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Etudes Bakongo Religion Et Magie

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Full text of "Hum. Sc.

( IRCB)
T. IX, 1 VAN WING R. P. J.
Etudes Bakongo Religion Et
Magie 1938"
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Institut Royal Colonial Beige

SECTION DES SCIENCES MORALES


ET POLITIQUES

Memoires. — Collection in-8°.


Tome IX, fascicule 1.

Koninklijk Belgisch Koloniaal Instituut

AFDEELING DER STAAT- EN ZEDEKUNDIGE


WETENSCHAPPEN

Verhandelingen. — Verzameling
in-8°. — T. IX, aflevering 1.

ETUDES BAKONGO

II

KELIGION ET MAGIE
PAR LE

R. P. J. VAN WING, S. J.,

MISSIONNAIHE A KISAN1U,

Membre associE de l’Institut Royal Colonial Belge


ET DE L'INSTITUT ROYAL D’ANTHROPOLOGIE DE GRANDE-BRETAGNE
ET D’lRLANDE.

BRUXELLES

Librairie Falk fils,

GEORGES VAN GAMPENHOUT, Successeur,


22, Rue des Paroissiens, 22.

1938

ETUDES BAKONGO

II

RELIGION ET MAGIE

PAR LJi
R. P. J. VAN Wl NG, S. J.,

Missioxxaire a Kisaxtu,

MEMBRE ASSOCIE DE L’lNSTITUT ROYAL COLONIAL BELGE


ET DE L’lNSTITUT ROYAL D’ANTHROPOLOGIE DE GRANDE-BRETAGNE
ET D’lRLANDE.

1000 BBUXELLeT rue ° Uco, e,I

BEL G ique

mem. inst. royal colonial belge.

M6moire presente & la stance du 21 mars 1938.

Imprimi potest.
Bruxellis. die 9 iul. 1938.

I. B. Janssens, S. J„
Praep. Prov. Belg. Sept.

Imprimatur.

Mechliniae, die 20 Julii 1938.


t Et. Jos. Carton de wiart,
Vic. Gen.
INTRODUCTION

Le present ouvrage fait suite a un premier volume


d ’Etudes Bakongo, consacre a l’Histoire et a la Sociologie,
et paru en 1921 a la Bibliotheque Congo. Ces etudes
avaient re?u un accueil extremement flatteur dans les
milieux coloniaux et scientifiques de Belgique et de
l'etranger. Elies sont depuis longtemps epuisees. De divers
cotes on en demande la reimpression. Si Dieu me prete
vie et si j’en ai le loisir, je preparerai line nouvelle edition
de la Sociologie, oil trouvera place l’etude de revolution
de la societe depuis vingt ans.

Le second volume qui parait aujourd’hui, est consacre


a la religion — Nzambi, culte des ancelres — et aux prin-
cipales formes de la magie. Le « Kimpasi », deja edite en
flamand a la Bibliotheque Congo, se retrouve ici, car c’est
de toutes les pratiques magiques la plus etendue et la plus
importante. Dans ce double domaine, religion et magie,
le champ d’investigation reste, comme dans le premier
volume, la region situee entre l’Inkisi et le Kwango, habi-
tat de la branche orientale des Bakongo.

Le mode de recherche a etc le meme que pour la socio-


logie : voir et entendre par soi-meme; quant aux pratiques
secretes ou disparues, se les faire decrire tout au long par
les chefs et les anciens qui en furent les ministres ou, a
tout le moins, les spectateurs. Pour recueillir des formu-
les exactes et completes, il l'aut alors mener son enquete
4

ETUDES BAKONGO

AFR. EOUAT.

FRANCES

Brazzaville

HopoiDyi^n ^

MALUKU

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J- fletu/e . r/r/en * ruisseta. KiSANTl/ t Jtfissitn CdlhaJiyue, \

fin/ad'/vate -dut/mMes Bdkoncjo lri£u.

r6em,a emiifd.i-i.mm, „ „

RELIGION ET MAGIE

paternellement, ne jamais brusquer ni fatiguer son inter-


locuteur puis, sans un signe d'impatience, recommencer
une vingtaine de fois.

Les phenomenes d’ordre religieux on magique sont


d’exploration plus difficile que les formes et institutions
sociales. Les noirs en parlent moins volontiers et moins
librement; ils eprouvent une difficulte plus grande a les
expliquer. .le suis en possession de formules de prieres et
d’incantations que le style et le vocabulaire archaiques
rendent inintelligibles meme aux noirs. Ensuite la magie
esl, de sa nature, tenebreuse. 11 faut une lente accoutu-
mance des yeux avant d’y percevoir quelques pales
lueurs... et la lanterne fumeuse que nous pretent les noirs
n’eclaire que faildement. Aussi, deceler le sens d une for-
mule religieuse ou la portee d un rite, reste une operation
delicate; ces paiens ont leur monde a eux, et nos pensees
et nos sentiments ne se meuvent pas sur le meme plan.
Apres vingt-cinq ans de contact intime avec ce peuple
qui m’est profondement sympathique, je laisse s’accu-
muler des materiaux de tous genres, encore inutilisables;
les expressions s’y rencontrent nombreuses, dont le sens
me reste obscur. Je suis en admiration devant l’ethnogra-
phe qui, ignorant la langue d un peuple, en decrit les
institutions et les pratiques religieuses. Ce qu’il voit n'est
lien en comparaison de ce qu’il entend, et qu’il devrait
comprendre. Aucun noir n’est capable tie transposer ses
formules religieuses et magiques dans la pauvre lingua
franca de cet ethnographe.

Persuade que le meilleur service a rendre a l’etlinologie


c’est de lui fournir des materiaux sans appret, je me suis

ETUDES BA.KONGO

applique a decrire les principales formes de religion el de


magie Bakongo sans y meler une theorie quelconque,
sans me me partir d’une definition a priori. Sauf neces-
sity, je m’abstiens de commentaires et duplications. La
plupart du temps, ce sont les noirs eux-memes qui parlent
en un frangais exempt de parure scientifique on litteraire.

Je dois une reconnaissance speciale aux RR. PP. P. Meu-


lenyzer et E. Deshayes, pour l’aide fraternelle qu’ils m’ont
apportee dans l’edition de cet ouvrage.
Louvain, le 17 septembre 1937.

ETUDES BA KONGO

II. RELIGION ET MAGIE

CHAPITRE I.

LES HOMMES ET LES ESPRITS.

Les homines. — Le corps. — L'ame. — L’ame sensible. — Le nom. — Les


esprits. — Les ancfitres. — Les Matebo. — Les Nkita. — Les bisimbi.
— Autres esprits.

Les hommes.

L'homme et son milieu social fournissent aux Bakongo


les elements constitutifs de ce que nous appelons le
« monde des esprits ». Ces esprits ne seraient que des hom-
ines comme eux, mais differents de corps et places en
d'autres spheres. Pour comprendre ce monde des esprits,
il taut done d’abord s’assimiler la conception indigene du
« monde des hommes » ( l ).

L’homme pour les Bakongo se compose de quatre ele-


ments : le corps ( nitu ), le sang ( menga ) qui contient l’ame
(mayo) et le mfumu kutu, espece de double ame.
Venant donner a l’etre lnimain sa personnalite parfaite,
le nom ( zina ) constitue l’homme « complet ».

(!) Le Kikongo ne possede pas de mot propre pour signifier un etre


vivant spirituel. Le P. Georges de Gheel, dans son Vocabulaire (1632),
traduit spiritus par moyo; le terme usuel qu'emploient de nos jours les
Bakongo est mpeve (traduction litterale : vent, souffle).

ETUDES BAKONGO

Le corps.

Le mot nitu signifie exclusivement le corps human),


Ies animaux n’en avant pas suivant la conception indi-
gene.

Ceux qui sont comestibles ont conime l’homme nsuni,


de la chair, biyisi, des os, menga, du sang et meme
mbundu, un cceur; mais ils ont un estomac ou lukutu,
tandis que l’homme doit se contenter d’entrailles ou ndla.

Or, les formes que nous appelons esprits, possedent


d’apres les Bakongo un corps ou nitu. L’homme quittant
son enveloppe mortelle, prend instantanement un autre
nitu ou corps.

Notons a ce sujet quelques proverbes d’usage frequent :


Beto bantu nitu ye mbundu : nous autres, etres humains,
nous sornmes faits d’un corps et d’un coeur; Beto bantu
nitu ye moyo : nous sornmes composes de corps et d’ame.
Ce qui signifie : nous autres hommes, nous ne pouvons
rien changer a ce que nous sornmes, nous devons nous
prendre tels que nous avons ete crees.
L’ame.

Le sang, repandu par tout le corps, est le siege de l’ame


ou moyo ( 1 ). Toute perte de sang fait souffrir l’ame, tant
et si bien qu’elle finit par abandonner le cadavre exsangue.

Cette conception explique le role du sang dans le feti-


chisme indigene. Quelqu’un a-t-il reussi a s’approprier
du sang, il devient par la-meme le maitre des forces occul-
tes qui y sont emprisonnees. D’oii encore ce point du droit
coutumier : la plus legere blessure saignant ne fut-ce

(>) Moyo ou l’ame vient de la meme racine que moya : vivant. La


menace habituelle est : Jwa ufwa, ka umoya ko, tu mourras de mort, tu
ne seras plus vivant. Le mot moyo est range dans la quatrieme classe
des substantifs, c’est-a-dire celle des substantifs indiquant celui qui fait
l’action. Dans son lexique, le P. Georges de Gheel traduit anima par
moyo et de meme spiritus. Bentley donne pour moyo les significations
suivantes : vie, esprit, Sme, cceur.

RELIGION ET MAGIE

que de quelques gouttes, est plus grave et exige un chati-


ment plus severe que le coup le plus violent non suivi
diffusion de sang.

Le siege principal de l ame c’est le cceur, « centre vital


de tout le sang ». Le coeur ( mbundu ) se trouve pres du
foie ( kimoya ) et ces deux organes sont avec le sang les
sources de la vie; d’ou leur role primordial dans la magie.
Jadis, assez souvent, lorsque de pauvres prisonniers de
guerre n’etaient pas rachetes, on les leur enlevait a vif
pour les manger. De nos jours encore le coeur et le foie
des animaux tues a la chasse reviennent de droit au
chef C).

Lame est principe de vie, principe moteur. Le verbe


« vivre » peut se traduire de trois fa^ons differentes :
zing a employe uniquement pour l’homme et signifiant
strictement continuer a vivre; moya employe indifferem-
ment pour tout etre vivant; enfin kala buna litteralement
« etre ainsi » servant a designer les etres animes ou ina-

(>) Bien que le Mukongo fasse tres bien la distinction entre l’organe
qui meurt et l’ame immortelle, le mot ( mbundu ou ntima) signifie indif-
f&remment l’« &me » ou le « coeur ».

Le proverbe suivant en est un exemple : si kafwa, mu diambu mbundu


muntu idila hula : il va mourir, car le coeur de l'homme ne trouve son
apaisement qu'au loin, c’est-a-dire, non sur cette terre mais par del& la
tombe.

Les Bakongo « veulent par le coeur, pensent dans le coeur ». « Cela est
reste dans le fond de mon coeur » signifie : je l’ai oubli6. Ils « font tom-
ber leur cceur », entendez qu’ils reprennent leur calme. Comme dans nos
langues europeennes, les proverbes gardent leur pleine signification,
qu’il s'agisse de l’organe mgme ou de la faculty.

Les fonctions du cerveau leur sont inconnues. Le coeur est seul le siege
et l’organe des idees, de la volontd, de la memoire, de l’imagination, de
tous les mouvements du coeur, de toutes les manifestations de l’ame.

Certaines expressions permettent de croire que le coeur est encore le


principe du bien et du mal moral. « II ne le voulait pas dans son coeur »
et « il le voulait dans son cceur » signifient respectivement : « cet acte
n’est pas reflechi, il l’a fait sans mauvaise intention », et : « il l’a fait
avec premeditation, il est done coupable ». Cependant, la formule
« e’etait la volonte de mon coeur » est employee parfois pour signifier
tout autre chose, & savoir : je me suis laisse entrainer par la passion.

10

ETUDES BAKONGO

nimes. Cette derniere expression decoule naturellement


de la conception indigene des choses.

Chaque etre, en effet, a sa substance, sa nature, source


de forces connues ou occultes, favorables ou hostiles. La
nature d un objet depend de la forme exterieure qui le
caracterise. C’est la forme que designe d’abord et surtout,
le nom des substances concretes. A lout changement de
forme ou d'aspect exterieur correspond une modification
des forces internes; une nouvelle chose remplagant 1’an-
cienne, le nom doit done necessairement changer. Une
substance conserve-t-elle sa forme ordinaire, on dira
d’elle kikala bujia : elle est telle. Est-elle transformee, fwa
ou fwidi : elle n’est plus la meme.

Fwa se traduit ordinairement par mourir. Cette inter-


pretation ne se verifie cependant que pour les etres
vivants. A la question <( Ton pere vit-il encore? » le
mukongo repond ra « ukala buna, il est ainsi », e’est-a-dire
il vit encore, ou « fwidi, il est mort ». S’agit-il d’objets
inanimes, d’habits par exeinple, les memes termes kikongo
seront employes pour la reponse; ils signifieront alors :
ils sont encore en bon etat, ou, ils sont uses.

L’arbre deracine couche en travers du sen tier fait que


celui-ci est fwidi. Le toit de la hutte cede-t-il aux intem-
peries, la hutte est f widi. Cela ne doit tromper personne;
en aucune fagon les noirs ne s’imaginent que ces objets
sont vivants ou seulement doues d’un esprit comme les
humains; mais le chemin, la hutte, dans les cas cites, out
perdu leur forme caracteristique et ne repondent plus ii
l’idee que s’en fait le Mukongo.

A toute maniere d’etre correspondent des proprietes


speciales. La maniere d’etre des pierres et des mineraux
kala buna sera differente de celles des plantes, qui crois-
sent ( mena ); autre encore est celle de l’animal ( umoya ),
autre celle de l'homme ( umoya et uzinga).

C’est grace a lame (moyo) que l’homme vit sa vie


(uzinga). Cette ame resiste victorieusement a la mort, et

RELIGION ET MAGIE

11

se retire ku inasn, a l ean, que les Bakongo designent d une


maniere ties caracteristique : ku bazingila, c’est-a-dire
« la on l'on v it ». Elle y prend tin autre corps ( nitu ) qui
n’est plus noir. mais blanc.

Tons les etres doues d’un pouvoir special, vital on autre,


condiment a le posseder atissi longtemps qu'ils gardent
la forme, siege de ce pouvoir. Ainsi les bees d’oiseaux
rapaces et les ongles de leopard renfermes dans le nkisi
ne sont pas seulement des symboles mais aussi de vraies
sources de la force du nkisi. Quand la forme est entiere-
ment detruite, alors seulement la vie ou le pouvoir
n’existe plus. C’est dans cette conception des Bakongo
qu’il faut trouver la raison et de leur crainte de toucher le
cadavre d’une bete malfaisante, et de leur repugnance a
manger crus les legumes ou la viande.

L’ame sensible.

Mfumu kutu est le principe de la perception sensible.


II s’appelle le seigneur de l’oreille, car il est cense y resi-
der; aussi le cerumen sera le tufi tu mfumu kutu, les eli-
minations de mfumu kutu. Comme d'autres etres myste-
rieux, le mfumu kutu est chose de Nzambi, kima ki
Nzambi. Lorsqu’il entre dans l’enfant, il vient de loin;
lorsqu’il quitte le cadavre, il s’en va loin, ku katalukidi;
ce qu’il a fait avant de vivre dans l’liomine, ce qu’il fera
apres, personne ne le sait. Lorsqu’il est chez lui, c’est-
a-dire dans 1’ oreille, il aclionne l’ouie et la vue; en son
absence ces sens sont inoperants. La nuit, il erre par les
campagnes, aussi le sommeil s’empare-t-il de l’homme;
le jour s’il s’en va, l’homme tombe evanoui. S’evanouir,
tomber en syncope, c’est « mourir par separation, fwa
ngarnbu; mfumu kutu s’est separe du corps. Si le matin
l'on eprouve quelque peine a eveiller quelqu’un, c’est que
son mfumu kutu n’est pas revenu, il s’en est alle trop
loin. Leka kilu ou dormir, leka ndosi ou rever, sont choses

12
ETUDES BAKONGO

tout aussi mysterieuses; elles s’expliquent quelque pen pai


l’intervention du mfumu kutu.

Lorsque mfumu kutu s’en est alle, son activite ne se


ralentit pas, mais elle est autre; il se promene partout, il
rencontre ce que l’on rencontre dans la nuit, obscure :
fantomes et sorciers contre lesquels il doit hitler; il fait ce
que Ton fait la nuit : vols, relations conjugates, etc. Tout
cela, l’homme endormi s’en rend compte parfois : c’est le
reve.

Ces explications me furent fournies avec les exernpies


cites, par de vieux chefs indigenes. 11s m’ont assure aussi
que mfumu kutu etait l’origine de l’ombre qui suit par-
tout l’homme.

Les Bambata, au contraire, attribuent l'ombre a l ame


proprement dite moyo, ou encore la considerent comine
line sorte de sosie de cette ame (kini ou kivivi).

L’ombre etant si intimement liee a l’ame ou au mfumu


kutu, les vieux indigenes ne tolerent pas qu’elle soit fou-
lee aux pieds; mfumu kutu s’en offenserait, ils en contrac-
teraient une maladie.

Les Bakongo semble-t-il, n’ont pas sur l’ombre d’idee


bien arretee. M’efforgant de scruter leur pensee, je leur
fis l’objection que les arbres, les huttes, les animaux
ayant aussi une ombre, devraient avoir comme l’homme
un mfumu kutu.

« Sans doute, me repondirent-ils, les animaux ont leur


ombre comme nous; mais les arbres et les huttes n’ont pas
d’ombre ou kini, ils ont seulement kiosi (litteralement de
la fraicheur), ils ne peuvent avoir de mfumu kutu ».

— « Les animaux ont done egalement un mfumu kutu,


repris-je, puisqu’ils ont une ombre ».

— « En aucune maniere, ils n’ont pas de mfumu kutu,


car leur ombre (kini) est differente de celle des hommes ».

— (( En quoi differe-t-elle done » ?

— « Cela, nos « anciens » ne nous l’ont pas dit ». Der-


niere reponse du Mukongo accule...

RELIGION ET MAGIE

13

Quelqu’incoherente que soil la conception des Bakongo


sur l’ombre, sur le mfumu kutu on ame sensible et sur
le moyo, ou l’ame spirit uelle, il est certain qu’un dedou-
blement de la personnalite humaine leur parait tout natu-
ral. Ce dedoublement ou division est rendu possible par
le depart de 1’ame sensible. Substance mysterieuse, cette
ame pent aller et venir, constituant peul-etre un element
nuisible : kima kimbi kwandi, comme me le decrivait un
ancien chef; parfois I'liomme peut, en reve, suivre ses
peregrinations; le plus souvent toutefois il n’en percevra
rien.

Le mfumu kutu pourra la nuit devorer les homines,


comme le ferait un sorcier ordinaire, sans que le matin
on s en rende compte. C’est ce qui justifie le dicton sni-
vant : « Si ton pere ou ta mere sont sorciers, le sais-tu ?
Peut-etre ne le savent-ils pas eux-memes ».

Un ancien nganga que j’interrogeais au sujet de la sor-


cellerie ( kindoki ) me donna l’explication suivante : « Les
sorciers sont des honimes mauvais doues d’un mfumu
kutu malfaisant. Par un moyen magique puissant ils par-
viennent a se muer en un animal minuscule, ( =kiolu ),
a s’introduire ainsi dans le corps d’un homme et a le tuer.
Or tandis que se deroule ce drame infernal, leur corps
humain reste dans la butte; personne ne peut soupfonner
que ces paisibles dorrneurs sont des sorciers nefastes qui
se repaissent de sang.

Que deviennent a la mort de l’homme les divers ele-


ments nommes ci-dessus : corps, ame spirituelle, ame
sensible? Et tout d’abord, comment les Bakongo expli-
quent-ils cette tragique metamorphose? De trois manie-
res : ou bien la mort vient de Nzambi qui l’a causee, soit
par accident, soit tout simplement par la vieillesse et
l’epuisement des forces; ou bien, elle a pour auteur
rhomrne, qui l’occasionne tantot par le poison, tantot par
une blessure grave; elle peut enfin etre provoquee par
des manoeuvres de soreellerie ou kindoki. D’apres les

14

ETUDES BAKONGO

Bakongo, ce dernier mode est le plus frequent et n est


autre que ce que nous appelons maladie.
Les fetiches-esprils peuvent se saisir d’un homrne soit
spontanement, soit parce que le nkisi on fetiche a ete
actionne par le feticheur contre lui, ennemi, voleur ou
sorcier; toujours ils le frapperont de quelque maladie,
chacun d’apres sa vertu propre. Ces maladies ne pourront
generalement etre gueries que par le nganga ou feticheur
qui a en son pouvoir le nkisi auteur du mal.

Les ndoki, sorciers et jeteurs de mauvais sorts, peuvent


par des manceuvi’es secretes de sorcellerie, comme dans
le cas cite plus haut, se changer en animaux minuscules,
penetrer jusqu’au coeur de leur victime et en sucer le
sang. Leurs mefaits meneront rapidement le malade a
1’agonie, il n'entendra plus, ne verra plus; hientot il git
sans connaissance, son mfumu kutu l’avant abandonne
pour s en aller au loin.

Du morihond I on dira qu’il est « mort quant aux oreil-


les », fundi makutu; des qu'il ne respire plus : fwidi
inbombo, il est « mort quant au nez ». Les ndoki l’ont
suce, somuna, comme on gobe un oeuf. De meme que
la coquillc seule reste, kibnla kisala , de meme l’enveloppe
humaine seule demeure, kigagala kisala. 11 n’v a plus la
une personne mais un mvumbi.

Ce terme ne peut se traduire strictement par cadavre,


car pour le Mukongo, Fame ( moyo ) n’abandonne pas le
corps aussi longtemps que le sang rouge coule dans les
vaisseaux. Le mvumbi sera done seche a la fumee, et lors-
que les pleureurs qui gardent continuellement le defunt
s’apercevront que le liquide s’echappant du corps a pris
une teinte blanc-jaunatre, tout le sang ayant disparu, et
l ame ayant quitte le corps, alors enfin muntu fwidi kala,
l'homme sera declare mort.
Le cadavre sera ensuite enterre et abandonne a la
decomposition. Mfumu kutu est parti definitivement, il
n’en sera plus question. Lame s’en est allee et s’est incar-

BELIGION ET MAGIE

15

nre immediatement dans un autre corps; ku inasa ke


baka nitu nkaka : elle s’est rendue an sejour des ancetres
et y a pris un corps tout hlanc, plus petit de taille et a
chevelure rousse.

Le nom.

Le nom on zina constitue la quatrieme partie integrante


de l’homme. Lorsque 1’enfant parait, il n’est pas encore
un etre humain dans le sens plenier du mot. II n’est encore
qu’un kimpiatu, une chrysalide. L’enfant ne sera hoinme
parfait qu’a l’imposition du nom. Loin d’etre simplement
un son, un pur signe exterieur, le nom fait partie de la
personnalite; a chaque transformation de celle-ci corres-
pond ra un nom nouveau. Aussi par exemple, si le
Mukongo a l’age de la puberte entre dans uu nzo longo,
s’il se soumet aux ceremonies de 1’initiation a la secte
secrete du Kimpasi ou s’astreint aux rites de certains
nkita-nkisi, il transforme par le fait meme sa personnalite
et, du meme coup, se voil imposer un nom nouveau indi-
quant son nouvel etat.

Le fetiche lui-meme ( nkisi ) pour etre complet et authen-


tique doit posseder son nom propre. Le nganga ou feti-
cheur le lui rappelle quand pour le mettre en action il
lui prouve qu’aucune des prescriptions indispensables
n’a ete omise; il l’interpelle : « ngeye muntu ye zina, toi
homme possedant ton nom ». Le nom et la maniere d’etre
sont intimement lies. Veut-on maudire quelqu’un ( siba ),
pour que la force magique des paroles et des rites impre-
catoires penetre l’essence meme de l’ennemi, il faut con-
naitre son nom. Aussi, est-ce avec repugnance et comme
malgre lui que l’indigene interroge par un etranger
livrera son vrai nom, celui du clan, ou encore celui de
ses parents et amis. Il craint qu’on n’en fasse un mauvais
usage.

Le nom parait etre en relation intime avec lame spiri-


tuelle, tout comme l’ornbre avec l’ame sensible. En tout

16

ETUDES BAKONGO

cas, zina ka difwa ko le nom ne meurt pas, el en ceci ii


ressemble a lame ou moyo. Les vieux indigenes eviteront
de prononcer le nom de celui qu’afflige quelque plaie
saignante. « Cela pourrait lui etre nuisible » me disail le
chef Mbemba. De meme les vieux pai'ens n'appelleronl
pas de son nom le tireur de rnalafu grimpe au sommet
d un palmier; ils 1’interpelleront ainsi : « E kinonia kulu-
muka, e ntietie n: a wisa. Petite fourmi descends, petit
passereau viens done ». — Car il ne faudrait pas que les
esprits mauvais, apprenant le nom du grimpeur en vien-
nent a se saisir de lui.
Les esprits.

Ce que nous appelons « esprits » e’est pour les Bakongo


des etres humains qui, apres leur mort, subsistent dans
d’autres corps d’homme. 11 n’y a que les bisimbi, au sujet
de la nature et de l’origine desquels il y a disaccord. Les
uns disent qu’ils n’ont jamais ete des hommes, d’autres
pretendent que ce sont des hommes de l’eau comme nous
sommes des hommes de la terre.

Au sujet des esprits il ne faut pas chercher chez les


Noirs des concepts bien definis. La plupart n’en ont que
des notions confuses et inconciliables entre elles.

Un premier groupe d’esprits s’appelle Bakulu. Cette


categorie se compose de membres defunts de la kanda
ou clan. Ils habitent sous terre pres des bois et des cours
d’eau, et forment des villages semblables a ceux de la
brousse : hommes et femmes, chefs et sujets y vivent
organises. Grace a leur bonne entente ils inenent line
existence heureuse.

Tous les membres de la famille ne sont cependant pas


Bakulu apres leur mort. Pour etre admis au nombre des
ancetres, on doit avoir pratique les lois, ne s’etre rendu
coupable ni de vol, ni de debauche, n’avoir etc ni querel-
leur, ni colere, et ne pas avoir trempe dans la sorcellerie.
Jamais les Bakulu n’admettent dans leurs villages des

RELIGION ET VI AG IE

17
bimpumbulu ou malfaiteurs. Pour d’autres raisons qui
restent leur secret, les ancetres renient parfois d’autres
defunts de la kanda.

Matebo (sing. tebo).

A ce nom repondent la plupart des hommes qui, apres


leur mort, ne sont pas repus chez les Bakulu, entre autres
les vauriens, les sorciers et sorcieres. Le tebo est genera-
lement petit de taille et tres laid. Sa peau est cendree, il a
une longue chevelure rousse et repand une odeur uausea-
bonde. Les matebo construisent leurs huttes dans les bois
pres des sources ou des ruisseaux. Souvent a la tombee de
la unit, ils quittent leur repaire pour aller, par les villa-
ges, voler poules et chevres, voire des etoffes et d’autres
objets. Parfois ils attaquent l’homme qu’ils rencontrent
sur un sentier desert, le battent d’importance et, s’ils le
peuvent, l’attirent dans leur antre pour le devorer. La
chair humaine est pour ces etres malfaisants ce que la
viande de pore est pour le Mukongo ordinaire, le met de
choix. Aussi dans les legendes ou interviennent les mate-
bo , appellent-ils saus cesse les hommes du nom de pore.

Quand la nuit les matebo rodent autour des villages,


ils se reposent de preference dans la brousse sur les bigeti
(Hymenocardia acida. Euph.); nombreux sont les Noirs
qui pretendent les y avoir vus, perches comme des sin-
ges. Paiens et chretiens les ont rencontres. Une bete qui
remue dans l’obscurite et fait bruire le feuillage, quelque
tapage insolite qui reveille les dormeurs, un cauchemar
qui les fait se dresser sur leur couche, tout cela prend pour
eux allure de tebo. Les descriptions qu’en donnent les pre-
tendus voyants, repondent bien anx traits esquisses plus
lraut, a part toutefois la teinte des apparitions parfois
noires comme de la poix — ce qui s’explique par l’obscu-
rite.

Les matebo ont un role a jouer dans le fetichisme. Cer-


tains nganga ont des nkisi a l’aide desquels on peut voir

18

ETUDES BAKONGO

impunement des matebo. D’autres possedent des nkisi


influences et habites par un esprit-tebo; ces derniers ser-
vent generalement a accomplir quelque mauvaise beso-
gne.

Les nkita ou bankita.

Les bankita sont des hommes ayant subi une mort vio-
lente. Les principaux d’entre eux sont les « ancetres du
debut » qui ont peri par la guerre, l’assassinat ou le sui-
cide. Un vieux chef me racontait qu’on les divise en trois
classes. La premiere et la plus puissante comprend les
heros tombes au combat. Leur chef s’appelle Na Ngutu.
A la deuxieme appartiennent les femmes tuees a coups de
couteau. Ma kiela est a leur tete. La troisieme classe reu-
nit lous les autres, qui furent assassines ou se donnerent
la mort. Leur chef est Dinganga.

Les bankita sont blancs et tres forts. Les forets vierges


et les rivieres soul leur domaine. Ils s’approchent souvent
des villages, surtout a la saison seche, et devorent goulu-
ment les fruits murs qu’ils trouvent sur leur passage :
bananes, fruits du kilolo (Annona senegalensis) , inafulata
(Psidium Guai'vu), mbungumbungu, etc. Ils apparaissent
parfois sous les apparences de chauve-souris ( ngembo ) ou
d’hirondelles (mindala-ndala) . Quand les vieux paiens
aperfoivent ces oiseaux, ils se tiennent cois, crachent par
terre tant qu’ils sont en vue et chuchotent a part eux :
« Bayava balutanga ou bankita balutanga, ce sont les
esprits des ancetres, ou bien les bankita qui passent ».
On pense aussi qu’un homme assassine volontairement
ou par imprudence se change en un kimpi ou mwana-
ngembo sorte de petite chauve-souris.

Les bankita jouent un role tres important dans le feti-


chisnie. Ils peuvent etre invoques par le feticheur appele
nganga nlaba (') . Les bankita habitent ou animent
un grand nombre de nkisi tres puissants, entre autres

(>) La nlaba est une calebasse contenant le nkisi employ^ a cette fin.

RELIGION ET MAGIE

19

le nkisi-kimpasi, par lequel meurent el ressuscilenl


les mcmbres de cette seete secrete. I is meurent de la
mort-nkita et ressuscitent homme-nkita. 11 y a encore
d’autres fetiches, qui peuvent changer quelqu’un en
homme-nkita et qu’on appelle nkisi mi nkita. Ce sont
Kivunda. Nkwete, Mfumu Masa, Malari, etc. Peut-etre
existe-t-il aussi quelque rapport entre le nkita et la conse-
cration ou l’installation des chefs dans la region de la
Nsele; en effet, avant d’exercer leurs fonctions, ceux-ci
se retirent quelque temps dans la foret, y accomplissent
certains rites et executent des danses devant les binkita
(ce noni designe une petite boite contenanl les restes des
ancetres) .

Les bisimbi.

Le nom de ees esprits vient sans doute du verbe simbu,


attaquer. Ils sejournent an bord de l’eau ou en plein
champ, et selon leur habitat, on les appelle bisimbi bi
masu ou bisimbi bi nseke. De memo les nkisi qu’ils ani-
ment ou habitent s’appellent nkisi mi masa ou nkisi mi
nseke.

Voici une formule d’exorcisme que les anciens s’en vont


prononcer chaque soir hors du village, quand un de leurs
parents est en danger de mort :

Beno lukala ku banda, lukala ku ntandu ,

Bisimbi bi masa , bisimbi bi nseke ,

Beno bakulu, luyenda ku masa,

Yonso usimbidi mbefo, kayambula !

Vous qui sejournez sur ces rives, en amont, en aval,

Vous, Bisimbi des eaux et Bisimbi des champs,

. Vous tous, ancStres errant sur les rives des eaux,


Quel que soit le bourreau du patient, qu’il s’en aille !

Le kisimbi des eaux habite de preference pres des sour-


ces, des etanes et des ruisseaux. Certaines sources soul
merac considerees comme le domaine d un kisimbi. Per-

“20

ETUDES BAKONGO

sonne ne pent y prendre de l’eau on s’en approcher, a part


le nganga; et quand ce dernier cherche dans le voisinage
des materiaux pour ses nkisi : cailloux, racines d’arbre ou
feuilles de plantes aquatiques, it a soin de froisser entre
ses doigts des feuilles de lemba, pour apaiser le kisimbi.

Les bisimbi se tiennent blot t is sous les pierres et les


racines; les foule-t-on aux pieds, ils saisissenl l’imprudent
et l’accablent de maladies : tumeurs, pustules, douleurs
internes, etc. Le nganga Ngombo, ou devin, a dans ses
attributions d'indiquer le nkisi qu’il faudra mettre en jeu
pour apaiser le kisimbi et guerir le mal.

Les bisimbi et les bankita sont souvent confondus entre


eux par le people. Meme les vieux, les « sages » ne savent
pas toujours tirer line ligne de demarcation bien nette
entre ces deux sortes d’esprits. C’est ainsi que j’ai note des
renseignements contradictoires sur trois nkisi appeles
nkisi misimba nsi, nkisi qui detiennent et possedent la
contree. Les trois esprits animant ces nkisi sont Lemhi
qui habite l’eau, Tolula qui vit sur le sol et Nzenzi qui loge
dans les arbres. D’apres certains de mes informateurs ce
sont trois bisimbi, d’apres d’autres trois nkita. De meme
il est dit du nkisi Kiyengele qu’il est un nkisi nsi, c’est-
a-dire un nkisi de la terre. Or. il serait en relation intime
avec le Nzadi, ou riviere Inkisi.

Autres esprits.

Les esprits cites jusqu’a present sont les plus connus;


ils ont chacun lours caracteristiques dans les croyances
populaires. 11 y en a d’autres cependant dont on ne con-
serve que quelques. traces vagues. C’est ainsi qu’on parle
de Kiniumba, de Kinkindibidi, de Nkwiya, sortes de cove-
nants depeints parfois comme des monstres, parfois
com me de simples matebo ou bisimbi. Dans le fetichisme
ils ne jouent aucun role, pour autant du moins que j’aie
pu m’en rendre compte.

RELIGION ET MAGIE

21

Chez les Bakongo de Loango ct do San Salvador, on


croit a line sorte de Satan ou demon Nkadi mpemba.
Dapper en parlc dcja. « On voit, dans ees regions, ecrit-il,
des oiseaux semblables anx hiboux et qne les Noirs appel-
lent kari a mpemba, ce qui signifie diable. Leur vue, est
pour les indigenes un mauvais presage ». Quelle que soit
l’origine du mot diable, il a pour Dapper le sens de
« mediant esprit ». Chez, les Bakongo de la region de
l lnkisi, le nom de nkadi mpemba n’existe pas comme
designation d’un hibou, rnais designe cependant un etre
mysterieux. .I’ai releve la dcvinettc : nza, nza, nza ye kuna
nsenga ! Viens, viens, viens aupres de l’arbre nsenga;
don l la reponse est : Abu nkadi mpemba, c’est nkadi
mpemba. Aucun de mes in terlocu terns ne put m’en don-
ner le sens exact. Tout ce que l’on sait, c’est que le nsenga
est en rapports etroits avec les nkisi et les esprits. Un pro-
verbe dit : Ta nkento, la nkadi mpemba. Raconte-le a ta
femme, tu le racontes a nkadi mpemba. Le sens en est
certainement : il n’y a pas de meilleur moyen de divul-
guer un secret que de le confier a sa femme. Impossible
pour moi de trouver une explication plus complete. 11 va
sans dire que la croyance en un nkadi mpemba identique
au Satan de la religion chretienne n’existe pas chez les
Bampangu.

Un autre nom mysterieux est celui de Mbumba (').


Dapper cite ce nom lorsqu’il parle des Kimbo-Bomba du
Loango ( 2 ). D’apres le P. Bittremieux ( 3 ), au Mayombe,
Mbumba Loango serait un esprit puissant cache sous les
apparences d’un grand serpent et vivant au bold de l’eau.
Le nkisi de Mbumba Loango semble bien etre le dibumba
dimbumba, mysterieux petit paquet « abandonne par les

(J) Dans La Religion des Primitifs, M* r Leroy en parle comme etant


le nom d’un etre supreme.

( 2 ) Cfr. Nauwkeurige beschrijving der Afrikaansche Gewesten, 2« druk,


Amsterdam, 1676, pp. 176, 177.

(*) Op. cit., pp. 120-122.

22
KTUDES B.\KO!SGO

anciens », contenant un sale lubongo fume, de couleur


brune, avec des ecailles et des herbes de toutes sortes.
Chez les Bakongo le Mbmnba iutervienl dans bien des
dictons et des formues rituelles. L’exorcisme des nkisi
finit souvent par ces mots :

E mpongo Mbumba !

E nsibu di Mbumba !

Sala nki ya ? Gonda !

0 puissant Mbumba !

0 malediction de Mbumba !

Que vas-tu-faire ? Tuer !

II semble qu’ici le nom de Mbumba serve de title houo-


rifique pour tous les esprits qui habitent ces nkisi.

Avant de prendre leur nourriture, les vieux pai'ens en


jettent trois morceaux dans differentes directions pour
honorer les Bakulu. Ce faisant, ils disent : E i Mbumba nsi,
dia mu nsi, mono idia mu zulu. 0 Mbumba de la terre.
mange sous terre, el que moi je puisse manger sous le
ciel!

Dia Mbumba nsi est line formule de serment. Pendant


que le Noir la recite, il frotte de la terre sur son bras gau-
che avec la main droite. Mono Mbumba Luango, idia
imana. Adage qui signifie litteralement : je suis Mbumba
Luango, je mange, je ne laisse pas de restes. 11 se (lit
d une personne recevant une dot sans donner leur part
aux autres parents.

Quand un Nganga a soigne un malade et remet dans


le petit sac les ingredients de son nkisi, il dit : nde, futa
kinganga, ikangila mbumba; si ngyend'amo : Mainte-
nant paie-moi mon salaire, je ficelle mbumba et je m’en
vais. Ici mbumba ne signifie rien d’autre que le petit sac
qui enveloppe le nkisi et ses accessoires. Il faudra attendrc
une etude comparative des groupes Bakongo pour mettre
en lumiere le sens de ce mot Mbumba. Il implique en tout
cas l’idee de mvstere.

CHAPITRE II.

NZAMBI MPUNGU. — L’ETRE SUPREME C 1 ).

Le nom. — Cr^ateur de toute chose. — Ses interventions dans les affaires


humaines. — Ses attributs. — Les influences missionnaires sur le
contenu de l'idfie Nzambi.

Le nom.

Le nom existait avanl l’arrivee des premiers mission-


naires. En effet, des le debut du seizieme siecle, tous les
documents en font foi, les indigenes comme les mission-
naires emploient pour designer le Dieu des Chretiens, le
setd vocable « JSzambi » ( 2 ).

A ce nom, les pai'ens d’aujourd’hui comme ceux du


XVP siecle, accolent frequemment l’epithete « Mpnngu ».
.loinl it des verbes comme chanter, parler, le mot mpungu
signifie : excellent chanteur, excellent parleur. Mpungu
est aussi le nom generique de toute une classe speciale de
fetiches avant tout proteeteurs et habites, dit-on, par
1’esprit d’un ancetre. II me parait problable, que le mot
Mpongo a originairement le meme sens. II signifie feti-
che, et est employe par le feticheur pour s’adresser a son

(q Cf. Etudes Bakongo, I, pp. 169 et ss.; Hecherches de Science Iteli-


gieuse, mai-aodl 1920, pp. 70 a 81.

( 2 ) « Entre toda a nagao de Gente que habita a Ethiopia Occidental,


e por ventura a Oriental, os moscicongos forao de sen principio niais
polidos nos costumes, e menos barbaros, e muito sujeitos a rasao, porque-
primeira-mente nunca entre elles houve idolos, nem templos aonde os
adorassem, ou venerassem, so-mente conhecifto a Deos, e o adoravao
corno Autor de todos os bens, a quem chamao Zambiapungo, que quer
dizer Senhor Supremo do Ceo; junta-mente tinhao conhecimento do
Diabo, mas nao o adoravao, comtudo reverenciavao-no como autor de
todo o mal, para que lho nao fizesse, a quem chamavao cariampemba. »
(Du Mss. n° 8080 do F. G. da Biblioteca nacional de Lisboa, cite par
Alf. De Albuquerque Felner dans Angola-Coimlna , 19:13.)

“24

ETUDES BAKONGO

fetiche, el par tons pour designer 1 1 1 1 fetiche determine.


\u total, en depit des efforts des Bantouistes le sens ori-
ginel des deux mots, Nzambi et Mpungu reste obseur.
Nzambi. — Createur de toute chose.

D’innombrables devinettes expriment cette idee. Dans


l’etang que Nzambi a fait, on ne se baigne que sur les
bords. Qu’est-ce done? Le feu! — Dans le champ de
Nzambi mpungu, il y a deux grands tas. Lesquels? Le
soleil et la lune! — Le petit paquet que Nzambi a ficele ne
se defait pas. Qu’est-ce? Le uombril! — L’arbre que
Nzambi a plante ne laisse pas tomber une feuille. Son
nom ? Le kitundibila, qui garde ineme ses feuilles seches !
— Le chemin que Nzambi nettoie n’est jamais sale, quel
est-il? La gorge! — La foret que Nzambi a plantee
repousse toujours. Nommez-la. Les cheveux!

II y a sur terre une foule de choses, dont les bonimes


ignorent la nature et le but. Tons les mineraux, les plantes
et les animaux, qui ne servent pas au Mukongo, sont « des
choses de Nzambi ». Nzambi sait pourquoi il les a faites.
Les vagissements et les premiers begaiements des enfants,
les cris des animaux, sont des secrets de Nzambi, mfunda
mi Nzambi ; Nzambi les comprend, nous autres homines
nous ne les comprenons pas.

C’est Nzambi qui a fait le ciel et tous les astres. Le


soleil la-haut tourne tous les jours au-dessus de nos
fetes et compte les temps et les annees « ntangu mvun,
tandis que nous, les hommes, ne faisons que passer
comme les jours « bilumbu beto bantu ». Ce soleil dispense
la bonne lumiere et la bonne chaleur qui font prosperer
l’homme et chassent les mauvais esprits « mu mwini ba
ndoki baladidi. » Ces mauvais esprits renaissent dans les
tenebres provenant de la lune obscure, ngonda mpimpa.
Nous, les hommes, nous vivons et mangeons avec le
soleil; nous ne mangeons pas avec la lune. Tudianga ye
RELIGION ET MAG IE

25

ntanga, ka tudianga ye ngonda. Le soleil va et vient, cau-


sant les saisons; il ne se laisse dominer ni par les hommes
ni par les esprits. Nsa kadie mwirni, kadie masika ; muntu
dimoyo kanena mbangala ko; l’antilope nsa ne saurait
avaler le jour, ne saurait avaler la unit; l’homme, tout en
ayant une ame, ne saurait produire la saison chaude.
Nzambi seul pent agir dans ce domaine.

.le demandais un jour au chef feticheur de la region, le


plus vieux et le plus repute, si les ndoki et les revenants
pouvaient exercer une action sur les corps celestes. 11 me
repondit ce qui suit :

« Abu dio Zulu dina bobo, nani uganga? Ye zo mbwe-


tete ye ntangu ye ngonda? Bio bima ka bibakakana ko,
Nzambi uganga , mu diambu yani kibeni kanakakana ko,
kamonika ko. Ku ba ndoki ye matebo ngangu zina, yani
Nzambi ugana zo ».

« En verite, ce ciel qui est la ainsi, qui l’a fait? Et ces


etoiles et le soleil et la lime? Toutes ces choses sont insai-
sissables, done Nzambi les a faites, car lui-meme est insai-
sissable et invisible. Quant aux ndoki et matebo, ils out
de l’intelligence mais e’est Nzambi qui la leur a donnee ».

Nzambi et les hommes.

Quelques proverbes : Nzambi utuganga ye nzala ye


nlembo = Nzambi nous a fails avec nos ongles el nos
doigts. — II nous a faits mis, avec le besoin de manger :
Nkonga Nzambi, nzala Nzambi, ou encore Nzambi
Mpungu uyidika beto minti dimoya : Nzambi nous a
fa^onnes, arbres vivants.

Nzambi a cree le premier couple humain. <( Au com-


mencement, raeonte la legende, Nzambi a fait un homrne
et une femme. La femme s’appelle : qui viole la defense.
L’homme s’appelle Ya Ndosimau (ce nom varie d’apres
les villages). De ce premier homme, la femme mit au

26

ETUDES BAKOIVGO

monde un enfant. Alors Nzamhi leur fit une defense : « Si


l’enfant vient a mourir, ne l’enterrez pas, placez-le an
coin de la maison et couvrez-le de hois de chauffage. Apres
trois jours it ressuscitera ». Les homines ne le crurent pas.
L’enfant vint a mourir. Ils l’enterrerent. Alors Nzamhi
vint et dit : « Je vous ai dit : n’enterrez pas l’enfant; vous
l’avez enterre. C’est pourquoi tous vos descendants seront
sujets a la maladie, ils mourront, a cause de ma defense
que vous avez violee ». Ainsi done, s’ils n’avaient pas
enterre cet enfant, les choses se passeraient autrement;
nous ne ferions que mourir comme la lune, et quand nous
serions morts, nous ressusciterions de nouveau.

Cette legende n’est pas une kimpa, ou legende ordi-


naire, mais une nkenda u bambuta, une histoire des
anciens.
Tous les liommes descendent de ce premier couple par
voie de generation. Mais Nzamhi intervient dans la for-
mation de chaque individu. « C’est Nzamhi qui fagonne le
corps du foetus dans le sein maternel et petrit le sang,
dans lequel reside l’ame. Quand l’enfant va paraitre, lame
materielle entre par une de ses oreilles. Alors il vit vrai-
ment et nait». — « Si Nzamhi ne nous avait couverts
d’une feuille (notre peau) nous ne serions jamais
nes ». — « Si l’enfant nait difforme, c’est que Nzamhi
nous a laisse des motifs de rire ». L’ame materielle
est « une chose de Nzamhi ». « Elle vient de lui »
quand elle entre dans l’oreille de l’enfant, et quand
l’homme meurt, mfumu kutu utalukidi, wele ka Nzamhi
« elle retourne au loin, chez Nzamhi ».

L’homme surtout est sous la dependance de Nzamhi.


Quelques proverhes : « Nous sommes tous les su jets de
Nzamhi. II nous a faits, c’est a lui que nous irons apres la
mort ». — ((Nzamhi nous possede, il nous mange ». Ce
qui signifie qu’il fait de nous ce qui lui plait, car ils ne
s’imaginent pas du tout que Nzamhi mange les homines.

RELIGION ET MAGIE

27

Quand Nzambi fail ou Iaisse mourir un homrae, il le


laisse manger par les sorciers.

(( C’est Nzambi qui prepare le pain de manioc, nous


autres homines, nous ne preparons que les condiments ».
C’est-a-dire qne Nzambi joue le role principal dans tons
les evenemcnts, les homines n’ayant qu’un role secon-
daire.

Nzambi dispose de la vie et de la mort.

Un individu veut planter un arbre fruitier. Un autre


lui dit : <( A quoi bon ce travail, nous mourrons tout de
meme, l’arbre ne vous donnera pas de fruits ». Le plan-
teur de repondre : « Peu m’importe, s'il ne produit pas
avant ma mort. Ce que nous mangeons, est-ce nous qui
1’avons plante? Ce qui reste, reste; mais si Nzambi nous
laisse vivre, nous mangerons de ces fruits ». C’est une
locution courante. Si un Mukongo echappe a un danger:
par exemple, si defrichant la foret, il evite de justesse un
arbre qui tombe, il s’ecrie : « Nzambi m’a parle, sans
cela, j’etais mort ». Apres un accident, la victime dira :
« En ce jour d’aujourd’hui, Nzambi ne m’a pas donne de
chance ».

Un autre proverbe usuel : « La mort, on n’y met aucun


prix; si Nzambi la veut, elle vous prend ». Quand on a
epuise toutes les ressources des feticheurs pour sauver un
malade, les parents disent : « Peut-etre a-t-on offense
Nzambi, nous n’avons plus qu’a attendre ce qu’il dira ».
Quand Nzambi enleve la vie, il reprend ce qui lui appar-
tient. Une mere dira a son enfant, pour l’engager a hien
garder ses ponies : « Garde-les bien, car quelque jour
Nzambi me reprendra, moi sa chose; toi tu resteras seul
avec mes ponies ». Dans les chants funebres, on repete
constamment : « Il est parti, c’est l’affaire de Nzambi ».

Yoici une jolie strophe funebre :

Le grand chemin, les homines ne l’ont pas fait:


Le chemin de la mort, e’est Nzambi qui l’a fait.

II est a pente tres douce.

28

ETUDES BAKONGO

Dans leur depit et leur douleur, les Bakongo chantent


aussi ce verset :

Eh ! Nzambi, sot que tu es,

Eh ! Nzambi, mange done avec mesure,

Eh ! Nzambi, sot que tu es !

C’est une des seules strophes injurieuses pour Nzambi,


que j'aie jamais rencontree. II taut toutefois exeepter la
litterature de la societe secrete du Kimpasi, oil l’on viole
sans vergogne toutes les lois divines et humaines, le chef
feticheur s’y arrogeant les prerogatives de Nzambi lui-
meme. En general, les Bakongo, les vieillards surtont,
out pour Nzambi un profond respect.

Parfois, ils donnent, comme raison de la mortalite, le


fait que la terre appartient a Nzambi.

Le kimpa (chant rythme) suivant exprime vivement le


souverain domaine de Nzambi :

Le vieux prend ce qu’il peut sur terre,


Le jeune homme prend de meme,

Mais sur toutes choses regne Nzambi-Mpungu.

Nous autres hommes, si nous ne pSchons qu’une fois, c’est la


faim;

Si nous ne tirons le vin que d’un palmier, c’est la soif.

(Nos besoins sont nombreux et incessants.)

Nous avons pour nous secourir les manes des ancetres, qui
mangent avec nous,

Mais celle qui nous mangera, la mort, ne vient pas manger


avec 1’homme,

Elle erre dans les vallees profondes, dans les terres lointaines
pour chercher l’homme (*) !

(>) Mbuta baka,

Nleke baka,

Nsunda Nzambi Mpungu.

Sula dimosi, nzala mbisi;

Ba dimosi, nzala malafu.

Simbi kidianga ye bantu.

Kisa, tudia, ka kidianga ye muntu ko,


Kienda kuna matindi, muna mabangu.
RELIGION ET MAGIE

“29

Ce chant energique Jonne en raccourci toute la philo-


sophic ties Bakongo. Sur terre, 1’homme avec ses besoins
toujonrs renaissants a satisfaire. Au-dessus de lui,
Nzambi, le maitre souverain invisible, inabordable, il a
place I'homme ici-bas, et l’enlevera un jour par la mort
qui le guette partout, ct le prend inexorablement jeuiie
on vieux; contre ce Nzambi souverain, pas de recours; on
ne saurait rien lui prendre ni par force, ni par ruse. 11 y a
cependant line autre puissance superieure aux homines,
celle ties manes, ties ancetres tin clan; elle est en general
favorable, ou du moins, peut le devenir grace aux sacri-
fices, libations et prieres. Si les ancetres restent decide-
ment hostiles, on a les fetiches que Nzambi a donnes aux
homines, pour les rendre inoffensifs. Les rites magiques
ties feticheurs out en effet prise sur I’homme, sur les
betes, sur les manes ties ancetres, sur tout, excepte sur
Nzambi.

Si nn Mukongo sc croit lese par un ennemi, honune ou


esprit, si sa chevre disparait, si son enfant tombe subite-
ment malade, il sc rend chez le feticheur qui possede le
fetiche ad hoc. Il lui explique son cas et termine invaria-
blement son expose par la formule suivante : « Si cette
affaire vient de Nzambi, c’est bon, moi aussi je le veux
ainsi, mais si elle sort des mains des homines, je pour-
suis ». Le feticheur instruit son fetiche, « l’ensorcclle ».
A cet effet, il emploie la formnle du genre que voici :
a Qu’il meure, celni qui a trouve cette affaire dans son
coeur; que dans son clan, ils ne restent pas deux, qu’ils ne
restent pas trois! Toi, fetiche, vas-y, poursuis l’auteur de
ce mefait quel qu’il soil, que ce soit moi-meme, que ce
soit un membre tie mon clan. Quiconque a participe il
cette affaire, va le chercher, fetiche, et qu’il parte avec
toi; que ce soit un etranger qui t’ait fait bouillonner de
rage, qu’il t’ait charge de sa vengeance, alors meme que
tu dois y perir, et bien, incurs avec lui! Mais si cette
affaire vient de Nzambi, ce n’est plus line palabre pour

30

ETUDES BAKONGO

nous, car nous devons tons passer par le chemin quo


Nzambi veut ».

Nzambi, qui dirige souverainement le coins des ( ho-


ses, voit tout. Comme formule de serment, les Bakongo
disent, en levant la main droite au ciel : « Nzambi me
voit», on bien : « Nzambi le sait », ou encore : « Nzambi
seul le sait »; « En verite, Nzambi l a vu, tel que je le
raconte ». En disant cette formule plus solennelle, ils
s’accroupissent, frappent le sol de la paiime de la main
et la levent ensuite vers le ciel. Arrivant au Congo en
1548, les premiers missionnaires Jesuites noterent formule
et rite a peine differents.

Ils out un proverbe saisissant : « Kalunga est une char-


pente de maison » c’est-a-dire que l ien n’arrete son
regard. Kalunga remplace dans ce dicton le mot Nzambi.
Chez les Bambata, on entend le proverbe : « Kalunga est
complet au ciel, il est complet sur terre ». « Kalunga est
partout au ciel et sur terre. Ce proverbe semble d’origine
ambundu-cbretienne. D’autre part, le nom Kalunga pent
avoir ete un nom Bakongo. Car autrefois les Bakongo,
pour repondre a un appel, avaient trois formules egalo-
inent polies : Nzambi, Kongo et Kalunga, le nom de
l’Etre supreme, le nom de leur ancetre eponyme, et ce
mot mysterieux Kalunga, surtout en usage chez les tribus
avoisinant les Ambundu et les Bay aka meridionaux. Or
ceux-ci emploient Kalunga comme nom de l’Etre supre-
me. Cet usage pent etre une indication pour les ethno-
logues.

Nzambi est legislateur, il punit les transgresseurs de


ses lois. Je posais un jour a une ties vieille pai'enne d un
village de l’interieur — les femmes subissant moins 1 in-
fluence des Europeens — la question que voici : « Mais
d’ou viennent done ces coutumes du pays et ces lois des
aneiens, dont vous dites que la violation amene toutes les
miseres presentes ? » Elle me repondit sans hesiter : « Les
coutumes du pays, les vieux d’antan, ceux du commen-

RELIGION ET MAGIE

31

cement, nous les out laissees; c’est pourquoi tout le


monde les connait. Celui qui les leur a enseignees, c’est
Nzambi lui-meme ». A la meme question, le vieux chef
feticheur, dont j’ai parle plus haut, repondit : « Mais dies
viennent de Nzambi, toutes ces lois que nos vieux nous
out laissees, les veritables; car c’est plus tard qu’on a
apporte beaucoup de coutumes du Stanley-Pool et du pays
des Bayaka ».

Les lois que Nzambi a enseignees sonl sanctionnees par


lui; leur violation constitue <( un peche contre Nzambi »
et entraine « des chatiments de Nzambi ».

Telle est la defense « de violer un serment solennel ».


Je dis (( serment solennel », car tons les serments ne sont
pas egalement sacres. Pour que le serment soit solennel,
il faut qu’outre la formule, on emploie certains rites. Par
exemple, dans celui appele diet kiyanda, le mari, en
colere contre sa femme, dit : « La nourriture preparee par
toi, je ne la mangerai plus », puis il s’accroupit, prend de
la main droite un peu de terre, se l’etend sur le som-
met de la tete dont il touche ensuite le sol en s’inclinant
profondement. La femme prononce des paroles analogues
et accomplit les memos gestes. Apres quelques jours, la
vie domestique devient impossible. 11 faut rompre l’union
ou le serment. Si Ton prefere la seconde solution, on fait
vonir un feticheur experiments 11 entend la palahre et
condamne line partie a payer a l’autre l’amende d une
poule. Puis les deux parties s’assoient face a face a la
fagon lies tailleurs, le feticheur depose trois poignees de
terre sur leurs jambes, a partir des genoux. Puis du dos
de la main il enleve petit a petit la terre et fait la legon
aux coupables. Cela s’appelle nettoyer le serment. « Si
line des deux parties l’avait rompu sans le « nettoyer » an
prealable, elle se serait exposee aux plus terribles chati-
ments de Nzambi ».

D* autre part, aucun feticheur ne saurait pardonner un


parjure, ni delier d’un serment immoral. On doit faire
32

ETUDES BAKONGO

appel a la cheffesse religieuse, qui possede ce pouvoir


special. A quelqu’un soupQonne de parjure, les anciens
disenl: « Ah ! vous vous parjurez de la sorte ! Un jour votre
tete vous sera rendue chauve sur le sommet! » c’est-a-dire
vous mourrez miserablement.

Une grande loi de Nzambi impose le respect des parents.


Si un jeune homme leur manque d’egards, le cas etant
rare, ils ressentent vivement l’offense. Bien plus, si un
jour, dans un acees de colere, il les injurie, peut-etre ses
parents revoltes le maudiront-ils. « Moi, ton pere, dira
celui-ci, par Nzambi Mpungu qui t’a fait avec tes ongles
et tes doigts, (je te le dis) tu erreras, tu mourras ». Et la
mere s’ecriera : « Ah! meurs done, qu’on te broie coniine
on broie le manioc, qu’on te tire du plomb dans la tele,
qu’on te dechiquette! » En disant cela, tous deux se t'rot-
teront la main sur le sommet de la tete, puis ils chasse-
ront le malheureux « qui mourra miserablement pour-
suivi par la vengeance de Nzambi ». 11 y a une malediction
encore plus terrible, appelee « ensorceler le grand crime »,
et employee par le Noir contre son fils coupable d’injure
tres grave envers pere on mere. « Eh bien done, dira-t-il
avec le meme geste, moi ton pere, par Nzambi Mpungu,
je t’ai engendre, mais va, erre, car je te maudis et pour
cela tu ne garderas ni une chevre, ni un pore, ni une
poule, ni une piece d’argent. Le soir tu prendras ton
fusil; va a la foret, eh bien ! tire, brule ta poudre; tu n’at-
teindras rien, sinon les feuilles des arbres; tu ne diras pas
une parole que pourra entendre un chef, que pourra
entendre un feticheur ». Le fils doit s’enfuir. « II sera
abandonne de tous, et poursuivi par la vengeance de
Nzambi ».

Cependant il pourra demander pardon a son pere, qui,


s’il se laisse toucher, « enlevera le grand crime ». Voici
comment. Le fils s’agenouille devant son pere, puis s’ap-
puie sur les talons; le pere prend devant lui la meme posi-
tion, lui depose sur les genoux une poignee de terre, et

RELIGION ET MAGIE

33

avec le dos des mains juxtaposees l’enleve, en disant :


« Ce que je dis, je le dis; ce que j’enleve, je l’enleve; je
parle de dessus la langue, je ne parle pas d’en dessous»,
puis il crache par terre. II repete trois fois ce rite. Le fils
salue alors respectueusement, en baltant des mains. « La
vengeance de Nzambi ne le poursuivra plus ».

Nzambi veut encore qu’on aide son prochain, et defend


l’injustice. Celui qui refuserait de laisser boire un etran-
ger altere s’attirerait cette menace : « Yous etes pris dans
le peche, un jour Nzambi vous poursuivra de sa ven-
geance ». Le malfaiteur insoupgonne, meurtrier, incen-
diaire de buttes, devastateur de champs on de betail, n’a
plus de repos. S’il est en route pendant l’orage, il pense :
la foudre va me frapper; dans la foret, il se dit : un arbre
va m’ecraser. Il n’ose pas dire, comme les gens qui ont la
conscience legere : « Laisse passer l’enfant de l’homme,
que derriere lui s’abatte l’arbre charge de lianes ». Dans
l’obscurite l’honnete honime craignant la morsure d’un
serpent, recite a l’adresse du criminel : « Celui qui a tue
son frere, vous, visez celui-la ». En cas d’orage, il
recite une formule encore plus caracteristique : « Foudre,
celui-la qui guette son prochain, guette-le, quel qu’il soit,
ainsi il lui convient, comme beau convient a la vallee, et
borage au sommet ». Les accidents causes par la foudre,
la morsure des serpents, ou d’autres causes, sont de la
categorie des chatiments de Nzambi. A un mecreant, qui
cherche querelle a ses voisins, endommage les cultures
ou le petit betail, les anciens disent couramment : « Vous
ne faites que commettre des peches contre Nzambi, vous
ne mourrez pas bien ».A bannonce d’une mort subite ou
d’un grave accident, les vieux hochent la tete, disant a
voix basse : « Nzambi l’avait vu ».

Quant a l’immoralite, deux de ses formes attirent des


chatiments speciaux de Nzambi. L’inceste entraine pour
tout le clan des maladies foudroyantes, des secheresses,

34

ETUDES BAKONGO

dcs famines ct la sterilite des femmes. Aussi les coupables


etaient-ils autrefois brules vifs, sitol le crime decouvert.
L’adultere est puni par Nzambi d une maladie loute spe-
ciale, appelee kesa, qui s’attaque taut aux coupables qu’a
leurs enfants, cause des vomissements, des gonflements
et fait deperir. Contre cette maladie, il n’y a qu’un
remede : la confession publique. Le mari coupable et sa
on ses femmes, la femme coupable et son mari doivent
s’v soumettre, chaque groupe a part. Quand chacun a son
tour, a avoue ses infidelites on proteste de son innocence
— ce dernier cas n’est pas rare — l’ancien qui preside la
cerernonie, s’ecrie: « Oh, la maladie de Aes«»; les assistants
repondent en choeur : « Qu’elle passe hors de leurs corps
comme passe la lune ». L’ancien les asperge trois fois,
puis saisissant un coq, il crie : « Maladie done! » Les assis-
tants repondent : « Sors! » Alors il tue le coq qu’il distri-
bute aux penitents. Si un horn me retombait dans sa faute,
il recevrait des anciens cet avis menafant : « Tu commets
ces crimes contre Nzambi, eh bien! tu mourras d une mort
malheureuse, el la on nous allons apr£s notre mort, on
lie voudra pas de toi ».

Nzambi punit les transgresseurs de ses lois; jamais les


Bakongo ne disent qu’il recompense ses fideles sujets. Les
meereants, qui violent les defenses de Nzambi, les lois
des anciens, ou les coutumes du pays et du clan, sont a
leur mort, exclus de la societe des ancetres. I Is sont con-
damnes a vivre en revenants, pour leur propre malheur
et pour le malheur des humains qu'ils ne cessent de tra-
casser. Les bons au contraire, qui ont bien observe toutes
les lois, passent a leur mort dans la societe des bons ance-
Ires, en des villages situes sous terre, on il y a abondance
de femmes, de gibier et de vin de palme. Cette separation
des bons et des mauvais n’est nulle part attribuee a
Nzambi; elle est plutot le fait des ancetres eux-memes,
qui refusent aux impies l’entree de leur village.

RELIGION ET MAGIE
35

Les attributs de Nzambi.

Ces traits epars ne constituent pas une image bien con-


crete de Nzambi. Cependant il ne faut pas demander aux
Bakongo d’en dire davantagc. Si une brise se leve subite,
agitant le feuillage, les vieux s’ecrient en designant du
doigt les ramures bruissantes : « Nzambi a passe ». Leur
demande-t-on pourquoi ils parlent ainsi, la reponse inva-
riable sera : « Nos vieux disaient cornme cela ». Dans une
palabre, s’il se fait un silence momentane et imprevu, les
vieux murmurent, l’index leve vers le ciel : « Nzambi! »
Pourquoi? « Nos vieux disaient comme cela ». 11s ne rai-
sonnent pas leurs traditions, ils les repetent fidelement.
Ne leur demandez pas : qui est Nzambi? La plupart repon-
dront : « Nous ne savons pas qui est Nzambi ». Les autres,
les plus malins, diront : « Nzambi, c’est Nzambi »; car les
Bakongo doivent encore trouver leur premiere definition
formelle. Mettez-les sur la voie en demandant : « Est-cc
un homme, un ancetre-chef, le soleil, la lune, le ciel, un
esprit des eaux? » 11s haussent les epaules el repondent :
« Nzambi, c’est Nzambi », ou encore : « Qui a vu

Nzambi? » Ils ont des statuettes fetiches par centaines,


pour representer des homines, des animaux, des esprits;
mais aucune ne represente Nzambi.

Ceux qui ont parle de fetiche Nzambi chcz nos Bakongo,


ont reve ou sont victimes d’un malentendu. Nzambi n’est
pas de la categorie des etres qu’on represente, dont on a
une connaissance experimentale. II n’est ni un homme,
ni une femme, ni un ancetre ( nkulu ), ni un ancetre-heros
du commencement ( nkita ), ni un esprit des eaux
( kisimbi ), ni un animal, ni le ciel, ni la terre, ni quoi que
ce soit d’autre que Nzambi Mpungu. Nzambi est unique,
separe de tout le reste, invisible et cependant vivant,, agis-
sant souverainement, independant, insaisissable et inabor-

36

ETUDES BAKONGO

dable, et cependant dirigeant les homines et les choses de


tout pres et avec une absolue efficacite. « IN/ambi est v rai-
ment Nzambi»; avec cela, tout est dit.

Influences missionnaires sur l’idee de Nzambi.

Les Bakongo orientaux, les Bampangu, n’ont jamais


ete evangelises systematiquement. Cependant ils ont re$u,
de leurs voisins de Nsundi et de Mbata, et probablement
aussi des caravanes de Bazombo et de Pomberos traver-
sant la region, des mots, des expressions et meme des
objets, entre autres des croix, qui sont d’origine chre-
tienne. II est certain que leur mentalite n’a pas ete
atteinte par le courant chretien. Aucune idee fondamen-
tale du christianisme n’a ete retrouvee cliez eux, par les
missionnaires du XIX e siecle. Le mot Desu (de Deus) ils
le connaissaient et l’employaient dans leurs formules de
serment. Desu, Maria, Nzambi uJiumbona. Jesus, Marie,
Nzambi me voit. Mais y a-t-il une relation entre Desu et
Nzambi? Personne ne le sait. Les formules qui expriment
leurs idees concernant Nzambi, portent la marque authen-
tique des Bakongo. Leur contenu a-t-il ete modifie ou
enrichi par la predication chretienne a San Salvador -
Sundi - Mbata - Matari? Peut-etre; mais il est impossible
pour le moment de preciser davantage ces apports (‘).

t 1 ) I.e vieillard Na Bongi de Kimpako racontait que son vieux chef


invoquait Mpeve Nzambi de cette maniere : « Nge nipeve Nzambi tuba
mbote h aleke bakwenda ku vita, bavutuka lulengo ». Eh toi. Esprit
Nzambi, inspire bien mes sujets qui vont a la guerre, qu’ils reviennent
sans blessure. — II elevait alors trois fois les mains vers le ciel, s’age-
nouillait et saluait trois fois en ramenant les mains sur la poitrine.
Puis il prenait une poule, s’agenouillait de nouveau et la poule elevde
au-dessus de sa t6te, il disait : « E mpeve Zulu Nzambi, ta kimenga
kiaku, tudia ma ma nsusu, ma ma munlu tufunda nkanu ». O Esprit
du ciel Nzambi, vois ton offrande du sang; nous disposons du sang des
poules; du sang de l’homme nous ne sommes pas maitres. — D’autres
vieux, interrog£s a ce sujet, ne connaissaient pas ce rite.

RELIGION ET MAG IE

37

CHAPITRE III.

LE CULTE DES ANCETRES ( l ).

Le village des ancetres. — Les bakulu. — Le cimetiere. — La corbeille


aux reliques. — Le prOtre et le culte. — Recours aux ancetres. — La
chasse. — Pour obtenir vie et sante. — Fetes des morts.

Le village des ancfetres.


Gala di bakulu. Les defunts ont leur village a 1’instar
des vivants. Quand un feticheur mourant laisse ses nkisi
a son successeur, (fils ou neveu, selon le cas) il lui dit :
rujeye buka ba bazulu, mono ikwe ba ba nsi, toi soigne
les habitants d’au-dessus, moi je vais traiter ceux d’en
dessous. Dans leur village les ancetres ont leurs maisons
et leurs champs; ils ont de grandes richesses, des etoffes,
de l’argent, du gibier, du vin de palme. Ge village est
situe ku masa, dans Lean, du cote de la foret, car la foret se
trouve pres des rivieres. Ghaque village de vivants a son
village corrcspondant d’ancetres, situe quelque part, on ne
sait oil, sur les terres du clan. Les ancetres sont maitres et
proprietaires de la terre et de l’eau, des forets et de la
brousse, avec tous les animaux qui y vivent, et les pal-
miers a vin qui y croissent. 11s possedent egalement les
terres de culture et clles donnent d’abondantes recoltes
s’ils daignent le permettre. Un indigene veut-il abattre et
incendier line antique foret pour y etablir un champ de
manioc ou de mais, il s’assurera au prealable des dispo-
sitions des ancetres par un petit essai appele kifudikila.
Il va se rendre en plein jour dans la foret et defricher une
tres faible etendue; il travaillera seulement une heure ou

t 1 ) Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain


and Ireland, LX, 1930 : Bakongo Incantations and Prayers.

38

ETUDES BAK0NG0
deux, puis retournera au village. Si la nuit il a des roves
etranges et le matin se sent fatigue, c’est que les ancetres
ne veulent pas qu’on touche a cette partie de leur l'oret.
Mais s’il a de bons reves et se leve frais et dispos, c’est que
les ancetres sont favorables a son entreprise.

Les habitants du village des ancetres.

Leur noni est nkulu, au pluriel bakulu. L’homme qui a


vecu honnetement selon les lois et les coutumes des
anciens, qu’il meure mange par les ndoki ou appele par
Nzambi, devient nkulu. Comme le serpent change de
peau, ainsi lui se debarasse de son enveloppe mortelle,
(( ukibu nini kiyayalan et la laisse dans la tombe. 11 va la
oil l’ont precede les ancetres, en dessous de la terre, pres
de l’eau, la ou nous vivons. Voila la croyance commune,
expriinee en fornudes usuelles. Les bakulu, qu’ils soient
vieillards, bommes, femmes ou enfants, prennent un
corps blanc (*). Chacun cependant garde sa personnalite,
son rang, ses gouts et ses occupations.

Ne sont pas admis les malfaiteurs, querelleurs, impies,


debauches, ndoki. Jadis, quand quelqu’un commettait
un « sumu » peche, comme l’adultere ou Lin jure tres
grave envers les parents, les vieux lui disaient : « nyeye
bu ugola ma masumu; kilurnbu ku tukwenda, ka baku-
zola ko». « Toi, tu commets ces peches; un jour, la oil
nous allons on ne te voudra pas». Ces mauvais sujets
n’etaient pas enterres dans le cimetiere commun, mais
en nn endroit ecarte. Quant anx ndoki ils etaient brules
ou jetes dans des bas-fonds.

(!) Pour ce motif les premiers missionnaires furent consid6r6s comme


des ancetres ressuscites. I.e fondateur de la Mission du Kwango, le P.
Van Henckxthoven, qui s’adaptait admirablement au milieu indigene,
6tait consider^ comme un ancien chef de Kisantu, et traite avec une
consideration infinie. Un jour qu’il etait seul au poste et gravement
malade, hors de connaissance, le chef de Kisantu vint le traiter aver ses
fetiches, pour lui rendre la sante.

RELIGION ET MAGIE

39

Le cimetiere.

Le cimetiere principal est 1 endroit qu’liabitait l’ance-


tre-fondateur du village et oil il fut enterre dans sa propre
hutte. A sa mort le village fut transports ailleurs inais on
revint enterrer les defunts aux environs de la tombe du
fondateur, et cet endroit prit le nom de mbansa 0).

Quand il y a discorde an village, la branche ainee de la


famille conserve sa mbansa, les autres lignees se choisis-
sent d’autres lieux de sepulture, et ainsi un village peut
avoir trois ou quatre cimetieres ( =rna:iami ).

Le cadavre est descendu dans la tombe avec toutes les


etoffes amassees par lui ou apportees par la parente
comme contribution coutumiere de funerailles ( 2 ). On lui
laisse tous ses objets les plus chers, sans cela il reviendrait
les prendre. Sur le tertre dominant la tombe ( nkanda )
on reproduit son buste en bois dur ou en terre cuite; on
y rassemble tous les objets meubles qui lui appartien-
nent, sauf ceux legues expressement a ses l'ils ou a ses
neveux. Autrefois, une femme morte emportait tout et
ne laissait rien; bien plus, tous ses meubles etaient
detruits des la mort de son mari. Sur la tombe on dispose
aussi la vaisselle: assiettes, vases, bouteilles, verres a
boire; le lout ebreche et pendu a des branches d’arbres
fichees en terre. Periodiquement, aux fetes des morts, on
renouvelle ces objets devant servir aux repas des bakulu.

Afin de montrer les relations unissant le defunt a ceux

(q Ce nom de Mbansa signifie maintenant, par extension, village prin-


cipal, d’ou ville. Il a ete accole dans beaucoup d’endroits au nom du
fondateur du village, Mbansa Kongo, Mbansa Vwa, etc. Habituellenient,
les villages portent le nom du fondateur, pr6ced6 du prefixe Ki.

Kisantu = village de na Santu di nkulumulca; tel titait le nom du


fondateur de ce village.

( 2 ) Mfumu Kioko de Kimbemba fut enterre avec plus de 500 couver-


tures et plus de 500 pifeces d’etoffe, 40 fusils et une quantite enorme de
pieces de 5 francs, — et, sans l’intervention du chef de poste de Kikinga,
— il eut emrnene quatre femmes esclaves pour le servir dans l'autre
monde.

40

ETUDES 13AKONGO

qui l’enterrent, les sentiments qui regnent ou sont cen


ses regner, voici quelques discours types qui se pronon
cent a l’occasion des funerailles :
Kansi gogo lulungidi ye bambuta ye baleke
Nleke tukala yani kimbefo kimbakidi.

Bu imbukisa nkisi, ka yani kabeluka.

Bana nde : nda wenda ku mpiata.

Utala nkisi mi bela nleke.

Bu iyele ku mpiata, ba nganga bangunini, nde :


Bukisa nkisi mi, mi bela nleke,

Keti beluka kabeluka;

Kansi mbuta, kala ye ngangu,

Go k’ulubuka ko, nleke ku kumvwa nge ko.

Yi mono iyisa ku gata.

Ibukisa nkisi imona kuna mpiata,

Nleke ka yandi kaleki tolo.

Nkio besi kanda bavwidi mbefo au banda babanda.


Tuleka biole, tuleka bitatu,

Nleke usena mvumbi.

Mwana uleka ku kiandi, ufofulanga,

Nsombokila kamwene,

Go ka nsombokila ko, kinseko.

Di itela kina kingana, k’ita mpamba ko.


Mazuzi kina mwana nkento fwidi, nzikidi,

Yuna fwidi, wele kwandi kuna tukwendanga.

Kansi mono bu igoga buna,

Yandi mvumbi katoma wa.

Nda go mono mbuta imvwidi, india kwandi;

Kansi go muntu nkaka kandia,

Kamvwa nsita zole, nsita tatu,

Dina kanda keti babuta, keti balela ?

Mono bu nsidi mono mosi, kaka !

Nge nleke kuna ku ukwenda,

Go Nzambi ukubakidi, ka diambu ko.

Kansi go muntu ukubakidi,

Yandi mpi kalanda ngeye !

Bazitu ye banzadi yonso vwidi ndinga, kandandila !

Vous etes reunis ici, les anciens et les jeunes,

A cause de mon cadet, qu’une maladie a saisi.

RELIGION ET MAG1E
41

Je l’ai traite avec des fetiches, mais il n’a pas gueri.

On m’a dit : va chez le devin,

Va voir les fetiches dont il est malade.

Je suis alle a la consultation, les devins m’ont trompe, ils m’ont


dit :

Fais traiter tels fetiches, dont le cadet est malade,

Peut-etre sera-t-il gueri;

Mais toi, l’ancien, sois prudent,

Si tu n’es pas prudent, ton cadet, ce n’est plus toi qui le


possederas.

Me voila revenu au village.

Je l’ai fait traiter par les fetiches, qu’avait indiques le devin,


Mais le cadet n’a pas mieux dormi.

Eh quoi ! la parente du clan, qui possede le cadet, l’a assomme


par Kindoki.

Nous dormons deux jours, nous dormons le troisi^me,

Le cadet est a l’etat de cadavre.

Un enfant couche sur sa natte, s’il se remue,


C’est qu’une puce l’a mordu,

Si ce n’est pas une puce, c’est une punaise.

— proverbe : il ne se remue pas sans cause —

Si je dis ce proverbe, ce n’est pas sans motif.

Recemment une de mes parentes est morte, je l’ai enterree,


Elle est morte, elle est allee ou nous allons.

Mais ce que je dis maintenant,

Que la morte l’6coute bien :

Si moi son ancien qui la possede, je l’ai mangle, j’aurais


mange mon bien;

Mais si un autre l’a mangee,

Parce qu’il a contre moi de l’envie et de l’inimitie,

Est-ce que dans son clan ils engendreront encore, et 61everont


des enfants ?

Alors que moi je reste seul, tout seul !

Toi, mon cadet, ou tu vas,

Si Nzambi t’a pris, il n’y a rien a faire.

Mais si un homme t’a pris,

Que celui-la aussi te suive !


Vous autres parents par alliance, si quelqu’un d’entre vous
veut r^pondre, qu’il me succ^de (a la tribune) !

Il salue l’assemblee par un battement de mains, et tous


lui rendent son saint. L’aneien du clan s’avance et a ce

4-2

ETUDES BAKONGO

discours plein d’insinuations et de menaces, il repond de


la fa?on suivante :

Beto buna ukwa te; i buna kwandi,

Beto besi kanda, bambuta batusisa.

Muna kanda bu tutunga, mbuta kusala, nleke kusala,


Yuna uzolanga kasala bukaka,

Ka tuzeye kweto ko.

Mvumbi kuna kakwenda,

Mana tugoga beto diana makala ma luvunu...

Kansi go tugoga makieleka,

Buna bisanga kase ko muna nitu beto,

Katala kaka bana bakuvwila nsita.


Ma tumonanga, ka ma ko !

Ba tusala yau mu makanda,

Sala basala, kela bakela;

Kansi kanda di di tusala beto,

Bu ukwenda ku nseke, nde ku nseke,

Bu ukwenda ku masa, nde ku masa,

Bu diaka mwana yakala nde : usena mvumbi !

Keti mpongo nzo i tubela ?

Keti Nzambi utuwidi katusa bobo ?

Keti bandoki ?

Kansi mvumbi buna kafwidi


Ba balarnbanga binsu bi mpimpa :

Binsu bieno lwe bandi.

Beno kulu lusala ku nsi kinkutu ki mono mbuta,

Mana igoga mono, beno kulu luwa :

Mono keti ga mpambu ifwila ?

Question.

Nti wuna !
Di wutongiminanga !
Tata bu kantuma !
Yandi mona kima !
Nkasa kudia !
Mbundu kusangama !
Budie-budie !
Bunwe-bunwe 1
Nika meso !

Nganga ndoki nsoni I


Nsoni !

Ma tumonanga !

Reponse.

Tongama,

Diambu.

Mama bu kantuma,
Yuvula.

Bambuta,

Baleke.

Ka badia ko,

Ka banwa ko.

Nsoni zikia;

Zindidi.
Ka kisalu ko.

Ma tutanga.

RELIGION ET MA.GIE

43

Question.

Kubela ikio !

Go bela ubela !

Go fwila ufwila !
Bungudi bu kiyeka,

Reponse.

Kufwila ikio,

Tuna si batuna
Disa si badisa.
Diambu dina gana !

Kansi bu ntangu yi lutukisa mvumbi,


Twa kuntwadi ku tukwendanga !

Nous, comme tu l’as dit, nous l’avons entendu,


Nous, membres du clan, nos anciens nous ont laisses.

Au clan nous y habitons, nous voulons que les vieux y demeu-


rent, que les jeunes y demeurent.

Y a-t-il quelqu’un qui desire demeurer seul ? — et que les


autres meurent —

Nous ne le savons pas.

Que la defunte la ou elle va,

Si ce que nous disons est mensonger... (sous-entendu : qu’elle


nous prenne !)

Mais si nous disons la verite,

Alors qu’elle ne vienne pas nous troubler dans notre corps,

Qu’elle ait seulenient le regard tourn6 vers nos ennemis.

Nous avons deja trop de misSres !

Dans les clans qui nous entourent

On vit, on se survit.

Mais dans le clan ou nous demeurons,

Quand tu es en route pour la savane, on te dit : un accident est


arrive dans la savanne,

Quand tu es en route pour la riviere, on te dit : un accident est


arrive a la riviere.
Vois de nouveau ce jeune homme, il est a l’6tat de cadavre !

Est-ce a cause d’un mauvais fetiche qu’un parent a dresse


contre nous ?

Est-ce Nzambi qui nous poss&de, qui nous traite ainsi ?

Sont-ce les ndoki ?

Mais devant ce cadavre qui est la, je dis

A ceux qui cuisent dans les marmites de la nuit (c’est-a-dire


aux ndoki) :

Allez, brisez vos marmites.

Vous tous reunissez-vous sous le manteau de moi votre ancien,

Ce que je dis, 6coutez-le tous :

Est-ce que j’irai mourir k la crois^e des chemins (c’est-ii-dire


seul et malheureux) ?

44

ETUDES BAKONGO

Et alors il commence un dialogue traditionncl, qui a


pour effet de mettre les coeurs a l’unisson.

Question.
Cet arbre-la !

Pourquoi se dresse-t-il ?

Son pOre l’ordonne,

L’enfant voit une chose,

Subir l’epreuve du poison


Faire attention a ce qui se dit
Manger sans attention,

Boire sans attention,

Frottez-vous les yeux,

Mais le feticheur ndoki, la honte


Pour nous la honte,

Ce que nous voyons,

La maladie, c’est un fait.

Pour d’autres, s’il y a maladie,


S’il y a mort,

Pour nous le lien de la maternite


dans le clan,

Reponse.

Se dresse.

II a une raison !
Sa mere l’ordonne.

II demande une explication.


Est l’affaire des vieux,

Est l’affaire des jeunes.

On le ne fait pas.

On le ne fait pas.

La honte est partie.

L’a devore (il en meurt).

Elle n’a pas de raison d’etre.


Nous le disons,

La mort, c’est un fait.

Ils le nient,

Ils se mangent,

C'est cela la raison !

Ap res cela l’ancien acheve en disant :

Mais maintenant sortez le cadavre,


Portons-le la ou nous allons tous 1

L’enterrement se fait selon les rites traditionnels (').


Notons seulement 1’ usage que voici : un parent, portant
une calebasse de vin de palme surmontee de deux palines
disposees en croix, se dresse devant la fosse ouverte et
asperge les tombes, dans les quatre directions, en
s’ecriant :

E batata ye bamama ye bayaya lwisa,


lunwa finsamba.

Oh ! les p6res et les meres et les aines venez,


buvez un peu de vin de palme.

Ensuite le frere aine du defunt s’agenouille devant la


tombe et dit :

Yaya, kuna ukwenda,

Ndiana mono ikuvwidi, ikudia,

(') Cf. Eludes Bakongo, Sociologie, pp. 280-283.

RELIGION ET MA.GIE

45

Kani ziku dingani iyetila,

Isa na : yu mfuta nkatu, ifuta ngeye,

Buna dia kwaku mono.


Nga na k’izeye kwamo lukaya ludia nkombo,

Ludia ngulu ko,

Buna ngeye mwene kwaku.

Yonso ukubakidi tufina, ukubakidi menga,

Ngeye landa muna,

Ka bakadi babole, ka bakadi batatu,

Kikambana.

Kansi beto tusala ku nseke,

Dia tudianga, nwa tunwanga;

Tukota muna mfinda, tugonda nkento, tugonda mbakala,


Muna nzila tukwenda, tudiata kita kivwetuka.

Mu kutoloka mpanga ye nlongo.

Igoga diambu ba mpati batonda, ba nganga bayikasa diau.

Cher frere, la ou tu vas, ecoute.

Si moi qui te possede, je t’ai mange,

Si meme je me suis rechauffe au foyer d’autrui (comme le font


les ndoki),

Ou si j’ai dit : je n’ai personne d’autre a donner en ran^on,


(aux bandoki) et t’ai livre toi,

Dans ce cas viens me prendre moi.


Mais si j ’ignore la feuille que mange la chevre,

Et celle que mange le pore (si j’ignore tout de la sorcellerie),


Alors, toi, fais bien attention.

Quiconque t’a pris de 1’humeur vitale, t'a pris du sang,

Toi, poursuis-le,

Qu’ils ne restent pas deux, qu’ils ne restent pas trois,

Soit dit entre nous.

Mais nous autres qui restons dans la savane.

Nous devons manger, nous devons boire, aide-nous;

Quand nous entrons dans la foret, que nouspuissionstuer males


et femelles,

Sur la route oil nous allons que nos pas soient assures,

Que sous nos pas, les charmes et les tabous soient brises, sans
force.

Que je dise des paroles qu’aiment les chefs, et qu’approuvent


les sages.

Apres ce discours il prend une poignee de terre et la

46
ETUDES BAKONGO

jette dans la fosse. Tons les assistants font de meme, puis


la fosse est comblee. A chacune des deux extrcmites, on
plante un mbota (milletia Deweiverei) auquel on suspend
des assiettes trouees. Enfin, on repand du vin de palme
sur le tertre, et le frere aine d’abord, tous les parents
ensuite, viennent treniper dans la bone les quatre doigts
joint ifs de chaque main et les portent trois fois a la poi-
trine; de nouveau ils les trempent et les portent trois fois
an poignet oppose. Tous alors se dressent, se saluent d un
triple battement de mains et s’en vont. Le village des
ancetres compte un nkula de plus.

A l’enterrement d’une femme, un proche parent,


homme on femme de la meme lignee, prend une poignee
de terre, se penche au-dessus de la tete du cadavre, et dit :

E ngwa !

Nge bu ukwenda, wani.

Yuna ukudidi,

Ka nkento, ka yakala,

Nge landa yina nzila.

Kani mono kwandi ikuvwidi,

Na ikukangila mbundu,

Ngeye nza baka kwandi mono.

Kuna ukwenda,
Yuna ukukotele nsoki,

Nza, wisa baka.

Nda, Nzambi kakuzayila diambu.

Eh m6re !

Toi qui pars, ecoute.

Celui qui t’a mangee,

Que ce soit une femme, que ce soit un homme,

Toi, poursuis-le.

Que ce soit moi-meme qui te possfede,

Si je t’ai ferme mon coeur,

Toi, viens me prendre.

L& ou tu vas,

Quiconque t’a fait du tort,

Viens, viens le prendre.

Va, Nzambi ne t’en fera pas grief.

RELIGION ET MAGIE
47

Quand le premier parent a ainsi parle, il jette line poi-


gnee de terre sur le cadavre, et cede la place aux autres
parents uterins. Ils viennent tous accomplir le meme rite,
pour montrer qu’ils sont innocents de sa mort et qu’ils
veulent que la defunte se venge.

Si elle laisse des enfants en vie, le parent uterin prin-


cipal depose an fond de la tombe, aux cotes du cadavre,
aidant de souches de bananiers qu’il y a d’enfants, et dit
au cadavre :

E Ngwa ! a bana baku bo.

Eh Mere ! voici tes enfants, ceux-ci.

On fait cela pour que la mere ne vienne pas prendre


ses enfants.

La corbeille des ancetres.

Elle se nomine lukobi lu bakulu. Tressee avec des


lamelles de palmes et munie d’un couvercle, elle contient
des reliques de tous les chefs couronnes, des ndona-nkento
(cheffesses religieuses) et des albinos du clan. On y trouve
des cheveux, des ongles, et une phalange de doigt. Les
albinos y sont representes parce que ces seigneurs blancs
( mfumu zi ndundu ) sont consideres comme de grands
ancetres reincarnes. Outre des reliques humaines la cor-
beille en contient d’animales : griffes, poils et dents de
tous les leopards tues par le clan. Au deces d’un chasseur,
ces trophees sont renfermes dans la corbeille par le
nganga-bakulu, pretre des ancetres, en presence de tout
le clan; des feuilles de lemba-lemba (Brillantiasia alata)
placees horizontalement separent les apports successii's
en couches clironologiquement superposees comme les
stratifications geologiques; une feuille couvre le tout.

La corbeille est fixee sur la fourche quadruple d’une


branche plantee dans le coin de la butte des Bakulu ( ] ).

t 1 ) Nzo i bakulu : maison des ancetres; chez les Bambata, Nzo nene :
la grande maison.

48

ETUDES BAKONGO

Au milieu de cette hutte, entre deux pierres, brule un feu,


qui ne doit jamais s’eteindre. Un garfon est charge de
l’entretenir. Le soir le chef y place quelques buches de
bois dur qui brulent toute la nuit.

Le pretre et le culte des ancetres.

Le nganga bakulu, qui a la garde de la corbeille et pre-


side toutes les ceremonies du culte social, est le chef cou-
ronne mfumu mpu [litt. : le seigneur a couvre-chef]. A
son defaut, l ancien du clan ou son remplafant s’acquitte
de ces fonctions.

Le jour de la semaine chome par le clan, le nganga


porte une petite calebasse de vin de palme a la hutte des
ancetres et, avec des feuilles de lemba-lemba, il en asperge
la corbeille. Puis il s’agenouille, prend un peu de terre
trempee de vin, et la porte trois fois a la poitrine; enfin,
il salue trois fois par un battement de mains et se retire.

Quand il y a au village simultanement plusieurs mala-


des ou beaucoup de palabres, le chef ulembika gata : paci-
fic le village. Devant tous les habitants (excepte les Gran-
gers) il accomplit tous les gestes decrits ci-dessus, puis
tous les assistants executent le rite du Kitoba, a savoir :
tremper les quatre doigts jointifs des deux mains dans la
boue faite avec du vin, et les frotter trois fois sur la poi-
trine. La ceremonie terminee, le nganga va fixer une
feuille de lemba-lemba a la cloison de chaque hutte du
village.

Autrefois pour finir, il s’adressait a l’assemblee en ces


termes :

Kansi ku lusidi

Kumba lubita, lugela,


Lutobisa nkosi, lutobisa ngo,
Lukela, lubila, lusala.

Nkosi nkwimba, ngo matona,

Beno lukobola ntima,

Je vous quitte, mais ou vous res-


tez,

Tenez ferme, mQrissez,


Tuez le lion, tuez le leopard,

Prosperez, croissez et demeurez en


vie.

Le lion rugit, le leopard a sa robe


tachetee,

Mais vous autres, maitrisez vos


cceurs.

RELIGION ET MAGIE

49

Luzitisa mpangi eno,

Ka luse mbundu ngemo ko;

Ana usa ngemo,

Ngeye ukitwese kwaku ntinu.

Ku lusidi makinu lembi,

P'Tgoma lembi.

Nzimbu ye nlaku ka zizingila


bantu ko.

Sinsa kinkanu,
Mbele ye nkanu,

Lubata lu nkanu.

Lukota muna nsitu


Lutana, luvula.

Nlaku ka kirna ko.

Lusala mbote,

Lubutana, lulelana.

Gata disi gangama,

Isi lemba,

Ilemba bakala, ilemba bakento,

Ilemba bazitu.

Basala, bakela, bakubama,

Babuta, batombola !

Ntondele, ntondele, e, e, e !

Que chacun respecte son frere,

Ne laissez pas la passion envahir


vos coours;

Si quelqu’un se passionne,

II s’attire lui-mSme des miseres.


Oil vous habitez, moderez les dan-
ses,

Moderez les tambours (ngoma).

Ce n’est pas par de l’argent et


l’aprete au gain que les hom-
ines vivent.

La menace est defendue,

Le couteau est defendu,

Les coups sont defendus.

Mais entrez dans la foret,


Attaquez le gibier, d<5pec.ez-le.
Cependant, sans l'ardeur, qui ex-
cite les querelles.

Portez-vous bien,

Multipliez-vous et soyez heureux.


Le village vient d’etre recree,

Je suis venu le pacifier,

Je pacifie les homines, je pacifie


les femmes,

Je pacifie les parents allies,

Qu’ils restent en vie, soient pros-


peres et en paix,
Qu'ils aient des enfants, faisant
ainsi revivre leurs ancfitres !
Cela je le veux, je le veux, oh,
oh, oh !

II agile des anneaux en secouant les bras, les mains


tendues vers l’assemblee. Puis il continue :

Lukwisa nkonso,

Lukwisa ngolo.

Beto tufwa,

Ba basidi babuta masombo babuta


mabundi.

Ba nkosi bafwa ba ngo bafwa.


Kansi ba basidi babuta bole,
Babuta bena matu, bena meso.

Ayez de la vigueur,

Ayez de la force.

Nous, nous mourrons,

Mais ceux qui restent, qu’ils aient


de beaux enfants.

Les lions meurent, les leopards


meurent,
Mais ceux qui restent, qu’ils en-
gendrent

Des jumeaux parfaits (qui ont des


oreilles et des yeux).

50

ETUDES BAKOJNGO

Ensuite il continue en dialogue ( bimbimbi ) :

Question.

Reponse.

Siarna lusiama ?

Etes-vous constants ?

Tana lutana ?

Etes-vous courageux ?

Gakula lugakula ?
Payez-vous le tribut au chef ?
Kubwidi ?

Qu’est-ce qui est tombe ?

Tusiama !

Nous le sommes !
Tutana !

Nous le sommes !

Tugakula !

Nous le payons 1
Lusinga nlongo.

La liane de la defense.

11 finit par le quadruple souhait, exprimant les grandes


joies que desire le mukongo :

Lukula, lubita, Chassez, prenez le gibier,

Lubuta, lulela 1 Ayez des enfants et soyez heureux

(de les Clever).

Si la nuit le mfumu mpu a de mauvais reves ou des


apprehensions, il prend une assiette en hois remplie d’eau,
y plonge une jeune palnie, et va dans la maison des ance-
tres asperger la corbeille. Au sortir de la, il asperge la
cour en disant :

Badia bindembi,
Badia bampolo,

Mbaka mu ngenga,

Miansi mu ngenga.

Mbundu mwana mwene rnasa,

Mbundu mwana mwene kakela.

Baluta sinsa, baleka bo.

Busi ba !

Ntomboka bitomboka-ntomboka,

Miongo bimiongo-miongo.

Nkwenda swa, vutuka swa,

Muna nzila songo-songo.

Muna nzila mwana mwene kavioka,

Vwangi nga diyinga.

Que les jeunes encore faibles mangent,

Que les vieux extenues mangent,

Mais sans rapine,

Mais sans violence.


RELIGION ET MAGIE

51

Que le cceur de l’enfant du chef soit comme I’eau (calme),


Que le cceur de l’enfant du chef soit fort.

Que tous 6chappent au danger, qu’ils dorment en paix,

Tout en paix !

Que les raidillons sous leurs pas deviennent des pentes douces,
Et les monts, des monticules.

Qu’ils partent sains et saufs, qu’ils reviennent sains et saufs,


Par un chemin tout droit.

Que sur la route l’enfant du chef passe

Et que derriere lui s’abatte l’arbre charge de lianes.

Recours aux ancetres.

Les bakulu disposent a leur gre de « mfunu ye ngaku »


des utilites et des fecondites. Tel est le resume de tous les
desirs terrestres du mukongo : fecondite, saute pour bu-
rn erne et les siens, longevite, prosperite dans l’elevage,
le commerce, l’agriculture, et surtout chance a la chasse.

Bakulu bazibula bazibika mfunu ye ngaku. — Les


ancetres ouvrent ou ferment a volonte la cachetic aux
tresors. La bonne aubaine s’appelle mbambu. Unc recoltc
extraordinaire de manioc, d’arachides, de courges, de
tabac, est attribute aux bakulu, et l’heureux beneficiairc
dira : ce mbambu les bakulu me Font donne.

De meme quand le commerce laisse des profits appre-


ciables, c’est un mbambu des bakulu. Les nzimbu zi
mbambu c’est-a-dire l’argent gagne est employe comme
fonds de roulement et nc pent etre depense, si l’on ne
veut perdre la bonne fortune.

11 en va de meme dans 1’elevage. Une poule, une chevre,


une truie prolifique est un mbambu. Ces betes ne peuvent.
etre vendues et leurs jeunes femclles doivent etre consa-
crees a la reproduction. S’il s’agit de volaille, les oeufs ne
peuvent etre consommes ni vendus, mais ils doivent etre
couves. Le jour de repos hebdomadaire on ne peut tou-
cher ni a la poule ni aux ceufs.

A leurs sujets privilegies les bakulu donnent de bons


reves. 11s leurs inspirent tel projet, tel voyage ou tel com-

52

ETUDES BAKONGO

merce; et ces enlreprises reussiront. On bien i Is les on


detournent parce qu’un mallieur les y attend.

II arrive memo qu’un nkulu pendant la unit apporte de


l’argent a son frere. Celui-ci ne peut ni le depenser, ni en
parler a qui que ce soit. S’il n’observe pas ces consignes,
l’argent disparait; le nkulu l’a repris.
Quand tin homme ainsi gratifie d un mbambu va mou-
rir, il pent clioisir son frere uterin pour lui succeder dans
sa bonne fortune. A eet effet il lui remet une perle rouge
(kinsola) el une partie de l’argent mbambu, ou bien une
poule, soit blanche, soit blanche tachetee.

S’il ne vent pas de successeur, il avale une perle rouge;


ainsi sa fortune disparait de la terre, mais il la retrouvera
oil il va.

Pour obtenir ces bienfaits, les indigenes vont au cime-


tiere sur la tombe d’un frere aine ou d’un oncle maternel.
11s y font une libation de vin de palme et expriment
ensuite leur desir. I Is agissent tie meme, quand ils sont
l’objet d’une injustice de la part d’un parent; ils deman-
dent alors a un nkulu de venir prendre l’auteur de
l’affront ou du dommage (‘).

Les ancetres et la chasse.

Sont consideres comme propriety des ancetres tons les


animaux en general de brousse ou de foret, mais en par-
ticulier les quadrupedes a sabots et a griffes. Le succes de
la chasse a ce gihier est une faveur, appelee kiana, qu’on
demande frequemment aux bakulu. Celui qui l a obtenue,
doit observer rigoureusement toutes les traditions des
anciens a ce sujet.

Si le chef a decide une grande chasse, avec participa-


tion des chiens, il fixe d’avance le jour et l’heure oil l'on
ira au cimetiere demander la chance. Les chasseurs appor-

(>) Actuellement, ils cachent des billets Merits dans le mfokolo (pli du
pagne servant de poche) du defunt, et transmettent ainsi, sans se trahir,
des messages, soit au d6funt, soit aux bakulu que le defunt va rejoindre.
RELIGION ET MAGIE

53

tent leur fusil. Les cliiens sont amenes par leurs proprie-
taires pour que sous l’influence des bakulu, ils soient
preserves des morsures de serpents et autres accidents
facheux. Le chef verse du vin de palme sur toutes les tom-
bes et tous les hommes etant agenouilles derriere lui, il
prend la meme attitude, pour implorer :

Oh, les p6res ! oh, les meres ! oh, les aines !

Venez, venez boire le vin salutaire,

Favorisez la f6condite et la richesse humaine.

Le motif qui nous pousse a vous faire present de ce vin,

C’est que nous vous demandons du gibier a sabots et a griffes.


Dans les autres clans on tire du gros gibier,

Dans le notre nous n’abattons que du menu,

Mais aujourd’hui buvez et voyez ;

Nous allons a la chasse,

Faites sortir le gros gibier,

Ne le retenez pas !
Tout le monde salue par uu triple battement de mains
et Ton part pour la chasse.

Si un animal a sabots ou a griffes est tue, c’est le pro-


prietaire du chien ( nganga mbwa) ayant leve le gibier
qui doit le depecer; dans un pot special, appele kinsu
ki nlongo, le pot interdit, il prepare le coeur, le foie el les
poumons. Ces parties cuites sont mangees sur place. Les
convives sont obliges de se laver les mains dans une
assiette en bois et de les essuyer sur le dos du chien.
Quant au kinsu ki nlongo, il ne pent servir a un autre
usage, et ne pent etre touche que par le nganga-mbwa.
Si la defense est violee, kiana kifwidi, la chance disparait.

Dans une chasse commune, si un animal a sabots ou a


griffes est tue sans avoir ete leve par un chien, celui qui
l’a abattu doit le depecer. Si un autre le fait, la kiana du
premier chasseur est perdue. Celui-ci a droit aux cuisses,
a la tete, au coeur. Ces deux dernieres parties sont cuites
dans un pot, reserve ad hoc. Personne ne peut toucher ui
le pot, ni le foyer, ni les os de l’animal. Sitot la viaude

54

ETUDES BAKONGO

cuite, le chasseur l’enleve du feu, prend line calebassc


d’eau, asperge trois fois ses mains, trois fois le foyer,
croise les tisons qui en restent, saisit entre les doigts un
charbon ardent et le jette sur le chemin en criant « To! »
II doit consommer cette viande avec ses enfants et sa pre-
miere femme. S’il en a d’auti'es, celles-ci en peuvent en
avoir la moindre part.

Dans une chasse particuliere, si un mukongo tue du


gros gibier a sabots, l’heureux chasseur se reserve les par-
ties citees plus haut : tete, coeur, cuisses. Tout le reste doit
etre partage entre les membres du clan, qui sont relies
entre eux par la bungudi, la parente qui etablit la solida-
rity des affaires de jour et de nuit. II faut meme envoyer,
si possible, leur part aux femmes residant dans les villa-
ges de leurs maris. Le motif : yo mbisi ku mfinda ikese
ku bakulu, cet animal etait a la foret chez les Bakulu.

Si un membre de la lignee est injustement frustre de


sa part, il peut loka (ensorceler la foret). II va an cime-
tiere ou dans la foret, et crie :

Eh les anciens ! ecoutez !

La foret nous l’avez-vous leguee, oui ou non ?

Si tous nous ne la possedons pas,

Alors qu’ils mangent eux leur viande !

Mais si tous nous la possedons,

Alors vous les anciens, 6coutez-moi :

Retenez vos betes dans la foret.

Si la foret leguee par les ancetres est ainsi ensorcelee


wela difwidi, e’en est fait de la chasse. Personne ne sau-
rait y tirer du gibier. Pour que la chasse redevienne pos-
sible, il faut dedommager l’ensorceleur, « lui relever le
cou » en lui offrant un present respectueux; il retournera
alors an cimetiere ou dans la foret et retirera les paroles
qu’il a dites en priant les bakulu de lacher leurs betes.

Un homme qui a perdu sa kiana, essaie de la retrouver.

RELIGION ET MAG IE

55

II va verser du vin sur les tombes du cimetiere, puis


charge son fusil et « usa mbimba » fait un essai, en disant:

Go i muna kwani, i muna kwani,

Muna mbisi ina ita,

Mu kifwididi kiana,

Fwa kwaku !

Go ka mwa ko,

Buna dia tukaya twaku.

Si c’est la, la meme,

Dans l’animal que j’ai tir6,

Qu’est morte ma kiana,

Alors meurs toi-meme (l’animal qu’il espere rencontrer) !


Mais si ce n’est pas la,
Alors (fusil) mange tes feuilles.

11 tire sur le premier gibier qu’il rencontre. S’il l’abat,


kiana kifutumukini, sa kiana est ressuscitee. S’il rate le
coup, il cherche une autre cause et un autre remede a son
infortune.

Quand un homme est malheureux a la chasse ou dans


l’elevage il se dit : je dois me defaire de mes malchances.
11 va an village de ses peres se faire imposer l’anneau
nsunga.

Le jour de repos du clan, quand les homines dorment


leur premier sommeil, vers minuit, l’ancien qui detient
la corbeille des ancetres et l’homme qui a demande l’an-
neau sortent chacun de leur butte. L’ancien prend une
assiette en bois, la remplit d’eau et y depose des feuilles
de minkeni. Puis il tord les folioles d’une jeune palme et
en noue les deux bouts en guise d’anneau. Il depose cet
anneau sur 1’assiette et l’asperge avec les feuilles de min-
keni. Ensuite il le glisse au poignet du chasseur en disant :

En recevant ce nsunga (anneau souvenir)

Souviens-toi des defenses !

Calme ton coeur,

Hespecte ton frere

Aupres duquel te laissent les anciens.

56
ETUDES BAKONGO

Entre dans la forfit,

Eventre le lion,

E ventre le leopard,

Q u ’ i 1 ne reste que les limagons et les mille-pattes !

Le candidat-chasseur, l’anneau au poignet, remercie


par un triple battement de mains, et si la benediction de
ses peres lui porte bonheur, il leur rapportera les euisses
de sa premiere victime.

Pour obtenir vie et sante.

J’ai decrit tout au long dans la sociologie des Bakongo


le rite des rnatabala, auquel le clan est convoque. Tous
les possesseurs de la victime presumee du ndoki, done
tous ses parents uterins, accomplissent cette ceremonie
taut pour prouver qu’ils sont innocents de kindoki, que
pour supplier personnellement les ancetres de rendre
force et sante au malade.

Je me contenterai de donner des formules usuelles, par


lesquelles le pere de l’enfant malade, et le kibuti, parent
uterin principal de la mere s’abordent pour decider le rite
des matabula. Toutes les croyances fondamentales au sujet
du pouvoir magique de loka des parents uterins entre eux,
de meme que leurs relations avec les ancetres, y sont expo-
sees si clairement, qu’un commentaire parait superflu.
Le pere, ou son delegue, se rend au village de la mere,
et apres les salutations d’usage commence son discours
devant l’assemblee des anciens et des jeunes :

Mabela ye mafwila ka matuya-


mbula ko.

Kansi dtambu ngisidi,

Bu ita, bu imanisa.

Malafu ka banwanga mu nsunga


ko.

Nsusu ka badianga mu masi ko.

Oui la maladie et la mort ne nous


quittent pas.

Et pourtant je suis venu pour une


affaire.

Je vais 1’exposer, je vais la r&gler.

Le vin de palme, on ne le boit pas


pour son arOme.

La poule, on ne la mange pas pour


la graisse.

RELIGION ET N1AGIE
57

Beno lunsompika nkento u longo,

Beno luntuma : ibuta ilela.

Kansi mu nki diambu luyisi tela


bana bamo ?

Nlek’eno keti k’insompele longo


ko ?

Nzlmbu ludia ye nsinga,

Mbisi ludia ye biyisi,

Malafu lunwa ye nkalu.

Go muntu usanga nde : mono


k’idia mbongo ko;

Kilemba k’ididi ko.

Nzila kalanda i mwini,

Kesi ga mpimpa ko.

Kansi bu ntangu yiyi besi kanda


beno-kulu lulunga,

Bu ikwela longo, go kima kisala,

Keti nzimbu zisidi,


Keti bilemba lunzenga,

Lulomba ga mwini,

Ku bundu, ka mu nlambu ko !

Go longo nkwelele, nkwelele kwa-


mo,

Kwenda ngyele, k’ivutuka ko.

Bu ntele, te keti divutuka mu nwa?

Bu ikwenda kuna gata, imona


mwan'amo.

Mwan’amo kaleka bwo


Kasikama lungungu,

I buna i mono ye beno nga tugoga


mawete.

Kansi go ibwa buna, nde : mwan’


amo kabelokele ko 1
Buna kima inata nkisi,

Yisi loka ye mu masa lunwanga,


ye mu nzila ludiatanga,

Isi loka mu maya meno ye mu


mfinda.

Dina gata dina bakento, dina ba-


kala,
Or vous autres vous m’avez pret6
une femme pour le mariage,

Vous m’avez command^ : Aie des


enfants et sois heureux.

Alors pourquoi venez-vous poursui-


vre mes enfants ?

N’ai-je pas 6pous6 legitimement vo-


tre fille ?

Les perles, vous les avez eues avec


leur corde,

La viande, vous l’avez mangee


avec les os,

Le vin de palme, vous l’avez bu


dans les calebasses.

Peut-etre l’un d’entre vous dira-


t-il : je n’ai pas mang6 ma part
de viande,

Je n’ai pas eu de cadeau.

Que celui-la Vienne de jour,

Qu’il ne vienne pas de nuit.

Mais maintenant que vous gtes au


complet,

Je vous le demande, n’ai-je pas


pay 6 ma dot integral ement ?

Me reste-t-il une dette ?

Les cadeaux de consolation ne suf-


fisent-ils pas ?

Celui qui a a rficlamer, qu’il parle


ouvertemqnt,

Devant l’assemblee, non en secret !

Si done j’ai epous6 ma femme 1§-


gitimement,

Je m’en vais, je ne reviens pas.

Quand je le dis, est-ce que la salive


depensee me revient a la bouche?

Je vais done au village, voir mon


enfant.

Si son sommeil est tranquille,

S’il se reveille en plein midi,

Alors nous nous reparlerons avec


douceur.

Mais si mon enfant n’est pas gu6ri,

J’apporte le nkisi,

J’ensorcelle 1’eau, j’ensorcelle les


chemins,
J’ensorcelle les champs, j’ensorcel-
le la forfit.

Votre village a des femmes, il a


des hommes,

58

ETUDES BAKONGO

Dina matoko, dina ba nduniba,

Kansi go muntu unkwa mbundu


zole

Kakala ga nitu mwan'amo.

Buna dina gata voka !

Mono buna ntele, i buna.

Buna ntele mbisi, buna ngogele


diambu.

I buna kwandi.

II a des jeunes gens, il a des jeu-


nes filles,

Mais si quelqu’un d'entre vous a


un cceur double

Et s’attache au corps de mon en-


fant,

V'otre village sera desert !

Moi je l'ai dit ainsi, et c’est ainsi.

Comme je tire le gibier, ainsi je


dis l'affaire.

C’est ainsi.

* *

L’assemblee a ecoute sans broncher. A la fin, elle salue


d’un battement de mains. L’ancien au nom de tous,
repond :

Beto ka turnwene zo ko,

Yi za zo I
Beto sela sela,

I did diddio :

Keti iya inbingu eto ?

Ka disidi nsi ko.


VVidi, malala leka,

Malala kalele ko.

Kansi beno bakala ye bakento lu-


wa :

N'zitu wisidi

Mu diambu di mwana nkento tu-


kwedisa.

Ntaku tudia, malafu tunwa,

Mbisi tudia.

Yakala ye nkento tutuma :

Lubuta, lulela,

I.usala, lukela,

Lututombola.

Beno ilutumini :

Nzila lulanda i mwini,

Yi i mpinpa, ka y& ko.

Go wele, gana mwini.

Quant a nous cette nouvelle, nous


l’ignorions,
Mais la voila !

Nos charges nous pdsent : elles


glissent a terre,

Nous ne faisons que les remettre


en place.

Est-ce 14 notre destinde ?

Le pays n’est plus lui-mdme.

On disait que la mort dormait,

Mais elle ne dort pas.

Vous tous, hommes et femmes,


ecoutez :

Notre parent par alliance est venu

A cause de la femme que nous lui


avons donnee en mariage.

Le vin de palme, nous l’avons bu.


l’argent, nous l’avons pris,

La viande, nous l’avons mangee.

Au mari et a la femme nous avons


commands :

Ayez des enfants et soyez heureux


(d’elever des enfants),

Vivez, survivez-vous;
Faites-nous revivre en vos enfants.

A vous tous, j’ai ajoutd :

Suivez les chemins du jour,

Ceux des tendbres ne les suivez


pas.

Si vous allez visiter votre beau-


frere, allez-y de jour.

RELIGION ET MAGIE

59

Mwana nkento, go vwidi madia,


kakugana.

Nzitu mpi go vwidi kakugana,

Go nkatu kwandi, bikuma k’utangi


ko :

Kivumu ka kisotuka ko.

Kilumbu kinkaka, buna ukugene


mau.

Bubu nzitu bu kesele.


Keti mwana nkento, keti mwana
yakala,

Keti mu diambu di mbisi ka ludia


ko,

Keti nzimbu ka ludia ko,

Lwa kunlombi bima.

Kansi nzila mpimpa ka lulandi ko,

Ka lukwendanga ye mbundu zole


ko.

Ntete-ntete ku mwana nkento, tu-


tuma :

Nda, wenda, utubutila baleke,

Ba bakala ye ba bakento, ututoni-


bola

Gata ba mbuta batusisa,

Di tubakila nsafu, ba mbuta ba-


sisa.

Di tulwasila maba, ba mbuta ba-


sisa.

Beto bu tugoga, ba mbuta batu-


sisa.

Beto go tufwidi, baleke bayinga ga


kifulu ki beto.
Beto tuyika mika mi mbwa,

Tulekila kumosi.

Kansi go muntu kazonza muna


nlambu, nde :

Beto bu tukwedisanga bana ba ba-


kento ba ba beto,

Besi kanda ba kulu tubasonga


nzila;

Kansi go bau si bakwedisa,

Beto ka balendi tusonga nzila ko.

Si sa femme a de la nourriture,
elle vous en donnera.

Si votre beau-frere en a, il vous en


donnera aussi.

S'il n’en a pas, lie lui en faites pas


grief :

L’homme ne perd pas son ventre.

Un. autre jour, il vous dgdomma-


gera.

Mais voici que votre parent est


venu.
Peut-gtre qu’une femme, peut-gtre
qu'un homme,

N'a pas mange de viande,

N’a pas eu sa part de la dot;

Eh bien, ce que vous voulez, rgcla-


mez-le lui.

Mais les voies de la nuit, ne les


suivez pas,

N'y allez pas avec un double coeur.

A notre fille, nous avons comman-


ds :

Va, enfante-nous des sujets,

Des garQons et des filles; fais-nous


revivre en eux.

Le village, les anciens nous l’ont


laissg.

Les nsafu que nous mangeons, les


anciens nous les ont laissgs.

Les palmiers, qui donnent le vin.


les anciens nous les ont laissgs.

Nous-mgmes, qui vous parlons, les


anciens nous ont laissgs.

A notre mort ici les jeunes gens


nous remplaceront.

Nous sommes comme les poils du


chien,

Nous sommes couches sur la meme


couchette.

Mais peut-gtre quelqu'un d'entre


vous n’est-il pas content, et se
dit-il & part lui :

Aux dots de notre lignee,

Tous les autres du clan partici-


pent,

Mais aux dots de ces autres,

Nous ne participons pas.

60

ETUDES BAKONGO

Ntondo go iyina,

Yi lulandilanga nzila mpimpa,

Go i buna bu dina, bu lulungidi


beno kulu
Lutoma kuntela,
Nsoni ka lufwe ko.

Ye ba mbuta ye baleke,

Ye bakento ye bakala.

Nkatu nsoni kabuta ko.

Mono mbeni kwamo.

Si telle est la cause de ce senti-


ment,

Qui vous fait suivre les voies t6n6-


breuses,

S’il en est ainsi, maintenant que


vous etes au complet,

Dites tout,

Tout ce que vous avez sur le coeur.

Jeunes et vieux.

Homines et femmes.

L’homme ehont6 est impuissant.

J’ai dit.

II salue toute l’assemblee et tous lui repondent par un


battement de mains.
L’ancien d’une autre lignee se tourne alors vers le pere
du malade ou son delegue, le salue, salue ensuite l’assem-
blee et formule son avis :

Buna ukwa te, i buna kwandi.


Mwana nkento bu tunkwedisa,

Beto kulu tulungidi ye bakento ye


bakala,

Tudidi, tuyukwete.

Mwana nkento tuntuma,

Kabuta, kalela, kasala, kakela,


Katutombola.

Yonso kayukuta ko,

Keti nzala mbisi, keti nzala nlele


kamona, kagoga,

Nsoni kafwe ko.

Nkatu nsoni kabuta ko.

Unu nzitu fongele,

Bi luvwidi mfunu, nga lulomba.


Ma tele ba mbuta, ma ita :

Yuna ulanda nzila mpimpa,

Ukwenda ku kuna mwana nkento


ye bana bandi,

Keti mwana yakala, keti mwana


nkento,

Kasa ntondo kurni ye zole.

Coniine tu 1’as dit, c’est bien ainsi.

Quand nous t'avons donne la fem-


me, notre sujet, en mariage,

Nous etions tous d'accord, hommes


et femmes,

Nous avons mange, nous etions


rassasies.

Nous avons dit tous a notre pa-


rente :

Va, enfante, sois heureuse,

Fais-nous revivre en tes enfants.

Si done l’un de vous n’a pas 6t6


rasassie,

S’il a « faim de viande » ou « faim


d’etoffes », qu’il parle,

Qu’il n'ait pas honte de parler.

L'homme ehonte est impuissant.


Aujourd’hui notre parent par al-
liance est li,

Demandez-lui ce que vous voulez.

Je r6pete ce que disent les anciens :

Si quelqu’un est alie par les voies


de la nuit,

S'il est alie vers la parente et ses


enfants,

Qu’il soit un homme. qu’il soit une


femme,

Si dans son coeur il a mis des hai-


nes, dix et deux.

RELIGION ET MAG IE

61

Bu ntangu yi kadia usiki, kasika-


lala

Kadia mbendi, kabela !

Ye beno baleke nipi, ngatu beno bu


lusanga nde :

Ba mbuta kaka baloka.


Kansi nsoni mindwelo mi milwa-
langa.

Go lu ba Ndo-Ntoni,

Lutona diambu.

Go lu ba Ndo-Mbasi,

Lubansa diambu.

Beno bu lukwenda mu nsi zinkaka,


keti bwe lumonanga ?

Mbuta go bokele baleke bandi, ba


kulu besi lunga.

Beno kulu, lukota munsl vunga di


mono mbuta.

Beto nzila rnpimpa, ka tuzeye ko;

Mafundi tudika ma rnwini,

Dina di rnpimpa ka tudika ko.

Ba mbuta batusisa, buna batusi-


sidi.

Go bakulu mpi ban bayenda,


bayenda ye mau;

Beto tusala, tusala ye mbutu ye

, mbongo.
Go bau batombokanga balandanga
ku kuna nkento,

Baguninanga beto tusala ku nseke,

A present qu'il mange du nsiki,


qu'il se redresse ( l ),

Qu’il mange du rongeur mbende,


qu’il se repente ( 2 ) 1

Mais vous aussi, les jeunes gens,


vous vous dites peut-etre :

II n’y a que les vieux qui fassent


les sorciers.

Cependant le proverbe est la : Seu-


les les jeunes herbes « nsoni »
blessent.

Vous qui vous glorifiez du nom de


Dontoni,

Rendez-vous compte de l’affaire.

Vous qui portez le nom de Dom-


basi ( 3 ),

Reflechissez done a l’affaire.

Quand vous allez dans d’autres vil-


lages, que voyez-vous ?
L’ancien appelle son monde, aussi-
tdt tous les sujets sont reunis.

Ainsi de m6me tous, venez sous


ma couverture.

Nous, nous ne connaissons pas la


kindoki;

Le pain de manioc que nous of-


frons & l’hdte est celui du jour.

Celui de la nuit, nous ne l’offrons


pas.

C’est ainsi que nous ont appris nos


anciens.

Les anciens s’en sont alies, ils sont


partis avec leurs affaires;

Nous, nous restons, avec la charge


d’engendrer la richesse humaine.

Mais si les anciens remontaient de


l’eau, s’ils venaient poursuivre
notre parente,

S'ils nous trompaient, nous qui


demeurons dans la savane,

(t) Kadia nsiki, kasikakala, jeu de mots. Le nsiki (morinda lucida)


est un arbre tres droit. Sikalala, le verbe signifie 6tre dresse, k l’oppose
du ndoki qui, comnie le crapaud, se penche quand il attaque sa victime.
( 3 ) Le mbende est un rongeur tachete et, comme tel, interdit ou tabou
pour beaucoup de classes de Bakongo. Ceux pour qui il est tabou se
repentent, s’ils en ont mangS.

( 3 ) Proverbes, jeux de mots : Dontoni, Don Antoine; ntoni dtant agent


verbal, de tona, se rendre compte. Dombasi, Don Sebastien; mbasi res-
semble a bansa, r6fldchir.

62

ETUDES BAKONGO

Bau mpi kuna, badia nsiki, basika-


lala,

Badia mbendi, babelanga !

Yonso ubasikamisa, mpongo iloka.

Ka mu kanda diaku muna nkwa


mbundu zole,

Buna beto yina mpongo tuloka,


iyenda kuna kanda di ngeye;
Keti mu kisalu kiandi, lumvwila
nsita zole, lumvwila nsita tatu.
Buna bakulu badidi mbwa,

Batambwele mfamfi,

Mpongo mbumba,
Singi di mbumba, sala nki, gonda !

Keti ngeye yakala, kwelele nkento


usanga nde : ilanda nzila nkaka,
Usosa bakento bankaka, yuna use-
na ukiboba,

I buna bana bandi bafwa mu kesa,

Buna mpongo ivutuka muna kan-


da diaku.

I buna mvul’aku yina,

Ikunokina, ikukiela.

Beto ututele mbila;

Tutambula,

Bu utudinga, go bu utusosa,
K’utumwene ko.

Kuna ukwenda ye bana ye nkento,

Baleka bw6, basikama lungungu.

Buna kiese tumona,

Ye ngeye ye beto.

Mono buna ntele, i buna.

Eh bien, qu’ils mangent, eux aussi,


du nsiki, qu’ils se redressent,
Qu'ils mangent du mbende, qu’ils
s’en repentent !

Contre celui qui va les exciter, je


vais faire marcher le nkisi.

Mais vous. parent allie, si dans


votre clan il y a quelqu’un au
cceur double (qui conspire con-
tre notre parente),

Alors le nkisi, je l’actionne contre


votre clan;

Si vous jalousez notre parente £t


cause de son travail,

Alors nos ancetres ont fini de man-


ger le chien,

Us ont rejete les debris de noix


ma.ch6s t 1 ).

Et le nkisi de Mbumba
Tuera par la malediction de
Mbumba !

Mais si vous, le mari, vous vous


dites :

Je cherche une autre femme, car


celle-ci est d6cr6pie,

Alors les enfants meurent de la


maladie kesa ( 2 ).
Encore une fois le nkisi va se re-
tourner contre votre clan.

C’est votre pluie, vous l’avez com-


mandCe,

Elle vous mouillera jusqu’au bout.


Vous nous avez convoques;

Nous avons repondu S. l’appel.


Mais dans le cas susdit, si vous
nous appelez encore,

Vous ne nous reverrez plus.

Done, ou vous allez, que la femme


et les enfants

Y dorment en paix, qu’ils se re-


veillent en plein midi.

Alors notre joie sera complete,

Et la v6tre et la notre.

Je l’ai dit ainsi, c’est ainsi.

(1) Proverbe : ils sont d6goOt6s et ne s’interesseront plus a la richesse


humaine que la parente doit procurer.

( 2 ) Kesa, maladie envoyfie par Nzambi pour chatier les parents cou-
pables d’adultere.
RELIGION ET MAGIE

63

On se salue d un battement de mains. L’ancien de la


troisieme lignee se tourne vers 1'assemblee et raconte a
son tour l’affaire comme il la congoit :

Buna ukwa te, i buna kwandi.

Muna kanda, muna bakala,

Muna bakento;

Kanda dina nkuna nkento

Ka dilendi fwa ko.

Beto ba mbuta batusisa.

Kansi dio diambu tumwenanga ga


kanda dieto :

Kuma kie, kuma yidi,

Kubela nioka,

Yo kafwila mbangala mosi ko.

Mwana nkento bu tunkwedisa,

Beto kulu tulungidi,


Ye bakala ye bakento.

Tuntuma : kubuta, kulela,

Kansi yuna ulanda yandi muna


nzila mpimpa,

Keti nani ?

Bubu nzitu una gana.

Unu lutelama beno kulu,

Lukubula nlele ye binkutu,


Bakento mpi, bakubula ye biandu
ye mataba.

Go i mono, nkubwele nlele.


Mwana nkento igeta kuna fuku.
Kabuta, kalela,

Kasala, kakela.

Nzitu kenda, kamona nkento andi


ye bana bandi,

Buna kiese kamona

C’est ainsi que vous l’avez bien


dit.

Au clan il y a des hornmes,

II y a des femmes;
Un clan qui a des « plants » de
femme

Ne saurait mourir.

Ainsi parlaient nos anciens.

Mais cette affaire nous ne la


voyons que dans notre clan :

Il fait clair. il fait obscur,

Il est toujours malade, le serpent


Qui ne sait mourir dans une sai-
son seche (*).

Quand nous avons donne notre pa-


rente en mariage,

Nous etions au complet


Homines et femmes.

Nous lui avons dit : enfante, eleve


des enfants et sois heureuse.
Celui qui la poursuit par les voies
des tenebres,

Qui done serait-il ?

Aujourd’hui ce parent par alliance


se dresse devant nous.
Aujourd’hui, vous tous dressez-
vous,

Secouez vos pagnes et vos vestons,


Que les femmes secouent leurs har-
des et leurs nattes ( 2 ).

Quant a moi, j'ai secoue mon pa-


gne.

J’ai abandonne la parente sur la


place de l'enfantement.

Qu’elle enfante, qu’elle soit heu-


reuse,

Qu’elle vive, qu’elle se survive.


Que ce parent par alliance voie sa
femme et ses enfants,

Qu’il soit dans la joie.

t 1 ) Proverbe : la misfere, toujours la meme, revient sans cesse.

( 2 ) Proverbe pour signifier qu’ils ne gardent pas d’engeance nuisible,


de parasites symboles et agents de kindoki.

64

ETUDES BAKONGO

liana mabundu bakutasanga,

Mbisi au babakidi;
Mo tukutasanga beto nde.

Si ma bantu babelanga.

Buna keti ka lumonanga kweno


nsoni ko ?

Mono, buna ntele, i buna.

Les uutres quand ils se reunissent,


tout le clan,

C'est pour se partager du gros gi-


bier;

Nous, quand nous r6unissons le


clan,

C'est la reunion d’hommes niala-


des.

Dans ces conditions vous autres


n’avez-vous pas honte ?

Ainsi j’ai dit, et c'est fini.

On procede ensuite au rite ties matabula, coniine il est


decrit au volume I, page 271, ties Etudes Bakongo, Socio-
logie.

La fete des morts.

Le devin consulte sur la cause d’une maladie indique


souvent, outre les nkisi mecontents, line autre cause de la
maladie : les Bakulu, les ancetres reclament des ceremo-
nies funebres plus solennelles.

L'ancien du clan convoque alors les autres anciens et


discute avec eux la conduite a tenir. S’ils sont d’accord,
on fixe l’epoque tie la grande fete ties Bakulu et tout
d’abord le jour de la premiere entrevue avec eux au cime-
tiere.

La ceremonie comprend trois actes bien distincts :

1° L’avertissement donne aux Bakulu, qu’on leur rendra


les honneurs reclames, pourvu qu’ils rendent la sante au
malade et la prosperity au clan.

2° La presentation des tetes de petit betail qu’on imrno-


lera a cette occasion et la determination du jour tie la
ceremonie.

3° La solennite elle-meme.

I. — L’AVERTISSEMENT AUX BAKULU.

L’ancien se rend au cimetiere avec les gens de sa


lignee, y apportant cinq assiettes et cinq calebasses de vin
tire des fleurs de palmier. Arrive devant la tombe tie

RELIGION ET MAGIE

65
son pretlecesseur, l’ancien s’accroupit et s’adresse en ces
termes a tous les bakulu :

Si lutadi, beto di twisidi kuku,

Beno ba mbuta lutusisa.

Bu lukala kimoya, bu lutelele,


nde :

Ngeye usidi, ye kanda dikusadidi,


Mboiigo bantu toma sungama.
Kansi bubu bu tusala beto,

Nsi kubela, zulu kubela.

Bu lubukisa nkisi,

Nde nkisi.

Bu lukwenda ku mpiata,

Nde : luzika ba mbuta zeno.

Beto di twisidi, i dio dio.

Kansi bu ntangu yi i mbuta, isala


ye kanda,

Lunsisidi mbongo bantu ya kulu.

Ye bakento ye bakala;

Bana ba bakento ba bakaka beno


kibeni lusa kwedisa
Ntako beno lusa dia !

Kansi tu tusala beto,

Malala leka, maiala kalele ko.

Baleke ba bena mu gata ibobo,


Beto ba mbuta mpi i bobo,

Bana ba bakento babuta, i b& bobo.

N'ki nkombo i ya yoyo !

Ba lusisa yau makanda dibula ma-


dibula

Vous, les anciens, qui nous avez


laisses au clan,

Regardez le motif qui nous amgne


ici.

Quand vous gtiez en vie, vous m’a-


vez dit :

Toi, tu restes au clan, et le clan


t'aidera,

La richesse humaine, soigne-la


bien.

Mais voici qu’ici, ou nous demeu-


rons,
La terre est malade, le ciel est ma-
lade.

On nous dit : traitez les nkisi ! et


nous les traitons.

Et on nous repute : d’autres nkisi


encore 1

Nous allons chez le devin.

Et celui-ci nous dit : allez, faites


l’enterrement d°s anciens.

Voilb, le motif, pDur lequel nous


sommes venus.

Moi, l’ancien qui demeure avec le


clan,

Vous m’avez laisse avec tout le trg-


sor humain,

Les femmes et les hommes;

Parmi les femmes il y en a que


vous avez donnges vous-mCmes
en mariage,

Vous-memes avec touche l’argent


des dots !

Or, dans le clan oil nous demeu-


rons,

La mort dormait; voici qu’elle ne


dort plus.

Les jeunes du village s’en vont,

Nous, les anciens, nous allons de


mgme,

Et voila que les femmes enfantent


et que les enfants s’en vont.

Quel est done ce destin ?

Les clans que vous avez laissgs


faibles

66

ETC DES BAKONGO

Bubu mu yobila bena;

tfakulu bau bawa teka nima.

Kansi bu luyisa beno, lutombokan-


ga ku nseke,

Lusosa baleke.

Keti beno kibeni lutombokanga ?

Keti bandoki bakusi lutombolan-


ga ?
Widi luziku lusosanga.

Nteki lusosa kuziama kumpwena,

Ku gata lusisa baleke,

Luteka nima.

Bubu ka tuvwidi kisalu ko, tuba-


kila mbongo.

Mono nsakidi mpako, k’ivwidi yo


ko.

Bu ibaka falanka, nde : bukisa


rnwana nkento;

Bu ibaka meya, nde : ilanda nzila


kizitu ifvvila nleke,

Nzitu kingandi ufwila mpangi andi


yakala !

Buna mono isalanga, ntako kwe


zituka zi iluzikila ?

Unu malonga matanu ilutwadidi,

Ludia matondo lutondila mbutu ye


mbongo.

Ntutu mintanu mi nsamba ilutwa-


didi,

Lusambila mbutu ye mbongo. (*)


Deviennent forts ( 3 );

Leurs bakulu leur donnent la f<5-


condite.

Mais vous autres, vous revenez


dans la savane,

Vous y cherchez nos jeunes gens.

Est-ce vous-memes qui remontez


spontan6ment ?

Ou sont-ce les ndoki qui vous font


remonter ?

On nous dit que vous cherchez les


honneurs de l’enterrement.

Mais je vous le declare : avant de


chercher les honneurs,

Laissez en paix nos jeunes gens.

Donnez-nous la fecondite.

Actuellement, nous travaillons en


vain.

Je n’ai pas encore pave mon im-


p6t a l’Etat.

Si j’ai un franc, on me dit : fais


soigner telle femme;
Si j’ai un demi-franc, on me dit :
l'enfant d’une telle est morte;

De tel parent par alliance, le frere


est mort !

Ou est done le travail qui me per-


mette de payer les frais de votre
sepulture ?

Aujourd’hui, je vous apporte cinq


assiettes,

Mangez-y des Matondo, aimez la


procreation et le tresor hu-
main ( 2 ).

Je vous apporte cinq calebasses de


vin genereux Nsamba ( 3 ).

Favorisez la procreation et le tre-


sor humain.

(*) Ceux qui pleuraient d’abord de nombreux morts ne pleurent plus,


car ils revivent; et ce sont les clans puissants qui maintenant sont
dficim6s a leur tour.

( 2 ) Matondo : champignons, du verbe londa, aimer. Ce champignon,


qui signifie amour, entre dans certains nkisi pour produire cet effet.

( 3 ) Le vin nsamba est tire de la fleur du palmier. II est neeessaire


pour constituer un mariage entre personnes libres. Sambila signifie
gemir, implorer, prier, souhaiter. Ce dicton, comme le precedent, est un
de ces jeux de mots fort gout6s des anciens.
RELIGION ET MAG IE

67

Kingana lusisidi :

Nsongi iuuna busongi,

Mwela muna buwela,

Kansi mono bu isala ntako,

Nlalu I

Bu itwila nsusu,

Mfwenge ibakidi !

Bu itabula nkombo,

Ngo mu mfinda itadidi !

Kansi luziku lu lusosanga !

Keti kwe ibakila ?

Mu mfunu ye mu ngaku, go beno


ludia, luzibula.

Buna itomboka ku ntoni.


Baleke go bele ku mfinda,

Yonso uyika ntambu kabaka mbisi


inene,

Yu ulwasa nsamba,

Mbasi kabaka ntoma mimiole.

Ngyadidi moko,

Kiyala moko kafwa ko.

Go ka tumwene kima ko, go ka tu-


didi ko, go ka tunwini ko,

Buna bima bi lubakidi unu i bina


kwandi.

Ka lusosi diaka malonga ko,

Kani ntutu, kani tiya,

Kani kisalu go nkatu, bima kwe


ibakila ?

Bu iyiba, nde : nleke usisa kingan-


di, uta yiba,

Ba mbuta keti ka bansisila nzimbu


ko

Mbongo bantu luteka nima.

Buna bakikolele bd kulu,


Basala, bakela,

Vous avez dit ce proverbe :

Le tireur de vin par son metier,

Le chasseur par la chasse se suffi-


sent.

Mais moi, des que j’ai gagne un


peu d’argent,

Le voila disparu !

J'eieve des poules,

La fouine les prend !

Si je laisse courir une chevre,

Le leopard est la aux aguets 1


Et vous autres, vous cherchez les
honneurs de la sepulture !
Comment done en couvrirai-je les
frais ?

La cachette aux tresors, ouvrez-la


moi, si vous reclamez des depen-
ses.

Alors je viendrai encore a vos tom-


bes.

Quand les jeunes gens iront a la


foret,
Que tout qui dresse un piege pren-
ne du gros gibier,

Et que celui qui monte aux pal-


miers,

En descende avec deux calebasses


remplies.

J’etends les mains (pour vous im-


plorer).

Celui qui etend les mains, ne peut


mourir.

Done si nous n’avons pas de chan-


ce, pas de nourriture, pas de
boisson,

Ces presents que voilk, ce sont les


derniers.

Ne cherchez plus d’assiettes,

Plus de vin de palme, plus de


poudre.

Ou bien voulez-vous que je les


vole ?

Mais alors on dira : le sujet d’un


tel est un voleur,

Est-ce que ses anciens ne lui ont


rien laisse (qu’il doive voler) ?
Donnez-nous la f6condit6.

Que nous tous, vos sujets, nous de-


meurions en vie,

Que nous soyons florissants.

68

I.TUDKS BAKONGO

Yu ulanda nzila zi mpimpa

Ukwendauga rnuna mukwedila ba-


na ba bakento,

Beno go lumwene, yuna lubaka,


Kesa ku luna beno.

Beto ye beto tusala ku nseke,

Tulongana beto kulu.

Beno kulu ku masa, lukala mlka


mi mbwa,

Lulekila kumosi.

I buna bu tusala nga tumona


kiese.
Go tumwene, nde : rafunu ye nga-
ku mizibukidi;

Buna kuziama ku beno kutomene.

Kansi buna go nkatu, ka lusosi


kuziama ko.

Beto ku tusala,

Go lukwisi tubaka, ka diambu ko !

Tusuka beto kulu.

Mwaka nga tutala. yu ulusa ma-


longa, keti kwe katuka ?

Nsafu ye maba tuslsa, keti nani


udisa mio ?

Bankaka bayinga ga vwoka dina,

Mono bu ntele buna, imene.

Et si parmi nous quelqu'un allait


la nuit

Au village de nos sujets feminins


pour manger, par sa kiridoki,
leurs entants,

Si vous le voyez, prenez-le,

Amenez-le oil vous gtes.


Nous entre nous, ou nous demeu-
rons.

Nous allons nous exhorter mutuel-


lement a laisser tout mauvais
desir.

Vous aussi, ou vous gtes, soyez


comme les poils du chien,

Soyez couches sur la mg me cou-


chette.

Alors, nous serons dans la joie.

Si la cachette aux trgsors s’ouvre


pour nous,

Votre sepulture sera belle.

Mais dans le cas contraire, ne cher-


chez plus d’honneurs.

Mais lit oh nous demeurons,

Venez nous prendre, peu nous im-


porte 1

Quand nous serons tons extermi-


ngs,

Nous verrons alors d'od viendra


celui qui doit honorer vos tom-
bes 1

Et des palmiers et des safoutiers


abandonnes, qui mangera les
fruits ?

Ce seront des etrangers, qui hgri-


teront votre village.

Maintenant que j’ai ainsi parle.


j'ai fini.

II. — PRESENTATION AUX BAKULU DES ANIMAUX


DESTINES A LA FETE.

Pour ce second acte, on convoque les parents par


alliance et tous les adultes nes au clan. Cette convocation
cependant n'a lieu que si les bakulu ont rendu la sante au
malade, et si les animaux achetes en vue de la fete sont
bien en forme.

RELIGION EX' MAG IE

69

Au jour fixe, on se rend done au cimeliere; les jeunes


gens y amenent les poules, les chevres, les pores destines
a la fete. L’ancien du clan s’accroupit alors devant la
tombe de son predecesseur et parle :

Tala bi biina, ba mbuta,


lsi songa bi nkinsi.
Beno bu lusa, nde : beto ka tuzia-
ma ko.

Kansi bu ntangu yiyi mana igoga


mono luwidi mo;

Bitwisi mpi biwidi butuka,

Bana ba bakento mpi ye baleke ba-


widi kikodila.

Bu ntangu yi di ngisidi,
lsi songa bitwisi.

Beno kulu, lutomboka, lukala mu-


na bitwisi bina !

Ngo muna mfinda,

Meno mandi ngani, kalendi baka


ko bina bitwisi !

Mfwenge muna mfinda,

Kalendi baka nsusu ko !

Ndoki izeka mataba,

Kalendi fina nkombo ko 1


Mwifi ukenge,

Kate sakuba.

Bi bitwisi, bu lukala, biwidi bu-


tuka
Bibutana.

Buna nkinsi utomene.

Beto bantu, tuvutuka ku gata

Ku gata twasadi, twakedi.

Ngyadidi moko;

Kiyala moko kafwa ko.

Bitwisi bi nkisi ngisi lusonga;

Bu ntangu yi kitwesi kima ko,

Nsamba ilutwadidi,

Lusambila mbutu ye mbongo.

Di kasu ilutwadidi.

Vous done les anciens,

Regardez ces animaux destines a


votre ffite.

Vous avez dit : nous autres, nous


n’avons pas de sepulture conve-
nable.

Mais vous avez ecoute ce que je


vous ai dit;

Notre elevage a prospers,


Les femmes et les enfants se por-
tent bien.

C’est pourquoi, je suis venu,

Pour vous montrer ces animaux.


Remontez tous, soyez en perma-
nence dans ces animaux 1
Que le leopard qui sort de la foret,
Sente ses dents acides devant cette
viande 1

Que la fouine qui sort du bosquet,


Ne puisse suivre ces poules 1
Que le ndoki qui tord ses liardes,
Ne puisse fasciner nos clievres 1
Que le voleur qui est au guet,

Se foule le pied dans sa course.


Que tous ces animaux soient pros-
peres

Et se multiplient.

Alors la fete sera belle.

Nous autres, nous retournons au


village

Ou nous demeurons; que nous


soyons prosperes !

J’ai etendu mes mains vers vous;


Celui qui 6tend les mains ne peut
p6rir.
Je vous ai montr6 les animaux dfe
la f6te;

Je ne vous ai pas apport6 d’autres


cadeaux,

Sinon du vin de palme nsamba


(favorable),

Afin que vous favorisiez la pro-


creation et le tresor humain.

Et ceci c’est des noix de kola que


je vous apporte.

TO

ETUDES BAKONGO

L’ancien verse alors deux calebasses de via sur les torn-


bes et distribue egalement les morceaux de noix de kola
a chacun des bakalu.

De retour au village, une petite fete s’organisera pour


souhaiter la bienvenue aux parents par alliance et aux
« enfants » nes dans le clan. Voici comment l’ancien
saluera l’assemblee :

Mono ntumu ilusidi


Mu diambu di nkinsi ututuma ba
mbuta;

Beno besi kanda bu lulungidi


gaga,

Bu tuna kiyeka mbote.

Kansi bubu bu ludia nsusu,

Bu lunwa nsamba,

Mu diambu bilumbu bi nkinsi


luwa.

Nsona vwa, yina ikumi,

Ngoma zikotele ku gata.

Beno bazitu ye ba nzadi, luzibula


makutu :

Nkinsi go ufvvene, konso nzitu kan-


datina ngoma mosi,

Beno bana mpi hvisanga beno


kulu,

Lutwala malonga matanu-matanu;


Mono batata beno izika
Ba iubuta.

Ka luyindula ko nde : bina bima


ku mono lugana,

Bambuta batusisa balomba bio.


Beto kulu ba mbuta batusisa,

Bu tuna ga kanda.

Bela tubelanga,

Fwa tufwanga;

Ku kuyita bakulu, ku tukwendan-


ga.

Buna ntelele, i buna,

Dina di dikvvenda dikwendidilan-


ga.

Le motif pour lequel je vous ai


convoques,

C’est que je veux faire la fete or-


donn^e par les ancStres.

Nous voici maintenant au complet,

Nous sommes dans des circonstan-


ces favorables.

La poule que vous mangez,

Le vin de paline que vous buvez,

Ont pour but de vous apprendre la


date de la ffite proche.
Apres neuf nsona, au dixieme,

Les tambours arriveront au vil-


lage.

Vous l’entendez, ouvrez vos oreil-


les :

Ce jour-la, chaque parent par


alliance apportera un tambour,

Tous les enfants du clan aussi re-


viendront,

Chacun d’eux apportera cinq as-


siettes;

Car je fais la sepulture de vos


p&res

Qui vous ont mis au monde.

Ce n’est pas d moi que vous don-


nez ces choses,

C’est k vos ancfitres qui les de-


mandent.

Tels ils nous ont laisses,

Tels nous sommes.

Tous nous devons £tre malades,

Tous nous devons mourir;


Oil ils sont alISs, 1ft nous irons.

I.'affaire que J'ai exposge elle est


ainsi,

Elle est en marche. elle marchera

RELIGION ET MAG IE

71

Bubu luwidi bu igoga beno kulu.

Go mwene tebo, kata.

Go k’ukete ko, ndinga ifwidi.

Mana ntele go ka luwidi mo ko,


ludia mvinda, luvilangasa ndon-
ga.

Kima nzolele, lulungana mu nkin-


si,

Bazitu ye ba nzadi ye bana, kiese


bamona.

Kima lusadila nkinsi beno kulu,


nsiku tusidi.

. Ce que j’ai dit, .vous l'avez en-


tendu tous.

Si tu vois un revenant, crie.

Si tu ne cries pas, ta voix est per-


due ( l ).

■Si vous avez des objections, par-


lez a temps ( 2 ).

Ce que je veux, c’est que tous


soient de la fete,

Jeunes et vieux, parents par al-


liance et enfants du clan, que
tous soient a la joie.

C’est pourquQi, que tous observent


les lois de la f6te.

Alors on boit le vin de palme, puis les parents par


alliance et les enfants du clan, apres avoir remercie et
promis de revenir, s’en retournent chez eux.

III. — LA SOLENNITE ELLE-MEME.

Des le huitieme nsona, les parents par alliance com-


mencent a arriver avec leurs tambours; an dixieme nsona,
les tambours sont au complet. A l’arrivee du premier, les
danses out commence; elles continueront jusqu’au depart
du dernier, c’est-a-dire durant trois fois quatre jours.

Lorsque toute la parente et tous les invites sont reunis,


l’ancien proclame les lois et defenses :
Vous etes venus a la fete,

Homines et femmes,

Qu’il n’y ait parmi vous aucun querelleur !

Le mari qui a atnene sa femme,

Doit passer la nuit avec elle.

Que celui qui n’a pas de femme,

Ne prenne pas celle d’autrui.

t 1 ) Proverbe : Le revenant te maitrisera, te tuera; en criant, tu le


mettras peut-6tre en fuite.

( 2 ) Litteralement : Ce que j’ai dit, si vous ne l’avez pas ecout6 (en


l’approuvant), mangez du rongeur mvindu, et derangez mon expose par
des objections.

72

ETUDES BAKONGO

Tout mon village, je l’ai pacific.

Que celui qui a la maitrise des fetiches,

Les laisse dans son propre village.


Si quelqu’un veut se promener la nuit comine un ndoki,
Qu’il prenne garde, nos fetiches le feront mourir.

On dira : il a mang£ de mauvais mets a la ffite;

En r6alit6, il se sera d6vore lui-meme.

Que celui qui a grand’faim,

N’enleve pas de force la nourriture,

Mais qu’il en demande, il sera rassasie.

Que celui qui veut danser,

Danse au tambour qu’il prefere.

Mais que personne ne cherche querelle.

Je vous ai tous convoqu^s,

Je veux que vous retourniez chez vous en paix.

La fete se prolonge une huitaine de jours en danses et


ripailles, et surtout en beuveries de vin de palme. Tous
les membres du clan, peres et enfants, et parents par
alliance viennent, par groupes, apporter les contributions
fixees par la coutume du clan. 11s re^oivent en retour la
viande, le vin de palme et le pain de manioc. Quand tous
ont defile, on fait le compte des profits et pertes, on
acliete des assiettes et des boites de poudre, puis on nelloie
le cimetiere pour la ceremonie finale.

Des le soir, on commence a faire parler la poudre. On


tire de nombreuses salves, et les trompettes d’ivoire, et
les tambours « masikulu » resonnent toute la nuit. Le
matin, le bruit recommence de plus belle, tandis que l’an-
cien et tous les membres du clan se rendent au cimetiere.

11 va verser sur les tombes du vin de palme nsamba, et


ses compagnons deposent sur les tertres, ou bien accro-
chent aux branches disposees tout autour, des assiettes et
toute une vaissellc de traite. Quand ces apprets sont ter-
mines, l’ancien s’adresse une derniere fois aux bakulu :

Luwete, be no ba mbuta,

Ba luyenda

I.unsisa, isala gana kanda.

Ecoutez, vous, nos anciens,


Vous qui etes partis
Et m’avez laiss6 avec le clan.

RELIGION ET MAG1E

73

TSya luwidi,

Bu tuta goga.

Ngorna itumisi lutomene wa zo,


Zinene ye zindwelo.
Yi nsamba, ilutawdidi.

Lunwa beno kulu, ba mbuta ye


bamama ye bayaya,

Lusambila mbutu ye mbongo !

Ma inalonga tukunina,

Ludia matondo,

Lututondila !

Beno balutuina idisa nkinsi;

Nkinsi tutele, bakento ye bakala,

Ba mbuta ye baleke, tulungidi

Ye bazitu ye ba nzadi ye bana.

Beno kulu mpi lulunga gaga,


Yonso uyenda kinkita

Longa diandi lulunda:

Bu kakwisa, lunteJa nsangu nde :

Nleke usala ku gata,

Nkinsi kadisisi umpwena.

Kansi kuziama ka kusuka ko,

Beto mpi tufwa; kufwa ka kusu-


kidi ko !

Bubu nkembo eno lumwene,

Beno baluyenda,

Beto bu tusala ku nseke,

Ku kuna mbongo bantu iuteka


nima !

Nkombo tutabula,

Ngulu tutabula,

Zibutana.

Mumfunu ye ngaku luzibula.

Bu tukwenda mu mfinda.

Vous avez entendu les coups de


fusil,

Comme ils out cr6pit6.

Vous avez entendu les tambours,


Les grands et les petits.

Void maintenant le vin nsamba.


Buvez-en tous, les vieux, et les me-
res, et les aines,

Pour que vous favorisiez la pro-


creation et le tresor humain !
Void les assiettes que nous avons
apportees,

Pour que vous mangiez les maton-


Uo, champignons de l’amour,

Et que vous nous aimiez !

C'est vous qui m’avez ordonne de


faire cette ffite;

Nous l’avons cel6br6e, nous, les


femmes et les hommes,

Et les vieux et les jeunes, nous


etions au complet
Avec les parents par alliance et les
enfants du clan.

Vous aussi soyez tous presents ici,


Et si l'un d'entre vous dait en
route pour son commerce,
Gardez-lui une assiette, pour sa
part;

Et quand il reviendra, racontez-lui


la nouvelle

Que votre sujet, qui reste dans la


savane,

Vous a fait une belle fete.


Cependant, le travail de la sepul-
ture n’est pas termine,

Nous aussi nous mourrons; mourir


n’est pas fini !

Mais maintenant que vous des


glorifies,

Vous qui vous en des allfis,

A nous qui demeurons dans la


savane,

Donnez-nous la feconditfi !

Nous devons des ch&vres,

Nous elevons des pores,

Qu'ils se multiplient.

La cachette des tr6sors, ouvrez-la


nous.

Quand nous aliens a la ford,

EXUDES BAKONGO

Tubeta nkento,

Tubeta mbakala,

Kima kisala mu nseke,


Nkori ye ngongolo !

Mu nseke tusala,

Tulongana beto kulu.

Buna bamona nsodi nsusu,

Yi nsusu kibeni !

Go lumwene muntu kesa mpimpa,


Kesi lutedi mbila, ride :

Uubaka kingandi ye kingandi,


Buna yuna lubaka,

Luntwala ku luna !

I bwa buna beno ye beno;

Ba batombokanga ku nseke, luki-


longa.

Ka besa diaka ko, kindoki kiau


bayambula,

Beno kulu ludidi, lunwirii;

Luyika mika mi mbwa, lulekila


kumosi.

Ku beto luteka nima !

Mono nleke Isala ye kanda, lunsi-


siia ngangu,
Nkokila ilekidila ndosi zimbwese.
Beno lu lusala, lusala kiambote 1

Mono ku ngyenda, ngyele kiam-


bote !

Que nous abattions le gibier male.

Que nous abattions le gibier fe-


rnelle,

Qu’une seule chose Schappe a nos


coups,

Les limagons et les mille-pattes 1

Faites que dans la savane que


nous habitons,

II y ait bonne entente parmi nous.

Que lorsqu’on voit le bee du coq,

On voie le coq tout entier (*) !

Si done quelqu’un d’entre nous

Venait la nuit et vous appelait,


disant :

Venez prendre tel ou tel;

Celui-la, saissez-le lui-meme,


Et emmenez-le 14 ou vous etes !

De mg me, vous autres, exhortez-


vous les uns les autres;

Que ceux qui remontent au vil-


lage,

Ne viennent plus avec leur kin-


doki,

Puisque tous vous avez mange et


bu;

Soyez comrne les poils du chien,


couchez sur la mfime couchette.

Et donnez-nous la fecondite !

A moi, votre serviteur, donnez de


l’intelligence,

Et que j’aie de bons reves.

Vous autres, ou vous demeurez.


portez-vous bien !

Moi, oil je vais, que je me porte


bien 1

II semble superflu de faire remarquer la beaute de la


prose des chefs Bakongo. Si les discours sont un peu
longs, les auditeurs, hommes ou esprits, ne s’en plain-
dront pas. Ils savourent avec delices cette langue sonore
et. cadencee, syllabes musicales et sans heurt, ou les pen-
sees coulent limpides en un parallelisme sans recherche.
Les formules, heritage ancestral, sont stereotypees, mais
leur agencement est l’ceuvre de chacun, docile au souffle

( l ) Proverbe : Le bee represente l’ancien. II a tout ce clan derriere lui.

RELIGION ET MA.GIE

75

de l'inspiration. Ce souci esthetique du beau langage cree


des artistes du verbe, la oil la legende a invente des sau-
vages ou des degeneres.

Mais ce qu’il iniporle avant tout de remarquer, c’est


l’attitude de nos gens devant leurs ancetres. Sentiments
de dependance et d’humble supplication, expressions fami-
lieres et confiantes, avec par-ci par-la quelques injonctions
habiles, et meine des sommations qui frisent la menace —
menace d’ailleurs toujours conditionnelle de cesser le
culte, si les ancetres n’accordent pas les faveurs deman-
dees, Comparez ces prieres avec les incantations du nkisi,
et vous verrez la difference entre le culte des ancetres et
le fetichisme.

Rien non plus ne peut donner une idee plus claire et


plus objective de la morale des Bakongo, et de sa base
large et saine. On y voit l’homme non seulement heritier
mais aussi continuateur de l’ceuvre des ancetres. Le droit
et le devoir n’apparaissent jamais separes. Le Mukongo
n’est pas un etre falot qui pendant quelque temps mange,
boil, gesticule sous le soleil et puis' disparait.

C’est un homme qui a regu le don de la vie, qui aime ce


don par-dessus tons les dons et se sent l’obligation de le
transmettre a d’autres, aussi nombreux que possible. Dans
ce but, la peine ne l’effraie pas, car il a conscience d’etre
un individu au service du groupe qui l’encadre, groupe
vivant de la vie meme des ancetres. On decouvrira chez
lui un egoi'sme parfois ecoeurant, mais jamais l’egoi'sme
de ceux pour qui le plaisir personnel est la fin et la mesure
de toutes clioses. Ce qu’il demande aux ancetres c’est la
vie, ce sont les moyens honnetes et naturels de la conser-
ve!' et de la transmettre.

CHAPITRE IV.

LA MAGIE (!).

Notion. — Distinctions u faire. — Loka nkisi, notion du nkisi, sa mise


en oeuvre. — Loka mpanda. — Loka kibuti. — La Kindoki dans le
clan. — Faits : recit d’un enfant. — Une palabre de kindoki. — La
separation des clans. — La Kindoki proprement dite. — Le compor-
tement du ndoki. — Comment on devient ndoki. — Les hommes-
betes. — La Kindoki congfinitale. — Kindoki et nkisi. — La Kindoki
est-elle reaiitd? — La magie et la vie sociale du Bakongo.

La notion.

Tous les peuples appeles civilises ont un ou plusieurs


noms pour designer un certain nombre d’activites ou
d’operations qu’ils opposent aux actes religieux d une
part et aux activites naturelles d’autre part. Rien n'empe-
che de penser que les autres peuples sont dans le merae
cas. Mais l’ethnologie et la science des religions n’ont pu
reussir a extraire des faits et rites decrits, une definition
satisfaisant a l’universalite des cas. Nous devons done
renonoer a la terminologie europeenne usuclle ou seienti-
fique, au cadre commode mais trompeur des concepts
europeens en la matiere et laisser les indigenes parler leur
propre langage, quitte a joindre une periphrase aux ter-
mes essentiels.

Nos Bakongo, comme beaucoup de Bantu, ont un mot


pour signifier ce qu’on appelle la magie noire; ce mot
contient la racine lo; le verbe est loka. Ils emploient ce
verbe pour designer d’autres operations ou d’autres actes,
qu’ils distinguent formellement et expressement de la
puissance de malelice ou magie noire. Nous decrirons

(q Cfr. Revue Congo , juillet 1930 et aoflt 1931.

RELIGION ET MAG IE

77

dans ce chapitre tons les actes et operations auxquels ils


appliquent le vocable loka , a savoir : loka nkisi, qni nous
introduira dans le fetichisme; loka mpanda, par lequel
un ascendant emploie son pouvoir vital superieur vis-
a-vis d un descendant; loka kibuti, oil un oncle maternel
on un pere emploie son pouvoir vital a l’egard d’un neveu,
d une niece on d’un enfant ; loka avec Kindoki dans le clan;
et enfin la Kindoki proprement dite. Le fetichisme, auquel
peuvent s’appliquer toutes les definitions de la magie
donnees ou essayees par les differentes sciences, aura sa
description detaillee dans les cliapitres suivants. Ici il
n’intervient que pour prendre sa place dans l’esquisse des
principales formes que les Bakongo appelleraient, me
parait-il, magiques.

Distinctions k faire.

Sur Nzambi aucun loka n’a prise. Entre Nzambi et le


loka, il y a une relation indirecte. Go Nzambi katngene
nkisi ko, nga tufwidi beto kulu, si Nzambi ne nous avait
donne des nkisi, nous serions tous morts. Nzambi etant
la cause premiere de tout, les nkisi aussi lui doivent leur
premiere origine. Or le loka s’exerce surtout sur Ie nkisi
et par l’intermediaire des nkisi.

Quant aux ancetres, ils peuvent etre domines par la


magie des humains et se livrer eux-memes a des opera-
tions magiques; mais leur culte, pratique au nom du clan,
est nettement distinct de la magie. Il ne comporte aucun
rite contraignant. Devant, l’objet materiel du culte, a
savoir la corbeille aux reliques, prieres, libations et
gestes sonl autant depressions d’une humble depen-
dance, d’un veritable respect. Dans la butte qui contient
la corbeille ne peul se trouver aucun objet nkisi. Autre-
fois le pretre du culte des ancetres ( nganga bakulu) ne
pouvait en posseder aucun, meme dans line autre hutte.

78

ETUDES BAKONGO
La separation au moins spatiale marquait la distinction
des domaines.

Entre la religion des ancetres d’une part ct la pratique


des nkisi proprement dite de l’autre, il y a une foule
d'actes el de gestes, que l’indigene ne qualifie d’aucun
vocable generique en rapport avee loka, mais que l'Euro-
peen epris de generalisation et de classification rangerait
sous les etiquettes de magico-profanes, magico-religieux,
superstitieux, etc.

Ne parlons pas des presages, qui sonl innombrables et


qui influencent grandement la conduite quotidienne des
individus. Mais enumerons quelques-unes de ces actions,
non specifiees dans le vocabulaire indigene, ct qui sem-
blent toucher a la magie.

Quand ils veulent bruler leur sodi ( = foret abattue) ils


allument le feu a plusieurs places du cote face au vent, et
ensuite ils sifflent et chantent d’une voix dc tete des paro-
les qui excitent le feu... et ainsi, il devore tout l’abatis.

Quand ils dressent des pieges pour attraper des ron-


geurs, ils marmottent : « Eh, que le mbende (un rongeur
apprecie) vienne et morde l’appat!» et de la meme fa^on
ils enumerent les especes desirees; ensuite ils continuent :
« Eh, que le niungi (une espece non comestible) ne vienne
pas ! s’il essaie, que ses dents lui deviennent des epines ! »
et ils citent de meme tous les indesirables.

Aux passereaux qu’il veut prendre a la glu, l’oiseleur


chante en sifflant doucement : « Eh, les passereaux, vovez
le termites (appat) ! Eh, je prends en foule, en foule,
les passereaux qui mangent mes termites ! »
Dan s ses travaux de culture, de chasse, de peche, le
nnikongo excite les animaux, les uns a venir, les autres a
s’eloigner. Mais dans tout cela il n’a aucun recours expli-
cile on implicite a un esprit, a un objet on ii une pratique
magiques. 11 fait cela de la meme maniere qu’il coupe,
plante et recolte.

RELIGION ET MAGIE

79

II porte ties colliers, bracelets, cordelettes que nous


appelons amulettes ou fetiches et que lui-meme nomme
nkisi. Mais il en porte aussi d’autres que nous nommons
aussi amulettes et fetiches, mais que lui-meme ne nomme
pas nkisi; d’apres lui ces objets, sans avoir touche a quel-
que objet magique, ont une vertu pour proteger ou pre-
server. II distingue ties bien les plantes ou herbes medi-
cinales, les infusions ou decoctions de simples feuilles,
ecorces et racines, qu’il emploie comme remedes; il ne
les confondra jamais avec les memes plantes ou herbes
employees avec les nkisi.

Quand 1’orage approche, les indigenes eteignent tons


les feux, eloignent de leur case tout ce qui est rouge, puis
se taisent, pour que le nzazi (foudre) ne s’aperfoive pas
de leur presence. Dans tout cela il n’y a rien de magique.
Mais il y a ties gens qui ont un nkisi, pour l'aire tomber
la foudre sur un ennemi, cela c’est loka.

Loka nkisi.
Les pratiques les plus usuelles sont celles qui se rappor-
tent aux nkisi. Ce mot se traduit couramment par fetiche.

Nous decrirons en detail dans les chapitres suivants les


nkisi et leur activite multiforme qui, a cote du culte des
ancetres et a son detriment, domine la vie sociale et indi-
viduelle du Bakongo. Pour la comprehension du present
chapitre, retenons seulement ses traits essentiels.

Le nkisi est un objet artificiel pretendument habite par


un esprit ou une ame de defunt, et qui se trouve sous la
dependance d’un homme. Ce peul etre aussi un objet
derive d’un nkisi proprement dil et qui participe de sou
pouvoir. Cbaque nkisi a un pouvoir et une activite pro-
pre. Lui faire exercer cette activite, s’appelle loka nkisi.

Qui est capable de loka nkisi ? Tout qui est possesseur


legitime d’un nkisi et en connait les lois et incantations;
done le proprietaire ( nijamja nkisi ) et celui qu’il a initie.

80

ETUDES BAKONGO

Sur qui pent etre exercee l’action loka ? Sur tout Stre,
excepte sur Nzambi.

Mieux que des commentaires abstraits, la lecture des


deux incantations suivantes fera comprendre ce que c’est
que loka nkisi.

Voici une formule d’incantation magique, qu’un ancien


recite devant ses propres fetiches. II les a ranges sur une
natte devant la butte de son neveu malade. Accroupi
devant eux il leur parle :

1. Tala beno ba nkisi,

Di lwisidi kuku, ka mu nkasa ko, ka mu nguba ko,

Kansi mu diambu di nleke amo ubela.

Keti mu nseke bantelele. keti mu masa ?

5. Keti mwana nkento, keti mwana vakala,

Kakala mbundu zole, kata nleke ?

Ntondo,

Keti mu mbisi katanga ?

Keti mu ntako kasalanga ?

10. Muna gata nzitu kusala,

Ntekolo kusala,

Mwisi kanda kusala,

Mwana kusala,

Ka gena muntu kagengula ko.

15. Kansi di diambu,

Nleke amo di si kamwena mpasi,


Keti ku nseke dina, keti ku masa ?

Keti mwisi kanda kanta

Keti nzadi, keti nzitu, keti mwana ?

20. Mwana ngani, mwana ngani kwandi,

Nsambila k’udie ko.

Nda go mono mbuta imvwidi,

Ikala mbundu zole.

Jlenga mpimpa mu gata,

25. Ikangila nleke amo mbundu,

Buna beno ba biteke ludia mono.

Kansi go muntu unkaka kambaka,

Buna beno mpi lubaka yandi;

RELIGION ET MAGIE

Mbisi vandi yina, ludia !

30. Mono bu isala mu kanda

Yu ufwa izika, yu ubela ibukisa;

Kansi di diambu di nkitukidi muntu mbi,


Bambakidi nleke !

Keti dina mu nkombo, keti dina mu ngulu


35. K’izeye dio ko.

Yuna ukumvwila miole


Ukuinvwila mitatu,

Dina kanda ka dimekina nkombo,

Ka dimekina ngulu, gata voka !

40. Nga go mono mbuta itunga gata,

Ivwanga di dimbi,

Buna beno ba biteke ludia mono !

Mono buna isala go kanda,

Go kusala isala ko,

45. Ikenda nti,

Ilansuka bidimbu bisisa ba mbuta,

I buna ki kindidi nkondi va ye biteke.

Make ma nsusu ka nkanu ko,

E ngwa, kuna kubola gat'e !

50. Bu ludia mvumbi ludia kweno,

Kansi ku ludia ntu, ludia mbundu,


Kambaka tufina, kambaka menga.

Kani mono iyetila ziku di ngani,

Buna mpongo dia kwaku mono !

55. Nga go ka mono ko,

Yuna undidi, ilanda.

E kani bau bakulu bayenda ku masa,

Kasa na : ngyenda ku gata kusala baleke,


Buna mpongo mpi landa kuna masa !

60. Kutomboka matomboka nkadi ko.

Nteki kasikama, muntu unsikimisi,

Kani go ngwa yuna utuka ku nseke,


Kasikamisa bakulu ye kuna bundoki bwau,
Kina kivumu keti kibokila ngulu
65. Keti kibokila nkombo !

Sala nki nkisi ya ? — Gonda !

82

ETUDES BAKONGO

i. Voyez, vous autres, nkisi,


Vous n’etes pas venus ici pour des haricots ou pour des
arachides.

Mais a cause de mon neveu, qui est malade.

Est-ce dans la savane qu’on l’a attaque, est-ce a l’eau ? ( l )


5. Est-ce un homme, est-ce une femme
A double coeur qui a vis6 mon neveu ?

La haine (qui a inspire les malefices) est-elle due


Au gibier que tuait mon neveu ?

A l’argent qu’il gagnait ?

10. Au village il y a place pour les parents par alliance,

II y a place pour les petits enfants,

II y a place pour les membres du clan,

II y a place pour les enfants;

II n’est personne que nous ecartions.

15. Mais cette cause-ci

Pour laquelle mon neveu souffre,

Est-elle dans la savane, est-elle dans l’eau ?

Est-ce un membre du clan qui l’a frappe,

Ou un parent par alliance ? Ou bien un enfant du clan ?


(Je ne sais; je sais seulement et je dis ;)

20. L’enfant d’autrui, etranger a cette affaire,


Ne le mangez pas.

Mais par contre si moi l’ancien, qui le possede,

J’ai double coeur,

Si je me prom&ne la nuit par le village,

25. Si j’ai ferme mon cceur a mon neveu,

Alors vous les nkisi, mangez-moi.

Mais si quelqu’autre l’a visd,

Alors apprehendez le mechant;

Qu’il soit votre gibier, mangez-le !

30. Moi, tandis que je reste dans le clan,

J’enterre les defunts, je soigne les malades;

Mais a cause de cela, je suis devenu mechant,

Parce qu’on m’a pris mon neveu !

Cette maladie est-elle due aux chevres, est-elle due aux


pores ?

t 1 ) Est-ce un vivant qui l’a attaqug, est-ce un mort?

RELIGION ET MAGIE
83

35. Je ne le sais.

(Mais s’il en est ainsi, si mes pores ou ines chevres ont


endommage les cultures d’un autre,)

Et que celui-ci me declare debiteur de deux francs


Ou me declare debiteur de trois francs,

(Et sans les reclamer, me poursuit de ses malefices,)

Eh bien, dans son clan qu’il n’y bele aucune chfrvre,

Qu’il n’y grogne aucun pore, que ce village soit desert !

40. Mais par contre, si moi l’ancien, qui batis le village,

Je nourris dans mon coeur quelque mauvais dessein,

Alors, vous les nkisi, mangez-moi !

Moi, done, quand je reste ainsi au clan,

Et vraiment j’y reste,

45. Si je coupe les arbres,

Si je depasse les limites fix^es par les aneiens,

Alors que ce soit vous, les nkisi, qui me devoriez.

Ce n’est pas une palabre de poules, ne valant pas une sen-


tence,

H61as ! C’est le village qui deperit !

50. Eh bien done, vous qui mangez les cadavres, mangez,


Mais ou vous mangez la tete, mangez aussi le coeur,

(Que l’auteur du mal^fice vienne done,)

Qu’il me prenne du pus, qu’il me prenne du sang.

Si je me chauffe seulement au foyer d’autrui,

Alors, vous nkisi, devorez-moi !

55. Mais si ce n’est pas moi (le coupable),

Celui qui l’a mang6, je le poursuis,

Ou encore si parmi les manes qui sont dans l’eau,

II en est un qui dise : Je vais au village, ou restent les


jeunes,

Eh bien, nkisi, poursuis-le deja dans l’eau !

60. Ce n’est pas sans motif qu’il monte au village.

S’il est eveille, c’est que quelqu’un l’a eveille,

Peut-etre est-ce une femme-mere, sortant de la savane,

Qui va reveiller les manes et leur sorcellerie.

Eh bien, dans cette lignee qu’il n’y grogne plus un pore,


65. Qu’il n’y bele plus une ch&vre !
Que feras-tu done, nkisi ? — Tue !

84

ETUDES BAKONGO

Apres ces incantations, l’ancien depose trois pincees de


poudre devant le nkisi, y met le feu, et se frappant la
bouche du creux de la main, il crie de toutes ses forces :
« Eh ! la ! la !, oh ! oh ! oh ! » Le village est desert.

Formule d’incantation.

Quelqu’un de la parente vient-il a tomber malade, le


pere, la mere, l’oncle maternel ou un parent possesseur
quelconque prend un fetiche servant a la vengeance, ou
s’il n’en a pas, se rend chez un nganga-nkisi (feticheur), et
se fait initier par lui. II depose le nkisi au carrefour du
chemin et lui tient le langage suivant (ou un discours
analogue) :

1. E mbari nkisi,

Kuna ku ukwenda,

Komba, komba, sesa, sesa !

Muntu bu kata bila,

5. Yuna ndoki untele;


Uta baka, ukina, uyuluka.

Buna ukwenda, bu wenda kaka.

Mwana ngani, mwana ngani kwandi,

Nsambila k’udie ko.

10. Nde, mono mvwidi bana bamo,

Ikala kindoki, ikina, iyuluka,

Buna ngeye nkisi vutuka ku nima mono.

Muntu nkaka na kavwa kikuma,

Kesi lomba ku mono ifuta;

15. Go kalombele ko, kina kikuma kiandi.

Buna mpongo nda, dia yuna muntu !

Kakadi ntantu, kakadi mwisi kanda,

Kamvwa kesi ntima, ninga ntima,

Yuna muntu kasadi ko, lwenda kaka !

20. E ndil’andi, yaya !

E mbari nkisi, dina kanda,

Komba-komba, sesa-sesa !

Nda kadia kwandi bima bi nlongo ko !


Na kadia bina bima, kafunka kaka.

25. Yuna ukana muntu, yu ukwenda kwandi.

RELIGION ET MAGIE

85

Mono buna bu mbuta tata ye mama, bu ngina kwamo.


Kima nzeye,

Go mbutidi mwanamo, madia igana mwan’amo


Moko iyoba, nzala itenda.

30. Mono bu ikabila mwana ngani,

Ka yandi kabwangi ntu, ka yandi kazeki mbundu,


Kaleka bwo, kasikama lungungu.

Kansi, yuna utala muntu ntala zole


Na kantala kuna disu difwa,

35. Mono bana bamo nsaki isansila,

Kiosa kwamo mbisi ko,

Nda idia kabu di muntu.

Nda yuna nkwa kabu bu kalombanga,

Mono k’ifuta ko,


40. Buna na kabaka mu ngolo, buna difwene;

Nga go kidia kima ki muntu ko.

Kansi, yandi, nde : yuna muntu bu kasala yandi kaka,


Keti na ukunsamba ?

Tufita mu kabu di ngani,

45. Buna mpongo sala nki ? Gonda !

E mwana ngani, mwana ngani kwandi,

Dina kanda muna dikwenda,

Komba-komba, sesa-sesa !

Ka bakadi ba batanu, ka bakadi ba batatu,

50. Ka bakadi babole, kani yani mosi !

Landa kaka,

Ku nsi yuna uyika bisaku kuna maya mamo,

Gana kamona kabu dinkatu


Nda wenda, landa !

55. Yuna muntu k’usisi ko, mbari nkisi !

Go widi kani ku nim’amo kakala.

Kakadi ku nsuka kanda,

Landa kaka !
1. Ah ! mon nkisi,

Ou que tu ailles,

Nettoie, nettoie ! balaie, balaie !

Notre parent se meurt,

5. C’est qu’un ndoki l’a saisi;

Le ndoki fait bon visage, danse, se retourne sans cesse,


Mais ou qii’il aille, toi nksi, va avec lui.

86 Exudes bakongo

Cependant l’enfant d’autrui, etranger a cette affaire,

Ne le mange pas.

10. Et certes, si moi qui possede mes enfants,

Je faisais le ndoki, dansant et me retournant,

Dans ce cas, 6 nkisi, reviens vers moi.

Quiconque a un grief a me reprocher

N’a qu’a venir me reclamer la dette, je la paierai;

15. Mais s’il ne reclame pas, c’est lui le coupable.

Dans ce cas, nkisi, devore cet homme !

Qu’il soit etranger ou qu’il soit un des notres,


Si dans son coeur il me jalouse, et medite contre moi
quelque mauvais parti,

Qu’il ne reste pas debout, sus a lui !

20. Fais-en ta pature, mon cher !

Eh, mon nkisi, son clan a lui,

Nettoie, nettoie-le ! balaie, balaie-le !

Et que lui-meme ne mange pas les mets defendus !

S’il en mange, qu’il halete et perde le souffle.

25. Celui qui a vise un homme, c’est celui-la qui doit partir.
Moi, tel que m’ont mis au monde mon p&re et ma mere, tel
je suis. (J’ignore l’art de la sorcellerie.)

.Je sais une chose :

L’enfant que j’ai engendre, je lui donne a manger


Avec des mains propres, avec des ongles coupes.

30. G’est encore ainsi que je donne a manger a l’enfant d’autrui,


Si bien qu’il ne ressent ni maux de tete, ni maux de ventre,
Qu’il dort tranquille et ne se reveille qu'en plein midi.
Mais celui-la qui regarde un homme d’un double regard
II le regarde d’un ceil homicide.

35. Moi, je repais mes enfants de feuilles de manioc,

Je ne recherche pas la viande;

Je ne touche pas au plat de viande huinaine.


L’ennerni, s’il me demandait ce qui lui est du,

Et si je refusais,

40. II pourrait prendre son bien de force, ce serait justice;


Mais moi je n’ai de dettes envers personne.

Si done, il se dit : « Cet homme-la est seul,

Qui prendra sa defense ? >>

Et si nous payons les dettes d’autrui,

45. Dans ce cas, nkisi, que feras-tu ? — Tue !

L’enfant d’autrui est l’enfant d’autrui,

RELIGION ET MAGIE

87

Mais dans le clan de cet homme-la, .

Nettoie, nettoie ! balaie, balaie !

Qu’ils n’y restent pas cinq, qu’ils n’y restent pas trois,

50. Qu’ils n’y restent pas deux, qu’il n’y reste pas seul !

Allons ! Poursuis
Jusque dans ses terres celui qui vient jeter des malefices
dans mon champ,

Et qui me regarde comme une proie sans defense,

Vas-y, suis-le !

55. Cet homme ne l’epargne pas, eh ! mon nkisi !

Meme s’il etait de ma lignee

Ou quelqu’un de mes parents eloignes,

Poursuis-le, qu’il disparaisse !

Ayant profere ces imprecations, l’ancien va chercher


des bikandu, plantes qui ont un rapport direct avec le
fetiche, et les place sur les sentiers qui menent au village.
Si l’ennemi venait a passer sur ces plantes, le fetiche le
saisirait aussitot.

Loka sans nkisi (mpanda).

Dans le paragraphe precedent l’homme exerce une


puissance surhumaine par l’intermediaire d’un objet arti-
ficiel, habitation d’un esprit, qu’il domine. Mais nos
Bakongo croient que l’ascendant possede une puissance
vitale superieure par laquelle il peut dominer son descen-
dant. Parents et grands-parents peuvent loka un enfant
ou petit-enfant, sans recourir a un objet magique. Cette
action s’appelle loka mpanda.

Un fils refuse d’obeir a son pere. Celui-ci repete l’ordre.


Le fils refuse de nouveau en maugreant. Le pere se fache,
l’injurie, veut frapper, mais le fils s’etant enfui, il conti-
nue a l’injurier et a exhaler des plaintes ameres. Finale-
ment il « fait tomber son cceur », se calme. Quelques
jours apres, la meme scene se passe. La troisieme fois le
pere change de tactique et au lieu d’injurier, il supplie :

« O mon fils, en verite, moi je suis ton pere par Nzambi


Mpungu, qui t’a fait avec tes ongles et tes doigts ». — « Je

88

ETUDES BAKONGO

t’en supplie, moi ton pere, par Nzambi Mpungu, va done


et obeis ».

Mais le fils a le cceur endurci, il resiste avec insolence.


Un jour il excede toute limite et froisse son pere <c dans
l’intime de son cceur ». Alors celui-ci uloka mpanda :

Mbari kieleka,

Ndianu ka mono ko tat’aku !

Nzambi Mpungu ukuganga nzala ye nlembo,

Nga go mono kwandi nkedi aku,

Nge keti uta mbisi, ubonga ?

Keti usala, ukela ?

Nge keti bakento bakubambukila mbundu ?


Keti ugoga diambu di tonda ba nganga ?

Di tonda ba mfumu ?

Nda we yungana kwaku !

Individu en verite,

Eh bien soit, moi, je ne suis pas ton pere !

Par Nzambi Mpungu qui t’a fait avec tes doigts et tes ongles,

Si moi je suis ton. p6re

Toi tueras-tu une bete, la prendras-tu ?

Vivras-tu et te survivras-tu ?

Les femmes penseront-elles a toi ?

Diras-tu une parole qui plaise aux sages ?

Qui plaise aux chefs ?

Va-t’en, va errer solitaire !

Quand il a fini de prononcer cette malediction, il se


frotte d’une main le sommet de la tSte. Puis il se lie le
pagne entre les jambes et dit, en faisant le geste d’y met-
tre quelqu’un : « Vois-tu, je t’ai mis entre mes jambes. »
11 frappe trois fois sur sa cuisse et frappe ensuite ses mtrins
l’une contre l’autre. Trois fois il entre dans sa maison en
claquant la porte et en sort en l’ouvrant largement.

Le fils « uloku » = objel de ce loka, s’en va. Nloko unla-


mini. Le nloko s’est colle a lui. Il n’a plus de repos ni de
bonheur.

Ses meres interviennent et l’exhortent a demander

RELIGION ET MAGIE

89

« lugemba » la ligne blanche de la paix. Un jour le fils


se decide et annonce sa visile a son pere. 11 apporte une
poule et une calebasse de vin de palme, s’agenouille
devant son pere et dit : « Je suis venu pour la paix, je la
demande. » Debout le pere longuement regarde son fils
immobile, les yeux fixes au sol. 11 finit par dire :

Di ntele. di mvutwele,

Ga ntandu ludimi ngogele,

K’igoga mu nsi ludimi ko,

Nda yendi,

Ta mbakala,

Ta nkento,

Goga kvraku di tonda ba mfumu,

Di tonda ba nganga !

Ce que j’ai dit, je le retire.


C’est au-dessus de la langue que j’ai parl6,

Je ne parlais pas en dessous de la langue (').

Ainsi va done,

Tue le gibier male,

Tue le gibier femelle,

Dis des paroles qui plaisent aux chefs,

Qui plaisent aux sages !

11 se lie de nouveau le pagne entre les jambes, saisit


son fils et le fait « entrer et sortir », e’est-a-dire, passer
entre les jambes. II prend un fusil et, apres avoir vise, le
lui presente en disant : «Va et reviens avec une cuisse
d’antilope sur l’epaule. »

Le fils s’en va, libere du terrible cauchemar; a la pre-


miere occasion il ira chasser et rapportera du gibier a
son pere.

J’ai entendu des centaines de cas de lokn mpanda


accomplis par les parents ou les grands-parents. Dans
tous les cas, le sujet a ete pris par le nloko. Partout, a la
ebasse, au marehe, la malchance le poursuivait, jusqu’a

l 1 ) J’ai parle a la 16gere, je ne parlais pas s6rieusement.

90
EXUDES BAKONGO

ce qu’il revint demander pardon. Autosuggestion... on


quoi ? Mais le fait est la.

Loka kibuti.

Loka de la part d’un oncle maternel a l’egard d’un neveu


ou d’une niece.

C’est dans les affaires du mariage que le cas se pre-


sente. Le mariage c’est 1’ union de deux individus mais
aussi de deux clans, pour atteindre le but essentiel : avoir
des enfants et ainsi maintenir le clan. Ceux qui negocient
cette affaire capitale, ce sont avant tout les oncles mater-
nels des futurs conjoints. La conclusion du contrat exige
que le clan du fiance livre a la parente de la fiancee du
vin de palme, de la viande avec des os, et de l’argent. Ces
parents sont parfois nombreux et diff idles a contenter;
pourtant il importe grandement de les satisfaire; car lors-
que la fiancee se rend chez son mari tous doivent pronon-
cer du fond flu coeur la formule de benediction :

Nda wenda,

Ubuta, ulela,

Usala, ukela,

Ututombola !

Va done,

Aie des enfants et sois heureuse,


Vis et survis-toi,

Fais-nous revivre en tes enfants !

Si toutes les volontes sont d’accord, le mariage sera


fecond. Si un seul dans son cceur s’y oppose, il y aura des
miseres. Si quelqu’un maudit ( loka et aussi siba ), la femme
ne gardera pas ses enfants. Croyances et pratiques sont
connues, et les faits sont la. J’en connais des douzaines. En
voici deux.

En 1917, E. B. epouse M. S. Quatre mois apres, premier


avortement. En 1918, naissance d’un enfant, mourant
une heure apres. En 1919 et 1920, trois avortements. En
septembre 1921 le mari vient me raconter ses malheurs

RELIGION ET MAGIE

91

et me prie d’arranger l’affaire avec 1’oncle maternel de


sa femme. Celle-ci me confirme que son oncle lui est hos-
tile : « il ne veut pas que j’aie d’enfant. »

La parente des deux conjoints est convoquee. De cha-


que cote on raconte l’histoire du mariage en cause, avec
toutes les circonstances antecedentes, concommitantes et
subsequentes. Personne n’a voulu que le bien des epoux.
Mais le malheur est la. Qui peut en connaitre la cause ?
L’oncle maternel accuse par les conjoints n’a pas
bronche. Je pose a chacun la meme question rituelle :
« As-tu mange ? es-tu satisfait ? » — Chacun a son tour
repond: «J’ai mange, je suis satisfait. Je desire une
seule chose, que ces deux epoux aient des enfants et soient
heureux. » — Quand j’arrive a l’homme vise, je lui pose
la question en le fixant dans le blanc des yeux; il repond
avec colere: « J’ai mange, mais je n’ai pas re<?u le kilemba
(— cadeau de consolation) auquel j’avais droit. »

La parente du mari nie ce droit. Enquete faite, le cadeau


lui avait ete promis, mais jamais donne malgre ses
demandes reiterees. Frustre, il avait loka. Sur le champ
j’exige qu’on lui paie la valeur du cadeau promis et lui
demande de mettre son cceur a l’unisson avec les autres.
Il ne fait aucune objection et dit : « Maintenant je le dis
d’en dessous de la langue, et ma parole va et ne revient
pas; allez done, ayez des enfants, soyez heureux, et faites
vivre mon nom dans vos descendants. »

Dix mois apres, un premier enfant naquit; un


deuxieme et un troisieme ont suivi; de beaux enfants. En
1929 la femme a eu un accident. Depuis lors elle n’a plus
eu d’enfant.

Un deuxieme cas. En 1914. A. Z. epouse M. T. Le parent


principal de la femme s’etait oppose au mariage, a cause
d’une vieille palabre entre les deux clans. Mais devant les
objurgations des jeunes, il avait cede et dit : « Faites
comme vous l’entendez, je ne veux pas d’inimitie dans
ma parente. » C’est en maugreant qu’il avait accepte une

92

ETUDES BAKONGO
partie de la monnaie, et il avait refuse la viande. — Dix
ans se passent. Pas d’enfants. Le mari est « chansonne »
comme impuissant. Un jour il vient me trouver et me
declare en avoir assez; il plantera la sa femme et ira clier-
cher du travail a Leopoldville. Sa femme me raconte par
le menu toutes les circonstances du mariage. Je convoque
les deux parties et je parviens a delier le front (= calmer
la colere) du parent principal. 11 mange et boit et pro-
nonce les paroles rituelles. Un an apres un beau gallon
est ne et a vecu.

Encore une fois, autosuggestion ou quoi ? Mais les faits


sont patents. J en connais un grand nombre, bien veri-
fies, ou le loka d’un oncle maternel empechait ainsi la
niece d’ avoir des enfants. Ne pensez pas qu’elle unit sa
volonte a celle de son oncle. Non, elle desire ardemment
avoir des enfants et fait tout pour en avoir.

Le pere a egalement le pouvoir vital superieur qui lui


permet d’entraver la fecondite de ses enfants, mais il
l’exerce beaucoup plus rarement.

Les parents qui « loka » leurs enfants, les oncles mater-


nels qui avant droit sur leur lignee empechent par
loka leurs nieces d’avoir des enfants, usent de leur pou-
voir superieur selon le droit et la coutume. 11s ont ce pou-
voir par le sang; en dependance de l’ancetre primitif et
des autres qui tlominent le clan. 11s ne sont pas des ndoki,
n’exercent pas la kindoki. Mais leur pouvoir nous aide a
comprendre la kindoki.

La kindoki dans le clan.


Les Bakongo la distinguent formellement, de celle qui
est etrangere aux liens du sang, de la kindoki tout court.

La kindoki muna kanda est inherente a la communaute


du sang entre les membres du clan. Cette communaute
dans la parente uterine fait que les membres ont entre
eux un pouvoir vital les uns sur les autres, et s’ils sont

RELIGION ET MAGIE

93

pousses par la haine, l’envie, ou la perversite, ils peuvent


oxercer ce pouvoir pour s’approprier ( dia = manger) le
sang du coeur d un parent et ainsi le tuer. Rigoureuse-
ment parlant, ils peuvent l’exercer dans la ligne directe;
mais en general les Bakongo disent qu’il n’est exerce que
dans les lignes collaterales.

C’est pour exclure des crimes de cette nature, que l’exo-


gamie est si rigoureuse. Cette loi a trois expressions qni
montrent bien la croyance a la kindoki muna kanda :
bankwa menga mamosi ka bakwelana ko, ceux qui ont
le meme sang ne peuvent se marier entre eux; menga
mamosi ka mazolana ko, les memes sangs ne peuvent
s’entr’aimer; kulokana kuna, ka bakwelana ko, la ou
il y a le pouvoir mutuel de loka, ils ne peuvent se marier.

De cette croyance, comme d’une premisse evidente, ils


tirent une consequence immediate; a la mort d’un enfant
d’une femme libre, les bibuti, parents uterins, badidi.
Font mange. Ils doivent indemniser le pere pour la perte
de l’enfant.

Yoici deux faits qui rendront plus saisissable le mouve-


ment de leur pensee dans ce domaine obscur.

Un recit d’enfant.

Un jour, mon chef-catechiste vient me dire : « Pere, il


faut entendre Y., pour une grave affaire. »

— Quelle affaire ?

— Celle de sa tante Pemba.

Et Louis me raconte par le detail sa premiere entrevue


avec cet enfant.

Je l’interromps :

— Ce n’est pas possible. C’est vous qui interpretez


ainsi les dires de Penfant.

— Non, je vous l’assure, je ne vous repete que ce qu’il


m’a dit.

— Bon, prenez l’enfant avec un temoin, faites-lui tout

94

ETUDES BAKONGO

raconter tie nouveau, et ecrivez exactement ce qu'il (lira,


sans changer une expression, ni un mot. »

Yala, cet enfant, a neuf ans et demi. Sa compagne,


Nsona, a huit ans. Les autres enfants mentionnes ont de
douze a quatorze ans, ce sont des cousins et cousines.

Pemba est sa tante; elle n’a pas d’enfants; elle est pour
lui comme une seconde mere; il l’appelle maman. Sa
mere Manga a cinq enfants en vie.

Voici la traduction fidele de son recit.

— Maman Pemba nous envoya avec cousine Nsona chercher


du bois de chauffage. En route Nsona me dit : C’est toujours
la meme chose, quand je viens en visite chez maman Pemba,
je ne lui vois jamais d’enfants.

Moi : Maman Pemba ne saurait plus avoir d’enfants. Son


temps est passe.

Nsona alia aussitot rapporter ces paroles a maman Pemba


et lui dit : Maman, est-ce que Yala est ton enfant ?

Ma Pemba lui r^pondit : Gertes, Yala est mon enfant.

Nsona repliqua : Tu dis qu’il est ton enfant. Comment peut-il


alors dire des choses pareilles ?

Ma Pemba : Je ne saurais ecouter vos enfantillages.

Nsona : Je ne mens pas, je ne saurais mentir dans des pala-


bres de cette sorte.

Nous revinmes a la maison. Maman Pemba me questionna


beaucoup, moi Yala. Je niai, je niai fortement.
Maman Pemba appela Nsona et lui dit : Tu m’as menti.
Yala n’a pas prononce ces mots.

Nsona me dit : Comment tu n’as pas parle comme cela ?


C’est moi qui mens ? Aujourd’hui c’est dimanche, que Dieu
te prenne !

Nous en restions la. Mais le jour suivant maman Pemba alia


au champ. Nous restions au village. Mais la faim nous prit,
nous nous disions : « Allons, suivons maman, peut-etre pre-
pare-t-elle des pains de manioc, nous mangerons ». Nous trou-
vions maman Pemba; elle nous donna une chikwangue. Ensuite
nous nous mimes a jouer.

Mais la maman nous appela bientdt; nous etions la tous les


six, avec les autres cousins. Elle commenga : voyez vous autres.

RELIGION ET MAGIE

95

quand l’autre iour j’ai envoy£ Yala et Nsona et Nzeza au bois


de chauffage, ils n’ont fait que me m^priser.

— Eh ! Manian, comment ont-ils pu te mepriser ?

Maman raconta de nouveau l’histoire.

Alors les cousins : Est-ce vrai Nsona ?

Nsona : Ce que je n’ai pas entendu, je ne saurais le r6p6ter.


C’est vrai.
Les cousins : Est-ce vrai, Yala ?

Moi je niai, je niai fortement.

Alors la maman : Voyez-vous, il craint nos yeux. Prenez-le


a l’ecart, vous, ses cousins, et questionnez-le.

Diata me prit avec lui et me questionna. Je lui r^pondis :


Ce que j’ai dit, n’est pas de moi.

Diata : Mais ce qu’a dit Nsona, n’est-ce pas que tu l’as ni6 ?

Moi : En effet je n’ai pas avou6, a cause des autres. J’avais


honte aux yeux.

Diata : Bon, ce que tu as dit, est-ce vrai ? Le sais-tu ?

Moi : Oui, c’est vrai, je le sais.

Diata : Alors est-ce que maman Pemba ne pent plus enfanter


du tout ?

Moi : Non; je n’ai pas dit cela.

Diata : Alors quand est-ce que maman peut avoir un enfant ?

Moi j’en suis venu a dire ceci : quant a maman, deux mois
nous buvons du sang, le troisi&me nous ne buvons pas de sang.

Alors Diata s’en alia vite; il alia rapporter ces paroles k


maman. Puis il revint vers moi.

— Toi, Yala, tu es un petit gallon; c’est par enfantillage que


tu dis ces choses.
Moi : Moi j'entends ces choses; c’est en ancien, (mu kim-
buta = a la facjon d’un ancien, d’un homme mur) que j’entends
cela. Mais, pen importe, mon aine, regarde-moi.

Diata : Parle sans peur; si tu veux quelque chose, demande-le.


Demande-le a nous; nous te le donnerons.

Moi : C’est bien, mon ain6; ces deux mois je les ai 6tablis
(comme par un jugement), nous buvons du sang; il n’y en aura
pas d’autres; le troisi&me nous ne buvons pas du sang.

Oui, je veux une chose, un enfant que maman Pemba


enfante; moi je veux voir les enfants de maman Pemba; avec
moi ils demeureront; les mamans sont comme des d^chets de
Cannes a sucre, pr&s du marche (=elles sont vieilles).

L’aine Diata alia de nouveau rapporter ces choses a maman.

96

ETUDES BAKONGO

Elle m’appela et me dit * Prends un batonnet, mets-le moi


sur la poitrine et sur le dos. Je pris alors le batonnet, je le lui
mis sur la poitrine et sur le dos (pour signifier que je disais
la verity.

Maman : Partons maintenant. Mais vous autres, les enfants,


(sachez-le) ces affaires nous ne les montons pas au village. A per-
sonne, entendez-vous, vous ne les direz, vous ne les direz pas
meme a mon mari.
Puis elle dit a Nzeza : Prends une houe, ereuse un trou, nous
enterrons cette affaire.

Et apr&s cela nous sommes revenus au village. Nous avons


garde le silence. Pas une fois nous n’avons cause de cela.

Mais maman Pemba a eu ses regies. Pendant ces deux mois


nous etions a l’ancienne maison : nous sommes entres dans la
nouvelle maison; dans la nouvelle maison, maman a eu encore
ses regies pour la troisi&me fois.

Mais le troisieme jour elle alia a l’eau et quand elle remonta,


elle dit : Enfants. allez, rapporter les chikwangues, chacun
cinq. Tous partirent. Maman me retint : Eh Yala, pere, moi je
suis tomb6e dans mes regies. Moi je gardais le silence. Elle alors
dit : Vous autres, sur la place du jugement, vous amenez des
miseres et encore des miseres. Mais aujourd’hui, moi aussi, je
vais me tuer. Je laisse la terre de vous autres.

Je courus appeler l’aine Nzeza.

Maman, en parlant ainsi, pleura. Elle dit a Nzeza : Vois ces


affaires que nous avons eues dans la vallee, quand cet enfant
dit : Deux mois nous buvons du sang, le troisieme nous ne
buvons plus. Or voici que je suis venue au troisieme mois; j’ai
de nouveau mes regies. Mais toi, Nzeza, demande a Yala,
quelles pensees il porte dans son coeur.

Alors Nzeza me questionna. Je gardais le silence.

Maman se remit a pleurer et prit un couteau, pour se tuer.

Je lui dis : Maman, ne fais pas cela.

Elle sortit, enlra dans la grande maison, se revgtit de ses bons


habits.
Voyant cela, je courus avertir Z... Celui-ci vint et s’empara
du couteau. Maman sortit et courut vers l’eau. Je la suivis,
mais elle me chassa.

Nous la suivimes tout de meme. Elle monta dans un arbre,


et se noua un fichu autour du cou pour se pendre. Nous criames
et mont&mes et la fimes descendre et revinmes avec elle au
village.

RELIGION ET MAGIE

97

Quand l’enfant eut fini ce reeit, le chef catechiste on


controla les details en interrogeant ses compagnons, sur-
tout Nl. le plus intelligent.

Puis il se mit a harceler le petit Yala pour decouvrir le


fond de sa pensee et l’origine de la palabre.

II faut avoir present a l’esprit que inaman Pemba n’a


pas d’enfants; elle est done malheureuse, mais son mari
est riche.

La mere de Yala, Manga, au contraire, a epouse un


pauvre, mais elle a beaucoup d’enfants.

Entre ces deux soeurs les motifs de se jalouser sonl tou-


jours a l’avant-plan de leur conscience, el les paroles ame-
res sont tou jours sur le bout de la langue. Elies sont bien
Bakongo toutes deux. Yala est un enfant tres eveille, il a
entendu beaucoup de plaintes, des soupgons plus on
moins voiles au sujet de pratiques magiques, d'ensorcel-
lement par jalousie.

Yoici la traduction presque litterale de son second


reeit :

Un jour nous cillions avec maman Manga au champ de cour-


ges. Survint Na. B., l’oncle maternel, avec un petit paquet en
mains. 11 le tendit a maman, disant : « Prends cela ». Maman
etendit la main; Na. B. delia le paquet. Je vis un morceau de
chair avec une peau humaine.

Alors cette viande, est-ce que maman l’a mangee, ou ne l’a-


t-elle pas mangee ? Je ne le sais.

Mais Na B. revint, pour redemander sa viande. Maman ne


lui repondit pas. Trois fois Na B. revint & la charge.

Un jour nous etions assis sous le nsafoutier. Maman me dit :


Eh Yala, la grossesse de maman Pemba nous allons la manger.

Moi je repondis : « Je ne veux pas. Les enfants qu’elle doit


enfanter doivent demeurer avec moi ».

Maman ne me repondit pas un mot. Les jours suivants elle


inena K... (la soeur ainee de Yala morte depuis) au village de
N..., oil se trouvait maman Pemba. En route, tout en allant,
elle montra a ma soeur difhirentes herbes le long du chemin,
et lui dit : « Vois ces herbes, tu les montreras k maman Pemba;

7
98

ETUDES BAKONGO

elle doit manger les unes, a l’effet de pouvoir enfanter; les


autres, elle doit les cuire et s’en frotter le corps ».

Maman revint chez nous. K... resta chez maman Pemba, et


lui dit : « Vois maman Pemba, maman Manga a donne ta gros-
sesse a l’oncle maternel ». Un autre jour elle dit a maman
Pemba : « Donne-moi un costume, que je commence a lutter
pour toi, aujourd’hui jeudi ».

Maman Pemba donne un costume a mon ain6e.

Le soir, l’ainge dit a maman Pemba : « Aujourd’hui jeudi,


je me couche par terre ».

Maman Pemba : « Non, monte sur le lit ». Mais K... ne voulut


pas. Elle voulait lutter seulement pour ebtenir un enfant a
maman Pemba, et repgta (couchee par terre, car dans la terre
se trouvent les ancetres qui donnenl la fgcondite aux femmes) :
« Donne-moi une grossesse pour maman; toi prends pour toi
les marmites » (oil par magie on mange la viande humaine).

Mais maman Pemba n’aima pas du tout que K... parlat ainsi;
et K... finit par ne plus parler.

Finalement elle dit : « Maman Manga ne veut absolument


pas ! » (que tu aies un enfant).

Alors maman Pemba retourna chez elle, et K... resta chez


nous; elle se coucha une semaine et mourut.
Alors je me suis dit : « Moi aussi, je vais essayer la lutte,
pour que maman Pemba ait un enfant ».

J’allai a M... chez elle et lui demandai un costume et une


boite de viande. Je retournai a II... chez maman Manga. Elle
ne voulait rien entendre. Alors a minuit, au milieu de P obscu-
rity, j’allai chez maman Manga, je lui dis : « Maman, prends
pour toi la poule et les marmites, mais ^ moi, donne la grossesse
de maman Pemba ».

Mais maman ne voulait rien entendre.

En voyant cela, je retournai, et j’arrivai a M... vers 2 heures


de la nuit (la distance entre K... et M... est de 4 heures). C’est
alors que j’ai dit : « Deux mois nous buvons du sang, le troi-
sigme nous n’en buvons plus ».

Je pensai : « Quand je parlerai ainsi. peut-Stre va-t-elle ob6ir.


Mais elle ne voulut pas obeir, et elle eut de nouveau son flux
de sang ».

Comment cet enfant en est-il arrive a tisser une his-


toire pareille ?

RELIGION ET MAGIE

99

Chez maman Pemba et chez maman Manga il a entendu


bien des conversations, se rapportant a la sterilite, a la
magie, a la mauvaise volonte de la parente. Dn restc ces
themes sont agites frequemment dans toutes les palabres.
Sa mere est plutot pauvre; sa tante est riche. Elies ne
s’aiment guere. Chez sa mere il a des coivees. Chez sa
tante pas de corvees, mais des cadeaux, des gateries
meme. De la chez I’enfant le desir de procurer a sa tante
la grande joie qu elle souliaite si ardemment; de la un
soupfon con Ire sa mere qui semblc s’opposer a ce bon-
heur; ce soup^ori se precise..., elle est ndoki. Une fois
arrive a ce stade, l’imagination du petit gallon va a la
derive. Pourquoi In i n’aurait-il pas une puissance analo-
gue pour le bonheur de sa tante ? Il se croit en possession
de cette puissance. Il en fait l’essai, il lutte...

Il croit tres serieusement qu’a minuit il etait chez sa


mere a K., et deux heures apres chez sa tante a M., a plus
de vingt kilometres de distance. Un ndoki, en effet, se
transporte sans fatigue dans l’air.

Une palabre de kindoki.

Yoici un second fait pour illustrer la kindoki dans le


clan.

Au debut de 1933 j’etais a Mbansa-Mhata. Sur le coup


de midi, un chretien adulte frappe violemment a la porte
de ma lnitte et me crie : « Pere, on veut me tuer, sauvez-
moi.

— Qui veut vous tuer?

— Tons les gens du village.

— Pourquoi?

Ils pretendent que jc suis un ndoki, et que j’ai


mange une telle, qui a ete enterree hier soil'.
— C’est bon, restez ici, nous allons aviser. »

Le soir tout le village etait present a la palabre. Les

100

ETUDES BAKONGO

deux lignees qui composent la population se separent


spontanement, ct prennent place de chaque cote de la
natte etendue au milieu. L’accusateur relate les faits de sa
persecution. Le vieux chef repond et, remontant a l'ori-
gine du clan, il fin it par declarer que les dernieres annees
la mort faucliait dans sa lignee, mais que tous ces cada-
vres etaient la proic, non de la maladie, mais d une
kindoki inexplicable.

Je lui dis : « Vous avez ouvert des tetes de chauves-


souris et vu des choses cachees; vous avez le devoir de
rechercher les auteurs des malefices et de preserver vos
sujets. »

— C’est ainsi, replique-t-il. Quand nous avons vu que


chacune des deux lignees de noire village perdait a tour
de role des membres jeunes et vigoureux, nous avons
pleure et enterre ensemble nos morts coniine il convient,
sans rixes ni palabx-es. Mais la semaine passee, une femme
vigoureuse de notre lignee est tombee malade. Nous avons
fait les matabula ( = rite oil tous les membres du clan
jurent qu'il sont innocents de la maladie et veulent la
guerison). Mais celui-la (l’accusateur) n’y etait pas. Nous
sommes alles chez le devin. 11 nous a declare qu'un ndoki
du clan etait en cause. Nous avons done presse cet, hom-
me-la d’abandonner sa proie. Il nous a injuries. La malade
est morte. Nous l’avons enterree bier. Lui n’y etait pas,
et maintenant il est ici notre accusateur. Qu’il rneure !

L’accusateur : « Je n’y etais pas, parce que vous aviez,


dit que si j’y venais, vous me tueriez. Du reste, quand
vous etes alles chez le devin, personne de notre lignee
n’etait avec vous. Toute cette affaire a ete montee contre
nous par haine et envie. »

Le chef : « Vous mentez. L’autre jour, sur la colline


d’argile, est-ce que ceux de votre lignee comme de la
notre n’ont pas avoue? »

L’accusateur : « Ils ont avoue, parce que vous les avez


terrifies par de terribles menaces. Leur aveu n’a pas de
valeur. »

RELIGION ET MAGIE

101

Le chef : « Vous mentez. Est-ce que j’ai terrifie meme


les vdtres ? Pere les voila. Interrogez-les vous-meme. » Et
il me designe ilans son groupe un jeune lioinme et une
jeune fille, et dans le groupe d’en face deux vieilles fem-
mes et un gallon d'une douzaine d’annees.

Je les fais venir. 11s s’accroupissent pres de moi, se pous-


sant les mis les autres et tout tremblants.
Le silence est ahsolu. Je prends le jeune homme a part.

— Eli hien mon fils, de quoi s’agit-ilP

— De kindoki, mon pere.

— Est-ce que to as tue quelqu’unP

— Je ne sais pas.

— Mais le chef dit que tu as avoue?

— Je ne sais pas. Ils disent qu’ils ont vu de la chair


humaine dans mon assiette. Que voulez-vous que jo dise?
( keti buie isa ? aveu cache.)

J’interroge la jeune fille, mais elle ne repond lien. Elle


reste immobile comme une statue. Je m’adresse au jeune
gallon :

— Et toi, mon enfant, as-tu mange du cadavre?

— Oui.

— Qui t’a donne l’assiette?

— Ma tante.

— Laquelle?

— Celle-ci... II me designe une des vieilles femmes.

A la vieille designee je demande :

— Est-ce que tu as prepare vraiment la marmite du


cadavre? (C’est l’expression consacree pour designer la
kindoki consommee.)

La vieille : <( Je ne sais moi. Ils disent qu’ils 1’ont vu.


Peut-etre l’ai-je fait. Je ne sais moi. »

Je me tournais vers le chef : « Eh bien, qu’avez-vous


fait avec tous ces ndoki ? »

102

ETUDES BAKONGO

Le chef : « Nous les avons severement reprimandes, et


exhortes a abandonner leurs operations de nuit. »

— « Mais chef, esl-ce que vous ne voyez pas que vous


vous etes engages dans un sentier sans issue P Vous vous
etes monte la tete, les uns aux autres. Vous avez rempli
les coeurs de mauvais soupgons et de haine. N’etait la
crainte du chef blanc, vous seriez en train de vous entre-
tuer.

» Ecoutez tous. Voici la loi. Vous retournerez tous an


village, et personne ne parlera plus de ce qui vient d’arri-
ver. Quiconque accusera un autre de kindoki, sera accuse
le jour meme au chef medaille. Vous separerez vos
hameaux. Des que vous aurez eu le temps de convoquer
les parents par alliance et les autres du clan, vous ferez la
separation complete des lignees. »

Je renvoyai tout le monde, excepte le jeune homme,


que je questionnai en secret. II me I’aconta la terrible
scene nocturne sur la colline d'argile, ou les vieux
1’avaient tellement impressionne qu’il avait f in i par
avouer avoir mange du cadavre.

La separation des clans.

La croyance a ce kulokana, massacre reciproque par


malefice dans la kanda (clan), est la plus nefaste de tou-
tes. A chaque maladie s’elevaient les soupfons, sources de
haines meurtrieres; et a chaque deces, le devin etait con-
suite. Neuf fois sur dix il indiquait comme cause de la
mort un ndoki, membre du clan. L’accuse devait subir
l’epreuve du poison. Qu’il en mourut ou qu’il en echap-
pat, un nouvel aliment etait fourni a l’animosite mutu-
elle. On comprendra par cet exemple que la git la cause
principale de l’emiettement extreme des clans Bakongo;
pour mettre un terme a la tuerie par la kindoki, il n’y
avait qu’un remede : la dispersion.

RELIGION ET JMAGIE

103

Cette dispersion s’appelle lugambanu la bungudi (lilt. :


separation de la maternite), la bungudi etant le lien du
sang qui unit tous les descendants d’une mere-souche. La
separation est a deux degres : celle du jour et celle du
jour et de la nuit. La separation du jour consiste en ceci :
les deux branches de la lignee ne sont plus astreintes a
<( manger ensemble au grand jour » c’est-a-dire a se par-
tager les dots et accessoires des mariages, les produits des
chasses et des peches, etc. Cette separation n’est qu’un
remede a des disputes et des inimities superficielles.

La separation du jour et de la nuit est radicale, car


outre les consequences mentionnees, elle supprime la
possibility d’exercer la kindoki sur un membre de la bran-
che adverse. Elle se fait dans une assemblee generale du
clan, avcc le concours de tons les parents par alliance et de
tous les enfants nes dans le clan. L’ancien qui en a pris
rinitiative s’est documents aupres de toutes les vieilles fem-
mes de sa lignee. Avant l’assemblee il rappelle l’histoire
de son clan, depuis son origine a Kongo di ntotila( Kongo
du roi = San Salvador) et son immigration dans le pays,
l’etablissement des tronpons nouveaux du clan et celui de
son trongon a lui, les trois lignees primitives et leurs fas-
tes, tous les cas de kindoki avec les noms et la lignee des
coupables, puis il conclut : « Aujourd’hui, dans ce clan
a nous, 6 mere, nous nous separons. »

Un ancien de la branche adverse repond par un discours


semblable, mais il presente les evenements de son point
de vue en chargeant l’adversaire. Ensuite les arbitres se
levent, a savoir les parents par alliance, qui cherchent a
concilier les adversaires. Pour finir, chaque parti se retire
et va deliberer a l’ecart. Ces deliberations d’abord calmes
degenerent bientdt en tumulte avec clameurs; sur la
place du village on se repond les uns aux autres par des
chansons ironiques pleines d’allusions cruelles et finale-
ment par des injures terribles. On revient a la place des
palabres au cri de : « Separation! separation! » Des que le

104
ETUDES BAKONGO

silence est retabli, l’ancien de la branche ainee prononce :

Mono nkutu i Mbumba Lwango,

Buna vidia, yimanisa.

Ka tondo ko, nzimbula kanda,

Buna twagambana, e ngwa, gambana !

K’ilendi diata ko kiula ki masika


K’ilendi tuba ko tadi, diyituka nsonsa.

Buna twekambika nkau,

E ngwa, kambika.

Moi en verity, je suis comrae Mbumba Luango,

Si je mange, j’acheve.

Je n’ai pas de haine, je veux le bien du clan.

Allons, arrangeons-nous, par notre m&re, arrangeons-nous !

Je jure de ne pas toucher un crapaud de nuit,

Je jure de ne pas lancer un caillou, qui cause de la terreur (*).


Ainsi done nous mettons le baton a travel’s le chemin ( 2 );

Par notre m&re, e’est 1 ’interdiction.


11 pose son baton devant lui; tous les membres de sa
branche viennent se ranger a sa suite. L’ancien de la
branche adverse parle dans le meme sens et pose son
baton parallelement au premier. Tous ses gens viennent
se ranger derriere lui. Alors chacun des deux chefs range
devant son baton les nkisi les plus redoutes qu’il possede,
et les loka contre cel u i qui tenterait encore de lancer
un malefice contre un membre de l’autre branche. La
palabre finit par une exhortation mutuelle a la concorde
et a l’abandon de toute kindoki.

La kindoki proprement dite.

Le pouvoir de kindoki que nous venons d’exposer


derive chez son possesseur de la communaute de sang.
Cette consanguinite lui permet de dominer les esprits
vitaux d’un parent, sans l’intermediaire d’un objet magi-

(!) Deux operations attributes aux ndoki.


( 2 ) Signe d’interdiction.

RELIGION ET MAGIE

105

que. quelconque. Ce pouvoir est du meme ordre que celui


qui est mis en oeuvre dans le loka rnpanda, et dans lc loka
qui empeche la conception et la vie des enfants. La kin-
doki proprement dite est d’une autre nature. Si elle est
congenitale, elle ne derive pas du sang, rnais du mfumu
kutu, cette espece de double de lame, que nous avons
decrit au chapitre I. Si elle est acquise, c’est par l’inter-
mediaire d’un nkisi, qu’on l’a obtenue. Le pouvoir qui
lui est inherent permet non seulement de dominer les
esprits vitaux d’un parent, mais encore la vie et les Liens
de n’importe qui. II n’est efficacement limite et combaftu
que par un pouvoir superieur de meme ordre, c’est-a-dire
derivant d’un nkisi plus puissant.

Toute personne humaine, qui a la kindoki, congenitale


ou acquise, est appelee ndoki. Le ndoki exerce son pouvoir
malefique principalemcnt aux depens de la vie de son
semblable, parent ou etranger. II tue, non par des armes
ou le poison, mais par son pouvoir propre, et il est dit
« manger » son prochain.

Autrefois 99 % des malades Bakongo etaient censes


mourir victimes des ndoki. Nous disons : un tel est atteint
de pneumonie; eux disent : ils l’ont frappe d’une pneu-
monic ( — lubansi bantele). Nous disons : il est mort d’une
morsure de serpent; eux disent : ils l’ont frappe par un
serpent ( = nioka bantele). Nous disons : il est tom be d’un
palmier; eux disent : ils l’ont fait tomber d’un palmier,
ou ils l’ont pris au palmier ( — mu ba bambwisidi, ou
mu ba bantele). Nous disons : il est mort; eux disent : ils
Font mange ( bandidi ). Ce « ils », ce sont, les ndoki.

Mais les ndoki exercent egalement leur malfaisance sur


les biens d’autrui. Ils font disparaftre chevres, cochons,
ponies, leur infligent des maladies ou les tuent dirccte-
ment. Ils peuvent faire venir sur leur propre champ les
aracliides du champ des voisins (‘).

(q En 1933, une mere de famine, originaire de Tumba Mani, et baptist


I'ann^e mfime, est al!6e dans l’Angola prendre le poison d’epreuve, pour
106

ETUDES BAKONGO

Le comportement du ndoki.

Les hommes se divisent en deux classes. Les bandoki


et ensuite les basembi-bankete-bambwesi, trois noms pour
designer les bons, ceux qui n’ont pas la kindoki.

Le ndoki ne se comporte pas comme l’homme normal.


Sa nervosite se reflete sur son visage : il a le masque
extremement mobile. 11 change a tout instant de place
pour echapper aux fetiches du village ou de la maison,
non seulement la nuit, quand il vient, danser devant les
huttes de ses futures victimes, mais meme au beau milieu
du jour. Il ne se tient pas tranquille; il ne peut pas garder
l’immobilite parfaite, l’attitude de tout repos que tant de
noirs aiment a savourer de longues heures durant.

Le ndoki a le « regard double » ntala zole. Autrefois on


faisait disparaitre les enfants aux yeux louches; actuelle-
ment cette infirmite chez les adultes empeche au moins
les relations normales.

Le ndoki peut luer d’un seul regard : disu dif wa, il a un


ceil homicide. 11 peut de son ceil brillant, fasciner sa vic-
time jusqu’a lui enlever toute possibility de se mouvoir
et meme toute conscience. 11 lui suffit d’une potion mau-
vaise, d’un simple contact, d’une simple agitation, voire
d’un seul mot pour tuer son adversaire. Il a « deux lan-
gues » c’est-a-dire que sa grande amabilite exterieure ne
sert qu’a mieux voiler le poison et le venin dont il est
rempli.

Lorsqu’il invite quelqu’un a un repas commun — et il


est coutumier du fait — il lui presentera les mets de ses
mains sales aux ongles non tailles. Et le malheureux
sans defiance sentira bientot la tete lui brider, de violents

se laver de l’accusation d’avoir enrichi son champ au moyen des ara-


chides du champ de sa voisine. Cette derniere, une vieille paienne, la
harcelait sans cesse du mfime refrain : « Tu es une ndoki, tu appauvris
mon champ d’arachides, tu les transportes sur ton champ. Si le pere
t’avait connue, il t’aurait refuse le bapteme! ».

RELIGION ET MAGIE

107

maux d’enlrailles le tortureront et il Ini sera impossible


d’encore dormir en paix.

Le ndoki a une nourriture qui lui est propre « il mange


les hommes ». Il « frappe » sournoisement sa victime et
des qn’il en a suce le sang, il abandonne le cadavre. Par-
fois cependant il y substitne le corps d’nne chevre qu il
laisse se corrompre, et extrait des chairs en putrefaction
une force magique toute nouvelle.

Le ndoki convoite et atteint principalement les jeunes


filles, sans que celles-ci s’en apergoivent; il les frappe a
l’avance de sterilite. Ainsi il apaise sa I'aim, tout coniine
l’homme ordinaire se nourrit de viandes et de legumes.

Les yeux du ndoki mourant restent grands ouverts et


c’est peine perdue que d’essayer de les fermer. Son cada-
vre repand une odeur caracteristique. Quant a lui, il
devient un de ces esprits malfaisants qui rodent sur la
tei're et dont les nganga pervers se serviront pour influen-
cer leurs fetiches au dam des pauvres mortels. Ces ndoki-
esprits peuvent traverser les airs; aussi a la vue d’etoiles
filantes les Noirs s’ecrieront ; « Voyez les ndoki et les
nganga-ndoki qui viennent commercer avec les hom-
mes. »

Comment on devient ndoki.

Un ancien chef me raconta, a la condition expresse de


ne pas le reveler a ses congeneres, comment on apprend la
kindoki.

« Celui qui veut devenir ndoki, recherche un vieillard


experimente qui a coupe en deux des teles de chauves-
souris; il lui apporte une calebasse de vin de palme et lui
dit : « Ceci afin de nouer amitie ». Quelques jours plus
tard, il lui apportera de nouveau du vin et d’autres pro-
visions et l’entretiendra des nouvelles du jour.

» Ce ne sera qu’apres deux ou trois mois, quand les


relations seront devenues tout a fait inlimes, que le visi-
teur osera prononcer la formule : « Je veux devenir

ETUDES BAKONGO
1 10

differentes parties de son propre corps. Au corns de cette


operation, ses membres se recouvrent dun pelage de
leopard.

Son « sosie » s’eri retourne au village pour y reprendre


la vie ordinaire, se gardant toutefois de manger la chair
d’animaux a griffes; l’homme-leopard s’en va de son cote,
chassanl, devorant chevres et pores, parfois meme des
etres humains.

Lorsqu’a plusieurs reprises un leopard a enleve du petit


betail dans la meme region, les indigenes placent des
pieges pour s’en rendre maitres. Si ces efforts sont infruc-
tueux, ils out recours au fetiche Magabu. Voici comment
le nganga excite celui-ci :

Ecoute bien, Magabu, vois cionc


Qui encore s’est change en leopard,

Ne le crains pas, quoi qu’il te dise :

Les nkisi du nganga , je les brise !

Toi Magabu, arrache-lui les griffes des pattes;


Pourfends le iion, transperce le leopard.

L’homme qui a vole notre chkvre,

Magabu, toi, tu le d^signeras ( tumbula ).

« L’homme-leopard sera bientot saisi par le fetiche et


mourra ». Comment le saura-t-on ? Tout simplement,
parce que chevres et pores ne disparaitront plus et qu’au-
cune trace de leopard ne sera desormais relevee dans les
environs. Chaque village connait des histoires nombreu-
ses, d’antan et d’aujourd’hui, oil des personnes furent
tuees par ces fauves-humains. Qu'il nous suffise de citer
deux cas, qui fourniront un specimen de cette litterature
legendaire.

11 y a quelques annees, une femme de Boko passait en


pirogue la riviere de l’lnkisi. Negligemment elle laissait
peudre le bras en dehors. Tout a coup vers le milieu de. la
traversee, emerge un crocodile qui lui happe la main.
Sur le point d’etre entrainee, elle garde son sang-froid,

RELIGION ET MAGIE

HI

saisit une liache, et lui en assene sur lepaule un coup si


violent qu’il doit lacher prise. Quelques jours apres, dans
un village des environs, un homme se mourrait d’une
entaille a l’epaule. C’etait a coup sur le crocodile blesse.

Un autre leopard multipliait ses mefaits dans cette


meme region. Un beau jour cependant il flit atteint d un
coup de fusil, mais reussit a s’echapper; or, il advint que
le meme jour, un homme fut pris d’atroces souffrances :
il portait de graves blessures a la poitrine et aux bras; il
en mourut peu apres. Pouvait-on douter un seul instant
que cet homme ne fut le leopard ?

La kindoki congenitale.
Une des pieces maitresses de la psychologie des
Bakongo, nous l’avons vu, est le mfumu kutu, litt. le
seigneur de l’oreille. Ce quatrieme composant de
l’homme, qui n’est ni corps ni ame, qui vient de loin
quand il entre dans le nouveau-ne, et retourne au loin
quand l’homme meurt, qui provoque la pamoison ( fwa
ngambu ) quand il s’eloigne momentanement, et occa-
sionne certains reves quand il accomplit ses exploits noc-
turnes, qui est la cause normale du sommeil par le fait
qu’il s’absente, comme il est la cause normale de l’ouie
et de la vue par sa presence, ce mfumu kutu explique
aussi la plus mysterieuse des choses, a savoir la puissance
malfaisante qui s’appelle kindoki.

Car il y a des enfants ndoki et ils ne le savent pas eux-


memes. Un tel nait ndoki, parce que le mfumu kutu qui
a elu domicile en lui est mauvais. « Son mfumu kutu
mauvais l’a rendu ndoki », comme me l’affirmait feu le
chef Mbemba.

Les Bakongo distinguent dans l’homme un double ele-


ment : l’un exterieur, corporel, visible; l’autre interieur,
psychique, invisible. C’est l’element invisible qui fait
agir le visible. Il sc compose lui-meme de deux princi-

ETUDES BAKONGO

H-2

pes. L'un, le mfamu kuta, mysterieux, va et vient, et


rend 1’homme conscienl ou inconscient suivant qu'il est
present ou absent. Mais de plus par lui l’homme pent
entrer en communication avec l’autre monde, vivre et
agir avec les esprits dans la sphere superieure a l’homme
normal. C’est par lui qu’un etre humain pourra se meta-
morphoser, de telle sorte que, gardant dans le cadre ter-
restre ordinaire son apparence exterieure, par son prin-
cipe interne il se transforme en homme-bete.

L’autre principe psychique passe a la mort dans un


autre corps et est transplant^ dans un autre milieu. Cette
nouvelle maniere d’etre n’est pas soumise, comme on l est
ici-bas, aux lois ordinaircs. L’etre humain en cet etat peut
se transporter ou il vent, prendre les formes qu’il veut et
exercer une puissance merveilleuse pour le hien (comme
les Bakulu ) ou pour le mal (comme les ndoki-matebo) .

Kindoki et nkisi.

La nature intime de la kindoki, personne ne la connait.


Acquise a l’aide d'un nkisi umbi, un mauvais fetiche
inconnu de tous, ou innee, parce qu’un mfamu kuta
umbi , un mauvais double de lame a penetre dans
l’enfant, elle reste egalement mvsterieuse. Mais le ndoki
peut etre reconnu par le devin, et combattu par les nkisi
(fetiches). Personne ne nous dira jamais l’origine du pre-
mier nkisi; mais dans la societe actuelle des Bakongo
l’appareil extremement imposant des nkisi est dresse et
dirige avant tout contre les ndoki. La crainte des ndoki
en a fait inventer par douzaines, qui n’ont d’autre but que
de defendre l’homme normal contre la puissance de mort
et de destruction, appelee kindoki. .Tadis a chaque deces
d’un homme important, le devin etait consulte, et neuf
fois sur dix il indiquait comme cause de la mort un mem-
bre du clan agissant par kindoki du clan, ou un etran-
ger agissant par kindoki innee ou acquise. Les inculpes
RELIGION ET MAGIE

113

etaient sou mis a l’epreuve du poison nkasa. Ils s’y sou-


mettaient du reste spontanement dans la plupart des cas,
ne voulant pas rester sous le soup^on le plus inlamant de
tous. Pendant des siecles cette procedure a sevi. Elle a
extermine des lignees et des clans entiers. A-t-elle
jamais sonleve des protestations ? 11 ne semble pas.
II faut bien en conclure que la croyance a la kindoki
est profondemejit ancree dans l’aine des Bantu.

Sur quoi repose cette croyance P La kindoki est-elle


realite ?

Leur folklore contient d’innombrables recits, dont cer-


tains d une tres grande valeur litteraire, sur Pactivite
multiforme des ndoki. Ils ressemblent comme freres
et soeurs aux sorciers et sorcieres de notre Europe.

J’ai entendu des centaines de faits, racontes par des


gens dont la bonne foi etait au-dessus de tout soup<?on.
,1’en ai verifie un bon nomine. Aucun ne resiste a la cri-
tique. Parfois il y avait une troublante coincidence entre
l’acte du pretendu ndoki et la maladie de sa victime. En
voici un exemple.

Un homme etait venu me trouver dans une de mes


succursales. II me paraissait en parfaite sante et Paine en
paix. Apres avoir arrange son affaire il retourna a son
village. A une croisee de chemins il s'aperQoit trop tard
qu il a marche sur des herbes magiques matiti ma nkisi;
il lance une exclamation entendue par les passants qui se
rendent au marche voisin. 11 continue sa route. Un quart
d’heure apres il arrive chez lui et tornbe mort devant sa
maison. Dans un cas pareil nos Bakongo ne voient que la
causalite du Nkisi employe par le Ndoki. Emotion et choc
mortel sur le cceur, ils ne sauraient y penser et y voir des
causes probables de la mort.

Les faits divers colportes quotidiennement entretien-


nent la croyance a la kindoki, mais a la racine de cette
croyance se trouve la mechancete de beaucoup d’hommes.
Cette mechancete, disent-ils, derive de l’envie. Beto

114

ETUDES BAKONGO

Bakongo kimpala kieto kiele kingi : nous Bakongo, noire


envie est terrible. Or, l’envie engendre la haine et la
mechancete. II faudrait entendre nos gens decrire, dans
leur langage concret et pittoresque, le travail do mine
qu’opere l’envie dans le coeur et l'esprit d’une femme :
elle a perdu l’un apres l’autre ses enfants, elle songe triste
el solitaire aux petits cadavres qui pourrissent dans la
brousse; et voici qu’elle entend les cris joyeux des enfants
de la voisine, courant an devant de leur mere qui rentre
des champs. On encore quel est l’etat d’ame d im homme
dont les chevies et les pores tous les soirs remontaient de
la savane et emplissaient son enclos de bruit et son coeur
de joieP Maintenant ils out disparu, fauches par la mala-
die on manges par le leopard p Get homme le matin des-
cend a son champ de manioc et voit gambader la troupe
de chevres de son voisin. Remonte a sa hutte, il refuse de
manger la nourriture que lui presente sa femme, il reste
pensif et triste infiniment, car son coeur est devenu mau-
vais.

L’envie, disent encore les Bakongo, engendre la kin-


doki et prepare le poison. Car il v a le poison qui joue un
grand r61e. Poison mele aux fetiches et poison sans feti-
che. Poisons vegetaux divers, meles a de la bile de leopard
<‘l a des mixtures de liquides obtenues par des infamies
sans iiom. Ces poisons sont contenus dans des recipients
plus petits qu’un de, enveloppes d’une petite loque a
l instar des amulettes que portent les indigenes. Une
minirne pincee, tenue sous I’ongle, adroitement deposee
sur le verre, l’assiette, l’outil, ou n’importe quoi que tou-
chera la victime, et la mort fera son oeuvre.

J.’ai (lit que la croyance a la kindoki est universelle. On


objecte que les feticheurs ne croient pas a leurs fetiches.
Parmi les feticheurs il v a beaucoup de charlatans, et les
plus grands parmi eux sont les devins. Mais il v a des
riganga qui croient fermement a leur art, parce qu’ils
obtiennent des resultats, soit par les drogues qu’ils admi-
nistrent, soit par la corifiance qu’ils inspirent aux mala-

RELIGION ET MAGIE

115

des. Du reste les feticheurs malades se font traiter par des


confreres et paient des honoraires comme le commun des
mortels. En 1926 j’ai baptise un chef, ex-leticheur, qui
pendant plusieurs annees avail tenu tout le pays en
haleine par sa propagande en faveur de son fetiche nou-
veau Dombasi , un soi-disant defenseur prodigieux con-
tre les ndoki. Ce Dombasi lui avait procure une petite
fortune. Lui-meme n’y croyait pas du tout, et dupait le
monde. Mais il croyait dur comme ler a la kindoki et por-
tait sur lui d’autres fetiches pour se defendre des ndoki.

La magie et la vie sociale.

La description sommaire, que nous venous d’esquisser


des principales formes de la magie Bakongo, appelle
comme complement, non pour les expliquer logiquement,
mais pour leur assigner leur place dans l’ensemble, un
resume des conceptions sociales, c’est-a-dire de la vie
sociale Bakongo. Cette vie est collective, elle a ses lois et
ses defenses hereditaires qui la maintiennent dans un
courant invariable; elle a ses organes sociaux et religieux
avec ses forces magiques qui la defendent contre les enne-
mis du dedans et du dehors.

La collectivite qui vit et fait vivre l’individu s’appelle


kanda; c’est le clan qui a lui seul equivaut a ce que sont
pour nous la maison paternelle, la famille, la societe
civile et religieuse. Le kanda clan est l’ensemble vivant,
organique et mystique de toutes les personnes qui sont
issues, par les femmes libres, de la mere-souche du clan
et qui en portent le nom. 11 comprend deux classes de
personnes : les ancetres qui vivent sous le sol et leurs
descendants qui vivent au soleil. La tonibe en terre ances-
trale est la porte de passage de la seconde a la premiere
classe.

Les ancetres forment la classe preponderante. 11s sont


les maitres de leurs descendants, maitres doues d’un pou-
voir surhumain. 11s sont les vrais proprietaires du sol,

116 ETUDES BAKONGO

leurs descendants n’en ayant que l’usage et 1 usufruit. 1 1 s


vivent intensement, et c’est d’eux que depend la vie du
clan terrestre; c’est grace a eux que les femmes congoivent
et enfantent, que l’elevage prospere, que les terres don-
nent des recoltes, que les palmiers produisent du vin, que
les forets et brousses livrent du gibier, que ruisseaux et
etangs fournissent du poisson. 11s font vivre leurs descen-
dants et ils combattent les agents de mort, les esprits
malfaisants et les ndoki, qu’ils empechent d’exercer leur
puissance deslructrice. Mais ils accordent leur protection
a la condition que leurs descendants observent leurs lois
et leur rendent le culte traditionnel.

La seconde classe du clan se compose done des « terres-


tres » ( ba nsi ) qui vivent an soleil sur les terres ancestra-
les. Le clan occupe un grand nornbre de villages, selon le
nombre de lignees qui se sont constitutes dans la suite
des temps. Chaque trongon de clan a son village, sa vie
propre et independante, il se divise en autant de hameaux
qu’il y a de lignees an village. La chefferiedu village appar-
tient de droit au descendant le plus direct de la femme-
souche de la ligne ainee. Le chef est d'abord pretre du
culte des ancetres ( nganga bakulu ) dont depend en pre-
mier lieu la prosperity du clan et des individus. 11 a la
garde de la corbeille sacree, qui contient des reliques de
tous les ancetres ayant joue un role dans l’histoire du
clan. Tous les quatre jours il accomplit en leur honneur
des prieres et des libations. 11 est le maitre et en quelque
sorte le possesseur-usufruitier de tous les membres de sa
lignee, surtout des femmes. 11 represente le village devant
les homines et devant les esprits, parce qu’il est sur ter re
le representant de l’ancetre primitif, son heritier direct.
En cette qualite il resume en lui-meme en quelque fagon
tous les interets du clan et tous ses pouvoirs.

Le clan est etabli sur la base de la parente uterine.


L’enfant appartient au clan de sa mere, et la mere appar-
tient a son oncle maternel. Vers l’age de dix ans les
enfants quittent la maison paternelle, vont resider an

RELIGION ET MAGIE

117

village de l’oncle maternel, et restent a son service jus-


qu’au manage.

Lc Mukongo se sail done enfant de pore et de mere, qui


engendrent le corps de l’enfant. D eux il tient son sang,
dans lequel reside lame et la vie. Deux il se sent depen-
dant, comine l’enfant ligote sur le dos de sa mere. Mais
pere et mere ne sont pas des etres exislant independam-
ment des autres. Toutes les soeurs et tous les freres de la
mere sont des meres ( ngndi ) pour le Mukongo ( ngudi
nsakila ou nyudi nkasi). Tous les freres et toutes les
soeurs du pere (se) sont des peres ( mase ) pour le Mukongo.
Il se sent relie a la double chaine du clan maternel et du
clan paternel. Avec le clan de sa mere il se sent uni d’une
fafon impossible a exprimer avec nos concepts europeens;
e’est un sentiment profond de dependance, de solidarity
et de participation, que notre individualisme ne peut
saisir.
Cette espece de participation sentie a la vie reelle du
clan, clan des ancetres et clan des vivants qui ne font
qu’un, donne a l’individu un sentiment de force et de
security, et a la fois un sentiment de faiblesse et de peur,
selon qu’il pense aux puissants ancetres favorables et
aux parents bons pour lui, ou bien aux ancetres qui peu-
vent etre ndoki et aux parents peut-etre jaloux, mediants
et ndoki. Tout le loka et le lokana a l’interieur du clan,
que nous avons decrit, se trouve integre dans ce senti-
ment de superiority de l’ascendant vis-a-vis du descen-
dant, et dans le sentiment reciproque de dependance et
de faiblesse de l’inferieur vis-a-vis du superieur.

Ecoutons la formule d’adieu, que prononce un aine


devant le cadavre de son cadet :

Je suis alle chez le devin,

Il m’a indique les nkisi a trailer.

J’ai traite les nkisi qui tenaient mon cadet,

Mais mon cadet ne dormait pas mieux;

La cause en est aux parents du clan qui ont assailli mon cadet.
Nous veillions deux jours,

118

ETUDES BAKONGO
Le troisieme jour mon cadet est mort !

II est parti la oil nous allons.

Mais ce que je dis, que mon cadet l’ecoute bien.

Moi son aine, je le possede;

Si je l’ai mang6 par Kindoki, c’est mon affaire.

Mais si un stranger l’a mange,

Est-ce que dans son clan ils engendrent et jouissent encore,


Alors que moi je reste solitaire ?

0 mon cadet, oil tu vas,

Si Nzambi t’a pris, ce n’est rien,

Mais si un hoinme t’a pris,

Celui-la, fais qu’il te suive !

Cet aine en appelle a son droit de domination sur son


frere; lese dans ce droit il exhorte son cadet, maintenanl
chez les ancetres et doue d un pouvoir surhumain, a exer-
cer sa vengeance sur l’auteur presume de sa mort.

Recours aux nkisi, recours aux ancetres, deux poles de


la sphere oil s’agitent nos BakongO. Celui qui veut en
sortir est, pensent-ils, ou fou, ou mechant; et le mechant,
sachez-le, c’est I’homme qui le cceur enfle d’envie et de
liaine se fait ndoki, au mepris des vivants, et des ancetres.
et de Nzambi lui-meme.

Pour eux, le monde oil ils vivent est un monde magi-


que. Ils s’y meuvent a 1'aise. Pensees et sentiments, paro-
les et actes, vie individuelle et vie sociale s’y sont a la
longue agences et harmonises. Leur ignorance stupe-
fiante v a pris figure de science, une science oil les
contradictions et les hiatus se sont estompes an point de
n’etre que des parties plus ou rnoins obscures d’un vaste
svsteme.

Ils se cantonnent dans ce systeme comme dans la


possession tranquille et assuree de la verite. Essayez de
les en deloger par une argumentation directe, ils vous
regarderont comme un specialiste regarde celui qu’il sail
incapable de comprendre.

Seule l’instruction jointe au progres religieux et moral


pourra modifier et finalement deraciner la magie.

CHAPITRE V.

LES NKISI.

La notion. — Classification ties nkisi. — Institution et mise en activite


d’un nkisi. — Ernploi d’un nkisi. — La classe des nipungu. — Feti-
ches divers. — Nkisi Bankanu. — Le nganga ou feticheur. — Consi-
derations generates.

La notion.

Dans le chapitre precedent stir la magie, je me suis


defendu de mon mieux, sans \ reussir completement,
centre l’emploi de la terminologie europeenne en la
matiere. J’avais pense intituler le present chapitre : le
fetichisme, mais j’y renonce ('). Fetiches, charmes, amu-
lettes, talismans, idoles, tous ces noms sont employes
dans les differents dictionnaires kikongo, et leurs auteurs
parlent egalement d’esprits, genies, dieux, diables, lutins,
etc. Le dernier en date, M. Laman, an mot nkisi dit :
fetiche, sorcellerie, ensorcellement, force magique, sorti-
lege, charme; maladie attribute a un fetiche, 1’adjectif
de fetiche, magique. Et deux mots plus loin : nkita= nkisi
des eaux, dieu des eaux, nymphe d’eau, dieu de la mer,
l’ame du defunt qui a etabli sa demeure dans l’eau, dans
les navires; vermines diverses dans l’eau ou a la surface
de l ean qui representent nkita. Que de noms, et surtout,
que de concepts, dont les Noirs sont tout a fait depourvus!

Cependant au vocable Nkisi un nom correspondrait,


dans son sens premier, a savoir le mot fetiche, si vrai-
ment il derive du latin, par l’intermediaire du portugais
Feitifo. Ce nom a ete applique par les decouvreurs du

(‘) Dans la Revue Congo, aoilt 1921 et decembre 1922, j’ai publie trois
6tudes intitulees : Fitichisme bij de Bakongo, dont l’essentiel est incor-
pore h ce chapitre.

120

ETUDES BAKONGO

XV C siecle aux statuettes et objets semblables qu’ils


voyaient aux mains des Noirs dans les buttes et aux cane-
fours, objets de certains rites qualifies de superstitieux.
Chez les Bakongo orientaux, le Nkisi n est jamais autre
chose. C’est un objet artificiel censement habite Ou
influence par un esprit, en tout cas doue par lui d’un pou-
voir surhumain; et cet esprit est sous la domination d’un
homme. Par esprit il faut entendre non une ame desin-
carnee, comme on le dit improprement, mais lame d’un
defunt qui a pris, apres sa mort, un corps adapte a son
nouveau mode d’etre. Pour quelques Nkisi on peut se
demander si l'esprit est d'origine humaine. Peut-etre
s’agit-il d’un esprit independant, .le parle evidemment
selon la conception actuelle de nos indigenes.

11 n’y a pas d arbies nkisi, plantes nkisi, sources nkisi,


etc. Tout ce qu’on trouve a ce sujet dans la litterature
imprimee, plantes-fetiches, arbres-fetiches, n’est que
litterature. Jamais nos indigenes n’accolent comme appo-
ses le mot nkisi a un phenomene nature!. Meine la riviere
Nkisi, que certains indigenes nomment maintenant Nzadi
Nkisi, est inauthentique sous ce rapport. Elle n’etait pas
nominee ainsi par les vieux traditionalistes que j’ai inter-
roges. On la nommait Nzadi (grande riviere) tout court,
ou pour l’opposer a d’autres Nzadi, le Nzadi Malewa.
Quand le mot nkisi est accole avec ou sans prefixe d’ac-
cord a un substantif, il fait fonction de complement
determinatif, et il faut traduire : qui se rapporte, qui
appartient a Nkisi.

Il y a des sources qui sont censees demeurer le domaine


exclusif des bisimbi qui influencent plusieurs nkisi;
cependant ces sources ne s’appellent pas Nto nkisi, mais
Nto ingyambula : source a delaisser, a ne pas utiliser. Il y
a des pierres, appelees tadi di nkita , pierre de nkita, et le
feticheur les cherche pour les mettre dans ses nkisi mi
nkita, nkisi influences par des esprits nkita. Quand elles
RELIGION ET MAGIE

out ete mises dans un nkisi nkita, elles deviennent des


tadi di nkisi-nkita, pierre d’un fetiche nkita.

Jamais done le mot Nkisi ne signifie esprit, genie on


un etre analogue quelconque. 11 signifie directement
l’objet artificiel dans lequel « est » un esprit <( domine par
un homme ». Je dis « est » car les Noirs n’emploient pas
d’autre mot que etre: ils ne disent pas habiter, etre incor-
pore, etre contenu, etc. II faut ajouter « domine par un
homme », car un esprit peut venir el resider dans un
arbre comme font les matebo, mais cet arhre n’est pas
nkisi; les nganga ndoki, les specialistes en kindoki ont la
reputation de pouvoir capter des matebo de cette sorte
pour les faire entrer dans leur nkisi. De meme les esprits
nkita sont censes venir la nuit sous l’apparence de
chauves-souris, et certains nganga son! censes pouvoir les
prendre et les mettre dans leur nkisi Kimpi. Aussi long-
temps que l’esprit n’a pas ete capte par un homme, et mis
dans le nkisi materiel, il ne pent etre appele, a un titre
quelconque, Nkisi.

Le P. Bittremieux ecrit f 1 ) : « Les Minkisi mi tsi sont


done les Bakisi, les esprits par excellence. » Cette propo-
sition est parfaitement inintelligible pour nos Bakongo.
S’ils s’adressent a plusieurs nkisi, pour les actionner, ils
disent beno ba nkisi, tala, <( vous les nkisi, regardez »,
jamais ils ne disent : bakisi, comme si e’etaient des per-
sonnes. Dans tous les autres cas, ils laissent de cote le
prefixe personnel. Ils disent : Nkisi mindidi. Les Nkisi
l’ont tue. Nkisi mifwidi : les nkisi ont perdu leur force.
Nkisi twa mitwa : les nkisi sont pleins de vigueur.

Nos indigenes appellent encore nkisi la partie pour le


tout par exemple un objet derive d’un nkisi. Quand le
nganga traite un malade. dans beaucoup de cas il detache
vine petite partie des ingredients du Nkisi, et renferme
celle-ci dans un sachet minuscule que le malade portera.

(>) Op. cit., p. 140.

122

ETUDES BAKONGO

soit an cou a une ficelle, soit an bras a un anneau, soit


aux reins a une ceinture. Si le sachet est remplace par une
corne d’antilope, le nkisi ainsi derive s’appelle mbambi,
du nom du receptacle. Ce derive a, dit-on, la meme force
que le nkisi original. Son usage est purement personnel.
C’est a ces nkisi que conviendrait le mieiix le vocable
amulette, a le prendre selon son sens etymologique de
preservatif.

Le nkisi materiel ou objet artificiel comprend habituel-


lement un contenant et un contenu. Le contenant est,
d’apres les cas, une figurine humaine ou animate, un sac,
un sachet, une gousse ou autre enveloppe de fruit, line
corne, un pot, un coquillage, etc., etc. Le contenu ce sont
des elements empruntes aux trois regnes de la nature;
i Is s’appellent mfula :i nkisi, aussi bikonko, ce par quoi
le nkisi est complet. L'element principal est une argile prise
an fond d une riviere ou d un etang, sejour des esprits des
morts. Les autres elements sont toujours en rapport avcc
lactivite propre du nkisi; herbes qui egratignent, hles-
sent, guerissent; feuilles, ecorces, racines qui guerissent
ou tuent; bees et ongles, plumes, cornes, dents, queues
et poils d’animaux divers; sachets contenant des excre-
ments; parfois du sang des menstrues, parfois la vesicule
biliaire d’un leopard; et pour le reste des choses bizarres,
les plus heteroclites. Tres souvent aussi des poisons vio-
lents d’origine vegetale, renfermes dans des godets ou
sachets minuscules. Dans ce nkisi materiel complet est
cense resider l’esprit qui donne son nom au nkisi. Get
esprit est cense avoir ete tombuka , remonte de l ean par
un ai'eul du nganga (feticheur) qui l’a actuellement en sa
possession.

Le nganga peut partager son nkisi et faire resider


1’ esprit avec sa force dans d’autres enveloppes, statuettes,
sacs, etc. Pour realiser ce dedoublement et instituer un
nkisi nouveau il emploie les rites traditionnels ad hoc,

RELIGION ET MAGIE

1-23

et mele une partie ties anciens mfula (ingredients) aux


nouveaux.

II y a des nkisi pour procurer la fecondite, pour aider


la femme en couches, pour favoriser les cultures, la peche
ou la cliasse.
II v a des nkisi qui ne servent qua guerir certaines
maladies et sont inutiles pour le reste.

II y en a qui n’ont de force que contre les ndoki,


auteurs de malefices et de maladies; certains ne peuvent
qu’empecher les ndoki de nuire; d’autres les font mourir.

Enfin, il y a la classe la plus nombreuse des nkisi qui


peuvent a la fois guerir le malade et communiquer la
maladie a l’auteur du malefice. Chacun de ces nkisi est
specialiste pour une maladie determinee et refuse de tra-
vailler en dehors de sa specialite. Certains de ces nkisi
sont employes contre les voleurs el tons les ennemis dont
on vent se venger.

Le centre de tout ce <( nkisiisme » est occupe par le


devin, nganga ngombo, ou mputu ngombo ; c’est lui qui
indique l’origine des maux et des maladies. 11 fournit hi
clientele a tons les autres nganga. Les derives du ngombo,
sont lukobi hi manga, el mpiata, qui peuvenl egalement
indiquer hauteur du malefice ou le nkisi a traiter.

Les nkisi traditionnels des Bakongo sont extremement


nombreux. .Pen connais plus de cent cinquante. Mais
dans ce domaine il v a toujours du nouveau. Actuellement
les nkisi des grands centres, surtout de Leopoldville out,
une vogue extraordinaire, nkisi des Senegalais, des Ban-
gala, des Azande. Parmi eux Muyeki, derive de la terrible
secte de Maui, a la reputation la plus considerable. Il enri-
cliit son possesseur, le rend sympathique a ses proches et
amis, invulnerable a ses ennemis. Pour l’acquerir, le can-
didat doit livrer tin de ses proches parents aux maitres de
Mani, qui le font mourir et se repaissent de ses esprits
vitaux. Alt second rang vient le lukanu, qu’on porte
comme bracelet au biceps; il donne une force extraordi-
124

ETUDES BAKONGO

naire et permet de communique!’ le rhumatisme a ses


ennemis. Avec Mpengo et Nsepo, on pent s’assurer la
fidelite de sa propre femme et s’attirer impunement
1’ amour des femmes d’autrui. Tous ces nkisi etrangers,
une fois introduits dans la region, y sont naturalises, et
pour leur emploi, conservation, transmission, suivent la
tradition du pays.

Classification des nkisi.

Dans la langue ordinaire des Bakongo, les noms des


nkisi sont repartis en differentes classes, line premiere
denomination vient de l’objet qui contient le nkisi; il y a
les nkisi mi biteke el les nkisi mi mafntu : nkisi contenus
dans une statue et nkisi enfermes dans une autre enve-
loppe. Cette gaine s’appelle futu : c’est generalement un
petit sac fait d’etoffe europeenne ou indigene sinon de
peau de bete; certains nkisi sont pourtant enfermes dans
des coquillages, des calebasses, des bouteilles, des pots,
des cornes d’antilope, des corbeilles, etc .11 v a aussi des
nkisi sans gaine protectrice, coinme le miroir magique
qui sert a voir les matebo, et differentes herbes liees en
bottes.

Les statues elles-memes sont partagees en deux especes,


les biteke et les nkondi. D'apres les uns, les biteke seraient
les grandes statues et les nkondi les plus petites; d’apres
d’autres, les nkondi contiendraient les nkisi qui font
retourner a leur proprietaire les objets voles.

Les statues representent generalement des personnes,


hommes ou femmes adultes; bien rarement des enfants.
On rencontre parfois des reproductions d’animaux notam-
ment de chiens, de leopards et de ci’ocodiles.

Les hommes sont represents habilles ou tout a fait


nus. Quelquefois le buste ou merae tout le corps est recon-
vert d’un morceau d’etoffe retenant les ingredients du
fetiche et tendu comme sur un gi’os ventre. Generalement

RELIGION ET MAGIE

125

la tete et la poitrine sont sculptees avec soin, parfois


merae avec gout, tandis que les parties inferieures et les
jambes sont taillees grossierement . Les statues plus artis-
tiques proviennent presque toutes des Bayaka el des
Bamfungunu; des premiers, elles reproduisent la belle
coiffure en forme de casque, des seconds, le tatouage
caracteristique, lignes paralleles descendant des tempes
sur les joues, ainsi que le toupet qu’ils portent au sommet
de la tete.

Certaines statues meme consistent en un baton termine


par une boule a laquelle des entailles grossieres donnent
l’apparence d une tete humaine.

Les materiaux qui constituent le nkisi sont enfonces


dans le ventre, le dos ou encore dans la tete de la sta-
tuette; le creux destine a les recevoir est ferme au moyen
de charpie ou de quelque morceau de bois.

Une autre repartition, imaginee peut etre par les Chre-


tiens et universellement repandue, distingue les nkisi mi
nlongo, fetiches employes dans le traitement des mala-
dies, les nkisi mi nloko, ou fetiches actionnes par des
formules de kuloka. Nlongo signifie remede et aussi
defense faite par le nganga au patient. Quoique ces feti-
ches guerisseurs ne soient pas actionnes comme les
autres, le maitre-feticheur emploie pour guerir la plupart
des maladies, des rites a caractere magique. Au lieu de
nkisi mi nloko on dit souvent nkisi mi bimenga. Le mot
kimenga (plur. bimenga ) vient de menga : sang, et du
prefixe ki, dont le sens est tres pen defini.

Le kimenga se fait en tuant une poule ou une chevre.


A la poule on arrache la tete en lui tordant le cou ou en le
tranchant, et a la chevre on ouvre la gorge. On frotte
ensuite le nkisi avec le sang encore chaud, apres quoi la
viande est consommee selon le desir du nkisi, soit par le
nganga seul, soit par le nganga et le patient, soit par tous
les assistants. Quelques nkisi, comme le Mpungu mayala,
sont des nkisi mi nloko, et cependant les indigenes n’ont
pas recours au kimenga pour les faire agir.

126

ETUDES BAKONGO

Les nganga distinguent aussi les nkisi. mi nseke, nkisi


de la brousse et les nkisi mi masa, fetiches des eaux; cette
division correspond a celle des esprits Bisimbi qui selon
les indigenes, liabilent, les mis pres des sources et des
rivieres, les autres dans l’interieur des terres.

On distingue encore les nkisi mi nkiia , fetiches animes


par un nkiia et nkisi misimba nsi, les fetiches qui tien-
nent la terre. Toutefois cette distinction me semble pure-
ment verbale car, d’apres plusieurs de mes informateurs,
certains fetiches sont en meme temps misimba nsi et mi
nkita. A ma connaissance, il n’y a que quatre fetiches de
cette derniere espece. Ce sont Kiyentjele, Lernbi, Tolula
et Nzenzi.

Kiyentjele, enferme dans un petit sac rempli dc toutes


sortes de terres et de bois, est employe dans la secte
secrete du kimpasi. L embi reside dans une petite cruche
contenant une liane nzomfi, de la boue d’un ruisseau,
de 1’argile blanche et des feuilles de lemba-lemba. Tolula
a choisi pour demeure un petit sac contenant de la terre
rouge, des pattes de perdrix et la queue de deux rats
d’especes differentes : nkusu et nkiedi. Enfin, Nzenzi
habite une statue de forme masculine ou bien aussi un
sac, me disait un de mes informateurs.

Un dernier critere de classification des fetiches est le


but auquel on les destine : nkisi ennemis des ndoki, nkisi
terribles aux voleurs, nkisi protecteurs de la sante. Tou-
tes ces divisions rependant chevauchent les lines sur les
autres et parfois n’ont d’autre effet que d’engendrer la
confusion.

Institution et mise en activite d’un nkisi.

Prenons comme exemple nkisi Kapiangu. Ce fetiche ou


pour mieux dire I’esprit de ce fetiche, incorpore a une
statuette est universellement redoute. 11 sert a rechercher
et poursuivre voleurs et fauteurs de malefices.

RELIGION ET MAG IE

I “27

Le \oir qui desire posseder un fetiche Kapiangu.


achete an marche ou chez un sculpteur la statuette qui le
represente, puis, ayant prevenu le feticheur proprielaire
d un Kapiangu, il s’amene chez lui au jour convenu. C’est
ce nganga-nkisi ou feticheur qui fera passer la force de
Kapiangu dans sa nouvelle image. La premiere manipu-
lation est la pose de la statuette sous le fetiche; sa mu
nkisi ; par la, le feticheur devient ngudi-nganga, feti-
cheur-mere, tandis que le possesseur de la statuette est le
mwana-nganga, enfant-initie, le feticheur disciple.

L'initiateur a prepare avec soin tout I’attirail necessaire


a l’institution du nouveau Kapiangu. Lui-meme, ainsi
que son eleve se sont harbouilles le front et les joues de
terre argileuse; devanl la hntte du feticheur, se dresse le
nkisi, depose sur une natte, non loin de la, la statuette
nouvelle. La ceremonie commence.

L’initiateur saisit quelques pincees de poudre, la pro-


mene autour du nkisi, et la fait detonner. C’est la maniere
d’eveiller Kapiangu. Puis du ventre du fetiche il retire
une partie des innombrables ingredients dont on l a rem-
pli jadis, lors de son institution. Decrivons brievement
les principales substances de notre Kapiangu. Les trois
regnes v sont represents : du regne mineral on a
emprunte l’argile blanche ou rouge. Extraite a proximite
d’une source, d’un etang, voire du lit d ime riviere,
l'argile, avons-nous (lit, est l’element fondamental de tout
nkisi; c’est par elle que l’on fait monter un nkisi de l ean,
sejour des espiits, hi batombolulanga nkisi.

Plus varies et nombreux sont les composants vegetaux.


La graminee, ditata, qui pique ceux qui la saisissent, indi-
que que Kapiangu piquera partout ou il ira. L ecorce dite,
dititi de I'arbre ntiti (Haronga paniculata, Hypericacee )
symbolise la force de Kapiangu : il fera trembler, mais
lui ne tremblera jamais; Kapiangu kazakana ko, katitisa.
Le kikalala (S mi lax kraussiana-Smilae ) plante adhesive
marquera la Constance que Kapiangu mettra a poursuivre

128

ETUDES BAKONGO

son ennemi. Kapiangu lama kalama. La plante kitundi-


bila ( Amonum albo-violaceum, Zingib) dont le caracte-
ristique est de conserve!’ tou jours ses feuilles, entre au
meme titre dans la constitution de Kapiangu, car lui non
plus ne lache jamais rien.

Le regne animal est represente par des plumes et des


bees d’oiseaux et coqs, symboles de rapidite et de force.

Tous ces elements essentiels extraits de 1’ancien fetiche


sont melanges pour faire masse, a d’autres elements nou-
veaux de meme nature; le tout est ensuite introduit dans
le creux du ventre de la nouvelle statuette. La « matiere »
est complete; l’ouverture est hermetiquement close grace
a des noix de kola machees et, s’il le faut, par une bande
d’etoffe nouee autour du ventre. Divers rites vont sacrer
definitivement nkisi la statuette ainsi preparee. Groupes
autour du feticheur, ses aides aux doigts agiles martelent
doucement de petits tambours speciaux, s’accompagnant
parfois d’autres instruments de musique. L’initie apporte
en l’etirant une poule noire et la presente au feticheur.
D une main rapide celui-ci lui tranche le cou, et saisis-
sant la tete dont le sang degoutte, il en frotte d’abord le
ventre du nkisi, puis celui de sa nouvelle image.

Les tams-tams battent en cadence. L’initiateur place les


deux statuettes l’une a cote de l’autre, les deux possesseurs
se saluent d’un battement de mains et voici que les chants
commencent.

L’initiateur entonne seul :

E Kapiangu,

Kimenga mwene kio ?

A nsidi sa

Zibula makutu, wa mambu !

Makutu mazibuka,

Meso mamona.

Eh Kapiangu,

As-tu vu le sang couler ?

Je vais te parler,
RELIGION ET MAGIE

129

Ouvre les oreilles, 6coute-moi !

Tes oreilles sont-elles ouvertes ?

Tes yeux voient-ils ?

L’initiateur continue :

E Nkondi za zole
Mu nzila zi tongalala, yaya.

E beto ye Mafwala
Di kansona, di bunganga.

Luboko lu Ntari iyenda ndangu.

Eh, les deux fetiches,

Ils sont la, debout sur la route, dis.

Et moi et Mafwala, (*)

Si nous sommes barbouill^s, c’est que nous sommes maitres


f^ticheurs.

Au loin, jusqu’aux confins de Ntari, va guetter l’ennemi.

Intervertissant les roles, l’initiateur a pris le nouveau


Kapiangu par les epaules, tandis que son eleve a saisi
l’ancien fetiche. La danse des fetiches commence, tandis
qu’aux alentours, accompagnant leurs chants, les aides,
avec ensemble, entonnent la ritournelle :

E Kapiangu, ngudi nkisi,

Si titila tumona kweto.

Eh Kapiangu, fetiche mfcre,

Nous te voyons t’agiter et trembler


Eh Kapiangu, mere-hstiche,

Pourquoi t’agiter et trembler, nous le voyons.

Lorsque la danse a assez dure, tous deux s’arretent, et


seul, l’initiateur reprend :

Nge, Kapiangu, muntu ye zina,

Mpati aku, mono,

Ngang’aku, mono.

(*) Nom de l’initl6.

130
ETUDES BA.KONGO

Utuka ku nani ?

Utuka ku Na Lumba,

Na Lumba ukubakila ku ba mbuta,

Ba mbuta bakutombola ku masa.

Na Lumba mpati-nganga.

Tenda katenda,

Kwakula kakwakula.

Kakugana mu nkasa ko.

Mavwa igana,

Nsusu igana,

Nkombo igana,

Ngudi-nganga udia bio ntama;

Mwana-nganga kumba-kakumba,

Nlongo nsungimina.

Kembo di nkisi nganga kimoya.

Mfumu kibula, nganga yunga;

Bakumba nkisi, bakumba mono nganga.


Nkumbu'aku : Kimpa meso.

E Kapiangu, muntu ye zina,

Bakuyitika, ki mona nganga,

Kibatama, makumbwa mabwa,

Kumba ku nsi, kio ifwa ku nsi;

Besi nseke. besi masa,

Bantu bafwa ka bamonika mpolo.

E ngidi-ngidi,

Makutanga, ka Mbala umwene ko.

E mbambakana, nti bakanga dinkondo,


Dinkondo nungu, nti nungu.

Makwata nsala, makwata mbele.

Lunwanina mbisi, ka lunwanina nkanda ko.


Tembi-tembi, nungu-nungu !

Mfula malafu, eya iyendi nkindu.

Kapiangu, e sikama,

E wanga ngwa !

Upiangula masika, upiangula mwini.

Kiteke ya, bondula !


E Mbumba,

E simbi di Mbumba,

•Nki sala ya ? gonda !

RELIGION ET MAGIE

131

Toi, Kapiangu, homme avec ton nom, (*)

Je suis ton possesseur,

Je suis ton maitre nganga.

(A ces mots, les deux hommes ont touche de la baguette


la tete de leur fetiche.)

De qui viens-tu ?

— Tu viens de Na Lumba ( 2 ).

Na Lumba te regut de ses anciens,

Ses anciens font fait surgir de l’eau.

Na Lumba fut ton possesseur, ton maitre.

Aux approches de la nouvelle lune,

11 te traitait, te consul tait.


II ne te c6da pas pour quelques f&ves.

Pour toi, je lui donnai neuf perles,

Je lui donnai un coq,

Je lui donnai une chevre,

Toutes ces choses, depuis longtemps ce nganga, mon maitre les


a revues;

Et moi, son el&ve et ton maitre, je devins cdebre.

J’ai observe les tabous qu’il m’a appris.

La gloire du nkisi, c’est d’avoir un maitre en vie.

Le chef a son autorite, le ftsticheur a la sienne;

On f exalte, toi nkisi, on m’exalte moi ton maitre.

Ton titre de gloire est : celui qui fait fermer les yeux.

Eh Kapiangu, homme avec ton nom,

Tu provoques la stupefaction, je le vois, moi ton maitre,

Toi qui f inclines devant la catastrophe presente :

Le pays regorgeait de monde, et void que le pays se meurt;


Les habitants de la terre et les habitants des eaux,

Et les hommes qui moururent, tous ont disparu (et nous aban-
donnent).
Eh nkisi. nkisi,

Ce que nous te racontons. Mbala (l’initiateur) ne l’a pas vu.


Oh, le tuteur, la perche soutient le bananier,

Mais que la bananier tombe, la perche tombe.

On vole les plumes, on vole le couteau ( 3 ).

i 1 ) Homme complet.

( 2 ) Celui de qui l’initiateur tient lui-meme son fetiche.

( 3 ) On vole la volaille et mgme le couteau qui servira & la tuer.

ETUDES BAKONGO

Mais toi, lutte pour la viande, ne lutte pas que pour la peau,
Secoue l’ennemi, secoue-le ! foule-le aux pieds, foule-le !
Comme on foule le sol oil se boit le malafu, conime on foule
un champ de bataille.

Kapiangu, oh ! 6veille-toi
Ecoute done, M6re ! ( l )

Toi qui p6n6tres partout le jour, partout la nuit,

0 nkisi arrache, tue !


0 Mbumba,

Esprit de Mbumba !

Que feras-tu done ? Tue !

Voici le nouveau Kapiangu initie a ses fonctions, il est


constitue, intronis£; ce que le nkisi-mere pouvait et fai-
sait, lui, le nkisi-enfant, le pourra, le fera.

Mais le possesseur manque encore d’initiation, il n’est


pas encore le mpati-nganga de Kapiangu, le possesseur-
inaitre de son fetiche; il v manque les mambu ma kin-
ganga (les arrangements concernant 1’initiation an feti-
chisme).

L’eleve commencera par verser au maitre, le salaire du


bunganga, c’est-5-dire de la maitrise, par exemple une
corbeille de hananes, une poule, une chevre, un fusil et
vingt-cinq francs. A ce prix, on lui devoilera les nlongo
ou tahous du fetiche Kapiangu : defense de se servir
comme hois de chauffage de plantes, d’arbres ou arbustes
apparentes a ceux dont se compose la « matiere » du feti-
che, encore moins de kisani (Oncoba Welw. Bixacee), de
ngansi ( Pentaclethra macrophylla, Leguin.) et de mpete,
defense de manger les oiseaux, dont plumes et bees font
parties integrantes de Kapiangu.

Le salaire acquitte et les tahous connus, initiateur et


initie se saluent en battant des mains, et s’en retournent
chez eux; ils emportent leurs fetiches respectifs, qu’ils
deposeront sur une natte, contre la paroi interieure de
leur hutte.

(!) Titre honorifique.


RELIGION ET MAGIE

133

Dor&iavent Mafwala pourra employer son Kapiangu


con tie les ndoki, les voleurs, n’importe quel ennemi, il
peut les loka (ensorceler, reduire a l’impuissance avec son
nkisi) ubaloka; il peut loka Kapiangu : mettre en branle
Kapiangu contre eux.

Emploi d’un nkisi.

Four donner une idee concrete de l’usage d’un nkisi,


et, par l’exemple d’un seul, un aper^u de tout le genre et
done du « nkisiisme » (f^tichisme) nous decrirons nkosi
(le lion) dont l’usage est antique et universel. 11 est men-
tionne par les auteurs du XVII 0 siecle; il est repandu chez
les Bakongo et leurs voisins de l’Est, les Bay aka. C’est un
couple; le male est contenu dans une grande statuette, la
femelle dans un sac. Les mfula on composants : de l’argile
rouge provenant d’un eboulement dans un bas-fonds
(yenga), de l’argile jaune, de la poudre rouge de nkula;
des epines et de l’ecorce de Kisani ( Bixacte , oncoba Welw.)
et d’autres arbres & epines; des tiges de kisielele ( tagetes
patula, L. Comp.); des poils et des dents de lion; une tete
et des griffes d’aigle; des plumes d’oiseaux; des queues
de fouine; une queue de chat-tigre. Chaque fois qu’il est
employe ( kuloka ), il boit le sang d’une chevre et a defaut
de chevre, d’une poule. Le sang est repandu sur le ventre
du male et sur le sac de la femelle.
Son but : tuer les voleurs et les ndoki; il les saisit et les
presse de telle fa^on que le sang leur sort du nez, de la
bouche et de l’anus. Quiconque done souffre de pareils
ecoulements, doit se faire traiter par le nganga qui pos-
sede le nkosi.

Supposons un chef qui possede un village abandonne,


oil croissent de nombreux palmiers et safoutiers. Des
etrangers y viennent marauder. 11 se rend chez le Nganga
nkosi et lui demande de defendre son bien par son nkosi.

ETUDES BAKONGO

134

Si le nganga y consent, il fixe le jour ou il viendra sur


place mettre le village sous la protection de son nkosi.

Ce jour-la, le proprietaire et ses sujets attendent le


nganga; ils qnt apporte la chevre ou la poule, les noix de
kola et tout ce que le nganga leur a impose. Le nganga
arrive avec ses aides qui portent de petits tambours; lui-
meme porte le nkosi. Il l’installe sur une natte, repand
trois pincees de poudre de chasse tout autour et v met le
feu; ceci pour reveiller nkosi et chasser les ndoki, s’il y
en avait. Il mache une noix de kola et en crache les resi-
dus sur le ventre de nkosi. Les aides battent leurs petits
tambours et chantent :

Ndumba gata diaku, nge udi e,

E ngwa samuna nganga, kesi kumbuk’e.


Une jeune fille de ton village, tu l’as mangle,

Oh, m&re, appelle le nganga, qu’il vienne la guerir.

Le nganga saisit la poule apportee par le chef el lui


coupe le cou; avec la tete sanglante il frotte le ventre de
nkosi, tandis qu’il 1’agite frenetiquement.

Les aides battent les tambours et chantent :

E Nkosi ka yikina ko e ?

Nki iyiba ?

E bunganga bwingi e.

E mono lutumisange

Nki iyiba ?

E bunganga bwingi e.

Oh ! nkosi ne danse-t-il pas ?

Je volerais ?

Les honoraires seraient trop 61ev6s.

Vous me faites venir

Je volerais ?

Les honoraires seraient trop 61ev6s.

(Les nganga parviennent a donner aux spectateurs l’illu-


sion que le nkisi danse reellement et se meut de lui-
meme.)

RELIGION ET MAGIE

135

Quand nkosi a assez fretille, le nganga le saisit des deux


mains aux hanches et lui dit avec force :

E nkosi !

Kimenga kiaku umwene kio,

A nsidi sa,

Zibula makutu.

Nge nkosi mbungu zi menga,

Nge muntu ye zina,

Mpati aku mono,

Ngang'aku mono.

Utuka ku nani ?

Utuka ku na Samba.

Na Samba ukubakila ku ba mbuta zandi,


Ba mbuta zandi bakutombula ku masa.

Na Samba mpati-nganga,

Kakugana mu nkasa ko.

Mavwa igana,

Nsusu igana,

Nkombo igana,

Ngudi nganga udia bio ntama.

Mwana nganga kumba kakumba.

Nlongo nsungimina.

Kembo di nkisi nganga kimoya.

Sikama, e nkosi, e wanga,

Nde mwene :

Dio voka di na Lungwengo yu;

Luzitu nkatu;

Nkandi kilala, nsafu kilala.

Yonso ukwisa ye bwifi bwandi


le te ngyenda,

Zeka nsingu,

Mu nwa menga,
Mu mbombo menga,

Mu funi menga,

Nima tolula,

E mpongo mbumba,

E sibu di mbumba,

Sala nki, ya ?

Gonda.

136

ETUDES BAKONGO

Eh nkosi !

Ton sang tu 1’as vu et bu


Je vais te parler,

Ouvre tes oreilles.

Toi nkosi tjui repands le sang,

Toi, homme avec ton nom,

Ton proprietaire, c’est moi,


Ton nganga c’est moi.

Car de qui viens-tu ?

Tu viens du Seigneur Samba.

Le Seigneur Samba t’a eu de ses anciens,

Ses anciens t’ont fait monter de l’eau.

Le Seigneur Samba, ton proprietaire et maitre


Ne t’a pas donn4 pour des haricots.

Les 9 enfilades de cauris, je les ai payees,

Le coq je l’ai paye,

Le bouc je 1’ai pay6,

Lui le maitre-m&re les a manges depuis longtemps.

Moi je suis ton maitre initie par lui, je suis reconnu;

Je respecte tes defenses (loi et tabous).

La gloire du nkisi, c’est le maitre en vie.

Reveille-toi done, nkosi, ecoute.

Voici 1’affaire :

Cet emplacement-ci appartient a Lunguengo ici present;


On n’y respecte rien,

Les noix de palme disparaissent, les nsafu disparaissent.


Tout qui done vient ici avee la volonte de voler,
Mets-toi en marche,

Tords-lui le cou,

Que le sang lui coule par la bouche,

Que le sang lui coule par le nez,

Que le sang lui coule par l’anus !

Brise-lui les reins,

0 souverain Mbumba,

0 malediction de Mbumba.

Que feras-tu done ?

— Tue !

Les aides battent avec rage les tambours et chantent


avec frenesie. Le nganga finit par remettre son nkosi dans
son sac, et ayant regu ses honoraires, il s’en va. Lokele

RELIGION ET MAGIE

137

nkosi, lokele voka : il a loka = actionne ou mis en mou-


vement (le fetiche) nkosi; il a loka = mis sous l’influence
(d’un fetiche) l’emplacement. Ces deux expressions sont
a retenir.

La nouvelle de cette operation (magique) s’etant repan-


due dans les environs, tout le monde se gardera bien de
passer par cet endroit avec la volonte de voler.

Mais le nkisi nkosi a une autre activite a exercer. Un


homme est pris de douleur dans le cou ou dans le dos, ou
bien il saigne du nez, ou bien a des selles sanguinolentes.
Si le mal persiste quelques jours, ses proches disen t : il
faut consulter le devin ( nganga ngombo ). 11s prennent
une perle noire, la frottent sur le ventre du malade, et la
portent au devin : « Voici, disent-ils, que notre parent a
ete pris d’une maladie, il souffle telle et telle douleur.
Nous venons voir quelle est cette maladie et quelle en est
la cause. » Et ils lui tendent la perle. Le devin la prend et
la met dans le ngombo : « C’est bien, nous dormirons
la-dessus; nos tetes ( = la mienne et celle de Ngombo)
voient ce qui arrive dans la nuit. »

Le lendemain devant un grand feu les parents et les


aides du nganga attendent, jusqu’a ce que le nganga
arrive portant son ngombo. Le ngombo est une boite,
remplie d’ingredients tres divers, et qui se ferme avec un
couvercle.

Il ouvre trois fois son ngombo, et reniflant chaque l'ois


tres fort dans la boite ouverte, il dit : « Ecoutez, je vous
dis ce que j’ai vu avec mon ngombo, la maladie de votre
parent est celle du nkosi. »

Les parents : « Mais d’ou lui vienl cette maladie ? Quelle


en est la cause ? »

Le devin : « Dans votre parente, quelqu’un a vole dans


un endroit mis sous la protection de nkosi; nkosi a pris
votre parent. Si vous voulez qu’il guerisse, allez trouver
le nganga nkosi. »

138

ETUDES BAKONGO

Its paient les honoraires du devin, honoraires tics ele-


ves et partent a la recherche du nganga nkosi. 11s lui
racontent la maladie de leur parent, l’ordre du devin, et
lui remettent neuf cauris ou perles, arrhes ou acompte
anticipe des honoraires.

« C’est bon, dit le nganga, je viendrai tel jour; mais


que la parente soit au complet, que personne ne manque,
et que ses parents par alliance y soient. Mais attendez, que
j’aille chez nkosi. » 11 revient et remet un « nsanga »,
une tresse d’herbes qu’il a prises dans le sac de nkosi :
« liez cette tresse au cou du malade. »

Le jour indique le nganga nkosi avec une bande de


serviteurs, portant des tambourins et autres instruments
de musique se rendent aupres du malade. A l’entree du
village, ils attendent et jouent leurs instruments. Les
habitants viennent a leur rencontre et remettent au
nganga un coq, une main de bananes et un panier d’ara-
chides.

Tous ensemble se rendent devant la maison du malade,


et la, on etend la natte ou le nganga installe son nkosi.
On sort le malade et on le fait asseoir sur une natte, le dos
appuye contre la paroi de la hutte. De part et d’autre du
malade se rangent ses parents. Les serviteurs du nganga
ont fait du feu, et dans un grand pot ils cuisent ce que le
maitre leur remet : des feuilles de minkeni ( costas pyllo-
cephalus), de mabunda-bunda ( palisota ambigua), d’ana-
nas et des parcelles de mfula (composants) de nkosi lui-
meme. Ils y melent de l’eau et un peu de vin de palme et
cuisent le tout. Entretemps le nganga a pris une tresse
d’herbes dans le nkosi et la lie au gros orteil du patient.
II prend ensuite une poignee de feuilles de lemba-lemba
( Brillantaisia alata ) les tord de fagon a en faire decouler
de la seve, les lie ensemble pour en faire un lemboso (un
goupillon pour calmer) et asperge le malade et ses

RELIGION ET MAGIE

139

parents. 11 demande le coq, lui coupe le cou, et avec la


tete sanglante il frotte nkosi et lui dil :

Eh, nkosi, ton sang tu l’as bu,

Je te l’ai donnd,

Ton maitre, c’est moi


Ton maitre, c’est moi.

Puis il donne a boire au patient une partie du sang


recueilli dans un vase; ensuite il lui frotte sur le visage
du kaolin blanc, pris dans le vase appele kilembo (qui
sert a calmer).
11 saisit alors nkosi des deux mains et lui dit :

E ngeye, nkosi mbungu zi menga


Tala yuna nleke,

Nge kunsimbidi,

Mono k’insimbidi ko
Kimpaka — mpaka udia mwaka
Gana ubioka, kia ye kia !

Bidko iziola mu nitu.

Kakala nkonso, kakala ngolo,

Ngeye unyambula,

Kaleka bwo

Kasikama ntangu nlungu.

Eh ! toi, nkosi qui repands le sang,

Regarde ce sujet,

Toi, tu l’as saisi,

Moi je ne 1’ai pas saisi,

Mais, tu as mangd tori limagon depuis longtemps,


Maintenant vomis ; (onomatopde)

Tes vomissements je les lui frotte sur le corps,

Qu’il soit fort, qu’il soit vigoureux,


Toi laisse-le,

Qu’il dorme en paix,

Qu’il se reveille quand le soleil est au zdnith !

Dans le kilembo et dans le vase qui a servi a la cuisson,


le nganga prend divers ingredients, en fait une mixture
et frotte vigoureusement le malade sur tout le corps. Puis

140

ETUDES BAKONGO

il melange du kaolin et de l’huile de palme et de nouveau


en frotte le malade. Ensuite il le fait mettre au soleil pres
du feu et lui impose les defenses-tabous ( nlongo mi nkosi)
lie pas manger de courges, ni d’arachides, ni de poulet, ni
de chenilles, ni d’animal mort sans cause apparente, etc.,
etc., enfin, ne pas voir de cadavre, ni assister a un enter-
rement.

Ayant repu ses honoraires, le nganga part. Si le sujet


guerit il reviendra dans un couple de mois, pour « enle-
ver » les tabous; et alors il touchera d’autres honoraires
plus eleves.

Si le sujet meurt, le role du nganga nkosi est fini. La


raison de la mort est la violation des tabous imposes, ou
l’intervention d’un ndoki. Quelle que soit Tissue du trai-
tement, la croyance & la puissance de nkosi reste intacte.
Au cas ou le malade guerit, le nganga revient avec ses
aides au jour fixe d’avance, il trouve le patient gueri, assis
sur sa natte et tous les mets indiques, prepares a cote de
lui. Il a apporte une double latte de palme, bien nettoyee,
et arrangee en forme de croix; sur l’extremite de cette
croix il dispose une partie de chaque plat, la presente
deux fois au patient et la retire, puis la troisieme fois la
lui met en bouche. Pour chaque defense enlevee, il faut
payer des honoraires correspondants. Quand tout est fini,
le nganga dit au patient : « Voila je t’ai enleve les defenses
de nkosi, tu es libre de manger tout ce que tu veux. Va,
apporte-moi une poule. » On lui apporte la poule. 11
enleve une plume, qu’on va fixer au poulailler.

« Va maintenant planter sur ce tertre (qu’on a prepare


d’avance) d’un cote une tige de manioc et un plant de
lumba-lumba, de T autre un bananier tiba ( inusa sapien-
tium), puis un bananier dinsakala, puis un bananier tiba.
Le premier regime qui murira est pour moi, les autres
sont pour vous; vous les partagerez. » Il prend ses hono-
raires et s’en va.

RELIGION ET MAGIE

141

La classe des Mpungu.

Ces nkisi merited notre attention a cause meme de


leur nom : Mpungu est l’epithete ordinaire reservee a
1’Etre supreme, Nzambi. La raison de cette association de
mots reste encore a trouver. De plus, Mpungu remplit un
role social; c’est une sorte de patron ou protecteur du
village.

Nkinda gata, « celui qui rend et garde le village pros-


pere », est le nom du Mpungu principal; on l’appelle aussi
le Mpungu meso nkama, le Mpungu aux cent yeux. Les
autres sont groupes sous le nom generique de bana ba
Mpungu, enfants de Mpungu. Ce sont Mpungu ntete,
Mpungu dans une corbeille; Mpungu b&sa, Mpungu le
pourfendeur; Mpungu sokula, Mpungu le briseur de
dents; Mpungu majula, celui des chemins, et enfin
Mpungu nzieta, celui qui donne le vertige.

Le Mpungu protecteur du village consiste en un sac


remplit de charbon de bois et de glaise blanche. Devant
la hutte du chef sont plantes trois pieux d’environ
un metre de hauteur reunis au sommet par une liane et
entoures de lattes de palme. A cdte de ces pieux se dresse
un bananier Tiba ( Musa sapientium ) flanque d’une bran-
che de kisani ( Bixacee , Oncoba Welw.) a trident sur lequel
siege Mpungu. Les pieux, le bananier et le kisani repre-
sented une sorte de trdne, et c'est la raison pour laquelle
on lui donne encore le titre de roi : Mpungu mayala, le
Mpungu qui regne.

Si eleve qu’il soit en grade, Mpungu, kadia kwandi


kimenga ko, il ne boit pas de sang, au moins lors de son
installation que nous allons decrire brievement. Le chef
invite un de ses collegues ayant un Mpungu dans son vil-
lage, a venir faire la ceremonie. Le premier s’appelera
Mwana-nganga ou maitre initie et le second Ngudi-

142
ETUDES BAKONGO

nganga, maitre initiateur. Un sera le disciple, l’autre le


maitre.

Le maitre arrive au village en plein jour; les habitants


sont reunis au grand complet. Les elements qui vont com-
poser le nouveau Mpungu sont etendus sur une natte; ce
sont : le sac fait de fibres d’ananas, un petit tas de char-
bon de hois, de la terre blanche, des pattes de poulets, un
oeul' de perdrix, quelques arachides, quelques grains de
mat's, des tetes d’oiseaux : ngimbi, milan, fungu , grand
hibou des bois, nkuya-nkuya, grand oiseau casque,
(Lophoceros fasciatus), ngo-zulu, aigle; une corne de
chevre, des sabots de l’antilope nsombi (cephalophus
ingrifions) et de l'antilope des chefs Kimpiti] cinq coquil-
lages, trois petites bottes tressees de nkaka (Sporobulus
barbigerus Gram.), de menues branches de kikungu-
nteke (chactocarpus Africus Eupb.), des tiges de ndeka-
mbwa (paspalum indutum), Lunzila-nzila (Desmodium
Mauritianum Leg.); lundondo, ntnntu zi nsoni (imperata
cylindrica), et enfin des feuilles de Munsanga (Hvineno-
cardia Ulmoides). Telles sont les substances composant cet
amalgame complique. Dans certains villages, le Mpungu
n’en contient pas autant. Le maitre met tous ces ingre-
dients dans le sac, y joint des materiaux tires de son pro-
pre Mpungu et arrose le tout de vin de palme. Apres s’etre
lie le pagne entre les jambes, il court dans les quatre
directions jusqu aux extremites de la place publique; il y
prend un peu de terre et la repand sur le nouveau
Mpungu. A ce moment tous les assistants chantent en
battant la mesure avec la main droite sur le poing
gauche :
E Mpungu ba ndoka tembi di mbeti ee !

E Mpungu ba ndoka yunga yunga aa !

Eh Mpungu, ensorcelle nos ennemis, rend-les chancelants et


sans force !

Eh Mpungu, ensorcelle nos ennemis, qu’ils se fourvoient et


s’6garent !

RELIGION ET MAGIE

143

Le nganga accomplit encore quelques danses autour


du Mpungu, enfin il s’accroupit pour mettre le fetiche en
action par les paroles suivantes :

Ngeye Mpungu tukugende,

Tukele moko gana futu diaku,

Tusala, tukela.

Muna gata nkinda nkatu


Nhumbu gata : lembi-lembi,

Ka mubwa mambu ko.

Ka mundele Bula-matari kasa, nde :

Dina gata kilumbu fwa difwa,


Diana kudie nkombo-muntu, ngulu-muntu,

Buna yi kuma !

Nga, ana kasa, nde : nda lwenda,

Lukanga dina gata,

Mbundu woki;

Nzila ka bazaya yo kwandi,

Yo yi gata diodio;

Nda gubatwadila mu nzila gata dinkaka.

Gata muna ndimba, mvula muna londi !

Makumba mabwa !

Ki mona nganga kibwa !

0 toi, Mpungu, nous t’avons erige sur cette place,

Et nous etendons nos mains sur toi


Pour que nous demeurions stables.

II n’y avait pas de protecteur dans ce village.

Que des aujourd’hui il n’y ait plus de palabres


Car la paix est la gloire du village.

Si le Blanc de l’Etat le decide :

Ce village il mourra. certes,


Nous en mangerons toutes les richesses,

Alors c’est k toi d’intervenir.

Ou bien s’il dit a ses gens : « Allez,

Liez les hommes de ce village. »

Remplis son cceur de confusion.

Que ses soldats ne reconnaissent pas le chemin.

Celui de notre village,

Conduis-les sur la route d’un autre village.

144

ETUDES BAKONGO

Que notre village (reste en paix) dans sa valL6e,

Que l’ouragan (s’abatte) sur la montagne.

Que ces merveilles se r^alisent !

Ce que le nganga prevoit, que cela arrive !

Apres cela le nganga retire du Mpungu un peu de terre


blanche, et en marque l’arcade sourcilliere de tous les
assistants. II etend sur leurs fronts et leurs tempes de la
poudre de charbon de bois melee de vin de palme. II
demande trois petits paniers d’arachides, un regime de
bananes et un coq, puis il dit au chef : « Nous consacrons
( tumba ) ce coq, tue-le ou on l’a pris, mange-le avec ta
femme et tes petits-enfants. N’en cede rien a personne.
Maintenant apporte-moi quatre-vingt-dix pieces de cui-
vre ou autant de perles et je te donrie ton Nkisi. » Le
« nganga-mere » place alors successivement le nouveau
nkisi sur chacune de ses epaules, tandis que le chef a
genoux salue en battant des mains; enl'in il le lui remet,
lui faisant au depart les dernieres recommandations,
tabous qu’il faudra observer rigoureusment : « Defends
a ta femme privilegiee de descendre dans la riviere ou des
hommes se baignenl. Si elle le fait, qu’elle achete une
noix de kola et te paie ainsi le degat cause au Mpungu.
Qu’elle ne touche pas d’hommes maries, car elle est ta
femme privilegiee. Que dans sa maison n’entre aucun
homme qui ait mange des pousses de manioc. »

A la nouvelle lune, le chef donne des forces a son


Mpungu : il lui verse du vin de palme, lui mache soigneu-
sement une noix de kola et repete les formules employees
lors de l’inauguration et lui dit :

Gata diamo ntantu kesi ko,

Gata diamo nwata kamoni ko,

Bu kakana gata, gata mu zulu,

Mankondo mu zulu, nsusu mu zulu.

Bana ba mpungu mu zulu,


RELIGION ET MAGIE

145

Ngeve Lumpungu-mpungu, muntu ubuta mpungu nkama,


Gata di mpungu bota dibota,

Nkento mpungu kakumba, kabita,

Muna vita ba ntantu ka bavwe nkonso.

A mon village que l’6tranger ne vienne pas,

Mon village que l’ennemi ne le voie pas.

S’ il veut le dStruire, que le village soit au ciel (en dehors de


sa portee),

Que ces bananiers soient au ciel, les poules au ciel,

Les enfants de mpungu au ciel.

O Toi, Lumpungu-mpungu, homme qui a engendr6 cent


mpungu,

Que le village de mpungu soit prospdre,

Que la femme de mpungu soit c61ebre par sa progeniture,


Dans la lutte que les ennemis soient sans force.

Chaque matin il lui apporte une bouchee de noix de


kola macliee, qu’il lui craclie doucement sur le sommet
de la tete, en disant: dia kwaku, e mpungu, clia kwaku =
mange, o mpungu, mange.

Pour les grandes circonstances tous les habitants re^oi-


vent quelques raies du charbon sacre sur le front el les
tempos. Cela se fait notamment fi l’approche d’un Blanc
de l’Etat, quand le chef s’en va pour une palabre impor-
lante, ou lorsqu’un habitant tombe gravement malade.
Dans beaucoup de villages, on adresse au Mpungu des
invocations solennelles et on lui donne des forces au debut
des grandes chasses, avant de mettre le feu a la brousse.
Tous les chasseurs arrivent alors avec leur fusil et pre-
sented le front pour recevoir quelques lignes de charbon
de bois et d’argile blanche; c’est le gage d’une bonne
chasse.

Le Mpungu : Nkinda gata, au dire de mes informateurs,


est anime par l’esprit du fondateur du village. Les ele-
ments qui le composent sont les memes que pour les
autres fetiches; pourtant l’installation se fait par un temps

10

Pnln .^ SlBLIOTHtQUE

ETUDES BAKOMGO

140

clair en plein jour et, nous l’avons dit, sans frotter du


sang frais sur le nkisi, traits qui rappellent tout a fait le
culte des ancetres. Le nganga-Mpungu ou maitre du
Mpungu est le chef, successeur de l’ancetre honore dans
le Mpungu; les demandes sont les meraes que dans la
religion des ancetres : la protection du village et des habi-
tants, la paix et la tranquillite de tous. Neanmoins ce qui
se fait a la nouvelle lune et tous les autres rites sont de
nature purement fetichiste. On dirait qu’ici fetichisme et
culte des ancetres se recouvrent parfaitement. Si de plus,
le nom de Mpungu etait emprunte a l’Etre supreme,
Nzambi, comme il semble bien, nous serions en presence
d’un cas singulierement significatif de syncretisme reli-
gieux.

Les bana ba Mpungu, ou enfants de Mpungu sont en


rapport avec le nkisi que nous venons de decrire, le
Mpungu mayala. Le meme esprit, d’apres plusieurs de
mes informateurs un nkulu, anime Mpungu mayala et
tous les « enfants de Mpungu » que nous allons passer
rapidement en revue.

Mpungu mafula. — Le nom complet serait : Mpungu


mafula, mafula makakamene; le Mpungu des chemins,
les chemins sont barres. II tient en quelques petites bottes
d’herbes nsoni et autres, placees aux abords du village et
barre la route aux ennemis et aux sorciers qui veulent y
penetrer. Quant a la femme qui le touche, elle est frappee
de sterilite.

Mpungu nzieta, le Mpungu qui donne le vertige, est


constitue par quelques tiges d’herbes de differentes espe-
ces. Son role est de faire pirouetter tout ennemi comme
une toupie.

Mpungu sokula, le briseur de dents, Mpungu basa,


« celui qui pourfend l’ennemi » sont fabriques de la
meme fagon. Ils pendent aux parois de la liutte a cote ou
au-dessus de la porte.

RELIGION ET MAGIE

147

Mpungu ntete. — Celui-ci est plus complique. Void


ses principaux ingredients : de la terre blanche, de la terre
prise aux trois principaux carrefours du village, de la
terre travaillee par des scarabees et prise a neuf endroits
differents du village, trois scarabees, des morceaux de
trois fleurs males de palmiers; le tout melange, reduil en
poudre, arrose de vin de palme et verse dans une corbeille
(ntete) solidement tressee. Autour de cette petite corbeille
on tresse neuf petites touffes d’herbes nsoni (imperata
cylindrica) et de masunga, qui rendent le nkisi attentif
a sa lache (sungimina) , enfin au milieu il y 1‘aut encore
mettre un coquillage. Dans certaines regions, cela ne
suffira pas, et on ajoutera les elements qui entrent dans
les nkisi ordinaires : plumes de poules, petite corue d’anti-
lope, etc. L’installation est presque identique a celle du
Mpungu mayala, on n’exige pas cependant la presence de
tous les habitants du village. Dans la formule d’invoca-
tion le nganga ajoute entre a litres, ce qui suit :

Ngo bamona mu lutambi;

Nkaka bamona mu kikokila,

Nkosi nkumba,

Ngo matona,
Si ngeye, mpungu-ntete !

Yuna kunketanga muna gata,

Kakadi mwana nkento, kakadi mwana yakala,

Kakangama muna mpungu.

On reconnait le leopard aux empreintes de ses griffes,

On reconnait le pangolin k la trace de sa queue.

Le lion provoque notre admiration,

Le leopard a la peau tachet6e,

Toi, tu es le Mpungu-ntete...

Celui qui me hait ou me veut du mat dans ce village.


Qu’il soit homme ou qu’il soit femme,

Qu’il soit ligot6 par toi, Mpungu.

En disant cela, le nganga attache encore au Mpungu


quelques herbes liees ensemble, crache sur lui une noix

148

ETUDES BAKONGO

de kola, prealablement machee, la ficelle au moyen de la


liane kisakainbwa koko ( Modecca Lobata, Passch.). Puis
le feticheur retrousse son pagne et, lout en dansant, va
ramasser de la terre dans les different s carrefours du vil-
lage et en asperge Ie Mpungu, tandis qu’il crie aux assis-
tants : a Di kimfumu P Qui a le pouvoir dans celte
affaire ? » Et eux de repondre : « Di nganga. C’est le mai-
tre. » Les aides jouent du tambour; le nganga prend des
feuilles de lemba-lemba, les depose sur le Mpungu et l’at-
tache enfin a la paroi de la hutte.

Le Mpungu ntete est installe, et tout coniine il est lui-


meme ligote, il ligotera dans son panier on ntete l’ennemi
et le sorcier.

Uu tabou connnun a tous les Mpungu et qui oblige tous


les habitants du village est le suivant : les poux seront
jetes non a terre mais au feu !

11 est encore d’autres nkisi qui ressemblent assez bien


aux Mpungu. Ainsi, par exemple, le Mwilu, poterie
pleine de charbon de bois inele de terre, avec, au sommet,
de minces bottes de nsoni tressees autour du col. Tous les
jours le nganga lui crache de la noix de kola. Ce nkisi
attache entre trois pieux doit proteger la hutte ou le
hameau contre les ndoki. Mpemba nzadi est un autre
nkisi du meme genre. Son nom signifie : argile blanche
tiree du fleuve. Son titre honorifique est Kilembo, le paci-
ficaleur. 11 consiste en un pot rempli d’argile blanche,
plus deux batons reunis par des tiges de nsoni el au
moyen desquels le tout est suspendu a un pied. A son
installation les habitants du hameau lui chantent :

E kilembo ki Mpemba nzadi e,

E nza tuniungina e e !
0 pacificateur, Mpemba nzadi,

Oh, viens, nous t’accueillons avec joie I

Le nganga n’immole pas de poule mais fait sur le nkisi


une libation de vin de palme, puis il fait gouter a tous les

RELIGION ET MAGIE

H9

habitants, et iueme anx petits enlants, un melange de vin


de palme et de terre glaise. Ensuite, prenant un peu de
cette argile blanche dont se compose le fetiche, il dessine
une raie sur lc front, les coudes, les genoux, la poitrine
et les sourcils de chaque assistant. Des qu’ils ont ete mar-
ques, tous se frottent un pen de salive sur la poitrine;
grace a cela la paix ontre dans leur coeur. Le chef du
hameau on le proprietaire de la hutte devra s’abstenir de
manger des pousses de manioc, legume indigene habi-
tuel, et du pain de manioc fraichement prepare. Au sur-
plus, il ne hrulera pas de noix de palme dans sa hutte.

Fetiches divers.

Kiwoho on Kiwo. — Ce nom est porte par un couple de


nkisi. Lc nkisi masculin est enferme dans un petit sac
ferine par un anneau, le fetiche feminin dans une statue,
la seule, a ma connaissance, qui porte comme chevelure
une tresse de cheveux humains. Leur nitre est : Kinsiku-
nsiku, celui qui donne le lioquet. Parmi les ingredients
qui composent le nkisi se trouvent entre autres des tetes
de serpents. Ces fetiches servent a ecarter les malefices
et a guerir les insomnies causees par les mauvais sorts.
Pour traiter un malade le nganga tue une poule, repand
le sang sur le nkisi, en frolic la bouche, la poitrine du
patient, et ses propres levres. 11 tue ensuite un crapaud,
lui enleve le coeur et le met dans la bouche du malade qui
doit l’avaler. Le resultat en est un violent hoquet. Le rcste
du crapaud est enterre au pied d un bananier. Le nganga
imite ainsi une pratique pretcndue magique. Serions-nous
en presence d un cas d’homeopathie ? Voici comment il
s’exprime :

E kinsiku-risiku mpangi ufwa,

Nsangu batuma, nda leka,

E nzembo, mono yaya,

Ka kutuka ngonda, mvula inoka,

E nzembo, mono yaya, nda leka.

150

ETUDES BAKONGO

0 Kinsiku-nsiku, notre frere meurt;

La nouvelle est arrivee, va dormir,

0 cher Nzembo,
La lune ne parait pas, la pluie tombe,

0 cher Nzembo, va dormir.

Quand le nganga excite le nkisi contre les ndoki, il


s’adresse a lui de la maniere suivante :

E Mbwetete, nsengele mbele nga milanda,

Ntoto mvumbi, longa di mvumbi.

Ki kanini mpati, ki kanini nganga,

Ngudi ufwa, inwana uyenda ku longo,

E rnaka mala mbulu mbulu nkumata bantu,

Landa konso kakwenda.

0 etoiles, de vieux couteaux vous suivent (la region est pleine


de palabres),

Le sol est aux cadavres, toute notre vaisselle passe dans les
sepultures (on ne fait rien d’autre qu’enterrer des cadavres)
Cependant ce que vput le possesseur du nkisi, ce que veut le
nganga,

C’est que la ou la mere est morte, son enfant reste et se marie,


(pour perpetuer la race).

Comme le soldut lie les hommes en une troupe, ainsi les entraine
le sorcier,

Poursuis le sorcier, partout oil il va...

Et le leticheur imposera le tabou suivant : interdiction


d’introduire de la viande fraiche et de bruler du bois bin-
sani ou minsancja la oil sejourne Kiwo ou son patient.

Kimana. — Ce nom signifie destructeur, exterminateur.


Ordinairement le sens est complete comme suit : kimene
nkombo, kimene ngulu : qui detruil les chevres et les
cochons. Ici encore nous avons a faire a un couple de
nkisi; le male s’incarne dans une statue, le fetiche femelle
dans une corne d’antilope. Ils sont invoques conjointe-
ment ou separement contre les voleurs qui out emporte
du petit betail. A l'installation, de meme que chaque fois

RELIGION ET MAGIE

151

qu’on en fait usage, le sacrifice d une poule est exige.


Moyennant cette offrande le nkisi envoie des coliques au
voleur; le proprietaire ne peut plus toucher de la viande
de pore ou de chevre; quant au voleur il doit meme les
bannir de sa butte. Ces deux nkisi, faut-il le dire, rendent
de reels services contre les malfaiteurs.

* *

Lubwadi. — Ce nkisi est « incarne » dans une grande


statue humaine. Les indigenes recourent a lui dans les
maladies dont la nature reste cachee et qui proviennent
certainement de Taction d’un ndoki. Le nganga extrait
un peu des ingredients composant le nkisi et les repand
sur une planche. 11 y ajoute un petit paquet de feuilles de
lemba-lemba ( Brillantaisia alata ) enveloppe dans un linge,
appele bonso; un second paquet du meme genre rempli
de morceaux de bananiers pourris se joint au premier,
ainsi qu’un troisieme con tenant des feuilles de ladi
(Eichornia natans). Le tout est assaisonne de sel, de pou-
dre et de mitraille, puis arrose d’eau et de vin de palme.
Ensuite le nganga depose son couteau sur la planche,
excite le nkisi de la fafon ordinaire, lui fait « boire le sang
d une poule » et le patient avale le melange prepare. Trois
fois le nganga lui touche de son couteau la poitrine, la
nuque et les tempes comme pour les transpercer en criant
a pleine voix : « wu nlongo, taka, ka nzo ko, kigagala,
e’est-a-dire, ceci est un remede de nkisi, sors done, ce
n’est pas la une demeure, ce n’est qu'une hutte en ruine. »

Le nganga opere de la meme fagon avec d’autres nkisi.

Nkutu kibasa. — Ce nom signifie : un petit sac qui


fend. Le nkisi se fixe dans un sac ou une statue; celle-ci
porte un creux au dos qui permet d’y inserer les ingre-
dients : de la glaise rouge, de la semence de bwalu-mbaka
(Tephrosia Vogelii Legum ) qui sert a empoisonner les
etangs pour tuer les poissons, du poivre, des feuilles de

152

ETUDES BAKONGO

mantata ( Pseudarthria Hookerii L.), de lundondo et do


lunzila-nzila. L’ouverture est fermee au moyen d’argile
blanche melee de sel et de vin de palme, le tout etant
recouvert d’un morceau de peau de mbongi ou chat sau-
vage. A chaque utilisation du fetiche ainsi qu’a son instal-
lation, on l’abreuve de sang de poule et on le nourrit de
noix de kola. II ecarte les sortileges et gueril radicalement
les maux de gorge, a condition que le malade porte autour
du cou un petit sac contenant les extraits d’ingredients
du nkisi.

Mbwa yamba ou grand chien, est incorpore a la statue


d’un chien. 11 est emprunte aux Bayaka, les raies rouges
et blanches qui zebrent la statue, trahissent de suite cette
origine. Elle porte sous le ventre une cavite dans laquelle
on met de la glaise rouge et blanche, de la poudre de noix
de kola et des teles de serpent. A chaque ceremonie le
fetiche repoit une libation de sang de poule ou de clievre.
Son pouvoir s’exerce contre les sorciers, les voleurs et les
ennemis, qu’il couvre de plaies sur tout le corps et dont
il dechire les entrailles. Aussi s^rt-il de remede specifique
aux plaies et aux maladies internes.

Nkisi mvula, le nkisi de la pluie. Dans un petit sac des-


tine a etre suspendu, l’on introduit des boules de terre
blanche, jaune, rouge et brune, de la poudre, des feuilles
de tabac seehes, enfin un panache de plumes de coq qui
depassant, donne au fetiche sa forme caracteristique. Ce
nkisi arrete ou attire la pluie. Dans le premier cas, le sac
est place sur une natte au milieu du village, le nganga
allume une pipe, en lance la fumee sur le nkisi, fait explo-
ser de la poudre autour du fetiche et danse en chantant :
« Moi, ton maitre, ikukandikila, je vous en empeche. »
Mais durant les jours oil il ne vent pas de pluie le nganga
ne pourra ni se baigner, ni meme approcher d’une
riviere.

Si pendant ces jours un arc-en-ciel apparait au firma-


ment, le nganga se dessine sur la poitrine trois lignes
RELIGION ET MAGIE

1 53

paralleles, une de terre rouge, l’autre de terre jaune et la


troisieme de terre brune, puis les yeux leves vers le ciel
il excite le nkisi. Et quand il verra 1'ondre les couleurs de
l’arc-en-ciel, il elfacera les lignes une a une.

Si au contraire, le nganga veut faire pleuvoir, il ariose


le nkisi de vin de palme et lui commande d’envoyer la
pluie. Il doit en outre se baigner au moins une fois par
jour. Les nganga qui a actionnent » ce nkisi connaissent
naturellement les signes de pluie et de beau temps et ne
s’adressent a leur nkisi que quand il y a chance de succes !

A gundu. — Ce nom vient peut-etre de wunda, wun-


dula, recevoir ou fournir de la nourriture. 11 y a, m’a-t-on
dit, deux nkisi qui portent ce nom. Pour ma part je n en
ai jamais vu qu’un. 11 est enferme dans une corbeille
ornee de perles rouges el bleues et piquee fa et la des
grandes plumes de la poule immolee lors de l’inaugura-
tion. La corbeille contient un sac renfermant de la glaise
blanche, rouge et jaune, de la poudre de nkula, de la
semence de nsenga ( musanga Smithi ,), enfin la tele et
les pattes de la poule qui a servi a l’immolation.

Le Ngundu est un esprit nkita. Son nkisi guerit la


fievre, les battements de coeur et les maladies nerveuses
appelees yembo di nkita Ngundu. Quand un homme est
atteint de ce mal, on fait venir le maitre du Ngundu; il
ordonne de coucher le malade au soleil et place le nkisi a
cote de lui sur du sable lraichement extrait de la riviere.
Tandis qu’il excite le nkisi, tous les habitants du village
doivent danser, se balancer et agiter des branches vertes
en chantant :

E mono kilele koe,

Ileka mama, keti bwe ileka ?

Ka mono bagangila yembo di nkita Ngundu.

Oh ! moi je n’ai pas dormi,

Comment dormirais-je, ma mere ?

Ne m’ont-ils pas caus6 la maladie du nkita Ngundu ?

154

ETUDES BAKONGO

Le riganga prend un peu de poudre hors du nkisi, en


remplit une petite corne d’antilope a I’ouverture de
laquelle il pique deux plumes de la queue d’oiseaux appe-
les : nkuka ( turacus persa) et lumbwa lu mpumbu. 11 lie
cette corne fetiche a sa propre ehevelure, asperge le
malade au visage avec du jus de minkeni ( Ammonurn
citratum ) et lui prescrit le regime suivant : ne plus man-
ger de viande de pore, ni de venaison, ni de termites, ni
d’anguilles ( ngola ) fraiches.

Lembi di zulu. — Ce nkisi est suspendu aux parois de


la hutte; son nom signifie pacificateur. Lembi est le nom
d’nn esprit nkita. Ses elements principaux sont des noix
de palme et de la poudre de nkula enveloppees dans un
linge entre des gaines de fleur de palmier.

II procure la paix a son proprietaire et le rend invulne-


rable. Son inauguration amene cet usage singulier; on
coupe un doigt de la patte d’un jeune coq et on frotte le
nkisi du sang qui coule de la blessure. Le coq ne peut plus
etre touche par un rnembre de la famille du proprietaire,
ni etre mange dans le village; il peut etre vendu mais
dans ce cas il doit etre remplace par un autre qui aura le
meme sort. Le proprietaire est tenu de porter un bracelet
d’herbes nsoni ( Iniperata cylindrica Gr.). Chaque mois a
l’apparition de la nouvelle lime en pleine nuit, il devra
macher une noix de kola et la cracher sur le nkisi.

Balensa. — Ce nom vient de lensa, devorer. « 11 devore


les voleurs et les sorciers ». Compose de terre rouge et
blanche, de tetes de serpents, de griffes d’animaux, etc.,
empaquete dans un petit sac, il sect a ensorceler les ndoki
et les voleurs; chaque fois qu’on le traite il faudra l’abreu-
ver de sang.

Kitambwa, est un fetiche tres semblable au precedent,


sauf que, dans ses elements, il y entre de la poudre et du
charbon de bois. Il saisit le voleur ou le sorcier et le jette

RELIGION ET MAGIE

155
dans le feu. Cependant Kitambwa peut lui-meme guerir
les brhlures du voleur a condition que celui-ci se I'asse
« traiter » et restitue ce qu it a vole.

Maluruja. — Le nom complet est : Malunga rnafula


nsengo, rnafula nkuku Lwango, le « parfait qui forge la
lioue, qui forge aussi l’enclume de Lwango ». Ce nkisi se
compose d une peau d’antilope qui renferme un champi-
gnon, appele lutondo, des feuilles de mantata, toutes
especes de racines tordues, des semences de courge, de
l argile blanche, et tout un assortiment de vieux couteaux
et de pointes de fer. 11 serl a faire prosperer la forge.

Nladi signifie, celui qui disparait. Le mot vient du


verbe lala : disparaitre. Le nkisi habite une calebasse qui
contient de la poudre de kola, de la glaise jaune, une noix
de kola et du sel; autour du sel se trouvent neuf petits
noeuds de masunga ou d’herbes nsoni, le goulot lui-meme
est bouche an moyen d’une queue de porc-epic et d’une
peau du rat, mvindu. Le porc-epic, en effet, disparait de
suite dans un trou, quand il est poursuivi et le rat mvindu,
ne mange que de nuit et se cache le jour.

Les Noirs ont frequemment recours a ce nkisi et pour


trois fois neuf perles le nganga le prete a celui qui a perdu
un objet. Celui-ci emmene le nkisi a l’endroit ou l’objet
a disparu, qu’il ait ete vole ou emporte par une bete, soit
en plein champ, soit dans une maison, soit sur le chemin;
et il ensorcelle le voleur comme suit :

Yonso yibidi
Ngeye nkisi umwene,

Yonso ndala uladisa yani,

Quel que soit celui qui a vol6 l’objet


Toi, nkisi tu l’as vu;

De n’importe quelle manure, fais-le disparaitre !

Apres rensorcellement le proprietaire vole pend des


feuilles de minkeni ( Costus phyllocephalus) a l’endroit
oil 1’objet a disparu.

156

ETUDES BAKONGO

Lufwadikisi. Le nom derive dn verbe fwadikisa et


signifie « qui epuise les forces ». Ce fetiche consiste en
un panier contenant deux petits pots remplis d’argile
blanche, de perles bleues et rouges, des nageoires et des
tetes de quatre anguilles ngola ( clarias ).

Quand les polygames out parmi leurs femmes et leurs


enfants des cas de morts frequents, et qu’ils consultent le
devin nganga Ngombo sur les causes de ces deces et les
remedes a employer, celui-ci repond infailliblement :
« Luyabisa Lufwadikisi, faites sortir le Lufwadikisi de
l’etang ».

Le maitre du Lufwadikisi , le polygame avec ses femmes


et leurs parents se dil igent alors vers un etang. Le nganga
par deux fois fait eelater de la poudre, repand un pen de
la poussiere du nkisi dans l’eau, puis commande an poly-
game et a ses femmes de vider une partie de 1’etang, au
prealable separe par une digue. Entretemps, il chante
avec ses aides :

E ma kiza nkwa yabi nkenda,

Ntangu lembidi ee !

Keti nki gata ikuma vwela ?

Ntangu lembidi ee !

0 etang, ma mere, oil se peche la cause,

Void que la chaleur se tempere !

Dans quel village irai-je done construire la hutte de mon nkisi ?

(Sur qui done devrai-je exercer mon fetiche ?)

Voici que la chaleur se tempere !

Quand l’cau est presque completement puisee, les


pecheurs doivent prendre dans la vase une anguille ngola.
Le nganga est attentif a tous leurs mouvements car celui
qui le premier trouve l’anguille est responsable de la
mortalite et il devra faire expiation. La ngola trouvee, le
nganga lui enleve une nageoire et en frotte 1’homme et

RELIGION ET MAG1E

157
les femmes uu front et a la poitrine. La nageoire est ajou-
tee au nkisi et l’anguille est rejetee dans l'etang. Rentres
au village, le nganga tracera avec de l’argile blanche nne
ligne au-dessus des yeux des femmes, et leur fera les
recommandations suivantes : elles devront s’abstenir de
trois sortes d’animaux rongeurs, a savoir du kimbwa, du
nkumbi et du nsunsi ; elles ne peuvent plus ni toucher, ni
enjamber aucune ratiere.

Les femmes paient comme honoraires une fleclie, line


aiguille et un couteau. L’homme, s’il est coupalde, paie
aux femmes trois chevies, au nganga trois fois
quatre-vingt-dix perles et en plus trois jeunes poulets.
Le nganga en rendra un aux femmes qui, lorsqu’il aura
grandi, le mangeront en compagnie du mari.

Yarnba est forme dun sac con tenant un fond de char-


bon de bois et un petit panier ( nyende ) fixe dans de l’ar-
gilc blanche et rouge, rempli de semences de l’arbre
nsenga ( Musanga Smithii Artoc) et recouvert d’une poi-
gnee de feuilles. 11 est employe contre le ndoki. Le
patient, qui souffre d’une faiblesse generale causee par
celui-ci doit s’abstenir de poissons nkamba et des chenilles
qui s’attaquent aux arbres mbota ( Miletia Deweivrei, L.).

Nkutu ntetukila signifie petit sac qui s’ouvre ou fait


eclore. II comprend les matieres suivantes collees sur une
assiette dans un melange de glaise blanche et de vin de
palme : des epis d’herbes nsoki seches et reduits en pou-
dre, des fourmis mjwila, des gousses de feves mankundi,
dont les poils piquent plus fort que des orties ( Mucuna
pruriens L.) , de l’herbe appelee nlombo, du poivre, des
chenilles nsiangi velues.

On recourt a lui pour guerir les demangeaisons. Le


patient est etendu au soleil sur une natte et le nganga lui
masse le corps avec un melange de poudre du nkisi et de
vin de palme, en disant : <c toi Nkutu ntetukila , tu t’es

158

ETUDES BAKONGO

empare de cet homme; lache-le, qu’il dorme toute la nuit


et ne s’eveille qu’en plein jour. » Ensuite, il prend line
poule, la jette en l’air pour symboliser le depart de la
maladie ( vumuka ) mais elle n’est pas immolee.

Le patient doit rester etendu en pleine chaleur jusqu’au


coucher du soleil et observer les tabous suivants : ne
manger ni pousses de manioc, ni poivre, ni rats et n’em-
ployer coniine bois de chauffage, aucune espece de bran-
ches aux feuilles velues.

Ndunsa. — Le nom signifie entre autres une maladie


d’enfants qui va de pair avec 1’enterite. Son titre honori-
1‘ique est Ya Nkanka : confusion. Ce nkisi se compose
d une assiette en bois remplie d’un melange d’argile blan-
che, de poivre, de sel, de poudre de lundondo et de feuil-
les de lunzila-nzila.

lei non plus il n’y a pas de kimenga. Si le nganga doit


soigner un enfant malade, il dessine une croix sur le sol,
y depose le nkisi, mele une partie des ingredients du nkisi
a du vin de palme et fait boire le melange a l’enfant, tout
en chantant :

I ngeye Ndunsa kivumu,


Nda wenda muna kivumu ki mwana muntu,

Kola minsakala,

Kola mimbansi,

Ga gendele ngolo, sa ngolo,

Ga gendele nkonso, sa nkonso.

Regarde, Ndunsa, dans son ventre


Va done dans le ventre de cet enfant,

Arrache ce qui le pique,

Arrache ce qui le fait gonfler,

Oil il manque des forces, donne des forces,

Ou il manque de la vigueur, donne de la vigueur.

RELIGION ET MAGIE

159

Ensuite il danse quelques instants et chante :

E ya nkank’e,

Bakutumini ngasi e,
Nda sokuna nsende ee.

Eh cher Nkanka,

On t’a prescrit de cueillir une noix de palme,

Va, enleve-lui ses piquants.

Les tabous imposes sont : l’enfant ne peut manger ni


manioc crn, ni pain de manioc frais, ni ananas, ni fruits
de magoki. — Le magoki est le nom generique d’une
quantite de fruits de plantes rampantes et de lianes.

Kodi di matamba ou ecaille de Matamba. L’ecaille com-


prend un melange d’argile blanche et rouge, d’arachides,
de poudre, de bois de kimwingu ( Bridelia Euph.) et des
feuilles de kigeti ( Hymenocavdia acida, Euph.). Ce nkisi
n’exige pas de kimenga; il est le remede specifique contre
les maux de dents appeles bangala ou bangulungu. Le
nganga ecrase des arachides en fine poudre qu’il mele
avec les ingredients du nkisi. Le patient doit se frotter la
gencive avec cette pommade, et s’il fume la pipe, il en
enduira le tuyau. Durant ce temps, on fait bouillir un
grand bidon d’eau contenant des feuilles de kimwingu et
de kigeti. Le patient s’agenouille, met la lete au-dessus de
l’eau bouillante et respire la vapeur; un linge est etendu
par-dessus sa tete pour retenir la chaleur et la vapeur. On
lui donne ensuite deux excellentes prescriptions: ne fumer
qu’a sa propre pipe et ne pas la passer a d’autres; ne
jamais manger avec un autre au meme plat.

Mafudi. — Le nom signifie : qui rend sain et entier ce


qui est en morceaux. Ce nkisi est contenu dans un pelit
sac avec de la terre glaise blanche et noire, des pattes de
poule, des tetes d’oiseaux et de serpents. Ici encore pas de
loka ni de kimenga. Si quelqu’un s’est casse on demis le
160

ETUDES BAKONGO

bras ou la jambe, le nganga saupoudre avec de la pous-


siere du nkisi quelques laltes de palmier, easse une patte
a un poulet, lie les lattes autour de la jambe ou du bras
malade, lie de meme quelques petiles lattes de palmier
autour de la patte cassee du poulet et les laisse tous deux
etendus dans la meme hutte. Les deux seront gueris en
meme temps. Nsusu go yadidi zietuka, muntu mpi yadidi
sunguta : quand le poulet commencera a marcher en boi-
tant, l’homme pourra aussi faire quelques pas. Le patient
doit se priver de toute viande.

Nsusa kikento. — Le nom sign die excrement de fem-


mes; rien ne gene le nganga! Contenu dans un sac ou se
trouvent les ingredients habituels et en plus ce que le
nom signifie, il sert a la bonne reussite du betail et de la
basse-cour et aussi a faire grossir les personnes maigres.
L’eleveur ou le patient doivent porter un bracelet de fibres
d’ananas qui a passe dans les elements du nkisi; pour
1’obtenir il devra payer : trois fois neuf perles et une piece
de cinq francs. Il ne pourra plus manger de sauterelles ou
de graines de courge, ni prendre de nourriture debout ou
en se servant des deux mains.

Les nkisi des Bankanu.

Les Bankanu sont les plus orientaux de nos Bakongo.


Habitant sur la frontiere meridionale de la colonie, entre
la Lwidi et le Kwango, cette population est encore pen
penetree par l’idee chretienne. La plupart des fetiches
repandus ailleurs y sont connus, mais ils ont un nkisi en
propre, le A 'iangi, et utilisent avec grande assiduite deux
nkisi, moins employes ailleurs, le Ngimbi et le Pindi.

Le Niangi distingue leurs villages de ceux des voisins.


Il se trouve, en effet, & l’entree et a la sortie du village, a
cote du chemin principal. Il consiste en un double tronc
d’arbre, l’un un Kigeti , l’autre un Mbota, d’un metre de
haut, et dont le sommet, grossierement taille, figure une

RELIGION ET MAGIE

161

tete humaine. Des herbes tressees et des feuilles de


Mabunda-bunda entourent l’extremite. Les bases sont
barbouillees de blanc, rouge et noir. Au milieu du village
un pieu pared soutient un vase, contenant de la terre
blanche et des feuilles d’epiphvte du Gusu, disposees
autour d’une pointe de fer.

Ce nkisi est un nkisi Nkita, qui procure la chance a la


cbasse. Quelqu’un qui n’est pas initie au Kimpasi, Fwa
nkita, ne peut le regarder de pres ni le toucher, s’il ne
veut devenir aveugle. Le sang de tout gibier abattu, est
frotte sur les diverses parties du nkisi; avant et apres les
chasses le chef crache de la noix de kola sur le nkisi
central.

II s’agit ici d’un nkisi, qui se rapproche du culte des


ancetres.

Le Ngimbi est incorpore a deux grandes statues, l’une


male, l’autre femelle. 11 est originaire, dit-on, de la rive
droite de la Nsele, du Fungunu. On l’appelle au secours
a 1’ occasion d une maladie appelee Lubwaku ou Kiungu
et qui ressemble au beri-beri, quand le devin a prononce :
« Votre malade a ete atteint par Ngimbi. » Le traitement
dure neuf jours; outre le malade, une dizaine de person-
nes de sa procbe parente doivent entrer dans l’enclos con-
struit ad hoc, et y participer a tous les rites. Un des prin-
cipaux est la danse, qui se poursuit des nuits entieres avec
des chansons et des obscenites indescriptibles, et cela
entre proches parents. D’autre part, Facte sexuel est seve-
rement interdit; s’il est cominis, nkisi fwidi, le nkisi est
mort, et doit etre ressuscite par le nganga. Pour le reste,
regime alimentaire, assez austere, avec de nombreuses
defenses. Une terminologie speciale est de rigueur pour
certains objets.

tiya : feu aevient nlemo,


nguba : arachides, binsungi,
mbele : couteau, lukengo,
nkusn : l’enclos, kimbu mpangu.

162

ETUDES BAKONGO

La veille du jour de sortie, ils dansent du soir au matin,


jusqu’a l’ivresse complete — tuntuka batuntulca\ avant le
lever du jour, un bouc est tue, le sang est frotte sur le
nkisi; la viande preparee et avalee par tons les inities. 11s
sont barioles de vases, a l’aide des ingredients du ngimbi,
et reQoivent chacun en partage un sachet du nkisi. 11s
changent de nom et s’appellent dorenavant : Malela, Ta
ngimbi, Ngangula, Dontoni, Mamasa, etc.

Le Pindi, contenu dans tine calebasse avec de nombreux


ingredients est employe pour enrayer la mortality infan-
tile. Le mari et la femme dont les enfants se meurent,
doivent se soumettre a son traitement. Celui-ci comporte,
outre des obscenites encore plus degoulantes (pie cellos
du Ngimbi, la confession publique de la part du mari et
de la femme de tous les adulteres qu’ils auraient commis
depuis leur jeunesse. Cette confession se fait apres un
repas commun, oil tous deux mangent une poule, sans en
briser un seul os — ces os seront portes par l’enfant, qui
doit naitre, quand il pourra marcher — ensuite ils avalent
en vitesse de gros morceaux de pain de manioc. La con-
fession se fait pendant que la femme pile des pierres dans
un mortier; a chaque nom de complice elle ajoute une
pierre dans le mortier. Si dans la suite le mari ou la
femme commettent un adultere, il n’y a pas d’autre
moven de sauver l’enfant, que de l'aire avaler au complice
une mixture des ingredients de Pindi avec des excrements
de chevre.

V raiment Pindi constitue un exemplaire type de nkisi,


c’est-a-dire d un curieux melange de bizarreries et d’im-
moralites avec une trace a peine de sens moral.

Les Nganga ou feticheurs.

Ce nom signifie etymologiquement : faiseur. Habit uel-


lement il est accole a un autre nom, qui signifie la fonc-
tion. Spontanement, semble-t-il, les indigenes ont donne
RELIGION ET MAGIE

163

aux pieties catholiques T appellation de Nganga Nzambi.


11s connaissaient beaucoup d’autres nganga :

Nganga bakulu : l’ancien qni garde la corbeille des


ancetres et est le ministre de leur culte.

Nganga nkisi : terme general, habituellement specifie


par le nom du nkisi, coniine dans :

Nganga ngombo : le deviri.

Nganga Ngimbi : le feticheur qui possede le Ngimbi.


Tout homme qui possede un nkisi peul etre appele nganga
de ce nkisi.

Nganga mvumbi ( mvuinbi : defunt non enterre) : est


le successeur du defunt et doit prendre soin de sa sepul-
ture.

Nganga mbwa ( mbwa : chien) : le proprietaire des


chiens ainenes an cimetiere et mon ti es aux ancetres avail!
la chasse ( bakela ku saku).

Nganga lulu : le forgeron. Le travail de la forge (lufu)


etait considere coniine line fonction speciale et entoure de
nkisi et de nombreux tabous.

Nganga buka : le guerisseur. Tout homme qui connait


les herbes remedes et traite les malades, sans intervention
de nkisi.

Parfois le mot nganga est employe ironiquement,


comme dans nganga nwa : braillard, nganga mpaka :
querelleur.

Mais il semble bien avoir le sens de faiseur expert.


Dans la locution ba mfumu ye ba nganga, tres couram-
ment employee, on oppose les chefs aux nganga, aux
experts en choses religieuses et magiques (Serait-ce une
premiere distinction entre la politique et la religion ?) E 11
fait, les chefs pouvaient autrefois etre nganga, nganga
nkisi ou nganga bakulu, feticheurs ou pretres des ance-
tres; mais pas les deux a la fois. A I'origine, comme je l’ai
montre dans la sociologie, le vrai chef, le mfumu mpu
etait toujours nganga bakulu, et jamais nganga nkisi.

164 ETUDES BAKONGO

Dans les documents historiques on voit des le debut les


nganga nkisi a l’ceuvre, et rien ne laisse supposer que le
fetichisme soit d’ introduction recente. Cependant il v a
une tradition contraire, qui affirme que les anciens
venant de Kongo n’ont pas apporte de nkisi, en dehors
de mpungu, et de mfumu kibaka ou Kongo.

D’apres une legende qui m’a ete rapportee par plusieurs


anciens, ces nkisi et quelques autres auraient ete donnes
par un certain Nzala Mpanda a un certain Mbumbulu, qui
est le premier des nganga celebres.

Voici la legende.
« Nzala Mpanda est venu du ciel. Nzambi mpungu I Vn
laissa tomber (unsotwele ) . II vint de Kongo a Mpangu et
a Luango. En ce village il fit beaucoup de prodiges. II prit
un pilon et le piqua en terre; le pilon se mit a croitre et
devint un mbota (Milletia Deweivrei). Le matin il plan la
un bananier, a midi le regime sortit; le soir il etait miir.
Il tressa un sac avec des fibres d’ananas et y mit du vin de
palme; il ne s’en ecoula pas une goutte. Il prit un autre
sac, et le remplit de terre; la terre devint du sel. 11 tra-
versa la riviere Ngul'u, et mit lepied sur un rocher ( = tadi
di nkwangila ); l’empreinte de son pied y resta. Avant de
mourir il donna a Mvumbi Mbumbulu des Nkisi tres puis-
sants. Apres son deces les gens lui faisant des funerailles,
mirent le cadavre ligote d’etoffes contre la paroi de la
hutte. Or voila qu’un mbambi (corne d’antilope fafonnee
en sifflet) se mit a siffler. Nzala Mpanda se dresse et res-
suscite. Mais bientot il meurt de nouveau. On prepare la
fosse et on l’y porte; quand on veut l’y deposer, il se dresse
et remonte au ciel. Quelque temps apres, les anciens du
village regardant le ciel, y voient comme un chemin puis
tout a coup l'un d’entre eux s’eleve et disparait les bras
etendus. Nzala Mpanda etait venu le prendre. C’etait a la
meme epoque qu il y eut une grande eclipse de soleil; ce

RELIGION ET MAGIE

165

ce jour la il fit clair et puis aussitot il fit nuit, et personnc


ue sortit de sa maison pour aller aux champs. »

Torrend (*) a recueilli une legende pareille chez les


Batonga. This Mpande is the Son of God. He lives in the
air, in the rainbow, lie once took up Monze, when still a
baby. He made him fly up and remain in the air. After-
wards he let him down. He fell with a sound like po, and
said : « I bring rain », etc.

Le P. Gasset a son tour a note une variante ( 2 ) de la


meme legende : <i Un Monze, dit-on, a ete transports au
ciel apres sa mort, laissant l’empreinte de ses pieds sur un
roc pres de la riviere Magoye. Mais cette empreinte n’est
pas visible a tous. L’esprit de ce Monze passa a un autre,
qui herita le pouvoir de faire pleuvoir. » Les deux legen-
des, celle des Bakongo et celle des Batonga out des traits
essentiels si semblables, qu'il est impossilile de ne pas
conclure a leur dependance d’une source commune ( 3 ).
L’une et l’autre attribue a certains nkisi une origine
celeste et met en avant des nganga surhumains. D’une
certaine fa^on on pourrait dire que cette legende n’est
qu’une expression romaneee de la pensee que m’ont expri-
mee beaucoup de vieillards interroges sur l’origine des
nkisi: « c’est Nzambi qui a donne les nkisi a nos anciens ».

Les nkisi, qu’une tradition assez universelle fait remon-


ter a l’origine de la race, sont Mpungu, que nous avons
decrit plus haut, et le nkisi Kongo, appele aussi Mfurnu
Kibaka. Ce dernier consiste en deux Nturribu zi Maba,

(!) A comparative Grammar of the South African Bantu languages ,

p. 288.

( 2 ) Le sorcier de la pluie chez les Batonga (Echo d'Afrique, octobre


1910, p. 150).

( 3 ) Notons en passant que cette legende s’ajoute a beaucoup de pro-


verbes et de pieces de folklore que les Batonga du Zambeze et les
Bakongo possedent en commun. C’est un argument contre ceux qui
pretendent que les Bakongo, pour gagner leur habitat actuel, seraient
venus du Nord.

160

ETUDES BAKONGO

c’est-&-dire deux parties larges i'ilamenteuses de branches


de palmiers, repliees sur elles-memes et liees ensemble,
puis fixees a la paroi de la butte (de la le nom de Mfuinu
Kibaka : seigneur de la paroi). Tous les jours, si possible,
le proprietaire crache sur Kongo une noix de kola mfichee,
el quand il boit du malafu, il lui en verse quelques gout-
tes, et marmotte : E Mfuinu Kongo, tusiama, tukela. « Oh,
Seigneur Kongo, que nous soyons forts, que nous soyons
prosperes. » Bien souvent les gens m’oid dit : « ce n’rsl
pas un nkisi, c’est Mfumu Kongo que nos anciens nous
ont laisse. » De fait il ne ressemble en rien aux nkisi com-
muns, avec leurs rites bizarres et excentriques. De meme
que le Mpungu il est ties pres du culte des ancetres, dont
la pratique est uniforme, simple et severement circon-
scrite par la coutume.

Dans le domaine des nkisi communs, touchant les rites


essentiels, il y a aussi une certaine tradition, suivie par les
nganga. Cependant, comme la pratique fetichiste ne con-
cerne pas la collect ivite comme telle, mais les individus
qui y recourent librement, les nganga jouissaient d une
large liberte; leur genie d’invention n'etait limite que par
la credulite et la moralite de la clientele. Comme ces deux
limites sont extremement elastiques, ils etaient fort a
l’aise et constamment tentes d’exploiter le gout du mer-
veilleux, de l’etrange, du non-vu, et disons-le, les plus
viles passions de leurs clients.

Il laut noter que chez nos Bakongo il n’y avait pas de


corporation de nganga nkisi, solidaires entre eux et lies
par des coutumes obligatoires, speciales a leur art. Meme
si autrefois la secte du Kimpasi constituait une espece
d’ecole de feticheurs, elle n’imposait a ses membres
aucune loi professionnelle.

En fait tout homme et meme toute femme pouvait et


peut encore devenir nganga, se faire initier ( bunda nkisi )
chez un maitre, ou inventer ( tombula ) un nkisi nouveau.

RELIGION ET MAGIE

167

S’il tente cet essai, le succes seul decidera de la vie du


nkisi nouveau.

La base psychologique de tout le « nkisiisme » actuel


est la crovance inveteree ei universelle a la kindoki,
corame cause de presque toutes les maladies, de presque
tous les deces, et de la plupart des adversites. Cette
croyance est la cause de la position centrale qu’occupe
dans le domaine des nkisi le devin, le nganga ngombo
et ses deux succedanes : le nganga mpiata et le nganga
manga. D’autre part, l’activite de celui-ci entretient et
renforce la croyance d’une fagon continue !
En fait line adversite quelconque a trois causes possi-
bles : mecontentement des ancetres, qui reclament des
honneurs funebres ( luziku ), attaque par des nkisi, qui
d une fafon ou d'une autre ont ete provoques par le
malade (portant atteinte aux biens d’un possesseur du
nkisi) et enfin la kindoki. Nous laissons de cote les chati-
ments de Nzambi, parce que son intervention est limitee
aux offenses prevues par la tradition. Le devin ne sort
jamais des trois causes enumerees, et il prononce sa sen-
tence en indiquant une ou deux, ou les trois a la fois,
selon le cas, ou mieux, selon son caprice; et la justesse de
son verdict est incontrolable. Presque jamais, il n’indique
la premiere cause seule. C’est habituellement la seconde
et la troisieme qu’il allegue. De la sorte il fournit de la
clientele a ses confreres, et enlretient la croyance, qui lui
en procure, mais en meme temps il nourrit dans les
coeurs des passions meurtrieres. Que de fois j’ai entendu
de vieux chefs, qui passaient la main devant la bouehe,
soufflaient et disaient : « Ngombo utumene. C’esl le
ngombo qui nous a lues ! »

Si le Gouverneinent, fidele a l’esprit de la Charte Colo-


niale, appliquait des sanctions severes aux pratiques du
devin, il supprimerait a bref delai l’obstacle le plus formi-
dable a l’ascension spirituelle des Noirs.

168

ETUDES UAKONGO

Considerations generates.
L’expose precedent doit etre joint a celui que nous
avons donne au point de vue sociologique, dans un pre-
mier volume d’ Etudes Bakongo; nous y avions deer it les
pratiques fetichistes qui accompagent le Mukongo depuis
sa naissance jusqu’a sa mort. Les deux exposes montrent
un fetichisme pullulant, intimement lie a la vie sociale
des Bakongo. Et cependant ce n’est pas lui, mais le culte
des ancetres qui est chez eux fondamental et central.

Quand un village tout entier se faisait chretien dans la


region de Kisantu, il n’y avait pas de grosse difficulty a
obtenir la destruction complete des nkisi. Mais c’etait une
affaire capitale, exigeant negociations et explications sans
fin, d’enterrer la corbeille des ancetres ! ki tuzingila, « ce
par quoi nous vivons ». Le nkisi est un accessoire; le
lukobi lu bakulu est l’essentiel. Quand Kibangu, reconnu
sauveur de son peuple, imposa la destruction de nkisi, il
fut obei non seulement par ses adherents conscients mais
par des populations entieres, qui n’avaienl aucun contact
direct avec lui et les siens. Et avant lui, lors du mouve-
ment Kyoka declenche dans le Nord de l’Angola vers 1872,
tous les fetiches furent brules ( yoka ) avec enthousiasme.
Mais ni Kibangu ni un autre meneur n’a jamais lance un
appel pour l’abandon du culte des ancetres. Au contraire
le mouvement Kibangiste s’appuva nettement sur le culte
des ancetres; leurs tombes furent nettoyes, les chemins
qui y menaient arranges, leur retour a la vie allait amener
l’age d’or. Ce double fait nous force a situer le culte des
manes bien plus profondement dans Fame religieuse
Bakongo que la pratique des nkisi de toutes especes.

D’autre part, si nous comparons le systeme religieux


des Bakongo du Mayombe (*) a celui des Bakongo de

(*) La sociiti secrete des Bakhimba au Mayombe, par L. Bitthemieux,


Bruxelles, 1936, pp. 131 et ss. Des autres peuplades Bakongo, nous
n’avons jusqu’ici aucune documentation stlre et un peu complfete; au
point de vue religieux, Bentley et Weeks sont insuffisants.

RELIGION ET MAGIE

169

l’lnkisi, nous voyons des differences enormes. Dans les


deux conceptions Nzambi occupe la rneme place, de Dieu
Createur tout puissant et Maitre absolu de toutes choses.
Au Mayombe le Manisme est tres estompe; a l'lnkisi il est
socialement predominant et psychologiquement central.
Quant aux fetiches, la conception actuelle des Bakongo
orientaux differe notablement de cellc du Mayombe.

« Voulus par Dieu, ecrit le P. Bittremieux, des etres


suprahumains gouvernent le monde a sa place; ce sont
principalement les nkisi, genies, fetiches... dans le sens
le plus large du mot. » Nos Bakongo n’ont aucune con-
naissance de ces etres suprahumains qui gouvernent le
monde. Pour eux Nzambi souverain intervient quand il
lui plait, et pour le reste chaque clan ne s’occupe qne de
sa petite partie du monde et des ancetres qui y disposent
d un pouvoir surhumain pour les interets de leurs descen-
dants; les nkisi sont employes, pour brouiller ou arranger
les affaires, selon le point de vue des individus qui y ont
recours.

Comme prototypes de ces esprits ( du Mayombe) qui


presidaient a la bonne marche de l’univers, il y avait les
bikinda bi tsi. 11 parait que chaque clan avait son kinda a
lui, qui etait cense donner la fecondite, non seulement a
la terre, mais aussi aux hommes... plus tard, on a ima-
gine les bakisi banene ou bakisi ba tsi, fetiches de la terre,
du sol, de la region, et chaque fondateur de clan, par l’in-
termediaire d’un nganga special avait a cceur d’inaugurer
son nkisi tsi dans le pays dont il venait de prendre posses-
sion. Le culte du nkisi tsi me parait etre la manifestation
principale du sentiment religieux chez nos populations
Bakongo. Il regie (ou reglait) en quelque sorte toute la
vie sociale et familiale. C’est du nkisi tsi que les chefs
tenaient leur pouvoir ( l ).

Les Bakongo orientaux ont leur « Kinda », nomme


mpungu mayala, nkisi qui est entre les mains du chef de

(*) L. Bittremieux, Op. cit., p. 136.

170

ETUDES BAKONGO

village pour proteger les habitants contre les ndoki et


d’autres ennemis; ce mpungu est, dit-on, influence par
l’esprit du fondateur du village. Quant a la fecondite de
la terre et des homines, ils l’attendent de leurs ancetres,
et c’est l’objet et le motif principal, pour lequel ils les
honorent. Ce n’est que dans des cas exceptionnels, pour
une personne determinee, qu’ils recourent a un nkisi;
dans des circonstances vraiment extraordinaires, ils out
recours a une pratique comme le Kimpasi.

Aucun chef de clan ne possede son propre nkisi nsi.


Les nkisi nsi, on nkisi misimba nsi, ont un role tres efface
dans le « nkisiisme » et ne sont pas exclusifs a une region.
Nos chefs tiennent uniquement leur pouvoir des ancetres
et la corbeille des ancetres vient authentiquer aux yeux
de tous leur earactere sacre comme leur pouvoir. L’inves-
titure du inpu, accomplie par un autre chef couronne plus
ancien, etait toujours accompagnee de l’institution on de
la revision de la corbeille des ancetres.

Si Ton laisse de cote le Mpungu, le Mfumu Kongo, et


le Niangi des Bankanu on ne peut parler de culte des
nkisi cliez nos Bakongo. Car qui dit culte, dit sentiment de
dependance et sentiment de respect, au moins dans une
certaine mesure. Or s’il v a des sentiments qui manquent
dans la pratique fetichiste, ce sont bien ces deux-la. Le
nganga emploie le nkisi comme son instrument, pour ses
fins a lui, ordonne imperieusement le travail qu’il attend
de lui; et le debut des incantations ne sert qu’a demontrer
au nkisi que lui, le nganga, est son maitre legitime. 11 se
peut qu’a l’origine des pratiques, le Kimenya (frotter le
sang chaud sur le nkisi), lui cracher de la noix de kola sur
le ventre, et d'autres rites analogues aient ete cles offrandes
qui incluaient un hommage. Mais dans la pratique
actuelle ces rites ont le meme earactere que les autres et
ne servent qu a rendre complet le nkisi, a lui donner de
la force en vue des besognes qu’on attend de lui.

RELIGION ET MAGIE

171

11 n’est que de comparer les rites et paroles du culte des


ancetres avec ceux des nkisi pour voir la difference essen-
tielle.

Nos Bakongo en sonl arrives a ne plus reconnaitre que


des esprits d’hommes morts. II n’y a que les Bisimbi dont
ils ne sont pas surs que ce soient des esprits de defunts.
Nkadi-npemba, kiniumba, nkuya sont des noms. Reste
Bumba, et le serment par Bumba nsi, temoin peut-etre
d’une conception, oil des etres suprahumains bien diffe-
rencies dominaient leur horizon. Mais Bumba est deja
identifie an fetiche dans les incantations oil il semble un
nom de parade, et dans le serment, ils le rapprochent des
ancetres qui dominent le sol.

En dehors de Nzambi, tous les etres qu’ils considerent


comme superieurs en force, ils les divisent pratiquement
en deux categories; ceux qui sont lies it eux par les liens
du sang ils en font des Bakulu qu’ils honorent; et tous
les autres ils tachent de les capter dans leurs nkisi.

CHAPITRE VI.

LA SECTE SECRETE DU KIMPASI.

Nom et extension du Kimpasi. — Conditions d’admission. — Occasion. —


Epoque. — Dur6e. — Emplacement. — Direction. — Fetiches dans te
Kimpasi.

Nom et aire d’extension.

L’appellation courante chez les Bakongo qui habitent


la rive droite de l’lnkisi est Kimpasi pour les Bampangu,
Kimpasi ki ndembo pour les Bankanu, Kipasi pour les
Bambata. L’origine, et le sens premier du mot, nous
echappent. Le P. Struyf indique dans un article paru dans
la revue « Onze Kongo » (*) la signification suivante qui
cadre bien avec la realite : lieu de souffrance; le mot
mpasi marquant la peine, la douleur qu’on eprouve; le
prefixe ki indiquant tres souvent le lieu. Les Bakongo
interroges opinaient pour la meme interpretation :
n endi’oit de violentes souff ranees ». Kimpasi serait done
tout d’abord un nom de lieu qui aurait ete etendu a toute
l’organisation elle-meme. C’est ainsi qu’on rencontre les
expressions : Zina diamo di Kimpasi, mon nom re$u au
Kimpasi, fwidi Kimpasi, il est mort de la mort du Kim-
pasi, e’est-a-dire, il a fait partie d un Kimpasi. Dans le
langage usuel les Bampangu diront dans le meme sens
fwa nkita, les Bambata pfwa khita, et c’est cette derniere
expression que ceux-ci preferent. Les inities emploient,
tant pour l’emplacement que pour l’institution, le mot
Kongo. Muna Kongo, a l’emplacement du Kimpasi; Kongo
dieto, notre Kimpasi; fwa Kongo mourir la mort du Kim-

f 1 ) Onze Kongo, l r « annee, p. 226.

RELIGION ET MAGIE

173

pasi; bajwa Kongo, indiquant les inities eux-memes, ou


bamfumu :i Kongo, les « Messieurs » du kimpasi.

Le nom de Ndeinbo employe dans le langage du Kim-


pasi, tout comme dans les dictons des anciens, signifie
presqu’exclusivement l’emplacement lui-meme.
Le Ku Ndembo eko ou E Kdembo eko des Bambata se
traduira : acces interdit des profanes, emplacement de
Kimpasi. Le proverbe Makongo malala Ndembo litterale-
ment : les Bakongo qui moururent dans le Ndembo, mar-
que qu’il fan t laisser regler 1’affaire par les homines qui
moururent de la mort du Kimpasi, et qui ainsi en out
acquis l’intelligence (‘).

Sur la rive droite de l'lnkisi, le Kimpasi etait en hon-


neur dans la region dont voici les limites ( 2 ) : au Sud, le
kwilu, affluent du Kwango; a l’Est, une ligne qui remon-
tant la Taw , tributaire du Kwilu, irait ensuite de la source
de la Taw a celle de la Nsele, descendrait cette riviere
jusqu’a l’embouchure de la Lukunga, irait par le plus
court rejoindre plus a 1’Est la Black River pour la suivre
jusqu’au Congo; au Nord, le fleuve avec le Pool.

Sur la rive gauche de l’lnkisi, le Kimpasi etait connu


du fleuve Kongo a la frontiere porlugaise. .lusqu’ou s’eten-
dait-il a l’Ouest ? Bentley ( 3 ) decrit trop brievement les
ceremonies qui s’v faisaient pour nous permettre de juger
si nous nous trouvons bien devant la meme institution.
En tous cas, en 1913, le Kimpasi tenu a Nkandu Ndembo,
village distant de quelques milles de Thysville, etait entie-
rement conforme aux rites que nous allons examiner, et
il parait ties probable que le Kimpasi dont parle le P. Vevs

(q Le mot Khimba, bakhimba est totalement ignore, tant des Bam-


pangu que des Bambata.

( 2 ) Voir la carte p. 4.

( 3 ) Dictionary and Grammar of the Kongo language , London, Triib-


ner, 1887. Bentley etudie dans cet ouvrage le Bas-Kikongo, langue parlfie
par les Bakongo fixes entre la mer et l’lnkisi. Le P. Reng Butaye, S. J.,
s’occupe du Haut-Kikongo ou langue de la rive droite de cette riviere
(. Dictionnaire Kikongo-Frangais, Frangais-Kikongo , Roulers, De Meester,
1909).

176

ETUDES BAKONGO

Dans un autre clan, les vieux sont frappes du fait que


les fausses couches se multiplient, que beaucoup de fem-
mes sont steriles, que les enfants meurent en grand nom-
bre. <( Notre village se meurt ! qui sauvegardera les inte-
rets du clan ? » Le devin consulte rendra le meme oracle :
« II faut instaurer un kimpasi pour la jeunesse. » Parfois
meme le Kimpasi est ordonne par le feticheur, pour obte-
nir la guerison du chef malade. On m’a egalement cite le
cas d’un mfumu mpu ou chef couronne, qui en sa qualite
de pretre des anciens, indiqua comme seul remede a la
denatalite, l’organisation du Kimpasi.

La celebration du Kimpasi est done une institution con-


sideree comme un remede aux maux qui frappent la col-
lectivite, tels que la denatalite ou une mortality anor-
male. C’est ce qui explique que dans certaines regions ou
dans certaines agglomerations, il ait pu se passer cinq,
dix, voire vingt ans entre la convocation de deux Kimpasi.

Vers les annees 1910-1915 les Bampangu de Kisantu et


des environs age de quarante a soixante ans avaient tous
ete « inities ». Les jeunes, au contraire, ne l’etaient pas,
en partie a cause de la difficulty d une telle reunion depuis
l'arrivee des Blancs.
Le chef invite par le devin a reunir un Kimpasi, soumet
sa decision au groupe des homines libres, et s’informe
des dispositions des chefs voisins. Leur consentement
est-il assure et les circonstances sont-elles favorables, il
les invitera a une fete. Il rassemble de nombreuses cale-
basses de vin de palme, du pain de manioc ainsi que deux
pores, puis commence son discours : « Voyez, chefs de
Mpangu, nos villages se meurent, les sorciers les oppres-
sed, nos nkisi ne peuvent plus resister. La source des
richesses en hommes est tarie. Le devin nous a dit : que la
jeunesse s’inscrive au nkita. Qu’en pensez-vous ? » Voyant
les reponses affirmatives, il continue : « Il nous faut done
en proclamer les lois; c’est pour cela que ces pores sont

RELIGION ET MAGIE

177

lies la a terre, et que nous avons reuni ces calebasses. La


jeunesse de mon village et celle de cliez vous se reunira
done ici. Sains et saufs nos jeunes gens entreront au
Kimpasi, sains et saufs ils ,en sortiront; comme ils sont
venus, ainsi ils s’en retourneront. Celui done qui cache
quelque sorcellerie dans son coeur, qu'il en reste eloigne.
Les villages sont actuellement tranquilles, ils doivent le
rester; que personne au marche ou sur la route ne cherche
noise a autrui. Le querelleur, qu’il paie une amende !
Personne, homme ou femme, ne pent etre saisi pour d’an-
ciens griefs ou pour deties, ni sur les sentiers, ni dans les
villages etrangers. Les couleaux resteront dans leurs gai-
nes et aucun fusil ne se verra sur les routes. Les delin-
quants seront brules. »

Apres quoi, le chef fait elire le nganga organisateur du


Kimpasi; la date des premiers rites est lixee de commun
accord; suit le banquet de paix cloture par une partie de
danse.

Au jour dit, le nombre de presences etant suflisant, les


ceremonies commencent. Les retardataires « mourront »
a leur arrivee quand ils entreront. Mais tous doivent
« ressusciter » le meme jour, pour apprendre ensemble
la « vie du Nkita ». Tous enfin sortiront le meme jour du
Kimpasi.

La duree depend des circonstances. Un Kimpasi ordi-


naire se poursuivait jadis, d’apres ines informations, pen-
dant un ou deux ans, et meme parfois il durait trois ou
quatre annees. Un temoin me citait le cas d’une femme
qui v devint enceinte et dont l’enfant fut sevre avant que
le Kimpasi se terminal. Celui-ci avail done dure, vu le
temps d’allaitement dans la region, au moins quatre
annees. Mais depuis l’arrivee des Blancs, les ceremonies
durent etre serieusement ecourtees; le temps normal
devint une saison des pluies (octobre-mai) ou une saison
sechc (mai-octobre).

12

178

ETUDES BAKONGO
L’emplacement.

Celui-ci est choisi par le maitre du Kimpasi d’accord


avec le chef organisateur; il sera en tous cas situe pres
d’une riviere' de fapon a permettre aux candidats les nom-
breuses ablutions prescrites et a proximite d’un hois oil
ils pourront fuir en cas d’alerte. Les esprits-nkita sont
d’ailleurs des habitants des eaux et des forets. Les nom-
breuses palmes necessaires a l’erection de l’enclos exigent
dans les environs de nombreux palmiers qui devront de
plus fournir le vin indispensable aux fetes. Le fameux
Kimpasi tenu a Kisantu, il y a plus de cinquante ans, eul
lieu dans une vallee etroite, riche en palmiers et bien
arrosee, a cinquante metres environ de la route, et a
deux cents metres du village. Le Kimpasi de Kongolo,
village situe pres du chemin de fer, non loin de l’lnkisi,
se tint en 1913 en pleine foret.

La memo annee, celui de Nkandu-Ndembo etait orga-


nise dans la plaine non loin d’un ruisseau a la lisiere d’un
bois. A Zulu, village Bambata, ce fut en un vallon boise.

C’est le maitre du Kimpasi en personne, aide de quel-


ques anciens inities, qui se charge de preparer le « lieu
d’epreuve » consistant principalement en une hutte entou-
ree d’une palissade. La cloture, nkusu Kimpasi, est faite
de branches de palmiers fichees en terre et reliees entre
elles. Ordinairement de forme rectangulaire, le camp est
proporlionne au nombre d’adherents; deux portes y don-
nent acces, la plus grande orientee du cote du village.
Trois sentiers conduisent a celle-ci, eux-memes barres a
leurs extremites par le nsa mil ndala, c’est-a-dire des
branches croisees en travers du chemin. L’autre porte se
trouve du cote oppose, si bien qu’en cas de danger elle
permettra aux candidats de fuir dans les bois on les hali-
tes herbes.

RELIGION ET MAGIE

179

A quelques metres, en face de l’entree principale, se


dresse la maison du Kimpasi, n:o lufumba, luitte qua-
drangulaire divisee en quatre sections. Les deux cotes
lateraux sont faits de perches courbees qui se croisent an

For£t,

Plan d,u ^Liea d’Epre u-ve.,

faite pour former le toit recouvert lui-meme d’herbes


scches. Dans la paroi anterieure est pratiquee une large
ouverture, servant de porte. Si le nombre d’adherents est
considerable, d’autres huttes ordinaires, en paille, ser-
vent de dortoirs. Chaque village, ou lignee du clan, a son
dortoir separe.

180

ETUDES BAKONGO
Des deux cotes de la porte d’entree, se dressent des
nkisi de la taille d un liomme, fetiches imposants qui
montent la garde devant le Kimpasi. On les appelle
mpansu :i nkanga, ce qui signifie, ceux qui out pouvoir
et force d’enchainer. Armees de fusils, d ares et de fle-
ches, de lances et de coutelas, ces sentinelles inspirent la
terreur, taut aux adherents du Kimpasi, qu’aux mauvais
esprits et aux sorciers qu’elles out pour mission de Her et
de rendre inoffensifs f 1 ).

L’emplacement du Kimpasi s’appelle aussi vwela, nom


ordinaire des habitations oil « les homines entrent dans un
fetiche ». Dans la langue ordinaire du Kimpasi, nous
l'avons vu, il s’appelle Kongo. Kongo ditto : noire Kongo,
ou Ndembo, Ndembo eto : notre village \dembo, on
encore Gala di Ngwa Ndundu, Vata di Gwa Dundu : le
village de mere Ndundu, qui nous le verrons, est la chef-
fesse du Kimpasi; une autre expression serait : gain di bn
nkita, vata di ga khita : le village des esprits nkita.

La a mort » el la « resurrection » des membres du Kim-


pasi a lieu hors de cette enceinte, dans une voka, ancien
emplacement de village oil croissent les palmiers et qui
sert de cimetiere aux morts de la lignee. Un espace y est
amenage pour les rites de la secte.

La direction du Kimpasi.

Le directeur principal est le nganga Kimpasi, le maitre


du nkita, car e’est sous l’influence des esprits nkita que
se trouve toute l’institution. Les Bampangu l’appelleront
aussi : Mjwa-wasi, celui qui est « mort de la lepre ». Cette
maladie, wasi ou nzambi, est d’origine surnaturelle, d’or-
(!) L’usage de ces fetiches fitait dejd connu au XVII 8 si£cle, comme on
pent le voir dans Cavazzi. Selon une tradition, ce serait un certain
Mvumbi Mbumbulu, un maitre f^ticheur lfgendaire « d’origine Euro-
peenne, qui aurait regu de Nzambi des fetiches puissants » et le premier
leur aurait appris a manier les armes contre la race des sorciers.

RELIGION ET MAGIE

181

dinaire elle est. envoyee par Nzambi, 1’Etre supreme, par-


fois par les esprits ties ancetres qui chatient ainsi les
Iransgresseurs tie leurs lois. Celui qui a ete atteint tin mal
terrible, et qui en guerit, reste macule tie taches blanches
qui le rendent semblable aux esprits-nkita. Mfwa-wasi
doit etre necessairement un homme d'age avance « a dents
cariees, a cheveux blancs ». II doit en effet pouvoir etre
considere coniine un veritable nkita-esprit des eaux,
kisimbi nkita inasa. C’est le surnom donne jadis a un
vieux Mathusalem tie ma connaissance, Kuzubula.

L’appellation tie Mfwa-wasi est souvent completee :


Mfwa-wasi na Nzambi, celui qui est « mort de la lepre »,
le chef (?) Nzambi. Ce nom peut designer dans le vocabu-
laire de la secte, outre l’Etre supreme des Bakongo, un
lepreux; usite dans les deux sens, il intervient a tout
moment dans les dictons et les chants.

Le maitre du Kimpasi peut encore s’appeler Na Kongo,


on chef Kongo, tit re honorifique que l’on donne d’ailleurs
dans la vie ordinaire a tous les hommes libres; dans la
societe secrete dont nous parlous, el qui, nous l’avons vu,
peut elle-meme s’appeler tie ce nom, Kongo prend la
signification speciale tie : Chef de la secte mystique et
magique Kongo.

Les aides principaux du nganga sont Nsumbu, Mavuzi-


Mhila, Nzambi et Mata.

Nsumbu est le bras droit du maitre feticheur, en fait


c’est lui qui dirige la plupart ties exercices. Continuelle-
ment present, le jour et souvent meme la unit, il a a son
service un petit boy surnomme Pokuta. Il est le Mbuta-
ngangu, l’ancien par l’intelligence. Voici comment le
decrivent les chants du Kimpasi :

Nsumbu lasa di mbele kabata,

Kabendi zi mpindi,

Kagenda zi ngangu,

Zi luzilu kinkondo nkama.

182

ETUDES BA.KONGO

Nsumbu frappe de mort au moyen du couteau du Kirnpasi


II ne (lit que la verite,

II ne manque pas d'intelligence

II se pourrait qu’il nous laisse sans nourriture — mais jamais


il ne nous laissera manquer des choses du nkita ( l ).

Ce dernier verset developpe l’idee suggeree par le noin


Nsumbu. Notons que Nsumbu est aussi le nom d im puis-
sant fetiche feminin, l’epoux de Magabu.

Dans d'autres organisations, c’est Mavuzi-Mbila, qui


joue le second role au lieu de Nsumbu. Voici ce qu’en
disent les chants :

Na Mavuzi-mbila

Wa mbila nganga

Nganga luwandu lue ndundu,

Nkita uzinga,

Nganga uzinga,

Zingula nganga,

Dia lunketi
Mina lungangu.

Chef Mavuzi (celui qui deracine) - Mbila (l’appel)


Entends l’appel du maitre du Kirnpasi,

Le maitre a cheveux blancs,

Le nkita vit
Le nganga vit

Le maitre deroule les rites du nkita,

(tfcoute) qu’il mange de la force


Et avale de 1’ intelligence ( 2 ).

Quant a Na Nzambi et Na Mata, ils interviennent dans


certains rites fetichistes.

(!) Allusion a la nourriture qui, suivant les organisations, passe par


les mains de Nsumbu ou de Mavuzi-Mbila.

( 2 ) Dans l’institution du Nzo longo, Mavuzi designe uniquement le


premier initi6 qui abat le poteau soutenant la hutte.

RELIGION ET MAGIE

183

Mais en dehors du nganga, la femme Ndundu est cer-


tes la personne la plus influente du kiinpasi. Elle doit
egalement etre d’age mur, aussi hideuse que possible,
avoir jadis ete possedee par un esprit -nkita, et n’avoir eu
qu’un seul enfant mort en has age. C’est de cet enfant que
le nkita s’est servi pour predire le role qu’aurait a jouer
sa mere, car le poupon dut avoir en naissant, les yeux lou-
ches et le nez de travels; bien vite le nkita l’a fait mourir.
II etait done evident que cette femme « enfanterait » dans
ses vieux jours, de nombreux enfants, nkita, dans la
secte Kimpasi.

Ndundu monte fidelement la garde autour des candi-


dats aussi longtemps que dure leur initiation. Son nom
Ngwa-Ndundu : mere blanche ou albinos est decrit de
cette maniere :
Ngwa Ndundu bwaka,

Butari bukuta nsasi

M&re Ndundu fardee de rouge

Est la terre oil germent les chefs ( l ).

Aux candidats on apprend que :

Ngwa Ndundu,

Ndundu zi lemba,

Ka zi ndauwula ko, •

Lumpungu-lumpungu tanga,

Ndemba ka ndauwula ko,

Leiribi di ntuta,

Nkento ku ntuta,

Bakala kuzengele zonza. (*)

(*) Plusieurs lignees Barnbata out, elles aussi, des dictons sembla-
bles : Nkanda ye ndundu, ndundu bwaka : la souche du Nkanda (clan)
a son albinos, i’albinos est rouge. Les enfants albinos sont des esprits
qui revivent dans leurs descendants. C’est pourquoi une phalange, les
ongles et les cheveux de chaque albinos seront conserves dans la cor-
beille des ancStres.
i 84

ETUDES BAKONGO

Mere Ndundu.

Ndundu est source de paix,

Et non d’ excitation,

Comme la nymphe des eaux elle bourdonne,

Non pour exciter, mais pour apaiser,

Par l’esprit-nkita Lembi elle calme celui qui frappe,


G’est aux femmes & recevoir les coups,

C’est aux hommes a trancher les palabres.

La femme Ndundu sera aidee par quatre autres meres


ou Ngudi du Kimpasi : Manzanza, Mabinda, Manzumba,
Lubondo; celles-ci ccpendant ne joueront qu’un role
secondaire.

La femme Manzanza doit en certaines circonstances


preparer la nourriture, c’est elle qui recolte les graines de
bananiers ( Musa Gilletii ) employees dans les rites feti-
chistes du Kimpasi.

Ngwa Manzanza
Kagulwa mbangasa
Ntebenge vwatila
Ku ntu nganga,
Go ku ntu vinga
Mfwanga zi Ndundu.

M6re Manzanza

Nourrit les enfants du Kimpasi,

Au profit du maitre du Kimpasi,

Si elle le fait au detriment des non-initi6s


Alors Ndundu pourra entonner le chant de mort.

La femme Mabinda est preposee a la garde des fetiches :

Ngwa Mabinda
Go bindidi nkisi ngani,

Ndingi lufinsi
Muna mongo Mpumbu.

Mpumbu mufwa kwandi,

Kiungila, Kiungila
Mu vumu ki mvata,

Ka bieye nkita ko,

Bilulu bi nkita.

RELIGION ET MAG IE

185
Mere Mabinda,

Elle enchaine les fetiches d’autrui,

Avec sa cr6celle elles les fascine


Sur le mont Mpumbu,

Mpumbu (fetiche ennemi) est mort,

Elle envoie la fifrvre,

S’empare du transgresseur des lois du Kimpasi.

Ce n’est pas une plaisanterie du nkita,

C’est la vengeance du nkita.

La crecelle dont il s’agit 11 ’est qu’un fruit desseche,


vide, a demi reinpli de graines durcies, et fixe sur un
baton. La denomination Mabinda se rencontre aussi pour
designer un esprit-nkita femelle.

A Igwa Mzumba, azuinba bana ba nkita : Mere Nzumba


apporte la joie aux enfants du Kimpasi (').

Ngwa Nzumba ntietie-mbinsa kula kankula


Ulosila maki nkama nsambwadi,

Mu ngongo, mu nzila.

Mere Nzumba fait croitre le petit passereau nti^tie (les candi-


dats)

Elle pond sept cents oeufs


Dans les creux et les chemins.

Enfin la plus jeune des aides de Ndundu est Mere


Lubondo, semblable an nkisi Kongo qui fait regner la
paix dans l’enclos : Ngum Lubondo, bondo di Kongo. Elle
apprend aux adherents :

Ka lubondi nkita,

Ka lubondi nganga.

Ne trompe pas l’esprit nkita


Ne trompe pas son maitre.

(!) Kizumbi designe aussi un nkisi apportant le bonheur; il est appa-


rent6 au mbungulu-nkita, qui fait prosp^rer le commerce.

186

ETUDES BAKONGO

ou ailleurs :

Ka lubondi mpiti,

Ka lubondi nganga.

Ne trompe pas l’antilope mpiti

Ne trompe pas son maitre.


L’antilope mpiti ou kimpiti est, d’apres la croyance
indigene, en relation etroite avec les esprits-nkita.

Avant de commencer la description des ceremonies de


l’initiation et afin d’en faciliter la lecture, rappelons brie-
vement les noms et les fonctions des acteurs principaux.

Le chef du Kimpasi, est le chef memo du village oil est


erige l’enclos, et sous la protection duquel se tiennent les
seances.

Le maitre du Kimpasi, appelons-le simplement le mai-


tre, est done le nganga nkita, le maitre de nkita, qui
dirige toute l’organisation.

Les candidats sont les hommes et femmes qui se sou-


mettent aux rites et epreuves de la secte.

Les inities du Kimpasi sont ceux qui ont subi precedem-


ment les epreuves d’initiation.

Les aides sont tout d’abord d’anciens inities en particu-


lier Nsumbu, Mavuzi-Mbila, Mata et Nzambi, ensuite les
quatre femmes initiees, qui aideront la « cheffesse »
Ndundu : Manzanza, Mabinda, Manzumba et Lubondo.

Les fetiches dans le Kimpasi.

Dans le Kimpasi on « meurt de la mort de nkita » :


bafwa nkita; on cc ressuscite a la vie de nkita » : bafutu-
muka nkita ; ou encore batumbuka nkita : on « est initie
au nkita ». Que signifient ces expressions ? Mourir de la
mort de nkita, e’est laisser son mode normal d’etre, pour
prendre celui d’un nkita.
RELIGION EX MAGIE

187

Cette metamorphose n’est pas L oeuvre directe d un


esprit-nkita « in se » mais d’un esprit-nkita habitant
incarne dans le fetiche appele Nsanga-nkita ou encore de
son nom de parade Ndona Bizangi. C’est done, le mot
l’indique, un fetiche femelle.

Nsanga signifie la jeune pousse de hananier. Ce sera le


bananier biseke ( Musa Gilletii ) qui ordinairement sera
employe dans les rites de la secte. C’est avec la tige de cette
plante que les candidats seront « assommes ». Ses graines,
nous l’avons vu, soul le composant principal du fetiche
employe; les autres ingredients etant un caillou, de l’ar-
gile blanche et rouge extraite au meme endroit de la
riviere, de la poudre de nkula, des feuilles de Lusangu -
sangu, et une racine tordue d’un arbre aquatique appele
Na Kisimbi ou seigneur esprit des eaux. Tous ces elements
sont contenus dans une lutete, calebasse videe ( Lagennria
vulgaris ) entouree elle-meme d’une etoffe de raphia.

Le caillou en ferine dans le fetiche est appele par les


membres du Kimpasi, tadi di Kalunga ou pierre de
Kalunga. Je n’ai pu decouvrir la nature de cet etre mys-
terieux. Lorsque les inities trouvent sur leur chemin un
caillou semblable, i Is s'ecrient : « J’ai trouve ma pierre
de Kalunga ! » La meme pratique est en usage chez les
feticheurs; lorsqu’ils apergoivent pres d’une source une
pierre de forme etrange : « Nkita amo bakulu bagene »,
disent-ils, ce qui signifie : <c Les anciens m’ont octroy e
une pierre pour le nkita ».
Au sujet de la racine, kisimbi, voici ce qu’on en rap-
porte :

Gana katunga simbi-nkita,

Muntu-nkita ga katungana;

Gana kifulu kina ki ganga Nzambi,

Kagangila masa;

Masa ma sangana simbi-nkita,

Masa ka malendele lala ko,

Simbi kilembika mpasi mu nitu nkita.

188

ETUDES BAKONGO

A l’endroit ou habile le sivibi-nkita


La habite Thomme-nkita
En cet endroit que cree Nzambi,

II y cree l’eau.

Cette eau se mete au simbi-nkito ,

Cette eau ne peut plus disparaitre.


Sirnbi adoucit la douleur physique de Thomme-nkita.

Les esprits-nkita sejournent dans 1’eau; aussi est-il


naturel que tous les ingredients qui composent le Nsanga-
nkita soient extraits des eaux ou proviennent de plantes
aquatiques. Pour pouvoir etre employe dans le Kimpasi,
le Nsanga-nkita doit subir tout d’abord diverses manipu-
lations. Le maitre de la secte ou son ngudi-nganga, mai-
tre-mere, c’est-a-dire initiateur, fera monter le fetiche de
l’eau, untombula ku masa, en retirant de la riviere les
divers elements ( rnfula ) que nous avons cites. C’est avec
ceux-ci qu’il formera son fetiche rnfula, kaganda ou
kayidika nkisi, ou plutdt la partie materielle, la «matiere»
du nkisi. Car, pour etre un veritable fetiche complet,
habite par un esprit-nkita, il lui manque la « forme »;
celle-ci, il l’obtiendra au contact d’un fetiche Nsanga-nkita
deja anime (connne nous l’avons decrit p. 127); l’ancien
et le nouveau sont en meme temps mis en action ( saku -
muka ) on leur insuffle une vie nouvelle. Le kimenga est
la decapitation d’une poule blanche dont le sang rougira
les deux nkisi, tous deux seront l’objet d’incantations
( loka ) pour les exciter, les ensorceler, les amener a fac-
tion. Devenu ainsi fetiche complet, le Nsanga-nkita
pourra accomplir son oeuvre qui consiste essentiellement
a animer et transformer les candidats en nkita humains,
tout conime lui est anime et transforme en esprit-nkita.
Nsanga-nkita bakotila, bafwila kimpasi kiau : « ils pene-
trent dans le Nsanga-nkita et y meurent leur kimpasi »
suivant l’expression meme du vieux chef Mbemba.

Dans le Kimpasi, d’autres fetiches sont encore en usage,


principalement destines a ecarter des membres les Ndoki

RELIGION ET MAGIE
189

et autres ennemis. En voici quelqucs-uns qu’emploient


les Bambata.

Mbadi est un nkisi des eaux, nkisi-masa. II habile un


coquillage rempli d’argile blanche, de poivre el de l'euilies
de plantes aquatiques. II enleve a ceux qu’il fascine la
puissance generatrice.

kiyenyele est un nkisi u nsi, un fetiche de la terre, qui,


d’apres un de mes informateurs, serait en connexion avec
le Nzadi (la riviere lnkisi). Le sachet qui le contient est
rempli de toutes sortes de bois et de terres argileuses.
Celui qui esl traite par lui recouvre la puissance genera-
trice, a condition de s’abstenir de viande d’animaux
tachetes.

Niangi, nsiki nseke ou fetiche de la brousse, dont le


nom signifie « epilepsie » a pour nom de parade Lunga-
mbu-ngambu « qui cause l epilepsie ». Ses coniposants
enfermes dans un petit sac : de la cendre enlevee an foyer,
du poivre, des feu dies de mangy ama-ngyama ( Hhetho -
phyllum Congo!. Avoid.), des graines de Mpeya ( Mono -
dora Angolensis, anon.), des noix de palme, des griffes,
et enfin des plumes de divers oiseaux.

Le fetiche se saisira des ndoki-sorciers, les jettera dans


le feu, leur causera des crises d’epilepsie. Par homeopathic
peut-etre, il servira de remede specifique a ceux qui
seraient atteints de cede maladie ou qui, an coins d une
crise, se seraient brules. Voici par quel chant d’incanta-
tion le feticheur « excite » loka son nkisi :
E Niangi nianga bi bingani,

Bi biaku nkadi ka biniangakana ko,

Yonso utadilanga baleke ku disu difwa,

Yuna untala ngeye Niangi.

0, Niangi ! brule, consume les objets d’autrui,

Mais les objets qui t’appartiennent ne peuvent §tre brules;


Tout qui regarde mes sujets d’un regard homicide,

Celui-la, regarde-le, toi Niangi.

190

ETUDES BAKONGO

Les aides du maitre lui repondent :

E Lungambu-ngambu yoka kuna ziku,

E Niangi tata geta kuna ziku di tiva.

0 toi, qui causes les syncopes, briile-le dans l’atre,

0 pere Niangi, jette-le dans l’atre en feu !

Le patient doit s’abstenir de volaille, de poules, de sau-


terelles, de grillons, de viande de chevre, et de jeunes
pousses de manioc.

Nluti-ngondi est represente par une statuette de femme.


A l’approche de la nouvelle lune, il est mis en action con-
tre les sorciers; il sert a donner de nouvelles forces aux
adherents du Kimpasi.

Ngundu Nsioga, sac-fetiche tres usite, contient de lar-


gile blanche, des champignons tondo ( Lentibus tuber
regium), des feuilles de plantes aquatiques, etc. Dans plu-
sieurs Kimpasi, il est de contume apres chaque orage quo
le nganga aille dans les bas-fonds recueillir un pen d’ar-
gile et des tondo, ingredients que certains candidats ache-
tent, pour constituer leur propre ngundu. A la ceremonie
du sakumuna ou reveil du fetiche les candidats pour lui
donner une force nouvelle, entonnent le chant suivant :

Yaya ulale !

.E ! ka bwa yimwene yay’e,

E ! e ! e ! Ngundu Nsioga mu kuma, mu kuma,

E lelo kiadi, Ngundu !

Luku lu mazanga lutele nsudi bikwanga,

E lelo kiadi, yay’e !

0 cherie, tu t’es endormie !

Oh, cela je ne l’avais jamais vu, cherie !

E, e, e ! Ngundu Nsioga est ?a et la, partout (ne se trompe pas)


Oh, aujourd’hui c’est jour de joie, Ngundu !
Le pain de manioc de l’etang sentait mauvais, (cela allait mal
au Kimpasi)

Mais aujourd’hui, c’est jour de joie, cherie !

RELIGION ET MAGIE

191

Chez les Bampangu le fetiche Nkosi est employe contre


les sorciers el les ennemis, aussi contre les adherents eux-
memes pour les forces a observer les lois du Kimpasi. Le
nkosi est represente, comme male, dans une statue
d’homme, parfois en grandeur naturelle, comme femellc,
dans un sac aux ingredients multiples. II s’appelle « lion »
et non sans raison, car il est le mbuta nkisi, le chef des
fetiches, et inspire la terreur. Dans certains Kimpasi, on
1’ « actionne » et l’excite chaque jour.

Voici un des passages de l’incantation employee pour


le Nkosi male :

E Nkosi, wanga tata !

Yuna uta lembo di lembo,

Zeka nsingu, dia mbisi aku,

. Mbisi yi nge, mfumu,

Yangika, nde kafwa kula,


Kimenga kiaku dia, tata.

Zi ngonda yuna kafula zo ko,

Wedi kuna gata, nda landi, zeka nsingu,

Diana kafula kimpasi kiani.

Yuna mwana utoma kunzaya,

Unzitisa mpi,

Zw’ani sa sau-sau,

K’utekika. nsingu ko,

Kabuta bana muna podingi-dingi.

Ngatu yu sidi ku gata, kasa na,

Kuna Kongo kavutuka ko,

Kuna nzo yina,

Ka bakadi bodi,

Ka bakadi batatu !

Mpongo, sala nki ya ? — Gonda !

Makaya maku dia.

0 Nkosi, 6coute, pere !

Celui qui trahit le secret,


Tords-lui le cou, mange sa chair,

Car s’est ta chair, chef,

Rends-le agit6, qu’il aille mourir au loin,

192

ETUDES BAKONGO

Bois son sang, pere !

Si un des candidats n’achevait pas ces mois,

Rends-toi a son village, suis-le, tords-lui le cou,

Qu’il apprenne a achever son kimpasi.

Mais l’enfant qui me reconnait,

Respecte-le,

Remplis sa maison de bonheur,

Ne courbe pas son echine,

Qu’il ait des enfants pleins de force.

Peut-6tre quelqu’un rentr6 au village se dira-t-il :

« Je ne retournerai plus au Kimpasi ».


Dans cette maison

Qu’ils n’en survivent pas deux,

Qu’ils n’en survivent pas trois.

Mpongo, que feras-tu done ? — Tue-les !

Mange-les comme extra.

Outre le fetiche Nkosi, bien d’autres nkisi sont


employes dans le meme but. Nous ne faisons qu’en citer
quelques-uns : Kinene, Kisingini, Mfunsu, Nzenzi.

CHAPITRE VII.

LES RITES DU KIMPASI.

Derniers pr6paratifs. — C6r6monie d’entr6e. — Mort-Nkita. — De la

mort 6. la resurrection. — Resurrection. — Vie au Kimpasi. — Sortie.

— Apr6s le temps d’6preuve. — Conclusion.

Derniers preparatifs.

Les jours qui precedent 1' « entree » tandis qu its ame-


nagent le terrain choisi pour le Kimpasi, les anciens ini-
ties s’efforcent de creer autour des rites qui vont comraen-
cer une ambiance toute de crainte sacree. 11s vont et
viennent, tres affaires et content aux profanes, aux fem-
mes et aux enfants surtout, les recits les plus terrifiants.
a Le maitre du Kimpasi frappe mortellement les candi-
dats, puis leur coupe tete, bras et jambes, le tronc lui-
meme est mis en morceaux et le tout est ensuite jete en
pature au chien du Kimpasi. Un bras seulement est pre-
cieusement garde, c’est que, lorsqu’il sera bien seche au
soleil, de lui sortira un petit enfant qui grandira rapi-
dement. »

Matin et soir, le maitre du Kimpasi se rend lui-meme


sur place et met en action le nkisi appele Nkosi, al'in de
rendre l’enclos invulnerable par ses incantations. De son
cote, un de ses aides, Mavuzi-mbila ou Nsumbu
« actionne » les autres nkisi de la secte dans le meme but,
pour ecarter sorciers et ennemis.

La date d’entree arrivee, les candidats se rendent au


village du chef Kimpasi, accompagnes des anciens initios.
11s attendront la le signal du depart. Entre-temps, on
festoie, on danse et on boit jusqu’a ce que les tetes
soient bien echauffees, a moins que. c’est le cas dans
d’autres villages, les candidats ne soient mis a un regime

13

194

ETUDES BAKONGO

severe; ils ne recevront journellement pour toute nourri-


ture qu’uue seule grande banane, jusqu’a ce qu’ils aient
l’air tia gegele, c’est-a-dire qu’ils soient maigres et affai-
blis. Ainsi, disent les vietix, il leur sera plus facile de sup-
porter l’epreuve du Kimpasi. Mais dans l'un et l’autre cas,
ils sont surveilles de pres, pour cinpecher toute tentative
de fuite,

A la tombee de la nnit, ils se cachent, les habitants du


village dans leur hutte propre, les etrangers dans celles
d'amis ou d’anciens inities. La evidemment, les recom
mandations ne leur sont pas menagees. «,Le nkita va vous
tuer, mais n’ayez crainte, vous ressusciterez a une vie
meilleure. Vous n'avez qu’une chose a faire quand vous
serez morts, c’est de vous taire; taisez-vous lorsqu’on vous
emporte, et s’il arrive qu’en vous jetant sur le bord de la
route on vous meurtrisse, taisez-vous encore et ne bou-
gez pas, sinon il se pourrait qu’on vous tue tout de bon. »

Le chef du Kimpasi pour marquer le d4but d?s rites,


envoie ses hommes dans toutes les directions et c’est de
tous cotes qu’eclate la poudre. A ce signal, les profanes
courent chercher un refuge dans la brousse et les esprits
hostiles s’enfuient terrifies. Pour mieux les y contraindre
d’ailleurs, les tireurs viendront decharger leurs fusils dans
la direction des groupes de bananiers, repaires presumes
de ces esprits-sorciers. En cas de menaces plus precises
de leur part, si par exemple un habitant du village etait
gravement malade, c’est methodiquement que s’organi-
serait la chasse.

Lorsque tous les preparatifs sont bien acheves, le mai-


tre du Kimpasi s’avance; Nsumbu, Mavuzi-mbila et ses
autres aides l’accompagnent. Le chef du Kimpasi les
re?oit, et apres avoir echange avec eux quelques menus
propos, et vide la cruche de vin de palme soigneusement
preparee, il leur fait ses dernieres recommandations.
S’adressant au maitre : « Allez, dit-il, Maitre Kongo, et
que nos jennes gens soient l’objet de votre sollicitude.
RELIGION ET MAGIE

195

ramenez-les nous en excellent etat. » — « Vinsi ferai-je »,


repond le maitre; et aussitot il se dirige vers l’enclos
reserve.

Dans la hutte centrale, se trouve Ndundu. Vccroupie


dans un coin, elle attend, entouree de Manzanza, Mabinda,
Nsumbu et Lubondo qni deja out allume le foyer dn Kim-
pasi. Des que la place reservee an nkisi est prete, que la
« nalte oil trone le nkisi » rnayala ina nkisi est etendue,
le nganga nsakumuna Nsanga-nkila, renouvelle les forces
dn nkisi protecteur de 1’ institution. Tous se rendent
ensuite a l’endroit fixe pour T execution des candidats.

C6r£monie d’entree. — Mort-Nkita.

L’obscurite est complete. Dans la nuit profonde, les


anciens inilies s’avancent, monant a la mort les candidats
terrifies. Bientot ranges sur une file a quelque distance
du maitre dn Kimpasi, ceux-ci attendent tout tremblants.
Et voici que Mavuzi-mbila en choisit un des plus jeunes
et l’amene au nganga. Deja Nsumbu lui crie : « Couche-
toi ! » Le candidat s’execute, s’etale sur le sol bras et jam-
lies etendus. Nsumbu lui enleve ses vetements, jusqu’a ses
colliers et bracelets. Le maitre s’agenouille alors aupres
du patient et d’une lige de bananier frappe violemment
le sol tout autour de sa tete au point de la I'roler. Entre-
temps les anciens cliantent en choeur :
0 o nkita didi, eye !

Le nkita l’a d6vor6, le nkita l’a d6vore !

Leurs « ndala » cris suraigus eclatent, marquant leur


etonnement. Tous les candidats a leur tour seront (( frap-
pes de mort » et deposes cote a cote sur un rang. Malheur
a qui remuerait alors, ou oserait proferer une parole ! 11
apprendrait que la distance est vite franchie de la mort

196

ETUDES BA.KONGO

du Kimpasi a la rnoi’t reelle. Autour des <( cadavres » la


danse s’organise :

Lembo di lembo yaya, o, o !

Ka tufwanga kita ko’e !

Lembo di lembo yaya, o, o !

Ka tufwanga kita ko’e !

Lumbu kifwana ki nkembo, leka,

Lembo di lembo !

Lumbu kifwana ki nkembo, leka,

0 vinga kanga nzo aku.


Beto kuna Kongo kimonene, e !

Ka vinga leka lele, e

Beto kuna Kongo magulani, e.

0 mystbre de mystere, 6 mon ami !

Et quoi, nous ne mourrions pas de la mort du nkita !

0 mystere de myst&re, 6 mon ami !

Nous ne mourrions pas de la mort du nkita !

Void le jour de gloire, endors-toi du sommeil de la mort.


Mvstbre de mystere !

Void le jour de gloire, endors-toi du sommeil de la mort.

Et vous, profanes, fermez bien vos demeures,

Nous dans le Kampasi, nous sommes entre nous !

Le profane ne dort pas du sommeil de la mort.

Mais, nous dans le Kimpasi, nous executons nos danses.

Nsumbu nkwa mayela nganga, e eee !

Lukamba ka nkisi ko, lumonanga 6ee !

E Nsumbu. nkwa mayela, e 666 e !

0 Nsumbu, maitre a l’esprit mur, oh, oh !


Vous profanes, dites encore qu’il n’y a pas de vrais nkisi,
maintenant vous le voyez bien, oh, oh !

0 Nsumbu, maitre a l’esprit mur, oh, oh !

Longtemps, ils continuent leurs danses, leurs chants,


jusqu’a ce qu’enfin Nsumbu aille se placer devant les
morts; ses aides l’assistent, les inities se groupent derriere
lui. Par trois fois il s’ecrie de loutes ses forces : A kwa
kita ? Serait-il vraiment mort-nkita ? Et tons de repon-

RELIGION ET MAGIE

197

dre : Eye ! Bien sur ! et ils prononcent le serment du Kim-


pasi. 11s reprennent aussitot leurs chants :

Si tukwenda ku mongo
Timba-timba !

Bakento timba,

Bakala timba.

Nous allons a la montagne (Kimpasi)

Nous allons au jeu d’amour !

Les femmes aiment,

Les hommes aiment !


A ces mots, les inities out couvert les cadavres de leurs
pagnes et les saisissent sous les aiselles de fagon que les
corps leur pendent sur le dos. 11s les portent ainsi jusqu’a
1’enclos du Kimpasi. Chemin faisant, les aides se mettent
a chanter :

E lukolo lutwal’e,

E nganga,

E kuku tusukila,

E nganga.

Eh ! apportez-les
Au maitre,

Eh ! c’est ici que nous allons rnourir,

0 maitre !

Lukumba e, ngudi kita ngang’e


E ku Ndembo lele
Ririri !

Admirez done, le maitre mere-nkita,

II est mort dans le Kimpasi !

Ririri !

Lembo di lembo, yaya e§e !

Ka tufwanga nkita ko e !
Kimpasi kieto ki nkembo, lek’e !

Mysore de mystere, 6 mon ami !

(Ils disaient) : Nous ne mourrons pas de la mort du nkita !


Mais dans notre Kimpasi de gloire, qu’ils y dorment !

198

ETUDES BAKONGO

Arrives pres de la hutte oil se trouve Ndundu, Nsuinbu


s'adresse a elle :

Na Ndundu yaya,

To yaku yay’e !

Dame Ndundu, mon amie,

Void la cuisse qui t’est reservee ! ( l )

Tous reprennent en choeur : Voici la cuisse qui t’esl


reservee !

Nsumbu continue :

E Pokuta yaya,

To yaku yay’e.

0 Pokuta, mon cher boy ( s )


Voici pour toi une autre cuisse.

A ces mots, la femme Ndundu sort de la hutte avec ses


aides. Lorsque tous les morts sont etendus sur un rang, la
tete entre leurs mains, dame Ndundu en fait le tour, en
les flairant et en murmurant : Nkombo maboko, ngulu
maboko : que sont done ces chevres, ces pores reposant
sur leurs coudes ? Puis les anciens inities font asseoir les
« cadavres » et leur balancent bras el teles, tandis qu’un
des aides entonne :

E kina kwaku ya Ndundu’e


Danse, 6 toi, dame Ndundu, danse !

Le choeur repete plusieurs 1‘ois l’invitation flatteuse :


Danse, 6 toi, dame Ndundu, danse ! — Suivant le rytlime
du chant, dame Ndundu s’est mise a secouer la tete, les
yeux leves au ciel. Le chant termine, les morts sont de
nouveau etendus sur le sol, Ndundu tour a tour les
enjambe par trois fois en signe de prise de possession.

(•) To : kilo : cuisse d'un animal. La cuisse du gibier tue en certaines


circonstances est reservee au chef.

( 2 ) Pokuta est le petit serviteur de Nsumbu au Kimpasi.

RELIGION ET MARIE

199
La premiere ceremonie est achevee, les « morts » sont
transposes au dortoir, cliacun a sa place designee par
Nsumbu. 1 Is y passeront la nuit couches sur des feuilles
de bananiers. Dame Ndundtt restera pres d’eux, ainsi que
Nsumbu et son boy Pokuta.

Le recit qu’on vient de lire est la traduction presque


litterale de la relation du plus intelligent de mes informa-
teurs Bambata. Pour etre complet, j’y ajoute les quelques
particularities ou divergences signalees par d’autres ini-
ties.

Un habitant de la region de Kisantu assurait que les


candidats etaient mis a mort au moyen d’une racine de
l’arbre Nsenga 0); que les anciens les portaient alors trois
fois autour de la hutte du Kimpasi, les jetaient par terre
sur le dos, et qu’alors le maitre du Kimpasi posait le pied
sur le front de cliacun d’eux. II semble bien que ce temoin
ait confondu ce rite avec un autre analogue, accompli lors
de la resurrection.

Un autre affirmait que les porteurs secouaient violem-


ment les morts, les transportaient £a et la, les jetaient
rudement sur le sol et s’enfuyaient les abandonnant ainsi
etendus. Le mort, pour etre fidcle a son rtMe, devait bien
veiller a rester silencieux et immobile; le moindre mou-
vement, le moindre cri lui valait d’etre frappe, pietine
jusqu’a ce qu’il se tienne coi. Parfois meme, le fait est
certain, sa desobeissance lui coutait la vie.

D'apres un troisieme temoin de la region des Bambata,


les morts a leur entree dans l’enclos sont obliges de danser.
Debout, ils executent des mouvements violents de la tete
et des bras tant et si bien qu’epuises et comme ivies, ils
s’affaissent sur le sol. (*)
(*) Nsenga (Musanga Smithii, artocarpee), plante qui joue un grand
r61e dans la composition de nombreux fetiches. Les esprits-nkita sont
censes en manger les graines.

200

ETUDES BAKONGO

De la mort a la resurrection.

La duree de cette periode n’est pas strictement fixee.


Elle se prolongeait deux mois entiers d’apres mon infor-
mateur Mumbata le plus digne de confiance, un mois
seulement d’apres un autre, car « ils meurent a la lune
noire (c’est-a-dire au dernier quartier) et ressuscitent a la
seconde pleine lune suivante ». Ln initie de Kisantu etait
d’avis que la mort ne durait que quelques jours. Le chef
Mbemba me disait que cette « vie dans la mort » pouvait
durer jusqu’a trois mois. Cette periode etait plus ou moins
longue, semble-t-il, suivant les circonstances; elle etait
prolongee par exemple quand un grand nombre de can-
didate venaient s’adjoindre apres le jour d’entree offi-
cielle.

Pendant cette periode, l’ordre du jour rigoureusement


determine etait invariable; un premier bain le matin,
apres lequel les candidats devaient s’enduire le corps de
terre rouge, puis s’etendre au soleil. Apres le repas de
midi, ils devaient se recoucher aussitot en plein soleil. Un
second bain terminait la journee, et les danses des morts
se prolongeaient bien tard dans la nuit. Dame Ndundu et
Nsumbu (ailleurs Mavuzi-mbila) dirigent et surveillent
ces exercices, aides par quelques-uns des aides que nous
avons enumeres plus haut. Quant au maitre du Kimpasi,
il viendra chaque jour visiter « les morts ».

Des l’aurore de la premiere journee, Dame Ndundu


reveille done les morts pour les conduire, en silence, a la
riviere. Malgre la fraicheur matinale qui les fait frisson-
ner, ils ont a se baigner tout le corps. Rentres dans l’en-
clos, ils s’enduisent completement de nsadi, terre rouge,
qui represente la couleur de Ndundu, car voici qu’ « ils
sont devenus ses enfants »; ce sera le seul vetement qu’ils
porteront durant cette periode. Cette operation achevee,
Nsumbu les groupe deux a deux, un jeune homme et line

RELIGION ET MAGIE

201

jeune fille autant que possible, el les range devant une


jonchee de feuilles de bananiers. A son signal et a son
exemple, tons doivent s’y laisser choir, Ndundu s’installe
d’un cote, le maitre du Kimpasi de l’autre. Les aides cou-
vrent alors chaque cadavre d’une feuille de bananier, et
ils restent ainsi, sans pouvoir bouger, sous le brulant
soleil d’Afrique attendant qu’il arrive an zenith. Le mai-
tre du Kimpasi proclame les premieres defenses : udia
nsiku mi nkita : « il mange les iois du nkita » : Hommes
el femmes, vous gisez la, vous vous ignorez les uns, les
autres. Celui qui touche autrui, devra payer une amende;
celui qui ferait davantage, serait tue.
Toujours deux a deux, comme Nsumbu les a groupes,
ils prendront leur premier repas. Mavuzi-mbila recueille
chaque jour les provisions deposees par les proches des
candidats a un endroit determine, non loin du lieu
d’epreuves. Manzanza est chargee de la preparation des
repas, bien sobres certes, car les candidats ne recevront
ties vivres apportes que du pain de manioc rassis, bik-
wanga biyuma ; defense leur est faite de manger de la
viande on des legumes, de boire du vin de palme. La plu-
part des vivres sont partages entre les initiateurs et initia-
trices. Aussi les candidats souffrent-ils de la faim, et ironi-
quement, ils appelleront dans la suite le Kimpasi : le repas
ou Ton mange le pain de manioc de Mere Manzanza. C’est
que les candidats sont supposes morts, et les provisions
sont censees ne servir qu’a Dame Ndundu, occupee a
fagonner des hommes nouveaux, avec les os de leurs
cadavres.

II est permis durant le repas, de s’entretenir a voix


basse; comme il convient a des « morts ». La collation ter-
minee, les malheureux se recouchent au soleil jusque vers
cinq ou six heures, au moment ou le « soleil boit du
sang ». Ils se rendent alors au bain, se la vent complcte-
ment pour enlever la couche de nsadi dont ils etaient

20“2

ETUDES BAKONGO

enduits, puis revetent leur pagne. Des leur retour dans


l’enclos, commence la danse des morts. Disposes en rond
autour de mere Ndundu, ils meuvent les epaules en
cadence de gauche a droite. Cette danse est particuliere-
ment epuisante, elle affaiblit muscles et nerfs, et leur rend
la tete vide ! c’est qu’ils doivent redevenir baria ba masa,
des enfants nouveaux-nes... Lorsqu’ils seront a bout tie
forces, alors seulement il leur sera permis de s’asseoir et
de reprendre haleine; ninga baninga; ils sont la les yeux
hagards, incapables de se mouvoir, abouliques. 11s regar-
dent stupidement Ndundu : « cette vieille sorciere a la
figure grimafante, aux petits yeux diaboliques, a la face
ratatinee, aux dents ebrechees qui inspire la terreur a
toute cette jeunesse » comme me disait un ancien initie
de Kisantu. Quelqu’un est-il distrait, ou eleve-t-il la voix,
ou ne suit-il pas le rythme tie la danse, aussitot tie sa voix
rauque Ndundu l’interpelle, le menace meme de mort
definitive. Elle n’admisistre pourtant aucun chatiment
corporel.

Quelques jours de ce regime suffisent evidemment pour


epuiser les candidats. La nuit, ils font des reves macabres,
les crises hysteriques se multiplient; aussi beauconp,
desesperes, songent-ils a fuir... mais ils le savent : fuir
c’est mourir tout de bon; le maitre du Kimpasi les en a
avertis des les premiers jours : il est venu actionner
devant eux le fetiche Lwango, a souffle dans la petite
corne d’antilope, flute magique, et leur a dit : vous tons
retenez bien le chant que j’entonne :

Tat’ amo, tata Mfwa-wasi


Ngudi amo, ngwa Ndundu,

Pwa, ubila
Lwango ndilanie !

Mon pere est pere mfwa-wasi,

Ma mere est m£re Ndundu,


Que je meure miserablement,

Que Lwango me devore (si je ne le veux ainsi).

RELIGION ET MAGIE

'203

Tous les morts repetent ce chant. Pour les encourager


les initiateurs chantent alors :

E nsenga yava’e,

Mono inpangi aku !

E lukokuluka,

Tufula mbundu mwana,

Kuna nsi madiadi,

E nsenga yay’e (bis)

E mwana ulala,

Mono mpangi aku.

0 esprit de Nsenga, 6 bien-aime,

Je suis ton fr^re !


Avertis done — pere et mere,

Que nous reconstituons le coeur de leur enfanl.

Sous les hautes herbes (au Kimpasi),

0 esprit de Nsenga, 6 bien-aim6 (bis),

L’enfant a disparu (au Kimpasi)

Je suis ton fr6re !

E nkita ndiani mono,

Ikala kwamo nganga !

E ku nlele yaya !

Mono nkita mfwidi kinleke,

E ku nlele yaya,

Bu luzola kimbambi,

Gunu lumona dio,

E ngwa mono yaya.

L’esprit-nkita m’a d6vor6 moi aussi,

Mais maintenant je suis nganga,

Je voulais les vetements de gloire !

Jeune, moi je suis mort de la mort nkila.


Je voulais les vetements de gloire.

Vous qui d^siriez les rites du Kimpasi,

Aujourd’hui vous les subissez !

Pourquoi g6missez-vous ! H6ias, pauvre de moi, 6 mere !

204

ETUDES BAKONGO

E e e bay’e !

0 yay’e bay’e !

Ku Kongo bawidi tanda,

E yaya bayaya {bis)

Ku Kongo bawidi tanda,

Nyoka bawidi nyoka,

Kufwidi kiloia, ka bakwisa ko,

Ku Kongo bawidi nyoka !

Oh, mes amis ! Oh !

Oh, mes chers amis ! Oh !


Qu’ils ont maigri au Kimpasi.

Oh, mes chers amis ! Oh ! {bis)

Qu’ils ont maigri au Kimpasi,

Ils sont devenus faibles, si faibles.

Ils n’iront pas ou Kiloia mourut,

Au Kimpasi ils sont devenus si faibles !

Pour les distraire el les encourager dans leur vie mono-


tone, dame Ndundu apprend a ses enfants le grand ser-
ment de la secte. Cette formule leur permettra plus lard
de penetrer dans lous les Kimpasi et d’y participer, s’ils
le desirent, a toutes les rejouissances.

La voici :

Question. Reponse.

A kwa kita ? Eye !

Est-il vraiment mort nkita ? Bien sOr !

Serment :

Na tatu ifwa,

Na fwa zole,

Iziola nkisi,

Ngani Nzambi,
Kasakala kiekie
Kila mbendi,

Kiandu kikoma nsonso


Kani kifwidi kwandi,

Mayeka nkama ye tsambu,

Lembi ye Mbumba,

Mbaka ye Ndundu.

RELIGION ET MARIE

205

Que je meure trois fois,

Que je meure deux fois,

Je garde le nkisi
Que Nzambi me donna.

II fait en sorte que toujours


Tout soit en bon etat,

II sait avec des clous reparer une natte


Si usee soit-elle,

En passant par cent mains, il vint a notre maitre,


Je le jure — par le nkisi Lembi et par Mbumba,
Par les nains et par dame Ndundu.
Question. Reponse.

A kwa Icita ?

Est-il vraiment mort nkita ?

Nkaka ni mpungu-Ndundu ?

Par grand’mere, la puissante


Ndundu ?

Ngwama ni Nzambt-Ndundu ?

Par mere Nzambi-Ndundu ?

Na lumbu Iweno keti Iwe luna ?


Ta maison, quelle est-elle ?

Eye !

Bien sCir !

Mbaka.

Par les nains.

Mbaka, ngwama ni Nzambi, ica-


kala sita, kabuta mono.

Par les nains, par m&re Nzambi


qui, bien qu'elle fflt sterile, m'a
donn6 la vie.
Ngwama ni Nzambi, lumbu lu
Nzambi kwamo.

Par mfere Nzambi, la maison de


Nzambi, en v6rit6 !

T1 ne s’agirait pas de se tromper dans ces formules de


serment et ces reponses !

\ous nous trouvons semble-t-il devant une confusion


voulue entre les noms reserves a l’Etre Supreme, Nzambi
et Mpungu, et les noms Ndundu, Na Nzambi, Na Lumbu.
11 faut noter cependant que dans un des Kimpasi de la
region de Kisantu, le maitre se lit proclamer Nzambi le
veritable Etre Supreme. La formule propre du serment :
que je meure trois fois... est si familiere aux inities et ils
la prononcent si rapidement que j ai bien du la faire repe-
ter vingt fois avant de pouvoir la transcrire exactement.
Et ce qui est remarquable, c’est que toujours celle des

206

ETUDES BAKONGO

Bambata coniine celle du vieux chef Mbemba de Kisantu,


etait mot pour mot identique.

Durant cette periode, le maitre du Kimpasi vient de


temps a autre mettre en action ses fetiches, renouveler
leurs forces, par exemple en cas de maladie d’un des can-
didats. II eprouve aussi ses eleves : rampant comine le
ferait une bete sauvage ou un non-initie desireux de sur-
prendre les secrets de la secte, il s’approche jusqu’aux
abords de l’enclos; comme au moindre bruit les membres
du Kimpasi doivent « faire le mort », les prend-il en
defaut sur ce point, il leur inflige une amende.

La resurrection.

Au jour fixe pour la resurrection, les aides — hommes


et femmes — et tous les anciens inities des environs se
reunissent il l’heure indiquee; ce sera le soir, au crepus-
cule, a l’epoque de la nouvelle lune. Apres le bain habi-
tuel, les morts se son! fardes conipletement de rnpemba,
argile blanche; seule nne partie de la tete fait exception :
elle est enduite des cendres de feuilles lusangu-sangu. Le
maitre a sorti le fetiche du Kimpasi et renouvele ses for-
ces. Il en extrait une partie des ingredients, de la terre
rouge et blanche, des feuilles lusangu-sangu , un mor-
ceau de la pierre-nkita, des ecailles d’ceufs, des bouts de
bois, y ajoute du sel, du poivre et de la poudre nkula; il
melange et broie soigneusement le tout sur une pierre
d’abord, dans un mortier ensuite.

Les morts sont portes par les anciens pres de l’endroit


de « l’execution » et jetes la le long des differents sentiers
qui y menent. 11s doivent y rester immobiles, sur le dos.
Ap res leur avoir couvert la figure d’un paene de raphia,
parfois d’une feuille de bananier, les porteurs se sont
enfuis semblant abandonner leurs « morts ». Mais bientot
voici le maitre du Kimpasi et sa suite. Il s’agenouille pres
de chaque « cadavre », lui decouvre la tete, prend la touffe

RELIGION ET MAGIE
207

de feuilles lusanyu-sangu en feu presentee par un de ses


aides, et en frolte tout le corps tin patient, du genou droit
puis du genou gauche jusqu'a la tete, ayant soin de lui
souffler la fumee aux yeux. 11 prend ensuite la mixture
magique qu’il a preparee et en enduit les yeux du mal-
heureux; celui-ci excite par ce melange de poivre et de
sel, oublie bientot son role et se remue. C’esl le signal de
menaces, voire de coups de verges. Les anciens le rele-
vent alors et le mort devra courir de toute la vitesse de ses
jambes vers l’enclos.

Tous les ressuscites se retrouvent bientot pres de la


butte du Kimpasi, pleurant a cbaudes larmes et se frottant
les yeux. Les maitres les y out suivis, le tambour donne le
signal de la danse et tous les anciens entourent les mal-
heureux ressuscites :

Toko diyobedi malomba.

Diambu dina yani’e !

Samba yaya’e e ngwa,

Diambu si dikwisa.

Le jeune homme s’est fard6 de noir,

II a bien raison d’en agir ainsi !

Fleure, ami, 6 mere,


Car voici le moment venu.

Toko divwata mbari


Diambu dina yani’e.

Samba yaya, e ngwa,

Nenga kina gana.

Toko di ketamene ndumba


Diambu dina gana.

Le jeune homme a revetu son pagne de raphia,

II a bien raison d’en agir ainsi !

Pleure, ami, 6 mere,

Cela cache quelque chose.

Le jeune homme est s6par6 de la jeune fille,

Voila le vrai motif.

-208

ETUDES BAKONGO

Samba, samba yay’e,

E ngwa diambu dina yau {bis)


Matoko meso bafika,

Makulu meso bazimini.

Pleure, pleure, ch6ri,

0 m&re, quelque chose les attend {bis)

Les jeunes gens se couvrent les yeux,

Ils ont tous les yeux eteints.

Le maitre du Kimpasi souffle alors dans sa pelile corne


d’antilope. « Vous tous, ecoutez, dit-il, et retenez bien ce
chant que j’entonne » :

Tat’ amo tata Mfwa-wasi,

Ngudi amo, ngwa Ndundu,

Fwa mbila,

Lwango ndilanie !

Kilumbu ibaka toko


Toko di ngwa Ndundu.

Mon p6re est pere Mfwa-wasi, (le maitre du Kimpasi)

Ma mere est m&re Ndundu.

Que je meure mis6rablement


Que le nkisi Lwango me devore !

Le jour oil je me marierai,


Ce sera avec un enfant de m&re Ndundu.

Tous repetent le chant du maitre, et puis le serinent que


Nsumbu leur apprend : Nkoto mania : Par la tresse de
notre mere ( l ).

Au signal donne par le maitre avec sa corne d’antilope,


tous les morts se retournent et se couchent sur le ventre;
les anciens se placent devant le nouvel initie dont ils veu-
lent devenir ndoy ou homonyme et prendre ainsi la
tutelle.

(') Ndundu est ras6e completement, seule une mfiche de longs cheveux
est epargnee ii la partle arri&re de la tSte. Cette tresse s’appelle NkdtD.

RELIGION ET VIAGIE

209

Le maitre du Kimpasi s’avance alors jusqu'au premier


adherent et posant le pied sur son front, il s’ecrie : Na
Luvuma la Nzainbi, lumwen’e ? Luvuma lu Nzambi,
l’avez-vous vu ? Tous de repondre : Non, nous ne l’avons
pas vu. — Qui done l’a vu ? — Personne ne l a vu. — Le
maitre nomme alors le nouvel initie du nom choisi d’ac-
cord avec le chef et les anciens, par exemple Na Mata, et
il demande : Na Mata l’a-t-on vu P — Et tous repondent :
Nous l avons vu. — L’ancien Na Mata prends alors son
jeune ndoy sur les epaules et le porte hors de l’enclos. La,
il le couvre d un magnifique pagne (mbari) tout en lui
apprenant les versets qui expliquent la veritable signifi-
cation de son nom. Celui qui oublierait ce nom de parade
se verrait imposer l'amende d une chevre ( 2 ).

Lorsque les ressuscites sont devenus « personnes com-


pletes avec leur nom » on fait ripaille : pain de manioc,
viande de chevre, vin de palme, etc... Suivent les danses,
les extravagances de toutes sortes et, chez les Bampangu
du moins, les exces les plus grossiers.

Ressusciter se dit : futumuka, forme passive de futi i-


muna qui est, semble-t-il, une forme renforcee de fula.
Ces deux verbes sont employes pour designer que le nkita
ressuscite les candidats. Bafwa nkita : ils meurent par le
nkita, et de la, ils sont morts de la mort du nkita; nkita
ubagondele : le nkita les a tues; nkita ubafudidi ou nkita
ubafutumwene : le nkita l’a fait revivre.

On pourrait croire que ces mots ne sont pour les


Bakongo qu’une maniere imagee de s’exprimer, ou un
langage conventionnel pour tromper les non-inities.
Quelque ridicules et pueriles que puissent nous paraitre
toutes ces ceremonies du Kimpasi. elles out pour les Noirs
une signification ties reelle. Pour eux le candidat meurt
et ressuscite vraiment.

Ils savent sans doute qu’il ne meurt pas dans le Kim-

( 2 ) Voir plus loin, Les noms.

14

210
ETUDES BAKONGO

pasi, de mort ordinaire, niais ils sont aussi profondement


convaincus qa’il meurt et ressuscite dans une autre
sphere, dans ce monde magique des esprits qui leur esl
familier mais que nous, avec notre mentalite, nous ne
pouvons nous imaginer.

La vie du Kimpasi.

Les candidats ressuscites sont maintenant d’autres hom-


mes, ils sont enfants-nkita. Voici qu’ils doivent grandir,
yela si bayela, il faut qu'ils murissent. Et c’est a cela que
serviront les rites qui restent a accomplir, jusqu’au jour
de leur sortie triomphale. Les principales ceremonies
sont : d’abord, selon les circonstances, se farder de pou-
dre de nkula rouge ou blanche apres le bain du matin;
puis, apprendre les lemons que chante ou recite le maitre
du Kimpasi, dame Ndundu ou Nsumbu; enfin, mettre en
oeuvre les fetiches, et surtout s’adonner au chant et a la
danse. La plupart des inities ne gardent de toute cette
formation qu’une connaissance approfondie des dames et
de la debauche qui les accompagne.

La premiere besogne, le matin, est de balayer la cour


du Kimpasi. Aussit6t apres, bain reglementaire, suivi du
suivi du badigeonnage blanc ou rouge exige par le nkisi.
Les adherents ont a faire eux-memes leur provision de
« fard », et de fibres de bananiers, leurs deux seuls vete-
ments habituels. Durant cette periode le regime redevient
ce qu’il est normalement pour un Mukongo ; un repas a
midi, un second le soir. Les vivres sont tou jours founds
par les parents et continuent a passer par les mains de
Nsumbu ou de Mavuzi-mbila. Les danses ne se font pas
a des heures strictement determinees. En dehors de ces
occupations imposees, les candidats ont un certain temps
libre durant lequel ils pourront tirer le vin des palmiers,
cueillir des noix de palme et d’autres fruits, cultiver des

RELIGION ET MAGIE

21 1

legumes, rechercher les chenilles des hois, faire la chasse


aux rongeurs et autres betes.

Le jour de la resurrection, lorsque les inities out dormi


tout leur soul, et se sont laves a la riviere, commence la
ceremonie du Niunguta, line des danses du Kimpasi.
Debout, alignes sur un rang, sans mouvoir les jambes, ils
tournent le buste de gaucbe a droite, aussi loin qu’ils le
peuvent, tandis que les femmes chantent d une voix de
tete, comme c’est la coutume dans le Kimpasi, les melo-
dies suivantes :

E e e Nsumbu yay’e !

Gana gele. e e e !

Si nkita nzing’e !

E e e Nsumbu yay’e !

Eh, eh, eh ! Nsumbu, mon ami.

Les enfants s’en 6taient alles, eh, eh, eh,


Les void, pleins de vie par Nkita.

Eh, eh, eh ! Nsumbu, mon ami.

Lorsque cette gymnastique fatigante a dure assez long-


temps, le maitre du Kimpasi s’approche et dispose devant
les danseurs le fetiche Nsanga-nkita; il le met en action
(■ sakumuna ) et ensorcelle ( loka ) le fetiche Nkosi. Puis,
arrachant un cheveu de chaque adherent, il les place tons
dans le Nsanga-nkita; ils sont ainsi personnellement sous
sa puissance : car « il les devorera s’ils venaient a enfrein-
dre les lois du Kimpasi », et sous sa protection speciale
<( il les protegera contre les sorcier ».

Ils etendent alors leurs pagnes sur le sol de manierc a


former deux rangees, s’y couchent, chaque frere-Kimpasi
pres de sa soeur, et se frottent tout le corps de poudre de
nkula jusqu’a ce qu’ils brillent. Le maitre du Kimpasi
aide de Na Nzambi passe dans les rangs et leur trace sur
les deux jambes deux lignes rouges. Pour la circonstance,
il a revetu des peaux de chevres; on sent d’ailleurs l’odeur

212

ETUDES BAKONGO

ties quartiers de chevres que Manzanza prepare pour les


candidats. Le maitre promulgue alors plusieurs lois ■

1. Vous tous, gardez jalousement secretes, toutes les


clioses que vous voyez et entendez ici; cclui qui se ris-
quera a les corrimuniquer a un profane, dame Ndundu le
poursuivra; le nkisi le tuera, comme a ete abattue cette
chevre :

Tata watnba, etata wamba,

Ufwa, ubila,

Sungimina nlongo misala ku nseki Mpangu.

Tat’anio tata Mfwa-wasi,

Ngudi amo ngwa Ndundu bwaka,

Sungimina nlongo misala ku Kongo,

Tata wamba mayebele.

Pere qui vieillis, 6 pere qui vieillis,

Tu mourras miserablement,

Si tu ne te souviens des tabous en vigueur dans la plaine de


Mpangu.

Mon pere, c’est pere Mfwa-wasi,

Ma m6re, c’est mere Ndundu la rouge,

Souviens-toi des tabous et lois en vigueur dans Kongo,

Pere qui vieillis et vieillis encore.

Les plaines de Mpangu indiquent la vie hors du Kim-


pasi; Kongo la vie dans le Kimpasi.

2. Ne pas s’eloigner des endroits indiques par Nsumbu.


Ils peuvent se rendre a la riviere pour se baigner ou y
pecher, a l’ancien emplacement du village pour y tirer
le vin des palmiers ou y cueillir des noix de palme, enfin
dans certaines brousses. Celui qui se rendra au village
ou rencontrera des non-inities sera p uni de mort.

3. Celui qui, pour se soustraire aux ceremonies ulte-


rieures, ira se cacher chez des parents ou des amis, sera
frappe de mort par le nkisi lui-meme.

4. Arrive-t-il qu’un des candidats tombe malade ou


meure duranl le temps d’epreuve, on ne pent en rendre

RELIGION ET MAGIE

213

un homme responsable : celui qui osera le faire, sera tue.


Mais le defunt sera pleure ct enterre par les membres du
Kimpasi.

5. Toute desobeissance aux initiateurs, en particular


a dame Ndundu ou a Nsumbu, sera punie d’amendes en
argent ou en nature : etofl'es, vin de palme, etc.

6. Entretenir des relations cordiales avec les autres


adherents. Celui qui cherche noise ou profere des insultes
paiera 1’amende imposee par Nsumbu. Dans les cas gra-
ves, la peine sera 1‘ixee par le maitre lui-meme.

7. Observer les prescriptions du nkita-nkisi : ne jamais


se coucher sur la terre nue, s’abstenir d un grand nombre
de fruits, de legumes, de champignons, de chenilles,
d’animaux rongeurs, etc. Les especes varicnt suivant les
Kimpasi.

8. Arriver a temps aux exercices et s’y appliquer.

Ces lois et tabous sont repetes souvent au cours de lini-

tiation, soit par Nsumbu, soit par le maitre feticheur


lui-meme. Ce dernier termine comme suit ses recomman-
dations :

Tata wamba mayebele,

E ya Luvuma,

Ku Kongo tukwenda,

Ku nseke ka kusidi kieku ko,

E ya Luvuma,

Ku nlambudi malu, e, e, e,

Ku Kongo tukwenda.

Pere qui vieillis, et vieillis encore,

0 cher Luvuma — observe les lois —

Nous allons a l’imtiation du Kimpasi,

Que rien de toi ne reste dans la plaine.

0 cher Luvuma — observe les lois —


La oil j’ai 6tendu les jambes ( l ) e, e
Nous allons k l’initiation du Kimpasi.

(•) Allusion a la mort du Kimpasi.

214

ETUDES BAKONGO

La peine de mort pour le delinquant n’est pas une vaine


menace. Deserteur ou traitre, il est recherche et ramene
de force au Kimpasi. Ses compagnons doivent de leurs
mains sans instrument aucun, creuser une fosse au milieu
du chemin qui donne acces a l'enclos. Lie, le malheureux
y est couche, recouvert de terre rouge nsadi, et enterre
vivant, la tete seule au-dessus du sol. Tous mes informa-
teurs furent unanimes sur ce point. Meme de longues
annees apres l’initiation, celui qui oserait trahir les secrets
de la secte, serait recherche par ses anciens compagnons
et perirait de la sorte.

Quelque temps avant la sortie triomphale, venant rom-


pre la monotonie coutumiere, a lieu la peche a l’anguille.

Vers neuf heures du matin, le tambour retentit. Les


candidats restent dans la hutte groupes autour de dame
Ndundu, tandis que le maitre du Kimpasi, Nsumbu, dame
Manzanza et les autres aides viennent se ranger devant
l’entree.

Manzanza commence :
Ngwa Manzanza k’avwa ngudi ko’e !

M&re Manzanza n’a plus sa m&re, eh !

Tous de repondre :

Ku kiele !

Voici le jour !

Ndamba. ndamba nga lambidi kala,

El le n’a pas trouve de nourriture prete ., voici qu’elle en prepare.

Reponse :

Ku kiele !

Voici le jour !

C’est le signal convenu : les temps sont arrives, Man-


zanza va rechercher l’anguille ngola ('). Tous se rendent

(q Ngola. (clarias), poisson dSlicieux, sans ecailles, qui ressemble


assez bien a l’anguille.

RELIGION ET MAG IE

215

a 1’etang et, y construisent une digue de fafon a separer


une partie quite assechent. Cette sorte de peche ( yabu )
est assez repandue. Tandis qu’ils puisent l’eau, les anciens
inities chantent de voix de tfite :

E yaya yang’e ye ngol’eye yeye e.

0 etang bien-aime avec tes anguilles, eh, eh !

Si un dernier candidat se presentait alors, on l'amenc-


rait sui' place et, coniine dans la ceremonie d’entree racon-
tee plus haut, il serait « frappe de mort » par le nkita,
transporte a l’enclos, etc, II recevrait le nom de Mayanga,
c’est-a-dire, « celui de l’etang ».

Wkiii x

La peche finie, les ngola saisis sont places dans une


grande cruche d’eau et on remonte a l’enclos. Le lende-
main, les aides du maitre creusent un mvulu-mvula, fosse
en forme de croix, devant l’entree de la hutte du Kimpasi.
Le centre a environ cinquante centimetres de diametre
et I rente de profondeur. Chacun des quatre bras a cette

216

ETUDES BAKONGO

meme profondeur, est long d’environ un metre, et large


de vingt centimetres. Aux deux extremites laterales on
plante une petite bo'tte d’herbes nianga, entouree de cen-
dres de bois. Le fosse est rempli d’eau et on y lache les
ngola un hamefon dans la gueule. Le nkisi du Kimpasi,
le Nsanga-nkita, est place a Textremite la plus eloignee
des candidats; le maitre en retire quelques graines de
lusangu-sangu, les depose sur les touffes de nianga, puis,
devant les candidats ranges par Nsumbu sur une ligne, il
eleve la voix :

E mina ntumbu i ngola e, See !

0 yay’e yang’e i ngol’ani

0 o o

Gola, gola, gola !

Eh, avale l’hamegon du ngola, eh, eh !

Eh, le cher etang et son ngola !

Oh, oh, oh !

Tire, tire, tire !

Masamba, la jeune fille qui la premiere est morte et


ressuscitee, s’avance pres du fosse, s’agenouille pres du
canal le plus'' rapproche, dont l’extremite est restee dega-
gee, place les mains derriere le dos et tache ainsi de saisir
des levres les graines de Lusangu-nsangu deposees sur les
herbes. Elle doit ensuite les lancer au centre. A-t-elle
reussi cette operation, Nsumbu lui remplit la bouehe
d’eau, et le maitre y introduit la gueule d’une anguille
de sorte que l’eau jaillisse.

Alors seulement elle pourra cracher l’eau, et pronon-


cera le grand serment du Kimpasi : Na tatu ifwa, que je
meure trois fois, etc., comme nous l’avons relate plus
haut.

Tous subiront la meme epreuve. Ceux qui ont reussi


sont felicites, les autres qui par maladresse auraient cra-
che trop court, lanfant des graines dans le bras de la croix
et non au centre, sont reprimandes et doivent payer une

RELIGION ET MAGIE

217

amende. Mais celui qui se tromperait dans la formule du


serment recevrait une peine bien plus forte.

Alors tous sont rases; sous les aisselles, les poils sont
meme arraches; ils s’enduisent de terre blanche et s’en-
roulent autour de la tete une feuille verte de bananier.

Celui qui mangerait apres ces rites de la chair d’ani-


maux mouchetes devrait au prealable se faire sur le corps
des taches rouges ou noires « afin de faire connaitre sa
nature » (*).

La sortie.

La fin du Kirnpasi s’exprime simplement par kutuka


ka Kimpasi : sortir du Kimpasi, ou encore kutuka ku
nkembo : la sortie solennelle. La date en est fixee par le
maitre et le chef protecteur du Kimpasi qui doivent au
prealable se mettre d’accord mu lubula Kimpasi ou mu
tukisa Kimpasi, pour dissoudre le Kimpasi.
La veille sera reservee aux nkisi, l’avant-veille au regie-
men l des palabres. Les amendes imposees aux candidats
par Nsumbu doivent etre payees, ce qui ne va pas sans
difficultes. Le maitre du Kimpasi devra bien souvent
intervenir pour regler les choses a l’amiable. Tous les
adherents devront d’ailleurs lui payer trois fois neuf per-
les ou des tiges de laiton, leurs « anciens » ayant a solder
le reste.

Les questions d’argent reglees, on danse et on festoie.


Les palabres a peine closes font evidemment le sujet des
chants :

Longo lu mfundu, e
K’ibongo lo kwamo ko
E eee e66 !

Ikituka mfwengi, e
Ibaka nsusu
E eee eee !

(*) Ceci montre, me disait un de ines informateurs, qu’ils sont de


nature servile, car les descendants de chefs ne mangent pas la viande
d'animaux mouchetes. Cette distinction est la meme chez les esprits-
nkita, en qui sont metamorphoses les initios.

“218

ETUDES BAKONGO
Un inariage plein de palabres
Je n’eri veux pas pour ma part,

Eh, eh !

Je pref&re etre fouine,

Et voter des poules,

Eh, Eh !

Ils saluent la fin de l’epreuve de cette maniere originale :

E kimbembi ee£ !

E kimbembi babani, (bis)

Ntangu inwa menga.

Ikwe yungana kwamo,

Ku mafula ma mponda.

O petit epervier oh, oh !,

0 petit Epervier, etends tes ailes (bis)

Le soleil boit du sang — se couche.

Je vais m’envoler d’ici

Vers les sentiers du lieu d’execution.

C’est par ces chemins, en effet, qu’ils s’en retourneront a


leurs villages respectifs.
Le lendemain est la journee des fetiches. Le maitre du
Kimpasi et ses aides apportent tous les nkisi, les rangent
sur leur natte d’honneur, les mettent en action et les
ensorcellent. Une chevre sera tuee a cause du mbuta-
nkosi « le chef lion » et il sera « abreuve » de son sang.
Les autres fetiches recevront chacun leur poule. Les petits
tas de poudre disposes autour d’eux sont allumes et tandis
que le maitre et Nsumbu adjurent et ensorcellent leurs
nkisi, les aides font un bruit infernal; ils dechargent en
l air leurs fusils, martelent les tambours, agitent sonnet-
tes et crecelles, etc.

Le maitre excite les nkisi tour a tour contre les ennemis


qui, par manoeuvres de sorcellerie ou autrement, vou-
draient nuire aux inities, et contre les inities eux-memes
qui oseraient trahir les secrets de la secte. II termine par
le refrain de regie en la circonstance. Les candidats assis-

RELIGION ET MAGIE

219

lent en tremblant a la scene ! Tous prennent part au repas


des nkisi; les animaux tues et les vivres en connexion
avec les fetiches sont consommes. Le nsanga-nkita, nkisi
protecteur du Kimpasi, est traite en dernier lieu, le maitre
l’actionne de la maniere deja decrite, puis le fait passer
dans tous les inities, de la maniere suivante : il frotte le
nkita de feuilles de matutu ( Arundo donax) tandis que ses
aides frottent de meme les adherents, puis extrayant une
partie de chaque element du nsanga-nkita, il y ajoute des
feuilles de ladi (plante aquatique) et dans une assiette de
hois ariose le tout de vin de palme et d’eau. Chaque initie
en recevra sa part; le maitre les avertit :

Kuna lukwenda,

Gana luta miole,

Gana luta ntatu, •

Fwa lufwa,

Ka luzinga ko.

Kani samuna kielele,

Ka kukala kitata ko, e.

Kani samuna kielele,

Ka kukala kiyaya ko e.

Kani samuna kielele,

Ka kukala kimpangi ko e.

La ou vous allez,

Si de nos secrets, vous en trahissez deux,

Si vous en trahissez trois,

Vous mourrez de mort,

Vous ne vivrez plus.

Pour nul motif ne revele notre secret,


Etre ton pere, ne compte pas.

Pour nul motif ne revele notre secret,

Etre ton frfere, ne compte pas.

Pour nul motif ne revele notre secret,

Etre ton parent, ne compte pas.

L’idee est claire : quelqu’etroits que puissent etre les


liens de parente, ils ne t’excusent pas de trahir les secrets
de la secte. Nsumbu et ses aides reprennent alors les

220

ETUDES BAKONGO

refrains qui apprennent aux membres la discretion qui


doit etre la leur, par exemple :

E Ndundu e,

Nlongo lusungama.

E kukwenda ku nseke Mpangu,

E nlongo lusungama.

Par Mere Ndundu,


Souvenez-vous des defenses,

Maintenant que vous allez dans les plaines de Mpangu,


Des defenses, souvenez-vous !

Tous continuent :

E nkita ndiani kwamo, eee !

Que le Nkita me d6vore, eh, eh !

Les aides reprennent :

Lukumba, e ngudi nkita nganga, e


E ku Ndembo e lele !

Respecte le maitre — mfere-nkita,

(Test ici au Kimpasi qu’il mouru.t !

Les nouveaux-inities :

Ikala kwamo nganga,

Ku nlele mponda.

Di bakotila kimpasi, e
Mu nlele mponda !

Me void moi-meme devenu maitre,

Sous le pagne de la mort.

C’est pourquoi l’on entre au Kimpasi,


Sous le pagne de la mort.

Les aides :

E kimpasi ki Ndundu’e
Kani we fwila’e
Kwe zengena !

E yaya Ndundu, e
Kani we fwila,

Kwe zengena !

RELIGION ET MAG IE

“221

Au Iiimpasi de Mere Ndundu,


C’est la que tu es mort,

Que tu es devenu muet.

Par Ndundu la vieille,

C’est la que tu es mort,

Que tu es devenu muet.

Les inities :
Ririri

Ndundu, mbaka,

Ndundu kambaka,

Na Ndundu kambaka nkanu


Kambaka nkanu !

Ririri,

Par Ndundu, par les nains,

Que Ndundu me prenne,

Que Ndundu me juge,

Qu’elle me juge !

Ce serment est prononce ties rapidernent, en martelant


bien les syllabes.

Le reste de la journee se passe en fetes et danses pro-


longees bien tard dans la nuit. Le lendemain les inities
s’enduisent de glaise blanche : ils sont des esprits blancs;
c’est d’ailleurs i'impression qu’ils doivent faire sur les
profanes. Vers quatre heures de l’apr&s-midi, ils s’habil-
lent de pagnes en fibres de bananiers, puis les anciens les
portent a l’entree du village, a un emplacement bien pro-
pre convert de nattes tressees, que le chef du Kimpasi
leur a fait preparer. Les aides leur etendent bras et jambes
et les recouvrent d’etoffes. Les anciens sont venus avec le
chef a leur rencontre ; ils agitent des palmes, et leurs cris
d’allegresses lo, lo, lo ! annoncent aux non-inities la
bonne nouvelle. Ceux-ci voudraient s’approcher, mais la
voix du maitre s’est elevee : « Chassez-moi ces iguanes !
avec leur puanteur, ils vont gater mes enfants. »

Les anciens chantent et dansent autour des esprits


blancs jusqu’a la tombee de la nuit. Le nganga et dame

222

ETUDES BAKONGO

Ndundu celebrent tour a tour 1 oeuvre du nkita, en par-


ticulier, comment il a augmente la puissance general! ice
de ses enfants. Ces chants accompagnes de gestes sont du
genre de celui-ci :

Eye, eye, a kwa nsondo ! {pud. mul.)

Mvunguezi !

0 yay’ elAaaaaaa!

A kwa makata {pud. viri)

Mvunguezi;

0 yay’e ! A a a a a a !

Apres avoir ete exposes de la sorte, les esprits blancs


sont reportes a l’enclos. 11s y passent une derniere nuit.
Le lendemain avant le lever du soleil, ils se baigneront,
se fardcront de glaise blanche, et la fete commence aussi-
tot; danses et chants, beuveries et ripailles dureront jus-
que vers trois heures de l’apres-midi. Les anciens les
reporteront alors a la meme place que la veille. Le
nganga, dame Ndundu et tous les aides d’ailleurs se sont
cette fois barbouilles la figure : des lignes blanches leur
entourent les yeux et la bouche. Ndundu porte dans ses
bras le Nsanga-nkita, le nkisi du kimpasi et s’arrete
devant ses enfants alignes, les aides les font asseoir puis
leur font executer la danse du Kimpasi. Apres quelque
temps, les esprits blancs doivenl se recoueher et c’est
Ndundu qui maintenant tourne autour d’eux, dansant el
celebrant d’une voix suraigue la force du nkisi du Kim-
pasi. Au moment ou le soleil disparait a l’horizon le mal-
tre lui demande si les organes de ses enfants sont en bon
etat, et sur sa reponse affirmative, il fait reporter les
esprits blancs a l’enclos. Ceux-ci se hatent de met ti e leurs
hardes en surete, car deja la butte et 1’enclos sont livres
aux flammes. En silence chacun rejoint alors le logement
qui lui a ete assigne au village.

Le lendemain est le jour glorieux ! Tout luisants d’huile


de palme et de poudre nkula, revetus de leur plus beau

RELIGION ET MAGIE

223

pagne, ils partent en rang pour le marche. Leurs corps


brillent au soleil. Ils se tiennent l’un l’autre, chacun
posant les mains sur les epaules de celui qui le precede;
la jeune fille Masamba ouvre la marche, Mayanga vient
en queue de la file 0). Les aides et les anciens chantent
au son des tambours; la foule est accourue nombreuse au
marche; jamais on n’y a connu « tel vacarme, tel etouf-
fement ». Jeunes et vieux se demenent pour admirer les
nouveaux ressuscites. Ceux-ci murmurent a voix basse,
se communiquant des choses mysterieuses dans une lan-
gue inintelligible aux profanes. Ils ne semblent recon-
naitre personne, ni pere, ni mere. Ils sont des hommes-
esprits, et ils le savent! Ceux qui les entourent n’entendent
que des sons sifflants... c’est qu’a cliaque mot ils ajoutent
sina. Leurs jeux de physionomie, leurs regards fixes,
leurs gestes, leurs attitudes soudain figees, tout est mys-
terieux, tout provoque l’etonnement de la foule.

Ils ont le droit de s’attribuer des cadeaux, gakwasa


makabu, chez tous les vendeurs du marche et ils en pro-
fitent royalement. Lorsque le marche touche a sa fin, ils
se regroupent, et autour d’eux, au grand etonnement de
la multitude, commence la sarabande effrenee de tous les
anciens inities des environs.

Apres I’Spreuve.

Le lendemain, nouvelle reunion sur la place du vil-


lage ( 2 ). Le fetiche du Kimpasi, Nsanga-nkita, qui a servi
a l’initiation va etre renouvele, et on lui donnera des
forces nouvelles, sakumnka. Une partie des anciens ingre-
dients est remplacee par de nouveaux de meme espece.
Puis un grand feu est allume et I on n’y brule que des

t 1 ) Chez les Bambata, dame Ndundu ouvre la marche, Masamba ne


venant qu’en second lieu; d’autre part, les inities, au lieu de se prendre
par ies epaules, se tiennent par le bord du pagne.

( 2 ) Du moins chez les Bambata.


224

ETUDES BAKONGO

arbres a seve non gluante, en particulier le Kigeti (Euph.


Hymenocardia acida), le Mbota ( Legum . Milletia Dewei-
vrei), le nkelekete (Legum. Dinlium), car ce sont ces arbres
que recherchent les esprits-nkita, quand ils quittent leurs
villages. On v brule encore du ntundibila ( Amomum albo-
violaceum, Ridl. Zingiber), plante ties employee dans le
fetichisme, et le tizo longo ; la forme de son fruit est ici le
symbole de la virilite.

Chaque nouvel initie recueille des cendres de ce foyer,


dans un petit sachet en fibres de palmier, y mele de l’ar-
gile rouge et blanche et d’autres ingredients, arrose le
tout du sang d’nne poule qu’il a tuee et installe ainsi son
propre fetiche selon toutes les regies de l’art. II empor-
tera chez lui ce nkisi qui donnera aux homines et aux
animaux une fecondite extraordinaire.

Le maitre du Kimpasi installe ensuite deux nkisi a


forme humaine, l’un Nkala-nsinsi represente une femme
et sert a « faire trebucher les sorciers », l’autre Lutete,
homme « an bon jugement et qui en donne pour regler
toutes choses ». Ces nkisi resteront au village du chef du
Kimpasi et devront etre frottes de quelques gouttes de
sang de tout gibier tue dans la brousse par un des mem-
bres du village. Evidemment la journee se termine en
danses comme ll convient !

Les nouveaux inities resteront quelques semaines


encore « d’autres personnes » et pourront se permettre
d’enlever de la nourriture chez leurs parents et amis, sans
que ceux-ci s’en soucient; ils prennent patience : « Lais-
sons-les faire, diront-ils, ils ont ete morts, ils sont ressus-
cites, ils ne connaissent plus nos affaires ». « Ils agissent
comme des gens atteints de fievre ». Ils vont par le village
et les sentiers, chantent d’une voix de tete des versets
extraits des chants du Kimpasi : « E, e, e, mama Ndundu,
oh ! Mere Ndundu. E, e, e, vinga, ka tufwanga ko e !
6 profanes, quoi done, nous ne mourons pas ! E vinga
sikama, kunda ngw'aku ! 6 profane, leve-toi, salue ta

RELIGION ET MAGIE

225

mere ! » 1 Is regardent avec mepris, les plus jeunes qu’eux,


et les non-inities de leur age. 1 Is les rudoient bien sou-
vent. 11s veulent etre appeles par leur nom de Kimpasi :
il serait mal venu, celui qui leur donnerait leur ancien
nom, ils exigeraient reparation. A la moindre contradic-
tion, ils se fachent et jurent de se venger. Le serment
qu’ils ont sans cesse a la bouche Nguti bizeke signifie :
que j’enfante coniine le bananier bizeke ( Musa giletii).
Quoi qu’il en soit, chez les anciens inities, ils seront tou-
jours refus aimablement.

Apres quelques semaines, la nouveaute a perdu son


attrait, bientot tous les secrets et les chants appris au
Kimpasi s’estompent en leur esprit et sont vite oublies.
Quelques individus pourtant suivent la voie qui leur a ete
tracee et entretiennent leur science fetichiste; d’aucuns,
apres s’etre inities comme mwana-nganga ou nganga-
eleve aupres d’un ngudi-nganga ou nganga-mere, devien-
dront des feticbeurs renonimes.

Mais tous en garderont quelque chose, c’est le nom


de parade re^u au Kimpasi avec, helas, une forte propen-
sion aux plaisirs sexuels.

Conclusion.

Le Kimpasi est done chose complexe. II est certes


d’abord et surtout une ecole d’immoralite. Tous mes infor-
mateurs etaient unanimes sur ce point : et ce vieux chef
pai'en qui en fit le recit a son neveu, un de mes catechis-
tes, homme marie et digne de toute confiance; et les Bam-
bata; et ce vieux chef pai'en qui me resumait son juge-
ment en ces termes : « lia matoko mu kimpasi kio yi salu
i kia kina , ki bizumba kwandi. Les jeunes gens dans le
Kimpasi ne connaissent qu’une chose, la fornication »(').
En fait, le Kimpasi est devenu une societe de prostitution

(i) Fornicatio simplex, masturbatio solitaria, paederastia.

15

226

ETUDES BAKONGO

en commun; ce qui semble bien etre line deviation du but


primitif, car une telle institution est en opposition for-
melle avec les coutumes sociales et religieuses des
Bakongo; le Gouvernement ne pourrait done tolerer
semblable secte qui trouble l’ordre public.

Nous nous sommes mis, en rapportant ces faits, an


point de vue strictement scientifique, nous n’avons done
relate que les exercices et les chants strictement neees-
saires an lecteur pour juger par lui-meme.

Le Kimpasi est de plus une ecole de fetichisme. Cet.


aspect est plus marque chez les Bambata que chez les
Bampangu. Chez eux : muntu go katumbuka nkita ko,
nga ka nganga ko : Un homme qui n’est pas initie nkita,
ne peut etre feticheur. Leur principale preoccupation con-
trairement aux Bampangu, sera done bien plus fetichiste
que sexuelle.

Le Kimpasi est encore, but premier des organisateurs,


une « mise en action » de fetiches pour obtenir la richesse
en homines : mbongo bantu. 11 est un rernede social-
magique contre la denatalite et la mortality infantile. Di,
gamanina galeke, gakotisa kipasi, disent les Bambata :
« parce que les enfants deperissent, c’est pour cela qu’il
faut entrer au Kimpasi ». Que ce soit le rernede specifique,
ils n’en peuvent douter. Les rites employes pour exciter
les nkisi sont a proprement parler destines aux nkita,
e’est-a-dire aux ancetres primitifs des Bakongo. Les puis-
sants anciens qui ont engendre le peuple de Kongo, sont
obliges par les rites magiques de communiquer leur
fecondite a leurs descendants. C’est pour cela d’ailleurs
que le Kimpasi est appele, represente et devient en realite
pour eux Kongo. Kongo c’est l’endroit sacre conquis sur
les ennemis par l’ancetre Kongo et ses freres. C’est la
qu’ils sont morts et enterres, et c’est de la que leurs des-
cendants se sont repandus dans la plaine qu’ils habitent
maintenant, la plaine de Mpangu : nseke Mpangu. Quand
ils sentent done leur faiblesse, ils se reportent a Kongo
RELIGION ET MAGIE

2“27

par les rites du Kimpasi, ils s’enferment dans un Kongo


magique et mystique qui pour eux devient vraiment le
Kongo des ancetres, ils s’y tranforment en esprits-nkita,
participant done de la force generatrice des ancetres.

Nombreux sont les chants, les rites qui indiquent que


ces incantations des nkita sont bien un des buts princi-
paux du Kimpasi et j’incline a croire qu’ils en etaient
jadis le but unique. II n’est pas difficile de s’imaginer
comment aux pratiques qui actionnent des nkita on soit
arrive a joindre celles des autres fetiches, et comment pen
a peu le Kimpasi soil devenu une sorte d’ecole de feti-
cheurs. De la demande de la fecondite a son essai, il n’y
avait qu’un pas. Nous rencontrons d’ailleurs le memo
phenomene dans les rites du Nzo longo 0).

Le Kimpasi a ses mysteres, il peut etre appele une secte


secrete. Pourquoi ces mysteres ? Mais, certes a cause des
exces qui s’y commettent, aussi peut-etre parce que le
nkita et les nkisi y interviennent et y sont mis en action.
Toute installation ou adjuration de nkisi n’est pas secrete,
nous l’avons dit deja dans un autre chapitre, mais ici une
raison specialc intervient : le nkita-nkisi de la fecondite
est installe et actionne tout d’abord contre ndoki ou sor-
ciers, ennemis ou gens non-inities : « si les ceremonies
etaient publiques, ceux-ci pourraient les rendre vaines. »
Ainsi me parlait un chef palen.
Une troisieme raison qui certes compte aussi, c’est que
le secret du Kimpasi lui donne sa vraie valeur, aux yeux
tant des profanes, que des inities.

(q Voir Nzo longo , ou les rites de la puberte chez les Bakongo, dans
la Revue Congo , 1920, II, pp. 229-246, et 1921, I, pp. 48-59 et 365-389.

CHAP1TRE VIII.

AUTOUR DU KIMPASI.

Voici ce que raconte Cavazzi, traduit par Labat ( l ) :

« Les nquiti composent une secte des plus infames. 11s


choisissent pour les lieux de leurs assemblies les endroits
les plus ecartes, les vallons les plus profonds. Les infames
ministres de cette secte vont la tete levee et ne prennent
pas la peine de se cacher. On reconnait leurs demeures,
au grand nombre de troncs d’arbres plantes en demi-
cercle devant leurs maisons; les troncs travailles grossie-
rement representent leurs idoles, et sont prints avec aussi
peu d art, qu’ils sont tailles.

» C’est devant ces simulacres infames, qu'ils font pen-


dant la nuit leurs danses inipudiques, qu’ils chantent
leurs chansons abominables et qu’ils font des actions
encore plus horribles. Mais tout cela est enveloppe d’un
secret aussi inviolable que les matieres de la confession
cliez les catholiques.

» II n’est permis a qui que ce soit, de mettre le pied


dans l’enceinte de ces lieux, a moins qu’il ne soit in it ie ii
ces mysteres, et meme, afin qu’on lui porte plus de res-
pect, ils ont donne a cet enclos le nom fastueux de
« Muraille du roi de Congo ».

» Des que le candidat parait, accompagne de ses par-


rains, on jette devant lui une corde preparee selon des
rites magiques. On lui commande de passer et de repas-
ser plusieurs fois sur cette corde enchantee. 11 doit s’exe-

P) Cfr. Cavazzi, Istorica descrizzione degli Ire regni Congo, Angola el


Matamba, Milano, 1690; Labat, Relation historique de I'Ethiopie occidcn-
tale, Paris, 1732, 5 vol., I, pp. 296 et ss.

RELIGION ET MAG IE

229

cuter; aussitot, et par la vertu du chanvre qu’oh lui a fait


absorber, il tombe par terre sans connaissance. Les nquiti
l’enlevent et le portent dans le chimpasso. Quand il a
repris ses sens, ils le contraignent de promettre d’etre,
jusqu’a la mort, un fidele disciple de leur secte.

» Le Pere .lerome de Monte-Sarchio, s’etant une fois


introduit secretement dans line de ces assemblies, pour
en decouvrir les usages et les mysteres, y entendit des
blasphemes execrables, proferes par ces ministres et par
des apostats de notre Sainte Religion.

» On appelle ndundu ceux qui etant nes d’un pere noir,


ne laissent pas d’etre fort blancs, avec les cheveux blonds
et crepus. Ces ndundu tiennent le second rang panni les
nquiti. Les ministres se servent des cheveux de ces mise-
rables pour leurs sortileges.

»Ceux qui naissent avec les pieds crochus et qu’on


appelle pour cela ndembola, tiennent un rang considera-
ble parmi les nquiti aussi bien que les pygmies ou nains,
qu’on appelle mbaka ou ngudi a mbaka.

» 11 y a un ministre, fameux enchanteur, qui se vante


de pouvoir ressusciter les morts. 11 se fait appeler nganga
matombola. »

Le titre honorifique que s’arroge Don Antonio l er , Ne


Nlaza, roi de San Salvador, dicidi en 1666, fait certaine-
ment allusion au Kimpasi : « Roi des antiques royaumes
de Kongo, d’ Angola, de Matamba, Orango, Kundi, Lula,
Sonso, maitre des Ambudes et des Matombola, c'est-a-dire
des personnes qui sont mortes el ressuscitees » f 1 ) .

t 1 ) Tombola est une forme verbale qui signifie : faire monter, donner
a quelque chose sa forme propre, l’en investir. Ainsi, par exemple,
tombola mfumv, installer un chef; tombola mwana. accepter un enfant
en lui imposant son nom. Le chef et l’enfant, l'un par les rites executes,
l’autre par le nom qui lui est donn6, sont r6ellement, physiquement
changes. Ils ne sont plus les mtimes : batombola; ils ont pris une forme
nouvelle, ressuscitant a une autre maniere d’etre.

230

ETUDES BAKONGO
Antonio est probablement le premier roi qui se soit
appele de telle fa^on. Quand on songe que son regne
coincide avec une periode d’anarchie, oil trois competi-
teurs se disputent la couronne, on peut se demander si le
Kimpasi n’a pas joue quelque role dans la politique con-
golaise du temps; a moins que le Kimpasi ne fut arrive ii
cette epoque a un stade devolution P Un examen appro-
fondi (les documents dirimera peut-etre un jour cette
question.

Quoi qu’il en soit, les Capucins en 1645 voyaient l'ins-


titution repandue par tout le royaume des Bakongo,
jusqu’aux provinces les plus eloignees. Nous n’avons
trouve aucune trace certaine de Kimpasi avant cette date.
Dapper ( 2 ) parle des Kimbo, Bomba ii Loango, c’est-a-dire
des Bakhimba en l’hpnneur de Mbumba, secte avant enor-
mement d’accointances avec le Kimpasi. II parle aussi des
Beli-paro, autre organisation repandue du Sierra-Leone
jusqu’a la Cote de l’Or, et qui differedavantagedelasociete
secrete qui nous occupe. Du Kimpasi lui-meme, il ne
souffle mot. Cependant cet argument du silence ne prouve
pas peremptoirement. Nous devons done nous contenter
du temoignage des Bampangu : « Nos anciens ont apporte
ces rites de San-Salvador ». Mais qui dira jusqu’a quel
point cette tradition est fondee ? Le serait-elle pleinement,
n,ous devrions conclure que le Kimpasi date du XIV e sie-
cle.

Les nains Mbaka qui interviennent si souvent dans le


Kimpasi, entre autres dans leur serment, etaient bien con-
nus a San-Salvador tout comme a la cour de Loango.
Dapper les deceits en ces termes : « Devant le trone du roi,
ii Loango, se trouvent quelques nains, le dos tourne an
roi; ils sont ties petits de taille, mais la tete couverte d’une
petite peau de bete retenue par une bandelette liee autour
( 2 ) Nauwkeurige beschrijving (ter Afrikaansche Gewesten, 2® druk,
Amsterdam, 1676, pp, 176 et 177.

RELIGION ET MAGIE

“231

du front. Les Noirs affirment l'existence d’une region


encore sauvage habitee uniquement par des homines de
cette stature, et c’est par ces nains, disent-ils, qu’est tue le
plus grand nombre d’elephants. Le nom ordinaire donne
a ces pygmees est Bakke-Bakke, mais on les appelle aussi
Mimo. »

Aujourd’hui encore les nains sont appeles mbaka ou


mbekele ou encore Kimbekele. Selon les traditions
leguees par les anciens, deja les nains avaient penetre
dans le pays lors de la conquete par leurs ancetres des
« plaines de Mpangu ».

On rencontre encore actuellement quelques nains


parmi la population; les Noirs croient que ce sont la des
« enfants des esprits », simbi-bisimbi, et ils les entourent
d’un religieux respect. Dans la region de Kisantu, on peut
en voir un, d’une quarantaine d’annees, d’un metre vingt
de haut. La tete trop grosse, il s’avance en se dandinant
( bekila )... Son nom est Mfumu-Simbi.

Quels sont les liens qui rattachent les nains an Kimpasi?


Cette institution emploie des nkisi-nkita pour obtenir
la fecondite antique. Or, le role principal en est devolu a
Ndundu, femme sterile ! Les nains eux aussi sont consi-
deres comrne impuissants et ne peuvent se marier. Ce
sera le nkita rendant Ndundu et les nains steriles, qui
accordera la fecondite a ceux qui par l’entremise de
Ndundu et des nains se seront mis sous sa protection.

On peut faire un autre rapprochement. Dapper nous


disait : « ils doivent, a l’encontre des coutumes des autres
indigenes, avoir la tele couverte d’une petite peau de
bete », or les candidats du Kimpasi en certaines cir-
constances doivent s’entourer la tete d’une feuille de
bananier.

Dennet dirait peut-etre au sujet de 1’origine du Kim-


pasi ce qu’il ecrit des Khimba : « J’incline a croire avec
le consul Roger Casement, que le Khimba est une societe

“232

ETUDES BAKOINGO

secrete, issue de la fusion d’une organisation ‘indigene et


d’une institution jesuite » ( l ).

Ce jugement s’appliquerait meme inieux au Kimpasi


qu’a la secte Khimba. Les Jesuites en efl'et dirigeaient au
debut du XVII' siecle, a San-Salvador, de florissantes con-
gregations de la Sainte Vierge; ce qu’ils ne firent pas a
Loango. De plus, ces congregations passerent un certain
temps pour des societes secretes, oil l’on conspirait contre
la surete de l’Etat et la vie d’Ambrosio I er , mort en 1626.
NOMS DE KIMPASI. — DANSES ET CHANTS.

LANGUE DU KIMPASI.

Les noms de Kimpasi.

Chez les Bakongo le nom est une partie integrante de


la personnalite. D’apres eux, tout initie au Kimpasi se
metamorphose en « esprit nkita »; il n’est plus la meme
personne. De la meme maniere done qu’il a abandonne
en quelque sorte sa nature corporelle, il abandonnera son
ancien nom. Un nom nouveau doit correspondre a sa
personnalite nouvelle. Tel nom, telle personne.

Le nom doit etre l’expression de la personnalite, de ce


qu’elle est, ou de ce qu’elle doit etre, ou encore de ce
qu’elle veut etre. Aussi Timposition du nom aux enfants
nouveau-nes est-elle chose importante. De meme, ce ne
sera qu’apres de inures deliberations que l’enfant nkita
recevra le nom qu’il doit porter dans la suite. Les
proverbes ou les chants expriment communement la
signification des noms propres. Comine ces versets ne
sont guere connus que des anciens, nous n’avons pu
recueillir la signification de tous les noms de Kimpasi.

Les noms de femmes : Nous avons indique precedem-


ment les noms des meres du Kimpasi. Ces memes noms

P) At the Back of the Black man’s mind, p. 132.

RELIGION ET MAGIE
*233

sont imposes au\ jeunes lilies a savoir : Ndundu, Ma


nzanza, Mabinda, Nzumba, Lubondo. Masamba est le
nom de la jeune fille qui la premiere meurt de la mort
de nkita, parce que la premiere aussi elle se met a pleurer
comme un nouveau-ne, on la nomine : mbanda-samba.

Ngwa Masamba,

Usambidi nkisi,

Nki nganga ni Nzambi.

Ku Kongo kasakala ye ndyendya


Ye ngo ye ngo zeto,

Ye lwengo lweto
Yo katenda mbinsa
Mwabi nkalu mbi,

Kasakumuna Mambu
Nkalu nsaka,

Mena ku mbombu nsanga.

Femme Masamba,

Agite en g&nissant les nkisi,

Le nkisi que crea le Seigneur Nzambi,

Dans le Kimpasi elle soigne les organes,


Pour que naissent bien — les leopards, nous,
Enfants pourvus de placenta
Et d’intelligence
Elle ne joue pas,

En babillant comme un mauvais esprit-nkita,

— mais — elle renforce les choses

Qui sont dans la calebasse du nkisi du Kimpasi.

Luvuma on Luvuma lu Nzambi est celle qui honore


Nzambi, Miese ou Miese mi samini signifie : la lumiere
lunaire s’echappe d’elle, c’est-a-dire elle rayonne le bon-
heur.

Nkembi est 1’honneur de l’esprit de nkita Ukembidila-


nkita. Kimpa, Nlambi, Ntenda, Mnnsiensi, Mbeya, Nsenga,
Simbi, Nkusu, Maleka sont d’autres noms feminins.

Les noms d'hommes : En dehors de ceux de Nsumbu


et Mavuzi-mbila, deux des dirigeants du Kimpasi, on ren-

234

ETUDES BAKONGO

contre : Lutete, uteta mambu, mu zonga ga kifulu. Lutete


fait exposer les palabres et les tranche an lieu fixe par
l’usage. Unwina masa mu lukaya lu lutete : II sait boire
de l’eau dans une feuille de courge.

Lumbu, Lumbu lu Nzambi : Nzambi possede sa


demeure, le Seigneur Lumbu possede la sienne. Mavuzi
Lembi, ulembula nkita : Mavuzi calme les esprits nkita.
Lembula nkita ou nkisi signifie pacifier les esprits que le
maitre du nkisi a « actionnes » contre quelqu’un.

Mavuzi-Bangula, bangula nsambila : 11s l’attirent et le


maltraitent, sans raison, ni utilite.

Ndoluwalu (don Alvares) nom d’origine portugaise


porte par huit rois de San Salvador au XYT et XVII 6 sie-
cles C).

Luminuku ou Ndomingu ou Dominiku, ont la meme


origine. Ces deux noms furent imposes a des inities du
Kimpasi remarquables par leur intelligence et leur honne-
tete.

Na Mata ou :

Na Mata ma Nzambi
Mwana na Nzambi
Kateta : te ngo ! te ngo !

Ye Nzambi di Yanga
Kaganga nsi
Kaganga ngambwala.

Seigneur Mata (les armes) de Nzambi,

Est un fils de Nzambi.

II repete : Frappe le leopard, frappe le leopard,


Et Nzambi de l'etang,

Cr6e la terre
Cr6e le ciel ( a ).

( 1 ) Cfr. Sociologie des Bakongo, chap. I et ss.

(2) Aucun de mes informateurs ne put m’en expliquer le sens.

RELIGION ET MAGIE

235

Na Nzambi, mwana Nzambi


Kie singa mpati,

Kie wanda Mbumba,

Usa ntu mu nsi, makolo ku zulu,

Die Mabinda, die Makumuna,

Kumba nkisi,

Gudikila nganga.

Na Nzambi, enfant de Nzambi,

Ne inaudit pas le maitre feticheur,

II ne s’oppose pas a Mbumba,


Qui a la tete en terre et les jambes en l’air ( l )

A cause de Mabinda et Makumuna.

II admire le nkisi,

II ecoute le maitre du nkisi.

Na Nzambi-zengi, kazenga diambu ko. Quolibet qui


sign i lie : Le Seigneur Nzambi, le coupeur, ne tranche
aucune affaire, c’est un ignare; on lui applique le kimpa
suivanl :

Modi, modi, modi, mbadi ?

inga, mbadi !

Kani yangalala i lau ?

inga mbadi !

Kani yisama i zowa.


inga, mbadi !

Maganga Nzambi ku zulu.


inga mbadi !

II y en a deux, deux, deux (palabres a regler), mon ami ?


— Oui, mon ami !

Vous jubilez de votre chance ?

— Oui, mon ami !

Vous vous taisez, sot que vous etes !


— Oui, mon ami !

C’est pourtant Nzambi qui a tout cree dans le ciel !

— Oui, mon ami !

(i) Cela se dlt tie l’arc-en-ciel.

236

ETUDES BAKONGO

Le <( coupeur », ne tranche, ni ne regie aucune affaire,


il repond a tout : « oui mon ami ! »

Mayanga : de l’etang; il est entre le dernier et meurt au


bord de l’etang, oil l’on peche 1'anguille-ngola.

Danses et chants.

En dehors de la veritable danse du Kimpasi decrile plus


haut et nommee niunguta , les adherents de la secte
apprennent aussi les autres danses en usage. C’est le tam-
bour qui indique la nature de la danse; chaque tambour
possede sa mesure et sa methode appropriee. Les plus usi-
tes dans le Kimpasi sont le ntandu, le ntuta et le nzoko.
Ce sont des cylindres creux faits du tronc d un arbre
nomine kingela ( Euphorb . Ricinodendron africanum ) et
ayant un a deux metres de longueur. A l’extremite la plus
large vine peau d’antilope est tendue, on la chauffera
avant la danse. Le tambourineur porte ordinairement un
petit grelot ( nsansi ) au poignet et bat la mesure des mains.

Au son du tambour ntandu, on execute uniquement des


mouvements rythmes des epaules, makinu ma magernbo;
les danses de cette espece sont sobres, parfois originales,
parfois meme esthetiques.

Les autres tambours au contraire dirigent les danses vies


banches — makinu ma tuketo — qui sont essentiellement
tres mauvaises. Elies consistent pour la plupart en mou-
vements rythmes des hanches, tandis que, suivant la
mesure donnee par les tambours, les danseurs frappent
les mains l’une dans l’autre et sautillent, avan^ant et recu-
lant en cadence.

Les danseurs se placent sur un rang; devant eux s’ali-


gnent les danseuses, a une distance de deux ou trois
metres. A leur tete se trouve mvudi-toko, un jeune
homme bien fait; c’est lui qui menera la danse, enton-
nera les chants, et tous reprendront en clioeur le refrain.

Durant la premiere phase de la danse, les deux raugees

RELIGION ET MAGIE

“237

restent distinctes; mais a la reprise du refrain, elles se


touchent presque.. Dans la seconde phase, la mesure s’est
vivement acceleree, le refrain retentit plus sauvage, les
rangs se disloquent et des groupes ordinairement formes
de deux homines et de deux femmes trepignent en ron-
des frenetiques.

A la troisieme phase, lorsque les rangs sont reformes,


tantot les hommes, tantot les femmes s’avancent a petits
pas vers celui qui mene la danse si bien que les deux grou-
pes foment un grand T; chaque danseuse alors toujours
dansant, recherche son cavalier, et la partie se termine
par l’enlacement des couples.

Cette description m’a ete fournie par un de mes rap-


porteurs; mais dans de pareilles danses il existe evidem-
ment de multiples variantes.

II est difficile de rendre les chants qui accompagnent


la danse. J’en glane quelques-uns parmi les nombreux
specimens dictes a un de mes informateurs par un ancien
chef de danse. Si j’en omets la majeure partie, c’est qu’ils
sont trop repugnants et ne nous apprennent rien de neuf,
ni sur le sentiment poetique, ni sur la psychologie des
Baton go.

Ngwa ma ndumba,

Bu babila kuna Ndundu bweke,

Nza tumonana gaga !

Ma mpansu mpi
Kiekie makengi kitulanga
Kiekie mpangia mbori,

Mbori-mbori,

Bio sa bimonanga bambandi.


Mere, ch&re jeune fille

Pendant qu’ils dansebt pres de femme Ndundu, la rouge,


Viens ici, que nous nous voyions !

Grace aux nkisi du Kimpasi,

Sans cesse, elle croit la toison pubienne,

Sans cesse il se prolonge le concubinage,

Avec ivresse.

C’est ce qu’ils 6prouveront, chaque jour, les amis.

“238

ETUDES BAKONGO

Mwana wele ye ngw’anie,

E miyengelele !

Ka diulu di bandoki ko,

Nkita-masa iniongene,

E mana Ndundu, e e e,

E simba ndidi, e.

L’enfant est parti avec sa m&re (Ndundu),


La nouvelle de notre Kimpasi s’est repandue.
L’enfant n’est pas devenu la proie des ensorceleurs,
C’est le nkita des eaux qui lui a donne la mort
O mere Ndundu,

J’ai gout6 aux plaisirs impurs.

Voici un specimen d’un grand chant. Les hom


entonnent :

Ngvedi ku lumbu,

Bangene nkama tatu,

Isumba nguba tatu,

Yiniakuna.

Ta kibidi-bidi kumba dilele


Nsingu ma nkundi,

Undabisi :

Mwene bundokeni !

Mvula ku mavenga !

Lukunga tebedi,

Lumbindi mu kwenda
E diani yaya,

E mba bansuka
Ya diani-diani yaya.
J’allais au Kimpasi

On m’y offrit trois cents perles

Avec lesquelles j’achetai trois arachides (femmes)

Et je les mangeai.

Un homme et une jeune fille 6taient 6tendus.

II me fit signe
Vois done, l’ivresse...

RELIGION EX MAGIE

“239

Du torrent qui coule des monts dans la plaine.

La riviere Lukunga a deborde,

La jeune fille s’en est allee.

0 femme aimee,

0 toi, ch6rie

0 bien-aimee, 6 femme cherie !

Une femme reprend :


E e, ngwa Kembi
Ngudi Ndundu,

Yambula mwan’amo,

Kabuta kwani
E ngwa Kembi,

Kabuta kwani,

E e ngwa Kembi,

Yambula mwan’amo
Kabuta kwani.

0, 6 mere Kembi
Par mere Ndundu
Laisse mon enfant
Qu’il ait des enfants.

0 m&re Kembi
Qu’il ait des enfants.

0, 6 mere Kembi,

Laisse mon enfant,

Qu’il ait des enfants.

Une autre continue :

Bimbembi bia biodi ku zanga :

E ngwa ka lunsila nkunga ko,

Ga zanga, e ngwa lema yaya,


E ngwa konukiya, nzeza ga zanga,

E ngwa lema yaya.

Deux femmes sont au bord de l’etang (c’est-a-dire du Kimpasi)


Eh mere ! ne me chansonne pas (ne te moque pas de moi)

Au bord de l’6tang, apparais 6 mon bien-aimi,

0 hommes cheris, je suis faible au bord de l’etang,

0 mon bien-aime, apparais !

“240

ETUDES BAKONGO

Les meres du Kimpasi reprennent a leur tour .

E sambani, mama Ndundu


Ufwa Kongo,

Kima-tungu kiefwidi, ma Ndundu


E sambani, mama Ndundu,

Ufwa Kongo.

0 hommes, par la mere Ndundu


Vous mourrez dans le Kimpasi
La femme est morte, par la mere Ndundu,
0 hommes, par la m&re Ndundu,

Vous mourrez dans le Kimpasi.

Les jeunes gens leur repondent :

E ngwa, ya Ntenda

Ka masa ma londi k’ubaki ko,

Ngwa, ulema yaya,

Mono mfwidi ye nzala.

E ngwa ya Ntenda,

Kani fumu di nzala k’ukabi ko,

E ngwa, ulema yaya,

Yikala kwamo bubu,

E sona yaya.

0 mere Ntenda

Vous ne me donnez meme pas d’eau sur ces hauteurs.


0 amie, tu apparais, bien-aimee,

Car moi, je meurs ici de soif.

0 mere Ntenda,

Vous ne nous donnez mthne pas une pincee de tabac,


0 amie, apparais, bien-aimee,
Car je dois rester ici h jeun,

Moi, un homme !

Un homme :

Munsiensi kasumba mbisi ko,

Mpuku zi kintombo kayondunga,

Mwene yaya, tala undwelo,

E ngwa yaya, yi lumi e !

E yi meni e '

RELIGION ET MAGIE

Ngwa yaya yi lumi e


Munsiensi useka mu londi
Luwa yaya yi lumi e.

Munsiensi (la femme) n’ach^te pas de viande,


Et pourtant les jeunes rats jouent ensemble.
Vois done, dit-on, elle est trop jeune
0 les femmes ! 6 mere cherie, les homines !

0 les hommes !

0 les femmes ! 6 m6re cherie, les hommes !


Munsiensi est sur la hauteur (dans le Kimpasi)
Ecoutez, amis les hommes.
Les femmes :

Yuna uketa mono,

Twe te yani,

E ngwa Nlambi, e
E kuyadi nzitu,

Twedi yaku,

Mono k’ikwenda mu nseke ko,

E ma Nlambi e,

Lumbu kamwangene menga,

E mbadi nkokolo,

Lumbu kamwangene menga,

E mbadi, e !

Celui qui me meprise


Tuons-le !

0 m&re Nlambi,

0 homme, bien que nous soyons parents,


Allons ensemble.

Je ne vais pas me cacher, dans la brousse,

0 m£re Nlambi !

Le jour ou son sang bouillonne,


0 homme !

Le jour oil son sang bouillonne,

0 homme !

Un homme :

E ngwa ma Mbeya
Bana k’uyimbidila ko,

E ngwa ma Mbudi,

242

ETUDES BAKONGO

Kanda k’uyimbidila ko
Keti bwe dina ?

E ngwa ma Mbudi, e
Keti kwe ngyenda ?

Kio kibwadi-bwadi,

E ngwa ma Mbeya !

O mere, femme Mbeya

Ce n’est pas pour des enfants que vous chantez,


O mere Mbudi
Ce n’est pas pour le clan que vous chantez,

Mais pourquoi done ?

0 m&re Mbudi,

Vers ou irai-je ?

C’est a cause de la femme,

0 mere Mbeya.

Les femmes :

Ma Ndundu,

Sa tuniunginina nkita kuna masa,

Die bunganga !

E Kongo die bunganga,

Ma Ndundu, e.

Sa tuniunginina nkita kuna masa,

Keti bwe dina die bunganga ?

Mere Ndundu,

Nous irons a l’eau nous unir aux esprits-nkita,

A cause de la maitrise !

0 le rite kimpasi de la maitrise des nkisi,


0 m6re Ndundu,

Nous irons a l’eau nous unir aux esprits-nkita,


Comment est-elle cette affaire de la maitrise ?

Les hommes :

Beno luta mazandu

Kwe lubwenene tata-yoba-nkula ?

E ngwa mono yambul’e !

E nza kumbon’e,

Beno luta mazandu

Kwe tumbwenene ndumba-yoba-nkula ?

RELIGION ET MAGIE

243

Vous autres, vous allez aux marches,

Ou me voyez-vous, petit pere farde de rouge ? (nkula)


Amie, tu me laisses done alter !

Viens, regarde-moi.

Vous autres, vous allez aux marches,


Oil rencontrons-nous la jeune fille fard6e de rouge ?

Les femmes :

E ngwa kimwana-mwana
Kivenda ku ntandu,

Kiyetanga ngangu.

E ngwa ya Malumba,

E bwe uni kuna zangala !

E ngwa kimwana-mwana,

Kivenda ku Kongo
Kiyentanga ngangu !

0 mon petit enfant,

Qui montes au plateau (au Kimpasi)

Pour acqu^rir de l’esprit.

Ami, toi, l’homme !

Comment balances-tu et tournes-tu ton corps ?

0 moi, petit enfant,

Qui vais a Kongo (Kimpasi)

Pour acquerir de l’esprit !

Les jeunes filles :


Tomboka kwamo yitomboka,

E ngwa, diala !

Ngyedi kula,

Ngwa Bisangi,

Mu tomboka kwamo yitomboka


Ngwa diala,

Ngyedi kula.

Malumba mangubwedi,

Ngwa mama, ngyedi mono !

Voici que je monte, je monte (au Kimpasi)

Oh ! l’ami (que voila) Phomme !

J’allais au loin,

0 mon cher Bisangi (nkisi du Kimpasi !)

244

ETUDES BAKONGO

Oui je monte, je monte (au Kimpasi)


Oh ! l’ami (que voila) l’homme !

J’allais au loin.

L’homme m’a trompee


0 mere cherie, j’allais au loin.

Les jeunes gens :

E ba ndumba balok’e !

Diani yaya, kwe didi kwe,

Balembwa longa, kawa ko e;

Diani yaya, kwe didi kwe !

Ba ndumba baloka.

Diani yikwenda, ma Ndundu.

Oh ! les jeunes filles nous fascinent t


Amie, ou en est l’affaire, ou en est-elle ?

On 1’enseigne sans cesse, et elle n’entend pas.


Amie, ou en est l’affaire, ou en est-elle ?

Les jeunes filles nous fascinent


G’est pourquoi je pars, m&re Ndundu.

Les femmes :

E mu Lwango mu lengele ndala


Kadila ga ntandu, mu banda nlongo,

E mumu’e makinu !
Kalendi mu kwenda, e mumu’e !

Mu Lwango mu lengele ndala,

E mumu’e.

Ici dans le nkisi Lwango, l’homme se forme

II doit rester sur la hauteur, la plaine lui est interdite.

C’est ici qu’ont lieu les danses du Kimpasi !

II ne peut s’en aller, car c’est ici,

Ici dans le nkisi Lwango, que l’homme se forme,

Ici meme !

Tous :

Masika buna ndeka


Nsudi bakulu k’iwidi ko,

Ndaunda mbote, yaya.

Kwe didi kwe ?

Ku masa tukwenda.

RELIGION ET MAGIE

“245
La nuit, durant le sommeil

La mauvaise odeur des revenants je ne la per^ois pas,

Nous formons ici un groupe excellent, amis.

On en est l’affaire, ou en est-elle ?

Voici que nous allons a l’eau.

La langue du Kimpasi.

Oil pent distinguer dans la langue au Kimpasi, un lan-


gage propre et un jargon. Le langage propre se caractc-
rise surtout par un certain nombre de mots employes
exclusivement par les adherents et qui se rencontrent
pour la plupart dans les chants.

La forme des mots et la structure de la phrase, sont


plutot archaiques ou tout au moins paraissent l’etre : dies
se rapprochent bien plus de la langue do Kongo (San Sal-
vador) que du Kikongo ordinaire en usage sur la rive
droite de l’lnkisi. La difference entre ces deux dialectes
est notable. En voici un specimen : il rapporte le debut
d’une conversation entre deux adeptes; les formes et les
expressions que Ton ne rencontre pas dans le langage
ordinaire, sont mises en italiques.

Apres les salutations d’usage, le visiteur commence :


E mfumu Kongo, kansi bu ukwe yuvula, buna e undem-
bika laka; i nga ungwa dionso dina yamo. Ngana batanga
nde : nwa ngani ka usikulwa moso, ntulu ngani ka basi-
kula ngoma. Kadi e buna una buna, una, e si tuki ku
kiele, e umpanani bindongo-ndongo, kani igogele
mambu.

<( O seigneur Kongo, pendant que tu m’interroges (pour


savoir les nouvelles) apaise ma soif. Ensuite tu ecouteras
tout ce que je vais te dire. Les gens disent en guise de pro-
verbe : on ne siffle pas par la bouche de son voisin, on ne
tambourine pas sur la poitrine d’autrui. C’est pourquoi,
etant ce que tu es, viens done au grand jour, et donne-

246

KTUDKS HAKONGO

rnoi quelques verres (de vin de palme) avant que je te


raconte les nouvelles. »

L’hote lui repond : E mbu mfumu Kongo, e mpati


uteri, e nganga usamwene. E sani na, kumba ku nsi, kio
ifwa ku nsi. Nga senga-senga tukwe bedi. Kansi ntumbu
una ngeye, si twe bwisa mbwadi, twe lemba laka.

« Ainsi done, seigneur Kongo, 6 possesseur du nkisi,


m’as-tu dit; ainsi 6 maitre de nkisi, ra’as-tu averti. 0
dis-moi, la rumeur s’est repandue par le pays, que la moi l
s’est repandue par le pays. Voici que maintenant nous
allons tous devenir malades sans exception. Mais voici la
calebasse de vin de palme devant toi, nous allons done
calmer notre cceur, apaiser noire soif. »

Le tresor d’expressions propres au Kimpasi est pen


abondant. La liste que nous donnons, sans etre tout a fait
complete, permettra de juger du genre particulier de ce
lan gage :

Mila : §tre en pleine croissance.


bondo di Kongo : le nkisi du Kimpasi.
bundokeni : jouissance sexuelle.

bwaka : tomber malade (litteralement : devenir rouge).

Diala : virilite.
diulu : proie.

Finsa : tenter, fasciner.

Gula : tourmenter, exciter,


gulwa : nourrir.

Kibwadi-bwadi : sexe f^minin.

kielele : le secret du Kimpasi.

kila-mbendi : situation r6guli6re.

kilulu : vengeance.

kima-tungu : organes feminins.

kimbambi : adherent non encore ressuscite.

kito-ntunga r candidat qui meurt ou tombe malade au Kimpasi.

kokuluka : avertissements.

kongo : emplacement du Kimpasi.


RELIGION ET MAGIE

247

kunokia : virilite.
kuyadi : virilite.

Lasa di mbele : couteau en usage au Kimpasi.


lauwula : exciter,
lembo : secret.

lukunga-teba : concubinage, union sexuelle.

lumbindi : jeune fille.

lungangu : malice.

lunketi : force.

luwandu : cheveux, tete.

luzilu : affaires de nkita du Kimpasi.

lwango : art d’actionner les nkisi.

Maboko : s’appuyant sur les coudes.

magulani : danses du Kimpasi.

inalongo : verre, tasse.

malumba : virilite.

mbangasa : eleve de nkita, candidat.


mbombu : calebasse.

mbori-mbori : jouissance ven^rienne.

miakusu : dispute.

mpangia-mbari : concubinage.

mpangu : la vie aprSs l’initiation au Kimpasi ou hors du Kim-


pasi.

mpansu : fort, plein de forces,


mpfwati : fou.

mpindi : vtiracite, un homme aimant la verite.


mponda : lieu de la mort.

mpukuta : qui quitte le Kimpasi avant la fin des rites,


mvata : transgresseur des lois du nkisi.
mvemba : pain de manioc,
mvungwezi : poils du bas-ventre.

Nakumanini : non-initie.
ndala : virilite.
ndaunda : concubinage,
ndauwula : excitation,
ndingi : crticelle.
ndyendya : organes feminins.
nenga : raison, affaire,
ngambwala : firmament, ciel.
ngulu-bola : virilite.

248
ETUDES BAKONGO

niongana : union sexuelle.

niunginina : union sexuelle.

niunguta : la danse du Kimpasi par excellence.

nkokolo : virilite.

nkola : faim.

nlamu : querelieur.

nsasi : qualite de chef.

nseke mpangu ou mpangu : la vie hors du Kimpasi.


nsi-madiadi : la vie au Kimpasi, son emplacement.

Sakala : soigner, travailler.


sambani : virilite.
silanga : chercher.
simba : pollution,
sona : virilite.

Timba : jeu de l’amour.

Vinga : non-initie.

■ Wanda : s’opposer, violer.

Yanga : etang.
yeba : vieillir.
yondunga : concubinage,
yubwala : seduire.

Zangala : ventre,
zengena : rester muet.
zumba : rendre heureux.

Le jargon consiste principalement dans l’emploi de


quelques termes du Kimpasi, et dans l’adjonction du pre-
fixe na et des suffixes sina ou sini aux verbes et aux sub-
stantifs; anga se place seulement apres un verbe. Souvent
aussi le prefixe ki est remplace par tsi uniquement par
originalite, dans le but d’attirer 1’attention et de se faire
admirer.

En voici quelques specimens :

Naganinanga namvemba, nankominanga nambisisina,


na xnenga nginanga nankola nankonko. En Kikongo on

RELIGION ET MAGIE

“249

dirait : Ungana luku, inkomina mbisi, mu diambu ngina


ye nzala, yikonkila ntu.

« Donne-moi du pain de manioc; ajoutes-y de la viande


car j’ai tellement faim que j’en ai le vertige. »

Un initie recemment ressuscite voit sur le marche de


kisantu un animal rongeur, un ntolu par exemple, et il
s’ecrie : nakatusina tsiina tsina, k’izayangasini tsima
tsina : Enlevez cette chose, je ne la connais pas. En
Kikongo ordinaire il aurait dit : Katula kima kina,
k’izaya kio ko.

Us melangent aussi leur langage de gros mots et appel-


lations injurieuses ayant trait aux parties sexuelles; ils
emploient a tout moment les formules de leurs serments
comme : nguti bizeke : que j’engendre on enfante coninie
la plante du bizeke. Lembi di ntuta : que le nkita Lembi
me frappe ! Ndundu ye Mbaka : par Ndundu et les nains !
Lwandu lu Ndundu : par la tete de Ndundu !

E lasa di mbele : par le couteau du Kimpasi ! Nkoto-


mama : par la chevelure de mere Ndundu ! Les femmes
emploieront surtout la formule suivante : Ni Tsumbu :
par le Seigneur Nsumbu; tandis que les homines prefere-
ront : Ngwa ma Ndundu, par mere Ndundu ! on encore
mbuta djeki kyilendi : que j’engendre comme la banane
bizeke, je ne mens pas !

Exces.

COMPLEMENTS.
Ceremonies accessoires.

On raconte les fails suivants, arrives a un des Kimpasi


tenu a Kipasa village voisin de Kisantu. Durant l’initia-
tion a trois ou quatre reprises, le maitre du Kimpasi
donna a tout son monde un diner oil fut servie une che-
vre; apres le repas, les danses durerent jusque tard dans
la nuit. Puis quand les tetes furent bien echauffees et les
250

ETUDES BAKONGO

passions surexcitees, le pretre imposa le silence. « .leunes


gens, dit-il, choisissez chacun line femme. Vous n’avez
lien a craindre de personne. » Tous repondirent :« Cela
convient, pere, nous le voulons bien. » Et lui de repren-
dre : « Vous le pouvez en toute surete car : bunso buna
Nzambi ye nkisi mieto mpi, Ndona Bizangi. » Litterale-
ment : nos nkisi et Bizangi (nkisi feminin du Kimpasi)
ne sont pas inferieurs a Nzambi (l’Etre supreme). Cela
signifie : Nzambi defend l’adultere neanmoins nos nkisi
et Bizangi vous le permettent pour la fin du Kimpasi.
Allez done et que les femmes nous donnent des enfants.
Ne craignez pas de palabres, elles retomberont sur moi. »
Les assistants entonnerent alors, en guise de reponse, le
refrain suivant :

E Ngola e, e tomboka
Yitomboka kwamo e
Malumba malwedi e,

K’izeyi ko’e.

Anguille ngola, monte avec moi (au Kimpasi)

J’y monte certes, moi

Les instincts sexuels m’entrafnent,

Moi, je l’ignore.
Ce fut alors la debauche. Elle regnait en tout Kimpasi,
mais on peut se demander si ailleurs elle etait officielle-
ment imposee. Bien extraordinaire est encore cette for-
mule : le nkisi de notre Kimpasi est egal a Nzambi. Cela
est inoui et incomprehensible dans la bouche d’un
Mukongo en dehors des rites du Kimpasi. J’ai interroge
d’autres inities, Bampangu et Bambata, pour savoir si
l’on avait ose enseigner chose semblable. Ils ne s’en sou-
vinrent pas. Sans doute rencontrons-nous ici une devia-
tion notable qui doit etre imputee exclusivement au
maltre directeur. Ce dernier etait d'ailleurs, selon mes
informateurs, un individu peu recommandable.

C’est lui aussi qui organisa le spectacle suivant dont il


gardait le monopole : Un jour, apres un long repas et des

RELIGION ET MAGIE

251

danses indecentes, lorsque les candidats furent tout a fait


a fait abrutis, il fit tuer et depecer une chevre. Les mor-
ceaux furent apportes devant les candidats. « Voici un
homme mort, leur dit-il, nous allons le manger et ensuite
je le ressusciterai par la puissance de notre nkisi. » 11 dis-
tribua la viande et tous en mangerent y ajoutant force
libations de vin de palme. Entre-temps on avait decoupe
dans un munkombo une statue resseniblant ii un homme,
on l’avait couverte d’une peau de chevre et enduite de
terre rouge. Le maitre apporta son nkisi et comment ii
l’ensorceler — loka — , il plaga la statue debout et la fit
danser, en criant : « Vous le voyez, notre homme est res-
suscite. » Et tous de repondre : « Nous l’avons vu decoupe
en morceaux et maintenant il est vivant. Nzambi ressus-
cite les morts; Mfwa-wasi ressuscite les morts. Notre pore
Mfwa-wasi est egal a Nzambi. » Et tous de chanter :

E Lwangu’e,

E Lwangu ndilanie !

Lwangu lu ndumba,

Kilumbu yibaka toko,

Lwangu lu ndumba,

Ntu yizenga.

0 nkisi-Lwango !

0 Lwango ! qui m’a d6vor6,

Par le Lwango de mon amie,

Le jour oil je pourrai saisir un homme,

Par le Lwango de son amie,

Je lui couperai la tete (pour le ressusciter par la puissance du


nkisi).

Ensuite continuait la ripaille agrementee de chants et


de cris sauvages :

Nzambi eto ngwa Ndundu


Tat’eto Mfwa-wasi.
La m6re Ndundu est notre Nzambi,

Mfwa-wasi est notre pere !

252

ETUDES BAKONGO

II n'y a rien d’etonnant a ce que dans la plupart des


kimpasi, on rencontre de semblables deviations. II faut
les attribuer aux initiatives malencontreuses des maitres.
Dans ces organisations secretes plus qu’ailleurs, les fan-
taisies individuelles peuvent trouver place ! Ces devia-
tions sont extremement difficiles a depister; a la fois
parce que n’entrant pas dans la serie des pratiques habi-
tuelles du Kimpasi, les informateurs ne songent pas a les
signaler, et paree qu’ils n’osent en parler, retenus par line
secrete pudeur. Le fait raconte plus haul s’est passe a
Kipasa avant qu’il y ait des missionnaires dans la region.
II ne faudrait done pas attribuer cette exaltation du nkisi
au-dessus de Nzambi a l’hostilite du maitre du Kimpasi
contre les missionnaires prechant le culte de l’Etre
Supreme.

Deces dans le Kimpasi.

Ndundu ou Manzanza vient-elle a mourir durant les


rites de l’initiation, avant la peche a l’anguille, les excr-
cices sont suspendus. Le corps est depose dans une butte
mortuaire (yemba) sans etre enveloppe d’etoffe; cepen-
dant sur la poitrine, le ventre et les jambes sont deposees
trois feuilles de malemba-lemba et trois feuilles de
kisani ( 1 ). Ces feuilles liees ensemble forment des
masunga, e’est-a-dire des noeuds de nkisi, par lesquels
on rappelle aux defunts qu’ils doivent sungama, veiller
avec une memoire fidele au Kimpasi de leurs enfants. La
nouvelle Ndundu ou la nouvelle Manzanza est installee
pres du cadavre, apres avoir ete « ensorcelee », e’est-a-dire
que Ton experimente sur elle la force des nkisi, pour voir
si elle n’est pas douee de kindoki. Quand la nouvelle
maitresse-nkisi « sekula ntu-nkisi » est en place, on choi-
sit un candidat et on l’amene pres du cadavre pour mou-

(■) Kisani : Oncoba Welw., bixac6e; Lemba-lemba : lirilliantiasia alata


T. And., acanthacfie. Plantes fort usit6es dans les rites fetichistes.

RELIGION ET MAGIE

“253

rir de la mort nkita; c’est seulement ensuite quo les exer-


cices du Kimpasi reprennent leur cours. Les cadavres sont
enterres dans l’enclos meme du Kimpasi.

Si un candidat tombe malade, c’est aussi dans l’enclos


qu'il est soigne. Ni la famille, ni les parents ne peuvent
en etre avertis; et si le malade vient a mourir, ses coin-
pagnons du Kimpasi le pleureront et l’enterreront eux-
memes sur place. Au cours de la maladie, tandis que le
maitre actionne ses nkisi, les compagnons du patient
dansent une ronde en cliantant :
Landakana mwana,

Kunyula sa kalwaka,

E, e e, Kongo dibila, Ngwa Mumband’e !

E, e e, yay’e, Kongo dibila ku bamam’e !

E, e e, yay’e, Kongo dibila ku bavay’e !

E, e e, yay’e, Kongo dibila ku batat’e !

Landakana mwana,

Nda yula kuna Fwa-Kongo.

Suivez en rang 1’enfant

Pour demander qu’il nous soit rendu; oui, il reviendra


Oui, notre nkisi est fort, mere Mumbanda,

Oui, notre nkisi est fort conti’e les meres,

Oui, notre nkisi est fort contre les freres,

Oui, notre nkisi est fort contre les peres.

Suivez en rang l’enfant,

Allez le redemander au maitre du Kimpasi .

Si la mort survient, le refrain change ;

E ivusiwa mwana muna Kongo,

E ngwa vinga,
Ye wusiwa mwana muna Kongo ko’e,

E ngwa vinga, e !

Oh, tu laisses ton enfant dans le Kimpasi,

M&re, non initiee !

Helas, tu enleverais ton enfant,

Mere, non initiee !

254

ETUDES BAKONGO

Wele yay’e [bis)

Na Kongo di ngola.

Wele yay’e (bis)

Kakayanga ko !

II est parti le bien-aime ! (bis)

Le Sieur Kongo de l’anguille ngola.

II est parti,

Et ne dit plus rien.


Lorsque le Kimpasi termine, les parents ne voient pas
revenir leur enfant, ils vont le reclamer au maitre.
Celui-ci leur repete alors trois fois la formule suivante :
Kito ntunga kina kindombe. Le candidat Kimpasi est
mort; litteralement : la cuisse (l’os) avec laquelle l’initie
nkita devait etre reconstruit est noire. 11 n’en dit pas plus:
le clan pleurera son defunt.

Relations entre les differentes organisations.

Celui qui a pris part a un Kimpasi peut entrer libre-


ment dans n’importe quel autre; il lui suffira de reciter
la formule de serment : Na tatu ijwa, etc. et de faire con-
naitre Ie nom du maitre qui l’a initie. 11 peut prendre part
aux danses et aux fetes.

Quand on lui apporte a manger, qu’il ait soin d’obser-


ver la loi en vigueur dans les Kimpasi : ne manger qu’une
partie des mets qu’on lui presente et porter le reste dans
une corbeille a Manzanza en disant :

Longa di ngudi Ndundu ka diumina ko,

Na Ndundu ! Mbaka !

L’assiette de mere Ndundu n’est jamais vide,

Par Ndundu et les nains !

S’il n’observait pas exactement cettc regie, Manzanza


appellerait ses aides et tous entouxeraient l’etourdi en
chantant :

E yaya Yumbe,
Yumba di ngw’ani,

Keti nki kimpasi kafwila ?

RELIGION ET MAG IE

255

E yay’e Yumba,

Yumba di ngw’ani !

Bo kayumbalele !

Oh, ce bon drdle,

Fou des sa naissance !

Dans quel Kampasi est-il mort ?

Oh, ce bon drole !

Fou d&s sa naissance,

Cornrne il regarde betement !

Apres quoi, on lui fait reciter d’autres lemons apprises


au Kimpasi et d’autres lois. S’il ne s’en tire pas, il est
condamne a une amende : une poule et quelques calebas-
ses de vin de palme en feront les frais.
Le Kimpasi dans le folklore.

Dans la litterature kikongo on cite a peine le Kimpasi.


A ma connaissanee les mythes et les legendes n’en parlent
pas, si ce n’est une allusion dans un dialogue ( kimpa )
dont j’ai rencontre dans les villages les plus distants, une
soixantaine de variantes. Le texte suivant est le plus com-
plet et a chance de se rapprocher le plus de la redaction
initiale.

E tenda !

Tenda nzianga.

E nzianga !

Nzianga budika.

E budika !

Budika ngo.

E ngo !

Ngo mfinda.

E mfinda !

Mfinda nsi.

E nsi !

Nsi i kwenda.

E kwenda !
Kwenda bidi-bidi, tulungidi kweto Nsumbu.

E Nsumbu !

Nsumbu fwa Kimpasi, fwa nkalala !

256

ETUDES BAKONGO

0 sauterelle 1

Je suis la sauterelle Nzianga.

0 Nzianga !

Je suis Nzianga qui replie ses ailes.

0 ailes repliees !

Je me pose ailes repliees sur le leopard.

0 leopard 1

Je suis le leopard de la foret.

0 for§t 1

Je suis la for&t de la region.

0 region !
C’est la region vers ou l’on part.

0 depart !

Pars, vite, vite, nous venons egalement avec Nsumbu.

0 Nsumbu !

Nsumbu ineurt de la mort du Kimpasi, de la mort defi-


nitive.

Personae, ni jeune ni vieux, n’a pu m’expliquer ce


kimpa. Nsumbu, nous l’avons vu, est un des chefs du
Kimpasi.

Quatre nkisi-nkita. — Les rites qui ont pour but de


faire agir les esprits-nkita ont plusieurs traits communs
avec le Kimpasi. Ce pourrait bien etre, et cela me parait
tres vraisemblable, une institution soeur du Kimpasi. 11
vaut la peine, me semble-t-il, d’en donner ici une breve
esquisse. Elle pourrait fournir de serieuses indications
aux ethnologues desireux de connaitre l’origine et l’es-
sence du Kimpasi ou des organisations similaires.

Nkita-Malari.

Ce nkita habite un petit sac con tenant entre autres une


pierre-nkita, de la terre blanche et rouge, un sachet de
sable de riviere, une tige de nzanza 0) taillee en forme de
fleche, et une tete de kimbembi ou epervier. Le maitre
de ce nkita s’appelle Nganga-malari; il occupe une posi-
tion des plus elevees parmi les nganga. Le nkita-malari

( l ) Nzanza : Gram. Erichopteryx flammida.


RELIGION ET MAGIE

257

se rencontre exclusivement chez les femmes, ordinaire-


ment vers l’age de 18 a 25 ans et provoque la maladie elite
malari ( nsongo-malari ) sorte d’hysterie dont voici les
symptomes : Nkita umvumwene mbundu; le nkita fait
s’envoler son coeur, si bien que mbundu ipamuna ngumbi
son coeur s’envole avec la legerete d’une perdrix. La
femme court alors a la riviere, se roule sur le sol et y
mange du sable. Cela lui parait delicieux. Elle va de la
riviere au village et du village a la riviere, cliantant et
dansant. Elle fait des gestes ridicules, parfois malhon-
netes, mais personne ne s’en scandalise. Elle peut courir
aussi vite que l’antilope, disent les Noirs, et comme le ser-
pent qui grimpe sur un arbre. Tout cela montre que le
nkita-malari s’est empare de cette femme.

Le conseil des « anciens » se reunit alors et decide de


faire venir le nganga-malari. Au jour et a l’heure fixes,
il arrive avec son nkisi-malari; deux aides portent les tam-
bours des nkisi, deux autres portent des nkwanga ou
calebasses creuses et seches remplies de semences durcies.
Ap res les ceremonies ordinaires de l’accueil, commence
le traitement de la malade. Sa hutte est changee en vwela,
on suspend tout autour a des lianes des bitundibila (*), et
devant la hutte, on menage un espace demi-circulaire
horde de palmes et d’autres feuillages. L’homme, si la
femme est mariee, ou bien son fiance, ne peuvent plus
paraitre a ses yeux. Une petite fille de sept a huit ans
prend la place du mari; elle s’appellera yakala diandi, son
mari; cependant son nom de famille sera pour la circon-
stance Nlambi. Une femme « qui fut deja autrefois pos-
sedee par le malari » prendra soin de la malade; on
1’appellera Nganga-ngudi, la mere-maitresse, ou Nganga-
nsongo, la maitresse de la maladie du malari.

Quand le vwela est pret, le nganga enleve ses vetements


et s’entoure les reins d’une ceinture de tiges de bitundi-
bila, et dans l’enclos sous les yeux de la malade, de la

(*) Bitundibila : Amomum alboviolaceum. Zingiber.

17

258

ETUDES BAKONGO

maitresse et de la petite Nlambi, il renouvelle les forces de


son nkisi. II en retire ensuite un peu des ingredients qui
composent le fetiche et les mele a des feuilles de bitundi-
bila. reduites en poudre. Pendant qu’avec ce melange, on
frotte la malade sur tout le corps, il danse et chante, et
ses aides battent en cadence leurs tambours et leurs cale-
basses creuses. La petite Nlambi doit l’imiter aussi fidele-
ment que possible dans tous ses mouvements; quand il
court et danse, elle le suit, elle est sur ses talons ( timwa -
saka-katimwasaka) . Il chante de voix de tete :
E mbari Kimbembi ki baba,

Mbundu keti kwe yele, § 6 e !

E mbari Nlambi yaya,

Mono kindanda Ngombo, e e e !

E e e bu tala yakala,

Bana bisalu babansa, 6 e & !

0 jeune Kimbembi (la malade) qui balbuties,

Oil est parti ton coeur ?

0 ch&re Nlambi,

Je suis le disciple de l’esprit Ngombo !

Oh, quand tu regardes Lhomme,

Les autres songent aux travaux.

De cette fa?on la malade est « initiee dans le nkita-


malari : katumbika nkita-malari ». C’est un jour de joie
car le nkisi-malari est un nkisi de gloire: nkisi u nkembo.
Aussi ce jour-la, on festoie et on danse bien tard dans la
nuit.

La malade reste continuellement dans la « maison du


nkisi » avec son « homme » et servante a la fois, Nlambi.
Celle-ci seule peut la toucher et doit lui mettre en mains
tout ce dont elle a besoin : les aliments, les pagnes faits
de raphia, la petite clochette de nsansi ('), le sac du nkisi
(q Fruit de l’arbre nsansi ( Oncoba spinosa Forsk), vid6 et attach^
ti un petit baton; il sert aussi de jouet aux enfants. Dans les rites de
ia puberte, les candidats en portent de semblables sur de longues
perches

RELIGION ET MAG IE

“259

quo le nganga-malari a compose d’elements emprunles


au nkisi-malari. La malade elle-meme ne pent toucher
personne, ni rien prendre sur le sol. Tous les jours au
lever et au coucher du soleil, elle sort seule de la liutte et
va se promener sur la place du village. Quand elle s’arrete,
yima kayima, elle cliante d une voix de tete Ires elevec des
chants malari :

Yeyeye ! (six fois)

Yeyeyeye (bis)

E lumbu kibokele wau,

Bana kiete bakiete,

Bana kiadi ye ngundu,

Yeyeye ! (six fois).

Eh, eh, eh ! (a plusieurs reprises)

Voici le jour oil j’ai invoque le nkita-malari,


Les enfants se moquent de moi,

Les enfants apportent la joie et la douleur !

Cette vie-malari dure deux ou trois mois (*). Dans


l’entre-temps la malade est nourrie comme jamais ne Test
une femme Bakongo; elle refoit des bananes, des graines
de courges, des arachides, du pain de manioc; elle doit
cependant s’abstenir de viande.

Quand grace a cette nourriture substantielle elle a pris


de T embonpoint, le maitre du nkisi-malari vient la faire
sortir de sa butte (tukisa). Accompagne de ses aides, de la
maitresse-mere, de la petite Nlambi, de quatre femmes
de sa famille et de quatre jeunes gens, le maitre emmene
la malade jusqu’au village voisiri. A son arrivee sur la

(!) II m’est arrive deux fois de rencontrer uue hysterique de ce genre


a l’entr6e d’un village; un soir a Diba et un matin a Kimbemba. Quand
elles apergurent le Blanc arrivant a l’improviste, elles furent terrorisfees
et commencferent a trembler de tout leur corps. Apres m’avoir regarde
fixement pendant quelques instants, elles s’enfuirent dans la brousse
avec une rapidity dtonnante. Toutes deux brillaient, enduites qu’elles
dtaient de poudre rouge de nkula et d’huile de palme. Pour tout vete-
ment, elles portaient autour des reins un pagne en rapliia long d’une
trentaine de centimetres et d’egule largeur.

“260

ETUDES BAKONGO
place, l’hysterique commence a chanter a sa fafon (yima).
Les habitants savent ce que cela signifie. Le chef vient a
sa rencontre; un de ceux qui l’accompagnent porte vine
calebasse d’eau dans laquelle est plantee une palme en
forme de croix; un autre porte une calebasse de vin de
palme. La branche de palmier enlevee, on jette l’eau et
on la remplace par le vin, dont chacun des assistants
recevra un verre. Puis les tambours se mettent en train
et la inalade chante aussi haut et aussi longtemps qu’elle
peut. Quand elle est fatiguee, les tambours l'invitent a
danser et 1’entrainent dans une ronde de plus en plus
effrenee et sauvage jusqu’a ce qu’a l’improviste elle s’en-
fuie comme une fleche vers l’extremite du village, mais
pour revenir ensuite danser encore sur la place. Dans
toutes ces evolutions, elle est suivie par Nlambi.

Quand elle revient pres du groupe des assistants, tous


ceux-ci se mettent a danser antour d’elle en evitant soi-
gneusement de la toucher. Le lendemain le groupe se
rend dans un autre village et refoit des cadeaux de toutes
sortes. 11s iront ainsi dans tous les villages des environs.
La tournee achevee, ils se rendront au marche revetus de
leurs plus beaux habits. La inalade seule garde sa tenue
ordinaire : de la poudre de nkula et un pagne de raphia.
En chemin, elle chante sans cesse de sa fagon originale.
Quand la foule est rassemblee sur le marche, on s’appro-
che : le nganga-malari tient la maitresse par le bras,
celle-ci tient la malade de la meme fa^on et cette der-
niere la jeune fille Nlambi, son <( homme ».

Accompagnes de leur suite, ils font ainsi trois fois le


tour de la place du marche pendant que la maitresse- m^re
chante ses plus beaux chants. Ensuite, ils vont chez tous
les marchands de comestibles et en refoivent des dons
pour le nganga-malari et ses aides. Les joueurs de tam-
bour battent les premieres mesures de danse, et une ronde
generale cloture la fete.

RELIGION ET MAGIE

261

De retour au village, les aides detruisent le vwela ; la


malade est conduite au ruisseau et lavee. Quand elle
revient, elle va s’asseoir sur la natte d’honneur et le
nganga lui donne un nouveau nom, un nom de gloire
comme Mansiangi, Nlambi, Kimbembi, Ntumba (‘).
Apres cela la nouvelle initiee du malari se met a chanter :

E mono Mansiangi
Tata wele ku manga,

Mama kenge bunda.

E ngwa, yo ngunda yi ngw’amo,

Mama yiyemukina, ee !

E mono Mansiangi,

Yeyeye (six fois).

Maintenant je suis Mansiangi,

Mon pere est alle consulter le manga-hkisi au sujet de ina


maladie,
Ma mere, de tristesse, serrait son pagne autour du cceur.

0 mere, je soupirais vivement aprfes toi,

J’etais privee de ma m6re !

Mais maintenant je suis Mansiangi — une femme de gloire.

Et c’est bien vrai : une femme-malari est grandement


consideree chez les Bakongo, sa condition est bien plus
en vue que celle des femmes ordinaires. Respectee de
tous, elle intervient avec autorite dans les palabres du
village et du clan, et parfois on lui confie la charge de
chef. Merae dans les affaires fetichistes, elle a grand
credit.

Comme les inities au Kimpasi, les femmes-malari ont


un langage conventionnel. A la place d’ajouter comme
les premiers sinn a chaque mot, elles emploient comme

t 1 ) Nlambi est Sgalement un des noms propres au Kimpasi; Ntumba


est rarement impose. Mansiangi vient de nsiangi, nom employ^ dans le
fetichisme pour indiquer les tiges de nzanza qui entrent dans la com-
position du nkisi-malari. Kibembi : epervier, une des parties constitu-
tives du meme nkisi.

262

ETUDES BAKONGO

suffixe : siena ; Katuka, va-t-en, laisse-moi tranquille,


devient katusiena, etc.

Leur vocabulaire est moins riche. Voici quelques speci-


mens : Luku, pain de manioc, devient ribama ou
kinienge ; masa (eau) mieri ; minkene ( Amrnomum citra-
tum Zing.) : nsakuri, etc.

Leur serment ou formule d’affirmation est la meme


que celle des membres du Kimpasi : Nkoto mama, par la
tresse de ma mere.

Mvumbi-masa.

Mvumbi-masa (ce qui signifie « feu le sieur eau »)


habite un petit sac qui contient les memes elements que
le nkisi-malari, sauf les fleches de nzanza niais on y
trouve en plus des plantes aquatiques et des tetes de pois-
sons. Hommes et femmes peuvent etre possedes par cet
esprit, cependant le cas se presente rarement chez les
hommes. Un signe certain que la femme est possedee par
le mvumbi-masa, et non par un autre nkita, c’est que la
fievre et les convulsions l’assaillent quand, un jour de
nsona, elle retire de l'eau le manioc roui. La certitude est
complete si les manifestations se font plus violentes le
soir apres l’apparition de la nouvelle lune. Le maitre de
Mvumbi-masa viendra alors asperger la malade d’un
melange de vin de palme, d’eau et d’ ingredients du nkisi;
ce qui lui rendra un peu de calme. Cependant au milieu
de la nuit, les convulsions recommenceront et tout a
coup la malade se dirigera en courant vers la riviere pour
y manger du sable.

Le jour de Nsona suivant, le maitre vient « la faire


entrer dans le nkisi-mvumbi-masa ». Elle sort de sa luitte
et se couche sur une natte. Vingt a trente personnes l’en-
tourent. Le maitre donne des forces au nkisi, le frotte du
sang d’une poule, prepare un melange de toutes sortes de
plantes aquatiques, de vin de palme, d’eau, d’elements du

RELIGION ET MAGIE

263

nkisi et le donne a boire a la malade. Ensuite on l’enduit


complotement de terre rouge. Desormais elle doit s’abste-
nir de pain de manioc frais, de la chair d’animaux mala-
des et ne hoire que de l’eau fraiche; le jour du nsona elle
ne peut toucher de manioc roui. Sa hutte changee en
vwela, est entouree de palmes et de branches de minkeni.
Le feu doit y etre continuellement entretenu. Lors de son
installation, cliaque habitant du village doit payer trois
pieces de monnaie, et c’est a cette condition qu’il pourra
entrer et prendre du feu.

La malade continuera a etre entouree de beaucoup de


soins et tres bien nourrie : line femme initiee precedem-
ment au Mvumbi-masa s’occupe d’elle et lui apprend tout
ce qui concerne le nkisi, les chants et les danses. Apres
deux ou trois mois « quand tout son corps resplendit de
saute et que la nouvelle lune brille dans le ciel, on pre-
cede a la ceremonie de la sortie ». La fete commence le
soir par une partie de danse au son des tambours du nkisi.
Autour d’un feu ardent qui est alimente par trois fois neuf
fagots, on mange et on boit a volonte. Les braises du
foyer soul ensuite balayees et on depose la femme sur la
terre encore chaude. Le maitre du mvumbi-masa, ses
aides et les femmes du village dansent autour d’elle .Puis
sur un signe du maitre, 1’initiee se love et danse en
chantant :

E mbari ngwa Nlambi,

Mpongo, e yeka, yaya,

E nkunga ibongila yembo,

E ngwa Nlambi’e,

E mono ku masa batumba nkita,

E ngwa Nlambi, e !

Eh toi, mere Nlambi (ce sera mon nom),

0 esprit-nkita, apaise-toi, mon cher,

J’entonne le chant, de la maladie (que tu m’as communiquee)


0 m&re Nlambi,

Car a l’eau, ils m’ont incorpor6e au nkita,

Moi mere Nlambi !

“264

ETUDES BAKONGO

La fete dure toute la nuit. Dans l’avant-midi du lende-


main la nouvelle femme-nkita est conduite en grande
pompe sur la place du marclie ou les ceremonies se derou-
lent comme nous l’avons decrit pour la femm e-malari.
Un seul point differe. A un moment donne, an beau
milieu d’une danse, la femme s’enfuit le plus rapidement
possible vers un endroit fixe d’avance; le inaitre doit la
poursuivre. S’il la rattrape avant qu’elle soil arrivee a
destination, il a droit au salaire integral du pour ce genre
d’operation, entre autres une chevre d’un an. Ne xeus-
sit-il pas, il devra se contenter des cadeaux refus au
marche.

Les personnes qui sont entrees dans le mvumbi-masa


refoivent une partie du nkisi qui a servi a leur traitement
et deviennent ainsi a leur tour, nganga de mvumbi-masa.
Elies parleront un langage conventionnel tout com me les
personnes entrees dans le malari et changeront ordinaire-
ment de nom.

Nkwete.

Ce nkita occasionne, surtout chez les homines, des


fievres et des convulsions. 11 est materialise comme nkisi
dans un sac qui contient avec de la terre rouge et blanche
une plante aquatique (maboso-boso) , des minkeni (Ammo-
mum citratum, Zingib.), une pousse d’ananas, etc. Le
maitre de nkwete vient le soir avant 1’apparition de la
nouvelle lune et fait rassembler neuf fagots pres de la
hutte du malade, il y met le feu, et entre alors dans la
hutte en chantant :

Mon nganga Nkwete. (bis)

Lusa kuntala, yaya lele !

Je suis le maitre de Nkwete.


Vous le verrez, le cher malade dort.

Cependant, si au lieu de rester calme le malade est saisi


a ce moment de violentes convulsions, le maitre lui souf-

RELIGION ET MAGIE

265

fie tie toutes ses forces sur tout le corps jusqu’a ce qu’il
s’apaise. Entre-temps un aide fait bouillir un melange de
niaboso-boso, de minkeni, de pousses cl ananas et d’autres
matieres contenues dans le nkisi. Lorsque les restes du
foyer ont ete enleves, le malade est assis sur la place
encore chaude. Le maitre le frotte avec le melange chautl
qui vient d’etre fabrique et le fait transpirer « au point
que la sueur degoutte de ses ongles ». Puis il tue une
poule dont il frotte le sang sur le nkisi, et lui enleve le
coeur qu’il donne au malade. Celui-ci doit l’avaler. Le
reste de la poule roti au-dessus du feu est partage entre
les assistants.

La butte du malade est transformee en vwela comine


aux precedentes initiations-nkita et on l’y soigne pendant
un ou deux mois. Quand il est completement gueri et
qu’il a repris toutes ses forces, il est « extrait du nkisi »
par le maitre de nkwete qui l’amene sur la place du mar-
che; la on festoie comme il a ete decrit plus haut. Apres
la fete, on revient ensemble au village, le vwela est
detruit, et le nouvel initie du nkwete, tout au moins s’il
est intelligent et montre des dispositions pour Part d’ac-
tionner les nkisi, installera son propre nkisi-nkwete. Le
ngudi-nganga nkwete divise les composants du nkisi et
en donne la moitie a son eleve, en observant les rites habi-
tuels en pareille occurrence. Le nouvel initie porte ensuite
a un carrefour le charbon de bois qui reste du feu de
l’installation et il y place un oeuf de poule, le premier
qu’une poule ait pondu. Parfois il change egalement de
nom.

Les inities du nkwete n’ont pas de langage propre, en


dehors de celui des nganga dont voici un specimen. C’est
le chant qu’entonne le nganga de nkwete quand il
reclame son paiement :

Ntambwala ! Ngyeta

Nkudika ! Ngyeta !

Luvwa-luvwa lu Nkwete ( bis)

“266

ETUDES BAKONGO

Ntambwala ! Ngyeta !

E ko, e koko.

Tu entends ce que je dis, n’est-ce pas ?

Tu vas me donner ce que je demande, n’est-ce pas ?

Les quatre-vingt-dix, les nonante perles du Nkwete.


Tu entends ce que je dis, n’est-ce pas ?

Ici, c’est ici qu’il faut le faire.

Kivunda.

Le nkita Kivunda est contenu lui aussi dans un sac qui


comprend de la poudre de nkula, des arachides, des
semences de courges et d’autres plantes, des cornes d’anti-
lope, des tetes d’oiseaux, etc. Quand ce nkisi saisit quel-
qu’un, que ce soit un liomme ou unc femme, il devient
comme enivre. Le maitre de Kivunda l’arrose du jus de
feuilles de minkeni, fait faire un grand feu et, dans les
cendres, enterre trois oeufs. 11 frictionne le malade etendu
sur l’emplacement du feu, avec un melange d’huile de
palme, de poudre de nkula et de feuilles de mansusu.

Le traitement dure un mois ou plus et est continue dans


la hutte-vwela ornee de feuilles de minkeni el de mansusu.
Le patient doit s’abstenir de viande de chevreet d’animaux
sauvages, de pousses de manioc, de poivre, de sauterelles,
de graines de sesame, etc. II ne pent voir ni fusil, ni chas-
seur. Apres la guerison complete, on le porte au marche
avec les ceremonies habituelles. En voici un des chants :

E yigela kisela kiamo

Mu sodi di nganga Kivunda, yay’e I (bis)

E ndoki utombula mpongo,

Nzimbu nki k’utombwela ko’e ? E yay’e !

E yi vabaka lutangu,
Itangila mambu yay’e ! (bis)

Je cueille mes pousses de manioc

Sur le champ du maitre du Kivunda, mon bien-aime !

0 sorcier tu dressais ton nkisi pour me tuer


Mais tu n’as pas gagne ton salaire ? Eh, mon ami !

RELIGION ET MAGIE

267

(Kivunda a detruit tes plans,)

J’ai gagne de l’esprit,

Pour trailer les affaires du nkisi !

Le nouvel initie de Kivunda peut en devenir nganga,


pourvu qu’il montre des dispositions et paie bien. 11 ne
change pas de nom et n’aura pas de langage special.

* *

Ces quatre pratiques fetichistes ont avec le Kimpasi


une serie de traits communs qui doivent, semble-t-il,
retenir l’attention. Resumons-les : Ces nkisi sont des
incarnations d’esprits-nkita; la duree du traitement cst
relativement longue, de un a trois mois, voire plus;
cehu-ci se fait dans une hutte de nkisi vwela, oil le feu
est entretenu. Les personnes traitees sont incorporees ou
initiees a l’esprit du nkita; elles changent de nom, sauf
dans la quatrieme espece; bien plus, dans les deux pre-
miers cas, elles modifient leur langage. La ceremonie
accomplie sur le marche est commune a toutes, et apres
la mort magique du patient, il ressuscite a la vie publi-
que. S’ils le desirent, les malades peuvent meme devenir
nganga du nkisi employe pour les traiter.

Dans les rites fetichistes du Kimpasi, ces traits ressor-


tent davantage, mais ne different pas essentiellement. Le
Kimpasi est une initiation collective dans le but d’ecarter
un mal commun, la sterilite par exemple; tandis que les
autres initiations aux nkita visent la guerison d’une mala-
die causee par le nkita correspondant qui s’est saisi d’un
particulier. La principale difference reside done dans le
caractere social du Kimpasi.

CHAPITRE IX.

SITUATION PRESENTE. — OBSTACLES AU PROGRES.

FACTEURS DE L’ AVENIR.

Les croyances et pratiques religieuses et magiques,


decrites ici sont le resultat de la vie collective de nom-
breuses generations de Bakongo, dans leur habitat actuel;
a leur arrivee, les premiers clans out apporte un fonds de
traditions, dont les origines se ramifient en des lointains
inaccessibles. 11 taut admettre que ces attitudes mentales
et sociales ont ete influencees au coins des siecles, du
dedans par l'initiative d’individus plus independants, et
du dehors par les emprunts culturels faits aux voisins.

Qui mesurera, par exemple, les consequences de l’ac-


tion prolongee d un Affonso, roi pendant pres de quarante
ans, legiferant contre les feticheurs et les sacrifices
liumains, et donnant personnellement l’exemple d une
vie vraiment chretienne. La memoire de ce chef, dont le
caractere egalait le genie, est restee vivante dans les clans
les plus recules de l'ancien royaume Kongo.

Quant aux voisins Ambundu, Balunda, Bateke, leurs


relations avec les Bakongo ont necessairement modifie
sur certains points les concepts religieux et magiques de
cc people. Un seul dicton le dit assez : « Nkisi mi mpumbu
twa mitwa; les fetiches des Bawumbu (Bateke) sont Ires
forts ». Les Bazombo et les Bambata (Bakongo) amenaient
au littoral par la voie du Stanley -Pool, les esclaves et
l’ivoire des peuples du Nord, tandis que les produits venus
de l'Est s’acheminaient par les sentiers du Kwango; ces
caravanes n’ont cesse de sillonner le pays qu’apres la fon-
dation de l’Etat Independant du Congo. Elies ne transpor-
taient pas seulement des marchandises d’exportation,

RELIGION ET MAG IE

269

mais encore ties objets usuels, ties nouvelles et des liistoi-


res, ties idees et ties fetiches.

Les formes religieuses et magiques, que nous avons


exposees, appartiennent au passe; elles sont mortes ou
moribondes. Le Kimpasi survit encore sous une forme
reduite, chez les Bankanu. II en est de meme du nzo longo
(rites de la puberte) ailleurs disparu. Les nkisi individueis
ont la vie plus dure, et s’utilisent encore assez souvent
dans les milieux chretiens. Le grand devin, celui du
Mputu Ngombo, devient plus rare; mais ses succedanes
operent encore un peu partout, concurrences cependant
par des Noirs evolues venus des grands centres, et dont
le bagage magique comprend des miroirs a formes bizar-
res et meme des appareils de telephone hors service. On
pent s’attendre a l’eclosion d’une magie nouvelle dans
l’imagination des clercs qui lisent avec avidite « Le
secret revele », « La magie noire » et d’autres grimoires
achetes a des prix fabuleux sur la foi tie prospectus
envoyes de Lyon ou de Paris.

Le culte des ancetres est remplace dans les villages con-


vertis par le culte chretien. 11 disparaitra entierement
dans ses formes anciennes, car il n’est coiiqu qu’en fonc-
tion tlu sol du clan. Or revolution de la coutume attri-
bue aux parents et non plus a l’oncle maternel, les droits
sur l’education des enfants. De la suit comme corollaire
l'etablissement des fils maries au village paternel. La
generation actuelle vit encore partiellement tlu droit
ancien; mais la suivante devra adopter un droit foncier
nouveau, encore a creer. Elle n’aura plus tie contact
direct avec les ancetres du clan, dont le culte est Iimite au
sol clanique.

Quant a l’Etre Supreme, Nzambi Mpungu, ce nom desi-


gne a present le Dieu des chretiens, et ce concept s’enri-
chit tous les jours; lentement mais surement, le christia-
nisme eleve et epure les esprits et les coeurs. Son
principal obstacle ne git pas dans ce qu’on appelle les
270

ETUDES BAKONGO

mceurs, ni dans l’immoralite, mais bien dans la mentalite


impregnee depuis des siecles par les pratiques du feti-
cliisme et du manisme. Esquissons quelques-uns des
principaux traits de cette psychologie.

Egocentrisme.

Le Mukongo encore mwana-mama, enfant de sa mere,


comme il se nomme, c’est-a-dire non evince des seins
maternels par un autre bebe, parle deja facilement; une
des expressions qu’il emploie le plus est mbo, inbo
kwamo : je ne veux pas, moi. II resiste a sa mere, qui
habituellement lui obeit. Devenu mwana-tata, enfant de
son pere et l’accompagnant plus souvent, il sent grandir
son independance et il s’oppose avec orgueil a tout son
entourage.

D’autre part, il se sent profondement un avec sa


famille. « Mwan'eto, notre enfant » dit-il de son petit
frere, pour exprimer cette unite bien sentie avec le clan
de son pere. Il l’appelle « nlek’amo, mon cadet » quand
il veut affirmer son droit d’ainesse et done sa supe-
riorite. 11 l’appelle « nlek'eto, notre cadet », aux instants
ou il se sent un avec le clan de sa mere. Ainsi il nommera
avec le possessif amo-mon, ou efo-notre, tous les mem-
bres des deux clans, paternel ou maternel, an fur et a
mesure qu'il lui sera donne de les rencontrer. 11 se sait
membre du clan, mais il dira, encore enfant, « Mono,
mfumu Nsako, moi chef ou homme libre du clan Nsako. »
Il se sait partie du clan, vivant de sa vie, et inconsciem-
ment il egale la partie au tout. Il ne per<?oit pas ses
limites.

Ceux qui devraient le domincr se font ses serviteurs;


necessairemnt il se posera comme le centre du monde qui
rentoure. Sa mere a ete a son service exclusif pendant
deux ou trois ans. Elle v restera toujours un pen jusqu’a
sa mort. Le nom le plus cher qu’elle lui donne, et auqurd

RELIGION ET MAGIE

271

il ne resiste guere est, « ngeye, kitimi ki bulu dieto : toi,


qui creuseras notre fosse. » Dans ce « noire » elle exprime
son union avec toutes les meres, celles qu elle ira rejoin-
dre et celles qui avec son fils pour chef la feront revivre.
Le pere, quoi qu'il dise on fasse parfois, est de meme au
service de l’enfant et fait ses volontes. Bien plus, si son
fils lui resiste le pere le suppliera : « E tata, Nzainbi
mpungu dodokolo, k’use mpako ko, nda yendi, oh,
pere, par Nzambi je t’en supplie, ne fais pas d’opposition,
va done ». Les roles sont renverses; e’est le pere qui sup-
plie humblement son fils, en l’appelant pere, parce que
son propre pere revit dans ce fils. Le pere considerant
son fils sous cet angle, se sent inferieur. Comment le fils
alors ne se sentirait-il pas le roi et le centre de tout ? A
rencontre de cet egocentrisme agissaient dans une cer-
taines mesure les rites de la puberte et les services exiges
par 1’oncle maternel; de meme l’autorite des anciens qui
reprimaient durement tels delits bien caracterises. Mais
cela ne suffisait pas pour modifier le point de vue person-
nel du jeune homme soutenu par tout le reste de l’am-
biance sociale.

La langue parlee par son entourage et possedee par


lui presqu’a la perfection des l’age de quinze ans, est
extremement riche en formes verbales a suffixes; elle est
toute entiere agencee pour exprimer des sensations con-
cretes et tout y est enonce du point de vue personnel et
subjectif (‘).

Amoralisme.

Accoutume a penser et juger d’apres ses sensations sub-


jectives, il emmagasine au jour le jour dans sa memoire
les evenements notables, les affectant tons d une colora-
tion affective personnelle, et les classant en categories

(•) Pour le mftrne motif il exprime les notions de temps par des mots
et des locutions qui se rapportent a l’espace : devant lui, derriere lui,
etc.
Pour signifier le concept « temps », il emploie le meme mot que pour
le soleil : tasi ou ntangu.

272

ETUDES BAKONGO

utiles ou nuisibles, agreables ou desagreables. Ainsi il ne


se sent pas porte a juger ses actes selon une norme de
moralite objective. 11 ne se critique point, il ne se donne
jamais tort. Les autres le jugent, lui jugera les autres et
il se condamneront mutuellement.

(( J’aurais dii faire cela », « je n’aurais pas du le faire »,


« j’aurais pu et du faire mieux », voila des pensees qui
n’entrent jamais comme telles dans sa conscience. 11 dira
bien : « je n’ai pas ete malin », mais s’il n’a pas ete malin,
c’est un simple fait, non une faute; c’est son intelligence
qui a ete en defaut. S’il a oublie de faire ce qu’il aurait du
faire, il ne dira pas quand on lui en fera le reproche :
« j'ai oublie la chose », mais : « la chose est restee dans
l’oubli du coeur ». Si laissant choir un objet il l’a brise,
il n’avouera pas : « j’ai laisse tomber (nsotwele) , j’ai
casse », mais « kirna kisotokele, kiburika, la chose s’est
laissee tomber, elle s’est cassee ».

Quand on lui reproche un acces de colere, il repond :


« kieleka, mbakamene makasi, en verite j’ai ete pris par
la colere » ou encore « ngansi imbakidi, la fureur m’a
pris ». Son penchant a objectiver les qualites des etres
comme des entites substantielles, vient ties a point pour
lui eviter la honte de reconuaitre sa culpabilite. Le « cou-
pable », ce n’est pas lui, ce sont ses defauts.

Un jour un eleve de rhetorique, dactylographe d’occa-


sion, m’apporte son chef-d’oeuvre; je lui indique deux
mots qu’il avait omis; il me repond : « ils sont restes dans
la machine ». Je lui recite alors une dizaine de formules
usuelles, par lesquelles le Mukongo decline toute respon-
sabilite et l’endosse a ses defauts et meme aux choses
materielles, puis je lui demande : « Tu en es encore la ?
exactement oil en sont les indigenes de la foret P — Oui,
Pere, reprend-il, quand nous ne reflechissons pas. »

Ce - nous est tout un poeme. C’est le nous collectif,


ou Ton se refugie pour echapper a un i-eproche ou a un
RELIGION ET MAGIE

273

devoir personnel. C’est aussi le nous que les Noirs bran-


dissent pour s’opposer aux Blancs, meme en des matieres
totalement independantes de Blanc et de Noir, et qui sont
du domaine purement humain.

Beto bantu, nous les hommes, est une locution usuelle,


par laquelle ils disent deux choses. Ils s’opposent d’abord
a tout ce qui n’est pas homme vivant sur terre; ils affir-
ment ensuite que les hommes agissent habituellement
pousses par les memes mobiles. C’est une explication et
une excuse. Ils ne louent jamais quelqu’un pour le bien
qu’il a fait. Ils n’ont du reste pas de terme generique qui
signifie : dire du bien de quelqu’un. Mais ils sont tres
portes a soupgonner de mauvaises intentions, meme chez
leurs proches parents. Frequemment ils insinuent leurs
soupQons dans la conversation. Quand ils les expriment
ouvertement, ils terminent leurs calomnies par la for-
mule : « Beto bantu, mbundu ye mbundu, nous les hom-
mes, avons chacun notre coeur. » Ou encore :« Konso bantu
ngimba ye ngimba, chaque homme a son temperament. »
De cette fagon ils concilient tout et se mettent a l'abri
d’un reproche.

Anthropomorphisme.

L’ homme est distinct de tous les autres etres; cette idee


spiritualiste ne manque pas au Mukongo. Elle ne s’oppose
pas a son esprit concret, a son automatisme intellectuel,
ni a sa tendance l'onciere a attribuer aux autres etres
vivants ou inanines des activites et des passions humaines.

Un jour pendant une dizaine de minutes, j’ai entendu


une fillette de sept a huit ans repeter a sa soeur ainee
pilant le manioc a vingt metres de la : « E yaya, want, e,
oh, mon ainee, ecoute done ! » et elle continuait toujours
sur le meme ton, sans se lasser ni s’impatienter, si bien
que finalement l’ainee cessa de piler pour ecouter sa
cadette. De la meme fagon, l’oiseleur, dissimule par un
ecran de brousse aupres d une jonchee d’herbes a glu,

18

274

ETUDES BAKONGO

appelle les oiseaux pendant des heures et des heures : « E


maseki lunswa, ee, ludia lunswa ee, ibula maseki bibuka
bibuka..., oh, les passereanx voyez les termites, mangez
les termites, je prends les passereaux en foule, en
fonle.., »

An sortir du bain, les Noirs assis sur la rive se sechent


au soleil; s’il ne fait pas assez chaud a leur gre, ils repe-
tenl :

E ya mwini, nga, tukala bole,


Ngeye ya kiosi nda wenda ku mbata Mpangu.

O chaleur cherie restons ensemble,

Toi, froid, mon ami, va-t’en au sommet de Mpangu.

Quand ils causent le soir aupres du feu, si un tison cre-


pite tout a coup lanpant des etincelles, ils pensent qu'il est
furieux et veut bruler les gens. Ils lui orient pour l’apai-
ser : Basuka, basuka, on est mort, on est mort. » Le feu
est l’image de la vie; son extinction celle de la mort.
Aussi a leur depart, quand ils eteignent le feu, pour que
sa mort soit paisible l’un dit : « Qui mourra le premier P »
et l’autre repond : « Ya magala, l’ami charbon. — Avec
quoi revetira-t-on son cadavre ? — Avec le cceur d’un
bananier. — Quelle sera la tombe ? — L’amas de detritus
derriere la maison. » Actuellement quand nos gens repe-
tent ces paroles traditionnelles, ils n’ont plus la con-
science claire du geste qu’ils font, mais leur automatisme
reste inspire par l’idee primitive.

Les femmes a la pecbe des bimfusi (espece de grenouil-


les qu’elles croient venir du ciel) chantent doucement :
« E mbari ya toko kwe ukala ee ? Eb, mon cheri, oil
restes-tu done? » Ce doux appel encbaine a leur suite
lours amants les plus timides et elles sont persuadees que
les bimfusi aux aguets, n’y resisteront pas davantage.
Decues dans leur espoir, elles se diront : « Voila done que
moi je l’aime, mais lui ne m’aime pas. »

RELIGION ET JMAGIE

“275
Cette tendance inconsciente a trailer les a utrcs etres
comme des homines, conduit les Bakongo a se representer
lc monde des esprits a l’image du monde humain. Les
categories dont its le composent viennent des categories
humaines hien connues. Leurs moyens d’actions sur ces
esprits leur sont suggeres par leur psychologie realiste,
humaine elle aussi. Ainsi apparaissent les prieres, liba-
tions et offrandes I'aites aux bons ancetres qu’ils honorent,
et accompagnees de suppliques et de discours profonde-
ment touchants. Pour les nkisi, qu’ils dominent et
emploient comme domestiques a tout faire, ils usent de
moyens tout differents : nourriture fortifiante, surtout
sang et noix de kola, explosions de poudre pour terrifier,
ordres repetes avec fougue et autorite, danses forcees des
fetiches pour les reduire a leur merci. Actionne par des
moyens pareils, le nkisi doit marcher. Si Nzambi Mpungu
echappe a cet anthropomorphisme niveleur, e’est que sa
place est unique au sommet de leurs idees.

Ignorance des lois physiques.

Une des causes de l’erreur, qui les induit a placer les


autres etres a leur niveau, e’est leur ignorance de la nature
specifique des choses et des lois physiques qui les regis-
sent. Cependant pour l’observation de detail le Mukongo
a les sens Ires aiguises. A Page de quinze ans il connait
chacune des betes et des plantes qui l’interessent a un litre
quelconquc, il sait leur nom et leurs proprietes, il les
juge toutes sous l’angle de l’utile ou du nuisible..., et il
en connait ainsi des centaines. A la chasse aux petits ron-
geurs, grace a une trace imperceptible a l’oeil europeen
il voit sur une herbe si le rongeur a passe par la. En mar-
chant dans la foret, son oeil semblc uniquement dirige
vers le sol oil git le danger le plus immediat, mais la bete
la plus minuscule se meut-ellc dans le feuillage, il l’a
aperfue. Ses connaissances restent toujours concretes,

276

ETUDES RAKONGO

portant sur chaque espece et ses caracteres propres : tel


poisson ou tel oiseau se laisse prendre tie telle fapon, le
leopard se comporte de telle maniere, le chat-tigre de telle
autre.

Le Mukongo ne synthetise pas, ne remonte pas a l’idee


generate. 11 n’a pas trouve de noms pour designer les trois
regnes de la nature. Les mineraux l’interessent le moins,
et ne possedent que quelques noms generiques ou speci-
fiques. Les plantes le preoccupent davantage. II on con-
nait, avons-nous dit, quelques centaines d’especes. Dans
ce regne il a etabli quelques divisions, se basant sur le
port de la plante. Ainsi les graminees sont des masinda,
mais les petites sont exclues de cette categoric. II nomine
nti tous les arbres qui ont ecorce, tronc, branches, brin-
dilles et feuilles; a cette classe n’appartiennent done pas les
palmiers, qu’il appelle maba. Inversement parmi les
maba il range des plantes, qui n’ont de commun avec les
palmiers qu’une lointaine ressemblance toute exterieure,
par exemple, le ba dinseke. Les animaux sont les mieux
connus, mais divises en categories tres arbitraires. En
general les especes non comestibles ne sont connues que
sous leur nom specifique. Toutes les especes de plantes
et d’animaux qui n’ont pas de nom, sont des bima bi
Nzambi, des choses de Nzambi qui seul les connatt et sail
a quoi elles servent.

D’une fa?on generate le Mukongo specific les etres


d’apres leur forme ou leur comportement visible et leur
donne un nom en consequence. 11 s’imagine que leurs
forces et qualites interieures correspondent a ces formes
exterieures. Il fait un emploi constant du principe de
l’analogie, mais sans controle ni critere. « Des choses sem-
blables ont done des natures semblables, des activiles et
des passions semblables », voila un principe implicite
dont il tire des consequences pratiques dans tous les
domaines, et particulierement dans celui de la magic.

RELIGION ET MAG IE

277

Tous les nkisi ont lies ingredients ou coniposants tires


des trois regnes de la nature. L’activite supposee de ces
ingredients est en rapport avec l’activite specifique du
nkisi. Un exemplc ties clair est fourni par Kapiaruju,
decrit page 127. Un nkisi est suppose exercer line force
singuliere et anormale; c’est pour cela qu’on lui donne
des ingredients singuliers et anormaux : cailloux et raci-
nes a formes insolites, morceaux de copal pretendus
excrements du chien celeste qu’est la foudre, silex tailles
dont l’origine leur est inconnue mais dont la forme leur
parait extraordinaire. Si le nkisi doit produire la fecon-
dite ou des effets en connexion avec elle, il contiendra
des ingredients tels que : graines de plantes tres prolifi-
ques, sang des menstrues, parties genitales de betes, etc.
Dans tout ceci on voit sans peine des applications du
principe de l’analogie. Mais il y a une foule de pratiques,
dont on ne distingue vraiment pas le motif. Par exemple,
quand on se fait couper les cheveux, il faut rassembler a
l'ecart les cheveux coupes; si on les disperse a tout vent,
on sera atteint de maladies du cuir chevelu. De mcme,
quand vous vous taillez les ongles, brulez les dechcts...
sous peine de ne plus savoir qui vous injurie derriere
votre dos. En outre, quiconque marcherait sur les dechets,
concevrait de l’inimitie a votre egard. Les relations de
cause a effet que supposent ces croyances leur echappent,
car les explications qu’ils en fournissent sont tres diver-
gen tes.

A l’ignorance des lois qui regissent la matiere et la vie,


s’ajoutent pour derouter leur intelligence et leur logique,
les croyances absurdes et incontrolables mais tradition-
nelles, les bistoires lerrifiantes de ndoki et de revenants,
les operations merveilleuses realisees par des nkisi, et tout
leur innombrable folklore dont les recits constituent
encore pour la jeunesse, meme dans la societe chretienne,
le passe-temps le plus agreable au cours des longues soi-
rees. Les forces mysterieuses dont disposent les esprits

278

ETUDES BAKONGO

et que des hommes savent capter, elargissent indefini-


ment devaut leur imagination le domaine du possible. Li n
champ de courges ensorcelees envahit un village. Un
homme devient leopard. Un crocodile se mue en homme.
Mille autres recits de ce genre effacent les limites du pos-
sible, du reel et du necessaire; et ces concepts qui domi-
nent notre logique deviennent comme etrangers an
Mukongo. En tout cas ils ne soutiennent pas sa pensee. Si
son esprit ne chavire pas dans l’illogisme, c’est qu’il est
sou ten u par le realisme de la vie. 11 Test aussi par « la
sagesse des nations », car si son entourage debite taut de
sornettes sur le merveilleux magique, il fait circuler des
centaines de proverbes dont beaucoup sont frappes an
coin d’un bon sens solide et pratique, \insi, en fin de
compte, dans la vie ordinaire le Mukongo parle et agil
d’une fa^on fort raisonnable.

De meme, malgre son anthropomorphisme, il etablit


line echelle des etres, ou lui-meme se trouve ii mi-hauteur;
en descendant il rencontre les animaux, les plantes, puis
les choses sans vie ni mouvement, en montant il se heurte

a la puissance superieure des ancetres et autres esprits


dont la nature et le comportement sont moins notoires.
Enfin au sommet, une sphere a part, inaccessible,
Nzambi. Voila ce qui est; et dans tout cela, chaque chose
et chacun a sa nature et sa place. Mais ne lui demandez
pas de distinguer nature et surnature. Mis en demeure de
faire une distinction logique, il opterait pour humain et
surhumain. Car 1’homme vivant est pour lui le centre et
la mesure commune. Humain corresponderait ii ce que
l’homme peut faire normalemenl par ses propres forces

et a l’aide des

etres inferieurs a lui : mineraux, plantes et


animaux, qu’il s'agisse de travaux de culture ou de

metiers, de nourriture ou de medecine. Surhumain, qua-

lifierail tout ce qu’il fait avec le concours des ancetres ou

des autres esprits ou de l’etre mvsterieux qu’est Mfumu

RELIGION ET MAGIE

279

kutu; done loka avec ou sans nkisi, avec ou sans kindoki.


Ce qui est fait par Nzambi ne rentre dans aucune de ces
categories, puisque Nzambi Sundidi, surpasse tout et n’a
aucune mesure commune.

Facteurs de progres.

L’amoralisme de sa pensee et son egocentrisme ne con-


duisent pas le Mukongo aux exces d’un egoi'sme feroce,
parce que ces deux tendances foncieres sont combattues
efficacement par la societe qui l’encadre et le modele. Elle
inculque a chacun ses droits et ses devoirs coutumiers, et
est bien armee pour reprimer les abus et les desordres :
vols et violences, meurtres et adulteres. Elle apprend a
ses membres a reconnaitre comine bien supreme sur
terre, la vie, et non le plaisir. L’individu n est pas pour
lui-meme mais pour le clan. Chacun, homme ou femme,
doit promouvoir le bien du clan, et pour cela transmettre
la vie qu’il a recue : il doit vivre et travailler pour sa pos-
terite. La mort meme ne rompt pas les liens entre ceux
qui s’en vont et ceux qui restent; elle n’est qu’un cliange-
ment d’etat et de village, qui etablit des relations d’un
autre ordre. Nous avons entendu le chef, apres la cere-
monie du culte des ancetres, dire aux participants :

Maitrisez vos coeurs,

Que chacun respecte son frere...

L’argent n’est rien...

La passion est mauvaise f 1 ).

Cette morale, profondement et largement humaine, a


permis a ce peuple de resister victorieusement a tous les
facteurs dissolvants de la colonisation.

Son efficacite ne tient pas seulement a ses liens avec le

(!) Voir chap. Ill, p. 48.

280

ETUDES BAKONGO

culte des ancetres, mais a sa dependance directe de


Nzambi :
Mambu monso ma ganga Nzambi go ka basala,

Nzunzu leka ikwa ganga mpasi.

Si l’on n’observe pas les lois que cr6e Nzambi,

C’est le plaisir charnel qui nous cr6e des douleurs.

Telle est la morale de plusieurs vieilles legendes. Car


nkiku mi nsi yu ulonga miauni Nzambi Mpungu, les lois
du pays c’est Nzambi Mpungu qui les a enseignees. Son
souvenir domine la vie consciente des Bakongo; non seu-
lement son nom revient constamment sur les levres des
pai'ens, mais dans les grandes circonstances oil l’homme
prend vraiment conscience de lui-meme et de sa place
dans le monde, en danger de mort, dans une maladie
grave, devant le cadavre d’un etre aime, la pensee du
Mukongo se trouve imperieusement ramenee a Nzambi
Mpungu.

Un tres grand nombre de chants funebres en temoi-


gnent :

II est mort,

C’est que la terre n’est pas a nous.

La terre est a Nzambi.

II est mort;

Le grand chemin de la mort, les hommes ne l’ont pas fait,

G’est Nzambi qui l’a fait,


II est bien d6brouss6 et a pente douce.

La vie qu’ils aiment tant, c’est Nzambi qui en est le


maitre. La mort qu’ils redoutent, c’est encore Nzambi qui
en est le maitre.

Par de nombreuses pratiques de magie ils s’efforcent


vainement d’echapper a cette emprise souveraine :

Le vieux prend tout ce qu’il peut,

Le jeune homme fait de m6me,

Mais au-dessus de tout regne Nzambi-Mpungu.

RELIGION ET MAGIE

281

Quand nous avons mange le produit de la peche, la faim revient,


Quand nous avons bu le vin d’un palmier, la soif revient.

Les ancetres viennent manger avec nous;

Celle qui nous mangera — la mort — ne mange pas avec


l’homme,

Elle erre dans les vallees profondes, dans les terres lointaines.

Au-dessus de tout est Nzambi Mpungu. Nzambi, Crea-


teur tout puissant, est le Souverain Maitre et le supreme
justicier.
*

* *

Sur cette morale s’est appuyee la politique sociale des


Jesuites, appelee methode des fermes-chapelles, et sur la
croyance en Nzambi s’est fonde l’enseignement religieux
chretien. Apres quarantc ans d’efforts, malgre les vices
et les faiblesses du milieu paien, malgre certains facteurs
nuisibles de la colonisation, malgre les ravages de la
maladie du sommeil qui a fauche les 9/10 de la popula-
tion, une belle chretiente vit et prospere. Le menage
monogame chretien est le pivot de cette reussite et sa
natalite atteint les taux les plus eleves qui soient connus
dans l’univers entier. La fidelite conjugale y est un fait.
C’est l’honneur de tres nombreux maris, qui onl passe la
seconde crise, la plus dangereuse, celle du retour de
Page. 20 % de la population, 95 % des enfanls en age
d’ecole, re^oivent un enseignement de plus en plus deve-
loppe. Et les filles y participent a Legal des gar^ons. Plus
de 30 % de la population scolaire des Ecoles Menageres
congolaises, se trouvent a Kisantu; les filles qui en sor-
tent, apres huit ans de formation, ne sont pas des dera-
cinees; elles deviennent des meres de famille modeles. La
vie religieuse proprement dite prend racine. Un clerge
indigene se developpe. Un ordre nouveau a remplace
l’ordre ancien, il atteint tous les organes de la societe et
son rayonnemenl attire ce qui reste de pai'ens.

“282

ETUDES BA.KONGO
ANNEXES CONCERNANT LES FETICHES.

Fetiches divers.

« Ndundu, qui fait enfler » consiste en un sac de char-


bon de bois, mele de feuilles velues et urticantes. II gue-
rit la maladie dite mafwebo, sorte de gonflement de la
peau.

Kilembo, est celui qui apaise. La poudre qu’on en


extrait delayee dans du vin de palme sera donnee a boire
aux jeunes gens qui poursuivent les jeunes filles. Ce
remede les calmera ou, s’ils retombent, les foudroiera au
cours de leur mefait.

Makodi malanda sont deux nkisi-coquillages qui pour-


chassent les voleurs et se cramponnent a eux jusqu’a la
restitution. Ils sont d’un emploi tres frequent. Apres l’in-
cantation usuelle, le nganga ou la victime le prend et lui
enjoint de poursuivre le voleur. 11 jette le nkisi sur le sol,
tantot dans une direction, tantot dans une autre, jusqu'au
moment ou le nkisi « se precipite de lui-meme vers une
butte, un village ou un hameau voisin ». 11 s’arrete alors
ou disparait dans les hautes herbes. Voila ce que racon-
tent les Noirs, meme les plus serieux.

Masaki ma mfinda, vertiges de la foret : nkisi-remede


consistant principalement en quelques feuilles de kim-
wingu, destinees a guerir les vertiges.

Vunzi : fetiche fait d’un petit sac de charbon de bois, de


plumes de poules, de queues de differents animaux; uti-
lise pour la reproduction des chevies.
Makodi maluta ngonda : les coquilles qui facilitent les
regies. C’est un nkisi-remede contenu dans une ecaille,
mixture de differentes feuilles et de tetes de poissons
nsomfi-ngola et kaki. Aux femmes qui perdent trop de

IIELIGION ET MAGIE

283

sang, on fait avaler de la poudre de nkisi additionnee


d’eau.

Nkinda nzo, on le gardien de la maison : sac rempli


d’argile, de charbon de hois, de plumes de poules, et de
queues de souris. II doit defendrc la maison contre les
sorciers et jeteurs de mauvais sorts.

Kisungu ki ntu : le crane. On lui enfonce les ingre-


dients a la place du cerveau : glaise rouge melee de vin de
palme, pierres, pattes de poules, etc. Selon deux de mes
informateurs ce nkisi, que je possede, etait inconnu des
anciens. C’est une invention de son premier proprietaire,
connu d’ailleurs comme vaurien.

Kiungu : petit sac contenant de l’argile rouge et sept


coquillages remplis d’argile blanche et de fenilles de
kinwani. Lorsque des chasseurs viennent lui demander
la chance, le nganga leur trace sur le visage des raies rou-
ges et blanches, puis s’adressant au nkisi :

Ngeye Kiungu,
Nti unkulu, muntu unkulu,

Mbisi kavwa nkonso, kavwa ngolo.

Nsungu mu ntete,

Nzimbu mu ntete.

Toi, Kiungu,

Arbre ancien, homme ancien,

Que le gibier n’ait pas de vigueur, n’ait pas de force.

Souviens-toi dans ton panier,

L’argent abondera dans leur panier.

Mpungu nengumuna : baton entoure de masungu, her-


bes tordues et tressees comme des bracelets, avec feuilles
de lemba-lemba aspergees de sang de cbevres et de pou-
les; sert a proteger la basse-cour contre les ennemis.

Son proprietaire lui dit :

E Mpungu nengumuna,

Nengumuna mu nsi,

Nengumuna mu zulu,

Nkombo kusiama, nsusu kusiama.

284
ETUDES BAKONGO

0 Mpungu qui fais rouler,

Fais rouler par terre (les voleurs et les b6tes de proie),

Fais tournoyer au ciel (les oiseaux de proie),

Que les chfevres soient sauves, que les poules soient sauves.

Mpungu malafu : sachet qui refoit a boire du malafu


et est dresse contre les ndoki.

Nkutu nzazi : sachet de la foudre, avec tetes de serpent,


sert pour la vengeance.

Nkutu bitewo : sachet qui fait disparaitre le prurit.

Kitutu ki nsansa : petite calebasse, procure la chance


dans le commerce.

Lukobi lu mpuku : boite des rongeurs, combat la mai-


greur.

Mpungu mbindusu : muntu go bindamene, ukibin-


dwasa mu Mpungu ; un Mpungu qui dclie; si un homme
a ete lie, et ne sait plus tuer du gibier, il s’en fait delier.

Mpaka kesa : corne d’antilope contre la kesa , maladie


de langueur, frappant l’adultere.

Kilemba ki nsaka : guerit l’asthme.


Mpungu biyulu : coquillages noues d’herbes tressees,
donnent de la force aux faibles.

Lukobi lu ngulu : boite qui fait prosperer l’elevage des


cochons et des chevres.

Lukobi lu Saku di mbwa : dirige les chiens vers le


gibier, et les preserve des morsures de serpents.

Kiko ki ntulu : courge remplie de beaucoup d'ingre-


dients, guerit les affections de poitrine.

Yamba di mwilu : sachet dont on tire un anneau d’her-


bes tressees, qu’on met au bras des personnes atteintes de
plaies.

Munkanda : ecorces des nervures de palmes, courbees


et retenues par deux cerceaux.

RELIGION ET MAGIE

285

Kitutu ki nlombe : calebasse contenant des arachides,


des graines de courges et de sesame, du charbon de liois,
des debris de fonte, une corne d’antilope renfermant de
la poudre; attire la foudre.

Mwilu, kilembika nzazi : vase avec des anneaux et du


pemba; calme la fureur de la foudre.

iVsi mankanga : bracelet contre les dangers des voya-


ges.

Kibudi : queues et paltes de chats sauvages, procure la


chance a la chasse.

M/umu Mputu : procure la fecondite.

Kodi di nlamba : coquille avec de l’argile blanche; on y


verse un peu de vin de palme, qu’on donne ensuite a
boire a la femme en travail; facilite l’enfantement.

Bonsi di kukula : gobelet de lianes tressees; on v verse


du vin de palme qui sera bu par l’empoisonne.

Kobi lukati : filet finement tresse, renferme dans un


sachet; on y verse de l'huile de palme; la personne mor-
due par un serpent leche cette huile.

Nzemba Wumba : sachet contenant outre les ingre-


dients ordinaires, des coquilles et une pirogue; la femme
sur le point d’accoucher boit du vin de palme de chacune
des coquilles et de la pirogue; elle traversera saine et
sauve la periode d’enfantement.

Mpanda-mpanda : sachet rempli d’ingredients divers,


sur lequel on verse du vin de palme, leche ensuite par
celui qui a fait un grand serment et veut en etre delie.

Kizwangu : sachet employe contre l’insomnie.

Nsio, nkisi des Bamfunuka, passe chez les Bakongo :


Boite en ecorce de mbese (macrolobium coeruleoides),
contient une petite statuette representant l’ancetre du
chef proprietaire, sur laquelle ce dernier crache tous les
286

ETUDES UAKONGO

jours un pen de noix do kola machee; une tete de chouette


( fungu kudila, mwana kususumuka, la chouette qui
pleure eveille l’enfant en sursaut : oiseau de mauvais
augure, accompagne les ndoki pendant la unit) ; de l’ar-
gile blanche, une graine de nc/ansi (Pentaclethra macro-
phylla), une demi-graine de kyala-moko et une graine
triple de matete.

Ndona tokisa, la daine qui fait gonfler : statuette de


femme employee contre les sorciers et les voleurs. Ceux-ci
gonfleront jusqu'a eclater. Le feticheur la met en branle
contre les ndoki, lui adressant, entre autres, les paroles
suivantes :

Lukulu-lukutu — lu ngembo, lu ngembo :

Nki tudia, nki tukaya ?

Ku tseke kabidi ngumbi, kwakula !

Tsansa, mbwa nki la !

Binsu ki muntu ku p61o,

E nkisi teke !

Diambu di muntu ku mbundu.

Funi mbutikina, nlele ubakanga !


Nana, nana, na mona tebo, kata ndinga;

Go k’ukatidi ko, tebo bakidi ndinga.

Kiula bu kakotanga muna nkalu,

Tekama, kalendi singama ko.

Lutambi tso ! muna muyele bambuta.

Kide yaya kide !

Magogele bambuta ma igoganga,

Kide yaya kide !

E Mpemba, nkulu muntu mvumbi,

E kide yaya kide !

L’estomac, l’estomac de la roussette, de la roussette, (dit) :


Que mangerons-nous ? que partageons-nous ?

Dans la brousse le perdreau est a bavarder !

Mais en v6rit6 par le chien a mille queues (la foudre) 1


Le reflet de Fame de l’homme' est sur son front,

0 nkisi avec figure d’homme !

RELIGION ET MAGIE
287

Mais l’affaire que l’homme medite est dans son coeur.


Cependant le ... pet fait explosion, le pagne se dechire !

Oui, oui, en voyant un revenant, crie;

Si tu ne cries pas, il t’a pris ta voix.

Le crapaud pour entrer dans la calebasse,

Se courbe, il ne saurait se dresser.

Quant a moi, je suis les traces de mes anciens,

Oh oui, mon cher, oh oui !

Ce qu’ont dit les anciens, je le repute,

Oh oui, mon cher, oh oui !

0 Mpemba (nom de femme), l’ancien est mort,

Oh oui, mon cher, oh oui !

Le sens tie ce langage est caracteristique du genre :

La roussette, vulgairement vampire, tres vorace ne


cherche qu’a manger, tout comme le ndoki; le perdreau
au contraire bavarde toute la journee, insouciant comme
les gens n’ayant cure des ndoki. Or, un ndoki guette notre
ancien. J’ai beau epier les figures, je ne trouve nulle indi-
cation. 11 arrive parfois que quelqu’un se trahit par
inadvertance. En attendant je crie il mon nkisi, qu’il
veille et empeche le ndoki de penetrer dans le coeur de
l’ancien, comme le crapaud sournois penetre dans la
calebasse a vin de palme. Je fais ce qu’ont fait mes prede-
cesseurs, et pour effrayer les gens je crie : l’ancien est
mort.

Supercheries et feticheurs.

Il y a one trentaine d’annees un feticheur de la region


de Makela do Zombo inventa un fetiche, baptise par lui
Tongama. Contenu dans trois coquillages il avait pour
ingredients des cendres, du tabac, des excrements d’ani-
maux et d’autres... horreurs. Les trois coquillages a leur
tour etaient renfermes dans une espcce de fusil, fabrique
avec des nervures tie feuilles tie bananiers. Des fusils de
ce genre servent aux jeux ties enfants du pays. Il se clioi-

288

ETUDES BAKOXGO

sit huit comparses et fit repandre partout la nouvelle qu a


Zombo un fetiche puissant discriminait parfaitement les
ndoki et les bankete (qui sont indemnes de kindoki).
Bientot la clientele afflua, mais coniine le danger de se
trahir etait plus grand s’il operait toujours a la meine
place, il resolut d'aller par le pays.

Voici comment il operait. A l’ecart du village, pres d un


bosquet, il faisait construire au moyen de palmes un
hangar entoure de trois enceintes et, dans un coin de
celui-ci pres de l’ouverture, une petite hutte avec des
parois et un toit recouvert d’herbes. Pendant la nuit il
attachait a la toiture de cette petite hutte une fine liane
dont l’autre extremite etait liee a l’enceinte exlerieure.
Cette liane etait invisible aux profanes, cachee qu’elle
etait par les folioles de palmes. A portee pres de l’en tree,
se tenait un comparse, avec en mains une corbeille con-
tenant un grand lezard vivant. Celui-ci appele « mere
Mazwele » etait une incarnation de l’ai'eule du chef-
nganga. Une vieille femme faisait avaler au client des
boulettes de manioc, avant qu'il se presente aux deux
comparses suivants, postes derriere la premiere cloison.
Ceux-ci, apres lui avoir bande les veux, l’examinaient
minutieusement de la tete aux pieds, au son des tambours
et des chants resonnant dans la grande hutte. Si le pauvre
homme etait afflige d’une difformite quelconque ou sim-
plement d’une mauvaise reputation, les deux uxamina-
teurs lui tra^aient des lignes rouges aux tempes; a travers
le dedale des trois enceintes il etait conduit a la petite
hutte en herbes. Au moment d’y entrer, pour comparaitre
devant le nkisi Tongama et le nganga flanque de deux
comparses, il voyait toute la hutte trembler... grace a la
liane. C’etait le signe indubitable qu’il etait ndoki. Au
contraire, si les examinateurs ne trouvaient rien d’anor-
mal sur le corps du client, c’etaient des lignes blanches
qu’ils lui tra^aient sur le front, et quand il entrait dans

RELIGION ET MAGIE

289

la demeure du fetiche, rien ne bougeait. Getait le signe


qu’il etait nkete (pur de kindoki).
Mais revenons au ndoki decouvert. Deux autres com-
parses le presentent au nganga. Celui-ci lui introduit
entre les dents le canon du fusil et, feignant de le decliar-
ger, fait penetrer dans sa bouche une partie des ingre-
dients du fetiche; le patient les crache, et un de nos droles
s’ecrie : « un os de cadavre (mange par le ndoki) vient de
sortir ! ». Le nganga repete l’operation autant de fois qu'il
le veut. Debarasse enfin de tout vestige de sa kindoki, il
repoit un petit coquillage fetiche, a porter au cou. Le
nganga lui impose des defenses-tabous, et apres avoir
touche ses honoraires, le renvoie desormais gueri de sa
kindoki et immunise contre celle des autres.

Les bankete, les purs, recevaient avec la ligne blanche,


signe de leur innocence, un petit coquillage renfermant
des ingredients du Tongama.

Le succes de ce fetiche Tongama fut enorme : un petit


accident y mit fin. Accompagne de deux comparses, le
nganga passait l’lnkisi en pirogue; elle chavira, on ne
sait pourquoi, et tous trois se noyerent.

En 1934, un autre nganga inventa un fetiche a meme


specialite : la discrimination des ndoki et des nkete. II eut,
une vogue inouie dans toute la region des Bankanu, a la
frontiere de I’ Angola. Un nkete ne payait que cinquante
centimes, mais un ndoki, la valeur d’une chevre. Plu-
sieurs centaines de ndoki furent decouverts et gueris !
L’intervention de l’Etat vint tarir une source si abondante
de profits.

La preoccupation de se mettre a l’abri des ndoki,


tenaille les Bakongo et leur inspire des remedes bien con-
tradictoires. Elle les fait recourir aux devins et perpetue
ainsi la race de ces exploiteurs qui entretiennent la
croyance a la kindoki. Ces devins procurent aussi de la
clientele aux feticheurs. Parmi ceux-ci quelques-uns
inventent de temps a autre des fetiches nouveaux, plus

19

290

ETUDES BAKONGO

puissants contre les ndoki. D’autres, plus hardis encore,


comrae ceux que je viens de mentionner, inventent des
fetiches qui font double besogne : decouvrir le ndoki et le
guerir de sa kindoki. Ils atteignent ainsi le comble de
l’art.

Par reaction la meme crainte des ndoki a donne nais-


sance aux mouvements destructeurs de fetiches, comme
celui declanche par Kibangu et le Kiyoka mentionne plus
haut. 11 faut cependant ajouter que les lieutenants de
Kibangu, administrant le bapteme du prophcte dans la
region de Kipako, procedaient egalement a une selection.
Ils chassaient comme ndoki tous ceux dont la chevelure
n’absorbait pas l’eau; les autres seuls etaient dignes
d’entrer dans l’Eglise des Elus.

INDEX ALPHABETIQUE DES MOTS KIKONGO


INSERES DANS LE TEXTE.
Les chiffres gras d6signent les passages principaux.

Ba dinseke, 276.

Bakela, 163.

Baklsi, 121, 169.

Bakke-bakke, 231.

Bakulu, 16 , 17, 37 ss., 52 ss., 64


112, 168, 171, VIII.

Balensa, 154.

Bambuta, 26.

Bambwesi, 106.

Bampangu, 21.

Bana ba masa, 202.

Bana ba Mpungu, 141, 146.


Bandoki, voir Ndoki.

Bangala, 159.

Bangulungu, 159.

Bankanu, 119.

Bankete, 106, 288, 289.


Bankita, voir Nkita.

Bansa, 61.

Bantele, 105.

B&sa, 141, 146.

Basembi, 106.

Bazingila, 11
Bazombo, 36.

Bazuka, 274.

Bekila, 231.

Bigeti, voir Kigeti.

Bikandu, 87.

Bikonko, 122.

Bikwanga btyuma, 201.

Bila, 246.

Bimfusi, 274.

Binkita, voir Nkita.

Binsani, 150.

Binsungi, 161.
Bisimbi, 7, 16 ss., 35, 120, 126,
181, 187, 231.

Biteke, 124.

Bitundibila, 257, 158.


Biyisi, 8.

Bizeke, 187, 225, 249.


Bizangi, 250.

ss., Bondo di Kongo, 246.


Bonsi di Kikula, 285.
Buka, 163.

Bumba, 171.

Bunda, 166.

Bundokeni, 246.
Bunganga, 132, 175.
Bungudi, 54, 103.

Bwaka, 246.
Bwalu-mbaka, 151.

Desu, 36.

Dia, 93, 201.

Dia Kiyanda, 31.

Diala, 246.
Dibumba dimbumba, 21.
Dinganga, 18.

Dinsakala, 140.

Disu, 106.

Ditata, 127.

Dititi, 127.

Diulu, 246.

Dombasi, 115.

Dominiku, 234.

Dontoni, 162.

Finsa, 246.

Fula, 109.

Fungu, 142, 286.

171, Futu, 124.

Futumuka, 209.

“292
ETUDES BAKONGO

Futumuna, 209.

Fwa, 10, 11, 14, 106, 111, 161, 172,


209.

Fwadiktsa, 156.

Fwa Kongo, 174.

Fwldi, 10, 14.

Gata, 37, 48, 141, 145, 180.

Gegele, 194.

Gula, 246.

Gulwa, 246.

Ingyambuia, 120.

Kaganda, 188.

Kaki, 282.

Kala buna, 9, 10.


Kalama, 128.

Kalunga, 30 , 187.

Kanda, 16, 17, 92, 102, 115.


Kapiangu, 126 ss., 277, II.

Kari mpemba, 21, 23.

Kataluka, 11.

Katumbika, 258.

Kayidika, 188.

Kesa, 34 , 62, 284.

Khimba, 173, 231.

Khita, 172, 180.

Ki, 248.

Kiana, 52 ss.

Kibembi, 261.

Kibudi, 285.

Kibula, 14.

Kibuti, 56, 77, 90 .

Kibwadi-bwadi, 246.
Kielele, 246.

Kiese, 175.

Kifudikila, 37.

Kigagala, 14, 109.

Kigeti, 17, 159, 160, 224.

Kikala buna, 10.

Kikalala, 127.

Kikento, 160.

Kiko, 284.

Kikungunteke, 142.

Kikwani, V.

Kila-mbendi, 246.

Kilemba, 91, 284.

Kilembo, 139, 148, 282.

Kilolo, 18.

Kilu, 11.

Kilulu, 246.

Kilumbu, 24.
Kima, 11, 13, 276.

Kima tungu, 246.

Kimana, 15C.

Kimbambi, 246.

Kimbekele, .231.

Kimbembi, 256, 261.

Klmbo-Bomba, 21.

Kiinbu-mpangu, 161.

Kimbwa, 157.

Kimenga, 125, 158, 159, 170, 188.


Kimoya, 8.

Kimpa, 26, 28, 235, 255, 256.


Kimpasi, 3, 15, 19, 28, 161, 166, 172-
267, 269.

Kimpi, 18.

Kimpiatu, 15.

Kimpiti, 142, 186.

Kimpumbulu, 17.

Kimwingu, 159, 282.


Kinda, 169.

Kindoki, 13, 56, 76 ss., 92, 93, 99 ss.,


104 ss., 121, 167, 279, 288, 289, 290.
Kinene, 192.

Kinganga, 132.

Kingela, 236.

Kini, 12.

Kinienge, 262.

Klniumba, 20, 171.

Kinktndtbidi, 20.

Kinsiku-nsiku, 149.

Kinsola, 52.

Kinsu ki nlongo, 53.

Kinwani, 283.

Kiolu, 13.

Kiosi, 12.

Kipasi, 172.

Kisakambwa Koko, 148.

Kisani, 132, 133, 141, 252.


Kisielele, 133.

Kisimbi, 181, 187. — Voir aussi Bi


simbi.

Kisingini, 192.

Kisungu, 283, III.

RELIGION ET MAG IE

“293

Kitambwa, 154.

Kito, voir To.

Kito-ntunga, 246.

Kitoba, 48.

Kitoko, 175.

Kitu, 109.

Kitundibila, 24, 128.

Kitutu ki nlombe, 285.

Kitutu kl nsansa, 284.

Kiungu, 161, 283.


Kividi, 12.

Kivunda, 19, 266 , 267.

Klwana, V.

Kiwo, 149 , 150, V.

Kiwoko, 149.

Kiyengele, 20, 126, 189.

Kizumbi, 185.

Kizwangu, 285.

Kobi lukoti, 285.

Kodl, 159, 285.

Kokuluka, 246.

Kongo, 30, 103, 164, 172, 174, 180 ss„


194, 212, 226 ss., 245 ss.

Ku bazingila, 11.

Kudila, 286.

Kuloka, 125.

Kulokana, 102.

Ku masa, 11, 15, 37.


Kunokia, 247.

Kutu, voir Mfumu kutu.

Kuyadi, 247.

Kyala-moko. 286.

Ladi, 151, 219.

Lala, 155.

Lasa di mbele, 247, 249.

Ljuiwula, 247.

Leka kilu, 11.

Leka ndosi, 11.

Lemba, 20.

Lemba-lemba, 47, 48, 126, 138, 148.


151, 252, 283.

Lembi, 20, 126, 154, 234, 249.


Lembika, 48.

Lembo, 247.

Lemboso, 138.

Lensa, 154.
I, oka, 54, 56, 76 SS., 104, 105, 117,
133 ss., 159, 188, 189, 211, 251, 279.

Longo, 182, 224, 227, 269.

Lubansi, 105.

Lubondo, 184, 185, 186, 195, 233.


Lubongo, 22.

Lubwadi, 151.

Lubwaku, 161.

Lufu, 163.

Lufumba, 179.

Lufwadikisi, 156.

Lugambanu, 103.

Lugemba, 89.

Lukanu, 123.

Lukengo, 161.

Lukobi, 47 , 133, 168, 284, VIII.


I.uku, 262.

Lukunga-tela, 247.

Lukutu, 8.
Lumba-lumba, 140.

Lumbindi, 247.

Lumbu, 205, 234.

Luminuku, 234.

Lundondo, 142, 152, 158.


Lungambu-ngambu, 189.
Lungangu, 247.

Lunkeli, 247.

Lunzila-nzila, 142, 152, 158.


Lusangu-sangu, 187, 206, 207, 216.
Lutete, 187, 224, 234.

Lutondo, 155, 191.

Luvuwa, 209, 233.

Luwandu, 247.

Luziku, 167.

Luzilu, 247.

Lwango, 247.

Maba, 165, 276.

Mabinda, 184, 185, 186, 195, 233.


Maboko, 247.
Maboso-boso, 264, 265.
Mabunda-bunda, 138, 161.
Mafudi, 159.

Mafula, 141, 146, 155, III.


Mafulata, 18.

Mafutu, 124.

Mafwebo, 282.

Magabu, 110, 182, VII.

Magoki, 159.

Magulani, 247.

Ma kiela, 18.

“294

ETUDES BAKONGO

Makinu, 175, 236.

Makodi-malanda, 282.

Makodi maluta ngonda, 282.


Makutu, 14.

Malafu, 16, 166, 284.


Malari, 19, 256 ss.

Maleka, 233.

Malela, 162.

Malongo, 247.

Malumba, 247.

Malunga, 155.

Mamasa, 162.

Mambu, 132.

Manga, 123.

Mangyama-ngyama, 189.

Mankundi, 157.

Manslangi, 26l'.

Mansusu, 266.

Mantata, 152, 155.

Manzanza, 184, 186, 195, 201, 212 ss.,


233, 252, 254.

Manzumba, 184, 186.

Maria, 36.
Masa, 11, 15, 19, 37, 126, 181, 188, 189,
202, 262.

Masakima mfinda, 282.

Masamba, 216, 223, 233.

Masikulu, 72.

Masunga, 147, 155, 252.

Masungu, 283.

Mata, 181, 182, 186, 209.

Ma tabula, 56, 64, 100.

Matamba, 159.

Matebo, 7, 17 ss., 25, 112, 121, 124.


Matete, 286.

Matondo, 66.

Matutu, 219.

Mavuzi Lembi, 234.

Mavuzi-Mbila, 181, 182, 186, 193 ss.,


233.

Mayala, 125. — Voir aussi Mpungu


mayala.

Mayanga, 215, 223, 236.


Mayela, 175.

Maziami, 39.

Mbadi, 189.

Mbaka, 230, 231.

Mbambi, 122, 164.

Mbambu, 51, 52.

Mbanda-samba, 233.

Mbangasa, 247.

Mbansa, 39 ss.

Mbari, 209, 247.

Mbata, 36.

Mbekele, 231.

Mbele, 161, 247, 249.

Mbende, 61, 78.

Mbese. 285.

Mbeya, 233.

Mbi, 13, 112.

Mbimba, 55.
Mbomba-kitu, 109.

Mbombo, 14.

Mbombu, 247.

Mbongi, 152.

Mbongo, 226.

Mbori-mbori, 247.

Mbota, 46, 157, 160, 164, 224.


Mbumba, 21, 22.

Mbumbulu, 164, 180.


Mbungulu-nkita, 185.
Mbungumbungu, 18.

Mbuta, 175, 181, 191, 218, 249.

Mbwa, 53, 163, 284.

Mbwa-Yamba, 152, VI.

Mena, 10.

Menga, 7, 8, 125.

Mfinda, 282.

Mfokolo, 52.

Mfula, 122, 123, 133, 138, 188.


Mfunm kibaka, 164, 165, 166.

Mfumu kutu, 7, 11 ss., 105, 111, 112,


278.

Mfumu masa, 19.

Mfumu mpu, 48, 50, 163, 176.

Mfumu mputu, 285.

Mfunda, 24.

Mfunsu, 192.

Mfwa-wasi, 180, 181, 251.

Mfwila, 157.

Miakusu, 247.

Mieri, 262.

Miese, 233.

Mimo, 231.

Mindala-ndala, 18.

Minkene, 262.

Minkeni, 55, 138, 154, 155, 263 ss.


Minkisi, 121.

Minsanga, 150.
Moya, 8, 9.

RELIGION ET MAGIE

“295

Moyo, 7, 8, 10, 12 ss.

Mpaka, 163, 284.

Mpanda, 77, 87 ss., 105, 104, 285.


Mpande, 165.

Mpangia-mbari, 247.

Mpangu, 161, 212, 226, 231, 247, 248.


Mpansu, 180, 247.

Mpasi, 172.

Mpati-nganga, 132.

Mpemba, 21, 23, 171, 200.

Mpemba nzadi, 148.

Mpengo, 124.

Mpete, 132.

Mpeya, 189.
Mpeve, 7.

Mpfwati, 247.

Mpiata, 123, 167.

Mpimpa, 24.

Mpindi, 247.

Mpiti, 186.

Mponda, 247.

Mpongo, 23.

Mpu, 48, 50, 163, 170, 170.

Mpuku, 284.

Mpukuta; 247.

Mpumbu, 154.

Mpuilgu, 23 , 119, 125, 141 SS., 104 ss.,


205, >69, 275, 280 ss., 284, III.
Mpungu bdsa, 141, 146 .

Mpungu mafula, 141, 146 , III.


Mpuilgu mayala, 141, 146, 147, 169,
III.

Mpungu ntete, 141, 147 , 148, III.


Mpungu nzieta, 141, 146 , III.
Mpungu sokula, 141, 146 , III.
Mputu, 123, 269, 285.
Munkanda, 284.

Munkombo, 251.

Munsanga, 142.

Munsiensi, 233.

Muyeki, 123.

Mvata, 247.

Mvemba, 247.

Mvlndu, 71, 155.

Mvu, 24.

Mvudi-toko, 236.

Mvula, 152, VI.

Mvulu-mvulu, 215.

Mvumbi, 14; 163, 164, 180.


Mvumbi-masa, 262 ss.

Mvungwesi, 247.

Mwana kususumuka, 286.


Mwana-mama, 270.

Mwana-nganga, 127, 141, 225.


Mwana-ngembo, 18.
Mwana-tata, 270.

Mwilu, 148, 284, 285, III.

N>

Na, 248.

Na gegele, 194.

Na Kisiinbi, 187.

Nakumanini, 247.

Na Kongo, 181.

Na Lumbu, 205.

Na Ngutu, 18.

Na Nzambi, 205, 211.

Ndala, 18, 178, 195, 247.

Ndaunda, 247.

Ndauwula, 247.

Ndeka-mbwa, 142.

Ndembo, 172, 173, 180.

Ndia, 8.

Ndingi, 247.
Ndoki, 14 , 25, 38, 56, 92, 99 ss.,
106 ss., 121, 133, 175, 284, 286 ss.
Ndoluwalu, 234.

Ndomingu, 234.

Ndona Bizangl, 187.

Ndona nkento, 47.

Ndona tokisa, 286, VIII.

Ndosi, 11.

Ndoy, 208, 209.

Ndundu, 180, 183, 195 ss„ 229 ss.,


249, 252, 282
Ndunsa, 158.

Ndyendya, 247.

Ngaku, 51.

Ngambu, 11, 111, 189.

Ngambwala, 247.

Ngandu-kitu, 109.

Nganga, 13 ss., 107, 110, 114, 119-171,


175, 183, 186, 195, 221, 225, 289.
Nganga Bakulu, 47, 48, 77, 116, 119,
163.
Nganga buka, 163.

Nganga kimpasi, 180.

Nganga lufu, 163.

Nganga malari, 256, 259, 260.


Nganga mbwa, 53, 163.

“296

ETUDES BAKONGO

Nganga mpaka, 163.

Nganga mplata, 167.

Nganga mpungu, 146.

Nganga mvnmbi, 163.

Nganga Ngombo, 20, 123, 137, 156,


163, 167, 175.

Nganga ngudi, 257.

Nganga nkisl, 79, 84, 127, 163.


Nganga nlala, 18.

Nganga nsongo, 257.

Nganga nwa, 163.


Ngangu, 181.

Ngangula, 162.

Ngansi, 132, 186.

Ngembo, 18.

Ngimbi, 142, 160, 161, 162.

Ngo-kitu, 109.

Ngo-lwansi, 109.

Ngo-zulu, 142.

Ngola, 154, 156, 214, 216, 236, 282.


'Ngombo, voir Nganga Ngombo.
Ngonda, 24, 282.

Ngondi, 190.

Nguba, 161.

Ngudi, 117, 174, 184, 257.

Ngudi nganga, 127, 141, 188, 225.


Ngudi nkasi, 117.

Ngudi nsakila, 117.

Ngulu, 150, 198, 284.

Ngulu-bola, 247.
Ngundu, 153.

Ngundu Nsioga, 190.

Nguti bizeke, 225, 249.

Ngwa, 180, 183, 185, 249.

Nianga, 216.

Niangi, 160, 189.

Ninga baninga, 202.

Nioka, 105.

Niongana, 248.

Nitu, 7. 8 , 11.

Niungi, 78.

Niunginina, 248.

Niunguta, 211, 236, 248.

Nkadi mpemba, 21, 171.

Nkaka, 142.

Nkala-nsinsi, 224.

Nkama, 141.

Nkamba, 157.
Nkanda, 39, 183.

Nkanga, 180.

Nkembi, 233.

Nkembo, 175, 217, 258.

Nkenda, 26.

Nkete, 289.

Nkiedi, 126.

Nkinda gata, 141, 145.

Nkinda nzo, 283.

Nkisi, 11, 14 ss., 37, 61, 76 ss„ 104,


108, 112 ss., 119-171, 176-267, 275,
282 ss., II ss. ,

Nkita, 7, 35, 119 SS., 126, 153, 154, 161,


172, 175-267.

Nkita-malari, 256 ss.

Nkita-nkisi, 15, 18 ss.

Nkokolo, 248.

Nkola, 248.

Nkombo, 150, 198, 251.


Nkondi, 124.

Nkonko, I.

Nkosi, 133 ss., 191, 193, 211, 218, VIII.


Nkoto, 208. 249, 262.

Nkuka, 154.

Nkuku, 155.

Nkula, 133, 153, 154, 187, 222, 259, 266.


Nkulu, 35, 38, 52, 146. — Voir aus$i
Bakulu.

Nkumbi, 157.

Nkusu, 126, 161, 178, 233.

Nkutu bitewo, 284.

Nkutu kibasa, 151.

Nkutu ntetukila, 157.

Nkutu nzazi, 284.

Nkuya, 171.

Nkuya-nkuya, 142.

Nkwanga, 257.

Nkwete, 19, 264 ss.

Nkwiya, 20.
Nlaba, 18.

Nladi, 155.

Nlamba, 285.

Nlambi, 233, 257, 258, 260.

Nlemo, 161.

Nloko, 88, 89, 125.

Nlombo, 157.

Nlongo, 125, 132, 140.

Nluti-ngondi, 190.

Nquiti, 229.

Nsa, 24, 178.

Nsadi, 200, 201, 214.

Nsaka, 284.

RELIGION ET MAG IE

297

Nsakuri, 262.
Nsamba, G6, 72.

Nsanga-nkita, 187, 188, 195, 211, 216,


219, 222, 223.

Nsansi, 236, 258.

Nsasa. 160.

Nsasi, 248.

Nseke, 19, 126, 189, 226.


Nseke-Mpangu, 248.

Nsele, 19.

Nsenga, 21, 153, 157, 199, 233.


Nsengo, 155.

Nsepo, 124.

Nsi, 20, 116, 126, 171, 189.

Nsi madladi, 248.

Nsi mankanga, 285.

Nsiangi, 157, 261.

Nsiku, 201.

Nsio, 285.

Nsioga, 190.

Nsoki, 157.
Nsombi, 142.

Nsomfi-ngola, 282.

Nsona, 71. 263.

Nsongo-malari, 257.

Nsoni, 142, 146, 147, 148, 154, 155.


Nsumbu, 181, 182, 186, 193, 195 ss.,
233, 256, VII.

Nsundi, 36.

Nsunga, 55, 138.

Nsuni, 8.

Nsunsi, 157.

Ntala, 106.

Ntandu, 236.

Ntangu, 24, 271.

Ntenda, 233.

Ntete, 141, 146, 148, III.

Nti, 276.

Ntima, 9.

Ntiti, 127.
Nto, 120.

Ntotila, 103.

Ntu, 283.

Ntulu, 284.

Ntumba, 261.

Ntumbu zi Maba, 165.

Ntundibila, 224.

Ntuntu zi nsoni, 142.

Nyende, 157.

Nzadi, 20, 120, 148, 189.

Nzala mpanda, 164.

Nzainbi, 3, 11, 13, 23 ss., 62, 77, 80,


87, 118, 141, 163 ss., 180 ss„ 205,
209, 234, 235, 250 ss., 269 ss., 280,
281.

Nzanza, 256, 261, 262.

Nzazi, 79, 284, 285.

Nzemba Wumba, 285.

Nzenzi, 20, 12G, 192.


Nzieta, 141, 146, III.

Nzimbu, 51.

Nzo, 179, 283.

Nzo longo, 182, 224, 227, 269.


Nzomfi, 126.

Nzumba, 233.

Pemba, 285.

Pfwa, 172.

Pindi, 160, 162.

Pokuta, 198, 199.

Ribuma, 262.

Sakaia, 248.

Saku, 163, 284.


Sakumuka, 188. 223.
Sakumuna, 190, 211.
Sambani, 248.
Sambila, 66.

Se, 117.

Siba, 15, 90.

Siena, 262.

Sikalala, 61.

Silanga, 248.

Simba, 19, 20, 126, 248.


Simbi-bisimbi, 231.
Sina, 248, 261.

Sini, 248.

Sodi, 78.

Sokula, 141, 146, III.


Somuna. 14.

Sona, 248.

Sundidi, 279.
Sungama, 252.

298

ETUDES BAKONGO
T

Tadi, 130, 1G4, 187.

Tala. 121.

Tasl, 271.

Tebo, voir Matebo.

Tlba, 140, 141.

Timba, 248.

Tlmwasaka-Katimwasaka, 258.
To, 198, 254.

Tolula, 20, 126.

Tombola, 229.

Tombuka, 166.

Tombula, 166.

Tona, 61.

Tonda, 66.

Tondo, 155, 191.

Tongama, 287, 288, 289.

Tsi, 121, 169, 248.

Tufl, 11.
Tuka, 217.

Tumba, 144.

Tuntuka-batuntuka, 162.

Ukala buna, 10.

Uloku, 88.

Umoya, 10.

Usa, 55.

Uzinga, 10.

Vata, 180.

Vinga, 248.

Voka, 137, 180.

Vumuka, 158.

Vunzi, 282.

Vwela, 180, 257, 261, 263, 265, 26

w
Wanda, 248.

Wazi, 180.

Wela, 54.

Wunda, 153.

Yaba, 215.

Yamba, 152, 157, 284, VI.

Ya Ndosimau, 25.

Yanga, 248.

Ya Nkanka, 158.

Yeba, 248.

Yemba, 252.

Yembo, 153.

Yenga, 133.

Yima Kayima, 259.

Yoka, 168.

Yondunga, 248.

Yubwala, 248.
Z

Zangala, 248.

Zengena, 248.

Zina, 7, 15, 175.

Zinga, 9.

Zole, 106.

Zulu, 154.

Zumba, 248.

TABLE DES MATIERES.

Pages.

Introduction 3

Carte de la region 4

Chapitre I. — Les homines et les esprits :

Les hommes 7

Le corps 8

L'&me 8

L’&me sensible 11
Le nom 15

Les esprits : les bakulu 16

Matebo (sing, tebo) 17

Les nkita ou bankita 18

Les bisimbi 19

Autres esprits 20

Chapitre II. — Nzambi Mpungu. — L'eire supreme :

Le nom 23

Nzainbi, createur de toute chose 24

Nzambi et les hommes 25

Les attributs de Nzambi 35

Influences missionnaires sur 1’idEe de Nzambi 36

Chapitre III. — Le culte des ancetres :

Le village des ancgtres 37

Les habitants du village des ancetres 38

Le cimetigre 39

La corbeille des ancetres 47

Le prfitre et le culte des ancgtres 48


Recours aux ancetres 51

Les ancgtres et la chasse 52

Pour obtenir vie et santg 56

La fete des morts :

I. — L’avertissement aux bakulu 64

II. — Presentation aux bakulu des animaux destines a la fete 68

III. — La solennitg elle-m6me 71

300

ETUDES BAKONGO

Chapitre IV. — La magie : Pages.

La notion 7G

Distinctions a faire 77

Loka nkisi 79

Formule d’incantation 84

Loka sans nkisi (mpanda) 87

Loka kibuti, loka de la part d’un oncle maternel a regard d’un


neveu ou d’une niece 90

La kindoki dans le clan 92

Un r6cit d 'enfant 93

Une palabre de kindoki 99

La separation des clans 102

La kindoki proprement dite 104

Le comportement du ndoki 100

Comment on devient ndoki 107

Les hommes-bStes 108

La kindoki congenitale. .. Ill

Kindoki et nkisi 112

La magie et la vie sociale 115

Chapitre V. — Les Nkisi :

La notion 119

Classification des nkisi 124

Institution et mise en activity d’un nkisi 12G

Emploi d’un nkisi 133

La classe des Mpungu 141


Fetiches divers 149

Les nkisi des Bankanu 160

Les nganga ou feticheurs 162

Considerations generates 168

Chapitre VI. — La secte secrite du Kimpasi :

Nom et aire d’extension 172

Conditions requises 174

Occasion, temps, dur6e 175

L’emplacement 178

La direction du Kimpasi 180

Les fetiches dans le Kimpasi 186

Chapitre VII. — Les rites du Kimpasi :

Derniers preparatifs 193

ceremonie d’entree. Mort-Nkita 195

REUNION ET MAC.IE

801
Pages.

De la rnort a la resurrection 200

La resurrection . 206

La vie du Kimpasi 210

La sortie 217

Apr6s l’epreuve 223

Conclusion 225

Chapitre VIII. — Antnnr du Kimpasi :

Historique 228

Les noms de Kimpasi 232

Danses et chants 236

La langue du Kimpasi ' 245

Complements :

Ceremonies accessoires. Exces 240

Deces dans le Kimpasi 252

Relations entre les diff6rentes organisations 254

Le Kimpasi dans le folklore 255

Nkita-Malari 256
Mvumbi-masa 262

Nkwete 264

Kivunda 266

Chapitre IX. — Situation prtsenle. — Obstacles an progris. — Fac-


teurs de Vavenir :

La situation .. 268

Egocentrism e 270

Amoralisme 271

Anthropomorphisme 273

Ignorance des lois physiques 1 275

Facteurs de progres 279

Annexes concernant les fetiches :

Fetiches divers 282

Supercheries et feticheurs 287

Index ai.phabEtiqce des mots kikongo iNSfinfis dans le texte 291

Table des matiEres 299

... i S. VIII

Illustrations
PLANCIIE I.

Instruments de musique des feticheurs.

En bas : tambours; les petits nhonko sont ornes de tetes


Au milieu : calebasses et gousses avec graines de canna
En haut : serie de grelots et gousse avec graines de canna

Fetiche de la forge.

a) MPUNGU MAYALA; b) MPUNGU NTETE; C) MPUNGU NZIETA;


d) Mpungu Sokula; e) Mpungit Mafula; f) Mpemba Nzadi

KlSUNGU KI NTU.

MW1LU.
PLANCHE IV.

PLANCHE V.

PLANCHE VI.

Mbwa-Yamba

Nkisi-Mvula.

PLANCHE VII.

T£te autistique.
TEte de Nsumbu,

NnON'A TO K ISA

Lukobi lu bakulu (Corbeille des ancetres)

LISTE DES MEMOIRES PUBLICS

COLLECTION IN-8"

SECTION DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES

Tome I.

Paces, le R. P., Au Ruanda, sur les bords du lac Kivu (Congo Beige). Un
royaume

hamite au centre de I'Afrique (703 pages, 29 planches, 1 carte, 1933) . . fr.


125 »

Tome II.

Laman, K.-fi., Dictionnaire kikongo-frangais (xciv-1183 pages, 1 carte, 1936)


. . fr. 300 »

Tome III.

1. Plancquaert, le R. P. M., Les Jaga et les Bayaka du Kwango (184 pages, 18


plan-
ches, 1 carte, 1932) fr. 45 »

2. Louwers, 0., Le probieme financier et le probierne 6conomique au Congo


Beige

en 1933 (69 pages, 1933) ... .... 12 »

3. Mottoulle, le D r L., Contribution a Vetude du determinisme fonclionnel de

I’industrie dans V education de iindigene congolais (48 pages, 16 planelies,


1934) 30 »

Tome IV.

Mertens, le R. P. J., Les Ba dzing de la Kamtsha :

1. Premiere partle : Ethnographic (381 pages, 3 cartes, 42 figures, 10


planches,

1935) fr. 60 »

2. Deuxieme partie : Grammaire de Vldzing de la Kamtsha (xxxi-388 pages,


1938) . 115 »

Tome V.

1. Van Reeth, de E. P., De Rol van den moederlijlcen oom in de inlandsche


familie

(Verhandeling bekroond in den jaariijkschen Wedstrijd voor 1935) (35 bl.,


1935). 5 »

2. Locwers, 0., Le probieme colonial du point de true international (130


pages,

1936) ... 20 i)

3. Bittremieux, le R. P. L., La Societd secrete des Bakhimba au Mayombe


(327 pages, 1 carte, 8 planches, 1936) 55 »

Tome VI.

Moei.ler. A., Les grandes llgnes des migrations des Banlous de la Province
Orien-

tale du Congo beige (578 pages, 2 carles, 6 planches, 1936) 100 »

Tome VII.

1. Struyf, le R. P. I., Les Bakongo dans leurs Ugendes (280 pages, 1936) ...
55 »

2. Lotar, le R. P. L., La grande chronique de I'Vbangi (99 pages, 1 figure,


1937) . 15 »

3. Van Caeneghem, de E. P. R ..Studie over de gewoontelijlce strafbepalingen


tegen het

overspel bij de Baluba en Ba Lulua van Kasai (Verhandeling welke- in den


Jaariijkschen Wedstrijd voor 1937, den tweeden prijs bekomen heeft)

(56 bl., 1938) 10 »

4. Hulstaert, le R. P. G., Les sanctions coutumieres contre V adult ere chez


les

Nkundd (memoire couronnd au concours annuel de 1937) (53 pages, 1938). . 10 »

Tome VIII.

Hulstaert, le R. P. G., Le mariage des Nkundd (520 pages, 1 carte, 1938) . .


100 »

Tome IX.
1. Van Wing, le R. P. J.. Etudes Bakongo. — II. Religion et Kfagte (301
pages,

2 figures, 1 carte, 8 planches, 1938) 80 »

SECTION DES SCIENCES NATURELLES ET MEDICALES


Tome I.

1. Robyns, W., La colonisation vegetate des laves rkcentes du volcan Rumoka

( laves de Katcruzi) (33 pages, 10 planches, 1 carte, 1932) fr. 16 »

2 Dubois, le D' A., La Idpre dans la region de Wamba-Pawa ( Vele-Nepoko )

(87 pages, 1932) 13 *

3. I.eplae, E., La crise agricnle cotnniale et les phases du developpement de


Vagri-

cvl’ture dans le Congo central (31 pages, 1932) 5 »

4. De Wildeman, E., Le port suffrnlescent de certains vigetaux tropicaux


depend

de Jacteurs de Vambiance ! (51 pages, 2 planches, 1933) 10 n

5 . Adriaens, L„ Castagne, E. et Vlassov, S„ Contribution a I'etude


histologique et

chimique du Sterculia Bequaerti De Wild. (112 pages, 2 planches, 28 fig.,


1933). 24 »

6. Van Nitsen, le D r R., L'hygUne des travailleurs noirs dans les camps
indnstriels

du Haul-Katanga (248 pages, 4 planches, carte et diagrammes, 1933). . . 45 »


7. Steyaert, R. et Vrydagh, J.. Etude sur une maladie grave du cotonnier
provo-

quee par les pinilres d'Helopeltis (55 pages. 32 figures. 1933) 20 »

8. Delevoy, G., Contribution A l'6tude de la vegetation forestiere de la


nalie.e de la

Lukvga ( Katanga septentrional ) (124 pages, 5 planches, 2 diagr., 1 carte,


1933). 40 »

Tome II.

1. Hauman, L„ Les Lobelia giants des monlagnes du Congo beige (52 pages, C
figu-

res, 7 planches, 1934) 15 »

2. De Wildeman, E., Remarques a propos de la foril iquatoriale congolaise


(120 p..

3. Henry, G„ Etude gtologique et recherches minieres dans la contrie siluie


enlre

Ponthierville et le lac Kivu (51 pages, 6 figures, 3 planches, 1934) 16 »

4. De Wildeman, E., Documents pour Vitude de l’ alimentation vtgitale de


Vindigine

du Congo beige (264 pages, 1934) 35 »

5. Polinard, E., Constitution gtologique de V Entre-Lulua-Bushimaie , du 7°


au
8« parallile (74 pages. 6 planches, 2 cartes, 1934) 22 u

Tome III.

1. Lebrun. J., Les espices congolaises du genre Ficus L. (79 pages, 4


figures, 1934). 12 *

2. Schweiz, le Dr J., Contribution a Vitude endimiologique de la malaria dans


la

for it et dans la savane du Congo oriental (45 pages, 1 carte. 1934). ... 8 »

3. De Wildeman, E., Trolli, GrEgoire et Orolovitch, A propos de midicaments


indi-

genes congolais (127 pages, 1935) 17 »

4. Delevoy, G. et Robert, M., Le milieu physique du Centre africain


meridional et

la phylogiographie (104 pages, 2 cartes, 1935) . 16 »

5. Leplae, E., Les plantations de cafi au Congo beige. — Leur histoire [1881-
1935). —

Leur importance actuelle (248 pages, 12 planches, 1936) ... 40 i>

Tome IV.

1 Jadin, le D r J., Les groupes sanguins des Pygmies (M6moire couronne au


Con-

cours annuel de 1935) (26 pages, 1935) 5 ii

2. Julien. le D r P., Bloedgroeponderzoek der Efi-pygmeeen en der omuionende

Negerstammen (Verhandeling welke in den jaariijkschen Wedstrijd voor 1935


eene eervolle vermelding verwierf) (32 bl., 1935) 6 »
3. Vlassov, S., Espices alimentaires du genre Artocarpus. — 1. L’Artocarpus
inte-

grifolia L. ou le Jacquier (90 pages, 10 planches, 1936) 18 »

4 De Wildeman, E., Hemarques d propos de formes du genre Uragoga L. (Rubia-

cies). — Afrique occidentale et centrale (188 pages, 1936) 27 n

5. De Wildeman, E., Contributions a Vitude des espices du genre Uapaga Baill.

( Euphorbiacies ) (192 pages, 43 figures, 5 planches. 1936) 35 »

Tome V.

1. De Wildeman, E., Sur la distribution des saponines dans le rigne vigital

(94 pages, 1936) fr. 16 »

2. Zahlbruckner, A. et Hauman, L., Les lichens des hautes altitudes au


Ruwcnzori

(31 pages, 5 planches, 1936) 10 »

3. De Wildeman, E., A propos de plantes contre la lepre (Crinum sp.


Amaryllidactes)

(58 pages, 1937) 10 »

4. Hissette, le Dr J., Onchocercose oculaire (120 pages, 5 planches.


1937) . . . 25 »

5. Duren, le D r A., Vn essai d’itude d'ensemble du paludisme au Congo beige

(86 pages, 4 figures, 2 planches, 1937) 16 »


6. Staner, P. et Boutique, R., Materiaux pour les plantes midicinales
indigines du

Congo beige (228 pages, 17 figures, 1937) 40 »

Tome V I.

1. Burgeon, L., Lisle des Colioptires ricollis au cours de la mission beige


au

Ruwenzori (140 pages, 1937) 25 »

2. Lepersonne, J., Les terrasses du fleuve Congo au Stanley-Pool et leurs


relations

avec celles d'autres rigions de la cuvette congolaise (68 pages, 6 figures,


1937). 12 »

3. Castagne, E., Contribution d Vitude chimique des ligumineuses insecticides


du

Congo beige (MSmoire couronnC au Concours annuel de 1937) (102 pages,

2 figures, 9 planches, 1938) 45 »

4. De Wildeman, E., Sur des plantes midicinales ou utiles du Mayumbe ( Congo

beige), d'apris des notes du R. P. Wellens f (1891-1924) (97 pages, 1938) .


17 »

5. Adriaens, L., Le Ricin au Congo beige. — Etude chimique des graines, des
huiles

el des sous-produits (206 pages, 11 diagrammes, 12 planches, 1 carte, 1938) .


60 »

Tome VII.
1. Schwetz, le D r J.. Recherches sur le paludisme endimique du Ras-Congo et
du

Kwango (164 pages, 1 croquis, 1938) 28 »

2. De Wildeman, E., Dioscorea alimentaires et loxiques (morphologie et


biologie)

(262 pages, 1938) 45 »

Tome VIII.

1. Michot, P., Etude pelrographique et giologique du Ruwcnzori septentrional

(271 pages, 17 figures, 48 planches, 2 cartes, 1938) 85 »

COLLECTION IN-8° (suite)

SECTION DES SCIENCES TECHNIQUES


Tome I.

1. Fontainas, P., La force molrice pour les petites entreprises coloniales


(188 p., 1935),

2. Hellinckx, L., Etudes sur le Copal-Congo (Memoire couronn6 au Concours


annuel

de 1935) (64 pages, 7 figures, 1935)

3. Devroey, E„ Le probl&me de la Lukuga, exutoire du lac Tanganika (130


pages,

14 figures, 1 planche, 1938)

COLLECTION IN-4°
SECTION DES SCIENCES NATURELLES ET MEDICALES

Tome I.

1. Robyns, W., Les espices congolaises du genre Digitaria Hall (52 p., 6 pi.,
1931). fr.

2. Vanderyst, le R. P. H„ Les roches oolithiques du systeme schisto-calcareux


dans

le Congo occidental (70 pages, 10 figures, 1932)

3. Vanderyst, le R. P. H., Introduction d la phylogeographie agroslologique


de la

province Congo-Kasai. {Les formations et associations ) (154 pages, 1932) .

4. ScaEtta, H., Les famines p6riodiqv.es dans le Ruanda. — Contribution d V


etude

des aspects biologiques du ph6nomene (42 pages, 1 carte, 12 diagrammes,


10 planches, 1932)

5. Fontainas, P. et Ansotte, M., Perspectives minUres de la region comprise


entre le

Nil. le lac Victoria et la frontUre orientale du Congo beige (27 p., 2


cartes, 1932).

6. Robyns, W., Les especes congolaises du genre Panicum L. (80 pages, 5 plan-

ches, 1932)

7. Vanderyst, le R. P. H., Introduction generate a l'6tude agronomique du


Haut-

Kasai. Les domaines. districts, regions et sous-regions geo-agronomiques du


Vicariat apostolique du Haut-Kasai (82 pages, 12 figures, 1933)

Tome II.

1. Thoreau, J. et do Trieu de Terdonck, R., Le gtle d'uranium de Shinkolobwe-

Kasolo ( Katanga ) (70 pages, 17 planches, 1933) fr.

2. ScaEtta, H„ Les precipitations dans le bassin du Kivu et dans les zones


limi-

trophes du fosse tectonique ( Afrique centrale equatoriale). — Communica-


tion preiiminaire (108 pages, 28 figures, cartes, plans et croquis, 16 dia-
grammes, 10 planches, 1933)

3. Vanderyst, le R. P. H., L'6levage extenslf du gros betail par les


Bampombos et

Baholos du Congo portugais (50 pages, 5 figures, 1933)

4. Pounard, E., Le socle ancien inferieur d la serie schisto-calcaire du Bas-


Congo.

Son etude le long du chemin de fer de Matadi a Leopoldville (116 pages,


7 figures, 8 planches, 1 carte, 1934)

Tome III.

ScaEtta, H., Le climat ecologique de la dorsale Congo-Nil (335 pages, 61


diagrammes,
20 planches, 1 carte, 1934)

Tome IV.
1. Polinard, E., La geographic physique de la region du Lubilash, de la
Bushimaie

et de la Lubi vers le 6 e paralUle Sud (38 pages, 9 figures, 4 planches, 2


car-
tes, 1935)

2. Polinard, E., Contribution d Vitude des roches Cruptives el des schistes


crislallins

de la region de Bondo (42 pages, 1 carte, 2 planches, 1935). ....

3. Polinard, E., Constitution geologique et petrographique des bassins de la


Kotlo

et du M'Bari, dans la region de Bria-Yalinga ( Oubangui-Chari ) (160 pages,


21 figures, 3 cartes, 13 planches, 1935)

19 a
11 »
30 »

20 a
20 a
32 a

26 k

10 a
25 »

25 a

50 a
60 a

14 »

40 a

100 »

25 »

15 a

60 »

Tome V.

1. Robyns, W., Contribution A l' elude des formations herbeuses du district


forestier

central du Congo beige (151 pages, 3 figures, 2 cartes, 13 planches, 1936). .


60 »

2. Scaetta, H., La genise climatique des sols montagnards de I’Afrique


centrale. —

Les formations vegetates qui en caracUrisent les stades de degradation


(351 pages, 10 planches, 1937) ' . 115 »

Tome VI.

1. Gysin, M., Recherches geologiques el petrographlqucs dans le Katanga meri-


dional (259 pages, 4 figures, 1 carte, 4 planches, 1937) ....... 65 »
SECTION DES SCIENCES TECHNIQUES
Tome I.

1. Maury, J., Triangulation du Katanga (140 pages, fig., 1930) fr. 25 »

2. Anthoine, R., Traitement des minerals aurifires d'origine filonienne aux


mines

d’or de Kilo-Moto (163 pages, 63 croquis, 12 planches, 1933) 50 »

3. Maury, J., Triangulation du Congo oriental (177 pages, 4 fig., 3 planches,


1934). 50 »

Tome II.

1. Anthoine, R., V amalgamation des minerals A or libre a basse leneur de la


mine

du monl Tsi (29 pages, 2 figures, 2 planches, 1936) 10 »

2. Molle, A., Observations magnetiques faites a Elisabethville ( Congo beige)


pen-

dant Vannee Internationale polaire (120 pages, 16 figures, 3 planches, 1936).


45 »

Sous presse,

J. Lebrun, Recherches morphologiques et systematiques sur les cafAiers du


Congo (ln-8°).

Schebesta (le R. P. P.), Die Bambuti-Pygmaen vom Ituri (ln-4°).


Dehalu, M. et PATJWEN, L., Laboratoire de photogrammetrie de I’Universite de
Liege.
Description, theorie et usage des appareils de prises de vues, du
stereoplanigraphe C s
et de l' Aeromultiplex Zeiss (ln-4°).

Leplae, E., Le palmier a huile en Afrique et son exploitation au Congo beige


et en
Extreme-Orient (in-8°).

Mertens, le R. P. J., Les chefs couronnAs chez les Ba Koongo. Etude de regime
successoral
(in-8°).

J. Bouckaert, H. Casier et J. Jadin, Contribution A vetude du metabolisme du


calcium et
du phosphor e chez les indigenes de I’Afrique centrale (in-8°).

R. Tonneau et J. Charpentier, Etude de la recuperation de I'or et des sables


noirs d’un
gravier alluvionnaire (ln-4°).

BULLETIN DE LTNSTITUT ROYAL COLONIAL BELGE

Abonnement annuel. . . .
Prix par fascicule ....

Belgique.

Congo beige.

Union postale universelle.


KS3S1

fr. 75. -

fr. 30.-

(15 Belgas)

(6 Belgas)

Tome I (1929-1930) . . .

60S

pages

Tome V

(1934) . . .

. 738 pages

Tome IT (1931) ....

694

Tome VI

(1935) . . .

. 765 »

Tome III (1932) ....


680

Tome VII

(1936) . . .

. 626 »

Tome IV (1933) ....

884

Tome VIII (1937) . . .

. 895 »

M. HAYEZ, imprimeur de l’AcadAmie royale de Belgique, rue de Louvain, 112,


Bruxelles.

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