les lves des textes varis authentiques et, en tant que sujet
denseignement, la dimension gographique et historique (accents, variantes linguistiques, tymologie) (MEN 2010, 30).
5.4 Catalan
Les enseignants du catalan peuvent se prvaloir de la norme codifie du catalan
standard tel quil est cultiv en Catalogne (Espagne). Si la langue standard, base
essentiellement sur le catalan central, et le catalan septentrional parl dans le dpartement des Pyrnes-Orientales ne sont pas identiques, les programmes scolaires
prvoient lenseignement de lorthographe et de la grammaire du standard, cultives
notamment lInstitut dtudes catalanes Barcelone (cf. Lebsanft 2002), tout en
signalant, par une approche contrastive, les particularits phonologiques, grammaticales et orthographiques de la varit du nord (cf. Sanchiz/Bonet 2009).
5.5 Corse
Intgr au service public de lenseignement depuis 1974,54 le corse est un cas spcial
ne disposant pas dune langue commune susceptible dtre standardise (sur la
question des normes, cf. Chiorboli 1999 ; 2002). Pour son enseignement, on sest alors
rsolu, au milieu des annes 1980, adapter le concept de langue polynomique
propos par Marcellesi (1983 ; cf. Di-Meglio 2009 ; Giacomo-Marcellesi 2013, 471s.).
Ceci prvoit lapprentissage de la varit locale ou bien du rgiolecte, complt par
lenseignement de la variation du corse dans lobjectif damener les locuteurs
considrer toutes les varits dialectales du corse comme dgale valeur une
approche qui relve plutt dune ducation (Comiti 2009, 166s.). Dans le programme denseignement figurent ainsi, parmi les comptences transmettre, les
[v]arits dialectales (trois rgions linguistiques) (MEN 2010, 68).
54 Dcret n 7433 du 16 janvier 1974 relatif lenseignement des langues et dialectes locaux.
234
Felix Tacke
5.6 Loccitan
La question des normes est particulirement difficile dans le cas de la langue dnomme occitan langue doc au sein du service public de lenseignement. tant
donn que, historiquement, loccitan ne dispose pas non plus (cf. le corse) dune
langue standard mais de plusieurs codifications concurrentes dont aucune nest
accepte par les locuteurs ou leurs reprsentants politiques dans toutes les rgions
(cf. Sibille 2002 ; Sauzet 2002 ; Polzin-Haumann 2006, 14781480), lenseignement
dune langue unifie na pu tre tabli. En revanche, cest la langue occitane conue
en tant que somme de ses varits (Cerquiglini 1999) qui fait objet de la rglementation officielle de lenseignement depuis larrt de 1988 portant programme du
baccalaurat (pour une analyse, cf. Sarpoulet 2009).55 Il en dcoule un enseignement
de la langue locale et la prise en compte pdagogique de la diversit dialectale de
lespace occitan dans son unit fondamentale (Verny 2009, par. 19). En tant que
modle linguistique suivre par les enseignants, les programmes denseignement de
2010 se diffrencient en quatre varits rgionales, savoir le languedocien, le
provenal, le gascon et le limousin. Pour le provenal, les exemples sont en outre
prsents dans les deux grandes graphies en usage, la graphie classique et la
graphie mistralienne , lui laissant ainsi le choix du systme qui conviendra le
mieux sa situation denseignement (MEN 2010, 77). Lenseignement bas sur la
langue de lenvironnement des lves est, comme dans le cas du corse, de conception
linguistique assez moderne. Aussi, parmi les sujets traiter, est-il inclus lenseignement des normes graphiques, prsentes en tant que standardisation pluricentrique (ibid., 91) de la langue occitane.56
6 Conclusions
Depuis le dbut des dbats autour de ladoption par la France de la Charte europenne
des langues rgionales ou minoritaires en 1998, la politique linguistique franaise a
commenc sintresser, certes modestement, aux langues autres que le franais
dans le cadre dune approche culturelle et patrimoniale. Lextension des missions de
la Dlgation gnrale la langue franaise (DGLF) aux langues de France
(DGLFLF) et lintroduction dans la Constitution de larticle 751 ( Les langues rgionales appartiennent au patrimoine de la France ) marquent le caractre avant tout
symbolique de cette politique. Dernirement, la tentative de [r]edfinir une politique
publique en faveur des langues rgionales et de la pluralit linguistique interne
55 Arrt du 15 avril 1988, Bulletin officiel du Ministre de lducation nationale n 17 du 5 mai 1988
( Les programmes du baccalaurat ).
56 La mention entre guillemets du caractre pluricentrique est accompagne de la rfrence
Sumien (2006).
235
7 Bibliographie
Aln Garabato, Carmen (2013), De la loi Deixonne la rvision de la Constitution en 2008 : limpasse
idologique ?, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses
Universitaires de Rennes, 321337.
Aln Garabato, Carmen/Boyer, Henri (edd.) (2007), Les langues de France au XXIe sicle : vitalit
sociolinguistique et dynamiques culturelles, Paris, LHarmattan.
Bec, Pierre (1963), La langue occitane, Paris, PUF.
Becker, Monika (2004), Die loi relative lemploi de la langue franaise vom 4. August 1994.
Anspruch und Wirklichkeit franzsischer Sprachpolitik und Sprachgesetzgebung, Frankfurt am
Main et al., Lang.
Berthaud, Pierre-Louis (1951), La loi relative lenseignement des langues et dialectes locaux, Lo gai
saber. Revista de lEscola Occitana 32, 243255.
Bertile, Vronique (2010), Lapproche juridique franaise du rapport langue/espace, in : Alain Viaut/
Jol Pailh (edd.), Langue et espace, Pessac, Maison des Sciences de lHomme dAquitaine,
6984.
236
Felix Tacke
Bertile, Vronique (2011), Larticle 751 de la Constitution : Vers une (r)volution du cadre juridique
des langues rgionales ?, in : Christos Clairis et al. (edd.), Langues et cultures rgionales de
France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias, Paris, LHarmattan, 8599.
Boyer, Henri (2013), Patois : le dni franais de glossonyme, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire
sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 169177.
Braselmann, Petra (1999), Sprachpolitik und Sprachbewusstsein in Frankreich heute, Tbingen,
Niemeyer.
Broudic, Fach (2013), Le breton, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 439453.
Carcassonne, Guy (1998), tude sur la compatibilit entre la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires et la Constitution : Rapport au Premier ministre. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/984001697/ (13.08.2012).
Carcassonne, Guy (2011), Le nouvel article 751 de la Constitution, in : Christos Clairis et al. (edd.),
Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias, Paris,
LHarmattan, 7784.
Caubet, Dominique/Chaker, Salem/Sibille, Jean (edd.) (2002), Codification des langues de France.
Actes du Colloque Les langues de France et leur codification . crits divers crits ouverts,
Paris, LHarmattan.
Caubet, Dominique, et al. (2013), Mise en graphie des langues de France, in : Georg Kremnitz (ed.),
Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 199207.
Cerquiglini, Bernard (1999), Les langues de la France. Rapport au Ministre de lducation Nationale,
de la Recherche et de la Technologie, et la Ministre de la Culture et de la Communication,
http://www.dglflf.culture.gouv.fr/lang-reg/rapport_cerquiglini/langues-france.html
(30.05.2013).
Cerquiglini, Bernard (ed.) (2003), Les langues de France, Paris, PUF.
Chambon, Jean-Pierre (2005), Aprs le Dictionnaire des rgionalismes de France : bilan et perspectives, in : Martin-Dietrich Glegen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle du franais et le Dictionnaire des rgionalismes de France . Actes du colloque en lhonneur de Pierre
Rzeau pour son soixante-cinquime anniversaire, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 329.
Chiorboli, Jean (1999), La langue corse la fin du XXe sicle. Officialisation et conflit de normes, in :
Christos Clairis/Denis Costaouec/Jean-Baptiste Coyos (edd.), Langues et cultures rgionales de
France. tats des lieux, enseignement, politiques, Paris, LHarmattan, 169186.
Chiorboli, Jean (2002), La codification des langues polynomiques : Lorthographe du corse, in :
Dominique Caubet/Salem Chaker/Jean Sibille (edd.), Codification des langues de France. Actes
du Colloque Les langues de France et leur codification . crits divers crits ouverts, Paris,
LHarmattan, 140153.
Clairis, Christos/Costaouec, Denis/Coyos, Jean-Baptiste (edd.) (1999), Langues et cultures rgionales
de France. tats des lieux, enseignement, politiques, Paris, LHarmattan.
Clairis, Christos, et al. (edd.) (2011), Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre
lgal, politiques, mdias, Paris, LHarmattan.
CLR 2013 = Comit consultatif pour la promotion des langues rgionales et de la pluralit linguistique
interne, Redfinir une politique publique en faveur des langues rgionales et de la pluralit
linguistique interne. Rapport prsent la ministre de la Culture et de la Communication, Juillet
2013, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/134000439/index.shtml
(02.09.2013).
Comiti, Jean-Marie (2009), Pour une pdagogie des langues minores : lexemple de la Corse, in :
Patrick Sauzet/Franois Pic (edd.), Politique linguistique et enseignement des Langues de
France , Paris, LHarmattan, 165171.
237
Conseil de lEurope (ed.) (2003), La charte europenne des langues rgionales et minoritaires et la
France Quelle(s) langue(s) pour la Rpublique ? Le dilemne diversit/unicit , Strasbourg,
Conseil de lEurope.
Coyos, Jean-Babtiste (2013), Le Basque, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de
France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 427437.
DGLFLF 2012 = Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de France, Le corpus juridique
des langues de France, avril 2012, http://www.dglflf.culture.gouv.fr/lgfrance/legislationLDF.pdf
(09.09.2013).
Di-Meglio, Alain (2009), La langue corse dans lenseignement : donnes objectives et sens socital,
Trma 31 [Lenseignement des langues rgionales en France aujourdhui : tat des lieux et
perspectives, http://trema.revues.org/975], 8594.
Droixhe, Daniel/Dutilleul, Thierry (1990), Franzsisch : Externe Sprachgeschichte, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. 5/1 :
Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 437471.
Du Bellay, Joachim (2007 [1549]), La deffence, et illustration de la langue franoyse, Genve,
Droz.
Eloy, Jean-Michel (ed.) (1998), valuer la vitalit. Varits dol et autres langues. Actes du Colloque
International valuer la vitalit des varits rgionales du domaine dol , 2930 nov. 1996,
Amiens, Amiens, Centre dtudes Picardes.
Ernst, Gerhard, et al. (edd.) (20032008), Romanische Sprachgeschichte. Histoire linguistique de la
Romania. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen. Manuel
international dhistoire linguistique de la Romania, 3 vol., Berlin/New York, de Gruyter.
Escud, Pierre (2009), Occitan : langue de classe et langue de socit. Problmatique de la normalisation scolaire, in : Patrick Sauzet/Franois Pic (edd.), Politique linguistique et enseignement des
Langues de France , Paris, LHarmattan. 3546.
Escud, Pierre (2013), Histoire de lducation : imposition du franais et rsistance des langues
rgionales, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses
Universitaires de Rennes, 339352.
Favereau, Francis (2002), Les orthographes du breton, in : Dominique Caubet/Salem Chaker/Jean
Sibille (edd.), Codification des langues de France. Actes du Colloque Les langues de France et
leur codification . crits divers crits ouverts, Paris, LHarmattan, 111122.
Francard, Michel (2001), Le franais de rfrence : formes, normes et identit, Cahiers de lInstitut
Linguistique de Louvain 27, 223240.
Gal, Susan (2006), Contradiction of Standard Language in Europe : Implications for the Study of
Practices and Publics, Social Anthropology 14, 163181.
Gal, Susan (2010), Language and Political Spaces, in : Peter Auer/Jrgen Erich Schmitt (edd.),
Language and Space. An International Handbook of Linguistic Variation, vol. 1 : Theories and
Methods, Berlin/New York, de Gruyter, 3350.
Gardin, Bernard (1975), Loi Deixonne et langues rgionales. Reprsentation de la nature et de la
fonction de leur enseignement, Langue franaise 25, 2936.
Gendry, Nicole (2011), Le Conseil suprieur de laudiovisuel et les langues rgionales, in : Christos
Clairis et al. (edd.), Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal,
politiques, mdias, Paris, LHarmattan, 175186.
Gerner, Dominique (2006), ducation et histoire des langues : Galloromania, in : Gerhard Ernst et al.
(edd.), Romanische Sprachgeschichte. Histoire linguistique de la Romania. Ein internationales
Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen. Manuel international dhistoire linguistique de la Romania, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 12241232.
Giacomo, Mathe (1975), La politique propos des langues rgionales : cadre historique, Langue
franaise 25, 1228.
238
Felix Tacke
Giacomo-Marcellesi, Mathe (2013), Le corse, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues
de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 465473.
Giordan, Henri (1975), Lenseignement de loccitan, Langue franaise 25, 84103.
Guillorel, Herv (2013), Langue, territoire, nation : la place des langues de France, in : Georg Kremnitz
(ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 145
158.
Guillorel, Herv/Sibille, Jean (edd.) (1993), Langues, dialectes et critures. Les langues romanes de
France. Actes du Colloque de Nanterre (16, 17, et 18 avril 1992), Paris, Institut dtudes Occitanes/
Institut de Politique Internationale et Europenne.
Haugen, Einar (1959), Language Planning in modern Norway, Anthropological Linguistics 1, 821.
Haugen, Einar (1983), The implementation of corpus planning : theory and practice, in : Juan Cobarrubias (ed.), Progress in language planning : international perspectives, Berlin/New York, de
Gruyter, 269289.
Haugen, Einar (1987), Language Planning, in : Ulrich Ammon/Norbert Dittmar/Klaus Mattheier (edd.),
Soziolinguistik. Sociolinguistics. Ein internationales Handbuch der Wissenschaft von Sprache
und Gesellschaft. An International Handbook of the Science of Language and Society, vol. 1,
Berlin/New York, de Gruyter, 626637.
INSEE 1999 = Institut national de la statistique et des tudes conomiques (1999), Recensements de
la population 1999, http://www.insee.fr (02.09.2013).
INSEE 2011 = Institut national de la statistique et des tudes conomiques (2011), Enqute Information et vie quotidienne , http://www.insee.fr (02.09.2013).
Kloss, Heinz (1969), Grundfragen der Ethnopolitik im 20. Jahrhundert. Die Sprachgemeinschaften
zwischen Recht und Gewalt, Wien, Braumller.
Kremnitz, Georg (1975), Die ethnischen Minderheiten Frankreichs. Bilanz und Mglichkeiten fr den
Franzsischunterricht, Tbingen, Narr.
Kremnitz, Georg (ed.) (2013), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires
de Rennes.
Le Coq, Andr (2009), Lenseignement du gallo, Trma 31 [Lenseignement des langues rgionales en
France aujourdhui : tat des lieux et perspectives, http://trema.revues.org/942], 3945.
Lebsanft, Franz (1997), Spanische Sprachkultur. Studien zur Bewertung und Pflege des ffentlichen
Sprachgebrauchs im heutigen Spanien, Tbingen, Niemeyer.
Lebsanft, Franz (2002), Katalanisch, in : Nina Janich/Albrecht Greule (edd.), Sprachkulturen in Europa.
Ein internationales Handbuch, Tbingen, Narr, 121126.
Lebsanft, Franz (2003), Geschichtswissenschaft, Soziologie und romanistische Sprachgeschichtsschreibung, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Histoire linguistique
de la Romania. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen. Manuel
international dhistoire linguistique de la Romania, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 481492.
Lebsanft, Franz (2004), Frankreichs Mehrsprachigkeit. Jakobiner gegen Girondisten : Die Debatte um
die Europische Charta der Regional- und Minderheitensprachen (19961999), in : Monika
Schmitz-Emans (ed.), Literatur und Vielsprachigkeit, Heidelberg, Synchron, 175188.
Lebsanft, Franz (2005), Rgionalismes et culture de la langue dans le monde francophone, in :
Martin-Dietrich Glegen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle du franais et le
Dictionnaire des rgionalismes de France . Actes du colloque en lhonneur de Pierre Rzeau
pour son soixante-cinquime anniversaire, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg,
289297.
Lebsanft, Franz (2012), Die ECRM aus soziolinguistischer Sicht. Begriffe und Manahmen, in : Franz
Lebsanft/Monika Wingender (edd.), Die Sprachpolitik des Europarats. Die Europische Charta
der Regional- oder Minderheitensprachen aus linguistischer und juristischer Sicht, Berlin/
Boston, de Gruyter, 2340.
239
Lebsanft, Franz/Wingender, Monika (edd.) (2012), Europische Charta der Regional- oder Minderheitensprachen. Ein Handbuch zur Sprachpolitik des Europarats, Berlin/Boston, de Gruyter.
Lespoux, Yan (2013), Enseignement des langues rgionales et en langues regionales , in : Georg
Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
375383.
Lodge, Anthony (1993), French. From Dialect to Language, London, Routledge.
Lodge, Anthony (1997), Le franais. Histoire dun dialecte devenu langue, Paris, Fayard.
Louran, Tangi (2011), Les associations, acteurs essentiels ou alibi ?, in : Christos Clairis et al. (edd.),
Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias, Paris,
LHarmattan, 229240.
Marcellesi, Jean-Baptiste (1975), Basque, breton, catalan, corse, flamand, germanique dAlsace,
occitan : lenseignement des langues rgionales , Langue franaise 25, 311.
Marcellesi, Jean-Baptiste (1983), Langues rgionales et pdagogie ou comment assumer le
concept de langue polynomique ?, in : Colloque international de didactique et pdagogie du
franais langue maternelle, Svres 1417 dcembre 1983, vol. 2, Paris, Centre international
dtudes pdagogiques, 200202.
Martel, Philippe (2013), Langues et construction nationale : la Rvolution face aux patois , in : Georg
Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
271282.
MEN 2010 = Ministre de lducation nationale (2010) : Programmes denseignement de langues
rgionales au palier 2 du collge, annexe lArrt du 7 juin 2010 fixant les programmes
denseignement de langues rgionales au palier 2 du collge, JORF du 22 juin 2010/Bulletin
officiel du Ministre de lducation nationale n27 du 8 juillet 2010, http://cache.media.
education.gouv.fr/file/27/98/0/langues_regionales_palier_2_148980.pdf (12.09.2013).
Moliner, Olivier (2010), Frankreichs Regionalsprachen im Parlament. Von der Ptition pour les
langues provinciales 1870 zur Loi Deixonne 1951, Wien, Praesens.
Moliner, Olivier (2013), La politique linguistique au Parlement : de la IIIe Rpublique la loi Deixonne,
in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires
de Rennes, 291301.
Muller, Bodo (1985), Le franais daujourdhui, Paris, Klincksieck.
Pll, Bernhard (1998), Le franais ou les franais ? La difficile naissance de la pluricentricit, Lengas.
Revue de sociolinguistique 43, 163182.
Pll, Bernhard (2002), Le franais rgional en Suisse romande. propos des conceptualisations
profanes et scientifiques du fait rgional, in : Pascal Singy (ed.), Le franais parl dans le
domaine francoprovenal. Une ralit plurinationale, Bern et al., Lang, 6782.
Pll, Bernhard (2012), Situaciones pluricntricas en comparacin : el espaol frente a otras lenguas
pluricntricas, in : Franz Lebsanft/Wiltrud Mihatsch/Claudia Polzin-Haumann (edd.), El espaol,
desde las variedades a la lengua pluricntrica ? Frankfurt am Main/Madrid, Vervuert/Iberoamericana, 2945.
Polzin-Haumann, Claudia (2006), Sprachplanung, Sprachlenkung und institutionalisierte Sprachpflege : Franzsisch und Okzitanisch, in : Ernst, Gerhard et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/
New York, de Gruyter, 14721486.
Polzin-Haumann, Claudia (2015), Die Proposition de loi constitutionnelle visant ratifier la Charte
europenne des langues rgionales ou minoritaires Ein neues Kapitel in der Diskussion
um die Charta in Frankreich?, in : Michael Bernsen/Elmar Eggert/Angela Schrott (edd.),
Historische Sprachwissenschaft als philologische Kulturwissenschaft der Romanistik.
Festschrift fr Franz Lebsanft zum 60. Geburtstag, Gttingen, V&R unipress/Bonn University
Press, 195207.
240
Felix Tacke
Sanchiz, Mary/Bonet, Luc (2009), Lenseignement du catalan en tant que langue rgionale en France
tat des lieux 2009, Trma 31 [Lenseignement des langues rgionales en France aujourdhui :
tat des lieux et perspectives, http://trema.revues.org/956].
Sarpoulet, Jean-Marie (2009), Du texte la pratique pdagogique : larrt de 1988 portant programme du baccalaurat et les variantes de loccitan, in : Patrick Sauzet/Franois Pic (edd.),
Politique linguistique et enseignement des Langues de France , Paris, LHarmattan, 4766.
Sarraillet, Jakes (2009), La langue basque dans lenseignement, Trma 31 [Lenseignement des
langues rgionales en France aujourdhui : tat des lieux et perspectives, http://trema.revues.
org/935], 4755.
Sauzet, Patrick (2002), Rflexions sur la normalisation linguistique de loccitan, in : Dominique
Caubet/Salem Chaker/Jean Sibille (edd.), Codification des langues de France. Actes du Colloque
Les langues de France et leur codification . crits divers crits ouverts, Paris, LHarmattan,
3961.
Sauzet, Patrick (2009), Politique linguistique et enseignement des Langues de France . Avantpropos et introduction, in : Patrick Sauzet/Franois Pic (edd.), Politique linguistique et enseignement des Langues de France , Paris, LHarmattan, 715.
Sauzet, Patrick/Pic, Franois (edd.), Politique linguistique et enseignement des Langues de France ,
Paris, LHarmattan.
Schmitt, Christian (1990), Franzsisch : Sprache und Gesetzgebung, a) Frankreich, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. 5/1 :
Franzsisch, Tbingen, Niemeyer, 354379.
Schmitt, Christian (2000), Nation und Sprache : das Franzsische, in : Andreas Gardt (ed.), Nation und
Sprache. Die Diskussion ihres Verhltnisses in Geschichte und Gegenwart, Berlin, de Gruyter,
673745.
Schmitt, Christian (2003), Externe Sprachgeschichte des Franzsischen, in : Gerhard Ernst et al.
(edd.), Romanische Sprachgeschichte. Histoire linguistique de la Romania. Ein internationales
Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen. Manuel international dhistoire linguistique de la Romania, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 801829.
Schoettl, Jean-ric (1999), Dcision du Conseil constitutionnel : langue franaise, Actualit juridique
Droit administratif 78, 573579.
Sibille, Jean (2002), crire loccitan : essai de prsentation et de synthse, in : Dominique Caubet/
Salem Chaker/Jean Sibille (edd.), Codification des langues de France. Actes du Colloque Les
langues de France et leur codification . crits divers crits ouverts, Paris, LHarmattan,
1737.
Sibille, Jean (2010), Langues de France et territoires : raison de choix et des dnominations, in :
Alain Viaut/Jol Pailh (edd.), Langue et espace, Pessac, Maison des Sciences de lHomme
dAquitaine, 85107.
Sibille, Jean (2013), La notion de langues de France , son contenu et ses limites, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,
4560.
Sumien, Domergue (2006), La standardisation pluricentrique de loccitan. Nouvel enjeu sociolinguistique, dveloppement du lexique et de la morphologie, Turnhout, Brepols.
Sumien, Domergue (2009), Comment rendre loccitan disponible ? Pdagogie et diglossie dans les
coles Calandretas , in : Patrick Sauzet/Franois Pic (edd.), Politique linguistique et enseignement des Langues de France , Paris, LHarmattan, 6786.
Tacke, Felix (2012), Schweiz (Schweizerische Eidgenossenschaft), in : Franz Lebsanft/Monika Wingender (edd.), Die Sprachpolitik des Europarats. Die Europische Charta der Regional- oder Minderheitensprachen aus linguistischer und juristischer Sicht, Berlin/Boston, de Gruyter, 265
282.
241
Tacke, Felix (2015), Sprache und Raum in der Romania. Fallstudien zu Belgien, Frankreich, der Schweiz
und Spanien,, Berlin/Boston, de Gruyter.
Verny, Marie-Jeanne (2009), Enseigner loccitan au XXIe sicle. Dfis et enjeux, Trma 31 [Lenseignement des langues rgionales en France aujourdhui : tat des lieux et perspectives, http://trema.
revues.org/962].
Viaut, Alain (2002), Apport et rception franaise de la Charte europenne des langues rgionales ou
minoritaires : approche sociolinguistique, Revue dtudes comparatives Est-Ouest 33 [= Dossier :
Points de vue sur la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires], 948.
Vigier, Philippe (1979), Diffusion dune langue nationale et rsistance des patois, en France, au
XIXe sicle. Quelques rflexions sur ltat prsent de la recherche historique ce propos, Romantisme 25/26, 191208.
Willwer, Jochen (2006), Die Europische Charta der Regional- und Minderheitensprachen in der
Sprachpolitik Frankreichs und der Schweiz, Stuttgart, Ibidem.
Winkelmann, Otto (1990), Normierungsinstanzen und Normierungskriterien romanischer Minderheitensprachen, in : Wolfgang Settekorn (ed.), Sprachnorm und Sprachnormierung : Deskription
Praxis Theorie, Wilhelmsfeld, Egert, 1526.
Woehrling, Jean-Marie (2011), Origine historique, principes fondamentaux et systme juridique de la
Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires, in : Christos Clairis et al. (edd.),
Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias, Paris,
LHarmattan, 3765.
Woehrling, Jean-Marie (2013), Histoire du droit des langues de France, in : Georg Kremnitz (ed.),
Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 7188.
Judith Visser
Keywords : linguistique populaire, chroniques de langage, franais rgionaux, langues de minorit, mdias
1 Introduction
Depuis lintroduction des nouveaux mdias, lactivit linguistique de personnes prives sans formation philologique a gagn en visibilit. De plus en plus objet de
recherches et de discussions, cette linguistique populaire ne se limite pas la langue
standard : les franais rgionaux et les langues de minorit, traditionnellement passs
sous silence en France, ont trouv un mdia pour la diffusion de textes et dinformations. La chronique de langage est un genre de texte caractristique de la vulgarisation
des connaissances linguistiques. Depuis lintroduction dinternet, elle a volu et la
discussion sest diversifie quant aux thmes et aux acteurs.
Aprs une caractrisation de la linguistique populaire et de la chronique de
langage, nous identifierons les franais rgionaux et les langues de minorit dont
il sera question. Notre typologie de chroniques se basera sur la langue employe dans
les textes et sur le type de mdia utilis. Laperu pour les langues les plus importantes se centrera sur la chronique de langage, tout en esquissant dautres tendances
importantes que lon pourrait intgrer sous ltiquette linguistique populaire.
243
244
Judith Visser
ses intrts personnels. Par consquent, un linguiste prototypique nest pas forcment
reprsentatif des besoins des locuteurs.
245
246
Judith Visser
247
Il sagit dmissions qui traitent aussi des questions de langage, en mettant laccent
sur toute la culture rgionale.
Au XXIe sicle, internet fait apparatre des formes de communication qui ont des
points communs avec la chronique traditionnelle. Au dbut, ctait la page web
personnelle qui pouvait remplir certaines fonctions dune chronique (pour le Picard,
cf. Visser 2008). De plus, on trouvait des listes de diffusion, comme p. ex. achteure
(Picard pour maintenant , Engelaere 26.02.2014). Comme les types de communication dinternet changent trs vite, la page personnelle et la liste de diffusion ne
jouent plus un tel rle. Aujourdhui, ce sont plutt les forums de discussions ou bien
les blogs qui servent de lieux pour publier des anecdotes, des tymologies etc.
propos des langues (cf. chap. 4). Internet offre en plus la possiblit de publier des
produits audiovisuels qui nont pas eu accs la tlvision (et galement de
republier ceux qui y avaient accs), par exemple sur Youtube ou sur des sites
personnels.
Quant lanalyse de la linguistique populaire sur internet, il faut toutefois tre
conscient du fait quelle ne peut jamais tre exhaustive ni reprsentative et que le
linguiste narrive pas identifier les nonciateurs dune manire fiable (Bakrim 2007,
25s.; Visser paratre).
Lanalyse qui suit se centre sur les langues numres auparavant : alsacien, basque,
breton, catalan, corse, flamand (occidental), francoprovenal et occitan. Quant aux
langues dol, nous nous limitons quelques exemples, surtout au picard et au
normand. Ltude exemplaire est cense faire ressortir les caractristiques de la
chronique de langue minoritaire et rgionale, de donner un bref aperu de ce type de
chronique dans le paysage mdiatique de la France, et de montrer la richesse des
types de textes et de communication dans le domaine de la linguistique populaire des
langues minoritaires et rgionales en France.
248
Judith Visser
4.1.1 Alsacien
Pour lalsacien et depuis 2003, la dialectologue Danile Crvenat-Werner crit des
Flneries lexicales pour lAmi Hebdo (Crvenat-Werner 2013). Elles sont galement
publies sous forme de livre avec pour titre Ces mots que nous aimons/E Hmpfele
sm Wortschtz (7 tomes). La couverture des livres illustre limportance de la langue
rgionale pour lidentit des locuteurs, puisquelle montre une slection de mots
rgionaux groups en forme de coeur. France Bleu, Crvenat-Werner dissque
pour vous un mot en alsacien (France Bleu a). Il sagit dune chronique centre sur le
lexique (p. ex. Fasenacht kiechle , 03.03.2014).
Une analyse exemplaire de deux tomes de Ces mots que nous aimons (4 et 7)
donne des ides propos des caractristiques dune chronique de langue rgionale ou
minoritaire et indique les pistes les plus importantes pour de futures analyses. Les
chroniques sont crites en franais et regroupes selon des thmes qui ont un rapport
troit avec la vie tradionnelle et la culture rgionale. La structure des chroniques est
similaire : elles commencent par la prsentation du mot, la traduction en allemand (et
parfois aussi en franais), lnumration des variantes de prononciation, et ltymologie ; p. ex. :
Aprs, lauteur prsente des synonymes, des locutions, des pratiques culturelles lies
au mot en question et donne souvent des recettes, sil sagit dun thme li la vie
culinaire. L encore, on peut trs bien voir quune fonction de la chronique est de
transmettre des connaissances culturelles et traditionnelles, pas seulement par rapport la langue rgionale, mais aussi par rapport la vie en gnrale. Apparemment,
les racines allemandes de lalsacien jouent un rle important, puisque les donnes
tymologiques contiennent toujours des rfrences lallemand du Moyen ge, mais
assez souvent aussi letimologia remota, p. ex. :
Bien quil sagisse dune chronique crite par une spcialiste, lauteur se fait trs
souvent porte-parole des locuteurs en citant les informations quelle a reues de gens
qui possdent encore les connaisances de la langue et culture rgionale, p. ex. : Une
dame de Blaesheim, Blaase, dit : []. Un monsieur de Mothern, Mathre : []. Une
249
4.1.2 Basque
Dans le domaine de lamnagement linguistique, le basque profite de son statut
transfrontalier :
250
Judith Visser
4.1.3 Breton
Le breton a une tradition de chroniques plutt riche. Un des chroniqueurs les plus
connus est Joseph Marie (Job) Jaffr, qui crivait des chroniques en breton pour le
quotidien La Libert du Morbihan. Elles ont t recueillies par Daniel le Doujet, aussi
chroniqueur du journal, et publies sous le titre Etrezomp E Brezhoneg (plusieurs
tomes). Le Doujet a crit dautres contributions en breton, par ex. pour Ouest-France.
Les rsums sur son site universitaire montrent quil ne sagit pas de chroniques de
langage au sens troit, mais plutt de contributions sur la culture bretonne en
gnral. Bretagne actuelle offre une chronique en franais avec une vido de JeanManuel Queiroz qui, elle aussi, traite des thmes lis la culture, la socit et la
langue bretonne. France Bleu (Breizh Izel, Amorique) offre [d]iverses chroniques en
breton ou en franais autour du breton, du vocabulaire et de ses expressions
(Gendry 2011, 179).
Lexemple du breton suggre quune chronique dune langue rgionale ou minoritaire poursuit dautres intrts que celle dune langue nationale. Par contre, les
auteurs dont il a t question jusquici ressemblent au chroniqueur du franais,
puisquil sagit dun crivain et dun linguiste.
Il y a des journaux en breton, mais [i]l ny a jamais eu de quotidien []. Les
priodiques ne sont pas diffuss en kiosque et sacquirent essentiellement sur abonnement [] (Broudic 2011, 217). Le programme de tlvision est assez limit (ibid., 219). Il
y a plus dactivit sur internet (Brezhoweb, Broudic 2013, 450). Le breton bnfice dun
soutien institutionnalis : lexistence doffices de langue comme lOfis Publik ar Brezhoneg aide tablir le contact entre spcialistes et non-spcialistes. Broudic, du Centre de
recherche bretonne et celtique UBO, Brest, a sa propre page web (Langue bretonne),
quelque chose que lon peut observer galement chez dautres chercheurs de langues
rgionales (cf. Visser paratre). Il y tient un blog. Quant la communication entre
spcialistes et non-spcialistes, il est intressant de noter quil offre un service de
courriel en rpondant des questions autour de la langue bretonne. Lactivit des
non-spcialistes est remarquable par ex. dans la version bretonne de lencyclopdie
Wikipedia (Wikipedia br) (Broudic 2013, 450). Wikipedia existe dailleurs dans beaucoup dautres langues rgionales et minoritaires (Born 2007).
4.1.4 Catalan
Le catalan peut profiter des activits de normalisation en Catalogne (Lagarde 2013,
460). Cependant, lexistence dun point de rfrence au del de la frontire nimplique
pas une absence de problmes de normativisation :
251
populaire et expressions savantes, et celle de la vitalit relle de la langue catalane sur son
territoire (ibid., 461).
la radio, cest de nouveau France Bleu Roussillon qui offre de petites missions. Le
dico daqui (France Bleu b), glossaire du franais parl dans le Roussillon qui
regroupe les mots et les expressions qui nont pas trouv dquivalent en franais
(Gendry 2011, 179), souligne lintrt de la linguistique populaire des langues minoritaires et rgionales pour le lexique. Mais lmission est aussi un exemple pour une
chronique, non sur la langue minoritaire (le catalan), mais sur le franais rgional. Le
mme prsentateur offre une petite leon de catalan (France Bleu c, Gendry 2011,
179). Sa conception est prototypique : Il nous apprend un mot de tous les jours, un
terme du vocabulaire de base. Il nous en donne lorthographe et ltymologie, en
prcise le sens et nous incite le rpter aprs lui. Tout a avec le sourire ! Il est
encore une fois question du lexique, le prsentateur donne des informations tymologiques, et lmission sert lamusement.
En plus de France Bleu, Radio Arrels et France 3 (cf. chap. 3.2) transmettent en
catalan. Le Forum Babel offre une sous-catgorie sur le catalan, en partie en langue
franaise.
4.1.5 Corse
Ctait un mouvement social et culturel (Giacomo-Marcellesi 2013, 465) qui a abouti
la reconnaissance officielle de la langue corse (ibid.). Le rle des non-linguistes
est donc important pour lamnagement linguistique dune langue minoritaire. Dans
son histoire, le corse devait situer ses activits de normalisation entre les traditions
italiennes et franaises. Le Forum Babel, qui est une initiative (en langue) franaise,
regroupe les discussions autour du corse sous la catgorie Forum italien . Le dbut
du fil de discussion Corsu (corse, corso), qui est en italien, montre que beaucoup de
discussions populaires sont de caractre assez superficiel et que ceux qui discutent
ou posent des questions ne sont souvent pas capables de parler la langue en question :
[Gaillimh] Vorrei sapere cio che pensate della lingua corsa ? A vostro parere, e come litaliano o
no ? Ho notato che molte parole che finiscono cin la o in italiano finiscono con la u in
corsico Che pensate ? Che cosa/e avesti notato ?
[Hiruma] Il corso, non italiano una lingua propia a se stessa. Molte parole finiscono con la o
anche in spagnolo, portuguese che avete * e non avesti
252
Judith Visser
4.1.7 Francoprovenal
La prsence du francoprovenal dans les mdias est limite :
Sa visibilit est faible ; laire gographique et le nom mme du francoprovenal sont peu connus
des locuteurs : ils utilisent spontanment le mot patois, terme qui dsigne gnralement, sans
connotation particulire, un parler villageois ou, ventuellement, lensemble des parlers dune
rgion : patois dauphinois, bressan, lyonnais Toutefois, le terme francoprovenal est actuellement en train de se rpandre dans une frange de la population, sous leffet des mouvements de
promotion de la langue rgionale (Bert/Longre 2007, 43).
253
truite comme un quiz. De nouveau, le but est dentretenir les spectateurs avec des
questions qui visent le patrimoine culturel.
Par contre, le site francoprovencal.com, Le site de larpitan en France, Suisse et
Italie , est une initiative transfrontalire . Le terme arpitan remplace assez souvent
celui de francoprovenal :
Le terme arpitan qui signifie montagnard ou berger a t repris au dbut des annes septante
(1970) pour rpondre au besoin de lever la confusion gnre par le terme francoprovenal. La
forme particulire arpitan a t choisie pour sa ressemblance avec le nom de la seconde grande
langue gallo-romane, loccitan. Arpitan est form partir de la racine pr-indo-europenne alp-,
dans sa variante dialectale moderne arp- ; [] (ibid.).
Il sagit dune appellation qui a un certain succs, en particulier dans les rseaux de
jeunes militants et sur internet (Bert/Martin 2013, 496). Le site offre des informations
propos dactivits culturelles lies au francoprovenal ; il relie des sites de Radio
dialectale, la Wikipedia en arpitan (Wikipedia frp), donne des informations sur la
graphisation etc. Lopinion des locuteurs est explicitement prise en compte, puisquil
existe la possibilit dcrire lassociation et de demander des explications ou
commentaires. Pourtant, lactivit sur le site est assez faible, ce qui est typique pour
beaucoup de pages Web qui soccupent des langues minoritaires. Comme dautres
langues rgionales, larpitan dispose dune page sur Facebook (Facebook Arpitania),
qui montre de nouveaux types de discussions qui se caractrisent par une bidirectionnalit et la participation de personnes qui nont pas de formation philologique.
LInstitut Pierre Gardette, associ luniversit de Lyon, ne sadresse pas au
peuple , bien que Bert/Longre (2007, 41) le caractrisent comme un lieu de
carrefour o se croisent chercheurs, locuteurs et acteurs de la promotion du francoprovenal, o schangent des informations, se tissent des liens o slaborent des
projets . Des sites comme celui de la langue savoyarde montrent la fragmentation de
laire linguistique, mais aussi lintrt de toute la socit pour le francoprovenal,
puisque ce site-l cible une audience populaire .
Selon Bert/Longre (2007, 43), [l]e nombre dassociations ou de clubs ddis au
patois augmente . Des exemples comme Amis du Francoprovenal en Pays Lyonnais
(ibid., 44), suggrent, puisquils offrent trs peu de textes en langue rgionale, que les
comptences linguistiques des lecteurs et peut tre aussi de ceux qui soccupent du
site sont assez rduites. Dans les associations et dans leurs auditoires, Bert/Longre
(ibid., 46s.) identifient trois groupes dacteurs : les locuteurs natifs , les semilocuteurs ( locuteurs tardifs , cest--dire des personnes qui lorigine navaient
que des comptences passives) et des jeunes de 20 35 ans qui aujourdhui encore
comprennent le dialecte sans le parler.
254
Judith Visser
255
[] les revues qui utilisent la graphie mistralienne et celles qui utilisent la graphie classique. Ce
sont les premires qui privilgient le plus la cration culturelle et la vie de lassociation, ainsi que
le folklore et la cuisine ou lhistoire. Dans les revues graphie classique [] dautres proccupations sont abordes : les questions de politique linguistique, de revendication, de norme, les
informations sur dautres langues minoritaires ou dautres sujets sociaux ([.]). Leur rle en tant
que vecteurs de la culture occitane est toujours important mais ces publications donnent une
image moins fige de loccitanit .
Loccitanit ne se limite alors pas aux questions de langue. Les activits lies la
linguistique populaire ne sont point libres didologie. Le fait que ces revues sont
rdiges par des non-professionnels (ibid., 22) souligne limportance du peuple
dans toute lactivit linguistique qui soccupe des langues minoritaires et rgionales.
La liste des fonctions de ce type de revues dresse par Aln Garabato est plus ou
moins applicable des sites web et des revues dialectales dautres domaines
linguistiques :
1. Maintenir les liens avec une culture, une rgion, une ville/village. []. 2. Informer des
manifestations festives, militantes, des parutions de livres []. 3. Faire connatre [] les crations
occitanes, fondamentalement littraires []. 4. Contribuer la diffusion dune certaine norme []
(rgles de prononciation ou dcriture, lexiques, tudes grammaticales). 5. [] montrer que lon
peut crire sur nimporte quel sujet en occitan et donc contribuer (modestement) la normalisation de la langue [italique dans loriginal, J.V.] (ibid., 22s.).
France Bleu offre des chroniques comme Lenga dOc ( Joanda explique la langue et
la culture dOccitanie , France Bleu d) et Les mots dOc ( Une leon dOccitan chaque
matin sur France Bleu Toulouse, avec Graud Delbs , France Bleu e). La dernire est,
comme le montre le titre, encore une fois une mission qui explique du vocabulaire,
mais aussi des toponymes. Lintrt pour les noms de lieux sexplique par leur valeur
symbolique pour lidentit rgionale. Sur France Bleu Prigord, une mission quivalente sappelle Le mot en c ; sur France Bleu Vaucluse, il y a des chroniques qui
commentent des proverbes, des expressions ou des histoires (Gendry 2011, 180).
Quant lactivit sur internet, on pourrait citer le Blog Rubrica en Oc du quotidien
Sud Ouest, qui montre que la linguistique populaire des langues minoritaires et
rgionales se caractrise par un ancrage dans des institutions caractre local, mme
si les contributions sont accessibles dans le monde entier grce linternet. Dans le
Forum Babel, il existe une sous-catgorie Forum langue doc, dune activit restreinte
(Projet Babel). Les titres des discussions, p. ex. Villages de la ligne cha/ca ,
Comparaison historique des diffrents dialectes doc , De las grafias e de las
viarietats doccitan , Mts e expressions de vstre pas , Historique de la classification des langues doc , La prononciation du h en gascon etc. montrent quil y a
un grand intrt de la part des non-spcialistes pour diffrentes questions de langage.
256
Judith Visser
Lintrt pour des problmes dorthographe, mais aussi pour lhistoire des diffrents
dialectes est assez caractristique de ce type de linguistique populaire (cf. Visser
2008 ; 2012 ; paratre).
Pour toute offre autour du gascon que nous allons mentionner ici, mme si,
dune perspective identitaire, il est discutable de grouper cette varit diatopique sous
ltiquette occitan on peut renvoyer lInstitut Barnais & Gascon, surtout sa Lettre
et son blog. Toutes ces formes de communication, parfois en franais, parfois en
gascon, offrent un corpus danalyse trs riche, mais galement trs htrogne. Pour
le barnais, Gendry mentionne une chronique bilingue intitule Les mots en c (2011,
178). Sud Ouest publie une chronique de Jean-Jacques Fni intitule Parlam gascon,
analyse par Weth (2002, 90). Elle est rdige en gascon, avec un chapeau en franais.
Lauteur donne des informations sur la langue et culture occitanes et commente les
usages linguistiques caractristiques (ibid.). Comme stratgies pour inciter le public
lire loccitan, Weth identifie la diversit thmatique , les diffrentes manires de
sadresser au lecteur au cours de lnonc , le fait que lauteur ici aussi essaie de
crer une communaut avec le lecteur, symbiose qui se dfinit par lusage du
gascon (ibid., 91), et que les chroniques contiennent des lments dialogiques
(ibid.). En vue de limportance des variets diatopiques pour le sentiment identitaire
des locuteurs, il est intressant de noter que lauteur vite toujours le glottonyme
occitan (ibid.). Finalement, cest le chapeau en franais, dans lequel la langue
franaise est [] prive dune rfrence propre. Elle nassume que la fonction de
renvoyer larticle rdig en occitan (ibid., 92), qui invite la lecture.
257
xions . Sur internet, les experts participent donc activement la vulgarisation des
connaissances sur la langue rgionale.
Il y a aussi des forums de discussions. Encore une fois, on peut faire rfrence au
Projet Babel avec la catgorie langues dol . Le caractre souvent idologique des
discussions autour de langues minoritaires et rgionales est mis en vidence p. ex. par
le fil de discussion du Forum Normanring ( Pour une Normandie Rgion autonome ), NoutLungue EudNourmandie.
Sur le site Chespicards, on trouve des vidos propos du picard (cf. Visser
paratre), intitules Les mots Picards et publies par Jean-Pierre Semblat. Il sagit de
reproductions dmissions sur SaintQuentinTV. Le titre des vidos et le fait quils
apparaissent rgulirement, bien qu intervalles trs grands, montrent quil sagit
dun type de chronique de langage.
5 Conclusions
En France, comme ailleurs, il y a une grande activit dans le domaine de la linguistique populaire centre sur les langues rgionales et minoritaires. Comme acteurs,
nous trouvons des linguistes, des journalistes, des institutions, et, surtout sur internet, des non-spcialistes. La communication se caractrise souvent par une bidirectionnalit, pas seulement sur internet, qui favorise linteraction, mais aussi dans la
chronique de presse. Les mdias caractristiques de la chronique des langues minori-
258
Judith Visser
6 Bibliographie
6.1 Littrature
Aln Garabato, Carmen (2007), Les publications priodiques en langue doc, vecteurs de diffusion de
la culture occitane, in : Carmen Aln Garabato/Henri Boyer (edd.), Les langues de France au
XXIe sicle : vitalit sociolinguistique et dynamiques culturelles, Paris, LHarmattan, 923.
Antos, Gerd (1996), Laien-Linguistik. Studien zu Sprach- und Kommunikationsproblemen im Alltag.
Am Beispiel von Sprachratgebern und Kommunikationstraining, Tbingen, Niemeyer.
Bakrim, Noureddine (2007), Le web amazigh : spcificits des pratiques langagires et contact avec le
franais, in : Carmen Aln Garabato/Henri Boyer (edd.), Les langues de France au XXIe sicle :
vitalit sociolinguistique et dynamiques culturelles, Paris, LHarmattan, 2540.
Bert, Michel/Longre, Claude (2007), Le dcalage entre la dynamique de promotion du franco-provenal et le conservatisme de ses expressions : indice de dclin ou phase annonciatrice dun
renouveau ?, in : Carmen Aln Garabato/Henri Boyer (edd.), Les langues de France au XXIe sicle :
vitalit sociolinguistique et dynamiques culturelles, Paris, LHarmattan, 4150.
Bert, Michel/Martin, Jean-Baptiste (2013), Le francoprovenal, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire
sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires, 489501.
Born, Joachim (2007), Wikipedia. Darstellung und Chancen minoritrer romanischer Varietten in
einer virtuellen Enzyklopdie, in : Martin Dring/Dietmar Osthus/Claudia Polzin-Haumann (edd.),
Sprachliche Diversitt : Praktiken Reprsentationen Identitten. Akten der Sektion Potenziale sprachlicher Diversitt in den romanischen Sprachen des XXIX. Deutschen Romanistentages Saarbrcken (25.29.09.2005), Bonn, Romanistischer Verlag, 173189.
Broudic, Fach (2011), Presse et mdias en langue bretonne : les enjeux, in : Christos Clairis et al.
(edd.), Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias,
Paris, LHarmattan, 213225.
Broudic, Fach (2013), Le breton, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France,
Rennes, Presses Universitaires, 439453.
Castet, Sbastien (2011), Euskal Konfederazioa, in : Christos Clairis et al. (edd.), Langues et cultures
rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal, politiques, mdias, Paris, LHarmattan,
241246.
259
Cellard, Jacques (1983), Les chroniques de langage, in : dith Bdard/Jacques Maurais (edd.), La
norme linguistique, Qubec, Conseil de la Langue Franaise, 651666.
Cerquiglini, Bernard (1999), Les langues de la France. Rapport au Ministre de lducation Nationale,
de la Recherche et de la Technologie et la Ministre de la Culture et de la Communication,
http://www.culture.gouv.fr./culture/dglf/lang-reg/rapport-cerquiglini/langues-france.html
(12.09.2006).
Chatbrt, Ramon (1983), Questions de lenga, Tarn, Institut dEstudis Occitans.
Coyos, Jean-Baptiste (2013), Le basque, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de
France, Rennes, Presses Universitaires, 427437.
Coyos, Jean-Baptiste/Salaberria, Jasone (2009), Le basque pour les nuls, Paris, dition First.
Crvenat-Werner, Danielle (2013), Ces mots que nous aimons. E Hmpfele sm Wortschtz, vol. 4,
Colmar, Jrme Do Bentzinger diteur.
Crvenat-Werner, Danielle (2014), Ces mots que nous aimons. E Hmpfele sm Wortschtz, vol. 7,
Colmar, Jrme Do Bentzinger diteur.
Dawson, Alain (2004), Le Chtimi de poche. Parler picard du Nord et du Pas-de-Calais, Chennevires-sur-Marne Cedex, Assimil.
Dawson, Alain (2005), Le Picard de poche, Chennevires-sur-Marne Cedex, Assimil.
Demel, Daniela (2006), Laienlinguistik und Sprachchroniken : Italienisch, in : Gerhard Ernst et al.
(edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 15231533.
Gendry, Nicole (2011), Le Conseil Suprieur de lAudiovisuel et les langues rgionales, in : Christos
Clairis et al. (edd.), Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs. Cadre lgal,
politiques, mdias, Paris, LHarmattan, 175186.
Giacomo-Marcellesi, Mathe (2013), Le corse, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues
de France, Rennes, Presses Universitaires, 465473.
Goscinny, Ren/Uderzo, Albert (2007), Chvilage cope in II, traduction : Alain Dawson, Jacques Dulphy,
Jean-Luc Vigneux, Paris, Les ditions Albert Ren.
Gryson, Pierre-Marie/Poulet, Denise (2009), Le chti pour les nuls, Paris, dition First.
Haarmann, Harald (1996), Identitt, in : Hans Goebl et al. (edd.), Kontaktlinguistik. Ein internationales
Handbuch zeitgenssischer Forschung, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 218233.
Lagarde, Christian (2013), Le catalan, in : Georg Kremnitz (edd.), Histoire sociale des langues de
France, Rennes, Presses Universitaires, 455464.
Le Bihan, Herv/Denis, Gwendal/Mnard, Martial (2009), Le Breton pour les nuls, Paris, dition
First.
Lsebrink, Hans-Jrgen, et al. (2004), Franzsische Kultur- und Medienwissenschaft. Eine Einfhrung,
Tbingen, Narr.
Martin, Jean-Baptiste (2005), Le francoprovenal de poche, Chennevires-sur-Marne Cedex, Assimil.
Niedzielski, Nancy A./Preston, Dennis R. (2000), Folk linguistics, Berlin/New York, Mouton de Gruyter.
North, Xavier (2011), Langues et cultures rgionales dix ans aprs, in : Christos Clairis et al. (edd.),
Langues et cultures rgionales de France. Dix ans aprs, Paris, LHarmattan, 2534.
Osthus, Dietmar (2006), Laienlinguistik und Sprachchroniken : Franzsisch und Okzitanisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 15331546.
Polzin-Haumann, Claudia (2006), Sprachplanung, Sprachlenkung und institutionalisierte Sprachpflege : Franzsisch und Okzitanisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 2, Berlin/
New York, de Gruyter, 14721486.
Quemada, Bernard (1970/1972), Bibliographie des Chroniques de langage publies dans la presse
franaise, 2 vol., Paris, Didier.
260
Judith Visser
Radatz, Ingo (2002/2011), Le catalan de poche, adaptation franaise Joan Dorandeu ; illustrations de
Jean-Louis Gouss, Chennevires-sur-Marne Cedex, Assimil.
Remysen, Wim (2005), La chronique de langage la lumire de lexprience canadienne-franaise :
un essai de dfinition, in : Julie Brub/Karine Gauvin/Wim Remysen (edd.), Les Journes de
linguistique. Actes du 18e colloque 1112 mars 2004, Qubec, Centre interdisciplinaire de recherches sur les activits langagires, 267281.
Ryckeboer, Hugo (2013), Le flamand de France, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues
de France, Rennes, Presses Universitaires, 475488.
Schwarze, Christoph (1977), Sprachschwierigkeiten, Sprachpflege, Sprachbewusstsein. Das Phnomen der Chroniques de Langage , Konstanz, Universittsverlag.
Stegu, Martin (2012), Les politiques linguistiques entre linguistique applique et linguistique populaire, in : Peter Cichon/Sabine Erhart/Martin Stegu (edd.), Les politiques linguistiques implicites
et explicites en domaine francophone, Berlin, Avinus, 3136.
Swiggers, Pierre (2011), La (relative) standardisation de lancien occitan apprhende travers les
premires descriptions grammaticales, in : Sarah Dess Schmidt/Jochen Hafner/Sabine Heinemann (edd.), Koineisierung und Standardisierung in der Romania, Heidelberg, Winter, 133149.
Visser, Judith (2008), Dialekte im Digitalen Raum. Das Pikardische als langue rgionale parle sur le
WEB , in : Sabine Bastian/Elisabeth Burr (edd.), Mehrsprachigkeit in frankophonen Rumen,
Mnchen, Meidenbauer, 147169.
Visser, Judith (2012), Varietten im virtuellen Raum : Normannische Sprachkultur im Internet, in :
Annette Gerstenberg/Claudia Polzin-Haumann/Dietmar Osthus (edd.), Sprache und ffentlichkeit in realen und virtuellen Rumen, Bonn, Romanistischer Verlag, 79106.
Visser, Judith ( paratre), The Role of Small Languages II : Presence of Picard in Medial Communication, in : Christiane Maa/Kristina Bedijs (edd.), Manual of Romance Languages in the Media,
Berlin/Boston, de Gruyter.
Weth, Constanze (2002), Osciller entre la langue de culture et la langue dintimit. La description de
lusage de loccitan dans quelques chroniques occitanes, Lengas 51 (Usages sociaux de lOccitan), 8399.
261
Thomas Krefeld
263
seulement sont marqus dans la figure suivante par deux termes opposs ( gauche et
droite) :
immdiat communicatif
affinit avec le code phonique
distance communicative
affinit avec le code crit
communication prive
communication publique
interlocuteur intime
interlocuteur inconnu
motionnalit forte
motionnalit faible
coprsence spatio-temporelle
sparation spatio-temporelle
dialogue
monologue
communication spontane
communication prpare
libert thmatique
fixation thmatique
etc.
etc.
Cest au romaniste Ludwig Sll que nous devons la conceptualisation la plus explicite et la plus
convaincante en matire doralit et de scripturalit (cf. Sll 1974, 1119 = 31985, 1725). Lui aussi
met en vidence la diffrence fondamentale entre laspect mdial et laspect conceptionnel dun
nonc. II faut, effectivement, insister sur le fait que la ralisation mdiale, phonique ou
264
Thomas Krefeld
distance
communicative
niveau
historique
individuel/actuel
tradition discursive
discours ( parole )
265
2 La rvision de limmdiat
En considrant toutes les formes perceptuelles comme mdiales , on tablit un
paralllisme fort problmatique, car il est impossible, dun point de vue anthropologique, de mettre en doute le primat de la phonie : la communication linguistique
lmentaire et naturelle est produite par le systme articulatoire et perue par les
modalits sensorielles, laudition avant tout, mais avec un support de la vision non
ngligeable (Krefeld/Pustka 2014) ; dans ce sens, la phonie se droule effectivement
face face, et non pas seulement de la bouche aux oreilles . La temporalit de la
production acoustique comme de la perception auditive, cest--dire le caractre
rigoureusement fugitif (verba volant) de la parole, explique la nature linaire du signe
linguistique. tant donn que cette communication orale na besoin daucun support
technique, on pourrait la dfinir comme immdiate, tout en remotivant cette dsignation, son tymologie la qualifiant initialement de non mdiatise . Dans ce cas-l,
la smantique de ltymologie vaut toujours : la phonie nest pas un mdia appliqu la langue, parce quelle est la condition mme du langage humain des points
de vue phylogntique et ontogntique. Aussi les langues non-crites sont-elles
absolument compltes. Il serait impossible de conceptualiser lorganisation systmique et la fonctionnalit dune langue quelconque (ou du langage au sens universel)
sans recourir larticulation ou laudition do la ncessit de diffrencier
catgoriquement entre, dun ct, la forme perceptible ( matrialit ), qui peut tre
266
Thomas Krefeld
Tous les autres critres numrs dans la Figure 1 (communication prive, interlocuteur intime, motionnalit forte, coopration communicative intense, dialogue,
communication spontane, libert thmatique) ne sont pas essentiels mais accessoires ; ils ne sont lis loralit que par une certaine affinit. De plus, il faut tenir compte
du fait que les trois critres essentielles de loralit immdiate ont le mme fondement
anthropologique parce quils reprsentent tous les trois des fonctions de la spatialit
de la communication, plus prcisment de la proximit (ou distance minimale) des
communicants : les interlocuteurs sont suffisamment prs lun de lautre pour scouter en parlant voix normale, cest--dire ni en criant, ni en chuchotant, et en mme
temps ils partagent la situation actuelle commune ; cette situation est perue avec
tous les sens disponibles et est ventuellement modifie par des ractions pratiques
non verbales, spontanes ou prmdites.
Le schma classique de Roman Jakobson se laisse facilement prciser pour
rsumer cette constellation fondamentale de la communication.
267
Figure 4 : Limmdiat et les implications factorielles (symbolises par les rectangles taille
dcroissante)
268
Thomas Krefeld
Man knnte nun auf den Gedanken kommen, dass das Schema [des Nhe-Distanz-Kontinuums], das allein die Medien Phonie und Graphie bercksichtigt, nicht ausreicht, die Komplexitt, dieser neuesten medialen Entwicklungen zu erfassen. Einer solchen Einschtzung ist jedoch
entschieden zu widersprechen (Koch/Oesterreicher 22011, 14).1
1 On pourrait parvenir lide, que le schma [i.e. le continuum immdiat-distance ; Th. K.] qui
considre seulement la phonie et la graphie, ne serait pas suffisant pour tenir compte de la complexit
des tout derniers dveloppements mdiaux. Il faut sopposer fermement un tel jugement (Koch/
Oesterreicher 22011, 14 : trad. Th. K.).
269
Les auteurs insistent donc sur le fait que leur modle ne serait aucunement mis en
question par ces nouvelles formes de communication ; ils le voient, tout au contraire,
confirm par le fait que le tchat est un des plus beaux exemples illustrant la
possibilit de se rapprocher au sein du mdia graphique, toutefois de faon limite
limmdiat communicatif, dialogique et spontan 2 (Koch/Oesterreicher 22011, 14 ;
trad. Th. K.). Ils concluent donc que les nouvelles formes de communications peuvent
parfaitement tre expliques par les mdias de la phonie et de la graphie qui
seraient des catgories anthropologiquement fondes (ibid. ; trad. Th. K.).
Largumentation est pourtant plus suggestive que convaincante. Christa Drscheid (sous presse) en tire une consquence aussi stricte que claire quand elle
affirme quil sagit dun concept de mdia incompatible avec celui de la linguistique
des mdias, parce quil ne se laisse tout simplement pas appliquer aux dveloppements rcents.
Cette position est sans doute incontestable, mais elle ne rsout pas non plus les
problmes inhrents qui concernent dj le fondement anthropologique rclam
par Koch/Oesterreicher. Il faudrait, encore une fois, distinguer la production de la
perception pour voir les diffrences entre phonie et graphie : dans le cas de la phonie,
les deux aspects, larticulation et laudition, sont effectivement conditionns par
lquipement neurophysiologique de lhomme. Dans le cas de la graphie, par contre,
ce nest valable que pour la perception visuelle, cest--dire la lecture ; sa production
par le moyen le mdia de lcriture nest videmment pas fonde dans la
neurophysiologie.
Voyons donc comment les facteurs inalinables de la communication (selon
Figure 3) peuvent tre mdiatiss et comment la mdiatisation se rpercute sur les
options conceptionnelles et sur la variation linguistique. Le point de dpart est sans
aucun doute le fait que la communication immdiate non mdiatise est absolument incompatible avec la distance des communicants. Il ne serait mme pas exagr
de dire que tout progrs mdial a t stimul par leffort de librer la communication
verbale de la prison de la proximit ; cest pourquoi linvention du premier mdia,
lcriture, a caus une profonde rorganisation de la civilisation et de la socit, qui,
par la suite, a men la scripturalit gnrale (concernant le progrs mdial comme
moteur de lhistoire de la civilisation cf. Raible 2006). Le message crit est un objet
durable, qui survit la situation de sa production et qui, en rtro-perspective historique,
a bien souvent mme survcu la communaut des locuteurs ( langues mortes ).
Les consquences linguistiques du message-objet sont multiples ; dabord il permet et exige de se concentrer sur le message et de le retravailler ; le texte crit tend
vers la prcision logique et smantique. La rflexion du message verbal sintensifie
2 En version originale : Der chat ist sogar eines der schnsten Beispiele dafr, dass im graphischen
Medium eine relative, allerdings auch in diesem Fall noch limitierte Annherung an dialogische,
spontane Nhesprache mglich ist (Koch/Oesterreicher 22011, 14).
270
Thomas Krefeld
normment par lcrit et, de fait, sous les conditions de la distance des communicants et du dtachement situationnel. Dans le mme temps, il est facile de reproduire
le message crit, de telle manire quil devient lobjet de plusieurs lecteurs, qui
dcouvrent ses imperfections, relles ou supposes et proposent ensuite dautres
textes etc. Plus concrtement, le passage lcrit (cf. Selig/Frank/Hartmann 1993)
dclenche toute une gamme de changements et de dveloppements dont il se fait
accompagner continuellement, mais qui sont normment acclrs par la premire
rvolution mdiale, linvention de limprimerie. Citons au moins les trois volutions
suivantes :
(1) llaboration croissante de la langue aussi bien dans le lexique que dans la
syntaxe (p. ex. en ce qui concerne les techniques de subordination) ;
(2) ltablissement dune norme dabord descriptive (ou bien, ce qui revient au
mme, la rduction de la variation linguistique dans lusage crit) ;
(3) lmergence dun discours mtalinguistique, sous forme crite, qui aboutit une
norme prescriptive, cest--dire une varit standard.
Ces trois volutions sont intimement lies entre elles, sans quil soit possible de
schmatiser leur enchanement historique. On pourrait dire, p. ex. et grosso modo, que
(2) prcde (3) dans le cas de litalien (cf. Krefeld 2011), tandis que le franais a connu
le dveloppement inverse. Mais llment bien plus important encore que ces diffrences historiques, cest le rle dcisif des varits standard, qui se sont formes sous les
conditions de la distance communicative, pour lorganisation de larchitecture des
langues, parce quelles constituent les varits de rfrence autour desquelles toutes
les autres varits de ces langues se regroupent.
Dans lactualit, cest--dire aprs la deuxime rvolution mdiale marque par
les nouveaux mdias, la situation est radicalement diffrente. Les nouvelles technologies russissent mdiatiser la distance des communicants de telle faon quils
puissent dialoguer quasiment en synchronie (cf. Drscheid 2003 ; Hess-Lttich/Wilde
2003), grce leur co-prsence temporelle ; le dcalage temporel (la soi-disant
latence) est minime et ngligeable dans la communication humaine quotidienne,
dans lactivit commerciale en ligne, toutefois, il procure un avantage certain aux
bourses relies par des cbles moins longs.
Tandis que le premier mdia qui permettait le dialogue synchronique distance
spatiale, le tlphone, tait limit la phonie, les nouveaux mdias lectroniques
conquirent les formes visuelles, soit comme forme supplmentaire (dans la vidotlphonie), soit comme forme alternative. Cest justement lexploit de la graphie pour
dialoguer en co-prsence dans un contexte cr partiellement par le mdia qui mrite
lintrt des linguistes pour plusieurs motifs (cf. Androutsopoulos 2007).
La graphie mdiatise par lordinateur reprsente pour une grande masse de
personnes la seule graphie quils pratiquent trs frquemment. Il est justifi de parler
dune revalorisation et augmentation substantielle de la graphie dans la communica
271
tion vcue de tous les jours parce quil sagit dans la plupart des cas de gens qui ne se
serviraient pas, ou trs rarement, de lcriture traditionnelle (analogue). Lcriture
utilise, cependant, nest plus la mme et les conditions demploi sont totalement
diffrentes. Avant tout, les affinits entre les options conceptionnelles et mdiales
postules par Koch/Oesterreicher ne sont plus valables :
[w]ir alle kennen phonisch realisierte uerungen, deren sprachlicher Duktus kaum unserer
Intuition von Mndlichkeit entspricht (z.B. Grabrede, Erklrungen bei einer Schlossfhrung
oder Festvortrag) ; andererseits gibt es aber auch graphisch realisierte uerungen, die sich
schwerlich mit unseren Vorstellungen von Schriftlichkeit decken (z.B. Privatbrief, oder neuerdings besser noch chat, ferner Sprechblasen ( !) in Comics) (Koch/Oesterreicher 22011, 3).3
3 Nous connaissons tous des nonciations ralises phoniquement dont lallure linguistique correspond trs peu notre intuition d oralit (p. ex. une oraison funbre, les explications au cours de la
visite guide dun chteau, ou une allocution de fte) ; dautre ct il y a des nonciations ralises
graphiquement, qui concident difficilement avec nos ides de scripturalit (p. ex. une lettre prive,
ou rcemment, encore mieux, le tchat, et les bulles dans les bandes dessines) (Koch/Oesterreicher
2
2011, 3 ; trad. Th. K.).
272
Thomas Krefeld
4 Bibliographie
273
Albert, Georg (2013), Innovative Schriftlichkeit in digitalen Texten : syntaktische Variation und stilistische Differenzierung in Chat und Forum, Berlin, Akademie Verlag.
Androutsopoulos, Jannis (2007), Neue Medien neue Schriftlichkeit ?, Mitteilungen des Deutschen
Germanistenverbandes 1 :07, 7297.
Coseriu, Eugenio (1988), Historische Sprache und Dialekt, in : Eugenio Coseriu, Energeia und Ergon I.
Schriften von (19651987), edd. Jrn Albrecht et al., Tbingen, Narr, 4461.
Coseriu, Eugenio (31994 [1981]), Textlinguistik. Eine Einfhrung, Tbingen/Basel, Francke.
Drscheid, Christa (2003), Medienkommunikation im Kontinuum von Mndlichkeit und Schriftlichkeit. Theoretische und empirische Probleme, Zeitschrift fr Angewandte Linguistik 38, 37
56.
Drscheid, Christa (sous presse), Nhe, Distanz und neue Medien, in : Mathilde Hennig/Helmuth
Feilke (edd.), Zur Karriere von Nhe und Distanz, Berlin, de Gruyter.
Dufter, Andreas/Stark, Elisabeth (2002), La varit des varits : combien de dimensions pour la
description ? Quelques rflexions partir du franais, Romanistisches Jahrbuch 53, 81108.
Frehner, Carmen (2008), Email SMS MMS : The Linguistic Creativity of Asynchronous Discourse in
the New Media Age, Bern, Lang.
Gadet, Franoise (2003), La variation sociale en franais, Paris, Ophrys.
Halliday, Michael Alexander Kirkwood/McIntosh, Angus/Strevens, Peter (1964), The Linguistic Sciences and Language Teaching, London, Longman.
Mathilde Hennig/Helmuth Feilke (edd., sous presse), Zur Karriere von Nhe und Distanz, Berlin, de
Gruyter.
Hess-Lttich, Ernest W.B./Wilde, Eva (2003), Der Chat als Textsorte und/oder als Dialogsorte ?,
linguistik-online, <http://www.linguistik-online.de/13_01/hessLuettichWilde.html>
(05.05.2015).
Jakobson, Roman (1963), Essais de linguistique gnrale. Les fondations du langage, Paris, ditions
de Minuit.
Kabatek, Johannes (2005), Tradiciones discursivas y cambio lingstico, Lexis 29:2, 151177.
Koch, Peter (1997), Diskurstraditionen : zu ihrem sprachtheoretischen Status und ihrer Dynamik, in :
Barbara Frank/Thomas Haye/Doris Tophinke (edd.), Gattungen mittelalterlicher Schriftlichkeit,
Tbingen, Narr, 4379.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (1985), Sprache der Nhe Sprache der Distanz. Mndlichkeit und
Schriftlichkeit im Spannungsfeld von Sprachtheorie und Sprachgebrauch, Romanistisches Jahrbuch 36, 1543.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (1990/22011), Gesprochene Sprache in der Romania. Franzsisch,
Italienisch, Spanisch, Tbingen, Niemeyer.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (1997), Schriftlichkeit und Sprache, in : Hartmut Gnther/Otto Ludwig
(edd.), Schrift und Schriftlichkeit. Ein interdisziplinres Handbuch internationaler Forschung,
vol. 1, Berlin, de Gruyter, 587604.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (2001), Langage parl et langage crit, in : Gnter Holtus/Michael
Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. I/2, Tbingen,
Niemeyer, 584627.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (2007), Lengua hablada en la Romania : Espaol, francs, italiano,
Madrid, Gredos [= trad. ajourne de Koch/Oesterreicher 1990].
Krefeld, Thomas (2010), Italienische Variettenlinguistik, Italienisch 63, 5672.
Krefeld, Thomas (2011), Alter Standard Neue Medien. Zur Erfassung von Restandardisierungsprozessen im Italienischen, in : Sarah Dess Schmid/Jochen Hafner/Sabine Heinemann (edd.), Koineisierung und Standardisierung in der Romania, Heidelberg, Winter, 269281.
274
Thomas Krefeld
Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa (2014), Einleitung : Welt, Wahrnehmung, Sprache die perzeptive
Grundlage der Linguistik, in : Thomas Krefeld/Elissa Pustka (edd.), Perzeptive Linguistik, Stuttgart, Steiner, 918.
Lpez Serena, Araceli (2007), Oralidad y escrituralidad en la recreacin literaria del espaol coloquial, Madrid, Gredos.
Raible, Wolfgang (2006), Medien-Kulturgeschichte. Mediatisierung als Grundlage unserer kulturellen
Entwicklung, Heidelberg, Winter.
Selig, Maria/Frank, Barbara/Hartmann, Jrg (edd.) (1993), Le passage lcrit des langues romanes,
Tbingen, Narr.
Sll, Ludwig (1974/31985), Gesprochenes und geschriebenes Franzsisch, Berlin, Erich Schmidt.
Wilhelm, Raymund (2001), Diskurstraditionen, in : Martin Haspelmath et al. (edd.), Sprachtypologie
und sprachliche Universalien, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 467477.
Wilhelm, Raymund (2003), Von der Geschichte der Sprachen zur Geschichte der Diskurstraditionen.
Fr eine linguistisch fundierte Kommunikationsgeschichte, in : Heidi Aschenberg/Raymund Wilhelm (edd.), Romanische Sprachgeschichte und Diskurstraditionen, Tbingen, Narr, 211236.
Anja Overbeck
276
Anja Overbeck
277
dbat (cf. entre autres Crystal 2001 et 2011 ; Anis 2002 ; Dejond 2002 ; 2006 ; Drscheid
2004). Le chapitre 4 sera consacr aussi ce sujet.
Le choix de la terminologie employer est li la discussion publique et
acadmique car une dfinition unique des termes servant dcrire la communication
dans les mdias lectroniques est loin dexister. Mme le terme mdia est utilis de
manire diffrente. Ce nest que lentement que le postulat commence simposer
supposant que la notion de mdia pour lanalyse des formes de communication
nest utilisable que dans une perspective technique et ne devrait se rfrer quexclusivement au moyen concret de communication (tlphone portable, ordinateur, fax
etc. ; cf. Drscheid 2003 et dj Holly 1997). Mme la dnomination de la communication dans les mdias lectroniques varie dune langue lautre. En italien, lexpression comunicazione mediata dal computer, drive de langlais Computer Mediated
Communication (CMC) sest impose, elle est aussi courante en espagnol dAmrique
latine (Comunicacin Mediada por la Computadora), alors quen Espagne, cest plutt
lexpression Comunicacin Mediada por Ordenador (CMO) qui est utilise. Le pendant
franais Communication Mdie/Mdiatise par Ordinateur (CMO) est considr
comme peu courant, on trouve plutt communication virtuelle ou cybercommunication.
En allemand aussi, on vite actuellement le terme Computervermittelte Kommunikation (CVK), souvent au profit de digitale Kommunikation ou de virtuelle Kommunikation. Aussi la proposition bien raisonne de Jucker/Drscheid (2012), Keyboard-toScreen Communication (KSC), na pas pu simposer (cf. ce sujet aussi Herring 2007, et
Herring/Skin/Viranen 2013). Tous ces termes ont cependant en commun un certain
manque de prcision (dautant plus que la communication na pas lieu exclusivement
sur ordinateur), ce qui souligne la difficult de trouver une terminologie adquate et
partage. En consquence, nous privilgierons la paraphrase plus gnrale de
communication dans les mdias lectroniques.
2 Thories et modles
Certaines formes de communication dans les mdias lectroniques comme les courriels, les SMS et le tchat ont dj fait lobjet de nombreuses tudes, contrairement
p. ex. la tlphonie et aux rseaux sociaux. Ce fait nest d quen partie la
constitution de corpus : ce qui est relativement simple pour les tchats, qui sont en
grande partie publics et faciles daccs, lest beaucoup moins pour les SMS ou les
courriels privs (pour le tchat cf. Beiwenger 2001 ; Anis 2002 ; Pierozak 2003a ;
2003b ; Thaler 2003 ; 2012 ; Pistolesi 2004 ; Kailuweit 2009 ; des corpus dj existant
sont p. ex. le Dortmunder Chat-Korpus ou le Eulogos Corpus di conversazioni da chatline in lingua italiana). Ce sont cependant ces deux dernires formes qui sont au centre
des tudes rcentes.
Le courriel est trs variable, aussi bien au niveau de la langue que du contenu,
mais sa forme extrieure est relativement fixe : objet, en-tte, formules de politesse,
278
Anja Overbeck
corps du texte, ventuellement des pices jointes etc. (cf. Ziegler/Drscheid 2002 ;
Pistolesi 2004 ; Frehner 2008 ; Schnitzer 2012 ; Drscheid/Frehner 2013).
Le SMS quant lui est peut-tre encore plus clairement dfini dun point de vue
formel en raison des 160 signes composant au maximum le message, ce qui explique
le nombre important dtudes (cf. Anis 2001 ; 2002 ; 2007 ; Schlobinski et al. 2001 ;
Schlobinski 2003 ; Pistolesi 2004 ; Schnitzer 2012 ; pour un aperu gnral voir Thurlow/Poff 2013). Le projet belgo-germano-suisse sms4science rassemble des donnes
plurilingues de SMS en allemand, en rhto-roman, en italien et en franais dans un
corpus, qui tait mis disposition du public depuis peu (cf. Schweizer SMS-Korpus,
Drscheid/Stark 2011 et Sthli/Drscheid/Bguelin 2011 ; voir aussi la banque de
donnes de SMS du Centrum Sprache und Kommunikation de luniversit de Mnster
2012 et le projet belge Faites don de vos SMS la science, cf. Cougnon 2008). Pour la
communication par SMS, la (socio)linguistique sintresse surtout au langage des
jeunes (cf. Schlobinski et al. 2001 ; Schlobinski 2003 ; Baron 2008) et la pragmatique
(cf. Thurlow 2003 ; Androutsopoulos 2007 ; Anis 2007 ; Cougnon 2011). En ce qui
concerne la linguistique variationnelle, les SMS sont particulirement pertinents pour
la recherche sur le langage crit et le langage parl (cf. chapitre 2.3), parce quils font
preuve dune forte variation au niveau de la graphie et des carts par rapport la
langue standard (cf. Almela Prez 2001 ; Yus 2001 et 2010 ; Anis 2004 ; Linard 2005 ;
Bieswanger 2007 ; Cougnon 2008 ; Cougnon/Ledegen 2010).
Le chapitre 3 sera consacr ces caractristiques langagires qui sont particulirement marques, surtout en franais. Dautres formes de communication comme les
rseaux sociaux mriteraient dtre analyss plus en dtail (voir pour le moment
Millerand/Proulx/Rueff 2010 ; Storrer 2011 ; Overbeck 2012 ; 2014 ; Bedijs/Held/Maa
2014).
Les traits suivants sont considrs comme caractristiques de lensemble de la
communication dans les mdias lectroniques, bien quune partie dentre eux soit
bien sr commune la communication non lectronique :
indpendance spatio-temporelle ;
grande facilit daccs dun grand nombre dinterlocuteurs ;
communication presque exclusivement crite ;
absence de gestes et dexpression du visage, compense par dautres stratgies ;
haut degr danonymat des interlocuteurs ;
simplification de laccs aux traces crites de la communication.
Les aspects langagiers rsultant de ces caractristiques ainsi que les modles et
thories sy rfrant seront abords dans les chapitres suivants.
279
280
Anja Overbeck
tion, car ils reprsentent au sens strict plutt des plate-formes, qui combinent des
formes de communication trs diffrentes, comme la fonction de tchat sur Facebook
ou la messagerie directe de Twitter. Lespace communicatif correspond dans presque
tous les cas au cadre temporel, ainsi les formes synchrones de communication ontelles lieu en majorit dans le mme espace de communication et donc les formes
asynchrones en revanche dans des espaces diffrents. Il sagit nanmoins ici de
diffrencier les espaces rel et virtuel, ce que lexemple du tchat illustre trs clairement : les tchateurs communiquent de manire quasi-synchrone, ils se trouvent en
gnral avec leurs appareils dans des lieux rels diffrents mais sentretiennent dans
un seul chatroom virtuel commun. Si la communication est asynchrone, cet espace
virtuel commun est dans la plupart des cas inexistant.
Le chapitre 4 reviendra sur les relations complexes entre les diffrentes formes de
communication, qui peuvent se complter, sinterrompre ou saccompagner mutuellement, ce qui rend une hirarchisation dautant plus difficile et a des consquences sur
le processus de rception. Il sagit ici dune sorte de fragmentation, dj connue des
mdias lectroniques plus traditionnels (comme la tlvision lorsque les annonces
de la bourse dfilent dans un bandeau sous lcran de lmission dun autre genre, cf.
Fix 2011, 9).
281
282
Anja Overbeck
Les formes les plus rcentes comme le blog vido et les rseaux sociaux rendent une
classification difficile, car leur usage est trs variable : de nombreux tweets sur Twitter
sont plutt marqus par un emploi empreint de distance, donc de conception crit ,
alors que sur Facebook, il est ncessaire de distinguer les profils (plutt empreints de
distance) et le tchat interne de Facebook (plutt marqu par le langage de la proximit). Le blog vido peut avoir une conception crite , mais il peut aussi reprsenter
une conception spontane et donc parle . Une forme de communication comme le
courriel peut aussi bien tmoigner dune certaine distance que de proximit, et les
fonctions supplmentaires comme lajout de pices jointes ne font que multiplier ces
possibilits. Dans tous les cas, ce sont toujours lobjectif de la communication et
lintention de lmetteur qui sont dcisifs pour la dimension doralit.
283
284
Anja Overbeck
Rductions graphiques :
squelettes consonantiques (tt tout, ds dans, tjs toujours, tps temps) ;
syllabogrammes (l elle, c cest/sais/sait, 1 un(e), 2m1 demain, a+ plus
(tard)) ;
sigles (mdr mort de rire, stp sil te plat, asv ge sexe ville, ptdr pt de rire).
Les sigles se trouvent surtout dans les SMS et le tchat, nanmoins le critre dconomie de place et de manque de temps ne sont sans aucun doute quune des explications possibles de ce phnomne (cf. Bieswanger 2007). La constitution dun sentiment de groupe, rsultant de la matrise de conventions communes, qui est surtout
visible sur les rseaux sociaux en serait une autre (cf. Neumann-Braun/Authenrieth
2011). Par ailleurs, cette manire dcrire est lie un certain plaisir cratif, d au ct
ludique de la communication en ligne (cf. Overbeck 2012). Il en rsulte des dialogues
(ici un change de SMS) souvent peu comprhensibles pour les personnes extrieures :
285
A : YA KELK1 ?
B : Oui ya moa. Koman ca va ?
A : Bi1. E twa ? Tapa lR bi1 ?
B : Ca va. Sof k G raT mon RER.
Le dernier exemple montre que la combinaison de plusieurs phnomnes phontiques et morphologiques est aussi typique.
3.2 Lexique
La majorit des phnomnes lexicaux qui se trouvent dans les formes de communication des mdias lectroniques est commune au langage des jeunes (cf. Boyer 2007). La
ralisation formelle dpend cependant fortement de chaque utilisateur et son intention comme de la forme de communication : sur un site de rencontre, dautres domaines lexicaux sont abords que dans un forum culinaire ou un tchat entre experts
dchecs ; aussi dans les mdias sociaux, cest le contexte thmatique qui dtermine
principalement le lexique utilis. Dans les forums et autres formes courtes dvaluation (htel, restaurant), de commentaire ( propos darticles de journaux) ou de
discussions sur des sujets spcifiques, on trouve souvent un vocabulaire particulirement motionnel (cf. chapitre 2.4).
Les phnomnes suivants sont trs frquents et correspondent eux aussi ceux
du langage des jeunes, ils sont dailleurs surtout employs par ce groupe dutilisateurs :
troncations (ordi ordinateur, lut salut, tain putain) ;
anglicismes (chatter, kisser, easy) ;
verlan (meuf femme, donf fond, ouf fou, fca caf, tci cit) ;
code-switching (Je me sentais easy ; Tu te prends pour the king of the world ?, cf.
Cougnon 2011 ; Androutsopoulos 2013).
Il nest nanmoins pas possible de parler dun lexique dInternet propre et valable
de manire gnrale.
3.3 Morphologie
Morphologiquement, de nombreuses abrviations, qui sont souvent lies des caractristiques phontiques (cf. chap. 3.1), sont dignes dintrt. Il sagit en majorit de la
simplification de graphies qui sont particulirement nombreuses en franais ( est,
pe peux/peut, c cest). Parfois, ces rductions ne respectent plus la limite des mots
(vrpa verrai pas, mapel mappeler). Il est aussi possible de trouver des manires
dcrire rappelant des graphies trangres, notamment de langlais (bizoo bisou,
286
Anja Overbeck
kikoo coucou). Dans les langues o les dialectes sont trs prsents, lemploi de
termes issus de ces varits est frquent, par exemple en italien, mais aussi en
allemand (cf. des formes comme le romanesco porello poverino, lallemand du nord
Mudda Mutter ou le bavarois mia wir). Mais aucune gnralisation nest possible,
puisque aussi dans le champ de la morphologie, les stratgies langagires utilises
dpendent toujours du contexte de la communication et des intentions des interlocuteurs.
3.4 Syntaxe
La multimodalit et la variation de formes de communication dans les mdias lectroniques sopposent donc une analyse systmatique, si bien quil existe encore peu
dtudes syntaxiques. Ceci peut tre expliqu par le fait que la syntaxe correspond
toujours dautres phnomnes comme loralit et le langage de jeunes. De nombreux
exemples permettent dcarter lhypothse selon laquelle la limitation de signes de
certaines formes (comme le SMS et le Tweet) serait lorigine dune syntaxe fortement
rduite. Certains Tweets, limits 140 signes ou SMS, 160 signes, sont pourvus
dune syntaxe complexe, avec des structures hypotaxiques (cf. Overbeck 2012).
Parmi les caractristiques syntaxiques les plus frquentes, il faut citer les structures elliptiques, la chute du ne dans la ngation, labsence de concordance des temps
et des modes et lusage des marqueurs du discours. Les donnes syntaxiques varient
aussi en fonction du type de texte et de discours. Ainsi, un courriel peut contenir une
lettre officielle de type formel ou une invitation dner entre amis dans un registre
familier, la complexit langagire dpendant au niveau syntaxique de lobjectif du
message.
Dans lensemble, la communication dans les mdias lectroniques se caractrise
par une grande variation due aux diverses conditions dutilisation et aux divers
contextes. La frquence des occurrences de certains phnomnes suggre lexistence
dune langue plus ou moins nouvelle et homogne, qui ne rsiste cependant pas
une analyse plus prcise.
4 Conclusion et perspectives
Il nest donc pas possible de parler dun langage du rseau ou dun cyberlangage . Certes, chaque forme de communication prsente des traits langagiers spcifiques, nanmoins les recoupements avec dautres formes de communication lectronique ainsi que des formes non lectroniques sont tellement nombreuses quil est
difficile den dterminer clairement des limites. La tentative artificielle de fixer un
netspeak homogne comme le fait Crystal (2001) pose plusieurs problmes (cf. Drscheid 2004) :
287
Ces formes de communication ne sont donc pas nouvelles, en revanche les normes et
les contextes de la communication le sont. Les progrs techniques perptuels produisent de nouvelles combinaisons possibles o plusieurs formes de communication sont
lies (rseau social avec tchat intgr, blog avec des vidos ou des formes mixtes
comme Viber ou WhatsApp).
Scientifiquement parlant, les rserves mises dans le chapitre 1 propos de
lvolution des conventions linguistiques notamment dans les Social Media, peuvent
tre nuances. Des premires tudes montrent quil ny a aucun signe annonant une
baisse du niveau de langue ou la perte des normes grammaticales (cf. p. ex. les
rsultats du projet Zurich Schreibkompetenz und neue Medien, cf. http://www.
schreibkompetenz.uzh.ch/ et Drscheid/Wagner/Brommer 2010). Il sagit en revanche dun largissement des domaines fonctionnels de lcriture, puisque les jeunes
sont incits crire plus. En gnral, ils savent trs bien distinguer les styles et les
registres et adaptent leur manire dcrire consciemment ou inconsciemment linterlocuteur et au contexte, mme dans la communication en ligne. Ces formes de
communication lectronique peuvent galement tre intgres dans un contexte
scolaire, et de manire crative (cf. Barth/Rauch 2011). Les formes multimodales du
Web 2.0 mnent donc plutt une diversification des types de textes et au dveloppement fonctionnel de lcrit qu un appauvrissement de la langue (cf. Storrer 2010 et
2011).
En rsumant, on peut attribuer les caractristiques suivantes aux formes de
communication lectroniques (cf. Fix 2011) :
plurifonctionnalit : la majorit des formes de communication sont utilisables
dans plus dune dimension ;
variabilit : dans les mdias lectroniques, il est possible de modifier, de complter ou de changer les textes infiniment ;
ouverture du processus de lecture : le sens de la lecture nest plus clairement
dtermin car il peut changer la direction tout moment ;
fragmentation : des formes de communication peuvent tre imbriques, des messages sont interrompus ou complts par dautres messages, les limites entre les
diffrentes formes de communication deviennent de plus en plus floues ;
diversit des auteurs : dans les mdias lectroniques, la notion mme dauteur
individuel disparat souvent.
288
Anja Overbeck
Bien que ces caractristiques nexistent pas seulement depuis la naissance dInternet,
elles ne font actuellement que se renforcer. Il faudra donc lavenir davantage
analyser les formes particulires que les formes de communication dans leur totalit :
pour obtenir des rsultats prcis, lanalyse de diffrents types de textes et de discours
sous la surface de la communication dans les mdias lectroniques est plus prometteuse.
5 Bibliographie
Adam, Jean-Michel (32011), La linguistique textuelle. Introduction lanalyse textuelle des discours,
Paris, Colin.
Adamzik, Kirsten (2000), Textsorten. Reflexionen und Analysen, Tbingen, Stauffenburg.
Allaire, Suzanne (1990), Sprache und Massenmedien. Langue et mass mdia, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL),
vol. V/1 : Franzsisch. Le franais, Tbingen, Niemeyer, 211224.
Almela Prez, Ramn (2001), Los sms : Mensajes cortos en la telefona mvil. Espaol Actual, Revista
de espaol vivo 75, 9199.
Androutsopoulos, Jannis (2007), Neue Medien. Neue Schriftlichkeit ?, Mitteilungen des Germanistenverbandes 54:1 : Medialitt und Sprache, 7297.
Androutsopoulos, Jannis (2013), Code-switching in computer-mediated communication, in : Susan
Herring/Dieter Stein/Tuija Virtanen (edd.), Pragmatics of Computer-Mediated Communication,
Berlin/Boston, de Gruyter, 667694.
Anis, Jacques (2001), Parlez-vous texto ?, Paris, Le Cherche Midi.
Anis, Jacques (2002), Communication lectronique scripturale et formes langagires. Chats et sms,
in : Actes des Quatrimes Rencontres Rseaux Humains/Rseaux technologiques, Poitiers, Universit de Poitiers, http://rhrt.edel.univ-poitiers.fr/document.php ?id=547, 2006 (10.01.2014).
Anis, Jacques (2004), Les abrviations dans la communication lectronique (en franais et en anglais),
in : Nelly Andrieux-Reix et al. (edd.), critures abrges (notes, notules, messages, codes),
Paris, Ophrys, 97112.
Anis, Jacques (2007), Neography. Unconventional Spelling in French SMS Text Messages, in : Brenda
Danet/Susan C. Herring (edd.), The Multilingual Internet. Language, Culture and Communication
Online, New York, Oxford University Press, 87115.
Auzanneau, Michelle/Juillard, Caroline (2012), Jeunes et parlers jeunes : catgories et catgorisations,
Langage et socit 141:3, 520.
Baron, Naomi (2008), Always on : Language in an Online and Mobile World, Oxford, University Press.
Barth, Dominique/Rauch, Prisca (2011), SMS-Kommunikation als Unterrichtsgegenstand. Ein Unterrichtsmodell mit Materialien fr die Sekundarstufe II, Bern, Hep.
de Beaugrande, Robert-Alain/Dressler, Wolfgang (1981), Einfhrung in die Textlinguistik, Tbingen,
Niemeyer.
Bedijs, Kristina (2012), Die inszenierte Jugendsprache. Von Ciao, amigo ! bis Wesh, tranquille ! :
Entwicklungen der franzsischen Jugendsprache in Spielfilmen (19582005), Mnchen, Meidenbauer.
Bedijs, Kristina/Held, Gudrun/Maa, Christiane (edd.) (2014), Face Work and Social Media, Mnster
et al., LIT.
Bedijs, Kristina/Maa, Christiane (edd.) (sous presse), Manual of Romance Languages in the Media,
Berlin/Boston, de Gruyter.
289
Beiwenger, Michael (ed.) (2001), Chat-Kommunikation. Sprache, Interaktion, Sozialitt & Identitt in
synchroner computervermittelter Kommunikation, Stuttgart, Ibidem.
Berruto, Gaetano (2005), Italiano parlato e comunicazione mediata dal computer, in : Klaus Hlker/
Christiane Maa (edd.), Aspetti dellitaliano parlato, Mnster, LIT, 137156.
Bieswanger, Markus (2007), 2 abbrevi8 or not 2 abbrevi8. A contrastive analysis of different space
and time-saving strategies in English and German text messages, Texas Linguistic Forum 50,
112.
Boyer, Henri (2007), Les mdias et le franais des jeunes : intgrer la dissidence ?, in : Eva Neuland
(ed.), Jugendsprachen : mehrsprachig kontrastiv interkulturell, Frankfurt am Main, Lang,
153163.
Brinker, Klaus (1993), Textlinguistik, Heidelberg, Groos.
Brown, Penelope/Levinson, Stephen C. (1987), Politeness : Some Universals in Language Usage,
Cambridge, University Press.
Centrum Sprache und Kommunikation der Universitt Mnster (2012), SMS-Datenbank zur Alltagskommunikation mit SMS, http://cesi.uni-muenster.de/~SMSDB/ (10.01.2014).
Cougnon, Louise-Amlie (2008), Le franais de Belgique dans lcrit spontan . Approche dun
corpus de 30.000 SMS, Travaux du Cercle Belge de Linguistique 3, http://webh01.ua.ac.be/
linguist/SBKL/sbkl2008/cou2008.pdf (10.01.2014).
Cougnon, Louise-Amlie (2011), Tu te prends pour the king of the world ? . Language contact in text
messaging context, in : Cornelius Hasselblatt/Peter Houtzagers/Remco van Pareren (edd.), Language contact in times of globalisation, Amsterdam/New York, Rodopi, 4559.
Cougnon, Louise-Amlie/Ledegen, Gudrun (2010), Cest crire comme je parle . Une tude comparatiste de varits de franais dans l crit sms , in : Michal Abecassis/Gudrun Ledegen (edd.),
Les Voix des Franais. En parlant, en crivant, vol. 2, Frankfurt am Main et al., Lang, 3958.
Crystal, David (2001), Language and the Internet, Cambridge, Cambridge University Press, http://
medicine.kaums.ac.ir/UploadedFiles/Files/Language_and_%20The_Internet.pdf (10.01.2014).
Crystal, David (2011), Internet Linguistics. A Student Guide, London/New York, Routledge.
Dejond, Aurlia (2002), La cyberl@ngue franaise, Tournai, Renaissance du Livre.
Dejond, Aurlia (2006), Cyberlangage, Bruxelles, Racine.
Dring, Nicola (1997), Kommunikation im Internet. Neun theoretische Anstze, in : Bernad Batinic
(ed.), Internet fr Psychologen, Gttingen, Verlag fr Psychologie, 267298.
Dring, Nicola (2002), Kurzm. wird gesendet. Abkrzungen und Akronyme in der SMS-Kommunikation,
Muttersprache 112:2, 97114.
Dring, Nicola (22003), Sozialpsychologie des Internet. Die Bedeutung des Internet fr Kommunikationsprozesse, Identitten, soziale Beziehungen und Gruppen, Gttingen, Hogrefe.
Dortmunder Chat-Korpus, http://www.chatkorpus.tu-dortmund.de/ (10.01.2014).
Drscheid, Christa (2003), Medienkommunikation im Kontinuum von Mndlichkeit und Schriftlichkeit.
Theoretische und empirische Probleme, Zeitschrift fr Angewandte Linguistik 38, 3756.
Drscheid, Christa (2004), Netzsprache ein neuer Mythos, in : Michael Beiwenger/Ludger Hoffmann/Angelika Storrer (edd.), Internetbasierte Kommunikation, Duisburg, OBST, 141157.
Drscheid, Christa/Frehner, Carmen (2013), Email communication, in : Susan C. Herring/Dieter Stein/
Tuija Virtanen (edd.), Handbook of the Pragmatics of Computer-Mediated Communication, Berlin/Boston, de Gruyter, 3554.
Drscheid, Christa/Stark, Elisabeth (2011), SMS4science : An international corpus-based texting project and the specific challenges for multilingual Switzerland, in : Crispin Thurlow/Kristine Mroczek (edd.), Digital Discourse. Language in the New Media, Oxford, Oxford University Press,
299320.
Drscheid, Christa/Wagner, Franc/Brommer, Sarah, mit einem Beitrag von Saskia Waibel (2010), Wie
Jugendliche schreiben. Schreibkompetenz und neue Medien, Berlin/New York, de Gruyter.
290
Anja Overbeck
291
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (2001), Langage parl et langage crit, in : Gnter Holtus/Michael
Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. I, 2 : Methodologie, Tbingen, Niemeyer, 584637.
Leonhard, Joachim-Felix, et al. (edd.) (2001), Medienwissenschaft : ein Handbuch zur Entwicklung der
Medien und Kommunikationsformen, Berlin/New York, de Gruyter.
Linard, Fabien (2005), Langage texto et langage contrl. Description et problmes, Linguisticae
Investigationes 28:1, 4960.
Linke, Angelika/Nussbaumer, Markus/Portmann, Paul R. (1994, 52004), Studienbuch Linguistik
(5., erweiterte Auflage, ergnzt um ein Kapitel Phonetik/Phonologie von Urs Willi), Tbingen,
Niemeyer.
Maa, Christiane (2012), Der anwesende Dritte im Internetforum zwischen potentieller Sprecherrolle
und non-personne , in : Kristina Bedijs/Karoline Heyder (edd.), Sprache und Personen im Web
2.0, Mnster et al., LIT, 6585.
Media and Communication (2013), Basel, Librello Publishing House, http://www.librelloph.com/
mediaandcommunication (10.01.2014).
Millerand, Florence/Proulx, Serge/Rueff, Julien (edd.) (2010), Web social. Mutation de la communication, Qubec, Presses de lUniversit du Qubec.
Neuland, Eva (ed.) (2003), Jugendsprachen Spiegel der Zeit, Frankfurt am Main, Lang.
Neuland, Eva (ed.) (2007), Jugendsprachen : mehrsprachig kontrastiv interkulturell, Frankfurt am
Main, Lang.
Neuland, Eva (2008), Jugendsprache. Eine Einfhrung, Tbingen, Francke.
Neumann-Braun, Klaus/Authenrieth, Ulla P. (edd.) (2011), Freundschaft und Gemeinschaft im Social
Web. Bildbezogenes Handeln und Peergroup-Kommunikation auf Facebook & Co., Baden Baden,
Nomos, 211232.
Overbeck, Anja (2012), Parlez-vous texto ? Soziale Netzwerke an der Schnittstelle zwischen realem
und virtuellem Raum, in : Annette Gerstenberg/Claudia Polzin-Haumann/Dietmar Osthus (edd.),
Sprache und ffentlichkeit in realen und virtuellen Rumen. Akten der Sektion auf dem 7. Kongress des Frankoromanistenverbands (Essen, 29.9.2.10.2010), Bonn, Romanistischer Verlag,
217247.
Overbeck, Anja (2014), Twitterdmmerung . Versuch eines Klassifikationsschemas polyfunktionaler
Kommunikationsformen, in : Nadine Rentel/Ursula Reutner/Ramona Schrpf (edd.), Von der
Zeitung zur Twitterdmmerung. Medientextsorten und neue Kommunikationsformen im deutschfranzsischen Vergleich, Mnster, LIT, 207228.
Overbeck, Anja (sous presse), Orality and Literacy of Online Communication, in : Kristina Bedijs/
Christiane Maa (edd.), Manual of Romance Linguistics in the Media, Berlin/Boston, de
Gruyter.
Pierozak, Isabelle (2003a), Le franais tchat : un objet gomtrie variable ?, Langage & socit
104, 123144.
Pierozak, Isabelle (2003b), Le franais tchat. Une tude en trois dimensions sociolinguistique,
syntaxique et graphique dusages IRC, Thse dtat, Universit dAix-Marseille.
Pistolesi, Elena (2004, 42010), Il parlar spedito. Litaliano di chat, e-mail e SMS, Padova, Esedra.
Plester, Beverly/Wood, Clare/Joshi, Puja (2009), Exploring the relationship between childrens knowledge of text message abbreviations and school literacy outcomes, British Journal of Developmental Psychology 27, 145161.
Rehm, Georg (2006), Hypertextsorten. Definition Struktur Klassifikation, Norderstedt, BoD,
Thse dtat 2005 : http://geb.uni-giessen.de/geb/volltexte/2006/2688/pdf/RehmGeorg2006-01-23.pdf (10.01.2014).
Schlobinski, Peter (2003), SMS-Texte Alarmsignale fr die Standardsprache ?, http://www.
mediensprache.net/de/essays/2/#fn1 (10.01.2014).
292
Anja Overbeck
Schlobinski, Peter, et al. (2001), Simsen. Eine Pilotstudie zu sprachlichen und kommunikativen
Aspekten in der SMS-Kommunikation, Networx 22, http://www.mediensprache.net/de/networx/
docs/networx-22.aspx (10.01.2014).
Schnitzer, Caroline-Victoria (2012), Linguistische Aspekte der Kommunikation in den neueren elektronischen Medien : SMS E-Mail Facebook, Dissertation, LMU Mnchen, pdf sous http://edoc.
ub.uni-muenchen.de/14779/ (10.01.2014).
Schweizer SMS-Korpus sms4science, http://www.sms4science.uzh.ch (10.01.2014).
Sll, Ludwig (1974, 31985), Gesprochenes und geschriebenes Franzsisch, Berlin, Schmidt.
Sthli, Adrian/Drscheid, Christa/Bguelin, Marie-Jos (edd.) (2011), SMS-Kommunikation in der
Schweiz : Sprach- und Variettengebrauch, Linguistik online 48, 4/2, http://www.linguistikonline.de/48_11 (10.01.2014).
Storrer, Angelika (2010), ber die Auswirkungen des Internets auf unsere Sprache, Preprint http://
www.studiger.tu-dortmond.de/Images/Storrer-web2020-preprint.pdf (10.01.2014).
Storrer, Angelika (2011), Sprachstil und Sprachvariation in sozialen Netzwerken, Preprint http://
www.studiger.tu-dortmund.de/images/Storrer-sprachstil-preprint-2012.pdf (10.01.2014).
Thaler, Verena (2003), Chat-Kommunikation im Spannungsfeld zwischen Oralitt und Literalitt,
Berlin, VWF.
Thaler, Verena (2012), Sprachliche Hflichkeit in computervermittelter Kommunikation, Tbingen,
Stauffenburg.
Thurlow, Crispin (2003), Generation txt ? The sociolinguistics of young peoples text-messaging,
Discourse analysis online 1, http://extra.shu.ac.uk/daol/articles/v1/n1/a3/thurlow2002003-01.
html (10.01.2014).
Thurlow, Crispin/Poff, Michele (2013), Text messaging, in : Susan Herring/Dieter Stein/Tuija Virtanen
(edd.), Handbook of Pragmatics of Computer-Mediated Communication, Berlin/Boston, de Gruyter, 163190.
Yus, Francisco (2001), Ciberpragmtica. El uso del lenguaje en Internet, Barcelona, Ariel.
Yus, Francisco (2010), Ciberpragmtica 2.0 : nuevos usos del lenguaje en Internet, Barcelona, Ariel.
Ziegler, Arne/Drscheid, Christa (edd.) (2002, 22007), Kommunikationsform E-Mail, Tbingen, Stauffenburg.
Kristina Bedijs
Abstract : La varit nomme langage des jeunes attire lattention des linguistes
aussi bien que celui du grand public. La crativit dont font preuve les jeunes
locuteurs nourrit le soupon dune dcadence linguistique chez la jeune gnration,
mais suscite aussi les recherches linguistiques les plus diverses. Cette contribution
prsente dabord le contexte terminologique du langage des jeunes et ses principales
caractristiques. La partie 2 expose les modles et thories sociolinguistiques et
variationnels les plus influents autour du langage des jeunes. La partie 3 prsente les
diffrentes options danalyse du langage des jeunes en mettant laccent sur la linguistique de corpus. La partie suivante dtaille les phnomnes de la varit tous les
niveaux du systme. La contribution ouvre finalement une perspective sur les futures
recherches en matire de langage des jeunes, comme lhistoire de la varit et ses
modalits dans les diverses rgions francophones.
Une vue globale du langage des jeunes franais implique des champs scientifiques
tels que la linguistique variationnelle, la sociolinguistique, la lexicologie et la pragmatique, mais aussi des disciplines non linguistiques comme la sociologie, la psychologie, lhistoire contemporaine et les sciences de la culture, auxquelles le phnomne du langage des jeunes est troitement li.
On constate demble un problme terminologique : la dsignation du phnomne en question est htrogne. Le nombre de noms disposition pour dsigner une
varit du franais est tonnant. La plupart se compose dun mot qui se rfre la
forme de parler (argot, jargon, jargot, langue, langage, parler, parlure, slang, tchatche,
verlan) et dun autre qui se rfre la communaut de locuteurs (banlieue, cit,
collgiens, cole, jeunes, jeunesse, Keums, populaire, rebeu, rues) voire une caractristique ou un mot spcifique (verlan, wesh ; cf. Bedijs 2012, 4345 ; Bulot 2005 ;
Goudaillier 1997 ; Merle 1997 ; voir aussi les discussions terminologiques et conceptuelles de Lamizet 2004 et Fral 2012). Cependant, dans la plupart des cas, la
diffrence terminologique ne fait que dlimiter des nuances dun mme fait linguistique ou de prsenter ce dernier sous un jour plus ou moins favorable (cf. Auzanneau/
Juillard 2012, 14). Le terme langage des jeunes relve de la systmatique variationnelle,
en tenant compte du fait quil sagit dune certaine forme de sexprimer (langage) dun
294
Kristina Bedijs
certain groupe social (les jeunes), base sur une langue (le franais) toujours reconnaissable. Ces points seront exposs dans la partie 2.4.
Le langage des jeunes fut sujet du dbat public politique, ducatif, culturel et
mdiatique avant mme dtre lobjet de la recherche linguistique (cf. Auzanneau/
Juillard 2012, 15 ; Fagyal 2004, 43). Malgr la critique de ceux qui rclament lusage du
franais standard et voient menace la norme, il y a aussi des opinions positives. Les
mdias et leur faon de couvrir le sujet jouent un rle important dans le dbat, ils
savent fasciner et scandaliser le grand public (cf. Boyer 2007, 157s.). Aussi critiqu
quil soit, le langage des jeunes se voit commercialis de tous cts : sous forme de
dictionnaires, littrature et produits mdiatiques destins aux jeunes (ou faisant
semblant de ltre) ; tout un march qui entretient les strotypes dj existants et en
cre de nouveaux (cf. Trimaille 2004b, 128). Parmi les phnomnes tantt contradictoires couramment cits comme caractristiques, on trouve :
une vitesse orale acclre,
une rduction du lexique et une concentration sur les mots vulgaires,
une crativit lexicale extraordinaire,
une prdilection pour les emprunts surtout de langlais,
une rduction morphologique et morphosyntaxique,
la cration du jeu morphologique du verlan,
une perte de la norme entranant une dcadence linguistique.
295
2 Thories et modles
2.1 Les locuteurs du langage des jeunes
Pour dlimiter une varit nomme daprs un groupe social, il faut dabord savoir
dfinir ce dernier. Qui sont les locuteurs du langage des jeunes ? Comment dfinir
jeune ? Ce problme relve de la sociologie, de la psychologie, de la biologie et
de la politique et chacune de ces disciplines trouve des rponses diffrentes ce
sujet. Selon Zimmermann (2002, 486), la jeunesse en tant que catgorie sociale est
une construction de la culture occidentale contemporaine une vision partage
par le sociologue Bourdieu ( La jeunesse nest quun mot , titre dun essai
programmatique de 1984). Les diffrentes approches des diverses disciplines en
font preuve.
La loi franaise a instaur plusieurs seuils importants mi-chemin entre lenfance
et la majorit 18 ans. Du point de vue biologique et psychologique, la priode de
ladolescence est dtermine par des facteurs de dveloppement individuel, corporel
et mental qui ne concident pas forcment. Dans la perspective de la sociologie, la
jeunesse se distingue de lenfance et de la vie adulte par des pratiques culturelles
graduellement acquises, dont la capacit et la volont dassumer un rle professionnel, familial, culturel et politique (cf. Hurrelmann/Quenzel 112012, 39, voir aussi pour
la sociologie franaise Amsellem-Mainguy/Timoto 2012 ; Galland 72009 ; Mauger
1994).
Il en rsulte que les protagonistes du langage des jeunes ne sont pas les mmes
dans toutes les tudes, car les chercheurs en linguistique peuvent privilgier tous ces
critres leur manire. Tout chercheur aura ses arguments pour la constitution de son
chantillon, mais il faut tre prudent au moment de comparer les rsultats. La tranche
dge nest quun aspect qui sajoute aux nombreux problmes dhomognisation du
groupe : comme pour toute recherche comparative lie un fait social, on doit
galement tenir compte du moment et de la situation de la rcolte des donnes, du
milieu et du sexe des participants, de leur niveau ducatif etc.
296
Kristina Bedijs
tudiants a entran une entre dans la vie active et la fondation dune propre famille
de plus en plus tardives. En mme temps, les jeunes ont dispos de plus de temps
libre et de plus dargent quils pouvaient utiliser pour leurs loisirs. Un march de
produits et services destins aux jeunes a rapidement merg, contribuant la
diffrenciation des diverses sous-cultures jeunes : la musique, le cinma, les vtements, les sports
Mme si lhistoire du langage des jeunes est trs jeune en comparaison avec la
plupart des autres varits du franais, il est dautant plus difficile de dcrire ses
volutions un problme d surtout au manque de documents authentiques (cf.
Neuland 2008, 112). Les progrs de la sociolinguistique historique sont limits aux
documents rdigs par crit, tandis que le langage des jeunes est en premier lieu une
varit orale limite au groupe de pairs. Les documents crits devraient se limiter aux
journaux intimes, petites notes personnelles et autres, tous peu susceptibles dtre
conservs longtemps. Pour lanalyse du langage parl, tout dpend des documents
auditifs ou audiovisuels. Mais comme lintrt gnral pour les jeunes nest apparu
que tardivement, il est difficile de trouver des enregistrements authentiques de jeunes
locuteurs. prsent, il nexiste aucune collection historique du langage des jeunes
franais.
Lavenir, par contre, semble assur. Avec larrive des nouveaux mdias surtout
les rseaux sociaux , les jeunes ont commenc se prononcer en public et par crit
dans leur varit. Les chanes nationales de radio et de tlvision enregistrent leur
programme dans les archives de lInstitut National de lAudiovisuel (INA) et il nest
pas difficile dy trouver des missions prsentant de jeunes locuteurs. Pour les propos
non publics, il reste le problme dthique discut dans la partie 3.1.1.
Cette double fonction sociale sexplique par le besoin (plus ou moins prononc chez
les individus) des jeunes de se diffrencier des gnrations de leurs parents et de leurs
jeunes frres et surs, de se crer une propre identit et de trouver leur place dans un
rseau social dont les dynamiques de rles changent en permanence. Il est rassurant
de se voir accept par un groupe qui partage les mmes gots et intrts, et cela se
297
298
Kristina Bedijs
299
3 Domaines de recherche
3.1 Analyses de corpus
Pour obtenir une description tant soit peu complte du langage des jeunes, il faut
avant tout mener des recherches de corpus qui permettent ensuite daller plus loin,
dintgrer dautres approches linguistiques ou de franchir les limites de la discipline
pour appliquer les rsultats dautres domaines de la vie sociale. Les outils modernes
en linguistique de corpus rendent possibles des recherches automatises ou semiautomatises, ce qui facilite le reprage des caractristiques saillantes dune varit :
les frquences lexicales, lordre des mots, lusage des temps et modes, etc. Il est aussi
possible de comparer ces rsultats avec ceux dun corpus de rfrence pour relever la
diffrence entre la varit tudie et la norme.
La grande difficult que pose le langage des jeunes aux linguistes de corpus est
son dynamisme. Un corpus synchronique ne reprsente quun chantillon phmre
de la varit. En mme temps, il faut tenir compte des effets sociaux et rgionaux sur
les donnes du corpus. La diachronie pose les mmes problmes en ajoutant celui de
la difficult dobtenir des donnes quivalentes pour tout lespace de temps que le
corpus doit couvrir.
Bien quil existe de nombreuses tudes du langage des jeunes bases sur corpus,
ceux-ci ne sont ni documents systmatiquement ni accessibles au grand public.
Linventaire IRCOM des corpus oraux et multimodaux (IRCOM 2011) naffiche aucun
corpus oral ddi au langage des jeunes. Ainsi, il est lheure actuelle impossible de
mener des mta-analyses dans des corpus dj existants pour comparer les rsultats
ou dcouvrir des volutions du langage.
300
Kristina Bedijs
thique, car il est problmatique dutiliser des conversations enregistres linsu des
participants, mme si les fins de lanalyse sont purement scientifiques.
Nanmoins, un enregistrement ouvert entrane habituellement ce que Labov (cf.
Labov 1972b, 209 ; 1984, 30) appelle le paradoxe de lobservateur (observers paradox) : leffet de changement de comportement chez une personne qui se sait observe.
Les noncs perdent de leur authenticit si les locuteurs ne parlent pas de la mme
manire quils le feraient sans lenregistreur. Cet effet est problmatique pour lanalyse du langage des jeunes, car cette varit est trs sensible en termes de strotypisation et de stigmatisation. On ne peut pas exclure quun locuteur conscient de
lenregistrement exagre ou minimise les caractristiques de son comportement linguistique. Cela montre la difficult gnrale recueillir un langage des jeunes non
altr pour une analyse de corpus (cf. Bernhard/Schafroth 2006, 2393s.). Finalement,
tout chercheur ayant le projet de constituer un corpus oral devra se poser la question
de lthique et dcider quel moment et dans quelle mesure il rvlera ses objectifs
aux locuteurs une dcision dautant plus cruciale que ces derniers sont mineurs.
301
302
Kristina Bedijs
4.1 Syntaxe
Comme le langage des jeunes est ax sur le mode oral, il est trs difficile de tracer une
limite entre les phnomnes propres des registres familiers et vulgaires parls et ceux
propres au seul langage des jeunes. En gnral, on peut constater que les phnomnes connus de la syntaxe de loral sont tous prsents et plus frquemment utiliss.
Parmi les phnomnes de loral, on peut citer llision du ne dans la ngation.
Phnomne souvent analys, on trouve pourtant peu dtudes sur ne dans le langage
des jeunes. Armstrong (2002, 158) trouve un taux de ralisation de 1,1% chez des
jeunes gs de 11 19 ans, Gadet (2000, 163) compte 3% chez deux rappeurs de la
banlieue parisienne. Le taux de ralisation en conversation informelle varie selon
Meisner (2010, 1951) entre 4,17% et 40,31%, ces rsultats sont donc difficiles
comparer.
Dautres phnomnes syntaxiques du langage des jeunes nont pas encore t
analyss systmatiquement (surtout en comparaison aux usages des adultes) : la
concordance des temps et des modes ; lusage des marqueurs du discours ; la construction de phrases complexes. On peut estimer que les jeunes sen tiennent plutt
aux registres du sous-standard : ils vitent souvent les temps complexes comme le
303
subjonctif prsent (celui du pass nexiste pas dans le langage des jeunes) ; ils ne
respectent pas toujours la concordance des temps, p. ex. dans la phrase conditionnelle ; ils prfrent la coordination la subordination, vitant ainsi des structures
plus complexes comme les relatives ; ils connaissent un grand nombre de structures
focalisantes comme la phrase segmente et la mise en relief ; la construction de
limpratif est variable ; les phrases interrogatives sont construites autour du pronom
interrogatif dont la position peut varier selon leffet dsir, etc.
4.2 Morphologie
La morphologie connat plusieurs phnomnes quon peut dfinir comme propres au
langage des jeunes. Dabord, la conversion, cest--dire le changement de classe dun
mot sans changement morphologique : ce phnomne est frquent chez les jeunes
locuteurs surtout lorsquil sagit dutiliser un adjectif dans la fonction dun adverbe ou
vice versa. Souvent, la forme choisie est plus conomique que la forme standard, mais
il semble que cela nest pas toujours lexplication pour ce phnomne. Une hypothse
serait que le langage des jeunes tend lunification des formes. On peut observer
galement lusage dadjectifs sans accord du genre ou du nombre, autre indice pour
cette hypothse. Cependant, il semble ne pas y avoir de rgles, et dautres phnomnes vont dans la direction oppose.
Cela vaut surtout pour lintensification, que ce soit par prfixation (super beau),
par une particule intensifiante (compltement belle) ou par un substantif qualificatif
(une bte de fille). Les trois ne peuvent pas tre qualifis de procds de simplification.
Il est typique du langage des jeunes de prfrer certains prfixes, particules et
substantifs pendant un certain temps et den trouver dautres ds que la mode est
passe. La valeur de lintensification varie selon le contexte, car mme sil sagit dun
intensifiant la smantique clairement positive ou ngative, il peut galement servir
intensifier de la manire oppose.
4.3 Lexique
Cest dans le domaine du lexique que se manifeste le ct cratif et hermtique du
langage des jeunes. Le lexique particulier des jeunes sert se dmarquer des adultes
et dautres groupes de pairs par lincomprhension, crer un esprit de pairs au sein
du groupe par la comprhension et ngocier les rles individuels par lhabilet
linguistique de chacun. Toutes ces raisons rendent ncessaire un renouvellement
constant du lexique (cf. Fagyal 2004).
La cration ne concerne pas de manire gale tout le lexique : sont affects
surtout les domaines smantiques importants pour la vie quotidienne et la culture des
jeunes. On peut mentionner notamment : amour et sexualit, violence, drogues et
304
Kristina Bedijs
criminalit, cole, loisirs, vtements et apparence physique. De plus, les mots pour
exprimer les motions (positives et ngatives) et les insultes, vulgarismes et jurons
jouent un rle important dans le lexique jeune.
4.3.1 Nologismes
Les procds de cration de nouveaux mots sont nombreux. Linvention ad hoc le
nologisme stricto sensu en est certainement la moins importante, beaucoup plus
frquente est la cration partir du matriau linguistique existant. Pruvost/Sablayrolles (2003, 118) distinguent les procds de cration morpho-smantiques (parmi eux,
laffixation, la composition et la dformation), syntactico-smantiques (changements
de sens et/ou de fonction) et morphologiques (troncation et siglaison). La combinaison de procds est frquente, surtout lorsquil sagit de phrasmes. Voici quelques
exemples connus :
suffixation : directeur > dirlo, cinma > cinoche (Ces exemples montrent que la suffixation pure est
rare. Il sagit frquemment dune troncation et resuffixation, le suffixe provenant souvent de
largot classique ou ayant une connotation ngative.)
troncation : examen > exam, cinma > cin (apocope), musique > zic, tlphone > phone (aphrse)
autres figures : interprter selon le contexte, on trouve souvent lironie, la litote, ladynaton et
autres figures crant un effet dexagration intentionnelle
Les jeux smantiques dont les figures de style font partie sont un procd frquent
qui consiste donner un nouveau signifiant un signifi connu, p. ex. pour voiler un
signifiant tabouis par un signifi anodin, ou pour crer un effet amusant. La resmantisation fonctionne ad hoc, mais comme le montrent les exemples ci-haut, il existe
beaucoup de crations lexicalises. Les jeunes locuteurs utilisent souvent une rduction ou un largissement du champ de signifis, une concrtisation ou une abstraction
(moins frquente), une visualisation de processus invisibles, un jeu sur les analogies
305
possibles (p. ex. visuelles) du signifi, voire un dcouplage total du contexte original.
Cest surtout ce dernier qui est difficile dcoder pour les non-initis. Les jeux de
similarits sont souvent de caractre ludique et font partie de la fonction divertissante
du langage des jeunes.
4.3.2 Emprunts
Lemprunt des langues trangres est une autre manire dintroduire de nouveaux
mots dans le lexique. Mme si ce procd a toujours eu lieu, le langage des jeunes est
suspect den abuser. Mais comme pour la plupart des phnomnes dits typiques du
langage des jeunes, il ny a pas dtude systmatique qui prouverait un taux demprunts plus lev que dans le langage courant.
Les emprunts dans le langage des jeunes proviennent en grande partie de langlais. Cela sexplique par le fait que la culture jeune des pays anglophones, surtout
des tats-Unis, a servi dexemple pour les jeunes Europens depuis la fin de la
Deuxime Guerre Mondiale. Mme si les jeunes de lHexagone ont vite cr leur propre
culture, beaucoup dlments culturels amricains marquent les tendances en France
et introduisent des mots nouveaux dans le langage. Il sagit la fois demprunts pour
des objets auparavant inconnus et demprunts qui permettent dconomiser linguistiquement. Vu lomniprsence de langlais, les emprunts anglais perdent vite leur
caractre obscur.
Cela est diffrent pour la plupart des autres langues. Depuis les annes 70
environ, on trouve dans le langage des jeunes de plus en plus demprunts aux divers
dialectes de larabe. Ils sont introduits surtout par les jeunes issus de limmigration
maghrbine. Larabe ntant pas enseign dans les coles, les emprunts sont beaucoup moins transparents pour les non-initis. Ainsi, ils peuvent servir occulter le
langage, mais aussi exprimer un lment identitaire. Cest aussi le cas pour les
autres langues introduites par les immigrants : le romani, les langues des D.O.M./
T.O.M., les langues maghrbines et subsahariennes. Limportance du milieu social
devient plus visible si lon prend en compte que ce ne sont pas uniquement les jeunes
issus de limmigration (souvent bilingues) qui pratiquent le code-switching ou le
code-mixing entre le franais et les langues du quartier, mais aussi les jeunes des
familles franaises dites de souche .
Si les mots anglais sont souvent prononcs la franaise , dautres langues ne
connaissent pas cette francisation. Pour larabe, on peut mme observer lintroduction de phonmes inconnus en franais, un effort qui na pas lieu lorsquil sagit des
langues europennes. Une hypothse serait que les emprunts de ces dernires se font
souvent travers lcrit (publicit, etc.) et souffrent des interfrences au moment du
transfert loral, alors que les emprunts des langues de limmigration proviennent
directement des conversations quotidiennes.
306
Kristina Bedijs
4.3.3 Vulgarismes
Les jeunes locuteurs sont souvent accuss dutiliser un nombre dmesur de vulgarismes. cela, il faut rpondre que ce ne sont pas les jeunes en gnral, mais certains
groupes de locuteurs qui incorporent beaucoup dinsultes et de jurons dans leur
usage, et que certains locuteurs adultes ne se comportent pas de manire diffrente en
termes de langage. En mme temps, ladolescence est le temps du dpassement des
limites pour trouver sa place dans la socit ce qui vaut aussi pour le langage.
Plusieurs sociologues et sociolinguistes (cf. Assef 2004 ; Labov 1972a ; Lglise 2004 ;
Lglise/Leroy 2008 ; Lepoutre 1997 ; Mose 2011 ; Vettorato 2008) soulignent que
linsulte nest pas forcment un signe de mpris, mais quelle peut prendre la forme
dun rituel dans un groupe de pairs. Insulter un ami sans se faire sanctionner est un
signe de confiance fort ; savoir commenter toute rplique par un gros mot peut
valoir du respect. Le jeu rituel de rpliques comiques Ta mre consiste insulter
tour de rle la mre de linterlocuteur (cf. Labov 1972a, 297353) celui qui ne sait
plus riposter perd le jeu. Ces exemples montrent que les gros mots et autres
dviances du comportement linguistique correct jouent un rle important dans la
vie des jeunes, servent structurer les hirarchies de groupe, se dmarquer des
attentes des adultes et former sa propre identit.
4.3.4 Verlan
Le verlan, caractristique du langage des jeunes par excellence, est un jeu sur la
structure des mots qui rend lnonc incomprhensible aux non-initis. Au dbut des
annes 80, ce caractre obscurcissant permettait aux jeunes dlinquants de parler
ouvertement de leurs activits sans tre compris. Le procd tant simple et ludique,
il sest vite rpandu parmi les jeunes, perdant ainsi laspect de code secret. Au milieu
des annes 90, les jeunes de tous les milieux sociaux utilisaient le verlan. Il semble
quaujourdhui, il se soit retir dans les milieux sous-privilgis de ses origines, les
jeunes bourgeois nutilisant plus que certaines crations lexicalises.
Le mot verlan est la cl du procd : on dcoupe les syllabes dun mot et les
rarrange lenvers, selon le modle S1 S2 > S2 S1. Exemple :
Le dcoupage se base normalement sur la ralisation orale. Cela rend possible des
verlanisations de mots monosyllabiques comme femme en meuf, o a lieu un procd
daccentuation dune syllabe muette :
[fa.m] > *[fa.m] > *[m.fa] > *[m.f] > *[m.f] > [mf]
307
Le fonctionnement du verlan est expliqu plus en dtail dans Antoine (1998) ; Bachmann/Basier (1984) ; Calvet (1993) ; Lefkowitz (1989 ; 1991) ; Mla (1991) ; Plnat
(1995). Des tudes sur son utilisation se trouvent dans Gonalves (2010) ; Kundegraber
(2008) ; Mla (1997) ; Seux (1997).
4.5 Pragmatique
Certains rituels du langage des jeunes sont trs caractristiques. Cest surtout laffirmation du groupe de pairs, p. ex. par lchange dexpriences communes. Les citations de films, sries tlvises, jeux vido etc. sont trs populaires et font aussi lobjet
de variations amusantes que seuls les initis comprennent (cf. Neuland 2008, 150).
Pour se rassurer quant lappartenance au groupe, beaucoup de jeunes inventent des
rituels de salutation plus ou moins complexes, intgrant non seulement des formules
verbales, mais aussi des gestes. La formule de salutation peut fonctionner comme un
code qui inclut les uns et exclut les autres. De mme, il est frquent que les jeunes
sadressent la parole par un surnom que seuls les membres du groupe ont le droit
dinventer et dutiliser. Il peut tre form sur la base du vrai prnom (par abrviation,
suffixation, paronomase, etc.), mais il y a toute sorte de surnoms cratifs qui sont lis
un trait du caractre de la personne, son apparence physique ou ses gots.
308
Kristina Bedijs
Surtout lorsquil sagit de jeunes des cits, le groupe de pairs est vu comme une
famille et les membres se nomment frres, surs, cousins et cousines un phnomne qui na pas encore fait lobjet dune tude systmatique sociopragmatique (pour
une analyse lexicale du champ smantique de la famille cf. Pozas 2000).
Le besoin de connatre sa place dans un groupe de pairs se manifeste aussi dans
le discours sur le respect. Il se rfre un comportement social et verbal que la
recherche en politesse verbale dcrit par les termes de positive face et negative face (cf.
Brown/Levinson 1987, 61) : le locuteur sadresse lautre dans le respect de sa libert
dagir et de son dsir dtre accept. La limite est facile dpasser, p. ex. par une
insulte un acte de langage qui vise normalement blesser et dvaloriser lautre.
Laffaire est plus complique dans le cas des jeunes, car il est frquent que linsulte
prenne la forme dun rituel social (voir 4.3.3).
Un autre rituel qui sert manifester du respect et souligner sa propre crdibilit
est le jurement (cf. Begag 1997, 32 ; Trimaille 2004a, 68). Une formule comme je te
jure donne plus de poids un nonc et aussi au locuteur. Cette formule tant dj
assez use, on y ajoute souvent une personne ou un objet de grande importance sur
lequel on jure. Les jeunes des banlieues ont cr les formules du genre je te jure sur
la tte de ma mre et je te jure sur le Coran de La Mecque , inspires par la culture
arabe trs prsente dans leurs quartiers. Toutefois, elles sont aujourdhui rpandues
dans des milieux sans aucun lien lislam.
5 Conclusions et perspectives
A la fin de ce bref aperu sur le langage des jeunes, on peut constater que, vu le
caractre dviant de cette varit, il est difficile de trouver des recherches acadmiques neutres. Le ct prescriptif met en avant linterdpendance suppose dune
ignorance de la norme et de lchec scolaire et conomique de certains milieux
sociaux. Le ct descriptif prend souvent parti pour linnovation et la crativit du
langage des jeunes. La recherche se concentre sur les aspects problmatiques de la
varit et nglige beaucoup de questions importantes (un point relev aussi par
Auzanneau/Juillard qui critiquent les recherches centr[e]s sur la recherche du
dviant , 2012, 7).
Ainsi, du vaste faisceau de variables sociales, la majorit na pas encore t objet
danalyse : on en sait beaucoup sur le langage des jeunes des grandes villes et de la
banlieue parisienne (cf. le numro spcial Les parlers jeunes Pratiques urbaines et
sociales des Cahiers de Sociolinguistique , Bulot 2004), mais trs peu sur les
jeunes qui vivent ailleurs, que ce soit dans une petite ville ou la campagne. Il ny a
pas danalyses des diffrences entre les langages masculin et fminin. De mme, si les
milieux sous-privilgis font rgulirement lobjet dtudes sociolinguistiques, le
langage des milieux moyens et aiss est rarement analys systmatiquement. Le
niveau dducation est souvent implicite dans les recherches sociolinguistiques, mais
309
il faudrait isoler cet aspect pour obtenir des rsultats solides ce qui permettrait
finalement dtablir un lien entre lducation et la matrise de diffrents varits et
registres du franais.
La Francophonie tant une communaut linguistique pluricentrique, les jeunes
locuteurs hors de France ne se calquent pas forcment sur le langage des jeunes
Parisiens. Il existe un grand nombre dtudes sur les formes de parler des jeunes au
Qubec, au Maghreb et en Afrique subsaharienne (les autres rgions francophones
sont beaucoup moins bien documentes), mais elles sont rarement mises en rapport
avec les rsultats pour la France. Mme dans cet article, il a fallu laisser de ct la
Francophonie en faveur dune prsentation plus approfondie de la situation en France.
Lhistoire du langage des jeunes offre encore de nombreux objets de recherche. Le
grand dfi relever sera dtablir des corpus diachroniques qui se prtent lanalyse.
Cet enjeu existe galement pour les analyses en synchronie, car ltablissement de
corpus authentiques (du moins lorsquil sagit de loral) est toujours problmatique.
On peut esprer quon trouvera des critres thiques acceptables pour tablir des
corpus oraux et que les nouveaux mdias (forums, rseaux sociaux) pourront bientt
tre analyss en tant que grands corpus du langage des jeunes crit.
6 Bibliographie
Amsellem-Mainguy, Yalle/Timoto, Joaquim (2012), Atlas des jeunes en France. Les 1530 ans, une
gnration en marche, Paris, Autrement.
Andreini, Luc (1985), Le verlan. Petit dictionnaire illustr, Paris, H. Veyrier.
Antoine, Fabrice (1998), Des mots et des oms : verlan, troncation et recyclage formel dans largot
contemporain, Cahiers de Lexicologie 72:1, 4170.
Armstrong, Nigel (2002), Variable deletion of French ne : a cross-stylistic perspective, Language
Sciences 24:2, 153173.
Assef, Christelle (2004), De lopposition insultes rituelles/personnelles dans les changes de vannes,
Le Langage et lhomme 39:1, 4154.
Assemble Nationale (2013), Code de lducation. Partie rglementaire, Livre III, Titre Ier, Chapitre II,
Section 3 ter : Lenseignement des langues vivantes trangres (12/06/2013), http://www.legi
france.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006526467&idSectionTA=LEGISCTA
000006182505&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20130617 (07.05.2015).
Auzanneau, Michelle/Juillard, Caroline (2012), Jeunes et parlers jeunes : catgories et catgorisations,
Langage et socit 141:3, 520.
Bachmann, Christian/Basier, Luc (1984), Le verlan : argot dcole ou langue des Keums ?, Mots 8,
169187.
Bedijs, Kristina (2012), Die inszenierte Jugendsprache. Von Ciao, amigo ! bis Wesh, tranquille ! :
Entwicklungen der franzsischen Jugendsprache in Spielfilmen (19582005), Mnchen, Meidenbauer.
Begag, Azouz (1997), Trafic des mots en banlieue : du Nique ta mre au Plat-il ?, MigrantsFormation 108, 3037.
Bernhard, Gerald (2000), Franzsische Jugendsprache in den achtziger und neunziger Jahren, Franzsisch heute 3, 288297.
310
Kristina Bedijs
Bernhard, Gerald/Schafroth, Elmar (2006), Historische Aspekte der Jugendsprache in der Romania,
in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte / Histoire linguistique de la Romania. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen / Manuel international dhistoire linguistique de la Romania, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 23902403.
Bertucci, Marie-Madeleine/David, Jacques (edd.) (2003), Les langues des lves, Numro spcial : Le
Franais aujourdhui 143.
Billiez, Jacqueline/Trimaille, Cyril (2001), Langues, variations et insertion sociale : rflexions autour
dactions de mdiation en contextes scolaire et extra-scolaire, Langage et socit 98, 105127.
Bolle, Annegret (1997), Literarisierte Jugendsprache : Claire Bretcher, Agrippine , in : Annegret
Bolle/Johannes Kramer (edd.), Latinitas et Romanitas. Festschrift fr Hans Dieter Bork zum
65. Geburtstag, Bonn, Romanistischer Verlag, 2542.
Bourdieu, Pierre (1984), La jeunesse nest quun mot, in : Pierre Bourdieu, Questions de sociologie,
Paris, Minuit, 143154.
Boyer, Henri (2007), Les mdias et le franais des jeunes : intgrer la dissidence ?, in : Eva Neuland
(ed.), Jugendsprachen : mehrsprachig kontrastiv interkulturell, Frankfurt am Main, Lang,
153163.
Brown, Penelope/Levinson, Stephen C. (1987), Politeness : Some Universals in Language Usage, Cambridge, Cambridge University Press.
Bulot, Thierry (ed.) (2004), Les parlers jeunes. Pratiques urbaines et sociales, Numro spcial :
Cahiers de Sociolinguistique 9.
Bulot, Thierry (2005), Les parlers jeunes : pratiques urbaines et sociales, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Calvet, Louis-Jean (1993), Le Verlan en kit, Le franais dans le monde 256, 42.
Carton, Fernand (2000), La prononciation, in : Grald Antoine/Bernard Cerquiglini (edd.), Histoire de
la langue franaise, 19452000, Paris, CNRS ditions, 2560.
Collectif Permis de vivre la ville (2007), Lexik des cits, avec la collaboration de Alain Rey et Disiz la
Peste, Paris, Fleuve noir.
Conein, Bernard/Gadet, Franoise (1998), Le franais populaire de jeunes de la banlieue parisienne, entre permanence et innovation, in : Jannis K. Androutsopoulos/Arno Scholz (edd.),
Jugendsprache Langue des jeunes Youth language. Linguistische und soziolinguistische
Perspektiven, Frankfurt am Main/New York, Lang, 105123.
Conseil de lEurope, Division des politiques linguistiques (2000), Un cadre europen commun de
rfrence pour les langues : apprendre, enseigner, valuer, http://www.coe.int/T/DG4/
Linguistic/Source/Framework_FR.pdf. (27.08.2013),
Dannequin, Claudine (1999), Interactions verbales et construction de lhumiliation chez les jeunes des
quartiers dfavoriss, Mots 60, 7692.
Doran, Meredith (2007), Alternative French, alternative identities : situating language in la banlieue , Contemporary French and Francophone Studies 11:4, 497508.
Fagyal, Zsuzsanna (2004), Action des mdias et interactions entre jeunes dans une banlieue ouvrire
de Paris. Remarques sur linnovation lexicale, in : Thierry Bulot (ed.), Les parlers jeunes. Pratiques urbaines et sociales, Cahiers de Sociolinguistique 9, 4160.
Fagyal, Zsuzsanna (2010a), Accents de banlieue. Aspects prosodiques du franais populaire en
contact avec les langues de limmigration, Paris, LHarmattan.
Fagyal, Zsuzsanna (2010b), Rhythm types and the speech of working-class youth in a banlieue of
Paris : The role of vowel elision and devoicing, in : Dennis R. Preston/Nancy Niedzielski (edd.),
A reader in sociophonetics, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 91132.
Fral, Carole de (2012), Parlers jeunes : une utile invention ?, Langage et socit 141:3, 2146.
Fischer, Paul (1988), Largot des jeunes. Kleines Glossar zur franzsischen Jugendsprache von heute,
Lebende Sprachen 3, 114116.
311
Gadet, Franoise (2000), Des corpus pour ne pas , in : Mireille Bilger (ed.), Corpus : mthodologie
et applications linguistiques, Paris, Champion, 156167.
Gadet, Franoise (2003a), La variation sociale en franais, Gap/Paris, Ophrys.
Gadet, Franoise (2003b), Youth language in France : forms and practices, in : Eva Neuland (ed.),
Jugendsprachen Spiegel der Zeit. Internationale Fachkonferenz 2001 an der Bergischen Universitt Wuppertal, 31.5 2.6.2001, Frankfurt am Main, Lang, 7789.
Galland, Olivier (7 2009), Les jeunes, Paris, La Dcouverte.
Gonalves, Ccile (2010), Le langage wesh-wesh, une forme de rsistance ?, Amnis 9, 27.
Gottschalk, Walter (1931), Franzsische Schlersprache, Heidelberg, Winter.
Goudaillier, Jean-Pierre (1997), Comment tu tchatches ! Dictionnaire du franais contemporain des
cits, Paris, Maisonneuve et Larose.
Gumperz, John J. (1977), The Sociolinguistic Significance of Conversational Code-Switching, RELC
Journal 8:1, 134.
Hurrelmann, Klaus/Quenzel, Gudrun (112012), Lebensphase Jugend. Eine Einfhrung in die sozialwissenschaftliche Jugendforschung, Weinheim, Beltz Juventa.
IRCOM (2011), Inventaire IRCOM des corpus oraux et multimodaux, http://ircom.huma-num.fr/site/
p.php?=accueilcorpus (24.06.2015).
Knopp, Klaus Konrad (1979), Franzsischer Schlerargot, Frankfurt am Main, Lang.
Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf (2011), Gesprochene Sprache in der Romania. Franzsisch, Italienisch, Spanisch, Berlin/New York, de Gruyter.
Krmer, Martine (1996), Franais standard, franais populaire, franais familier et franais parl :
Quel franais enseigner ?, Franzsisch heute 3, 159167.
Kundegraber, Angela (2008), Verlan 2007. Untersuchungen zur franzsischen Jugendsprache, Hamburg, Kova.
Labov, William (1972a), Language in the inner city. Studies in the Black English vernacular, Philadelphia, University of Pennsylvania Press.
Labov, William (1972b), Sociolinguistic patterns, Philadelphia, University of Pennsylvania Press.
Labov, William (1984), Field Methods of the Project on Linguistic Change and Variation, in : John
Baugh/Joel Sherzer (edd.), Language in use. Readings in sociolinguistics, Englewood Cliffs (NJ),
Prentice-Hall, 2853.
Lamizet, Bernard (2004), Y a-t-il un parler jeune ?, Cahiers de Sociolinguistique 9, 7598.
Lefkowitz, Natalie (1989), Verlan : Talking Backwards in French, French Review 63 :2, 312322.
Lefkowitz, Natalie (1991), Talking backwards, looking forwards. The French language game Verlan,
Tbingen, Narr.
Lglise, Isabelle (2004), Les mdiateurs de rue face aux parlers jeunes . Des exemples de parlers
jeunes , in : Dominique Caubet et al. (edd.), Parlers jeunes, ici et l-bas. Pratiques et reprsentations, Paris, LHarmattan, 221246.
Lglise, Isabelle/Leroy, Marie (2008), Insultes et joutes verbales chez les jeunes : le regard des
mdiateurs urbains, in : Aline Tauzin (ed.), Insultes, injures et vannes : En France et au Maghreb,
Paris, Karthala, 155174.
Lepori, Angelina (2010), La langue des jeunes, Fasano, Schena.
Lepoutre, David (1997), Les Reunois, i mangent du maf : Tensions interethniques et acculturation
dans une jeunesse de banlieue, Migrants-Formation 109, 168183.
Liogier, Estelle (2002), Quelles approches thoriques pour la description du franais parl par les
jeunes des cits ?, La Linguistique 38:1, 4152.
Mauger, Grard (1994), Les jeunes en France. tat des recherches, Paris, Documentation Franaise.
Meisner, Charlotte (2010), A Corpus Analysis of Intra- and Extralinguistic Factors triggering ne Deletion in Phonic French, in : Franck Neveu et al. (edd.), 2me Congrs Mondial de Linguistique
Franaise, Paris, Institut de Linguistique Franaise, 19431962.
312
Kristina Bedijs
Meiner, Franz-Joseph (1999), Vers lintgration de la langue parle dans lenseignement du FLE,
Franzsisch heute 2, 155165.
Mla, Vivienne (1991), Le verlan ou le langage du miroir, Langages 101, 7394.
Mla, Vivienne (1997), Verlan 2000, Langue franaise 114, 1634.
Merle, Pierre (1986), Dictionnaire du franais branch, Paris, Seuil.
Merle, Pierre (1997), Argot, verlan et tchatches, Toulouse, Milan.
Michler, Christiane (2011), Normsprache, franais familier und Jugendsprache im Franzsischunterricht, in : Michael Frings/Frank Schpp (edd.), Varietten im Franzsischunterricht, Stuttgart, Ibidem, 3548.
Michot, Nicolas (2007), Les usages lexicaux des jeunes sur les supports modernes de communication. Actes du 26e Colloque international sur le lexique et la grammaire, Bonifacio
2007, http://infolingu.univ-mlv.fr/Colloques/Bonifacio/proceedings/michot.pdf.
(27.08.2013).
Michot, Nicolas (2008), Linfluence de linformatique sur les pratiques crites des jeunes, Texte et
corpus 3, 5766.
Mose, Claudine (2011), Gros mots et insultes des adolescents, La lettre de lenfance et de ladolescence 8384:1, 2936.
Moise, Raluca (2007), Le SMS chez les jeunes. Premiers lments de rflexion, partir dun point de
vue ethnolinguistique, Glottopol 10, 101112.
Mouchon, Jean (1985), propos de la notion de paradoxe de lobservateur en sciences humaines,
Semen 2, 2730.
Neuland, Eva (2007), Mehrsprachig kontrastiv interkulturell : Zur Heterogenitt und Typizitt von
Jugendsprachen, in : Eva Neuland (ed.), Jugendsprachen : mehrsprachig kontrastiv interkulturell, Frankfurt am Main, Lang, 1129.
Neuland, Eva (2008), Jugendsprache. Eine Einfhrung, Tbingen, Francke.
Plnat, Marc (1995), Une approche prosodique de la morphologie du verlan, Lingua 95, 97129.
Pozas, Mae (2000), De remps , de reufs et de reus : approximation au lexique de la famille
dans le langage jeune , in : Montserrat Serrano Maes/Lina Avendao Anguita/Mara Carmen
Molina Romero (edd.), La philologie franaise la croise de lan 2000. Panorama linguistique et
littraire, Granada, Universidad de Granada, 95104.
Pruvost, Jean/Sablayrolles, Jean-Franois (2003), Les nologismes, Paris, Presses Universitaires de
France.
Schmelter, Lars (2011), Jugendsprache im Franzsischunterricht geht das ? Und wenn ja, wie ?,
in : Jrgen Baurmann/Eva Neuland (edd.), Jugendliche als Akteure. Sprachliche und kulturelle
Aneignungs- und Ausdrucksformen von Kindern und Jugendlichen, Frankfurt am Main et al.,
Lang, 97107.
Seux, Bernard (1997), Une parlure argotique de collgiens, Langue franaise 114, 82103.
sms4science (2008), Prsentation, http://www.sms4science.org/?q=fr/node/1 (22.08.2013).
Sourdot, Marc (1997), La dynamique du franais des jeunes : sept ans de mouvement travers deux
enqutes (19871994), Langue franaise 114, 5681.
Tengour, Abdelkarim (2000), Le dictionnaire de la zone. Tout largot des banlieues, http://www.
dictionnairedelazone.fr (22.08.2013).
Trimaille, Cyril (2004a), Pratiques langagires chez des adolescents dorigine maghrbine, Hommes
et Migrations 1252, 6673.
Trimaille, Cyril (2004b), Pratiques langagires et socialisation adolescentes : le tricard , un autre
parmi les mmes ?, in : Dominique Caubet et al. (edd.), Parlers jeunes, ici et l-bas. Pratiques et
reprsentations, Paris, LHarmattan, 127148.
Vettorato, Cyril (2008), Un monde o lon clashe : La joute verbale dinsultes dans la culture de rue,
Paris, Archives contemporaines.
313
Annette Gerstenberg
1 Introduction
Le langage parl dans le vieillissement constitue une thmatique plutt marginale
dans le cadre de la linguistique romane comme de la recherche sur le franais. Dans
les enqutes sociolinguistiques et dialectologiques, la fonction des locutrices et
locuteurs gs est gnralement rduite la reprsentation de groupes linguistiquement conservateurs qui tmoignent dtats de langue passs.
Dans la linguistique internationale, la recherche sur le vieillissement
commence sexprimer ds les annes 1970. Plusieurs tudes ont trait de la
diminution des comptences linguistiques lie au vieillissement (Cohen 1979) ainsi
que de ses aspects somatiques comme la modification de la voix (p. ex. Helfrich
1979). Une autre approche se dveloppe en cho aux recherches sur le genre et sur
les comportements linguistiques sexistes ou racistes. Les tudes menes sur
lageism, directement inspires de celles portant sur le sexisme, soulignent lemploi
de termes pjoratifs et dimages ngatives dun ct et, de lautre, la raret dattributs positifs qualifiant le vieillissement (p. ex. angl. mature, sage, venerable, cf.
Nuessel 1982).
Un nouveau domaine de recherche voit le jour dans les annes 1980, celui des
dynamiques communicatives du vieillissement normal. Au lieu danalyser les dficits
et le dclin des comptences cognitives et somatiques au cours du vieillissement, on
aborde plutt, pour le vieillissement, la construction interactionnelle de lidentit de
la personne ge (cf. Coupland/Coupland 1990, 452).
315
316
Annette Gerstenberg
1.2 Terminologie
La polysmie attache aux termes dge et de vieillissement ncessite que lon en
prcise ses diffrentes acceptions. On distingue gnralement diffrents niveaux de
sous-classification de lge. La catgorie la plus simple est celle de lge chronologique, dtermin par lanne de naissance. Un deuxime niveau est li ltat de
sant : on distingue alors le vieillissement normal et le vieillissement caractris par
des manifestations pathologiques ( 2.1). Cette diffrence se reflte dans la distinction
entre le troisime et le quatrime ge ( lapparition du handicap , Jaeger 1992, 4).
Daprs Baltes (2007, 16), la diffrence entre le troisime et le quatrime ge correspond grosso modo aux dcennies 6080 ans ( troisime ge ) et entre 80100 ans
( quatrime ge ) ; le troisime ge est caractris par une htrognit considrable, due la plasticit cognitive, la variabilit et lindividualit biographique.
Durant le quatrime ge, cette variabilit toujours approximative sattnue et
donne progressivement lieu une relative homognit, due aux processus pathologiques et la multi-morbidit qui sinstallent avec lavance en ge.
La dfinition de lge peut enfin tre lie aux mcanismes du systme sociopolitique (ge social). En France, laugmentation de la population ge est aujourdhui considrable en raison du vieillissement de la gnration du baby-boom et de
lesprance de vie croissante des personnes ges de plus de 60 ans ( vieillissement
par le haut, cest--dire par une croissance du nombre de plus de 60 ans , Blanchet/
Le Gallo 2013). Lge charnire de 60 ans en France (en Belgique et au Canada de 65 et
en Suisse de 65/64), qui reprsentait la limite entre la participation la vie professionnelle et la retraite, a perdu de son importance dans la mesure o le pourcentage des
plus de 60 ans qui continuent travailler continue augmenter (Govillot 2013). Dans
les statistiques officielles, en France, on retient lge de 60 ans pour dterminer le
pourcentage des personnes ges ; mais cet usage est loin dtre adopt par tous.
Au cours des dernires dcennies, le terme de seniors sest impos dans le langage
des mdias. On utilise cet anglicisme en parlant des plus de 50 ans (GRLF, s.v.) afin
dviter toute dsignation discriminatoire ; ce terme est galement prsent dans
lusage administratif. Pour citer un exemple, le programme Bien Vieillir du Secrtariat dtat aux personnes ges, lanc en 2013, concerne les seniors de 50 65 ans
(Aquino 2013). Ce groupe des personnes ges est politiquement reprsent par la
Ministre dlgue auprs de la ministre des affaires sociales et de la sant, charge
des personnes ges et de lautonomie ; linstauration de ce nouveau ministre a
contribu activement modifier les pratiques officielles : il a ainsi propos de substituer au mot vieillir, qui comporte obligatoirement une connotation ngative ,
lexpression davancer en ge (Delaunay 2012).
La terminologie employe en contexte officiel correspond des critres socioconomiques ou ltat de sant et dautonomie des individus. On distingue ainsi les
seniors en activit, les personnes ges en bonne sant, les personnes ges fragiles et
les personnes ges en perte dautonomie (Aquino 2013, 10). Toutes ces propositions,
317
ainsi que les tentatives dtablir des nologismes connotation positive, suscitent des
discussions dans les mdias (Jost 2012).
Si les terminologies officielles tentent de qualifier lge social, lusage du franais
commun relve de bien dautres conceptions de lge. ct de langlicisme cit de
seniors (sniors) et de la dnomination neutre de personnes ges ou de grand ge, on
emploie les termes plus familiers de vieux, vieillard, ou mamie / mammy (GRLF s.v.),
etc. La concurrence entre lensemble de ces termes saccompagne de connotations
nuances qui doivent tre analyses dans leurs contextes respectifs (cf. pour lallemand Cherubim 2001 ; pour langlais cf. Covey 1988 ; Koll-Stobbe 2005) ou daprs la
connotation quils dclenchent chez les sujets gs eux-mmes (Misiti/Carbone 2002).
1.3 tudes
Locutrices et locuteurs gs sont reprsents dans les enqutes en dialectologie, mais
il est rare que la signification de lge soit prise en considration. Lexemple de lAbb
Rousselot (1891) na pas trouv de successeurs. Rousselot prsentait diffrentes gnrations dune mme famille comme autant de tmoins qui reprsentaient les tats
successifs de parlers anciens. On peut en fait reconnatre dans cette dmarche lhypothse de lapparent time ( 3.1). La recherche psycholinguistique mene sur le
vieillissement se dveloppe aprs la seconde guerre mondiale en lien notamment avec
lutilisation de tests de dnomination dans le diagnostic de troubles du langage (Ska/
Goulet 1989 ; cf. Fox/Birren 1949 ; pour la situation en francophonie, cf. Feyereisen/
Hupet 2002 ; Lindorfer 2012). Les approches en analyse conversationnelle lances par
Coupland/Coupland ont t reprises dans dautres pays (Fiehler 1996 ; Fiehler/Thimm
2003), mais assez peu dans les pays francophones. Dans les enqutes sociolinguistiques, lge charnire de 60 ans est frquemment utilis pour dlimiter le groupe le
plus g de lchantillonnage (p. ex. dans C-ORAL-ROM, Cresti/Moneglia 2005), mais
il est rare que lon fasse droit une rflexion approfondie sur la signification sociolinguistique de lge en tant que tel (p. ex. Clermont/Cedergren 1979). Dans le cas des
autres langues romanes, on ne trouve pas non plus beaucoup dtudes exclusivement
consacres au vieillissement, mises part celles menes sur litalien par Taddei
Gheiler (2005) ou par Preti (1991) sur le portugais du Brsil. Plus rcemment, la
recherche sur le vieillissement sest fonde sur des corpus spcialiss comme LangAge (Gerstenberg 2011), Corpage (Bolly/Masse/Meire 2012) ou CorpAGEst (Bolly 2013 ;
Bolly/Thomas 2015 ; Bolly/Boutet, soumis).
318
Annette Gerstenberg
neurocognitives dautre part. videmment, il nexiste pas de limite nette entre ces
deux domaines. Mais nous prfrons lattribut somatique celui de physiologique, qui
qualifie les fonctions crbrales ou les fonctions plus proprement corporelles (cardiorespiratoires p. ex.).
Le vieillissement normal, cest--dire celui qui nest affect par aucun trouble pathologique li au vieillissement, est caractris par une croissance, une dcroissance ou
un tat stable, selon des tempi variables (Bosshardt 1994). Les diffrences entre
individus plus jeunes et plus gs ne concernent pas seulement les comptences
linguistiques, mais aussi les corrlations que lon peut observer entre les diffrentes
comptences (Kemper/Sumner 2001). Le terme du vieillissement normal reste,
lheure actuelle, assez gnral ; il doit tre spcifi par la recherche future, qui devra
considrer p. ex. les diffrentes tapes de la vieillesse telles que les mettent en place
les sciences grontologiques (Zellner-Keller 2009, 152). Pour distinguer les priodes
successives de la vieillesse, Guillet (2007) distingue lge construire grce la
longvit, lge de la maturit, lge de la fin de la vie et les dsordres du grand ge
[phnomnes de dmence].
Ltude des phnomnes linguistiques que lon observe dans le vieillissement
peut contribuer mieux comprendre la limite entre le vieillissement normal et le
vieillissement affect par des dveloppements pathologiques comme la maladie
dAlzheimer. Yuan et al. (2011), en analysant la composition du lexique dans luvre
de trois auteurs anglophones, montrent lvidence que le dclin du lexique est plus
rapide en cas de dmence.
Un indicateur efficace de lappartenance au vieillissement normal nous semble
tre celui de la responsivit . Cest l un critre que les tudes sociolinguistiques,
parmi dautres critres possibles (autonomie, maladies graves, etc.), pourraient adopter. Le critre de responsivit correspond une adquation plus ou moins grande des
rponses aux questions dans le respect du principe de coopration (Grice 1975), et la
qualit de la rencontre dans son ensemble, y compris une dure minimum qui reflte
ltat de sant et garantit que le sujet, dans une situation de communication rgulire,
peut participer de faon active. Ces critres sociolinguistiques de participation sociale
peuvent savrer plus robustes que les tests de comptences cognitives dans la tradition du MMS, qui ne prennent pas en considration les conditions somatiques
(systme cardio-respiratoire). De plus, la ralisation de tests peut impliquer lactivation de strotypes qui ne sont favorables ni la performance des sujets (Hess/
Hinson/Hodges 2009) ni au dveloppement dune relation dgalit entre les sujets et
les chercheurs ; en revanche, lapplication de critres sociolinguistiques proprement
dits semble plus adquate pour dcrire les participants gs. Lanalyse dun chantillon sociolinguistique prcis peut en outre servir de base pour tablir une norme inter
319
1)
2)
3)
4)
320
Annette Gerstenberg
321
322
Annette Gerstenberg
connu un norme succs (Zimmermann 1990, 243). On a dcrit aussi, chez les
habitants du Qubec, des diffrences dusage importantes entre les personnes nes
avant ou aprs la deuxime guerre mondiale ; la prolongation de la scolarit a
notamment contribu une plus grande diffusion des formes du franais standard
(Kemp 1981 ; Kemp/Yaeger-Dror 1991). En France, lcole de la Troisime Rpublique
a tabli lidal dune normativit presque littraire, et ce encore jusquaux annes
soixante. Ces gnrations ont en effet particip justement au changement de norme
aprs 1968 et lidal dune langue qui fasse jeune (Gerstenberg 2011). Ce
changement collectif (communal change) peut saccompagner dune adaptation linguistique aux exigences de son propre groupe dge (age-grading). Suivant lhypothse de Gadet (2003, 55), la retraite se caractrise souvent par un relchement
langagier. Le phnomne de lage grading, de ladaptation linguistique aux normes
de son propre groupe dge, a t dcrit comme universel. Mais les modalits et les
ralisations plus ou moins exprimes de cette adaptation sont elles-mmes sujettes
au changement historique et diffrent entre les gnrations ; cest l un aspect qui
mrite dtre mieux tudi.
4 Aspects communicatifs
4.1 Rcits
La rorientation des recherches sur le langage parl dans le vieillissement a conduit
dune part critiquer lhypothse des dficits (qui considre dabord le dclin des
comptences langagires) et dautre part identifier certaines comptences qui samliorent avec le vieillissement, comme les comptences communicatives mises au
jour dans le domaine du rcit oral (storytelling) ( older adults have a heightened
understanding of the interpersonal dynamics of communication [] Overall, older
adults are rated as better storytellers than younger adults, a preference that is not
limited to their own cohort , Abrams/Farrell 2011, 60). Diffrentes hypothses ont t
avances pour expliquer les ractions positives aux rcits de personnes ges ; ces
ractions positives sont suscites par lemploi dune structure narrative plus
complexe, comportant des constructions en acm, ainsi que par une capacit ragir
immdiatement aux interventions des interlocutrices et interlocuteurs ; elles sexpliquent ensuite par une rduction de la vitesse de parole et par une prosodie plus
marque (ibid., 61).
La production de rcits oraux est une activit frquemment pratique dans le
vieillissement, qui contribue dans une grande mesure la (re)construction dune
identit personnelle (Kastenbaum 2003). Les versions rptes dun mme rcit autobiographique tmoignent dun figement considrable, mais aussi dune capacit
dadaptation aux ncessits interactionnelles de la situation dans laquelle elles sont
profres (Barth-Weingarten/Schuman/Wohlfahrt 2012).
323
324
Annette Gerstenberg
325
Dans les manuels linguistiques, le langage parl par des locutrices et locuteurs
gs est parfois qualifi de langue de groupe (Mller 1975, 136). On a mme parl
de grolecte ou de grontolecte (Veith 2002, 173). Lvidence empirique dun tel
postulat reste cependant trs discutable. Cherubim/Hilgendorf (2003, 235) nexcluent
pas la possibilit dune particularit du langage des personnes ges (dt. Alterssprache), qui serait caractris par des fonctions communicatives ou des stratgies
smiotiques particulires. Sinner (2013, 162) voit dans cette htrognit terminologique le symptme dune sous-discipline en train de stablir.
Concernant le comportement linguistique des personnes ges, labsence dtudes empiriques spcialises conduit des opinions assez contradictoires. Le phnomne dorientation diaphasique des personnes ges nest trait dans la plupart des
manuels que de faon marginale. Dun ct, on parle dun langage trs conservateur
des personnes ges (Mller 1975, 141 ; Ager 1990, 118 : Older speakers are likely to
be more conservative, pedantic, and linguistically defensive than younger ones ), de
lautre ct on parle du relchement qui accompagne la retraite (cf. supra, Gadet
2003, 55).
Linvestigation scientifique des usages langagiers a mis en vidence limportance
de facteurs individuels (Baltes 2007, 16) dont rsulte une grande htrognit caractrisant le langage de personnes ges. Il semble adquat dviter une terminologie
qui parle de faon globale du langage des personnes ges.
326
Annette Gerstenberg
levs pour les variables innovatrices dans les groupes dge plus jeunes (pour le
ne de ngation, cf. p. ex. Ashby 1991 ; Armstrong 2001 ; Hansen/Malderez 2003). Cette
variabilit se situe entre le changement linguistique en cours et les dynamiques de la
norme linguistique. Comme lont soulign plusieurs chercheurs, le changement linguistique est li non seulement la frquence dun phnomne, mais aussi au
prestige sociolinguistique (p. ex. Hausmann 1979, 444). Le choix du registre qualifi
dappropri pour une situation communicative comme celle dune enqute nest pas
seulement un facteur qui perturbe les rsultats empiriques : cest en soi un sujet de
recherche en linguistique diachronique.
Une partie du lexique employ par des locutrices et locuteurs gs peut tre
considre comme vieilli (Mller 1975, 141 ; Ager 1990, 118 ; Fiehler 1997). Si lon
prend en considration des paires de variantes formelles vs. moins formelles (travail
vs. boulot, ami vs. copain), on constate que les groupes dge de 65 ans et plus font un
emploi lev des variantes formelles (Beeching 2007). Ce phnomne nest cependant
pas trs frquent (Thimm 2002). Lemploi de termes historiquement dpasss peut en
revanche susciter lintrt des locutrices et locuteurs eux-mmes, comme en attestent
lemploi de marques diachroniques (cf. supra), ou de recueils comme celui de Guillaume/Beyler (2004/2005). On observe par ailleurs, dans le langage de certaines
personnes ges, la reprise de termes rcents, parfois accompagns de marques
mtalinguistiques (dur dur dur / comme disent les jeunes ; LangAge, Gerstenberg 2011,
195). Cette reprise de termes du langage actuel dpend de la nature des changes
linguistiques pratiqus : changes avec les enfants, avec les petits enfants ou avec des
membres de la mme gnration.
5.3 Perspectives
Les rsultats obtenus par les tudes empiriques mentionnes ci-dessus soutiennent
partiellement lide de lapparent time : ils montrent en effet une tendance des
locutrices et locuteurs gs adopter un langage plus conservateur. Limpact de la
variable de lge tant encore peu explor, les traits linguistiques analyss ne permettent pas de reconnatre, pour lensemble des phnomnes observs, les contours
dune varit ge du franais. Malgr la mise au jour de diffrences claires entre
un usage innovant des jeunes et un usage conservateur des plus anciens, force est de
constater que la plupart de ces phnomnes ne sont pas abords sous langle du
changement en temps rel (real time). Les exemples mentionns renvoient aussi au
processus dadaptation au langage actuel et aux effets du communal change.
327
6 Linguistique applique
6.1 Strotypes et ageism
Le langage parl des ans est reprsent par les mdias selon des strotypes (comme
la verbosit : senex loquax, Cherubim/Hilgendorf 2003, 234) que lon retrouve pourtant aussi dans les usages individuels ou dans les usages collectifs. La composante
discriminatoire de ces strotypes, qui soutiennent lageism, est tudie depuis les
annes 1960 (Butler 1969 ; Barbato/Feezel 1987). Lattention porte aux strotypes
ngatifs de la vieillesse stimule ltude dexpressions comme vieux salaud, vieux pourri ou vieux baveux, et de leur connotation dprciative (Berman/Sobkowska-Ashcroft
1986, 140). La reprsentation de la vieillesse est par ailleurs trs souvent associe
des strotypes positifs comme la sagesse (ibid., 142).
6.2 Elderspeak
La communication dans les hpitaux et dans les maisons de retraite est dans une
certaine mesure marque par les rgles du parler lentement, soigneusement, simplement (Caporael/Culbertson 1986, 109 ; cf. Cohen 1979, 428 : speech [to old
people] should be slow and messages short ). De ce genre de rgles peut rsulter une
sorte de baby talk que lon adresse aux personnes ges quon appelle elderspeak ,
dont lefficacit a t discute ; Cohen/Faulkner (1986) soulignent au contraire limportance de la prosodie (focal stress).
Les stratgies communicatives des aide-soignants et des infirmires sont devenues un sujet dtude pour la linguistique applique, qui dfinit les traits caractristiques de lelderspeak (emploi de diminutifs, tutoiement, voix trs haute sans accentuation efficace, etc. ; cf. Sachweh 2003 ; Backhaus 2013) et contribue amliorer la
formation des soignants griatriques en matire de communication.
328
Annette Gerstenberg
locuteurs plus jeunes (underaccomodation, Barker/Giles/Harwood 2004). Lvaluation de ce phnomne a mis en vidence le fait que les cas de PSD sont moins
embarrassants pour les sujets gs eux-mmes que pour des tmoins plus jeunes
(Bonnesen/Hummert 2002, 291).
7 Resum
Ltude du langage de personnes ges nous apprend que le rapport complexe qui lie
un individu et un collectif (gnration) reste en grande partie explorer. La conception homognisante de la linguistique variationnelle a aid mettre en vidence les
diffrences entre groupes dges, mais elle na pas vrifi ce stade le rle jou par les
facteurs de variation lintrieur de ces groupes, ni leurs possibles co-variation et
interrelation. Limpact des facteurs extralinguistiques mriterait lui aussi dtre explor par le biais dune analyse approfondie et critique (stratification socioprofessionnelle, conditions/qualit de vie, normes culturelles).
Il est important de rappeler que les personnes ges font partie des communauts
linguistiques dont soccupent les sciences du langage. De ce point de vue, la (socio-)
linguistique tout comme la psycholinguistique, la sociologie, la psychologie et
lhistoire trouve sa place et participe pleinement aux initiatives pluridisciplinaires
mergentes dans le domaine.
8 Bibliographie
Abrams, Lise/Farrell, Meagan T. (2011), Language Processing in Normal Aging, in : Jackie Guendouzi/
Filip Loncke/Mandy J. Williams (edd.), The Handbook of Psycholinguistic and Cognitive Processes. Perspectives in Communication Disorders, New York (NY), Psychology Press, 4973.
Ager, Dennis (1990), Sociolinguistics and Contemporary French, Cambridge, Cambridge University
Press.
Aquino, Jean-Pierre (2013), Anticiper pour une autonomie prserve : un enjeu de socit, Paris,
Comit Avance en ge Prvention et qualit de vie.
Arbuckle, Tannis Y./Nohara-LeClair, Michiko/Pushkar, Dolores (2000), Effect of Off-target Verbosity
on Communication Efficiency in a Referential Communication Task, Psychology and Aging 15:1,
6577.
Armstrong, Nigel (2001), Social and Stylistic Variation in Spoken French. A Comparative Approach,
Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Ashby, William (1991), When does Variation Indicate Linguistic Change in Progress ?, Journal of French
Language Studies 1:1, 119.
Backhaus, Peter (2013), Communication in Elderly Care. Cross-cultural Perspectives, London et al.,
Bloomsbury.
Baken, Ronald J. (2005), The Aged Voice : A New Hypothesis, Journal of Voice 3:19, 317325.
Baltes, Paul B. (2007), Alter(n) als Balanceakt, in : Peter Gruss (ed.), Die Zukunft des Alterns. Die
Antwort der Wissenschaft. Ein Report der Max-Planck-Gesellschaft, Mnchen, Beck, 1534.
329
Barbato, Carole A./Feezel, Jerry D. (1987), The Language of Aging in Different Age Groups, The
Gerontologist 4 :27, 527531.
Barker, Valerie/Giles, Howard/Harwood, Jake (2004), Inter- and Intragroup Perspectives on Intergenerational Communication, in : Jon F. Nussbaum/Justine Coupland (edd.), Handbook of Communication and Aging Research, Mahwah (NJ), Erlbaum, 139165.
Barth-Weingarten, Dagmar/Schumann, Elke/Wohlfahrt, Rainer (2012), Da capo al fine ? Beobachtungen zu Vorgeformtheit von Prosodie und Phonetik in retold stories, Gesprchsforschung 13,
322352.
Beeching, Kate (2007), La co-variation des marqueurs discursifs bon , cest--dire , enfin ,
hein , quand meme , quoi et si vous voulez : une question didentit ?, Langue
franaise 2:154, 7893.
Benjamin, Barbaranne J. (1986), Dimensions of the Older Female Voice, Language & Communication
12 :6, 3545.
Berman, Lorna/Sobkowska-Ashcroft, Irina (1986), The Old in Language and Literature, Language &
Communication 12 :6, 139145.
Betten, Anne (2003), Ist Altersstil in der Sprechsprache wissenschaftlich nachweisbar ? berlegungen zu Interviews mit 70- bis 100-jhrigen Emigranten, in : Reinhard Fiehler/Caja Thimm
(edd.), Sprache und Kommunikation im Alter, Radolfzell, Verlag fr Gesprchsforschung,
131142.
Blanchet, Didier/Le Gallo, Franoise (2013), Baby-boom et allongement de la dure de vie : quelles
contributions au vieillissement ?, Insee Analyses Septembre/12, [14], http://www.insee.fr/fr/
themes/document.asp?ref_id=iana12 (30.04.2015).
Blanchet, Philippe (2001), Enqutes sur les volutions gnrationnelles du franais dans le pays
vannetais (Bretagne), Franais moderne 1 :69, 5876.
Boden, Deirdre/Bielby, Denise (1986), The Way it Was : Topical Organization in Elderly Conversation,
Language and Communication 12 :6, 7389.
Bolly, Catherine T. (2012), Corpage. A reference corpus for the elderlys language, Louvain-la-Neuve,
Universit catholique de Louvain (Valibel Discours et Variation/Psychological Sciences Research Institute).
Bolly, Catherine T./Boutet, Dominique (soumis), The Multimodal CorpAGEst Corpus : Keeping an Eye
on Pragmatic Competence in Later Life.
Bolly, Catherine T. (2013), CorpAGEst. A Multimodal Corpus for the Elderlys Language, Louvain-laNeuve/Paris, Universit catholique de Louvain (Valibel Discours et Variation)/CNRS (UMR 7023
Structures Formelles du Langage).
Bolly, Catherine T./Thomas, Anas (2015), Facing Nadines speech. Multimodal Annotation of Emotion
in Later Life, in : Pivi Kristiina Jokinen/Martin Vels (edd.), Proceedings of the 2nd European and
the 5th Nordic Symposium on Multimodal Communication August 68, Tartu, Estonia. Linkping,
Linkping Electronic Conference Proceedings 110, 2332, http://www.ep.liu.se/ecp_home/index.en.aspx?issue=110 (24.04.2015).
Bonnesen, Jaye L./Hummert, Mary Lee (2002), Painful Self-Disclosures of Older Adults in Relation to
Aging Stereotypes and Perceived Motivations, Journal of Language and Social Psychology 3:21,
275301.
Bosshardt, Hans-Georg (1994), Sprachgebrauch im Alter : Kompensation und Adaption infolge von
Vernderungen im Kurzzeitgedchtnis, in : W. Kuhn (ed.), Altern, Gehirn und Persnlichkeit,
Bern, Huber, 125136.
Brouillet, Denis (ed.) (2011), Le vieillissement cognitif normal. Maintenir lautonomie de la personne
ge, Bruxelles, De Boeck.
Brouillet, Denis/Syssau, Arielle (edd.) (2000), Le vieillissement cognitif normal. Vers un modle
explicatif du vieillissement, Bruxelles, De Boeck/Larcier.
330
Annette Gerstenberg
Burke, Deborah M./Shafto, Meredith A. (2008), Language and Aging, in : Fergus I. M. Craik/Timothy
A. Salthouse (edd.), The Handbook of Aging and Cognition, Mahwah (NJ), Erlbaum, 373443.
Butler, Robert N. (1969), Age-Ism : Another Form of Bigotry, The Gerontologist 4:9, 243246.
Caporael, Linnda R./Culbertson, Glen H. (1986), Verbal Response Modes of Baby Talk and Other
Speech at Institutions for the Aged, Language & Communication 12:6, 99112.
Cherubim, Dieter (1998), Kontinuitt und Diskontinuitt in der deutschen Sprache des 20. Jahrhunderts, in : Heidrun Kmper/Hartmut Schmidt (edd.), Das 20. Jahrhundert. Sprachgeschichte
Zeitgeschichte, Berlin/New York, de Gruyter, 5982.
Cherubim, Dieter (2001), Alterssprache. Zur Konzeptualisierung von Alter durch Sprache, Osnabrcker
Beitrge zur Sprachtheorie 62, 99126.
Cherubim, Dieter/Hilgendorf, Suzanne (2003), Sprachverhalten im Alter. Beobachtungen und Diskussionen zum Begriff des Alters , in : Reinhard Fiehler/Caja Thimm (edd.), Sprache und Kommunikation im Alter, Radolfzell, Verlag fr Gesprchsforschung, 230256.
Cheshire, Jenny (2005), Age- and Generation-Specific Use of Language, in : Ulrich Ammon et al. (edd.),
Sociolinguistics. An International Handbook of the Science of Language and Society, Berlin/New
York, de Gruyter, 15521563.
Clermont, Jean/Cedergren, Henrietta J. (1979), Les r de ma mre sont perdus dans lair , in :
Pierrette Thibault (ed.), Le franais parl. tudes sociolinguistiques, Amsterdam, Linguistic
Research, 1328.
Cohen, Gillian (1979), Language Comprehension in Old Age, Cognitive Psychology 11, 412429.
Cohen, Gillian/Faulkner, Dorothy (1986), Does Elderspeak Work ? The Effect of Intonation and
Stress on Comprehension and Recall of Spoken Discourse in Old Age, Language and Communication 12:6, 9198.
C-ORAL-ROM = Cresti, Emanuela/Moneglia, Massimo (edd.) (2005), C-Oral-Rom : Integrated Reference
Corpora for Spoken Romance Languages, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Coseriu, Eugenio (1988), Sprachkompetenz. Grundzge der Theorie des Sprechens, Tbingen, Narr.
Coupland, Nikolas (2004), Age in Social and Sociolinguistic Theory, in : Jon F. Nussbaum/Justine
Coupland (edd.), Handbook of Communication and Aging Research, Mahwah (NJ), Erlbaum,
6990.
Coupland, Nicholas/Coupland, Justine (1990), Language and Later Life, in : Howard Giles/Peter Robinson (edd.), Handbook of Language and Social Psychology, Chichester et al., Wiley, 451467.
Covey, Herbert C. (1988), Historical Terminology Used to Represent Older People, The Gerontologist
28, 291297.
Delaunay, Michle (2012), Avancer en ge nest pas vieillir, Ministre dlgue aux Personnes ges et
lAutonomie 16 juillet/[Blog], [1], http://www.michele-delaunay.net/delaunay/blog/
avancer-en-age-nest-pas-vieillir (29.04.2015).
Eckert, Penelope (1997), Age as Sociolinguistic Variable, in : Florian Coulmas (ed.), The Handbook of
Sociolinguistics, Oxford/ Malden (MA), Blackwell, 151167.
Feyereisen, Pierre/Hupet, Michel (2002), Parler et communiquer chez la personne ge. Psychologie
du vieillissement cognitif, Paris, Presses Universitaires de France.
Fiehler, Reinhard (1996), Die Linguistik und das Alter, Sprachreport 1, 13.
Fiehler, Reinhard (1997), Kommunikation im Alter und ihre sprachwissenschaftliche Analyse. Gibt es
einen Kommunikationsstil des Alters ?, in : Margret Selting/Barbara Sandig (edd.), Sprech- und
Gesprchsstile, Berlin/New York, de Gruyter, 345370.
Fiehler, Reinhard (2002), Der Stil des Alters, in : Inken Keim/Wilfried Schtte (edd.), Soziale Welten
und kommunikative Stile : Festschrift fr Werner Kallmeyer zum 60. Geburtstag, Tbingen, Narr,
499511.
Fiehler, Reinhard/Thimm, Caja (edd.) (2003), Sprache und Kommunikation im Alter, Radolfzell, Verlag
fr Gesprchsforschung.
331
Fox, Charlotte/Birren, James E. (1949), Some Factors Affecting Vocabulary Size in Later Maturity : Age,
Education, and Length of Institutionalization, Journal of Gerontology 1:4, 1926.
Gadet, Franoise (2003), La variation sociale en franais, Paris, Ophrys.
Germi, Claudette/Lucci, Vincent (1985), Mots de Gap. Les rgionalismes du franais parl dans le
gapenais, Grenoble, Ellug.
Gerstenberg, Annette (2009), The Multifaceted Category of Generation : Elderly French Men and
Women Talking about May 68, International Journal of the Sociology of Language 200,
153170.
Gerstenberg, Annette (2011), Generation und Sprachprofile im hheren Lebensalter. Untersuchungen
zum Franzsischen auf der Basis eines Korpus biographischer Interviews, Frankfurt am Main,
Klostermann.
Gerstenberg, Annette (2012), Sprachlicher Wandel und Funktionen des Sprachenstreits zwischen den
Generationen. Am Beispiel des Franzsischen, in : Judith Visser/Dietmar Osthus/Christian
Schmitt (edd.), Streit um Sprache. Akten der gleichnamigen Sektion des XXXI. Deutschen Romanistentages (Bonn, 27.9.1.10.2009), Bonn, Romanistischer Verlag, 229245.
Gerstenberg, Annette (2015), A Sociolinguistic Perspective on Vocabulary Richness in a Seven-year
Comparison of Older Adults, in : Annette Gerstenberg/Anja Voeste (edd.), Language Development. The Lifespan Perspective, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 109127.
Gerstenberg, Annette/Voeste, Anja (edd.) (2015), Language Development. The Lifespan Perspective,
Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Gold, Dolores Pushkar/Arbuckle, Tannis Y. (1995), A Longitudinal Study of Off-Target Verbosity, The
Journals of Gerontology Series B : Psychological Sciences and Social Sciences 6/50, P307.
Govillot, Stphanie (2013), Le passage de lemploi la retraite. Travailler pendant la retraite, une
situation qui se dveloppe, Insee Premire Juin/1449, [14], www.insee.fr/fr/ffc/ipweb/ip1449/
ip1449.pdf (29.04.2015).
Grice, Herbert Paul (1975), Logic and Conversation, in : Peter Cole/Jerry L. Morgan (edd.), Syntax and
Semantics, Vol. 3 Speech Acts, New York, Academic Press, 4158.
GRLF = Robert, Paul (1992), Le Grand Robert de la langue franaise. Dictionnaire alphabtique et
analogique de la langue franaise. Entirement revu et enrichie par Alain Rey, Paris, Le Robert.
Guillaume, Anne-Marie/Beyler, Odile (2004/2005), lauberge des patrimots . Recueil de textes
crs partir de mots dsuets par des adhrents de lUniversit du Temps Libre dOrlans pour
les Assises Rgionales de Chartres, Orlans, Parole et crit.
Guillet, Pierre (2007), Le dialogue des ges. Histoires en bien-vieillir, Paris, Gallimard.
Hansen, Anita Berit/Malderez, Isabelle (2003), Le ne de ngation en rgion parisienne : une tude
en temps rel, Langage et socit 4:107, 530.
Hausmann, Franz Josef (1979), Wie alt ist das gesprochene Franzsisch ? Dargestellt speziell am
bergang von jallons zu on y va , Romanische Forschungen 91, 431444.
Helfrich, Hede (1979), Age Markers in Speech, in : Klaus R. Scherer/Howard Giles (edd.), Social
markers in speech, Cambridge, Cambridge University Press, 63107.
Hess, Thomas M./Hinson, Joey T./Hodges, Elizabeth A. (2009), Moderators of and Mechanisms
underlying Stereotype Threat Effects on Older Adults Memory Performance, Experimental Aging
Research : An International Journal Devoted to the Scientific Study of the Aging Process 2:35,
153177.
Hockett, Charles F. (1950), Age-Grading and Linguistic Continuity, Language 4:26, 449457.
Jaeger, Christophe de (1992), La grontologie. Paris, Presses Universitaires de France.
Jost, Franois (2012), Avancer en ge plutt que vieillir : la mauvaise ide de Michle Delaunay,
Le Nouvel Observateur Le plus 18 juillet/[Blog], [1], http://leplus.nouvelobs.com/contribution/
595917-avancer-en-age-plutot-que-vieillir-la-mauvaise-idee-d-une-ministre-deleguee.html.
Kastenbaum, Robert (2003), Where Is the Self in Elder Self-Narratives ?, Generations 3:27, 1015.
332
Annette Gerstenberg
Kemp, William (1981), Major Sociolinguistic Patterns in Montral French, in : David Sankoff/Henrietta
Cedergren (edd.), Variation omnibus, Carbondale, Edmonton, Linguistic Research, 316.
Kemp, William/Yaeger-Dror, Malcah (1991), Changing Realizations of A in ation in Relation to the
Front A-Back A-Opposition in Quebec French, in : Penelope Eckert (ed.), New Ways of Analyzing
Sound Change, San Diego, Academic Press, 127184.
Kemper, Susan (2015), Language Production in Late Life, in : Annette Gerstenberg/Anja Voeste (edd.),
Language Development. The Lifespan Perspective, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 5975.
Kemper, Susan/Sumner, Aaron (2001), The Structure of Verbal Abilities in Young and Older Adults,
Psychology and Aging 16, 312322.
Koll-Stobbe, Amei (2005), Forever young ? Sprachliche Kodierungen von Jugend und Alter, in : Heike
Hartung (ed.), Alter und Geschlecht. Reprsentationen, Geschichten und Theorien des Alter(n)s,
Bielefeld, Transcript, 237252.
Labov, William (1994), Principles of Linguistic Change. Internal Factors, Malden (MA)/Oxford, WileyBlackwell.
Le, Xuan, et al. (2011), Longitudinal Detection of Dementia through Lexical and Syntactic Changes in
Writing : a Case Study of Three British Novelists, Literary and Linguistic Computing 4:26,
435460.
Lindorfer, Bettina (2012), Neue Annherungen zum Thema Sprache und Alter, in : Bettina Lindorfer/
Solveig Kristina Malatrait (edd.), Alter(n) in der Stadt. Vieillir en ville. Sprach- und literaturwissenschaftliche Beitrge aus Romanistik und Germanistik, Berlin, Frank & Timme, 1942.
Lindorfer, Bettina/Malatrait, Solveig Kristina (edd.) (2012), Alter(n) in der Stadt. Vieillir en ville.
Sprach- und literaturwissenschaftliche Beitrge aus Romanistik und Germanistik, Berlin, Frank &
Timme.
Linville, Sue Ellen (1996), The Sound of Senescence, Journal of Voice 2:10, 190200.
Mallet, Graldine-M. (2009), La liaison en franais : descriptions et analyses dans le corpus PFC [PDF
en ligne], Paris, Thse de doctorat, Universit Paris Ouest Nanterre La Dfense (MoDyCo), http://
www.projet-pfc.net/bulletins-et-colloques/doc_download/56-.html (23.04.2015).
Mannheim, Karl (1964), Das Problem der Generationen, in : Karl Mannheim/Kurt H. Wolff (edd.),
Wissenssoziologie. Auswahl aus dem Werk, Berlin, Luchterhand, 509565 (dabord : Klner
Vierteljahrshefte fr Soziologie 7:2 (1928), 157185; 7:3, 309330).
Martinet, Andr (1971), La prononciation du franais contemporain. Tmoignages recueillis en 1941
dans un camp dofficiers prisonniers [1945], Genve, Droz.
Maxim, Jane/Bryan, Karen/Thompson, Ian (1994), Language of the Elderly. A Clinical Perspective. San
Diego (CA), Singular.
Misiti, Maura/Carbone, Simona (2002), Elderly or Old, the Words to be Used, in : Annie Morin/Pascale
Sbillot (edd.), Actes JADT 2002 : 6. Journes Internationales dAnalyse statistique des Donnes
Textuelles, JADT.org (Lexicometrica), Universit Paris 3, 539547.
MMS = Folstein, Marshal F./Folstein, Susan E./McHugh, Paul R. (1975), Mini-Mental State . A
Practical Method for Grading the Cognitive State of Patients for the Clinician, Journal of Psychiatric Research 12, 189198.
Mller, Bodo (1975), Das Franzsische der Gegenwart. Varietten, Strukturen, Tendenzen. Heidelberg,
Winter.
Nuessel, Frank H. (1982), The Language of Ageism, The Gerontologist 22:3, 273276.
OHanlon, Laureen/Kemper, Susan/Wilcox, Kim A. (2005), Aging, Encoding, and Word Retrieval :
Distinguishing Phonological and Memory Processes, Experimental Aging Research 31, 149
171.
Pennebaker, James W./Stone, Lori D. (2003), Words of Wisdom : Language Use Over the Life Span,
Journal of Personality and Social Psychology 16:85, 291301.
Preti, Dino (1991), A linguagem dos idosos, So Paulo, Contexto.
333
Ramscar, Michael, et al. (2014), The Myth of Cognitive Decline : Non-Linear Dynamics of Lifelong
Learning, Topics in Cognitive Science 6, 542.
Rey-Debove, Josette (1978), Le Mtalangage. tude linguistique du discours sur le langage, Paris, Le
Robert.
Rousselot, Abb Pierre (1891), Les modifications phontiques du langage tudies dans le patois
dune famille de Cellefrouin (Charente), Paris, Welter.
Ryder, Norman (1965), The Cohort as a Concept in the Study of Social Change, American Journal of
Sociology 30, 843861.
Sachweh, Svenja (2003), so frau adams. guck mal. ein feines bac-spray. Gut ? Charakteristische
Merkmale der Kommunikation zwischen Pflegepersonal und BewohnerInnen in der Altenpflege,
in : Reinhard Fiehler/Caja Thimm (edd.), Sprache und Kommunikation im Alter, Radolfzell, Verlag
fr Gesprchsforschung, 143160.
Salthouse, Timothy A. (2009), When Does Age-related Cognitive Decline Begin ?, Neurobiology of
Aging 30, 507514.
Shafto, Meredith A., et al. (2007), On the Tip-of-the-Tongue : Neural Correlates of Increased Wordfinding Failures in Normal Aging, Journal of Cognitive Neuroscience 12:19, 20602070.
Sinner, Carsten (2013), Variettenlinguistik. Eine Einfhrung, Tbingen, Narr.
Ska, Bernadette / Goulet, Pierre (1989), Trouble de dnomination lors du vieillissement normal,
Langages 112127 :96, 112127.
Taddei Gheiler, Franca (2005), La lingua degli anziani, Locarno, Osservatorio linguistico della Svizzera
italiana.
Thimm, Caja (2002), Generationsspezifische Wortschtze, in : Alan D. Cruse et al. (edd.), Lexikologie.
Ein internationales Handbuch zur Natur und Struktur von Wrtern und Wortschtzen, Berlin/New
York, de Gruyter, 880888.
Tuckman, Jacob (1953), Attitudes Toward Old People, Journal of Social Psychology. Political, Racial and
Differential Psychology 37:2, 249260.
Veith, Werner H. (2002), Soziolinguistik : Ein Arbeitsbuch mit Kontrollfragen und Antworten. Tbingen,
Narr.
Verhaeghen, Paul (2003), Aging and Vocabulary Score : A Meta-analysis, Psychology and Aging 2:18,
332339.
Walter, Henriette (2001), Langue et gnrations, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian
Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik. Methodologie (Sprache in der Gesellschaft / Sprache und Klassifikation / Datensammlung und -verarbeitung). LRL I,2, Tbingen,
Niemeyer, 322331.
Williams, Angie/Harwood, Jake (2004), Intergenerational Communication : Intergroup, Accomodation,
and Family Perspectives, in : Jon F. Nussbaum/Justine Coupland (edd.), Handbook of Communication and Aging Research, Mahwah (NJ), Lawrence Erlbaum, 115137.
Zellner-Keller, Brigitte (2007), Comment est-ce quon dit ? . Vieillissement et manque de mot en
conversation, Nouveaux cahiers de linguistique franaise 28, 8797.
Zellner-Keller, Brigitte (2009), Aging, Interactions, and Affects : Motivations and Methodological
Issues, in : Sylvie Hancil (ed.), The Role of Prosody in Affective Speech, Bern, Lang, 139156.
Zimmermann, Klaus (1990), Franzsisch : Sprache und Generationen, in : Gnter Holtus/Michael
Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik. Franzsisch, LRL V,1,
Tbingen, Niemeyer, 238247.
Zraick, Richard I./Gregg, Brent A./Whitehouse, Emily L. (2006), Speech and Voice Characteristics of
Geriatric Speakers : A Review of the Literature and a Call for Research and Training, Journal of
Medical Speech-Language Pathology 3:14, 133142.
Elmar Schafroth
15 Sexe et genre
Abstract : Le prsent article, qui traite un sujet particulirement complexe, se situe
la croise de plusieurs domaines de la linguistique : morphologie, syntaxe, linguistique textuelle, histoire de la langue, typologie, sociolinguistique et politique linguistique. Comme le genre nest, tout dabord, quune catgorie linguistique, il sagit de
dcrire, dans un premier temps, sa raison dtre et son fonctionnement sur le plan
morphologique, syntaxique et textuel (laccord). Mais dans beaucoup de langues dont
le franais, le genre est aussi bas, au moins partiellement, sur le sexe biologique. De
cette relation, qui nest pas toujours congruente mais, au contraire, caractrise par
plusieurs types dasymtrie, rsultent diffrentes manires daborder cette thmatique
polyvalente qui seront prsentes ici, dont des synthses de la controverse autour de
la fminisation des titres, des thories de la linguistique fministe et des approches
fonctionnelles, universelles et typologiques.
335
Sexe et genre
Le genre est dabord une catgorie lexicale, inhrente au substantif, qui joue sur
laxe paradigmatique du systme linguistique, et il est, en mme temps, une catgorie
grammaticale qui rpartit les substantifs dune langue dans des classes diffrentes et
tablit laccord grammatical sur laxe syntagmatique entre un substantif (ou un nom
propre) et les membres de la phrase qui en dpendent (les aspects de laccord et de la
classification dterminent la catgorie du genre en mme temps, cf. Schwarze 2008,
285) :
Le genre est une proprit du nom, qui le communique, par le phnomne de laccord [], au
dterminant, ladjectif pithte ou attribut, parfois au participe pass, ainsi quau pronom
reprsentant le nom (Grevisse, 464).
En franais, comme dans les autres langues romanes sauf le roumain, il y a deux
genres, le masculin et le fminin. En allemand il y a, en plus, comme en latin, en
roumain ou dans les langues slaves, le genre neutre.
Dans les langues romanes, le neutre du latin a disparu par suite de syncrtisme
des formes et par analogie, les substantifs stant rpartis sur la classe des masculins
(VINUM > vin, GENUS > genre, FLUMEN > fleuve, COR > cur, CORNU > cor), et, dans des cas
moins nombreux, sur le fminin (MARE > mer, lat. class. FOLIUM , plur. FOLIA , puis, en
bas lat., plur. collectif FOLIA (sing.) > feuille, de mme PIRUM , plur. (collectif) PIRA >
poire, GAUDIUM , GAUDIA > joie, LABRUM , lat. pop. LABRA > lvre, VELUM > voile (lat. pop.
*VELA , plur. neutre pris pour un subst. fm. sing. de VELUM ), et lat. class. FLOS , FLORIS
(m), lat. pop. FLORE > fleur) (cf. Wolf/Hupka 1981, 91s. ; Rainer 2004, 1698s.)). Lintgration du neutre aux deux autres genres grammaticaux vaut aussi pour les adjectifs
et les pronoms (cf. Glegen 22012, 203).
Langlais na plus de genre pour les substantifs, mais il a conserv un petit reste
de trois genres sous forme de quelques pronoms (cf. chap. 6). Il existe des langues qui
nont pas de genre, comme le basque et les langues finno-ougriennes, et dautres,
surtout en Afrique, qui disposent de quatre ou mme cinq genres (cf. Corbett 2013a).
Mais il ny a pas de langue qui nait quun seul genre (cf. chap. 6).
Corbett (1991, 151, pass.) tablit une distinction entre controller gender, i. e. les
genres selon lesquels les substantifs sont distribus (masculin, fminin en franais), et
target genders, i. e. les genres que portent les lments pithtes (i. e. les dterminants et
les adjectifs pithtes), les adjectifs attributs, les verbes (en franais seulement sous
forme de participes), les pronoms personnels (sujet, objets, relatifs, interrogatifs, indfinis, dmonstratifs, possessifs), et, selon le type de langue, dautres parties du discours.
En franais, le substantif ne dispose pas de marquage morphologique systmatique du genre, comme en italien par exemple, o les morphmes -o et -a, refltent,
quelques exceptions prs,1 masculin et fminin (albero arbre, schiuma
1 En latin, la classe de substantifs en -a en principe ne reflte pas le genre fminin dune manire
directe, mme si la plupart en est fminine (p. ex. domina, mensa), mais elle est tout dabord caract
336
Elmar Schafroth
Le genre reste inexprim (iii) quand ladjectif est picne, cest--dire quand il ne
varie pas selon le genre, comme cest le cas pour ladjectif magnifique. Quant la
diffrence entre le code graphique et le code phonique, il faut souligner le marquage
absent dans la chane parle orale (ii) : [deos] et [debwas].
ristique dun certain type de dclinaison (ici, la dclinaison en -ae ou la premire dclinaison).
Noublions pas des lexmes comme poeta (pote) et nauta (matelot), qui sont masculins (poeta
mortuus, nauta bonus) (cf. aussi Booij 22007, 108).
2 Nous ne considrons pas ici larticle dfini contract ( + le = au, de + le = du), un autre phnomne
de marquage du genre (masculin) au moyen dun dterminant.
3 Chausson : ptisserie forme dun rond de pte feuillete repli et farci ou fourr (PR).
Sexe et genre
337
iv) quel stage ?, quelle plage ? (quels stages ?, quelles plages ?),
v) quel chausson !, quelle boisson ! (quels chaussons !, quelles boissons !),
vi) tout larme, toute larmoire (tous les armes, toutes les armoires) aucun/aucune seulement au
singulier (aucun stage, aucune plage), certains au pluriel (certains armes, certaines armoires).4
Tous les autres cas de marquage du genre qui se rfrent directement au substantif
ont trait aux suffixes de lexmes complexes (drivs), comme -eur/-euse, ien/-ienne,
qui expriment le sexe auquel ils se rfrent (vendeur /vendeuse , technicien
/technicienne ).
Delaite/Polgure (2013) distinguent deux types de paires lexicales bases sur le
sexe : les drivs, comme berger/bergre ou avocat/avocate, considrs comme quasisynonymes, et les paires qui relvent dune opposition contrastive relative au sexe,
comme mre/pre, talon/jument. Dans le cadre du Rseau Lexical du Franais (RLF),
une mise en uvre de la thorie Sens-Texte dIgor Meluk, les deux cas sont traits
comme des liens paradigmatiques, encods par deux fonctions lexicales diffrentes
(Synsex et Fem/Masc), la grande majorit (1560 liens) concernant les paires quasisynonymes, une minorit (120 liens) la relation le type mre/pre.
Quand il sagit de machines ou dappareils techniques comme aspirateur ou
moissonneuse-batteuse, il est vrai que les morphmes drivationnels renseignent sur
le genre (-eur est masculin, -euse est fminin), mais celui-ci est tout de mme arbitraire
(ou tout au plus bas sur le concept sous-jacent, cest--dire appareil ou machine)
et non pas motiv par une mtaphore quelconque du sexe (cf. les synonymes photocopieur, photocopieuse et machine photocopier, qui soulignent le caractre arbitraire
du genre des substantifs dsignant des rfrents inanims). Le fait que lave-vaisselle
soit masculin relve en outre du type de composition verbe-substantif (syntaxiquement prdicat-objet direct) dont les produits sont toujours masculins (porte-avions,
essuie-glace, pare-chocs, tourne-disque) un autre cas darbitraire donc.
Comme nous avons vu, la caractristique la plus importante du genre est laccord sur
laxe syntagmatique. Celui-ci peut tre effectu en franais par les lments pithtes
(les dterminants et les adjectifs pithtes), dcrits en chap. 1, mais aussi par dautres
cibles : les adjectifs attributs (La maison est grande), les participes (La dcision a t
338
Elmar Schafroth
prise), les pronoms personnels (sujet : La voiture elle ; objet direct : Je la vois, la
voiture ; objet indirect conjoint : Je lui ai donn un coup de balai ( ma chambre) ;
pronom indirect disjoint : Jai tlphon elle) ; les pronoms relatifs (La voiture de
laquelle jai parl), les pronoms interrogatifs (Laquelle des deux voitures est toute
neuve ?), les pronoms indfinis (Certaines de ces opinions sont bizarres), et les
pronoms dmonstratifs (Celle-ci est la plus belle photo), pronoms possessifs (Cette cl
nest pas la mienne).
(1) Sa nouvelle voiture sera livre avec beaucoup de retard. Elle a t commande il y a six mois
et nest toujours pas arrive !
Dans la phrase (1) le substantif voiture est identifi comme appartenant au genre
fminin ( la diffrence dautres noms dautomobiles comme autocar ou camion par
exemple, qui sont masculins). Linformation que le lexme voiture est fminin est
exprime encore six fois : par le pronom possessif sa, ladjectif pithte nouvelle, les
trois participes passs (livre, commande, arrive) et le pronom sujet elle. Dans la
chane parle, le genre est donc une catgorie qui, travers le principe de laccord
grammatical, est hautement redondante. Martinet, dans son article Genre et sexe,
paru en 1999, va mme jusqu mettre en doute lutilit informationnelle de la
catgorie genre en tant que telle et souligne le caractre contestable de la rgle de
laccord grammatical du genre :
La conclusion simpose que linformation quapporte aux usagers de la langue lexistence des
genres fminin et masculin est pratiquement inutile, alors quelle leur impose le maniement
constant de distinctions de faible valeur informative parce que les accords ne font que rpter les
distinctions dj exprimes ou venir immdiatement (Martinet 1999, 9).
Les prescriptions orthographiques relatives laccord des participes passs sont lexemple le
plus frappant des difficults que rencontrent les Franais dans la rdaction de la langue crite
(ibid.).
Sexe et genre
339
dsignant des rfrents inanims, comme sable et table, du point de vue pdagogique et conomique, est un grand effort, ou, pour reprendre les mots de Mathieu
(2007, 72), une contrainte formelle impose par lemploi du nom . Mais dautre
part, du point de vue de la rception, ces marques daccord reprsentent le seul
moyen dont les locuteurs (surtout les enfants) disposent pour apprendre le genre dun
substantif (Bessler 1999, 21) !
Les effets que peut avoir la distance entre une cible et le substantif ont t tudis
par Corbett (1991, 226ss.). Son modle dune hirarchie de laccord, ici modifi,
partiellement selon Bessler (1999, 15), nous montre quil y a des diffrences dans la
probabilit de la ralisation de laccord en fonction de la proximit de la cible avec le
substantif :
dterminant, adjectif pithte < verbe (participe pass),5 adjectif attribut < pronom relatif <
pronom personnel.
Cette hirarchie, originairement conue pour les langues slaves, peut tout de mme
tre applique au franais. Elle nous dit que, dans un cas de conflit entre genre et
sexe, plus on passe vers la droite, plus les cibles ont tendance manifester laccord
smantique (et non plus laccord grammatical). Corbett (1991, 227) donne comme
exemple Sa Majest fut inquite, et de nouveau il envoya La Varenne son ministre , o le substantif majest, de genre fminin, mais dsignant un homme, est repris
non par le pronom elle, grammaticalement correct, mais par il, exprimant ainsi
laccord smantique. Jai appliqu ce principe aux noms de mtiers et aux titres
(Schafroth 1998 ; 2003 ; 2004), dont la fminisation a depuis toujours pos des
problmes dus des rsistances plutt psychosociales que linguistiques mais qui
semblent rsolus principalement, semble-t-il, depuis la publication ministrielle,
Femme, jcris ton nom (Becquer et al. 1999). La difficult consistait dans la nonfminisation de quelques noms (masculins) dsignant des professions haute de
gamme comme professeur, directeur (dune entreprise), recteur, avocat, mdecin,
crivain et dautres. Non seulement dans la littrature, les mdias, les manuels
scolaires, les grammaires et les dictionnaires, mais aussi dans lusage des femmes
concernes elles-mmes, on trouvait la forme masculine. Des phrases comme (4)
taient tout fait normales encore dans les annes 1990 :6
5 En franais, le participe pass est la seule forme verbale qui peut disposer dune marque de genre. Il
faut aussi prciser que le participe pass peut bien sr apparatre aprs ladjectif (comme en 5) et mme
aprs le pronom relatif.
6 Dans la deuxime dcennie du XXIe sicle, mme un quotidien conservateur comme Le Figaro utilise
les nouvelles fminisations professeure, auteure et crivaine (pour ne pas parler du Monde et de la
Libration, qui pratiquent cet usage depuis plus longtemps dj). Mail il faut ajouter quencore en 2014
le contexte dans lequel apparaissent ces formes nouvelles est souvent li des femmes trangres alors
que pour les femmes franaises lusage du masculin se maintient encore plus souvent, et ceci dans tous
les trois quotidiens mentionns. Jai appel cela caractre de citation dune fminisation innovatrice
340
Elmar Schafroth
Ici, la hirarchie de laccord nest pas pertinente parce que le point de rfrence
nominal a t identifi en tant que femme, de manire que les autres cibles, professeur
et chef, deux appositions, peuvent violer la correspondance entre sexe et genre sans
causer des dommages communicatifs importants. Dans (5) pourtant, une phrase
clbre prononce par lancien Premier ministre Jacques Chirac le 6 mai 1988 lors du
retour de Dominique Prieur, agente secrte (forme fminine selon Becquer et al. 1999)
et capitaine de marine, il y a un conflit direct entre sexe et genre :7
(5) Le capitaine Prieur est actuellement enceinte et laccord prvoyait que, dans ces circonstances, elle pouvait tre rapatrie Paris (cit daprs Gervais 1993, 137 ; cf. Schafroth 2004, 342).
Un autre exemple, donn par Grevisse (438) corrobore la rgle tablie par Corbett :
(6) George Sand a lair trs simple, toute naturelle, mais elle est complexe, elle est mme
mystrieuse (P. Clarac, dans la Revue dhist. litt. de la Fr., juillet-aot 1976, p. 531).
ou inusite (Schafroth 1998 ; 2001). Cf. la rfrence Valrie Trierweiler dans la Libration du
11 septembre 2014 (cf. URL-Lib) : Cest un autoportrait pathtique de lauteur du livre par elle-mme
folle amoureuse, insupportable qui pleure, avale des cachets [] (cest moi qui mets en gras).
7 Des attestations semblables se trouvent dans Khaznadar (2002, 179ss.).
Sexe et genre
341
Dans ces cas-l il y a peu de redondance en franais quant au genre, mme au niveau
graphique, compar litalien (11 et 12) :
la diffrence de litalien, de lespagnol ou du portugais, pour ne citer que quelquesunes des langues nolatines disposant dune morphologie flexionnelle de genre, en
franais il ny a pas de dsinence morpho-phonologique prototypiquement masculine, comme le -o dans les trois langues romanes mentionnes, qui est le morphme
par excellence pour dsigner le masculin (abstraction faite de cas comme it./esp./
port. poeta, hritage direct du latin). Dautre part, il y a au moins des corrlations
entre la dsinence phonique /-o/ et le genre masculin en franais, la graphie reprsentant au moins neuf cas divers :
/-o/ : <-au>, <-aud>, <-ault>, <-aut>, <-eau>, <-eot>, <-o>, <-ot>, <-t>
Ces graphies sont reprsentes p. ex. dans noyau, cabillaud, meursault, artichaut,
anneau, cageot, cargo, abricot, impt. Mais il y a plusieurs exceptions, vrifies sur la
base de la nomenclature du PR, o les noms ou units lexicales sont fminins bien
quil finissent en /-o/ : les lexmes chaux, eau, faux, guyot (poire), libido, peau,
plusieurs douzaines dabrviations (souvent familires) comme biblio, chimio, mayo,
mto, moto, et des acronymes comme C.A.O. (conception assiste par ordinateur) ou
P.A.O. (publication assiste par ordinateur). Il existe mme des noms en /-o/ dsignant
un tre de sexe fminin :
Dans dautres cas, surtout chez les adjectifs, cest la consonne finale qui fait la
diffrence loral entre masculin et fminin, p. ex. masc. plat [pla] vs. fm. plate
[plat], masc. gros [gro] vs. fm. grosse [gros]. En raison de la marque perceptible du
fminin, certains linguistes, surtout gnrativistes, considrent la forme fminine
comme base et en drivent le masculin en supprimant la consonne finale. Cf. la
critique de cette approche par Rainer (2004, 1700) qui signale, en tant quobjection
une telle approche, la sonorisation de la consonne finale dans la forme fminine
(masc. fautif [fotif] vs. fm. fautive [fotiv]) et le fait que la consonne finale se ralise
aussi devant un substantif masculin quand il y a liaison : un petiT enfant.
342
Elmar Schafroth
a) lusage dun masculin (gnrique) par rapport une femme cest le cas de nonfminisation de quelques noms de mtier mentionn prcdemment. Lintervention
ministrielle lance en vue de diffuser largement lemploi de nouvelles formes fminines, inusites et fortement susceptible de ntre pas accueillies avec enthousiasme par
la population, sest dabord effectue dans le secteur public et, aprs quelque rserve,
aussi dans les mdias, surtout dans les quotidiens libraux ou de gauche. La consquence en est une coexistence de formes comme auteur et auteure dans un mme
journal, lusage dauteur ne signifiant pourtant pas automatiquement que le genre
masculin tait intentionnel : Lemploi picne est expressment tolr (cf. Becquer
et al. 1999), cest--dire Elle est auteur ou Madame X, auteur de Y sont des cas accepts.
Selon une analyse effectue par Schafroth (2013, 106), sur 60 lemmes, connus
pour avoir toujours pos des problmes de fminisation, le Petit Robert a rduit la
marque n.m. (i. e. pas de forme fminine) de 44 23 cas entre 1981 et 2008, et
augment la fminisation par suffixation (chercheuse) de 15 27 cas, lusage picne
(le/la ministre) de 1 10 cas. Le Petit Larousse illustr, entre 1988 et 2007, a registr en
2008 15 noms exclusivement masculins (par rapport 41 en 1998), 36 fminisations
par suffixation (18) et 9 picnes (1).
Un autre type de coexistence est celle entre fminisation dun nom de mtier
(p. ex. historienne) et la persistance du masculin (professeur) dans une mme phrase
(Schafroth 2013, 107). Lusage de la construction de compromis femme professeur,
femme mdecin, critiqu par les fministes, est devenu beaucoup plus rare et est li
des conditions dinformations textuelles particulires (cf. Schafroth 1998).
Le cas du dput UMP Julien Aubert, qui, le 7 octobre 2014, lAssemble
nationale, a interpell, plusieurs reprises, la prsidente de la sance, Sandrine
Mazetier, en dbutant son propos par Madame le prsident et non pas Madame
la prsidente , est significatif (cf. URL-An1). La vhmence avec laquelle la prsidente a insist sur le titre correct alors que le dput se dfendait dappliquer
seulement les rgles de lAcadmie franaise, et le fait que le dput ait t sanctionn
par le retrait du quart de son indemnit parlementaire pendant un mois, tmoignent
dun changement de conscience dans la socit franaise, outre lexistence dune
disposition officielle dans lInstruction gnrale du bureau de lAssemble nationale
qui exige cet usage : Les fonctions exerces au sein de lAssemble sont mentionnes avec la marque du genre command par la personne concerne (Art 19, cf.
URL-An2). Mais lexemple montre aussi quil y a encore de la rsistance : Le politicien
dun parti de droite se dfend en accusant la gauche d idologiser la langue, quil
appelle novlangue (cf. URL-An3).
343
Sexe et genre
b) des lexmes dont le genre reprsente le sexe oppos ce que le genre laisse
supposer ou dont le genre ne reprsente que partiellement le sexe reflt par le genre.
Il sagit de lexmes comme sentinelle, estafette ( Anciennement courrier charg
dune dpche , PR), vigie, ordonnance, recrue, tous les quatre ayant une connotation neutre. En plus, il y a les titres de respect, Sa Saintet (en sadressant au pape ou
en parlant de lui) et Son minence (pour les cardinaux).
Une valeur nettement ngative ou mme une connotation pjorative fait pourtant
partie du sens des mots suivants, tous caractriss par une anomalie dans la relation
entre genre et sexe (sources : PR, TLFi, Grevisse, 486, 487) :8
genre fminin : lope (arg. homosexuel effmin), lopette (fam. et pj. homme
lche et veule), femmelette (fam. homme faible, sans nergie), frappe (arg. ou pop.
jeune voyou), gouape (pop. mauvais sujet, voyou), tapette tante tantouze (fam.
et vulg. homosexuel effmin (PR)), souillon (fam. vieilli homme malpropre, peu
soign).
Le substantif souillon, qui na jamais eu une forme fminine (*souillonne), tait picne autrefois
(le/la souillon) et dsignait une femme malpropre, peu soigne dans sa mise et dans sa personne, une femme de mauvaise vie, prostitue de bas tage, aujourdhui Mod. servante
malpropre, sale (PR).
8 Ce que nous ne pouvons pas traiter ici, cest lusage de lexmes dsignant les parties gnitales pour
se rfrer un homme ou une femme. Fourment-Aptekman (2001) fait remarquer que [l]e sexe
fminin, mtonymie de la femme, constitue linjure de base (con) qui sadresse aux hommes [].
Adresse une femme, cette injure se redouble dune fminisation grammaticale qui semble plutt
laffaiblir. Les injures les plus usites aujourdhui sont celles qui mettent lhomme dans une position
sexuellement fminine (encul ou pd) et qui ne diffrent donc pas fondamentalement de linjure de
base (ibid., 155). Cf. aussi lusage du mot pussy en allemand (surtout des jeunes) pour dsigner un
homme ou un garon effmin ou craintif. En italien, par contre, un homme naf et crdule peut tre
appel minchione (qui est une expression vulgaire pour le membre viril).
9 Entretemps on trouve aussi la forme laideronne ; une laideron a exist aussi (cf. PR, Grevisse, 486).
344
Elmar Schafroth
Dune certaine faon, le Guide daide la fminisation (Becquer et al. 1999) aide
supprimer quelques-unes de ces anomalies genre-sexe : coryphe, factotum, modle et
tmoin sont dclars picnes (un/une coryphe etc.), le mannequin dsigne un
homme, la mannequin ou la mannequine une femme.
Un cas particulier concerne les doublets fonctionnels , cest--dire la coexistence des formes masculine et fminine dun nom de mtier : Ils sont pertinents au
niveau des noms de mtier (c) (cf. Schafroth 1998, 188195) et au niveau des insultes (d).
(c) En ce qui concerne des paires lexicales comme ambassadeur/ambassadrice, directeur/directrice, secrtaire (m/f), le masculin dsigne toujours une profession de haut
prestige alors que le fminin est utilis souvent en tant que mtaphore (p. ex. les
ambassadrices de la mode franaise,) ou pour faire rfrence des professions ou
activits moins prestigieuses ou typiquement fminines (p. ex. inspectrice dpartementale la jeunesse et aux sports). Le cas de matre/matresse est particulier cause
de la signification pjorative toujours en usage, ce qui a deux consquences : Si lon
utilise matresse il est important dajouter, si le contexte ne suffit pas pour dsambiguser, un complment du nom (matresse de maison, dcole, de piano, de ballet,
auxiliaire sauf dans le contexte universitaire : la matre de recherches, de confrences, assistante), dans les cas o matre est un titre du domaine juridique, le Petit
Robert ne donne pas de forme fminine.
345
Sexe et genre
(femme qui dpense trop), ou moienor (arbitre, mdiateur) et moieneresse (entremetteuse) (Schafroth 2001, 131). Dautres doublets refltent la pjoration des femmes :
le masculin est neutre ou positif, le fminin dprciatif ou offensif. Il suffit de rappeler
des exemples comme allumeur/allumeuse, courtisan/courtisane, entraneur/entraneuse, gars/garce, salaud/salope, sauteur/sauteuse, mme si quelques-unes de ces
formes (masculines et fminines) sont marques vieillies par le Petit Robert (cf. aussi
Yaguello 1978 ; 1989 ; 2014 ; Baider 2004).
La tradition grammaticale, qui correspond un certain sentiment des usagers, estime choquant
pour loreille que le nom fminin soit dans le voisinage immdiat de ladjectif. En ralit, cela ne
ressortit pas seulement loreille (cette exigence est dailleurs exprime propos de textes qui ne
12 En italien, par exemple, cet usage stend aux substantifs : un groupe form par un garon et une
ou mme vingt jeunes filles on sadresse par la forme ragazzi.
13 Moreau (1991, 10) signale quau Moyen ge il y avait souvent des paires grammaticales du type
iceux et icelles, cils et celes, maint et maintes, tuit et toutes, ceci par analogie avec les noms de mtier,
dont les deux genres taient souvent juxtaposs.
346
Elmar Schafroth
sont pas destins la lecture voix haute) ; cela correspond la tendance trs ancienne selon
laquelle les mots saccordent avec llment le plus proche [] (Grevisse, 338).
Les grammaires franaises, tout au long de leur longue histoire, ont connu trois
variantes pour rgler des phrases comme (13) et (14) :
A) Cest toujours le masculin qui lemporte (un tact et une dlicatesse parfaits)
B) Laccord en genre et nombre seffectue avec le substantif qui prcde immdiatement (un tact et une dlicatesse parfaite)
C) Laccord en genre se fait avec le substantif qui prcde tout en considrant le
pluriel (un tact et une dlicatesse parfaites).
Le problme na pas t rsolu ce jour, mais la variante A est celle qui est enseigne
dans les coles et les grammaires traditionnelles.14 Il va de soi que de nos jours,
compte tenu surtout des modifications de la langue que les mouvements fministes
ont engendres, un tel usage qui favorise de manire gnrale le masculin est hautement problmatique. Des constructions alternatives en sont souvent la consquence.
i) parmi les 257 langues analyses, 145 ne possdent pas de genre (en Europe, entre
autres, le basque, le hongrois et le finnois), 50 langues ont deux genres (p. ex. le
franais, larabe, le haoussa, le cri), 26 disposent de trois genres (dont lallemand,
langlais, le russe, le grec moderne, le tamoul), 12 de quatre (dont le zand en Afrique
centrale ou le pirah en Amazonie), et 25 de cinq ou mme plus genres (comme, p. ex.,
le peul, le congolais, le zoulou en Afrique, ou le mixtec au Mexique). Parmi les
langues quatre genres il y a le bourouchaski, parl au Pakistan, o les substantifs se
rpartissent aux genres suivants (cf. Berger 1998, 33) : tres humains masculins,
tres humains fminins, animaux et une partie des objets inanims, noms abstraits, liquides et les autres objets inanims ;
14 Brunot (31936, 648) rappelle que la servitude grammaticale est une pure convention qui fait
prfrer le masculin au fminin .
347
Sexe et genre
ii) alors que 145 langues sur 257 nont pas de genre 85 ont un genre bas sur le sexe
(p. ex. le francais, langlais, lallemand, le letton, le russe), et 28 ont un genre qui nest
pas bas sur le sexe (p. ex. le congolais, le swahili, le cri) ;
348
Elmar Schafroth
The defining characteristic of gender is agreement : a language has a gender system only if we
find different agreements ultimately dependent on nouns of different types. In other words, there
must be evidence for gender outside the nouns themselves .
Il nest donc pas suffisant quune langue ait des paires lexicales bases sur le sexe
pour tre considre une langue genre. Ce qui est dcisif, cest lvidence syntaxique, celle de laccord. En kanouri (au Nigeria), il y a des contrastes lexicaux comme
td garon, fils et fro (jeune) fille, mais il ny a pas de genre parce quil ny pas
daccord. Langlais, par contre, est une langue genre grammatical15 mme sil na
pas de substantifs porteurs de genre (morphologiquement simples, abstraction faite
donc de cas comme waiter et waitress), et mme si le microsystme pronominal (he/
his/him/himself, she/her/herself, it/its/itself) nest quun petit reste dun ancien systme flexionnel genre (do le terme pronominal gender system). En plus, les
pronoms he et she (avec leurs formes flchies) sont directement lis au sexe alors que
le pronom it ne reprsente pas, comment on pourrait penser, le neutre, mais se rfre
aux rfrents inanims, sans considrer les personnifications fminines (entretemps
vieillissantes) pour des navires, voitures ou pays. Les pronoms who et which, eux
aussi, sont smantiquement motivs, mais ils refltent lopposition entre les traits
humain VS . non humain (les objets inanims y inclus).
Dans une langue sans genre (cf. aussi Trudgill 1999, 139s.) comme lestonien, il
ny a, premire vue, pas de possibilits grammaticales immdiates de distinguer, par
les dterminants possessifs, le genre du possesseur (laccord en genre est mis en
caractres gras) :16
(15)
Mu
Ma
My
de ms
sur a vendu
sister sold
(16)
Mu vend ms
Mon frre a vendu
My
brother
sold
oma
sa
her
auto
voiture
car
oma
sa
his
auto
voiture
car
(15) et (16) sont identiques en estonien en ce qui concerne lidentification du possesseur par rapport la chose possde. Cest donc le contexte situationnel qui dsambiguse ces relations comme en franais dailleurs o le dterminant possessif, comme
nous avons vu au chap. 1, saccorde avec la chose possde et non pas avec le
possesseur, la diffrence de langlais ou de lallemand. Langlais est, si lon veut,
plutt une langue genre fonctionnelle dans (15) et (16) que le franais.
15 English [] has a gender system based on semantic criteria. It is [] a pronominal gender system,
since gender is reflected only in personal, possessive and reflexive pronouns (Corbett 1991, 12).
16 Les exemples ont t relevs auprs de collgues estoniens lors dun sjour luniversit de Tartu
en septembre 2014.
Sexe et genre
349
Une langue sans genre, ici toujours lestonien, est nanmoins capable de mettre
en jeu le sexe quand il sagit de clarifier des relations importantes comme celles de la
possession dune voiture :
(17)
Mu
Ma
My
de
sur
sister
(18)
Mu vend
Mon frre
My
brother
ms
oma
a vendu sa
sold
his
poja
auto
(poja = son fils)
voiture (sa = la voiture de son fils)
car
(= her sons car)
ms
oma
a vendu sa
sold
her
ttre
auto
(ttre = sa fille)
voiture (sa = la voiture de sa fille)
car
(= his daughters car)
Quand la complexit des relations logiques entre des personnes augmente, comme
dans (17) et (18), une langue comme lestonien, qui ne dispose pas de genre grammatical, est tout de mme capable (morphologiquement) pas moins bien dailleurs que
le franais17 dexprimer les rapports de proprit.
Les caractristiques de systmes genre sont rsumes dans Aikhenvald (2004,
1031s.) : i) Le nombre de genres est limit ; ii) chaque nom appartient un genre (ou,
parfois, plus dun genre) ; iii) il y a toujours quelque base smantique, dans les
systmes genre, mais les langues diffrent selon le degr de smanticit, qui,
gnralement, exprime les traits [anim], [humain], [sexe], et parfois aussi [forme] et
[dimensions] ; iv) quelques constituants en dehors du substantif doivent saccorder
avec celui-ci selon le genre.
Citons dabord Trudgill (1999, 138) qui met en vidence une diffrence fondamentale
entre genre et sexe :
It is much less surprising that human languages have gender distinctions for human beings
than that they have grammatical gender, since the distinction between male and female is the
most fundamental one there is between human beings .
Lorigine du genre semble un mystre. Il y a plusieurs thories dont deux sont les plus
frquentes. Il y a dabord la thorie sexe-genre, soutenue par un des grands reprsentants de la linguistique historico-comparative, le germaniste Jacob Grimm. Sinscrivant dans la tradition de Humboldt, qui sattaqua au problme de la relation entre la
langue et la pense (Glegen 22012, 463), cette thorie, pas exempte dun certain
17 Il va sans dire quen franais il y a des stratgies analogues celles de lestonien pour dsambiguser les relations. Dans Ma sur a vendu sa voiture il y a bien sr toujours la possibilit, par le cotexte et/
ou le contexte, dclaircir qui appartient la voiture en fin de compte.
350
Elmar Schafroth
Il existe des cas dans lesquels nous arrivons apercevoir consciemment ce symbolisme
mtaphorique. Un moteur communique la puissance et laction toutes les machines sans force
propre qui lui obissent ; ces machines, la balayeuse, la perceuse, la moissonneuse, etc. ne
peuvent rien sans lui (Damourette/Pichon 19111927, 380).
Les noms fminins de toutes les machines-outils sont particulirement suggestifs. On dirait
quils ont pour prototype la pondeuse, cest--dire la poule, tre minemment fminin, dont la
fcondit foncire se manifeste par un acte indfiniment rpt (ibid.).
18 Das grammatische genus ist demnach eine in der phantasie der menschlichen sprache entsprungene ausdehnung des natrlichen auf alle und jede gegenstnde (343). (Il en ressort que le genre
grammatical est une expansion du naturel, sortie de limagination du langage humain, qui affecte tous
et tous les objets). Cf. aussi les rflexions grimmiennes sur les deux substantifs mer et mre, homophones et tous les deux fminins, chez Bachelard (1942). ce propos cf. aussi Fourment-Aptekman (2001).
19 Bral (1889) contredisait cette thorie en allguant le cas du neutre qui rpartissait les substantifs
[] selon un axe anim/inanim. Selon Bral, cette opposition tmoignait des croyances animistes des
anciens peuples indo-europens (Mathieu 2007, 58).
351
Sexe et genre
Or les hommes [] ont jug propos de varier les mesmes noms adjectifs, y donnant
diuerses terminaisons, lors quils appliquoient aux hommes, & lors quils sappliquoient aux
femmes, comme en disant, bonus vir, vn bon homme, bona mulier, vne bonne femme. Et cest
ce quils ont appell genre masculin & feminin. [] Do il est arriu que par rapport aux
hommes & aux femmes, ils ont distingu tous les autres noms substantif en masculins &
feminins (ibid., 39s.).
La distinction des sexes semble avoir occasionn celle des genres pris dans ce sens, puisquon a
distingu le genre masculin & le genre fminin, & que ce sont les deux seuls membres de cette
distribution dans presque toutes les langues qui en ont fait usage (Beauze 1757, 589).
Mais il a ses doutes : si le sexe tait la base du genre, tous les animaux devraient avoir
soit le genre masculin (pour les mles) soit le genre fminin (pour les femelles), ce qui
nest pas le cas. Et les choses, de manire consquente, ne devraient mme pas avoir
de genre, ou elles devraient avoir le genre neutre, qui nexiste plus en franais (ibid.,
590). Finalement il conclut :
Mais il ne faut pas simaginer que la distinction des sexes ait t le motif de cette distribution
des noms ; elle nen a t tout au plus que le modele & la regle jusqu un certain point ; la
preuve en est sensible (ibid.).
352
Elmar Schafroth
vue synchronique, Brugmann na donc plus entirement raison, et la thorie sexegenre se manifeste encore aujourdhui : dans le folklore, dans la littrature enfantine,
dans les Beaux Arts, dans la posie et mme en linguistique (cf. Yaguello 1989 ; 2014).
Lanthropomorphisme et lanimisme de quelques objets sexuables sont donc loin
dtre morts
Le genre des noms inanims nest pas dtermin par le sens de ces noms :
Le mur, la muraille. Le ruisseau, la rivire, le fleuve. La mer, locan.
Comp. aussi le soleil, la lune lallemand die Sonne (fm.), der Mond (masc.).
Le genre des noms inanims na pas non plus de rapport constant avec la forme de ces noms.
Il est donc impossible de donner des rgles rigoureuses ce sujet. [].
Le genre des noms inanims est d leur origine et aux diverses influences quils ont subies.
Beaucoup de noms ont chang de genre au cours de lhistoire (Grevisse, 468).
La locution discuter du sexe des anges, qui signifie se livrer des discussions
byzantines, oiseuses (Petit Robert 2014), rvle un premier cas dasymtrie entre
genre et sexe en franais : genre masculin, sexe douteux. En gnral, si lon laisse
part les injures (cf. chap. 4), il y a pourtant correspondance entre langue et ralit
extra-linguistique : le genre masculin dsigne un homme ou un mle, le genre fminin
une femme ou une femelle. Les incongruits entre genre et sexe sexpliquent par deux
procdures : des questions purement linguistiques, relevant demprunts (sentinelle et
estafette sont dorigine italienne, le mot vigie a t emprunt au portugais, tous les
deux dsignant des hommes) ou de procdures smantiques telles que la mtonymie,
comme dans le cas des mots ordonnance (Anciennement domestique militaire) et
recrue (en 1550 encore ensemble des soldats qui viennent complter un corps de
troupes, plus tard, en 1800, nouveau soldat, cf. TLFi).
Le genre grammatical a-t-il donc un lien essentiel avec le sexe ? Cette question a
longtemps t discute et a entran une srie dopinions controverses.
Ce nest que pour une partie des noms anims [] quil y a un lien entre le genre et le sexe de
ltre dsign ; cest ce que certains appellent le genre naturel (Grevisse, 467).
Bien que le genre grammatical soit fondamentalement arbitraire, mis part les cas
des genres sexus, il semble exister des corrlations entre forme et genre qui
permettent une certaine prvisibilit partir de la structure morphologique (a) ou
phonologique (b) des dsinences des mots (cf. Surridge 1986 ; 1993 ; Corbett 1991, 57
61 ; Mller 1995, 3s. ; Lyster 2006 ; Prvost 2009, 237s. ; Jeanmaire 2014). Quelquesunes de ces rgles seront prsentes dans ce qui suit :
(a) corrlations entre morphmes et genre, analyses selon leur type de formation de
mots :
Sexe et genre
353
Les nominalisations dverbales en -tion (p. ex. cohabitation, pilation) sont toutes
fminines, celles en -age (p. ex. accrochage, compactage)20 et en -ment (p. ex. croulement, glissement) masculins. Des mots composs du type V-N sont tous masculins
(p. ex. un brise-glace, un essuie-main(s), un tire-fesses, fam. tlski, remonte-pente).
Les drivs en isme sont tous masculins ;
Une recherche par critres dans le Petit Robert confirme ces corrlations, sauf pour
le cas de /tj/ o il y a au moins les contre-exemples antrustion, bastion, carbocation,
castion, qui sont masculins.
On peut en plus se demander sil ny a pas de rgularits smantiques. En
allemand, par exemple, tous les types de vent (Wind, Orkan, Sturm, Tornado) sont
masculins, de mme toutes les boissons alcoolises sauf la bire. En danois et sudois
standard, quelques liquides peuvent alterner entre le genre neutre (pour dsigner la
substance elle-mme) et le genre commun (par rapport une quantit dun liquide),
p. ex. sud. kaff-et du caf vs. en kaffe un caf (cf. Koptjevskaja-Tamm 2004, 1070).
Pour le franais, on pourrait donner comme exemple les dnominations des mtaux
(argent, chrome, cuivre, or, platine, plomb, zinc etc.), cest--dire lappartenance de ces
lexmes au groupe des mtaux peut tre considr comme critre pour pouvoir les
attribuer au genre masculin (cf. Kpcke 1982, 13 ; Surridge 1989 ; 1993 ; Schwarze
2008, 140ss. ; Jeanmaire 2014).21
20 Il faut pourtant tenir compte du fait que les substantifs dont la suite de phonmes [a] fait partie du
radical sont souvent fminins : cage, nage, page1, rage, plage, mais stage ou mage, page2, qui sont
masculins (les deux derniers pourtant constituant des lexmes sexus).
21 Une combinaison entre smantique et morphologie est le suffixe -ier qui dsigne arbre qui porte le
fruit dsign par le radical dans les noms comme poirier, abricotier, cerisier, prunier, cognassier
(< coing), etc. Ces substantifs sont tous masculins.
354
Elmar Schafroth
Psychol. and Sociol. (orig. U.S.). The state of being male or female as expressed by social or
cultural distinctions and differences, rather than biological ones ; the collective attributes or
traits associated with a particular sex, or determined as a result of ones sex. Also : a (male or
female) group characterized in this way (OED online).
In the 20th cent., as sex came increasingly to mean sexual intercourse [], gender began to
replace it (in early use euphemistically) as the usual word for the biological grouping of males
and females (OED online).24
22 Cf. aussi Laceur (1990), qui dans son livre Making Sex, veut montrer, par lvidence historique,
that almost everything one wants to say about sex however sex is understood already has in it a
claim about gender. Sex [] is explicable only within the context of battles over gender and power
(ibid., 11).
23 Offen (2006) montre que les contenus de ce que dsigne le terme gender sont dj reprables dans
lhistoire franaise. Parfois pourtant elle va trop loin dans son interprtation : Je doute que dans
larticle genre de lEncyclopdie (Beauze 1757, cf. chap. 7) lauteur associe le mot genre avec les traits
sexuels et leurs constructions sociales (Offen 2006, 4).
24 La premire attestation de gender au sens de sex remonte 1474 ( His heyres of the masculine
gender of his body lawfully begotten , OED online, s. v. gender 3a).
355
Sexe et genre
Lide dun social gender est pourtant connue en France depuis Simone de Beauvoir et
son uvre Lautre sexe (1949, 13), dans lequel nous trouvons la citation devenue
fameuse On ne nat pas femme : on le devient , mais ce nest qu travers le livre
dAnn Oakley, Sex, Gender and Society (1972), quun nouveau concept est n :
Sex is a word that refers to the biological differences between male and female : the visible
differences in genitalia, the related difference in procreative function. Gender , however, is a
matter of culture : it refers to the social classification into masculine and feminine (Oakley
1972, 16).
lexception de quelques-unes [], les universitaires franaises ont longtemps rsist lusage
du mot genre , prfrant parler de masculin/fminin , de diffrence sexuelle ou de rapports sociaux de sexe (Offen 2006, 2).
Sous linfluence de langlais gender, qui peut dsigner le sexe auquel appartient une personne
ou renvoyer la condition fminine et aux disparits entre les sexes, le mot genre est parfois
utilis tort comme synonyme de sexe ou de catgorie sexuelle. On vitera ces anglicismes
smantiques en ayant recours des expressions franaises plus explicites (OQLF, Banque de
dpannage linguistique, s. v. genre).
25 propos de lusage du terme genre cf. Hof (1995) ; Thbaud (2004 ; 2006) ; Bereni et al. (2008).
Elmiger (2008, 47) traduit gender par genre socioculturel, qui se rapporte la dichotomie socialement impose en rles et traits de caractre masculins et fminins .
26 Il est significatif que la Socit dtudes Canadiennes, une association allemande (Gesellschaft fr
Kanada-Studien), ait traduit le nom de la section Women and Gender Studies en franais comme tudes
sur les femmes et le genre (en allemand Frauen- und Geschlechterstudien).
27 Cf. aussi la polmique, dbut 2014, propos de lenseignement lcole lmentaire de la thorie
du genre qui refuserait de considrer quil existe une diffrence entre les sexes. Il ne sagit pourtant
pas dun terme officiel, ce sont surtout des mouvements conservateurs ou traditionalistes qui lont
utilis.
356
Elmar Schafroth
357
Sexe et genre
Outre lutilisation de termes professionnels au fminin, les partisans de la fminisation recommandent de ne plus utiliser dsormais que le titre Madame pour dsigner une femme ou
sadresser elle (Dister/Moreau 2009, 19).
358
Elmar Schafroth
10 Perspectives et desiderata
Parmi les domaines de recherches linguistiques dignes dtre approfondis lavenir
en ce qui concerne ltude du genre, on pourrait faire rfrence trois. Le premier est
la linguistique variationnelle, qui, encore trop souvent, manque dtudes plurilatrales en vue denglober, dans une perspective plus large et comparative, plusieurs types
de varits linguistiques. La Base de donnes lexicographiques panfrancophone (Poirier 2004), des recueils comme Le francais en Amrique du Nord (Valdman/Auger/
Piston-Hatlen 2005), ou le projet de recherche Grammaire compare du franais
acadien et louisianais, dirig par Ingrid Neumann-Holzschuh (cf. Neumann-Holzschuh/Brasseur/Wiesmath 2005), sont des exceptions mritoires. Il serait sans aucun
doute enrichissant de comparer les varits diatopiques (surtout celles appeles
marginales comme le franais acadien ou le franais louisianais), les varits
diaphasiques et diastratiques du franais et les croles franais par rapport la valeur
et lvolution de la catgorie genre (dont lrosion, exprime p. ex. par la tendance
linvariabilit de certaines formes grammaticales). Les questions suivantes se
posent : y a-t-il des corrlations relatives au marquage du genre entre les varits qui
subissent des procs centrifuges et entre celles qui sont lobjet de procs centriptes
(tous les deux par rapport au franais standard) ? Est-ce que lattrition (par acquisition incomplte des normes [] dans un contexte dtiolement linguistique , Rottet
2005, 250), constatable p. ex. dans le franais louisianais, engendre des phnomnes
drosion du genre comparables ceux dautres varits franaises nord-amricaines
non standardises ou au franais populaire de France ou aux croles franais
(quelque diffrents quils soient) ? Est-ce que, dautre part, le genre dans le cas des
procs centriptes (normalisation linguistique et dcrolisation) est restitu de
manire semblable (cf. Neumann-Holzschuh 2006) ?28
Le deuxime domaine de recherche approfondir est celui de lapprentissage du
genre dans le contexte de langue trangre. Quil sagisse dapprenants jeunes ou
adultes, le fait quils ne possdent aucun des automatismes de la langue maternelle
gnre, durant lexpression orale ou crite dans la langue cible, linvitable orientation vers les structures de la langue source. Nous savons tous combien les locuteurs
natifs peuvent tre impitoyables quand un locuteur, bien quil matrise bien une
langue trangre, fait une faute de genre dans cette langue ! Un erreur au lieu dune
erreur par exemple. La didactique de lenseignement des langues trangres ne
dispose pas encore, ni pour le franais ni pour lallemand, dun catalogue de descriptions contrastives qui comprenne les rgularits phonologiques, morphologiques
et smantiques par rapport lattribution du genre (cf. chap. 8), sans parler de
28 Cf. Chaudenson (1974, 350), par rapport la disparition de certaines marques morphologiques du
genre (et du nombre) en crole runionnais : Si lon prend comme base de rfrence le franais parl,
la distance est-elle si grande entre la situation du franais et celle du crole ? .
359
Sexe et genre
logiciels propres lapprentissage du genre dans une langue trangre. Tandis que
nous disposons de quelques tudes nes dans le cadre de recherche sur lacquisition
des langues L1 (dont le franais) ou dans le contexte du bilinguisme (surtout allemand/franais et anglais/franais), qui traitent aussi le genre (cf. Clark 1985 ; Mller
2000 ; Prvost 2009), je nai pas connaissance de travaux de recherche fondamentale
sur lapprentissage du genre dans le contexte du franais L2.
Enfin, il serait souhaitable davoir beaucoup plus de rsultats danalyses relatives
aux diffrences dusage linguistique entre les sexes.29 Ici, beaucoup de linguistes (et
non seulement eux) rptent les mmes clichs, peu fiables et pas suffisamment
prouvs de manire empirique. Tant que les tudes sur les diffrences linguistiques
relatives au sexe ne distinguent pas nettement entre les dterminants sexe et pouvoir et tant quelles ne considrent pas systmatiquement tous les facteurs de la
variation linguistique et le cadre pragmatique de chaque communication, nous ne
serons pas capables de dmontrer que les hommes interrompent vraiment plus
souvent ou que les femmes utilisent plus de signaux discursifs
11 Bibliographie
Aikhenvald, Alexandra Y. (2000), Classifiers. A Typology of Noun Categorization Devices, Oxford,
Oxford University Press.
Aikhenvald, Alexandra Y. (2004), Gender and noun class, in : Geert Booij et al. (edd.), Morphology. An
International Handbook on Inflection and Word-Formation, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter,
10311045.
Armstrong, Nigel/Bauvois, Ccile/Beeching, Kate (edd.) (2001), La langue franaise au fminin. Le
sexe et le genre affectent-ils la variation linguistique ?, Paris, LHarmattan.
Bachelard, Gaston (1942), LEau et les Rves. Essai sur limagination de la matire, Paris, Corti.
Baider, Fabienne H. (2004), Hommes galants, femmes faciles. tude socio-smantique et diachronique, Paris, LHarmattan.
Baider, Fabienne H./Elmiger, Daniel (edd.) (2012), Intersexion. Langues romanes, langues et genres,
Mnchen, Lincom,
Beauvoir, Simone de (1949), Le deuxime sexe, t. II, Paris, Gallimard.
Beauze, Nicolas (1757), Genre, in : Denis Diderot/Jean Baptiste Le Rond DAlembert (edd.), Encyclopdie, ou Dictionnaire raisonn des sciences, des arts et des mtiers, vol. 7, Paris et al., Briasson
et al., 589594.
Becquer, Annie, et al. (1999), Femme, jcris ton nom Guide daide la fminisation des noms de
mtiers, titres, grades et fonctions, Paris, CNRS/InaLF. La documentation franaise.
360
Elmar Schafroth
Bereni, Laure, et al. (2008), Introduction aux Gender Studies. Manuel des tudes sur le genre,
Bruxelles, De Boeck.
Berger, Hermann (1998), Die Burushaski-Sprache von Hunza und Nager, Wiesbaden, Harrassowitz.
Bessler, Paul (1999), Une analyse morphosyntaxique de laccord grammatical en franais, Qubec,
Les Presses de lUniversit Laval.
Bierbach, Christine/Ellrich, Beate (1990), Sprache und Geschlechter, in : Gnter Holtus/Michael
Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. V/1, Tbingen, Niemeyer, 248266.
Booij, Geert (22007), The Grammar of Words. An Introduction to Morphology, Oxford, Oxford University
Press.
Booij, Geert, et al. (edd.) (2004), Morphology. An International Handbook on Inflection and WordFormation, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter.
Bral, Michel (1889), Deux prtendus cas danalogie, Mmoires de la Socit de Linguistique de Paris
7, 1219.
Brugmann, Karl (1889), Das Nominalgeschlecht in den indogermanischen Sprachen, Internationale
Zeitschrift fr allgemeine Sprachwissenschaft 4, 100109.
Brugmann, Karl (1890), Zur Frage der Entstehung des grammatischen Geschlechts, Beitrge zur
Geschichte der deutschen Sprache und Literatur 15, 523531.
Brunot, Ferdinand (31936), La Pense et la Langue. Mthode, principes et plan dune thorie nouvelle
du langage applique au franais, Paris, Masson.
Burr, Elisabeth (2003), Gender and language politics in France, in : Marlis Hellinger/Hadumod
Bumann (edd.), Gender across languages. The linguistic representation of women and men,
vol. 3, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 119139.
Burr, Elisabeth (2012), Planification linguistique et fminisation, in : Fabienne H. Baider/Daniel
Elmiger (edd.), Intersexion. Langues romanes, langues et genres, Mnchen, Lincom, 29
39.
Chaudenson, Robert (1974), Le lexique du parler crole de La Runion, 2 vol., Paris, Champion.
Clark, Eve V. (1985), The Acquisition of Romance, with Special Reference to French, in : Dan Isaac
Slobin (ed.), The crosslinguistic study of language, vol. 1 : The data, Hillsdale, NJ, et al., Erlbaum,
687782.
Corbett, Greville G. (1991), Gender, Cambridge, Cambridge University Press.
Corbett, Greville G. (2013a), Number of Genders, in : Matthew S. Dryer/Martin Haspelmath (edd.), The
World Atlas of Language Structures Online, Leipzig, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, http://wals.info (11.09.2014), chapter 30.
Corbett, Greville G. (2013b), Sex-based and Non-sex-based Gender Systems, in : Matthew S. Dryer/
Martin Haspelmath (edd.), The World Atlas of Language Structures Online, Leipzig, Max Planck
Institute for Evolutionary Anthropology, http://wals.info (11.09.2014), chapter 31.
Corbett, Greville G. (2013c), Systems of Gender Assignment, in : Matthew S. Dryer/Martin Haspelmath
(edd.), The World Atlas of Language Structures Online, Leipzig, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, http://wals.info (11.09.2014), chapter 32.
Damourette, Jacques/Pichon, douard (19111927), Des mots la pense. Essai de grammaire de la
langue franaise, tome premier, Paris, DArtrey.
Delaite, Candice/Polgure, Alain (2013), Sex-Based Nominal Pairs in the French Lexical Network : its
not what you think, in : 6th International Conference on Meaning-Text Theory (MTT13), Aug 2013,
Prague, 2940, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00905229 (31.10.2014).
Dister, Anne/Moreau, Marie-Louise (2009), Fminiser ? Vraiment pas sorcier ! La fminisation des
noms de mtiers, fonctions, grades et titres, Bruxelles, De Boeck/Duculot.
Dryer, Matthew S./Haspelmath, Martin (edd.) (2013), The World Atlas of Language Structures Online,
Leipzig, Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, http://wals.info (11.09.2014).
361
Sexe et genre
362
Elmar Schafroth
Koptjevskaja-Tamm, Maria (2004), Mass and collection, in : Geert Booij et al. (edd.), Morphology. An
International Handbook on Inflection and Word-Formation, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter,
10671073.
Laceur, Thomas (1990), Making Sex. Body and Gender from the Greeks to Freud, Cambridge, Mass./
London, Harvard University Press.
Leiss, Elisabeth (1994), Genus und Sexus. Kritische Anmerkungen zur Sexualisierung von Grammatik,
Linguistische Berichte 152, 281300.
Lindemann, Margarete (1977), Zum Suffixwechsel von -eresse zu -euse und -trice im Franzsischen, Tbingen, Narr.
Lyster, Roy (2006), Predictability in French gender attribution : A corpus analysis, French Language
Studies 16, 6992.
Martinet, Andr (1956), Le genre fminin en indo-europen : examen fonctionnel du problme, Bulletin
de la Socit de Linguistique de Paris 52, 8395.
Martinet, Andr (1999), Genre et sexe, La linguistique 35, 59.
Mathieu, Ccile (2007), Sexe et genre fminin : origine dune confusion thorique, La linguistique 43,
5772.
Meillet, Antoine (1921), La catgorie du genre et les conceptions indo-europennes, in : Antoine
Meillet, Linguistique historique et linguistique gnrale, vol. 1, Paris, Champion, 211
229.
Melka, Francine/Zwanenburg, Wiecher (1993), Femme et fminin en ancien franais,
Cahiers de Lexicologie 62, 6792.
Moreau, Thrse (1991), Langage et sexisme, in : Dictionnaire fminin-masculin des professions, des
titres et des fonctions, Genve, Metropolis, 721.
Mller, Natascha (1995), Lacquisition du genre et du nombre chez des enfants bilingues (franaisallemand), Acquisition et interaction en langue trangre, mis en ligne le 17 juillet 2012, http://
aile.revues.org/4936 (15.09.2014).
Mller, Natascha (2000), Gender and number in acquisition, in : Barbara Unterbeck et al. (edd.),
Gender in grammar and cognition, vol. 1 : Approaches to Gender, vol. 2 : Manifestations of
Gender, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 351399.
Neumann-Holzschuh, Ingrid (2006), Gender in French Creoles : The story of a loser, in : J. Clancy
Clements et al. (edd.), History, Society and Variation. In honor of Albert Valdman, Amsterdam/
Philadelphia, Benjamins, 251272.
Neumann-Holzschuh, Ingrid/Brasseur, Patrice/Wiesmath, Raphale (2005), Le franais acadien au
Canada et en Louisiane : affinits et divergences, in : Albert Valdman/Julie Auger/Deborah
Piston-Hatlen (edd.), Le franais en Amrique du Nord. tat prsent, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 479503.
(Le) Nouveau Petit Robert de la langue franaise 2009 (2008), Paris, Dictionnaires Le Robert.
Oakley, Ann (1972), Sex, Gender and Society, London, Harper and Row.
OED online = Oxford English Dictionary online (2000), www.oed.com (05.10.2014).
Offen, Karen (2006), Le gender est-il une invention amricaine ?, Clio. Histoire, femmes et socits
24 ; mis en ligne le 01 dcembre 2008, http://clio.revues.org/4702 ; DOI : 10.40000/clio.4702
(04.10.2014).
OQLF = Office qubcois de la langue franaise (2002), Banque de dpannage linguistique,
www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bdl.html (05.10.2014).
(Le) Petit Larousse illustr 1989 (1988), Paris, Larousse.
(Le) Petit Larousse illustr 2008 (2007), Paris, Larousse.
(Le) Petit Robert. Dictionnaire alphabtique et analogique (1981), Paris, Robert.
Poirier, Claude (dir.) (2004), Base de donnes lexicographiques panfrancophone, hhtp ://www.bdlp.
org (07.10.2014).
363
Sexe et genre
364
Elmar Schafroth
URL-An1 = Madame le prsident insiste lAssemble un dput UMP, il est sanctionn, Le figaro.
fr, Le scan politique, 7 octobre 2014, www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/10/07/
25002-20141007ARTFIG00046-madame-le-president-insiste-a-l-assemblee-un-depute-ump-ilest-sanctionne.php (11.10.2014).
URL-An2 = Instruction gnrale du bureau de lAssemble nationale, www.assemblee-nationale.fr/
connaissance/instruction.asp (11.10.2014).
URL-An3 = Mme le prsident : Julien Aubert sestime victime dune novlangue idologise , Le
figaro.fr, Le scan politique, 7 octobre 2014, www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/
10/07/25002-20141007ARTFIG00193-mme-le-president-julien-aubert-s-estime-victime-d-unenovlangue-ideologisee.php (11.10.2014).
URL-Lib = Lvy-Willard, Annette (2014), Trierweiler : Un divorce peut en cacher un autre, libration.fr,
11 septembre 2014, www.liberation.fr/politiques/2014/09/11/un-divorce-peut-en-cacher-unautre_1098378 (11.10.2014).
Valdman, Albert/Auger, Julie/Piston-Hatlen, Deborah (edd.) (2005), Le franais en Amrique du Nord.
tat prsent, Qubec, Presses de lUniversit Laval.
Wolf, Lothar/Hupka, Werner (1981), Altfranzsisch. Entstehung und Charakteristik, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft.
Yaguello, Marina (1978), Les mots et les femmes, Paris, Payot.
Yaguello, Marina (1989), Le sexe des mots, Paris, Belfond.
Yaguello, Marina (2014), Les mots ont un sexe : pourquoi marmotte nest pas le fminin de
marmot et autres curiosits de genre, Paris, Points.
Joachim Lengert
1 Terminologie
Les franais rgionaux ou rgiolectes reprsentent un des phnomnes principaux de
la diversification du franais et constituent, ds les annes 1980, un des domaines de
prdilection de la recherche variationniste (cf. pour un rsum de la recherche,
jusquaux annes 70 : Dauzat 1933 ; Straka 1977b ; Rzeau 1995).
Boulanger (1980, 43s.) a relev 73 termes qui peuvent dsigner cette varit
golinguistique. De nos jours, le terme le plus rpandu, en rfrence au franais
europen, est celui de franais rgional , qui remonte au dbut du XXe sicle
(Dauzat 1906, 203). Dautres usages, p. ex. franais local , franais rural ou
parler rgional (Brun 1931), sont beaucoup plus rares. On dsigne les franais
rgionaux particuliers en y rajoutant le nom dune rgion ou dune localit, p. ex.
franais rgional alsacien/dAlsace . En rfrence aux rgiolectes non hexagonaux,
on prfre souvent franais en Belgique , etc., afin dviter limage trompeuse
dune variante unitaire, dlimite nettement sur le plan gographique. Le terme
franais rgional ne sapplique que rarement aux variantes extra-europennes,
pour des raisons sociolinguistiques. Daprs Poirier (1995, 17), qui souligne le fait que
linfluence du franais de Paris se fait ressentir dans une moindre mesure au Qubec,
o le franais constitue une varit nationale ayant sa propre norme, on ne pourrait lemployer quen rfrence une rgion particulire du Qubec. La dnomination
rgiolecte pour les variantes rgionales du franais est plus rcente (p. ex. Salmon
2006) ; on notera encore le terme topolecte (p. ex. Rey 1986, 38s.).
Les usages isols caractristiques des franais rgionaux europens sont dsigns
par le terme de rgionalisme (depuis Dauzat 1927 [TLFi]), ou par des termes gnraux
tels que particularits lexicales , etc. solution prfre par les dictionnaires du
franais dAfrique et dautres rgions exolingues. Plus rcemment, certains chercheurs
ont propos le synonyme plus gnral et moins marqu connotativement de diatopisme (Chambon 1999, etc.). Surtout par rapport aux varits extra-hexagonales, on
366
Joachim Lengert
se sert de termes tels que belgicisme , helvtisme et qubcisme / canadianisme qui ont le dsavantage dinsinuer lexistence dun franais belge , etc.,
conu comme plus ou moins uniforme. Pour certaines rgions de France, on emploie
des dnominations analogues tels que normandisme , provenalisme , etc.
2 Dfinition
Vu la diversit des approches dfinitoires (cf. linventaire dans Poirier 1987, 140s.),
certains auteurs ont parl dun concept flou et Corbeil (1986, 60) a mme propos
dabandonner la notion de franais rgional. En fait, sa dfinition soulve divers
problmes. Il faut lucider des concepts tels que la rgion , tenir compte de la
situation linguistique (endolingue ou exolingue) et sociolinguistique et du domaine
linguistique dcrit (phontique, etc.). En France, la distinction entre patois et rgiolecte nest pas toujours aise, surtout en dehors du domaine occitan et francoprovenal (cf. Rzeau 1984, 13s. ; Martin 1997, 59s.). Notons encore les dficits des dictionnaires et des grammaires (cf. Taverdet 1990, 709s. ; Serme 1998, 51s.) et la possibilit de
perte du statut de rgionalisme par la drgionalisation , soit par extension dun
rgionalisme, soit par polygnse.
La dfinition des rgiolectes se fait gnralement dans une perspective contrastive qui les distingue de lusage non dlimit sur le plan gographique. Cela prsuppose, dans une perspective normative, lexistence dune norme ou, dans une perspective descriptive, lusage soit dun centre (socio-)gographique, soit de lensemble ou
de la majorit des locuteurs francophones. L encore, on constate le mme dsaccord
terminologique (franais standard/neutralis, central, commun/gnral ou, de faon
plus neutre, franais de rfrence). Des linguistes qubcois en particulier (cf. Poirier
1987, 146s.) ont rfut ce concept, tout en prconisant lanalyse autonome des varits
diatopiques et en parlant de normes nationales, locales ou endognes. En rfrence
au lexique, Baggioni (2000, 48s.) met en garde contre lhypothse dune norme
nationale unitaire et plaide en faveur dune norme internationale la fois souple et
unifie dnomme aussi supranorme qui coexisterait avec des normes
locales usites dans des situations communicatives plus restreintes.
Vu la difficult dune dfinition prcise, certains auteurs admettent tout simplement un certain nombre de cas douteux (Straka 1977a, 230 ; Tuaillon 1983, 10),
dautres procdent des sous-catgorisations. Ainsi Carton (1981) a propos le modle
suivant pour la zone lilloise : a) franais commun, b) franais rgional, mlange
dominante de franais commun, c) franais dialectal (local), mlange dominante
dialectale, d) patois. De telles tentatives de subdivision se heurtent au problme de
leur dlimitation et de la validit de leurs critres. Dautres enfin admettent un
continuum affectant tant la comptence individuelle que lusage social entre le
franais standard et ses diffrentes varits mais aussi, selon certains (p. ex. Francard
1991, 377), les patois, l o ils coexistent encore avec les rgiolectes.
367
[] le franais rgional sera donc pour nous la RUNION de tous les faits linguistiques ORAUX
ou CRITS, positifs ou ngatifs, produits par des utilisateurs de la langue franaise et limits sur
le plan gographique un point ou un ensemble de points plus ou moins important (Taverdet
1977, 41s.).
De nos jours, elle est largement abandonne en faveur dune perspective pluricentrique, do la naissance du terme francisme pour dsigner les particularits du
franais de France (Hausmann 1986, 8s.).
368
Joachim Lengert
localise sur le plan gographique (Poirier 1987, 142 ; cf. Francard 1991, 374). Dans
cette optique, les rgiolectes ne sont plus conus ni comme inventaires de traits isols
ou systmes partiels, ni comme interlangues, ni comme langues intermdiaires ou
autonomes. Ils ne sopposent pas au franais standard : Les franais rgionaux ne
sont pas autre chose que les formes relles et concrtes du franais tout court
(Chambon 1997, 15 ; cf. Chambon/Greub 2009, 2556). Cette posture thorique a des
rpercussions sur la conception du franais standard, qui nest plus identifi la
norme du bon usage , mais qui ne se manifesterait concrtement que sous forme de
ralisations gographiquement particularises (Chambon 2005, 7). Chaudenson
(1996, 396s.) a propos un modle de compromis. Le franais rgional comporterait
quatre ensembles de faits linguistiques, dont deux (C et D) vraiment spcifiques :
un ensemble A (majorit absolue des phnomnes linguistiques non soumis une
variation quelconque assimilable ce que lon considre comme franais commun),
un ensemble B (phnomnes sujets la variation caractre non rgional, p. ex. si
javais su/si jaurais su), un ensemble C (phnomnes sujets la variation
caractre rgional, p. ex. Amrique du Nord on/franais commun sous tension/franais central branch) et un ensemble D (phnomnes linguistiques rgionaux non
soumis une variation quelconque, tel le pronom y le, en domaine francoprovenal,
dans une phrase du type jy sais pas je ne le sais pas).
369
jumper sauter, bondir (92,6%) est un canadianisme conscient pour une large majorit, en revanche vivoir salle de sjour (7,4%) ne lest pas.
Piron (1978, 22) et dautres ont soulign laffinit du franais rgional au langage
parl, mais cest l un critre tout aussi relatif. Si les rgionalismes sont en fait plutt
marginaux dans le langage de la presse ( lexception des statalismes, de lusage des
annonces ou encore de lemploi intention stylistique), ils apparaissent dans la
langue littraire ds le XVIe sicle (cf. Baldinger 1957, 65s.) et cest surtout partir du
XIXe sicle (cf. Rzeau 1995, 687 ; 2007, 266) que lusage littraire de rgionalismes
devient un lment de style chez des auteurs tels que G. Sand ou A. Daudet. Rzeau
(1995, 681s.) souligne aussi limportance de textes crits privs comme source du
franais rgional.
Certains auteurs ont voulu caractriser les rgiolectes comme un phnomne
essentiellement rural, p. ex. Taverdet (1990, 715). Cette hypothse correspond une
pratique de recherche hrite de la dialectologie (pour une critique, cf. Chambon
1997, 16s.) bien des tudes dcrivent les particularits de localits relativement
petites en milieu campagnard , mais il est vident que les rgiolectes sont aussi un
phnomne des grandes villes.
XVIII
XIXe
XXe
rgionalismes
156
16,4%
71
7,5%
(18001849)
111
(18501899)
254
(19001949)
215
(19501994)
142
11,7%
} 365
} 38,5%
26,8%
22,7%
} 357
} 37,6%
15,0%
Si lon compare ces donnes la statistique cite dans Manno (2004, 346), tablie sur
la base des 880 articles du DSR, les informations sont similaires : XIeXVIIe sicle
208 rgionalismes (23,7%), XVIIIe sicle 92 (10,5%), XIXe sicle 268 (30,4%), XXe sicle
370
Joachim Lengert
312 (35,4%). Malgr certaines divergences, le rgiolecte est essentiellement un phnomne des XIXe et XXe s.
Ce postulat a t combattu par Chambon (1997, 20, etc.), qui reconnat dans
lexpansion du franais ainsi que dans llaboration dune variante de rfrence par la
lexicographie et la grammaticographie des arguments pour situer le dbut de rgiolectes relativement stables la fin du XVe et au dbut du XVIe sicle. Cette hypothse
a t dfendue, avec quelques modifications, par Chambon/Greub (2009, 2553s. ; cf.
aussi Greub 2007) qui, sappuyant sur des arguments historiques internes (lvolution
du systme phonologique et du lexique) et externes (la diffusion du franais dans la
Galloromania), aboutissent la conclusion que la formation des franais rgionaux est surtout un fait du 16e s. , du moins en ce qui concerne le lexique et la
grammaire.
3 Typologie
On peut distinguer les rgionalismes positifs traits linguistiques concrets des
rgionalismes ngatifs, savoir des lments faisant partie de lusage gnral qui sont
(presque) absents de lusage dune ou de plusieurs communauts rgionales (cf.
Sguy 31978 [11950], 11). Voillat (1971, 226s.) cite le cas de ladjectif brun, qui serait en
usage en Suisse romande, tandis que marron y serait inexistant. En ce qui concerne
les rgiolectes europens, ce concept thorique a eu peu de rpercussions pratiques.
Malgr Salmon (1991, 28) qui postule labsence avre [] dun trs grand nombre de
mots en franais rgional du Lyonnais, les exemples restent isols et dpourvus de
fondement statistique. Par contre, ltude de Martel (1987) recense un nombre considrable de mots du franais de France inexistants ou de frquence trs basse en
franais qubcois. Ds la fin des annes 80, certains dictionnaires qubcois, tel le
DQA (1992), signalent des francismes, donc des rgionalismes ngatifs (cf. Verreault 1996, 200s., pour des exemples et leur critique).
La notion de rgionalismes de frquence comporte des units lexicales significativement plus (ou moins) frquentes dans une varit diatopique (ou plusieurs
varits diatopiques) que dans le reste de la francophonie. Thibault (1996, 359s.)
distingue les rgionalismes de frquence intralinguistiques et extralinguistiques. Les
premiers sont motivs par labsence ou la frquence trs basse, en franais rgional,
dun synonyme ou dune variante de forme connus en franais gnral ; les seconds
sont relis lusage ou au degr de connaissance dune ralit extralinguistique. Pour
dterminer la frquence on peut se rfrer la lexicographie gnrale (cf. Thibault
2007, 469s.) tandis que les dictionnaires de frquence ne sont que dune utilit limite
pour des recherches variationnistes. Martel/Cajolet-Laganire (2004) et Thibault
(2007) mettent en vidence lutilit des banques de donnes textuelles, qui, malgr
leurs dficits, permettent dobjectiver ce concept qui attend encore des analyses
systmatiques.
371
On peut classifier les particularits rgionales synchroniquement, diachroniquement ou diatopiquement. Une sous-catgorie est celle des statalismes , terme cr
par Pohl (1984) qui a souvent t appliqu au vocabulaire officiel, mais qui dsigne
tout fait linguistique frquent dont laire gographique sarrte ou dont lusage se
rarfie nettement la frontire politique dun pays.
On a labor diverses typologies spcifiques qui, pour la plupart, se rfrent au
lexique (cf. Boulanger 1985, 132s. ; Massion 1987, 64s. ; Pauleau 1995, 207 ; Serme
1998, 190s.). Dans une classification globale, Poirier (1995) distingue, dun point de
vue historique, les archasmes, les dialectismes, les innovations et les emprunts (
langlais et aux langues amrindiennes). Synchroniquement il systmatise les divergences entre le franais de France et le franais qubcois :
qubcisme lexmatique : le mot (simple ou complexe) nexiste pas en franais de France (en
fait, dans certains cas, ce nest que le signifiant qui nexiste pas en France, p. ex. parmi les
attestations apportes par Poirier (1995, 32), achaler importuner).
qubcisme smantique : le mot existe en franais de France, mais avec un sens dnotatif
diffrent ou plusieurs sens dnotatifs diffrents.
qubcisme grammatical : le mot existe en franais de France, mais le comportement
grammatical nest pas le mme. Daprs Poirier, les diffrences peuvent affecter lappartenance des classes de mots diffrents, le comportement flexionnel (p. ex. des diffrences de
genre ou de nombre) ainsi que des phnomnes de construction syntaxique.
qubcisme phrasologique : une unit phrasologique existe au Qubec, mais pas en
France.
qubcisme de statut : le mot existe en franais de France et en franais qubcois, mais il a
un statut diffrent.
archasme
lexmatique
smantique
abrier couvrir
suon bonbon
fix au bout
dun btonnet
dinde s.m.
avoir le corps
drang avoir
la diarrhe
vase boue
gal adv.
cur de jour
longueur
de jour
moulin scie
scierie
dialectalisme placoter
bavarder
amrindianisme
atoca sorte
dairelle
(< iroquoien
(a)toxa)
aboyer (soign au
Qubec, usuel en
France)
caribou renne du
Canada (< micmaque kleboo,
etc.) (plus usuel
au Qubec)
372
Joachim Lengert
anglicisme
lexmatique
smantique
char voiture
(< angl. car)
argents pl.
(< angl.
moneys)
parler travers
son chapeau
parler tort
et travers
(< angl. to talk
through ones
hat)
se faire passer
un sapin se
faire duper
arachide (usuel
au Qubec,
langage commercial en France)
innovation
cartable cahier
anneaux
marchable
o lon peut
marcher
autobus n.f.
lexception des amrindianismes, cette classification nest pas spcifique au franais qubcois et peut sappliquer sans difficults dautres rgiolectes en situation
de franais langue maternelle. On pourrait y ajouter les rgionalismes formels, cest-dire des variantes (morpho)phontiques de mots, p. ex. franais standard poireau
franais rgional (populaire ?) porreau (cf. DSR 2004, 595s.). En situation exolingue,
elle doit tre adapte la variante respective, tel que lillustrent plusieurs contributions du volume de Francard/Latin (1995). Ainsi Pauleau (1995, 205) signale, en
franais de Nouvelle-Caldonie, labsence darchasmes et de dialectismes.
4 Caractristiques linguistiques
Il nexiste pas de rgionalismes graphiques, lexception de graphies rgionales
refltant une prononciation diffrente, p. ex. France sbile [sebil] Suisse romande
sbille [sebij]. Dans le cas demprunts, la graphie peut varier en fonction de diffrents
degrs dadaptation, p. ex. block (Qubec) bloc (France) ou, au contraire, balloune
(Qubec) ballon (France) (Rzeau 1987, 203s.). Des traditions typographiques divergentes peuvent amener des diffrences. Ainsi, lon crit la date 1-1-2013 ou 1/1/2013 en
France, tandis quen Suisse romande, on peut galement lcrire 1.1.2013, probablement sous linfluence de lallemand.
373
occlusives
Jura
(Lamoura, dpt. Jura)
Alsace
Lorraine
(Riquewihr, dpt. Haut-Rhin) (Grardmer, dpt. Vosges)
dsonorisation des
occlusives sonores en
position finale ou devant
, p. ex. habitude [tud]
2. aspiration de locclusive
sourde initiale, p. ex. qualit
[klite]
374
Joachim Lengert
fricatives
Jura
(Lamoura, dpt. Jura)
Alsace
Lorraine
(Riquewihr, dpt. Haut-Rhin) (Grardmer, dpt. Vosges)
1. sonorisation de [f, s]
( possible ), p. ex. franais
[vr:z]
dsonorisation de [v, z, ]
en finale > [f, s, ], p. ex.
neige [ne:]
nasales
latrales
vibrantes
h aspir
1. simplification par
1. simplification par
amussement, p. ex. quelque amussement, p. ex.
[kek]
mtallurgiste [is]
groupes
consonantiques
2. simplification par
interversion, p. ex. mtre
[mtr]
En phonologie, Martinet (1945) fait figure de pionnier, tant par sa conception thorique qui surpasse la vision structuraliste classique dun systme linguistique homogne que par sa mthode dune enqute systmatise. Cette approche innovatrice a
t labore partir des annes 70 par un groupe de chercheurs, dont on lira les
rsultats dans Walter (1982). laide dun questionnaire complt par des conversations enregistres, les auteurs ont men une enqute dans toute la Galloromania
(France, Belgique, Suisse, Val dAoste) pour systmatiser les diffrences diatopiques
du diasystme phonologique segmental (phonmes, principaux allophones, oppositions), ce qui a permis quelques gnralisations (ibid., 203s.) :
le maintien, dans de nombreuses rgions, darchasmes tels que la diffrenciation quantitative du systme vocalique, lexistence de systmes comprenant 5 ou mme 6 voyelles
nasales, la survivance de la consonne latrale []
la pression, chez bien des informateurs, entre le systme rgional traditionnel et celui qui se
diffuse partir de la rgion parisienne
Les auteurs constatent une scission marque entre les rgions mridionales et nonmridionales, p. ex. en ce qui concerne la ralisation du schwa. La frontire entre
375
langue dol et langue doc serait situer plus au sud, lancien domaine francoprovenal aurait subi largement linfluence olique. Dans une zone centrale qui va de la
Saintonge jusquen Franche-Comt existent des particularits phonologiques cohrentes, distinctes du systme du franais courant, tandis que linfluence du franais
parisien est notable dans certaines zones de lEst (Champagne), de lOuest (Maine,
Orlanais) et du Centre-Sud (Centre, Bourgogne). Ds la fin des annes 90, lapproche la plus importante de la variation diatopique du systme phonologique est le
projet PFC (= Phonologie du Franais Contemporain) (cf. Detey et al. 2010 et http://
www.projet-pfc.net/) qui se distingue de ses prdcesseurs par la mthode et par les
buts thoriques et pratiques, dont voici les plus importants : a) lorientation panfrancophone ; b) la ralisation denqutes mthodiquement labores et opres sur
un chantillon important dinformateurs ; c) ltablissement dune base de donnes
du franais oral, mise disposition sur internet ; d) lorientation didactique. Cest de
ce projet que provient lessentiel des informations qui suivent.
Daprs Woehrling (2009, 17 ; cf. aussi Lyche 2010, 143s.), le systme phonologique du franais standard est largement rpandu dans la moiti nord de France,
quelques exceptions prs (Nord, Alsace). Lyche (2010, 150s.) signale, parmi les instabilits du systme vocalique dpendant des rgions, la disparition de lopposition
/a/ ~ //, lantriorisation de /o, /, la postriorisation du schwa et lvolution des
voyelles nasales. Le consonantisme semble tre relativement uniforme, lexception
de la variation de // ou de la perte de // > /nj/. Certaines analyses rcentes incitent
croire que limportance de la variation phonologique rgiolectale serait en recul, par
rapport certains traits et de manire ingale selon les rgions, tandis que la variation
diastratique deviendrait plus importante (cf. Boughton 2007).
On trouve une synthse des particularits phonologiques du Midi dans Durand
(2009) et Coquillon/Durand (2010). Le Midi , selon Durand, comprend la rgion
occitanophone dfinie par Bec (1963) ainsi que le Pays basque et le Roussillon
catalanophone. LAuvergne et le Limousin semblent tre des zones de transition qui
partagent des traits avec le Midi (systmes vocaliques) et le Nord (disparition du
schwa, voyelles nasales). Le vocalisme semble tre assez stable, compar p. ex. la
description de Brun (1931). Le systme vocalique oral minimal, caractris par la
disparition de lopposition quantitative et la rduction des diffrences daperture,
comporte sept units (Durand 2009, 130) :
ferm
ouvert
palatal
i
E
vlaire
u
O
376
Joachim Lengert
dvoisement total ou partiel en finale de mot (p. ex. gas [gas], sud [syt])
voisement rgressif (p. ex. islamique [izlamik] et mme en position initiale, slip [zlip])
simplification des groupes consonantiques internes ou finaux (p. ex. infect [fk])
remplacement de // par /nj/
survivance de //, dans la vieille gnration
substitution du r apical [r] (attest encore et l dans la vieille gnration) par un r
postrieur [] (chez les locuteurs ns aprs 1945)
diffrences de distribution et de comportement lintrieur du mot des semi-consonnes,
tendance la dirse (p. ex. lier, nouer : [lje], [nwe] en franais standard, [lije], [nue] en
franais mridional)
Malgr quelques travaux prliminaires, la variation prosodique rgiolectale na suscit de lintrt que rcemment ; on se reportera notamment Simon (2012).
4.2 Grammaire
Les particularits grammaticales ne semblent pas former une caractristique majeure
des rgiolectes (cf. Brun 1931, 144 ; Blanche-Benveniste 1991, 218). Tuaillon (1983,
370), parmi les 950 entres releves dans le franais rgional de Vourey (dpt. Isre),
ne compte que 29 traits grammaticaux (3,05%) et Martin (1997, 61) admet un taux
moyen de moins de 5% des matriaux relevant de la grammaire. titre dexemple, on
comparera le relev simplifi des faits grammaticaux essentiels signals dans trois
rgions diffrentes de la Galloromania :
377
domaine doc
Toulouse (Moreux/Razou
2000, 618s.)
nom : genre
adjectif
verbe :
participe
verbe :
infinitif
participes tronqus
(adjectifs verbaux),
p. ex. gonfle gonfl
verbe : temps pass surcompos dans la pass surcompos dans pass surcompos dans la
proposition conditionnelle : la proposition principale proposition principale : Je lai
si javais eu pens
et temporelle : Aprs
eu connu
quon a eu mang []
verbe :
construction
378
Joachim Lengert
francoprovenal
domaine dol
Franche-Comt : Authoison Dauphin : Vourey
(Dondaine 1977, 52s.)
(Tuaillon 1983, 371)
domaine doc
Toulouse (Moreux/Razou
2000, 618s.)
article
(1) pronom dobjet y [yi/i] au (1) pronom neutre de la (1) emploi du datif thique : Je
lieu de lui : i faut i donner 3e personne y au lieu de me le mange
manger
le : jy veux
(2) omission du pronom
(2) leurs deux au lieu de tous (2) ordre des pronoms
impersonnel : Hier a fait huit
jours que
les deux : ils sont alls leurs personnels compldeux
ments de la 3e personne : je lui le donne
(3) nous deux mon pre
adverbe
ngation
numral
deux-trois quelques
prposition
conjonction
Ce choix limit (cf. toutefois pour des rsultats similaires, p. ex. Brun 1931, 4749 ;
Sguy 31978 [11950], 4157 ; Wolf/Fischer 1983, 189194), permet un certain nombre
de gnralisations. Les rares particularits flexionnelles sont fortement menaces par
la pression des formes quivalentes considres comme normativement correctes (cf.
Sguy 31978 [11950], 41). Parfois il sagit de faits lexicaliss, ainsi Moreux/Razou
(2000, 620) signalent la conservation du morphme dorigine occitane -o comme
marque du fminin des noms, mais uniquement comme composante de quelques
phrasmes du type tchicos et micos chichement. En dehors de la flexion, les
particularits grammaticales rgiolectales constituent frquemment des paradigmes
restreints ou sont lies des mots isols, notamment aux mots grammaticaux. On est
confront des phnomnes de rection ou des collocations grammaticales. Malgr
379
caractrisation
exemple
rgionalisme
de frquence
rgionalisme
faits lexico-syntaxiques :
constructions
faits de micro-grammaire
(structuration dlments
grammaticaux restreints)
Des analyses telles que Valli (1999) sur le franais parl Marseille (p. ex. lemploi de
larticle partitif : beaucoup des gens) remettent en question une conception absolue
des rgionalismes syntaxiques. Lauteur souligne que leur usage peut dpendre du
niveau dinstruction des locuteurs et met lhypothse que le statut de rgionalisme
se manifeste galement par une frquence plus leve de traits qui appartiennent au
franais populaire.
380
Joachim Lengert
4.3 Lexique
Malgr labsence de marquage dans de nombreux glossaires, le lexique prsente la
mme structuration variationnelle que le lexique gnral. Bourcelot (1973, 225) distingue p. ex., en rfrence au rgiolecte de la Haute-Marne, des mots familiers
(enrotter sembourber) ou soutenus (se diligenter se hter) et allgue lexemple du
rgionalisme neutre riblette s.f. ensemble du foie, des poumons, de la cervelle et de la
saigne du porc, tandis que cochonnade et cochonnaille sont rputs vulgaires .
La lexicographie rgiolectale (cf. Hausmann 1986, 5s., pour une typologie gnrale ; Thibault 2008, pour un survol historique ; Bavoux 2008) est caractrise par sa
qualit htrogne (cf. la critique de Chambon 1997, 11s.). Les seuls dictionnaires la
hauteur de la mthodologie lexicographique actuelle sont le DHFQ (1998), le DRF
(2001), le DRFA (2007) et encore le DSR (1997, 2004). Le DRF (cf. Heinz 2005), qui
porte sur la France entire, compte parmi ses avantages une description gographique
(entre autres laide de plus de 300 cartes) et historique explicite, des dfinitions
smantiques et grammaticales prcises, un marquage variationnel et une exemplification philologique trs riche.
381
Beardsmore 1971, 109s.) est isol et soumis des restrictions de frquence et dusage
( par plaisanterie ). Les particularits semblent tre plutt graduelles (drivs isols,
formation de variantes de mots gnraux, productivit et fonctionnalit daffixes,
etc.).
En gnral, les remarques ponctuelles des ouvrages plus rcents ne dpassent
pas le niveau descriptif atteint par les prcurseurs de lanalyse de la morphologie
lexicale rgiolectale, Wiler (1909, 44s.) et Boillot (1929, 40s., 67s.). Une des rares
exceptions se trouve dans Moreux/Razou (2000, 627s.) qui analysent notamment
laffixation. Ils indiquent un inventaire de 18 suffixes rgionaux typiques dont les plus
frquents sont les suffixes diminutifs hypocoristiques -ou et -et ainsi que le suffixe
pjoratif as. Ces suffixes entrent dans 318 (24,75%) des 1285 mots recueillis par les
auteurs, mais la majorit absolue de ces drivs ont un quivalent en occitan et ne
constituent pas des formations internes, dont on ne relve que trs peu de reprsentants, p. ex. maigrot/maigrichot adj. maigrelet. Seulement deux suffixes typiques
(-ou, -ot) sont encore couramment reprsents parmi les tmoins urbains de la jeune
gnration qui, en outre, a tendance franciser les suffixes rgionaux, ainsi pgous
adj. poisseux ; sale cde la place pgueux. La vitalit actuelle des suffixes, en
franais rgional de Toulouse, reste malaise systmatiser, et les auteurs prfrent
parler, au lieu de productivit, de disponibilit (ibid., 640) des suffixes rgionaux
frquents, usits sporadiquement et surtout comme lments expressifs.
4.3.2 Smantique
Les rgionalismes smantiques sont des units lexicales qui sont gnralement ou
largement rpandues et dont le signifi reprsente des particularits propres une
rgion ou plusieurs rgions, tandis que le signifiant est identique. Il sagit surtout de
mots, plus rarement de phrasmes, p. ex. Normandie, rgion parisienne tout de suite
maintenant, en ce moment < immdiatement, sans dlai (DRF, 944s.). Il existe deux
types, les rgionalismes smantiques inclusifs et exclusifs daprs Serme (1998, 193) :
ou bien le sens rgional coexiste avec le sens gnral ou bien il sy substitue. On peut
les catgoriser par rapport au sens du franais de rfrence, p. ex. (exemples tirs du
DRF) :
382
Joachim Lengert
antonomase : Midi et l laguiole s.m. fromage pte presse, non cuite, de couleur jaune
[] < fromage de Laguiole < Laguiole, localit de lAveyron ;
calque : Midi plier envelopper < occitan pleg.
4.3.3 Phrasologie
La phrasologie rgiolectale a suscit peu dintrt. On ne dispose pas, en francophonie europenne, de dictionnaires spcifiques de qualit. En comparant franais de
France et franais qubcois, Roques (1993, 132s.) a esquiss la typologie synchronique suivante : a) locutions identiques ; b) locutions ayant un sens diffrent : France
avoir le pied marin tre accoutum la mer Qubec ne pas avoir le pied marin
tituber en tat divresse ; c) locutions ayant une forme diffrente : Qubec avoir les
deux pieds dans la mme bottine ne pas tre dbrouillard France ne pas avoir les
deux pieds dans le mme sabot ; d) locutions qubcoises sans quivalent en franais
de France [et linverse] : changer de pied dancre modifier son approche ; e) locutions
qubcoises qui ont des quivalents en franais rgional de France ; f) emprunts du
franais qubcois au franais hexagonal.
Lapproche actuelle la plus ample et systmatique est le projet BFQS (cf. Lamiroy 2010) qui labore un dictionnaire compar des locutions verbales de quatre
variantes nationales du franais (Belgique, France, Qubec, Suisse = BFQS). Gographiquement, les auteurs regroupent les phrasmes en 15 catgories (ibid., 51) qui
comprennent le franais commun, les variantes nationales et leurs diverses combinaisons, p. ex. pour coter cher BFQS coter les yeux de la tte, FS coter bonbon,
B coter un pont. Ce sont notamment les caractristiques structurelles et formelles
des phrasmes qui ont t dcrites (p. ex. BFS se mettre en quatre, Q se fendre en
quatre faire tout son possible, etc.), mais aussi les relations smantiques, tels les
gosynonymes (p. ex. pour ne plus pouvoir supporter : BFS en avoir ras le bol
Q avoir son load, etc.).
5 Sources historiques
En ce qui concerne lorigine des rgiolectes, on a dabord mis laccent sur les patois et
les archasmes. Bruneau (1953, 549) caractrise encore le franais rgional comme un
mlange de reliques anciennes et de faits patois plus ou moins franciss . Mais dj
Brun (1931, 9) mentionne la cration smantique et Sguy (31978 [11950], 9) souligne limportance des emprunts. Baldinger (1961b, 161) est un des premiers rendre
compte des quatre sources principales : le patois, larchasme (lexical ou smantique),
lvolution spontane (lexicale ou smantique) et lemprunt.
383
rgionalisme
adaptation
phontique
adaptation
morphologique
trsir v.intr.
r (?)
dsinence verbale ir
roussottes s.f.
(pl. ?)
[] > []
couigner v.intr.
[] > [e]
dsinence verbale er
verdeau s.m.
suffixe eau
Ce sont des correspondances (rapprochements phontiques et analogies morphologiques) et des rfections (substitutions lexicales) qui expliquent ces processus dadaptation. Dans le lexique, on relve des adaptations par tymologie populaire, mais
Dondaine (1977, 61) cite aussi un cas de rfection lexicale supposant une certaine
conscience des structures morphologiques, auprs des locuteurs de Traves (dpt.
Doubs), o daprs lquivalence tourner patois vir, le mot patois virm devient
entournement vertige. Il ny a quun nombre restreint de mots qui maintiennent des
384
Joachim Lengert
traits formels propres aux patois (Chambon 1999, 56, 64, parle de marqueur phontique
dialectal ou de marque phonique). Certains auteurs ont essay de rserver le terme de
patoisisme ce type de rgionalismes, pour bien les distinguer des dialectismes
adapts formellement au franais commun. Linfluence des patois se manifeste galement par des calques, p. ex. Sud-Est, Sud-Ouest donner suppurer < patois bailler
(DRF, 372), qui sont favoriss par la proximit formelle des mots dans deux systmes
apparents, p. ex. Meyrieu-les-tangs (dpt. Isre) truffe s.f. pomme de terre < patois
trufa (Martin/Pellet 1987, 162). Un problme mthodique majeur est soulev par la
question de savoir si on a affaire des calques smantiques proprement dits qui
constituent des cas de polysmie ou des emprunts de mots patois qui aboutissent
des homonymies, en franais rgional (cf. la discussion dans Serme 1998, 211s.).
Il est difficile dapprcier sa juste valeur limportance quantitative des patois. La
seule comparaison globale des structures lexicales, en patois, en franais rgional et
en franais commun, a t ralise par De Vincenz (1974, 102) qui, sur la base dun
corpus de 2131 mots, tablit 13 catgories dont voici le relev simplifi (comportant
des modifications du calcul statistique) :
lm: allumer
625
29,3
catgorie
exemple
I. identit
II. concordance partielle
sl: soulier
150
7,0
487
22,9
495
23,2
374
17,6
Linfluence du patois savre importante (XIII. et en partie III.VI.), mais reste limite.
Pourtant ce sont notamment les dialectologues qui ont eu tendance surestimer
lapport des patois (cf. Bloch 1921, 121 ; Dondaine 1977, 62 ; Tuaillon 1983, 42).
Cest surtout Chambon qui a combattu la thse de lorigine patoise des rgiolectes
(cf. 1997, 20s. ; 1999, 13s., 60s. ; Chambon/Chauveau 2004). Il critique lautomatisme
qui suppose, lors dquivalences entre patois et franais rgional, que les mots patois
sont plus anciens et quen consquence, ceux-ci doivent provenir du patois. Il refuse
une explication polygntique des rgionalismes, qui fait remonter un seul rgionalisme diffrents tymons dialectaux (ou variantes formelles dtymons), selon les
rgions, et y substitue, dans une large mesure, celle de la migration de mots par
emprunt dautres rgiolectes. Cette hypothse est troitement relie une mise en
relief des particularits de la diffusion du franais et la thorie des centres urbains
385
diffuseurs. Dans son tude des 49 rgionalismes recueillis par Dauzat (1915) Vinzelles (dpt. Puy-de-Dme), Chambon (1999, 57s.) aboutit une double conclusion :
lorigine du franais rgional est caractrise par une multiplicit de sources et
linfluence des patois occitans proprement dits est assez rduite (moins de 10% des
matriaux).
5.2 Archasmes
On parle darchasmes pour dsigner et expliquer des particularits conservatrices des
franais rgionaux, bien que cet emploi ne soit justifi que dans la perspective du
franais de rfrence. Serme (1998, 11) propose de rserver ce terme lusage stylistique du phnomne et de parler de survivances quand il sagit du maintien dun
lment linguistique dans une varit du franais. Lidentification dun archasme
lexical peut se heurter divers problmes (cf. Serme 1998, 91s., 304s.). Il nest pas
toujours vident si on a affaire une survivance ininterrompue ou une nouvelle
cration rgiolectale, et de nombreux rgionalismes peuvent sexpliquer la fois par
survivance, par influence dialectale (cf. Straka 1981, 42) ou par emprunt (cf. quant la
distinction entre archasme et occitanisme, Sguy 31978 [11950], 9).
On peut classifier les archasmes selon leur appartenance un domaine du
systme linguistique (cf. Serme 1998, 214s., et Thibault 1996, 336s., pour une
description approfondie de la plupart des exemples suivants). Les archasmes phontiques ou phonologiques concernent la phontique lexicale (p. ex. Suisse romande se nayer se noyer) ou le systme phontique ou phonologique (p. ex. la
conservation des quatre voyelles nasales). Les archasmes grammaticaux peuvent
relever de la rection verbale, p. ex. Alsace, Suisse romande aider qqn. aider qqn.,
ou de la flexion nominale, p. ex. horloge, s.m. au lieu de s.f., qui sont des survivances dusages encore vivants au XVIIe sicle (ou des dialectismes), attests dans
plusieurs rgions. Parmi les archasmes lexicaux, on distingue des mots simples ou
complexes, p. ex. Belgique, Alsace etc. pissoir urinoir, dont le processus de rgionalisation nest entam quau XXe sicle (DRF, 789), ou Suisse romande pique-bois
pic, pivert. En phrasologie, on trouve des locutions (p. ex. Basse Bretagne que
Dieu lui fasse paix ! formule de souhait quand on parle dun dfunt, DRF, 722) ou
des variantes archaques de locutions restes vivaces en franais gnral, sous une
autre forme, p. ex. Suisse romande bonne heure de bonne heure. Notons enfin les
archasmes smantiques, p. ex. Midi peureux qui inspire la peur (gnral jusquau
XVIe sicle) (DRF, 770s.).
Sur la base dun inventaire limit de 112 rgionalismes, Serme (1998, 246s.) a
tabli une catgorisation selon laquelle la majorit des survivances seraient des
archasmes lexicaux (46 = 41,07%), suivis de prs des archasmes smantiques (40 =
35,71%). Il ny aurait quune minorit darchasmes vritables (7 = 6,25%), tandis que
la majorit absolue des survivances existe aussi en patois.
386
Joachim Lengert
5.3 Emprunts
Le concept demprunt en matire de rgionalismes est vague. On y range les influences dautres langues ; bien des auteurs parlent galement d emprunts aux
patois . Ces deux catgories peuvent se combiner, ainsi des emprunts loccitan sont
en fait des emprunts un patois occitan particulier. Des chercheurs tels que Chambon
(cf. supra, 5.1) prennent en compte galement les emprunts dun rgiolecte
dautres rgiolectes ou dautres varits.
Derrire des caractrisations sommaires du type germanisme peut se cacher une
ralit plus complexe, tel quil ressort de Thibault (2000, 72s. ; cf. DSR) qui, en
rfrence aux germanismes de la Suisse romande, tablit le modle suivant :
indirects
lallemand
dAlsace et du
lallemand
Bade-Wurtemberg de Suisse
caquelon
knepf(l)es petites
rcipient de boules de pte
cuisine en
terre cuite
[]
latinismes
anglicismes
dies academicus
crmonie
universitaire []
tip-top
parfait,
impeccable
lallemand
standard
commun
rstigraben
benzine
diffrences de essence
mentalit entre
Romands et
Almaniques
Cette catgorie de mots est couramment la cible du discours normatif qui interprte
de faon errone certains rgionalismes, notamment comme calques. Ces ractions
puristes peuvent aboutir des emplois diffrents. Ainsi, tandis quon emploie p. ex.
les anglicismes sponsor et stick en France, on prfre une innovation interne ou un
calque de langlais au Qubec, commanditaire et bton dsodorisant (cf. CajoletLaganire/Martel/Thoret 2000, 208). La catgorie de lemprunt peut concider avec
dautres sources historiques : goal but, apparu depuis 1882 en France o il sort de
lusage vers le milieu du XXe sicle (marqu vieilli ds 1956, Hfler 1982, 111)
constitue de nos jours un belgicisme (Goosse 1984, 33 ; Francard et al. 2010, 187 :
[] cadre qui dlimite le but). Il sagit donc la fois dun anglicisme et dun
archasme.
Les emprunts peuvent tre typiques du rgiolecte ou exister en franais de
rfrence, et prsenter alors des particularits formelles (cf. supra, 4), grammaticales
ou smantiques. Il existe des emprunts directs et indirects, p. ex. boiler chauffe-eau,
connu en (Basse-)Alsace, dans la Moselle et en Suisse romande (DRFA, 116s. ; DSR,
140s.) qui est un anglicisme (boiler) transmis par le biais de lallemand (Boiler). On
387
relve des emprunts multiples, indpendants lun de lautre, qui peuvent alors prsenter des rsultats dintgration formelle ou smantique diffrents, p. ex. choke, s.m.
starter dune voiture < anglais choke, au Qubec [to:k], en Belgique [ok, tok] et en
Suisse romande [to:k, tk] (DSR 239 ; Francard et al. 2010, 102). Les structures
lexicales des emprunts peuvent diffrer : job s.m. (Qubec s.f.) travail rmunr,
emploi est un anglicisme largement rpandu ( fam. TLFi), en revanche les drivs
jobbage (jobber + suffixe -age), jobber (< anglais to job ; cf. aussi Francard et al. 2010,
206), jobette (job + suffixe -ette), jobbeur (< anglais jobber) (Dulong 1999, 288s.) sont
typiques de lusage qubcois. Des remprunts se produisent sporadiquement, p. ex.
cordon-bleu s.m. escalope de veau fourre dune tranche de jambon blanc et dune
tranche de gruyre, attest en Suisse romande et en Alsace (DRFA, 180s.), qui
provient de lallemand Cordon bleu (< franais cordon-bleu bonne cuisinire). La
spcificit de lusage rgional peut dpendre de la frquence. DRFA (355, 493s.) cite
les composs manteau de pluie s.m. impermable et rue principale rue la plus
importante dun village, connus dans la France entire, mais particulirement frquents en Alsace, probablement sous linfluence de lalmanique Rajemantel/Huptstrooss ou de lallemand Regenmantel/Hauptstrae.
En phontique ou en phonologie, on est confront des emprunts lexicaliss qui
restent confins des xnismes. Moreux/Razou (2000, 612) citent lexemple de
laffrique [t], en franais rgional de Toulouse, que lon rencontre lintrieur
demprunts loccitan : accroutchadis s.m. obstacle ou asprit o lon saccroche
< occitan acrotchads. Le caractre rgiolectal demprunts gnralement rpandus
peut rsider dans leur phontisme diffrent, d une adaptation divergente. Ce
phnomne a t illustr par Goosse (1984, 29), en rfrence aux anglicismes : club
France [klb] Belgique [klyb] (prononciation du XIXe sicle, TLFi) et [klyp].
proprement parler, il ne sagit demprunts phontiques ou phonologiques que sils
affectent le systme de la langue rceptive, en dehors de mots demprunt. Ainsi
Rousseau Payen (1979, 106s.) note, Hilbesheim (dpt. Moselle), parmi les traits
attribuables au dialecte almanique, une tendance au relchement articulatoire des
occlusives, la ralisation de [h] (en haut [ho]) ou la tendance la fermeture des
voyelles (avec [ave], uf [f]). En grammaire, les emprunts semblent tre largement
restreints lemploi de certaines classes de mots (prpositions, articles, etc.) et aux
caractristiques constructionnelles de mots isols, p. ex. en franais rgional alsacien
et suisse romand, attendre sur qqn. attendre qqn. daprs lallemand auf jmdn. warten
(DRFA 75s.).
On peut distinguer dans le lexique, selon le degr dadaptation formelle, les
emprunts (units lexicales totalement ou fortement adaptes) le qubcisme pinotte
ne dnonce plus, premire vue, son origine anglaise (< peanut) (cf. Perriau/Seutin
1984, 153) et les xnismes (emprunts comportant une ou plusieurs caractristiques
formelles qui ne sont pas propres au systme de la varit emprunteuse). La complexit des calques ressort de Thibault (2000, 75s.), qui distingue cinq catgories diffrentes (smantiques, morphosyntaxiques, syntaxiques, phrasologiques, pragmati
388
Joachim Lengert
ques). Fischer (1985), sur la base dune analyse statistique dun chantillon de 190
particularits lexicales tires de Wolf/Fischer (1983), propose une typologie statistique, dont voici le rsum simplifi:
Tableau 9 : Typologie statistique des emprunts (Alsace)
calques lexicaux (73%)
calques-traductions (93%)
calques approximatifs
(7%)
calque selon
des structures
prexistantes
en franais
(3%)
calque selon
des structures
propres la
langue donneuse (0%)
clinique de
poupe <
Puppenklinik
se mettre sale se
salir < sich schmutzig
machen
pouvoir savoir
< knnen
389
156
56%
allemand/alsacien
31
11%
patois franais
21
8%
breton
14
5%
francoprovenal
13
5%
12
4%
gascon
11
4%
3%
latin
1%
nerlandais/flamand
1%
anglais
1%
basque
1%
langue prteuse
occitan
Parmi les 1052 entres dnombres par cet auteur, 276 sont des emprunts (26%),
comprenant les dialectismes dol. Ce chiffre, qui dpasse la marge quantitative
denviron 10 15% demprunts releve par dautres tudes (cf. infra, 5.5), est interprt par Buchi comme le rsultat de la slection de linventaire du DRF. De nombreux
emprunts proviennent de zones de contacts linguistiques intenses, ce qui explique la
part importante doccitanismes, de germanismes et de bretonnismes, tandis que les
anglicismes et les italianismes sont nettement sous-reprsents, si on compare leur
taux celui de langue commune.
390
Joachim Lengert
Rgionalismes smantiques
drivation affixale
Procds de
drivation
(prfixale et suffixale)
49 (8 + 41) (3,8%)
30 (2,3%)
Morphologie flexionnelle
8 (0,6%)
141 (11,0%)
Composition
Il nest pas tonnant que, daprs ces donnes, ce soient la suffixation, la composition
et le changement de sens qui constitueraient les facteurs les plus importants.
391
Chambon
catgorie
% catgorie
mots
archasmes
archasmes
dialectalismes
37
2,9%
archasmes
autres
catgories
0,3%
%
8%
12%
dialectalismes
12%
germanismes
autres emprunts
(italianismes,
latinismes,
anglicismes, fr.
rgionaux)
rgionalismes
de statut
1217
0,9%1,3%
rgionalismes
inclassables /
cas incertains
18 / 8
= 26
1,4% / 0,6%
= 2%
7%
2%
emprunts langlais
1%
1%
innovations
555640 43,2%49,8% innovations du
franais de Suisse morpholexicales
romande
innovations
smantiques
crations
autonomes
7%
23%
} 50%
27%
Malgr quelques diffrences de dtail, dues des conceptions mthodiques divergentes, les rsultats sont similaires : linnovation interne est la source la plus importante, suivie de linfluence des patois ; les archasmes et les emprunts constituent des
sources mineures. Chambon lui-mme (2005, 15) a dmontr la relativit de ces
chiffres. Sur la base dun chantillon restreint de 100 mots du franais rgional de
Roanne (dpt. Loire), il aboutit un rsultat fondamentalement diffrent : a) archasmes du franais gnral : 40% ; b) diatopismes remontant au moyen franais de
la rgion : 1% ; c) emprunts aux patois : 10% ; d) emprunts au franais de la rgion
lyonnaise : 34% ; e) emprunts des varits de franais autres que lyonnaises : 13% ;
392
Joachim Lengert
f) innovations franaises autochtones : 2%. La stratigraphie diachronique des rgiolectes peut donc varier considrablement selon les rgions.
Synchroniquement, lapproche classificatoire la plus rpandue des rgionalismes
lexicaux est celle conue au sein dun champ conceptuel ( Begriffssystem ). Dans
son ouvrage sur le franais rgional de Vourey, Tuaillon (1983, 372) en fournit un
exemple :
catgorie
1.
catgorie
8,23
16.
Jardin
16
1,71
2.
Comportements, caractres 62
6,63
17.
Travail du bois
34
3,63
3.
22
2,35
18.
Foin
31
3,31
4.
Animaux sauvages
56
5,98
19.
levage, animaux
domestiques
71
7,59
5.
37
3,95
20.
Charcuterie, boucherie 17
la maison
1,81
6.
Construction, rues
19
2,03
21.
Vigne
50
5,34
7.
26
2,78
22.
Vin, alcool
32
3,42
8.
Jeux
12
1,28
23.
Champ : labour,
engrais, limites,
mesures
21
2,24
9.
Pche, chasse
0,85
24.
Moissons, autres
cultures
28
3,00
10.
Cuisine, nourriture
39
4,17
25.
1,71
11.
Meubles, ustensiles
domestiques
0,96
26.
Arboriculture
27
2,98
12.
Habits, lessive,
raccommodage
16
1,71
27.
Noix
19
2,03
13.
0,53
28.
Vhicules, harnais,
joug
23
2,45
14.
Sol, rivires
22
2,35
Divers, inclassables
124
13,26
15.
Travail (gnralits)
16
1,71
Il est instructif de comparer ce classement celui de Manno (2004, 349), tabli sur la
base des 763 mots contenus dans lindex onomasiologique du DSR. Malgr la dissemblance des analyses dune part un rgiolecte campagnard et villageois, recueilli
dans une aire trs restreinte, dautre part une varit nationale tant urbaine que rurale
rpandue dans une aire relativement grande on constate des similitudes : en Suisse,
lhomme (31,1%) et sa nourriture (14,5%), ainsi que lagriculture (12,6%), sont gale
393
ment bien reprsents. La diffrence la plus notable rside dans limportance des
statalismes qui reprsentent presque un tiers (31,7%) des helvtismes.
6 Perspectives
En ltat actuel de la recherche, on peut formuler un certain nombre de desiderata.
Une bibliographie exhaustive fait dfaut, en France comme ailleurs. Les bibliographies de Baldinger (1961a) et de Rzeau (1986) sont vieillies et lacunaires ; dfaut,
on pourra sen tenir Wissner (2012). Quant au lexique, ltude des rgiolectes urbains
et des technolectes rgionaux ainsi que ltude historique des rgionalismes demanderait tre intensifie. Il faudrait des dictionnaires de la qualit du DRFA, pour les
autres rgions de la France. Llaboration dune sorte de TLF rgiolectal mis part
la question de savoir si un tel projet est ralisable est controverse. Piron (1978,
139s.) a dj envisag un inventaire gnral des usances de la francophonie ;
Rzeau (2007, 266), cependant, se montre plutt sceptique quant lutilit dun
trsor compilant, sans les approfondir, un grand nombre de donnes . Mme sil est
quantitativement htrogne et de qualit ingale, lbauche dun tel trsor, sous
forme lectronique consultable sur Internet, a t labore par le projet BDLP-Internationale (Base de donnes lexicographiques panfrancophone, cf. http://www.bdlp.
org/).
7 Bibliographie
Baetens Beardsmore, Hugo (1971), Le franais rgional de Bruxelles, Bruxelles, Presses Universitaires
de Bruxelles.
Baggioni, Daniel (2000), Franais nationaux, franais rgionaux, franais international : Norme et
polynomie dans la gestion des usages du franais en Francophonie, in : Peter Stein (ed.),
Frankophone Sprachvarietten. Varits linguistiques francophones. Hommage Daniel Baggioni de la part de ses dalons , Tbingen, Stauffenburg, 4364.
Baldinger, Kurt (1957), Contribution une histoire des provincialismes dans la langue franaise,
Revue de Linguistique Romane 21, 6292.
[Baldinger, Kurt] (1961a), Bibliographie provisoire concernant le franais rgional [], in : Lexicologie
et lexicographie franaises et romanes. Orientations et exigences actuelles. Colloque Strasbourg
1216 novembre 1957, Paris, ditions du CNRS, 164174.
Baldinger, Kurt (1961b), Limportance du vocabulaire dialectal dans un thesaurus de la langue
franaise, in : Lexicologie et lexicographie franaises et romanes. Orientations et exigences
actuelles. Colloque Strasbourg 1216 novembre 1957, Paris, ditions du CNRS, 149163.
Bavoux, Claudine (ed.) (2008), Le franais des dictionnaires. Lautre versant de la lexicographie
franaise, Bruxelles, De Boeck Duculot.
Bec, Pierre (1963), La langue occitane, Paris, Presses Universitaires de France.
Blanche-Benveniste, Claire (1991), La difficult cerner les rgionalismes en syntaxe, in : GilbertLucien Salmon (ed.), Varit et variantes du franais des villes tats de lEst de la France. Alsace
394
Joachim Lengert
395
Rzeau pour son soixante-cinquime anniversaire, Strasbourg, Universit Marc Bloch, 2022 juin
2003, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 329.
Chambon, Jean-Pierre/Chauveau, Jean-Paul (2004), Un cas de dialectologite, ou le franais invisible :
propos des vues de Pierre Gardette sur le francoprovenal polailli et moyen franais
rgional poulaille poule, Bulletin de la Socit de Linguistique de Paris 99, 155180.
Chambon, Jean-Pierre/Greub, Yan (2009), Histoire des varits rgionales dans la Romania : franais,
in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Histoire linguistique de la Romania. Manuel international dhistoire linguistique de la Romania, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 25522565.
Chaudenson, Robert (1996), Francophonie, franais zero et franais rgional, in : Michel Beniamino/Didier de Robillard (edd.), Le franais dans lespace francophone. Description linguistique et
sociolinguistique de la francophonie, vol. 1, Paris, Champion, 385405.
Chaurand, Jacques (1985), Les franais rgionaux, in : Grald Antoine/Robert Martin (edd.), Histoire
de la langue franaise 18801914, Paris, ditions du CNRS, 339368.
Chauveau, Jean-Paul (2005) : Rgionalismes et dialectismes : quelques exemples manceaux, in :
Martin-Dietrich Glegen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle du franais et le
Dictionnaire des rgionalismes de France . Actes du colloque en lhonneur de Pierre Rzeau
pour son soixante-cinquime anniversaire, Strasbourg, Universit Marc Bloch, 2022 juin 2003,
Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 3144.
Coquillon, Annelise/Durand, Jacques (2010), Le franais mridional : lments de synthse, in :
Sylvain Detey et al. (edd.), Les varits du franais parl dans lespace francophone. Ressources
pour lenseignement, Paris, Ophrys, 185208.
Corbeil, Jean-Claude (1984), Le franais regional en question, in : Langues et cultures. Mlanges
offerts Willy Bal, vol. 2 : Contacts de langues et de cultures, section dite par Clmentine FakNzuji Madiya, Louvain-la-Neuve, Cabay, 3144.
Corbeil, Jean-Claude (1986), Le rgionalisme lexical : un cas privilgi de variation linguistique, in :
Lionel Boisvert/Claude Poirier/Claude Verreault (edd.), La lexicographie qubcoise : bilan et
perspectives. Actes du colloque organis par lquipe du Trsor de la langue franaise au
Qubec et tenu lUniversit Laval les 11 et 12 avril 1985, Qubec, Presses de lUniversit Laval,
5565.
Dauzat, Albert (1906), Essai de mthodologie linguistique dans le domaine des langues et des patois
romans, Paris, Champion.
Dauzat, Albert (1915), Glossaire tymologique du Patois de Vinzelles, Montpellier, Socit des
Langues Romanes.
Dauzat, Albert (1933), La diffusion du franais en France et le franais rgional, Le Franais moderne 1,
133143.
DesRuisseaux, Pierre (1990), Dictionnaire des expressions qubcoises, Nouvelle dition rvise et
largement augmente, Qubec, Bibliothque Qubecoise.
Detey, Sylvain et al. (edd.) (2010), Les varits du franais parl dans lespace francophone. Ressources pour lenseignement, Paris, Ophrys.
DHFQ = Claude Poirier (ed.) (1998), Dictionnaire historique du franais qubcois. Monographies
lexicographiques de qubcismes, Sainte-Foy, Presses de lUniversit Laval.
Dondaine, Colette (1977), Rflexions sur le franais rgional dun village haut-sanois, Travaux de
Linguistique et de Littrature 15:1, 5163.
DQA = Jean-Claude Boulanger (ed.) (1992), Dictionnaire qubcois daujourdhui. Langue franaise,
histoire, gographie, culture gnrale, Saint-Laurent, Dicorobert.
DRF = Pierre Rzeau (ed.) (2001), Dictionnaire des rgionalismes de France. Gographie et histoire
dun patrimoine linguistique, Bruxelles, De Boeck & Larcier/Duculot.
DRFA = Pierre Rzeau (2007), Dictionnaire des rgionalismes du franais en Alsace, Strasbourg,
Presses Universitaires de Strasbourg.
396
Joachim Lengert
DSR = Andr Thibault/Pierre Knecht (2004 [1997]), Dictionnaire suisse romand. Particularits
lexicales du franais contemporain. Nouvelle dition revue et augmente prpare par Pierre
Knecht, Genve, Zo.
Duc, Alain (1990), Les rgionalismes du Canton de la Mure (Isre), Paris, Klincksieck.
Dulong, Gaston (1999), Dictionnaire des canadianismes. Nouvelle dition revue et augmente, Sillery,
ditions du Septentrion.
Durand, Jacques (2009), Essai de panorama phonologique : les accents du Midi, in : Luc Baronian/
France Martineau (edd.), Le franais dun continent lautre. Mlanges offerts Yves Charles
Morin, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 123170.
Fischer, Paul (1985), Considrations sur les calques dans le lexique du franais en Alsace, in : GilbertLucien Salmon (ed.), Le franais en Alsace. Actes du Colloque de Mulhouse (1719 novembre
1983), Paris, Champion/Genve, Slatkine, 93100.
Fouch, Pierre (1936), Les diverses sortes de franais au point de vue phontique, Le Franais moderne
4, 199216.
Francard, Michel (1991), Franais rgional et francisation dun dialecte : de la dviance la variation,
in : Dieter Kremer (ed.), Actes du XVIIIe Congrs International de Linguistique et de Philologie
Romanes, Universit de Trves (Trier), 1986, vol. 3, Tbingen, Niemeyer, 370382.
Francard, Michel/Latin, Danile (edd.) (1995), Le rgionalisme lexical, Louvain-la-Neuve, Duculot.
Francard, Michel, et al. (2010), Dictionnaire des belgicismes, Bruxelles, De Boeck Duculot.
Gadet, Franoise (2009), Un regard dialinguistique sur les franais marginaux , in : Luc Baronian/
France Martineau (edd.), Le franais dun continent lautre. Mlanges offerts Yves Charles
Morin, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 171191.
Goebl, Hans (2005), Comparaison dialectomtrique des structures de profondeur des cartes linguistiques du Dictionnaire des rgionalismes de France (DRF) et de lAtlas linguistique de la
France (ALF), in : Martin-Dietrich Glegen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle
du franais et le Dictionnaire des rgionalismes de France . Actes du colloque en lhonneur de
Pierre Rzeau pour son soixante-cinquime anniversaire, Strasbourg, Universit Marc Bloch,
2022 juin 2003, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 153193.
Gonon, Marguerite (1977), Le franais rgional dans les villages vignerons du Forez, Travaux de
Linguistique et de Littrature 15:1, 141150.
Goosse, Andr (1984), Influences de langlais sur le franais de Belgique, in : Langues et cultures.
Mlanges offerts Willy Bal, vol. 1.2 : Dialectes gallo-romans et franais rgionaux, section
dite par J[ean] Germain/J[ean]-M[arie] Pierret, Louvain-la-Neuve, Cabay, 2749.
GR = Paul Robert (1987), Le Grand Robert de la Langue Franaise. Dictionnaire alphabtique et
analogique de la langue franaise, 2e dition entirement revue et enrichie par Alain Rey, 9 vol.,
Paris, Le Robert.
Greub, Yan (2007), Comment et quand la variation diatopique moderne du franais se constituet-elle ?, in : David Trotter (ed.), Actes du XXIVe Congrs International de Linguistique et de
Philologie romanes, Aberystwyth 2004, vol. 4, Tbingen, Niemeyer, 331346.
Hambye, Philippe (2007), Variation rgionale de la prononciation du franais en Belgique
Contacts de langues ou variation interne ?, in : David Trotter (ed.), Actes du XXIVe Congrs
International de Linguistique et de Philologie romanes, Aberystwyth 2004, vol. 4, Tbingen,
Niemeyer, 363374.
Hausmann, Franz Josef (1986), Les dictionnaires du franais hors de France, in : Lionel Boisvert/
Claude Poirier/Claude Verreault (edd.), La lexicographie qubcoise : bilan et perspectives. Actes
du colloque organis par lquipe du Trsor de la langue franaise au Qubec et tenu
lUniversit Laval les 11 et 12 avril 1985, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 319.
Heinz, Michaela (2005), Le Dictionnaire des Rgionalismes de France : analyse macro et microstructurelle, in : Martin-Dietrich Glegen/Andr Thibault (edd.), La lexicographie diffrentielle du
397
398
Joachim Lengert
Perriau, Martine/Seutin, mile (1984), Les emprunts langlais dans le franais crit du Qubec, in :
Langues et cultures. Mlanges offerts Willy Bal, vol. 1.2 : Dialectes gallo-romans et franais
rgionaux, section dite par J[ean] Germain/J[ean]-M[arie] Pierret, Louvain-la-Neuve, Cabay,
149167.
Piron, Maurice (1978), Aspects du franais de Belgique, in : Maurice Piron, Aspects et profil de la
culture romane en Belgique, Lige, Sciences et Lettres, 1931.
Pohl, Jacques (1984), Le statalisme, Travaux de Linguistique et de Littrature 22:1, 251264.
Poirier, Claude (1987), Le franais regional : mthodologies et terminologies, in : Hans-Josef
Niederehe/Lothar Wolf (edd.), Franais du Canada franais de France. Actes du Colloque de
Trves du 26 au 28 septembre 1985, Tbingen, Niemeyer, 139176.
Poirier, Claude (1995), Les variantes topolectales du lexique franais. Propositions de classement
partir dexemples qubcois, in : Michel Francard/Danile Latin (edd.), Le rgionalisme lexical,
Louvain-la-Neuve, Duculot, 1356.
Rey, Alain (1986), La variation linguistique dans lespace et les dictionnaires, in : Lionel Boisvert/
Claude Poirier/Claude Verreault (edd.), La lexicographie qubcoise : bilan et perspectives. Actes
du colloque organis par lquipe du Trsor de la langue franaise au Qubec et tenu
lUniversit Laval les 11 et 12 avril 1985, Qubec, Presses de lUniversit Laval, 2340.
Rzeau, Pierre (1984), Dictionnaire des rgionalismes de louest entre Loire et Gironde, Les Sables
dOlonne, Le Cercle dOr.
Rzeau, Pierre (1986), Bibliographie des rgionalismes du franais et extraits dun corpus dexemples,
Paris, Klincksieck, 932.
Rzeau, Pierre (1987), Le franais du Qubec travers la presse crite, in : Hans-Josef Niederehe/
Lothar Wolf (edd.), Franais du Canada franais de France. Actes du Colloque de Trves du 26
au 28 septembre 1985, Tbingen, Niemeyer, 201275.
Rzeau, Pierre (1995), Les varits rgionales du franais de France, in : Grald Antoine/Robert Martin
(edd.), Histoire de la langue franaise 19141945, Paris, CNRS-ditions, 677713.
Rzeau, Pierre (ed.) (1999), Varits gographiques du franais de France aujourdhui. Approche
lexicographique, Paris/Bruxelles, De Boeck & Larcier, Dpartement Duculot.
Rzeau, Pierre (2007), Des varits dialectales gallo-romanes aux varits rgionales du franais : la
constitution dun champ disciplinaire, in : David Trotter (ed.), Actes du XXIVe Congrs International de Linguistique et de Philologie romanes, Aberystwyth 2004, vol. 4, Tbingen, Niemeyer,
263275.
Rittaud-Hutinet, Chantal (1991), Varits du franais de Besanon et grammaire polylectale, in :
Gilbert-Lucien Salmon (ed.), Varit et variantes du franais des villes tats de lEst de la France.
Alsace Lorraine Lyonnais Franche-Comt Belgique. Actes du Colloque scientifique
international de Mulhouse (novembre 1988) et travaux du Centre de Recherches et dtudes
Rhnanes, Paris, Champion/Genve, Slatkine, 8198.
Roques, Gilles (1993), Expressions franaises et expressions qubcoises, in : Hans-Josef Niederehe/
Lothar Wolf (edd.), Franais du Canada franais de France. Actes du troisime Colloque
international dAugsbourg du 13 au 17 mai 1991, Tbingen, Niemeyer, 129137.
Rouffiange, Robert (1983), Le Patois et le Franais Rural de Magny-ls-Aubigny (Cte-dOr), Dijon,
Association Bourguignonne de Dialectologie et dOnomastique.
Rousseau Payen, Nicole (1979), La situation linguistique de Hilbesheim, Bern, Lang.
Salmon, Gilbert-Lucien (1991), Une cohabitation russie. Franais de France et rgionalismes du
franais Lyon aux XIXe et XXe sicles, in : Gilbert-Lucien Salmon (ed.), Varit et variantes du
franais des villes tats de lEst de la France. Alsace Lorraine Lyonnais Franche-Comt
Belgique. Actes du Colloque scientifique international de Mulhouse (novembre 1988) et travaux
du Centre de Recherches et dtudes Rhnanes, Paris, Champion/Genve, Slatkine, 2563.
Salmon, Gilbert (ed.) (2006), Les rgiolectes du franais, Paris, Champion.
399
400
Joachim Lengert
Valli, Andr (1999), Remarques sur le franais parl de locuteurs de la rgion de Marseille. Usage
rgional du franais et rgionalisme , Recherches sur le franais parl 15, 5986.
Verreault, Claude (1996), Inclusion, reconnaissance et identification des francismes dans les dictionnaires qubcois : problmes et mthodes la lumire de lexprience du Dictionnaire qubcois daujourdhui , in : Thomas Lavoie (ed.), Franais du Canada franais de France. Actes du
quatrime Colloque international de Chicoutoumi, Qubec, du 21 au 24 septembre 1994, Tbingen, Niemeyer, 199208.
Vincenz, Andr de (1974), Disparition et Survivances du Franco-Provenal. tudies dans le lexique
rural de La Combe de Lancey (Isre), Tbingen, Niemeyer.
Voillat, Franois (1971), Aspects du franais rgional actuel, in : Zygmunt Marzys (ed.), Colloque de
dialectologie francoprovenale organis par le Glossaire des Patois de la Suisse Romande,
Neuchtel, 2327 septembre 1969, Neuchtel, Facult des Lettres/Genve, Droz, 216246.
Walter, Henriette (1982), Enqute phonologique et varits rgionales du franais, Paris, PUF.
Warnant, Lon (1973), Dialectes du franais et franais rgionaux, Langue Franaise 18, 100125.
Wiler, Gustav (1909), Das schweizerische Volksfranzsisch, Phil. Diss. Bern, Erlangen, Junge & Sohn.
Wissner, Inka (2012), Bibliographie de travail, in : Inka Wissner, Le Rseau lexical du franais (RLF)
et la diatopicit du lexique : rflexions [Version 2 : 30/08/2012], Nancy, ATILF, ILXXIX, http://
www.atilf.fr/IMG/pdf/Wissner_2012_RLF_et_diatopie.pdf (06.05.2015).
Woehrling, Ccile (2009), Accents rgionaux en franais : perception, analyse et modlisation partir
de grands corpus, Thse de doctorat, Paris, Universit Paris-Sud, Facult des Sciences dOrsay,
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00617248/document (06.05.2015).
Wolf, Lothar (1972), Le franais rgional. Essai dune dfinition, Travaux de Linguistique et de
Littrature 10:1, 171177.
Wolf, Lothar/Fischer, Paul (1983), Le franais rgional dAlsace. tude critique des alsacianismes,
Paris, Klincksieck.
Esme Winter-Froemel
1 Introduction
De manire gnrale, les langues ne reprsentent pas des entits isoles et stables ; au
contraire, elles entrent constamment en contact entre elles, sinfluenant mutuellement, ce qui peut engendrer des innovations linguistiques et des processus de
changement linguistique (signalons toutefois que cette description doit se comprendre dans un sens figur, puisque ce ne sont pas les langues qui agissent, mais les
locuteurs qui, dans leurs noncs, font certains choix, dont le recours des mots
emprunts ; ce sont uniquement ces choix qui donnent naissance un changement
ventuel dans la langue). Ainsi, dans toute son histoire, la langue franaise a connu
des priodes de contacts plus ou moins intenses avec dautres langues et cultures.
Dans cet article, nous analyserons dabord diffrentes priodes de contact en nous
interrogeant sur les conditions socio-historiques et les critres qui nous permettent de
caractriser ces scnarios de contact linguistique (cf. la deuxime partie de cette
contribution). La troisime partie sera consacre ltude du contact entre le franais
et langlais, langue qui, lpoque actuelle, reprsente de loin la langue de contact la
plus importante pour le franais, dun point de vue quantitatif aussi bien que qualitatif. Cest aussi dans la perception des locuteurs que langlais joue un rle particulier,
puisque ceux-ci assimilent souvent emprunt linguistique et anglicisme (et ce constat
est dailleurs valable non seulement pour le franais, mais aussi pour les autres
langues europennes). Dans une perspective diachronique, il sera intressant danalyser dans quelle mesure le contact avec langlais reprsente vritablement un cas
402
Esme Winter-Froemel
particulier. Dans la quatrime partie, nous nous pencherons sur les possibilits de
caractriser, selon des critres linguistiques, diffrents types dinfluence (notamment
les emprunts au sens troit et les calques, ainsi que leurs sous-catgories respectives) ;
de mme, nous nous intresserons aux modalits qui peuvent sobserver lors de
lintgration des emprunts la langue daccueil. La cinquime partie sera rserve
lanalyse des ractions au contact linguistique et de ses effets sur le franais. Nous
examinerons les ractions puristes, qui insistent sur les effets ngatifs du contact,
considr comme un danger ou une menace pour la langue daccueil. Toutefois, nous
verrons quil y a galement, diffrentes poques de lhistoire du franais, des
ractions plus favorables aux emprunts, qui soulignent que les effets du contact
linguistique peuvent aussi tre perus comme un enrichissement qui ne menace
nullement lexistence et le fonctionnement de la langue daccueil.
Remarque terminologique : Pour dsigner les langues impliques dans les situations de contact linguistique, nous emploierons ici les termes langue source/langue
dorigine et langue cible/langue daccueil, que nous considrerons comme synonymes.
403
404
Esme Winter-Froemel
superstrat, forg par Walther von Wartburg, en contrepartie, se rfre aux langues de
peuples qui ont envahi le terrain aprs que la romanisation a eu lieu et qui ont exerc
une certaine influence sur la langue, mais qui ont galement t abandonnes plus
tard. Ainsi, dans les deux cas, cest la langue du stratum qui survit, et ce stratum
volue partir du latin (vulgaire) en passant par une tape pr-romane vers les
langues romanes, dont le franais. Le terme dadstrat, enfin, cr par Marius Valkhoff,
dsigne les langues voisines qui coexistent avec le stratum sans que lune des deux
langues soit supplante par lautre (cf. Tagliavini 1998, 209).
Dans la recherche en langue franaise, on trouve parfois aussi un emploi divergent des termes de substrat et de superstrat , dfinis respectivement comme la
langue des vaincus qui est abandonne et comme la langue des conqurants qui
simpose (cf. Bertrand 2008). Ici, il sagit ainsi dune conception binaire qui ne prvoit
pas de stratum , et on perd la distinction claire entre les deux aspects qui entrent
dans les dfinitions dAscoli et de von Wartburg (langues autochtones vs. langues qui
arrivent plus tardivement, langues qui sont abandonnes vs. langues qui se maintiennent). Pour cette raison, nous nous baserons sur les dfinitions proposes par ces
derniers auteurs dans les rflexions suivantes.
Avant de passer aux exemples concrets dinfluences de substrat et de superstrat
dans lhistoire du franais (pour les langues adstrat, cf. 2.2 et 2.3), il convient dajouter
quelques remarques sur la notion dinterfrence de substrat (substratum interference,
Thomason/Kaufman 1988, 3745). Cette notion a t forge dans la recherche anglophone, o elle a t oppose la notion demprunts proprement dits (borrowing ;
dautres termes employs dans les travaux prcdents sont RL [recipient language/
langue daccueil] agentivity, ou borrowing transfer, termes qui sont contrasts ceux
de SL [source language/langue de dpart] agentivity ou imposition transfer, Van
Coetsem 2000, 65). Dans la dfinition de ces deux termes, on retrouve les mmes
critres que dans la dfinition du terme de substrat que nous venons dexposer, mais
on peut constater que les catgories ne concident pas exactement. Ainsi, selon
Thomason et Kaufman, les emprunts sont caractriss par le fait dtre effectus par
les locuteurs natifs intgrant de nouveaux lments dans leur langue, qui est maintenue sans que les socits se fondent ; par contre, dans les cas dinterfrence de
substrat, de nouveaux lments sont introduits par des locuteurs non natifs qui ont
imparfaitement acquis la langue, et ces locuteurs adoptent la nouvelle langue au
dtriment de leur langue originelle. Par consquent, les situations demprunt se
rapprochent des situations dadstrat ; les situations dinterfrence de substrat, au
contraire, reprennent le concept de substrat, mais pourraient englober aussi les
influences de langues superstrats, puisque les deux critres fondamentaux (acquisition de la nouvelle langue et abandon de la langue dorigine) sont galement satisfaits
pour ce dernier scnario de contact linguistique. Cela nous permet de constater que la
distinction anglophone nenvisage pas la question de savoir sil sagit de langues de
peuples conqurants, vainqueurs et politiquement suprieurs, ou bien de celles de
peuples conquis, vaincus et de ce fait infrieurs. Ce qui est mis en avant, par contre,
405
ce sont les conditions du contact linguistique pour les locuteurs individuels. De fait,
dans le cas de borrowing, il sagit de situations ponctuelles dans lesquelles les
locuteurs ont recours une certaine expression dune autre langue pour exprimer un
certain concept, tandis que dans le cas dune interfrence de substrat, ils adoptent
entirement (mais imparfaitement) une nouvelle langue. Sils introduisent dans ce
processus dacquisition de nouveaux lments et structures dans la langue, il sagit
dun processus non intentionnel dont ils ne sont peut-tre mme pas conscients. Dans
cette perspective, on a soulign une caractristique additionnelle qui distingue les
scnarios demprunts dune part et les scnarios dinterfrence de substrat dautre
part : tandis que les emprunts soprent au niveau des lexmes ou partir du niveau
des lexmes, les interfrences de substrat peuvent galement concerner des lments
grammaticaux, cest--dire des lments moins libres de la langue (cf. Croft 2000,
203) ; toutefois, le degr de corrlations entre emprunts et lments lexicaux dune
part, et influences de substrat et lments grammaticaux dautre part, reste controvers.
Essayons de prciser respectivement quelles sont les langues principales ayant
exerc une influence sur le franais, et sous quelles conditions ces influences ont eu
lieu. En ce qui concerne les influences de substrat, il sagit des dialectes gaulois parls
sur le territoire lors de la conqute de la Gaule au IIe et au Ier sicle avant J.-C. (cf.
Huchon 2002, 3437). Les parlers gaulois coexistent pendant environ quatre sicles
avec le latin, peut-tre mme jusquau VIe ou VIIe sicle (cf. Bertrand 2008, 24), mais
finalement le latin simpose en tant que langue de ladministration. Nanmoins, les
parlers gaulois ont laiss certaines traces dans le vocabulaire, et plus spcifiquement
dans le vocabulaire de la vie rurale (p. ex. les noms danimaux alouette, bouc, mouton
et truie, les termes botaniques bruyre, chne, if, les termes pour dcrire le paysage
berge, chemin, quai, talus, et les termes de lagriculture charrue, ruche, cervoise) et
parfois dans celui de lartisanat, des vtements et de lalimentation (p. ex. charpente,
charrue, bret, braie, cervoise, crme). Les influences gauloises ont peut-tre t
facilites par la proximit relative du gaulois et du latin (cf. les exemples du gaul. alto
et du lat. altus profond ainsi que du gaul. bovi et du lat. bos, bovis boeuf) ; en mme
temps, les emprunts sintroduisent normalement sous une forme latinise. Au total,
environ 150 mots dorigine gauloise ont survcu dans le lexique du franais contemporain. De plus, linfluence du substrat se note dans quelques milliers de toponymes ;
de fait, le suffixe -ac/-ay que nous retrouvons dans Cognac, Loudac, Carnac, Tournay,
Gournay/Gornac, Bernay/Bernac, etc. remonte une origine gauloise (cf. Bertrand
2008, 2435 ; Picoche/Marchello-Nizia 31994, 324) ; de mme le suffixe -un, issu du
gaulois -dunum/-durum dsignant une citadelle, une forteresse ou un lieu de dfense
a t conserv dans Verdun, Meudon, Lyon, etc. Enfin, la numrotation par vingt,
conserve dans quatre-vingts, etc., remonte galement aux Gaulois.
De nouvelles situations de contact linguistique se produisent plus tard avec les
langues germaniques (cf. Bertrand 2008, 3746 ; Huchon 2002, 4751 ; Klare 1998,
40s.). Dans un premier temps, le contact linguistique a lieu dans le contexte de
406
Esme Winter-Froemel
contacts commerciaux et politiques (cf. des emprunts comme savon, maon, banc et
garder ainsi que les noms de couleurs de chevaux tels que brun, fauve et gris, etc.), et
on peut donc parler dans ce cas dinfluences du type adstrat. Ensuite, le contact se
renforce avec les invasions germaniques du Ve et du dbut du VIe sicle, de sorte que
nous pouvons identifier une influence de superstrat. Cest surtout la langue des
Francs qui laisse de nombreuses traces dans la langue franaise (cf. la dsignation
Francia, une forme latinise de Franko). De fait, la langue des envahisseurs francs
coexiste avec la langue et la culture gallo-romaines jusquau Xe sicle, priode
pendant laquelle les Francs se romanisent et se christianisent progressivement, de
sorte que le gallo-roman simpose finalement en tant que langue de la vie religieuse,
culturelle, commerciale et politique. Nanmoins, le francique influe sur la langue
diffrents niveaux. En ce qui concerne la phontique, le h aspir, qui avait disparu du
latin, est rintroduit avec des emprunts tels que heaume et honte, et cette prononciation peut affecter galement des mots du fonds latin tels que le latin altus qui devient
le fr. haut. De plus, le phonme initial [w] dorigine germanique sintroduit dans une
forme adapte [gw] voluant ensuite vers [g] dans des mots comme *werra, qui
donnera le fr. guerre (cf. aussi les mots gagner, garon et gupe). Au niveau lexical,
plus de mille mots franciques ont t introduits en ancien franais, dont peu prs
700 ont t conservs dans le franais contemporain. Les apports se localisent dans
certains domaines du vocabulaire, notamment le vocabulaire de la guerre (flche,
bouclier, garder, guerre, hache, haubert, heaume, etc.) et celui de ladministration
(bannir, baron, fief, gage, snchal, marchal, chambellan, ban, etc. ; cf. DMOE, p. 35),
le lexique de la vie rurale (bl, bois, gerbe, haie, houx, roseau, saule, etc.) ainsi que les
noms de couleurs (blanc, bleu, blond, gris, brun). Linfluence germanique se note
galement dans les noms propres, p. ex. Alain, Eude et Roland. De plus, on retrouve le
suffixe -ard, dorigine francique et signifiant fort dans de nombreux noms (p. ex.
Richard, Bernard, Grard) ; de mme pour le suffixe -aud/-ald, du germanique walden
diriger, gouverner (p. ex. Arnaud, Renaud) et pour le suffixe -isk qui volue vers -ois
et ensuite -ais et qui se retrouve dans des noms dhabitants comme Franais et
Anglais.
Plus tard, vers 800, les Normands (ou Vikings) envahissent la cte normande et
sy installent durablement. Ils introduisent encore quelques mots germaniques en
(ancien) franais, surtout dans le domaine de la marine (p. ex. tillac, cingler, turbot,
marsouin), mais abandonnent vite leur langue maternelle pour adopter le franais. Du
reste, lors des invasions de Guillaume de Conqurant, ils introduiront cette langue
nouvellement acquise sur le territoire de lAngleterre.
407
git considrablement, les emprunts jouant un rle important dans ce contexte. Parmi
les langues de contact figurent les langues romanes et les dialectes du franais, mais
aussi le latin, ce qui veut dire que ce dernier ne reprsente pas seulement le stratum
qui se conserve et volue vers les langues romanes dont le franais fait partie, mais il
exerce galement une influence dadstrat, ou plus prcisment dadstrat culturel
(pour le rle du latin dans lvolution des langues europennes, cf. Schweickard
1991). Dans ce cas, le contact linguistique ne seffectue pas dans la communication
orale et directe, mais de manire indirecte, travers les textes de lAntiquit qui sont
lus et traduits par des traducteurs comme Nicole Oresme (cf. Huchon 2002, 119).
Llaboration du franais se poursuit aux XVIIe et XVIIIe sicles et va de pair avec le
refoulement du latin, qui se conclut par son abandon en tant que langue scientifique.
Nanmoins, au cours de ce processus, le latin continue jouer un rle important,
dans la mesure o le lexique scientifique franais nouvellement cr se basera
souvent sur le latin et sur le grec, cf. le fr. questre, potable, sidral, tellurique,
agriculture, auriculaire, articulation, rotule, ainsi que le fr. gramme, litre, mtre, postulat, oxygne, hydrogne, entomologie, etc. (cf. Reinheimer-Rpeanu 2004 ; Bertrand
2008 ; Rey/Duval/Siouffi 2007, 455975) ; dans ces derniers cas, linfluence du grec
seffectue souvent par lintermdiaire du latin (p. ex. le fr. mtaphore est emprunt au
latin metaphora, lui-mme emprunt au grec, de mme pour le fr. symptme, symtrie,
hystrique). partir du XVIe sicle, par contre, on relve aussi des emprunts directs
la langue grecque (p. ex. hygine, analyse). Ces emprunts concernent souvent le
vocabulaire de la mdecine, de la rhtorique et de la politique.
De plus, on observe que de nombreux lments latins et grecs entrent dans la
formation des mots. Dun point de vue morphologique, il est intressant de noter que
dans ces compositions savantes, certains lments apparaissent toujours gauche
(p. ex. anti-, archi-, auto-, extra-, micro-, ultra-, pseudo-, micro-, tous dorigine
grecque), dautres, toujours droite (p. ex. -cide, -fre, -fuge, -vore, dorigine latine, et
crate, phage, phobe, tque, graphie, dorigine grecque) ; dautres encore peuvent
sutiliser position variable, et dans ce cas, ils ont souvent une signification partiellement diffrente (cf. p. ex. philo- dans philosophe, philologue vs. -phile dans bibliophile,
hydrophile, germanophile ; phono- dans phonologie, phonographe vs. -phone dans
aphone, tlphone, saxophone, microphone ; anthropo- dans anthrophosophe, anthropophage vs. -anthrope dans philanthrope, misanthrope ; logo- [de la parole] dans
logopdie, logorrhe vs. -logue [spcialiste de] dans anthropologue, philologue, ophtalmologue, etc.). Si la position de ces lments lintrieur des mots devient fixe, sils
donnent lieu des sries de mots et sils se combinent des lments du lexique
hrit (ou des bases relevant de strates du lexique plus anciens) (p. ex. cinphile,
francophile, microfiche, micro-onde, pseudomembrane), on peut les rapprocher de
prfixes ou de suffixes, mais leur statut morphologique reste en partie controvers (cf.
Lehmann/Martin-Berthet 1998, 116s. et 181183).
Retournant au latin, on peut constater que le contact intense avec le latin
(classique) sous forme dadstrat culturel mne encore une autre particularit du
408
Esme Winter-Froemel
lexique franais, notamment la coexistence de mots hrits du latin (mots populaires) et mots emprunts plus tard cette langue (mots savants) lintrieur de
nombreuses familles de mots. Par exemple, pour dsigner le concept de lanimal
mme, on a la forme cheval, issue du latin vulgaire caballus (et signifiant lorigine
cheval hongre/mauvais cheval, cf. DHLF) ; pour les concepts apparents plus
scientifiques et/ou techniques, par contre, on a des formes comme questre, quitation, etc. ayant comme base la forme du latin classique equus ; de mme pour le fr.
boire < lat.vulg. bibere ct du fr. potable (latin classique potare), ainsi que pour le
fr. toile < lat.vulg. stella ct du fr. sidral, sidr, sidration (cf. latin classique
sidus). De manire gnrale, cette coexistence de formes populaires et savantes
entrane un taux infrieur dunits linguistiques motives, cest--dire dunits dont
le sens peut se dduire partir dautres units du lexique (en allemand, par
exemple, la relation est souvent transparente, comme par exemple dans trinken
boire et trinkbar potable). En outre, nous pouvons trouver dans certains cas deux
reflets diffrents dun mme tymon latin, tels que chose cause (du lat. causa),
frle fragile (du lat. fragilis), troit strict (du lat. strictus), entier intgre (du lat.
integer), droit direct (du lat. directus), forge fabrique (du lat. fabrica), nager
naviguer (du lat. navigare) etc. (cf. Klare 1998, 76). Dans ces paires de mots, appeles
doublets lexicaux, on peut constater quen gnral, le mot savant reste plus proche
du latin tant au niveau de la prononciation et de la graphie qu celui de la
signification.
En outre, linfluence de ladstrat culturel latin se note aussi dans lvolution de la
prononciation et de la graphie de certains mots ayant toujours appartenu au fonds
lexical. De fait, dans certains cas, ceux-ci nont nanmoins pas suivi lvolution
phontique rgulire, et ils ont conserv, ou un certain moment repris, une forme
plus proche du latin. Par exemple, le mot larme aurait d aboutir une forme *lerme
selon les lois phontiques, de mme pour livre (o le mot latin liber aurait d voluer
vers *loivre), charit (au lieu de *chart), esprer et esprit (qui conservent la consonne
[s], qui aurait d samur selon lvolution typique du latin au franais, comme dans
le fr. pe, du lat. spat(h)a/spata, fr. paule, du latin imprial spat(h)ula, fr. pi, du
lat. spicum, fr. pice, du lat. species, etc.). Les mots avec cette volution phontique
irrgulire, appels mots mi-savants, relvent surtout du domaine de la religion et
du droit, ce qui sexplique par le contact permanent qui avait lieu dans ces domaines
entre la population et les rudits employant la langue latine. De manire gnrale, on
peut constater que le latin chrtien a jou un rle considrable dans lhistoire des
langues romanes, ce qui se constate par exemple dans le mot parler (cf. aussi litalien
parlare) qui remonte au latin chrtien tardif parabolare, driv du mot parabola ayant
le sens de rcit allgorique du Christ (et nouveau, ct du verbe parler, on trouve
des drivs savants qui remontent la forme du latin classique loqui, p. ex. locution,
locuteur, interlocuteur, allocution, etc.).
Outre les contacts permanents avec le latin et le grec, pendant toute la priode
mdivale et jusquau XVIe sicle, on note une forte influence de la langue arabe, qui
409
a lieu sous diffrentes formes (cf. Bertrand 2008, 5774). Premirement, il sagit de
contacts lis au commerce, qui se refltent dans limportation de mots comme carafe,
douane, magasin, tasse, azur, orange, alezan, girafe, abricot, artichaut, coton, pinard,
estragon, safran, sucre, etc. (certains de ces emprunts ont lieu par lintermdiaire de
lespagnol et de litalien). Deuximement, il y a les contacts lis aux croisades, qui se
refltent galement dans un certain nombre dapports lexicaux (amiral, arsenal,
assassin, calife, mir, etc.). Dans ces deux cas, il sagit de situations dadstrat. Troisimement, toutefois, le contact avec larabe sopre aussi dune manire plus indirecte,
travers des textes crits. Dune part on peut penser ici des auteurs littraires et
des ouvrages tels que les Mille et une nuits, qui remontent une source persane ou
indienne, mais qui deviendront clbres en Europe partir dune traduction en arabe.
Ensuite, cest le domaine de la science qui est concern ici, incluant les sciences
humaines aussi bien que les sciences dures. Parmi les auteurs arabes, on peut citer
Avicenne et Averros. De plus, de nombreux ouvrages philosophiques et scientifiques
datant de lAntiquit sont traduits du grec en passant par lintermdiaire de larabe
vers le latin et les langues romanes, et ces traductions donnent lieu des emprunts
tels que chiffre, zro, chimie, lixir, antimoine, sirop, ainsi que algbre, alchimie, alcool,
artichaut, etc. (dans ces derniers emprunts, nous pouvons observer une agglutination
de larticle arabe). Pour ces apports lexicaux, la situation se rapproche davantage
dune situation de contact avec un adstrat culturel, puisque le contact ne se passe que
de manire indirecte, travers les textes. En mme temps, il convient toutefois de
noter que ces contacts avec larabe sont des contacts ponctuels (les emprunts sont
effectus par un nombre rduit de personnes), alors que pour le latin et le grec, il
sagit de langues vraiment omniprsentes dans le domaine savant .
410
Esme Winter-Froemel
411
412
Esme Winter-Froemel
413
franais a eu une influence notoire sur la langue anglaise (Bertrand 2008, 148s.).
Depuis Guillaume le Conqurant au XIe sicle et jusquau rgne de Henry IV, cest-dire jusquau dbut du XVe sicle, lancien franais, et plus prcisment sa varit
normande, sera la langue maternelle des rois dAngleterre et la langue parle la cour
anglaise. Dans ce contexte se dveloppe la littrature anglo-normande, qui est une
littrature de langue franaise produite en Angleterre (p. ex. les Lais de Marie de
France). La forte influence du franais sur langlais se reflte dans des emprunts de
mots frquents tels que langl. cat (< a.fr. chat), car (< a.fr. car/char), challenge (< a.fr.
chalengier) et castle (< a.fr. chastel), et on estime quenviron 40% du vocabulaire
anglais remontent une origine franaise (Bertrand 2008, 148).
Par consquent, certains mots que le franais a imports de langlais sont en
ralit des emprunts aller-retour, cest--dire quil sagit de mots anglais dorigine
franaise qui, par la suite, sont rintroduits dans le lexique du franais, comme
dans le cas des formes challenge et car, que nous venons de citer. Le mot car a t
emprunt dans un sens spcifique, celui de voiture de tramway, vhicule sur rails,
qui ne sest pas maintenu. La forme fr. car autocar pourrait sanalyser, en revanche,
comme une abrviation du fr. autocar, galement emprunte langlais, o autocar
signifiait automobile (cf. DHLF s.v. car2 ; nous reviendrons aux phnomnes de
changements smantiques/divergences smantiques qui peuvent accompagner les
emprunts dans le paragraphe suivant). En outre, on peut donner lexemple du fr.
sport, qui remonte langl. sport/disport, emprunt lancien franais desport, et
celui du fr. tennis, qui a t emprunt langlais tennis, qui a, son tour, emprunt ce
mot au franais du XIVe sicle pour dsigner le jeu de paume ; il sagit ici plus
prcisment de limpratif du verbe franais tenir, cri par le serveur dans ce jeu, qui a
fourni la base pour la dsignation du jeu. De plus, le mot adopte en franais galement le sens de terrain de tennis, o langlais a (tennis) court uniquement ; ce dernier
mot reprsente galement un emprunt aller-retour en franais (ancien franais court,
cort angl. court fr. court ; cf. DHLF). Mentionnons finalement le cas du mot
anglais jean(s), qui remonte la dsignation franaise du nom de la ville italienne de
Gnes, do lon importait cette toile (cf. les dsignations en moyen anglais Gene, Jene,
Jeyne, Jayne et Jane et celle de lancien/moyen franais Janne(s), cf. OED, DHLF).
Il semble intressant de noter que dans une perspective historique, le contact
relativement intensif avec langlais ne reprsente pas un cas unique ; de fait, on peut
le rapprocher de la situation au XVIe sicle, o de nombreux mots italiens entrent
dans le lexique du franais, et o lon trouve galement des discours trs critiques
comme celui dHenri Estienne qui souligne les dangers de linfluence italienne,
ressentie comme trop importante (cf. Bertrand 2008, 147 et la partie 5.1 ci-dessous).
Linfluence de langlais sur le franais sintensifie de plus en plus avec lindustrialisation, cest--dire partir du XIXe sicle, et le contact devient encore plus
intense aux XXe et XXIe sicles. Souvent, les emprunts concernent des domaines
spcifiques du lexique tels que le vocabulaire industriel (cf. bulldozer, cargo, express,
fuel(-oil), pipe-line, rail, tramway, tunnel), la politique et la gestion dentreprises (cf.
414
Esme Winter-Froemel
budget, leader, lobby, manager, marketing, staff, jury, boycotter, interview, meeting,
lock-out, speaker). Dans le domaine du sport, on voit apparatre le terme de sport
mme, et, de la mme faon, badminton, baseball, basket-ball, bobsleigh, bowling,
boxe, cricket, croquet, curling, football, golf, handball, hockey, rafting, rugby, snooker,
squash, surf, tennis, volley-ball, challenge, fair-play, match, record, sprint, etc. ; pour ce
qui est de la musique et de la danse contemporaines, on peut citer beat, bebop, big
band, blues, boogie(-woogie), folk, fox-trot, funk, grunge, jazz, heavy metal, new age,
pop, punk rock, rap, reggae, rock n roll, slow fox, soul, swing, techno, twist, etc. ; dans
le domaine du commerce, de la mode et du style de vie, il y a blue jean(s), clip, dandy,
look, marketing, shopping, week-end, etc. Parmi les emprunts rcents figurent enfin
beaucoup de termes qui relvent du vocabulaire de linformatique et de linternet
(p. ex. blog, bug, (t)chat, internet, mail/e-mail, spam, web, etc.).
De manire gnrale, le paysage mdiatique international joue un grand rle dans
la diffusion de langlais dans le monde. Limportance de ce facteur sest encore renforce au cours des dernires annes avec le succs grandissant de linternet et des
technologies de communication quil offre : aujourdhui, chaque locuteur peut,
quelque heure qui soit, accder des documents en anglais, p. ex. sur des sujets
dactualit, et cela non seulement sous forme de documents crits (articles de presse,
reportages, etc.), mais aussi sous forme de documents oraux disponibles sur internet, et
en accdant directement des stations de radio et des chanes de tlvision anglophones etc. De plus, les utilisateurs ne doivent pas se contenter dun rle de consommateur
passif, mais les nouvelles formes de communication offrent galement des possibilits
dentrer directement en contact avec des locuteurs dautres langues et dautres pays.
En mme temps, le degr de bilinguisme des locuteurs franais est relativement
lev, ce qui facilite galement les emprunts. De fait, en France, langlais est la langue
trangre la plus importante dans la formation scolaire (Humbley 2002, 113) ; il est
actuellement enseign ds lcole primaire (au plus tard), de sorte que les couches
jeunes de la population disposent de connaissances de plus en plus approfondies de
la langue. De plus, lemploi de la langue anglaise a aussi lieu dans des milieux
professionnels ; par consquent, on peut affirmer que la pratique de langlais et le
niveau du bilinguisme augmentent globalement.
Linfluence de langlais au niveau lexical semble tre hors de question. Pour les
autres niveaux danalyse linguistique, par contre, on sest interrog sur la question de
savoir si la structure de la langue franaise a galement t influence par langlais ou
non. Par exemple, par lemprunt de mots comme shopping, la prononciation [] sest
introduite, mais son statut reste controvers : devrait-on prendre en compte la diffusion marginale de cette prononciation au sein de la langue franaise, ou sagit-il tout
simplement dun nouveau phonme de la langue franaise, puisquil est possible de
trouver les paires minimales campine camping [kpin kpi] et chopine shopping
[pin pi] ? La plupart des auteurs ont opt pour la deuxime solution, mais cette
analyse ne fait pas compltement lunanimit (cf., pour plus de dtails, Schweickard
1998, 297).
415
416
Esme Winter-Froemel
sur laquelle repose le mot tranger soit reproduite avec des formes de la langue
daccueil (un exemple de cette dernire stratgie fournit lall. Rechner, qui est driv
du verbe rechnen calculer et imite ainsi la conceptualisation du nom anglais driv
du verbe compute). Tandis que ces dernires formes peuvent se classifier demprunts
au sens large, cest--dire quelles reprsentent des formes influences par un modle
de la langue source, une telle influence au niveau des structures ou de la conceptualisation est absente pour les crations lexicales. Pour elles, linfluence de la langue
source se limite inciter la cration dun quivalent dans la langue cible, de
sorte que lon peut parler dinnovations induites par une situation de contact linguistique. Lincitation linnovation peut aboutir soit une formation de mots (cf. le fr.
ordinateur), soit une innovation smantique (p. ex. le fr. tmoin a t propos pour
rendre langl. cookie [informatique], et cette innovation peut sexpliquer par une
innovation mtaphorique partant du sens dorigine du mot franais ; de mme pour le
fr. animateur, cr pour rendre langl. disc-jockey).
Dans les travaux antrieurs, le statut des crations lexicales leur appartenance
au domaine des emprunts est controvers. Certains auteurs les rangent parmi les
calques (cf. Betz 1949 ; Kiesler 1993) ; dautres mettent laccent sur le fait que la forme
de ces mots doit sexpliquer indpendamment de la forme du mot tranger, de sorte
que lon pourrait la rigueur parler dun emprunt de concept, mais pas dun soustype demprunt (Hfler 1971, 64 ; 1981 ; Bcker 1975, 87 et 96s.). Cette controverse peut
se rsoudre si on distingue deux approches distinctes qui sont en jeu ici (cf. Winter
2005 ; Winter-Froemel 2009a ; 2011), lune onomasiologique quelles stratgies
peuvent recourir les locuteurs de la langue daccueil pour rendre un terme tranger ? , lautre smasiologique et tymologique sous quelles formes peut se manifester linfluence dun mot ou dune expression de la langue dorigine dans la langue
daccueil ? (Nous verrons par la suite quil y a encore un troisime critre qui entre en
jeu ici, savoir la prsence ou absence de marques formelles trangres).
Les deux approches dfinissent des champs danalyse distincts, mais connexes.
Selon la premire question, on peut identifier trois stratgies de base pour rendre un
mot tranger dans la langue daccueil (importation du mot de la langue source,
innovation par analogie, et innovation indpendante). Dans une optique semblable,
Polzin-Haumann (2012) distingue trois options fondamentales, celle de traduire (cf.
les catgories de linnovation analogue et de linnovation indpendante), celle dintgrer lemprunt (cf. limportation, avec des adaptations possibles au systme de la
langue cible), et celle de lignorer (que nous laissons de ct ici.)
Limportation du mot de la langue source et linnovation par analogie sont
galement prises en compte par lapproche smasiologique et tymologique, qui
renvoie au domaine des emprunts au sens large. Ceux-ci se ralisent donc selon ces
deux options principales, qui sont les emprunts au sens troit du terme (cf. lall.
Computer) et les calques (cf. lall. Rechner). Alors que les premiers se caractrisent par
limportation de la forme de la langue dorigine, les derniers reprsentent des innovations par analogie un modle tranger. Comme pour les innovations induites par
417
une situation de contact linguistique, on peut encore opposer ici les innovations par
formation de mots (cf. fr. franc-maon daprs angl. free-mason, fr. lune de miel
daprs angl. honeymoon, fr. vol domestique daprs angl. domestic flight, fr. libre
penseur daprs angl. free-thinker, etc.) et les innovations par innovation smantique
(cf. fr. toile rseau de fils, le rseau tlmatique mondial cr daprs langl. web,
qui repose sur une conceptualisation analogue ; de mme pour le fr. souris rongeur,
dispositif de pointage, cr daprs langl. mouse). Ensuite, cette systmatique peut
tre largie en y intgrant diffrents sous-types des deux catgories, p. ex. en distinguant, au sein des innovations par formation de mots, entre traductions fidles
(Lehnbersetzung, cf. les exemples cits ci-dessus) et traductions (en partie) infidles
(Lehnbertragung, p. ex. all. Wolkenkratzer daprs angl. sky-scraper, o la traduction
littrale serait Himmelkratzer). Le terme de calque est parfois galement rserv aux
seules formations de mots par analogie un modle tranger ; dans ce cas, loption
alternative est dsigne par le terme de nologisme smantique ou emprunt smantique (cf. Bertrand 2008). Toutefois, il semble avantageux de regrouper les deux types
dinnovations par analogie, qui imitent tous les deux la conceptualisation de la
langue source. Par ailleurs, le terme demprunt smantique (et son quivalent allemand de Lehnbedeutung) semble problmatique, puisque, dans une perspective
smiotique, il est impossible demprunter le sens dun mot exclusivement (cf. la
dfinition saussurienne du signe linguistique comme une unit deux faces ;
Saussure 1969 [11916], 145). Pour une discussion approfondie des catgories qui ont
t proposes dans ce contexte, cf. Winter (2005) et Winter-Froemel (2009a ; 2011).
Signalons encore que dans larticle fondamental de Haugen (1950), on trouve une
classification lgrement divergente, savoir tripartite, qui prvoit outre les deux
catgories que nous venons de distinguer (importation et innovation par analogie)
une catgorie mixte, lemprunt partiel. Ce dernier se caractrise selon Haugen par le
fait de combiner les deux oprations qui sont fondamentales pour les autres types,
limportation et la substitution morphmatiques. Par exemple, dans lall. Webseite,
qui traduit langl. web page, une partie de lexpression est directement importe de la
langue source (web), tandis que le deuxime lment page est substitu par lall. Seite,
qui a le mme sens dorigine (cf. Winter-Froemel 2009b, 196).
Une deuxime catgorie ayant un statut assez problmatique dans la recherche
antrieure est celle des faux-emprunts ou des pseudo-emprunts (Cypionka 1994).
Ceux-ci se caractrisent par le fait quils semblent tre des emprunts au sens troit
du terme ils prsentent des marques qui les distinguent du lexique autochtone ,
mais quils nexistent pas dans la prtendue langue source. Dans certains travaux,
cette catgorie est dfinie un niveau purement synchronique selon le critre
contrastif (cest--dire que lon assume un faux-emprunt ds quil y a une divergence
par rapport la forme de la langue source ; cf. tiemble 1964 ; Furiassi 2003 ; 2010),
mais ces divergences peuvent galement tre le rsultat de changements morphologiques ou smantiques lors de la situation demprunt, de changements ultrieurs
dans la langue source ou cible, ou bien encore de la disparition du mot dans la
418
Esme Winter-Froemel
langue source ou cible. Par exemple, premire vue, il semble impossible dexpliquer le sens du fr. slip culotte partir de langl. slip, qui ne semploie pas dans ce
sens. Toutefois, des tudes diachroniques montrent que le mot franais a dabord
signifi caleon de sport, et ce sens reprend directement un des sens du mot anglais
dans lexpression bathing slips, emploi qui a disparu plus tard (cf. OED, DHLF, EWDS
s. v. Slip, Cypionka 1994, 212). De mme, le fr. smoking peut sexpliquer par une
troncation du modle tranger angl. smoking jacket (Cypionka 1994, 206209 ; Humbley 2008b, 234).
Ainsi, on peut galement adopter une approche diachronique et restreindre la
catgorie des faux-emprunts aux formes qui nont jamais eu de forme dorigine en
tant que telle dans la prtendue langue source (cf. Haugen 1950, 220s. ; Deroy 1956,
63 ; Tesch 1978 ; Carstensen 1981 ; Hfler 1990 ; Cypionka 1994 ; Jansen 2005, 33 ;
Winter-Froemel 2009a). Ces formes sont donc crs lintrieur de la langue cible ,
mais en ayant recours des lments non autochtones (p. ex. le fr. record-man,
tennisman, camping-car, ou lall. picobello), de sorte que lon peut les qualifier
dinnovations allognes (cf. Humbley 2008b). Par consquent, il ne sagit encore pas
demprunts proprement dits, mais de phnomnes qui relvent dun champ dtude
connexe, qui se dfinit par la question suivante : quels types de marques formelles
trangres peuvent se manifester dans le lexique dune langue donne, et comment
peut-on les expliquer ?
Cela nous ramne la catgorie la plus prototypique demprunts, les emprunts
par importation. Comme nous lavons dj vu, les formes de la langue dorigine
prsentent souvent des marques formelles qui nexistent pas dans le lexique hrit, et
la question se pose donc de savoir si ces marques vont subsister lors de limportation
du mot ou si par contre elles disparatront, cest--dire que les locuteurs opteront pour
une stratgie dintgration qui remplace les lments non conformes au systme de la
langue daccueil par des lments qui sy conforment. Si on regarde lhistoire du
franais, et si on la compare celle dautres langues, on constate que les diffrentes
options sont bien documentes. Tandis que les emprunts relativement rcents sont
souvent faciles identifier dun point de vue formel ils contiennent souvent des
segments graphiques trangers et sont souvent prononcs dune manire non
conforme aux rgles du franais (p. ex. football, leader, clown, week-end, etc.) ,
lorigine trangre de mots tels que le fr. redingote ne se rvle quaprs consultation
de sources qui documentent ltymologie de ce mot (angl. riding coat). De manire
gnrale, on note une tendance plus forte lintgration pour les emprunts plus
anciens en franais, tandis que pour les emprunts rcents, on conserve souvent la
graphie dorigine (dautres langues comme lespagnol, par contre, optent plus facilement pour une intgration plus forte, cf. esp. chfer [du fr. chauffeur], esp. plat [du fr.
plateau] et esp. gisqui [qui coexiste avec la graphie whisky, tous les deux emprunts
langl. whisky]).
Pour lhistoire du franais, on a distingu trois priodes fondamentales par
rapport lintgration des emprunts au niveau de la prononciation et de la graphie
419
(cf. Roudet 1908 ; Pergnier 1989, 36 ; Meisenburg 1993). La premire priode, qui
stend jusqu la fin du XVIIIe sicle, est caractrise par des emprunts par voie orale,
dont la prononciation sadapte la langue cible et dont la graphie se fixe ensuite
partir de la prononciation intgre (p. ex. fr. redingote ; de mme pour langl. bowlinggreen, emprunt sous la forme de boulingrin en franais). Pendant la deuxime
priode, qui va jusquau dbut du XXe sicle, les emprunts passent en revanche
surtout par la voie crite, de sorte que la graphie des mots reste identique ou trs
proche de celle de la forme dorigine ; par contre, les emprunts se prononcent selon
les rgles de la langue daccueil, ce qui entrane une forte divergence par rapport la
prononciation de la langue source (cf. lexemple de langl. black-jack, qui donne le fr.
black-jack [blakak]). La dernire priode, qui stend jusqu nos jours, se caractrise
enfin par une graphie et une prononciation relativement proches de celles de la forme
dorigine. Cette stratgie dintgration faible donne souvent des formes qui violent les
rgles de prononciation/dcriture du franais, et mme si le mot emprunt ne
prsente ni de phonmes ni de graphmes trangers , il peut poser des problmes
pour la lecture ou lcriture (cf. fr. baby [bebi], fan [fan] etc.).
ct des formes faiblement intgres, on trouve parfois des emprunts ou des
variantes de certains emprunts qui se caractrisent par une forte intgration au niveau
de la graphie ; souvent, leur emploi est motiv pour des raisons ludiques et/ou
expressives (cf. le fr. niouses pour news). Souvent, ces formes restent des emplois
marginaux, confins des contextes dun faible degr de normalisation comme la
langue de linternet, mais dans certains cas, ces graphies peuvent russir et entrer
dans les dictionnaires tablis, comme cest le cas pour la forme pipole, qui coexiste
avec la graphie people (cf. PR).
Sur le plan thorique, la question de lintgration des emprunts renvoie lopposition entre Fremdwort et Lehnwort, qui a t propose dans la recherche germanophone (dans la littrature anglophone, on distingue entre transfert et intgration, ou
encore entre adoption et adaptation, importation et substitution ; Haugen 1950 ; Hock/
Joseph 1996). En gros, le Fremdwort est considr comme un emprunt non intgr, le
Lehnwort comme un emprunt intgr. Toutefois, si on regarde ces dfinitions de plus
prs, elles ne sont pas suffisamment claires. De fait, les dfinitions antrieures ont
recours deux critres bien distincts : dune part, le statut des mots peut svaluer par
rapport la conformit la forme de la langue source (p. ex. Carstensen 1968), et
dautre part, on peut analyser leur conformit au systme de la langue cible (p. ex.
Kiesler 1993 ; cf. Winter-Froemel 2008a). En combinant les deux alternatives (conformit ou non-conformit) qui existent pour chacun de ces critres, on obtient non
seulement deux, mais quatre options fondamentales qui permettent une analyse
dtaille des structures dun mot emprunt donn. Par exemple, pour les graphies fr.
people et pipole, les segments graphiques <p>, <p>, <l> et <e> sont conformes la
forme de la langue source aussi bien quau systme de la langue cible (correspondance) ; le segment <eo>, par contre, reprsente un transfert (conforme la forme de
la langue source, non conforme au systme de la langue cible), tandis que la graphie
420
Esme Winter-Froemel
421
flipper est inscrit sur les leviers du jeu et sur lappareil mme), de sorte quil peut tre
smantiquement ranalys par lauditeur.
Un dernier aspect relatif aux modalits dinfluence se rfre la question de
savoir si linnovation dsigne un nouveau concept, qui navait jusque-l pas de
dsignation (p. ex. flipper), ou par contre, si linnovation vient concurrencer un mot
dj existant dans la langue (p. ex. fr. people ct de clbrits, news ct
dactualits). Pour caractriser ces deux options, on a parl demprunts de ncessit et demprunts de luxe (cf. Winter-Froemel 2011, 295319 ; Onysko/WinterFroemel 2011). Les exemples demprunts cits dans les paragraphes 2 et 3 ci-dessus
montrent que les emprunts du premier type reprsentent un groupe trs important du
point de vue quantitatif et qualitatif (cf. opra, pantalon, chorizo, paella, tagliatelles,
pizza, caman, blinis, bulldozer, snooker, jazz, etc.), cest--dire que lon a affaire ici
un facteur important favorisant lemprunt, qui peut sintroduire dans la langue cible
pour combler une lacune lexicale et permettre de dsigner des rfrents et des
concepts nouveaux ou propres la culture de la langue source.
Toutefois, les termes traditionnels demprunt de luxe et demprunt de ncessit
sont gnralement employs dans une perspective puriste, qui admet la rigueur les
emprunts de ncessit, mais condamne strictement les emprunts de luxe. Par exemple, Lenoble-Pinson (1991, 6) affirme que Langlomanie contribue rpandre des
anglicismes inutiles [] . Or, une telle attitude puriste semble trs problmatique ; de
plus, la description traditionnelle des deux catgories nest pas pertinente, puisque
les emprunts de ncessit pourraient galement tre remplacs par des innovations indpendantes (cf. ci-dessus) et ne sont donc pas ncessaires ; inversement,
les emprunts de luxe sont choisis par les locuteurs pour raliser certains buts
communicatifs (p. ex. celui dobtenir des effets pragmatiques par lemploi dune
forme novatrice et marque), et en ce sens, ils sont donc galement ressentis comme
ncessaires. Par consquent, il semble avantageux de reconcevoir cette alternative en
introduisant des termes plus neutres (p. ex. katachrestische vs. nichtkatachrestische
Innovationen, cf. Winter-Froemel 2011).
422
Esme Winter-Froemel
types demprunts et leurs alternatives offrent aux locuteurs, pour ensuite passer aux
ractions institutionnelles et aux mesures officielles visant contrler certains effets
du contact linguistique pour la langue franaise.
423
424
Esme Winter-Froemel
425
Dans lensemble, on peut donc relever toute une srie dinstitutions charges de
lamnagement linguistique et de la dfense institutionnalise de la langue franaise.
En ce sens, les institutions refltent un souci constant du bon fonctionnement de la
langue franaise, qui peut tre vu comme une particularit de la politique linguistique
de lHexagone.
6 Conclusion
Notre tude de la langue franaise en contact avec dautres langues a rvl quau
cours de toute son histoire, la langue franaise a constamment intgr des lments
emprunts dautres langues, surtout au niveau lexical. Lampleur des emprunts peut
varier selon les priodes et les langues, mais les situations de contact linguistique
sont une constante dans lvolution de la langue, et les emprunts reprsentent un
phnomne qui peut sobserver pratiquement tout moment de lhistoire de la
langue. En outre, nous avons vu que contact linguistique et contact culturel vont de
pair, de sorte que les tudes sur les emprunts peuvent fournir des informations
prcieuses sur les faits culturels et inversement. cet gard, les emprunts peuvent se
concevoir comme un vritable enrichissement de la langue, puisquils peuvent introduire des dsignations pour des concepts et des objets jusque-l inconnus. En mme
temps, les locuteurs ont parfois recours aux emprunts pour des raisons stylistiques.
De manire gnrale, les emprunts reprsentent un type de nologisme parmi dautres, et par l, ils dmontrent lactivit crative des locuteurs qui, par leurs noncs,
contribuent de faon constante recrer la langue. Cette dynamique inhrente se
manifeste de manire trs nette dans les emprunts tout rcents qui se caractrisent
par une coexistence de variantes circulant dans des documents non officiels (cf. p. ex.
426
Esme Winter-Froemel
7 Bibliographie
Aschenberg, Heidi (2011), The Renaissance and its impact on the languages of Europe, in : Bernd
Kortmann/Johan van der Auwera (edd.), The Languages and Linguistics of Europe. A Comprehensive Guide, Berlin/Boston, De Gruyter, 697711.
Attinger, Gustave (1950), Lesprit de la commedia dellarte dans le thtre franais, Paris, Librairie
thtrale.
Bcker, Notburga (1975), Probleme des inneren Lehnguts : dargestellt an den Anglizismen der franzsischen Sportsprache, Tbingen, Narr.
Beinke, Christiane (1990), Der Mythos franglais . Zur Frage der Akzeptanz von Angloamerikanismen
im zeitgenssischen Franzsisch. Mit einem kurzen Ausblick auf die Anglizismen-Diskussion in
Dnemark, Frankfurt am Main et al., Lang (zugl. : Diss. Mnster, Westfalen, 1988).
Bertrand, Olivier (2008), Histoire du vocabulaire franais, Nantes, ditions du Temps.
Betz, Werner (1949), Deutsch und Lateinisch. Die Lehnbildungen der althochdeutschen Benediktinerregel, Bonn, Bouvier u. Co.
Betz, Werner (31974), Lehnwrter und Lehnprgungen im Vor- und Frhdeutschen, in : Friedrich
Maurer/Heinz Rupp (edd.), Deutsche Wortgeschichte, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter,
135163.
Braselmann, Petra (2002), Anglizismen, in : Ingo Kolboom/Thomas Kotschi/Edward Reichel (edd.),
Handbuch Franzsisch. Sprache Literatur Kultur Gesellschaft, Berlin, Schmidt, 204208.
Braun, Peter (1990), Internationalismen Gleiche Wortschtze in europischen Sprachen, in : Peter
Braun/Burkhard Schaeder/Johannes Volmert (edd.), Internationalismen. Studien zur interlingualen Lexikologie und Lexikographie, Tbingen, Niemeyer, 1333.
Bullock, Barbara E./Toribio, Almeida Jacqueline (2009), Themes in the study of code-switching, in :
Barbara E. Bullock/Almeida Jacqueline Toribio (edd.), The Cambridge Handbook of Linguistic
Code-switching, Cambridge, Cambridge University Press, 117.
Carstensen, Broder (1968), Zur Systematik und Terminologie deutsch-englischer Lehnbeziehungen,
in : Herbert E. Brekle/Leonhard Lipka (edd.), Wortbildung, Syntax und Morphologie. Festschrift
zum 60. Geburtstag von Hans Marchand am 1. Oktober 1967, The Hague/Paris, Mouton, 3245.
Carstensen, Broder (1981), Lexikalische Scheinentlehnungen des Deutschen aus dem Englischen, in :
Wolfgang Khlwein et al. (edd.), Kontrastive Linguistik und bersetzungswissenschaft. Akten des
Internationalen Kolloquiums Trier/Saarbrcken, 25.30.9.1978, Mnchen, Fink, 175182.
Clyne, Michael (1975), Forschungsbericht Sprachkontakt. Untersuchungsergebnisse und praktische
Probleme , Kronberg/Ts., Scriptor.
Croft, William (2000), Explaining Language Change. An Evolutionary Approach, Essex, Pearson Education Limited.
Cypionka, Marion (1994), Franzsische Pseudoanglizismen : Lehnformationen zwischen Entlehnung, Wortbildung, Form- und Bedeutungswandel, Tbingen, Narr.
Dabne, Louise/Degache, Christian (edd.) (1996), Comprendre les langues voisines. LA. Revue de
Didactologie des langues-cultures 104.
427
428
Esme Winter-Froemel
Hope, T. E. (1971), Lexical Borrowing in the Romance Languages. A Critical Study of Italianisms in
French and Gallicisms in Italian from 1100 to 1900, 2 vol., Oxford, Blackwell.
Huchon, Mireille (2002), Histoire de la langue franaise. Paris, Librairie Gnrale Franaise.
Humbley, John (1988), Comment le franais et lallemand amnagent la terminologie de linformatique, La banque des mots, numro spcial CTN, CILF, 85148.
Humbley, John (2002), French, in : Manfred Grlach (ed.), English in Europe, Oxford, Oxford University
Press, 108127.
Humbley, John (2008a), Anglicisms in French : is French still a case apart ?, in : Roswitha Fischer/
Hanna Puaczewska (edd.), Anglicisms in Europe : Linguistic Diversity in a Global Context,
Cambridge, Cambridge Scholars Publishing, 85105.
Humbley, John (2008b), Emprunts, vrais et faux, dans le Petit Robert 2007 , in : Jean Pruvost (ed.),
Dictionnaires et mots voyageurs. Les 40 ans du Petit Robert. De Paul Robert Alain Rey. Les
Journes des dictionnaires de Cergy [14 mars 2007, Cergy-Pontoise], ragny sur Oise, ditions
des Silves, 221238.
Jansen, Silke (2005), Sprachliches Lehngut im world wide web . Neologismen in der franzsischen
und spanischen Internetterminologie, Tbingen, Narr.
Kiesler, Reinhard (1993), La tipologa de los prstamos lingsticos : no slo un problema de terminologa, Zeitschrift fr romanische Philologie 109, 505525.
King, Ruth (2000), The lexical basis of grammatical borrowing. A Prince Edward Island French case
study, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Klare, Johannes (1998), Franzsische Sprachgeschichte, Stuttgart, Klett.
Kristiansen, Gitte (2001), Social and linguistic stereotyping : A cognitive approach to accents, Estudios
Ingleses de la Universidad Complutense 9, 129145.
Lehmann, Alise/Martin-Berthet, Franoise (1998), Introduction la lexicologie. Smantique et morphologie, Paris, Dunod.
Lenoble-Pinson, Michle (1991), Anglicismes et substituts franais, Paris/Louvain-la-Neuve, Duculot.
McLaughlin, Mairi (2011), Syntactic borrowing in contemporary French. A linguistic analysis of news
translation, London, Legenda.
Meisenburg, Trudel (1993), Graphische und phonische Integration von Fremdwrtern am Beispiel des
Spanischen, Zeitschrift fr Sprachwissenschaft 11:1, 4767.
Mller-Lanc, Johannes (2003), Der Wortschatz romanischer Sprachen im Tertirsprachenerwerb,
Tbingen, Stauffenburg.
OED = Oxford English Dictionary (2007), Oxford, Oxford University Press, <http://dictionary.oed.com/
entrance.dtl> (27.03.2014).
Onysko, Alexander (2007), Anglicisms in German. Borrowing, Lexical Productivity, and Written
Codeswitching, Berlin/New York, de Gruyter.
Onysko, Alexander/Winter-Froemel, Esme (2011), Necessary loans luxury loans ? Exploring the
pragmatic dimension of borrowing, Journal of Pragmatics 43, 15501567.
Pergnier, Maurice (1989), Les anglicismes, Paris, Presses Universitaires de France.
Picoche, Jacqueline/Marchello-Nizia, Christiane (31994), Histoire de la langue franaise, Paris,
Nathan.
Plmer, Nicole (2000), Anglizismus Purismus Sprachliche Identitt. Eine Untersuchung zu den
Anglizismen in der deutschen und franzsischen Mediensprache (Diss. Mnster, Westfalen,
1999), Frankfurt am Main et al., Lang.
Polzin-Haumann, Claudia (2006), Sprachplanung, Sprachlenkung und institutionalisierte Sprachpflege : Franzsisch und Okzitanisch, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen und ihrer
Erforschung, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 14721486.
429
Polzin-Haumann, Claudia (2012), bersetzen, integrieren oder ignorieren ? Beobachtungen zum Umgang mit einem Anglizismus im germanophonen, frankophonen und hispanophonen Sprachraum, in : Vahram Atayan/Ursula Wienen (edd.), Sprache Rhetorik Translation : Festschrift fr
Alberto Gil zu seinem 60. Geburtstag, Frankfurt am Main et al., Lang, 111123.
Poplack, Shana (1980), Sometimes Ill start a sentence in Spanish Y TERMINO EN ESPAOL : Toward a
typology of codeswitching, Linguistics 18, 581618.
Poplack, Shana (2001), Code switching : Linguistic, in : Neil J. Smelser/Paul B. Bates (edd.), International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, 26 vol., vol. 3, Amsterdam et al., Elsevier,
20622065.
Poplack, Shana (2004 [11988]), Code-Switching, in : Ulrich Ammon et al. (edd.), Sociolinguistics. An
International Handbook of the Science of Language and Society, vol. 1, Berlin/New York, de
Gruyter, 589596.
Poplack, Shana/Sankoff, David (1988), Code-Switching, in : Ulrich Ammon/Norbert Dittmar/Klaus
J. Mattheier (edd.), Sociolinguistics. An International Handbook of the Science of Language and
Society, vol. 2, Berlin/New York, de Gruyter, 11741180.
PR = Alain Rey/Josette Rey-Debove (2000), Le nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabtique et
analogique de la langue franaise, Paris, Dictionnaires Le Robert.
Reinheimer-Rpeanu, Sanda (2004), Les emprunts latins dans les langues romanes, Bucureti, Ed.
Universitii din Bucureti.
Rey, Alain/Duval, Frdric/Siouffi, Gilles (2007), Mille ans de langue franaise. Histoire dune passion, Paris, Perrin.
Rey, Christophe (2011), Les emprunts linguistiques dans les ditions du XVIIIe sicle du Dictionnaire
de lAcadmie franaise, in : Agns Steukardt et al. (edd.), Les dictionnaires et lemprunt.
XVIeXXIe sicle, Aix-en-Provence, Publications de lUniversit de Provence, 107122.
Riehl, Claudia Maria (2004), Sprachkontaktforschung. Eine Einfhrung, Tbingen, Narr.
Rivara, Annie (1996), Masques italiens et comdie moderne. Marivaux La Double Inconstance, Le Jeu
de lAmour et du Hasard, Orlans, Paradigme.
Roudet, Lonce (1908), Remarques sur la phontique des mots franais demprunt, Revue de philologie franaise 22, 241267.
Saussure, Ferdinand de (1969 [11916]), Cours de linguistique gnrale. Publi par Charles Bally et
Albert Sechehaye, Paris, Payot.
Schaeder, Burkhard (1990), Versuch einer theoretischen Grundlegung der Internationalismenforschung, in : Peter Braun/Burkhard Schaeder/Johannes Volmert (edd.), Internationalismen. Studien zur interlingualen Lexikologie und Lexikographie, Tbingen, Niemeyer, 3446.
Schmitt, Christian (1979), Sprachplanung und Sprachlenkung im Franzsischen der Gegenwart, in :
Eckhardt Rattunde (ed.), Sprachnorm(en) im Fremdsprachenunterricht, Frankfurt/Berlin/Mnchen, Diesterweg, 744.
Schmitt, Christian (1990), Franzsisch : Sprache und Gesetzgebung. a) Frankreich, in : Gnter Holtus/
Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. V/1,
Tbingen, Niemeyer, 354379.
Schmitt, Christian (1998), Sprachkultur und Sprachpflege in Frankreich, in : Albrecht Greule/Franz
Lebsanft (edd.), Europische Sprachkultur und Sprachpflege. Akten des Regensburger Kolloquiums, Oktober 1996, Tbingen, Narr, 215243.
Schweickard, Wolfgang (1991), Zweitsprache und Kulturadstrat : Funktionen des Lateins in der europischen Sprachentwicklung, in : Gnter Holtus/Johannes Kramer (edd.), Das zweisprachige
Individuum und die Mehrsprachigkeit in der Gesellschaft. Wilhelm Theodor Elwert zum 85. Geburtstag, Stuttgart, Steiner, 113124.
Schweickard, Wolfgang (1998), Englisch und Romanisch, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/
Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. VII : Kontakt, Migration
430
Esme Winter-Froemel
431
und linguistisches Phnomen, Beitrge zum XX. Forum Junge Romanistik, Wuppertal, 2.5. Juni
2004, Bonn, Romanistischer Verlag, 189208.
Winter-Froemel, Esme (2011), Entlehnung in der Kommunikation und im Sprachwandel. Theorie und
Analysen zum Franzsischen, Berlin/Boston, de Gruyter.
Winter-Froemel, Esme (2012), Nologie smantique et ambigut dans la communication et dans
lvolution des langues : dfis mthodologiques et thoriques, Cahiers de Lexicologie 100,
5580.
Elmar Eggert
Keywords : langue vhiculaire, communication internationale, communaut scientifique, Francophonie, soutien institutionnel
1 Introduction
Les sciences parlent anglais cette affirmation, pourtant trop simpliste, dcrit assez
bien limpression gnrale du rle prpondrant de langlais dans les sciences. Pourtant, le monde est plurilingue et, mme dans la communication internationale et
scientifique, il y a plusieurs langues qui sont utilises. Le rle dune langue lchelle
internationale peut tre dtermin par son usage dans les affaires publiques, cest-dire dans les domaines de la politique, des mdias, de lconomie, de lducation et
des sciences. Cependant, limportance peut diffrer sensiblement selon ces fonctions.
Le franais a maintenu, ct dautres langues comme lespagnol ou le russe, une
certaine position dans la communication internationale, mme sil est en train de
perdre du terrain et du poids, ce que plusieurs acteurs contestent (sur lvolution du
prestige du franais en Europe, cf. Bochmann 2013). De plus en plus, langlais
simpose dans les domaines de lconomie, des technologies et des sciences, mais le
franais reste, par exemple, la deuxime langue de communication diplomatique du
monde. Lespace domin par le franais est dnomm francophone (cf. lorigine et la
discussion sur le terme dans Pll 1998, 59 ; Erfurt 2013).
Avant de dcrire la position du franais dans le monde, il faut se rendre compte
de ce qui est dsign par communication internationale et communication
scientifique . Le franais dans les sciences est comment au chapitre 2. Le troisime
chapitre dcrit la position du franais dans la communication internationale en
433
dtaillant les domaines dans lesquels le franais a su garder une certaine importance,
non seulement selon le rglement juridique, mais aussi dans la pratique linguistique.
Les institutions de promotion du franais dans la communication internationale
seront brivement esquisses au chapitre 4 avant de conclure sur le rle du franais
au niveau international.
Le franais est une langue historique complexe qui comprend plusieurs sous-systmes utiliss dans des situations multiples par des groupes de locuteurs respectifs. Il
faut, dans cette optique, diffrencier, p. ex., le franais parl par de jeunes banlieusards (13 Langue et gnrations : le langage des jeunes) de familles dimmigrs dans
une situation de dispute aux alentours de Paris du franais crit des journaux
qubcois dans une notice dactualit internationale ou du franais parl par des
tudiantes en philosophie dans une discussion scientifique. En outre, lusage de la
langue que font les locuteurs dune autre langue maternelle est distinguer de lusage
des francophones maternels.
Plusieurs termes sont utiliss pour dsigner les langues employes dans la
communication internationale : le terme de langue de communication est oppos
langue vhiculaire et langue auxiliaire . Dautres termes, comme langue
administrative , sont plus clairs, parce quils dsignent le domaine dapplication,
dans ce cas, lusage dans ladministration.
Une langue vhiculaire niveau international est, daprs le TLFi (s.v. vhiculaire)
une langue qui permet la communication entre des peuples ou ethnies de langues
diffrentes qui soppose une langue vernaculaire. Cette dernire est la langue qui
est lie un espace et un groupe de locuteurs prcis qui sidentifient avec cet espace
et cette langue. Pour eux, cest le moyen d y puiser leur inspiration et leur source
dexpression, [] la langue de lidentit et de lappartenance (Martel 2001, 3). Par
contre, la langue vhiculaire est linstrument de communication entre individus et
groupes [] nayant pas la mme langue premire (Martel 2001, 3). Lusage de la
langue est donc indpendant de lidentit des groupes impliqus.
La langue vhiculaire est utilise pour remplir une fonction primordiale, celle de
se faire comprendre linguistiquement dans des rencontres internationales, pendant
des changes ou des runions de groupes de cultures diffrentes qui, dans ce contact
culturel, sinfluencent mutuellement ; cest souvent par le biais de la langue vhiculaire que se ralisent les emprunts culturels et surtout linguistiques.
Hay (2009, 66) distingue, en plus, la langue auxiliaire de ces concepts :
Une langue auxiliaire internationale (parfois nomme IAL [abrviation de langlais International Auxiliary Language] ou auxlang) ou interlangue est une langue utilise comme moyen de
434
Elmar Eggert
communication entre les peuples de diffrentes nations qui nont pas de langue commune. Une
langue auxiliaire internationale est principalement une langue seconde .
Les langues construites, telles que lespranto, sont souvent appeles langue auxiliaire .
Lexpression est galement utilise pour certaines langues naturelles comme le latin ou le grec
ancien (utilises une poque o ces langues ntaient plus vernaculaires). [] Sur le plan
smantique, langue auxiliaire a donc une extension plus grande que langue vhiculaire
puisque la langue auxiliaire englobe les langues mortes et sapplique des domaines spcialiss (Hay 2009, 66).
Comme langue seconde apprise des finalits pragmatiques, elle nest souvent
matrise que partiellement de sorte quelle se rapproche des langues mixtes : Il faut
toutefois remarquer que le terme vhiculaire connote langue ngativement. Langue
vhiculaire est souvent compris comme signifiant sabir,1 langue dappoint rudimentaire. [] (ibid.).
Les consquences pour la comprhension culturelle sont fondamentales : si la
langue vhiculaire joue alors le rle de passerelle, ou de charnire entre deux autres
langues, par rapport auxquelles elle se place en position de retrait et tente ainsi de
transcender les cultures (ibid.), on admet que les interlocuteurs sont rduits quitter
leur langue identitaire et leur monde dexpressions traditionnelles sils ont recours
un instrument intermdiaire. Ils aspirent matriser cette langue fonctionnellement,
machinalement, afin darriver lobjectif essentiel, mais rduit, celui de se faire
comprendre. Alors, les langues vhiculaires et surtout les langues auxiliaires sont
essentiellement diffrentes des langues vernaculaires, mme si les deux sont apprcier au mme degr selon leurs fonctionnalits. Mais cette distinction est dautant
plus importante quil sagit dexprimer des ides personnelles, de transmettre des
moments de crativit et dchanger ses penses dans une tradition culturelle. Certaines discussions demandent un ancrage dans la langue premire, tandis que pour
dautres buts, il suffit de saccorder par un langage neutre, la langue secondaire, telle
quelle est apprise par la plupart des gens.
Les langues vhiculaires sont internationales si elles servent une communication internationale et non seulement rgionale comme p. ex. en Suisse. Le dveloppement de la mondialisation entrane une augmentation de la communication interna
1 Cf. la dfinition dans le TLFi (s.v. sabir) : Langue mixte, gnralement usage commercial, ne du
contact de communauts linguistiques diffrentes .
435
tionale. De plus en plus de domaines sont rgls par les tats au niveau supranational
et, par consquent, de plus en plus de rglements, de lois, de contrats juridiques, de
conventions sociales, de traits conomiques, daccords bilatraux ou multilatraux,
etc. acquirent une validit supranationale et sont rdiger dans une langue internationale et vhiculaire. En gnral, ce sont les langues dune grande expansion dans
le monde et dune large diffusion dans plusieurs pays, surtout langlais, larabe,
lespagnol, le franais ou le russe.
436
Elmar Eggert
Plusieurs raisons sont discutes pour appuyer langlais comme langue scientifique
commune : une langue commune surmonterait la diversit linguistique et crerait une
communaut scientifique globale qui permettrait la communication sans obstacles ;
elle assurerait la diffusion mondiale et une rception globale des tudes scientifiques
et leurs rsultats (Trabant 2012, 101) dont profiteraient avant tout les chercheurs de
petites communauts linguistiques ; en plus, des standards de prsentation de rsultats scientifiques qui permettraient de simpliquer plus facilement dans le discours
spcifique seraient alors tablis (Knapp 2012, 110).
Par contre, comme une langue scientifique unique nest pas la langue maternelle
de beaucoup de chercheurs, elle est demble une langue vhiculaire, secondaire
dans la communication supranationale. Elle se forme dans les interactions des
chercheurs de diffrentes langues et cultures, donc, elle senrichit de termes provenant de toutes ces langues et cultures, cest--dire quil sagit dun mlange de
plusieurs langues et surtout de traditions discursives. Une telle langue mondiale se
convertirait inluctablement en langue vhiculaire, une lingua franca, qui est le
moyen de communication destin la dsignation dobjets concrets au moment o
des locuteurs de langues diffrentes se rencontrent, donc une langue qui sert
437
3 Dans le mme sens de lopposition une langue scientifique unique va la contribution de Oesterreicher (2012) ; plus ouverts langlais comme langue scientifique se montrent Knapp (2012) et Ehlich
(2012).
438
Elmar Eggert
4 Les principales organisations dont le centre dintrt est le franais dans la communication internationale seront dcrites et commentes au chapitre 4.
439
langue internationale est li son emploi dans les domaines scientifiques et que la
francophonie ne peut russir que si elle se transforme en une ralit conomique,
scientifique et technologique (Guillou 1989, 1).
La recherche et lenseignement suprieur sont deux aspects complmentaires,
dans le domaine des sciences, dont le centre est luniversit. Comme les universits
sont des institutions publiques qui se laissent diriger par la politique, elles servent
dinstrument pour la politique linguistique. Cest ainsi qua t fonde lAgence
Universitaire francophone (AUF) qui est une association duniversits qui utilisent le
franais comme langue denseignement et de recherche (cf. chap. 4).
Les publications, revues et communications diffuses en France et qui manent dune personne
morale de droit public, dune personne prive exerant une mission de service public ou dune
personne prive bnficiant dune subvention publique doivent, lorsquelles sont rdiges en
langue trangre, comporter au moins un rsum en franais .
440
Elmar Eggert
5 Cf. la liste des anglicismes relevs par lAdministration fdrale helvtique (www.bk.admin.ch/
dienstleistungen/db/anglizismen/index.html?lang=fr).
441
chinois est, de loin, la langue qui est parle par le plus grand nombre dindividus au
monde, il est certes difficile de le considrer comme langue internationale, et encore
moins comme langue vhiculaire internationale ni langue auxiliaire, sauf dans
certains cas de figure qui pourraient se prsenter en Asie de lEst.
Une zone dinfluence gopolitique peut tre marque par une langue. Cest le cas
de langlais qui domine, en tant que langue internationale, dans une trs grande
partie du monde, mais le franais et lespagnol sont deux autres langues dune grande
importance pour la communication internationale, notamment lespace francophone.
Dans la premire catgorie se trouvaient les francophones dfinis comme personnes capables
de faire face, en franais, aux situations de communication courante . Dans la deuxime
catgorie figuraient les francophones partiels , cest--dire les personnes ayant une comptence rduite en franais, leur permettant de faire face un nombre limit de situations
(LFM10, 25).
6 On ne distingue plus entre langue maternelle (ou primaire) et langue secondaire, parce que les cas
de figure se prsentent dune manire beaucoup plus varie que ne lindique cette bipartition.
442
Elmar Eggert
443
444
Elmar Eggert
445
lchange avec dautres experts et la reprsentation lextrieur, endoss majoritairement par langlais. Hohenecker (2012, 189) affirme quil y aurait huit dlgations des
reprsentations permanentes dont la langue de communication prfre tait le
franais ; le franais persiste donc dans la communication orale interne et il se
maintient dans certaines niches en bnficiant toujours et pratiquement sans exception du plus haut statut juridique en tant que langue officielle et/ou langue de
travail .
446
Elmar Eggert
20% des foyers du monde entier et 59% des foyers cble et satellite, TV5 Monde couvre
200 pays et territoires. Laudience cumule mondiale est de 54 millions de tlspectateurs (www.francetelevisions.fr/international/operateurs.php, 29.04.2014). Elle est
une chane partenaire de France Mdia Monde qui en dtient 49 %. Les mdias
internationaux franais couvrent ainsi une part importante de la communication
mondiale tout en reliant laspect politique la langue, parce que la vision du monde
est toujours en relation avec la culture et la langue respectives (Trabant 2014, 22ss.). Il
faut ajouter les entreprises qui fournissent des contenus pour lmission en franais,
tout dabord France Tlvisions Distribution (FTD) qui complte laction internationale
de France Tlvisions en proposant des programmes de fiction, des productions de
documentaires ou magazines. Le Canal France International (CFI) est, depuis 25 ans,
loprateur de la coopration franaise en faveur des mdias des pays dAfrique, de
la Mditerrane, des Balkans, du Caucase et de lAsie. Filiale du groupe France
Tlvisions, le CFI est subventionn par le ministre franais des Affaires trangres et
du Dveloppement international pour animer un rseau de partenaires du secteur des
mdias (www.cfi.fr/presentation-de-cfi/notre-mission/fiche-d-identite, 28.04.2014).
Le franais est aussi une des grandes langues utilises sur Internet. Le service de
statistiques sur Internet a publi un classement des langues utilises sur Internet en
lan 2011; le franais y occupe la huitime position avec 59,8 millions dinternautes,
aprs langlais, le chinois, lespagnol, le japonais, le portugais, lallemand et larabe ;
ce chiffre signifie que 3 % de tous les internautes du monde utilisent le franais. Mais
de tous les 347 millions de francophones dans le monde, seulement 17 % utilisent
linternet (www.internetworldstats.com/stats7.htm), ce qui est le pourcentage le plus
bas de cette statistique, probablement d au taux lev de non-lettrs en franais
dans les pays francophones africains. Le service W3Techs de lentreprise autrichienne
damlioration de logiciel Software Quality Management publie un classement de
lutilisation des principales langues naturelles sur les pages Internet, classement qui
est actualis tous les jours. Cette liste indique que le franais est utilis dans 3,9 % des
pages de contenu dont on connat la langue ce qui la place au sixime rang (w3techs.
com/technologies/overview/content_language/all).
7 Les difficults engendres par la diversit culturelle (cf. Baasner 2005) sont souvent cartes dans
ces missions de promotion de la culture.
447
audiovisuelle qui favorisent et respectent la diversit culturelle doivent tre considres comme un complment ncessaire de la politique commerciale. La diversit
culturelle a un rle conomique essentiel jouer dans le dveloppement de lconomie du savoir (wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=389833), la France soutient avec des
moyens considrables le cinma franais et les cooprations francophones. Elle veut
faire face luniformit due une prdominance dacteurs commerciaux, avec un
certain succs. Selon lObservatoire europen de laudiovisuel, organisme du Conseil
de lEurope avec la collaboration de la Commission europenne qui a pour objectif de
collecter et de diffuser les informations relatives laudiovisuel en Europe, le cinma
franais est particulirement vivant : Bien quelle ait atteint son plus bas niveau
depuis des annes, la France reste le march de lUE o la part de march des films
nationaux est la plus leve, les productions locales reprsentant 33 % du total des
entres (contre 40 % en 2012), suivie par lItalie (31 %) (www.obs.coe.int/-/pr-berli
nale-2014).
448
Elmar Eggert
ment franais de 2012, la part de lactivit conomique mondiale qui relve de tout
lespace francophone slve 15 % (de la richesse mondiale) ou 20% (du commerce
mondial de marchandises). La Fondation pour les tudes et recherches sur le dveloppement international (FERDI) a men une tude en 2012 sur les rapports entre la
langue franaise et lconomie. Un de leurs rsultats est que le fait de parler la mme
langue, en loccurrence le franais, permettrait un commerce additionnel de 22 % en
moyenne (RPELF13, 166). Il savre que les pays qui partagent une langue commune
avec celle des pays dune conomie forte sont susceptibles daugmenter leurs flux
commerciaux. Donc, le partage du franais stimule lconomie des pays francophones
(www.diplomatie.gouv.fr, cf. aussi Gingembre 2011).
449
4.1.1 La DGLFLF
La premire institution de la politique linguistique en France est la Dlgation gnrale la langue franaise et aux langues de France (DGLFLF), sous lgide du Ministre
franais de la culture, qui a pour mission dlaborer la politique linguistique du
Gouvernement en liaison avec les autres dpartements ministriels. Elle dfend la
promotion et lemploi du franais et veille favoriser son utilisation comme langue de
communication internationale. Elle sefforce de valoriser les langues de France et de
dvelopper le plurilinguisme (www.culture.gouv.fr/culture/dglf/). Ses activits se
droulent selon les priorits suivantes : garantir aux citoyens le droit de recevoir une
information et de sexprimer en franais, faire matriser le franais tous les habitants
pour leur permettre lintgration dans la socit et lpanouissement personnel. Paralllement, la DGLFLF soutient le multilinguisme actif et passif, cest--dire lapprentissage des langues trangres et le respect des autres langues, surtout les langues de
France. Elle organise annuellement la Semaine de la langue franaise et actualise le
vocabulaire franais en le dotant de nologismes pour remplacer les mots jugs
inappropris, surtout les anglicismes, parce que leur emploi viole le droit des citoyens
au franais. Lorganisme le plus important pour tout intress est sans doute le
dictionnaire terminologique FranceTerme, bas sur les travaux de la Commission
gnrale de terminologie et de nologie. Le site de FranceTerme (www.culture.fr/
450
Elmar Eggert
4.1.2 LAEFE
LAgence pour lenseignement franais ltranger (AEFE) est une institution du Ministre des Affaires trangres (MAE) qui a pour but de surveiller les tablissements
denseignement franais du rseau scolaire mondial dans les pays non-francophones.
Elle assure donc le lien des francophones ltranger avec lducation en franais et
contribue ainsi la diffusion de la langue et culture franaises.
Comme lenseignement bilingue francophone ltranger est une des priorits du
MAE, un programme de renforcement de lducation en franais a t lanc pour
proposer aux lves des sections bilingues francophones de grande qualit dans des
programmes nationaux qui constituent le rseau FrancEducation. Le LabelFrancEducation, cr en 2012, a pour but de distinguer lexcellence et louverture internationale
de ces tablissements (RPELF13, 158).
451
nisent autour de ses quatre oprateurs : lAssociation internationale des maires francophones (AIMF), lAgence universitaire de la Francophonie (AUF), lUniversit Senghor
Alexandrie, qui est une institution de 3e cycle dont la vocation est de former et de
perfectionner des cadres africains, et la chane de tlvision internationale en franais
TV5 Monde (cf. chap. 3.4). LAUF, qui favorise lemploi de la langue franaise, compte
actuellement, en 2014, 739 tablissements dans 98 pays (RPELF13, 174). Son but est
dtablir une communaut scientifique francophone et la faire rayonner au niveau
international. LAUF offre un site de revues scientifiques de toute discipline, le portail
des ressources scientifiques et pdagogiques qui sintitule Savoirs en partage (http://
www.savoirsenpartage.auf.org/). LAssemble parlementaire de la Francophonie est
un organe consultatif de lOIF.
LObservatoire de la langue franaise est une institution instaure en 2007 au sein
de lOIF, suite la Rsolution sur la langue franaise adopte au Sommet de la
Francophonie Qubec avec la mission de perfectionner lobservation de la langue
franaise, de mme dans les quatre pays ou rgions suivantes : lAlgrie, les tatsUnis, ltat dIsral et le Val dAoste o elle observe aussi la situation en valuant
leurs statistiques officielles pour en dduire des chiffres sur les francophones dans ces
rgions. La plus rcente publication de lObservatoire de la langue franaise (LFM10)
est une tude base sur plusieurs mthodes de recensement qui mnent un nouveau
calcul du nombre de francophones (cf. chap. 3.1). LObservatoire sengage mme
anticiper [lvolution du franais dans le monde] en cernant mieux les enjeux et les
dfis auxquels elle doit rpondre (LFM10, 3).
En 2012, lOIF a publi un Rapport sur lusage de la langue franaise aux Jeux
Olympiques et Paralympiques qui dtaille les normes et lusage de la langue franaise
lors de cet vnement sportif. LOIF cherche tendre lusage du franais lors des
manifestations sportives par le recrutement de volontaires francophones ou la cration dun dpartement de traduction anglais-franais (LFM12, 8).
4.2.2 Le RAPF
En 2011, lOIF a cr le Rseau des associations professionnelles francophones (RAPF)
afin de sunir pour mieux dfendre lusage de la langue franaise dans le monde du
travail. Membres de ce rseau sont les associations professionnelles, p. ex. des notaires (ANF), des gomtres (FGF), des ingnieurs et scientifiques (UISF) ou des physiothrapeutes (FIOPF). Ce rseau se propose de dvelopper des stratgies de protection
et de promotion de la langue franaise dans les usages professionnels, techniques,
scientifiques, juridiques, conomiques et financiers. Les membres sengagent contribuer la valorisation du franais dans ces domaines lchelle internationale.
452
Elmar Eggert
4.2.3 LAPFA
Lassociation Actions pour promouvoir le franais des affaires (APFA) est une association place sous le patronage de la DGLFLF, de lOIF et de lUnion internationale de la
Presse francophone qui a pour but principal de promouvoir le franais des affaires
pour faire connatre et faire apprcier les mots justes de la langue des affaires
travers son fondement, sa pratique et son volution (apfa.asso.fr). Ils dcernent les
prix Mot dOr dans plusieurs catgories, p. ex. Le Mot dOr des Entreprises du spectacle
ou Les Mots dOr des Professionnels de 2014, aussi les Mots dOr des lves et des
tudiants, des apprenants francophones et francophiles, en conomie et gestion et en
franais des affaires. Le Mot dOr de la Traduction est le prix dcern chaque anne
la meilleure traduction pour souligner le travail des traducteurs en faveur de la
reconnaissance des autres cultures, de la valorisation de la diversit culturelle et du
dialogue interculturel entre les peuples (www.presse-francophone.org/apfa/apfa/
traducti.htm). En plus, ils publient des listes terminologiques, p. ex. le lexique des
mots des affaires, de linformatique, de linternet et du sport.
4.2.4 LOQLF
LOffice Qubcois de la langue franaise (OQLF) est une organisation instaure par
lAssemble nationale du Qubec en 1977 dans la Charte de la langue franaise qui a
t modifie le 12 juin 2002. LOffice poursuit lobjectif de dfinir et de conduire la
politique qubcoise en matire dofficialisation linguistique, de terminologie ainsi
que de francisation de lAdministration [sic] et des entreprises; de veiller ce que le
franais soit la langue habituelle et normale du travail, des communications, du
commerce et des affaires dans lAdministration et les entreprises (www.oqlf.gouv.
qc.ca/office/mission.html). Son Grand dictionnaire terminologique (GDT) peut tre
consult en cas de doute sur le terme appropri. Sont offerts des services daide en
matire linguistique dont la Banque de dpannage linguistique avec des conseils
rcurrents et la Banque de noms de lieux du Qubec. LOQLF publie galement des
lexiques spcifiques utilisables dans plusieurs domaines dentreprise ou de technologie.
4.2.5 LUIPF
LUnion internationale de la Presse francophone (UPF) est une organisation internationale non gouvernementale fonde en 1950 (jadis Association internationale des journalistes de langue franaise) qui regroupe actuellement plus de 3.000 journalistes de
langue franaise dans une centaine de pays et qui est reconnue par les plus grandes
institutions internationales comme lONU, lUNESCO et le Parlement europen (www.
453
5 Conclusion
Malgr la position dominante de langlais dans la communication internationale, le
franais continue tre une des langues internationales importantes cause de sa
fonction de langue vhiculaire dans un grand nombre dinstitutions internationales
et rgionales. Grce un soutien dlibr et un haut degr dinstitutionnalisation,
la langue franaise se maintient globalement dans le domaine politique, dans les
mdias, dans lconomie et mme sur la scne sportive internationale. Lenseignement du franais langue trangre progresse mme visiblement. Mais le rle du
franais dans les sciences est, au niveau international, plutt marginal, malgr les
efforts de plusieurs dcennies de la politique linguistique franaise bien dtermine.
6 Bibliographie
6.1 tudes et articles
Baasner, Frank (ed.) (2005), Grer la diversit culturelle. Thorie et pratique de la communication
interculturelle en contexte franco-allemand, Frankfurt am Main et al., Lang.
Bajerski, Artur (2011), The role of French, German and Spanish journals in scientific communication in
international geography, Area 433, 305313.
Becker, Monika (2004), Die Loi relative lemploi de la langue franaise vom 4. August 1994. Anspruch
und Wirklichkeit franzsischer Sprachpolitik und Sprachgesetzgebung, Frankfurt am Main et al.,
Lang.
Bochmann, Klaus (2013), Hgmonie langagire. Prestige et fonctions du franais en Europe, in :
Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires,
189197.
Burr, Isolde (2008), Die romanischen Sprachen in internationalen Organisationen, in : Gerhard Ernst
et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der
romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, De Gruyter, 33393354.
Dalcq, Anne-Elisabeth/Van Raemdonck, Dan/Wilmet, Bernadette (1989), Le franais et les sciences.
Mthode de franais scientifique avec lexique, index, exercices et corrigs, Louvain-la-Neuve,
Duculot.
DVULFOI = (2012), Troisime Document de suivi du Vade-mecum relatif lusage de la langue
franaise dans les organisations internationales, Paris, OIF.
Ehlich, Konrad (2012), Eine lingua franca fr die Wissenschaft, in : Heinrich Oberreuter (ed.), Deutsch
in der Wissenschaft. Ein politischer und wissenschaftlicher Diskurs, Mnchen, Olzog, 81100.
Erfurt, Jrgen (2013), Les diffrents concepts de la francophonie. Applications et contradictions, in :
Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale des langues de France, Rennes, Presses Universitaires,
6170.
454
Elmar Eggert
Gingembre, Sophie (2011), Das Engagement fr Franzsisch als internationale Verkehrs- und Wirtschaftssprache, Wien, Universitt.
Guillou, Michel (1989), Lespace scientifique francophone : une ncessit vitale et une priorit du
Sommet, in : Universits Francophones (1989), Francophonie scientifique. Le tournant
(19871989), Paris, John Libbey Aurotext, 18.
Haarmann, Harald (2008), Romanische Sprachen als Publikationssprachen der Wissenschaft : 19. und
20. Jahrhundert, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter,
33593370.
Hay, Josiane (2009), Interculturel et langues vhiculaires et auxiliaires. Rflexion sur langlais lingua
franca, Cahiers de lAPLIUT 38.1, 6376, apliut.revues.org/1202 ; DOI : 10.4000/apliut.1202
(11.03.2014).
Hohenecker, Lukas L. (2012), Le rle de la langue franaise dans les relations internationales, in :
Peter Cichon/Sabine Ehrhart/Martin Stegu (edd.), Les politiques linguistiques implicites et
explicites en domaine francophone, Berlin, Avinus, 187196.
Kloss, Heinz (1969), Research possibilities on group bilingualism. A Report, Qubec, Centre International de Recherches sur le Bilinguisme.
Knapp, Karlfried (2012), Chancen und Grenzen einer lingua franca fr die Wissenschaften, in :
Heinrich Oberreuter (ed.), Deutsch in der Wissenschaft. Ein politischer und wissenschaftlicher
Diskurs, Mnchen, Olzog, 108113.
Kramer, Johannes (2008), Romanische Sprachen als Publikationssprachen der Wissenschaft bis zum
18. Jahrhundert, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter,
33543359.
Lebsanft, Franz/Schrott, Angela (2015), Diskurse, Texte, Traditionen : Methoden, Modelle und Fachkulturen im Dialog, Gttingen, V&R unipress.
LFM10 = Observatoire de la langue franaise (2010), La langue franaise dans le monde 2010, Paris,
Nathan.
LFM12 = DGLFLF (2012), La langue franaise dans le monde 2012, Paris.
LFM-S10 = Observatoire de la langue franaise (2010), La langue franaise dans le monde 2010
(Synthse), Paris, Nathan.
Maa, Christiane (2001), Zur einzelfachspezifischen Binnendifferenzierung im Bereich der Wissenschaftssprache. Untersuchung zu einem gemischten Korpus franzsischer Fachaufstze, in :
Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Die romanischen Sprachen als Wissenschaftssprachen, Tbingen, Narr, 275295.
March Noguera, Joan (2001), Mossn Alcover i el mn de la cincia. La creaci del llenguatge cientfic
catal modern, Palma, Lleonard Muntaner.
Marleix Saint-Gilles, Laurence (2000), La francophonie et les relations extrieures, in : Jean Groshens
et al. (edd.), Culture et action chez Georges Pompidou. Actes du colloque, Paris, 3 et 4 dcembre
1998, Paris, Presses Universitaires de France, 373393.
Martel, Angline (2001), Le franais dans les Amriques. Quand langue vhiculaire et langue vernaculaire encadrent une nouvelle gopolitique des rgions, DiversCit 6. Revue et Forums inter
disciplinaires sur la dynamique des langues, www.teluq.uquebec.ca/diverscite/SecEdito/
edito2001_06.htm#1 (12.03.2014).
Maugey, Axel (2009), Le dsir de franais dans le monde. Essai, Nizza, Vaillant.
Maugey, Axel (2012), Privilge et rayonnement du franais du XVIIIe sicle aujourdhui, Paris,
Champion.
Oberhauser, Tanja (2011), Haircut versus marge de scurit Anglizismen in der
franzsischen Wirtschaftsfachsprache : Bedrohung oder Bereicherung ?, in : Wolfgang Dahmen
455
456
Elmar Eggert
www.francophonie.org/L-Organisation-internationale-de.html (29.04.2014).
www.ftv-publicite.fr/spip.php?article1259 (28.04.2014).
www.icj-cij.org/documents/index.php?p1=4&p2=2&p3=0#Chapitre%20III%20-%20Proc%C3%
A9dure (statut de la Cour Internationale de Justice de lONU, 25.04.2014).
www.internetworldstats.com/stats7.htm (10.04.2014).
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000005616341 (05.05.2014).
www.obs.coe.int/-/pr-berlinale-2014 (29.04.2014).
www.oqlf.gouv.qc.ca/office/mission.html (11.04.2014).
www.presse-francophone.org/index.php (10.04.2014).
www.researchtrends.com/issue-31-november-2012/the-language-of-future-scientific-communica
tion/ (28.05.2014, Weijen 2012).
www.un.org/fr/hq/dgacm/UploadedDocs/A.520.Rev.17.French.pdf (Texte du Rglement intrieur de
lAssemble gnrale de lONU, 25.04.2014).
Abstract : Nous traiterons dans cet article des manifestations du franais en Europe,
cest--dire dans les pays o le franais est la langue officielle soit parce quil est la
langue-mre dun nuclus important de la population (le sud de la Belgique, louest
de la Suisse) soit parce quil est inscrit dans les traditions communicatives du pays
(Luxembourg, Andorre, les les anglo-normandes, la valle dAoste). Par contre, le
franais hexagonal ne sera pas intgr dans la thmatique de larticle car ses aspects
varis sont traits dans dautres articles du prsent volume.
1 Belgique
La Belgique (officiellement Royaume de Belgique / Koninkrijk Belgi / Knigreich
Belgien) est un tat de taille moyenne (32.545 km2, 11.008.000 habitants) du NordOuest de lEurope continentale, situ entre les Pays-Bas au nord, la France au sud et
lAllemagne lest. Le nom Belgique remonte ladjectif belgique (attest en 1583) :
une forme humaniste drive du latin B ELGICUS (daprs le nom de la tribu gauloise
des B ELGAE ) ; les historiens et gographes aimaient appeler les Pays-Bas espagnols et
autrichiens Belgium ou provinciae Belgicae, et la rvolution brabanonne de 1789
baptisa sa rpublique phmre tats Belgiques Unis. Le substantif ethnique Belgique
a suivi lhistoire de la Belgique jusqu sa constitution en tat indpendant (1830)
(Rey 1992, 204), et a t le nom du pays depuis ce temps-l.
Pour comprendre le systme compliqu de lorganisation de ltat belge, il peut
tre utile de citer les cinq premiers articles de la constitution :
458
La Belgique est donc un royaume parlementaire fdral compos de trois Communauts franaise, flamande et germanophone rattaches aux particularits
individuelles (langue, culture, enseignement, sant, recherche, aide), et de trois
Rgions rattaches au sol : la Wallonie (y compris les communes germanophones),
la Flandre et Bruxelles (cf. Lagasse 2007, 80). Environ 90% des Bruxellois, qui sont
francophones, appartiennent la Communaut linguistique franaise, tandis que les
10% nerlandophones restant font partie de la Communaut nerlandaise. La division en rgions linguistiques se superpose aux communauts linguistiques : ainsi
Bruxelles (la seule region bilingue), le choix de la communaut laquelle on veut
appartenir est laiss la dcision de chacun ; dans le reste du pays on appartient
forcment la region linguistique de la commune o on vit et par consquent la
communaut correspondante. La Belgique est donc un tat avec trois langues qui
sont strictement lies un territoire dtermin, cest--dire avec un monolinguisme
territorial ; seule la capitale Bruxelles est bilingue. La frontire linguistique entre le
nerlandais, le franais et lallemand, la fixation de la zone bilingue de la capitale
et la mise en vidence de quelques facilits linguistiques dans des communes
limitrophes au nord et au sud de la frontire est fixe depuis 1962, et ce trac ne
peut plus tre modifi ; letablissement de la frontire depuis les Romains jusqu
notre poque est trait avec tous les dtails historiques par Brigitte Raskin (2012),
complter par ltude sociolinguistique de la frontire franco-allemande dAnnette
Gramms (2008).
Les trois langues parles en Belgique appartiennent diffrentes grandes familles
linguistiques. Les dialectes nerlandais sont le flamand et les parties mridionales du
brabanon et du limbourgeois (cf. Kramer 1984, 114) ; les varits allemandes appartiennent aux dialectes rhnans, plus prcisement ralits ripuaires dans le Nord et
empreintes mosellano-franciques dans le Sud (cf. Begenat-Neuschfer 2010) ; et la
dialectologie franaise diffrencie le wallon, prsent dans la plus grande partie du
pays, le picard oriental louest dans la province de Hainaut, et le lorrain dans la
partie sud de la province de Luxembourg (cf. Kramer 1984, 116). Dans la langue
courante, flamand (Vlaams) est la dsignation de toutes les manifestations du nerlandais parl en Belgique, et wallon (Waals) est lappellation de toute forme parle du
franais lexception du franais bruxellois. Depuis 1990, on ne parle plus officiellement dans la Communaut franaise comme auparavant de dialectes franais,
mais on classifie le wallon, le picard et le lorrain comme langues rgionales endognes.
Cette mutation se refre aux paragraphes de la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires du Conseil de lEurope, que du reste la Belgique na ni signe ni
ratifie ; dans ce document, les dialectes ne sont pas pris en considration, et on se
promet une revalorisation du wallon, du picard et du lorrain par une nouvelle
nomenclature qui par ailleurs na aucune justification linguistique (cf. Tacke 2012a,
9092).
Pour les introductions gnrales la situation linguistique de la Belgique on doit
se rfrer des tudes qui ne sont pas trs rcentes et qui doivent donc tre ajustes
459
460
2 Suisse
La Suisse (officiellement Confdration suisse, Schweizerische Eidgenossenschaft,
Confederazione svizzera, Confederaziun svizra ou en latin Confoederatio Helvetica
(CH)), est situe au centre de lEurope, dans les Alpes occidentales et centrales, entre
lAllemagne au nord, la France louest, lItalie au sud et lAutriche lest ; la
frontire entre la Suisse et lAutriche se trouve le petit tat germanophone du Liechtenstein (160 km2, 36.000 habitants). La Suisse a une superficie de 14.285 km2 et
compte prs de 7.952.555 habitants, dont 63,7% de langue allemande, 20,4% de
langue franaise, 6,5% de langue italienne et 0,5% de langue romanche (rhtoromane). Le nom Suisse est une francisation du nom allemand Schweiz, qui est une
variante de la langue cultive du nom de lieu Schwyz, attest au Xe sicle sous les
formes Suuites, Suittes, Schwitz (LSG/DTS 2005, 819). Lexplication du nom est difficile ; peut-tre sagit-il dun nom de dfrichement joindre la racine indo-europenne *sueit roussir, brler, donc brlis. Selon la tradition, la Suisse existe depuis
le 1 aot 1291, date de la cration de la premire confdration entre les futurs cantons
Uri, Schwyz et Nidwald ; depuis 1815 la Suisse a sa figure gographique moderne. La
confdration comprend 26 cantons responsables de toutes les questions politiques
lexception des affaires trangres et de la dfense qui relvent de la comptence du
gouvernement fdral. Les 1,75 millions de francophones vivent dans la Romandie.
Dans quatre cantons (Genve, Jura, Neuchtel, Vaud) le franais est la seule langue
officielle, dans trois cantons (Berne, Fribourg, Valais) les communes romandes font
usage du franais.
Normalement, les francophones de la Suisse se nomment les Romands, et on parle
de la Suisse romande (en allemand : Welschschweiz). Lhistoire de ce mot est assez
confuse. De la forme latine romanice en langue romane rsulte le mot franais
romanz ; on a vu dans cette forme un cas-sujet, qui donna loccasion de construir un
461
cas-rgime analogique romant ou romand. Du XIIIe sicle au XVIe sicle, ce mot est
appliqu lancien franais, mais partir de 1550 on appelle le franais de la Suisse
occidentale langue romande, et depuis le XVIIe sicle les habitants de cette rgion sont
appells les Romands (cf. Kramer 1998, 153s.).
La Constitution fdrale de la Confdration suisse du 18 avril 1999 comprend trois
articles concernant les langues. La responsabilit principale en matire de questionnement linguistique relve du pouvoir des cantons, qui peuvent la transmettre aux
communes ; la Confdration est responsable des conditions gnrales
462
communes et des mots qui se rfrent des institutions typiquement suisses (2000,
165). Il existe beaucoup moins dinfluences allemandes quon croie gnralement, et
beaucoup dexpressions apparamment figes sur un modle allemand sont en vrit
des locutions franaises archaques (il faut lui aider). Gnralement les Suisses de
langue franaise suivent les prscriptions parisiennes, et seulement dans les annes
plus rcentes on essaie des voies propres (p. ex. des fminisations inconnues en
France). Laperu de Christian Schmitt (1990), rdig avant la revision de la Constitution en 1999, traite uniquement du franais.
Le rle des langues dans le domaine public est esquiss par Ribedaud (2010) et
par Widmer (2004) o lon donne une valuation de la rvision de la Constitution de
1999. Ds le 01.02.1995, la Suisse avait dj accept la Charte europenne des langues
rgionales ou minoritaires, entre en vigeur pour la Suisse le 01.02.1999. Il existe une
dissertation trs dtaille qui compare la situation suisse celle franaise (Willwer
2006), et lon peut dire que la Suisse et le Conseil de lEurope ont tabli une coopration exemplaire (cf. Tacke 2012b, 280). Normalement, la Suisse, les cantons et les
communes ont trac un rseau pour la coexistence des langues du pays qui ne laisse
pas de place aux conflits linguistiques, toutefois une exception persiste : le canton du
Jura sest form le 1er janvier 1979 la suite dun plbiscite positif de tous les cantons
suisses pour mettre fin aux querelles avec le canton Berne dont le Jura faisait partie.
Cette sparation se fonde en premier lieu sur la diffrence linguistique entre le Jura
francophone et le canton germanophone de Berne, mais il y a aussi une diversit
religieuse entre catholiques jurassiens et protestants bernois. Le rle de la langue
dans ce conflit est examin par Pierre-Andr Comte (2010) et les racines idologiques
sont couvertes par Claude Hauser (1997).
Le vocabulaire romand traditionnel a pratiquement disparu de la vie quotidienne,
mais lintrt de la population pour les formes rgionales et locales du franais est
rest trs vif : le Dictionnaire suisse-romand (Thibault/Knecht 1997) et sa version
condense sans rfrences bibliographiques (Thibault/Knecht 2000) ont eu un grand
succs. Ce dictionnaire avec ses 1.100 entres est le complment suisse aux dictionnaires de la langue franaise apparus en France, et a rendu obsoltes des travaux
antrieurs comme p. ex. Nicollier (1990). Le rle du franais rgional le long de la
frontire franco-suisse est le sujet dune dissertation de Christian Billod-Morel (1997).
Un chef duvre de la toponomastique est le Dictionnaire toponymique des
communes suisses (LSG/GTS) publi en 2005 par Andres Kristol et son quipe. On y
trouve une explication trs dtaille des noms des 2.866 communes politiques suisses
avec un rsum de la discussion scientifique ; la prononciation locale et les premires
attestations historiques de noms sont toujours donnes.
463
3 Luxembourg
Le Luxembourg (officiellement Grand-Duch de Luxembourg) est un tat de taille
plutt petite (2.586 km2, 483.800 habitants dont 250.900 trangers ;1 cf. SIP 2008, 1)
dans louest de lEurope continentale situ entre le Belgique au nord et nord-ouest, la
France au sud et lAllemagne lest. Le nom Luxembourg remonte Ltzelburg (qui
devient Luxembourg au XIXe sicle), nom dun petit chteau fort difi au Xe sicle par
le comte Sigefroi. Ce nom provient du mot ancien germanique Lucilinburhuc
signifiant petit chteau. Le mot germanique est choisi car le territoire fait partie du
Sacrum Romanum Imperium nationis Germanicae et on y parle donc le haut allemand
(cf. SIP 2008, 2).
Cest aussi par lhistoire du pays que sexplique le multilinguisme caractrisant
le Luxembourg daujourdhui (cf. Kartheiser 2007, 1 ; Kramer 2015) : au XIXe sicle le
pays se compose de deux grands quartiers linguistiques. Le nord-ouest est la partie
francophone o lon parle le wallon et le franais devient la langue crite alors que
le dialecte luxembourgeois est parl dans la partie germanophone au sud-est o
lallemand rempli la fonction de langue crite. Bien que la ville de Luxembourg soit
situe dans le quartier germanophone, ladministration choisit dutiliser le franais.
Le franais gagne de plus en plus de terrain comme langue vhiculaire : dabord
sous loccupation du Luxembourg par les troupes de Louis XIV, puis sous limpact
de la Rvolution franaise. La langue vernaculaire de la vie quotidienne devient le
luxembourgeois. En 1839, les frontires actuelles du pays sont fixes durant la
confrence de Londres. Alors que le territoire se situe maintenant entirement dans
la partie germanophone, le francais lemporte comme langue de ladministration,
de la justice et de la vie politique (cf. SIP 2008, 2). Pendant la Deuxime Guerre
mondiale et sous loccupation allemande, le luxembourgeois devient la langue de
la Rsistance et est ensuite dclar unique langue maternelle dans un rfrendum organis par loccupant (SIP 2008, 3). Ce statut nest plus menac aprs la
guerre et la langue senrichit progressivement de mots franais. partir des annes
1960, le Luxembourg connat une grande vague dimmigration. Les nouveauxarrivants sont principalement originaires des pays latins et prfrent en consquent
le franais comme moyen de communication avec les Luxembourgeois (cf. SIP
2008, 3).
Lanne 1984 marque le premier succs de la langue luxembourgeoise dans son
volution dune langue vernaculaire vers une langue vhiculaire, car elle devient la
seule langue nationale du Luxembourg avec la Loi du 24 fvrier 1984 :
1 Parmi eux 31.456 sont dorigine franaise (i. e. 6,1% de la population au Luxembourg) et les chiffres
du recensement de 2001 montrent que le nombre de Franais rsidant au Luxembourg a augment de
57,4% jusquau recensement de 2011 (cf. Heinz/Peltier/Thill 2013, 1).
464
2 Fehlen et al. (2013a, 2) citent les taux de langues parles au travail, lcole et/ou la maison
daprs le recensement de 2011 comme suit : 70,5% Luxembourgeois ; 55,7% Franais ; 30,6% Allemand ; 21,0% Anglais ; 20,0% Portugais ; 6,2% Italien ; 12,1% Autres.
465
luxembourgeois
allemand
franais
portugais
italien
anglais
autres
Luxembourgeois
96,4
35,1
46,6
5,7
3,8
17,6
5,7
trangers
32,2
24,1
69,2
41,3
9,8
26,0
21,5
Allemands
50,5
87,5
40,8
1,5
2,4
36,4
9,6
Franais
25,3
18,0
97,5
3,4
5,1
32,8
7,7
Portugais
34,9
17,4
67,9
96,9
2,0
8,0
2,6
Italiens
37,6
19,3
73,2
5,9
84,3
24,5
6,3
Britanniques
17,9
20,2
50,1,
1,2
3,5
97,9
10,3
Belges
30,4
21,3
92,1
1,5
3,2
33,2
20,4
Nerlandais
50,6
49,3
46,9
2,6
2,5
47,8
77,5
Montngrins
49,2
35,7
50,4
2,0
1,0
6,1
86,5
Espagnols
21,6
17,1
76,5
11,3
9,7
44,4
84,4
Autres
23,8
24,7
54,3
8,4
3,4
43,9
68,4
lage de six ans, les enfants apprennent lire et crire en allemand ; lanne suivante, ils
commencent lapprentissage du franais. La langue vhiculaire de lenseignement primaire est
lallemand (SIP 2008, 5).
3 Pour plus dinformations cf. aussi Fehlen et al. (2009) une enqute sociolinguistique sr le
multilinguisme au Luxembourg.
466
La situation change lcole secondaire : lallemand reste prdominant dans lenseignement secondaire technique tandis que lenseignement secondaire classique se sert
du franais comme langue vhiculaire ( lexception des cours de langue) (cf. SIP
2008, 5). Dans le secteur de lducation tertiaire, ltat a cr lUniversit du Luxem
467
bourg en 2003 qui tient parmi ses principes fondamentaux le caractre multilingue
de son enseignement (cit. p. SIP 2008, 6) ou pour citer le slogan prsent sur son site
internet franais : University of Luxembourg | Multilingual. Personalised. Connected. (http://wwwfr.uni.lu/, 21.09.2013).
Le Luxembourg est aussi trilingue en ce qui concerne les mdias et la culture :
pour la presse crite, les Luxembourgeois prfrent lire lallemand comme le constate
Bender-Berland (2000, 36s.), mais la langue choisie dpend galement du sujet trait
dans les articles (cf. aussi Fehlen et al. 2009, 110122 ; SIP 2008, 8s. ; cette situation
est similaire pour la situation du franais dans la littrature et au cinma cf. p. ex. SIP
2008, 10).
La norme linguistique avise par les locuteurs est celle de lHexagone mais
comme dans toutes les situations o diffrentes langues entrent en contact, elles
sinfluencent mutuellement (cf. Pll 1998, 60). Ainsi Doppagne constate dj en 1971
la nasalisation imparfaite rendant les phonmes franais [] et [] peu prs semblables et la dsonorisation des consonnes finales (p. ex. <grand> [gr]) (cf. Doppagne
1971, 11s.).4 La plus grande diffrence entre le franais parl en France et au Luxembourg se trouve toutefois dans le lexique (cf. p. ex. Bender-Berland 2000, 38s.). Les
Luxembourgeois ont tendance utiliser plusieurs mots qui ne sont plus au got du
jour dans lHexagone (p. ex. en gard en ce qui concerne, nonobstant malgr/en
dpit de, fabrique usine) et ils ont intgr des belgicismes (p. ex. tapis-plain moquette, tirette fermeture-claire, le rgent le professeur principale, un ajournement
un examen de rattrapage ; Bender-Berland 2000, 39) ainsi que des germanismes
(p. ex. se blamer commettre un impair < lux. sech blamiren, componiste compositeur < all. Komponist, culture civilisation < all. Kultur, omineux fatal < all. omins ;
Kramer 1992, 209s.) dans leur franais. En outre, les locuteurs luxembourgeois
utilisent des calques dorigine allemande comme p. ex. : ensemble avec concurrement
avec < all. zusammen mit ; place de travail emploi < all. Arbeitsplatz ; respectif/
respectivement autrement dit < all. respektive beziehungsweise ; signer responsable
prendre la responsabilit < all. verantwortlich zeichnen (Bender-Berland 2000, 41) ; et
peuvent alors avoir recours un certain nombre de faux amis : raffinesse raffinement, en revanche en retour, fidlement conformment (ibid., 42s.). La liste des
diffrences entre le franais luxembourgeois et celui de lHexagone peut tre
largie par la syntaxe, la morphosyntaxe ainsi que par la grammaire (cf. p. ex. ibid.,
4449), car pour la plupart des Luxembourgeois le franais reste une langue secondaire, mais les deux varits du franais restent toujours intercomprhensibles.
4 Bien que lanalyse de Doppagne ne soit pas tout fait actuelle, Bender-Berland (2000, 38) constate
que les recherches rcentes nont pas prouv de rsultats contraires.
468
4 Andorre
Andorre (officiellement Principat dAndorra) est un petit tat (468 km2, 78.115 habitants, dont 43% Andorrans, 28% Espagnols, 15% Portugais, 5% Franais) au cur des
Pyrenes. Le nom Andorra est attest au dbut du IXe sicle (cf. Coromines 1994, 189)
mais ltymologie reste obscure, quoiquil existe le nom latin A NDURENSIS en Andalousie (cf. CIL II 1693). Selon la lgende, Charlemagne aurait accord une charte de libert
aux Andorrans pour les rcompenser de leurs combats contre les Arabes, cet vnement tant relat au dbut de lhymne andorran (El gran Carlemany, mon pare, dels
Alarabs me deslliur). En 1278, un trait instaura la souverainet partag (pareatge)
entre lvque dUrgell et le comte de Foix. Depuis 1607, le chef de ltat franais et
lvque dUrgell sont les coprinces dAndorre. Dans la constitution adopte par
rfrendum du 14 mars 1993, Andorre est devenu coprincipaut parlementaire avec
un conseil gnral qui choisit un chef du gouvernement (Cap de Govern) ; le rle des
coprinces est purement symbolique.
La langue parle en Andorre est une varit du catalan nord-occidental (Veny
101993, 120151). La constitution de 1993 fixe le catalan comme langue officielle
dAndorre (art. 2, 1 : La llengua oficial de lEstat s el catal), et les dispositions
dexcution du 16 dcembre 1999 (Llei dordenaci de ls de la llengua oficial) rglent
les dtails. Tous les Andorrans ont lobligation de connatre la langue catalane et de
lemployer (art. 4), les institutions publiques doivent se servir du catalan (art. 8), les
communications sociales se font en catalan (art. 25), etc.
Pourtant, lespace laiss aux autres langues, cest--dire au franais et lespagnol, reste vaste. Tout dabord, trois types dcoles sont reprsents : le systme
scolaire franais (avec un enseignement spcifique de la langue catalane et de la
culture andorrane) qui prpare aux examens franais, le systme espagnol (en langue
espagnole avec un enseignement spcifique de la langue catalane et de la culture
andorrane) et le systme andorran en catalan qui comprend des cours en espagnol et
en franais ; les deux coles religieuses suivent le systme espagnol. La majeure partie
des Andorrans apprennent donc les langues franaise et espagnole lcole, et vu le
caractre touristique de lconomie du pays, le franais et lespagnol sont une necessit dans la vie de tous les jours au contact des trangers. Larticle 23 de la loi sur les
langues porte le titre prometteur El catal, llengua de leducaci, mais la teneur du
texte sanctionne le maintien du vieux systme qui ne favorise pas le catalan ( Tot el
que fa referncia a la llengua en lmbit educatiu es regula per la legislaci especfica
en aquesta matria i pels convenis internacionals establerts ). Mme dans les coles
maternelles et dans les garderies, on peut recourir au franais ou lespanol a
lefecte de facilitar la comunicaci (art. 24). Les communications qui sadressent aux
trangers, avant tout dans le secteur du tourisme, peuvent tre rdiges en lidioma
que faciliti la comunicaci (art. 13), donc pas en catalan normalement. Le personnel
du secteur social et mdical doit alors connatre dautres langues pour communiquer
avec ceux ne connaissant ni ne comprenant le catalan.
469
Ainsi, on voit bien que lAndorre est un pays largement trilingue, avec sa langue
propre, le catalan, qui est appuye par la lgislation, et avec deux autres langues
supplmentaires, lespagnol et le franais, qui sont pratiquement indispensables dans
la vie de tous les jours et qui sont enseignes dans les coles.
5 Les les ne sont pas membres de lUnion Europenne (U. E.), pour plus dinformation cf. p. ex. Lsch
(2000, 40s.), qui constate aussi que les baillages ne sont pas associs lU. E., bien quon trouve cette
dclaration souvent dans la littrature secondaire (cf. Lsch 2000, 3).
6 I. e. a territory headed by a bailiff (Sallabank 2011, 21), alors un territoire dirig par un huissier.
470
Toutefois, des varits franco-normandes7 ont survcu dans les registres bas de
la communication. Ces patois teints de vieux franais, de dialectismes des
Vikings ainsi que de vieil anglais (cf. Leclerc 2011, 2) sont aujourdhui menacs car
practically all native speakers are aged over 70 (Sallabank 2011, 19 ; cf. aussi
Moseley 2010, s. p.) : Jersey, cest le jrriais qui est parl par 3,2% de la population
daprs le recensement de 2001 (soit 2.874 locuteurs, dont 2/3 avaient plus de 60 ans
et seulement 113 personnes le dclare comme leur langue quotidienne), et Guernesey, le guernesiais ou dgrnsiais survit avec 1.327 locuteurs en 2001 (soit 2,22% de
la population, parmi lesquels 70,4% avaient plus de 65 ans ; cf. Sallabank 2011,
24).8 Ces deux langues sont dclares diffrentes, mais intercomprhensibles selon
Leclerc (2011, 2) et (Sallabank 2011, 22) pendant que Brasseur (1978a, 49) postule que
lintercomprhension des locuteurs des les est trs faible . En plus, sur lle de
Sercq on parle le serquiais ou srtchais, une ancienne varit du jrriais, mais il
nexiste aucune statistique officielle sur le nombre des locuteurs.9 Jusquau milieu
du XXe sicle on parlait galement lauregnais dans lle dAurigny, mais cette
langue est classe comme disparue depuis la mort du dernier locuteur maternel
dans les annes 1960 (cf. Moseley 2010, s. p.). Comme le dgr dintercomprhension de ces varits est controvers, Lsch (2000, 45) se pose la question de savoir
sil y avait une koin dans les les anglo-normandes : historiquement les les nen
avaient pas besoin, car le franais tait la langue vhiculaire (ou High Variety selon
Fishman) et les insulaires se servaient dune varit rgionale pour communiquer
avec les locuteurs des diffrents dialectes insulaires (cf. Lsch 2000, 4547). Ces
suppositions sont renforces par des recherches lexicales et phontiques : tandis
que le jrriais, le guernesiais et le sercquais disposent de plusieurs caractristiques
linguistiques distinctes, on trouve aussi des points communs. titre dexemple, la
1re personne du pluriel est la mme que la 1re du singulier, jallons , et la
palatalisation des groupes /kl/, /gl/, /pl/, /bl/ et /fl/ (p. ex. fr. claire , guer.
cllare /kjai/, jr. clai /kje/ ; fr. blanc , guer. bllanc /bj/, jr. blianc
/bj/), mais il faut aussi constater que les caractristiques phontiques communes
dans les les sont aussi les mmes que dans les autres parlers normands (cf.
Brasseur 1978a ; 1978b ; Sallabank 2011, 22s.).
Pour lutter contre la mort des parlers, des associations de citoyens se sont formes
comme p. ex. lOffice du Jrriais (cf. www.jerriais.org.je, 23.09.2013) et le Comit de la
Culture Guernesiaise et depuis quelques annes, les gouvernements des deux baillages ont commenc sengager. Depuis 2003, les lves des coles primaires peuvent
7 Leclerc (2011, 1) soutient lhypothse que les les de Guernesey, de Serq et de Herm formaient une
seule le lpoque romaine et que les les de Jersey, dAurigny, des Ecrhou et de Chausey faisaient
partie du continent, dou les ressemblances parmi les dialectes.
8 Pour des donnes dtailles sur le nombre des locuteurs, leur ge et la strucutre sociolinguistique cf.
p. ex. Lsch (2000, 5975) ; Jones (2001, 4569 ; 2005, 1518).
9 Les nombres varient de 12 20 locuteurs entre 2007 et 2009 (cf. Sallabank 2011, 25).
471
6 Le Val-dAoste
Le Val-dAoste (dnomination officielle depuis 2001 : Rgion autonome de la Valle
dAoste/Regione Autonoma della Valle dAosta ; cf. Leclerc 2013, 2) est une des cinq
rgions autonomes dItalie, situ au nord-ouest du pays la frontire de la France
(Savoie) et de la Suisse (Valais). Elle est peupl de 126.802 habitants, soit 0,2% de la
population totale de lItalie (cf. ISTAT 2011, 6). Avec une superficie de 3.263 km2, elle
est la plus petite des rgions italiennes et qualifie comme une rgion de montagne
encercle par les plus hauts sommets dEurope (Josserand 2003, 33). Selon Barb
(2003, 11), la situation linguistique saffiche comme une triglossie dfinie de la
manire suivante : 1) italianisation croissante dans laquelle litalien remplace la
diglossie franais(HV)/patois(LV) ; 2) le francoprovenal/patois10 occupe le deuxime
rang des langues utilises le plus frquent avec 3) le franais au troisime rang. Le
dernier recensement linguistique officiel date de 1921, mais en 2001 la Fondation
mile Chanoux (20082013, s. p.) a effectu une enqute sociolinguistique qui prouve
que litalien est la langue maternelle de 71,5% des Valdtains et que cette langue est
utilise par 96% des habitants. 12,8% ont indiqu le patois et 3,4% le francoprovenal
comme L1 pendant que le franais occupe le septime rang avec 1,05%. Nanmoins,
lObservatoire de la langue franaise cite 90.000 francophones en 2010 au Val-dAoste
(cf. ObLF 2010, 1), comme le franais est la langue co-officielle de litalien dans cette
rgion. Selon Leclerc (2013) cette co-officialit existe plutt sur le papier que dans la
ralit : depuis 1948, les droits linguistiques des francophones au Val-dAoste sont
dfinis par le Statut spcial de la Valle dAoste :
Article 38
1) La langue franaise et la langue italienne sont parit en Valle dAoste.
2) Les actes publics peuvent tre rdigs dans lune ou lautre langue, lexception des actes
de lautorit judicaire, qui sont rdigs en italien.
472
3)
Les administrations de ltat prennent leur service dans la Valle, autant que possible, des
fonctionnaires originaires de la rgion ou qui connaissent le franais
(Conseil de la Valle/Consiglio Regionale della Valle dAosta 2008, s. p.).11
Malgr cette situation juridique la langue italienne est prpondrante au Parlement local, car beaucoup de reprsentants ne comprennent pas le franais et les lois
sont dabord rdiges en italien et puis traduites en franais (Leclerc 2013, 13). De
mme, il vaut mieux ne pas rclamer son droit de parler franais en justice, car les
juges en poste au Val-dAoste ne sont pas tenus de connatre cette langue (ibid.,
13s.), en consquent les verdicts sont toujours rendus en italien, la seule langue
officielle de ltat italien. Conformment au Statut spcial (cf. supra), ladministration
locale emploie, autant que possible, des fonctionnaires originaires de la rgion o au
moins ceux, qui ont russi un examen en franais. Toutefois, dans la ralit, sadresser ladministration en franais au dtriment de litalien, peut dramatiquement
prolonger les processus (cf. Leclerc 2013, 14s.).
Le statut spcial stipule aussi dans larticle 39 que :
1) [d]ans les coles de tout ordre et degr qui dpendent de la Rgion, un nombre dheures gal
celui qui est consacr lenseignement de litalien est rserv, chaque semaine,
lenseignement du franais.
2) Certaines matires peuvent tre enseignes en franais
(Conseil de la Valle/Consiglio Regionale della Valle dAosta 2008, s. p.).
11 Pour plus dinformations concernant des lois linguistiques en Italie en vue de protger le franais
en Val dAoste cf. p. ex. Leclerc (2013, 1127) ; Josserand (2003, 138142) ; Bauer (1999, 141199).
12 Pour plus dinformations sur le systme ducatif et le choix de langue, cf. p. ex. Leclerc (2013, 16
19) ; Schulz (1995, 8091).
13 Sur la vitalit des trois langues en Val dAoste (soit italien, francoprovenal et franais) cf. les
enqutes de Schulz (1995), Bauer (1999) et Bert (2011).
473
7 Bibliographie
AECR = Assessorat de lducation et de la Culture de la Rgion autonome Valle dAoste, Dpartement
Surintendance des coles, Bureau de Soutien lAutonomie Scolaire (2013), Les comptences
bilingues des lves valdtains, Rapport Rgional PISA 2010, dition pour la Valle dAoste,
<www.regione.vda.it/allegato.aspx?pk=33005> (15.10.2013).
Andrianne, Ren (1984), Literatur und Gesellschaft im franzsischsprachigen Belgien, Frankfurt am
Main, Diesterweg.
Andrianne, Ren/Becker, Norbert (1988), La Belgique francophone. Textes choisis et prsents,
Frankfurt am Main, Diesterweg.
Arquint, Jachen C. (2000), Stationen der Standardisierung, in : Hans Bickel/Robert Schlpfer (edd.),
Die viersprachige Schweiz, Aarau, Sauerlnder, 240268.
Arquint, Jachen C., et al. (1982), Die viersprachige Schweiz, Zrich/Kln, Benzinger.
Atlas linguistique de la Wallonie (1953ss.), edd. Louis Remacle et al., Lige, Presses universitaires.
Baetens Beardsmore, Hugo (1971), Le franais rgional de Bruxelles, Bruxelles, Presses universitaires.
Bal, Willy, et al. (edd.) (1994), Belgicismes. Inventaire des particularits lexicales du franais en
Belgique, Louvain-la-Neuve, Duculot.
Barb, Carlos (2003), Identit e tri(multi)linguismo in Valle dAosta, in : Fondation mile Charoux (ed.),
Une Valle dAoste bilingue dans une Europe purilingue/Una Valle dAosta bilingue in unEuropa
plurilingue, Aosta, 1117, <http://www.fondchanoux.org/sondagelinguistiqueq.aspx>
(15.10.2013).
Bauer, Roland (1999), Sprachsoziologische Studien zur Mehrsprachigkeit im Aostatal mit besonderer Bercksichtigung der externen Sprachgeschichte, Tbingen, Niemeyer.
Begenat-Neuschfer, Anne (2007), Belgien im Blick : Interkulturelle Bestandsaufnahmen/Regards
croiss sur la Belgique contemporaine/Blikken op Belgi : Interculturele Beschouwingen, Frankfurt am Main et al., Lang.
Begenat-Neuschfer, Anne (2010), Die deutschsprachige Gemeinschaft Belgiens, Frankfurt am Main
et al., Lang.
Bender-Berland, Genevive (2000), Die Besonderheiten des Franzsischen in Luxemburg, Romanistik
in Geschichte und Gegenwart 6:1, 3350.
Bert, Michel (2011), Situation sociolinguistique du francoprovenal : ltude FORA, in : Olivier Baude/
Jean Sibille/Jean-Baptiste Martin (edd.), Le francoprovenal. Langues et cit 18, Paris, Dlgation
gnrale la langue franaise et aux langues de France <http://www.dglf.culture.gouv.fr/
Langues_et_cite/LC18_francoprovencal.pdf> (15.10.2013).
Bickel, Hans/Schlpfer, Robert (2000), Die viersprachige Schweiz, Aarau, Sauerlnder.
Billod-Morel, Christian (1997), Sprache ber Grenzen hinweg. Eine Untersuchung des Regionalfranzsischen im franzsisch-schweizerischen Grenzgebiet, Hamburg, Kova.
474
Blampain, Daniel (ed.) (1999), Le franais en Belgique. Une langue, une communaut, Bruxelles,
Duculot.
Boschung, Paul (1990), Zweisprachigkeit und Diglossie im Kanton Freiburg, in : Jean-Pierre Vouga/
Max Ernst Hodel (edd.), La Suisse face ses langues/Die Schweiz im Spiegel ihrer Sprachen,
Aarau, Sauerlnder, 9398.
Brasseur, Patrice (1978a), Les principales caractristiques phontiques des parlers normands de
Jersey, Sercq, Guernesey et Magneville (canton de Bricquebec, Manche), Annales de Normandie
28:1, 4964.
Brasseur, Patrice (1978b), Les principales caractristiques phontiques des parlers normands de
Jersey, Sercq, Guernesey et Magneville (canton de Bricquebec, Manche), Annales de Normandie
28 :3, 275306.
Carigiet, Werner (2000), Zur Mehrsprachigkeit der Bndnerromanen, in : Hans Bickel/Robert Schlpfer (edd.), Die viersprachige Schweiz, Aarau, Sauerlnder, 235239.
Cassano, Paul V. (19911993a), An introduction to the influence of Flemish on the French of Brussels :
Phonology, Orbis 36, 136161.
Cassano, Paul V. (19911993b), An introduction to the influence of Flemish on the French of Brussels :
Morphology and syntax, Orbis 36, 162202.
CIL II = Corpus Inscriptionum Latinarum, vol. 2 : Inscriptiones Hispaniae Latinae, ed. Emil bner,
Berlin, Akademie der Wissenschaften, 1869.
CLD = Culture and Leisure Department (2011), Our way of life Language Strategy 20112015,
<http://www.gov.gg/CHttpHandler.ashx?id=3370&p=0> (31.07.2013).
CLD = Culture and Leisure Department (2013), Reply by the Deputy Minister of The Culture and
Leisure Departement to a question asked pursuant to rule 6 of the rules of procedure by Deputy
E. G. Bebb, <http://www.gov.gg/CHttpHandler.ashx?id=83036&p=0> (31.07.2013).
Comby, Bernard (1990), Le Valais : Bilinguisme quilibr, in : Jean-Pierre Vouga/Max Ernst Hodel
(edd.), La Suisse face ses langues/Die Schweiz im Spiegel ihrer Sprachen, Aarau, Sauerlnder,
8992.
Comte, Pierre-Andr (2010), Identit de la langue franaise de la lgislation linguistique dans le Jura,
Moutier, Confrence des peuples de langue franaise.
Conseil de la Valle/Consiglio Regionale della Valle dAosta (2008), Loi constitutionnelle n 4 du
26 fvrier 1948/Statut spcial pour la Valle dAoste. Texte coordonn incluant les modifications
insres par la loi constitutionnelle n 2 du 31 janvier 2001, assorti des notes et des listes des
articles modifis, des lois constitutionnelles de modification et des dispositions dapplication
<http://www.consiglio.regione.vda.it/statuto/statuto_f.asp> (15.10.2013).
Coromines, Joan (1994), Onomasticon Cataloniae. Els noms de lloc i noms de persona de totes les
terres de llengua catalana, vol. 2, Barcelona, Curial Edicions Catalanes.
De Coster, Michel (2007), Les enjeux des conflits linguistiques. Le franais lpreuve des modles
belge, suisse et canadien, Paris, LHarmattan.
Doppagne, Albert (1971), Le franais au Grand-Duch de Luxembourg. Considrations sociologiques
et linguistiques, Bruxelles, Universit.
Fehlen, Fernand, et al. (2009), BaleineBis : Une enqute sur un march linguistique multilingue en
profonde mutation Luxemburgs Sprachmarkt im Wandel, Luxembourg, SESOPI.
Fehlen, Fernand, et al. (2013a), Les langues parles au travail, lcole et/ou la maison, Luxembourg, Institut national de la statistique et des tudes conomiques.
Fehlen, Fernand, et al. (2013b), La langue principale, celle que lon matrise le mieux, Luxembourg,
Institut national de la statistique et des tudes conomiques.
Fondation mile Chanoux (20082013), Sondage linguistique, Les rsultats Valle dAoste
<http://www.fondchanoux.org/sondagelinguistiqueq.aspx> (15.10.2013).
Francard, Michel, et al. (2010), Dictionnaire des belgicismes, Bruxelles, De Boeck Duculot.
475
476
Kramer, Johannes (1992), Einige Bemerkungen zum Franzsischen in Luxemburg, in : Wolfgang Dahmen
et al. (edd.), Germanisch und Romanisch in Belgien und Luxemburg, Tbingen, Narr, 203223.
Kramer, Johannes (1998), Die Sprachbezeichnungen Latinus und Romanus im Lateinischen und
Romanischen, Berlin, Schmidt.
Kramer, Johannes (2014), Sprachnationalismus in Belgien, in : Wolfgang Dahmen/Christian Vo
(edd.), Babel Balkan ? Politische und soziokulturelle Kontexte von Sprache in Sdosteuropa,
Mnchen, Sagner, 125268.
Kramer, Johannes (2015), Vom Moseldialekt zur Staatssprache : Luxemburgisch, in : Rainer Schlsser
(ed.), Sprachen im Abseits. Regional- und Minderheitensprachen in Europa, Mnchen, AVM,
147179.
Lagasse, Charles-tienne (2007), Lhistoire et les institutions de la communaut franaise Wallonie
Bruxelles, in : Anne Begenat-Neuschfer (ed.), Belgien im Blick : Interkulturelle Bestandsaufnahmen/Regards croiss sur la Belgique contemporaine/Blikken op Belgi : Interculturele Beschouwingen, Frankfurt am Main et al., Lang, 7588.
Lebouc, Georges (1998), Le belge dans tous ses tats. Dictionnaire des belgicismes, grammaire et
prononciation, Paris, Benneton.
Lebouc, Georges (2006), Dictionnaire du bruxellois, Bruxelles, Le Cri.
Lebsanft, Franz/Wingender, Monika (edd.) (2012), Europische Charta der Regional- oder Minderheitensprachen. Ein Handbuch zur Sprachpolitik des Europarats, Berlin/Boston, de Gruyter.
Leclerc, Jacques (2011), les Anglo-Normandes, in : Jacques Leclerc, Lamnagement linguistique dans
le monde, Qubec, TLFQ, Universit Laval < http://www.axl.cefan.ulaval.ca/EtatsNsouverains/
ilesanglo.htm> (23.09.2013).
Leclerc, Jacques (2013), Val-dAoste, in : Jacques Leclerc, Lamnagement linguistique dans le monde,
Qubec, TLFQ, Universit Laval b<http://www.axl.cefan.ulaval.ca/europe/italieaoste.htm>
(23.09.2013).
Lefert, Jacques (1990), Berne : Un bilinguisme faonn par lHistoire, in : Jean-Pierre Vouga/Max Ernst
Hodel (edd.), La Suisse face ses langues/Die Schweiz im Spiegel ihrer Sprachen, Aarau,
Sauerlnder, 98105.
Limes I/Limes II. Les langues rgionales romanes en Wallonie (1992), Bruxelles, Tradition et Parlers
populaires WallonieBruxelles.
Llei dordenaci de ls de la llengua official (texte catalan et traduction franaise) <http:/www.axl.
cefan.ulaval.ca/europe/andorre-loi1999.htm> (13.07.2013).
Lsch, Hellmut (2000), Die franzsischen Varietten auf den Kanalinseln in Vergangenheit, Gegenwart
und Zukunft, Wien, Praesens.
LSG/DTS = Kristol, Andres (ed.) (2005), Lexikon der schweizerischen Gemeindenamen/Dictionnaire
toponymique des communes suisses/Dizionario toponomastico dei comuni svizzeri, Centre de
dialectologie, Universit de Neuchtel/Huber, Frauenfeld/Payot, Lausanne.
Massion, Franois (1987), Dictionnaire des belgicismes, Frankfurt am Main et al., Lang.
Mercier, Jacques (2000), Le franais tel quil se parle en Belgique, Tournai, La Renaissance du Livre.
Moseley, Christopher (ed.) (2010), Atlas of the Worlds Languages in Danger, UNESCO Publishing
<http://www.unesco.org/culture/en/endangeredlanguages/atlas> (31.07.2013).
Nicollier, Alain (ed.) (1990), Dictionnaire des mots suisses de la langue franaise, Genve, GVA.
ObLF = Observatoire de langue franaise (2010), Nombre de francophones par pays ayant moins de
1 million de locuteurs, in : Organisation Internationale de la Francophonie (ed.), Dnombrement
des francophones <http://www.francophonie.org/IMG/pdf/-_1_million.pdf> (15.10.2013).
Panowitsch, Doris (1994), Franzsisch und Niederlndisch in Brssel. Eine Fallstudie, Frankfurt am
Main et al., Lang.
PCSG = Policy Council The States of Guernsey (2013), Guernsey Facts and Figures <http://www.gov.
gg/pru> (31.07.2013).
477
Pll, Bernhard (1998), Franzsisch auerhalb Frankreichs Geschichte, Status und Profil regionaler
und nationaler Varietten, Tbingen, Niemeyer.
Pohl, Jacques (1950), Tmoignages sur le lexique des parlers franais de Belgique, vol. 116, Bruxelles, Dissertations de lUniversit libre.
Raskin, Brigitte (2012), De taalgrens, Leuven, Davidsfonds.
Rey, Alain (1992), Dictionnaire historique de la langue franaise, Paris, Dictionnaire le Robert.
Ribeaud, Jos (2010), La Suisse plurilingue se dlingue, Neuchtel, Alphil.
Sallabank, Julia (2011), Norman Languages of the Channel Islands Current situation, language
maintenance and revitalisation, Shimes The International Journal of Research into Island
Cultures 5:2, 1944.
Schmitt, Christian (1990), Frankophonie III : Schweiz, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian
Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. V, 1, Tbingen, Niemeyer, 726732.
Schmitz, Ursel (1994), Zur bildungspolitischen Entwicklung des Sprachenproblems in den belgischen
Ostkantonen, Frankfurt am Main, Lang.
Schulz, Sabine Claudia (1995), Mehrsprachigkeit im Aostatal, Veitshchheim, Lehmann.
SCL = Service central de lgislation (1984), Loi du 24 fvrier 1984 sur le rgime des langues, 196197
<http//www.legilux.public.lu/leg/a/archives/1984/0016/a016.pdf> (31.07.2013).
SIP = Service information et presse du gouvernement luxembourgeois (2008), propos des langues
au Luxembourg <http://www.gouvernement.lu/publications/luxembourg/a_propos_des_langues/a_propos_langues_2008_FR.pdf> (31.07.2013).
SJSU = States of Jersey Statistics Unit (2012), Report on the 2011 Jersey Census <http://www.gov.je/
census> (31.07.2013).
Spickenbom, Marion (1996), Belgizismen in franzsischen Wrterbchern und Enzyklopdien seit
Anfang dieses Jahrhunderts, Mnster, Nodus.
Tacke, Felix (2012a), Belgien. Territorialittsprinzip und Minderheitenproblematik vor dem Hintergrund der ECRM, in : Franz Lebsanft/Monika Wingender (edd.), Europische Charta der Regionaloder Minderheitensprachen. Ein Handbuch zur Sprachpolitik des Europarats, Berlin/Boston, de
Gruyter, 87104.
Tacke, Felix (2012b), Schweiz (Schweizerische Eidgenossenschaft), in : Franz Lebsanft/Monika Wingender (edd.), Europische Charta der Regional- oder Minderheitensprachen. Ein Handbuch zur
Sprachpolitik des Europarats, Berlin/Boston, De Gruyter, 265282.
Thibault, Andr/Knecht, Pierre (edd.) (1997), Dictionnaire suisse romand, Carouge-Genve, Zo.
Thibault, Andr/Knecht, Pierre (edd.) (2000), Le petit Dictionnaire suisse romand, Carouge-Genve,
Zo.
Treffers-Daller, Jeanine (1994), Mixing two languages : French-Dutch contact in a comparative perspective, Berlin/New York, de Gruyter.
Treude, Michael (1996), Zweisprachigkeit in Belgien. Forschungsbericht, historische und linguistische
Perspektiven, Veitshchheim, Lehmann.
Veny, Joan (101993), Els parlars catalans, Mallorca, Moll.
Vouga, Jean-Pierre/Hodel, Max Ernst (edd.) (1990), La Suisse face ses langues/Die Schweiz im
Spiegel ihrer Sprachen, Aarau, Sauerlnder.
Widmer, Jean (2004), Langues nationales et identits collectives, Lexemple de la Suisse, Paris,
Harmattan.
Willwer, Jochen (2006), Die europische Charta der Regional- und Minderheitensprachen in der
Sprachpolitik Frankreichs und der Schweiz, Stuttgart, Ibidem.
Edith Szlezk
Cest avec Jacques Cartier, sous le rgne de Franois Ier, que commence en 1534 lhistoire de la langue et de la culture franaises sur le continent nord-amricain, mme
sil fallut attendre 1604, sous Henri IV, pour que la France se proccupe dtablir en
Amrique une colonie de peuplement. Plus de 400 ans plus tard, le franais du
Canada est devenu la principale varit secondaire du franais standard, et dans
lensemble, la part des francophones dans la population canadienne reste stable,
mme si le nombre des locuteurs diminue dans lOuest canadien, du fait de la
domination de langlais et de la pression assimilatrice qui en rsulte. Selon les chiffres
du recensement canadien (2011), 21,3% des Canadiens, soit 7.054.975 personnes,
dclarent avoir le franais comme langue maternelle, la trs grande majorit de ces
locuteurs (86,5%, soit 6.102.210 personnes) vivant au Qubec ; cette province est la
seule ayant le franais pour unique langue officielle, et par ailleurs, avec sa superficie
couvrant 1.667.712 km2, elle est la plus vaste des 10 provinces canadiennes.
Le deuxime groupe par importance numrique (7% des francophones, soit
493.295 locuteurs) se trouve dans lOntario, province voisine situe louest du Qubec, dont la colonisation par les Franais commena au dbut du XVIIe sicle. lest
du Qubec, lAcadie (daprs une thorie baptise ainsi par ses dcouvreurs en
rfrence lantique Arcadie, contre clbre pour la beaut de ses paysages),
regroupe le Nouveau-Brunswick (233.530 loc.), la Nouvelle-cosse (31.105 loc.) et lledu-Prince-douard (5.190 loc.), appeles provinces maritimes ; en incluant la province de Terre-Neuve-et-Labrador (2.480 loc.), on compte un total de 272.305 locuteurs
(3,9% des francophones) dans lensemble des quatre provinces dites atlantiques .
Dans lOuest canadien, on distingue trois groupes ayant le franais pour langue
479
maternelle : les Mtis, descendants des unions entre colons franais et femmes amrindiennes ; le groupe majoritaire, celui des Canadiens franais de souche qubcoise ;
et enfin les Franais venus dEurope. Dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de lAlberta, de la Colombie-Britannique et les territoires que constituent le
Yukon, le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest, ils regroupent au total 187.159
personnes (2,6% du total canadien) (cf. Sautter 2000 ; Statistiques Canada 2011). On
mentionnera galement brivement les principales minorits francophones nord-amricaines hors du Canada. En Louisiane, baptise ainsi en lhonneur de Louis XIV par
Robert Cavelier de la Salle en 1682 et stendant lorigine du golfe du Mexique aux
Grands Lacs, la population francophone est issue de diffrents groupes : les Cadiens
ou Cajuns, descendants des Acadiens (originaires du Canada) dports en 1755 par les
Britanniques dans le cadre du Grand Drangement , les colons franais (appels
croles blancs et majoritairement anglophones depuis le XIXe sicle), ainsi que les
anciens esclaves, parlant un crole base franaise. Le nombre des locuteurs est
difficile valuer en raison de la catgorisation linguistique problmatique du recensement amricain qui, sauf exception, ne distingue ni entre les varits du franais, ni
entre franais et croles base franaise : la catgorie est intitule French (including
480
Edith Szlezk
Patois, Creole, Cajun) . On estime le total environ 115.000 locuteurs, y compris les
crolophones (cf. U.S. Census Bureau 2013). Sur les dtails historiques ainsi que les
particularits linguistiques des diffrentes varits du franais en Louisiane, cf. Corbett (1990) ; Neumann-Holzschuh (2000 ; 2005) ; Rottet (2001) ; Valdman (1997) ;
Valdman et al. (2005). La Nouvelle-Angleterre, forme par les tats du Connecticut, du
Maine, du Massachusetts, du New Hampshire, du Rhode Island et du Vermont, tait au
XIXe sicle la rgion la plus industrialise au monde aprs la Grande-Bretagne. Lessor
industriel a entran, notamment entre 1830 et 1920, un afflux massif de main duvre,
venue pour lessentiel des rgions voisines de lEst du Canada, ce qui explique que la
Nouvelle-Angleterre soit galement surnomme le Qubec den bas . Le nombre de
locuteurs est en fort recul depuis la Seconde Guerre mondiale, on lestime aujourdhui
aux alentours de 270.000 300.000 personnes (cf. U.S. Census Bureau 2013). Pour
davantage de dtails sur lhistoire et les particularits linguistiques des diffrentes
varits du franais en Nouvelle-Angleterre, on se reportera Brault (1986) ; Fox/
Smith (2005) ; Neumann-Holzschuh (2003 ; 22008) ; Szlezk (2010).
481
cause notamment des conflits frquents avec les peuples autochtones, et ce sont
majoritairement des hommes. En raction cette situation est organise limmigration
de jeunes femmes, appeles filles du Roi : Entre 1663 et 1673, plus de huit cents
jeunes filles clibataires migrent en Nouvelle-France dans le cadre dun effort de
peuplement indit (GdQ 2008, 7). Mais la situation dmographique, toujours instable, nest pas le seul problme. Outre la menace constante que font peser les
Amrindiens (notamment les Iroquois), les hostilits entre colons anglais et franais
sexacerbent en 1613 la suite de la destruction de Port-Royal par les Anglais. Bien
que lAmrique franaise voie tout dabord son territoire saccrotre vers lOuest et le
Sud (en 1682, le delta du Mississippi est explor), les nombreuses guerres coloniales
franco-anglaises changent bientt la donne. Aprs sa dfaite lors de la guerre de
Succession dEspagne, la France est contrainte, aux termes du trait dUtrecht de
1713, de cder lAcadie et Terre-Neuve aux Anglais qui, durant les quarante prochaines annes, encouragent les colons de langue franaise y rester pour des raisons
tant conomiques que militaires (Dubois 2005, 81). Cependant, larrive de colons
anglophones de plus en plus nombreux entrane une campagne de britannisation et,
pour les Acadiens qui refusent aussi bien le dpart vers dautres territoires franais
que le serment de fidlit la couronne britannique, la dportation dune majorit
dentre eux (env. 8.000 12.000 personnes entre 1755 et 1762), dans des conditions
souvent inhumaines. Au cours de ce quon a appel le Grand Drangement , ils
sont emmens de force vers dautres colonies anglaises, entre autres le Massachusetts, ou se rfugient en Louisiane. De l, une partie dentre eux retournent au Canada
o, retrouvant ceux qui avaient pu se cacher dans les forts, ils forment la base
ethnique des Franco-Canadiens des provinces atlantiques actuelles (Bolle 1990,
741). Quelques milliers dentre eux senfuient galement au Qubec en 1759 : Il y
aurait aujourdhui plus dun million de Qubcois de descendance acadienne (GdQ
2008, 8). En 1763, le trait de Paris entrine officiellement la Conqute anglaise ,
aprs lextension aux colonies de la guerre de Sept Ans. Ainsi prend dfinitivement fin
limmigration franaise dans lancienne Nouvelle-France. LOntario et les provinces
de lOuest continuent toutefois bnficier dune immigration venue du Qubec, ce
qui conduit la constitution des actuelles communauts francophones. Contrairement lAcadie, la question de lexpulsion ne se pose pas au Qubec, o lon tient
compte de ce groupe ethnique politiquement minoris, mais numriquement important : LActe de Qubec (1774) ne comporte pas de dispositions prcises sur la
langue, mais dans lensemble on peut juger quil est favorable aux francophones,
puisque les lois franaises sont restitues au civil, que les garanties religieuses sont
explicitement renouveles [] (Thibault 2003, 898). En 1784, la province du Nouveau-Brunswick est spare de la Nouvelle-cosse, et en 1791, lActe constitutionnel
divise le Canada en une partie occidentale, le Haut-Canada et une partie orientale, le
Bas-Canada. La pression assimilatrice toujours plus forte et la suprmatie de langlais
entranent des rsistances et conduisent mme la rbellion ouverte, comme celle de
1837, mene par le Parti patriote. En 1840, lActe dUnion fait de langlais la seule
482
Edith Szlezk
langue officielle, mme si le bilinguisme survit de facto, situation confirme officiellement en 1848. Toutefois, le dsquilibre dmographique entre les francophones et les
anglophones, dont le nombre augmente constamment du fait de limmigration continue, devient de plus en plus problmatique. Certes, les Canadiens franais, sous
linfluence entre autres de lglise catholique, parviennent stabiliser le rapport
numrique grce une fcondit extrmement leve : en 80 ans, leur nombre est
presque multipli par dix, phnomne galement appel revanche des berceaux
(Pll 1998, 63). Nanmoins, en 1851, [l]a population de langue anglaise dpasse celle
de langue franaise et les Canadiens franais sont, pour la premire fois, minoritaires
dans lensemble de la colonie (GdQ 2008, 14). Enfin, en 1867, lActe de lAmrique
du Nord britannique cre la Confdration canadienne, compose de quatre provinces, le Qubec, lOntario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-cosse, qui se voient
confrer une large autonomie elles parviennent conserver leurs spcificits en ce
qui concerne la culture, la religion et le droit civil (Wolf 1987, 46) , larticle 133
garantissant galement le bilinguisme au niveau officiel. Par la suite, la proportion de
francophones dans la population reste stable, mais il faut attendre les annes 1960
pour que, dans une province au moins, le Qubec, ils parviennent prendre conscience collectivement de loriginalit et de la spcificit de leur culture et de leur
langue et agir en consquence : Aprs une longue priode caractrise par limmobilisme des structures sociales, la premire moiti des annes soixante assiste un
processus de rformes politiques, conomiques et sociales menes par le nouveau
gouvernement libral de Lesage. Cette priode est passe lHistoire sous le nom de
Rvolution tranquille (Thibault 2003, 900). Malgr lexistence au sein de ce mouvement dlments extrmistes, comme le Front de Libration du Qubec groupuscule
dextrme-gauche accus davoir perptr des attentats et entran la mort de plusieurs personnes durant son existence, entre 1963 et 1972 , les forces modres
dominent. Bien que lon ne puisse pas dterminer avec certitude les rpercussions de
la visite du gnral de Gaulle en 1967, au cours de laquelle il a lanc son clbre Vive
le Qubec ! Vive le Qubec libre ! au-del dun refroidissement durable des relations franco-canadiennes , on assiste dans les annes suivantes la cration par
Ren Lvesque du Mouvement Souverainet-Association, dont lobjectif est lindpendance du Qubec au sein dune union conomique avec le Canada. En 1968, ce
mouvement politique devient un parti, le Parti Qubcois (PQ), qui se donne pour
mission, outre lindpendance du Qubec, de dfendre la langue franaise. Une fois
arriv au gouvernement, il organise deux rfrendums destins fonder constitutionnellement une sparation : aprs la victoire lectorale de 1976 et ladoption en 1977 de
la Loi 101, qui fait du franais la langue officielle du Qubec, on se risque, en 1980,
mettre en uvre ce projet, qui est toutefois rejet par une majorit de 59,56% des
lecteurs. En 1982, la constitution canadienne chappe dfinitivement au contrle du
Parlement britannique, mais cela ne suffit pas satisfaire les partisans de lautonomie. Le Parti Libral du Qubec (PLQ), fond en 1867 et dorientation fdraliste,
revient au pouvoir en 1985, freinant jusquen 1994 toutes les vellits indpendantis
483
tes. La victoire lectorale du PQ, en1995, assure lorganisation dun nouveau rfrendum, dont lenjeu est au moins implicitement la scession de la province. Cette foisci, le rsultat est serr, mais les 50,58% de non entranent un nouveau rejet de
lindpendance, attribu par les analystes lectoraux la minorit anglophone et aux
peuples autochtones. Le PQ reste ensuite au pouvoir jusquen 2003, y revenant
ensuite partir de 2012, mais le mouvement indpendantiste encaisse dernirement
un nouveau revers en 2014 : le PLQ remporte les lections avec 41,5% des suffrages
lun des points centraux du programme lectoral du PQ tant lorganisation dun
nouveau rfrendum sur la sparation davec le Canada, que le PLQ refuse plus
catgoriquement que jamais (cf. FAZ 2014). Il est possible que lattitude du gouvernement canadien ait jou un rle, celui-ci essayant depuis le milieu des annes 1990 de
satisfaire le besoin exprim par le Qubec dune reconnaissance explicite de son
identit et de sa culture spcifiques. En 1997, la Dclaration de Calgary reconnat le
caractre unique de la socit qubcoise , bas notamment sur lusage dominant
de la langue franaise dans cette province. En 2006, le gouvernement conservateur de
Stephen Harper demande, dans la motion sur la nation qubcoise [q]ue cette
Chambre reconnaisse que les Qubcoises et les Qubcois forment une nation au
sein dun Canada uni (Schultze 2014). Ds 1968, lAssemble lgislative provinciale
avait t rebaptise Assemble nationale du Qubec , attestant ainsi le dsir dtre
reconnu comme une nation. Pour les partisans de lautonomie, outre les aspects
conomiques la dpendance troite du Qubec vis--vis du Canada est incontestable
sur ce plan , cest sans doute lemploi du terme de nation qui a convaincu nombre
dentre eux que le Canada reconnaissait durablement la situation particulire de leur
province, satisfaisant ainsi leurs revendications. Les menaces pesant sur la Confdration canadienne sont-elles durablement cartes ? Cest ce que montreront les
prochaines annes du gouvernement du PLQ.
484
Edith Szlezk
Le vocabulaire technique qu[e] [le travailleur francophone] [] emploie son travail est anglais.
[] Langlais tant la langue de travail, le travailleur sera [] amen faire certaines lectures ou
suivre certains cours de perfectionnement en anglais. Dans le domaine de travail o le franais
nest pas utile, le travailleur francophone du Qubec se trouve ainsi plac, dans sa propre
province, sur le mme pied quun immigrant qui ignorerait totalement le franais et qui a opt
pour langlais et pour lui et pour ses enfants (Dulong 1973, 420).
485
bilinguisme et le biculturalisme, qui rvle de nets dficits dans le statut des deux
langues et partant, entre anglophones et francophones :
The Constitution formally recognized both French and English in 1867 in the federal field (and
in Quebec). However, it has become evident to us that this re-cognition was incomplete in many
respects []. Therefore, we recommend that English and French be formally declared the official
languages of the Parliament of Canada, of the federal courts, of the federal government, and of
the federal administration. This equality of the French and English languages must be complete
[]. It must be indisputable (Library and Archives Canada 2014).
En 1969, la Loi sur les langues officielles (amende en 1988) fait du Canada une
fdration officiellement bilingue reconnaissant au niveau fdral le franais aux
cts de langlais. Cest ainsi que les dbats parlementaires sont traduits simultanment, que les textes lgislatifs doivent tre promulgus et adopts dans les deux
langues, que lemballage et ltiquetage des produits alimentaires ou manufacturs
sont rdigs dans les deux langues, ou encore que les timbres-poste sont bilingues.
Les services fdraux sont disponibles dans les deux langues, mais uniquement l
o le nombre le justifie . Il y a en effet entre les diffrentes provinces des divergences
considrables en ce qui concerne le statut, la fonction et la diffusion du franais (Erfurt 2005, 56).
Tableau 1 : Les langues officielles et leur statut par province canadienne (SALIC 2014)
Province/territoire
Alberta
Colombie-Britannique
anglais de facto
le-du-Prince-douard
anglais de facto
Manitoba
Nouveau-Brunswick
Nouvelle-cosse
anglais de facto
Ontario
Qubec
Saskatchewan
Terre-Neuve
anglais de facto
Yukon
Territoires du Nord-Ouest
Nunavut
486
Edith Szlezk
veau-Brunswick est la seule province officiellement bilingue et ce, dans les domaines
de la lgislation, de la justice, de lducation et des services gouvernementaux, sur la
base tout dabord de la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick, promulgue en 1969, puis de la Loi reconnaissant lgalit des deux communauts
linguistiques officielles (1981), principe galement ancr depuis 1993 dans la constitution canadienne. En 2002, la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick est
remplace par la nouvelle Loi sur les langues officielles, qui largit la porte de la
loi originale aux municipalits et aux soins de sant et institue non seulement un
mcanisme de plainte, mais aussi lobligation du gouvernement de faire la promotion
des deux langues officielles (Dubois 2005, 94). Le Qubec, pour sa part, est la seule
province qui soit officiellement francophone unilingue, tout en reconnaissant le
bilinguisme lAssemble nationale et pour les tribunaux, dans lducation et dans
les services gouvernementaux. Le Qubec, chteau fort de la francophonie canadienne (GdQ 2008, 15), a impos son statut dunilinguisme officiel par tapes. En
1969 est promulgue la Loi pour promouvoir la langue franaise (Loi 63), premire loi
linguistique du Qubec. Elle accorde le libre choix de la langue denseignement aux
immigrants [] et tous les Qubcois. Elle oblige [] galement les coles anglaises
assurer une connaissance dusage de la langue franaise aux enfants qui lenseignement est donn en langue anglaise . En 1974 suit la Loi sur la langue officielle
(Loi 22), qui fait du franais la langue officielle du Qubec, faisant p. ex. de la version
franaise des textes de loi la version de rfrence, rendant obligatoire lemploi du
franais pour la signalisation, laffichage et les domaines similaires, et imposant aux
entreprises dsireuses dtablir des rapports avec ladministration ladoption de programmes de francisation. Ces dispositions sont tendues et renforces en 1977, aprs
la victoire lectorale du Parti qubcois lanne prcdente ; sous le gouvernement de
Ren Lvesque, le Qubec adopte la Charte de la langue franaise (Loi 101) : Le
franais est la langue officielle du Qubec . Cest la raison pour laquelle le Qubec
daujourdhui, aprs un dbat des annes 2000, ne partage pas la conception canadienne du multiculturalisme et prfre promouvoir linterculturalisme, qui reconnat la
diversit ethnique mais la tolre seulement condition quelle ne remette pas en
cause le statut de la langue franaise. La Loi 101 implique p. ex. que les enfants ne
peuvent frquenter des coles publiques anglophones que sous certaines conditions
bien dfinies, que la signalisation dans lespace public, ainsi que toutes les descriptions de produits, doivent tre rdiges en franais, et elle tend les dispositions
lgislatives de la Loi 22 concernant les programmes de francisation des entreprises. La
loi est modifie plusieurs reprises, dernirement en 2002 (Loi 104) et en 2010 (Loi
115), en particulier (mais pas exclusivement) dans le systme scolaire et ducatif,
domaine dans lequel les dispositions dorigine ntant pas conformes la constitution. Cette loi rorganise galement les institutions charges de la politique linguistique qubcoise, au premier rang desquelles lOffice qubcois de la langue franaise
(OQLF, 8 membres, env. 250 collaborateurs), cr par la fusion de lOffice de la langue
franaise (OLF, fond en 1961) et de la Commission de la protection de la langue
487
488
Edith Szlezk
Dans une large proportion, [] [les Qubcois francophones] sont les descendants de colons
franais qui se sont tablis dans la colonie laurentienne au XVIIe sicle, mais divers autres
groupes dimmigrants sont venus, partir de la seconde moiti du XVIIIe sicle, se fondre dans la
communaut de dpart, dabord en provenance des les Britanniques et des colonies amricaines,
puis, poque rcente, des quatre coins du monde. Paralllement ces apports migratoires, il
sest produit un important phnomne de mtissage avec les Amrindiens. [] Les premiers
colons avaient apport avec eux divers usages du franais qui ont fusionn en une varit
commune dont un bon nombre de traits dorigine se sont conservs jusqu nos jours ; cet
hritage se sont ajouts des emprunts aux langues amrindiennes et, surtout, diverses varits
danglais, selon les groupes qui arrivent, ainsi que des crations lexicales qui ont jalonn
lhistoire de la langue depuis lpoque de la colonisation (Poirier 1998a, xv).
489
norme du franais dans les coles du Qubec soit le franais standard dici. Le
franais standard dici est la varit de franais socialement valorise que la majorit
des Qubcois francophones tendent utiliser dans les situations de communication
formelle (http://www.cslf.gouv.qc.ca) , sa fixation et sa description constituent
encore aujourdhui de purs desiderata des planificateurs linguistiques canadiens (cf.
Neumann-Holzschuh 2000, 252s.). Les caractristiques du franais canadien, prsentes de faon non-exhaustive dans les lignes suivantes, figurent pour lessentiel dans
le domaine de limmdiat communicatif et on les retrouve frquemment soit dans les
dialectes dol du Nord et de lOuest, soit dans le franais populaire. Dune manire
gnrale, on peut constater qu lexception des innovations et des influences des
adstrats et substrats, les diffrences linguistiques avec le franais de commun se
manifestent la plupart du temps non pas en tant que telles, mais dans la frquence
et la diaphasie, cest--dire lattribution dun certain usage linguistique tel ou tel
registre et contexte dusage, comme le montre lexemple de puis [pi], conjonction de
coordination considre comme familire au Qubec et comme populaire en
France (cf. Gadet 1992, 64 ; Grevisse 2008, 1261). Deuxime point, il sera question
dans la suite de ce propos du franais qubcois et du franais acadien, car malgr
les diffrences rgionales, on peut gnraliser pour ces deux groupes de varits ce
que Flikeid a postul pour lacadien : Il est certain que les diffrentes varits
rgionales [] ont suffisamment dlments en commun pour les caractriser comme
groupe unitaire (Flikeid 1991, 195 ; cf. galement Poirier 1998a, xxix). Il ne sera
procd une diffrenciation entre qubcois et acadien que lorsquexistent des
divergences flagrantes ; en effet, le franais acadien prsente une tendance plus
marque la conservation dlments dun tat de langue plus ancien, mais il
correspond dans de nombreux domaines au franais qubcois (Pll 1998, 83).
Aussi subsumera-t-on lensemble, dans le cadre de ce rapide aperu des phnomnes
langagiers, sous lappellation globale de franais canadien . Les varits de franais parles lextrieur du Qubec et de lAcadie, en particulier par la communaut
la plus nombreuse hors du Qubec, celle des Franco-Ontariens, ne seront pas
voques plus avant, car il sagit principalement de franais qubcois ; faute dinstitutions centrales de dfense de la langue, celui-ci prsente des formes diffrentes,
portant p. ex. davantage la marque des archasmes, mais aussi dun nombre suprieur dinnovations et danglicismes dus la prdominance de langlais. Une prsentation des caractristiques de ces varits se trouve dans Mougeon/Beniak 1989. Par
ailleurs, pour les causes de la variation golinguistique du franais en Amrique du
Nord, on se permettra de renvoyer le lecteur Poirier (1996).
5.1 Prononciation
Le systme phonologique du franais canadien est identique celui du franais
commun, mis part le maintien de lopposition des voyelles nasales [] (dans brin) et
490
Edith Szlezk
[ ] (dans brun), ainsi que de lopposition des voyelles [a] (dans patte) et [] (dans
pte), qui sont en France en voie de dphonologisation au profit de [] et [a] (cf.
Marchal 1990, 252 ; Meney 1999, IX).
Dans le domaine phontique, on relvera pour le franais canadien les traits spcifiques suivants (cf. Bolle 1990 ; Brasseur 2001 ; Chaurand 1995 ; Marchal 1990 ; Maury/
Tessier 1991 ; Meney 1999 ; Ostiguy/Tousignant 1993 ; Wolf 1987) :
b) Les consonnes
affrication de [t] et [d] devant [i] et [y] en franais qubcois : [ptsi] petit, [tsY lip]
tulipe, [maladzi] maladie, [dzyR ] dur, phnomne qui donne aux non-Qubcois limpression que les Qubcois ont une prononciation relche (Meney
1999, XI).
palatalisation de [t] et [d] devant [j] en [t] et [d], surtout en franais acadien :
[at:] entire, [akad] acadien.
491
Le franais acadien conserve en outre le h aspir initial, qui devient parfois [] : [hibu]
hibou, [ale] haler.
5.2 Lexique
Daprs Poirier (1980), une large partie du vocabulaire du franais canadien est
identique celui du franais commun, mais il y a souvent une divergence dans les
contextes dusage et/ou les connotations des lments du franais commun. On peut
prendre comme exemple automobile, auto et voiture, connus en franais qubcois,
mais employs dans dautres contextes en raison du rle des rgionalismes char et
machine : auto remplace automobile comme mot gnrique , machine, et plus
rarement char, correspondant comme termes usuels neutres lemploi franais de
voiture, tandis que voiture dsigne plutt en franais canadien un vhicule traction
animale . Comme pour la prononciation et la morphosyntaxe, le franais canadien se
distingue donc par la survivance dlments archaques et rgionaux. On peut en
outre retenir que le franais canadien
se distingue cependant des parlers qui lui ont donn naissance par les emprunts quil a
accepts des langues avec lesquelles il est entr en contact : lamrindien dabord, qui la peu
marqu, langlais par la suite, qui a jou un rle important dans le dveloppement de certains
secteurs de son vocabulaire. Il se distingue galement par les nombreux nologismes (Poirier
1980, 52).
On trouvera une vue dtaille des spcificits lexicales des varits du franais
canadien dans Auger (2005), Brasseur (2001), Chaurand (1995), Lard (1995), Meney
(1999), Pronnet (1989) et Poirier (1980).
On signalera par ailleurs la spcificit que constitue lutilisation des termes
sacrs de la religion catholique comme jurons (Meney 1999, XXII) en franais
qubcois : baptme, bonyeu bon Dieu, clice, calvaire, ciboire, crisse/Christ, hostie,
sacrement, tabarnac(le), viarge. Du reste, ceux-ci sont intressants non seulement du
point de vue du lexique, mais aussi (de plus en plus) en tant que marqueurs discursifs
multifonctionnels, au niveau de la pragmatique ( ce sujet, cf. Drescher 2009).
492
Edith Szlezk
a) Archasmes et rgionalismes
La difficult, dj signale au paragraphe 3, quil y a distinguer nettement archasmes et dialectalismes se pose en particulier dans le domaine du lexique (cf. Poirier
1980, 58). Comme il sagit ici de donner un simple aperu des traits caractristiques
du franais canadien, on renoncera dans ce contexte une diffrenciation et on
renverra Auger (2005), Bolle (1990), Meney (1999), Poirier (1980), Pll (1998) et
Wolf (1987). Voici quelques exemples frquents darchasmes et de dialectalismes :
abrier couvrir, cause que parce que, achaler embter, cette heure/asteur
maintenant, adret habile, adroit, amarrer attacher, assir asseoir, barre du jour
aurore, bavasser bavarder, bl dInde mas, blonde petite amie, bord ct, casser
cueillir, causer bavarder, chssis fentre, champlure robinet, chaudire seau,
chicoter tracasser, conter raconter, couverte couverture, dbarquer descendre,
djeuner petit djeuner, dner djeuner, doutance doute, doux-temps priode de
dgel, scarter se perdre, envaler avaler, estomac poitrine, seins, tre de valeur
tre dommage, tre en famille tre enceinte, flambe flamme, gageure pari, garrocher lancer, godendart scie passe-partout, gros beaucoup, grand, icitte ici, jaser
bavarder, mais que ds que, marier pouser, menterie mensonge, mitaine moufle, mouillasser tomber une pluie fine, niaiser traner, noirceur obscurit, uvrer
travailler, pantoute pas du tout, parlage bavardage inutile, pas pire pas mal, assez
bien, secousse moment, soulier chaussure, souper dner, t lheure toute
lheure, trale bande, grande quantit, veille soire, venir devenir.
b) Amrindianismes
Dans la seule province du Qubec vivent aujourdhui encore 11 peuples autochtones,
dits Premires Nations : Abnaquis, Algonquins, Atikamekw, Cris, Innus, Malcites, Micmacs, Mohawks, Naskapis et Wyandots (Hurons). Auger fait cependant la
constatation suivante : Les effets du contact avec les langues amrindiennes sont
somme toute relativement limits et naffectent que le lexique. Cest dans la toponymie que la prsence autochtone ressort le plus clairement. [] La faune et la flore
constituent un autre domaine dinfluence notable (Auger 2005, 58). Quelques exemples demprunts amrindiens (surtout dorigine iroquoise et algonquine) : toponymie
Canada village, groupe de tentes, Chicoutimi jusquo cest profond, Manitoba
passage du Grand Esprit, Mcatin cest une grosse montagne, Mgantic lieu o il y
a de la truite de lac, Pribonka l o le sable se dplace, Qubec l o le fleuve se
rtrcit, Saguenay source de leau ; faune et flore achigan perche noire, atoca
plante des marais baies rouges, carcajou glouton, caribou renne du Canada,
chicoutai mre des marais, maskinong poisson deau douce, ouananiche saumon
deau douce, ouaouaron grenouille gante, pimbina fruit de la viorne trilobe,
touladi grosse truite grise ; autres domaines babiche lanire de peau dlan
493
servant garnir les raquettes, comtique traneau esquimau tir par les chiens,
micoine grande cuillre ou louche en bois, mitasse sorte de gutre ou de jambire de
toile, nigog harpon, oragan grand vase en bois, sagamit bouillie de farine de mas
et viande.
c) Anglicismes
Depuis 1763 et la perte du lien avec la France, le franais canadien est soumis
linfluence croissante de langlais (cf. Maury/Tessier 1991, 44), culminant au XIXe sicle dans lafflux dinnombrables danglicismes :
Cest partir du dbut du XIXe sicle, dans le contexte socio-politique nouveau cr par la
Conqute anglaise, que les Qubcois commencent sintresser eux-mmes leur vocabulaire.
laccent enjou, parfois admiratif, du voyageur en pays de dcouverte succde le ton morose
du puriste inquiet de lavenir de la langue franaise au Canada. Cest, il est vrai, lpoque o set
de vaisselle remplace service de vaisselle, o casserole recule devant saucepan et o les marchands estiment rentable de traduire leurs enseignes en anglais, mme si leur clientle est
majoritairement franaise. Les lettrs ragissent cette nouvelle invasion anglaise par la publication de lexiques et de manuels correctifs (Poirier 1998a, xi).
494
Edith Szlezk
quil a perues (Poirier 1980, 71). En outre, les verbes, mais aussi les noms et les
adjectifs, sont frquemment intgrs morphologiquement (cf. Meney 1999, XXIII).
Quelques exemples demprunts anglo-amricains courants : badloque malchance
( badluck), bque arrire ( back), bines haricots, fves ( beans), une bit un
peu, bitcher qqn. dire du mal de qqn. ( to bitch about), bobpine pince cheveux
( bobby pin), boul terreur, tyran ( bully), cheap bon march, chum ami, condo
(minium) appartement en coproprit, connestache amidon de mas, farine de mas
( cornstarch), cute mignon, joli, fancy chic, fantaisie, fly dfonc, excentrique,
fou, fun plaisir, game jeu, gamique astuce ( gimmick), highway route grande
circulation, home-brou bire faite la maison ( home-brew), knocker frapper ( to
knock), last call dernier appel, layteur plus tard/ plus ( later), lighter briquet,
lousse lche, ample ( loose), mchemalots guimauve ( marshmallow), ouaginne
charrette ( wagon), paparmane menthe poivre ( peppermint), phoner tlphoner, pinotte cacahoute ( peanut), ploguer brancher ( to plug), shop usine,
signe vier ( sink), smatte habile, chic, gnial ( smart), une job steade un poste
fixe ( a steady job), tinque rservoir ( tank), tof/toffe ardu, difficile ( tough),
touch/touchy dlicat, toune mlodie, chanson ( tune), trustable fiable, watcher
regarder, zipper fermeture clair. part les emprunts directs, on trouve bon nombre
de calques de sens et de forme, propos desquels Poirier constate : Langlicisme
smantique [] et langlicisme syntagmatique [] passent habituellement inaperus
mais ils sont peut-tre plus nombreux que les emprunts directs (Poirier 1980, 69).
Ces calques de sens et aussi de forme propres au qubcois sont un obstacle la
comprhension entre Qubcois et autres francophones (Meney 1999, xxiv). Exemples : ami(e) de fille petite amie ( girlfriend), ami de garon petit ami ( boyfriend),
annonces classes petites annonces ( classified ads), application candidature,
balance solde, bien-tre social aide sociale ( social welfare), boissons allonges
long drinks, brassire soutien-gorge, centre dachats centre commercial ( shopping center), centre-jardin jardinire ( garden center), chambre pice ( room),
change monnaie, changer lhuile faire la vidange ( to change the oil), charger
demander ( to charge), copie exemplaire ( copy), crme glace glace ( ice
cream), dite rgime ( diet), laborer dvelopper ( to elaborate), favoriser prfrer ( to favor), habilet comptence, exprience ( ability), heures daffaires
heures douverture ( business hours), sidentifier prsenter son identit ( to
identify oneself), inspecter vrifier ( to inspect), lave-auto station de lavage ( car
wash), ecteur de nouvelles prsentateur ( newsreader), longue-distance interurbain
( long distance), lumires feu de circulation ( lights), mature mr ( mature), se
mettre haut tre dfonc ( to get high), mettre le blme sur qqn. faire porter qqn. la
responsabilit ( to put the blame on), sobjecter sopposer ( to object to),
parade dfil, prendre action agir ( to take action), prendre un break faire une
pause ( to take a break), prendre une marche faire une promenade ( to take a
walk), sur la rue dans la rue ( on the street), tomber en amour tomber amoureux
( to fall in love). En outre, linfluence anglo-amricaine a permis la survivance de
495
d) Innovations
Les innovations se sont effectues en franais canadien essentiellement par largissement ou glissement smantique, souvent partir du vocabulaire marin ; la plupart du
temps, ces phnomnes se rapportent au nouvel environnement auquel taient
confronts les colons franais :
En dbarquant en Nouvelle-France, les colons franais ont t mis en contact avec des ralits
nouvelles, ayant trait la gographie, la faune et la flore, aux conditions climatiques. Ils se
sont servis pour les dsigner des mots quils employaient dans la mre patrie en parlant de
ralits similaires mais il sest dvelopp autour du noyau smantique de ces mots des smes
nouveaux, des connotations particulires (Poirier 1980, 74).
496
Edith Szlezk
pour agente, ambassadrice, une architecte, auteure, camionneure, chercheure/chercheuse, chirurgienne, docteure, doyenne femme qui dirige une facult universitaire,
crivaine, gouverneure, informaticienne, ingnieure, une juge, mairesse, metteure en
scne, une ministre, praticienne, prsidente, professeure, rectrice.
5.3 Morphosyntaxe
Comme dans les domaines de la prononciation et du lexique, il sagit, sur le plan
morphosyntaxique, dans de nombreux cas de dialectalismes ou bien de survivances
dun tat de langue antrieur.
497
498
Edith Szlezk
consonantique, fminins, cf. un arna (stade de hockey sur glace), un party vs.
une business, une job, une sandwich, une toast, une van.
En ce qui concerne le nombre, le pluriel des noms en -al est form comme en
franais populaire en -als : des chevals, des originals.
Le systme pronominal prsente des divergences considrables avec le franais
commun, qui ne peuvent tre toutes abordes ici. On remarquera tout dabord la
tendance la gnralisation du tutoiement au Qubec, tandis quen franais
acadien, on peut constater que [l]e maintien du vouvoiement sobserve dans les
mmes conditions quen franais daujourdhui (Brasseur 2001, LII). Le pronom
sujet peut gnralement tre omis, surtout la 1re pers. sing., et tout particulirement le i(l) impersonnel en combinaison avec falloir, sembler, y avoir. Les pronoms adverbiaux en et y peuvent se rfrer des personnes, et y remplace souvent
lui ou leur comme pronom objet, notamment en cas domission du pronom COD le
antpos : jy ai donn je le leur ai donn. Le pronom objet leur peut aussi tre
remplac par les : i les a dit il leur a dit. Nous-autres, vous-autres et eux-autres (en
franais acadien galement zeux/ieux/ieusses/ielles) remplacent les pronoms toniques nous, vous et eux/elles, mais aussi les pronoms atones nous, vous et ils/
elles. En franais qubcois, nous semble avoir totalement disparu de la langue
parle (cf. Lagueux 2005, 59), et en franais acadien, il est souvent remplac par
je : javons nous avons. Le tableau suivant des pronoms sujet de la 3e personne
offre un exemple de la variation dans le domaine pronominal, sans aucune
prtention lexhaustivit :
franais canadien
i : [i] + consonne, [j] + voyelle
lui
a
elle
on
ils
eux-autres
zeux, ieux (acadien)
elles
eux-autres
zeux, ieux (acadien)
499
500
Edith Szlezk
501
Qubcois ont une institution de standardisation qui fait dfaut aux Acadiens et aux
autres francophones canadiens. Le Trsor de la langue franaise au Qubec (TLFQ),
projet lanc dans les annes 1970 afin de crer une infrastructure de recherche qui
permette le dveloppement dune vritable lexicographie franaise dans le cadre
dune recherche approfondie sur lhistoire et lusage actuel du vocabulaire franais au
Qubec , a pour ralisation principale le Dictionnaire historique du franais qubcois (Poirier 1998). Ses autres apports la lexicographie concernent surtout des
ouvrages destins au grand public. Le TLFQ joue ainsi un rle de leader dans le
dveloppement de la lexicographie comme discipline au Qubec. En outre, le projet
en cours de dictionnaire FRANQUS promet de fournir un ouvrage apte dcrire le
franais contemporain dusage public, reprsentatif de lactivit sociale, culturelle,
conomique, politique et scientifique au Qubec (http://franqus.ca/projet) mais
un tel projet nexiste que pour le franais qubcois. Il est peu probable que les
varits canadiennes du franais russissent smanciper sans se rapprocher les
unes des autres : Le Qubec et ses voisins francophones auront besoin les uns des
autres pour promouvoir lavenir du franais sur le continent amricain (Sanders, cit
par Schafroth 2009a, 232). De plus, le Qubec et lAcadie sont la recherche dune
norme sans avoir rsolu la question de sa forme propre : crera-t-on une norme
rgionale soumise la norme hexagonale et si oui, comment dfinira-t-on la dimension rgionale ? Ou bien tablira-t-on un modle pluricentrique comme pour langlais (cf. Schafroth 2009b) ? Mme si la Commission des tats gnraux sur la situation et lavenir de la langue franaise au Qubec, forme en juin 2000 afin de faire
le point sur la politique linguistique qubcoise et de proposer des priorits daction
pour lavenir de la langue franaise au Qubec , fait remarquer dans la conclusion de
son rapport 2001 que les Qubcois sont devenus plus confiants quant lavenir de
leur langue, elle constate nanmoins : Les acquis sont l, mais trs fragiles . Sans
une norme reconnue par la majorit des francophones nord-amricains, cela ne
changera pas dans un avenir proche : Le travail de la norme endogne [] reste
poursuivre (Auger 2005, 74).
7 Bibliographie
7.1 Articles, monographies, dictionnaires
Auger, Julie (2005), Un bastion francophone en Amrique du Nord : Le Qubec, in : Albert Valdman
et al. (edd.), Le franais en Amrique du Nord. tat prsent, Qubec, Les Presses de lUniversit
Laval, 3979.
Barbaud, Philippe (1984), Le choc des patois en Nouvelle-France. Essai historique de la francisation
au Canada, Qubec, Les Presses de lUniversit du Qubec.
Bolle, Annegret (1990), Frankophonie IV. Regionale Varianten des Franzsischen auerhalb Europas
I. a) Kanada, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), vol. V/1, Tbingen, Niemeyer, 740767.
502
Edith Szlezk
503
Maury, Nicole/Tessier, Jules (1991), lcoute des francophones dAmrique, Montral, Centre ducatif et Culturel.
Meney, Lionel (1999), Dictionnaire qubcois franais, Montral, Gurin.
Morris, Michael (ed.) (2003), Les politiques linguistiques canadiennes, Paris, Harmattan.
Mougeon, Raymond/Beniak, douard (edd.) (1989), Le franais canadien parl hors Qubec. Aperu
sociolinguistique, Qubec, Les Presses de lUniversit Laval.
Neumann-Holzschuh, Ingrid (2000), Nous autres on parle peut-tre pas bien franais, mais, in :
Peter Stein (ed.), Frankophone Sprachvarietten/Varits linguistiques francophones, Tbingen,
Stauffenburg, 251274.
Neumann-Holzschuh, Ingrid (2003), Externe Sprachgeschichte des Franzsischen in den Vereinigten
Staaten, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Histoire linguistique de
la Romania, Berlin/New York, de Gruyter, 911921.
Neumann-Holzschuh, Ingrid (2005), Si la langue disparat Das akadische Franzsisch in Kanada
und Louisiana, in : Ingo Kolboom/Ingo Mann (edd.), Akadien : ein franzsischer Traum in Amerika. VierJahrhunderte Geschichte und Literatur der Akadier, Heidelberg, Synchron, 795821.
Neumann-Holzschuh, Ingrid (22008), Das Franzsische in Nordamerika, in : Ingo Kolboom/Thomas
Kotschi/Edward Reichel (edd.), Handbuch Franzsisch, Berlin, Schmidt, 109119.
Ostiguy, Luc/Tousignant, Claude (1993), Le franais qubcois. Normes et usages, Montral, Gurin.
Pronnet, Louise (1989), Le parler acadien du Sud-Est du Nouveau-Brunswick. lments grammaticaux et lexicaux, Frankfurt am Main, Lang.
Pll, Bernhard (1998), Franzsisch auerhalb Frankreichs. Geschichte, Status und Profil regionaler
und nationaler Varietten, Tbingen, Niemeyer.
Poirier, Claude (1980), Le lexique qubcois : son volution, ses composantes, Stanford French Review
4, 4380.
Poirier, Claude (ed.) (1994), Langue, espace, socit. Les varits du franais en Amrique du Nord,
Sainte-Foy, Les Presses de lUniversit Laval.
Poirier, Claude (1996), Les causes de la variation golinguistique du franais en Amrique du Nord,
in : Claude Poirier et al. (edd.), Langue, espace, socit. Les varits du franais en Amrique du
Nord, Qubec, Les Presses de lUniversit Laval, 6995.
Poirier, Claude (1998a), Introduction, in : Claude Poirier (ed.), Dictionnaire historique du franais
qubcois, Sainte-Foy, Les Presses de lUniversit Laval, xi-lx.
Poirier, Claude (ed.) (1998b), Dictionnaire historique du franais qubcois, Sainte-Foy, Les Presses
de lUniversit Laval.
Reutner, Ursula (2009), Englisch und Franzsisch in Quebec : Duell oder Duett ?, in : Ursula Reutner
(ed.), 400 Jahre Quebec. Kulturkontakte zwischen Konfrontation und Kooperation, Heidelberg,
Winter, 157184.
Rottet, Kevin (2001), Language Shift in the Coastal Marshes of Louisiana, New York, Lang.
Sautter, Udo (2000), Geschichte Kanadas, Mnchen, Beck.
Sautter, Udo (2012), Als die Franzosen Amerika entdeckten, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft.
Schafroth, Elmar (2009a), Le sujet de la norme linguistique au Qubec et en Acadie, in : Bernhard
Pll/Elmar Schafroth (edd.), Normes et hybridation linguistiques en Francophonie, Paris, LHarmattan, 203237.
Schafroth, Elmar (2009b), Die franzsische Standardsprache in Qubec, in : Ursula Reutner (ed.),
400 Jahre Quebec. Kulturkontakte zwischen Konfrontation und Kooperation, Heidelberg, Winter,
4572.
Schultze, Rainer-Olaf (2014), Les possibilits et limites de gouvernance de ltat fdr : Les cas du
Qubec et de la Bavire, Immigration et intgration en Allemagne et au Qubec (Canada),
communication prsente au colloque de Wildbad Kreuth (Bavire), 27./28.10.2014.
504
Edith Szlezk
Szlezk, Edith (2010), Franco-Americans in Massachusetts. No French no mo round here , Tbingen, Narr.
Thibault, Andr (2003), Histoire externe du franais au Canada, en Nouvelle-Angleterre et SaintPierre-et-Miquelon. Externe Sprachgeschichte des Franzsischen in Kanada, Neu-England und
auf Saint-Pierre et Miquelon, in : Gerhard Ernst et al. (edd.), Romanische Sprachgeschichte.
Histoire linguistique de la Romania, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter, 895911.
Trudelle, Claude (2014), Immigration et intgration en Allemagne et au Qubec (Canada) Ouverture :
Immigration et intgration en Allemagne et au Qubec (Canada), communication prsente au
colloque de Wildbad Kreuth (Bavire), 27./28.10.2014.
Valdman, Albert (ed.) (1997), French and Creole in Louisiana, New York, Plenum.
Valdman, Albert, et al. (edd.) (2005), Le franais en Amrique du Nord. tat prsent, Qubec, Les
Presses de lUniversit Laval.
Wolf, Lothar (1987), Franzsische Sprache in Kanada, Mnchen, Vgel.
Wolf, Lothar (2009), Quebec und Paris. Sprachliche Varietten im ideologischen Konflikt, in : Ursula
Reutner (ed.), 400 Jahre Quebec. Kulturkontakte zwischen Konfrontation und Kooperation, Heidelberg, Winter, 2143.
Sabine Diao-Klaeger
Abstract : La situation des varits franaises en Afrique est complexe et varie dun
pays lautre, tant du point de vue de leur statut sociopolitique et du rle quils jouent
dans la socit en question parmi les autres langues prsentes, que du point de vue de
leurs usages et formes quils y ont dvelopps. LAfrique subsaharienne dans toute sa
diversit se distingue profondment de lAfrique du Nord (Grand Maghreb) et des les
africaines au sud-est du continent. Le franais nest pas, pour la plus grande partie
des populations la langue primaire, mais a priori une langue secondaire. Lon assiste
des effets dinterlangue, dappropriation fonctionnelle et/ou identitaire, de vernacularisation, dhybridation, etc. Les diffrences davec le franais parl en France se
montrent aux niveaux phontique, prosodique, lexical, morphosyntaxique et pragmatique.
Keywords : franais en Afrique, Francophonie, contact de langues, varits du franais, appropriation du franais
1 Introduction
La situation du franais, ou plutt des franais en Afrique est complexe et varie dun
pays lautre, tant du point de vue de son statut sociopolitique et du rle quil joue
dans la socit en question parmi les autres langues prsentes, que du point de vue
des usages et des formes quil y a dvelopps. LAfrique subsaharienne dans toute sa
diversit se distingue profondment de lAfrique du Nord (Grand Maghreb) et des les
africaines au sud-est du continent. Le franais ntant pas, pour la plus grande partie
des populations la langue primaire, mais a priori une langue acquise, apprise sur le
tas ou bien lcole (jusqu diffrents niveaux de comptence, cela dpend du
contact plus ou moins intense avec le franais et du niveau dtudes), lon assiste
des effets dinterlangue, dappropriation fonctionnelle et/ou identitaire, de vernacularisation, dhybridation, etc. Tous ces facteurs contribuent la grande complexit du
sujet.
506
Sabine Diao-Klaeger
La colonisation franaise au Maghreb commence en 1830 en Algrie (indpendance 1962), la Tunisie (18811956) et le Maroc (19121956) sont protectorats. Tandis
que la prsence des colons franais en Algrie en fait une colonie de peuplement, la
Tunisie et le Maroc sont considrs comme des colonies dexploitation, ce qui nest
pas sans consquences pour la langue franaise dans ces pays (cf. infra).
La prsence franaise en Afrique subsaharienne dbute au XVIIe sicle, avec les
premiers comptoirs (commerce dor, de gomme arabique, traite desclaves) lembouchure du fleuve Sngal (1638), puis Saint-Louis (1659) et Gore (1677). Suite
cette longue priode de comptoirs, le XIXe sicle marque le dbut de lentreprise de
colonisation franaise et belge, et lon peut dire que cest ce moment-l que
commence lhistoire de la langue franaise en Afrique. Saint-Louis, au Sngal, voit
louverture de la premire cole franaise, le fameux instituteur Jean Dard donnant sa
premire classe au mois de mars 1817 (cf. Makouta-Mboukou 1973 ; Calvet 2010).
En 1857, Napolon III cre par dcret le premier bataillon de tirailleurs sngalais.
Leur langue vhiculaire est dabord le bambara, mais lorigine ethnique des engags
se diversifiant, on passe peu peu au franais : partir de 1922, on dispensera des
cours de franais tous les hommes de troupe, puis on prendra en charge lenseignement de leurs enfants et lon rservera enfin des emplois ceux qui parlent et lisent le
franais (Calvet 2010, 41s.) ce qui a un impact considrable sur la diffusion du
franais.
Entre 1895 et 1958, le gouvernement franais regroupe huit colonies en une
fdration nomme AOF (Afrique occidentale franaise) : la Mauritanie, le Sngal, la
Cte dIvoire, le Niger, le Soudan franais (aujourdhui Mali), la Guine, la HauteVolta (aujourdhui Burkina Faso) et le Dahomey (aujourdhui Bnin). Entre 1910 et
1958, les colonies franaises de lAfrique centrale sont runies quant elles en la
fdration de lAEF (Afrique quatoriale franaise) qui regroupe le Gabon, le MoyenCongo (compos des actuels Gabon et Rpublique du Congo), lOubangui-Chari
(aujourdhui Rpublique centrafricaine) et le Tchad. Djibouti devient colonie franaise
partir de 1898 sous le nom de Cte franaise de Somalis et le Cameroun est plac
sous protectorat franais en 1919 et jouit dun statut spcial (commissariat autonome).
En 1883 est cre lAlliance franaise qui a pour but de propager la langue
franaise dans les colonies, ltranger et en France. Les lois Jules Ferry de 1881 et
1882 rendent lcole primaire en France obligatoire, gratuite et laque. La mise en
place de lenseignement colonial traine pourtant. La seule chose qui semble claire,
mme si cela ne se fait pas sans discussion, concerne la langue denseignement qui
reste le franais, excluant toutes langues locales. En somme, lcole ne touche
quune petite fraction des populations autochtones [] : la mtropole se borne
former ceux dont elle a besoin pour le fonctionnement de la colonie (Pll 2005, 141 ;
pour un aperu sur lenseignement colonial, cf. p. ex. Barthlmy/Picard/Rogers
2010 ; Calvet 2010).
Aprs les indpendances dans les annes 60, le franais reste langue denseignement dans les ex-colonies subsahariennes, lenseignement du franais dans lex
507
AOF ou AEF [est] encore largement orient par les instructions et programmes officiels
franais centraliss ; ce nest que progressivement que les pays indpendants creront
leurs propres textes (Verdelhan-Bourgade 2014, 29). Un aperu de la situation du
franais comme langue denseignement et langue enseigne aujourdhui en Afrique
se trouve dans OLF 2014 (OLF = Observatoire de la langue franaise), o lon prsente
aussi linitiative ELAN-Afrique, lance en 2012, dont lobjectif est de promouvoir
dans huit pays dAfrique subsaharienne (Bnin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun,
Mali, Niger, Rpublique dmocratique du Congo, Sngal) lusage conjoint des langues africaines et de la langue franaise dans lenseignement primaire (OLF 2014,
363). La question de lutilisation des langues nationales lcole, et des langues
choisir si choix il devrait y avoir, constitue depuis les indpendances une proccupation majeure dans la plupart des pays francophones en Afrique subsaharienne. Dans
plusieurs pays, lon assiste au moins depuis une vingtaine dannes des exprimentations avec les langues nationales lcole, surtout primaire (pour un aperu cf.
p. ex. Scheller 2013).
Le Congo Belge (aujourdhui Rpublique dmocratique du Congo), le Burundi et
le Rwanda sont jusqu leur indpendance respectivement colonie et protectorats
sous mandat belge. Le colonisateur belge laisse une plus large place aux langues
locales lcole que la France ; ainsi, au Congo Belge, le gouvernement met en place
ds le dbut du XXe sicle un enseignement en langue locale les trois premires
annes de scolarisation ce qui a des consquences aujourdhui encore : depuis son
indpendance en 1960, la RDC continue cette politique et emploie les langues nationales (le lingala, le ciluba, le kikongo et le kiswahili) comme langues dalphabtisation dans les premires annes de scolarisation (Leconte 2014, 839).
Parmi les premiers se trouvent les pays suivants (la langue co-officielle, sil y en a, est
indique entre parenthses) : le Bnin, le Burkina Faso, le Burundi (avec le kirundi), le
Cameroun (avec langlais dailleurs le seul pays o sapplique un principe de territorialit,
cest--dire o une partie du pays est considre comme francophone, lautre comme
anglophone), les Comores (avec larabe), la Cte dIvoire, Djibouti (avec larabe), le Gabon,
508
Sabine Diao-Klaeger
2)
la Guine-Conakry, Madagascar (avec le malgache), le Mali, le Niger, la Rpublique centrafricaine (avec le sango), la Rpublique dmocratique du Congo, la Rpublique du Congo, la
Rpublique de Guine-quatoriale (avec lespagnol et le portugais), le Rwanda (avec le
kinyarwanda et langlais), le Sngal, les Seychelles (avec langlais et le crole), le Tchad
(avec larabe) et le Togo. Lon peut ajouter ici La Runion et Mayotte, qui ne sont pas des
pays africains, mais nen demeurent pas moins des rgions francophones en Afrique en tant
que dpartements franais doutre-mer (DOM).
Dclarer le franais comme (une des) langue(s) officielle(s) du pays ne veut pourtant pas
dire que toute la population ou mme quune majorit parle ou matrise le franais.
Le statut de langue (co)officielle ne nous dit rien non plus sur la situation sociolinguistique
du franais dans ces pays (les domaines dans lesquels il est utilis, son rapport avec les
langues nationales et les diffrentes formes de contact ventuelles, les attitudes des locuteurs vis--vis des diffrentes langues, etc.), ni sur son dveloppement historique et son
suppos futur, pas plus que sur ses diffrentes volutions phonologiques, lexicales, morphosyntaxiques et pragmatiques, dues aux processus dappropriation, dhybridation et de
diversification (cf. infra).
Parmi les seconds se trouvent les pays suivants (la langue officielle est indique entre
parenthses) : le Cap-Vert (portugais), lgypte (arabe), le Ghana (anglais), le Maroc (arabe),
lle Maurice (anglais), la Mauritanie (arabe), la Rpublique de Guine-Bissau (portugais),
So Tom et Principe (portugais) et la Tunisie (arabe).
La dcision de ces pays dadhrer lAgence intergouvernementale de la Francophonie
(loprateur principal de lOIF) sexplique par diffrentes raisons historiques, politiques,
conomiques. En dehors des avantages structurels et financiers et bien sr dune fonction
symbolique, valables pour tous les pays adhrents lOIF, lon peut avancer dautres motifs
plus spcifiques pour certains pays. Ainsi, la Guine-Bissau, le Ghana ou le Cap-Vert sont
gographiquement proches, voire entours de pays francophones avec lesquels ils entretiennent des liens culturels et conomiques. Cest pour cette raison quils ont fait le choix de
promouvoir le franais dans leur systme scolaire, en tant que langue seconde obligatoire,
et/ou dans dautres domaines comme la communication internationale.
Pour dautres pays, comme le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie, les liens avec la langue
franaise sont historiquement tisss et ancrs dans leur histoire coloniale. Le (Grand)
Maghreb a t profondment marqu par le modle franais, non seulement du point de vue
de la langue, mais aussi du point de vue de linfrastructure administrative, de la conception
de lenseignement scolaire et suprieur, etc. Depuis la politique darabisation mise en place
partir des annes 80, les domaines dans lesquels le franais est utilis ont diminu : il est
aujourdhui envisag comme une langue trangre statut prfrentiel et de langue denseignement il est devenu langue enseigne (cf. pour le (Grand) Maghreb en gnral : Grandguillaume 2008 ; Glegen 1997 ; Laroussi 1997 ; pour le Maroc : Benzakour 2012 ; Benzakour/
Gaadi/Quefflec 2000 ; pour la Tunisie : Mejri 2009 ; pour lAlgrie qui nest pas membre
de lOIF, mais historiquement le plus francis des pays du Maghreb : Dourari 2006 ;
Sebaa 2013 ; pour la Mauritanie : Boudart 2013 ; Ould Zein/Quefflec 1997).
3.2 Chiffres
Le dernier rapport de lOLF (2014, 8) recense 273,8 millions de francophones dans le
monde, dont 43% vivraient en Afrique subsaharienne, dans locan Indien et en
Afrique du Nord.
509
Tableau 1 : Population francophone dans les pays africains (OLF 2014, 1617 ; lgrement modifi
dans sa forme)
TATS ET GOUVERNEME
GOUV ERNE MENTS
NTS M EMBRES
EMBR ES ET OBSERV
OBSERVA
ATEURS
TEURS DE L OIF
Population en 2015
(en milliers)
Francophones
(en milliers)
En pourcentage de la
population totale
33.955
10.657
31 %
A FRIQUE DU N ORD
Maroc
4.080
529
13 %
11.235
6.090
54 %
84.706
2.800
3%
Bnin
10.880
3.848
35 %
Burkina Faso
17.917
3.965
22 %
Burundi
10.813
897
8%
Cameroun
23.393
9.334
40 %
508
55
11 %
Centrafrique
4.803
1.410
29 %
Congo
4.671
2.717
58 %
Congo
71.246
33.222
47 %
21.295
7.218
34 %
900
450
50 %
1.751
1.070
61 %
Mauritanie
Tunisie
2
gypte
A FRIQUE SUBSAHARIENNE
SUBSAHARIE NNE ET OCA
OCAN
N INDIEN
Afrique subsaharienne
Cabo Verde
(Rpublique
dmocratique du)
Cte dIvoire
Djibouti
Gabon
1 Seules les personnes capables de faire face, en franais, aux situations de communication courante , taient alors considres comme francophones , tandis que les personnes ayant une
comptence rduite en franais, leur permettant de faire face un nombre limit de situations (OLF
2010, 17) taient, elles, qualifies de francophones partielles . Dans le rapport de 2010, lon avait
dj commenc abandonner cette distinction, mais uniquement pour certains pays dAfrique francophone.
2 Lgypte figure parmi les pays du Moyen Orient dans le tableau de lOLF. Puisquil se trouve sur
le continent africain, jai dcid, pour prsenter la liste complte des pays francophones en Afrique, de
lintgrer dans la catgorie pays de lAfrique du Nord .
510
Sabine Diao-Klaeger
TATS ET GOUVERNEME
GOUV ERNE MENTS
NTS M EMBRES
EMBR ES ET OBSERV
OBSERVA
ATEURS
TEURS DE L OIF
Ghana
26.984
219
0,8 %
Guine
12.348
2.974
24 %
1.788
275
15 %
Guine-Bissau
799
231
29 %
Mali
16.259
2.744
17 %
Mozambique
27.122
81
0,3 %
Niger
19.268
2.439
13 %
Rwanda
12.428
700
6%
203
41
20 %
Sngal
14 967
1.714
13 %
Tchad
13.606
1.714
13 %
Togo
7.171
2.787
39 %
Guine quatoriale
So Tom et Prncipe
O CCAN
AN I NDIEN
NDIE N
770
196
25 %
24.235
4.847
20 %
1.254
911
73 %
94
50
53 %
Comores
Madagascar
Maurice
Seychelles
France Outre-mer
2.847
2.374
83 %
Plusieurs facteurs sont prendre en compte quand on parle du nombre des francophones en Afrique. Il faut considrer les chiffres sur la langue franaise en Afrique
avec extrme prudence et sous rserve, sachant que :
1)
La dfinition de francophone nest pas claire. Qui peut tre considr comme francophone, sur quels critres se base-t-on ? La comptence ( mesurer comment ?), les
annes passes lcole avec le franais comme langue denseignement ou langue
enseigne ? Ne sont vrais francophones que les locuteurs ayant le franais comme
langue primaire ou aussi les locuteurs qui lutilisent comme langue seconde (ce qui
est le cas pour la plupart des locuteurs en Afrique francophone), ou mme comme
langue trangre ?
Si lon veut prendre en compte dautres chiffres que ceux de lOLF pour faire des
comparaisons, analyser des dveloppements on se trouve devant le problme que les
auteurs parlent de diffrentes catgories de francophones. LOLF vient, on la dj dit,
dabandonner sa distinction entre francophones et francophones partiels . Lafage
511
(1990), suite aux travaux de lIRAF,3 prsente un modle nuanc avec six degrs de
diffrenciation, allant de No ( non-francophones ) via N1 ( francophones caractriss par
la seule oralit [] ) jusqu N5 ( francophones ayant effectu des tudes universitaires ).
Chaudenson (1989) distingue entre francophones , francophonodes et francoaphones , Rossillon (1995) entre locuteurs potentiels et locuteurs rels ; Napon (1992)
parle du franais des lettrs et des non-lettrs . Lendroit o se situe la frontire entre
les diffrents niveaux de comptence reste un point de discussion directement li la
question de la norme du franais (norme exogne, normes endognes pour une discussion
cf. p. ex. Akissi Boutin/Gadet 2012).
Si lon considre comme francophones uniquement les personnes qui savent lire et crire le
franais (comme ctait le cas dans le rapport de lOLF 2010), on arrive mais ceci serait un
point discuter dun ct des estimations plus fiables , plus solides , mais de
lautre ct on ne prend en compte que le taux de scolarisation/dalphabtisation dans les
pays (cette mthode destimation indirecte est dcrite en dtail dans OLF 2010, 2127, et
dans OLF 2014, 15), qui ninforme pas forcment sur les comptences en franais des
personnes, mme si le franais est la langue denseignement. Ce qui implique quon nglige
les locuteurs qui ne sont pas passs par lcole, qui lont appris sur le tas , de faon nonguide, mais qui savent bien se dbrouiller en franais, et cela dans diverses situations
de communication.
Les statistiques de base sur lesquelles repose le rapport de lOLF lui sont fournies par les
administrations et institutions publiques des tats eux-mmes, et mme si on se fie des
enqutes et recensements nationaux et de la mthodologie de calcul de lOLF, on peut se
poser la question de savoir si les statistiques de base pour tout un continent suivent la mme
mthodologie et prennent les mmes paramtres en considration. LOLF se rend compte de
cette difficult en prcisant les problmes mthodologiques ainsi que quelques cas spcifiques comme celui de la Cte dIvoire o selon une enqute de TNS Sofres Abidjan, 99 %
des rpondants savent parler le franais, mais seulement 75 % savent lcrire (des chiffres
aussi prcis nexistent dailleurs que ponctuellement) et en invitant le lecteur la vigilance
dans linterprtation des chiffres (2010, 1127).
Pour essayer de calculer le nombre de locuteurs du franais en Afrique, quels pays ou
rgions faut-il prendre en compte ? Dans le tableau de lOLF, lon ne trouve p. ex. pas
lAlgrie, pour la simple raison quelle nest pas membre de lOIF. Selon lOffice national des
statistiques dAlgrie (cit daprs OLF 2010, 9), environ 11 millions dAlgriens dclaraient
savoir lire et crire le franais en 2008 ce qui reprsente un chiffre non ngligeable.
2)
3)
4)
3 Institut des recherches sur lavenir du franais qui malheureusement nexiste plus.
512
Sabine Diao-Klaeger
variation il y a videmment : [] le franais des lites est tout aussi africain que celui
des non-lettrs, malgr lnorme cart qui les spare sur le plan formel, tout simplement parce que toutes les varits subissent linfluence, des degrs divers, de
lappropriation comme langue seconde (Pll 2005, 139).
Les tudes sur les varits du franais en Afrique se concentrent gnralement sur
la phontique, le lexique et la morphosyntaxe. Rares sont encore les travaux sur des
questions pragmatiques.
513
4.2 Lexique
Le lexique est sans doute le domaine le plus dcrit et tudi pour les varits du
franais en Afrique. partir de lanne 1978, lquipe IFA (Inventaire des particularits
du franais en Afrique, projet lanc par lAUPELF4) publie des Inventaires/Dictionnaires des particularits/innovations (les titres fluctuent) lexicales de diffrents pays en
Afrique (Caprile 1978 pour le Tchad ; Quefflec 1979 pour le Niger ; Blond et al. 1979
pour le Sngal ; Fak 1979 pour le Zare ; Quefflec/Jouannet 1982 pour le Mali). En
1983, sort lInventaire des particularits lexicales du franais en Afrique noire (quipe
IFA 32004). En 1975 dj, Duponchel avait publi un Dictionnaire du franais de Cte
dIvoire et Lafage un Dictionnaire des particularits du franais au Togo et au Dahomey.
Au dbut des annes 80, la BDLP (Base de donnes lexicographiques panfrancophone,
patronne par lAUF) prolonge les descriptions entreprises par lIFA et met en ligne
depuis 2004 des inventaires pour diffrents pays de la Francophonie (pour lAfrique :
Algrie, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo-Brazzaville, Cte dIvoire, Madagascar, Maroc, Maurice, Runion, Rwanda et Tchad) qui sont rgulirement mises
jour et qui sont consultables sous www.bdlp.org.
En 1980, lILA (Institut de linguistique applique dAbidjan) et lILF (Institut de la
langue franaise, CNRS) crent lObservatoire du franais contemporain en Afrique qui
publie partir de la mme anne une revue sous ce mme nom. Aujourdhui, cette
revue porte le titre Le Franais en Afrique, les 27 numros dsormais parus (entre 1980
et 2012) sont disponibles sous lURL http://www.unice.fr/ILF-CNRS/ofcaf/. A ct des
numros qui prsentent des recueils darticles, on trouve aussi des volumes consacrs
aux franais dans diffrents pays africains qui se prsentent comme des inventaires
514
Sabine Diao-Klaeger
lexicaux : 1986 pour la Haute Volta (n 6, Lafage), 2000 pour le Gabon (n 14,
Boucher/Lafage), 2003 pour la Cte dIvoire (n 16+17, Lafage), 2004 pour la Tunisie
(n 18, Naffati/Quefflec), 2005 pour le Tchad (n 20, N.N.) et 2009 pour le Cameroun
(n 24, Nzesse).
Mentionnons aussi les publications lexicographiques de lEDICEF dans la collection Actualits linguistiques francophones, pour lle Maurice (de Robillard 1993), la
Runion (Beniamino 1996), le Burundi (Frey 1996), la Centrafrique (Quefflec 1997) et
la Guine (Diallo 1999), disponibles dans la bibliothque de lAUF sous http://www.
bibliotheque.auf.org.
Lon peut, comme propos par Lafage, classer les particularismes (car on parle ici
de tout phnomne qui diffre de lusage attest en France) lexicaux en trois catgories : (a) particularits smantiques, (b) particularits lexmatiques et (c) variation de
lusage (terme emprunt Lafage 1993, 28).
Les exemples rentrent parfois dans plusieurs catgories la fois. Ils sont tirs des
dictionnaires et inventaires indiqus ci-dessus, les dfinitions ont t simplifies et
abrges.
515
modification de la dnotation
couloir (B.F., C.I., CAM, MA, NIG) : piston (Il y a des gens qui doivent leurs postes
aux couloirs !)
aller tlphoner/aller poster une lettre (B.F.) : aller aux toilettes
516
Sabine Diao-Klaeger
modification de la collocation
boire une cigarette (B.F.) : fumer une cigarette
de toutes les manires, de toutes les faons (BE, B.F., C.I., SEN, TO) : de toute
manire, de toute faon (au B.F. aussi : de toutes les mille manires/faons).
4.3 Morphosyntaxe
Au niveau de la morphosyntaxe, lon constate des particularits dans le paradigme
verbal. La revue Le Franais en Afrique y consacre un numro rcent (n 26, 2011 :
Autour du verbe ), dans lequel on trouve entre autres un article de Blumenthal sur
la frquence leve et les spcificits de faire comme verbe support. Il travaille avec la
banque de donnes Varitexte (http://syrah.uni-koeln.de/varitext/) qui rassemble,
pour lAfrique subsaharienne, une dizaine dannes de journaux camerounais, sngalais et ivoiriens. Des exemples de locutions verbales avec faire dans la presse
francophone africaine seraient : faire la propret (nettoyer), faire un accident (avoir
un accident), faire un regard (lancer un regard) (Blumenthal 2011).
Les constructions hypothtiques sont un autre phnomne mentionner. Ainsi,
lon constate chez des locuteurs de diffrents niveaux de scolarisation et dans diffrents pays la forme priphrastique allerIMP+infinitif pour exprimer une hypothse
irrelle ou potentielle : Sinon, si javais les moyens, jallais chercher une [maison] pour
moi et mes femmes (exemple malien de Skattum 2011, 65).
Calvet (2010, 139144, sappuyant sur Massoumou 2001) relve des tendances au
niveau de la productivit de verbes du premier groupe (en -er). Les nologismes
verbaux africains seraient majoritairement du premier groupe (ce qui va dans le mme
sens quen France). Exemples : chogobiter (B.F. = essayer de parler, surtout de
prononcer comme un Franais alors quon est africain, cf. Batiana 1993), ambiancer
(B.F., C.I., RW, TCH = se comporter gaiement, quipe IFA 2004). Les innovations
africaines sen sparent [= du franais de France] en crant de nouveaux verbes
inconnus dans les franais du Nord, mais en mme temps respectent ses tendances
formelles en empruntant les mmes procds (Calvet 2010, 140). Le mme phnomne est observable en drivation nominale : trs productifs ici sont les suffixes
daction en -eur/-euse (C.A. : dcoucheur pour mari infidle, dmerdeur pour dbrouillard), les suffixes de profession/de tendances politiques en -iste/-isme (C.A. :
bokassisme pour le fait de soutenir Bokassa) et des drivations en -erie qui dsignent
des lieux o lon vend certains produits, comme p. ex. essencerie (station dessence)
et dibiterie (SEN : restaurant qui offre des grillades) (exemples de Calvet 2010, 140s.,
sappuyant sur Daloba 2008).
Les prpositions et de sont parfois remplaces par des prpositions smantiquement moins abstraites comme pour et sur. Romero (2007, 63) donne des exemples
burkinabs : je le confirme avec tue-tte ; a peut porter prjudice sur la position de
larme.
517
518
Sabine Diao-Klaeger
1)
Le franais est confront une autre langue dominante et/ou vhiculaire (communication
interethnique) dans le pays (Lafage 1990, 773 appelle cette situation discontinuit linguistique ).
Ceci est dabord le cas pour le Rwanda et le Burundi o respectivement le kinyarwanda et le
kirundi, ct du franais et/ou de langlais, est la langue comprise et utilise pour la
communication interethnique par toute la population (mme sil ne faut pas nier une
certaine diversit linguistique de profondeur , cf. Munyankesha 2011, 135).
Puis au Sngal, en Centrafrique, au Mali et en Guine, lon constate certes une grande
diversit linguistique, mais dans chacun de ces pays on trouve une langue nationale de
grande extension : le wolof au Sngal (une vingtaine de langues rpertories, dont 14 qui
ont le statut de langues nationales ; le wolof comme langue primaire et/ou secondaire est
parl par peu prs 85% de la population, cf. Diallo 2010, 19), le sango en Centrafrique (64
langues rpertories ; le sango comme langue primaire et ou/secondaire est parl par la
quasi-totalit de la population, cf. Bordal 2013, 29), le bambara au Mali, le malink en
Guine.
Le franais est confront une situation sans autre langue vhiculaire niveau national
(Lafage 1990, 773 appelle cette situation continuit linguistique ).
Ceci est le cas p. ex. pour la Cte dIvoire, le Cameroun et la Rpublique Dmocratique du
Congo : les langues nationales vhiculaires ny ont quune extension rgionale. Lon assiste
ici une situation o le franais pntre dans des domaines dusage vernaculaire, cest-dire une appropriation qui va de paire avec une profonde modification du franais. Un bon
2)
519
exemple de cette appropriation est le FPI, le franais populaire ivoirien. Il sagit dun franais
parl communment en Cte dIvoire (voire Abidjan ?) qui diffre du franais standard /
de la norme exogne et qui se distingue en mme temps des varits ivoiriennes argotiques comme le nouchi. Kube (2005, 112, trad. dans Boukari 2010, 97) explique : Lusage
du franais en Cte dIvoire sest diffrenci par la suite au point quil nest pas possible
aujourdhui de dfinir exactement ses varits sur la base de leurs caractristiques linguistiques, ni dattribuer celles-ci des groupes sociaux bien circonscrits. On constate plutt une
multitude dusages et modes dappropriation qui dpendent surtout du contexte dusage et
moins de la catgorie socioculturelle laquelle appartient le locuteur .
520
Sabine Diao-Klaeger
521
Voici un exemple (Ngo Ngok Graux 2005, 241, lgrement modifi dans sa
forme) :6
L1 : donc cest un 1djo [do] qui : euh : a toujours t : euh humili xxx dans sa vie puisquil
/tait, ltait/ dabord euh un enfant btard et : 2all [l] les 3djague [dag]/qui, que/ lui
tait en train de 4try [traij] dans all [l] sa 5life [laif] taient seulement l pour
L2 : le 6ndem [dm]
1douala mec, 2anglais tout(es), 3dorigine camerounaise inconnue fille, 4anglais essayer,
5anglais vie, 6dorigine camerounaise inconnue tromper
6 Avenir
Avec une augmentation de plus de 11 millions [depuis 2010, SDK], lAfrique subsaharienne constitue [] le vritable cur de la croissance francophone (OLF 2014, 21).
Toutefois, mais derrire laugmentation gnrale du nombre de locuteurs francophones en Afrique se cachent de grandes diffrences entre les pays. Ainsi, lon peut
constater un gain plus ou moins important de locuteurs de franais (entre 5% et 9%
par an sur les quatre dernires annes) dans les pays suivants : Bnin, Burkina Faso,
Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Gabon, Guine, Madagascar, Niger, Sngal et
Togo (OLF 2014, 22), d surtout aux dveloppements positifs du taux de scolarisation.
Dans dautres pays, notamment au Mali et en Cte dIvoire, lon enregistre par contre
une baisse, attribuable aux crises politiques des dernires annes qui ont cr des
annes blanches pendant lesquelles les coles et les universits ne fonctionnaient
plus. En Tunisie, la baisse de 8% entre 2010 et 2014 sexplique par larabisation
progressante du pays. Le Rwanda constitue un cas part, o le faible pourcentage de
francophones risque de diminuer encore, avec la nouvelle politique scolaire qui
impose ds 2008 langlais comme seule langue officielle denseignement tous les
niveaux (en 2010, cette dcision est revue en faveur du kinyarwanda au niveau du
premier cycle ; cf. Munyankesha 2011 ; Ntakirutimana 2014).
7 Bibliographie
Abolou, Camille Roger (2010), Des marqueurs ke et non en franais populaire dAbidjan :
stratgies discursives et modlisation, Le franais en Afrique 25, 325342.
Akissi Boutin, Batrice (2004), Description de la variation : tudes transformationnelles des phrases
du franais de Cte dIvoire. Rsum de thse soutenue lUniversit de Grenoble III, Le franais
en Afrique 19, 279284.
Akissi Boutin, Batrice/Gadet, Franoise (2012), Les franais dAfrique dans une perspective panfrancophone, Le franais en Afrique 27, 1934.
522
Sabine Diao-Klaeger
523
quipe IFA (32004), Inventaire des particularits lexicales du franais en Afrique noire, Vanves,
EDICEF/AUF.
Fak, Sully (1979), Particularits lexicales du franais au Zare, Niamey, cole de Pdagogie.
Feussi, Valentin (2008), Le francanglais dans une dynamique fonctionnelle : une construction
sociale et identitaire du jeune francophone au Cameroun, Le franais en Afrique 23, 3350.
Glegen, Martin Dietrich (1997), Das Franzsische im Maghreb : Bilanz und Perspektiven der Forschung, Romanistisches Jahrbuch, 2863.
Grandguillaume, Gilbert (2008), La francophonie vue du monde arabe et du Maghreb, in : Ingse
Skattum/Karin Holter (edd.), La francophonie aujourdhui. Rflexions critiques, Paris, LHarmattan, 4961.
Kube, Sabine (2005), La francophonie vcue en Cte dIvoire, Paris, LHarmattan.
Kube, Sabine (2009), Gelebte Frankophonie in der Cte dIvoire. Dimensionen des Sprachphnomens
Nouchi und die ivorische Sprachsituation aus der Sicht Abidjaner Schler, Mnster, LIT.
Lafage, Suzanne (1975), Dictionnaire des particularits du franais au Togo et au Dahomey, Abidjan,
Institut de linguistique applique.
Lafage, Suzanne (1990), Regionale Varianten des Franzsischen auerhalb Europas II. a) Afrika.
Francophonie V. Varits rgionales du franais hors de lEurope II. a) Afrique, in : Gnter
Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol.
V, 1, Tbingen, Niemeyer, 767787.
Lafage, Suzanne (1993), Approches de la variation lexicale en francophonie africaine dans une
perspective prdictionnairique, in : AUPELF-UREF (edd.), Inventaire des usages de la francophonie : nomenclatures et mthodologies, Paris, John Libbey Eurotext, 2536.
Laroussi, Foued (ed.) (1997), Plurilinguisme et identits au Maghreb, Rouen, Publications de lUniversit de Rouen.
Leconte, Fabienne (2014), Les langues africaines en France, in : Georg Kremnitz (ed.), Histoire sociale
des langues de France, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
Makouta-Mboukou, Jean-Pierre (1973), Le Franais en Afrique noire, Paris, Bordas.
Manessy, Gabriel (1992), Norme endogne et normes pdagogiques en Afrique noire francophone, in :
Daniel Baggioni et al. (edd.), Multilinguisme et dveloppement dans lespace francophone, Paris,
Didier rudition, 4381.
Manessy, Gabriel (1994), Le franais en Afrique noire. Mythe, stratgies, pratiques, Paris, LHarmattan.
Massoumou, Omer (2001), Pour une typologie des nologismes du franais au Congo-Brazaville, Le
franais en Afrique 15.
Mejri, Salar (ed.) (2009), La situation linguistique en Tunisie, Revue Synergies 1 (GERFLINT).
Munyankesha, Pascal (2011), Quel avenir pour le franais dans la nouvelle politique linguistique du
Rwanda ?, Les Cahiers du GRELCEF 2, 135143.
Napon, Abou (1992), Le franais des non lettrs au Burkina Faso. tudes linguistique et sociolinguistique, Thse de doctorat, Universit de Rouen.
Ngo Ngok Graux, Elisabeth (2005), Le camfranglais : usages et reprsentations, in : Katja Ploog/
Rgine Llorca (edd.), Appropriations du franais en contexte multilingue. lments sociolinguistiques pour une rflexion didactique propos de situations africaines, Besanon, Presses Universitaires de Franche-Comt.
Ntakirutimana, variste (2014), La dynamique des langues dans lenseignement suprieur au Rwanda.
De nouveaux enjeux, une nouvelle dynamique, Synergies Afriques des Grands Lacs 3, 155163.
OLF (2010), Rapport de lObservatoire de la langue franaise, http://www.francophonie.org/IMG/pdf/
langue_francaise_monde_integral.pdf (10.08.2014).
OLF (2014), La langue franaise dans le monde, Paris, Nathan.
Ould Zein, Bah/Quefflec, Ambroise (1997), Le franais en Mauritanie, Vanves, EDICEF/AUPELF.
524
Sabine Diao-Klaeger
Pierre Swiggers
22 Grammaticographie
Abstract : Ce chapitre fournit un aperu de lvolution de la grammaticographie
franaise (= la description grammaticale du franais), depuis le Moyen ge jusqu
lpoque actuelle. Cette volution est marque par la longue continuit du modle
latinisant centr autour des classes de mots, qui aux XVIIe et XVIIIe sicles a fait
lobjet dune rflexion pistmologique et dun remaniement mthodologique et qui,
au XIXe sicle, a t adapt lenseignement scolaire. Au XXe sicle, la grammaticographie franaise sest affronte aux courants linguistiques, ce qui a entran une
modlisation variable de la description grammaticale et un largissement vers les
domaines de la smantique et de la pragmatique. lheure actuelle, la grammaticographie du franais se caractrise par lemploi de nouvelles technologies et par
lmergence de grands projets collectifs.
Keywords : analyse (grammaticale et logique), classes de mots, description linguistique, grammaire et enseignement, grammaire et linguistique, grammaticographie
franaise
1 Introduction
Ce chapitre retrace lhistoire de la grammaticographie du franais depuis ses dbuts
jusqu lpoque contemporaine.
Les sources premires sont dcrites dans Stengel (1890 ; rdition avec additions :
Stengel/Niederehe 1976 ; cf. Swiggers 1979) pour la priode 14001800 ; Chervel
(1982, deuxime dition augmente 2000) pour la priode 18001914 ; pour des fiches
descriptives des principales grammaires du franais depuis 1400, cf. Colombat/Lazcano (19982000, vol. I). Rpertoires de manuels de franais publis en Italie : Minerva
(1996) et Minerva/Pellandra (1997) ; en Espagne : Fischer/Garca-Bascuana/Gmez
(2004). Signalons que plusieurs anciennes grammaires franaises sont aujourdhui
disponibles dans une dition moderne (cf. Colombat/Fournier/Ayres-Bennett 2010
[projet en cours]). Pour des aperus historiographiques, cf. Livet (1859), Loiseau
(1875), Chevalier (1968 ; 1994), Padley (19761988, o sont juxtaposes les traditions
descriptives du latin et des vernaculaires), Stfanini (1994), Swiggers (1990 ; 2001 ;
2007a ; 2007b) et diverses contributions dans Schmitter (1996 ; 2007). Pour des
informations biographiques sur certains grammairiens (et prcepteurs de langues), cf.
Stammerjohann (22009) et Brekle et al. (19922005). Sur lhistoire de lenseignement
et lhistoire de la grammaticographie didactique du franais, cf. Chervel (2006, avec
amples indications bibliographiques) et la revue Documents pour lhistoire du franais langue trangre ou seconde publie par la Socit internationale pour lhistoire
du franais langue trangre ou seconde (SIHFLES) ; pour une prsentation des
526
Pierre Swiggers
(a) Quant au statut quon accorde la langue qui fait lobjet de la description grammaticale :
sagit-il de la langue en tant quelle est enseigne, apprise et dcrite comme langue seconde/
trangre, ou sagit-il de la langue maternelle ou nationale ?
(b) Quant linsertion disciplinaire de lapproche historiographique : on peut concevoir et
pratiquer lhistoire/lhistoriographie de la grammaticographie comme une branche, ou partie
intgrante, de lhistoire des ides, ou de lhistoire des sciences, ou encore de lhistoire de la
culture (au sens large : histoire des socits et de leurs institutions).
(c) Quant la perspective historiographique : on peut opter pour une perspective diachronique
(et volutive), ou pour une superposition danalyses en synchronie, ou pour une vise achronique, qui part de problmes descriptifs (ou thoriques) et passe en revue, de manire transversale, les types de solutions quon peut relever au cours de lhistoire.
(d) Quant la priodisation : il sagit ici du rapport entre le temps de lhistoire et lorganisation
du discours historiographique. Deux grandes possibilits se prsentent : une priodisation de
type externe, qui se base sur des coupes historiques arbitraires, mais commodes, et une priodisation de type interne, base sur des caractristiques propres chaque priode.
(e) Quant la dmarche descriptive et explicative de lhistoriographe : lhistoriographe dispose
dune large gamme de formats de prsentation, qui va de lexpos analytique et numratif
une synthse hautement thorisante (sintressant surtout aux concepts et aux modles grammaticographiques), en passant par un aperu narratif (o les faits relevs sont subsums par un
discours gnralisant) et une description structurale .
527
Grammaticographie
Vu lampleur dans le temps, vu lextension de la base documentaire et vu la complexit des problmes traits par les grammairiens, on retracera ici les jalons dun long
parcours, qui a conduit la grammaire franaise de ltat dune grammaire dapprentissage (mthodique) celui dune grammaire lappui dune philosophie et dune
langue philosophique , le franais de lge classique, ensuite une production
grammaticale dusage scolaire, et finalement une grammaticographie modlise en
dialogue plus ou moins troit avec les courants en linguistique.
1 Pour des aperus, cf. Lambley (1920), Streuber (19621964), Lusignan (1986), Kristol (1989), Kibbee
(1991).
2 Voir Stengel (1879), Stdtler (1988) et Colombo Timelli (1996).
3 Il est suivi de deux traits porte plus restreinte, Cy comence le Donait soloum douce franceis de
Paris (British Museum, Sloane 513 ; vers 1410) et Donati liber (Cambridge, University Library, Dd. 12.23
et Gg. 6.44 ; vers 1415).
528
Pierre Swiggers
4 On relve une distinction, peu explicite, entre le article et le pronom personnel et lintuition de
lexistence dune voix pronominale en franais (sur lhistoire de cette problmatique, cf. Stfanini
1962).
Grammaticographie
529
I)
Il faut mentionner dabord des textes qui contiennent un appel mettre en rgles le franais
et ceux qui proposent une systmatisation orthographique (soit plutt phontico-phonologique , soit plutt tymologique) : Champ Fleury (1529) de limprimeur Geoffroy Tory ; le
Tres utile et compendieux traite de lart et science dorthographie gallicane (texte anonyme de
1529) ; la Briefve doctrine pour deuement escripre selon la propriete du langaige franoys
(1533) ; le trait dtienne Dolet propos des Accents de la langue franoyse (1540) et le Traite
touchant le commun usage de lescriture franoise de Louis Meigret (1542) ;5 ce dernier texte
dclenchera une vive polmique avec Peletier du Mans et Guillaume des Autels. Dans la
seconde moiti du XVIe sicle, deux auteurs importants se joindront au parti des rformateurs : le philosophe, mathmaticien et grammairien Petrus Ramus et un matre dcole aux
ides originales et hardies, Honorat Rambaud. Le premier a t responsable de la rgularisation de i/j et u/v (lettres dites ramistes ) et le second a propos un alphabet nouveau
(qui tmoigne dune rflexion approfondie sur le systme phonologique du franais) ; cf.
Hermans/Van Hoecke (1989).
Les premires grammaires imprimes du franais commencent paratre dans les annes
1530 ; pour la priode 15301550 il faut signaler quatre grammaires importantes. La premire, de John Palsgrave (Lesclarcissement de la langue francoyse compose par maistre Jehan
Palsgrave Angloys natyf de Londres et gradue de Paris, Londres, 1530), peut tre considre
comme une grammaire contrastive (augmente de listes de notes) ; lauteur a fourni une
classification intressante des pronoms et des constructions verbales. Celle de Jacques
Dubois/Jacobus Sylvius (In Linguam Gallicam Isagge, un cum eiusdem Grammatica Latino-Gallica, ex Hebraeis, Graecis, & Latinis authoribus, Paris, 1531), comporte un trait de
phontique historique et une grammaire, essentiellement base sur le modle de Donat,
dans laquelle lauteur dcrit les parties du discours en franais : nom, pronom, verbe,
adverbe, participe, prposition, conjonction et interjection. La grammaire de Louis Meigret
(Le trtt de la grammre franoze, ft par Lous Migret Lonos, Paris, 1550) est la premire
grammaire en franais publie par un Franais (cf. Hausmann 1980). Meigret, grammairien
original, offre des observations intressantes sur des aspects formels et smantiques des
parties du discours (tout particulirement le nom, le pronom et le verbe). Jean Pillot/Joannes
Pillotus est lauteur dune grammaire du franais (Gallicae linguae institutio Latino sermone
conscripta, Paris, 1550) qui a connu un trs grand succs au XVIe sicle ;6 son ouvrage
II)
5 Le texte fut termin en 1531, mais aucun imprimeur navait accept de le publier.
6 Rditions de louvrage : en 1551, 1555, 1558, 1560, 1561, 1563, 1572, 1575, 1581, 1586, 1620, 1621, 1622,
1631, 1641.
530
Pierre Swiggers
fournit un cadre de description latinisant, qui le rendait trs accessible un public dtudiants et de savants.
7 Ds le XVIe sicle, le franais a fait lobjet dun enseignement grammatical et lexical dans plusieurs
villes des anciens Pays-Bas (mridionaux et septentrionaux) ; voir Riemens (1919, 1576) et Swiggers/
De Clercq (1993).
8 Cf. Streuber (19621964) et Kibbee (1989 ; 1991).
531
Grammaticographie
et ordine bono concinnata sunt : ita ut quae antea variis hinc inde ex libris cum
taedio et molestia quarenda erant in hoc unum volumen congesta et redacta sint :
et a quovis huius linguae studioso utiliter et fructuose legi ac disci possunt,
Strasbourg, 1598) ; pour une analyse comparative du contenu des manuels grammaticaux franais du XVIe sicle rdigs lintention dun public germanophone,
voir Swiggers (1992a).
4 Le XVIIe sicle
Cest vers les annes 1630 que le franais entre dans sa phase classique . Cest le
franais classique qui sera ds lors dcrit dans les nombreuses grammaires pratiques
parues dans la priode 16301700, et qui affichent de plus en plus un caractre
contrastif (franais-anglais ; franais-allemand ; franais-nerlandais, franais-italien, etc.).
On trouvera dutiles informations biobibliographiques et mthodologiques sur
les activits des enseignants de franais (et dautres langues modernes) dans Schrder (1980 ; 19891995 ; 1992) et dans Caravolas (1994). Pour des informations bibliographiques sur les grammaires franaises du XVIIe sicle, voir Swiggers/Mertens
(1984). Pour diverses tudes portant sur des grammaires et manuels de franais
publis en Europe entre 1500 et 1700, cf. De Clercq/Lioce/Swiggers (2000). Sur les
(nombreuses) grammaires franaises rdiges lusage des Allemands, voir le relev
bibliographique de Stengel (1890) et Stengel/Niederehe (1976) et cf. les tudes de
Dorfeld (1905), Schmidt (1931) et Greive (1993). Sur les grammaires franaises rdiges pour des nerlandophones, voir Riemens (1919, 77155) et Swiggers/De Clercq
(1993). Sur les grammaires du franais lusage des Italiens, voir Mormile (1989) et
plusieurs contributions portant sur lItalie dans De Clercq/Lioce/Swiggers (2000) ;
cf. aussi les rpertoires bibliographiques de Minerva (1996) et Minerva/Pellandra
(1997).
Avant la parution de la Grammaire de Port-Royal en 1660, quatre grammairiens
franais ont tent dnoncer des principes gnraux et des rgles sres. Le premier fut
Charles Maupas (Grammaire Franoise, Contenant reigles tres certaines et addresse tres
asseuree la nave connoissance & pur usage de nostre langue, Bloys, 1607 [rditions : 1618, 1623, 1625, 1632, 1638]), qui a formul des rflexions intressantes
propos de lemploi des articles et propos de la fonction des temps verbaux. La
grammaire de Maupas fut corrige et adapte par Antoine Oudin (Grammaire Franoise, rapporte au langage du temps, Paris, 1632 [rditions : 1633, 1636, 1640, 1645,
1648, 1656]), auteur de la premire grande grammaire dcrivant le franais classique
(cf. Winkler 1912). Une grammaire originale, et tmoignant dun remarquable effort de
systmatisation, est celle de Claude Irson (Nouvelle methode pour apprendre facilement les principes et la puret de la langue franoise, Paris, 1656 [rditions : 1662,
1667]). Celle de Laurent Chiflet (Essay dune parfaite grammaire de la langue franoise,
532
Pierre Swiggers
Anvers, 1659),9 moins originale mais trs didactique, combine la description grammaticale avec les observations lexicologiques et stylistiques du courant puriste illustr
par les Remarques sur la langue franoise (Paris, 1647) de Claude Favre de Vaugelas.
La grammaire de Chiflet sera utilise dans les tablissements de lordre des jsuites.
Le travail de Vaugelas (cf. Ayres-Bennett 1987), qui sera rvis par Olivier Patru,
Valentin Conrart et Jean Chapelain, sinsre dans le courant puriste (entam au
XVIe sicle et continu jusqu lpoque actuelle), qui prend pour objet lexamen
normatif dexpressions et de constructions et la proscription de tours dsuets ou
considrs comme vulgaires. Luvre de Vaugelas sera continue dans la seconde
moiti du XVIIe sicle par Gilles Mnage et, surtout, par le jsuite Dominique Bouhours (Les Entretiens dAriste et dEugne, Paris, 1671 ; Doutes sur la langue franoise,
Paris, 1674 ; Remarques nouvelles sur la langue franoise, Paris, 1675) qui a eu une
grande influence sur la langue des grands crivains classiques.10
Toutes ces grammaires sont organises autour du schma des parties du discours,
comprenant le nom (= le nom substantif et le nom adjectif), le pronom, le verbe,
ladverbe, le participe, la prposition, la conjonction, linterjection et larticle (de plus
en plus reconnu comme partie du discours). La section morphologique, le plus
souvent prcde dune partie grapho-phontique, dfinit le sens de chaque partie du
discours et fournit une description de ces accidents.
En 1660 parat, Paris, chez Pierre Le Petit, la Grammaire gnrale et raisonne de
Port-Royal (les auteurs, Claude Lancelot et Antoine Arnauld, ont prfr garder
lanonymat). Cette grammaire systmatise le schma des parties du discours en le
rapportant une thorie des oprations mentales. Les oprations de lesprit, envisages du point de vue de lanalyse dialectique, sont de trois types : concevoir, juger et
raisonner. Les deux premires oprations permettent de faire la distinction entre deux
sortes de mots :
(a) les mots qui se rapportent au concevoir et qui signifient les objets de notre pense : noms,
articles, pronoms, participes, prpositions et adverbes ;
(b) les mots qui se rapportent au juger et qui signifient la forme (ou la manire) de notre
pense : verbes, conjonctions et interjections.
9 Pour la liste des trs nombreuses rditions de la grammaire de Chiflet, voir Swiggers/Mertens (1984,
98100).
10 Sur le courant du purisme et la thorie du bon usage , voir Franois (1905), Weinrich (1960), Wolf
(1982) et Trudeau (1992) ; sur Bouhours, voir Rosset (1908).
11 Sur la vogue des termes mthode, mthodique, voir Swiggers (1984c ; 2007b, 667672).
533
Grammaticographie
Grammaire mthodique contenant en abrg les principes de cet art et les rgles les plus
ncessaires de la langue franoise dans un ordre clair et naturel (Paris, 1681) et de A
short and methodical introduction to the French tongue (Paris, 1683). Vairasse nous
fournit une thorie originale de la dtermination du nom : celle-ci dpend non des
articles, mais de la signification des substantifs, do la distinction entre noms
dividuels (comme : du vin, du pain) et noms individuels (dsignant des objets individuellement nombrables : un livre, un arbre).
propos de la Grammaire de Port-Royal, de son lien avec les courants philosophiques de lpoque, et de sa position dans la tradition de la grammaire gnrale ,
voir, e.a., Donz (1967), Chevalier (1968, 483539 [= 2006, 487543] ; 1994, 4861),
Dominicy (1984), Swiggers (1984b) et Pariente (1985). Pour une liste des rditions de
la Grammaire de Port-Royal, voir Swiggers/Mertens (1984, 100102). Sur la tradition
de la grammaire gnrale, voir Joly/Stfanini (1977).
la fin du XVIIe sicle parat Lart de bien parler franois (Amsterdam, 1696
[rditions : 1710, 1720, 1730, 1737, 1747, 1760, 1762, 1772]) de Pierre de la Touche : cet
ouvrage combine le modle classique des grammaires (comportant une phontique et
une orthographe, une morphologie et une syntaxe) avec le contenu des ouvrages
puristes prsentant des remarques , doutes ou observations sur la langue
franaise.
En complment cet aperu centr sur les ouvrages plutt thoriques, il faut
relever limportante activit grammaticographique dploye au XVIIe sicle par des
enseignants de franais en territoire alloglotte. Un des grands centres denseignement
de franais fut Strasbourg (cf. Swiggers 1998a), o plusieurs matres de franais ont
t actifs et ont publi des grammaires ou des manuels dapprentissage du franais.12
En Angleterre, les ouvrages qui ont eu le plus de succs sont ceux de Claude Mauger
(French grammar, Londres, 1653 [nombreuses rditions au XVIIe sicle] ; cf. Bouton
1972), de Guy Mige (A short and easie French grammar, Londres, 1658 [nombreuses
rditions au XVIIe et au XVIIIe sicle]), de Paul Festeau (French Grammar, Londres,
1667 [nombreuses rditions au XVIIe sicle]) et dAbel Boyer (The Compleat FrenchMaster, Londres, 1694 [rditions jusqu la fin du XVIIIe sicle]). Pour les Pays-Bas,
on peut mentionner les noms de Thomas la Grue et ses fils Jean-Joachim et Philippe,
de Nathaniel D(h)uez, de Jean-Nicolas Parival, de Barthlemy Pilat, de Pierre Marin,
et pour les rgions germanophones ceux de Jean Menudier (Le Secret dapprendre la
langue franoise, Francfort, 1680 [nombreuses rditions] ; Le Gnie de la langue
franoise, Ina, 1681) et, surtout, de Jean-Robert des Pepliers, auteur dune Grammaire
royale franoise & allemande contenant une Methode nouvelle & facile pour apprendre
en peu de temps la langue franoise (Berlin, 1689), un manuel de langue qui a eu des
12 Pour la premire moiti du XVIIe sicle, on peut mentionner les noms de Samuel Bernhard,
Philippe Garnier, Daniel Martin et Stephan Spalt ; cf. la liste de leurs publications dans Swiggers
(1998a).
534
Pierre Swiggers
Au XVIIIe sicle, la grammaire franaise volue vers une vritable science , intgrant une thorie systmatique des classes de mots et de leurs accidents et une thorie
de la construction phrastique (cf. Swiggers 2006a). Cette volution, en rapport avec
les courants philosophiques du sicle des Lumires (cf. Ricken 1978 ; Hoinkes 1991),
sest droule en plusieurs tapes ; pour un bilan de lactivit grammaticale au
XVIIIe sicle, voir Swiggers (1997).
Dans la premire moiti du sicle, les efforts de grammairiens traditionnels
comme Franois-Sraphin Rgnier-Desmarais (Trait de la grammaire franoise, Paris,
1705 [rditions : 1706, 1707]) et de Pierre Restaut (Principes gnraux et raisonns de
la grammaire franoise avec des observations sur lorthographe, les accents, la ponctuation, et la prononciation. Et un abreg des rgles de la versification franoise, Paris,
1730),13 qui, tout en restant fidles au modle latinisant, fournissent des descriptions
intressantes des articles, des pronoms et des verbes, ont incit des grammairiens
perspicaces comme Claude Buffier (Grammaire franoise sur un plan nouveau, pour en
rendre les principes plus clairs & la pratique plus aise, contenant divers traits sur la
grammaire en gnral, sur lusage, sur la beaut des langues et sur la manire de les
apprendre, sur le style, sur lorthographe, Paris, 1709 [rditions : 1711, 1714, 1723, 1724,
1729, 1731, 1732, 1741, 1754]) et Gabriel Girard (Les vrais principes de la Langue
Franoise ou la parole rduite en mthode, conformment aux loix de lusage, Paris,
1747) approfondir la rflexion grammaticale. Buffier, qui dans son analyse de la
proposition opre avec quatre parties (le nom, le verbe, le modificatif et le terme de
supplment) a fait entrer la syntaxe dans une nouvelle phase : celle de lanalyse de la
construction phrastique par un ensemble de relations qui permettent de relier non
13 Pour la liste des trs nombreuses rditions et adaptations de la grammaire de Restaut, voir Stengel
(1890, 81s. ; Stengel/Niederehe 1976, 81s. et 217) ; propos de linfluence de Restaut sur la tradition
postrieure, cf. Swiggers (1985a).
Grammaticographie
535
seulement des phrases, mais aussi divers types de syntagmes. On assiste ici au
dpassement dune syntaxe qui se limitait au modle logique dun rapport prdicatif
entre un sujet et un prdicat et la transition vers une syntaxe tudiant la constitution
de groupes syntagmatiques et prenant aussi comme objet les relations incidentes au
schma prdicatif (cf. Swiggers 1983a). Avec Girard, la grammaticographie du franais
souvre au champ de la typologie des langues et une approche smantico-syntaxique du discours. Lapport le plus novateur de Girard rside dans sa thorie du
rgime, cest--dire tout ce qui concerne les rapports de dpendance entre les mots
dune phrase. Si Girard admet lanalyse en sujet et prdicat, il largit ce modle
binaire en y ajoutant cinq fonctions syntaxiques ; cela donne un total de sept
fonctions : subjectif, attributif, objectif, terminatif, circonstanciel, conjonctif et adjonctif
(de ces sept fonctions, les deux premires sont indispensables). Lanalyse du rgime
comporte deux aspects : le but du rgime et ses moyens dexpression. En ce qui
concerne le premier aspect, le rgime peut avoir une incidence sur la structure, cest-dire la composition de la phrase, et, dautre part, sur lexpression des parties
constructives par des mots. Dans le premier cas, on parle de rgime constructif (= les
fonctions syntaxiques qui entrent dans la composition de la phrase et qui en constituent les macro-constituants), dans le second de rgime nonciatif (= la construction
des mots lintrieur dune fonction). Le deuxime aspect du rgime est galement
double. Il sagit ici de lemploi correct des mots qui sont les seuls & ncessaires
moyens du rgime. Lemploi des mots dans la phrase se caractrise par un arrangement particulier o chaque mot a sa place. En outre, les mots y revtent une forme
spcifique qui correspond leur fonction dans la phrase. Le rgime qui rgle larrangement des mots est appel rgime dispositif, celui qui dcide de la forme des mots
sappelle rgime de concordance.
La rflexion sur les fondements de la grammaire sera poursuivie par les deux
principaux grammairiens de lEncyclopdie : Csar Chesneau Du Marsais et Nicolas
Beauze.
Loeuvre grammaticale de Du Marsais (cf. Sahlin 1928) comprend plusieurs textes
fondateurs : Exposition dune mthode raisonne pour aprendre la langue latine (Paris,
1722) ; Les vritables principes de la grammaire ou nouvelle grammaire raisonne pour
aprendre la langue latine (Paris, 1729) ; Logique et principes de grammaire. Ouvrages
posthumes en partie et en partie extraits de plusieurs traits qui ont dj paru de cet
auteur (Paris, 1729). Beauze est lauteur de trs nombreux articles grammaticaux
rdigs pour lEncyclopdie (17511765 [17 volumes de texte]) et rviss en vue de leur
publication dans lEncyclopdie mthodique : Grammaire et littrature (Paris/Lige,
17821786), et dune remarquable Grammaire gnrale, ou exposition raisonne des
lments ncessaires du langage, pour servir de fondement ltude de toutes les
langues (Paris, 1767) ; cf. Bartlett (1975), Swiggers (1984a ; 1986).
Du Marsais, latiniste et spcialiste de grammaire et de rhtorique, avait subi
linfluence de lempirisme lockien ; ancien prcepteur et matre de pension, il sest
intress lenseignement de la grammaire franaise et on lui doit dimportantes
536
Pierre Swiggers
rflexions sur le lien entre les adjectifs et les articles (et autres actualisateurs), sur la
concordance, ainsi que sur les notions de syntaxe et de construction .
Je crois quon ne doit pas confondre Construction avec Syntaxe. Construction ne prsente que
lide de combinaison & darrangement. Cicron a dit selon trois combinaisons diffrentes, accepi
litteras tuas, tuas accepi litteras, & litteras accepi tuas. Il y a l trois Constructions, puisquil y a
trois diffrents arrangements de mots : cependant il ny a quune Syntaxe ; car dans chacune de
ces Constructions, il y a les mmes signes des rapports que les mots ont entre eux ; ainsi, ces
rapports sont les mmes dans chacune de ces phrases. Chaque mot de lune indique galement le
mme corrlatif qui est indiqu dans chacune des deux autres ; ensorte quaprs quon a achev
de lire ou dentendre quelquune de ces trois propositions, lesprit voit galement que litteras est
le dterminant daccepi, que tuas est ladjectif de litteras ; ainsi, chacun de ces trois arrangements
excite dans lesprit le mme sens, jai reu votre lettre. Or ce qui fait, en chaque langue, que les
mots excitent le sens que lon veut faire natre dans lesprit de ceux qui savent la langue, cest ce
quon appelle Syntaxe. La Syntaxe est donc la partie de la Grammaire qui donne la conoissance
des signes tablis dans une langue pour exciter un sens dans lesprit (article Construction de
lEncyclopdie et de lEncyclopdie mthodique ; cet article de Du Marsais est longuement cit par
Beauze dans larticle Rgime).
14 Cf. ltude dtaille de Chevalier (1968, rdition 2006) ; sur lhistoire du terme complment au
XVIIIe sicle, cf. De Clercq/Swiggers (1990).
537
Grammaticographie
538
Pierre Swiggers
(a) la modlisation par rapport la conjonction dune structure formelle et dune structure
smantique dans une unit propositionnelle : lanalyse centre sur les classes de mots est
dispose lintrieur dune dcomposition en macro-constituants (smantico-logiques) ;
(b) la modlisation par rapport la dcomposition des termes de la proposition : ceux-ci (appels
parties du discours par Silvestre de Sacy) reoivent un remplissage au niveau lexmatique des
classes de mots (appeles espces de mots) ;
16 partir de la rdition en 1763, cet ouvrage, qui a connu des dizaines de rditions au XVIIIe et au
XIXe sicle, porte comme titre Principes gnraux et particuliers de la langue franoise confirms par des
exemples choisis.
539
Grammaticographie
grammaire franoise, Paris, 1780 [nombreuses rditions aux XVIIIe et XIXe sicles]).17
Parmi les ouvrages pratiques destins aux trangers, on peut mentionner ceux de
Antonio Galmace (Llave nueva y universal para aprender con brevedad y perfeccin la
lengua francesa, Madrid, 1748), de Pierre-Nicolas Chantreau (Arte de hablar bien
francs o gramtica completa, Madrid, 1786 ; nombreuses rditions aux XVIIIe et
XIXe sicles), de Jean-Pont-Victor de Levizac (Lart de parler et dcrire correctement la
langue franoise, ou nouvelle grammaire raisonne de cette langue lusage des
trangers, Londres, 1797 [rditions : 1800, 1801, 1809, 1818, 1822]), de Johann Valentin Meidinger (Kurzgefasste und sehr deutliche practische franzsische Grammatik,
Berlin, 1783 [avec des dizaines de rditions jusque dans la seconde moiti du
XIXe sicle]) et de Simon Debonale (Neue franzsische Grammatik fr Schulen, Hamburg, 1798 [avec de nombreuses rditions jusque dans les annes 1830]).
Au XIXe sicle, la grammaire franaise entre dans une nouvelle phase, du point de vue
institutionnel. La scolarisation, aprs la rforme scolaire de 1802, a entran une
prolifration de grammaires, souvent pauvres en qualit, destines lenseignement
primaire et secondaire.
Sur les grammaires scolaires du XIXe sicle, voir la bibliographie de Chervel
(1982 ; 2000), o lon trouvera aussi toutes les informations sur les rditions des
manuels grammaticaux. Sur les manuels grammaticaux scolaires lusage de germanophones entre 1850 et 1950, voir Niederlnder (1981). Sur les rapports entre grammaire et enseignement scolaire, voir Delesalle/Chevalier (1986).
Les nombreuses grammaires scolaires, gnralement dues des enseignants ou
des inspecteurs, relguent larrire-plan la thorie. Le remplacement, en 1802, des
coles centrales par les lyces, restaure la position du latin (mme si les comptences
sont dfaillantes, tant du ct des lves que de celui des matres) et favorise un
enseignement o il est plus important de connatre des rgles que de penser. La
grammaire gnrale meurt dune lente mort ;18 la dernire grammaire gnrale voir
le jour est celle du grammairien luxembourgeois Pierre Burggraff (Principes de grammaire gnrale, ou Exposition raisonne des lments du langage, Lige, 1863). Il est
vrai quen 1811 Charles Girault-Duvivier publie une Grammaire des grammaires (qui
sera rdite jusquen 1886), mais cet ouvrage ne saurait passer pour une synthse de
la grammaire gnrale, voire pour une encyclopdie totale de la grammaire (cf.
Levitt 1968 ; Christmann 1971).
17 La grammaire de Lhomond, grammaire lmentaire oriente vers le latin, a t largie par Charles
Le Tellier en une grammaire modestement raisonne , imposant lexercice de lanalyse logique et de
lanalyse grammaticale.
18 Voir les contributions dans Bourquin (2005).
540
Pierre Swiggers
(a) la premire grammaire scolaire , rcuprant lhritage de Lhomond (lmens de la grammaire franoise [cf. supra, 5]) et reprsente de faon emblmatique par le succs commercial que fut la Nouvelle grammaire franaise de Franois-Joseph-Michel Nol et CharlesPierre Chapsal (Paris, 1823 [plusieurs dizaines de rditions jusque dans les annes 1930,
avec des exercices]). Cette grammaire prne une analyse grammaticale centre sur la nature
et la fonction des mots. Elle est entirement au service de lorthographe : lenseignement
grammatical sert donner un fondement aux rgles de laccord du verbe avec son sujet,
laccord de lattribut avec le sujet, laccord du participe avec le rgime direct. Au centre de
cette grammaire sont les problmes lis la fonction sujet , aux complments, la
fonction attribut , et au participe. La doctrine grammaticale consiste en une combinaison
peu russie de critres smantiques et de critres syntaxiques.
(b) la deuxime grammaire scolaire , diffuse dans louvrage succs de Larive et Fleury19 et
recourant une analyse logique tendue. Cette nouvelle grammaire scolaire labore une
thorie du complment circonstanciel (oppos au complment direct ) et introduit les
notions de complment dattribution et de complment dagent . Le modle repose sur
des intuitions smantiques, qui reoivent une base formelle (par un jeu de questions : Qui
fait (quoi) ( qui) (quand) (comment) (pourquoi) ?). Son apport essentiel rside dans la
distinction des phrases subordonnes : division en phrases relatives, compltives et circonstancielles ; elle aboutira une division fonde sur la nature des propositions dans
leur rapport avec des classes de mots (propositions substantives, adjectives et adverbiales).
541
Grammaticographie
Il faut signaler qu partir des annes 1860 grce louverture intellectuelle due
lintroduction de la linguistique historico-comparative allemande , la grammaire
lcole a pu profiter, bien que modestement, de lorientation diachronique (cf. Desmet/Swiggers 1992) : en tmoignent les ouvrages dAuguste Brachet (Nouvelle grammaire franaise fonde sur lhistoire de la langue lusage des tablissements dinstruction secondaire, Paris, 1874) et dAlexis Chassang (Nouvelle grammaire franaise.
Cours suprieur avec des notions sur lhistoire de la langue, Paris, 1878). Une place
part revient luvre de Cyprien Ayer,21 grammairien suisse sinspirant des ides
pdagogiques du Pre Girard et des conceptions linguistiques de Karl Ferdinand
Becker, qui a publi une Grammaire franaise (Lausanne, 1851), une Grammaire
usuelle de la langue franaise (Ble/Genve/Lyon/Paris, 1878 [rdition Neuchtel :
1883]), une Grammaire lmentaire du franais (Ble/Genve/Paris, 1880) et une
importante Grammaire compare de la langue franaise (Neuchtel, 1876 [ Ble,
Genve et Paris : 1876, 1882, 1885, 1900]).
Dans les premires dcennies du XXe sicle, les grammaires scolaires, comme celles,
de facture traditionnelle, de Lopold Sudre (Grammaire franaise, Paris, 1907), de
Paul Crouzet, G. Berthet et Marcel Galliot (Grammaire franaise simple et complte
pour toutes les classes, 1909 [nombreuses rditions]), de Maxime Lanusse et Henri
Yvon (Cours complet de grammaire franaise, 3 vol., Paris, 19141926), de Jean Calvet
et Charles Chompret (Grammaire franaise [Cours lmentaire/Cours moyen/Cours
suprieur], 3 vol., Paris, 1917 [nombreuses rditions]), se voient concurrences par les
grammaires que publient les grandes maisons ddition, comme la Grammaire Larousse du XXe sicle (Paris, 1936, auteurs : Flix Gaiffe, Ernest Maille, Ernest Breuil,
Simone Jahan, Lon Wagner et Madeleine Marijon) ou par les grammaires allure
scientifique, qui sont luvre de grammairiens ou de linguistes professionnels ; il faut
toutefois signaler que souvent les grammaires rdiges par des linguistes (et dialectologues) professionnels adoptent un cadre dexposition trs traditionnel et ne comportent gure dinnovations mthodologiques ou descriptives, mme si une ouverture de
la grammaire la stylistique est amorce. On peut mentionner comme exemples la
Grammaire pratique de la langue franaise lusage des honntes gens (Paris, 1937) de
Charles Bruneau et Marcel Heulluy et la Grammaire franaise (Paris, 1937) dOscar
Bloch et Ren Georgin.
Pour des vues globales sur la grammaticographie franaise au XXe sicle, voir
Wagner (19681973), Chevalier (1985), Huot (1991), Krassin (1994), Wilmet (1995 ;
21 Sur luvre grammaticale de Cyprien Ayer, cf. Fryba-Reber/Swiggers (2013, avec bibliographie des
publications linguistiques dAyer, pp. 2329).
542
Pierre Swiggers
2000) et Lauwers (2004). Sur la production scolaire, voir Choppin (1986 ; 1997). Sur le
contexte de lenseignement, voir Prost (1968).
Une place spciale revient luvre monumentale de Jacques Damourette et
douard Pichon, Des mots la pense. Essai de grammaire de la langue franaise
[EGLF] (7 vol., Paris, 19281940).22 Les auteurs, envisageant la langue comme un
mode de pense (spcifique une nation), recourent une terminologie toute nouvelle (cf. le fascicule de Tables, tablies par Henri Yvon, qui constitue un supplment).
Le plan de louvrage est le suivant : le premier volume contient une introduction et
prsente une esquisse de la structure grammaticale du franais, suivie dune description phontico-phonologique, et dune section consacre au nom ; le volume suivant
est consacr ladjectif nominal, ladverbe, linterjection et la phrase nominale.
Le troisime volume traite de la morphologie verbale et de la phrase verbale, le
quatrime des propositions subordonnes, de limpratif, de linterrogation et du
verbe unipersonnel. Le cinquime volume est consacr aux auxiliaires et aux accidents du verbe : temps, modes et voix. Le sixime volume traite de la fonction
strumentale (fonction pi-prdicative , que remplissent les articles, les pronoms
possessifs et relatifs, les conjonctions, etc.), de la ngation et de la restriction, de la
personne et de la quantit. Le dernier volume est consacr aux adjectifs et adverbes
de quantit et aux mots de liaison.
Dans la mme veine psychologisante sinscrit louvrage de Ferdinand Brunot
publi en 1922 : La Pense et la langue. Mthode, principes et plan dune thorie
nouvelle du langage applique au franais (Paris, 1922 ; cf. Melis 1994). Lauteur
propose dorganiser la description grammaticale daprs une classification des contenus exprims ; sa description se veut un expos mthodique des faits de pense,
considrs et classs par rapport au langage, et des moyens dexpression qui leur
correspondent (p. VII). Le principe qui sous-tend louvrage est smiologique : il
sagit danalyser lide commune qui relie les signes divers exprimant le mme
contenu (p. XVIII). La division de louvrage reflte par ailleurs une approche plutt
onomasiologique : lauteur aborde ainsi lexpression des tres , des choses , des
ides et leurs noms , des sexes et genres , des nombres , des faits , du
sujet et de la personne , des circonstances , des faits par rapport nos
sentiments et nos volonts , des relations et des hypothses (pour un aperu
dtaill, cf. la table des matires de louvrage, p. 953982).
Brunot fut un critique svre des grammaires scolaires (cf. Melis/Swiggers 1992),
et davantage de la trs mdiocre Grammaire de lAcadmie franaise (Paris, 1932).23
Lchec de la Grammaire de lAcadmie incitera des grammairiens tenter une
description plus complte et mieux structure. En 1936, le Belge Maurice Grevisse
22 Sur lapport thorique et empirique de lEGLF, voir les contributions dans Travaux de linguistique
910 (19821983).
23 Cf. Brunot (1932) ; Swiggers (1992b).
543
Grammaticographie
publie la premire dition de son Bon Usage. Grammaire franaise avec des remarques
sur la langue franaise daujourdhui. Cette grammaire [BU], sadressant un public
trs large, deviendra aussitt une grammaire de rfrence ; elle doit son succs
mondial au plan limpide qui est adopt, la trs riche documentation, larticulation
solide des diverses parties, au respect des cadres de la grammaire traditionnelle (ce
qui nexclut pas des discussions approfondies et innovatrices de certains problmes
grammaticaux). Grevisse fera accompagner cette grammaire de rfrence dune srie
douvrages didactiques (exercices ; manuels de correction du langage ; exposs sur le
participe pass, lemploi des prpositions, etc.). Actuellement, louvrage en est sa
quinzime dition, considrablement remanie par Andr Goosse,24 qui a renouvel
sur plusieurs points le plan dorganisation et le dtail de la description en y intgrant
les acquis de la linguistique moderne (Le Bon Usage. Grammaire franaise, Bruxelles/
Paris, 2011). Aprs 75 ans dexistence, Le Bon Usage, qui totalise presque 2000 pages,
est sans le moindre doute la meilleure grammaire de consultation de la langue
franaise : la richesse de linformation, avec des exemples puiss dans diffrents
genres textuels ainsi que dans la langue orale, la qualit des commentaires (nullement puristes), la clart de lexpos et de la prsentation (typographique) en font un
instrument de rfrence incontournable.
Pour un aperu gnral de la contribution belge la grammaire franaise, voir
Trousson/Berr (1997). Un ouvrage grammatical qui a connu un grand succs scolaire
en Belgique est la Grammaire franaise lusage des Athnes, des Collges et des
coles moyennes de Bernard Van Hollebeke et Oscar Merten (Namur, 1870 [nombreuses rditions et rvisions au XIXe et au dbut du XXe sicle]). Sur le phnomne
Grevisse, voir Lieber (1986). propos des aspects de documentation, de description et
de soubassement thorique du Bon Usage, voir les contributions dans Travaux de
linguistique 1213 (19851986) : Tradition grammaticale et linguistique : Le Bon Usage
de M. Grevisse.
Dans la deuxime moiti du XXe sicle, la grammaticographie franaise sera de
plus en plus expose linfluence et lattrait de courants linguistiques. Les rapports
entre la discipline grammaticale et la linguistique, encore trs ambigus dans la
premire moiti du sicle (cf. Lauwers 2004), sarticuleront dans le sens dune exploitation didactique des acquis dun ou de diffrents modles en linguistique ; cette
exploitation se reflte dans les grammaires franaises publies depuis 1950.
La Grammaire Larousse (cf. supra) a pass travers quelques rditions refltant
les modes changeantes en linguistique. En 1964, une quipe compose principalement danciens lves de Robert-Lon Wagner ( savoir : Jean-Claude Chevalier,
Michel Arriv, Claire Blanche-Benveniste et Jean Peytard) publia la Grammaire [La
24 Andr Goosse a soign, aprs la mort de Maurice Grevisse (en 1980), les 12e (1986), 13e (1993), 14e
(2007) et 15e (2011) ditions du BU, quil na cess denrichir et de peaufiner. Louvrage est toujours
publi sous les noms de Grevisse et Goosse.
544
Pierre Swiggers
rousse] du franais contemporain (Paris, 1964 [rditions : 1973, 2002] qui exploite
certaines techniques structuralistes (comme la commutation) et utilise le concept de
transformation. Lassimilation tardive du structuralisme amricain et lutilisation
clectique du gnrativisme se refltent fidlement dans les travaux de Jean Dubois,
publis chez Larousse (Grammaire structurale du franais, 3 vol., Paris, 19651969 ; et,
avec Ren Lagane : La nouvelle grammaire du franais, Paris, 1973). La mme maison
ddition a publi les travaux, dinspiration harrisienne, de Maurice Gross (Grammaire
transformationnelle du franais : Syntaxe du verbe/Syntaxe du nom, 2 vol., Paris, 1968
1977).
Si on dresse le bilan du demi-sicle qui a suivi lmergence du structuralisme
amricain (19251975), on constate que limpact du structuralisme25 sur la grammaticographie franaise a t minime pendant cette priode (mis part un travail,
explicitement structuraliste, comme celui de Robert A. Hall, Structural Sketch :
French, Baltimore, 1948). La grammaticographie franaise est reste en gnral de
facture traditionnelle ou psychologisante, avec parfois de fines observations (plus ou
moins systmiques ), comme chez Gustave Guillaume (tudes sur larticle, sur le
systme des temps), Cornelis de Boer (Introduction ltude de la syntaxe du franais,
Genve, 1933 ; Syntaxe du franais moderne, Leyde, 1947), Georges et Robert Le Bidois
(Syntaxe du franais moderne. Ses fondements historiques et psychologiques, Paris,
19351938), Albert Dauzat (Grammaire raisonne de la langue franaise, Lyon, 1947) et
Georges Galichet (Essai de grammaire psychologique, Paris, 1947). Le structuralisme
europen a laiss son empreinte, de manire varie, sur des grammaires comme celles
de Georges Gougenheim (Systme grammatical de la langue franaise, Paris, 1938), de
Robert-Lon Wagner et Jacqueline Pinchon (Grammaire du franais classique et moderne, Paris, 1962 [nombreuses rimpressions]) et de Walther von Wartburg et Paul
Zumthor (Prcis de syntaxe du franais contemporain, Berne, 1947).
ltranger, les modles structuralistes ont pu fournir le cadre mthodologique
de quelques descriptions grammaticales (comme celle de Teodora Cristea, Grammaire
structurale du franais contemporain, Bucarest, 1974, qui exploite les acquis du
structuralisme de Genve, de Prague et de Copenhague, en combinaison avec des
techniques du structuralisme et du gnrativisme amricains) ou de certains travaux
plus thoriques (comme celui de Knud Togeby, Structure immanente de la langue
franaise, Paris, 1965). Dans les pays scandinaves, les descriptions grammaticales du
franais (et dautres langues romanes) se caractrisent en gnral par une riche
545
Grammaticographie
546
Pierre Swiggers
8 Conclusion et perspectives
Lpaisseur croissante de cet expos est un reflet la fois de lexpansion progressive27
dans la production de grammaires grammaires pratiques surtout, mais aussi grammaires qui tmoignent dune vritable rflexion et de la formation dun corps de
doctrine, tout particulirement dans llaboration dune morphosyntaxe (do une
rarticulation du traitement des parties du discours). Il faudrait y ajouter des analyses
menes sur des sujets comme : le classement des parties du discours, les concepts
547
Grammaticographie
28 En fait, cest tout le champ de ce quon appelle aujourdhui les sciences sociales qui devrait tre
mobilis ici, en connexion troite avec le contexte institutionnel changeant.
29 Parmi les histoires de la langue franaise, celle de Ferdinand Brunot (19051936) accorde une large
place au travail investi dans la langue, par les grammairiens, lexicographes, thoriciens et observateurs ; voir aussi Seguin (1972) pour le XVIIIe sicle.
548
Pierre Swiggers
(d) depuis quelques dcennies, par une pollinisation croise de plus en plus intense entre
lactivit linguistique et dautres disciplines (didactique et didaxologie ;30 sciences de la
communication ; psychologie cognitive, ) ainsi que par le recours de nouvelles technologies (utilisation de grands corpus ; traitement automatique du langage ; extraction de
donnes) ; cette synergie a des retombes sur diffrentes phases de lactivit grammaticographique (collecte et slection de matriaux ; attitude lgard de lacceptabilit de
donnes ; traitement descriptif ; prsentation et mise disposition des rsultats descriptifs) ;
(e) lapparition, la suite dinitiatives institutionnelles, dentreprises collectives : travaux dquipes et de laboratoires , publications rpondant des projets de collaboration internationale ou des opportunits ditoriales. On peut mentionner comme grands projets
collectifs en cours de publication ou de ralisation : une grande grammaire du franais (sous
la direction dAnne Abeill) et une encyclopdie grammaticale du franais (projet dirig par
Marie-Jos Bguelin, Alain Berrendonner, Jos Deulofeu et Dominique Willems).
9 Bibliographie
Ayres-Bennett, Wendy (1987), Vaugelas and the Development of the French Language, London,
Modern Humanities Research Association.
Bartlett, Barrie E. (1975), Beauzes Grammaire gnrale. Theory and methodology, The Hague,
Mouton.
Baum, Richard (1982), La grammaire idologique et sa place dans lhistoire de la grammaire philosophique, Histoire, pistmologie, Langage 4, 2335.
30 Pour ce concept ( contenu plus riche que celui de didactologie, propos par Galisson (1986), voir
Swiggers (2010, 81s.).
549
Grammaticographie
550
Pierre Swiggers
551
Grammaticographie
Huot, Hlne (ed.) (1991), La grammaire franaise entre comparatisme et structuralisme, 18701960,
Paris, Colin.
Joly, Andr/Stfanini, Jean (edd.) (1977), La grammaire gnrale. Des modistes aux Idologues, Lille,
P.U.L.
Kibbee, Douglas (1989), Lenseignement du franais en Angleterre au XVIe sicle, in : Pierre Swiggers/
Willy Van Hoecke (edd.), La langue franaise au XVIe sicle. Usage, enseignement et approches
descriptives, Louvain/Paris, Leuven University Press/Peeters, 5477.
Kibbee, Douglas (1991), For to Speke Frenche Trewely. The French language in England, 10001600 :
Its Status, Description and Instruction, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Krassin, Gudrun (1994), Neuere Entwicklungen in der franzsischen Grammatik und Grammatikforschung, Tbingen, Niemeyer.
Kristol, Andres Max (1989), Le dbut du rayonnement parisien et lunit du franais au Moyen ge : le
tmoignage des manuels denseignement du franais crits en Angleterre entre le XIIIe et le dbut
du XIVe sicle, Revue de Linguistique Romane 53, 335367.
Kukenheim, Louis (1932), Contributions lhistoire de la grammaire italienne, espagnole et franaise
lpoque de la Renaissance, Amsterdam, Noord-Hollandsche Uitgeversmaatschappij.
Lambley, Kathleen (1920), The Teaching and Cultivation of the French Language in England during
Tudor and Stuart Times, Manchester, Manchester University Press.
Lauwers, Peter (2004), La description du franais entre la tradition grammaticale et la modernit
linguistique. tude historiographique et pistmologique de la grammaire franaise entre 1907
et 1948, Leuven/Paris/Dudley, Peeters.
Lauwers, Peter/Swiggers, Pierre (edd.) (2010), Luvre grammaticale et linguistique de Lon Cldat,
Leuven/Paris/Walpole, Peeters.
Levitt, Jesse (1968), The Grammaire des grammaires of Girault-Duvivier. A study of nineteenth
century French, The Hague, Mouton.
Lieber, Maria (1986), Maurice Grevisse und die franzsische Grammatik. Zur Geschichte eines Phnomens, Bonn, Romanistischer Verlag.
Livet, Charles-Louis (1859), La grammaire franaise et les grammairiens du XVIe sicle, Paris, DidierDurand.
Loiseau, Arthur (1875), Histoire des progrs de la grammaire en France de 1660 1821, Paris, Thorin.
Loonen, Pieter (1995), Nathanael Duez : Biography and a First Bibliography, Meesterwerk 3, 215.
Loonen, Pieter (1997), Is die P. Marin onsterfelijk ? Het succes van een vergeten taalmeester, Meesterwerk 8, 1422.
Lusignan, Serge (1986), Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue franaise aux XIIIe et
XIVe sicles, Paris/Montral, Vrin/Presses de lUniversit de Montral. [Deuxime d., 1987]
Meillet, Antoine (19211936), Linguistique historique et linguistique gnrale, 2 vol., Paris, Champion
(1921)/Klincksieck (1936).
Melis, Ludo (1994), La Pense et la Langue en marge des grammaires, in : Jan De Clercq/Piet Desmet
(edd.), Florilegium Historiographiae Linguisticae, Louvain-la-Neuve, Peeters, 143158.
Melis, Ludo/Swiggers, Pierre (1992), Ferdinand Brunot contre la sclrose de la grammaire scolaire,
Cahiers Ferdinand de Saussure 46, 143158.
Minerva, Nadia (1996), Manuels, matres, mthodes. Repres pour lhistoire de lenseignement du
franais en Italie, Bologna, CLUEB.
Minerva, Nadia/Pellandra, Carla (1997), Insegnare il francese in Italia. Repertorio analitico di manuali
pubblicati dal 1625 al 1860, Bologna, CLUEB.
Mormile, Mario (1989), Litaliano in Francia. Il francese in Italia. Storia critica delle opere grammaticali francesi in Italia ed italiane in Francia dal Rinascimento al Primo Ottocento, Torino,
Meynier.
552
Pierre Swiggers
Neumann, Sven-Gsta (1959), Recherches sur le franais des XVe et XVIe sicles et sur sa codification
par les thoriciens de lpoque, Lund/Copenhague, Gleerup/Munksgaard.
Niederlnder, Helmut (1981), Franzsische Schulgrammatiken und schulgrammatisches Denken in
Deutschland von 1850 bis 1950, Frankfurt am Main, Lang.
Padley, George A. (19761988), Grammatical Theory in Western Europe 15001700, 3 vol., Cambridge,
Cambridge University Press.
Pariente, Jean-Claude (1985), Lanalyse du langage Port-Royal. Six tudes logico-grammaticales,
Paris, Minuit.
Percival, W. Keith (1975), The Grammatical Tradition and the Rise of the Vernaculars, in : Thomas A.
Sebeok (ed.), Current Trends in Linguistics, vol. 13 : Historiography of Linguistics, The Hague,
Mouton, 231275.
Prost, Antoine (1968), Histoire de lenseignement en France, 19001967, Paris, Colin.
Ricken, Ulrich (1978), Grammaire et philosophie au sicle des Lumires. Controverses sur lordre
naturel et la clart du franais, Lille, P.U.L.
Riemens, Kornelis J. (1919), Esquisse historique de lenseignement du franais en Hollande du XVIe au
XIXe sicle, Leyde, Sijthoff.
Rosset, Thodore (1908), Entretiens, doutes, critiques et remarques du Pre Bouhours sur la langue
franaise, 16711692, Grenoble, Allier.
Sahlin, Gunvor (1928), Csar Chesneau Du Marsais et son rle dans lvolution de la grammaire
franaise, Paris, P.U.F.
Schmidt, Bernhard (1931), Der franzsische Unterricht und seine Stellung in der Pdagogik des
17. Jahrhunderts, Diss. Halle.
Schmitter, Peter (ed.) (1996), Sprachtheorien der Neuzeit II : Von der Grammaire de Port-Royal (1660)
zur Konstitution moderner linguistischer Disziplinen, Tbingen, Narr.
Schmitter, Peter (ed.) (2007), Sprachtheorien der Neuzeit, vol. III/2 : Sprachbeschreibung und Unterricht, Tbingen, Narr.
Schrder, Konrad (1980), Linguarum recentium annales. Der Unterricht in den modernen europischen Sprachen im deutschsprachigen Raum, Augsburg, Universitt Augsburg.
Schrder, Konrad (19891995), Biographisches und bibliographisches Lexikon der Fremdsprachenlehrer des deutschsprachigen Raumes, Sptmittelalter bis 1800, 4 vol., Augsburg, Universitt
Augsburg.
Schrder, Konrad (ed.) (1992), Fremdsprachenunterricht 15001800, Wiesbaden, Harrassowitz.
Seguin, Jean-Pierre (1972), La langue franaise au XVIIIe sicle, Paris, Bordas.
Soutet, Olivier (ed.) (2005), La langue franaise au prisme de la psychomcanique du langage, Paris,
Larousse.
Stdtler, Thomas (1988), Zu den Anfngen der franzsischen Grammatiksprache. Textausgaben und
Wortschatzstudien, Tbingen, Niemeyer.
Stammerjohann, Harro (ed.) (22009), Lexicon grammaticorum, 2 vol., Tbingen, Niemeyer.
Stfanini, Jean (1962), La voix pronominale en ancien et en moyen franais, Aix-en-Provence, Ophrys.
Stfanini, Jean (1994), Histoire de la grammaire, 3 vol., textes runis par Vronique Xatard, Paris,
ditions C.N.R.S.
Stein, Gabriele (1997), John Palsgrave as Renaissance Linguist. A pioneer in vernacular language
description, Oxford, Clarendon Press.
Stengel, Edmund (1879), Die ltesten Anleitungsschriften zur Erlernung der franzsischen Sprache,
Zeitschrift fr neufranzsische Sprache und Literatur 1, 140.
Stengel, Edmund (1890), Chronologisches Verzeichnis franzsischer Grammatiken vom Ende des
14. bis zum Ausgange des 18. Jahrhunderts nebst Angabe der bisher ermittelten Fundorte
derselben, Oppeln, Francke [nouvelle dition par Hans-Josef Niederehe, Amsterdam, Benjamins, 1976].
553
Grammaticographie
Streuber, Albert (19621964), Die ltesten Anleitungsschriften zur Erlernung des Franzsischen in
England und den Niederlanden bis zum 16. Jahrhundert, Zeitschrift fr franzsische Sprache und
Literatur 72, 3786, 186211 ; 73, 97112, 189209 ; 74, 5976.
Streuber, Albert (19641969), Franzsische Grammatik und franzsischer Unterricht in Frankreich und
Deutschland whrend des 16. Jahrhunderts, Zeitschrift fr franzsische Sprache und Literatur
74, 343361 ; 75, 3150, 247273 ; 77, 235267 ; 78, 69101 ; 79, 172191, 328348.
Swiggers, Pierre (1979), Compte rendu de Stengel/[Niederehe] 1976, Lingvisticae Investigationes 3,
192204.
Swiggers, Pierre (1983a), Grammaire et thorie du langage chez Buffier, Dix-huitime sicle 15,
285293.
Swiggers, Pierre (1983b), La catgorie du compellatif chez Silvestre de Sacy, Studii i cercetri
lingvistice 34, 1921.
Swiggers, Pierre (1984a), Les conceptions linguistiques des Encyclopdistes. tude sur la constitution
dune thorie de la grammaire au sicle des Lumires, Heidelberg, Groos.
Swiggers, Pierre (1984b), Grammaire et logique Port-Royal. propos des fondements dune linguistique gnrale, Sprachwissenschaft 9, 333352.
Swiggers, Pierre (ed.) (1984c), Grammaire et mthode au XVIIe sicle, Louvain, Peeters.
Swiggers, Pierre (1985a), Une tape importante dans lhistoire de la grammaire franaise : les
Principes de Restaut, Studia Neophilologica 57, 219226.
Swiggers, Pierre (1985b), Larticle en franais : lhistoire dun problme grammatical, Revue de
linguistique romane 49, 379409.
Swiggers, Pierre (1986), Grammaire et thorie du langage au dix-huitime sicle, Lille, P.U.L.
Swiggers, Pierre (1989), Structure propositionnelle et complmentation dans lhistoire de la grammaire : la thorie de Beauze (1767), Lingua e Stile 24, 391407.
Swiggers, Pierre (1990), Franzsisch : Grammatikographie, in : Gnter Holtus/Michael Metzeltin/
Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik, vol. V/1, Tbingen, Niemeyer,
843869.
Swiggers, Pierre (1992a), Les grammaires franaises pdagogiques du XVIe sicle : Problmes de
dfinition et de typologie ; analyse microscopique, in : Konrad Schrder (ed.), Fremdsprachenunterricht 15001800, Wiesbaden, Harrassowitz, 217235.
Swiggers, Pierre (1992b), La grammaire des Acadmiciens prise dassaut : un exemple de rcurrence
diffrentielle dans lhistoire de la grammaire franaise, Travaux de Linguistique et de Philologie
30, 125137.
Swiggers, Pierre (1996), Histoire et pistmologie de la grammaire : le cas du franais, in : Emilia
Alonso/Manuel Brua/Manuel Muoz (edd.), La lingstica francesa : gramtica, historia y epistemologa, t. I, Sevilla, Departamento de Filologa francesa de la Universidad de Sevilla, 931.
Swiggers, Pierre (1997), Grammaire, in : Michel Delon (ed.), Dictionnaire europen des Lumires,
Paris, P.U.F., 514518.
Swiggers, Pierre (1998a), Franse grammaticas uit Straatsburg, eind zestiende begin zeventiende
eeuw, Meesterwerk 11, 1122.
Swiggers, Pierre (1998b), Aspects mthodologiques du travail de lhistorien de lenseignement du
franais langue trangre ou seconde, Documents pour lhistoire du franais langue trangre
ou seconde 21, 3452.
Swiggers, Pierre (2001), Lhistoire des grammaires et des manuels de langues romanes, in : Gnter
Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik,
vol. I/1, Tbingen, Niemeyer, 476505, 506517, 526532.
Swiggers, Pierre (2004), Modelos, mtodos y problemas en la historiografa de la lingstica, in :
Cristbal Corrales Zumbado et al. (edd.), Nuevas aportaciones a la historiografa lingstica,
vol. I, Madrid, Arco Libros, 113146.
554
Pierre Swiggers
Swiggers, Pierre (2006a), propos de la place de la syntaxe dans la grammaire : de Buffier Girard,
Revue belge de philologie et dhistoire 84, 867883.
Swiggers, Pierre (2006b), Lanalyse du verbe dans la grammaire franaise prclassique, 15301575,
Le franais prclassique 9, 3783.
Swiggers, Pierre (2007a), Lanalyse grammaticale et didactico-linguistique du franais, du Moyen ge
au 19e sicle. Jalons de lhistoire du franais comme objet de description et denseignement, in :
Peter Schmitter (ed.), Sprachtheorien der Neuzeit, vol. III/2 : Sprachbeschreibung und Unterricht,
Tbingen, Narr, 559645.
Swiggers, Pierre (2007b), Linstitution du franais. Jalons de lhistoire de son enseignement, in : Peter
Schmitter (ed.), Sprachtheorien der Neuzeit, vol. III/2 : Sprachbeschreibung und Unterricht,
Tbingen, Narr, 646721.
Swiggers, Pierre (2008), Ladverbe dans la grammaticographie franaise du 16e sicle : Dfinition,
(sous-) classification et terminologie, Beitrge zur Geschichte der Sprachwissenschaft 18, 59
100.
Swiggers, Pierre (2010), Les enjeux de lenseignement des langues aux Temps Modernes : Dimensions
ludique, politique et idologique de la didactique et de la didaxologie, in : Javier Suso Lpez
(ed.), Plurilinguisme et enseignement des langues en Europe : Aspects historiques, didactiques
et sociolinguistiques, Granada, Ed. Universidad de Granada, 79123.
Swiggers, Pierre (2012a), Lhomme et la matire grammaticale : historiographie et histoire de la
grammaire, in : Bernard Colombat/Jean-Marie Fournier/Valrie Raby (edd.), Vers une histoire
gnrale de la grammaire franaise. Matriaux et perspectives, Paris, Champion, 115133.
Swiggers, Pierre (2012b), Historiografa de la gramaticografa didctica : apuntes metodolgicos con
referencia a la (historia de la) gramtica espaola y francesa, in : Neus Vila Rubio (ed.), Lengua,
literatura y educacin en la Espaa del siglo XIX, Bern/Lrida, Lang/Edicions i Publicacions de la
Universitat de Lleida, 1537.
Swiggers, Pierre (2013a), Une figure de grammairien : Lon Cldat (18511930), Beitrge zur Geschichte der Sprachwissenschaft 23, 121140.
Swiggers, Pierre (2013b), Le verbe dans le Traict de la grammaire Franoise (1557) de Robert
Estienne, Le franais prclassique 15, 147169.
Swiggers, Pierre/De Clercq, Jan (1993), Franse grammatica en taalonderwijs in de Lage Landen
tijdens de zestiende en zeventiende eeuw. Bronnen, achtergronden, produktie, analytische
typologie, in : Els Ruijsendaal (ed.), Taalmethoden door de eeuwen heen (= Meesterwerk 4),
2535.
Swiggers, Pierre/Mertens, Frans-Jozef (1984), La grammaire franaise au XVIIe sicle. Bibliographie
raisonne, in : Pierre Swiggers (ed.), Grammaire et mthode au XVIIe sicle, Louvain, Peeters,
95110.
Swiggers, Pierre/Van Hoecke, Willy (edd.) (1989), La langue franaise au XVIe sicle. Usage, enseignement et approches descriptives, Louvain/Paris, Leuven University Press Peeters.
Tesnire, Lucien (1959), lments de syntaxe structurale, Paris, Klincksieck.
Thurot, Charles (18811883), De la prononciation franaise depuis le commencement du XVIe sicle,
daprs les tmoignages des grammairiens, 2 vol., Paris, Imprimerie nationale.
Travaux de linguistique n 910 (19821983) : Tradition grammaticale et linguistique : l Essai de
grammaire de la langue franaise de Jacques Damourette et douard Pichon.
Trousson, Michel/Berr, Michel (1997), La tradition des grammairiens belges, in : Andr Blampain
et al. (edd.), Le franais en Belgique, Louvain-la-Neuve, Duculot, 337336.
Trudeau, Danielle (1992), Les inventeurs du bon usage (15291647), Paris, ditions de Minuit.
Wagner, Robert-Lon (19681973), La grammaire franaise. (1) Les niveaux et les domaines. Les
normes. Les tats de langue. (2) La grammaire moderne. Voies dapproche. Attitudes des
grammairiens, 2 vol., Paris, SEDES.
555
Grammaticographie
Weinrich, Harald (1960), Vaugelas und die Lehre vom guten Sprachgebrauch, Zeitschrift fr romanische Philologie 76, 133.
Wilmet, Marc (1995), Thorie grammaticale et description du franais, in : Grald Antoine/Robert
Martin (edd.), Histoire de la langue franaise, 19141945, Paris, ditions C.N.R.S., 965992.
Wilmet, Marc (2000), Thorie grammaticale et description du franais, in : Grald Antoine/Bernard
Cerquiglini (edd.), Histoire de la langue franaise, 19452000, Paris, ditions C.N.R.S., 883905.
Winkler, Emil (1912), La doctrine grammaticale franaise daprs Maupas et Oudin, Halle, Niemeyer.
Wolf, Lothar (1982), La normalisation du langage en France : de Malherbe Grevisse, in : dith
Bdard/Jacques Maurais (edd.), La norme linguistique, Paris, Le Robert, 105137.
Yvon, Henri (1904), tude de notre vocabulaire grammatical. Le mot indfini , Revue de philologie
franaise et de littrature 18, 4667.
Yvon, Henri (1907), Sur lemploi du mot indfini en grammaire franaise, Revue de philologie
franaise et de littrature 21, 2136.
Yvon, Henri (1946), tude sur notre vocabulaire grammatical. Le mot conditionnel , in : tudes
romanes ddies Mario Roques, Paris, Droz, 149168.
Yvon, Henri (19531954), tude de notre vocabulaire grammatical. Nomenclature des tiroirs de
lindicatif, Le franais moderne 21, 247262 ; 22, 1128.
Yvon, Henri (19551956), La notion darticle chez nos grammairiens, Le franais moderne 23, 161172,
241255 ; 24, 113.
23 Lexicographie
Abstract : La lexicographie franaise est lune des plus productives au monde : la
langue franaise est dote dune tradition dictionnairique plurisculaire, conditionne tant par la place de la langue nationale dans lhistoire politique et sociale de la
France que par une longue rflexion mthodologique et mtalinguistique. Le prsent
article aborde la lexicographie franaise sous trois aspects. Un aperu historique (1)
rsume les grands courants dvolution du genre lexicographique en France, du XVIe
sicle nos jours. Dans une deuxiem section (2) sont examins limportance et les
effets de la numrisation des dictionnaires. La situation actuelle de la lexicographie
franaise, aprs ce quil est convenu dappeler son ge dor, occupe la troisime et
dernire section (3).
Pourvue dune longue tradition crite en langue nationale, influence dun ct par
une culture humaniste tributaire des textes grecs et latins de lAntiquit et, de lautre,
par la latinit de lglise catholique, la civilisation franaise a dvelopp sa tradition
lexicographique monolingue sur la base des premiers glossaires latins du Moyen ge ;
cette volution, qui la rapproche de celle du reste de lEurope, la distingue de celle
des autres civilisations du monde (cf. Quemada 1967, 39s. ; Boisson/Kirtchuk/Bjoint
1991, 284 ; Bray 1990, 1788). Il est gnralement admis que la lexicographie moderne
du franais a connu son dbut officiel en 1539 (cf. Quemada 1967, 11s. ; Wooldridge
1977, 23 ; Bray 1990, 1792 ; Monfrin/Vielliard 1990, 7).
557
Lexicographie
Il appartient cette catgorie de dictionnaires que B. Quemada [] a qualifis de semibilingues : cest un rpertoire dans lequel la langue objet [en loccurrence le franais] est
utilise aussi pour des commentaires ou des exemples plus ou moins tendus (Bray 1990,
1794).
On sait que lAcadmie franaise fut fonde le 29 janvier 1635 par le cardinal de
Richelieu, daprs le modle italien de lAccademia della Crusca (1583, Florence ; cf.
Quemada 1985). Son objectif principal, travailler avec tout le soin et toute la
diligence possibles donner des rgles certaines notre langue et la rendre pure,
loquente et capable de traiter les arts et les sciences (article XXIV des statuts de
lAcadmie), devait aboutir au premier dictionnaire de langue franaise entirement
monolingue. Cependant, ce projet fut devanc par celui de Pierre Richelet (1626
1698), qui fit paratre en 1680, Genve, le Dictionnaire franois (cf. Quemada 1985,
77). Du fait du monopole royal quavait obtenu lAcadmie, Richelet dut en effet
publier son dictionnaire ltranger. Aprs son introduction clandestine en France, ce
dernier connut un grand succs, dont tmoignent ses nombreuses rditions (cf. Bray
1990, 17961798 ; Quemada 1990, 874). En 1694 parut enfin le Dictionnaire de lAcadmie franaise (DAF), rdit huit fois jusquen 1935 (21718, 31740, 41762, 51798, 61835,
71878, 819321935) et dont la neuvime dition est en cours de parution depuis 1992
(cf. Quemada 1985, 79s. ; Bray 1990, 17981800 ; cf. aussi le site web de lAcadmie
558
Lexicographie
559
Lpoque pr- et post-rvolutionnaire en France est marque par une grande production lexicographique. Il convient dabord de noter lmergence, la fin du XVIIIe
sicle, des premiers dictionnaires abrgs versions de poche des grands ouvrages , dabord diffusion restreinte, mais appels connatre une popularit croissante (cf. Quemada 1982, 342344 ; 1990, 874875). LAcadmie franaise sassure un
rle darbitre de la norme, notamment en prenant, partir de la troisime dition du
DAF (1740), des dcisions dterminantes pour lorthographe franaise. Celle-ci ne
connatra plus de grands changements partir de la sixime dition en 1835 (cf.
Wooldridge 1977, 221 ; Quemada 1990, 876).
Deux hommes incarnent lmergence de la premire lexicographie commerciale qui caractrise cette poque. Le premier est Charles Nodier (17801844), figure
tutlaire du premier romantisme franais, membre influent de lAcadmie et de
multiples socits savantes, gnralement regard comme linstituteur de la linguistique en France (cf. Vaulchier 1984). On lui doit notamment un Dictionnaire raisonn
des onomatopes franaises (1808) et un Examen critique des dictionnaires de la langue
franaise (1828). Bien que Nodier ny ait pas contribu, son nom apparat sur le
frontispice de la deuxime dition du Dictionnaire universel de Victor Verger, qui parut
en 1826. Il ncrivit en ralit que lAvertissement de ce dictionnaire (cf. Vaulchier
1984, 97). Le second pionnier de la lexicographie grand public est Napolon
Landais (18041852), moins clbre pour sa production romanesque que pour son
uvre lexicographique et grammaticographique : son Dictionnaire gnral et grammatical des dictionnaires franais (1834), en particulier, fut lun des succs de librairie des
annes 1830 et 1840 (cf. Pruvost 2002a, 46).
La premire moiti du XIXe sicle voit en outre la cration de deux maisons
dditions qui modleront le march dictionnairique en France en lui donnant une
orientation commerciale, dtermine par les besoins du grand public (cf. Quemada
1990, 876). Louis Hachette (18001864) fonde en 1826 la Librairie Hachette, appele
devenir au XXIe sicle la premire maison ddition en France. Avide dacqurir et de
transmettre le savoir, Pierre Larousse (18171875) fonde en 1850 la Librairie Larousse,
maison ddition qui se spcialisera dans la production douvrages de rfrence (cf.
Pruvost 2002c). Dans un esprit dducation des masses, il publie partir de 1863 en
fascicules, puis ds 1866 en tomes, un dictionnaire encyclopdique, le Grand Dictionnaire Universel du XIXe sicle (cf. Quemada 1990, 875 ; Pruvost 2002a, 55). La direction
de la Librairie Larousse sera reprise, la fin du sicle, par Claude Aug (18541924),
560
Dans un esprit similaire celui de Littr, mais dans lespace, plus modeste, de deux
volumes, parut le Dictionnaire gnral de la langue franaise (DGLF, 118891901),
labor par Adolphe Hatzfeld, Arsne Darmesteter et Antoine Thomas trois auteurs
incarnant le sommet de la grammaire historique de leur temps. La vision diachronique
du DGLF, qui peut tre considr comme le meilleur rpertoire historico-philologique du franais moderne (Quemada 1990, 879), reflte exactement les avances de
la recherche en linguistique de la fin du sicle. Cet intrt scientifique pour la langue
et son histoire se rvle paralllement dans un tout autre domaine : les dictionnaires
de lancien franais. Deux opera magna consacrs la langue mdivale marquent la
priode : le Dictionnaire de lancienne langue franaise et de tous ses dialectes (Gdf,
18801902) de Frdric Godefroy, ainsi que lAltfranzsisches Wrterbuch (TL, 1925
2002) dAdolf Tobler et Erhard Lommatzsch. Ils reprsentent tous deux un modle et
une avance considrable pour ce champ dtude (cf. Kantor/Stumpf 1974 ; Quemada
1990, 879). Prolongeant ce vaste mouvement de renouveau, mais port par une
ambition heuristique plus gigantesque encore, cest finalement le Franzsisches Etymologisches Wrterbuch (FEW, 19222002, 25 vol.), conu par Walther von Wartburg
(18881971) dans la continuation de lAtlas Linguistique de la France de Jules Gilliron,
qui fera poque dans le deuxime quart du XXe sicle. Le FEW vise dresser un
tableau complet, comparatif et historique, du lexique galloroman (franais, francoprovenal, gascon, occitan) dans une perspective gntique, cest--dire en partant de
ltymon commun aux lexmes anciens et modernes. Ce dictionnaire est, par sa
conception et son contenu, une rfrence indispensable et incomparable pour ltude
scientifique du lexique franais (cf. Wartburg 1961 ; Monfrin/Vielliard 1990, 8s. ;
Bchi/Chambon 1995 ; Bchi 1996 ; Chauveau/Seidl 2003 ; Chauveau/Buchi 2011,
101107 ; Buchi/Renders 2013, 645655).
561
Lexicographie
Malgr certaines productions importantes parues entre les deux guerres, comme le
Dictionnaire encyclopdique dAristide Quillet en 1934 (cf. Pruvost 2002a, 67s.), il
convient de constater une priode d hibernation de la lexicographie de langue
entre 1925 et 1950 (Rey 1990, 1826). Ce nest quaprs cette date que lvolution
lexicographique allait tre durablement influence par deux Franais qui, ns la
mme poque, poursuivaient, pour des raisons diffrentes, la mme ide : Paul Imbs
(19081987) et Paul Robert (19101980).
Le Colloque International Lexicologie et lexicographie franaises et romanes,
organis Strasbourg (1216 novembre 1957), reprsente un vnement important
dans la rflexion autour de la rapparition du dictionnaire de langue ; les principaux
spcialistes de lpoque en lexicologie et lexicographie y discutrent la question
du Nouveau Littr (Imbs 1961a, non pagin) pour constater la ncessit dun
Trsor gnral de la Langue franaise qui serait le tmoin objectif et impartial du
vocabulaire franais et un exemple-type de la lexicographie scientifique moderne dans lhritage de Littr (Imbs 1961b, 285). Ce projet fut ralis, sous la
direction du recteur Paul Imbs et lgide du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) dans le Centre de Recherche pour un Trsor de la Langue Franaise
(CRTLF), install Nancy, qui allait devenir lInstitut National de la Langue Franaise (INaLF, aujourdhui ATILF). Une quipe dune centaine de personnes, constitue spcialement cet effet, labora pendant 30 ans, avec les moyens techniques
les plus avancs les 16 volumes du Trsor de la Langue Franaise (TLF), publis
entre 1971 et 1994. Le TLF reprsente un norme travail philologique et lexicologique, fond sur un vaste corpus de textes littraires, scientifiques et techniques des
XIXe et XXe sicles corpus exploit par un traitement automatique informatis et
qui allait devenir la base Frantext (cf. Martin 1969 ; Pruvost 2002b, 1s. ; Bernard/
Montmont 2010, 34 ; Buchi/Pierrel 2009).
Venu dun tout autre horizon que Paul Imbs, le juriste Paul Robert poursuivait
depuis la fin des annes 1940 lide de prolonger Littr en le modernisant et en
rdigeant un dictionnaire analogique de la langue franaise (cf. Galarneau 2002 pour
sa vie et son uvre). Il fonda en 1951 sa propre maison ddition (nomme alors
Socit du Nouveau Littr) et publia, entre 1953 et 1964, les six volumes de son
Dictionnaire alphabtique et analogique de la langue franaise (cf. Rey 1990, 1827
1828 ; Pruvost 2002a, 6870). En 1968 parut, sous la direction dAlain Rey, Josette
Rey-Debove et Henri Cottez trois auteurs en contact avec la recherche linguistique
contemporaine , le Petit Robert, qui se fonde sur son grand prdcesseur en rduisant et modlisant sa nomenclature et son contenu (cf. Rey 1990, 18281829 ; Pruvost
2002a, 70s.) ; rgulirement rdit, le Petit Robert devait faire la fortune de la maison
Robert. Dautres ouvrages, tels que le Dictionnaire du franais contemporain (DFC,
1967) du lexicologue Jean Dubois (cf. Mator 1968, 149151 ; Quemada 1990, 876 ; Rey
1990, 18321833 ; Pruvost 2002a, 72s.), ou le Dictionnaire du franais vivant (DFV,
562
1972), de Maurice Davau, Marcel Cohen et Maurice Lallemand (cf. Pruvost 2002a,
73s.), ont vu le jour dans cette priode prospre de la lexicographie franaise ; priode
que lon a pu qualifier, par son lustre et clat , de demi-sicle dor de la lexicographie franaise (Pruvost 1995, 6 ; pour une vision globale de la production lexicographique de la fin du XXe sicle, cf. Corbin 1991 ; Pruvost 1995).
Lexicographie
563
Le succs des ditions Robert est fond sur le Petit Robert millsim et ses produits
drivs (cf. Corbin 2008, 1230), ce que rvle aussi le catalogue en ligne de cette
maison. On y trouve, dans la section Dictionnaires gnralistes , les dictionnaires
suivants (tat de novembre 2013) : Le Robert illustr & son dictionnaire internet 2014,
Le Petit Robert 2014, Le Petit Robert des noms propres 2014, Dictionnaire Le Robert de
poche plus 2014, Le Robert de poche 2014, Le Robert pratique, Le Petit Robert micro et
Le Robert Brio. Les mmes ouvrages (Robert illustr, Le Petit Robert, Le Petit Robert des
noms propres) apparaissent dans plusieurs versions diffrentes (normal, grand format, format de poche, en coffret, abonnement en ligne, etc.). En outre, loffre tlchargeable pour iPad/iPhone est particulirement grande (Dictionnaire des mots
croiss et de jeux de lettres, Le Petit Robert, Dictionnaire Le Robert, etc.). La section
Grands dictionnaires offre trois ouvrages dans des versions diverses : Le Grand
Robert de la Langue Franaise, Le Dictionnaire historique de la langue franaise et Le
Dictionnaire culturel en langue franaise. Outre ces produits, le catalogue contient une
cinquantaine douvrages sous Dictionnaires scolaires et Dictionnaires thmatiques (Le Robert Benjamin, Le Robert Collge, Conjuguez sans faute, Dictionnaire des
synonymes et des nuances, Dictionnaire des citations du monde, Le Petit dcodeur de la
mdecine, etc.) ; les mmes ouvrages apparaissent souvent en version normale et en
version de poche.
La maison Larousse, filiale depuis 2004 du groupe Hachette Livre, comprend
dans son catalogue 350 titres au total et prsente 75 nouveaux titres par an (cf. http://
www.hachette.com/dictionnaires-et-encyclopedies.html, 03.11.2013). Outre les produits phares, le Grand Larousse illustr 2014 et le Petit Larousse illustr 2014, le
catalogue comprend de nombreux ouvrages, classer comme dictionnaires gnraux,
scolaires, spcialiss, thmatiques et culturels : Dictionnaire de conjugaison, Diction
564
naire insolite des mots oublis, Dictionnaire des synonymes et contraires, Le Lexis Le
dictionnaire rudit de la langue franaise ou bien Larousse des noms propres, Dictionnaire Larousse des Maternelles, Larousse Junior Poche, Dictionnaire du collge, Le
Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Petit dictionnaire insolite de
largot, Dictionnaire des analogies, Savoir rdiger Les indispensables Larousse. La
prdominance des ouvrages scolaires (Collection Dictionnaires pdagogiques, Collection Parascolaire), encyclopdiques et de vulgarisation (Collection Petit Dictionnaire
insolite), mais aussi, moins nombreux, des dictionnaires de langue (Collection Grands
Dictionnaires Larousse), est en outre mentionner.
Hachette ducation poursuit lobjectif de diffuser le savoir vers le grand public,
produisant ainsi une large gamme douvrages didactiques et scolaires ; lditeur est la
premire rfrence en France dans ce secteur. Avec un catalogue de 4 500 titres et 500
nouveaux titres par an (cf. http://www.hachette.com/dictionnaires-et-encyclopedies.
html, 03.11.2013), Hachette ducation ne prsente que peu douvrages de lexicographie franaise, qui se regroupent sous deux collections : la collection Dictionnaires
scolaires, avec des ouvrages comme le Dictionnaire Hachette Benjamin 58 ans, le
Dictionnaire Hachette Junior CE-CM 811 ans ou le Dictionnaire Hachette Junior de
poche ; et la collection Dictionnaires gnralistes de franais : Dictionnaire Hachette
2014, Mini Dictionnaire Hachette Franais, Dictionnaire des synonymes, Le mini Correcteur dorthographe ou Le Dictionnaire et lAtlas Hachette.
On peut constater que les trois maisons se partagent stratgiquement le march
de ldition dictionnairique en France : Robert domine les dictionnaires de langue,
Larousse le secteur encyclopdique et Hachette ducation les publications scolaires,
et ce autour de quelques ouvrages gnraux (Le Petit Robert, Le Petit Larousse illustr,
Le Dictionnaire Hachette), prsents sous forme diffrente et en une nouvelle dition
chaque rentre scolaire ou fin danne (cf. Bray 1989, 42). On trouve galement
plusieurs ouvrages traitant les synonymes, lanalogie, lorthographe ou la grammaire,
ainsi que des produits au format de poche, mini ou compact ( les petits utilitaires
bon march , Corbin 1998, 95). La quantit douvrages dans chaque catalogue est
considrable ; or, les effectifs refltent en ralit limportance des rditions/rimpressions et non pas celle de nouvelles productions.
565
Lexicographie
ques 0,3%. Ces chiffres reprsentent une hausse par rapport lanne prcdente,
o le secteur a enregistr 2,3% du CA global, mais une baisse vidente par rapport au
CA dil y a 6 ans par exemple (13 % ; cf. http://www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/economie.html, 13.11.2013). En comparaison, les deux premires branches sont Littrature (24,2%) et Beaux livres et livres pratiques (16,8%), et la branche la plus
faible Cartes gographiques et atlas (1,4%). Malgr ces chiffres bas en terme de CA
du march global, la branche Dictionnaires et encyclopdies reprsente nettement
le plus grand chiffre de ventes moyennes par titre (10188), par rapport Littrature
(6300) et Cartes gographiques et atlas (5004), par exemple.
566
Lexicographie
567
2.1.4 Un dernier type est constitu par des dictionnaires lectroniques polyvalents,
capables de rpondre automatiquement et prcisment nimporte quelle requte
formule par lutilisateur. Depuis 1996, la firme Druide Informatique, de Montral,
commercialise Antidote, qui runit un correcteur du franais crit, plusieurs dictionnaires du franais ainsi que des indications grammaticales en un seul logiciel (la
version actuelle est Antidote 8 ; cf. http://www.antidote.info).
Parmi les ressources gratuites, on pense invitablement Wikipedia et son
complment Wiktionary (Wiktionnaire en version francise), ressources libres et universelles, daccs mondial, permettant la collaboration des usagers et offrant un accs
rapide et facile linformation recherche (cf. Rey 2010, 76). Le Wiktionnaire se
prsente mme comme un dictionnaire multidimensionnel, qui offre non seulement
des dfinitions, mais aussi des informations mtalexicales (historiques, paradigmati-
568
Lexicographie
569
570
Lexicographie
571
572
573
Lexicographie
4 Bibliographie
4.1 Monographies et articles
Arveiller, Raymond (1999), Addenda au FEW XIX (Orientalia), ed. Max Pfister, Tbingen, Niemeyer.
Baldinger, Kurt (1974), Le FEW de Walther von Wartburg. Introduction, in : Kurt Baldinger (ed.), Introduction aux dictionnaires les plus importants pour lhistoire du franais, Paris, Klincksieck, 1147.
Baldinger, Kurt (1982), Estienne 1531 et son importance pour lhistoire du vocabulaire franais, in :
Manfred Hfler (ed.), La lexicographie franaise du XVIe au XVIIe sicle. Actes du Colloque
International de Lexicographie dans la Herzog August Bibliothek Wolfenbttel (911 octobre
1979), Wolfenbttel, Herzog August Bibliothek, 920.
Bjoint, Henri (2007), Informatique et lexicographique de corpus : les nouveaux dictionnaires, Revue
Franaise de Linguistique Applique 12 :1, 723.
Bernard, Pascale/Montmont, Vronique (2010), Voyage au cur du langage : le Trsor de la langue
franaise et Frantext , Culture et recherche 124, 3435.
Bingen, Nicole/Van Passen, Anne-Marie (1991), La lexicographie bilingue franais-italien, italienfranais, in : Franz Josef Hausmann et al. (edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur
Lexikographie, vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 30073013.
574
Blom, Philipp (2004), Encyclopdie : the triumph of reason in an unreasonable age, London, Fourth
Estate.
Boisson, Claude/Kirtchuk, Pablo/Bjoint, Henri (1991), Aux origines de la lexicographie : les
premiers dictionnaires monolingues et bilingues, International Journal of Lexicography 4:4, 261
315.
Bray, Laurent (1989), Le dictionnaire dans les mass-mdias en France, in : Franz Josef Hausmann et al.
(edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur Lexikographie, vol. 1, Berlin/New York,
de Gruyter, 3846.
Bray, Laurent (1990), La lexicographie franaise des origines Littr, in : Franz Josef Hausmann et al.
(edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur Lexikographie, vol. 2, Berlin/New York,
de Gruyter, 17881818.
Bchi, Eva (1996), Les structures du Franzsisches Etymologisches Wrterbuch . Recherches mtalexicographiques et metalxicologiques, Tbingen, Niemeyer.
Buchi, va (2005), Le projet TLF-tym (projet de rvision slective des notices tymologiques du
Trsor de la langue franaise informatis ), Estudis romnics 27, 569571.
Bchi, Eva/Chambon, Jean-Pierre (1995), Un des plus beaux monuments des Sciences du langage :
Le FEW de Walther von Wartburg (19101940), in : Grald Antoine/Robert Martin (edd.), Histoire
de la langue franaise 19141945, Paris, CNRS ditions, 935963.
Buchi, va/Pierrel, Jean-Marie (2009), Research and Resource Enhancement in French Lexicography :
the ATILF Laboratorys Computerised Resources, in : Silvia Bruti/Roberta Cella/Marina Foschi
Albert (edd.), Perspectives on Lexicography in Italy and in Europe, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 79117.
Buchi, va/Renders, Pascale (2013), Gallo-Romance I : Historical and etymological lexicography, in :
Rufus H. Gouws et al. (edd.), Dictionaries. An International Encyclopedia of Lexicography. Supplementary Volume : Recent Developments with Focus on Electronic and Computational Lexicography, Berlin/Boston, de Gruyter, 653662.
Buchi, va/Schweickard, Wolfgang (edd.) (2014), Dictionnaire tymologique Roman (DRom). Gense,
mthodes et rsultats, Berlin/Mnchen/Boston, de Gruyter.
Chambon, Jean-Pierre (2010), Pratique tymologique en domaine (gallo)roman et grammaire compare-reconstruction. propos du traitement des mots hrditaires dans le TLF et le FEW, in : Injoo
Choi-Jonin/Marc Duval/Olivier Soutet (edd.), Typologie et comparatisme. Hommages offerts
Alain Lemarchal, Louvain/Paris/Walpole, Peeters, 6175.
Chauveau, Jean-Paul (2006), Dun site informatique en chantier pour le FEW, in : Wolfgang Schweickard (ed.), Nuovi media e lessicografia storica. Atti del colloquio in occasione del settantesimo
compleanno di Max Pfister, Tbingen, Niemeyer, 3337.
Chauveau, Jean-Paul/Buchi, va (2011), tat et perspectives de la lexicographie historique du franais,
Lexicographica. International Annual for Lexicography 27, 101122.
Chauveau, Jean-Paul/Seidl, Christian (2003), Franzsisches Etymologisches Wrterbuch (FEW), in :
Thomas Stdtler (ed.), Wissenschaftliche Lexikographie im deutschsprachigen Raum, Heidelberg, Winter, 509518.
Clfen, Hermann (2012), Wikipedia, in : Ulrike Ha (ed.), Groe Lexika und Wrterbcher Europas,
Europische Enzyklopdien und Wrterbcher in historischen Portrts, Berlin/Boston, de Gruyter, 509523.
Corbin, Pierre (1991), Le maquis lexicographique. Aperus sur lactivit lexicographique
monolingue dans le domaine franais la fin du XXe sicle, Le Franais aujourdhui 94,
626.
Corbin, Pierre (1998), La lexicographie franaise est-elle en panne ?, in : Cicle de Conferncies 9697.
Lxic, corpus i diccionaris, Barcelona, Institut Universitari de Lingstica Aplicada, Universitat
Pompeu Fabra, 83112.
575
Lexicographie
Corbin, Pierre (2008), Quel avenir pour la lexicographie franaise ?, in : Jacques Durand/Benot
Habert/Bernard Laks (edd.), Actes du CMLF 20081er Congrs Mondial de Linguistique Franaise,
Paris, EDP Sciences, http://dx.doi.org/10.1051/cmlf08352, 12271250.
Fischer, Harald (2004), Die Encyclopdie mthodique. Zum Inhalt und Aufbau des Werkes, Erlangen,
Fischer.
Galarneau, Annie (2002), Dun grand lexicographe, Paul Robert, une grande maison ddition : Les
Dictionnaires Le Robert , International Journal of Lexicography 15 :1, 2237.
Gasiglia, Nathalie (2009), volutions informatiques en lexicographie : ce qui a chang et ce qui
pourrait merger, Lexique 19, 224298.
Gouvert, Xavier (2008), Problmes et mthodes en toponymie franaise. Essais de linguistique
historique sur les noms de lieux du Roannais, Thse de doctorat, Universit de Paris-Sorbonne
(Paris 4), Paris.
Greub, Yan (2012), Linformatisation du FEW, in : David Trotter (ed.), Present and Future Research in
Anglo-Norman : Proceedings of the Aberystwyth Colloquium, 2122 July 2011. La recherche
actuelle et future sur langlo-normand : Actes du Colloque dAberystwyth, 2122 juillet 2011,
Aberystwyth, Aberystwyth University, 187190.
Greub, Yan (2013), How to avoid the risk of transforming a great printed dictionary into a poor
digitized one ? Some partial answers, for want of more complete ones (contribution
latelier Knftige Standards wissenschaftlicher Lexikographie, 25.27. Mrz 2012, Berlin),
Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, http://edoc.bbaw.de/volltexte/2013/
2374/.
Ha, Ulrike/Schmitz, Ulrich (2010), Lexikographie im Internet 2010. Einleitung, Lexicographica. International Annual for Lexicography 26, 117.
Hausmann, Franz Josef (1977), Einfhrung in die Benutzung der neufranzsischen Wrterbcher,
Tbingen, Niemeyer.
Hausmann, Franz Josef (1985a), Trois paysages dictionnairiques : la Grande-Bretagne, la France et
lAllemagne. Comparaisons et connexions, Lexicographica. International Annual for Lexicography
1, 2450.
Hausmann, Franz Josef (1985b), Lexikographie, in : Christoph Schwarze/Dieter Wunderlich (edd.),
Handbuch der Lexikologie, Knigstein/Ts., Athenum, 367411.
Hausmann, Franz Josef (1989), Wrterbuchtypologie, in : Franz Josef Hausmann et al. (edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur Lexikographie, vol. 1, Berlin/New York, de Gruyter,
968981.
Hausmann, Franz Josef (1991), La lexicographie bilingue anglais-franais, franais-anglais, in : Franz
Josef Hausmann et al. (edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur Lexikographie,
vol. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 29562960.
Hoinkes, Ulrich (2012), Die groe franzsische Enzyklopdie von Diderot und dAlembert, in : Ulrike
Ha (ed.), Groe Lexika und Wrterbcher Europas, Europische Enzyklopdien und Wrterbcher in historischen Portrts, Berlin/Boston, de Gruyter, 117136.
Imbs, Paul (1961a), Avant-Propos, in : Imbs, Paul (ed.), Lexicologie et lexicographie franaises et
romanes. Orientations et exigences actuelles. Actes du Colloque International, Strasbourg, 1216
novembre 1957, Paris, CNRS ditions, non pagin.
Imbs, Paul (1961b), Conclusions proposes par lorganisateur du Colloque, in : Imbs, Paul (ed.),
Lexicologie et lexicographie franaises et romanes. Orientations et exigences actuelles.
Actes du Colloque International, Strasbourg, 1216 novembre 1957, Paris, CNRS ditions,
285289.
Kahlmann, Andr (1991), La lexicographie bilingue sudois-franais, franais-sudois, in : Franz Josef
Hausmann et al. (edd.), Wrterbcher. Ein internationales Handbuch zur Lexikographie, vol. 3,
Berlin/New York, de Gruyter, 30403043.
576
Kantor, Maria Sofia/Stumpf, Willy (1974), Le Godefroy (Gdf) et le Tobler-Lommatzsch (TL), in : Kurt
Baldinger (ed.), Introduction aux dictionnaires les plus importants pour lhistoire du franais,
Paris, Klincksieck, 151161.
Lux-Pogodalla, Veronika/Polgure, Alain (2011), Construction of a French Lexical Network : Methodological Issues, in : Proceedings of the First International Workshop on Lexical Resources (WoLeR
2011), Ljubljana, ESSLLI, 5461.
Martin, Robert (1969), Le Trsor de la Langue Franaise et la mthode lexicographique, Langue
franaise 2, 4455.
Martin, Robert (2008), Perspectives de la lexicographie informatise, in : Jacques Durand/Benot
Habert/Bernard Laks (edd.), Actes du CMLF 20081er Congrs Mondial de Linguistique Franaise,
Paris, EDP Sciences, http://dx.doi.org/10.1051/cmlf08332, 12511256.
Mator, Georges (1968), Histoire des dictionnaires franais, Paris, Larousse.
Monfrin, Jacques/Vielliard, Franoise (1990), I. Problmes de vocabulaire et de lexicographie. Le
Franais, in : Bernard Barbiche/Monique Chatenet (edd.), Ldition des textes anciens. XVIeXVIIIe
sicle, Paris, Linventaire, 310.
Pierrel, Jean-Marie (2006), Le Trsor de la Langue Franaise Informatis : un dictionnaire de rfrence
accessible tous, AMOPA 174, 2528.
Pierrel, Jean-Marie (2008a), Informatisation et valorisation sur le Net : une deuxime vie pour le TLF,
Lexicographie et informatique. Bilan et perspectives, Pr-actes du Colloque international
loccasion du 50e anniversaire du lancement du projet de Trsor de la Langue Franaise (Nancy,
ATILF, Campus Lettres et Sciences humaines, 2325 janvier 2008), ATILF/CNRS-Nancy Universit,
http://www.atilf.fr/atilf/evenement/Colloques/Tlf2008/Preactes_colloque_TLF2008.pdf, 319
(23.09.2013).
Pierrel, Jean-Marie (2008b), De la ncessit et de lintrt dune mutualisation informatique des
connaissances sur le lexique de notre langue, in : Jacques Durand/Benot Habert/Bernard Laks
(edd.), Actes du CMLF 20081er Congrs Mondial de Linguistique Franaise, Paris, EDP Sciences,
http://dx.doi.org/10.1051/cmlf08330, 12571276.
Pierrel, Jean-Marie/Dendien, Jacques/Bernard, Pascale (2004), Le TLFi ou Trsor de la Langue Franaise informatis, in : Geoffrey Williams/Sandra Vessier (edd.), Proceedings of the 11th EURALEX
International Congress, vol. 1, Lorient, Universit de Bretagne-Sud, 165170.
Pruvost, Jean (1995), Avant-Propos. Un demi-sicle dor pour les dictionnaires de langue franais,
in : Jean Pruvost (ed.), Les dictionnaires de langue. Mthodes et contenus. Actes du Colloque
1994 La Journe des dictionnaires , Cergy-Pontoise, Centre de Recherche Texte/Histoire,
522.
Pruvost, Jean (2000), Rapport de Colloque : Des dictionnaires papier aux dictionnaires lectroniques.
VIIe Journe des dictionnaires (22 mars 2000), International Journal of Lexicography 13:3,
187193.
Pruvost, Jean (2002a), Les dictionnaires de langue franaise, Paris, Presses Universitaires de France.
Pruvost, Jean (2002b), Le Trsor de la Langue Franaise : du grand chne au cyberespace,
International Journal of Lexicography 15:1, 121.
Pruvost, Jean (2002c), Du lexicographe Pierre Larousse (XIXe s.) la maison Larousse (XXeXXIe s.),
International Journal of Lexicography 15:1, 3854.
Quemada, Bernard (1967), Les Dictionnaires du Franais moderne 15391863. tude sur leur histoire,
leurs types et leurs mthodes, Paris, Didier.
Quemada, Bernard (1982), La tradition lexicographique avant et autour du Littr, Revue de synthse
106108, 335356.
Quemada, Bernard (1985), LAcadmie franaise et ses dictionnaires : remarque sur la lexicographie
institutionnelle franaise, in : The fairest flower. The Emergence of Linguistic National Consciousness in Renaissance Europe, Firenze, Presso LAccademia, 7184.
577
Lexicographie
578
4.2 Dictionnaires
Acadmie nationale de Mdecine (version 2015), Dictionnaire mdical de lAcadmie de Mdecine,
Paris, Acadmie nationale de Mdecine, <http://www.academie-medecine.fr/dictionnaire/>
(02.05.2015).
Amiel, Vincent, et al. (edd.) (2012), Dictionnaire critique de lacteur : thtre et cinma, Rennes,
Presses Universitaires.
AND = Rothwell, William/Gregory, Stewart/Trotter, David. A. (edd.) (22005, 119771992), AngloNorman Dictionary, London, Maney/The Modern Humanities Research Association.
Antidote = Antidote 8, version 4, Montral, Druide informatique, 2014 ; cf. <http://www.antidote.info/>
(04.05.2015).
Baraton, Alain (2012), Dictionnaire amoureux des jardins, Paris, Plon.
Barbier, Sylvie (2012), Dictionnaire impertinent de la mode, Paris, Bourin.
BDLF = Base de donnes lexicographiques panfrancophone, <http://www.bdlp.org/>, Trsor de la
langue franaise au Qubec (06.11.2013).
Bouvier, Robert (1999), Le parler marseillais, Marseille, Laffitte.
Buchi, va (2010), Bolchevik , mazout , toundra et les autres. Dictionnaire des emprunts au
russe dans les langues romanes. Inventaire Histoire Intgration, Paris, CNRS ditions.
Calepinus (Calepino Ambrosius) (1502), Dictionarium, Reggio, Bertochi.
Chauveau, Jean-Paul (ed.) (2006), Franzsisches Etymologisches Wrterbuch (FEW), Nancy, ATILF,
<http://www.atilf.fr/few>.
Colin, Jean-Paul (2010), Dictionnaire de largot et du franais populaire, Paris, Larousse.
Colin, Jean-Paul/Mvel, Jean-Pierre/Leclre, Christian (2001), Dictionnaire de largot franais et de ses
origines, Paris, Larousse.
DAALF = Robert, Paul (19531964), Dictionnaire alphabtique et analogique de la langue franaise, 6
vol., Paris, Socit du Nouveau Littr (Suppl. 1970, 1 vol., dir. par Alain Rey) (2e dition = Grand
Robert).
DAF = Acadmie franaise (1694), Le Dictionnaire de lAcadmie franaise ddi au Roy, 2 vol., Paris,
Coignard (21718 ; 31740 ; Paris, Brunet, 41762 ; Paris, Smits et Cie, 51798 ; Paris, Firmin-Didot,
6
1835 ; 71878 ; Paris, Hachette, 819321935 ; Paris, Imprimerie nationale, 91992).
Dauzat, Albert/Deslandes, Gaston/Rostaing, Charles (1978), Dictionnaire tymologique des noms de
rivires et de montagnes en France, Paris, Klincksieck.
Dauzat, Albert/Rostaing, Charles (1963), Dictionnaire tymologique des noms de lieux en France,
Paris, Larousse.
DEAF = Baldinger, Kurt, et al. (edd.) (1974), Dictionnaire tymologique de lAncien Franais, Qubec/
Tbingen/Paris, Presses de lUniversit Laval/Niemeyer/Klincksieck.
DEAFEl = Stdtler, Thomas (ed.) (2010), Dictionnaire tymologique de lAncien Franais. Version
lectronique (DEAFplus et DEAFpr), Heidelberg, Acadmie des Sciences de Heidelberg,
<http://deaf-server.adw.uni-heidelberg.de>.
DRom = Buchi, va/Schweickard, Wolfgang (dir.) (2008) : Dictionnaire tymologique Roman
(DRom). Nancy, ATILF <http://www.atilf.fr/DERom>.
DFC = Dubois, Jean, et al. (1967), Dictionnaire du franais contemporain, Paris, Larousse (depuis
1980 : Dictionnaire du franais contemporain illustr, Paris, Larousse).
DFV = Davau, Maurice/Cohen, Marcel/Lallemand, Maurice (1972), Dictionnaire du franais vivant,
Paris, Bordas.
DGLF = Hatzfeld, Adolphe/Darmesteter, Arsne (91932, 118891901), Dictionnaire gnral de la
langue franaise, avec le concours dAntoine Thomas, Paris, Delagrave.
DHachette = Hachette (2012), Le Dictionnaire Hachette, Paris, Hachette.
Dictionnaire amoureux = Simon, Jean-Claude (ed.) (2000), Paris, Plon.
Lexicographie
579
Dictionnaire topographique de la France, ditions du Comit des Travaux Historiques et Scientifiques Collection de documents indits sur lHistoire de France, CTHS Paris 2013, < http://
cths.fr/dico-topo/> (02.05.2015).
DMF = Dictionnaire du Moyen Franais, version 2012 (DMF2012). ATILF CNRS & Universit de
Lorraine, <http://www.atilf.fr/dmf>.
Doillon, Albert (2010), Dictionnaire de largot, Paris, Laffont.
DRF = Rzeau, Pierre (ed.) (2001), Dictionnaire des rgionalismes de France. Gographie et histoire
dun patrimoine linguistique, Bruxelles, De Boeck.
DSR = Thibault, Andre/Knecht, Pierre (22004, 11997), Dictionnaire suisse romand. Particularits
lexicales du franais contemporain, Genve, Zoe.
DU = Furetire, Antoine (41727 = 1978, 11690), Dictionnaire Universel, contenant gnralement tous
les mots franois, tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, 3 vol.,
La Haye/Rotterdam, Leers.
Dubois, Jean/Lagane, Ren/Lerond, Alain (1971 ; rditions), Dictionnaire du franais classique, Paris,
Larousse.
Encyclopdie = Diderot, Denis/DAlembert, Jean Le Rond (edd.) (17511780), Encyclopdie, ou dictionnaire raisonn des sciences, des arts et des mtiers, par une socit de gens de lettres, mis en
ordre et publi par M. Denis Diderot ; et quant la partie mathmatique par M. DAlembert [],
35 vol., Paris, Briasson/David/Le Breton/Durand/Neuchtel, Faulke/Paris, Panckouke.
Estienne, Robert (1531, rdition 1536), Dictionarium seu Latinae linguae Thesaurus, non singulas
modo dictiones continens, sed integras quoque Latine & loquendi, & scribendi formulas ex
optimis quibusque authoribus accuratissime collectas. Cum Gallica fere interpretatione, Paris,
Estienne.
Estienne, Robert (1538, rditions jusquen 1591), Dictionarium latinogallicum. Thesauro nostro ita ex
adverso respondens, ut extra pauca quaedam aut obsoleta, aut minus in usu necessaria vocabula, & quas consulto praetermisimus, authorum appellationes, in hoc eadem sint omnia, eodem
ordine, sermone patrio explicata, Paris, Estienne.
Estienne, Robert (1539, rdition 1549), Dictionaire francoislatin, contenant les motz & manieres de
parler Francois, tournez en Latin, Paris, Estienne.
FEW = Wartburg, Walther von (19222002), Franzsisches Etymologisches Wrterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, 25 vol., Bonn et al., Klopp et al.
Francard, Michel, et al. (22015, 12010), Dictionnaire des belgicismes, Bruxelles, De Boeck/Duculot.
Gdf = Godefroy, Frdric (18801902), Dictionnaire de lancienne langue franaise et de tous ses
dialectes du IXe au XVe sicle, 10 vol., Paris, Vieweg/Bouillon.
Glatre, ric (2009), Dictionnaire de la cuisine, Clichy, ditions BPI.
Godefroy, Frdric (1901), Lexique de lancien franais, Paris, Champion.
GPSR = Gauchat, Louis, et al. (edd.) (1912), Glossaire des patois de la Suisse romande, Neuchtel/
Paris/Genve, Attinger/Droz.
Grand Larousse = Larousse (19711978), Grand Larousse de la langue franaise, 7 vol., sous la
direction de Louis Guilbert, Ren Lagane et Georges Niobey, Paris, Larousse.
Grand Larousse Encyclopdique = Larousse (19601975), Grand Larousse encyclopdique en dix
volumes, 10 vol. et 2 suppl., Paris, Larousse.
Grand Robert = Rey, Alain (1985), Le Grand Robert de la langue franaise. Dictionnaire alphabtique
et analogique de la langue franaise, 9 vol., Paris, Le Robert.
Greimas, Algirdas Julien (1969), Dictionnaire de lancien franais jusquau milieu du XIVe sicle, Paris,
Larousse.
Greimas, Algirdas Julien/Keane, Teresa-Mary (1992), Dictionnaire du moyen franais. Paris, Larousse.
Grimm, Jacob/Grimm, Wilhelm (18541960), Deutsches Wrterbuch, 16 vol., Leipzig, Hirzel (cf. <www.
dwb.uni-trier.de>).
580
Lexicographie
581
Petit Larousse = Larousse (1959, rditions annuelles), Petit Larousse, Paris, Larousse.
Petit Larousse illustr = Larousse (1905, rditions), Petit Larousse illustr. Nouveau dictionnaire
encyclopdique, sous la direction de Claude Aug, Paris, Larousse.
Petit Robert = Robert, Paul (1967), Le Petit Robert. Dictionnaire alphabtique et analogique de la
langue franaise, Paris, Le Robert (Le Nouveau Petit Robert, dition entirement revue et amplifie du Petit Robert, sous la direction de Josette Rey-Debove, Alain Rey et Henri Cottez, Paris,
Le Robert, 1993, rditions annuelles).
Poirier, Claude (ed.) (1998), Dictionnaire historique du franais qubcois. Monographies lexicographiques de qubcismes, Sainte-Foy, Presses de lUniversit Laval.
Quillet, Aristide (1934, rditions et rimpressions), Dictionnaire encyclopdique Quillet, Paris, Quillet.
RELIEF = REssource Lexicale Informatise dEnvergure sur le Franais, ATILF CNRS & Universit de
Lorraine, http://www.atilf.fr/spip.php?article908.
REW = Meyer-Lbke, Wilhelm (119111920, 319301935), Romanisches Etymologisches Wrterbuch,
Heidelberg, Winter.
Rey-Debove, Josette/Gagnon, Gilberte (1991), Dictionnaire des anglicismes, Paris, Robert.
Rzeau, Pierre (1997), Dictionnaire des noms de cpages de France. Histoire et tymologie, Paris,
CNRS ditions.
Richelet, Csar-Pierre (1680, rditions jusquen 1769), Dictionnaire franois, contenant les mots et
les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue franoise [], Genve, Widerhold.
Robert culturel = Rey, Alain (ed.) (2005), Dictionnaire culturel en langue franaise, 4 vol., Paris, Le
Robert.
Robert Historique = Rey, Alain (ed.) (21998, 11992), Dictionnaire historique de la langue franaise, 3
vol., Paris, Le Robert.
Robert illustr = Robert (2009), Le Robert illustr & Dixel, Paris, Le Robert (rdition 2012).
Tardivel, Louis (1999), Dictionnaire des emprunts du franais langlais, Qubec, ditions du
Sommet.
Tengour, Abdelkarim (2013), Tout largot des banlieues, Paris, ditions de lOpportun.
TL = Tobler, Adolf/Lommatzsch, Erhard (edd.) (19252002), Altfranzsisches Wrterbuch, Adolf Toblers nachgelassene Materialien, bearbeitet und mit Untersttzung der preussischen Akademie
der Wissenschaften herausgegeben von Erhard Lommatzsch, weitergefhrt von Hans Helmut
Christmann, vollendet von Richard Baum, 11 vol., Berlin/Wiesbaden/Stuttgart, Weidmann/Steiner.
TLF = Imbs, Paul/Quemada, Bernard (edd.) (19711994), Trsor de la Langue Franaise, Dictionnaire
de la langue du XIXe et du XXe sicle (17891960), 16 vol., Paris, ditions du CNRS/Gallimard.
TLF-tym = Steinfeld, Nadine (ed.) (2005), Programme de recherche TLF-tym (rvision slective
des notices tymologiques du Trsor de la langue franaise informatis ), Nancy, ATILF CNRS
& Universit de Lorraine, http://www.atilf.fr/tlf-etym.
TLFi = Imbs, Paul/Quemada, Bernard (edd.) (2004), Trsor de la langue franaise. Dictionnaire de la
langue du XIXe et du XXe sicle (17891960), Nancy, ATILF CNRS & Universit de Lorraine, http://
atilf.atilf. fr/tlf.htm.
TLFsup = Laboratoire ATILF/CNRS & Universit de Lorraine (ed.) (2013), TLFsup : Supplment du TLF,
Nancy, ATILF CNRS & Universit de Lorraine, publication lectronique <http://stella.atilf.fr/
tlfsup/>.
Trvoux = Trvoux (11704, 61771), Dictionnaire universel franois et latin, contenant la signification et
la definition tant des mots de lune que de lautre langue [], 3 vol., Trvoux/Paris, Ganeau.
USITO = Dictionnaire USITO, Les ditions Delisme, <http://www.usito.com/>, (09.10.2013).
Verger, Victor (1823), Dictionnaire universel de la langue franaise rdig daprs le dictionnaire de
lAcadmie franaise, 2 vol., Paris, Classique-lmentaire.
582
Paul Gvaudan
24 La linguistique cognitive
Abstract : La linguistique est issue de la controverse essentiellement amricaine entre
la grammaire et la smantique gnrative partir des annes 1960. Dune perspective
europenne, elle sinscrit dans la tradition ancienne des fondements psychologiques
de la linguistique. Cela explique, ct de nouvelles conceptions telles que la thorie
des scnarios ( frames ) et de la thorie du prototype, le succs de ce mouvement
bas sur lide de lancrage cognitif du langage. Aprs avoir fait tat de ces donnes
historiques, le prsent article consacre une section importante aux concepts fondamentaux de la linguistique cognitive, tels que les mcanismes associatifs, les scnarios, les catgories prototypiques, les concepts incarns , la subjectivit etc. La
seconde grande section de larticle est voue aux applications de la linguistique
cognitive en lexicologie diachronique et synchronique, en morphologie et en grammaire. Ces applications laissent entrevoir dans quelle mesure le courant de la linguistique cognitive est devenu une thorie part entire.
1 Introduction
La linguistique cognitive est un mouvement scientifique qui sest form aux tatsUnis dans les annes 1970 et qui, d sa rception en Europe et dans le monde ainsi
qu son laboration progressive, est devenu un des piliers de la science du langage.
Les principes de ce mouvement sont :
[i]
Le langage nest pas une facult cognitive autonome, mais dpend de la disposition
cognitive gnrale des locuteurs
Du principe [i] on peut dduire que le fonctionnement du langage est soumis aux
mmes mcanismes de lesprit que toutes les autres activits mentales. Cette ide
implique les principes [ii] et [iii], car si le langage dpend de la disposition cognitive
des locuteurs, cest dune part parce quil est pour eux un instrument de conceptualisation, savoir de reprsentation du monde ([ii]) et dautre part parce que les langues
particulires et leur connaissance sont lmanation de lactivit linguistique des
locuteurs ([iii]).
586
Paul Gvaudan
587
La linguistique cognitive
1 Fillmore sera par la suite galement le prcurseur de la grammaire constructionnelle (cf. Fillmore/
Kay/OConnor 1988), qui reprsente pour ainsi dire la branche la plus rcente de la linguistique
cognitive (cf. infra section 4.6).
2 Cf. dans le domaine de la smantique Schlyter (1982) ; Geeraerts (1983a ; 1983b ; 1985) ; Blutner
(1985) ; de la pragmatique Sperber/Wilson (1986) et de la lexicologie Wierzbicka (1980 ; 1985 ; 1988).
Dans la psychologie cognitive franaise Cordier (1980 ; 1983 ; 1993) ; Cordier/Dubois (1981) ; Dubois
588
Paul Gvaudan
tions en linguistique cognitive se multiplient, et au dbut du XXIe sicle, le cognitivisme est devenu un des plus larges courants de la linguistique internationale.
Lors donc que la rminiscence a lieu en nous, [] notre esprit recherche ce qui a suivi, soit
partir de tel instant ou de tel autre, soit partir dune chose semblable ou contraire, soit mme
dun objet simplement voisin ; et cet effort de lesprit suffit pour produire la rminiscence .
(1983) prsentent des travaux sur la catgorisation (autant smantique que psychologique) inspirs par
Rosch.
3 Similarit est le terme technique gnralement prfr similitude en psychologie et en linguistique
cognitive, entre autres pour sa correspondance avec les termes anglais (similarity) et allemand (Similaritt).
589
La linguistique cognitive
Aristote concevait la similarit et le contraste comme les deux ples dun continuum associatif (cf. Raible 1981, 20ss.). La notion et les types dassociation dAristote
se retrouvent notamment dans les uvres philosophiques de John Locke, David
Hume, David Hartley et John Stuart Mill, qui ont largement inspir la psychologie
associative du XIXe et du XXe sicle (cf. Blank 1997, 134). La conception des associations de similarit et de contigut est dailleurs aussi vieille que celle des tropes que
lon peut expliquer par ces association (ou vice-versa) : ainsi, la mtaphore exprime
une similarit et la mtonymie une contigut (cf. Blank 2001).
(i) Loi de la prgnance. Une certaine forme simpose par rapport dautres grce un caractre
saillant. Par ailleurs, les formes structure simple lemportent sur celles qui prsentent une
structure plus complexe. Il sagit de la loi gnrale du gestaltisme. On lappelle aussi loi de la
bonne forme (Gesetz der guten Gestalt).
(ii) Loi de la proximit. Les formes perues regroupent plutt des lments proches que des
lments distants.
(iii) Loi de la similitude. La correspondance dlments semblables lemporte sur celle dlments dissemblables.
(iv) Loi de la clture. Une forme compltement circonscrite par une ligne est plus facilement
reconnue comme telle quune forme ouverte .
(v) Loi de la ligne continue. Les lignes sont perues comme si elles se poursuivaient de la
manire la plus simple (le contact de deux lignes est toujours peru comme un croisement).
(vi) Loi de continuit. Les stimuli qui semblent prolonger des stimuli antrieurs sont perus
comme correspondant ceux-ci.
(vii) Loi du mouvement commun. Des lments en mouvement ayant la mme direction sont
perus comme un ensemble.
590
Paul Gvaudan
Figure 1 : Regroupement dlments et perception de forme (les figures [a] et [b] proviennent de Raible
(1981, 5)
Dans le dessin [A], nous voyons automatiquement des groupes de deux lignes dont
lcart est rduit : ainsi nous percevons trois formes. Thoriquement, on aurait pu
percevoir deux formes reliant les lignes plus loignes. Cest la loi de la proximit (ii)
qui nous impose la premire perception. Dans le cas du dessin [B], la loi de la
similitude (iii) nous fait percevoir des figures verticales et non horizontales. Dans le
cas du dessin [C], la loi de la ligne continue (v) nous force voir deux lignes croises
et nous empche dy voir deux angles. Ce nest que dans la figure [C] que nous
pouvons voir soit une croix soit deux angles qui se touchent, car il y a ici concurrence
entre la loi de la ligne continue (v) et la loi de la similitude (iii).
Les lois de la thorie de la gestalt prsupposent la possibilit dinterprter
diffrentes formes partir des mmes stimuli. Comme on la vu pour le dessin [A], on a
tendance y percevoir trois formes, mais on pourrait galement y voir deux formes.
Or, la priorit dune forme nest pas toujours si claire quelle apparat dans ce cas.
Parfois, il y a ambigut entre ce quest la forme ou la figure et ce quest le fond. Cest
ce quon appelle leffet figure-fond. Cet effet est frquemment exploit pour provoquer
des illusions optiques, comme dans le cas des images suivantes :
Figure 2 : Leffet figure-fond (Vase de Rubin 1921 et My Wife and My Mother-In-Law de W. E. Hill 1915)
591
La linguistique cognitive
La smantique des cadres ( Frame semantics ) prsente par Minsky (1975) dans
le domaine de lintelligence artificielle et par Fillmore (1975 ; 1982) dans le domaine de
la linguistique (cf. galement Rumelhart 1975) se dirige contre le modle logique des
traits smantiques intensionnels.
En smantique logique, on distingue traditionnellement entre lensemble de traits
correspondant une signification (sens ou intension) et lensemble de rfrents ou
doccurrences compatibles cette signification (dnotation ou extension).
Ce modle aristotlicien (Kleiber 1990, 21) dcrit les relations entre stimuli et
notions (perceptuelles ou non) en termes de conditions ncessaires et suffisantes ,
ce qui revient dire que la prsence de certains stimuli (traits smantiques) est
ncessaire et suffisante une certaine notion. Contre cette conception strictement
logique, Minsky et Fillmore soutiennent que, face une nouvelle situation, lesprit a
automatiquement recours des scnarios , cest--dire des strotypes de situations quil suffit de modifier pour une adaptation approprie la situation actuelle.
A frame is a data-structure for representing a stereotyped situation, like being in a certain kind
of living room, or going to a childs birthday party. Attached to each frame are several kinds of
information. Some of this information is about how to use the frame. Some is about what one can
expect to happen next. Some is about what to do if these expectations are not confirmed
(Minsky 1975, 211).
592
Paul Gvaudan
p. ex., le personnel de service nous mne une table, nous apporte la carte ; ensuite
nous faisons notre choix et attendons quon nous serve le repas ; aprs le dessert et un
ventuel caf, nous demandons laddition, payons et laissons un pourboire. Ce
scnario rpt maintes fois nous est tout fait familier. Comment se comporter et
quoi prter son attention ne demande que peu de rflexion, car le juste cours des
vnements nous est intuitivement prsent. Lide de cadre ( frame ) ou de
scnario correspond ce quesquisse Figure 3 (cf. galement Koch 1999a, 146149,
Gvaudan/Koch 2010, 109s.) :
Au sein du scnario RESTAURANT on peut identifier les vnements ou notions lmentaires tels que SERVICE , TABLE , CARTE , DESSERT , ADDITION etc. ( .. ). Ces lments sont
non seulement lis au type de situation quest le scnario RESTAURANT , mais galement
entre eux, comme le montre Figure 4 :
La linguistique cognitive
593
tant donne leur apparition simultane ou successive, les relations cognitives entre
les lments sont des associations de contigut. Toutefois, ces associations sont
conues dun point de vue holistique, car, linstar du gestaltisme, cest travers
lidentification du tout que lesprit conceptualise les relations entre les parties.
Dans cette approche les mtaphores conceptuelles constituent une projection des
expriences concrtes, notamment corporelles de ltre. Ces expriences, considres
comme primaires, servent forger des concepts abstraits cest ce quon peut appeler
la cognition incarne (cf. Lakoff/Johnson 1980, 271). Bien entendu, lide dune
volution ultrieure de la pense abstraite remonte la nuit des temps. Mais le clivage
systmatique de cette volution et de la mtaphore ainsi que des tropes en gnral est
plus rcent. On le retrouve dans les travaux de Sperber (1923) et dUllmann (1952) (cf.
galement Koch 1994 ; 1999a ; Blank 1997, 173181 ; Gvaudan 2007, 99s.). Ce dernier
observe la projection conceptuelle ( conceptual mapping ) travers lvolution
du vocabulaire :
En ce qui concerne la provenance concrte [] de termes abstraits devenus opaques Ullmann fournit les exemples suivants :
594
Paul Gvaudan
(1952) et Lakoff/Johnson (1980) vont encore plus loin et constatent quil y a des
domaines source et des domaines cible de projection relis par des paradigmes
mtaphoriques. Les dsignations dans le domaine de largumentation p. ex. proviennent en partie du vocabulaire de guerre (on dfend ou attaque un argument, on
abandonne une ide), le domaine de largent et des finances sexprime par la terminologie du liquide (argent liquide, argent sec, marchs desschs, tre () sec, verser un
acompte, versement rgulier). Un domaine source peut avoir plusieurs domaines
cible, comme p. ex. lorientation verticale dans lespace : HAUT vs. BAS BON vs.
MAUVAIS ( qualit haute, basse, suprieure, infrieure etc., haute distinction, ides
hautes, basses, haute action, basses intentions etc.) ; HAUT vs. BAS POSITIONS SOCIALES
(le suprieur, rang infrieure, position leve, haut reprsentant, au sommet de la
hirarchie etc.).
Lakoff/Johnson (1980, 3540) sont dans les premiers signaler que la conceptualisation de labstrait se fait galement par la mtonymie, trope gnralement nglig
quand il sagit de labstraction conceptuelle. Cela ne les empche cependant pas
favoriser systmatiquement la mtaphore, p. ex. quand ils rangent le paradigme
ESPACE TEMPS (de 1 2 heures, longue dure, journe courte, petit moment etc.) parmi
les mtaphores et non parmi les mtonymies. Cette classification doit tre conteste,
car la projection de lespace sur le temps dcoule de lexprience corporelle fondamentale du mouvement physique, au sein duquel lespace et le temps sont associs
par un lien troit de contigut (la DURE correspond au CHEMIN ). Vu lhypothse de la
cognition incarne ( embodied ) poursuivie par Lakoff (1987, xii, 13) et gnralement admise en linguistique cognitive, il faudrait donc plutt parler dans ce cas de
mtonymie conceptuelle et dlargir lide des mtaphores conceptuelles par celle des
tropes conceptuelles.
Lide de la conceptualisation base de tropes implique deux principes quil
convient de souligner. Premirement, la projection du concret labstrait est un
processus synthtique, donc atomiste dans le sens dvelopp ci-dessus (3.3), puisque
cest lassociation qui y fait natre les concepts et non le contraire. Deuximement, le
langage est un lment pertinent du dveloppement cognitif et les tropes des instruments de conceptualisation.
595
La linguistique cognitive
Si la sous-catgorie moineau, par exemple, constitue le prototype doiseau, cest par rapport la
perception ou schma cognitif que nous avons de cette sous-catgorie que fonctionnera le
principe dappariement (Kleiber 1990, 60).
4 Wittgenstein (1953, 66s.) dcrit les diffrents sens du mot allemand Spiel jeu comme un rseau
complexe de similitudes qui se chevauchent et sentrecroisent ( ein kompliziertes Netz von hnlichkeiten, die einander bergreifen und kreuzen. ) et conclut quil ne peut saisir ces chanes de similitudes que par lexpression ressemblance de famille ( Familienhnlichkeiten ).
5 En comparant les expressions simples et frquentes des couleurs dans diffrentes langues Berlin/
Kay (1969) ont montr que certaines rpartitions spectrales sont frquemment dnommes et reconnues comme typiques ( le rouge le plus typique ), mais que la rpartition des termes diffre selon les
langues particulires. Ils ont galement dmontr les difficults de dlimitation des catgories correspondant aux termes linguistiques.
596
Paul Gvaudan
In taxonomies of concrete objects, there is one level of abstraction at which the most basic
category cuts are made. Basic categories are those which carry the most information, possess the
highest category cue validity, and are, thus, the most differentiated from one another (Rosch
et al. 1976, 382).
597
La linguistique cognitive
rduit des effets prototypiques (Rosch 1978, 40 ; Kleiber 1990, 150). Dans la
version standard, la thorie du prototype est une thorie atomiste dans laquelle les
liens de similarit et de ressemblance de famille reprsentent la force constitutive
des catgories. Dans la version tendue, il sagit dune thorie holistique o interviennent les effets prototypiques sur le fond de catgories dj existantes. Le remaniement
de la thorie du prototype consiste donc en une inversion du sens explicatif prototype-catgorie (Kleiber 1990, 154). Reste la question du fondement cognitif des
catgories, laquelle Lakoff (1987, 6876) rpond par les modles cognitifs idaliss ( idealized cognitive model , dornavant MCI). Il entend par l des structures
conceptuelles adaptes aux objets et aux situations concevoir. Les mcanismes de
catgorisation dun MCI varient selon ces adaptations. Les MCI sont conus comme
des units holistiques qui regroupent les plus importantes thories de la linguistique
cognitive :
Each ICM [= MCI] is a complex structured whole, a gestalt, which uses four kinds of structuring
principles :
Dans le modle des MCI, les effets prototypiques peuvent se produire de diffrentes
manires sur diffrents plans et partir de diffrents types dassociation. Quant aux
concepts, ceux-ci peuvent tre fonds sur les diffrents principes cognitifs ds lors,
mme les structures conceptuelles logiques sont concevables en termes de cognition.
Afin de rendre compte de ces diffrentes options de conceptualisation Lakoff (1987,
118ss.) introduit la distinction entre MCI populaires et scientifiques ( folk
models , scientific models , Taylor 1989, 68 parle de folk categories and expert
categories ). Dans un MCI populaire du concept OISEAU , le PIGOUIN ne sera pas
membre de la catgorie, alors quil le sera dans le MCI scientifique dOISEAU . Une
baleine peut tre membre dun MCI populaire de POISSON , mais ne lest pas dans le
MCI scientifique. Pour distinguer ces types de MCI, on peut avoir recours des
expressions linguistiques, que Lakoff (1973) nomme haies ( hedges , cf. galement Taylor 1989, 7580). En franais, celles-ci peuvent tre exprimes comme suit :
598
Paul Gvaudan
La linguistique cognitive
599
t.6 Ainsi, (6)(a) dcrit le locuteur en tant que rfrent, alors que (7)(a) le dcrit en
tant que responsable de lassertion, ce qui rend le pronom personnel effectivement
plus subjectif. Dans lnonc (5), le locuteur est dcrit en tant que tel, cest--dire en
tant que source de lnonciation ; dans ce cas le pronom est encore plus subjectif que
dans sa fonction illocutoire. Si en revanche Langacker considre que (6)(b) est plus
subjectif que (7)(a), cest parce que dans le premier cas, lassertion du locuteur est
implicite, alors que dans le second, son engagement est explicitement dcrit. Bien
que cette dmarche soit concevable, on peut se demander si le paramtre de lexplicitation suffit pour juger de la subjectivit relative dun nonc. Ainsi, on ne pourra
contester que lnonc dans (6)(a) est plus subjectif que celui de (6)(b), bien que
lassertion du locuteur soit implicite dans les deux cas. Ltat de choses dnots dans
(6)(a) implique la personne du locuteur, tandis que celui de (6)(b) est indpendant de
tout rapport au cadre de lnonciation.
La diffrence des approches de Traugott et Langacker vient du fait que Traugott
analyse les lments de lnonc, comme les pronoms personnels ou les auxiliaires
modaux, alors que Langacker se rfre son sens global. Lexemple (7)(a) montre la
lgitimit des deux points de vue. Premirement, le sujet de la principale de (7)(a)
parat plus subjectif que celui de la principale de (7)(b) dans la mesure o lassertion
du locuteur reste implicite dans les deux cas et o le rfrent sujet de (7)(b) nest pas
du tout concern par lnonciation (ce rfrent est donc moins subjectif). Deuximement, on constate en comparant (7)(a) (6)(b) que le contenu de la principale de (7)(a)
est galement exprim par lassertion de (6)(b), attribuable au locuteur en le disant
explicitement dans la principale de (7)(a), le locuteur donne donc une description
objective de son assertion.
Le fait de pouvoir remplacer je pense que par apparemment montre par ailleurs
que la subjectivit linguistique est lie au sujet plus global de la modalit (cf. Nuyts
2001). La comprhension de la subjectivit demande peut-tre un cadre thorique
plus ample que ceux que proposent Traugott et Langacker. Une alternative au sein du
paradigme de la smantique cognitive est la thorie des espaces mentaux propose
par Fauconnier (1984 ; 1985 ; 1997). Inspir par Ducrot (1984), cette thorie part du
principe que les diffrentes ralits auxquelles lesprit humain est confront sont
reprsentes par diffrents espaces mentaux , relis par des amalgames conceptuels . Un espace de base correspondant la ralit du locuteur et de lallocutaire
est modifi ou mis en rapport avec dautres espaces mentaux. Une assertion comme
celle de (6)(b) p. ex. se rfre un espace de base , quelle peut modifier ou largir.
Dans (7)(b) par contre, lassertion enchsse quexprime la subordonne correspond
un autre espace mental, celui du sujet de la principale (je). Pour Croft/Cruse (2004,
6 Cf. lanalyse de lexpression in fact dans Traugott (1999, 182184). Pour une conception systmatique de ces dimensions du sens cf. Gvaudan (2013).
600
Paul Gvaudan
33), cette approche est une alternative non mtaphysique au modle des mondes
possibles propag en smantique formelle (cf. Kripke 1980).
La linguistique cognitive
601
Dans le cadre de la grammaire cognitive, toutes les structures grammaticales sont juges
symboliques. Lexique, morphologie et syntaxe constituent un continuum dunits symboliques,
chacune forme par lassociation dune structure smantique et dune structure phonologique
(Langacker 1991, 106).
7 Avec Geeraerts, on peut nommer entre autres Paul (1880), Darmesteter (1887), Bral (1897), Wundt
(1912), Nyrop (1913), Carnoy (1927) et Stern (1931) ; voir section 2.2. De plus, il convient de nommer les
travaux dUllmann (1951 ; 1952 ; 1962), notamment inspirs par Roudet (1921). Pour une synopse cf.
lexcellent manuel de Kronasser (1952) ainsi que Nerlich (1992).
602
Paul Gvaudan
Lexistence de telles rgles cognitives dans le changement smantique est gnralement admise par la tradition historico-smantique laquelle se rfre Geeraerts,
notamment dans les travaux de Roudet et dUllmann, qui proposent un modle dans
lequel les procds de changement smantique suivent la voie des associations
psychologiques de contigut et de similarit (cf. 3.1), que lon peut rsumer comme
suit :
transfert de sens
transfert de nom
similarit
mtaphore
tymologie populaire
contigut
mtonymie
ellipse
603
La linguistique cognitive
604
Paul Gvaudan
prendre en location de la forme lexicale louer sont associes par une relation de
contigut (les partenaires de la location partagent le mme scnario). La relation
smantique permet de distinguer la polysmie de lhomonymie, qui est une autre
forme dambigut lexicale. Celle-ci fait dfaut de toutes relations smantiques,
comme dans le cas de la signification de faire lloge de la forme lexicale louer, qui
ne prsente aucun rapport avec donner/prendre en location, si bien que les locuteurs
y voient deux lexmes dont les formes lexicales sont par hasard identiques. On a
traditionnellement fait la distinction de la polysmie et de lhomonymie laide de
ltymologie, selon laquelle on reconnat p. ex. que louer faire lloge vient du latin
LAUDARE , alors que ltymon de louer donner/prendre en location est LOCARE placer.
Toutefois, cette dmarche doit chouer l o lambigut lexicale remonte un
tymon commun, mais ne prsente pas de relation smantique fonde dans la conscience des locuteurs, comme dans le cas de voler avec ses significations se dplacer
dans lair et drober, entre lesquelles les locuteurs ne voient pas de rapport ( partir
de la signification tymologique de se dplacer dans lair sest dvelopp, par
mtonymie, le sens attraper dans la chasse au faucon, et par mtaphore celui de
drober ; les sens intermdiaires ont disparu). Ce nest qu laide des relations
smantiques, que lon peut faire tat des structures lexicales qui correspondent aux
comptences linguistiques des locuteurs.
Le fondement des relations smantiques a galement men une reconsidration
de la formation des mots et des paradigmes morpho-lexicaux ou familles de mots (cf.
Koch 1995 ; 1999b ; Blank 1998 ; 2001 ; Gvaudan 1999 etc. ; Tuggy 2005 ; Taylor 2015).
Dun point de vue cognitif et synchronique, la relation morphologique dun mot issu
dun procd de formation et du ou des mots la base de ce procd, comme p. ex.
messager et message, sajoute une relation smantique qui motive la parent des deux
units lexicales et rend transparent (en ce qui concerne la notion de transparence cf.
Gauger 1971 ; Blank 1998 ; Gvaudan 2007) le produit du procd, savoir messager.
tant donn la forte contigut entre les notions message et messager, on peut
admettre que la formation lexicale dans ce cas prcis va de pair avec une mtonymie
il sagit du moins du mme procd smantique (cf. Gvaudan 2002, 2). Dailleurs
on utilisait, en ancien franais, la forme message non seulement pour dsigner le
message, mais galement pour le messager. Lidentification des relations smantiques permet galement danalyser des composs endocentriques, comme poisson-scie
(subordination taxinomique + mtaphore/similarit), ou exocentrique, comme gratteciel (subordination taxinomique + mtonymie/contigut incorpores dans une mtaphore). Comme le montre la formation des mots (procd nonciatif) et son quivalent
synchronique, la famille de mot (tat de langue), les relations smantiques sont des
entits valables dans trois dimensions : dans la synchronie (polysmie, famille de
mots etc.) et la diachronie (changement lexical innovateur) de la langue ainsi que
dans lnonciation.
Cest dailleurs galement partir des relations smantiques et de leur application
dans tous les domaines de la lexicologie que P. Koch dveloppe les notions de
605
La linguistique cognitive
4.4 Grammaticalisation
Quoique quelques-uns des plus importants travaux sur la grammaticalisation depuis
les annes 1980 ne relvent pas de la linguistique cognitive (notamment les ouvrages
fondamentaux de Lehmann 1982 ; Bybee 1985 ; Bybee/Perkins/Pagliuca 1994, qui sont
plutt typologiques, avec un ct tantt structuraliste dans le cas de Lehmann tantt
empiriste dans le cas de Bybee), la plupart des travaux qui ont t prsents dans ce
domaine sont du moins partiellement cognitivistes.
606
Paul Gvaudan
Seule la dmarche de Langacker (1990 ; 1999 ; 2006) se veut uniquement cognitiviste ; chez dautres auteurs importants comme Hopper (1987), Traugott (1989 ; 1995 ;
1999), Traugott/Dasher (2002), Detges (1998 ; 2003a ; 2003b ; 2004), Detges/Waltereit
(2002), Prvost (2006), Gurin (2007/2008), divers contributeurs des recueils Combettes/Marchello-Nizia (2003) ; Detges/Waltereit (2008) etc., lapproche cognitive se
combine avec des lments de pragmatique et des mthodes empiriques.
Laffinit de la linguistique cognitive aux phnomnes de grammaticalisation
sexplique par le fait que celle-ci est dclenche par des innovations linguistiques.
Cest ce que constate dj A. Meillet lorsquil propose le terme grammaticalisation :
[L]a grammaticalisation de certains mots cre des formes neuves, introduit des catgories qui
navaient pas dexpression linguistique, transforme lensemble du systme. Ce type dinnovations rsulte dailleurs de lusage qui est fait de la langue (Meillet 1912, 133).
Or, la cration de formes neuves rsulte selon Detges/Waltereit (2002) soit dune
stratgie expressive du locuteur, comme dans (8) et (9), soit dune ranalyse de la part
de lallocutaire, comme dans (10) :
(8) fr. conjugaison du futur (INF + {-ai, -as, -a, -ons [avons], -ez [avez], -ont}
lt. priphrase dontique (INF + {habeo, habes, habet, habemus, habetis, habent})
(9) fr. la ART . SING . F lt. illa(m) PRON . DM . SING . F
(10) fr. chez PRP lt. casa N . F . SING .ABLATIF dans la maison
Dans le cas de la conjugaison du futur (8), on peut admettre que les locuteurs ont
souvent dit je dois INF (habeo + INF ) pour souligner que lvnement en question
aura effectivement lieu. Au dpart de la grammaticalisation du paradigme du futur
synthtique du franais, on constate donc une stratgie expressive. Celle-ci est de
surcrot profondment mtonymique, car lobligation de raliser une action (modalit
dontique) implique sa ralisation certaine (modalit pistmique). Lvolution de
larticle dfini roman la partir du pronom dmonstratif latin illa(m) remonte aussi
une stratgie expressive du locuteur dont le caractre est mtonymique : pour assurer
la valeur du dfini (lindication que le rfrent est connu par lallocutaire), quon ne
pouvait pas exprimer en latin classique, les locuteurs se servait du dmonstratif. En
revanche, la grammaticalisation de lexemple (10) est issue dune ranalyse et non
dune stratgie expressive. Du ct de lallocutaire, on a pu interprter dans la
maison de X comme chez X. Cette ranalyse repose sur la contigut entre la sphre
dune personne et sa demeure. Il ne sagit pourtant pas dune mtonymie dans la
mesure o linnovation nest pas intentionnelle.
Les exemples discuts ici montrent assez bien le ct cognitif de la grammaticalisation, mais laissent galement entrevoir des aspects pragmatiques (expressivit,
ranalyses contextuelles) et morphosyntaxique, voire typologique. Ces derniers vont
bien au-del des relations symboliques (relation [a] dans Figure 5) et concerne en
premier lieu la morphologie ([b]), et cela deux niveaux : dune part la grammaticali
607
La linguistique cognitive
sation fait dune forme lexicale une forme grammaticale, comme dans (10), ou dune
forme grammaticale une forme encore plus grammaticale (ce quon peut mesurer
avec les paramtres de Lehmann 1982), comme dans (9) ; dautre part la grammaticalisation change le systme grammatical, comme le constate Meillet ci-dessus, en
faisant apparatre de nouvelles catgories, comme dans le cas des articles dfinis (10),
qui nexistent pas en latin classique. On parlera dans ce cas galement de changement
grammatical.
Laspect le plus significatif de ce cadre thorique est sa conception de la smantique. Sens est
identifi conceptualization (au sens le plus large) ; les structures smantiques (cest--dire le
sens des expressions linguistiques) sont donc des conceptualisations qui vont dans le sens des
conventions linguistiques. Jadopte [] un modle encyclopdique de la smantique ; tous les
aspects de notre connaissance gnrale de lentit en jeu contribuent au sens de lexpression qui
la dsigne (Langacker 1991, 106)
En tant quinstruction la conceptualisation la grammaire est au service de lnonciation et de linterprtation. De ce fait, tout le systme linguistique, avec ses exceptions
et ses particularits lexicales nest quune manation de lactivit nonciative. Cest
pourquoi Langacker (1987, 46) conoit la grammaire cognitive comme thorie base
sur lusage . Par ailleurs, la conceptualisation est dtermine par les mcanismes de
la cognition incarne (voir section 3.4). Toute notion abstraite est drive des
archtypes de lexprience corporelle. Il sagit de domaines de bases (Langacker 1987, 147) irrductibles, lis aux membres et aux fonctions du corps humains,
lespace et au temps, aux facults de perception tactile, auditive et surtout visuelle.
Dans le cadre du principe symbolique, la grammaire cognitive de Langacker est
profondment smantique dans la mesure o elle favorise la dimension smiologique
608
Paul Gvaudan
du contenu (relations [c] dans Figure 5) au dtriment du plan de lexpression (relations [b] dans Figure 5). Cela se montre notamment dans son analyse de la prdication, qui dispose les arguments (entits smantiques exprimes en franais par les
complments sujet et objet) dans une constellation de figure-fond (cf. section 3.2).
Dans les langues accusatives comme le franais, le sujet correspond la figure et les
objets au fonds. Langacker (1987, 231ss.) nomme la figure trajecteur (trajector) et
les lments du fons repre (landmark, pour les termes franais cf. Kleiber 1993,
116). Dans lexemple (11) Martine est le trajecteur, tandis que la voiture et devant la
maison sont des repres :
(12) (a) Il lui est venu lide de garer la voiture devant la maison
(b) Elle a eu lide de garer la voiture devant la maison
(13) (a) La musique lui plaisait
(b) Elle aimait la musique
Dans le cas de (12)(a), on a affaire un sujet impersonnel, donc un lment syntaxique formel, sans correspondance smantique. Dans ce cas, il est clair quon ne peut
pas srieusement envisager un trajecteur qui correspondrait au sujet. Lanalyse propose par Langacker ne fonctionne donc que dans la construction smantiquement
identique de (12)(b). Si, en revanche, on invoque une interprtation smantique du
sujet, on pourra identifier le trajecteur sans problmes, savoir lui dans (12)(a). Par
ailleurs, la diffrence syntaxique entre les expressions de (13)(a) et (13)(b) exprime
certes une diffrence smantique, mais pas en ce qui concerne les rles de elle/lui
et la musique (cf. Langacker 1987, 231). Linconvnient de lanalyse de Langacker
est quelle ne tient pas compte du sujet syntaxique, qui, comme le prouve lexemple
(12)(a) est une ralit grammaticale, du moins en franais et dans dautres langues.
La conceptualisation gestaltique de la prdication en termes de figure et fond
sinscrit dans le principe plus gnral du focal adjustment ( ajustement focal , cf.
Langacker 1987, 116ss.), auquel correspondent les diffrents types de perspective de
la conceptualisation du contenu (cf. galement la notion cognitive de fentrage
propose par Talmy 1988 ; 1993). ct de la hirarchie prdicative, lajustement
609
La linguistique cognitive
focal concerne entre autre le grounding (Langacker 1987, 126, fondement), cest-dire lancrage de lnonc dans la situation dnonciation, la deixis ainsi quen
gnral les diffrents paramtres de la subjectivit et de lobjectivit de lnonc (cf. la
section 3.6).
La grammaire constructionnelle est un ensemble de thories grammaticales influences par la grammaire cognitive, par la smantique gnrative, par la tradition des
grammaires typologiques et par la thorie de la valence (cf. Goldberg 1995 ; 2006 ;
Shibatani/Thompson 1996 ; Croft 2001 ; Croft/Cruse 2004 ; Franois 2008 ; 2011 ;
Bybee 2010 ; ainsi que les recueils de Fried/stman 2004 ; Fried/Boas 2005). On
attribue gnralement le dbut de ce mouvement une tude sur lexpression anglaise let alone sans parler de (Fillmore/Kay/OConnor 1988), qui mne une discussion sur la relation entre la rgularit et lidiomaticit dans la grammaire. Celle-ci
aboutit la constatation suivante :
[I]n the construction of a grammar, more is needed than a system of general grammatical rules
and a lexicon of fixed words and phrases. Those linguistic processes that are thought of as
irregular cannot be accounted for by constructing lists of exceptions : the realm of idiomaticity in
a language includes a great deal that is productive, highly structured, and worthy of serious
grammatical investigation (Fillmore/Kay/OConnor 1988, 534).
610
Paul Gvaudan
p. ex. souvent le schma [AGENT S verbe PATIENT O D BNFICIAIRE I O ], quhrite galement la construction [sujetrendrehommage objet indirect] mentionne ci-dessus.
Cet exemple montre du reste que, comme dans toutes les approches contructionnelles, les constructions sont conues comme entits symboliques ([a] selon Figure 5)
reliant le plan de lexpression celui du contenu.
Lapproche bottom-up par excellence des grammaires de construction est la
grammaire base sur lusage ( usage based grammar ; CF : Langacker dans la
section 4.5) de Bybee (2010), qui considre que linnovation, savoir le changement
grammatical (cf. section 4.4) ne peut sexpliquer que par lactivit nonciative des
locuteurs. Bybee (2010, 5s.) discute entre autres un exemple comparable la juxtaposition des expressions franaise je (ne) sais pas [sp] vs. je (ne) fume pas [fymp].
Du point de vu syntaxique, morphologique et phontique, ces deux expressions sont
tout fait comparables ( part la possibilit dassimilation du son [s] dans [p]) ; du
point de vue smantique galement, dans la mesure o il sagit dune prdication
ngative attribue au sujet ; sauf que [sp] nest pas seulement utilis comme
proposition principale, mais galement afin dattnuer une assertion ( Quest-ce que
tu prends ? Jsais pas, une bire ), cest--dire comme marqueur discursif ou
comme expression adverbiale de modalit.
5 Conclusion
Aujourdhui, la linguistique cognitive est devenue partie constituante de la plupart
des domaines de la linguistique interne,8 comme la grammaire fonctionnelle, la
typologie, la smantique lexicale et grammaticale, la pragmatique, la syntaxe et la
morphologie. Partant de principes thoriques provenant de la psychologique et de la
philosophie, ce courant scientifique a su apporter la linguistique des inspirations
innovatrices. Mais son succs en a fait un courant dispers dans la totalit des
sciences du langage. Lide dune thorie unitaire ne restera quun pisode. Cela dit,
elle a en premier lieu le mrite davoir rhabilit la fonction symbolique ou reprsentative du langage.
6 Bibliographie
Aitchison, Jean (1987), Words in the mind. An introduction to the mental lexicon, Oxford/New York,
Blackwell.
Allport, Alan/Funnell, Elaine (1981), Components of the Mental Lexicon, Philosophical Transactions of
the Royal Society B : Biological Sciences 295/1077, 397410.
La linguistique cognitive
611
Aristote (1847), De la mmoire et de la rminsicence, in : Barthlmy Saint-Hilaire (ed.), La psychologie dAristote. Opuscules (parva naturalia), Paris, Dumont, 108136.
Athanasiadou, Angeliki/Canakis, Costas/Cornillie, Bert (edd.) (2006), Subjectification. Various Paths
to Subjectivity, Berlin/New York, Mouton de Gruyter.
Babin, Jean-Philippe (1998), Lexique mental et morphologie lexicale, Bern/New York, Lang.
Benveniste, mile (1958), De la subjectivit dans la langue, Journal de Psychologie 51, 257265 [cit
selon Benveniste (1966), Problmes de linguistique gnrale, Paris, Gallimard].
Berlin, Brent/Kay, Paul (1969), Basic color terms. Their universality and evolution, Berkeley, University
of California Press.
Blank, Andreas (1993a), Polysemie und semantische Relationen im Lexikon, in : Wolfgang Brner/
Klaus Vogel (edd.), Wortschatz und Fremdsprachenerwerb, Bochum, AKS-Verlag, 2256.
Blank, Andreas (1993b), Zwei Phantome der Historischen Semantik : Bedeutungsverbesserung und
Bedeutungsverschlechterung, Romanistisches Jahrbuch 44, 5785.
Blank, Andreas (1997), Prinzipien des lexikalischen Bedeutungswandels am Beispiel der romanischen
Sprachen, Tbingen, Niemeyer.
Blank, Andreas (1998), Kognitive italienische Wortbildungslehre, Italienische Studien 19, 527.
Blank, Andreas (2001), Einfhrung in die lexikalische Semantik fr Romanisten, Tbingen, Niemeyer.
Blank, Andreas/Koch, Peter (edd.) (1999), Historical semantics and cognition, Berlin/New York,
Mouton de Gruyter.
Blank, Andreas/Koch, Peter (edd.) (2003), Kognitive romanische Onomasiologie und Semasiologie,
Tbingen, Niemeyer.
Bloomfield, Leonard (1933), Language, New York, Holt.
Blutner, Reinhard (1985), Prototyp-Theorien und strukturelle Prinzipien der mentalen Kategorisierung,
Linguistische Studien 125, 86135.
Booij, Geert (2010), Construction morphology, Oxford, Oxford University Press.
Bral, Michel (1897), Essai de smantique, Paris, Hachette.
Bhler, Karl (1934), Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache, Jena, Fischer.
Bybee, Joan L. (1985), Morphology : a study of the relation between meaning and form, Amsterdam/
Philadelphia, Benjamins.
Bybee, Joan L. (2010), Language, usage and cognition, Cambridge/New York, Cambridge University
Press.
Bybee, Joan L./Perkins, Revere D./Pagliuca, William (1994), The evolution of grammar. Tense, aspect
and modality in the languages of the world, Chicago, University of Chicago Press.
Carnoy, Albert (1927), La Science du mot : trait de smantique, Louvain, Universitas.
Chomsky, Noam (1957), Syntactic structures, s Gravenhage, Mouton.
Chomsky, Noam (1965), Aspects of the theory of syntax, Cambridge, M.I.T. Press.
Coleman, Linda/Kay, Paul (1981), Prototype Semantics : The English Verb lie , Language 57, 2644.
Combettes, Bernard/Marchello-Nizia, Christiane (edd.) (2003), Grammaticalisations en franais,
Paris, Presses Universitaires de Nancy.
Cordier, Franoise (1980), Gradients de prototypie pour cinq catgories smantiques, Psychologie
franaise 25, 211219.
Cordier, Franoise (1983), Inclusion de classes : existe-t-il un effet smantique ?, Lanne psychologique 83 :2, 491503.
Cordier, Franoise (1993), Les reprsentations cognitives privilgies. Typicalit et niveau de base,
Lille, Presses universitaires de Lille.
Cordier, Franoise/Dubois, Danile (1981), Typicalit et reprsentation cognitive, Cahiers de Psychologie Cognitive 1, 299333.
Croft, William (2001), Radical construction grammar : syntactic theory in typological perspective,
Oxford, Oxford University Press.
612
Paul Gvaudan
Croft, William/Cruse, David A. (2004), Cognitive linguistics, Cambridge, Cambridge University Press.
Cruse, David A. (2000), Meaning in language, Oxford/New York, Oxford University Press.
Cruse, David A., et al. (edd.) (2002/2005), Lexikologie. Ein internationales Handbuch zur Natur und
Struktur von Wrtern und Wortschtzen, Berlin/New York, de Gruyter.
Dal, Georgette (2004), propos de Nouvelles approches en morphologie de Bernard Fradin :
quelle dimension des catgories les rgles de construction de lexmes sont-elles sensibles ?, in :
Danielle Corbin/Martine Temple/Pierre Corbin (edd.), La formation des mots. Horizons actuels,
Presses Universitaires de Septentrion, 231263.
Darmesteter, Arsne (1875), Trait de la formation des mots composs dans la langue franaise
compare aux autres langues romanes et au latin, Paris, Franck/Vieweg.
Darmesteter, Arsne (1887), La Vie des mots tudis dans leur signification, Paris, Delagrave.
Detges, Ulrich (1998), Echt die Wahrheit sagen. berlegungen zur Grammatikalisierung von Adverbmarkern, PhiN. Philologie im Netz 4, 129.
Detges, Ulrich (2003a), Du sujet parlant au sujet grammatical. Lobligatorisation des pronoms sujets
en ancien franais dans une perspective pragmatique, in : Bernard Combettes/Christiane Marchello-Nizia (edd.), Grammaticalisations en franais, Nancy, Presses Universitaires de Nancy,
307333.
Detges, Ulrich (2003b), La grammaticalisation des constructions de ngation dans une perspective
onomasiologique, ou : la dconstruction dune illusion doptique, in : Andreas Blank/Peter Koch
(edd.), Kognitive romanische Onomasiologie und Semasiologie, Berlin/New York, de Gruyter,
213233.
Detges, Ulrich (2004), How cognitive is grammaticalization ? The history of the Catalan perfet perifrstic, in : Olga Fischer/Muriel Norde/Harry Perridon (edd.), Up and Down the Cline The Nature
of Grammaticalization, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 211227.
Detges, Ulrich/Waltereit, Richard (2002), Grammaticalization vs. reanalysis : a semantic-pragmatic
account of functional change in grammar, Zeitschrift fr Sprachwissenschaft 21, 151195.
Detges, Ulrich/Waltereit, Richard (edd.) (2008), The paradox of grammatical change. Perspectives
from Romance, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Dubois, Danile (1983), Analyse de 22 catgories smantiques du franais : organisation catgorielle,
lexique et reprsentation, Lanne psychologique 83:2, 465489.
Ducrot, Oswald (1984), Le dire et le dit, Paris, Minuit.
Ehrenfels, Christian von (1890), ber Gestaltqualitten, Vierteljahrsschrift fr wissenschaftliche
Philosophie 14, 249292.
Fauconnier, Gilles (1984), Espaces mentaux, Paris, Minuit.
Fauconnier, Gilles (1985), Mental spaces, Cambridge, Mass., M.I.T. Press.
Fauconnier, Gilles (1997), Mappings in thought and language, Cambridge/New York, Cambridge
University Press.
Fillmore, Charles (1963), The Position of Embedding Transformations in a Grammar, Word 19,
208231.
Fillmore, Charles (1968), The case for case, in : Emmon W. Bach/Robert T. Harms (edd.), Universals in
linguistic theory, New York, Holt, Rinehart and Winston, 188.
Fillmore, Charles (1975), An Alternative to Checklist Theories of Meaning, in : Proceedings of the First
Annual Meeting of the Berkeley Linguistics Society, Berkeley, Berkeley Linguistics Society,
123131.
Fillmore, Charles (1982), Frame Semantics, in : Linguistic Society of Korea (ed.), Linguistics in the
morning calm, Seoul, Hanshin Publishing Co., 111137.
Fillmore, Charles/Kay, Paul/OConnor, Mary (1988), Regularity and Idiomaticity in Grammatical Constructions. The Case of Let Alone , Language 64, 501538.
Fradin, Bernard (2003), Nouvelles approches en morphologie, Paris, PUF.
613
La linguistique cognitive
Franois, Jacques (2008), Les grammaires de construction. Un btiment ouvert aux quatre vents,
Cahiers du CRISCO 26, 319.
Franois, Jacques (2011), Construction et exemplaires. Une nouvelle approche des structures prdicatives du franais illustre par la configuration [N sen V], PhiN. Philologie im Netz 58, 1938.
Fried, Mirjam/Boas, Hans C. (edd.) (2005), Grammatical constructions, Amsterdam/Philadelphia,
Benjamins.
Fried, Mirjam/stman, Jan-Ola (edd.) (2004), Construction grammar in a cross-language perspective,
Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Gaeta, Livio (2010), On the viability of cognitive morphology for explaining language change, in :
Aleksander Onysko / Sascha Michel (edd.), Cognitive Perspectives on Word Formation, Berlin/
New York, de Gruyter, 7595.
Gauger, Hans-Martin (1971), Durchsichtige Wrter, Heidelberg, Winter.
Geeraerts, Dirk (1983a), Prototype Theory and Diachronic Semantics. A Case Study, Indogermanische
Forschungen 88, 132.
Geeraerts, Dirk (1983b), Reclassifying semantic change, Quaderni di semantica 4:2, 217240.
Geeraerts, Dirk (1985), Les donnes strotypiques, prototypiques et encyclopdiques dans le dictionnaire, Cahiers de lexicologie 46, 2843.
Geeraerts, Dirk (1991), La grammaire cognitive et lhistoire de la smantique lexicale, Communications
53, 1550.
Geeraerts, Dirk (1997), Diachronic prototype semantics. A contribution to historical lexicology, Oxford/
New York, Clarendon Press/Oxford University Press.
Geeraerts, Dirk/Cuyckens, Herbert (edd.) (2007), The Oxford Handbook of Cognitive Linguistics,
Oxford, Oxford University Press.
Gvaudan, Paul (1999), Semantische Relationen in nominalen und adjektivischen Kompositionen und
Syntagmen, PhiN. Philologie im Netz 9, 1134.
Gvaudan, Paul (2002), Fondements smiologiques du modle de la filiation lexicale, PhiN. Philologie
im Netz 22, 126.
Gvaudan, Paul (2003), Lexikalische Filiation : eine diachronische Synthese aus Onomasiologie und
Semasiologie, in : Andreas Blank/Peter Koch (edd.), Kognitive romanische Onomasiologie und
Semasiologie, Tbingen, Niemeyer, 189211.
Gvaudan, Paul (2007), Typologie des lexikalischen Wandels : Bedeutungswandel, Wortbildung und
Entlehnung am Beispiel der romanischen Sprachen, Tbingen, Stauffenburg.
Gvaudan, Paul (2013), Les rapports entre la modalit et la polyphonie linguistique, in : Paul Gvaudan/Vahram Atayan/Ulrich Detges (edd.), Modalitt und Polyphonie. Modalit et polyphonie.
Modalidad y polifona, Tbingen, Stauffenburg, 3959.
Gvaudan, Paul/Koch, Peter (2010), Smantique cognitive et changement lexical, in : Jacques Franois
(ed.), Grandes voies et chemins de traverse de la smantique cognitive, Leuven, Peeters, 103
145.
Goldberg, Adele E. (1995), Constructions, Chicago, University of Chicago Press.
Goldberg, Adele E. (2006), Constructions at work, Oxford/New York, Oxford University Press.
Gurin, Franoise (2007/2008), La grammaticalisation : thorie ou piphnomne ?, Contextos
4952, 211232.
Haiman, John (ed.) (1985), Iconicity in syntax. Proceedings of a Symposium on Iconicity in Syntax,
Stanford, June 1983, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Harris, Zellig (1951), Methods in Structural Linguistics, Chicago, University of Chicago Press.
Hartmann, Stefan (2014), Constructing a schema. Word-class changing morphology in a usage-based
perspective, Yearbook from the German Cognitive Linguistics Association 2, 235251.
Hockett, Charles (1958), A course in modern linguistics, New York, Macmillan.
Hopper, Paul J. (1987), Grammaticalization, Palo Alto, CA (1987 Linguistic Institute 272), Copy Mat.
614
Paul Gvaudan
Kleiber, Georges (1990), La smantique du prototype. Catgories et sens lexical, Paris, Presses
universitaires de France.
Kleiber, Georges (1993), Iconicit disomorphisme et grammaire cognitive, Faits de langues 1, 105121.
Koch, Peter (1991), Semantische Valenz, Polysemie und Bedeutungswandel bei romanischen Verben,
in : Peter Koch/Thomas Krefeld (edd.), Connexiones Romanicae. Dependenz und Valenz in romanischen Sprachen, Tbingen, Niemeyer, 279306.
Koch, Peter (1994), Gedanken zur Metapher und zu ihrer Alltglichkeit, in : Annette Sabban /
Christian Schmitt (edd.), Sprachlicher Alltag. Linguistik Rhetorik Literaturwissenschaft. Festschrift fr Wolf-Dieter Stempel, 7. Juli 1994, Tbingen, Niemeyer, 201225.
Koch, Peter (1995), Der Beitrag der Prototypentheorie zur Historischen Semantik. Eine kritische
Bestandsaufnahme, Romanistisches Jahrbuch 46, 2746.
Koch, Peter (1996), Le prototype entre signifi, dsign et rfrent, in : Hiltraud Dupuy-Engelhardt
(ed.), Questions de mthode et de dlimitation en smantique lexicale. Actes dEUROSEM 94,
Reims, Presses Universitaires de Reims, 113135.
Koch, Peter (1999a), Frame and contiguity. On the cognitive bases of metonymy and certain types of
word formation, in : Gnter Radden/Klaus-Uwe Panther (edd.), Metonymy in Language and
Thought, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 139167.
Koch, Peter (1999b), Tree and fruit : a cognitive-onomasiological approach, Studi italiani di linguistica
teorica e applicata 18, 331347.
Koch, Peter (2001), Lexical typology from a cognitive and linguistic point of view, in : Martin Haspelmath et al. (edd.), Language Typology and Language Universals. An International Handbook.
Manuel international, Berlin/New York, de Gruyter, 11421178.
Koch, Peter (2002a), Il ne me faut plus nule rien changement smantique, mtataxe et ranalyse,
in : Peter Koch/Peter Blumenthal (edd.), Valence : perspectives allemandes, Caen, Presses
Universitaires de Caen, 67108.
Koch, Peter (2002b), Verbe, valence et changement smantique une approche onomasiologique, in :
Hiltraud Dupuy-Engelhardt/Marie-Jeanne Montibus (edd.), Parties du discours : smantique,
perception, cognition le domaine de laudible. Actes dEUROSEM 2000, Reims, Presses Universitaires de Reims, 151185.
Koch, Peter (2005), Kognitive Linguistik ante litteram, in : Daniel Jacob/Thomas Krefeld/Wulf Oesterreicher (edd.), Sprache, Bewutsein, Stil. Theoretische und historische Perspektiven, Tbingen,
Narr, 329.
Koch, Peter/Marzo, Daniela (2007), A two-dimensional approach to the study of motivation in lexical
typology and its first application to French high-frequency vocabulary, Studies in Language 31/2,
259291.
Khler, Wolfgang (1920), Die physischen Gestalten in Ruhe und im stationren Zustand, Braunschweig, Vieweg.
Khler, Wolfgang (1929), Gestalt psychology, New York, Liveright.
Koffka, Kurt (1922), Perception : An introduction to the Gestalttheorie, Psychological Bulletin 19, 531
585.
Koffka, Kurt (1935), Principles of gestalt psychology, London, Lund Humphries.
Kripke, Saul A. (1980), Naming and necessity, Oxford, Blackwell.
Kronasser, Heinz (1952), Handbuch der Semasiologie. Kurze Einfhrung in die Geschichte, Problematik und Terminologie der Bedeutungslehre, Heidelberg, Winter.
Lakoff, George (1971), On generative semantics, in : Danny D. Steinberg/Leon A. Jakobovits (edd.),
Semantics ; an interdisciplinary reader in philosophy, linguistics and psychology, Cambridge,
Cambridge University Press, 232296.
Lakoff, George (1973), Hedges : A Study in Meaning Criteria and the Logic of Fuzzy Concepts, Journal of
Philosophical Logic 2, 458508.
615
La linguistique cognitive
Lakoff, George (1976), Toward generative semantics, in : James D. McCawley (ed.), Notes from the
linguistic underground, New York, Academic Press, 4361.
Lakoff, George (1987), Women, fire, and dangerous things : what categories reveal about the mind,
Chicago, Ill. etc., University of Chicago Press.
Lakoff, George/Johnson, Mark (1980), Metaphors we live by, Chicago, University of Chicago Press.
Lakoff, George/Ross, John R. (1968), Is deep structure necessary ?, Bloomington, Linguistics Club,
Indiana University.
Langacker, Ronald (1972), Movement rules in functional perspective, San Diego, University of California.
Langacker, Ronald (1985), Observations and speculations on subjectivity, in : John Haiman (ed.),
Iconicity in Syntax, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins, 109150.
Langacker, Ronald (1987/1991), Foundations of cognitive grammar, Stanford, Stanford University
Press.
Langacker, Ronald (1990), Subjectification, Cognitive Linguistics 1, 538.
Langacker, Ronald (1991), Noms et verbes, Communications 53, 103153.
Langacker, Ronald (1999), Losing control : grammaticization, subjectification, and transparency, in :
Andreas Blank/Peter Koch (edd.), Historical semantics and cognition, Berlin/New York, de
Gruyter, 147175.
Langacker, Ronald (2006), Subjectification, grammaticalization, and conceptual archetypes, in : Angeliki Athanasiadou/Costas Canakis/Bert Cornillie (edd.), Subjectification, Berlin/New York, de
Gruyter, 1740.
Lehmann, Christian (1982 [1995]), Thoughts on grammaticalization, Mnchen, LINCOM Europa.
Lyons, John (1982), Deixis and Subjectivity : loquor, ergo sum ?, in : Robert J. Jarvella/Wolfgang
Klein (edd.), Speech, place, and action, Chichester, Wiley.
Marquer, Pierre (2005), Lorganisation du lexique mental. Des contraires aux expressions idiomatiques, Paris, LHarmattan.
Marzo, Daniela (2013), Polysemie als Verfahren lexikalischer Motivation. Theorie und Empirie am
Beispiel von Metonymie und Metapher im Franzsischen und Italienischen, Tbingen, Narr.
McCawley, James D. (1973), Grammar and meaning. Papers on syntatic and semantic topics, Tokyo,
Taishukan.
McCawley, James D. (ed.) (1976), Notes from the linguistic underground, New York, Academic Press.
Meillet, Antoine (1912 [1958]), Linguistique historique et linguistique gnrale, Paris, Champion.
Metzger, Wolfgang (1934), Gesetze des Sehens, Frankfurt am Main, Kramer.
Metzger, Wolfgang (1941), Psychologie. Die Entwicklung ihrer Grundannahmen seit der Einfhrung
des Experiments, Dresden/Leipzig, Steinkopff.
Minsky, Marvin (1975), A Framework for Representing Knowledge, in : Patrick Winston (ed.), The
Psychology of Computer Vision, New York, McGraw-Hill, 211276.
Nerlich, Brigitte (1992), Semantic theories in Europe, 18301930. From etymology to contextuality,
Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Nerlich, Brigitte/Clark, David (1992), Outline of a model of semantic change, in : Gnter Kellermann/
Michael D. Morrissey (edd.), Diachrony within synchrony, language history and cognition. Papers
from the international Symposium at the University of Duisburg, 2628 March 1990, Frankfurt am
Main et al., Lang, 125141.
Nuyts, Jan (2001), Subjectivity as an evidential dimension in epistemic modal expressions, Journal of
Pragmatics 33, 383400.
Nyrop, Kristoffer (1913), Grammaire historique de la langue franaise, vol. 4 : Smantique, Copenhague, Clydendalske Boghandel.
Paul, Hermann (1880), Prinzipien der Sprachgeschichte, Halle, Niemeyer.
Pavlov, Ivan (1927), Conditioned reflexes, London, Routledge and Kegan Paul.
616
Paul Gvaudan
La linguistique cognitive
617
Britta Thrle
25 La linguistique applique
Abstract : Dans cet article, la linguistique applique est considre comme une manire de faire de la linguistique qui est consciente des problmes linguistiques de la
vie pratique. Dans ce qui suit, nous prsenterons quelques principes et problmes
mthodologiques avant daborder quatre champs dapplication particulirement intressants du point de vue des pays et rgions germanophones dans lesquels le
franais est tudi et enseign comme langue trangre dans divers cadres institutionnels et utilis dans des contextes professionnels plurilingues. Les domaines traits
seront 1) lacquisition du franais comme langue trangre, 2) la didactique du franais langue trangre, 3) la langue et la communication de spcialit et 4) la communication plurilingue dans le monde du travail. Pour conclure, nous prsenterons
brivement le cadre institutionnel de la recherche en linguistique applique, cest-dire les associations et revues dans lesquelles la communaut des chercheurs est
organise et o leurs activits deviennent manifestes.
Keywords : Linguistique applique, interdisciplinarit, acquisition des langues, franais langue trangre, didactique, langue technique, langues de spcialit, traduction, plurilinguisme, organisations
619
La linguistique applique
2 Rflexions mthodologiques
Partant de lide que la linguistique applique ne constitue pas une discipline autonome, mais reprsente une manire de faire de la linguistique, la recherche dun
ensemble clos de mthodes et approches proprement appliques parat drisoire. Rien
que la grande diversit des problmes pratiques considrons, p. ex, le traitement
automatique des banques de donnes en lexicographie et la traduction orale dans la
communication mdecin-patient fait que toute tentative de proposer la mthodologie de la linguistique applique reste invitablement incomplte.1 Ceci ne signifie pas
que tout soit possible ( anything goes ), comme le craignent Menz/Gruber (2001, ix).
Mme si lon ne peut pas parler dune mthodologie propre la linguistique applique, on peut tout de mme en tablir quelques principes et procds caractristiques. En linguistique applique, il sagit normalement dapproches
pratiques : qui partent dun problme de vie pratique et qui sont orientes vers
la solution de celui-ci
620
Britta Thrle
Conformment ceci, le procd prototypique dune tude en linguistique applique est constitu des tapes suivantes (cf. Candlin/Sarangi 2004, 3) :
dclenchement de la recherche par un problme
identification des aspects critiques particuliers
slection des mthodes de recherche appropries
collection de donnes
analyse
exploitation et diffusion des rsultats.
La linguistique applique
621
quil est souvent prtendu. Platen/Vogel (2001, 92) y voient un dcalage entre prtention et pratique relle et jugent la linguistique applique une science sans consommateurs ( Wissenschaft ohne Verbraucher ). Ce dcalage parat tre d, entre
autres choses, la difficult de concilier les attentes des clients potentiels, qui
demandent souvent des instructions concrtes, avec les principes et possibilits de la
science qui ne veut (et ne peut) tre prescriptive, mais dont la tche est plutt de
rendre conscients le fonctionnement de la communication ainsi que les raisons de son
disfonctionnement ( awareness raising cf. Stegu 2011b, 32 ; voir aussi Candlin/
Sarangi 2004, 4).
3 Champs dapplication
Pendant longtemps, le domaine primordial et presque exclusif de la linguistique
applique a t lacquisition des langues, de manire que les deux termes soient plus
ou moins synonymes. Mais progressivement, la recherche en linguistique applique
sest diversifie. Aujourdhui, lAssociation Franaise de Linguistique Applique
(AFLA) propose sur son site web une liste de 19 domaines, parmi lesquels : les langues
de spcialit, lexicologie, lexicographie, politique linguistique, terminologie, troubles
du langage, traduction, langues en contact et variation linguistique (cf. <http://www.
afla-asso.org/>). Si nous nous proposons maintenant de prsenter quelques domaines
de recherche en linguistique applique, il est clair quune telle approche ne peut tre
thmatiquement exhaustive ni reprsenter ltat de la recherche de faon dtaille et
complte. Notre propos est plutt de montrer lintrt particulier quune linguistique
applique du franais peut avoir dans les pays et rgions germanophones dans
lesquels le franais reprsente souvent une langue trangre tudie et enseigne
dans divers cadres institutionnels et utilise dans des contextes professionnels plurilingues.2 Les domaines dapplication particulirement intressants dans ce contexte
sont : 1) lacquisition du franais comme langue trangre, 2) la didactique du franais
langue trangre, 3) la langue et la communication de spcialit, et 4) la communication plurilingue dans des contextes de travail. Pour chaque domaine, nous aborderons, titre dexemple, des problmes pratiques traits ainsi que les thories et
mthodes auxquelles on fait appel pour leur tude.
2 Vu que cet article sur la linguistique applique se trouve au sein dun manuel de linguistique
franaise, il faut se poser la question de savoir sil existe une linguistique applique spcifiquement
franaise ou romane. Stegu (2011b) donne une rponse ngative cette question en postulant quil ny
a quune linguistique applique gnrale pouvant porter sur des exemples en langues romanes, mais
pas de discipline linguistique applique proprement romane .
622
Britta Thrle
les fautes schelonnent plus ou moins parfaitement, bien comme il faut, des plus simples aux
plus sophistiques, dune interlangue encore calque sur la langue maternelle vers une interlangue qui ressemble beaucoup la langue cible, mais en plus rgulier. Les interfrences de la
langue maternelle interviennent plutt au dbut du processus tandis que les chelons suprieurs
3 On ne tient pas compte ici de lacquisition du franais comme langue maternelle (cf. Kielhfer 1997)
et langue seconde.
4 Pour une critique de lhypothse contrastive voir, p. ex., Harden (2006, 5762) ou Edmondson/
House (22000, 222227). Un problme important li cette thse est la dfinition de ce quest une faute.
Une classification instructive est propose par Knapp-Potthoff (1987).
623
La linguistique applique
sont dicts par la logique de la langue cible, de rgle en exception, dexception en exception du
second degr (Lavric 2009, 189).
Pendant que lanalyse des fautes est principalement fonde sur les notions et mthodes de la linguistique structurale, dautres tudes sur lacquisition partent dapproches psycholinguistiques et cognitivistes. Les recherches dans ce domaine sintressent au traitement cognitif de linformation et sinterrogent, p. ex., sur lorganisation
des vocabulaires multilingues dans le lexique mental (Aitchison 1997 ; Raupach
21997). Une question particulirement intressante dans le cadre des langues romanes
concerne lacquisition du vocabulaire dune deuxime ou troisime langue trangre
appartenant la mme famille de langues (Mller-Lanc 2003 ; 27 La recherche en
plurilinguisme). Les tudes dans ce domaine sintressent en outre au traitement
rceptif et productif des textes oraux et crits en langue trangre (Brner/Vogel
1992 ; 1996) ainsi qu lacquisition de la grammaire en L2 (cf. p. ex. Brner/Vogel
2002).
Finalement, lapport linguistique ltude de lacquisition du franais langue
trangre consiste aussi en une approche interactionniste qui est largement influence par lanalyse ethnomthodologique de la conversation (Dausendschn-Gay 2001 ;
2003 ; Mondada/Pekarek-Doehler 2000 ; Pekarek-Doehler 2006). Les recherches qui
suivent cette approche ne partent ni du systme linguistique (comme le fait lanalyse
des fautes), ni des processus mentaux dans la tte des locuteurs (comme les
approches influences de la psycholinguistique). En focalisant laspect social et
interactif de lacquisition, elles conoivent le processus dacquisition comme se
configurant dans et travers le processus dutilisation du langage au sein de pratiques sociales les plus diverses (Pekarek-Doehler 2006, 128). Daprs cette approche,
les particularits du langage de lapprenant sont dues au fait que, dans des situations
dinteraction authentiques, les apprenants, tout en comptant sur la coopration de
linterlocuteur, emploient les formes et constructions linguistiques quils ont leur
disposition pour atteindre les objectifs communicatifs, et ce, de manire mthodique
et situe. Dans cette optique, conforme la conception sociopsychologique vygotskyienne de lacquisition (hypothse interactionniste), cest linteraction mme qui peut
tre considre comme dclencheur des processus dacquisition. Pour cela, les recherches sur les processus interactionnels dacquisition sintressent surtout ltude des
interactions exolingues authentiques, cest--dire aux interactions en situation de
contact entre apprenant et interlocuteur de langue maternelle franaise, caractrises
par les comptences asymtriques des participants (Dausendschn-Gay 2001). Dans
une conversation exolingue, les participants ne sont pas seulement engags dans leur
activit principale , mais accomplissent en mme temps un travail de formulation
coopratif pour viter ou pour rsoudre les problmes communicatifs, comme, p. ex.,
la recherche dun mot qui ne fait pas encore partie du lexique mental de lapprenant.
Le traitement interactif dun problme linguistique, qui est dabord une activit
locale, suppose la possibilit de retenir la solution trouve et ainsi lacquisition du
624
Britta Thrle
625
La linguistique applique
5 Pour une prsentation de lapproche des sept tamis de lintercomprhension cf. Meiner et al.
(2004) ; pour des exemples de mise en pratique des rsultats de recherche, cf. Polzin-Haumann (2012) ;
Polzin-Haumann/Reissner (2013).
626
Britta Thrle
linguiste de mme que pour lenseignant dune langue trangre les corpus sont une
ressource prcieuse de textes et discours authentiques. Ctait dj lobjectif du
Franais fondamental (Gougenheim et al. 1964) qui, sur la base des frquences du
franais parl, voulait faciliter lapprentissage du vocabulaire franais tel quil est
rellement parl. Ce sont donc des recherches sur les corpus du franais qui sont
la base des dictionnaires, grammaires et manuels. Les corpus sont, de plus, exploits pour crer du matriel authentique dapprentissage. Cest, p. ex., le cas du
Corpus dOrlans dont les conversations enregistres sont intgres au manuel Les
Orlanais ont la parole (Biggs/Dalwood 1976). En plus de la comptence orale
rceptive, cest lenseignement des genres textuels, de la politesse verbale ou des
collocations (Siepmann 2009) qui peut tirer profit des corpus linguistiques. Ceux-ci
peuvent galement servir identifier des dcalages entre lusage des locuteurs natifs
et celui des apprenants du FLE qui, loral, produisent le plus souvent un franais
crit oralis d la situation particulire de la communication en contexte scolaire. Les donnes tires de ces corpus contrastifs peuvent alors tre utilises afin de
rendre conscient ce dcalage dans la formation des enseignants du FLE (cf. le projet
LANCOM : Delahaie/Flament-Boistrancourt 2013). Il est clair que lexploitation des
corpus des fins didactiques nest pas une tche aise. Pourtant, lutilit des corpus
en didactique des langues ne se limite pas la dfinition du contenu de lapprentissage et la mise disposition du matriel authentique o le corpus mme nest pas
directement touch par ltudiant. Dveloppes plus tardivement, les approches
dans lesquelles lapprenant travaille directement avec le corpus profitent de la mise
en place de technologies adquates pendant les dernires dcennies. Elles permettent de dvelopper des formes dapprentissage-enseignement particulirement
conformes au concept dautonomie de lapprenant o celui-ci est conu comme
chercheur ou enquteur dirigeant lui-mme son processus dapprentissage
(cf. Tyne 2013, 8s.).
La linguistique applique
627
628
Britta Thrle
ques (en franais, au contraire de lallemand, les citations sont souvent doublement
marques en tant mises en italiques et entre guillemets, par exemple) ou bien la
structure conceptuelle dun domaine de savoir et par cela la structure de la terminologie. Dans le domaine conomique, par exemple, une comparaison entre les termes
franais et allemands
La linguistique applique
629
6 Sur la base dune collection dtudes de cas, Lavric (2012, 173) observe que les comptences
linguistiques ne sont pas seulement une condition pour louverture de nouveaux marchs, mais parfois
mme son motif, car les agents du management cherchent des marchs surtout dans les pays dont ils
savent parler la langue.
7 Lavric/Steiner (2012) qui sintressent aux quipes de football montrent que les exigences linguistiques divergent selon des diffrentes positions des joueurs et que les membres du management ont
besoin dautres comptences que les joueurs etc.
630
Britta Thrle
La linguistique applique
631
4 Cadre organisationnel
Dans les premires sections de cet article, nous avons mis laccent sur le fait que la
linguistique applique ntait pas une discipline bien dlimite. Il nexiste ni un
ensemble clos de thmes ni une mthodologie qui soit exclusive de la linguistique
applique. En adoptant le point de vue de Knapp/Antos (2009, xi), nous avons
considr que la linguistique applique tait une manire de faire de la linguistique
particulirement intresse par les problmes de la vie pratique . Ce quest la
linguistique applique est avant tout dtermin par ce que font ceux qui la pratiquent : la communaut des chercheurs en linguistique applique (cf. aussi Candlin/
Sarangi 2004). Cette communaut est organise dans diverses associations aux
niveaux national, europen et mondial. Pour cela, il nest pas sans intrt de faire
lnumration de ces dernires et de prsenter brivement les revues dans lesquelles
les activits de la communaut se manifestent et deviennent visibles.
4.1 Associations
LAssociation Internationale de Linguistique Applique (AILA) reprsente la communaut des chercheurs en linguistique applique au niveau mondial. Lassociation a t
fonde en 1964 lors du Colloque international de linguistique applique Nancy
comme fdration dassociations nationales et rgionales de linguistique applique.
Tous les trois ans, lAILA organise des congrs internationaux (AILA World Congresses). La revue officielle de lassociation est lAILA Review dont le premier volume a t
publi en 1984 et dont les numros sont majoritairement des volumes thmatiquement
orients. Une srie monographique, lAILA Applied Linguistics Series (AALS), a t
lance en 2005. En 2006, est fonde lAILA Europe, un rseau europen de chercheurs
en linguistique applique dont lobjectif est de renforcer la coopration entre les
socits affilies en Europe. Une revue ddie la situation linguistique en Europe,
lEuropean Journal of Applied Linguistics (EuJAL), est mise en place depuis 2013.
La section franaise de lAILA, lAssociation Franaise de Linguistique Applique
(AFLA), a t fonde en 1964. En 2013, lassociation a co-organis un colloque
international sur les Cultures de recherche en linguistique applique (Nancy, 14
16 novembre 2013). Un colloque international sur les Terrains de recherche en
linguistique applique a suivi en 2015 (Paris-Diderot, 810 juillet 2015).8 Lorganisation nationale de linguistique applique en Suisse est la Vereinigung fr Angewandte
8 Les recherches en linguistique applique se ralisent souvent sans tre dnommes comme telles
aussi dans les laboratoires du Centre nationale de recherche scientifique (CNRS). titre dexemple,
nous mentionnons ici lunit de recherche mixte Analyse et Traitement Informatique de la Langue
Franaise (ATILF) Nancy, responsable du Trsor de la langue franaise (TLF), Praxiling
Montpellier et Interactions, Corpus, Apprentissage, Reprsentations (ICAR) Lyon.
632
Britta Thrle
4.2 Revues
La Revue Franaise de Linguistique Applique (RFLA) est associe lAFLA. La revue
est disponible depuis 1996 (les numros en ligne depuis 2001). Elle parat deux fois
par an et comporte des articles en cinq langues. Les derniers numros (20092015)
sont consacrs des thmes comme, p. ex., les langues de spcialit, les langues en
contact, la psycholinguistique, norme et variations de la langue parle, la terminologie, la traduction ou lenseignement des langues. la RFLA est associe la collection
douvrage Travaux et Recherches en Linguistique Applique.
Plus centres sur les thmes de lacquisition et de lenseignement des langues
(mais non pas limites exclusivement ceux-ci), les tudes de linguistique applique
(ELA) ont t cres en 1961. La revue parat quatre fois par an. Lunique langue de
publication est le franais. Les numros partir de 2001 sont disponibles en ligne. Les
thmes rcemment abords sont, entre autres, la traductologie, les parlers des mtiers, linterculturel dans les dictionnaires bilingues, le langage du sport, les publics
Erasmus, lenseignement des publics lointains, la lecture et lcriture lectronique
extra-scolaire et la formation des enseignants.
Le Bulletin suisse de linguistique applique est la revue de VALS-ASLA. Elle a t
cre en 1966 et parat deux fois par an. partir du numro 63/1996, la revue est
disponible au tlchargement sur le site web de lassociation. Les derniers numros
sont consacrs lapprentissage sur corpus, lespace dans linteraction sociale, la
gestion du plurilinguisme, aux comptences langagires dans la formation et dans la
vie professionnelle, lexploitation didactique des documents authentiques audio et
vido ainsi quaux langues en milieu scolaire, entre autres.
La linguistique applique
633
La Revue canadienne de linguistique applique/Canadian Journal of Applied Linguistics (RCLA/CJAL) est, depuis 1996, la revue de lACLA. Il sagit dune revue accs
libre dont les articles paraissent progressivement, formant quelques exceptions
prs un numro par an. La revue est fortement centre sur les thmes de lacquisition et lenseignement des langues trangres et secondes, mais on y trouve aussi,
dans une moindre mesure, des articles traitant des questions de politique linguistique, des langues minoritaires, de lidentit culturelle, etc.
Mises part les publications des associations, il nous parat utile de mentionner
titre dexemple et sans vouloir en donner une liste exhaustive quelques revues qui
ne comportent pas la linguistique applique dans le titre, mais dans lesquelles les
problmes linguistiques de vie pratique sont tout de mme dune grande importance. La revue Langage et Socit (1977) traite de thmes lintersection des sciences du langage et des disciplines sociales (sociologie, anthropologie, histoire). LIA
Langues, Interaction, Acquisition (2009) poursuit la publication de lancienne revue
Acquisition et Interaction en Langue trangre (Aile) (19922008). La revue bilingue
publie des travaux sur lacquisition des langues trangres, tout en largissant sa
thmatique la langue maternelle et lacquisition des langues des signes et la
gestualit. La Revue de linguistique et de didactique des langues (Lidil) (2003) prsente les travaux sur la linguistique et la sociolinguistique, lapprentissage et lacquisition du langage, la didactique des langues, le traitement automatique des langues
(TAL) ainsi que les technologies de linformation et de la communication pour
lducation (TICE). Finalement, Mta (1955) est une revue consacre la recherche
en traduction et en interprtation qui sadresse aussi aux chercheurs en terminologie
et en linguistique applique.
5 Conclusion
Nous avons considr la linguistique applique comme une manire de faire de la
linguistique particulirement intresse par les problmes linguistiques de la vie
pratique. Ce quest la linguistique applique se manifeste dans les activits de la
communaut des chercheurs sans quil y ait de programmatique consensuelle. Plutt
que de pouvoir prsenter une mthodologie close, nous nous sommes limits
esquisser la dmarche prototypique dune tude en linguistique applique. Dans les
sections thmatiques, il est devenu clair que les mthodes ne sont pas seulement
dveloppes partir de la nature du problme pratique en question, mais galement
nettement influences par les paradigmes dominants un moment donn (la linguistique structurale, cognitive, de corpus, ) ce qui confirme encore le fait que la
linguistique applique ne reprsente pas une discipline autonome, spare de la
linguistique tout court. Au cours de larticle nous avons abord des thmes qui nous
paraissent particulirement intressants du point de vue des pays et rgions germanophones o le franais est appris et enseign comme langue trangre et utilis comme
634
Britta Thrle
6 Bibliographie
Adamzik, Kirsten (ed.) (2001), Kontrastive Textologie. Untersuchungen zur deutschen und franzsischen Sprach- und Literaturwissenschaft, Tbingen, Stauffenburg.
Aitchison, Jean (1997), Wrter im Kopf. Eine Einfhrung in das mentale Lexikon, Tbingen, Niemeyer.
Apfelbaum, Birgit (2005), Der Umgang mit interkulturellen Konflikten in Gesprchen mit Dolmetscherbedarf : Beispiele aus einer deutsch-franzsischen Industriekooperation, in : Dominic Busch/
Hartmut Schrder (edd.), Perspektiven interkultureller Mediation : Grundlagentexte zur kommunikationswissenschaftlichen Analyse triadischer Verstndigung, Frankfurt am Main, Lang, 447
463.
Apfelbaum, Birgit (2008), Professionelles Dolmetschen in dialogisch organisierten beruflichen Handlungsfeldern, Jahrbuch Deutsch als Fremdsprache 34, 112125.
Berthoud, Anne-Claude/Grin, Franois/Ldi, Georges (edd.) (2013), Exploring the Dynamics of Multilingualism. The DYLAN project, Amsterdam/Philadelphia, Benjamins.
Biggs, Patricia/Dalwood, Mary (1976), Les Orlanais ont la parole, Londres, Longman.
Blauth-Henke, Christine/Heinz, Matthias (2009), Korpora und Fremdsprachendidaktik : Neue
Perspektiven fr Lehrer und Lerner ?, Zeitschrift fr Romanische Sprachen und ihre Didaktik 3:1,
85107.
Brner, Klaus/Vogel, Klaus (edd.) (1992), Schreiben in der Fremdsprache. Proze und Text, Lehren und
Lernen, Bochum, AKS.
Brner, Klaus/Vogel, Klaus (edd.) (1996), Texte im Fremdsprachenerwerb. Verstehen und Produzieren,
Tbingen, Narr.
Brner, Klaus/Vogel, Klaus (edd.) (2002), Grammatik und Fremdsprachenerwerb. Kognitive, psycholinguistische und erwerbstheoretische Perspektiven, Tbingen, Narr.
Candlin, Christopher N./Sarangi, Srikant (2004), Making applied linguistics matter, Journal of Applied
Linguistics 1:1, 18.
Coffin, Caroline/Lillis, Theresa/OHalloran, Kieran (edd.) (2010a), Applied Linguistics Methods. A
Reader, London/New York, Routledge.
Coffin, Caroline/Lillis, Theresa/OHalloran, Kieran (2010b), Introduction, in : Caroline Coffin/Theresa
Lillis, Kieran OHalloran (edd.), Applied Linguistics Methods. A Reader, London/New York, Routledge, 17.
Conseil de lEurope (2001), Cadre europen commun de rfrence pour les langues : apprendre,
enseigner, valuer, Paris, ditions Didier. http:www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Framework_fr.pdf (08.07.2015).
Dahmen, Wolfgang, et al. (edd.) (2011), Romanistik und Angewandte Linguistik. Romanistisches Kolloquium XXIII, Tbingen, Narr.
Dausendschn-Gay, Ulrich (2001), Perspektiven der Erforschung von Fremdsprachenkommunikation,
in : Karin Aguado/Claudia Riemer (edd.), Wege und Ziele. Zur Theorie, Empirie und Praxis des
635
La linguistique applique
Deutschen als Fremdsprache (und anderer Fremdsprachen). Festschrift fr Gert Henrici zum
60. Geburtstag, Baltmannsweiler, Schneider Hohengehren, 117135.
Dausendschn-Gay, Ulrich (2003), Producing and learning to produce utterances in social interaction,
EUROSLA Yearbook 3, 207228.
De Pietro, Jean-Franois/Matthey, Marinette/Py, Bernard (1989), Acquisition et contrat didactique : les
squences potentiellement acquisitionnelles dans la conversation exolingue, in : Actes du troisime Colloque Rgional de Linguistique, Strasbourg 2829 avril 1988, Strasbourg, Universit
des Sciences Humaines et Universit Louis Pasteur, 99119.
De Stefani, Elwys/Miecznikowski, Johanna/Mondada, Lorenza (2000), Les activits de traduction dans
des runions de travail plurilingues. Knnen Sie vielleicht kurz bersetzen ?, Revue franaise de
linguistique applique V:1, 2542.
Delahaie, Juliette/Flament-Boistrancourt, Danile (2013), Corpus et enseignants de franais L2 en
Flandre : une histoire russie, Bulletin suisse de linguistique applique 97, 7796.
Drescher, Martina (ed.) (2002), Textsorten im romanischen Sprachvergleich, Tbingen, Stauffenburg.
Eckkrammer, Eva M./Eder, Hildegund M. (2000), (Cyber)diskurs zwischen Konvention und Revolution :
eine multilinguale textlinguistische Analyse von Gebrauchstextsorten im realen und virtuellen
Raum, Frankfurt am Main, Lang.
Eckkrammer, Eva M./Hdl, Nicola/Pckl, Wolfgang (1999), Kontrastive Textologie, Wien, Praesens.
Edmondson, Willis/House, Juliane (22000), Einfhrung in die Sprachlehrforschung, Tbingen,
Francke.
Forner, Werner (1998), Fachsprachliche Aufbaugrammatik Franzsisch. Mit praktischen bungen,
Wilhelmsfeld, Egert.
Forner, Werner ( paratre), Lenseignement de la langue marque, in : Werner Forner/Britta Thrle
(edd.), Manuel des langues de spcialit, Berlin/Boston, de Gruyter.
Goffman, Erving (1981), Forms of talk, Oxford, Blackwell.
Gougenheim, Georges, et al. (1964), Llaboration du franais fondamental (1er degr). tude sur
ltablissement dun vocabulaire et dune grammaire de base, Paris, Didier.
Gruber, Helmut/Menz, Florian (edd.) (2001), Interdisziplinaritt in der Angewandten Sprachwissenschaft. Methodenmen oder Methodensalat, Frankfurt am Main, Lang.
Glich, Elisabeth (1986), Lorganisation conversationnelle des noncs inachevs et leur achvement
interactif en situation de contact , DRLAV. Documentation et recherche en linguistique allemande contemporaine 3435, 161182.
Harden, Theo (2006), Angewandte Linguistik und Fremdsprachendidaktik, Tbingen, Narr.
Jeanneret, Thrse/Py, Bernard (2002), Traitement interactif de structures syntaxiques dans une
perspective acquisitionnelle, in : Francine Cicurel/Daniel Vronique (edd.), Discours, action et
appropriation des langues, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 3752.
Kalverkmper, Hartwig (1983), Textuelle Fachsprachen-Linguistik als Aufgabe, Zeitschrift fr Literaturwissenschaft und Linguistik 5152, 124166.
Kielhfer, Bernd (1997), Franzsische Kindersprache, Tbingen, Stauffenburg.
Klein, Horst G./Stegmann, Tilbert D. (2000), EuroComRom Die sieben Siebe : Romanische Sprachen
sofort lesen knnen, Aachen, Shaker.
Knapp, Karlfried/Antos, Gerd (2009), Introduction to the handbook series. Linguistic for problem
solving, in : Helga Kotthoff/Helen Spencer-Oatey (edd.), Handbook of Intercultural Communication, Berlin/New York, de Gruyter, vxv.
Knapp-Potthoff, Annelie (1987), Fehler aus spracherwerblicher und sprachdidaktischer Sicht. Eine
Bestandsaufnahme, Englisch-amerikanische Studien 9, 205220.
Khlwein, Wolfgang (1980), Bausteine zur Theoriebildung der Angewandten Linguistik, in : Wolfgang
Khlwein/Albert Raasch (edd.), Angewandte Linguistik : Positionen, Wege, Perspektiven, Tbingen, Narr, 1327.
636
Britta Thrle
Lavric, Eva (2008), Fifteen Theses About Business Language Choices. Plurilingual Strategies of
Companies and of Individuals Within Companies, Fachsprache. International Journal of LSP
30:34, 156165.
Lavric, Eva (2009), Dune faute lautre : un progrs ? Linterlangue franaise et espagnole des
germanophones, Moderne Sprachen 53:2, 179205.
Lavric, Eva (2011), Kann man von einem Fehler zu einem anderen fortschreiten ? Beispiele aus den
Interimssprachen Franzsisch und Spanisch, in : Claudia Frevel/Franz-Josef Klein/Carolin Patzelt
(edd.), Gli uomini si legano per la lingua. Festschrift fr Werner Forner zum 65. Geburtstag,
Stuttgart, Ibidem, 561588.
Lavric, Eva (2012), Politiques conscientes et bricolage linguistique dans les entreprises et dans les
quipes de football, Synergies Pays germanophones 5, 165186.
Lavric, Eva/Obenaus, Wolfgang/Weidacher, Josef (2008), We have been able to increase our export
quota again . False friends and other semantic interlinguistic pitfalls in business English and
French, Fachsprache. International Journal of LSP 30:12, 229.
Lavric, Eva/Steiner, Jasmin (2012), Football : le dfi de la diversit linguistique, Bulletin de linguistique
applique 95, 1533.
Ldi, Georges/Hchle, Katharina/Yanaprasart, Patchareerat (2010), Dynamiques langagires et gestion de la diversit : lexemple dune grande entreprise pharmaceutique internationale base en
Suisse, in : Maria Iliescu/Heidi Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrs
International de Linguistique et de Philologie Romanes, Innsbruck, 38 septembre 2007, vol. 4,
Berlin/New York, de Gruyter, 161180.
Ldi, Georges, et al. (2012), Stratgies dinclusion et formes dexclusion dans des interactions exolingues au travail, in : Lorenza Mondada/Luci Nussbaum (edd.), Interactions cosmopolites. Lorganisation de la participation plurilingue, Limoges, Lambert-Lucas, 2962.
Markaki, Vassiliki, et al. (2013), Multilingual practices in professional settings. Keeping the delicate
balance between progressivity and intersubjectivity, in : Anne-Claude Berthoud/Franois Grin/
Georges Ldi (edd.), Exploring the dynamics of multilingualism : the DYLAN project, Amsterdam/
Philadelphia, Benjamins, 332.
Martinet, Andr (1972), Linguistique applique, in : Andr Martinet (ed.), Linguistique, Paris, Denol,
209214.
Matthey, Marinette (1996), Apprentissage dune langue et interaction verbale. Sollicitation,
transmission et construction de connaissances linguistiques en situation exolingue, Bern,
Lang.
Meiner, Franz-Joseph (1998), Transfer beim Erwerb einer weiteren romanischen Fremdsprache, in :
Franz-Joseph Meiner/Marcus Reinfried (edd.), Mehrsprachigkeitsdidaktik. Konzepte, Analysen,
Lehrerfahrungen mit romanischen Fremdsprachen, Tbingen, Narr, 4567.
Meiner, Franz-Joseph, et al. (2004), EuroComRom Les sept tamis : lire les langues romanes ds le
dpart. Avec une introduction la didactique de leurocomprhension, Aachen, Shaker.
Menz, Florian/Gruber, Helmut (2001), Einleitung, in : Helmut Gruber/Florian Menz (edd.), Interdisziplinaritt in der Angewandten Sprachwissenschaft. Methodenmen oder Methodensalat, Frankfurt am Main, Lang, VIIXIV.
Meyer, Bernd (2004), Dolmetschen im medizinischen Aufklrungsgesprch. Eine diskursanalytische
Untersuchung zur Arzt-Patienten-Kommunikation im mehrsprachigen Krankenhaus, Mnster,
Waxmann.
Mondada, Lorenza (2012), The dynamics of embodied participation and language choice in multilingual meeting, Language in Society 41, 213235.
Mondada, Lorenza/Pekarek-Doehler, Simona (2000), Interaction sociale et cognition situe : quels
modles pour la recherche sur lacquisition des langues ?, Aile 12, 147174. http://aile.revues.
org/947 (21.05.2015).
La linguistique applique
637
638
Britta Thrle
Spillner, Bernd (1990), Zwanzig Jahre Angewandte Linguistik in Deutschland. Geleitwort, in : Wolfgang
Khlwein/Albert Raasch (edd.), Angewandte Linguistik heute, Frankfurt am Main, Lang, 79.
Spillner, Bernd (1992), Textes mdicaux franais et allemands. Contribution une comparaison
interlinguale et interculturelle, Langages 105, 4265.
Spillner, Bernd (2007), Sprachliche und kulturelle Kontraste von Fachtexten am Beispiel von
Rechtsverordnungen, in : Dorothee Heller/Konrad Ehlich (edd.), Studien zur Rechtskommunikation, Bern et al., Lang, 83113.
Stegu, Martin (2001), Interdisziplinaritt und Pluralismus : Schlssel- oder Modebegriffe fr die
Angewandte Linguistik, in : Helmut Gruber/Florian Menz (edd.), Interdisziplinaritt in der Angewandten Sprachwissenschaft. Methodenmen oder Methodensalat, Frankfurt am Main, Lang,
251267.
Stegu, Martin (2011a), Postmodern (applied) linguistics, Semiotica 183:1/4, 343357.
Stegu, Martin (2011b), Romanistik, Angewandte Linguistik und Sprachbewusstheit : Querverbindungen und Synergien, in : Wolfgang Dahmen et al. (edd.), Romanistik und Angewandte Linguistik.
Romanistisches Kolloquium XXII, Tbingen, Narr, 2134.
Steinbrgge, Lieselotte (2008), Didaktische Transformationen : Fremdsprachendidaktik zwischen Unterrichtspraxis und philologischer Wissenschaft, in : Adelheid Schumann/Lieselotte Steinbrgge
(edd.), Didaktische Transformation und Konstruktion. Zum Verhltnis von Fachwissenschaft und
Fremdsprachendidaktik in der Romanistik, Frankfurt am Main, Lang, 1321.
Trumpp, Eva Cassandra (1998), Fachtextsorten kontrastiv : englisch deutsch franzsisch, Tbingen, Narr.
Tyne, Henry (2013), Corpus et apprentissage-enseignement des langues, Bulletin suisse de linguistique applique 97, 715.
Winkelmann, Otto (2011), Pldoyer fr eine romanistische Wirtschaftslinguistik, in : Wolfgang Dahmen
et al. (edd.), Romanistik und Angewandte Linguistik. Romanistisches Kolloquium XXII, Tbingen,
Narr, 125159.
Christiane Fcke
1 Introduction
Lenseignement du franais comprend lenseignement du franais langue maternelle
ou premire (FLM), du franais langue seconde (FLS) ou bien du franais langue
trangre (FLE). Tout enseignement est influenc par une grande quantit de facteurs
complexes, tels les enseignants, les apprenants et linstitution ducative et en dehors
de cela par les discours scientifiques, politiques et sociaux ainsi que par les discours
pdagogiques, didactiques et autres. Pour cela, les discours concernant lenseignement des langues sont trs complexes et font lobjet de plusieurs disciplines scientifiques qui ont dvelopp de nombreuses mthodes de recherche, des thories sur
lacquisition des langues et des rflexions mthodiques et didactiques.
ct des distinctions entre lacquisition dune langue maternelle ou premire,
dune langue seconde et dune langue trangre, il est ncessaire de prendre en
compte les particularits de lenseignement du franais dans diffrents pays. En
France, le franais est surtout enseign comme langue premire, tandis que lenseignement du franais dans les pays francophones dpend plutt de diffrents statuts
de la langue : le franais y est-il langue vhiculaire, langue administrative, langue
minoritaire ou bnfice-t-il encore dun autre statut ? Lenseignement du franais
dans un pays non-francophone sera surtout un enseignement de franais langue
trangre. Ainsi, lapprentissage du franais pose des problmes diffrents et prsente
des caractristiques particulires dans ces cas varis.
640
Christiane Fcke
641
642
Christiane Fcke
et verbal, et puis celle des formes complexes (Bernicot/Bert-Erboul 2009, 63ss. ; cf.
Griehaber 2010, 7ss.).
Lacquisition de la langue est considre comme comptence de base qui influence lapprentissage en gnral et, de plus, se ralise en interdpendance avec le
dveloppement cognitif. Lacquisition du langage est suivie par lapprentissage de la
lecture et de lcriture ralis surtout dans lenseignement primaire. Les valuations
des comptences linguistiques des enfants ainsi que les cours de soutien linguistique
qui en rsultent obtiennent une importance de plus en plus croissante. Ainsi, lenseignement du franais dans les institutions prscolaires et scolaires, notamment
lcole primaire, joue un rle indispensable. Les cours de soutien linguistique poursuivent le but de rehausser le niveau linguistique dficitaire chez certains enfants
compar au niveau du dveloppement des autres enfants de leur ge.
643
644
Christiane Fcke
Ltape suivante dans lhistoire de lenseignement des langues est marque par
deux mthodes similaires. La mthode audio-orale est influence par le structuralisme (Bloomfield 1933) et le bhaviorisme depuis les annes 1930. Lanalyse dune
langue ne part plus de la grammaire du latin mais se base sur les noncs et les actes
de langage. Lapprentissage est considr comme conditionn par les stimuli extrieurs qui dclenchent une rponse de lindividu. Par consquent, lenseignement du
franais est caractris par la rptition des exercices pattern drill afin de dominer le
franais de manire automatique.
La mthode audio-visuelle est un dveloppement largissant la mthode audioorale. Partant des mmes rflexions linguistiques, psychologiques et perfectionnes
du CREDIF (Centre de Recherche et dtudes pour la Diffusion du Franais) en France,
la mthode audio-visuelle-structuro-globale (Guberina 1965) est caractrise de plus
par le recours aux mdias. La langue est enseigne dans des contextes, des situations
authentiques et des dialogues excluant entirement la langue premire des apprenants ainsi quune approche cognitive tout en mettant laccent sur les exercices
pattern drill, sur la structuration catgorique dun cours en diffrentes phases et sur
les stimuli visuels.
Cest partir des annes 1970 que lon tmoigne dun renouvellement de lenseignement du franais avec lapproche communicative dans laquelle la comptence
communicative joue un rle primordial (Hymes 1972). On ne souligne pas lusage dun
franais correct sans fautes grammaticales, verbales ou syntaxiques, mais plutt une
communication approprie la situation et aux interlocuteurs. La conception de
lenseignement qui avant tait centre sur la perspective des enseignants et sur le
contenu est remplace par une perspective sur lapprenant et ses besoins comme
point de dpart des rflexions didactiques.
Par la suite, on a complt lapproche communicative en ajoutant dautres
dimensions, p. ex. la didactique interculturelle, la didactique du plurilinguisme, une
perspective cognitive et constructiviste (lautonomie de lapprenant, les stratgies
dapprentissage), les nouveaux mdias (lordinateur et linternet) et lorientation sur
lenseignement par les tches.
lheure actuelle, lenseignement des langues trangres est surtout influenc
par lorientation sur les comptences et les aptitudes. On peut constater un tournant
remplaant linput par loutput, cest--dire par les comptences, les savoirs et les
rsultats de lapprentissage des lves. En gnral, on part dune notion large des
comptences que lon regarde comme les capacits et les aptitudes cognitives dont
lindividu dispose ou quil peut acqurir pour rsoudre des problmes prcis, ainsi
que les dispositions motivationnelles, volitives et sociales qui sy rattachent pour
utiliser avec succs et responsabilit les rsolutions de problmes dans des situations
variables (Weinert 2001, 27s.).
Cette combinaison de la comptence et de la performance se reflte p. ex. dans les
discours de la didactique des langues focaliss sur les comptences interculturelles.
Suite au Cadre europen commun de rfrence pour les langues (CECRL) (Conseil de
645
lEurope 2001), on tablit les trois dimensions quivalentes du savoir, du comportement et des attitudes pour dcrire les comptences interculturelles, ce qui sexprime
galement dans beaucoup de programmes scolaires nationaux.
1 Si lon part du nombre absolu de locuteurs, il ne faut pas oublier le chinois qui est utilis par le plus
grand nombre de locuteurs au total. Contrairement langlais et lespagnol, le chinois ne joue pas le
rle de langue internationale ou de langue vhiculaire.
2 Les estimations du nombre des locuteurs dune langue diffrent, parfois considrablement, selon
diffrentes statistiques. Les chiffres prsents ici refltent les statistiques de Ethnologue (Lewis/
Simons/Fennig 2013), du British Council, de lInstituto Cervantes et de lOrganisation Internationale de
la Francophonie/lObservatoire de la langue franaise.
646
Christiane Fcke
Au cours prparatoire, lapprentissage de la lecture passe par le dcodage et lidentification des mots, par lacquisition progressive des connaissances et comptences ncessaires
la comprhension des textes. Les apprentissages de la lecture et de lcriture, quil sagisse
des mots, des phrases, des textes, mens de pair, se renforcent mutuellement tout au long du
cycle. Ces apprentissages sappuient sur la pratique orale du langage et sur lacquisition du
vocabulaire. Ils saccompagnent dune premire initiation la grammaire et lorthographe.
647
considre comme comptence de base qui permet laccs tous les domaines du
savoir et lacquisition de toutes les comptences (ibid.). En ce qui concerne les
connaissances, on vise un usage correct du vocabulaire, de la grammaire et de
lorthographe. Cela comprend, entre autres, les connaissances dun vocabulaire juste
et prcis, du sens propre et figur dune expression, des structures syntaxiques
fondamentales, de la conjugaison des verbes ainsi que des principales rgles dorthographe lexicales et grammaticales. Au niveau des capacits (Direction gnrale de
lenseignement scolaire 2008, 6ss.), le socle donne des prcisions concernant les
domaines suivants : lire (p. ex. dgager lide essentielle dun texte lu ou entendu),
crire (p. ex. rsumer un texte), sexprimer loral (p. ex. prendre la parole en public),
utiliser des outils (p. ex. des dictionnaires) et dvelopper des attitudes (p. ex. lintrt
pour la lecture).
La fin des tudes secondaires est marque par le diplme national : le baccalaurat. Mme si en France il existe diffrentes filires du baccalaurat portant sur des
priorits diffrentes dans les matires principales, ils ont tous en commun le baccalaurat de franais.
Cette preuve est base sur un programme obligatoire de seconde et de premire.
Lobjectif du franais consiste en trois dimensions : la matrise de la langue, la
connaissance de la littrature ainsi que lappropriation dune culture (Ministre de
lEducation Nationale, Direction gnrale de lenseignement scolaire 2007, 7). Les
perspectives dtude sont centres autour de lhistoire littraire et culturelle, des
genres et des registres, des significations et de la singularit des textes et, pour
terminer, de largumentation et des effets de chaque discours sur ses destinataires.
Les connaissances portent sur les textes, surtout littraires, et sur la langue, cest-dire une matrise du vocabulaire, de la syntaxe et des formes de discours. Les objets
dtude exemplaires suivants servent illustrer ces perspectives. En outre, le programme contient, entre autres, dans le domaine du roman la lecture des auteurs tels
Balzac, Hugo, Duras, Tournier, Ben Jelloun et Pennac, mais galement des auteurs
non-francophones tels Dickens, Goethe et Tolsto. Cette liste complexe se poursuit de
la mme manire dans les autres genres littraires, p. ex. la posie depuis du Bellay
jusqu luard ou bien le thtre de Molire jusqu Brecht. Lexamen se ralise sous
forme orale et crite.
648
Christiane Fcke
649
comptences de franais des locuteurs non-natifs. Parmi ces diplmes, les plus
importants sont le Diplme dtudes en langue franaise (DELF) et le Diplme approfondi de langue franaise (DALF), cres par le ministre franais de lducation
nationale et administrs par le Centre international dtudes pdagogiques (CIEP) de
Svres. Ces diplmes, depuis 2005 adapts au CECRL (Conseil de lEurope 2001),
comprennent six niveaux diffrents : DELF A1 et A2, DELF B1 et B2, DALF C1 et C2,
chacun valuant les comptences rceptives et productives sparment et sadressant
quatre groupes cibles : aux enfants (DELF PRIM), aux adolescents (DELF junior/
scolaire), aux adultes (DELF tous publics ) et aux professionnels (DELF PRO). Ils
diffrent dans les thmatiques, la complexit ou le niveau des examens et les tablissements organisant les examens (cf. Lescure et al. 2001).
La structure et le format des tches correspondent des formats de tests valides,
fiables et objectifs, permettant ainsi un niveau lev de transparence et de comparabilit. Les contenus des exercices visent valuer la manire comment le candidat
arrive communiquer dans les situations de communication ralistes, focalisant ainsi
la langue trangre comme moyen de communication dans la vie quotidienne, ngligeant la fois les comptences de lecture et de comprhension des textes littraires
ou encore le domaine du savoir-tre.
Epreuve nationale et internationale, uniformise et standardise, le DELF montre
le chevauchement des domaines du franais langue trangre et du franais langue
seconde. Ainsi, depuis 2007, le DELF scolaire est propos aux enfants primo-arrivants, participants une classe daccueil (CLA) et qui peuvent passer les preuves du
DELF pour les niveaux A1, A2 ou encore B1.
650
Christiane Fcke
3 http://www.univ-paris3.fr/departement-didactique-du-francais-langue-etrangere-dfle22792.kjsp
(1.1.2014).
4 Cf. www.francophonie.org (29.12.2013).
651
dapprenants de franais dans les pays de lAmrique et des Carabes, de 27,2 millions
en Europe, de 26,4 millions en Afrique du Nord et au Moyen Orient, de 51,3 millions en
Afrique Subsaharienne et dans les pays de lOcan Indien, ainsi que de 2,4 millions en
Asie et Ocanie.5 Lvolution des apprenants de/en franais entre 2007 et 2010 montre
une augmentation nette du total des apprenants de/en franais en Asie et Ocanie et
surtout dans les pays africains, tandis que surtout en Europe et moins en Amrique et
dans les Carabes, le nombre dapprenants baisse nettement.6 Comme une description
individuelle de lensemble de ces pays francophones exigerait trop de place, nous
prsenterons en dtail et titre dexemple deux pays : Le Maroc o le franais tient
une place importante dans lenseignement secondaire et universitaire et le Canada,
pays avec une longue tradition dans lenseignement bilingue du franais bas sur
limmersion.
652
Christiane Fcke
annes 1980. Mme si depuis les annes 1950 la gnralisation de lenseignement fait
preuve dun succs considrable, le systme ducatif reste encore caractris par un
chiffre faible du taux brut de scolarisation ainsi que des chiffres levs du taux
dabandon et du redoublement. De plus, il faut partir dun niveau approximatif de
taux dalphabtisation de 57% des adultes en 2004 (Berrada Gouzi/El Aoufi 2007, 22)
qui reflte plus ou moins le taux dachvement de lenseignement primaire. De plus, il
existe une disparit significative entre les sexes et galement entre le milieu urbain et
le milieu rural, somme toute une tendance alarmante prenant en compte les efforts
pour la gnralisation de la scolarisation (ibid., 21).
Depuis lindpendance de la France, le Maroc a successivement arabis toutes les
matires dans lenseignement jusqu 1989. Le franais apparat comme langue
seconde obligatoire depuis la troisime anne de lenseignement fondamental (Benzakour/Gaadi/Quefflec 2000, 90).
Cependant, le franais reste langue denseignement dans certaines matires de
lenseignement suprieur. Comme le franais occupe une place importante dans
lenseignement universitaire, larabisation de lenseignement scolaire implique galement des inconvnients, diminuant les comptences de franais des lves et constituant ainsi un obstacle laccs aux tudes suprieures, dautant plus que larabe
standard et le franais reprsentent non seulement deux langues diffrentes mais
aussi deux cultures, orientales et occidentales, et deux modes de penses diffrentes
(Benzakour/Gaadi/Quefflec 2000, 92s.).
ct de ce systme ducatif officiel au Maroc, il existe un rseau des tablissements scolaires denseignement franais au Maroc (Service de Coopration et dAction Culturelle 2007) scolarisant une minorit litiste dlves dans ses grandes villes.
Ces coles bnficient de lhomologation du ministre franais de lEducation
nationale et dispensent un enseignement conforme aux programmes franais (ibid.).
Ce vestige du pass colonial assure une ducation franaise et contribue ainsi galement lenseignement du franais au Maroc.
653
glophones. Quelque 20% de Canadiens se disent bilingues franco-anglais. La population francophone est compose de Qubcois, locuteurs natifs du franais, un tiers de
la population du Nouveau-Brunswick pour la plupart dorigine acadienne, galement
locuteurs natifs de franais, et une minorit francophone et bilingue dans dautres
provinces domines par les anglophones.
Le franais est la langue seconde la plus tudie au Canada, bien tablie dans le
systme scolaire entier. Il est appris comme langue premire par les monolingues,
comme langue de minorit par les francophones bilingues et comme langue seconde
ou trangre dans une grande varit de contextes diffrents. Ainsi, le franais
canadien est caractris par des varits rgionales entrainant un usage plus ou
moins soutenu.
Le franais langue trangre, tudi lextrieur du Qubec par les non-francophones, reprsente la forme dacquisition la plus rpandue au Canada. Cet enseignement est surtout concentr sur la grammaire afin de dvelopper des comptences de
communication fondamentales. Dans lensemble, ces programmes enseignent aux
lves davantage la comprhension du vocabulaire et des rgles de grammaire que la
production orale, permettant notamment de raliser une conversation libre.
Au Canada, on peut aussi apprendre le franais partir des programmes dimmersion depuis les annes 1960 (cf. Rebuffot 1993). Cet enseignement prsente diffrentes
formes dimmersion : limmersion totale o le franais est utilis comme langue
dinstruction dans lensemble des matires et limmersion partielle o le franais nest
utilis que dans certaines matires. On distingue diffrentes accentuations de ces
programmes concernant les degrs dencouragement des deux langues, ainsi une
immersion transitoire, de maintien ou denrichissement. De plus, on distingue selon
les groupes cibles limmersion prcoce (lves de 5 ans), limmersion moyenne (8 ans)
et limmersion tardive (11 ans) (cf. Fcke 2010, 88ss.). De nombreuses recherches sur
lducation bilingue ont indiqu un niveau trs lev defficacit, surtout au niveau
des comptences rceptives (cf. Cummins 1998).
Les adultes ont galement diverses possibilits dapprendre le franais comme
langue trangre, p. ex. dans des coles de langues prives, dans des institutions
comme lAlliance franaise ou lInstitut franais ou bien encore dans des universits.
Ces dernires offrent maintes occasions pour apprendre la langue et, dans le cas des
provinces francophones, mme un enseignement en franais.
Au Qubec, il faut distinguer lacquisition du franais par les non-francophones
et lacquisition du franais par les francophones (cf. Nadasdi 2014). Depuis les annes
1970, limportance du franais au Qubec ne cesse daugmenter, d une ducation
en franais de la majorit des rsidents. tre bilingue est devenu une caractristique
de la socit qubcoise qui inclut mme les rsidents anglophones (cf. Auger 2005).
Plus de 40% de la population qubcoise est bilingue franco-anglais, un chiffre bien
plus lev que dans les autres provinces canadiennes (17%).
Ontario et au Nouveau-Brunswick, lacquisition du franais est ralise par une
minorit francophone dans un contexte anglophone. Ontario, il existe un rseau
654
Christiane Fcke
labor dtablissements scolaires francophones dans lesquels les lves francophones dominent ainsi que des coles dimmersion de franais pour les lves nonfrancophones (cf. Rebuffot 1993). Le franais est utilis surtout dans des contextes
dducation, provoquant une rduction du nombre de locuteurs qui utilisent le plus
souvent une varit informelle du franais.
Le Nouveau-Brunswick est la seule province dans lAcadie dans laquelle le
franais, ct de langlais, a un statut de langue officielle. Depuis la Loi sur les
langues officielles du Nouveau-Brunswick en 1963, cette province est officiellement
bilingue. Un tiers de la population est francophone et un tiers se considre bilingue
(cf. Valdman/Auger/Piston-Hatlen 2005). Cette province dispose dun systme labor dcoles francophones. De plus, maintes rgions offrent des programmes dimmersion.
655
enseignement prcoce, tout comme les premires annes au lyce, est caractris par
une progression lente et une concentration sur loral appliquant les mthodes de la
pdagogie active. Dans la trs grande majorit des cas, le franais est appris comme
langue vivante 2, cest--dire partir de la classe 6 par des lves gs de 11 12 ans.
Compar au franais LV1, la progression est plus leve et lobjectif de cet enseignement consiste atteindre le niveau B1 (Niveau Seuil) du CECRL (Conseil de lEurope
2001) aprs cinq annes dapprentissage, cest--dire la Mittlere Reife, laquelle
correspond au brevet des collges (Kultusministerkonferenz 2003). Selon les standards ducatifs, lenseignement du franais se fixe comme objectif datteindre le
niveau B2 sur lchelle globale du CECRL (niveau avanc ou indpendant) la fin de
lenseignement secondaire, cest--dire le baccalaurat (Kultusministerkonferenz
2012, 14).
Lenseignement du franais est pass par diffrentes tapes (voir ci-dessus). La
premire moiti du XXe sicle est caractrise par la mthode grammaire-traduction et
par une conception du franais concentre sur la littrature, la culture et lhistoire de
la France ainsi que sur lusage correct de la langue. Cette conception tant la base
dun enseignement du franais concentr sur les fautes, celle-ci a fortement contribu
la rputation que le franais serait une langue difficile, suscitant ainsi une forte
dmotivation chez les lves. Les annes 1970 marquent un tournant des mthodes de
lenseignement des langues et lorientation sur la comptence communicative (cf.
Hymes 1972), accordant davantage la prparation aux situations de la vie quotidienne.
Depuis les annes 2000, lenseignement des langues en Allemagne suit lorientation
sur les comptences communicatives, interculturelles et mthodiques (Kultusministerkonferenz 2003 ; 2012). Au premier plan se trouve lenseignement par les tches,
une approche cognitive, p. ex. par les stratgies dapprentissage, ou bien lorientation
sur le plurilinguisme (cf. Fcke 2010, 52ss.).
Lenseignement universitaire du franais se ralise dans des cours de langues
visant une matrise du franais et il sadresse aux tudiants de langues et littratures
romanes ainsi quaux tudiants dautres matires souhaitant perfectionner leurs
comptences en franais. De plus, le franais constitue la base des tudes de franais
(tudes de bachelor, de master ou de formation des enseignants). En gnral, le
franais nest pas utilis comme langue denseignement.
5 Conclusion
Langue internationale vritable et langue vhiculaire dans de nombreux pays du
monde, le franais fait figure de langue maternelle, langue seconde et langue trangre pour un nombre considrable de personnes. Ainsi, lacquisition du franais est et
continue dtre un objet de recherche et joue un rle important dans lenseignement
scolaire et universitaire de maints pays. Cependant, le franais se voit confront la
prdominance de langlais comme lingua franca occasionnant vraisemblablement une
656
Christiane Fcke
6 Bibliographie
Auger, Julie (2005), Un bastion francophone en Amrique du Nord : le Qubec, in : Albert Valdman/
Julie Auger/Deborah Piston-Hatlen (edd.), Le franais en Amrique du Nord ; tat prsent,
Qubec, Presses de lUniversit Laval, 3979.
Benzakour, Fouzia/Gaadi, Driss/Quefflec, Ambroise (2000), Le franais au Maroc. Lexique et
contacts de langues, Bruxelles, Duculot.
Bernicot, Josie/Bert-Erboul, Alain (2009), Lacquisition du langage par lenfant, Paris, In Press.
Berrada Gouzi, Abderrahman/El Aoufi, Nourredine (2007), La non scolarisation au Maroc. Une analyse
en termes de cot dopportunit, edd. Royaume du Maroc, Ministre de lducation Nationale/
UNICEF, http://www.unicef.org/morocco/french/La_non_scolarisation_au_Maroc%281%29.pdf
(12.09.2013).
Bloomfield, Leonard (1933), Language, New York, Holt, Rinehart & Winston.
Borel, Stphane (2012), Langues en contact langues en contraste. Typologie, plurilinguismes et
apprentissages, Bern et al., Lang.
Braine, Martin D. S. (1963), The octogeny of English phrase structure : the first phrase, Language 39,
313.
Braselmann, Petra M. E. (1999), Sprachpolitik und Sprachbewusstsein in Frankreich heute, Tbingen,
Niemeyer.
Chomsky, Noam (1969), Topics in the theory of Generative Grammar, The Hague et al., Mouton.
Colls, Luc/Dufays, Jean-Louis (2003), Langues maternelle et premire/langues trangre et seconde : quelles convergences et quelles spcificits ?, in : Luc Colls/Jean-Louis Dufays/Costantino Maeder (edd.), Enseigner le franais, lespagnol et litalien. Les langues romanes lheure
des comptences, Bruxelles, De Boeck Duculot, 121130.
Colls, Luc/Dufays, Jean-Louis/Maeder, Costantino (edd.) (2003), Enseigner le franais, lespagnol
et litalien. Les langues romanes lheure des comptences, Bruxelles, De Boeck Duculot.
Conseil de lEurope (2001), Cadre europen commun de rfrence pour les langues, Paris, Didier.
Coyle, Do/Hood, Philip/Marsh, David C. (2010), CLIL. Content and language integrated learning,
Cambridge et al., Cambridge University Press.
Cummins, Jim (1998), Immersion education for the millennium : What we have learned from 30 years
on second language immersion, www.iteachilearn.com/cummins/immersion2000.html
(04.01.2014).
Direction gnrale de lenseignement scolaire (2008), Le socle commun de connaissances et de
comptences. Dcret du 11 juillet 2006, Mars 2008, http://cache.media.eduscol.education.fr/
file/socle_commun/00/0/socle-commun-decret_162000.pdf (12.09.2013).
Dulay, Heidi/Burt, Marina (1974), Natural sequences in child second language acquisition, Language
Learning 24, 3753.
Fcke, Christiane (2010), Fachdidaktik Franzsisch, Tbingen, Narr.
Geiger-Jaillet, Anemone (2005), Le bilinguisme pour grandir. Natre bilingue ou le devenir par lcole,
Paris, LHarmattan.
657
658
Christiane Fcke
Vitor, Wilhelm (1882/1984), Der Sprachunterricht mu umkehren. Ein Beitrag zur berbrdungsfrage von Quousque Tandem, ed. Konrad Schrder, Mnchen, Hueber.
Weinert, Franz E. (2001), Vergleichende Leistungsmessung in Schulen eine umstrittene Selbstverstndlichkeit, in : Franz E. Weinert (ed.), Leistungsmessungen in Schulen, Weinheim/Basel,
Beltz, 1731.
Christina Reissner
27 La recherche en plurilinguisme
Abstract : Les dveloppements technologiques et socitaux des dernires dcennies
ont dbouch sur lapparition de nouvelles disciplines linguistiques qui quittent la
perspective habituelle monolingue en portant per definitionem sur plusieurs langues
la fois. Jadis localis dans le domaine de la linguistique compare, les perspectives
ont volu et lun des champs de recherche rcents dans le domaine de la linguistique
applique est celui de la recherche en plurilinguisme, Mehrsprachigkeitsforschung en
langue allemande.
La prsente contribution fournit un aperu des diffrents lments essentiels du
domaine en mettant laccent sur ltude de lducation au plurilinguisme dans ses
composantes linguistiques et politiques. Dans un premier temps, seront rsums le
fondement politique europen ainsi que les instruments europens mis la disposition des acteurs concerns pour promouvoir la diversit linguistique. Dans la seconde
partie, seront tals les fondements linguistiques de lintercomprhension (IC) en tant
quapproche plurielle ainsi que le rle du franais langue trangre (FLE) au vu de
lducation au plurilinguisme, en particulier dans le contexte scolaire et/ou universitaire allemand.
0 Introduction
Le point de dpart des rflexions suivantes se situe dans la reconnaissance de la
diversit linguistique en tant quatout prcieux pour les socits, en Europe et audel. Avec la mondialisation de lconomie et la mobilit des citoyens, les comptences linguistiques gagnent de plus en plus dimportance. Les transformations sociales,
conomiques, juridiques et culturelles commencent produire des retombes en
matire de politiques linguistiques et ducatives : lenseignement et lapprentissage
des langues gagnent du terrain dans les discussions, en particulier sous langle dune
approche transversale qui sous-tend une ducation au plurilinguisme en tant que
comptence globale, loin de se limiter au domaine linguistique. Avant dentrer dans
le vif du sujet, nous tenons prciser quelques notions de base.
660
Christina Reissner
661
La recherche en plurilinguisme
662
Christina Reissner
les systmes ducatifs des pays membres, avant daborder, titre exemplaire, les
fondements linguistiques de lapproche de lIC ainsi que la question du rle du FLE pour
lenseignement plurilingue dans le contexte scolaire et universitaire en Allemagne.
4 Cf. http://europa.eu/legislation_summaries/institutional_affairs/treaties/treaties_maastricht_fr.
htm (20.11.2014).
663
La recherche en plurilinguisme
lindividu, la matrise des langues est reconnue comme facteur-cl pour lidentit et la
citoyennet europenne. Ainsi, lUE constate : La matrise de plusieurs langues
communautaires est devenue une condition indispensable pour permettre aux citoyens de lUnion de bnficier des possibilits professionnelles et personnelles que
leur ouvre la ralisation du grand march intrieur sans frontiers (UE 1995, 54). En
2001, lAnne europenne des langues5 est organise en collaboration avec lUE et le
CoE pour encourager et promouvoir le multilinguisme et lapprentissage tout au long
de la vie, ce dernier prsentant lun des objectifs qui caractriseront dsormais la
politique europenne communautaire.
Depuis le sommet de Barcelone en 2002 (cf. UE 2002), avec la formule 2+1 , et
dans la vise globale de la croissance et de lemploi, est rclam lapprentissage dau
moins deux langues en plus de la langue maternelle, un but qui nest gure atteint dans
les tats membres (cf. UE 2012a). Le plan daction Promouvoir lapprentissage des
langues et la diversit linguistique (cf. UE 2003)6 confirme : En bref, la capacit de
comprendre dautres langues et de communiquer dans dautres langues constitue lune
des comptences de base que doivent avoir tous les citoyens europens (ibid., 4).
Un nouveau cadre stratgique pour le multilinguisme est publi en 2005 (UE 2005)
et dfinit comme lment essentiel de la politique europenne le rle majeur que
jouent les langues et le multilinguisme dans lconomie, ce qui amne encourager
lapprentissage et lusage des langues. Le cadre europen des comptences cls pour
lducation et la formation tout au long de la vie dfinit les bases essentielles de
lapprentissage, dont font partie la connaissance des langues trangres et les techniques pour apprendre apprendre (UE 2007).
En 2007, le groupe de haut niveau pour le multilinguisme lance le Forum des
entreprises pour le multilinguisme pour examiner les incidences que peuvent avoir les
comptences linguistiques sur les affaires et lemploi dans lUnion europenne.7 Le
Nouveau cadre stratgique de 2005 est remplac en 2008 par la communication
Multilinguisme : un atout pour lEurope et un engagement commun (cf. UE 2008b) ;
dsormais, la Commission aborde lapprentissage des langues dans le contexte de la
cohsion sociale et de la prosprit.
La croissance intelligente, durable et inclusive sont les nouvelles priorits du
programme Europe 2020 (UE 2010) ; lenseignement/apprentissage des langues et la
diversit linguistique continuent constituer des lments essentiels pour le dveloppement personnel et professionnel ainsi que pour la cohsion sociale et la comptiti
5 Cf. http://europa.eu/legislation_summaries/education_training_youth/lifelong_learning/c11044_
fr.htm (20.11.2014).
6 Depuis les annes 2000, la politique communautaire prend de plus en plus en compte les langues et
cultures pratiques en famille et dans la vie quotidienne, quelles soient rgionales ou issues de
limmigration.
7 Convoqu par le commissaire pour le multilinguisme L. Orban (le poste tant supprim ds la
lgislature suivante).
664
Christina Reissner
vit conomique. Ainsi, en 2012, la Commission tient rappeler son attention particulire lapprentissage des langues :
lheure de la mondialisation des changes, la capacit parler une langue trangre est un
facteur de comptitivit. Les langues contribuent de plus en plus accrotre lemployabilit et la
mobilit des jeunes; a contrario, les lacunes en la matire constituent un obstacle majeur la
libre circulation des travailleurs. Les entreprises exigent galement les comptences linguistiques
ncessaires leur fonctionnement sur un march mondialis (UE 2012b, 1).
665
La recherche en plurilinguisme
ment des langues et daider les Europens apprendre les langues de manire plus
efficace .9
La Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires est le premier instrument multilatral europen juridiquement contraignant. Elle est destine dune
part protger et promouvoir les langues rgionales ou minoritaires en tant
quaspect menac du patrimoine culturel europen, et dautre part favoriser lemploi des langues rgionales ou minoritaires dans la vie prive et publique (CoE
1992).10
partir de 1997, les activits visent explicitement la promotion du plurilinguisme et du pluriculturalisme et sensibiliser au rle des langues pour la construction dune identit europenne et de la cohsion sociale en Europe. Le Conseil de
lEurope accorde une importance particulire au dveloppement du plurilinguisme,
cest--dire lenrichissement du rpertoire plurilingue dune personne tout au long
de la vie (CoE 2006, 5).
Les instruments principaux de la politique linguistique du CoE ont influenc
significativement les politiques linguistiques et ducatives dans les tats membres et
seront rcapituls brivement en ce qui suit.
666
Christina Reissner
sont centrs sur ces activits de communication (ibid., 39ss.). Le rfrentiel tablit un
regard novateur sur les savoir-faire, en introduisant la notion de la diffrenciation des
comptences. Cette approche permet une observation et reconnaissance explicite des
comptences partielles, jusquici quasiment ignores : La reconnaissance formelle de
capacits de ce type aidera promouvoir le plurilinguisme par lapprentissage dune
plus grande varit de langues europennes (ibid., 39ss.). Ancr dans lapproche
communicative et actionnelle de lenseignement et de lapprentissage des langues
(ibid., 46ss.), le CECR se focalise sur laction et la tche (ibid., 121ss.), visant lautonomie
des apprenants.
Le CECR propose une dfinition de la comptence plurilingue et pluriculturelle de
nature volutive ; sa richesse et sa diversit sont aussi importantes que le niveau de
comptence atteint dans une langue particulire. Lexprience interculturelle et la
dcouverte des modes de vie et de pense des autres trouvent toute leur place dans
cette perspective.
Somme toute, le Cadre introduit une description de la matrise langagire par
types de comptences et sous-comptences, inhabituelle voire inconnue jusquici
pour beaucoup dacteurs concerns. En plus, le CoE publie un guide qui relie les
examens de langues au rfrentiel dans le but d aider les concepteurs dexamens
laborer des procdures transparentes et concrtes pour situer leurs examens par
rapport au CECRL, les appliquer et en rendre compte dans un processus cumulatif
de perfectionnement continu (CoE 2009a, 1).
Dans les pays membres, on observe divers degrs de rattachement des programmes de langues vivantes au cadre de rfrence. Sa mise en uvre stend de labsence
totale de toute rfrence officielle jusqu son ancrage et implmentation dans la
lgislation. Ainsi, en France11 comme en Allemagne,12 les niveaux du CECR sont repris
dans les codifications ducatives.
11 Le code franais de lducation sy rfre dans son article D31216, cf. http://www.legifrance.gouv.
fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=89B78A105535CD9E3A48E6900BDF3433.tpdjo01v_1?idArticle=
LEGIARTI000006526467&cidTexte=LEGITEXT000006071191&dateTexte=20140525 (25.11.2014).
12 Cf. les Bildungsstandards , Kultusministerkonferenz 2012, http://www.kmk.org/ (25.11.2014).
667
La recherche en plurilinguisme
13 Les documents du PEL peuvent tre consigns et mis jour le cas chant : leuropass de
comptences, le dossier, la biographie langagire, cf. le site web : http://europass.cedefop.europa.eu/
fr/home (25.11.2014).
14 Un guide pour ltablissement du PEL est disponible en ligne : http://www.coe.int/t/dg4/education/elp/default_fr.asp (25.11.14).
15 Cf. le site internet de lAutobiographie : http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/ (25.11.2014).
668
Christina Reissner
La perspective des auteurs du CARAP se fonde sur les quatre types suivants dapproches plurielles : lveil aux langues, lEnseignement interculturel, lIntercomprhension et la Didactique intgre (Candelier et al. 2012, 6). Il existe de multiples chevauchements et intersections entre et au travers des divers approches et concepts. Nous
nous limiterons donner des descriptions synthtisant les susdites approches plurielles sans expliciter les arrire-plans respectifs, hormis lIC romane qui sera discute
plus en dtail grce son rle particulier pour lducation au plurilinguisme et
lenseignement du franais langue trangre en Allemagne (cf. infra, chap. 4).
16 Candelier et al. (2012) donnent une vue densemble des arguments pour le caractre complmentaire du CARAP relatifs aux autres instruments du CoE.
17 Cf. le site web du CARAP : http://carap.ecml.at/Keyconcepts/ (25.11.2014).
669
La recherche en plurilinguisme
langues. Selon la dfinition de Candelier, il y a veil aux langues lorsquune part des
activits porte sur des langues que lcole na pas lambition denseigner (Candelier
2003, 1). Le concept vise sensibiliser la diversit linguistique et initier
lapprentissage des langues tout au long de la vie. Ainsi, on peut inclure cette
approche dans la perspective de Language Awareness dvelopp par Hawkins (1984).
Dans le contexte de lapproche de lveil aux langues, parmi dautres, on a vu se
dvelopper en particulier les programmes Evlang et Janua Linguarum (cf. Candelier
2003 ; Candelier et al. 2003), ainsi que le projet ELODIL visant favoriser lveil au
langage et louverture la diversit linguistique.18
18 Cf. le site Ja-Ling sur le site du CELV : http://jaling.ecml.at/ ainsi que http://www.elodil.com
(25.11.2014).
19 En langue allemande on parle de Mehrsprachigkeitsdidaktik ; pour les diffrents aspects conceptuels entre les auteurs francophones et germanophones, cf. lexpos fortement rvlateur de Candelier
(2008, 76ss.).
670
Christina Reissner
4 Linguistique et plurilinguisme
Grce aux politiques europennes, il incombe un rle cl au plurilinguisme dans le
domaine de lducation ; comme nous venons de le dvelopper, la stature du plurilinguisme individuel est non seulement due au phnomne de la globalisation, mais
aussi celui de leuropisation, notamment en matire de politiques ducatives.
Ces tendances se refltent galement dans le domaine linguistique ; depuis
quelque temps, diverses disciplines se reconstituent, en passant de lorientation
habituelle monolingue louverture la dimension plurielle, en portant per definitionem sur plusieurs langues la fois. Ainsi, lune des disciplines linguistiques rcentes
est celle de leurolinguistique qui se penche sur les langues dEurope dune vue
globale, tendue sur divers aspects comme i. e. lhistorique, la politique, la linguistique et le culturel (cf. Hinrichs 2010). Malgr sa dmarcation des disciplines (mono-)
20 Ou bien de lenseignement dune matire intgre une langue trangre (EMILE), en allemand
bilingualer Sachfachunterricht, en anglais Content and Language Integrated Learning (CLIL).
21 Cette question est lun des desiderata en matire de lducation plurilingue.
La recherche en plurilinguisme
671
672
Christina Reissner
comprehension.eu ; cf. Capucho/Oliveira 2005) ; EuRom4/5 (http://www.eurom5.com ; cf. BlancheBenveniste/Valli 1997) ; Miriadi (http://miriadi.net/).
Cf. galement le site web du rseau europen pour lIC, Redinter (http://www.redinter.eu) (tous les
sites consults le 25.11.2014).
673
La recherche en plurilinguisme
tion des bases linguistiques du transfert entre et travers les langues romanes. En
catgorisant les formes, fonctions et concepts parallles et/ou communs, elles facilitent le transfert entre les langues et les rendent plus transparentes. Or, les bases de
transfert permettent didentifier des lments connus et de comprendre plus facilement les autres langues romanes.
La systmatisation dEuroCom comprend sept catgories : les sept tamis. La
notion de tamis se rfre mtaphoriquement lacte de filtrage du matriel langagier
afin didentifier les lments communs et transparents.
Les deux premiers tamis se rfrent aux bases lexicales pour exploiter les transparences entre les langues latines : le lexique international avec des cultismes provenant des grandes cultures antiques, des scientismes et des nologismes, souvent
base latine ou anglo-amricaine, ainsi que le lexique pan-roman qui reflte lhritage
commun des langues romanes.
Les troisime et quatrime tamis fournissent les correspondances et les rgularits phontiques et les rapports phono-graphiques travers les langues romanes.
Dune part, sont systmatiss ici les correspondances phontiques qui permettent de
mieux identifier les lexmes qui ont subi des transformations phontiques tout au
long de leur histoire et qui sont cause de cela moins transparents et difficiles
reconnatre. Dautre part, les conventions graphiques et les diffrents systmes de
prononciation sont clairs par la systmatisation du quatrime tamis pour rendre les
langues-cible plus transparentes.
Les langues romanes partagent des structures syntaxiques de base qui sont
largement parallles et font lobjet du cinquime tamis. Il prsente neuf phrases
fondamentales pan-romanes ainsi que dautres structures syntactiques communes
telles que les propositions relatives et conditionnelles, lhypotaxe, le grondif, les
interrogations, la dualit des aspects etc. (Meiner et al. 2004, 225ss.). Les schmas
communs qui existent dans le domaine de la morpho-syntaxe, p. ex. la formation des
phrases nominales et des adverbes, les conjugaisons, les articles, les marques du
pluriel, laccord des adjectives etc., font lobjet du sixime tamis.
La dernire catgorie de bases de transfert se voue aux eurofixes, i. e. des prfixes
et des suffixes prsentant des intermorphmes et qui sont la base de la formation de
nombreux interlexmes. Ces lments facilitent lidentification ainsi que la catgorisation des mots dans les langues-cibles aussi bien que la segmentation des groupes
phrastiques pour accder plus facilement au sens de llment en question.
En ractivant ses connaissances pralables dans les domaines de lexique et de
grammaire, des structures de la langue ainsi que de par son exprience dapprentissage dune (ou plusieurs) langue(s) (trangres), lapprenant dispose des ressources
et des savoirs exemplaires pour dautres langues (cf. Klein/Stegmann 2000 ; Meiner
et al. 2004). Lintercomprhension sappuie donc sur une langue pont ou langue dpt
pour crer (dabord) une comptence rceptive pluri-langue (cf. Klein 2002). La
capacit tablir des rgularits inter- et intra-linguistiques et mettre en uvre des
stratgies daccs au sens sont des facteurs-cl pour le passage dune langue lautre.
674
Christina Reissner
23 Les instruments du CECR et du CARAP mettent disposition des outils pour lvaluation multidimensionnelle, manire dvaluer les activits plurielles postule par Coste et al. (2009, 34). Caddo/
Jamet (2013) donnent une vue densemble des descripteurs respectifs du CARAP pour lIC (ibid., 8285)
qui, selon nos observations, peut tre largie plusieurs descripteurs non voqus dans leur travail (cf.
Reissner 2014).
La recherche en plurilinguisme
675
Somme toute, les rsultats du travail plurilingue mettent en relief les bnfices de
lapproche plurilingue et multidimensionnelle. Selon nos expriences et analyses de
lIC dans le groupe des langues romanes, lapproche se propose fortement pour
enrichir lenseignement des langues vivantes en largissant son horizon de la dimension plurielle et plurilingue. Concrtement, lIC permet douvrir de nouvelles perspectives pour lintroduction dans les langues parentes du franais dans lenseignement
qui sont, lexception de lespagnol, peu enseignes dans les systmes scolaires,
aussi bien en Allemagne quen France.24
24 En Allemagne, 4,5% des lves apprennent lespagnol, 8,7% le latin (anne scolaire 2012/13 ;
Statistisches Bundesamt 2014, 21).
25 Les 16 Lnder sont souverains en matire dducation ; la confrence permanente des ministres
de lducation a pour objet dharmoniser les politiques ducatives en constituant des standards
676
Christina Reissner
6 Conclusion
La mise en uvre des principes de lenseignement du plurilinguisme (au sens large)
dans les systmes nationaux reflte de plus en plus les politiques ducatives linguistiques europennes. Or, pour la majorit des Europens, le plurilinguisme envisag par
communs de qualit pour toutes les institutions ducatives allemandes, cf. www.kmk.org/
(25.11.2014) ; cf. Polzin-Haumann/Reissner (2012).
677
La recherche en plurilinguisme
7 Bibliographie
Br, Marcus (2008), Enseignement plurilingue : la construction dune comptence de lecture en
plusieurs langues (romanes), Synergies Pays germanophones 1, Berlin, Avinus, 113122.
Beacco, Jean-Claude/Byram, Mike (2007), De la diversit linguistique lducation plurilingue : Guide
pour llaboration des politiques linguistiques ducatives en Europe, Strasbourg, Conseil de
lEurope.
Beacco, Jean-Claude, et al. (2010), Guide pour le dveloppement et la mise en uvre de curriculums
pour une ducation plurilingue et interculturelle, Strasbourg, Conseil de lEurope.
Blanche-Benveniste, Claire/Valli, Andr (edd.) (1997), Lintercomprhension : le cas des langues
romanes. Le franais dans le monde, Recherches et applications, n spcial, janvier 1997, Paris,
Hachette.
Caddo, Sandrine/Jamet, Marie-Christine (2013), Lintercomprhension. Une autre approche pour
lenseignement des langues, Paris, Hachette.
Candelier, Michel (2003), Evlang. Lveil aux langues lcole primaire Bilan dune innovation
europenne, Bruxelles, De Boek/Duculot.
Candelier, Michel (2008), Approches plurielles, didactiques du plurilinguisme : le mme et lautre,
Cahiers de lACEDLE 5, 6590, http://acedle.org/spip.php?rubrique56 (25.11.2014).
Candelier, Michel, et al. (2003), Janua Linguarum La porte des langues. Lintroduction de lveil aux
langues dans le curriculum. Lintroduction de lveil aux langues dans le curriculum, Strasbourg,
Conseil de lEurope.
Candelier, Michel, et al. (2012), Le CARAP. Un Cadre de Rfrence pour les Approches Plurielles
des Langues et des Cultures. Comptences et ressources, Strasbourg, Conseil de
lEurope.
Capucho, Maria Filomena/Oliveira, Ana Maria (2005), Eu+I On the Notion of intercomprehension, in :
Adriana Martins (ed.), Building Bridges : EU+I, European Awareness and Intercomprehension
(1118), Centro Regional da Beiras, Universidad Catolica Portuguesa, 1118.
Castellotti, Vronique/Moore, Danile (2006), Parcours dexpriences plurilingues et conscience
rflexive, Le franais dans le monde, Recherches et Applications 39, 5468.
678
Christina Reissner
Castellotti, Vronique, et al. (2004), Portfolio europen des langues, collge, Paris, Didier/ENS/CIEP.
Causa, Mariella (2011), Penser et se former lducation plurilingue : enseigner/apprendre le franais
autrement, in : Claudia Polzin-Haumann/Dietmar Osthus (edd.), Sprache und Sprachbewusstsein
in Europa. Beitrge aus Wissenschaft, ffentlichkeit und Politik/Langues et conscience linguistique en Europe. Une approche pluridisciplinaire : entre sciences, opinion publique et politique,
Bielefeld, transcript, 2536.
CoE (Conseil de lEurope) (1992), Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires (STCE
no. : 148), http://conventions.coe.int/Treaty/fr/Treaties/Word/148.doc (20.04.2014).
CoE (Conseil de lEurope) (2000), Portfolio Europen des Langues, principes et lignes directrices,
Strasbourg, Conseil de lEurope, http://www.coe.int/t/dg4/Linguistic/Source/Guidelines_FR.
pdf (25.11.2014).
CoE (Conseil de lEurope) (2001), Un Cadre europen commun de rfrence pour les langues :
Apprendre, enseigner, valuer, http://www.coe.int/t/dg4/education/elp/elp-reg/Source/Key_
reference/CEFR_FR.pdf (25.11.2014).
CoE (Conseil de lEurope) (2006), Lducation plurilingue en Europe 50 ans de coopration internationale, Strasbourg, Conseil de lEurope.
CoE (Conseil de lEurope) (2009a), Relier les examens de langues au Cadre europen commun de
rfrence pour les langues : Apprendre, enseigner, valuer (CECRL). (CECR DG IV/EDU/LANG
20035), Strasbourg, Conseil de lEurope.
CoE (Conseil de lEurope) (2009b), Plateforme de ressources et de rfrences pour lducation
plurilingue et interculturelle. [DG IV / EDU / LANG (2009)2], Strasbourg, Conseil de lEurope,
www.coe.int/lang/fr (25.11.2014).
CoE (Conseil de lEurope) (2009c), Autobiographie des rencontres interculturelles, Strasbourg, Conseil
de lEurope, http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/ (25.11.2014).
Coste, Daniel (2011), La notion de comptence plurilingue, http://eduscol.education.fr/cid46534/
la-notion-de-competence-plurilingue.html (25.11.2014).
Coste, Daniel, et al. (2009), Comptence plurilingue et pluriculturelle, Strasbourg, Conseil de
lEurope.
Degache, Christian (ed.) (2003), Intercomprhension en langues romanes. Du dveloppement des
comptences de comprhension aux interactions plurilingues, de Galatea Galanet, Grenoble,
Ellug.
Doy, Peter (2005), Intercomprehension. Guide for the development of language education policies in
Europe : from linguistic diversity to plurilingual education. Reference study, Language Policy
Division, Strasbourg, Council of Europe, http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/source/doye%
20en.pdf (25.11.2014).
Doy, Peter/Meiner, Franz-Joseph (edd.) (2010), Lernerautonomie durch Interkomprehension : Projekte und Perspektiven/Lautonomisation de lapprenant par lintercomprhension : projets et
perspectives/Promoting Learner Autonomy through intercomprehension : projects and perspectives, Tbingen, Narr.
Escud, Pierre (2011), Origine et contexte dapparition du terme dintercomprhension, RedinterIntercompreenso 1, 103123.
Gogolin, Ingrid (1994), Der monolinguale Habitus der multilingualen Schule, Mnster, Waxmann.
Hawkins, Eric (1984, 1987), Awareness of language : An Introduction, Cambridge, Cambridge University Press.
Hinrichs, Uwe (ed.) (2010), Handbuch der Eurolinguistik, Leipzig, Harrassowitz.
Hufeisen, Britta/Lutjeharms, Madeline (2005), Gesamtsprachencurriculum, Integrierte Sprachendidaktik, Common Curriculum, Tbingen, Narr.
Hufeisen, Britta/Marx, Nicole (2007), EuroComGerm Die sieben Siebe : Germanische Sprachen lesen
lernen, Aachen, Shaker.
La recherche en plurilinguisme
679
Hufeisen, Britta/Neuner, Gerhard (2003), Synergy in the learning of subsequent languages, Strasbourg, Conseil de lEurope.
Jamet, Marie-Christine (2010), Lintercomprhension : de la dfinition dun concept la dlimitation
dun champ de recherche ou vice versa ? Autour de la dfinition, Publifarum 11, http://www.
publifarum.farum.it/ezine_articles.php?art_id=144 (25.11.2014).
Klein, Horst G. (2002), Das Franzsische : die optimale Brcke zum Leseverstehen romanischer Sprachen, Franzsisch heute 33, 3446.
Klein, Horst G./Reissner, Christina (2003), EuroComRom : Die historischen Grundlagen der romanischen Interkomprehension, Aachen, Shaker.
Klein, Horst G./Stegmann, Tilbert D. (2000), EurocomRom Die sieben Siebe : Romanische Sprachen
sofort lesen knnen, Aachen, Shaker.
Knigs, Frank G. (2002), Mehrsprachigkeit ? Ja, aber Lernpsychologische, curriculare und fremdsprachenpolitische Gedanken zu einem aktuellen Thema der Fremdsprachendidaktik, Franzsisch heute 1, 2233.
Meiner, Franz-Joseph (1989), Grundwortschatz und Sprachenfolge. Eine statistische Quantifizierung
zum lexikalischen Transfer : Franzsisch/Englisch Englisch/Franzsisch, Spanisch, Italienisch,
Franzsisch heute 17, 377387.
Meiner, Franz-Joseph (2003), Grundberlegungen zur Praxis des Mehrsprachigkeitsunterrichts, in :
Franz-Joseph Meiner/Ilse Picaper : Mehrsprachigkeitsdidaktik zwischen Frankreich, Belgien und
Deutschland. La didactique du plurilinguisme entre la France, la Belgique et lAllemagne.
Contributions au Colloque sur le Plurilinguisme entre Rhin et Meuse, 21/XI/2003, Tbingen, Narr,
92106.
Meiner, Franz-Joseph (2005), Mehrsprachigkeitsdidaktik revisited : ber Interkomprehensionsunterricht zum Gesamtsprachencurriculum, Fremdsprachen Lehren und Lernen 34, 125145.
Meiner, Franz-Joseph/Reinfried, Marcus (1998), Mehrsprachigkeit als Aufgabe des Unterrichts romanischer Sprachen, in : Franz-Joseph Meiner/Marcus Reinfried (edd.), Mehrsprachigkeitsdidaktik. Konzepte, Analysen, Lehrerfahrungen mit romanischen Fremdsprachen, Tbingen, Narr,
923.
Meiner, Franz-Joseph, et al. (2004), EuroComRom les sept tamis. Lire les langues romanes ds le
dpart. Avec une introduction la didactique de leurocomprhension, Aachen, Shaker.
Ministerium fr Bildung Saarland (2011), Das Sprachenkonzept Saarland 2011 Neue Wege zur
Mehrsprachigkeit im Bildungssystem, Saarbrcken, http://www.saarland.de/dokumente/thema_bildung/Das_Sprachkonzept_Saarland_2011.pdf (25.11.2014).
Neuner, Gerhard, et al. (2003), La comptence interculturelle, Strasbourg, Conseil de lEurope.
Polzin-Haumann, Claudia/Reissner, Christina (2012), Perspectives du franais en Sarre : Politiques et
ralits, Synergies Pays germanophones 5, Berlin, Avinus, 129144.
Reissner, Christina (2007), Die romanische Interkomprehension im pluridisziplinren Spannungsgefge, Aachen, Shaker.
Reissner, Christina (2014), Das Vorwissen im (Fremd)Sprachenunterricht nutzen Beispiele aus der
Praxis sprachenbergreifender Schulprojektseminare im Saarland, in : Eva Maria Fernndez
Ammann et al., Herkunftsbedingte Mehrsprachigkeit im Unterricht der romanischen Sprachen,
Berlin, Frank & Timme, 207230.
Statistisches Bundesamt (2014), Schulen auf einen Blick, Ausgabe 2014, Wiesbaden, Statistisches
Bundesamt.
Strathmann, Jochen (2010), Spanisch durch EuroComprehension Multimediale Spracherwerbsprozesse im Fremdsprachenunterricht, Aachen, Shaker.
UE (Union europenne) (1995), Livre blanc sur lducation et la formation. Enseigner et apprendre.
Vers la socit cognitive, http://ec.europa.eu/education/doc/official/keydoc/lb-fr.pdf
(20.04.2014).
680
Christina Reissner
Achim Stein
Keywords : ressources lectroniques, traitement automatique des langues, outils linguistiques, corpus textuels, langages de balisage
1 Introduction
Il y a plus de vingt ans, Fillmore opposa de manire caricaturale la linguistique
thorique (armchair linguistics) la linguistique des corpus, et dit propos de leurs
reprsentants :
These two dont speak to each other very often, but when they do, the corpus linguist says to the
armchair linguist, Why should I think that what you tell me is true ? , and the armchair linguist
says to the corpus linguist, Why should I think that what you tell me is interesting ? (Fillmore
1992, 35).
cette poque les ordinateurs personnels avaient conquis une place sur le
bureau de beaucoup de linguistes, et certains sen servaient non seulement pour
rdiger leurs publications, mais pour analyser la matire premire, le langage. Il
ny a pas lieu dapprofondir la polmique de Fillmore, puisquil fait allusion
une opposition entre linguistique thorique et linguistique empirique qui est
aujourdhui obsolte, et ce pour deux raisons. Pour ce qui est de la linguistique
thorique, il est vrai quelle ne repose pas principalement sur les ressources
lectroniques, mais on peut nanmoins constater une tendance croissante
fonder les publications actuelles sur les donnes empiriques, que ce soit dans les
tudes synchroniques ou diachroniques. Pour ce qui est de la linguistique des
corpus, on constate quelle sappuie aujourdhui sur des ressources si importantes
et des outils si performants que ses rsultats clairent les recherches thoriques
au mme niveau que les disciplines empiriques bien tablies, comme la psycholinguistique p. ex.
682
Achim Stein
Cette contribution ne tentera pas de dresser linventaire des ressources disponibles : il y en aurait trop, et une liste sur papier se primerait vite1 et serait peu utile.
En revanche, elle tentera (a) dvaluer la signification des ressources pour la recherche linguistique actuelle, (b) de rflchir la faon dont elles influencent les
conditions de travail des linguistes thoriques 2 et les rsultats des recherches en
linguistique et (c) de prsenter certains dveloppements rcents qui aident
combler, notamment en linguistique de corpus, le foss entre les tudes thoriques
et empiriques.
La place quoccupe la linguistique lintrieur du domaine des humanits numriques (digital humanities) est partage par la linguistique computationnelle et la
linguistique proprement dite (ou, si lon prfre, traditionnelle ). Cette contribution
est crite dans la perspective du linguiste qui utilise certaines mthodes et applications computationnelles et qui a une exprience modeste dans le dveloppement de
ressources linguistiques utilises dans le traitement automatique des langues (TAL).
2 Ressources
2.1 Annotation et standardisation
Bien que nimporte quel texte brut puisse en principe tre lobjet dune tude linguistique, cette partie se consacrera exclusivement aux corpus annots . Cela signifie
que le texte est enrichi au moins dune annotation structurale, en gnral sous forme
dun balisage XML (Extensible Markup Language). Mme une telle annotation rudimentaire peut contenir de linformation linguistique lorsquelle reflte le dcoupage
dun texte en paragraphes, en phrases ou en mots. Une vritable annotation
linguistique ajoute cependant le rsultat de lanalyse phontique, morphologique,
syntaxique ou smantique au texte en question.
Cette volution de la linguistique de corpus a profondment chang et enrichi les
recherches en linguistique. Dune part, en approfondissant la coopration entre
linguistique et informatique, elle a contribu la cration de la linguistique computationnelle, de lautre elle a amen une partie des linguistes soit dvelopper des
ressources pour le TAL soit les exploiter pour dvelopper ou vrifier leurs hypothses thoriques.
Sur le plan technique, lannotation linguistique est en principe indpendante du
texte dans la mesure o les types dinformations se trouvent non seulement lint
1 Cest aussi pour cette raison que nous indiquerons le nom des sites ou des institutions plutt que de
fournir des URL (adresses internet) prcises, mais peu durables.
2 Pour faciliter ma tche, jutilise linguistes thoriques par opposition linguistes de corpus, conscient
du fait que ce choix terminologique nest pas le plus heureux, mais thorique est moins connot que
moyen (dprciatif pour les linguistes thoriques) ou normal (dprciatif pour les linguistes de corpus).
683
rieur du balisage XML, mais aussi bien dlimits, comme le montre lexemple suivant
o les annotations morphologie et lemme sont reprsentes par deux attributs
distincts de la balise mot :
(1)
(2)
Le langage XML, tout en imposant certaines contraintes aux annotateurs, permet donc
de reprsenter les proprits des lments individuels aussi bien que les relations
entre eux. Il est donc suffisamment expressif pour rendre un grand nombre de
structures linguistiques. Mais les exigences dans le domaine de la standardisation
vont plus loin : XML nest quun standard technique permettant dencoder un texte
digitalis tout comme une banque de donnes gntique. Lexemple peut sembler
satisfaisant, mais il utilise des attributs et des valeurs arbitraires. La standardisation
du langage XML lintrieur dun domaine dapplication est en gnral confie des
spcialistes, comme p. ex. ceux du comit ISO/TC 37, o plusieurs groupes de travail
soccupent de la normalisation terminologique, des schmas dannotation, des formats de reprsentation pour les diffrents types de textes ou des banques de donnes
lexicales. Un autre exemple est la TEI (Text Encoding Initiative), qui recommande des
formats XML pour encoder les ressources textuelles. Si les recommandations de la TEI
sont aujourdhui respectes dans beaucoup de textes digitaliss, il nen est pas de
mme pour les ressources linguistiques, o le codage, mme en format XML, ne
respecte que rarement les mmes consignes. Dans lexemple, le choix des attributs
(mot, morph, lemme, cat) est aussi arbitraire que le choix des valeurs qui forment une
liste close, comme les parties de discours (ADV) ou les fonctions grammaticales
(Mod). Et ceci pour des raisons videntes : avec un peu de peine, les linguistes
pourraient peut-tre se mettre daccord sur le nombre des parties de discours (onze ?),
mais quen est-il de la terminologie, ou, pire encore, des abrviations utilises dans
lannotation ? Sans parler des principes danalyse (donc : adverbe ou conjonction ?
variable en fonction du contexte ou non ?). Et la fonction grammaticale Mod(ifieur)
indique clairement la partie prise pour une analyse syntaxique dpendancielle la
684
Achim Stein
685
686
Achim Stein
ressource extensible : le balisage XML permet dajouter des informations issues dautres projets de recherche sans nuire lintgrit de la ressource dorigine, qui peut tre
rcupre nimporte quel moment. Ce principe est un des grands atouts de ce
format, et il est appliqu aux ressources lexicales aussi bien quaux corpus, o il
permet soit dintgrer les diffrentes couches dannotation soit de les rpertorier dans
des fichiers indpendants, relis par des identifieurs. Cette mthode dannotation
dbarque (Loiseau 2007, stand-off annotation) rend les ressources plus maniables.
2.3 Outils
2.3.1 Annotation manuelle et annotation automatique
Une annotation suivant les principes mentionns plus haut peut se faire manuellement, assiste par des diteurs XML ou des outils spcialement conus pour des
tches dannotation spcialises (comme p. ex. lajout dune transcription phontique
un enregistrement). Cette mthode laborieuse est un exemple de transfert de
lexpertise des locuteurs et des linguistes (Fuchs/Habert 2001, 4), et linformation
ainsi transfre peut bnficier dautres recherches linguistiques. Mais puisque ces
annotations de haute qualit ne peuvent pas se faire une chelle plus large, elles
sont en gnral rserves des petits corpus spcialiss, comme les corpus historiques, ou plus couramment, des corpus de rfrence destins servir de standard
dor (gold standard) lentranement des outils dapprentissage automatique. Dans
ce qui suit, deux types doutils seront prsents, pour lannotation du mot et de la
phrase, respectivement : les tiqueteurs (part of speech taggers), parce que ltiquetage morphologique est aujourdhui assez facile raliser et parce quil permet de
mieux cibler les requtes dans un grand nombre de domaines (morphologie, lexicologie, syntaxe etc.), et les parseurs syntaxiques (parsers) parce que cest un domaine en
forte volution qui fournira des outils performants dans un avenir trs proche. Il est
vrai quen gnral, ces outils ont t dvelopps par des informaticiens ou des
linguistes computationnels, et trs souvent, ils ne seront pas la porte des linguistes
non spcialiss dans ces domaines. Il sagira donc dexpliquer les principes et les
problmes de leur fonctionnement ainsi que dinsister sur leur apport aux recherches
en linguistique franaise. Lintgration de ces outils spcialiss dans des solutions
plus globales sera discute dans le paragraphe 2.3.5.
687
tre bass sur des lexiques ou non. Mais il existe aussi des systmes bass sur des
rgles, suivant la mthode de Brill (1992), qui utilisent des rgles graphiques et
contextuelles. Puisque lanalyse dune graphie prsuppose la rsolution des ambiguts homographiques (p. ex. entre porte graphie verbale ou nominale), les fonctions de
ltiquetage et de la lemmatisation sont souvent runies dans un mme outil. TreeTagger (Schmid 1994 ; le programme est gratuitement disponible sur son site : CIS,
Universitt Mnchen) en est un exemple : il utilise un lexique de formes graphiques
associes une tiquette morphologique (et optionnellement un lemme), ainsi
quun corpus dentranement pr-annot pour apprendre la probabilit contextuelle
des tiquettes (p. ex. : la position X dans le contexte X-nom-adjectif , un article
est plus probable quun verbe). Ces probabilits servent rsoudre les ambiguts
mentionnes. TreeTagger est compos de deux programmes : le programme dentranement lit le corpus dentranement et stocke linformation lexicale et les probabilits des catgories dans un fichier de paramtres. Ce processus est en gnral effectu
par les dveloppeurs qui disposent du corpus dentranement. Le deuxime programme est ltiqueteur proprement dit : il utilise les paramtres pour transformer un
texte brut en ressource annote (H. Schmid distribue les paramtres pour une quinzaine de langues, pour le franais cf. Stein/Schmid 1995). Ce processus dannotation
est trs rapide, mais il doit tre lanc sur la ligne de commande, ce qui peut sembler
rbarbatif aux utilisateurs habitus aux interfaces graphiques. Les formats dentre
(le texte brut) et de sortie (le texte annot) sont des fichiers de texte, un mot par ligne,
o le dcoupage des mots doit tre conforme celui du corpus dentranement. Ce
prtraitement exige dautres comptences de la part des utilisateurs. Certains systmes, comme TreeTagger, fournissent des scripts pour ce genre de traitement, mais les
textes bruts prsentent souvent des particularits qui ncessitent des manipulations
au-del du simple dcoupage lexical.
Aux ventuels problmes pratiques sajoutent les problmes mthodiques. Le hic
de tous les outils probabilistes est leur taux derreur : entrans sur un standard dor
de taille limite, ils ne seront jamais prpars tous les contextes imaginables et
commettront forcment des erreurs, et les systmes travaillant avec un lexique tomberont toujours sur des mots inconnus. Les outils se distinguent par les stratgies quils
adoptent pour palier ce problme des donnes non vues , mais un certain taux
derreur est invitable. Certains systmes peuvent afficher le degr de certitude
lorsquils prennent une dcision (p. ex. dans le cas dune ambigut homographique),
mais en gnral ces donnes ne sont pas incluses dans lannotation des corpus. Si une
telle ressource annote est utilise dans un travail de recherche, il est donc impratif
de prendre connaissance des principes dtiquetage et de tenir compte des taux
derreurs si on procde des interprtations quantitatives. Un deuxime problme est
le fait que les utilisateurs passifs , cest--dire ceux qui ne crent pas eux-mmes
leur corpus dentranement, dpendront toujours des paramtres disponibles, qui
reposent en grande majorit sur lanalyse dun langage assez standardis, souvent
des textes de journaux. Ces paramtres contiennent un jeu dtiquettes prdfini, ce
688
Achim Stein
qui force les utilisateurs adopter les principes dannotation (et les thories sousjacentes) du corpus dentranement. Si les tiqueteurs produisent des rsultats assez
satisfaisants dans lanalyse de la langue standardise, il nen est pas de mme pour
les ressources non canoniques , comme la langue parle ou ancienne, et dune
manire gnrale pour toutes les varits qui sloignent de la norme. Pour le moyen
franais, Gilles Souvay a dvelopp le systme LGerm (Souvay/Pierrel 2009). Celui-ci
se base sur les associations entre un lemme et ses graphies dune part et sur des rgles
flexionnelles de lautre. Grce LGerm, les utilisateurs peuvent interroger le DMF
malgr les variations graphiques, et mme en utilisant des formes du franais
moderne (cf. paragraphe 2.2).
689
Les parseurs sont forcment plus complexes que les tiqueteurs : les informations
traites sont lexicales (partie de discours) aussi bien que configurationnelles (ordre
des mots). Car lanalyse syntaxique se greffe en gnral sur une analyse lexicale,
souvent incluse dans les systmes. Lexemple prsent ici sont les outils mate (mate
tools, Bohnet 2010), gratuitement disponibles sur le site de Google Code. Ils incluent
entre autre un tiqueteur et un parseur dpendanciel, ainsi que des paramtres pour
langlais, lallemand et le franais. Le principe dentranement est le mme que celui
de ltiqueteur probabiliste, mais plus complexe, car les probabilits doivent tre
calcules pour chaque arc de tous les graphes reprsentant une structure dpendancielle, tout en incluant les informations lexicales. Le graphe qui runit les probabilits
les plus leves est retenu comme analyse. Ce processus dentranement est coteux :
il se fera normalement dans un environnement o plusieurs processeurs travaillent en
parallle. Il en rsulte des paramtres pour la morphologie, la lemmatisation (si
prsente dans le corpus dentranement) et les relations dpendancielles. Tout comme
avec ltiqueteur prsent dans le paragraphe 2.3.2, la partie analyse est une tche
plus lgre qui peut tre excute sur un ordinateur de bureau normal. Le format de
sortie est galement un format textuel compos de onze colonnes (cf. CoNLL-2009
Shared Task : Syntactic and Semantic Dependencies in Multiple Languages) dont les
plus importantes sont celle qui rpertorie les dpendances entre les nuds, cest-dire les mots dans un modle dpendanciel, et celle qui attribue une fonction grammaticale (sujet, objet, etc.) cette relation.
Dans le cas de lannotation syntaxique il est plus difficile de simaginer quelle
soit dun intrt gnral, puisque lanalyse morphologique est souvent suffisante pour
rsoudre les ambiguts lexicales. En plus, la complexit des parseurs et leurs exigences matrielles, au moins pour la partie entranement, laissent supposer que peu de
linguistes thoriques annotent leurs ressources syntaxiquement. Le fonctionnement
des parseurs a t prsent en plus grand dtail tout dabord parce que les premiers
corpus syntaxiquement annots ont t publis rcemment (cf. paragraphe 2.3.4),
mais aussi parce que les nouvelles plateformes linguistiques vont permettre un
accs beaucoup plus facile ces outils (cf. paragraphe 2.3.5).
La diffrence entre les modles syntaxiques mentionne plus haut (2.3.3) est exemplifie par les deux premiers corpus du franais historique qui sont syntaxiquement
annots, MCVF et SRCMF. Le corpus MCVF (Modliser le changement, les voies du
franais, Martineau 2009) a t publi par luniversit dOttawa. Il sagit dun corpus
diachronique contenant des textes entre le XIe et le XVIIIe sicle avec un total de plus
dun million de mots. Lpoque de lancien franais (avant 1350) est reprsente par
treize textes contenant 361.283 mots, ce qui quivaut 23.558 phrases dans la version
syntaxiquement annote. SRCMF (Syntactic Reference Corpus of Medieval French,
690
Achim Stein
691
dpendanciel avait galement jou un rle dans ces considrations. Concernant les
principes dannotation et la longvit des ressources discuts dans le paragraphe 2.2,
le projet SRCMF a essay dadopter la voie dune ouverture et dune accessibilit
maximale : en dehors dune documentation explicite des principes dannotation
(donc de la partie linguistique du projet), lannotation syntaxique est encode en un
format ouvert et bien dfini (RDF/XML), le processus dannotation se fait moyennant
le logiciel NotaBene (Mazziotta 2010a ; 2010b), qui est gratuitement disponible et qui
assure lexport en deux autres formats : TigerXML, qui permet dexploiter le corpus
avec loutil TigerSearch (galement gratuit) et CoNLL, qui permet dentraner des
parseurs dpendanciels (cf. paragraphe 2.3.3). Cette dmarche est cense faciliter
lagrandissement du corpus, et elle est actuellement applique la collection des Plus
anciens documents linguistiques de la France (DocLing, cf. Glegen 2003) qui recevront
une annotation syntaxique suivant le mme modle.
La standardisation des formats des ressources textuelles a sans doute attnu les
problmes crs par la digitalisation des ressources linguistiques. Mais la grande
majorit de la gnration actuelle na pas bnfici dune formation informatique, et
mme aujourdhui la formation de la nouvelle gnration de linguistes ne transmet
que trs exceptionnellement ces connaissances. Par consquent, la manipulation
dun fichier texte en dehors dun systme de traitement de texte (qui naurait de toute
faon pas les capacits ncessaires) ou la cration dun fichier XML dans un diteur
XML sont des tches qui ne relvent pas de la comptence des linguistes thoriques,
non spcialiss dans les corpus ou le TAL. Or, lutilisation des ressources digitalises
est tellement devenue monnaie courante que le besoin de fonder ses recherches sur
des donnes empiriques mme dans les domaines plus thoriques devient de plus en
plus pressant. Deux tendances rcentes peuvent tre considres comme rponses
cette situation.
La premire solution consiste envelopper les outils individuels et peu
conviviaux dans un environnement facilitant leur gestion, une sorte de plateforme
informatique. La plateforme TXM (Heiden/Magu/Pincemin 2010) a t dveloppe
dans le projet ANR Textomtrie dans le but de runir en un seul environnement les
techniques pour la gestion de grands corpus et pour faciliter les analyses statistiques
des donnes textuelles. Elle a t cre dans lesprit de lopen source : non seulement
elle est disponible librement et gratuitement, mais elle est conue pour lintgration
dautres outils linguistiques qui sont distribus dans cet esprit (pour plus dinformation et le lien daccs au portail TXM pour le web cf. le site Textomtrie de lENS de
Lyon). Les possibilits offertes par TXM ne seront dcrites que de faon sommaire ici,
mais pour les linguistes thoriques il est probablement de premire importance que le
logiciel contrairement dautres produits issus de la recherche en TAL soit trs
692
Achim Stein
bien document et que les dveloppeurs ainsi que les utilisateurs partagent leurs
expriences. TXM offre un mode demploi en ligne ou tlchargeable, des vidos, un
wiki et une liste de diffusion. Une fois install, le programme permet non seulement
dimporter des textes et deffectuer des recherches, mais aussi si les utilisateurs le
dsirent de les annoter en intgrant dautres outils, de visualiser les rsultats des
requtes ainsi que de les soumettre des analyses statistiques. Lutilisation minimale,
la recherche dans les corpus, est la porte de tous les utilisateurs. La possibilit de
grer des outils dannotation permet de crer une ressource enrichie lintrieur de la
plateforme, sans tre oblig de lancer manuellement les programmes, cest--dire
sans utiliser la ligne de commande. Ainsi, il est facile dajouter des tiquettes morphologiques ou des lemmes son corpus (cf. tiquetage morphologique, paragraphe
2.3.2), et ce processus est bien document. Par rapport dautres logiciels issus de la
recherche, TXM prsente par ailleurs lavantage dtre conu par une quipe franaise
qui accorde une certaine prfrence lexplication du traitement des ressources
franaises (dans la documentation, p. ex.). Mme si tous les utilisateurs ne sintressent pas lexploitation statistique des rsultats, qui est videmment lobjectif principal dun outil textomtrique, lutilisation dune telle plateforme TXM est un progrs
norme du point de vue des linguistes, car elle facilite grandement la manipulation
des corpus et des outils de corpus qui ntaient accessibles qu la minorit des
chercheurs qui acceptaient de consacrer une partie considrable de leur temps se
former dans ce domaine spcialis. Toujours est-il quil reste des inconvnients :
linstallation (bien quautomatise) du logiciel, sa configuration, la lecture dau moins
une partie de la documentation, sans oublier la gestion des donnes sur son ordinateur.
La deuxime solution est galement une sorte de plateforme, mais elle va plus
loin dans la mesure o elle remplace lutilisation locale des logiciels par des services
en ligne. Cette dmarche est dj bien tablie dans dautres domaines (logiciels
bureautiques, stockage des donnes etc.), et lUnion Europenne a lanc linitiative
CLARIN (Common Language Resources and Technology Infrastructure) pour ltablir
dans le domaine de la linguistique. Ceci nest pas le seul objectif de CLARIN : les
chercheurs en linguistique bnficieront aussi du virtual language observatory, rpertoriant les ressources disponibles pour diffrentes langues (9.542 ressources en franais, chiffre relev le 9.2.2014). Un des rsultats est la plateforme virtuelle Weblicht
(Web-based Linguistic Chaining Tool). Sa conception ressemble celui de TXM : en
peu de mots, Weblicht est destin faciliter le travail des linguistes en proposant
lutilisation en ligne dun grand nombre doutils pour diffrentes langues. Dans la
perspective des utilisateurs, la plateforme se prsente ainsi : le premier pas est le
tlchargement du texte. Weblicht analysera alors le texte et proposera tous les outils
qui correspondent son profil. Le rsultat dpendra entre autres de la langue, mais
aussi du format et des informations dj prsentes dans la ressource. Pour un texte
brut (non annot), le premier outil sera un tokeniseur capable de dcouper le texte
en entits analysables (en mots, p. ex.). Si cet outil est accept, Weblicht proposera
693
dautres outils danalyse pour le niveau lexical, p. ex. des tiqueteurs ou des lemmatiseurs. Parfois, il sera possible (ou ncessaire) de choisir entre plusieurs outils qui sont
disponibles pour excuter une mme tche. Au niveau suivant, aprs ltiquetage
morphologique, Weblicht pourra proposer un parseur dpendanciel pour ajouter une
structure syntaxique, et ainsi de suite. Les couches de traitement qui pourraient
suivre, sont la smantique (dsambigusation de mots, rsolution des anaphores), la
reconnaissance des mots propres, lalignement des mots ou des phrases dans des
corpus parallles (traductions), etc., suivant la disponibilit des outils, qui, videmment, varie selon la langue de la ressource. De cette manire, et guids par une
interface graphique conviviale (et par leurs besoins), les utilisateurs crent une chane
de traitement pour leur texte, compose dun ou de plusieurs de ces outils, et finissent
par lancer le traitement en cliquant sur un seul bouton. Le processus technique du
traitement sera alors distribu sur les serveurs fournis par le rseau des partenaires
CLARIN, et ceci prsente un autre avantage : il est ainsi possible de bnficier dun
outil mme sil est trop puissant ou trop coteux pour tourner sur un ordinateur de
bureau, puisquaucune installation nest ncessaire. Et parfois mme les experts en
TAL peuvent tre surpris par lexistence doutils qui nont t mis disposition que
rcemment. Bref, les plateformes en ligne sont proches dune solution de rve au
problme qui nous intressait : lcart entre la comptence et le besoin des linguistes
dans le domaine spcialis du TAL. Pourtant, au moins dans ltat de dveloppement
actuel de Weblicht, et considre du point de vue technique, mais parfois aussi de
celui du droit propritaire, cette mthode prsente linconvnient dimpliquer le
transfert des donnes un site virtuel pour les faire traiter. Et aprs le traitement il se
posera toujours la question de son utilisation ultrieure : les requtes et linterprtation de leurs rsultats devront se faire en local. Mais on peut supposer que les outils
dexploitation feront bientt partie de ces services, et il est vrai que les deux projets
prsents ici, Textomtrie et Weblicht se rapprochent dans la mesure o TXM permet
dtre install sur un serveur et pourrait donc proposer ces services dexploitation en
ligne (cf. la version de dmonstration sur le site du projet).
3 Conclusion
Somme toute faite, ltat de lart concernant les ressources et les outils permettant leur
exploitation pour la recherche linguistique a considrablement avanc pendant ces
dernires annes. Cette contribution a prsent un choix de ressources qui intressent
surtout la linguistique franaise, elle a retenu deux tendances gnrales comme tant
particulirement importantes : le dveloppement des mta-outils , qui facilitent la
gestion des donnes et lutilisation de certains logiciels TAL spcialiss, et la mise en
place des services en ligne qui permettent aux chercheurs de produire une ressource
annote indpendamment de toute installation locale. Ces dveloppements rcents
pourraient agrandir la porte des outils et des ressources lectroniques et ainsi
694
Achim Stein
4 Bibliographie
Abeill, Anne/Barrier, Nicolas (2004), Enriching a French Treebank, in : Nicoletta Calzolari et al. (edd.),
4th international conference on language resources and evaluation LREC (Lisbon, 26 may
28 may 2004), http://www.lrec-conf.org/proceedings/lrec2004/pdf/562.pdf.
Bohnet, Bernd (2010), Top Accuracy and Fast Dependency Parsing is not a Contradiction, in : Chu-Ren
Huang/Dan Jurafsky (edd.), Proceedings of the 23rd International Conference on Computational
Linguistics (Coling 2010), Beijing, Coling 2010 Organizing Committee, 8997.
Brill, Eric (1992), A Simple Rule-based Part of Speech Tagger, in : Proceedings of the Third Conference
on Applied Natural Language Processing (ANLC 1992), Stroudsburg, Association for Computational Linguistics, 152155.
Candito, Marie/Crabb, Benot/Denis, Pascal (2010), Statistical French dependency parsing : treebank
conversion and first results, in : Proceedings of LREC2010, La Valletta, http://researchers.lille.
inria.fr/~pdenis/papers/lrec10dep.pdf (24.04.2015).
Dubois, Jean/Dubois-Charlier, Franoise (1997), Les verbes franais, Paris, Larousse.
Fillmore, Charles (1992), Corpus linguistics or Computer-aided armchair linguistics , in :
Jan Svartvik (ed.), Directions in Corpus Linguistics, Berlin/New York, Mouton de Gruyter, 3560.
Franois, Jacques/Le Pesant, Denis/Leeman, Danielle (2007), Prsentation de la classification des
Verbes Franais de Jean Dubois et Franoise Dubois-Charlier, Langue Franaise 153, 319.
Fuchs, Catherine/Habert, Benot (2001), Le traitement automatique des langues, Paris, PUF.
Glegen, Martin-Dietrich (2003), Llaboration philologique et ltude lexicologique des Plus anciens Documents linguistiques de la France laide de linformatique, in : Frdric Duval (ed.),
Actes du Xe colloque international sur le moyen franais (1214 juin 2000, Metz), Paris, cole des
Chartes, 371386.
Hadouche, Fadila/Lapalme, Guy (2010), Une version lectronique du LVF compare avec dautres
ressources lexicales, Langages 179180, 193220.
Heiden, Serge/Magu, Jean-Philippe/Pincemin, Bndicte (2010), TXM : Une plateforme logicielle
open-source pour la textomtrie conception et dveloppement, in : Sergio Bolasco/Isabella
Chiari/Luca Giuliano (edd.), Statistical Analysis of Textual Data-Proceedings of 10th International
Conference JADT 2010, Rome, 911 juin 2010, Rome, Edizioni Universitarie de Lettere Exonomia
Diritto, 2 (3), 10211032.
Leeman, Danielle/Sabatier, Paul (2011), Empirie, thorie, exploitation : le travail de Jean Dubois sur les
verbes franais, Paris, Larousse/Colin.
Loiseau, Sylvain (2007), CorpusReader : un dispositif de codage pour articuler une pluralit dinterprtations, Corpus 7, 153186.
Martineau, France (2009), Le corpus MCVF. Modliser le changement : les voies du franais, Ottawa,
Universit dOttawa.
Mazziotta, Nicolas (2010a), Logiciel NotaBene pour lannotation linguistique. Annotations et conceptualisations multiples, Recherches qualitatives. Hors-srie Les actes 9, 8394.
Mazziotta, Nicolas (2010b), Building the Syntactic Reference Corpus of Medieval French Using
NotaBene RDF Annotation Tool, in : Association for Computational Linguistics (ed.), Proceedings
of the 4th Linguistic Annotation Workshop (LAW IV), 142146.
Prvost, Sophie/Stein, Achim (2013), Syntactic Reference Corpus of Medieval French, Lyon/Stuttgart/
Paris, ENS de Lyon/Lattice/Universitt Stuttgart.
695
Schmid, Helmut (1994), Probabilistic Part-of-Speech Tagging using Decision Trees, in : Daniel Jones
(ed.), Proceedings of the International Conference on New Methods in Language Processing
(NeMLaP94), Manchester September 1994, Manchester, UMIST, 4449.
Souvay, Gilles/Pierrel, Jean-Marie (2009), LGeRM : lemmatization of Middle French words. Traitement
automatique des langues 50:2, 149172.
Stein, Achim/Schmid, Helmut (1995), tiquetage morphologique de textes franais avec un arbre de
dcisions, Traitement automatique des langues 36:12 : Traitements probabilistes et corpus,
2335.
van den Eynde, Karel/Mertens, Piet (2010), Dicovalence. Dictionnaire de valence des verbes franais,
Version 2.0, Leuven, University of Leuven, http://bach.arts.kuleuven.be/dicovalence/
(09.02.2014).
Michael Schreiber
29 Traduction
Abstract : Dans cet article, le phnomne de la traduction en langue franaise sera
trait sous trois perspectives (cf. Schreiber 2006) : 1. Histoire de la traduction, 2. La
traductologie moderne, 3. Traduction et linguistique. Tous les chapitres commenceront par une information bibliographique sommaire. Le premier chapitre montrera,
entre autres, quelles taient les langues sources les plus importantes pour la traduction en langue franaise, du Moyen ge nos jours, et quelles taient les mthodes de
traduction prdominant une certaine poque. Le deuxime chapitre prsentera
quelques thories et auteurs importants de la traductologie moderne en langue
franaise. Le troisime chapitre discutera un choix de problmes linguistiques de la
traduction et de linterprtation, rencontrs dans plusieurs domaines : de la phontique la rhtorique.
1 Histoire de la traduction
Lhistoire de la traduction en France est relativement bien connue, grce un nombre
important de publications sur ce sujet. Plusieurs dentre elles traitent principalement
de la traduction littraire, notamment des grands traducteurs (Cary 1963). Les
publications plus rcentes proposent un panorama plus vaste. P. ex., Nies (2009) a
rassembl les dates sociologiques de nombreux traducteurs franais, pour la plupart
peu connus. La srie Histoire des traductions en langue franaise (Chevrel/Masson
2012ss.) ouvre le champ dans deux directions : gographiquement, vers la francophonie, et textuellement, vers la traduction non-littraire. Le premier volume consacr au
XIXe sicle (Chevrel/Dhulst/Lombez 2012) comporte entre autres les articles Sciences et technique , Philosophes et Textes juridiques .
Malgr ces publications importantes, laspect linguistique de lhistoire de la
traduction na pas t tudi de faon systmatique. Cest pourquoi les sous-chapitres
suivants se proposent de le mettre en exergue. Bien entendu, ce panorama ne saurait
tre exhaustif.
1.1 Moyen ge
Lhistoire de la traduction au Moyen ge en France, comme dans dautres parties
dEurope, est domine par les traductions verticales du latin vers la langue vulgaire
(cf. Folena 1991, 13). Selon Albrecht (1995), les nombreuses traductions du latin vers
697
Traduction
les langues romanes ont jou un rle important pour la relatinisation de celles-ci. Il
cite, dans ce contexte, le traducteur Nicole Oresme qui a travaill pour le roi Charles V
(le Sage), au XIVe sicle. Dans ses traductions, indirectes (grec > latin > franais) pour
la plupart, il introduit souvent un mot savant en y ajoutant un mot populaire ou une
paraphrase correspondante : agent et faiseur, puissance auditive ou puissance de
or, velocit et hastivet (Albrecht 1995, 21). Ce procd explicatif se retrouve dans
beaucoup de traductions de lpoque. Pckl, qui a tudi les contextes historique et
sociologique de cette cole de traduction , met laccent sur la ncessit communicative des traductions du latin vers la langue vulgaire la cour de Charles le Sage :
[] pour ce que les livres morals de Aristote furent faiz en grec, et nous les avons en latin moult
fort a entendre, le Roy a voulu, pour le bien commun, faire les translater en franois, fin que il et
ses conseilliers et autres les puissent mieulx entendre (Nicole Oresme, daprs Pckl 2006, 181).
Si la traduction est une pratique culturelle importante pendant le Moyen ge, il nen
existe pas encore, en franais, un concept bien dfini, exprim par un seul terme
technique. En effet, les traducteurs utilisent des mots et priphrases divers pour
dcrire leur activit :
Les plus frquemment utilises sont translater en franois, translation et translateur, dautres
formules surviennent plus rarement : convertir en franois [], mettre en latin [], transferer du dit
langaige latin en langue franoise [] (Brier 1988, 239).
1.2 Renaissance
Pendant la Renaissance, la langue latine perd de sa prdominance en tant que langue
source. Sous linfluence de lhumanisme, on traduit de plus en plus de textes grecs
daprs la langue originale. Lhumaniste Jacques Amyot, qui passe pour un prcurseur des belles infidles du XVIIe sicle (cf. Mounin 1955, 135), est connu pour sa
traduction lgante des Vies parallles de Plutarque (15591565).
Parmi les langues vulgaires, litalien devient la langue source la plus importante :
Jamais on ne traduisit plus de textes italiens que durant les dernires dcennies du XVIe sicle.
Entre 1570 et 1600, les libraires franais en publirent plus de quatre cents titres, dont la moiti
taient entirement nouveaux (Balsamo 1998, 90).
Les traductions de litalien ont une influence importante sur la langue et la littrature
franaises. Avec Marot, p. ex., le sonnet en tant que genre et en tant que terme
technique trouve sa place en France.
En outre, le XVIe sicle connat le premier thoricien de la traduction en France :
le traducteur et imprimeur tienne Dolet. En 1540, il publie un essai intitul La
manire de bien traduire dune langue en aultre qui comporte cinq rgles de traduction.
Cary souligne limportance linguistique de la quatrime rgle :
698
Michael Schreiber
Il [Dolet] met en regard les langues jeunes de son poque, dites vulgaires, et les grandes langues
de lantiquit classique, pour conseiller de ne pas se laisser envoter par la richesse, la finesse, la
varit de la langue de loriginal et de suivre le commun langage (Cary 1963, 12).
Cest le nombrilisme de la socit de Louis XIV et sa volont dtre le phare de lEurope qui ont
donn la priorit au lecteur franais du XVIIe sicle, et non plus lauteur classique (Balliu
2002, 36).
Or, il y a aussi des voix critiques : Pierre Daniel Huet, dans son importante monographie en deux volumes, intitule De interpretatione (1661), plaide pour une traduction littrale, imitant le plus fidlement possible les structures de la langue source (cf.
Albrecht 1998, 69), et Madame Dacier dfend la position des anciens contre les
modernes dans la querelle sur la traduction dHomre (cf. Cary 1963, 51).
Le XVIIIe sicle connat un changement important quant aux langues sources des
traductions. Avec plus de 1000 traductions, la langue anglaise devient, de loin, la
langue source la plus importante. Selon Nies (2009, 61), l anglomanie de lpoque
est surtout un phnomne de traduction.
Quant la mthode de traduction, le modle des belles infidles est suivi par
de nombreux traducteurs, p. ex. dans les traductions des pices de Shakespeare.
Dans une traduction de De la Place, la pierre se transforme en marbre, et sweet
Hamlet devient un noble Prince (Stackelberg 1971, 589). Voltaire dfend les
traductions naturalisantes des drames de Shakespeare en ces termes : Shakespeare
tait un grand gnie, mais il vivait dans un sicle grossier ; et lon retrouve dans ses
pices la grossiret de ce temps, beaucoup plus que le gnie de lauteur (Mnz
699
Traduction
berg 2003, 265). Et les encyclopdistes soulignent lesprit crateur dun bon
traducteur :
700
Michael Schreiber
de Walter Scott, p. ex., sont trs populaires en France, mais les traducteurs littraires
de lpoque sont assez mal lotis (Pickford 2012, 173). Sous linfluence du romantisme allemand, les mthodes de traduction changent. Selon Stackelberg (1971, 585),
la priode des belles infidles sachve dans les annes 1830 pour faire place des
traductions plus littrales. Chateaubriand traduit Poe, en suivant de prs la syntaxe
de la phrase anglaise.
lchelle de lenseignement, la pratique de la traduction des langues classiques
vers le franais, savoir la version latine et la version grecque , sert former le
style des lves, tandis que la traduction scolaire joue un moindre rle dans dautres
pays (cf. Chervel 2008, 568ss.).
Dans plusieurs pays bilingues ou multilingues, des textes politiques et juridiques
sont traduits en franais. En Suisse, pays officiellement trilingue partir de 1848, les
lois sont traduites de lallemand vers le franais et litalien. Au Canada, partir de
1875, le parlement publie les dbats des deux chambres dans les deux langues
officielles, cest--dire langlais et le franais (cf. Dullion 2012, 1085ss.).
[] le dveloppement spectaculaire de la traduction tant crite quorale lpoque contemporaine est dans une trs large mesure d lapparition des organismes internationaux (premire
mondialisation) ainsi quaux progrs techniques (deuxime mondialisation) (Oustinoff 2003,
111s.).
701
Traduction
Traditionnellement, les lois taient rdiges en anglais et ensuite traduites en franais. En 1978,
le ministre de la Justice du Canada met en uvre un mode de cordaction : deux rdacteurs, un
juriste anglophone et un juriste francophone, rdigent le texte de loi sparment et une quipe de
jurilinguistes les conseille pour assurer une concordance entre les versions (Lavoie 2003, 129).
2 La traductologie moderne
La traductologie, en tant que discipline plus ou moins autonome qui tudie la traduction sous diverses perspectives, se dveloppe partir des annes 1950. Louvrage
dOustinoff (2003), destin au grand public, donne un premier aperu. Pour une
introduction plus complte, voir Guidre (22010). Les paragraphes qui suivent prsentent quelques chercheurs et coles importants de la traductologie francophone. Ils se
limitent un choix de publications caractristiques (cf. Schreiber 2008).
702
Michael Schreiber
[] il nexiste pas de traduction dans labstrait. Le traducteur travaille sur un texte donn, une
certaine poque, dans un certain pays, pour un certain public, en vue dune utilisation dtermine du texte (Cary 1956, 25).
703
Traduction
[] le littralisme, que prnent lesdits sourciers, nest en ralit trs souvent chez le traducteur
quune forme de rgression face une difficult insurmonte (Ladmiral 1999, 45).
La position des sourciers a t dfendue, entre autres, par Antoine Berman et Henri
Meschonnic. Lapproche de Berman est base sur une tude de la thorie de la
traduction pendant le romantisme allemand (Berman 1984). Pour B. Godard, ce livre
signale le dbut dun virage thique en traductologie :
On aurait pu inscrire la transformation des thories de la traduction sous le signe dun virage
thique qui aurait t inaugur en 1984 avec la publication de Lpreuve de ltranger, car
Antoine Berman a privilgi lui aussi les rapports interculturels avec lautre. [] Il articule la
vise thique du traduire en termes de reconnaissance de lAutre : lessence de la traduction est
dtre ouverture, dialogue, mtissage, dcentrement (Godard 2001, 55).
Les traductions courantes de la Bible se sont toutes rsignes ne garder que les ides
(lesprit) et ont abandonn sa forme loriginal, comme intraduisible. Elles transforment un
langage potique en sous-littrature o subsiste seul le sens (Meschonnic 1973, 411).
704
Michael Schreiber
[] dune part il y a lieu dintgrer au modle de pense pratique les conditions conomiques et
sociales qui rendent possible la traduction []. Dautre part, il convient galement dintgrer au
modle les activits des agents [], savoir en tout premier lieu les traducteurs, mais galement
les auteurs du texte source (et leurs diteurs), lditeur du texte cible et les autres agents ddition
du texte cible (Gouanvic 2007, 80).
Traduction
705
3 Traduction et linguistique
Les problmes linguistiques de la traduction dpendent largement de la paire de
langues concerne. Un certain nombre de manuels sont consacrs lintroduction
la traduction de diverses langues en franais ou vice versa. Citons, titre dexemple,
Ballard (22005, anglais-franais) et Hervey/Higgins (1992, franais-anglais), Truffaut
(1983, allemand-franais) et Henschelmann (1999, franais-allemand), ainsi que Podeur (2002, franais-italien et italien-franais). Pour une approche plus vaste, voir la
monographie dAlbrecht (2005), qui contient des exemples en plusieurs langues,
notamment romanes et germaniques.
Pour des raisons videntes, les paragraphes suivants ne pourront que traiter un
choix trs slectif de problmes linguistiques de traduction. Par ce choix, nous
essayerons de dmontrer des affinits entre quelques disciplines linguistiques et
certains types de traduction ou dinterprtation.
Il est vident que le doublage de films ou de sries tlvises prsente des problmes
dordre phontique. On peut, selon Herbst (1994), distinguer plusieurs types de
synchronisme, notamment un synchronisme quantitatif, qui relve de la dure de
lnonc, et un synchronisme qualitatif qui concerne louverture de la bouche et le
mouvement des lvres. Or, ce ne sont pas tous les sons qui posent problme. Parmi les
sons les plus problmatiques, on peut citer les consonnes bilabiales et labiodentales.
En guise dillustration, voici une citation tire du film Some like it hot et de sa version
franaise double (Certains laiment chaud) :
706
Michael Schreiber
Votre cousin ne se ressemble plus lui-mme, dit le Portugais en riant la vicomtesse quand
Eugne les eut quitts. Il va faire sauter la banque .
Ihr Vetter ist ja ganz verwandelt , sagte der Portugiese lachend zur Grfin, nachdem Eugen sie
verlassen hatte. Er wird die Bank sprengen (Schreiber 2012, 250).
Ici, le texte source contient une incise largie. La distance entre la premire et la
deuxime partie du discours direct est plus grande que dans le cas dune incise
minimale du type dit-il . Par consquent, le lecteur doit faire un certain effort pour
interprter la phrase Il va faire sauter la banque comme faisant partie du discours
direct. Dans la traduction, les choses sont beaucoup plus claires : Lemploi strict des
guillemets exclut lincise du discours direct et y inclut la dernire phrase. Ce procd
est conforme aux rgles orthographiques de lallemand, et, par consquent, le cas
normal dans les traductions allemandes.
Or, tous les crivains ne suivent pas les rgles prescriptives de lorthographe.
Dans lexemple suivant, tir du roman Berlin Alexanderplatz, Alfred Dblin prsente
un collage du rcit et de plusieurs citations et allusions (conte de fe, chansons, etc.).
Comme il nemploie ni alina ni guillemets, il y a une fusion complte de tous ces
composants, typique pour ce roman. La traduction franaise, elle, prsente une image
totalement diffrente :
Das schwammige Weib lachte aus vollem Hals. Sie knpfte sich oben die Bluse auf. Es waren
zwei Knigskinder, die hatten einander so lieb. Wenn der Hund mit der Wurst bern Rinnstein
springt. Sie griff ihn, drckte ihn an sich. Putt, putt, putt, mein Hhnchen, putt, putt, putt, mein
Hahn.
La grosse fille rit gorge dploye. Elle dboutonna le haut de son corsage.
Il y avait une fois un prince et une princesse qui saimaient tendrement.
Quand le cleb,
Dans la plbe,
Fait un saut,
Un peu haut,
Il tient entre ses dents
Un saucisson apptissant
707
Traduction
Ainsi, le principe de Carnot [note en bas de page : Daprs le physicien franais Sadi Carnot
(17971832)] est plus connu en allemand en tant que zweiter Hauptsatz der Thermodynamik
bien que la dsignation Carnotscher Kreisprozess existe aussi. [] De mme, le Blaugas qui
ne dsigne point, comme on pourrait le croire, un *gaz bleu , mais un gaz incolore dvelopp
par Blau et Riedinger [] sappelle gaz cyanogne en franais, etc. (Reinart 2005, 13).
Dans le cas de principe de Carnot, le traducteur allemand a donc le choix entre deux
synonymes (lponyme tant moins usit quen franais), tandis que le Blaugas est un
faux ami du traducteur franais.
Les divergences culturelles sont encore plus importantes dans le domaine du
langage conomique :
Ainsi, un comit dentreprise franais na pas les mmes comptences quun Betriebsrat allemand, le revenu minimum dinsertion ne correspond ni tout fait au Arbeitslosengeld ni Hartz
IV, une socit anonyme franaise peut avoir une structure et des organes diffrents de ceux
dune Aktiengesellschaft allemande, etc. Comme les termes rpondent aux besoins habituels
dexpression des usagers, les traducteurs se trouvent l aussi en face dquivalents partiels voire
de lacunes linguistiques quils doivent selon les contextes combler par diffrents procds de
traduction (Reinart 2005, 16).
708
Michael Schreiber
Meine Damen und Herren, zu Beginn unserer Tagung mchte ich den Herrn Oberbrgermeister
dieser schnen Stadt, in welcher wir heute und morgen zu Gast sein drfen, und in welcher wir
vor 17 Jahren schon einmal zusammenkamen, der auch freundlicherweise die Schirmherrschaft
ber unseren Kongress bernommen hat (Feldweg 1996, 48 ; mes italiques, MS).
709
Traduction
On peut par exemple remarquer quil y a normalement plus de redondance loral, plus
dhsitation, de rptitions, de marqueurs dinteraction, ainsi quun registre moins soutenu. En
mme temps, il ne faut pas oublier que, lors du transfert, les sous-titres crits ne seront pas lus
isolment, mais seront perus en tant que composante du texte multimodal que constitue le
programme audiovisuel (erban 2008, 92).
Pour illustrer le passage de la langue parle la langue crite, erban cite ce passage
extrait du film amricain Twelve Angry Men et de sa version franaise sous-titre
( Douze hommes en colre ) :
Look, maybe Maybe this is an idea. Now, I havent given it much thought, but it seems to me that
its up to us to convince this gentleman that hes wrong and were right. Now, maybe if we each
took a couple of minutes just to Well, it was just a quick idea. []
Jai une ide. Il me semble / que cest nous de convaincre monsieur / quil a tort et que nous
avons raison. / Chacun de nous pourrait / Enfin, je dis a comme a. / []
(erban 2008, 96).
Il nest pas surprenant que la traduction des discours politiques pose des problmes
de nature rhtorique. En guise dexemple, nous analyserons une figure rhtorique qui
est typique pour les discours de Nicolas Sarkozy, lancien prsident de la Rpublique
franaise. Il sagit de lanaphore (dans le sens rhtorique), cest--dire, la rptition
des mots ou syntagmes en dbut de phrase. Cette figure est quasi omniprsente dans
les discours de Sarkozy et leur donne souvent un caractre pathtique. Voil un
passage dun discours quil a prononc le 16 mai 2007, aprs son entre en fonction
en tant que prsident de la Rpublique, et la traduction allemande officielle :
710
Michael Schreiber
Je pense Georges Pompidou et Valry Giscard dEstaing qui, chacun leur manire, firent tant
pour que la France entrt de plain-pied dans la modernit.
Je pense Franois Mitterrand, qui sut prserver les institutions et incarner lalternance
politique un moment o elle devenait ncessaire pour que la Rpublique soit tous les
Franais.
Je pense Jacques Chirac, qui pendant douze ans a uvr pour la paix et fait rayonner dans le
monde les valeurs universelles de la France .
Ich denke an alle Prsidenten der V. Republik, die mir vorausgegangen sind.
Ich denke an General De Gaulle, der die Republik zweimal gerettet hat, der Frankreich seine
Souvernitt und dem Staat seine Wrde und Autoritt zurckgegeben hat.
Ich denke an Georges Pompidou und Valry Giscard dEstaing, die jeder auf seine Weise
dafr gesorgt haben, dass Frankreich entschlossen den Schritt ins Zeitalter der Moderne vollzog.
Ich denke an Franois Mitterrand, der es verstanden hat, die Institutionen zu erhalten und zu
einem Zeitpunkt, wo ein politischer Wechsel erforderlich war, um die Republik zur Republik aller
Franzosen zu machen diesen politischen Wechsel zu verkrpern.
Ich denke an Jacques Chirac, der sich zwlf Jahre lang fr den Frieden eingesetzt und den
universellen Werten Frankreichs weltweit Ausstrahlung verliehen hat (Schreiber 2011, 395s.).
Ici en ce 16 aot 1944, ces 35 jeunes Franais qui vont mourir incarnent ce quil y a de plus noble
dans lhomme face la barbarie.
Ici en ce 16 aot 1944 ce sont les victimes qui sont libres et les bourreaux qui sont esclaves.
[] Ils [les rsistants] ont dit non , non la fatalit, non la soumission, non au
dshonneur, non ce qui rabaisse la personne humaine, et ce non continuera dtre entendu
bien aprs leur mort parce que ce non cest le cri ternel que la libert humaine oppose tout ce
qui menace de lasservir.
Ce cri nous lentendons encore.
Ce cri, je veux que dans les coles on apprenne nos enfants lcouter et le comprendre .
Die 35 jungen Franzosen, die am 16. August 1944 an dieser Stelle ihr Leben lassen mssen,
verkrpern das Edelste, was der Mensch im Angesicht der Barbarei in sich trgt.
An diesem 16. August 1944 im Bois de Boulogne sind es die Opfer, die frei sind, und die Scharfrichter unfreie Sklaven.
[] Sie [die Widerstandskmpfer] haben Nein gesagt, haben sich gewehrt gegen ein unabwendbar scheinendes Schicksal, gegen Unterwerfung, gegen Entehrung, gegen alles Erniedrigende,
und dieses Nein wird lange nach ihrem Tod weiter hrbar bleiben, denn dieses Nein ist der
immerwhrende Aufschrei, mit dem sich die menschliche Freiheit allem widersetzt, das sie zu
versklaven droht.
Diesen Aufschrei hren wir noch heute.
Traduction
711
Ich wnsche mir, dass unseren Kindern in den Schulen beigebracht wird, diesen Aufschrei zu
hren und zu verstehen (Schreiber 2011, 396s.).
1)
2)
Les anaphores sur Ici en ce 16 aot 1944 et Ce cri nont pas toujours t traduites en
tant quanaphores, cest--dire au dbut de la phrase. Ainsi, lemphase du discours a t
attnue.
Tandis que le mot non se trouve sept fois dans le texte source, lquivalent allemand
nein ne se trouve que trois fois dans le texte cible, ce qui donne encore un effet
dattnuation.
Le traducteur allemand avait peut-tre des difficults avec un discours si pathtique
propos dun sujet aussi douloureux. Mais, il y a aussi un problme de traduction plus
gnral : Sarkozy sappuie, dans une certaine mesure, sur une tradition rhtorique de la Ve
Rpublique. Plusieurs de ces prdcesseurs ont employ des anaphores dans leurs discours,
notamment Charles de Gaulle. Dans la politique rhtorique de la Rpublique fdrale
dAllemagne, en revanche, les figures rhtoriques pathtiques, comme lanaphore, semblent
tre moins frquentes, peut-tre cause de la connotation ngative du pathos aprs les
discours de propagande des nationaux-socialistes. Le traducteur dun discours politique
doit donc se poser la question de savoir sil donne la priorit au style individuel de lorateur
ou au style collectif de la culture cible (cf. Schreiber 2011).
1)
2)
Beaucoup de traducteurs franais ont tendance attnuer des effets stylistiques marqus
(cf. Grnbeck 1976, 3).
Selon certains chercheurs, cette tendance de normalisation serait mme une proprit
universelle de la traduction (cf. Laviosa 2009, 308).
4 Conclusion
En guise de conclusion, notons quelques pistes pour la recherche future dans les
trois domaines traits dans cet article : Dans le domaine de lhistoire de la traduction, malgr dimportantes publications, une histoire linguistique de la traduction
en langue franaise fait toujours dfaut. Quant la traductologie francophone
moderne, si cette discipline prsente aujourdhui un grand ventail dapproches,
elle noffre pas encore de modle intgratif, englobant thorie(s), pratique et didactique. Pour ce qui est des problmes linguistiques des diffrents types de traductions, les problmes spcifiques de la traduction littraire et de la traduction spcia
712
Michael Schreiber
5 Bibliographie
Albrecht, Jrn (1992), Wortschatz vs. Terminologie : Einzelsprachliche Charakteristika in der Fachterminologie, in : Jrn Albrecht/Richard Baum (edd.), Fachsprache und Terminologie in Geschichte
und Gegenwart, Tbingen, Narr, 5978.
Albrecht, Jrn (1995), Der Einflu der frhen bersetzerttigkeit auf die Herausbildung der romanischen Literatursprachen, in : Christian Schmitt/Wolfgang Schweickard (edd.), Die romanischen
Sprachen im Vergleich, Bonn, Romanistischer Verlag, 137.
Albrecht, Jrn (1998), Literarische bersetzung. Theorie Geschichte Kulturelle Wirkung, Darmstadt,
Wissenschaftliche Buchgesellschaft.
Albrecht, Jrn (2005), bersetzung und Linguistik, Tbingen, Narr.
Ballard, Michel (21995), De Cicron Benjamin. Traducteurs, traductions, rflexions, Lille, Presses
Universitaires de Lille.
Ballard, Michel (22005), La traduction de langlais au franais, Paris, Colin.
Balliu, Christian (2002), Les traducteurs transparents. La traduction en France lpoque classique,
Bruxelles, Hazard.
Balsamo, Jean (1998), Traduire de litalien, in : Dominique de Courcelles (ed.), Traduire et adapter la
Renaissance, Paris, cole des Chartes, 8998.
Brier, Franois (1988), La traduction en franais, in : Hans Robert Jau (ed.), Grundri der romanischen Literaturen des Mittelalters, vol. 8/1, Heidelberg, Winter, 219265.
Berman, Antoine (1984), Lpreuve de ltranger . Culture et traduction dans lAllemagne romantique, Paris, Gallimard.
Bogaert, Pierre-Maurice (ed.) (1991), Les Bibles en franais. Histoire illustre du Moyen ge nos
jours, Turnhout, Brepols.
Brunot, Ferdinand (1967), Histoire de la langue franaise des origines nos jours, vol. 9 : La Rvolution et lEmpire, Premire Partie : Le franais langue nationale, Paris, Colin.
Cary, Edmond (1956), La traduction dans le monde moderne, Genve, Librairie de lUniversit.
Cary, Edmond (1963), Les grands traducteurs franais, Genve, Georg.
Chervel, Andr (2008), Histoire de lenseignement du franais du XVIIe au XXe sicle, Paris, Retz.
Chevrel, Yves/Dhulst, Lieven/Lombez, Christine (edd.) (2012), Histoire des traductions en langue
franaise. XIXe sicle, Lagrasse, Verdier.
Chevrel, Yves/Masson, Jean-Yves (edd.) (2012ss.), Histoire des traductions en langue franaise, 4 vol.,
Lagrasse, Verdier (en cours de publication).
Demissy-Cazeilles, Olivier (2007), Langage et propagande : La traduction franaise de trois discours
de George W. Bush, Herms 49, 141148.
Derrida, Jacques (2004), Quest-ce quune traduction relevante ?, in : Marie-Louise Mallet/Ginette
Michaud (edd.), Jacques Derrida, Paris, LHerne, 561576.
Dhulst, Lieven (2015), Localiser des traductions nationales au tournant du XVIIIe sicle : le Bulletin des lois en versions flamande et hollandaise sous la priode franaise (17971813), in : Dilek
Dizdar/Andreas Gipper/Michael Schreiber (edd.), bersetzung und Nationenbildung, Berlin,
Frank & Timme, 93108.
Dizdar, Dilek (2006), Translation. Um- und Irrwege, Berlin, Frank & Timme.
Dullion, Valrie (2012), Textes juridiques, in : Yves Chevrel/Lieven Dhulst/Christine Lombez (edd.),
Histoire des traductions en langue franaise. XIXe sicle, Lagrasse, Verdier, 10671105.
713
Traduction
714
Michael Schreiber
Traduction
715
Index
AANB (Acte de lAmrique du Nord Britannique) 1878, 482, 484
Acadmie de la langue basque (Euskaltzaindia) 232, 249
Acadmie franaise 4143, 4952, 55, 58, 87,
138, 143, 146, 148152, 154, 163, 165167,
203, 244, 342, 425, 542, 557559, 566,
685
Acadie 176, 478, 480481, 483, 489, 501, 652,
654
acadien 479, 481, 490, 500501, 653
accomodation 327
accord 30, 39, 46, 303, 334340, 345346,
348349, 377, 540, 673
hirarchie de l~ 337340
non-accord 497
ACCT (Agence de coopration culturelle et technique) 178179
acquisition 42, 191, 356, 358, 405, 625, 646
647, 653, 669, 674, 676
du franais 140, 618, 621624, 642, 645, 653,
655, 676
dun idiome 672
du langage 42, 73, 82, 89, 633, 639642
dune langue 161, 357, 359, 403404, 423,
618, 621, 624, 632633, 639643
naturelle 641, 643
plurilingue 625
adstrat 402404, 406409, 411, 488489
savant 406409
Afrique 175176, 179180, 188, 191, 335, 346,
365, 411412, 442, 444, 446, 505524
centrale 346, 506, 642
continentale 518
du Nord 172, 505, 508509, 650651
quatoriale 175, 506
francophone 172, 509 n. 1, 510, 517
noire 184, 513
occidentale 175
orientale 175
subsaharienne 172, 183, 309, 505509, 516,
518, 521, 650651
ageism 314, 327
Allemagne 57, 109, 142, 174, 181, 197, 294, 301,
412, 448, 457, 460, 463, 625, 628, 632,
639, 642, 645, 654, 662, 666, 668, 670,
675676, 711
718
Index
anglais 17, 23, 51, 55, 60, 63, 86, 112, 134, 142
144, 146147, 154155, 164, 166, 173175,
178, 180181, 183, 186188, 190, 201, 204,
225, 285286, 294, 305, 317, 335, 346
348, 355356, 359, 371, 386387, 389,
391, 401, 403, 410416, 418, 420, 422,
424, 432, 435441, 443448, 451, 453,
464465, 469470, 478, 481486, 488
489, 491, 493, 497, 500, 507508, 518
521, 528, 530531, 571573, 609, 629630,
642, 645646, 650, 652656, 675, 685,
689690, 698702, 704705, 708
anglicisme 143144, 151 n. 16, 155, 166, 189,
201, 204206, 209 n. 11, 211, 285, 316317,
355, 368, 369, 372, 386387, 389, 391,
402, 421422, 424425, 440, 449450,
478, 484, 489, 493495, 571
anglo-normand 1718, 2526, 112, 117, 120,
174, 413, 565, 569
annotation 42, 682684, 686692
automatique 686
structurale 682
anonymat et politesse 275, 282
apparent time 317, 321, 326
apprentissage (des langues) 41, 184, 228229,
232233, 319, 357359, 367, 403, 423,
449, 465, 527, 533, 540, 622, 624627,
631633, 639-642, 644647, 650, 652,
654655, 659, 661664, 666667, 669
677, 686
approche
communicative 644, 666
interculturelle 661, 669
mmorielle 96
onomasiologique en grammaire 542
patrimononiale 221, 226 n. 29, 234
textuelle 96
appropriation 173, 441, 505, 508, 512, 518519,
624, 640, 647
aptitude 643644, 665
arbitraire 59, 337, 351353, 683
archasme 16, 34, 42, 51, 206, 365, 371372,
374m 382383, 385386, 390391, 488
489, 492, 497
argot 50, 54, 59, 63, 65, 83, 191, 293, 304, 519,
564, 570
association 588591, 593594, 596597, 601
603, 688
asymtrie 267, 334, 340, 342346, 352, 356
AUPELF (Association des universits partiellement ou entirement de langue franaise) 177, 513
autorit 93
grammaticale 40
lexicale 166167, 568569, 571
balisage 681684, 686, 690
banlieue 83, 293, 301302, 307308, 433, 570
barbarisme 206207
canadien 206
barrire (voir aussi rideau de betteraves)
de polenta 185
de rsti 185
basque 60, 141, 219, 220, 222 n. 18, 223 n. 21,
224, 227, 229, 231232, 245, 247, 249,
257, 335, 346, 389, 538, 608
BDL (Banque de dpannage linguistique) 190
bhavio(u)risme 586, 591, 622, 640, 644, 677
belge franais belge
belgicisme 189, 211, 366, 386, 459, 467, 565,
569
Belgique 60, 64, 165, 171, 175, 179180, 184
186, 188191, 194, 198199, 207, 210212,
232 n. 52, 316, 374, 382, 385, 387388,
424, 442, 445, 457460, 463, 465, 506
507, 543, 572, 632, 699
Belles Indles 697702
bilingue, bilinguisme 60, 118, 141, 182, 185,
187, 188189, 204, 228229, 249, 256,
305, 359, 414, 450, 457458, 461, 482,
484486, 519, 557, 573, 642643, 650
651, 653654, 670, 700
franco-allemand 185
franco-anglais 186, 653
bon usage usage
breton 60, 141, 219220, 222 n. 18, 223 n. 21,
224, 227, 229, 231233, 245247, 250,
257, 389, 412, 643, 699
bretonnisme 389
cadien 176, 189, 479
cajun 176, 479
calque 196 n. 2, 217, 382, 384, 386388, 401
402, 416417, 423, 467, 493494, 515,
708
partiel 388
Canada 94, 173, 176, 178180, 186188, 190
191, 196208, 211212, 294, 316, 424, 442,
Index
719
720
Index
constitution
andorrane 468
belge 186, 457459
canadienne 481482, 485486
franaise 144145, 154155, 181, 218, 222
228, 230, 234
luxembourgeoise 182
suisse 181, 184, 185, 207, 461462
valdtaine 182
constructivisme 640, 644
contact
culturel 33, 35, 85, 148, 184, 201, 250, 405
406, 408410, 414, 425, 433, 468, 488,
518
linguistique / de langues 59, 80, 85, 93, 150,
184, 201, 204, 208, 298, 307, 357, 383,
389, 401431, 434 n. 1, 440, 467, 491
492, 505, 508, 517521, 621, 623, 632
contigut 208, 588589, 591594, 596, 602
604, 606
continuum 76, 154, 168, 184, 202, 243, 264,
268 n. 1, 366, 589, 601, 609, 670
controller gender 335
coprsence spatio-temporelle 263, 266267
corpus 4041, 88, 94, 122, 125, 133134, 136,
136, 138, 148, 155, 162, 171, 173, 181, 190,
206, 210, 216217, 220231, 235, 256,
277278, 299302, 309, 317, 324325,
369, 372, 379380, 384, 415, 424, 450,
548, 561, 624626, 632633, 681682,
686693
du franais historique 689691
corse 60, 141, 219220, 222 n. 18, 223 n. 21,
228229, 231235, 245, 247, 251252, 643
cration lexicale 57, 135, 153, 302307, 389,
391, 415416, 488
crise du franais 54, 56, 150, 163, 177
CSTN (Commissions spcialises de terminologie et nologie) 152
cyberlangage 276, 286
DALF (Diplme approfondi de langue franaise) 649
dcadence linguistique 293294, 298, 302
dcolonisation 171, 176177, 183
dfense de la langue 33 n. 29, 39, 53, 57, 59,
133159, 164, 167, 171195, 208209, 216
241, 246, 249, 424425, 478, 483487,
489, 500, 530
Index
721
722
Index
Index
723
724
Index
loi linguistique (voir aussi lgislation linguistique) 53, 133, 138, 147, 186, 472 n. 11, 486
Loi 101 Charte de la langue franaise (1977)
Loi Bas-Lauriol (1975) 60, 143145, 425
Loi Fioraso (2013) 146147
Loi sur la langue ocielle / Loi 22 (1974) 187,
486
Loi sur les langues ocielles (1969) 187,
485486, 654
Loi Toubon (1994) 145146, 152, 425, 439,
646
lorrain 25, 27 n. 19, 123, 141, 222 n. 19, 458
Louisiane 173, 176, 189, 479481
Luxembourg 180, 182, 185, 442, 444, 457458,
463467
luxembourgeois 180, 463465, 467
Maroc 175, 177, 180181, 506, 508509, 513,
639, 645, 651652
masculin 8485, 308, 335339, 341347, 350
357, 497
gnrique 342, 356357
MCI (modle cognitif idalis) 597
mdias 62, 64, 141, 145, 163164, 166, 173,
183, 200201, 220, 227, 229230, 242,
244, 246247, 249, 252, 257, 262, 265,
268269, 272, 294, 298, 300, 316317,
327, 339, 342, 357, 432, 445446, 453,
467, 500, 632, 644
analogues 281, 283
audiovisuels 164, 203
lectroniques 270, 275292
nouveaux ~ 163, 166, 242243, 262, 270, 275,
279, 283, 296, 309, 644
sociaux 271, 285
mtalexicographie 556, 567568
mtaphore 42, 54, 5657, 88, 166, 185, 267,
304, 337, 344, 350, 381, 407, 416, 589,
593594, 597, 602604, 624, 693, 701
mthodes de lenseignement des langues
audio-orale 644
audio-visuelle 644
directe 643
grammaire-traduction 643, 655
mtonymie 8788, 304, 343 n. 8, 352, 381,
420, 514, 589, 594, 602604, 606
milieu 17, 27, 60, 62, 65, 8990, 93, 220, 295,
298, 302, 305308, 369, 373, 414, 487,
518, 520, 528, 629630, 632, 652
Index
725
726
Index
pathologie de la langue 57
patois 55, 60, 81, 140141, 154, 199200, 210,
219, 232 n. 52, 252254, 365369, 382
386, 389391, 461, 470472, 480, 487
488, 565
Pays basque 375
perception 91, 161, 197, 265266, 268269,
272, 320, 324, 401, 586, 589592, 595,
607, 709
priodisation 11, 3940, 112, 114, 526
philologie
ditoriale 108130
linguistique 108130
phontique 12, 24, 29 n. 24, 32, 3435, 44, 46
48, 62, 73, 82, 84, 89, 108, 112, 119, 121
124, 148, 196, 218, 276, 284285, 297,
302, 307, 350, 365367, 372376, 383
385, 387389, 406, 408, 470, 490, 505,
512513, 529, 532533, 536, 542, 545, 547,
568, 601, 610, 624, 673, 682, 686, 696,
705
phontisme 48, 60, 387
phonologie 29, 123124, 233, 284285, 307,
319320, 325, 341, 352, 358, 365, 367, 370,
372376, 383, 385, 387, 407, 459, 489
490, 493, 508, 529, 542, 547, 600601,
641, 674
phrasologie 365, 371372, 382383, 385,
387388, 547
picard 16, 2728, 7981, 218, 222 n. 19, 245
247, 256257, 458
picardisme 16, 95
planication linguistique 64, 134136, 216217,
424, 467
plurilinguisme 91, 184, 219, 223224, 278, 294,
301, 432, 449, 461, 573, 618, 621, 623
625, 628630, 632, 634, 643644, 651,
655, 659680
politique linguistique 133159, 171195, 210,
216218, 221224, 226234, 245, 255,
334, 424425, 436437, 439, 447, 449,
453, 469, 478, 483487, 500501, 621,
629630, 633, 643, 654, 659668, 672,
676, 699
politiquement (in)correct 147, 171, 188, 191, 357
polysmie 23, 64, 316, 324, 384, 420, 603604
Portfolio europen des langues 666667
pragmatique 62, 74, 95, 271, 275276, 278,
293, 307308, 315, 323, 359, 421, 436,
Index
727
728
Index
dle 417
histoire de la ~ 696701
idiomatique 573, 701702
indirecte 699
indle 417
littraire 696, 700, 702, 706708, 711
littrale 417698, 700
naturalisante 701
orale 619, 628, 700
simultane 485
sociologie de la ~ 704
spcialise 627, 707, 711712
technique 702
traductologie 632, 696, 701705, 711
Trait de Versailles 142143, 175
traitement automatique des langues 548, 561,
619, 633, 681682, 686
trope conceptuel 588589, 593594
typographie 32, 95, 372, 530, 543, 627628,
706707
typologie 2833, 56, 64, 173, 219, 242, 245
247, 334, 346349, 357, 365, 367, 370
372, 379380, 382, 386, 388, 390, 535,
587, 605606, 608610, 672, 688, 701
underaccomodation 328
unilinguisme 171, 178, 185188, 486
Union europenne 145, 175, 444, 447448,
643, 660, 662664, 669, 692
universel 50, 53, 55, 5859, 82, 163, 188, 192,
262, 264265, 322, 334, 346349, 558
559, 567, 593, 608, 711
usage
bon ~ 39, 49, 51, 59, 6264, 8485, 135, 148
149, 163, 165, 188, 197198, 201, 217, 368,
500, 532 n. 10, 543, 558, 700
crit 270
gnral 39, 367, 370, 390
parl 40, 58
Val dAoste 172, 182183, 374, 451, 457, 471
473
varit linguistique 26, 4042, 4850, 52, 54
55, 59, 64, 7283, 8586, 88, 9094, 96
100, 111, 113, 153, 168, 172173, 183, 188
189, 191, 201202, 211, 216223, 232235,
243, 245246, 256, 264, 270271, 286,
293301, 308309, 315, 326, 358, 365
366, 370, 385387, 390393, 413, 458,
Index
729