De L'entrepreneur Et de L'entrepreneuriat
De L'entrepreneur Et de L'entrepreneuriat
Yvon Pesqueux
Introduction
L’entrepreneur et l’entrepreneuriat sont implicitement (et plus rarement explicitement)
considérés comme étant à l’origine de la genèse de l’organisation et c’est en cela que
les développements qui suivent trouvent leur place dans un ouvrage consacré aux
théories des organisations. Au regard des hypothèses de travail, c’est d’action
organisée dont il est question. Entrepreneur et entrepreneuriat se situent aussi en
filiation avec les conduites d’anticipation.
Il est tout d’abord important de souligner, dans ce domaine, l’importance des clichés
institutionnalisés ainsi que les passages indéterminés souvent effectués entre d’une
part « leader » et « entrepreneur » (comme manifestation concrète du leader) et
« leadership » et « entrepreneuriat » (manifestation conceptuelle pour le leadership et
processuelle pour l’entrepreneuriat). L’entrepreneur dont il est question est aussi un
chef qui non seulement commande (perspective verticale de la hiérarchie) mais qui est
aussi celui qui initie (perspective horizontale de celui qui « prend entre »).Il en va de
même pour le recouvrement « entrepreneuriat – innovation » qui est souvent effectué
par référence à une « idée d’affaire ». Une dernière ambiguïté vaut entre
« entrepreneur » et « création d’entreprise », l’entrepreneur étant une figure là où la
création d’entreprise fonde une logique évolutionniste de la petite entreprise à la
grande.
Rappelons l’extensivité de la figure sur l’« objet » de son projet, l’entreprise. C’est à
ce titre qu’« entrepreneur » et « entreprise » ne font qu’un, le discours sur l’entreprise
pouvant passer de l’un des aspects à l’autre.
1
S. D. Sarasvathy, « Causation and Effectuation: Toward a Theorical Shift fromEconomicInevitability to
Entrepreneurial Contingency », The Academy of Management Review, vol. 26, n° 2, 2001, pp. 243-263.
2
J. A. Timmons, New Venture Creation: Entrepreneurship for the 21 st Century, Irwin Press, BurrRidge,
IL, 1994
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
1
d'occasion, (4) tolérance au risque, à l’ambiguïté, à l’incertitude, (5) créativité,
indépendance et capacité à s'adapter, (6) motivation à l’excellence. Dans cette
perspective, il est également question d’éléments de biographies (A.
Bianchi3) : (1)Avoir eu des parents entrepreneurs, (2) avoir été licencié
plusieurs fois, (3) être un immigré ou un enfant d'immigrés, (4) avoir occupé
un emploi précédent dans une entreprise de plus de 100 personnes, (5) être
l’ainé de la famille et (6) être diplômé de l’enseignement supérieur.
- Celui qui se base sur le fait que ce sont les situations qui font de l’individu un
entrepreneur. Un type de situation spécifique est mis en avant avec la notion de
« grand événement ». Un autre de type de situation se réfère à la détection
d’opportunités4. La limite en est son relativisme.
- La perspective interactionniste se fonde sur le tressage qui existe entre des
dimensions personnelles et des situations. La limite en est son indétermination
(qu’est-ce qui n’est pas interaction !). Elle présente l’intérêt d’effectuer une
synthèse des positions précédentes en prenant en compte les éléments de
contexte qu’ils soient d’ordre personnel (une parenté, un milieu familial),
d’ordre biographique (une rencontre, un événement) ou bien encore de l’ordre
de l’environnement (contexte culturel, réceptivité de la société, système
éducatif, niveau de développement – les entreprises créées dans les pays en
développement ne seront pas les mêmes que celles des pays développés). Une
variante de cette perspective peut être qualifiée d’« émergente ». C’est ellequi
a fondé la référence au développement de dispositifs habilitants (pépinières,
incubateurs, capital risque, business angels, etc.).
D’un point de vue sociologique (il est à noter que si la sociologie s’intéresse à
l’entrepreneuriat, elle s’intéresse peu à la figure de l’entrepreneur sauf du point de vue
de l’identité), la question est abordée sous la double dimension des déterminants
sociologique de son action5. En tout état de cause, l’entrepreneur est bien un sujet qui
« prend » (ne serait-ce qu’une décision) ce qui conduit à rappeler à nouveau la tension
qu’opère S. D. Sarasvathy entre « causation » et « effectuation », la causation étant
l’issue d’une délibération rationnelle alors que l’effectuation résulte d’une prise
d’opportunité, se situant dans une logique d’émergence.
3
A. Bianchi, « Who’smostLikely to go itAlone? », Inc., vol. 15, n° 5, 1993
4
S. Shane & S. Venkataraman, « The Promise of Entrepreneurship as a Field of Research », Academy of
Management Review, vol. 25, n° 1, 2000, pp. 217-226
5
P. H. Thornton, « The Sociology of Entrepreneurship », AnnualReview of Sociology, vol. 25, 1999, pp.
19-46.
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
2
L’entrepreneuriat peut se définir comme une activité impliquant la découverte,
l’évaluation et l’exploitation d’opportunités, dans le but d’introduire de nouveaux
biens et services, de nouvelles structures d’organisation, de nouveaux marchés,
processus, et matériaux, par des moyens qui, éventuellement, n’existaient pas
auparavant.
Il est classiquement fait référence à la différence qui prévaut entre une approche par
6
Y. Pesqueux, « Les figures de l’Autre en sciences des organisations » in J. Ardoino& G. Bertin (Eds),
Figures de l’Autre, Téraèdre, Mayenne, 2010, pp. 319-314
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
3
les attitudes7 qui se réfère à trois composantes, l’attractivité du comportement
entrepreneurial, la perméabilité des normes sociales à l’entrepreneuriat et des
capacités entrepreneuriales et une approche de l’entrepreneuriat comme
comportement planifié mais toujours construit au regard d’attitudes8. Cette seconde
approche a consisté à appliquer le modèle des attitudes d’I. Azjenà l’entrepreneuriat en
en reprenant les trois dimensions des croyances (comportementales, normatives et de
contrôle). A. Shapero& L. Sokol9 vont, pour leur part, mettre l’accent sur les
dimensions sociales de l’entrepreneuriat au regard de groupes d’appartenance (de type
ethnique, par exemple), de valeurs culturelles et sociales venant induire la prise
d’initiative, de la consolidation des ressources, de l’autonomie relative, de la prise de
risque, etc. et de l’« événement entrepreneurial » venant en fonder la perception de
désirabilité et la perception de faisabilité. N. F. Krueger& A. L. Carsud10ont exploré
au regard des approches de l’intention d’entreprendre appliqué. Ils ont également fondé
les approches en « développement entrepreneurial11. T. Verstraete& A.
Fayolle12proposent quatre caractéristiques : l’existence d’un leader, l’entrepreneur,
qui en est le moteur, compte tenud’une vision de l’avenir préférable à celle de l’état
présent, d’un processus partiellement conscient trouvant ses racines dans
l’expérience, et d’une mise en pratique de la vision.
Les études en matière d’entrepreneuriat suivent aujourd’hui la même logique que celle
d’autres thèmes comme celui du leadership avec les études sur l’entrepreneuriat
ethnique13, l’entrepreneuriat au féminin14, les développements sur l’entrepreneuriat
informel15.
Mais la question de l’apprendre dans l’organisation ne devrait-elle pas être liée à celle
de l’entreprendre (compris dans le sens large de «prendre entre » , c’est-à-dire celui de
l’intermédiation donnant à l’entrepreneur la substance d’un être social et non celle
d’un être isolé) ? Et alors de décliner l’apprendre et l’entreprendre au regard des
substantifs ayant la même racine : le comprendre sans lequel l’apprendre est largement
obéré et avec lequel l’entreprendre envisage son périmètre, le surprendre qui modifie
les schémas cognitifs de l’apprendre et les autres organisations de l’entreprendre, le
reprendre qui évoque la répétition de l’apprentissage et la question des frontières de
l’organisation dans l’entreprendre, le méprendre qui vaut aussi bien pour le mal
7
L. Kolvereid, « Prediction of EmploymentStatusChoice Intentions », EntrepreneurshipTheory and
Practice, n° 21, 1996, pp. 47-57
8
I. Ajzen, « The Theory of PlannedBehavior », OrganizationalBehavior and HumanDecisionProcess,
vol. 50, n° 2, 1991, pp. 179-211
9
A. Shapero& L. Sokol, « The Social Dimensions of Entrepreneurship », Encyclopedia of
Entrepreneurship, Prentice-Hall, New York, 1982, pp. 72-90
10
N. F. Krueger& A. L Carsud, « CompetingModels of Entrepreneurial Intentions », Journal of Business
Venturing, vol. 15, n° 5-6, 1993, pp. 411-432
11
C. Bruyat, « Création d’entreprise : contributions épistémologiques et modélisation », Thèse en
sciences de gestion, Université Pierre Mendès-France, Grenoble, 1993
12
T. Verstraete& A. Fayolle, « Paradigmes et entrepreneuriat », Revue de l'Entrepreneuriat, vol. 4, n° 1,
2005
13
E. Kamdem, Profils et pratiques d’entrepreneurs camerounais – Expériences et témoignages (en
collaboration avec R. Nkakleu), L’Harmattan, Paris, 2015
14
C. G. Brush, « Research on Women Business Owner : Past Trends, a New Perspective and Future
Directions », EntrepreneurshipTheory and Practice, vol. 30, n° 5, 1992, pp. 5-30
15
Y. Pesqueux, « De l’économie informelle » in S. Perseil& Y. Pesqueux (Eds), L’organisation de la
transgression, L’Harmattan, collection « Perspectives organisationnelles », Paris, 2014, pp. 17-40
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
4
apprendre que pour le mal entreprendre et le déprendre qui est abandon de
connaissances dans l’apprendre (désapprendre ou oublier, alors) et de la modifocation
du périmètre de l’entreprendre.
16
J. A. Schumpeter, Théorie de l’évolution économique, Dalloz – Sirey, Paris, 1935 (Ed. originale :
1911)
17
I. M. Kirzner, Competition and Entrepreneurship, University of Chicago Press, 1975 (trad. R.
Audouin, Concurrence & Esprit d’entreprise, Economica, Paris, 2005)
18
W. J. Baumol, Entrepreneurship, Management and the Structure of Payoffs, MIT Press, 1993
19
A. Giddens, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
5
éléments de preuve dans la dissolution qui est aujourd’hui celle de l’entreprise à la
fois dans sa dérive institutionnelle (quand il s’agit d’en faire l’institution de référence)
et dans sa dimension organisationnelle (avec les discussions sur la fin des frontières de
l’entreprise, la non distinction croissante entre les aspects de la vie privée et de la vie
professionnelle, l’injonction à appliquer des procédures de gestion à toutes les
activités sociales, etc.). La dynamique entrepreneuriale apparaîtrait de plus en plus
importante dans le contexte d’un affaissement de l’Etat-providence conduisant à son
articulation avec le processus entrepreneurial. L’idée d’entreprendre déborderait de
l’entreprise pour prendre la dimension d’un projet de vie, projet ayant fait entrer la
technique dans notre quotidien et venant justifier la possibilité de laisser face ) face
sans médiation des individus aux intérêts divergents. Pas étonnant alors que l’aléa des
comportements de chacun se révèle et que le monde nous apparaisse si incertain…
donc si risqué ! Pas étonnant alors non plus que le passage d’une légitimité accordée
au statut (principalement celui de salarié dans la mesure où une société salariale venait
fonder la condition ouvrière) pour une autre accordée à l’entrepreneur vienne fonder
une société entrepreneuriale. Par conséquent, la société entrepreneuriale n’est pas
seulement celle des laissés pour compte mais aussi celle de la déstabilisation des
stables où le provisoire tend à tenir lieu de régime d’existence. L’individualisme de
marché va aussi de pair avec les désinstitutionnalisations… Et cette société
entrepreneuriale est mythifiée au travers des célébrations généralisées de l’esprit
d’entreprise et par association de la notion à différents contextes.
II.2. De l’entrepreneur
C’est avecO. de Serres20 et R. Cantillon21 que l’entrepreneur fait son entrée dans la
pensée politique, économique et sociale.
C’est ensuite à J.-B. Say22 que l’on doit la mise en exergue cette figure dans la vie
économique. Citons ainsi ces extraits du Catéchisme économie politique : « À qui
donnez-vous le nom d’industrieux ? On donne le nom d’industrieux ou d’industriel
aux hommes qui tirent leur principal revenu de leurs facultés industrielles ; ce qui
n’empêche pas qu’ils ne soient en même temps capitalistes, s’ils tirent un revenu d’un
capital quelconque, et propriétaires fonciers, s’ils en tirent un autre d’un bien-fonds.
Quelle est la première observation à faire sur les revenus des entrepreneurs
d’industrie ? Qu’ils sont toujours variables et incertains, parce qu’ils dépendent de la
valeur des produits et qu’on ne peut pas savoir d’avance avec exactitude quels seront
les besoins des hommes et le prix des produits qui leur sont destinés. Qu’observez-
vous ensuite ? Que parmi les industrieux ce sont les entrepreneurs d’industrie qui
peuvent prétendre aux plus hauts profits. Si plusieurs d’entre eux se ruinent, c’est
aussi parmi eux que se font presque toutes les grandes fortunes. À quoi attribuez-vous
cet effet, quand il n’est pas l’effet d’une circonstance inopinée ? À ce que le genre de
service par lequel les entrepreneurs concourent à la production est plus rare que le
genre de service des autres industrieux. Pourquoi est-il plus rare ? D’abord, parce
20
O de Serres, Théâtre d’agriculture & Message des champs (Ed. originale : 1605)
21
R. Cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, INED, Paris, 1995 (Ed. originale : 1757)
22
J.-B. Say, Catéchisme d’économie politique (Ed. originale : 1815)
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
6
qu’on ne peut pas former une entreprise sans posséder, ou du moins sans être en état
d’emprunter le capital nécessaire ; ce qui exclut beaucoup de concurrents. Ensuite,
parce qu’il faut joindre à cet avantage des qualités qui ne sont pas communes : du
jugement, de l’activité, de la constance, et une certaine connaissance des hommes et
des choses. Ceux qui ne réunissent pas ces conditions nécessaires ne sont pas des
concurrents, ou du moins ne le sont pas longtemps, car leurs entreprises ne peuvent
pas se soutenir. Quelles sortes d’entreprises sont les plus lucratives ? Celles dont les
produits sont le plus constamment et le plus infailliblement demandés et, par
conséquent, celles qui concourent aux produits alimentaires et à créer les objets les
plus nécessaires ».
Rappelons aussi les thèses que J.-G.Courcelle-Seneuil exprime dans différents écrits
mais surtout dans le Manuel des affaires ou traité théorique et pratique des
entreprises industrielles, commerciales et agricoles23quand il énonce les risques
(négatifs) que subit le consommateur avec le risque d’accaparement du commerçant
qui stocke des marchandises afin d’en maitriser le niveau de prix, le risque général de
perte de confiance dans la monnaie et le risque économique lié aux crises et, pour les
risques financiers, le risque de perte de capital, celui lié aux placements articulant
prêteur et emprunteur, celui de la difficulté d’accès aux capitaux et les risques positifs
de contrepartie de l’activité d’entreprise qui relève du jugement de l’entrepreneur.
Rappelons qu’au premier sens du terme, l’entrepreneur est celui qui « prend entre »,
formule qui résonne avec la notion de « partie prenante » et qui justifie la conception
managérialo-centrée qui prévaut dans la « théorie des parties prenantes »24. La théorie
des parties prenantes met l’accent sur l’instabilité croissante de l’identification et de la
classification des parties prenantes au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre
constitué autour de la figure de l’entrepreneur (ou, par extension, de la direction
générale). Cette classification de l’« entreprendre » aurait pour conséquence de
s’éloigner d’une description événementielle de l’organisation pour une description
politique. A ce titre, les parties prenantes sont « de » l’organisation (son essence en
quelque sorte). L’entrepreneur est avant tout un « preneur » avec l’accent mis sur le
caractère fondateur de la figure de l’entrepreneur, accent venant mêler « mission » et
« vision ».
Il en va ainsi de l’« intrapreneuriat » qui vaut aussi bien « dans » qu’« autour » de la
grande entreprise (on parle aussi d’essaimage à ce sujet). Il s’agit de retrouver le
dynamisme de l’entrepreneur en créant les conditions de sa genèse au sein de la
23
J. G. Courcelle-Seneuil, Manuel des affaires ou traité théorique et pratique des entreprises
industrielles, commerciales et agricoles, 4° édition, Guillaumin et Cie, Paris, 1883
24
E. R. Freeman, Strategic Management: A StakeholderApproach, Pitman, Boston,
1984
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
7
grande organisation. Il s’agit aussi d’un mode de reclassement des salariés licenciés
et/ou d’externalisation.
25
C. Banaon, « Les différents courants de recherche et approches de la figure de l’entrepreneur »,
Document de travail, CNAM, Paris, 2015
26
B. J. Cunningham & J. Lischeron, « DefiningEntrepreneurship », Journal of Small Business
Management, vol. 29, n° 1, 1991, pp. 45-61
27
M. L. Mpanda Val, « La contribution de la relation d’accompagnement pour l’apprentissage de la
convention d’affaires inhérente à l’organisation impulsée : une recherche-action au sein de l’incubateur I
& entrepreneuriat en République. Démocratique du Congo », Thèse en Sciences de Gestion, Université
Montesquieu de Bordeaux, 2013
28
A. C. Moussa-Mouloungui, « Processus de transformation des intentions en actions
entrepreneuriales », Thèse en philosophie et sciences humaines, Université de Lille 3, 2012
29
W. D. Bygrave& C. W. Hofer, « Theorizing about Entrepreneurship », EntrepreneurshipTheory and
Practice, vol. 16, n° 2, 1991, pp. 13-22
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
8
- L’« école de l’« intrapreneuriat » »part du constat de la dimension étouffante des
grandes organisations en matière entrepreneuriale. Trois consultants suédois
(GustafDelin, Tennart Boksjo et Sven Atterhed) vont fonder en 1975 le groupe
Foresight qui entend aider les grandes entreprises à développer leur potentiel
entrepreneurial30. L’intrapreneuriat constitue une modalité de gestion des ressources
humaines permettant à des employés d’entreprendre à l’intérieur et autour de
l’entreprise.
Pour A. Fayolle31, l’intrapreneuriat est le développement « d’unités indépendantes
pour créer de nouveaux marchés et de nouveaux produits ».
B. Saporta32 propose une typologie en cinq courants avec l’« école économique », celle
des « traits psychologiques », une « école classique marquée par la recherche
d’opportunités, une « école managériale » portant sur l’exploitation des opportunités et
enfin une « écoleintrapreneuriale.Pour sa part, A. Fayolleproposetrois catégories quant
aux recherches en entrepreneuriat en s’inspirant de la formulation de H. H. Stevenson
&J. C. Jarillo33(What on Earthishedoing?Why on Earthishedoing ?etHow on
Earthishedoing ?)
What Who/why
How (Approche sur les
Question principale (Approche (Approche sur les
processus)
fonctionnelle) individus)
Depuis le début des années Depuis le début des années
Echelle du temps 200 dernières années
50 90
Science de gestion
Pscychologie, sociologie
Domaine scientifique Science de l’action
Economie Psychologie cognitive
principal
Anthropologie sociale Théories des
organisations
Caractéristiques
personnelles, Processus de création d’une
Fonctions de
Objet d’étude Traits des individus nouvelle activité ou d’une
l’entrepreneurs
entrepreneurs et nouvelle organisation
entrepreneurs potentiels
Positivisme Constructivisme
Paradigme dominant Positivisme
Sociologie compréhensive Positivisme
Quantitative
Quantitative
Methodologie Quantitative Qualitative Qualitative
30
J.-P. Langlois, in « L’intrapreneuriat : un concept jeune », Numéro spécial du CDE, « L’esprit sauvage
de l’intrapreneurship », vol. 2, n°. 3, 1988, indique que c’est en 1975
31
A. Fayolle, « Du champ de l’entrepreneuriat à l’étude du processus entrepreneurial : quelques idées et
pistes de recherche », CERAG, 2002
32
B. Saporta, « Préférencesthéoriques, choix méthodologiques et recherche française en Entrepreneuriat :
un bilan provisoire des travaux entrepris depuis dix ans », Revue de l’Entrepreneuriat, vol. 2, n° 1, 2003,
pp. V-XVI
33
H. H. Stevenson & J. C. Jarillo, « A Paradigm of Entrepreneurship: Entrepreneurial Management »,
Strategic Management Journal, vol. 11, Special Issue: CorporateEntrepreneurship, Summer, 1990, pp.
17-27
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
9
L’entrepreneur Les processus
Les entrepreneurs sont
joue / ne joue pas un différents des non- entrepreneuriaux sont
Hypothèse de base
rôle important dans la entrepreneurs différents les uns des
croissance économique autres
Entreprises-Entrepreneurs
Lien avec la État, collectivités Entrepreneurs
Entrepreneurs potentiels
demande sociale territoriales Entrepreneurs potentiels
Éducateurs et formateurs
(qui est intéressé Responsables Système éducatif Structures
par ...) Économiques Formateurs d’accompagnement et
d’appui des entrepreneurs
34
E-M. Hernandez, « Economie et gestion de la petite et moyenne entreprise », Revue Internationale
PME, vol. 8, n° 1, 1995, pp 107-119.
35
T. B. Lawrence & N. Phillips, « FromMoby Dick to Free Willy: Macro-cultural Discourse and
InstitutionalEntrepreneurship in EmergingInstitutional Fields », Organizations, vol. 11, 2004, pp. 689-
711
36
M. Schneider & P Teske, « Towards a Theory of the Political Entrepreneur: Evidence from Local
Government », American Political Science Review, vol. 86, 1992, pp. 734-47 - D. Osborne & T. Gaebler,
ReinventingGovernment: How the Entrepreneurial Spirit Is Transforming the Public Sector, Reading,
MA: Addison-Wesley, 1992.
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
10
secteur ou encore l’économie sociale et solidaire pour l’entrepreneur social où la
finalité est alors celle de la solidarité ou de la charité. S’agirait-il d’entrepreneurs
pourvus d’une conscience sociale dont la force catalytique serait un espoir face au
« court termisme » de la grande organisation ?
37
Y. Pesqueux, Gouvernance et privatisation, PUF, Paris, 2007
38
Y. Pesqueux, op. cit.
39
I. Huault& J.-P. Gond & B. Leca& F. Dejean, « Institutional entrepreneurs as translators : a
comparative study in an emergingactivity », XVI° Conférence de l’AIMS, Annecy, 2006
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
11
événements antérieurs entrent en ligne de compte. Ces évènements sont marqués par
le refus de l’ordre établi, institution oblige. L’entrepreneur institutionnel a souffert des
contraintes bureaucratiques. Il y a donc une nette différence avec l’atemporalité de la
figure de l’entrepreneur classique.
Conclusion
On associe d’ailleurs très souvent ces cadres avec la notion de start-up, entité posant
la question du « plafond de taille » ou encore avec celle de born global qui, pour sa
part, pose la question de l’influence géographique41.
L’entrepreneuriat est considéré comme une activité sociale occupant une place
majeure dans les sociétés contemporaines, voire une idéologie. C’est cette centralité
qui a conduit à la multiplication des cursus d’enseignement dédiés, surtout dans les
business schools qui jouent un rôle majeur dans leur institutionnalisation et, en
complément, à l’explosion des dispositifs habilitants (pépinières, incubateurs, capital
risque, business angels, etc.) qui se ressemblent malgré la volonté de les distinguer
tout comme on tente de distinguer les cursus dédiés dans les business schools au
regard de contingences de secteurs et d’activité, avec une préférence pour la hightech.
C’est cette préférence qui entretient la confusion « entrepreneuriat – innovation ».
Cette volonté de différenciation sert aussi de base aux distinctions (éventuelles) en
l’enseignement « pour », « par », « de » et « avec » l’entrepreneuriat, en phase avec
les dispositifs habilitants, du développement de l’intermédiation. Il ne saurait donc y
avoir d’entrepreneur et d’entreprise sans public ou, en d’autres termes, il ne saurait y
avoir de public sans privé.
40
B. Johannisson, « Business Formation – A Network Approach », Scandinavian Journal of
Management, vol. 4, n° 3&4, 1988, pp. 83-99
41
P. Mc Dougall& B. Oviatt, « Toward a Theory of International New Ventures », Journal of
International Business Studies, vol. 25, n° 1, 1994, pp. 45-64
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
13
De l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat / Yvon PESQUEUX
14