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Chodkiewicz Ibn Arabi

Ce document décrit la notion de sceau de la sainteté muhammadienne selon Ibn Arabi et comment il a joué le rôle de gardien du dépôt spirituel musulman. Bien qu'il y ait eu d'autres figures revendiquant ce rôle, Ibn Arabi reste la référence principale pour les soufis.

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Chodkiewicz Ibn Arabi

Ce document décrit la notion de sceau de la sainteté muhammadienne selon Ibn Arabi et comment il a joué le rôle de gardien du dépôt spirituel musulman. Bien qu'il y ait eu d'autres figures revendiquant ce rôle, Ibn Arabi reste la référence principale pour les soufis.

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Il y a donc, successivement, clôture de la forme majeure

du degré suprême de la walâya, celle qui comporte la


plénitude de l’héritage muhammadien, par Ibn Arabî; puis
de ses formes mineures par Jésus; et enfin de la sainteté ellemême,
sous toutes ses formes et à tous ses degrés, par le
dernier homme né en ce monde. Mais il doit être bien
compris que les divers Sceaux ne sont jamais que des
manifestations plus ou moins complètes de la sainteté
muhammadienne qui, en la personne historique de Muhammad,
reste voilée par sa fonction prophétique ainsi que le souligne
Qâshânî '. En dépit de ce que certains textes d’Ibn Arabî
pourraient laisser supposer, il ne saurait donc être question
d’une supériorité du Sceau de la sainteté muhammadienne
sur le Sceau des prophètes puisqu’en définitive ces deux
fonctions n’appartiennent véritablement qu’à un seul et même 1 1.
Q âshânî, op . cit. , p. 34.
être. Qaysarî, dans son commentaire des Fusûs, exprime la
relation entre le Sceau muhammadien - c’est-à-dire pour lui
Ibn Arabî - et le Prophète lui-même par une image qu’Amolî
a bien tort de critiquer : cette relation, dit-il, est analogue à
celle du gardien du trésor du roi avec le roi. Tous ceux qui
puisent dans le trésor, y compris le roi en personne, passent
par le gardien. Cela ne signifie évidemment pas que le roi
lui soit subordonné *.
La mention d’un « trésor » n’a ici rien de fortuit : elle est
en rapport direct avec le symbolisme même du Sceau. Le
Sceau, dans le langage que l’islam puise à sa source coranique,
c’est bien sûr ce qui complète et achève : le Sceau des
prophètes (Cor. 33 :40), c’est celui avec lequel se termine
définitivement le cycle de la prophétie. Mais le Sceau, c’est
aussi, c’est d’abord ce qui préserve la chose scellée, ce qui
en garantit l’inviolabilité. Ibn Arabî se réfère expressément
à cette signification dans un poème de son Anqâ mughrib1 2 :
Si la maison restait privée de sceau
Le voleur viendrait à l’improviste y tuer l’enfant.
Vérifie cela, ô mon frère, en considérant celui qui de loin protège
la maison de la sainteté
S’il n’était déjà présent en notre père à tous [= Adam]
Les anges n’auraient pas reçu l’ordre de se prosterner devant lui
[cf. Cor. 2 : 34],
« Gardien du trésor », « protecteur de la maison de la
sainteté » (bayt al-walâya), le Sceau, pour Ibn Arabî, n’est
pas seulement le titulaire d’une haute dignité : il a une
mission à accomplir. Quand l’auteur des Futûhâl écrit - entre
beaucoup d’autres propos sembi^tgs - « J’ai été suscité pour
aider la religion d’Allâh 3 », c’est à cette mission qu’il fait
allusion. Son rôle, tel qu’il l’a conçu et tel qu’effectivement
il l’a joué de manière ouverte ou couverte, depuis plus de
sept cents ans, présente pour les soufis un double aspect :
celui d’une référence doctrinale et celui d’une source de
1. Q aysarî, op. rit., p. 60.
2. Anqâ mughrib, pp. 62-63; Dîwân, p. 32.
3. Dîwân, p. 259. Entre autres références d’iBN A rabî à sa
mission propre,
voir Fut., I, p. 658; III, p. 323; Kitâb al-isrâ, pp. 21-26; Taj. (éd.
O.Y.),
pp. 300-301.
Le Sceau de la sainteté muhammadienne 177
178 Le Sceau des saints
grâce. Par son œuvre, et notamment par cette puissante
synthèse que sont les Futûhât, il a gardé intact le dépôt
spirituel (amâna), que les fractures internes du monde musulman
et les périls qui le menaçaient du dehors mettaient en
danger. Veilleur solitaire dans la nuit du siècle ', il préserve
pour qui en est digne le « trésor » dont la transmission ne
peut plus être assurée dans sa plénitude par l’enseignement
des maîtres : c’est en ce sens qu’il est al-Shaykh al-Akbar, le
maître suprême, le maître des maîtres. Par lui restent vivantes
et accessibles à ceux qui possèdent les qualifications requises,
jusqu’au jour où les hommes seront « pareils à des bêtes »,
les connaissances spirituelles que recèle le bayt al-walâya.
Mais Ibn Arabî n’est pas seulement l’archiviste et l’interprète par
excellence de la science sacrée : par sa présence
invisible, et au-delà de la mort, il assure la transmission d’un
influx spirituel, d’une baraka, qui, chaque fois que les
circonstances le requièrent, vient vivifier les individus et les
groupes, rétablir les voies de sainteté, restaurer ce qui peut
l’être de l’ordre traditionnel islamique : d’où l’importance de
la khirqa akbariyya, qui chemine parfois comme une rivière
souterraine pour surgir soudain pendant quelque temps au
grand jour, marquant de l’empreinte d’Ibn Arabî un des
rameaux d’une tarîqa existante 2. D ’où l’importance aussi des
interventions de la ruhâniyya du Shaykh al-Akbar dans les
visions des soufis jusqu’à nos jours : de Qûnawî à l’émir Abd
al-Qâdir, la liste serait longue de ceux qui, célèbres ou non,
furent ainsi guidés, assistés, instruits par un maître que la
tombe ne séparait pas des vivants 3.
1. « L’univers entier s’est endormi lorsque est mort l’Envoyé de
Dieu...
Nous sommes à présent au troisième tiers de cette nuit de
l’univers » (Fut.,
III, p. 188).
2. Nous avons, pour la seconde moitié du xixe siècle, attiré
l’attention sur
une de ces phases de « renaissance akbarienne » (que signale
parfois l’apparition, dans le nom d’un maître spirituel, de la nisba
« al-akbarî ») dans notre
introduction aux Écrits spirituels de l’émir A bd al -Q âdir (pp. 35-
36) en
soulignant que la tarîqa shâdhîliyya et la tarîqa naqshbandiyya
paraissent
avoir été des supports privilégiés - mais non exclusifs - de cette
forme
d’influence posthume d’Ibn Arabî.
3. Ce type de réalisation spirituelle où le murîd, bien que
généralement
rattaché par ailleurs à un shaykh vivant et, à travers lui, à une
silsila
régulière, a pour véritable maître un walî défunt, relève d’une
catégorie
bien connue dans le tasawwuf celle des uwaysiyya. Entre autres cas
célèbres
Si important qu’ait été, à un certain moment, en un certain
lieu, le rôle des personnages - Muhammad Wafâ, Qushâshî,
Ahmad Tijânî... - qui paraissent s’identifier - ou que leurs
disciples ont identifiés - au Sceau de la sainteté muhammadienne,
il n’est en rien comparable à celui qu’Ibn Arabî
a joué et joue encore, de façon discrète mais reconnaissable,
dans l’histoire collective du soufisme et surtout dans l’histoire
personnelle de bien des soufis. À cette évidence en répond
une autre : celle de la sincérité des hommes qui, pour euxmêmes
ou pour leur shaykh, revendiquent une fonction
nécessairement réservée à un seul être parce qu’un Sceau
est, par définition, final. Leur certitude ne peut reposer que
sur la conscience intime et irréfutable d’une relation particulière
avec cette fonction : s’il y a erreur, elle se situe dans
l’interprétation des données de cette conscience, non dans
les données elles-mêmes. Or la doctrine akbarienne, et en
particulier la notion de « substitut » (nâ’ib) que nous avons
vue en œuvre à propos du Pôle, permet d’en donner
l’explication. Selon une formule qu’emploie Qâshânî dans
son commentaire des Fusûs, le Sceau de la sainteté
muhammadienne possède la walâya shamsiyya, la sainteté « solaire
»:
aux autres awliyâ n’appartient qu’une walâya qamariyya,
« lunaire », dont la lumière n’est donc que réfléchie. Les
personnages que nous avons cités peuvent, dans cette perspective,
être considérés comme des miroirs successifs qui
reçoivent et renvoient le rayon de la walâya shamsiyya ou,
si l’on préfère, comme les relais connus (car il y en a
d’inconnus, ou de moins connus) par lesquels agit la grâce
dont l’unique Sceau est le gardien et le dispensateur.
Le Sceau de la sainteté muhammadienne 179
d'uwaysiyya on peut citer celui d’Abû Yazîd al-Bistâmî, disciple
posthume
de Ja’far Sâdiq, celui d’Abû 1-Hasan Kharaqânî, disciple
posthume de Bistâmî,
de Bahâ al-dîn Naqshband, disciple posthume d’Abd al-Khâliq
Ghujdawânî.
Sur les visions d’Ibn Arabî chez Q ûnawi', cf. ses N afâhât ilâhiyya
(ms. BN
1354, ffos 70 a, 70 b, 110 b, 111 a). Autre exemple significatif, chez
Jiü cette
fois, le récit d’une vision, survenue à Yanbû’ en 789 h., qu’il
rapporte dans
son commentaire de la Risâlat al-anwâr, p. 6 (la date de 889 h. qui
figure
dans l’édition de Damas est évidemment une erreur de copiste ou
une faute
d’impression : Jîlî est mort en 832/1428).

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