Etaf 0768-2352 2004 Mon 1 1 947 PDF
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, et al. Le littoral de la Tunisie. Etude géoarchéologique et historique. Paris : Éditions du Centre National de la
Recherche Scientifique, 2004. pp. 3-308. (Études d'antiquités africaines) ;
https://www.persee.fr/doc/etaf_0768-2352_2004_mon_1_1
Abstract
A programme of extensive archaeological and geomorphological survey has been carried through
by a tuniso-french team all along the coast of Tunisia, between 1987 and 1997. It was placed
under the patronage of both INP of Tunis and the cultural Commission of the french Foreign
Office. The purpose was from a geographical point of view, to give a new appraisal of the
transformations in coastal environment since Antiquity, such as sea-level and shoreline change ;
for the archaeologist, it was to identificate and study the various remains linked with the
ressources of the sea or the coastal areas : quarries in coastal sandstone and, above all, halieutic
activities.
It was the first time a so long section of the seashore was subjected to this kind of cross-
disciplinary research. The benefit of such a « geoarchaeological » approach is the
complementarity of respective points of view : to know the environment of a recent geological past,
geographers are now using markers well dated by the archaeologists. On the other hand,
archaeological and historical data ought to be considered in the view of a presumed changing
space. In the perspective of a global sea-level rise linked with the present warming up of
atmospheric temperature, this sort of research would be useful to give precautionary measures for
the maintenance of coastal areas.
Études d'Antiquités africaines
Le littoral de la Tunisie
par
Hédi Sum, Pol Trousset, Roland Paskoff et Ameur Oueslati
avec la collaboration de
Michel BONiFAYet Jean Lenne
CNRS EDITIONS
ÉTUDES D'ANTIQUITÉS AFRICAINES
Fondateurs
J. Lassus, M. Le Glay
Directeur
Catherine Virlouvet
Directeu r-adjoint
Jacques Gascou
Comité d'honneur
Maurice Euzennat, Georges Souville (Président du Comité de Rédaction)
Comité de Rédaction
Maria Giulia Amadasi Guzzo, François Baratte,
Robert Chenorkian (délégué de la section 31), Jehan Desanges, Ginette Di Vita-Evrard,
Jean-Luc Fiches (délégué du Comité de l'archéologie), Michel Fixot,
Claude Lepelley, Xavier Loriot (délégué de la section 32), Louis Maurin,
Patrice Pomey (Directeur du Centre Camille Jullian), Pol Trousset.
Rédaction
Véronique Blanc-Bijon
Illustrations Jean Lenne, Vincent Dumas
:
Avertissement 7
Introduction 9
Première partie : Le milieu littoral et les hommes dans l'Antiquité : Aspects régionaux 13
Au cours de l'été 2004, alors que nous corrigions les épreuves de ce présent ouvrage, nous avons eu la grande
tristesse d'apprendre les décès successifs de M. Maurice Euzennat, Membre de l'Institut, et de M. Jean Lenne,
lesquels auront contribué, l'un et l'autre, à la conception et à la réalisation du programme de recherche
sur le Littoral de Tunisie.
En gage de reconnaissance, les auteurs dédient à leur mémoire ce travail collectif.
sous les regards croisés de l'archéologie et de la vues prospectives utiles à la gestion des régions
géomorphologie. L'originalité méthodologique de la côtières du pays.
discipline nouvelle accréditée sous le nom de
« géoarchéologie » et née de cette rencontre, réside
précisément dans la complémentarité des points de
vue respectifs concernés pour la reconstitution des
:
paléo-environnements récents, les géographes font de
plus en plus appel aux « marqueurs » bien datés Les campagnes de prospections effectuées dans le
fournis par les archéologues. La nature même de ces cadre de ce projet ont permis de visiter et d'analyser
marqueurs, leur position d'origine par rapport à la un total de 210 sites côtiers qui sont répertoriés (du
mer sont à elles seules des indices de grande valeur Sud-Est au Nord-Ouest) dans un catalogue constituant
sur le tracé ancien du littoral et sur les variations du la seconde partie de l'ouvrage et comportant pour
niveau marin depuis l'antiquité. chacun d'eux une notice descriptive à double
En retour, la connaissance des composante géomorphologique et archéologique suivie d'un
paléo-environnements aide à mieux interpréter les données d'une inventaire du matériel céramique et le cas échéant,
archéologie de plus en plus soucieuse, de son côté, d'une coupe, d'un relevé des ruines et d'une
de prendre en compte la composante géographique bibliographie. Il faudrait y ajouter, en fait, plus de cinquante
des phénomènes qu'elle étudie. C'est particulièrement sites examinés dans la baie d'Utique avec le concours
vrai des espaces côtiers qui sont très labiles par de F. Chelbi et qui ont fait l'objet d'une publication
nature, en raison du dynamisme actif des forces particulière dans la revue Antiquités africaines (31,
- vagues et courants - qui les modèlent. La mise en 1995). Un grand nombre de ces sites étaient inédits ou
évidence de modifications appréciables dans n'avaient été décrits que sommairement dans l'ancien
l'environnement côtier depuis 2000 ans ou plus, nous aide Atlas archéologique de la Tunisie. En revanche, nous
à mieux localiser des sites antiques dont le cadre avons estimé que, dans le souci de produire des
topographique actuel ne correspond plus à celui données vraiment nouvelles, cette prospection
décrit par les textes anciens ; elle aide à considérer les géoarchéologique n'avait pas à prendre en compte certains
données archéologiques et historiques dans un sites urbains d'importance majeure comme Hadru-
espace en réalité mutant. mète ou Carthage qui avaient déjà fait l'objet, depuis
C'est ici que notre recherche intervient peut-être à longtemps, d'études approfondies. Plus
point nommé, plus encore qu'il ne nous était permis généralement, pour des raisons aisées à comprendre, notre
de l'imaginer il y a dix ans : la mise en évidence du enquête sur le terrain a-t-elle dû renoncer à s'exercer
phénomène planétaire de montée du niveau des eaux dans les sections de côtes très urbanisées ou à forte
lié au réchauffement contemporain de l'atmosphère, à concentration touristique, ce qui doit être rappelé
quoi s'ajoute la fréquence accrue des situations de pour éviter de donner l'illusion d'une étude
surcote marine, ont projeté à l'ordre du jour, partout exhaustive du littoral.
dans le monde, les problèmes de sauvegarde de la Les missions annuelles ont été organisées grâce au
frange littorale. A la lumière des données concours actif et aux moyens du Service Culturel
archéologiques recensées sur la ligne du rivage, une Scientifique et de Coopération de l'Ambassade de
connaissance plus précise des modifications survenues France. Elles ont été dirigées sur le terrain
depuis l'antiquité dans l'environnement littoral est de conjointement par Ameur Oueslati et Hédi Slim pour la partie
nature à permettre de mieux appréhender celles qui, tunisienne, Roland Paskoff et Pol Trousset pour la
selon les prévisions les plus raisonnables, se partie française, avec la participation de Gilbert
manifesteront dans un avenir proche. Ainsi, l'élévation Hallier pour les relevés architecturaux de Salakta,
escomptée du niveau marin d'ici la fin du nouveau Nabeul et Hergla, de Jean Lenne et André Carrier pour
siècle serait-elle d'un même ordre de grandeur que tous les autres levés de terrain et travaux de
depuis les 2000 ans passés. Tournée au départ vers topographie, en particulier ceux effectués sur les sites majeurs
une interprétation d'événements anciens, physiques de Hergla, Mraïssa, R'mel et Argoub el Bania. Les
et humains, la géoarchéologie autorise à formuler des collègues tunisiens de l'INP, N. Ben Lazreg, A. Drine,
F. Chelbi et T. Ghalia, ont, chacun pour le secteur agréable de penser que celle-ci avait pu intervenir
géographique dont il avait la responsabilité, coopéré opportunément pour susciter un véritable effet
aux travaux de terrain. Lors de la mission de 1997, d'entraînement chez nos collègues de l'INP ou de
nous avons bénéficié du concours de Barbara Mauz l'Université, à en juger par les nombreuses recherches
de l'Université de Cologne pour préciser la datation effectuées par eux dans le cadre du projet lui-même
des grès dunaires du Quaternaire exploités dans les ou depuis lors, sur différents secteurs du littoral
carrières antiques le long du littoral. Plus récemment, tunisien. Il en est ainsi, en ce qui concerne le Golfe de
à la demande des autorités tunisiennes, des Gabès, pour les travaux de A. Drine, J. Akkari-
recherches et relevés complémentaires ont été effectués par Weriemmi, N. Jeddi et, dernièrement, ceux de
Michel Pasqualini et Jean Piton sur plusieurs sites du A. Mrabet dans le cadre de la Carte archéologique de
Sahel et du Cap Bon. la Tunisie. Aux îles Kerkennah, dans le Cap Bon, le
Quant à la céramique et autres mobiliers recueillis golfe de Tunis et sur la côte nord de la Tunisie, les
sur les différents sites, leur étude avait été confiée prospections récentes de F. Chelbi, de T. Ghalia et de
d'abord à Roger Guéry. L'essentiel des inventaires et S. Ben Baaziz ont largement contribué à enrichir notre
analyses a été assuré ultérieurement par Michel inventaire des sites. Que tous ces chercheurs qui nous
Bonifay qui a su réunir autour de lui toute une équipe ont généreusement communiqué jusqu'aux derniers
de spécialistes pour les différentes catégories de moments les résultats souvent encore inédits de leurs
matériel : Thierry Martin pour la céramique gauloise et travaux soient ici vivement remerciés.
hispanique, Lucy Vallauri pour la céramique Parmi ces dernières recherches, on ne manquera
médiévale, Maurice Picon et Claudio Capelli pour les pas de mentionner celles de l'équipe tuniso-française
analyses en laboratoire. Que tous soient vivement conduites par L. Slim et M. Bonifay sur le site de
remerciés pour leur participation à cette entreprise l'usine antique de salaisons de Nabeul. Cette étude
collective. particulière consacrée à un de nos sites de référence
de la côte tunisienne apparaît bien comme
Une dette toute particulière est à mettre au crédit l'aboutissement logique d'une recherche conjointe sur
de Véronique Blanc-Bijon, secrétaire de rédaction de l'évolution de l'environnement et sur les vestiges
la revue Antiquités africaines au Centre Camille archéologiques du littoral. Un programme cohérent
Jullian. C'est grâce à sa haute compétence en matière de sauvegarde et de mise en valeur d'un patrimoine
de publications et à son immense dévouement, que, côtier spécifique menacé selon les cas ou à la fois par
dans la phase si difficile des ultimes corrections et l'urbanisation et par l'action des agents naturels est
mises au point, la présentation de cet ouvrage auprès désormais envisageable de la même façon sur d'autres
de CNRS Editions aura pu être menée à bien. Au talent points des 1300 km de développement de la double
de Vincent Dumas sont dues les cartes régionales qui façade maritime de la Tunisie.
illustrent la première partie du texte : qu'il soit aussi Pour finir, nos remerciements iront de pair aux
remercié pour cette contribution de dernière heure à responsables des Services Culturels de l'Ambassade
l'œuvre commune. de France et aux Directeurs successifs de l'Institut
En attendant la parution, plus tardive que nous National du Patrimoine de Tunis : M. M'hamed
l'aurions souhaitée, du bilan final de ces travaux, une Fantar, Mme Mounira Harbi-Riahi, MM. Abdelaziz
douzaine de publications diverses qu'on retrouvera Daoulatli et Boubaker Ben Fraj. En nous faisant
dans les bibliographies thématiques annexées aux bénéficier de leur indéfectible appui, ils ont su nous faire
chapitres correspondants du livre, avaient déjà permis comprendre qu'ils avaient confiance en la validité de
aux spécialistes de nos disciplines respectives d'avoir notre entreprise.
une idée partielle des résultats les plus marquants de
la présente enquête. Il nous est, au demeurant, P. Trousset
dans l'Antiquité :
aspects régionaux
archétype à la fois d'une lisière critique entre la terre et la plupart des auteurs, de connotations ambivalentes et
mer et d'un horizon géopolitique d'affrontements souvent négatives (Rougé 1966, p. 36 ; Mastino 1990,
potentiels (Lacoste 1987, p. 8-37). Chez le poète p. 18-19). Celles-ci peuvent trouver leur origine dans
Lucain, héritier lui-même d'une longue tradition, le monopole jaloux exercé sur ces rivages par ceux
l'espace des Syrtes où César poursuit Pompée de qui en avaient eu les premiers la maîtrise : les
Y Africa jusqu'en Egypte est ainsi défini comme une navigateurs et conquérants puniques. Du voile de mystère
frontière incertaine entre le domaine maritime et le qui avait été jeté sur ces lieux, la géographie grecque
domaine terrestre (Pharsale, IX, 303-304) s'était faite, malgré elle, l'interprète, suivie en cela
:
se situe, en venant du Nord, le premier des emporia mésaventure semblable survenue, pendant la
première guerre punique, à la flotte romaine de Cn. p. 193-204). Du côté mer, elle est bordée par une
Servilius Caepio et C. Sempronius Blaesus (I, 39). zone de hauts-fonds, très développée au Nord autour
Salluste qui connaissait bien le pays pour y avoir des îles Kerkennah (l'isobathe -10 m se trouve par
exercé les fonctions de proconsul, insiste de son côté endroits à 65 km du rivage) et au Sud autour de Jerba,
sur la configuration changeante des lieux, au hasard très envasée autour du banc des Kneiss (fig. 1). Elle
des tempêtes dont les vagues « entraînent de la vase, est affectée par les marées qui ont une amplitude
du sable et même d'immenses rochers » limum hare- moyenne de 0,80 m à 1 m. Vers le fond du golfe elle
:
namque et saxa ingentia fluctus trahunt (Jug. 78, 2). peut atteindre 2 m en période de vives-eaux. Mais le
Ceci peut s'appliquer à la rigueur, nous le verrons, à marnage diminue à mesure qu'on s'en éloigne : à Rass
certaines sections de côtes à falaises du golfe de Kaboudia, il n'est plus que de 0,40 m. Ces côtes sont
Gabès. Avec excès et cette fois-ci contre l'évidence, parfois agitées par de violentes tempêtes quand une
l'accent est mis par Pomponius Mela sur l'absence de situation de dépression se crée sur le golfe, encore
port, ou du moins sur le caractère inabordable de que les faibles profondeurs littorales aient pour effet
cette côte, dite « importueuse », compte tenu des d'amortir l'énergie de la houle sur le rivage. Les bancs
difficultés qu'opposent à la navigation, hauts-fonds et à faible pente couverts d'abondants herbiers
marée (I, 35) : protègent efficacement les côtes qu'ils bordent. Des
possibilités d'abri existent d'ailleurs, au Nord dans la baie
...inportuosus atque atrox et ob uadorum frequen-
des Sur-Kenis où elles sont mises à profit par le
tium breuia, magisque etiam ob alternos motus
terminal pétrolier moderne de La Skhirra, au Sud sur
pelagi affluentis ac refluentis infestus.
les bancs qui s'étendent devant l'entrée du canal
Il est dépourvu de ports, mauvais et redoutable à
d'Ajim. Au total, les conditions nautiques sont bien
cause des bancs de ses nombreux hauts-fonds et
meilleures que sur la côte nord : les vents y sont
plus encore à cause du mouvement périodique de
moins violents, la mer rarement très grosse, sauf peut-
la mer.
être en quelques parties au fond du golfe de Gabès.
C'est en des termes très voisins que Pline l'Ancien Aussi, celui-ci est-il loin de mériter la mauvaise
décrit le rivage des deux Syrtes (V, 26) : réputation que les Anciens avaient faite à la Petite Syrte. Ce
qui le rendait redoutable à l'époque, c'était sans doute
Tertius sinus diuidiur in geminos, duarum l'étendue des bancs qui en bordent l'entrée des deux
Syrtium uadoso ac reciproco mari diros
côtés et ensuite la forme circulaire du golfe qui
Le troisième golfe (après ceux d'Hippone et de
expose un navire à voile à faire côte en tirant des
Carthage) se scinde en deux baies que rendent
bordées soit pour y entrer, soit pour en sortir avec des
redoutables les hauts-fonds et les mouvements de vents contraires (Instructions nautiques 1899, p. 50).
la marée dans les deux Syrtes.
La réputation des dangers de la Syrte étant bien Le second terme, celui d'emporia, associé comme
établie, on s'explique mieux que, pour Strabon (XVII, il l'est chez les auteurs anciens, à la mention de la
836), la fréquentation de tels lieux n'ait pu résulter fertilité du sol (Polybe III, 23), met tout au contraire
que de « l'avidité mauvaise des gens du commerce ». l'accent sur le caractère attractif de cette région
Dans cette image conventionnelle et négative des littorale et c'est bien ce paradoxe que soulignait Strabon
caractéristiques nautiques de la Petite Syrte, on en évoquant pourquoi les Syrtes avaient fini par attirer
retiendra - mais en les nuançant quelque peu - les marchands (XVII, 836). L'existence de ports ou
certains des traits géographiques vérifiables du golfe plus exactement de places de commerce, lieux
de Gabès actuel (fig. 2) c'est une côte souvent basse d'entrepôt et de transit auxquels le mot grec (en fait
:
avec néanmoins quelques secteurs de falaises vives, traduit du punique) fait référence, est le signalement
taillées dans des argiles gypseuses rouges d'âge mio- d'une agriculture productrice de surplus exportables.
pliocène (fig. 3). Elle est encadrée à l'intérieur des C'est cette prospérité économique partagée avec le
terres par des plateaux monotones et en bord de mer Byzacium (Byssatis) à laquelle la Petite Syrte succède
par de petites plaines d'épandage, des sebkhas ou des en venant du Nord, qui justifiait effectivement, selon
marais littoraux plus ou moins étendus (Oueslati 1993, l'explication qu'en avait donnée Polybe, l'interdiction
faite aux Romains dans un premier traité signé au économique de première importance que représente
temps de la puissance de Carthage, de naviguer au- le contrôle de ces emporia à l'occasion des guerres
delà du Beau-Promontoire, c'est-à-dire du Cap Bon gétules. C'est du moins ce qui est souligné par la
actuel (Desanges 1990, p. 21-22). Par extension et en politique routière romaine quand, en 14, une voie directe
raison de la richesse commune à toute cette « arrière- est tracée par L. Nonius Asprenas, ex castris hibernis,
cour » de la puissance punique, le mot emporia c'est-à-dire depuis le camp de la Ille Légion Augusta
pouvait inclure la côte du Byzacium et surtout les à Ammaedara (Haïdra), en direction de Tacape, au
trois ports de la future Tripolitaine : Sabratha, Oea et milieu de la façade maritime des emporia.
Lepcis Magna, auxquels il est admis couramment L'implication dans la révolte de Tacfarinas des Cinithii qui
qu'on doive l'appliquer au premier chef. Au occupaient l'arrière-pays immédiat de la Petite Syrte -
demeurant, pour les Anciens déjà, les deux Syrtes formaient entre Tacape et Gigthis- place alors les cités côtières
un ensemble géographique qui autorisait une certaine dans le champ du conflit (Rebuffat 1996, p. 2626).
ambiguïté (Mastino 1990, p. 17 ; Desanges 1995, Mais il n'est plus question par la suite d'opération
p. 356). Mais si l'on veut vraiment restreindre les militaire dans la région du golfe de Gabès. Plus tard, après
emporia aux villes côtières de la Petite Syrte (Rebuffat la réorganisation provinciale de Dioclétien et la
1990, p. 122), une liste minimale en est fournie par création en 303 de la Byzacène et de la Tripolitaine, la
Pline (V, 25) Thaenae (site n° 56 du présent région de la Petite Syrte est partagée entre ces deux
:
catalogue Thyna), Macomades (n° 54 Onga), Aves nouvelles provinces à la hauteur de Tacape, cette
:
130), ce que confirme dans ses grandes lignes Kaboudia. Au dire de Strabon (XVII, 3,1 6), des
l'analyse du matériel céramique. observatoires y avaient été placés pour guetter la marche
Aux ressources de l'agriculture locale qui des thonidés (thynnoscopeià) . Par ailleurs, la présence
pouvaient expliquer, pour une part, l'importance même d'une plate-forme étendue de hauts-fonds
commerciale des emporta, devait s'ajouter une auxquels les noms antiques du Rass Kaboudia font
fonction de transit et d'échange à plus grand rayon référence (Cap Brachodes ou Caput Vadd) et qui se
d'action résultant de leur situation au débouché des prolongent jusqu'aux bancs des îles Kerkennah et de
pistes sahariennes ou présahariennes qui reliaient au Kneiss, créait les conditions les plus propices au
littoral méditerranéen l'oasis de Ghadamès (Cidamus) pullulement d'une faune marine sédentaire. Les
ou les villes de garnisons échelonnées tout au long du herbiers de caulerpes et de posidonies qui tapissent
« limes » d'Afrique. L'existence d'un tel trafic ces bancs abritent des associations ichtyologiques les
caravanier au long cours à partir de la Petite Syrte nous est plus diverses ; un réseau ramifié de chenaux sous-
révélée, d'après la nature même de certaines denrées marins visités par la marée (les oueds) facilite le
qui y sont consignées pour y être soumises à la taxe, renouvellement des eaux. De nos jours, les pêcheurs
par le célèbre « tarif » de Zaraï (Zraïa), document des Kerkennah sont réputés entre tous pour leurs
douanier (ou fiscal) découvert sur les confins de la pêcheries fixes (cberfia) qui mettent en œuvre un
Numidie et de la Maurétanie césarienne (Darmon savoir-faire ancestral très particulier (Louis 1961,
1964, p. 7-23). p. 81-102 ; Alaoui Béjaoui 1995, p. 155-171). Aussi ne
Ce sont ces mêmes denrées spécifiques de la devrait-on pas s'étonner de voir en ces mêmes lieux,
Petite Syrte - éponges, teintures de pourpre et surtout aujourd'hui encore si marqués par les manifestations
salaisons (taricheiaè) ou produits plus particuliers d'une vie littorale intense et originale, de nombreux
comme le garum - qui devaient attirer notre attention témoins archéologiques - le plus souvent indirects,
sur tout un secteur d'activités pour lesquelles la région nous le verrons - d'une activité ancienne liée aux
était connue dans l'antiquité et dont notre enquête produits de la mer.
permet à présent de souligner la réalité et Pour d'autres sites côtiers, au fond du golfe de
l'importance économique il s'agit des industries liées aux Gabès proprement dit (ou « petit golfe de Gabès »), les
:
ressources de la mer ou du littoral lui-même. On rapports avec les ressources du littoral semblent
n'oubliera pas de rappeler à ce sujet que, pour beaucoup plus ténus, probablement parce que le rivage
Strabon (III, 1, 8 ; 4, 2), ces activités - en l'occurrence présente ici des caractères assez répulsifs pour des
les salaisons - sont de celles qui vont de pair avec la établissements humains : côte à falaise battue par les
fonction même des emporta. L'association des deux vagues comme au Sud de La Skhirra, près du nadour
(n° 42, fig. 6), ou au contraire côte basse
mots indique à l'évidence que c'est parce qu'une cité
ou un peuple possède des usines de salaison qu'ils d'accumulation sablo-vaseuse ou vaso-sableuse à faible pente
jouent le rôle d'un emporion (Etienne 1993, p. 34). Le vers le large, existence par endroits de vasières
cas, flagrant pour une cité ibérique comme Belo où étendues colonisées par une végétation halophile,
l'on voit une place de commerce avec des amplitude de la marée (le marnage moyen est de l'ordre du
établissements de salaison, pourrait l'être tout autant, comme mètre) qui accroît démesurément la largeur des
nous le verrons, pour des centres tels que Cercina, estrans.
Thaenae et Taparura, où la présence de quartiers La valorisation économique des ressources de la
industriels avec des salaisons paraît être associée à mer dans l'antiquité différait donc fortement d'un
celle d'une activité d'entrepôt et de port de secteur à l'autre du littoral. Les conditions d'une
commerce. activité halieutique étaient moins propices au Sud de La
Il faut d'abord souligner que les côtes de la Petite Skhirra et le long du littoral au fond du golfe de
Syrte, en particulier dans leur section nord, étaient Gabès, à l'exception toutefois des mouillages de
réputées, dans l'antiquité déjà, pour l'importance de l'oued el Akarit, de Tarf el-Ma (Lacene, n 38) et de
leurs pêcheries. Elles sont situées, en effet, sur une Tacape elle-même qui était connue dans l'antiquité
trajectoire de migration des bancs de poissons venus pour la pêche à l'embouchure de son oued remonté
par le détroit de Sicile et passant devant le Rass par la marée (Strabon, XVII, 3, 17). Ailleurs, plus au
Sud, peu d'activités littorales pour des raisons Sidi Mohammed Chaouch (site n° 8), sur les solbs et
identiques, en bordure sud-ouest de la Mer de Bou Grara, surtout sur les rives sud-est de la lagune (sites n° 1
où l'estran très envasé est au surplus dominé par des à 7). On ne pouvait que rapprocher ces données
falaises (fig. 7). De ce fait le paysage rural semble nouvelles du témoignage de textes anciens qui
tourner le dos à la mer. La Mer de Bou Grara témoigne signalaient déjà l'existence de salaisons itaricheiaè) sur des
néanmoins, par l'existence de deux grandes côtes de la Syrte où se reconnaît la description de la
installations portuaires (Gigthis : n° 25 ; Rass Segala n° 23), Bahiret el Biban. C'est ainsi que dans le Périple du
:
d'une activité commerciale maritime, liée sans doute Pseudo-Scylax (éd. Mùller, 110), des salaisons sont
non seulement aux grands courants du trafic mentionnées entre Abratonon (Sabratha) et l'île des
méditerranéen comme d'autres emporta de la Syrte, tel Hauts-Fonds (Jerba). Cette mention est suivie de
Tacape situé au débouché des itinéraires sahariens, l'évocation d'un lac à petite embouchure qui semble
mais aussi à la mise en valeur agricole de l'arrière - bien s'appliquer à la Mer des Biban et elle se rapporte
pays immédiat. à une époque (ive s. av. J.-C.) bien antérieure à
En revanche, ce sont les rivages de la Bahiret el l'époque romaine. Strabon (XVII, 3,18) est plus
Biban, au Sud de Zarzis, qui montrent le plus grand explicite dans son évocation de Zouchis, « un lac et une
nombre de sites d'occupation dont l'activité était ville du même nom sur ses bords, où se trouvaient des
directement liée à la pêche, ce qui n'a rien d'étonnant teintureries de pourpre (porphyrobapheia) et toute
lorsqu'on sait que cette vaste lagune d'un type espèce d'établissements pour la salaison du poisson
original (Medhioub 1979) constitue un écosystème (taricheiae) ».
remarquable par sa richesse halieutique. Elle est
Ces quelques données étaient d'autant plus
devenue de nos jours un des hauts lieux de la pêche
importantes à rappeler que c'était moins la pêche en tant
en Tunisie (Zaouali 1995, p. 63-77). Ayant une que telle que les activités qui en dérivaient - pour le
longueur de 35 km et une largeur maximale de
traitement et le conditionnement des produits de la
10 km, elle couvre une superficie de 23000 ha avec
mer ou du littoral - que la prospection archéologique
une profondeur moyenne de 5 m. Elle est isolée de la
pouvait espérer saisir. En effet, la pêche en mer ou sur
mer par un cordon littoral ancien, consolidé en grès
le littoral, pourtant si présente dans le répertoire des
et séparé en deux parties, Solb el Gharbi à l'Ouest,
Solb ech Chergui à l'Est, par une ouverture dans sa mosaïques romaines du musée de Sfax, par exemple,
partie centrale où des îlots freinent les courants de n'a pu laisser sur le terrain que fort peu de traces
marée responsables du creusement des passes (fig. 8). matérielles, ce qui s'explique du reste aisément, au vu
Située dans un environnement déjà aride, c'est une des installations très légères qui, jusqu'à récemment
lagune hyperhaline (salinité moyenne autour de ou aujourd'hui encore, signalent l'exercice de cette
45 %o), mais les courants de marée lui confèrent une activité traditionnelle et la présence de pêcheurs le
composante marine en autorisant une forte long des côtes du golfe de Gabès et sur les rives de la
biodiversité. Les poissons y abondent (essentiellement des Bahiret el Biban. Outre les huttes servant d'abris
sparidés sparaillon ou pataclets, daurades royales, temporaires pendant la saison de la pêche, on
remarque surtout, remplacés de plus en plus par les
:
données archéologiques directes concernant la pêche salines aménagées en divers lieux, sur les côtes basses
elle-même sur ces hauts-fonds. du golfe de Gabès et surtout dans la Bahiret el Biban,
Quoi qu'il en soit, seule une prospection très était aussi un facteur très favorable. En revanche, l'eau
attentive permet de déceler sur le rivage les vestiges nécessaire à cette industrie exigeait, en raison de
d'établissements dont les habitants avaient la pêche l'aridité du climat, la présence de grandes citernes
pour activité principale et de les distinguer des associées d'une manière constante aux cuves de
exploitations rurales situées dès l'origine en bordure de mer salaison. De la sorte, la difficulté est grande parfois
ou bien au contraire à quelque distance à l'intérieur d'identifier ces centres de traitement du poisson en les
des terres, mais que l'érosion du rivage depuis distinguant des simples citernes rurales, elles aussi
l'antiquité a placées de nos jours en position littorale. Le mises au jour par le recul de la ligne de rivage. Ceci
plus souvent, le seul indice est la présence de pesons justifie la prudence observée pour l'identification de
de terre cuite qui servaient à lester les filets ou bien, certains sites mineurs, notamment dans la presqu'île
plus rarement, d'hameçons de bronze ; parfois, de Jorf et dans la région de Jebeniana. En revanche,
l'abondance des coquillages, de poteries et de petites aucune hésitation n'est permise pour plusieurs sites
monnaies associés à des vestiges d'habitats assez de première grandeur reconnus sur les côtes du golfe
frustes pourraient révéler, comme à l'Henchir de Gabès. Les concentrations majeures coïncident de
Chouggaf, près de Gabès (n° 37), un lieu d'échange façon frappante avec les sections du littoral les plus
vraisemblable entre pêcheurs semi-nomades et favorables à la pêche sur la rive sud de la Bahiret el
Biban (Henchir el Mdeina, n° 1, fig. 10 ; Henchir bou
:
oasiens sédentaires.
L'Henchir bou Amia (n° 33) constitue un exemple Gornine, n° 5), dans la région de Zarzis (Naoura, n° 12
remarquable de la juxtaposition de deux formes bis ; Sidi bou Teffaha, n° 13) ; sur la côte ouest de la
n°
d'habitats correspondant à des activités et des genres grande Kerkennah (Borj el H'sar, 61, fig. 11) ; sur
de vie différenciés de type rural à l'intérieur, la
n° côte nord du golfe de Gabès (Oued el Akarit Sud,
n°
:
maritime en bordure même du rivage. La séparation entre 39 ; Onga, 54, fig. 12 ; Thyna, n° 56, fig. 13 ; Sidi
ces deux habitats est ici matérialisée par la présence Mansour, n° 68, fig. 92 et 93).
d'une falaise morte qui date de la dernière époque Dans le cas d'une autre industrie, celle de la
interglaciaire. Au-dessus de cette falaise, on est en pourpre, le signalement archéologique principal est
présence d'une agglomération rurale antique dont fourni par des rebuts de Murex trunculus. Cette
certains éléments ont été réutilisés dans une dernière qui faisait dans l'antiquité la réputation de
fortification arabe. En contrebas, se devinent les vestiges de Jerba a laissé effectivement des traces très visibles en
fonds de cabanes ou de huttes de pêcheurs ; dans les bordure du rivage, notamment à Rhizene (n° 19)
environs, on remarque des amas de coquilles avec de (Akkari Weriemmi 1995, p. 55) et surtout dans les
nombreux tessons d'époque romaine (fin me au Ve s.), vestiges de Meninx (El Kantara, n° 16, fig. 14) qui
ainsi que des petites monnaies de bronze. avait donné à l'île son premier nom antique. Au dire
Si la pêche elle-même n'a donc laissé que fort peu de Pline, la pourpre y était des plus réputées dans
de traces archéologiques, il n'en est pas de même l'antiquité, à l'égal de celle de Tyr en Asie : Tyriprae-
pour les activités dérivées des ressources de la mer, cipuus hic Asiae ; in Méninge Africae. On sait aussi
qu'il s'agisse de conservation du poisson par salaison par un document administratif du Bas Empire (Notitia
(salsamenta) ou d'une industrie plus particulière déjà Dignitatum, Occ, XI, 70), qu'un procurateur financier
étudiée en d'autres lieux la production de garum. était en charge des teintureries de pourpre, spécialité
:
L'une et l'autre impliquaient des installations recon- de Jerba Procurator Baphi Girbitani prouinciae
:
quer des dégagements nombreux et coûteux. En effet, que la configuration du littoral expose plus
dans une proportion élevée de cas, les structures directement à l'action des vagues. En revanche, le tracé de la
archéologiques ont été mises au jour par l'érosion côte apparaît stable dans le secteur dessinant une
littorale et elles continuent à être dégagées par les concavité marquée qui va de Gabès à la racine de la
vagues à l'occasion des tempêtes. Dans plusieurs presqu'île de Jorf. Il en est de même sur la rive
exemples, ces structures ont été déchaussées par occidentale et méridionale de la Mer de Bou Grara. Deux
l'érosion ou arasées de telle manière qu'elles se des quatre sites où une progradation de la côte a été
retrouvent lisibles en plan sur l'estran au niveau de notée sont d'anciens ports (n° 23 : Rass Segala ;
n°
leurs fondations. Enfin, dans certains cas, elles 25 : Gigthis) dont les jetées encore bien conservées
peuvent être partiellement ou entièrement ont probablement contribué, en freinant la dérive
submergées (Paskoff et Trousset 1990, p. 367-384). Une littorale, au phénomène de colmatage (fig. 4 et 5). Il
bonne illustration de ces trois possibilités reste alors seulement deux sites (n° 33 : vasière
complémentaires est offerte par les exemples de Mdeina et de étendue de PHenchir bou Amia ; n° 81 : flèche
Borj el H'sar (sites n° 1 et n° 61, fig. 10 et 11). sableuse de Rass Botria) où l'avancée du trait de côte
Outre leur intérêt pour la connaissance historique, est sans nul doute naturelle.
ces témoins archéologiques constituaient dans leur Cette prépondérance de l'érosion est d'autant plus
état présent de précieux marqueurs chronologiques remarquable que l'une des caractéristiques
pour les géomorphologues. Compte tenu de la nature géographiques du golfe de Gabès réside dans ses faibles
de ces vestiges et de leur situation d'origine par profondeurs littorales qui ont pour effet d'amortir
rapport à la mer, on pouvait proposer de restituer à la considérablement l'énergie des houles sur le rivage.
lumière de nos observations concertées les grands De fait, il apparaît que la cause du recul généralisé
traits de l'évolution du golfe de Gabès depuis de la côte du golfe de Gabès se trouve dans le
l'antiquité. relèvement du niveau de la mer par rapport à la position qui
L'examen des quatre-vingt sept sites était la sienne dans l'antiquité. On a trouvé des
archéologiques qui ont été prospectés tout au long du golfe de manifestations de cette élévation dans 19 sites.
Gabès (entendu au sens large : entre la frontière de Inversement, on n'a jamais fait une observation indiquant
Libye et la Chebba) appelle, en effet, toute une série qu'il a été plus haut qu'aujourd'hui au cours des 2000
de conclusions concernant les caractéristiques de dernières années. On peut donc considérer que le
l'environnement de cette section du littoral tunisien phénomène a une valeur régionale.
dans l'antiquité et les modifications qu'il a pu Des indices d'un relèvement, de l'ordre de
connaître depuis cette époque. quelques dizaines de centimètres, du niveau de la mer par
Sur ces 87 sites, 41 sont actuellement, à des degrés rapport à la position qui était la sienne dans l'antiquité
divers, attaqués par l'érosion marine. A ce chiffre il classique ont été notés, en particulier sur le littoral de
faut ajouter 19 sites où les ruines ne sont pas encore la Bahiret el Biban et dans l'île de Jerba (carrières
atteintes, mais où l'examen morphologique révèle un inondées, constructions in situ submergées). Ce
recul en cours du rivage. Celui-ci n'apparaît stable relèvement a favorisé les phénomènes d'érosion et le
dans sa position que dans 22 sites. C'est seulement recul du rivage, comme le suggère le site n° 1
dans 4 sites que l'on a noté un gain de la terre sur la (Henchir Mdeina) qui est localisé dans un secteur où,
mer depuis l'antiquité. On peut donc dire que pourtant, l'action de la houle est limitée par un fetch
l'érosion prévaut aujourd'hui sur la côte du golfe de court.
Gabès dont le tracé actuel se situe pour l'essentiel en Si dans la partie sud du golfe de Gabès, les indices
deçà de la position qu'il occupait à l'époque romaine. suggèrent un relèvement d'au moins quelques
En particulier, le phénomène d'érosion de la côte est dizaines de centimètres, dans la partie nord, il a été
général dans les îles (Jerba, Kneiss, Kerkennah). Il est nettement plus important, car il est supérieur à 1 m,
aussi net sur le rivage de la Bahiret el Biban tourné probablement proche de 2 m. Deux sites sont
vers la mer, sur celui de la presqu'île des Accara, sur remarquables à cet égard : Borj el H'sar (n° 6l) dans les îles
la façade septentrionale de la presqu'île de Jorf, sur le Kerkennah, Rass Botria (n° 81) au nord de Sfax. Dans
littoral nord du golfe de Gabès. Il s'agit de secteurs le premier tout un quartier de ville (et peut-être aussi
des installations portuaires) (fig. 15), dans le second Dzirat el Laboua est une meilleure localisation en
un long môle sont couverts par 1 m d'eau, par haute dépit de sa petite superficie sur laquelle on voit mal
mer moyenne. Dans les îles Kerkennah, il existe par vivre « un grand nombre de moines ». En réalité,
ailleurs de multiples indices d'une submersion qui se l'étendue de l'îlot a été réduite au cours des siècles à
poursuit aujourd'hui et qu'avait judicieusement notée la fois par l'érosion et par la submersion. Il est
il y a un siècle le naturaliste M. Doumet-Adanson probable que, dans l'antiquité, les trois îlots de
(1888). Ainsi P. -F. Burollet (1979) signale que des l'archipel des Kneiss (El Jaziret el Rharbia, Dzirat el
champs autrefois cultivés sont progressivement Laboua, Dzirat el Hajar), compte tenu des très faibles
transformés en sebkhas par salinisation et que d'anciennes profondeurs qui les séparent actuellement et qui
pistes sont maintenant inondées de façon émergent par marée basse, ne formaient qu'une seule
permanente. Il faut rappeler ici que les enregistrements du île allongée, d'une certaine largeur (fig. 18). D'Avezac
marégraphe de Sfax pour la période 1910-1935 font (1848) signale d'ailleurs que sur des cartes anciennes
apparaître une montée de 15 cm du niveau moyen de des Kneiss n'apparaissent que deux îles, Dzirat el
la mer, soit une élévation quatre fois plus rapide que Bessila et une autre île constituée par les petits îlots
celle, d'origine eustatique, qui caractérise l'Océan d'aujourd'hui, encore réunis dans un ensemble
mondial depuis la fin du XIXe siècle. C'est dire que le unique.
net relèvement de la mer dans cette partie du golfe de Un autre exemple, plus frappant encore par son
Gabès depuis l'antiquité a une composante ordre de grandeur, est celui de l'archipel des
essentiellement tectonique. Il est fondamentalement dû à une Kerkennah (fig. 19) : la confrontation des données
subsidence du continent, l'affaissement étant plus actuelles de terrain et des données textuelles fournies
marqué dans la partie nord que dans la partie sud du par les auteurs anciens donne à penser que c'est la
golfe. configuration même de l'ensemble de l'archipel qui
L'érosion de la côte ainsi que l'élévation du niveau aurait pu subir de profonds changements depuis
de la mer font que la configuration topographique des l'antiquité. D'après Pline l'Ancien, l'île de Cercina était
espaces littoraux du golfe de Gabès a pu se modifier longue de 25 milles (soit 37 km) et large de moitié
de façon appréciable depuis l'antiquité. Aussi doit-on dans sa plus grande extension (18,5 km), mais de
en tenir compte lorsque l'on utilise des descriptions 5 milles seulement à son extrémité. Or les mesures
de lieux données dans des textes anciens pour actuelles donnent un maximum de 30 et 14 km
localiser des sites antiques. Par exemple, à propos de la respectivement pour la longueur et la largeur de
situation du monastère dans lequel vécut saint l'archipel. Une partie des hauts-fonds situés à moins
Fulgence au début du VIe s., deux endroits ont été de deux mètres de profondeur appartenait donc à la
proposés : Oued Maltine (n° 48, fig. 16) et Dzirat el terre ferme dans l'antiquité et lorsque Hérodote
Laboua (n° 50, fig. 17). La seule enquête {Histoires IV, 195) avance que le passage à gué était
géomorphologique permet d'écarter le site n° 48. Il s'agit d'une possible entre le continent et Kuranis, il est permis de
langue étroite de terres basses, isolée par haute mer, penser qu'il n'avait pas entièrement tort, encore que
que l'érosion marine ronge (fig. 18). Elle pourrait la nature vaseuse des fonds et le rythme semi-diurne
correspondre à l'environnement du monastère décrit de la marée eussent dû rendre aventureuse une telle
par le moine Ferrand, auteur d'une vie de saint traversée. Des recherches plus récentes encore ont
Fulgence (Trousset et al. 1992, p. 224-225). Mais, par permis la découverte d'importantes structures
la nature des sédiments qui la constituent (épandages submergées - notamment une grande carrière antique
de limons sableux continentaux lors d'épisodes de - au sud-ouest de Gremdi (Oueslati 1995, p. 175-180,
ruissellement actif) et par la proximité d'un important 185-186). Une circulation à pied était possible par un
chenal de marée méandriforme, cet espace littoral a pont entre cet îlot et l'île de Cherguia. D'autres îlots,
une topographie nécessairement et rapidement comme Sefnou et Rakkadia, pouvaient faire corps
changeante, liée à des épisodes alternés d'accumulation et avec l'île principale du Nord.
d'érosion. Tout permet donc de penser qu'à l'époque L'exemple des Kerkennah, un des milieux les plus
de saint Fulgence le tracé du littoral était en cet menacés par l'avance de la mer, attire l'attention sur
endroit différent de ce qu'il est aujourd'hui. L'îlot un phénomène assez courant surtout dans la partie
nord du golfe de Gabès, siège d'une subsidence L'une, anthropique, rend l'Homme responsable de
active la salinisation depuis l'époque antique des cette période de morphogénèse : en détruisant la
:
terres basses et la migration de certains systèmes végétation naturelle par des défrichements ou par le
côtiers vers l'intérieur, comme les schorres et les surpâturage, il a déstabilisé les versants en les
sebkhas (Oueslati 1993, p. 242, 281-282). Il en résulte fragilisant à l'action des agents d'érosion. L'autre,
que des vestiges archéologiques importants qui climatique, attribue à une modification du climat, la
attestent l'existence d'habitats entourés autrefois de mobilisation des débris sur les pentes sous l'effet, par
cultures, comme à Thyna (n° 56) où le relèvement du exemple, d'une modification du régime des pluies
niveau de la nappe phréatique contaminée par l'eau accroissant leur caractère torrentiel. Nous aurions
de mer est d'au moins 0,60 m depuis l'antiquité, se tendance à privilégier ici la seconde explication. En
trouvent actuellement dans des espaces répulsifs effet, la généralisation du phénomène, observé
salés. Au site d'Onga (n° 54), un chenal de marée, pareillement au Sud comme au Nord du pays, dans
long d'une centaine de mètres, s'est formé dans une des régions où l'occupation humaine n'était pas
usine de salaison romaine qu'il a contribué à partout aussi forte et où, par suite, ses effets sur la
démanteler et l'on voit ici un schorre caractéristique stabilité des sols auraient dû s'en trouver inégalement
s'emboîter dans les structures archéologiques marqués, fait que nous avons tendance à y voir les
(fig. 12). Les transformations ne se limitent pas au trait effets d'une oscillation climatique (modification du
de côte, c'est en cet endroit l'environnement littoral régime et du caractère des pluies, favorisant une
dans son ensemble qui est affecté par la transgression mobilisation accrue des débris fins sur les pentes par
marine d'âge historique. le ruissellement) plutôt que les conséquences d'une
Les recherches ont également permis de mettre en déstabilisation des versants par l'Homme (destruction
évidence l'occurrence, dans le golfe de Gabès, d'une de la végétation naturelle à la suite de défrichements
phase de rhexistasie (décapage et entraînement des ou de surpâturages).
sols, érosion des roches tendres sur les versants par le Lors du dernier interglaciaire, il y a environ
ruissellement et le colluvionnement, et empâtement 125000 ans, une importante transgression qui a porté
corrélatif des parties basses de la topographie par les le niveau de la mer à quelques mètres au-dessus de
matériaux ainsi mobilisés) à la fin de l'époque son niveau actuel, a envahi ce qui est aujourd'hui la
romaine ou postérieurement à elle. Un site tout frange côtière de la Tunisie méridionale. Elle a laissé
particulièrement révélateur à cet égard est l'Henchir Chaa- des dépôts qui se sont par la suite consolidés en grès
bane (n° 11) où une carrière antique est en cours de calcaires ou en calcaires gréseux, généralement à
dégagement par la mer du manteau détritique, grain fin, parfois coquilliers et alors un peu plus
couvert par une steppe rase, qui, à un moment donné, grossiers, souvent oolithiques (formation Rejiche). Ce type
l'avait enseveli. Dans l'oued Ogla (n° 14) et dans de roche, aisément débitable en blocs, a été très
l'oued voisin, l'oued Ennouili, il existe une terrasse largement utilisé dans les constructions antiques. D'où un
qui peut atteindre 4 m de commandement et qui grand nombre de carrières littorales qui ont été
contient des tessons de poterie datés, dans l'oued repérées sur le territoire qui a été prospecté, la proximité
Ennouili, du IVe ou du Ve s. ap. J.-C. (informations de de la mer constituant un avantage pour une
G. Camps). Le même phénomène se retrouve vers évacuation, plus facile que par voie de terre, des produits de
l'extrémité nord du golfe de Gabès, dans l'îlot de l'extraction. Quant aux moellons, c'est la croûte
Djezira (n° 85) où une importante couche de collu- calcaire villafranchienne affleurant largement, elle
vions emballe aussi des tessons de poterie romaine. aussi, dans le Sud de la Tunisie, qui les a fournis.
Un peu partout donc, on a identifié des colluvions On peut confirmer la généralité du recours à ces
d'âge historique contenant des tessons de poterie deux types de pierre qui affleurent un peu partout, et
antique. Elles sont aujourd'hui figées par des sols inci- pratiquement à l'exclusion de toute autre, sur la côte
pients, et attaquées par la mer ou incisées par des du golfe de Gabès : les grès de la formation Rejiche
ravines. Deux types d'explication peuvent être utilisés surtout pour la taille de blocs, la croûte
proposés pour rendre compte de cette phase de calcaire villafranchienne uniquement employée pour
rhexistasie qui a modifié le modelé de la topographie. obtenir des moellons. A côté du classique mortier de
tuileau, on avait déjà signalé en d'autres régions Enfin la présence, en grand nombre à El Aouabed
(n° 70), de gros galets de roches allogènes lourdes
(notamment à Kerkouane) un mortier original à base
de coquilles marines. Une autre catégorie a été (roches volcaniques, granitiques, métamorphiques),
repérée : le mortier à granules calcaires. Ces granules inconnues en Tunisie, a retenu l'attention. On y voit
proviennent de la croûte calcaire villafranchienne. des matériaux qui ont servi de lest pour des bateaux
Lorsque celle-ci affleure sur la côte, les vagues ont et qui attestent une activité maritime à grande distance
tendance à concentrer les granules résistantes qu'elle pour ce site.
contient sur le haut de l'estran où il est possible de les
ramasser en grandes quantités. Ainsi les citernes d'El Ainsi, par l'intensité et la diversité des activités
Khefifia (n° 53) ont un revêtement interne de mortier dont témoignent les nombreux vestiges
de granules calcaires. Toujours à propos de matériaux archéologiques découverts sur ses rives, le golfe de Gabès
de construction, il faut noter le recours fréquent à un dément la réputation de rivage répulsif qui restait
mortier original à base de coquilles, surtout des Ceri- attaché dans l'antiquité à l'évocation de la Petite Syrte.
thium, mais aussi, entre autres, des Cardium et des Mais, soumis comme il l'est à l'action des agents de
Murex, mollusques qui abondent dans l'étage infralit- l'érosion marine, il s'agit bien d'un espace littoral
toral des côtes du Sud tunisien. La région d'El Kantara, évolutif, ce qui confère à l'évocation poétique en
l'antique Meninx à Jerba (n° 16), est des plus question un certain caractère de réalité, pour peu que
démonstratives du recyclage des débris de ce dernier l'on se place à l'échelle des temps historiques pour
coquillage utilisé d'abord à d'autres fins, pour appécier à sa juste mesure la forme « inachevée » de
l'industrie de la pourpre (fig. 20). cette limite « indécise » entre la terre et la mer.
Fig. 3. Côte à falaise dans les argiles gypseuses au nord de la presqu'île de Jorf (Henchir Chelakhi, site n°29).
f^"
Fig. 12. Vestiges de cuve dans un chenal de marée à Onga (site n°54).
Fig. 14. Vestiges sur le littoral à Meninx (El Kantara, site n°l6).
Fig. 17. Dzirat el Laboua d'îlot du milieu) dans l'archipel des Kneiss (n°50).
— 1a d
.
avec les divisions géographiques et historiques Malgré des caractères généraux communs qui sont
traditionnelles du pays. En effet, pour désigner cette ceux d'une façade maritime exposée aux vents d'Est
région côtière - une des plus vivantes et des plus et de Nord-Est, d'une côte basse à lagunes dont
accueillantes de l'Afrique antique comme de la l'arrière-pays proche, constitué surtout de matériaux
Tunisie d'aujourd'hui - on ne dispose pas meubles, est formé pour l'essentiel de plaines ou de
d'expressions géographiques aussi adéquates à la section collines molles et peu élevées, on pourra donc
concernée ni aussi cohérentes entre elles que néanmoins distinguer dans cet espace littoral trois sous-
pouvaient l'être, pour la section précédente, les noms sections la côte orientale du Cap Bon, le fond du
:
Ras Maamoura
sur sa façade est que la presqu'île du Cap Bon où se p. 22). Pour l'essentiel, il devait correspondre au Sahel
trouvaient les anciennes cités libres de Clipea actuel, ce qui explique peut-être la forme circulaire,
(Kelibia), de Curubis (Korba) et de Neapolis (Nabeul). donc convexe, déjà reconnue à la Byssatis par Polybe
Ces mêmes cités s'étaient distinguées très tôt par le (cf. Stéphane de Byzance, Ethn., s.v. « Buzantes »,
statut de colonies juliennes qui leur avait été conféré. p. 189)- Quant au Sahel historique, celui des auteurs
C'est là la marque d'une romanisation précoce liée arabes, il semble avoir désigné plutôt une région
sans doute à l'importance stratégique de la région qui s'étendant plus au Sud, en direction de Djebeniana et
n'avait pas échappée au pouvoir impérial. de Sfax (Mahfoudh 1998, p. 197-201).
Quant au nom même de Byzacène, il était dérivé Outre sa fertilité hors de pair qui est confirmée par
d'un terme plus ancien attesté par plusieurs historiens Pline - avec des rendements en grain exceptionnels
et géographes de l'antiquité sous les variantes de de cent pour un - c'est la présence de quelques-unes
Byssatis chez les auteurs grecs et de Byzacium chez des plus marquantes des cités libres de la province
les latins (Desanges 1963, p. 221-223). d'Afrique {hic oppida libéra Leptis, Hadrumetum,
La Byssatis est clairement définie par Polybe dans Ruspina, Thapsus), qui fait le signalement principal de
un texte déjà évoqué, à propos du premier traité entre la région. Héritières d'anciens comptoirs puniques,
Rome et Carthage (III, 23, 2), comme une région vitale voire même d'établissements fondés directement par
pour cette dernière par l'excellence de son sol et les Phéniciens originaires de Tyr, comme c'est le cas
qu'elle entendait pour cette raison protéger tout pour Hadrumète - et peut-être pour Leptis - d'après
particulièrement des entreprises romaines ; dans ce même Salluste (Jug., XIX, 1), ces villes côtières où s'étaient
texte, elle était distinguée implicitement de la région mêlés les apports de populations puniques et libyco-
des emporta qui lui faisait suite sur la côte à partir de berbères, avaient vécu plus ou moins dans l'orbite de
Thaenae et qui correspondait, comme nous l'avons Carthage tout en bénéficiant d'un statut qui
vu, à la Petite Syrte (Rebuffat 1996, p. 2624). comportait des franchises municipales. Il en sera de même à
Ce témoignage est à rapprocher et à compléter par l'époque romaine quand, s'étant ralliées au vainqueur
celui de Pline l'Ancien concernant le Byzacium (HN, en 146, elles se virent confirmer par Rome leur liberté
V, 24). En plus de la consultation des listes officielles et leur immunité attestée par la loi de 111. Hadrumète
des communautés territoriales de l'Afrique Mineure et et Thapsus perdirent pourtant Yimmunitas après 46,
de la référence aux Commentaires d'Agrippa, cet pour avoir pris le parti de Pompée contre César
auteur a pu avoir une expérience personnelle pour (Gascou 1972, p. 73). Elles n'en connurent pas moins
avoir exercé des fonctions administratives de sous l'Empire, par l'extension de l'oléiculture dans
procurateur dans la contrée au début du principat de Vespa- l'ensemble du Byzacium, une véritable envolée
sien (Syme 1979, p. 214-225 ; Desanges 1997, p. 55). économique.
Le Byzacium où habitaient les « Libyphéniciens » était, Au contraire des cités côtières libyphéniciennes,
selon Pline, un pays de 250 milles de tour, soit les régions intérieures appelées Buzakitis par
quelque 370 km ou 117 de diamètre si on lui Ptolémée (IV, 3, 6) et qui, auparavant, avaient
reconnaît une forme circulaire (Desanges 1980, p. 227). En dépendu directement de l'administration
fait, il apparaît, de même que le Sahel lui-même, carthaginoise, rentraient dans le champ de plein exercice de
comme une entité géographique à géométrie variable. la magistrature romaine ; elles furent à ce titre
D'abord assez restreinte puisque selon divers auteurs soumises à une centuriation de grande envergure qui
il se limitait stricto sensu à l'espace compris entre ne rejoint la côte que dans l'intervalle des territoires
Nabeul et Thapsus {Stadiasme, 112-113), il n'est pas des cités libres et immunes.
exclu qu'on ait pu l'étendre finalement jusqu'au-delà Pour en finir avec la présentation de ce secteur
du Rass Kaboudia, à Rass Botria (Acholla) et même côtier à travers les données de la géographie
jusqu'à l'ancienne limite de X Africa Vêtus, près de historique, on ne saurait manquer de faire une dernière
Thaenae où commençaient au temps de César les observation qui ne laissera pas de surprendre, pour
états royaux de Juba (B. Afr., 11, 1-2). Vers l'intérieur, peu que l'on place une carte actuelle de cette façade
on peut aussi y inclure la région d'El Jem (Thysdrus) orientale du Maghreb en regard de celle qui pourrait
qui appartient à la Basse Steppe (Desanges 1963, correspondre à la vision générale moyenne que
devaient en avoir les géographes et cartographes Mela (I, 7, 35) et Pline l'Ancien (HN, V, 23-26), en
anciens. Ceux-ci paraissent, en effet, avoir toujours revanche, ne voient d'Ouest en Est que trois golfes au
minimisé fortement l'inflexion sur un arc nord-sud de long des côtes de Y Africa : celui de Bizerte (Hippo
la côte entre le Cap Bon et le golfe de Gabès Diarrhytus) et celui d'Utique ou de Carthage pour
(Desanges 1997, p. 60), au point que ce que nous notre côte nord ; celui des Syrtes au-delà de Thaenae.
appelons « golfe d'Hammamet » pourrait avoir En revanche, entre le Promontoire de Mercure (le Cap
échappé complètement à leur perception du littoral Bon), où se trouvent Curubis et Neapolis, et le Byza-
africain. Déjà pour Thucidyde (VII, 50), le comptoir cium (en gros, le Sahel) où habitent les Libyphéni-
punique de Neapolis est considéré comme le port le ciens et où sont les villes libres de Leptis,
plus proche de la Sicile (en 413 av. J.-C), ce qui Hadrumetum, Ruspina et Thapsus, il n'est pas fait la
pourrait s'expliquer à la rigueur par une fondation plus moindre mention d'un autre golfe.
tardive d'Aspis (Kelibia), à l'époque d'Agathocle Mieux encore, si l'on fait à présent référence aux
(Anouallah 1994, p. 624), mais il aurait été surprenant coordonnées de Ptolémée qui se traduisent, dans la
qu'un site présentant de tels avantages eût été négligé « carte » du géographe alexandrin restituée par Mùller,
par les Phéniciens ou les Carthaginois (Camps 1989, par un tracé du littoral suivant une ligne droite
p. 977). Seul, le Périple du Pseudo-Scylax (éd. Mùller, approximativement ouest-est, c'est le décrochement
110) parle bien d'un golfe à partir de Thapsos (Leptis), de la côte vers le Sud à partir du Cap Bon jusqu'au
la Petite et Adrumète en allant vers Neapolis, mais par golfe de Gabès - et partant, la notion même d'une
une interpolation fautive, il décrit alors la Petite Syrte façade orientale de la côte africaine - qui semble avoir
« Karkinitis » (Desanges 1978, p. 101, 408). Pomponius été largement méconnue des Anciens (fig. 22). Une
lilyboeom
telle vision des côtes de V Africa allait pourtant à déchaussés par les vagues entre la Chebba et Mahdia
l'encontre de l'expérience quotidienne des (sites n° 88-89 ; 95-97) ; il l'est aussi au nord-est du
navigateurs qui avaient le soleil de midi dans leur dos en Cap Bon où le site de la ville punique de Kerkouane
remontant vers Carthage à partir des emporta de la a dû faire l'objet de mesures de protection
Syrte (Rebuffat 1996, p. 2624). Mais, les constructions particulières (n° 154). Néanmoins, les sections
théoriques des géographes de profession intermédiaires, notamment au fond du golfe d'Hammamet et
appartenaient sans doute à un tout autre univers mental il au sud du Cap Bon, sont relativement à l'abri de
:
n'est pas impossible que les poids cumulés d'un l'érosion et bien alimentées en sédiments par les
certain héritage cosmologique des Grecs de Cyrène et oueds locaux et la dérive littorale.
d'Alexandrie à quoi s'ajoutait celui des principaux En revanche, trois autres caractères essentiels de la
comptoirs phénico-puniques installés sur les routes morphologie côtière sont ici à souligner, qui
maritimes de Gadès, soient ici en cause dans la marquent par leur conjonction cette section de littoral,
conception d'un littoral africain obstinément tourné en la singularisant par rapport à la fois au golfe de
vers le Nord (Vycichl 1969, p. 31-33) ; cependant sur Gabès et à la côte nord de la Tunisie la première est
:
ce sujet fort complexe, il faudra se résigner à rester la nette prédominance des étendues de plages, tant
prudemment sur le plan des hypothèses. par rapport aux sections de côtes rocheuses à falaises
qu'à celles de côtes à marais maritimes ; la deuxième
Les conditions de la vie littorale et maritime sont est la présence néanmoins très fréquente, mais en
ici sensiblement différentes de celles du golfe de arrière de ces plages et de son cordon dunaire, d'un
Gabès et le contraste est saisissant dès que l'on paysage de lagunes ou de sebkhas littorales c'est le
:
dépasse vers le Nord la pointe du Rass Kaboudia cas en particulier du fond du golfe d'Hammamet à
{Caput Vada). A une côte basse relativement protégée partir d'Hergla et de la côte orientale du Cap Bon
par son orientation sud-ouest ainsi que par l'écran des (fig. 25 et 26) ; enfin, on remarque en troisième lieu,
Kerkennah et pour cette raison soumise à un certain la continuité sur de longues distances, plus ou moins
envasement qui se traduisait par la formation de en retrait de la mer, mais parfois en contact avec elle,
marais maritimes (avec la trilogie slikke, schorre et d'un ancien bourrelet dunaire grésifié qui présente la
sebkha), succède sans transition, au nord de la stratigraphie la plus complète du Tyrrhénien en
Chebba, une section nettement plus exposée aux Tunisie. Le Sahel de Mahdia, tout particulièrement, est
vagues à cause des vents de secteur est et nord-est. En le secteur où s'individualisent le mieux les trois
outre, les hauts-fonds qui amortissaient l'énergie de la formations (Douira, Rejiche et Chebba) que les spécialistes
houle y sont moins développés vers le large qu'ils rapportent à trois mouvements transgressifs distincts
pouvaient l'être autour de l'archipel des Kerkennah ; du dernier interglaciaire (Paskoff et Sanlaville 1983,
ils ne prennent quelque extension qu'entre les caps p. 61-111).
de Rass Dimass et de Monastir où les courbes bathy- Ces différents traits fondamentaux de la
métriques de 10 et 20 m s'éloignent du littoral pour géomorphologie littorale du secteur doivent être présents à
englober en un même ensemble les bancs des îles l'esprit pour mieux analyser les facteurs de
Kuriates : l'examen des images satellites révèle bien localisation et de conservation ainsi que les conditions de
l'existence de ces hauts-fonds prolongeant l'île d'ed mise au jour des vestiges archéologiques recensés
Dzira près de Thapsus en direction du Nord-Ouest en tout au long de cette façade maritime. Ainsi, pour des
indiquant une ancienne évolution potentielle vers une raisons purement contingentes qui tiennent à la fois à
jonction des Kuriates par un tombolo (Oueslati 1993, la nature même du substratum géologique de la côte
p. 81). et aux pratiques funéraires traditionnelles des
Il en résulte le constat, sur lequel nous Phéniciens, l'ancien cordon littoral de l'Euthyrrénien - ou
reviendrons, d'une assez forte érosion dans les sections « formation Rejiche » - dont le site éponyme se trouve
sableuses et même rocheuses les plus battues aux au Sud de Madhia a-t-il fixé les témoins les plus
deux extrémités de la zone considérée (fig. 23 et 24). anciens de l'histoire de la région : il s'agit des
Le phénomène est bien mis en évidence par des nécropoles puniques ou libyco-puniques aménagées en
témoins archéologiques spectaculairement très grand nombre dans ce calcaire oolithique à la fois
résistant et néanmoins facile à creuser. Beaucoup fig. 28), mais celles-ci étaient creusées dans un grès
d'entre elles avaient été reconnues depuis longtemps, calcaire du Pliocène supérieur qui affleure dans cette
notamment dans les environs d'El Alia au sud de section de côte à falaises du plateau faille de Monastir.
Salakta (Novak 1898), à Thapsus ainsi que sur la côte Du côté mer, d'autres vestiges submergés
orientale du Cap Bon, à Menzel Temime et Kelibia ; témoignent de ce double phénomène d'érosion par les
mais le riche répertoire de leurs tombes à patio ou vagues et de relèvement - ici plus modéré que dans
escaliers, dromos et chambres sépulcrales, a fait le golfe de Gabès - du niveau de la mer. Il s'agit, en
l'objet depuis d'études typologiques récentes (Ben l'occurrence, des témoins nombreux d'anciennes
Younès 1981, 1995 ; Fantar 1995). Ces ensembles de installations portuaires tournées vers le large ou
nécropoles constituent actuellement notre principale situées à l'origine en front de mer et à ce titre
source d'information pour l'époque préromaine sur exposées en première ligne aux processus en question.
les populations « libyphéniciennes » du littoral : elles Bien que le front de mer ne soit pas soumis à des
nous renseignent d'abord sur leurs pratiques tempêtes aussi sévères que celui de la côte nord, les
funéraires ; en outre, elles ont livré un riche mobilier sites vraiment abrités sont rares sur cette côte basse
où se mêlent les productions autochtones et les bordée de plages et les conditions d'accostage n'y
importations de l'Orient, de Grèce ou d'Italie, révélant sont pas toujours excellentes. Aussi la plupart des
un environnement socio-économique précocement ports connus du Byzacium sont-ils des créations
ouvert aux échanges méditerranéens.
artificielles : il s'agit le plus souvent de ports installés
Dans le Sahel de Mahdia, ces grès dunaires à l'abri de jetées construites plus ou moins
constituent un chapelet de monticules parallèles à la côte, perpendiculairement à la côte et ancrées, si possible, à celle-ci
qui culminent par endroits à plus de 25 m de hauteur à la faveur d'affleurements rocheux, comme c'est le
et peuvent s'étaler sur 500 m de largeur. De loin en cas à Thapsus et à Salakta (site n° 94). A Lamta (Lepti-
loin, des drains transversaux y ont été creusés, par n°
exemple près d'El Alia (site n° 90, fig. 175) ou au sud minus, 110), des structures submergées
importantes de ce type ont fait l'objet de relevés plus précis
de Rejiche, près de Mnaka, pour permettre
(Ben Lazreg et al. 1992, p. 163-172). Ces structures
l'assainissement des sebkhas marécageuses de l'intérieur. De
étaient réalisées avec des parements maçonnés sur les
grandes carrières actuelles exploitent intensivement
côtés et un remplissage en blocage au centre. Elles
cette formation Rejiche au risque de menacer parfois
les sites archéologiques ; elles ont succédé bien pouvaient, suivant les cas, ou bien remplir la fonction
souvent à des carrières antiques qui avaient fourni un de brise-lames en eau profonde, contre le vent et les
excellent matériau de construction à toutes les cités vagues, ou bien dans les zones de hauts-fonds comme
du littoral et même à celles de l'intérieur, comme à Lamta ou Acholla, servir d'appontement pour
l'illustre l'exemple bien connu de l'amphithéâtre d'El l'accostage des navires en ménageant des
Jem dont les blocs de grand appareil provenaient de profondeurs suffisantes à leur partie terminale : celle-ci,
sites reconnus dans les environs de Rejiche. Il en est arquée en forme de L est bien visible sur les clichés
de même pour les citernes de Rougga dont les aériens à Rass Botria (Acholla) ; un dispositif
matériaux ont pu être acheminés par des voies charretières semblable, flanqué de sortes de bassins ou de
tracées dans l'axe de la centuriation du Byzacium à « chenaux », a été reconnu à Lamta où des traces de
partir des carrières d'El Alia, au sud de Salakta. L'une poteaux servant à l'amarrage ont été relevées.
d'elles, visible en bord de mer à Mzaouak (site n° 91, D'autres vestiges de jetées ont été signalés à Kelibia et
fig. 27), offre la particularité d'être partiellement à Nabeul. A Thapsus, un très grand môle d'époque
inondée par la mer, ce qui illustre spectaculairement romaine était encore en partie visible avant la
un double phénomène de relèvement du niveau construction récente du port de pêche (fig. 29) ; il s'étirait
marin et de sapement à la base par l'érosion marine en arc de cercle, atteignant entre 65 et 81 m de large ;
du rempart qui, à l'époque de son exploitation, sa longueur totale était d'environ 1 080 m, dont 936 m
séparait de la mer le plancher de cette carrière. On sous l'eau, entre 4 et 6 m de profondeur (Lézine 1961,
remarque également des emplacements de carrières p. 143-149 ; Younes 1999, p. 190). En revanche, il est
antiques submergées dans l'île d'el Ghadamsi (n° 116, vraisemblable que la rade de Ruspina (Monastir), bien
protégée par ses îlots, n'eut pas besoin de grands A ces vestiges, encore visibles en partie, des
aménagements. installations portuaires de la côte, il faudrait ajouter ce que
(n° nous suggère la schématisation, sur les mosaïques de
Dans le cas très différent de Mahdia 102,
fig. 30), on a affaire à un grand bassin creusé dans les la place des Corporations d'Ostie, des phares de
grès pliocenes et l'importance de l'encoche de Sullecthum (fig. 31) et de Missua (sur la côte ouest du
corrosion des assises à l'entrée du port a permis de Cap Bon) ; à Lamta, en revanche, c'est la mémoire
confirmer qu'il s'agissait bien d'un aménagement collective des pêcheurs locaux qui garde encore dans
datant de l'époque punique (du type cothori) et la toponymie des hauts-fonds le souvenir de la jetée
réutilisé plus tard par les Fatimides (Oueslati 1993, p. 166). antique, de bassins et d'un phare (nadour) anciens à
présent recouverts par les eaux (Oueslati et al. 1987,
En revanche, avec Hadrumète, on est en présence
p. 75). Des installations de terre ferme - citernes et
d'un agencement portuaire complexe et longtemps
entrepôts (horrea) - complétaient ces aménagements
controversé depuis les restitutions fantaisistes de
portuaires voués au commerce maritime. A Hergla
Daux ; de ce port n'ont été finalement reconnus, au
(site n° 122, fig. 32), les vestiges de magasins répartis
nord de la vieille ville et du port actuel, que les deux autour d'une cour centrale à la manière des fondouk
môles, l'un au nord où se trouve la Quarantaine, des cités musulmanes et dont quelques autres
l'autre au sud, ainsi que les tronçons d'un brise-lames exemples sont connus ailleurs dans le monde romain
intermédiaire muni d'évents pour amortir la force des (Rickman 1971, p. 318-322), ont été relevés près du
vagues, enfin « un très beau quai avec des anneaux de rivage par G. Hallier dans le cadre du présent
fer » le long de l'avenue qui mène à la Quarantaine. programme (fig. 114 a). Ils correspondaient très
Les fondations d'une tour qui défendait l'accès du port vraisemblablement aux Horrea Caelia qui avaient donné
ont aussi été révélées en cet endoit lors de la leur nom à la ville antique, tandis que les structures
destruction d'une batterie côtière (Foucher 1964, p. 80-85). voûtées visibles plus au Nord sur le rivage (n° 123) et
En revanche, le « port primitif » de Daux ne serait en identifiées à tort, au siècle dernier, avec les horrea en
réalité que le port aghlabide et il n'y aurait pas trace question, ne représentent en réalité que des batteries
du prétendu « cothon » creusé à l'intérieur des terres. de citernes ayant peut-être appartenu à une usine de
En fait, il est ici très difficile de faire la part entre les salaison en cours de démantellement par l'érosion
aménagements puniques et romains : ce port était marine (fig. 33). A cet exemple classique, on peut à
déjà assez vaste quand Varus, au cours de la présent ajouter un autre site d'entrepôt littoral dégagé
campagne de César, s'y réfugia avec toute sa flotte, récemment par T. Ghalia (1996-1998), à Demna près
soit 55 navires {Bell. Afr., LXII). Il présentait de Kelibia (n° 151, fig. 34) dans les dunes de la côte
cependant l'inconvénient de n'être pas assez protégé contre orientale du Cap Bon. La partie la mieux conservée est
la houle du Nord-Est. Aussi s'ensablait-il rapidement formée d'une série de galeries voûtées réparties
quand les travaux d'entretien n'étaient pas poursuivis symétriquement de part et d'autre d'une galerie centrale et
régulièrement. C'est un tel état d'abandon qu'aurait s'inscrivant dans un dispositif plus vaste de bâtiments
constaté à la fin du IVe ou au début du Ve ap. J.-C, le perpendiculaires.
Stadiasme de la Grande Mer (Geogr. graec. min., éd. Ainsi donc, l'importance de la vie littorale et
Mùller, p. 470). Même si ce témoignage doit être pris maritime avait été depuis les temps puniques un des traits
avec quelques réserves, l'idée d'une certaine précarité majeurs de cette façade côtière tournée vers la
des ports de Byzacène à basse époque semble Méditerranée orientale et donc la première au Maghreb à
confirmée par un épisode de la reconquête byzantine être accessible pour des navigateurs venus de
en Afrique : d'après Procope, la flotte d'Archélaos et Phénicie et se dirigeant vers le détroit de Sicile. Au
de Bélisaire, poussée par l'Eurus, aborde une côte demeurant, cette vocation maritime ne s'est pas
« dépourvue de facilités portuaires » entre Carthage et démentie, mais au contraire progressivement
Iunci {Bell. Vand., I, 15, 3). Bélisaire décide alors de renforcée, après la conquête romaine, quand les
débarquer à Caput Vada où une cité florissante sera courants commerciaux ont été en partie détournés par
fondée par la suite (DeAed., 6, 6, 8-16 ; Pringle 1981, les négociants italiens ou locaux en direction de
p. 192). l'Italie ou des provinces de la Méditerranée occiden-
tale comme la Gaule. Par la suite, ces flux au début du me s. les notables issus du monde des
:
commerciaux se sont affirmés sous le Haut-Empire, en grands propriétaires terriens, des armateurs ou des
l'occurence pour le ravitaillement de Rome par les négociants continuent alors à doter leur cité de
naviculaires et les services de l'annone entre autres monuments somptueux, mais aussi à construire pour leur
:
activités, les ports du Byzacium devaient assurer dans usage personnel, très souvent en bordure du rivage
les meilleures conditions possibles l'acheminement ou à peu de distance en retrait, sur l'ancien cordon
du tribut frumentaire drainé dans les campagnes de dunaire, de luxueuses résidences décorées de
l'arrière-pays, d'où l'aménagement des ports qu'il fresques et de mosaïques. Parmi ces dernières, on ne peut
fallait doter des équipements nécessaires ; l'empereur manquer de citer les fragments conservés au Musée
lui-même s'y intéressant par l'intermédiaire de ses du Bardo de la mosaïque d'El Alia qui représentait, à
procurateurs à la tête des services financiers et l'arrière plan de scènes de pêche, les palais et jardins
administratifs présents sur place, les armateurs ou d'un grand domaine à la fois maritime (ou lacustre) et
naviculaires africains surent en tirer profit en ayant, de leur rural (Charles-Picard 1990, p. 6). Certains vestiges de
côté, leurs agences ou bureaux à Ostie. ces constructions de prestige - des thermes, nous
Bien que l'origine de cette richesse soit à avons pu le constater souvent - avaient été signalés
rechercher dans la mise en valeur agricole de l'arrière-pays, avant nous sur le rivage même où ils avaient mieux
principalement dans l'essor de l'oléiculture, ses effets résisté à l'érosion marine ; on retiendra par exemple
se sont fait sentir surtout dans les ports ou dans cet édifice à mosaïques reconnu à 1700 m au sud de
quelques cités-marchés qui, comme Thysdrus, étaient bien la pointe de Rass Salakta. Sur l'une d'elles
placées au carrefour de plusieurs voies, pour représentant un navire on pouvait lire les noms d'armateurs de
rassembler les denrées et les diriger vers les différents ports Sullecthum, dont ce Leontius qui avait placé sa firme
de la région (Slim I960, p. 55). D'après la Table de et ses voiliers sous le signe du lion ; une magnifique
Peutinger pas moins de quatre routes reliaient ce représentation du félin décorait une salle thermale
centre aux ports d'Hadrumète, Leptiminus, octogonale (Morel-Deledalle 1980, p. 81-86) ; à
Sullecthum et Usilla (par Bararus). Le tonnage relativement Themetra, au nord de Sousse, des navires et des
faible des navires et la lenteur des charrois justifient le installations portuaires - avec un phare ou plutôt un
grand nombre de ports échelonnés sur la côte ; mais sémaphore - étaient figurés avec un réalisme riche
il y a aussi une certaine hiérarchie entre ces ports d'enseignement pour les spécialistes de l'architecture
:
Hadrumetum et, dans une moindre mesure, navale et portuaire. A ces mosaïques découvertes sur
Leptiminus semblent avoir bénéficié d'une sorte de les lieux mêmes font écho celles des stationes de la
prééminence régionale, illustrée par leur élévation, sous le Place des Corporations d'Ostie, dont trois, parmi
règne de Trajan, au rang de colonie honoraire celles qui sont identifiables, concernent des ports de
(Gascou 1972, p. 67 ; Beschaouch 1990, p. 107) et la région et leurs naviculaires Curubis, Gummi et
:
confirmée surtout par leur rang de chef-lieu de Sullecthum (Becatti 1953, IV, pi. CLXXIX, CLXXXV,
circonscription pour la gestion des domaines CXC ; Romanelli I960, p. 66).
impériaux. Chacune de ces régions domaniales devait Comme permettaient déjà de le pressentir nombre
posséder son infrastructure routière, comme le de témoignages épigraphiques et archéologiques
montre, par une inscription d'Haïdra du IIe ou IIIe s., concernant l'activité édilitaire dans ces centres
l'exemple de la Via Hadrumetina drainant un urbains, témoignages souvent confirmés par l'analyse
hinterland étendu jusqu'à la Haute-Steppe (XAmmaedara stylistique des mosaïques tardives découvertes en ces
(Salama 1964, p. 81-85). D'autres artères, parallèles à lieux, ces éléments de richesse fondés sur l'agriculture
la côte en direction d'Horrea Caelia et de Gurza, d'exportation et le grand commerce maritime se sont
plaçaient Hadrumète au centre d'un réseau routier en maintenus avec une particulière vigueur jusqu'à basse
liaison avec le Cap Bon et Carthage. époque. Le trafic portait sur le blé, surtout l'huile et le
Les découvertes archéologiques effectuées depuis vin, mais aussi des produits de l'artisanat africain
une quarantaine d'années ont confirmé que la région comme la poterie, enfin, comme nous le verrons,
côtière de la Byzacène dans son ensemble avait été ceux de l'industrie halieutique, les salsamenta. Il ne
particulièrement florissante dans le courant du IIe et faudrait donc pas s'exagérer l'état de déchéance des
ports évoqué plus haut. C'est ce qu'autorise à rectifier, toriés comme centres de traitement du poisson pour
avec une certaine assurance, l'étude de la vaisselle et la production des salsamenta.
des amphores de Byzacène dont on savait déjà La pêche, en l'occurrence, a toujours été une des
qu'elles avaient été largement diffusées en grandes activités de la façade orientale de la Tunisie,
Méditerranée (Zevi et Tchernia 1969, p. 173-214). Les mais avec sur cette section des caractères
marques sur amphores recueillies à Ostie ou en sensiblement différents de ceux observables dans les zones de
d'autres lieux désignent sans ambiguïté les principaux hauts-fonds du golfe de Gabès. Ici, les pêcheries fixes
centres d'expédition de ces marchandises : ASVL étaient assez rares, se limitant à celles que des Sahé-
(Sullecthum), LEPMI (Leptiminus) , HADR (Hadru- liens de Teboulba, de Saïada et de Lamta ont eu
metum). autrefois sur les bancs des Kuriates (Despois 1955, p. 456).
Quant au mobilier recueilli sur les sites mêmes au Sur les côtes du Sahel et du Cap Bon, au large de
cours de cette prospection géoarchéologique (cf. Nabeul où elles se produisent au printemps et au
l'analyse de M. Bonifay et al. dans L'étude du mobilier, début de l'été (de mai à juillet), ce sont, en revanche,
Ant. Afr., 38-39, 2002-2003), c'est dans ce secteur côtier les migrations saisonnières des espèces pélagiques de
que s'expriment le mieux deux des tendances « poissons bleus »> (thons, sardines ou allaches) qui
dominantes observées sur l'ensemble du littoral tunisien : la étaient mises à profit naguère encore - avant le
tendance à une occupation très longue des sites, développement de la grande pêche hauturière au chalut -
depuis l'époque punique jusqu'à l'époque byzantine, dans les thonaires de Sousse, de Monastir ou des îles
principalement dans les sites urbains (Leptiminus, Kuriates. Ce sont ces mêmes poissons qui, selon les
Sullecthum, Mahdia) ; une tendance à une occupation analyses récentes de M. Sternberg (2000, p. 147),
tardive (à l'époque vandale ou byzantine) plus étaient traités dans l'usine de Nabeul. Ce type de
marquée ou exclusive dans certaines sections pêche était, nous l'avons vu, pratiqué dans l'antiquité,
particulières du littoral comme le fond du golfe d'Hammamet au dire de Strabon (XVII, 3) à la pointe d'A mon Bali-
ou les lagunes de la région de Korba, où la vie aurait thon (comme naguère encore au Rass Kaboudia) et
pu se retrancher dans les temps difficiles, comme peut-être aux îles de Monastir, si l'on se réfère à une
ailleurs, dans des zones littorales homologues en notation du Stadiasme (112, cf. infra, conclusions, 2,
Méditerranée. Après la reconquête byzantine, puis à II). La configuration du littoral s'y prêtait à l'évidence
l'époque arabe, dans Vlfriqiya aghlabide et fatimo- en offrant pour y déployer des madragues ou autres
ziride, un nouvel essor maritime est attesté par la madhraba, une succession propice de promontoires
création de ports nouveaux ou la remise en fonction de rocheux entre la Chebba et Monastir, avec au large, à
certains ports à l'abandon sur la côte sahélienne l'extrémité de leurs bancs riches en herbiers, les îles
(Hadrumète = Justinianopolis, Mahdia). Kuriates qui devaient leur nom (taricheiae) aux
salaisons qui s'y trouvaient dans l'antiquité. Au Moyen
Une dernière série de vestiges, plus spécifique Age, les principales pêcheries du Sahel étaient encore
mais placée au centre de la problématique de nos en ces mêmes lieux et il y a une corrélation étroite
recherches sur les côtes de Y Africa, est celle qui entre les qasr-ribàt et les activités halieutiques de la
concerne les témoins archéologiques d'activités région, car selon les documents arabes, les revenus
directement dérivées des ressources de la mer et du des droits de pêche bénéficiaient en partie aux mura-
littoral : il s'agit des viviers à poissons (sites n° 113, bitun (Djelloul 1995a, p. 51, 57). Plusieurs sites
137) et surtout des usines de salaison, dont les seuls comme Kelibia, Nabeul, Monastir, el-Ghadamsi (où
exemples déjà reconnus en Tunisie l'avaient été sur un ribàt a été reconnu et fouillé récemment), Djamma
cette section de côte : à Salakta, Nabeul et Kelibia (Mahdia), Lamta et Qabbudiya, sont sur ce point
(Foucher 1970, p. 18 ; Darmon 1967-68, p. 275). Une révélateurs d'une telle corrélation car des vestiges
douzaine de sites nouveaux, remarquables par la d'installations antiques liées à la pêche y ont été découverts
présence de vestiges de cuves ou de citernes qui s'y souvent dans le voisinage immédiat ou non loin de
trouvent, parfois groupées en ensembles de première qasr-ribàt, dont les tours ou manar ont pu jouer en
(n°
grandeur, comme à Hergla 123), Maamoura leur temps - de même que les nombreux nadour
(n° 137), Es Seguia ou Demna (n° 152), ont été aghlabides échelonnés sur ces côtes - le rôle de ces
guettes à thons dont parlait déjà Strabon (Trousset l'antiquité déjà, la concentration en sel qui en résultait
1991, p. 347-349). pour le conditionnement et la conservation des
Tout ceci n'exclut pas la pratique, à toute époque, produits de la pêche ; à l'époque contemporaine les
d'une autre forme de pêche plus diffuse, celle des plus productives de ces salines se trouvent à Khniss
espèces sédentaires de « poissons blancs » de haute près de Monastir et dans la région de Mahdia (Sebkhet
qualité marchande, pratiquée sur la plate-forme ben Rayada et Dimass).
littorale à la faveur d'un faciès sous-marin favorable, dans Les plus grandes d'entre ces lagunes, dans la
le Cap Bon et à Mahdia par exemple, où les poissons région de Monastir (Khniss), de Korba et surtout celle
sont, dit-on, les meilleurs de Tunisie. Au total, le Sahel d'Hergla (Halk el Mujjen ou Mungil, en rapport,
à lui seul produit de nos jours le tiers des poissons a-ton pu dire, avec le nom d'un poisson qui pouvait
péchés en Tunisie (Sethom et Kassab 1981, p. 304). entrer dans la sebkhà), ont fait l'objet, dans un passé
Partout le long du littoral, sur les plages sahéliennes plus ou moins récent, d'expériences d'une pêche
plus particulièrement, des pêcheurs locaux, parfois lagunaire traditionnelle - avec des nasses, bordigues
occasionnels, reproduisent encore aujourd'hui sous ou filets - fondée sur les migrations de poissons
nos yeux des gestes et des pratiques traditionnels de (mulets et anguilles) suscitées par les échanges entre
pêche côtière, à terre ou en barques, à la ligne ou à les eaux de la mer et des lagunes (Romdhane 1998,
l'épervier, à la nasse ou à la gargoulette (karour pour p. 62-63). H n'est pas jusqu'au lac de Kelbia, situé
les poulpes), avec des sennes de plage (hlig et kiss) pourtant à une certaine distance de la mer, qui n'ait
ou des sennes encerclantes (Romdhane 1998, p. 74- connu, à la faveur de crues exceptionnelles comme en
75) ; ce sont autant de répliques contemporaines de 1931, des pêches miraculeuses : de nombreux
techniques ancestrales dont les mosaïques du Musée poissons de mer - des mulets surtout - ayant remonté
de Sousse, par exemple, nous donnent pour dans le lac par son exutoire, l'oued Menfess, il
l'antiquité une illustration des plus vivantes (Blanchard- s'ensuivit une véritable ruée de pêcheurs du Sahel
Lemée et al. 1995, p. 122). amenant avec eux barques et filets, d'où des conflits
A ceci s'ajoute la composante lagunaire, que nous avec les riverains qui n'avaient pour pêcher que des
avons déjà signalée, du littoral en question et qui a pu moyens de fortune (Despois 1955, p. 87-88).
donner lieu, dans l'antiquité et au Moyen Age, à des Des témoins archéologiques sporadiques mais
pratiques de pêche particulières, aujourd'hui révélateurs - outre les témoins nombreux datant du
disparues ou peu répandues dans la région même. Ces Néolithique comme autour de la Sebkhet Halk el
lagunes ou sebkhas littorales s'échelonnent tout au Mujjen - tendent à prouver que beaucoup de lagunes
long de la côte depuis le nord-est du Cap Bon jusqu'à littorales, y compris celles de la région de Mahdia, ont
la région de Mahdia. Ce sont des milieux pu être le théâtre d'une activité halieutique dans
particulièrement fragiles, sensibles à la fois aux variations du l'antiquité et ce, semble-t-il, jusqu'à sa période la plus
niveau marin et aux déplacements de ligne de rivage tardive (du IVe au viie s.) à la faveur d'une phase
qu'elles permettent au demeurant d'enregistrer par la climatique relativement plus humide qui aurait permis de
morphologie du cordon dunaire qui les sépare de la maintenir en eau toute l'année ces sebkhas littorales.
mer. Elles sont également très sensibles aux On serait passé depuis l'antiquité d'un système
oscillations climatiques mêmes légères ayant pu survenir lagunaire à un système laguno-endoréique, et ce
depuis ou pendant l'antiquité. En fonction même des phénomène s'est marqué par l'extension des sebkhas de la
saisons, elles se présentent comme des lagunes région d'Hergla dans des zones autrefois cultivées
caractéristiques ou comme des sebkhas, d'où un problème dans l'antiquité comme le montrent les traces de
de définition les concernant (Oueslati 1993, p. 289). centuriations sur les clichés aériens de la sebkha Jeriba
La plupart, en effet, n'ont de communication avec la (Mrabet et al. 1999, p. 86). Un bon exemple d'une
mer et ne sont envahies par ses eaux qu'au cours de activité mixte ancienne, agro-halieutique, est
la saison pluvieuse et lors des tempêtes ; en été, en représenté par certains sites visités sur les rives de ces
revanche, elles s'assèchent et sont le siège d'une lagunes au fond du golfe d'Hammamet, qui
déflation éolienne parfois notable. Des salines présentent, dans un environnement aujourd'hui peu attractif,
d'extraction facile ont mis à profit, sans doute dans des vestiges d'agglomérations de quelque importance
(sites n° 124 à 130) et même d'installations de rocheux et l'une d'elles était reliée à la mer par un
traitement du poisson qui ne peuvent guère s'expliquer canal. Ces viviers constituent d'excellents marqueurs
que par la présence de pêcheries (n° 127 bis sur la archéologiques pour mesurer avec précision le
Sebkha Sidi Khalifa). Un autre exemple, plus relèvement du niveau marin depuis l'antiquité - ici d'origine
convaincant, est celui d'une série de sites échelonnés le long eustatique - de l'ordre d'une trentaine de centimètres
du cordon littoral à l'est du Cap Bon, entre Maamoura - et c'est à ce titre qu'ils avaient déjà attiré l'attention
et Kelibia. Des lagunes effilées et disposées des géomorphologues (Pirazzoli 1979-80, p. 191-202).
parallèlement au rivage reproduisent d'est en ouest un A Salakta (n° 94, fig. 37), on peut voir une structure
dispositif identique une plage et son bourrelet dunaire ; la bâtie submergée formée de deux murs parallèles en
:
lagune alimentée en eau de loin en loin par des retour d'équerre, qui s'apparente fortement à un type
passes ouvertes sur la mer ; vers l'intérieur, le de viviers bien connu sur les côtes italiennes ; d'autres
bourrelet tyrrhénien grésifié éventré par des carrières viviers, aujourd'hui disparus, ont été signalés naguère
(Bourgou 1991, p. 18). Un double processus à Kelibia, ainsi que des vestiges de cuves, à
morphologique est en cours dans ce dispositif une érosion l'emplacement du port de pêche actuel (n° 150). Dans l'état
:
du cordon et sa migration vers l'intérieur au dépens présent de nos recherches, il n'est pas possible
de la lagune faisant apparaître, en front de mer, des d'interpréter ces viviers à poissons comme des
ruines romaines installées sur un cordon plus ancien piscinae, vouées surtout à l'agrément et au prestige de
et même parfois l'ancien fond de la lagune ; un luxueuses villae maritimae, comme il en existe de
mouvement de colmatage de celle-ci qui explique nombreux exemples sur les côtes de Campanie.
qu'en dépit d'un niveau marin légèrement plus bas Certes, un site comme celui de Sidi Mehersi, au sud de
qu'aujourd'hui, le paysage lagunaire existait bien au Nabeul (n° 134, fig. 118 et 119), où l'on peut voir
moment de l'occupation romaine (Oueslati 1993,
aujourd'hui en bordure de mer, une sorte de grotte
p. 301). Le fait archéologique le plus remarquable ici
artificielle décorée de mosaïques relève bien de
est, au demeurant, la présence significative qui n'avait
l'univers de la villégiature aristocratique des villae
jamais été soulignée jusqu'alors, d'anciennes
maritimae (Darmon 1983, p. 103). Il en est de même,
chaussées romaines qui traversaient les lagunes à l'aplomb
sans doute, pour les nombreux vestiges de thermes
des principaux vestiges d'établissements recensés sur
recensés sur ces côtes et mieux préservés de l'érosion
le cordon littoral (sites n 138, 139, 142, 145, 149). On
peut interpréter ceux-ci comme des centres de marine que les ensembles résidentiels auxquels ils
pêcheries utilisant les lagunes comme viviers naturels et appartenaient, grâce à la résistance de leurs bétons
reliés à la terre ferme par ces chaussées qui étaient étanches. Mais dans les autres cas de viviers que nous
munies parfois de buses pour permettre la circulation venons de citer, il semblerait plutôt qu'on soit en
de l'eau dans ces étangs (fig. 35). Toutes ces présence d'installations à vocation réellement
installations littorales, où l'on remarque la présence de cuves, productive et marchande d'après le contexte industriel où ils
sont sans doute à replacer dans le cadre d'une se situent à Maamoura, les bassins creusés dans le
:
économie domaniale fondée sur une forme rocher font partie intégrante d'un centre de traitement
d'aquaculture extensive (cf. infra, conclusions II, 2). des produits de la pêche à en juger par les vestiges de
A la différence de ces viviers naturels situés à cuves et de canalisations qui s'y reconnaissent à
l'intérieur des terres, existaient sur les côtes même du proximité. A Salakta, ce que nous interprétons comme
Sahel et du Cap Bon plusieurs exemples, déjà connus, un vivier ainsi que d'autres ruines visibles en bord de
de viviers artificiels creusés dans le platier rocheux en mer où elles ont été dégagées par l'érosion marine, se
avant de la ligne actuelle de rivage et inondés en trouvent dans le prolongement immédiat, de l'autre
permanence sous plusieurs dizaines de centimètres côté de la route, d'une des premières usines de
d'eau marine. De tels viviers sont visibles sur le site de salaison dégagées en Tunisie et reconnues comme
Sidi Mansour à Monastir (n° 113, fig. 36) où sept telle dès 1963 (Foucher 1970, p. 8). Il est raisonnable
bassins étaient creusés dans les grès pliocenes ; à de penser que ces viviers isolés n'étaient que des
Maamoura, près de Béni Khiar au nord de Nabeul réserves pour alimenter en produits frais l'atelier de
(n° 137), deux cuves étaient taillées dans l'estran salaison « selon un schéma très proche des aménage-
ments complémentaires de la pisciculture extensive » ment, dès 1965, en bordure de mer où les installations
(Lafon 1998, p. 582). industrielles et les habitations se sont à la fois
En fait, la coupure entre les résidences de luxe et succédées dans le temps et juxtaposées dans l'espace
des industries halieutiques sources de nuisances (fig. 40). Elle est actuellement l'objet, en même temps
olfactives n'est peut-être qu'une exigence que d'un programme de mise en valeur du site par
rétrospective de nos sensibilités modernes. L'exemple de Troia l'INP de Tunis, d'opérations de dégagements et de
au Portugal (Etienne 1994, p. 162) où les thermes fouilles complémentaires ainsi que d'analyses
privés de la domus du propriétaire sont imbriqués nouvelles sur la nature des produits traités dans les
dans le complexe industriel aide à comprendre, peut- cuves et sur le matériel de transport. Les résultats de
être, ce que l'on peut voir à Salakta, où plusieurs cette étude particulière portant sur le site des salaisons
batteries de cuves de dimensions diverses de Nabeul sont actuellement en cours de publication
caractéristiques des industries de salaison entourent une grande (L. Slim étal. 1999, p. 164-168).
citerne voûtée. L'ensemble est accolé aux restes d'un D'ores et déjà on peut penser que cette usine, à la
établissement thermal luxueux comportant un petit fois par l'importance de son extension et par son plan
nymphée ou « grotte » (fig. 38). Il importe de - avec une rampe d'accès à la mer et une cour
souligner que c'est en partie sur ce site qu'avaient été centrale autour de laquelle sont disposées les cuves
recueillies des marques d'amphores de (Sul)lecthum de traitement du poisson -, est très représentative des
déjà connues à Ostie, ce qui prouve bien, à titre grandes officines africaines. Elle s'inscrit en bonne
d'exemple, que les salsamenta de cette usine position dans la série des installations de ce type déjà
rentraient bien dans un courant d'exportations connues dans la péninsule ibérique et sur la côte
africaines que l'on avait tendance à ramener, d'après les marocaine. De plus, ce site semble être un gisement
types d'amphores concernées, à d'autres denrées de première importance pour l'étude de la céramique
telles que l'huile et le vin. africaine de l'antiquité, susceptible de fournir une
A Kelibia, cette coupure entre la fonction échelle chronologique propre au Cap Bon et au golfe
industrielle et la fonction résidentielle apparaît d'ordre d'Hammamet.
chronologique. Parmi les belles demeures d'époque Enfin, il n'est pas jusqu'à l'étude
romaine qui ont été reconnues, l'une d'elles a été géomorphologique du littoral qui ne puisse tirer profit des analyses
dégagée au pied de la colline qui aurait donné ses stratigraphiques approfondies effectuées sur le site en
noms successifs au site (MGN, Aspis, Clupea question. Celui-ci n'est séparé que par une trentaine
= bouclier) et où une forteresse dominait déjà la ville de mètres de la plage actuelle à laquelle se raccorde
à l'époque punique. Elle se signale par un décor de le profil de la rampe d'accès à l'usine. Les premiers
mosaïques sur le thème de la chasse. Cet édifice a habitats puniques qui ont précédé l'usine d'époque
succédé à une fabrique de salaison dont les bassins romaine (laquelle est en fonction du Ier au 111e s.
ont été reconnus au-dessous des sols mosaïques du ap. J.-C.) s'étaient implantés sur une dune végétalisée
péristyle (fig. 39). Une étude stratigraphique récente a du même type que celles actuellement visibles au sud-
permis de préciser les rapports chronologiques entre est du site. On se trouve de la sorte, à Nabeul, dans
les deux affectations du site en attestant l'antériorité un cas de figure exemplaire et au total assez rare sur
de l'usine (2e moitié du IIe s. - lre moitié du me) par les côtes tunisiennes, celui d'une stabilité assez
rapport à la maison (ve-vie s.) (Ennaïfer 1999, p. 234). grande de la ligne de rivage dans l'antiquité, alors que
A Nabeul, nous sommes également en présence les deux extrémités de la façade orientale de la
d'un site ayant connu, à l'instar de la ville même de Tunisie, au Sahel et au Cap Bon, sont aujourd'hui le
Neapolis, une longue durée d'occupation, ce qui théâtre d'une érosion marine très active et d'un retrait
permet de replacer l'activité industrielle dans une sensible de la ligne de côte souligné par la présence
large perspective historique. Une importante usine de de nombreux témoins archéologiques mis au jour sur
salaison et de garum y avait été dégagée l'estran.
Fig. 23» Citerne antique détruite par l'érosion marine à Maqluba (site n°89).
Fig. 24. Le Rass ed Derek à l'extrémité nord-est du Cap Bon, vue du site d'Oued er Rega (n°157).
Fig. 25. Plage et cordon dunaire entre mer et sebkha, au nord de Madhia.
Fig. 27. Carrière ancienne de Mzaouak dans la formation Rejiche (site n°91).
Fig. 28. Emplacement d'une carrière ancienne dans l'île d'el Ghadamsi à Monastir (site n°ll6).
Fig. 29. Grand môle romain de Thapsus (Rass Dimas) en 1979 (site n°105).
Fig. 33. Batterie de citernes sur l'estran au nord d'Hergla (site n°123).
Fig. 34. Les horrea de Demna (Oued el Kseub, site n°151 bis).
Cette troisième et dernière division du littoral côte, une porte d'entrée des plus grandioses - la
constitue la façade maritime septentrionale de la meilleure possible au débouché de la vallée de la
Tunisie. Située à l'extrémité nord-est de l'Afrique Mejerda - en direction des bassins intérieurs du Tell, en
Mineure - la Djeziret el Maghreb des Arabes - elle en particulier vers les « Grandes Plaines », régions céréa-
dessine la partie saillante qui, en face de la Sardaigne lières les plus productives de Y Africa.
et de la Sicile, sépare les deux bassins de la Les Puniques ne pouvaient trouver
Méditerranée dont le Cap Bon est le point de partage. Mais d'emplacement plus favorable pour y établir - à partir d'Utique
cette façade offre d'est en ouest des aspects très et surtout de Carthage - les bases d'un empire
différents. A l'est, le golfe de Tunis-Carthage amplement maritime en Méditerranée centrale et occidentale, tout en
dessiné à l'abri des puissants promontoires qui se ménageant celles d'une domination terrestre
l'encadrent, n'avait pas, sur une partie de son pourtour, la ultérieure sur un riche arrière-pays agricole africain, vers
même configuration dans l'antiquité qu'aujourd'hui la fin du Ve ou le milieu du IVe s. av. J.-C, semble-t-il.
:
il représente un cas, unique par son échelle en Dans un autre temps - à partir de 146 av. J.-C. jusqu'à
Tunisie, de progradation du littoral par alluvionne- la reconstruction de Carthage sous Auguste - le
ment. Dans ce golfe si chargé d'histoire, Utique près conquérant romain saura reconnaître ici - à Utique
des bouches mouvantes du Bagrada et Carthage sur puis à Carthage - les positions-clefs du pays pour y
une presqu'île pointée vers l'Orient étaient aux avant- installer les organes du pouvoir civil et militaire de la
postes de V Africa, admirablement situées pour y province d'Afrique. C'est à partir des mêmes bases
commander un vaste arrière-pays. A l'ouest, la côte côtières que la puissance de Rome a pu réinvestir
nord proprement dite, où les hauteurs du Tell l'hinterland de son ancienne ennemie, avant de se
septentrional entrent en contact direct avec la mer, est au déployer par la suite dans les profondeurs de Y Africa
contraire une côte fermée, le plus souvent rocheuse et nova.
escarpée, battue par les vents et les vagues ; elle est Pour les navigateurs anciens qui approchaient ce
beaucoup moins accueillante et urbanisée. Entre ces golfe, deux repères essentiels en marquaient les
paysages littoraux fortement contrastés, le secteur du limites, qui étaient les « pointes avancées de
golfe de Bizerte marque, avec le système lacustre qui Carthage » (Polybe, I, 42, 6, trad. Pedech). En direction
le prolonge à l'intérieur des collines du Tell nord-est, de l'ouest, le « Promontoire d'Apollon » est bien le
une transition des plus originales (fig. 41). Rass Sidi Ali el Mekki d'aujourd'hui ou la pointe de
Dans cette façade maritime, le golfe de Tunis est Porto Farina des Européens (fig. 43). En direction de
bien l'articulation maîtresse du littoral tunisien et la l'est, le Cap Bon (fig. 44), qui est le « Promontoire
meilleure porte d'entrée de l'Afrique du Nord. Ce golfe d'Hermès », est aussi le « Beau Promontoire » de
est tourné sur le large au Nord-Est vers le seuil maritime Polybe (III, 23, 1), comme l'a désormais établi
qui permet de contrôler les passages obligés entre la J. Desanges (1990, p. 21-31). La côte africaine s'orga-
Méditerranée occidentale et la Méditerranée orientale. nisant naturellement - vue de Rome - à partir de
Il est aussi la terre d'Afrique du Nord la plus facile à Carthage qui était la puissance régionale dominante,
atteindre pour qui vient d'Italie - par la Sardaigne ou la on mesure l'importance de la localisation de ce repère
Sicile - et de l'Orient méditerranéen. Mais en même pour interpréter correctement les limites imposées à la
temps, dans l'espacement des derniers chaînons de navigation romaine dans le premier traité entre
l'Atlas, il ouvre, par une immense échancrure de la Carthage et Rome. Avec l'île de Zembra (Egimure),
l'extrémité montueuse du Cap Bon qui guidait les la Dorsale tunisienne en sont séparées, en fait, par
marins de l'antiquité dans la traversée du détroit de une zone de fractures soulignée par des sources
Sicile était en effet le premier signalement de la terre thermales en bordure de mer, lesquelles, dans le cas de
d'Afrique et pouvait être perçu comme un don Korbous (Aquae Calidae), avaient déjà été mises en
d'Hermès ; dans son surnom de « Beau Promontoire » valeur dans l'antiquité. Ce sont ces hauteurs, le Djebel
(Kalon Akrotèrion) cité par Polybe (III, 23), de Korbous et le Cap Bon proprement dit (Rass
l'ambivalence du terme grec kalos (« beau » ou « bon >») a été Addar), qui, avec le célèbre Bou Kornine, font face à
pour les modernes une source de débats en raison Carthage et signent au loin son horizon maritime. On
d'une confusion possible avec l'autre cap, le sait déjà que pour préserver de toute concurrence ses
Promontoire d'Apollon ou Promunturium Pulchri (Tite-Live, intérêts vitaux dans le Byzacium et les emporta,
XXIX, 27, 12) qui flanque, de l'autre côté, le golfe de Carthage avait interdit à la flotte romaine de naviguer
Carthage. Mais outre que cette épiclèse d'Apollon est au-delà de ce cap en direction du Sud. Les
peu attestée, l'aspect esthétique d'un cap n'étant pas débarquements successifs dont le Cap d'Hermès a été le théâtre
vital dans un contexte nautique, celui propitiatoire de pour les flottes d'Agathocle, de Regulus et de Curion,
« bonne encontre » paraît plus pertinent, appliqué au montrent bien quel rôle stratégique crucial la
dieu des voyages et à l'attente de marins rassurés sur péninsule a pu jouer dans les conflits qui avaient pour enjeu
leur route par l'apparition du Promontoire d'Hermès le contrôle du détroit de Sicile et, plus généralement,
ou Promunturium Mercurii (Desanges 1990, p. 31). de l'antiquité au Moyen Age, aux moments décisifs où
Entre ces deux caps, « les côtes de l'immense se posaient les problèmes de contact entre l'Orient et
cirque du golfe de Tunis ont l'aspect le plus varié, par l'Occident. C'est ce qui explique qu'elle ait été mise
la hauteur, le profil et même la couleur des terres ; de en défense tour à tour par les Puniques, par les
sorte qu'elles offrent au regard un des plus Byzantins et les Arabes. Nombre de sites fortifiés
magnifiques panoramas qui existent ». Telle en est la côtiers (n° 157, 158, 160, 165, 168) peuvent en
présentation flatteuse donnée par les Instructions nautiques témoigner. Avec la forteresse de Kelibia sur la côte orientale
au début du siècle (p. 245). Pour préciser ce tableau, du Cap Bon, celles de Rass ed Derek et de Jebel el
une distinction géographique s'impose néanmoins Fertass, toutes les trois datées du Ve s. par Barecca et
d'emblée entre les deux moitiés du golfe. Fantar (1983, p. 13-28), devaient contrôler la
La moitié orientale, qui appartient à la façade navigation dans les parages pour empêcher les Romains de
ouest de la péninsule du Cap Bon, est montagneuse s'aventurer au-delà du Kalon Akrotèrion (Aounallah
et d'accès difficile. Exposée comme elle l'est à la 1994, p. 625) (fig. 21 et 41).
houle du nord-ouest, elle s'apparente à la côte nord, La moitié ouest du golfe, qui s'étend depuis le cap
bien qu'elle puisse servir d'écran protecteur aux de Sidi Ali el Mekki (Rass et Tarf) jusqu'à Soliman et
navires qui abordent le golfe contre l'éventualité de Sidi Raïs, offre une morphologie plus basse et plus
grosse mer par vents d'est. Sa morphologie côtière fait aérée les reliefs côtiers qui apparaissent au loin sur
:
une place notable, en alternance avec d'importantes l'horizon comme des îles, y déterminent localement
sections de plages (à la hauteur de Tazoghrane), à des un front de mer en falaise à Sidi bou Said (Cap
falaises vives taillées dans des reliefs accidentés à Carthage) et à Gammarth, mais sont le plus souvent
ossature gréseuse et sur lesquels sont plaqués d'épais séparés de la mer par des plaines alluviales dont le
dépôts d'éolianites quaternaires (Paskoff et Sanlaville front est occupé par des plages relativement bien
1983, p. 51-60) les latomies d'el Haouaria (Hermaia) nourries en sédiments. Car le fait essentiel est ici
:
y ont été creusées (fig. 45), dont on connaît l'existence de cours d'eau de première importance, à
l'importance pour la construction à Carthage (Rakob 1984, charge solide élevée pendant les crues, qui ont
p. 15-22). Des carrières littorales taillées à l'air libre à construit à leur embouchure respective des plaines
partir de la côte et aujourd'hui en partie submergées deltaïques étendues l'oued Miliane au fond du golfe de
:
(fig. 46) relayaient - sans doute pour des besoins Tunis et surtout la Mejerda dont les bras successifs ont
locaux - les latomies souterraines jusqu'à Sidi Daoud longtemps divagué dans la partie nord, entre Raoued
et Mraïssa (sites n° 158, 161, 163, 164, 165). Les et la lagune de Ghar el Melh, ultime relique du sinus
hauteurs de la péninsule situées dans l'alignement de Uticensis ayant échappé de nos jours au colmatage
général (Paskoff 1994, p. 15-29 ; Chelbi et al. 1995, de côte (incliné à 30° NE). Il est remarquable de
p. 8-9). constater que c'est cette orientation alignée sur celle du
L'avancée de la terre aux dépens de la mer a été littoral - en progradation parallèlement à lui-même
ici d'une telle ampleur que les vestiges de l'illustre cité pendant l'époque romaine à Carthage (Paskoff et al.
d'Utique, qui était un port aux époques punique et 1985) - qui a été reprise et systématisée, au prix de
romaine, se retrouvent à présent à plus de 10 km à grands terrassements dans la ville haute, par la
l'intérieur des terres (fig. 47). Dans cet ancien golfe, reconstruction augustéenne.
sur un site abrité des vents du nord-ouest par la pointe Sur les deux rives du golfe de Tunis, c'est-à-dire
effilée du Rass Sidi el Mekki, l'emplacement présumé entre Carthage et le littoral qui lui faisait face, une
du port est à replacer selon toute vraisemblance sur la intense activité maritime de cabotage ou au long
rive nord de l'ancienne presqu'île d'Utique au cours devait régner qui a laissé des traces
voisinage des Grands Thermes (fig. 48). Près de la rive sud archéologiques d'époque romaine dans nombre de petits ports
où, en revanche, le colmatage de la baie avait été plus où il était loisible de venir trouver un abri contre les
précoce puisqu'on y trouve des niveaux d'occupation vents de sud-est ; ils servaient d'escale aux navires qui
datés du IVe s. av. j.-C, un quartier industriel semble reliaient la Sicile et l'Afrique ou bien prenaient la
avoir existé à l'époque romaine, avec des citernes ou direction du Byzacium après avoir doublé le Cap
des cuves (Chelbi et al. 1995, p. 38). d'Hermès (Courtois 1954, p. 187-193). Les vestiges
Quant à Carthage, longtemps plus soucieuse de d'un port doté de brise-lames sont visibles à Carpis
rayonnement maritime en Méditerranée occidentale (Sidi Raïs, au Sud de Korbous : n° 169, fig. 49) ; une
que d'enracinement continental, elle avait pris place jetée a été reconnue à Sidi Daoud (n° 161), site
sur une presqu'île bien protégée, encore assez proche identifié de façon certaine avec Missua, dont les navicu-
alors de l'île qu'elle avait dû être au début de l'Holo- laires avaient leur agence à Ostie : le boisseau qui
cène, avant que Palluvionnement de la Mejerda ne figure ce port sur la mosaïque de la Place des
suscite et ne fortifie le tombolo qui devait la relier au Corporations suggère que le commerce du blé y avait de
continent. De ce tombolo complexe à triple cordon l'importance. Mais des vestiges de cuves et d'un vivier
encadrant deux lagunes (la sebkha d'Ariana et le lac creusé dans le rocher (fig. 50) attirent plutôt
de Tunis), le cordon méridional alimenté en direction l'attention sur les activités halieutiques qui font aujourd'hui
de la Goulette par la dérive côtière restait encore encore la réputation de Sidi Daoud, haut-lieu de la
embryonnaire en laissant une large communication pêche aux thons. Il en est de même à Mraïssa (n° 165)
entre le lac de Tunis et la mer. C'est dans cette anse où semble bien devoir être replacée la station de Simi-
septentrionale du lac qui s'étendait profondément en nina qui se trouvait entre Aquae et Missua selon le
direction de Byrsa, à l'ouest du tophet, que se serait géographe de Ravenne (V, 5,4). Parmi les ruines
trouvé le port le plus ancien de Carthage (Lancel 1992, étendues en front de mer et mises au jour par l'érosion
p. 310-312). Les ports dont nous voyons encore les littorale (fig. 51 et 132), se reconnaissent les vestiges
vestiges correspondent en effet à l'état le plus tardif de caractéristiques d'une usine de salaison. En fait, les
la Carthage punique (ne s. av. J.-C.) et témoignent de pêcheries et les industries halieutiques devaient être
sa vitalité juste avant sa destruction par les Romains. très actives dans toute l'étendue du golfe de Tunis, y
Ils ont été aménagés au nord-est du tophet dans une compris dans sa partie restreinte - entre le Cap
zone lagunaire qui s'était constituée à l'abri du même Carthage et le Rass Fertass - où la pêche pouvait
cordon sableux. Tout un quartier artisanal, dont les prendre une dimension lagunaire, sur le mode du
niveaux les plus anciens sont datables du vnie s. av. système halieutique, actuellement menacé, de Ghar el
J.-C, s'interposait entre la mer et l'habitat proprement Mehl (De Fages et Ponzevera 1903, p. 38 ; Oueslati
dit. Celui-ci s'étendait plus au nord dans la plaine 1993, p. 167). L'embouchure de l'oued Miliane et le
littorale et sur les pentes de la colline de Byrsa. Alors que lac de Tunis devaient ainsi constituer des zones
sur ces pentes, un dispositif rayonnant influencé par privilégiées. Des viviers artificiels remontant peut-être à
les contraintes du relief avait été adopté pour le l'antiquité sont signalés à Hammam-Lif (Djelloul
réseau des rues, dans les parties basses du site, en 1995a, p. 53). Encore au Moyen Age selon le
revanche, le tracé urbain suivait l'orientation du trait témoignage d'El Bekri (trad. De Slane, p. 89), on trouvait à
Tunis « plusieurs espèces de poissons qui ne se apprivoisé par un enfant, a consigné avec exactitude
péchaient pas ailleurs ». Chacune d'elles fréquentait la le mécanisme du courant alternatif dans le goulet, qui
mer de Tunis à un mois différent de l'année. Parmi les « tantôt se déverse dans la mer, tantôt retourne à la
espèces les plus fréquentes, l'auteur andalou cite lagune ». Une autre particularité de la région lacustre
Yashbarus (sparidé), le mankus (ombrine), Voctubrini avait aussi auparavant retenu, semble-t-il, l'attention
(saupe), Yabanak et le bakunis. Pour l'antiquité, on des navigateurs grecs ayant pu fréquenter ces rives
ne dispose que de témoignages archéologiques lointaines : Hippôn Akra est déjà mentionnée par le
:
outre le cas particulier du traitement du murex qui a Périple de Scylax (111) qui fait référence plus loin à
laissé des traces dans le quartier artisanal voisin des un lac (limne) et à des îles dans ce lac. Ainsi le lac de
ports de Carthage, les industries dérivées de la pêche Bizerte est-il déjà présent dans ce vieux portulan dont
sont attestées par des vestiges de première grandeur la documentation pourrait remonter, en l'occurrence,
à Gammarth (fig. 52) ; leur présence est des plus au vie s. av. J.-C, puisque la mention du lac se trouve
vraisemblables à la pointe de Rass et Tarf et à Utique où déjà dans un passage d'Hécatée (Gras 1990, p. 88).
elles pouvaient se justifier également par la proximité Pour les « îles dans le lac », il y en a deux en amont du
de salines mentionnées par César (Bell. Civ., II, 37). goulet de Bizerte, taillées dans les formations
La plus belle illustration qui pût être offerte de ce quaternaires Njila Srhira et Njila Kbira. Elles ont pu
:
mode de pêche lagunaire était, à coup sûr, celle qui exister à l'époque et d'autres aussi, car le niveau de
avait pour cadre le complexe lacustre unique en son l'eau était légèrement plus bas dans l'antiquité. Mais,
genre que constituait, plus à l'ouest, l'association du dans le passage en question, le système lacustre est
lac de Bizerte et de la garaa d'Ichkeul, à la fois en peut-être concerné dans sa totalité ; en ce cas, on
communication entre eux par l'oued Tinja et avec la pourrait y voir une allusion à la montagne d'Ichkeul
mer par un étroit goulet aujourdhui artificialisé en un qui domine la région de ses 508 m (Gras 1990, p. 89).
canal maritime. Elle est aujourd'hui rattachée à la rive sud de la garaa
La façade sur la mer de cette dépression lacustre par Palluvionnement des oueds, mais on a de très
est située à l'extrémité des plis calcaires du Tell nord- fortes raisons de penser qu'elle était à l'époque une
est dont la disposition en éventail a permis la île, ce qu'elle redevient à l'occasion des grandes
formation de la baie de Bizerte, largement ouverte vers le inondations (Oueslati 1995, p. 43). Un tel paysage - celui
nord et le nord-est mais abritée des vents d'ouest et de cette île-montagne pyramidale se reflétant dans les
de nord-ouest. Les approches en mer en sont eaux de la garaa - si étrange pour l'Afrique du Nord
marquées à l'est par le Rass Zebib escorté de l'île Cani que Bonniard le comparait naguère à un paysage
et à l'ouest par le Cap Blanc, lui-même très classique japonais (1934, p. 173), n'avait pu manquer de
caractéristique par son profil en forme de dauphin ainsi que par frapper en leur temps l'imagination des Anciens
la teinte éclatante de ses calcaires éocènes qui n'est (fig. 54).
pas sans rappeler celle des caps marseillais et Goulet, lac et garaa constituaient de fait un
contraste avec la tonalité plus sombre de la côte des système complet très original dans lequel chacun des
Mogods (fig. 53). Les géographes anciens éléments jouait un rôle essentiel (Bonniard 1934,
connaissaient bien ce Promuntorium Candidum (le Rass el p. 197) : celui de la garaa, peu profonde (1 m),
Abiod des Arabes) qui limitait pour eux le golfe marécageuse et s'étalant largement vers la plaine de Mateur
& Hippo Diarrhytos (sinus Hipponensis) . Le surnom pendant la saison pluvieuse, a toujours constitué un
grec de la cité : Diaritus (var Zaritus) - dont le nom vaste bassin de décantation pour les alluvions des
:
de Benzert serait une dérivation lointaine - avait cours d'eau (oueds Sejnane, Melah, Joumine et Tine)
enregistré par cette épithète géographique la particularité du Tell nord-est. Il en résulte que le lac de Bizerte, qui
du site d'être « traversé par les flots » propter reçoit les eaux d'un vaste impluvium de 2300 km2, ne
:
aquarum rigua, dit Pline (HN, V, 23), allusion au recueille directement que les apports terrigènes d'une
goulet qui met en communication la lagune et la mer petite surface de 300 km2. Cette belle nappe d'eau
et sur la rive gauche duquel est située la ville ainsi protégée du colmatage alluvial par sa voisine a
ancienne. Pline le Jeune de son côté (Epist. IX, 33), en pu conserver des eaux profondes (10 m) et vives. En
avant-propos à l'histoire merveilleuse d'un dauphin fait, le creusement et l'élargissement du chenal ont
modifié radicalement, il y a un siècle, les conditions les ressources du lac de Bizerte présenté comme un
hydrologiques et écologiques du lac de Bizerte en vivier miraculeux. El Bekri précise qu'il n'y a pas
accentuant son caractère marin. Elle n'est plus qu'une d'endroit où le poisson soit à meilleur marché qu'à
anse marine intérieure soumise à la marée semi- Benzert ce qui atteste la réputation de fertilité du lac
diurne, à l'action des vents et même à l'érosion des où il décrit un genre de pêche au mulet (bouri) qui
vagues qui a dégagé des structures archéologiques - utilisait comme appât la femelle attachée à un fil,
entre autres d'usines de salaison (fig. 55) - sur ses selon une technique originale elle aussi encore
rives est et sud (sites n° 186 à 188). L'influence des pratiquée, jusqu'au début du siècle, dans le canal de
apports d'eau douce, aujourd'hui pratiquement nulle, Bizerte (De Fages, p. 37). Idrisi détaille avec précision
a été remplacée par celle de la marée. Auparavant, les douze espèces de poissons dont la pêche se faisait,
s'établissait vers la mer un courant de décharge dont pour chacune d'elles, de façon dominante pour
la date et la durée variaient en fonction de celles des chaque mois de l'année julienne : al buri (muge ou
pluies de saison froide. En saison sèche seulement, les mulet), al qadjuj (rascasse), al tnahal (rouget), at
courants de marée pénétraient dans l'ancien goulet talnat (bonite), al asmar (?), al asbaliniyat
qui avait tendance, au demeurant, à s'ensabler (épinoche), as salba (saupe), al qarus (loup), al ladj
(Bonniard 1934b, p. 15-17). Les pêcheries qui y (alose), al djudja (grondin), al kahla (oblade), at
avaient été très actives autrefois ont été déplacées en tanfalu (?), al qlà (sar). En 1550, Léon l'Africain
amont dans la zone de Rass el Ouzir, puis à Sidi complète cette description sur la pêche dans le lac :
Ahmed et ont perdu beaucoup de leur importance « on y prend de grande quantité de poissons, surtout
(Zaouali 1993, p. 229-230). de grosses daurades de 5 à 6 livres et le mois
En devenant la grande base navale que l'on sait, le d'octobre passé, une sorte de poisson que les
lac de Bizerte a donc en partie perdu ce qui avait fait Africains nomment girafa, je pense que c'est celui qui
son originalité première, celle d'être un immense porte à Rome le nom de laccia ». En fait, selon
vivier naturel grâce aux échanges saisonniers alternés J. Zaouali (1993, p. 228), il y aurait confusion de la
d'eau douce et d'eau salée entre la mer d'une part et part de l'auteur, entre la capture à la fin du mois de
son appendice continental, la garaa d'Ichkeul d'autre novembre des grosses daurades, encore appelées
part. Les poissons trouvaient dans ces échanges les aujourd'hui girafa, et celle des aloses - ou latchia -
conditions les meilleures pour se multiplier : eaux qui sont des poissons marins de la famille des sardines
calmes et nourriture abondante, renouvelée par les venant pondre dans les eaux douces et remontant
apports des rivières au système lacustre. Aussi, la vers le lac Ichkeul à partir d'octobre.
population ichtyologique de ce vivier était-elle C'est sans doute en observant les pêcheries de
nombreuse et variée. Le peuplement se faisant par la l'oued Tinja - l'émissaire de la garaa d'Ichkeul près
mer, le lac possédait toutes les espèces sédentaires de duquel se situait dans l'antiquité la ville de Thimida
la mer voisine ; mais chaque espèce s'engageait (Henchir Tinja) et où sont installées de nos jours des
séparément à des époques différentes dans le canal pour bordigues à clayonnages métalliques (fig. 54) - qu'on
gagner la haute mer. C'est cette particularité que, de est le mieux à même de comprendre les conditions
tous temps, on avait mise à profit pour l'exploitation qui devaient prévaloir autrefois dans le goulet de
des lacs, en installant des bordigues de clayonnages Bizerte, avant qu'elles n'aient été modifiées par
en branches de palmiers ou en roseaux. D'autres l'ouverture du canal maritime (Bonniard 1934b, p. 18-
procédés étaient utilisés pour la pêche : en barques 22). Plus encore que les courants du chenal, ceux de
sur le lac, à l'épervier sur ses rives, à l'aiguille ou au l'oued Tinja ont attiré de tous temps l'attention. Leur
harpon au fond de l'eau. Procédés dont la réplique renversement périodique a été décrit de façon
exacte figure sur les mosaïques de Tunisie. Pline le pittoresque par les auteurs arabes : « Chacun des deux lacs
Jeune évoquait déjà toute une population s'activant à se déverse dans l'autre durant six mois, puis le
la pêche sur ces mêmes rives (Epist. IX, 33). Nombre courant s'inverse pendant six mois » observe Idrisi
d'auteurs arabes parmi lesquels El Bekri (140-141, De (132). Les raisons en étaient connues « L'hiver,
:
Slane, p. 122), Idrisi (130-131, Hadj-Sadok, p. 139) et lorsque les oueds sont enflés, le lac d'eau douce
Léon l'Africain (II, Epaulard, p. 375-376) insistent sur déborde et, se répandant sur le lac salé, en fait
hausser le niveau. L'été au contraire, le niveau du lac paru le plus souvent, eux aussi, l'ignorer ; à l'époque
s'abaisse, et l'eau paraît s'absorber dans la terre » contemporaine, ils avaient laissé aux corailleurs, aux
(Abou'lféda, trad. Solvet, p. 103-105). Les eaux pêcheurs et aux négociants étrangers le monopole de
marines du lac de Bizerte se déversent alors dans la la fréquentation des rares établissements ancrés le
garaa. Mais bizarrement, tout en interprétant avec long de ces rivages difficiles. La situation dans
justesse les origines du mécanisme d'inversion des l'antiquité ne semble guère avoir été très différente, à en
flux saisonniers entre les deux lacs, les mêmes auteurs juger par l'espacement des sites archéologiques
croyaient que l'eau de l'un restait douce et celle de reconnus en bord de mer. Tout à fait significatif de la
l'autre salée. C'est pourtant ce renversement de situation d'isolement de cette façade maritime est le
courant - avec les mélanges et les variations de tracé du réseau des voies antiques reconnues dans la
salinité qui en résultent - qui règle les migrations des région (Salama 1951, p. 54 et 60, carte h. t.) : alors que
espèces (soles, muges céphale et surtout anguilles) presque partout en Tunisie, en particulier sur sa
entre le lac et la garaa. Plus que les autres lagunes du façade orientale, la côte est longée de manière
littoral tunisien, la garaa d'Ichkeul est donc une forme continue et à peu de distance par des itinéraires
extrême de vivier continental où les espèces les plus routiers reliant entre eux les différents ports, la route
euryhalines du milieu littoral viennent effectuer leur entre Thabraca et Hippo Diarrhytus s'écarte du littoral
croissance avant de migrer vers la mer pour se inaccessible pour suivre, à l'intérieur, la vallée de
reproduire, entre mai et décembre selon les espèces. C'est l'oued Sejnane (Winckler 1894, p. 269-373).
à ce moment qu'elles sont capturées dans les bordi- Il faudra toutefois nuancer dans le détail ce
gues de l'oued Tinja, comme pouvaient l'être dans les tableau négatif en mettant à part la section de côte
temps anciens les espèces plus diversifiées du lac de rocheuse mais encore basse - à large plate-forme
Bizerte, quand à la même saison, s'établissait depuis littorale d'érosion - qui fait suite, avec des caractères
la mer un courant entrant dans le /lumen d 'Hippo semblables à la presqu'île du Sahel de Bizerte et
Diarrhytus. s'étend à l'ouest jusqu'au Rass el Koran. Les traces
Les rapports entre l'homme et le milieu littoral, et d'occupation humaine du littoral dans l'antiquité y
plus précisément l'utilisation dans l'antiquité des sont encore particulièrement denses (sites n° 190
ressources liées à ce milieu, changent du tout au tout à 203, fig. 41). Parmi celles-ci, on notera la présence
dès lors qu'on aborde la côte nord proprement dite. d'horrea au Rass Ghirane, ce qui indique qu'une
Du Cap Blanc à la frontière tuniso-algérienne (au Cap activité maritime était possible en un tel lieu (site n° 196,
Roux), le rivage est dominé de près par les montagnes fig. 56). Cette côte, en effet, n'est pas inhospitalière :
boisées des Mogods et de la Kroumirie, formées dans à cause de son orientation Ouest-Nord-Ouest/Est-Sud-
les grès et les argiles oligocènes du flysch numidien. Est, elle n'est pas sous l'emprise directe des vents
La nature du littoral devient en règle générale d'ouest et elle dispose d'un arrière-pays limité mais
rocheuse et escarpée. Manquant d'indentations accessible de collines humanisées ayant pu faire
profondes et de larges couloirs d'accès vers l'arrière - l'objet d'une mise en valeur agricole. Sur cette façade
pays (à l'exception toutefois de l'oued el Kebir et de nord, on doit tenir compte aussi des petites plates-
l'oued Zouara à l'est de Tabarka), il offre une formes de type rasa qui, même si elles restent peu
succession rigide de falaises et de promontoires rocheux larges (quelques centaines de mètres au plus),
sculptés par la mer dans les grès numidiens ou dans s'interposent néanmoins entre le rivage et les premiers
les éolianites quaternaires avec, de loin en loin, reliefs côtiers en donnant localement à la côte un
l'ouverture de quelques baies en croissant ou en aspect relativent aéré (fig. 57). Elles ont pu constituer
faucille, relayées vers l'intérieur par l'extension de des espaces privilégiés pour l'occupation humaine à
champs dunaires montant à l'assaut des versants. la fois au cours des temps préhistoriques et
Dans un tel contexte, la vie maritime du Tell historiques (Oueslati 1995c, p. 176, 192). De bons exemples
septentrional n'a qu'un caractère sporadique et limité. de cette configuration favorable aux habitats côtiers se
En dépit de sa situation en bordure de la trouvent autour du Rass el Koran et à Marsa Douiba
Méditerranée, le pays ne demande rien à la mer à laquelle il (sites n° 203 et 204). Enfin près de l'extrémité ouest de
tourne le dos. Les hommes du Tell septentrional ont la côte nord de la Tunisie, à la limite de VAfrica et de
la Numidie, il faut également faire une place à part Salluste des côtes de Y Africa : mare saeuum, litus
pour la courte section de côte entre Nefza et Tabarca importuosum (« une mer sauvage, une côte sans
où les oueds Kebir, Berkoukèche et Zouara ouvrent mouillage ») (Jug., 17). Nous l'avons vu, chez les
une fenêtre maritime dans cette barrière Anciens, les espaces littoraux dits « syrtiques » étaient
montagneuse, qui a pu servir de débouché à un arrière-pays fâcheusement réputés à cause de leurs terres basses
étendu jusqu'à la région de Béja. incertaines, de leurs hauts-fonds remaniés par les
Le caractère de côte rocheuse et fermée s'affirme, tempêtes et les marées. Pour qualifier ceux de la côte
en revanche, jusqu'à cette fenêtre, à partir de nord, tout autant répulsifs sinon davantage encore
l'inflexion du Rass ben Sekka, le point le plus mais pour des raisons différentes, un autre terme
septentrional du continent africain (37° 20' 55") où la côte spécifique serait adéquat : celui d'« euboïque », selon
prend désormais une orientation Est-Nord-Est/Ouest- la définition reprise de la littérature ancienne par
Sud-Ouest et surtout après le Rass el Koran. Cette J. Rougé (1966, p. 36). « Une côte dure et sauvage,
façade maritime s'inscrit alors dans le prolongement surmontée de hautes falaises », c'est ainsi que sont
du littoral algérien dont elle a tous les caractères décrites par Dion Chrysostome les côtes de l'Eubée
:
baignée par une mer profonde, elle est généralement (Eubéenne, 2, 7). Cette description est applicable au
rocheuse et accore, dominée qu'elle est par des littoral compris entre le Cap Blanc à l'ouest de Bizerte
pentes raides qui la privent à la fois de lieux (Promuntorium Candidurri) jusqu'à Thabraca. Or, il
d'accostage et d'accès commodes vers l'intérieur. Par son se trouve que ce sont des marins d'Eubée installés en
orientation, elle est soumise aux vents dominants du Sicile ou à Ischia, qui, parmi les Grecs, auraient été les
nord et du nord-ouest qui soufflent le plus premiers à fréquenter ces rivages dès l'époque
fréquemment en hiver. En revanche, à la différence du golfe archaïque. La toponymie dont le Périple de Scylax a
de Gabès, cette région présente un faible marnage transmis l'héritage (trad. Mùller, 111) serait un écho
variant de 0,15 à 0,45 m entre les mortes eaux et les lointain des incursions commerciales chalcidiennes
vives-eaux ; les vagues et les houles ne dépassent pas dans un secteur tenu par les Phéniciens. Après la ville
les 5 à 6 mètres de hauteur en fréquence annuelle, d'Hippôn Akra et son lac, sont aussi mentionnées la
cependant, à cause de la profondeur, la houle atteint ville de Pségas et les îles Naxikai, qu'on ne se sait où
le rivage en conservant un maximum d'énergie et la replacer (les îles Cani, l'archipel de la Galite ?), puis
mer est considérée comme houleuse pendant 100 à les Pithêkousae « avec, en face, une île et une ville
120 jours par an (Instructions nautiques 1899, p. 233- dans l'île qui s'appellent Euboia » (Desanges 1978,
242). p. 410). M. Gras (1990, p. 92) accrédite l'hypothèse
Un bon échantillon de cette côte nord est présenté selon laquelle les Pithécuses de Scylax - ou le
par les environs du Cap Serrât, où une succession de Pithékon kolpos des Anciens (la baie des singes) -
saillies gréseuses dissymétriques dessinent un littoral seraient le golfe de Tabarka où les Phéniciens auraient
en forme de crémaillère, avec quelques belles baies accueilli dans leurs marchés des marins eubéens
abritées, mais sans accès de l'intérieur. Plus expressif venus des Pithêcusae (Ischia et Procida).
encore est l'exemple que nous offre la section située C'est la première mention de cette côte où
entre Cap Negro et Sidi Mechrig (fig. 58). S'étendant beaucoup plus tard, dans ce site portuaire à l'abri d'une île,
sur environ 15 km, cette côte montre les reliefs les sera fondée la colonie romaine de Thabraca, à la fois
plus grands de l'ensemble du littoral tunisien avec en débouché possible des plaines intérieures de la
particulier le Jebel Randa qui culmine à 464 m. De tels Mejerda et tête de ligne de la voie maritime passant
reliefs dominent directement la mer donnant à la côte par la Galite et la Sardaigne (fig. 59). L'épigraphie et
un aspect escarpé et sauvage. La ligne de crête est les mosaïques tombales de Thabraca y révèlent la
souvent à moins de 2 km du rivage d'où l'importance présence de naviculaires qui exportaient vers Rome le
des pentes dont la valeur est rarement inférieure à blé de l'annone des plaines céréalières de Vaga et
20 % (Oueslati 1993, p. 320). Butta Regia. Les produits de la forêt de Kroumirie, les
C'est ce paysage maritime peu accueillant qui minerais, le bois et les animaux sauvages pour les
pourrait justifier, quand il lui arrive d'être battu par jeux (ferae) étaient aussi expédiés vers l'Italie
une mer démontée, l'image négative que donne (Longerstay 1992, p. 149-151). Enfin, des milliaires
datés du règne d'Hadrien ont montré qu'une voie endroit. On a là un exemple qui illustre de façon
romaine, la « route des marbres », fut tracée à grand extrême et inédite le second axe de notre recherche,
frais à travers la montagne pour évacuer, entre autres qui est l'analyse des transformations de
marchandises, les productions des carrières de l'environnement littoral en Tunisie au cours des temps
Chemtou par le port de Thabraca (Horn 1979, historiques.
p. 178).
Si l'on excepte le port de Thabraca (dont il ne En premier lieu, on peut constater que les trois-
reste aucun vestige) et ses entrepôts, les points de la quarts des sites ou points archéologiques qui ont été
côte nord susceptibles d'avoir accueilli une vie étudiés sur la côte du golfe de Tunis et celle de la
maritime sont donc assez rares. Les fonds rocheux façade septentrionale de la Tunisie sont en cours
n'offrant que des possibilités piscicoles réduites, d'érosion. Ainsi est confirmée, pour l'ensemble du
l'exploitation de la mer elle-même a revêtu ici, dans pays, une tendance générale au recul des espaces
un passé récent, des formes très spéciales sur littoraux, dont les rivages occupent actuellement, sauf
lesquelles on manque de données véritables pour exceptions, une position bien en deçà de celle qui
l'antiquité : récolte de corail à Tabarka, pêche à la était la leur dans l'antiquité. Un tel état de chose est
langouste à La Galite et capture des poissons moins surprenant sur la côte nord de la Tunisie que
migrateurs (thons, sardines et mendoles) dans ces mêmes sur celle de l'Est. En effet, du golfe de Tunis à la
lieux. frontière de l'Algérie, le littoral est, sur sa plus grande
Des témoins archéologiques attirent néanmoins partie, affecté par les houles du Nord-Ouest qui sont
l'attention sur plusieurs sites côtiers de la région. A dominantes en direction et en force dans le bassin de
Sidi Mechrig (n° 206, fig. 60), on peut voir, à l'ombre la Méditerranée occidentale. L'aspect le plus fréquent
des ruines très piranésiennes de l'ancien que prennent ici les rivages est la falaise qui, par
établissement français qui dépendait du comptoir du Cap définition, constitue une forme marine d'érosion. Le sort
Negro, les vestiges juxtaposés d'une occupation normal d'une falaise est de reculer, donc de menacer
antique et médiévale : ceux de thermes romains, d'un à terme les établissements situés en arrière. Parmi les
petit port de pêche et d'un ribàt d'époque aghlabite, exemples nombreux qu'on pourrait présenter, un des
qui s'appelait, semble-t-il, Dama. Une fois encore, la plus représentatifs est celui de l'aqueduc d'Hippo
corrélation entre ribàt et pêcheries, déjà signalée pour Diarrhytus, dont la conduite a été spectaculairement
les côtes sahéliennes, se vérifie ici, car le poisson de tranchée par le recul de la falaise aux environs du Cap
Darna était très réputé selon el Bekri (Idriss 1962, Blanc (site n° 189, fig. 63).
p. 438 ; Djelloul 1988, p. 201). A La Galite (n° 210, Par ailleurs, parmi les sites archéologiques qui ont
fig. 61), ce sont des cuves de salaison aménagées été inventoriés sur la façade septentrionale, douze
pendant l'antiquité dans la falaise de la rive sud qui d'entre eux témoignent d'une submersion qui se
témoignent de l'existence d'une industrie halieutique manifeste aussi bien sur la côte nord proprement dite
dans l'île de Galata. Enfin, nous ferons une place à que sur les rivages du golfe de Tunis et du lac de
part au site d'Argoub el Bania (n° 208), situé à une Bizerte, en communication avec la mer. La plupart des
quinzaine de kilomètres à l'est de Tabarka, à carrières littorales antiques, notamment celles de Sidi
l'embouchure de l'oued Zouara. Il s'agit d'un site étendu, qui Daoud, de Raouad, de R'mel et de l'oued ed Damous,
montre parmi d'autres vestiges significatifs, les indices ont aujourd'hui leur plancher d'extraction inondé de
très probables d'une activité halieutique liée à la façon permanente, situation qui n'aurait pas permis
valorisation d'une situation d'estuaire qui passait pour être alors l'exploitation de la pierre (fig. 64). A l'issue de la
très favorable à la pêche encore à la fin du siècle présente campagne de recherches, on peut dire que
dernier (Instructions nautiques 1899, p. 257). Or, le cette submersion est générale sur les côtes de Tunisie.
site est soumis actuellement à un processus Elle témoigne d'un relèvement du niveau de la mer,
d'ensablement très important qui a provoqué l'enfouissement d'une ampleur de quelques dizaines de centimètres
des ruines (fig. 62 et 149). De telles conditions depuis l'antiquité, auquel il faut attribuer une origine
n'auraient pas rendu possible, si elles avaient prévalu eustatique. Les différences de valeur que l'on peut
dans l'antiquité, l'implantation d'une ville en cet constater d'un endroit à un autre sont le fait de la
tectonique locale. Cette élévation du niveau de la mer écoulements sur les sols, voire sur le substratum
est un des facteurs importants de l'érosion actuelle lorsqu'il s'y prêtait. Mais aujourd'hui, à l'exception des
des côtes de la Tunisie. alentours de l'embouchure, toute la côte du delta est
Une exception de taille à cette règle d'une érosion en cours de recul à cause de la diminution de la
généralisée des côtes de Tunisie est représentée par la charge solide, à la suite de la construction de
côte du delta de la Mejerda qui est localisée dans la multiples barrages sur la Mejerda et ses affluents. Une
partie orientale, abritée des houles du Nord-Ouest, du constatation semblable peut être faite à propos de la plaine
golfe de Tunis. Utique qui était encore un port à côtière des environs d'Hammam-Lif, dans la banlieue
l'époque romaine se trouve aujourd'hui, nous l'avons sud de Tunis. La ligne de côte est plus avancée vers
vu, à plus de 10 km de la mer. Cette progradation de la mer qu'elle ne l'était dans l'antiquité classique mais
grande ampleur s'explique parce que l'on se trouve à ici aussi elle est actuellement en recul parce que
l'embouchure d'un grand fleuve, à l'échelle de l'oued Miliane, lui aussi équipé de barrages, apporte
l'Afrique du Nord, dont la charge solide est élevée moins d'alluvions.
pour des raisons naturelles la topographie La chronologie des étapes du comblement de la
:
montagneuse du bassin-versant, l'extension des roches baie d'Utique a fait l'objet récemment - dans le cadre
tendres, le climat méditerranéen de type sub-humide du même programme de recherche - d'un réexamen
favorisent les actions érosives des eaux courantes. d'ensemble placé sous le double éclairage de
Cette charge solide a encore été accrue par les l'archéologie et de la géomorphologie (fig. 42 ; Chelbi
deforestations et les défrichements qui ont commencé dès et al. 1995 ; Paskoff et Trousset 1992 ; Paskoff 1994).
l'époque punique et qui ont renforcé l'agressivité des Il a permis de conclure que bien avant le milieu du
nie s., l'alluvionnement était, en fait, déjà fort avancé avait dès cette époque cessé de faire office de
dans la partie centrale et occidentale de l'ancien golfe, débouché régional pour les pays du haut bassin de la
l'essentiel de ce colmatage ayant été l'œuvre du bras Mejerda (Braemer 1992, p. 229).
dit de Chaouat (Barjot 1952, p. 62) qui passait à On a eu l'occasion, pour les autres sections du
l'ouest du Jebel Maïana. L'ancienne île de Galaat el littoral de la Tunisie, de signaler l'existence sur les
Andless avait été ainsi rattachée à la terre ferme, côtes de dépôts continentaux qui témoignent de
isolant de la mer la Garaet el Mabtouha. Celle-ci prit l'occurence d'une phase de rhexistasie à la fin de
dès lors un régime hydrologique de sebkha l'antiquité ou postérieurement à elle. Cet épisode a été
(inondation pendant la saison des pluies, evaporation caractérisé par un décapage et un entraînement des
pendant l'été). Un tel régime permit la formation de sols ainsi que par une érosion des roches tendres par
collines argileuses d'origine éolienne (« lunettes ») le ruissellement et le colluvionnement. Les matériaux
culminant à quelques dizaines de mètres sur les fins ainsi mobilisés se sont accumulés dans les parties
bordures est et sud de la cuvette. Ces eminences, à basses de la topographie, empâtant de la sorte les
l'abri des inondations, constituèrent des sites rivages peu élevés où la terre a alors gagné sur la mer.
privilégiés pour les établissements humains. Des vestiges Aujourd'hui ces dépôts sont figés sous des sols inci-
d'occupation remontant au moins au IVe s. av. J.-C. ont pients. Ils sont incisés par des ravines et attaqués par
été trouvés sur certaines d'entre elles. De même, le les vagues, ce qui donne parfois des falaises de
couloir entre la presqu'île de Galaat el Andless et celle quelques mètres de haut. C'est le cas en certains endroits
d'Utique avait été colmaté par un passage de la des côtes de la Tunisie du Nord où le phénomène a
Mejerda en liaison avec le « bras de Chaouat », pris de l'ampleur, en raison d'un climat plus arrosé
antérieur à ses lits d'époque historique qui sont connus que dans le reste du pays. Plusieurs sites inventoriés
dans la partie sud de la plaine deltaïque. Il est évident ci-après, en particulier les sites n° 171, 181 et 188,
que le nouveau transfert du cours de la Mejerda lors permettent d'affiner la stratigraphie de ces formations
d'une ultime défluviation dans le couloir séparant ruisselées et colluvionnées, d'âge historique car elles
Utique et le promontoire de Galaat el Andless {Castra emballent du matériel archéologique (Oueslati 1985).
Corneliana) a joué un rôle essentiel dans Il semble, en effet, qu'il n'y ait pas une, mais
l'al uvionnement de la partie nord de la baie, qui s'est poursuivi plusieurs, sans doute au moins deux, phases de
au Moyen Age. Que, faute d'un tirant d'eau suffisant, rhexistasie pendant l'antiquité. La première
le site d'Utique ait été progressivement condamné génération de dépôts (couche 3 du site n° 171), qui contient
comme port, est donc à mettre en relation avec cette des tessons de poterie antérieurs à l'ère chrétienne, se
défluviation dont la date n'est pas clairement établie. placerait dans l'époque impériale, la seconde (couche
En fait, seuls des sondages à la recherche des 5 du site n° 171) daterait de la fin de l'antiquité car elle
structures portuaires enfouies sous les dépôts deltaïques inclut de la céramique tardive, mais pas arabe. Il est
permettraient de savoir à quelle époque celles-ci vrai qu'une autre interprétation peut être proposée. Il
furent effectivement abandonnées. Toutefois, ainsi n'y aurait eu qu'une seule phase de rhexistasie qui
que nous l'avons vu, à l'autre extrémité de cette aurait duré pendant toute l'antiquité. Elle n'aurait
façade maritime, une route directe, datée par des laissé de trace sur les sites archéologiques que lors
bornes milliaires du règne d'Hadrien, fut ouverte en des périodes de leur abandon, ses effets étant effacés
direction de la côte nord pour l'évacuation par le port par l'intervention des hommes (nettoyage, mise en
de Thabraca des marbres de Chemtou. Auparavant, place d'ouvrages de protection) pendant les époques
cette production était acheminée de Simitthus d'occupation. Quoiqu'il en soit, qu'il y ait eu une ou
jusqu'au port d'Utique par la voie fluviale du plusieurs phases de rhexistasie pendant l'antiquité, il
Bagrada. C'est du moins ce que laisse penser la mise est clair que ce ou ces épisodes de l'évolution du
au jour d'une voie dallée qui, des carrières, se dirige modelé topographique ne se sont plus reproduits
tout droit vers la rive gauche de la Mejerda (Khanoussi depuis avec une telle intensité. L'explication réside
1994, p. 246-247). Ce fait pourrait être interprété probablement dans l'existence d'un régime de pluie
comme un indice sérieux prouvant que le déclin du différent de l'actuel. Les précipitations devaient être
port avait atteint une phase irréversible et qu'Utique plus concentrées et plus torrentielles.
On se rappelle que sur la côte orientale de la Depuis au moins le Pleistocene supérieur, la côte
Tunisie le grès, le plus souvent fin et oolithique, de la nord de la Tunisie, très ventée, a donc connu
formation Rejiche (eutyrrhénien) a représenté le d'importants transferts de sable aboutissant à la formation de
principal matériau pour l'obtention de grands blocs grands champs de dunes, comme en témoignent
utilisés dans la construction de bâtiments, en l'extension et l'épaisseur des éolianites wiirmiennes
particulier de harpes de Y opus africanum. Sur la côte (formation Cap Blanc). Il apparaît cependant que les
septentrionale, ce type de roche n'existe pas. A partir de mouvements éoliens de sable sont plus importants
l'extrémité du Cap Bon, ce sont des éolianites du aujourd'hui que dans l'antiquité, ainsi que l'illustre
Wûrm (formation Cap Blanc), anciennes bien le site d'Argoub el Bania. Le fait est à mettre en
accumulations de sables coquilliers épaisses et étendues, mises relation avec l'érosion des sols, d'origine anthropique,
en place par les vents du Nord-Ouest et ensuite qui n'a cessé de s'étendre dans les régions
consolidées, qui ont été principalement exploitées montagneuses de la Tunisie du Nord depuis la fin du
pour la taille de saxa quadrata. Mais la roche qu'elles xixe siècle. Elle livre aux oueds de gros volumes de
ont fournie n'est pas d'aussi bonne qualité que celle sédiments fins qui, apportés jusqu'à la mer lors des
associée à la formation Rejiche. Les grès wûrmiens crues, sont ensuite repris par le vent. Les grands
montrent souvent un litage fortement incliné, un grain champs de dunes mobiles que, comme dans les
grossier, une abondance de fragments de coquilles environs d'Ouchtata, l'Homme s'efforce aujourd'hui de
marines ainsi que de grands Helix, une texture vacuo- fixer, illustrent ce renforcement de la morphogénèse
laire, une cimentation inégale et parfois faible. Dans éolienne à l'époque contemporaine.
l'ensemble, ils constituent un matériau moins fin, En conclusion, on est frappé par la très faible
moins compact, moins résistant que celui densité des sites archéologiques sur la côte nord de
correspondant au grès eutyrrhénien. Ainsi a-t-il moins bien la Tunisie, à l'Ouest du Rass el Koran. Elle contraste
résisté aux phénomènes de météorisation, en avec la forte occupation du golfe de Tunis et plus
particulier à celui de l'haloclastie qui ronge une pierre par encore avec celle de la côte orientale, même dans sa
l'action mécanique de la croissance de cristaux de partie méridionale qui est pourtant marquée par
sels, à partir de solutions salines saturées. Ce l'aridité. Des facteurs géographiques naturels
processus est particulièrement actif sur les littoraux expliquent ce contraste : le littoral septentrional reçoit de
battus par les vents et aspergés par les embruns, plein fouet les vents forts et les houles, qui peuvent
comme c'est justement le cas sur la côte nord de la être puissantes, du Nord-Ouest. Les falaises y sont
Tunisie. Ainsi, dans les ruines antiques proches du élevées et l'arrière-pays est montagneux. Il existe des
rivage, les blocs extraits des éolianites wiirmiennes champs étendus de dunes mobiles. Les abris sur le
sont très souvent défigurés par la désagrégation rivage sont rares. Des éléments d'ordre humain en
granulaire. C'est pourquoi dès qu'une autre roche rapport eux-mêmes avec ces données
affleure au bord de la mer, les Anciens l'ont préférée géographiques et résultant d'un enclavement prononcé des
aux grès wûrmiens. C'est le cas à Rass et Tarf : grès populations locales, ont pu s'ajouter à un
pliocenes exploités par une très vaste carrière. C'est le environnement littoral répulsif pour faire de la côte nord un
cas aussi entre Rass Enghela et Rass el Koran où on a espace relativement peu peuplé et peu mis en valeur
taillé de nombreux blocs dans des calcaires éocènes. à l'époque antique.
Fig. 46. Carrières antiques littorales submergées de Sidi Daoud (site n°l63).
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Fig. 50. Vivier creusé dans le rocher à Sidi Daoud (Misua, site n°l62).
Fig. 55. Vestiges de cuve sur la côte sud du lac de Bizerte (site n°187).
Fig. 56. Vestiges d'horrea à Ghirane (Rass ben Sekka, site n°196).
Fig. 57. Plate-forme d'abrasion tyrrhénienne (rasa) entre la vigie et le phare de Rass el Koran (site n°202).
Fig. 58. Aspect de la côte nord entre le Cap Negro et le Cap Serrât.
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Fig. 61. La Galite, baie de l'Escueil de Pasque sur la côte sud (site n°210).
Fig. 63. Aqueduc d' Hippo Diarrhytus, visible en coupe dans la falaise en recul à l'est du Cap Blanc (site n°189).
Fig. 64. Carrières antiques submergées de R'mel à l'est de Bizerte (site n°184).
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Etude écologique et
:
le long des côtes tunisiennes, notamment à Nabeul, diculaire à l'estran (long, du mur 42 m ; larg.
:
Salakta et Kerkennah (Borj el H'sar = site n° 61), ainsi 0,95 m), semble former l'enceinte d'un bâtiment
qu'avec ceux qui ont été étudiés sur les côtes divisé lui-même en une dizaine de compartiments du
ibériques et marocaines (Ponsich et Tarradell 1965 ; Curtis Nord au Sud. Larg. du bâtiment : 10 à 13 m ; larg. des
1991, p. 46-71). compartiments : environ 3 m ; épais, des murs : 51 à
Un relevé partiel des fondations de murs visibles 53 cm. Un autre bâtiment lui succède au Sud après un
à la surface du tell dans la partie Nord-Est du décrochement de 8 m ; il fait un angle assez sensible
promontoire a permis de préciser la disposition des cuves à avec l'alignement du mur précédent et comporte lui
l'intérieur d'un bâtiment et la structure des murs aussi une série de divisions qui correspondent peut-
d'enceinte (fig. 65) : on remarque en A, contre les être à l'emplacement de cuves. Un autre mur de 20 m
murs en blocage (larg. 52 cm), le béton étanche de la de longueur visible et le long duquel sont accolées
paroi de la cuve aux angles arrondis (épais. 7 cm) et des divisions semblables (larg. : 2,50 m) est
son enduit lissé (6 cm) ; en B, une coupe de la base perpendiculaire à l'ensemble précédent et suggère l'existence
du mur d'enceinte dans la falaise, montrant la d'une troisième série de cuves. On remarque des
fondation en grand appareil au-dessous de l'élévation en traces de foyers et la présence de coquilles de murex
moellons. éparses parmi ces vestiges de constructions. Ceci peut
Dans le secteur sud-ouest, au débouché de la piste conduire à penser que ce quartier de l'agglomération
d'accès au site, des arases de murs sont très était voué à la production de teinture de pourpre. A
apparentes sur une grande étendue à la surface du sol qui signaler encore dans les environs immédiats de ces
a été nivelé en cet endroit. Un mur principal, arases de murs, les vestiges de deux citernes, l'une
81
moellons
grand appareil
imon
reconnaissable par sa structure voûtée, l'autre avec Hayes 23, 182, 183, 196, amphores africaine II et
des angles arrondis. Agora M 254) à nette dominante tardive (sigillée
Du côté de la terre ferme, peu d'indices africaine de type D Hayes 59, 6lB (fig. [6], n 38) et de
permettent de définir les limites et la nature de type E Hayes 68, lampe Atlante VI (fig. [91, n° 93),
l'agglomération dont les vestiges ont été repérés en bordure du amphores Tripolitaine III (fig. [12], n° 147-149),
littoral. Il n'y a pas de trace d'édifice à caractère africaines II (fig. [13], n° 160-161),
urbain, pas de rempart. Tout au plus peut-on indiquer n° 165), Keay 35B et spatheion, amphoreKeay 25 (fig.
orientale
[13],
qu'une zone de nécropole déjà signalée au Nord-Est Carthage LRA 3).
de la ville a été l'objet de fouilles clandestines comme
en témoignent des jarres de sépultures brisées. En
Bibliographie
revanche, l'abondance du petit matériel qui avait été
signalée par les premiers visiteurs (Rebillet 1892, Rebillet (Cdt M.), 1892, Note sur le Bahira des Biban
p. 127) est confirmée sur toute l'étendue du site : les et Medéina (Tunisie), BCTH, p. 126-128.
clous et petites monnaies de bronze jonchent Lecoy de la Marche (H.), 1894, Recherche d'une voie
effectivement le sol ; les deux pièces complètes d'une romaine du golfe de Gabès vers Ghadamès,
meule « en pierre noire très dure » avaient été trouvées
BCTH, p. 411-413.
par Lecoy de la Marche (1894, p. 411). A signaler la Bertholon (L.), 1894, Etude géographique et
découverte, durant la campagne de 1990, d'une économique de la province de l'Arad, RT, 2, p. 193.
intaille d'époque paléochrétienne décorée d'un Christ Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
en croix et portant une inscription. Elle a été remise à stratégiques et sur l'occupation militaire du Sud
A. Drine, conservateur du Musée de Zarzis. tunisien à l'époque romaine par MM. les capitaines
Le site d'Henchir Mdeina dont l'importance avait Donau et Leboeuf, les lieutenants de Pontbriand,
été pressentie lors de sa découverte, n'a plus guère Goulon et Tardy, BCTH, p. 411.
été pris en compte depuis lors. Un rapprochement Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la
s'impose entre l'existence à présent reconnue de cet Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur
important centre de traitement des ressources l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord
halieutiques de la Bahiret el Biban et la mention des (Avignon avril 1990), Paris, CTHS, p. 323-325.
célèbres taricheiae (salaisons) de Zouchis (ville et lac), Drine (A.), 1992-93, Le site d'El Mdeina au Sud d'El
par les auteurs grecs dans cette même région Biban, la « Zouchis » de Strabon, Reppal, VII-VIII,
(Pseudo-Scylax, Périple, éd. Mùller, 110 ; Strabon p. 103-115.
XVII, 3, 18). Une autre possibilité était celle Drine (A.), 2002, Autour du lac El Bibèn, les sites d'El
proposée par la carte des voies romaines d'Afrique Mdeina et de Bou Garnin, dans L'Africa romana
du Nord de P. Salama et qui suggérait que Fisida
XIV, (Sassari, 2000), p. 2001-2014.
(vicus) et Pisida (municipium) , mentionnées
respectivement par l'Itinéraire antonin (6l, 1) et par la
Table de Peutinger (segm. VII, 1-2), représenteraient
en réalité deux localités distinctes, l'une qu'elle
situait sur la rive sud de la Bahiret el Biban où se 2 - SOLB ECH CHERGUI
trouve Mdeina, l'autre à Bourga. Cette hypothèse 36 G 90' N - 10 G 10' E.
doit être à présent rejetée si l'on s'en tient à la
localisation de la Villa Magna à Bou Gornine (Drine, Au sommet du solb (cote 14), à proximité d'une
2002, p. 2010). citerne actuelle, alignements de murs avec enduit de
tuileau étanche, qui pourraient être les vestiges d'une
CERAMIQUE citerne antique. Les ruines se situent sur le cordon
principal de la formation Rejiche, d'où la vue s'étend
La céramique recueillie en surface, assez à la fois sur la mer et sur la Bahiret el Biban, là où se
abondante, révèle un contexte d'époque romaine (sigillée développe la flèche sableuse de Rass Oudène el Bouri
africaine de type A/D, vaisselle culinaire africaine (fig. 66).
CERAMIQUE
Bibliographie
La céramique offre deux contextes différents, le
Medhioub (K.), 1979, La Bahiret el Biban, Etude premier datable du ne s. (sigillée du sud de la Gaule,
géochimique et sédimentologique d'une lagune du Sud-Est sigillée africaine type A Hayes 7A, vaisselle culinaire
tunisien, Paris, ENS, Trav. Lab. Géol., 13, 150 p. Hayes 23), le second du Ve s. (sigillée africaine C Hayes
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la 72B, 91A/B, lampe en sigillée africaine Atlante X).
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 149-150. 5 - HENCHIR BOU GORNINE
(Villa Magna It. ant., 60, 3 ; A.E. 1915, n° 81)
36 G 88' N - 9 G 97' E.
:
3 - SOLB ECH CHERGUI OUEST Sur la rive sud de la Bahiret el Biban, en face de
36 G 90' N - 9 G 99' E. l'îlot de Sidi Mohammed Chaouch, vaste ensemble de
ruines couvrant plusieurs hectares autour d'une
Sur une hauteur, à 500 m environ de l'extrémité grande citerne réaménagée récemment et décrite par
du solb, trace d'une petite construction de 3,50 x 5 m Rebillet (1892) comme « un oppidum en belle
de côté qui pourrait correspondre à une tour maçonnerie de chaux d'origine romaine ou byzantine, avec
d'observation. Près de la pointe, où le cordon Rejiche des restes de construction tout autour ».
principal s'effile et s'abaisse, il y a disparition du cordon Une inscription sur ostraka trouvée à Henchir Bou
Rejiche secondaire. Côté mer, une carrière exploitait Gornine permet d'identifier ce site avec lefundus de
les grès Rejiche à grain fin ; actuellement inondée Villa Magna, station de l'Itinéraire antonin située à 35
sous 25 cm d'eau à marée montante, elle s'étend sur milles du municipe de Pons Zita et à 30 milles de
une vingtaine de mètres de largeur, entre une Fisida (Pisidà), qui se trouve à Mersa Bourka.
microfalaise et un rempart externe assez mal conservé. Les ruines sont localisées sur la croûte
A l'extrémité même du solb, la présence d'une villafranchienne, en arrière d'une falaise vive de 5 à 6 m de
nécropole à jarre, mise au jour par l'érosion marine, haut taillée dans les argiles rouges pontiennes
atteste le recul du trait de côte depuis l'antiquité. couvertes par des limons de ruissellement. Le site
archéologique est encore hors de portée de l'érosion
marine, les ruines les plus proches de la mer étant à
4 - HENCHIR DAOUI une cinquantaine de mètres du rivage.
36 G 86' N - 10 G 00' E. En ce qui concerne la nature de ces vestiges, les
nombreux restes de voûtes, les fragments d'enduit
Vestiges d'une construction de 40 m de côté se étanche suggèrent qu'il doit s'agir d'un complexe de
présentant comme une enceinte avec une tour de guet réservoirs pour l'ensemble principal. A noter
ronde de 5 m de diamètre dans l'angle nord-ouest. l'utilisation dans un radier de citerne d'un mortier à base de
type C5 Hayes 85, type D Hayes 50, 52, 59, 6lB, 67, 70, de pêcheurs de l'époque préromaine. Le site a été
91C, type E Hayes 68, lampes en sigillée africaine Atlante réoccupé après l'antiquité.
I, VI (fig. [9], n° 91), VIII et X. Les amphores sont
représentées notamment par le type Tripolitaine III.
CERAMIQUE
11 - HENCHIR CHAABANE
36 G 07' N - 9 G 80' E.
52 cm). Les murs sont en petits moellons assemblés Matériel d'époque romaine (vaisselle culinaire
au mortier de chaux. africaine Hayes 181 et 182) mais les témoins les plus
Entre 100 et 200 m à l'Ouest de la tour, vestiges nombreux appartiennent au Ve s. : sigillée africaine D
d'une construction en blocs taillés et alignement de Hayes 50 et 6lB, amphores africaines dont spatheia,
maçonnerie se dirigeant vers la mer : on remarque qu'il amphore orientale Carthage LRA 1.
est constitué de deux parements avec un enduit central,
ce qui suggère une canalisation. A 100 m vers l'Est,
deux petits monuments en grand appareil, à une Bibliographie
trentaine de mètres l'un de l'autre, correspondent sans
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
doute à des soubassements de mausolée, le premier de
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 207.
2,45 x 1,65 m, le second (plus à l'Est) de 2,15 x 1,65 m.
On remarque sur le site plusieurs accumulations Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
de petits coquillages mélangés (cérithes, petits stratégiques et sur l'occupation militaire du Sud
cardiums, perinelli) ; ils sont utilisés également dans tunisien à l'époque romaine par MM. les capitaines
le mortier. Donau et Leboeuf, les lieutenants de Pontbriand,
Goulon et Tardy, BCTH, p. 280.
Il n'y a pas d'indice d'une évolution du rivage
depuis l'antiquité : une petite falaise vive du côté du Drine (A.), 1992-93, Le site d'El Mdeina au Sud d'El
Biban, la « Zouchis » de Strabon, Reppal, VII-VIII,
Nord-Ouest et le platier rocheux du côté du Nord-Est
ont été l'un et l'autre taillés dans un calcaire gréseux p. 107.
de la formation Rejiche.
CERAMIQUE Bibliographie
Matériel relativement abondant, bien circonscrit à Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
la fin du iie-nie s. : sigillée africaine de type A Hayes Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
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196 et 197. l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 145-147, fig. 74.
Bibliographie
suit cette pointe, deux grands murs en équerre neau 39), sigillée du sud de la Gaule formes
(longueurs visibles : 15 m pour l'élément nord- Dragendorff 15/17 (fig. [4], n° 15), 18/31, 24/25, 27,
ouest/sud-est ; 35 m pour l'élément sud-ouest/nord- 29 (fig. [4], n° 17), 36, timbre PASSE/ (fig. [4], n° 16),
est ; larg. : 1,10 m). Près de la deuxième pointe, un vaisselle à parois fines, sigillée africaine type A
fond de cuve avec utilisation très apparente de Hayes 3B (fig. [5], n° 25), 14, type D Hayes 52, 70, 59,
murex concassé dans le béton. Puis suivent plusieurs 6lB, 87B, 105, type E Hayes 68, vaisselle culinaire
séries de pans de murs recoupés par la falaise en africaine (dont Hayes 23, 181, 183-.-), lampes
avant d'un groupe de citernes, à 200 m environ à italiques dont une Firmalampe avec marque /TAVI
l'Est de la digue (8 cuves visibles). A l'Ouest de la (fig. [91, n° 81), lampes en sigillée africaine Atlante
digue, à 50 m du repère D.P.M. 41 au bas duquel se VIII, Deneauve XIB (fig. [9], n° 94), amphores
trouve un massif de maçonnerie avec la marque d'un italiques Dressel 1, 2/4 (cette dernière forme également
sol d'occupation antique, un bâtiment quadrangu- présente dans une pâte apparemment locale, cf. site
n°
laire a été en partie recouvert par la mer. Les 21), amphores tripolitaines II et III, Agora M 254,
divisions transversales régulières suggèrent qu'il peut amphores africaines I et II, spatbeia, Keay XXV,
s'agir de magasins (horrea) (fig. 68). La dénivellation XXXVB, amphores orientales Kapitân II, Carthage
est d'environ 0,50 m entre l'arase du mur submergé LRA 2.
et les laisses de haute mer.
16 BIS - EL GASTEL
37 G 45' N - 9 G 60' E.
2-3
CERAMIQUE
Très abondante, elle couvre une longue période Fig. 69. Site 16 bis. El Gastil.
chronologique, de l'époque punique au VIIe s. de 1. Eolianite de la formation Sidi Salem ; 2. Matériel
notre ère : vaisselle campanienne A, bols archéologique (ateliers de potiers ?) ; 3. Citerne antique
hellénistiques à reliefs, sigillée italique (dont forme Goudi- 4. Dépôts de sebkha ; 5. Nebkhas.
Le substratum est de grès dunaire de la formation Akkari Weriemmi (J.), 1995, La nécropole libyco-
de Sidi Salem, couvert de sables éoliens meubles punique de Ghizène (Djerba-Tunisie), Africa, XIII,
attaqués par la mer (fig. 70). Une falaise de 1,50 à 2 m est p. 51-73.
taillée dans du matériel archéologique dont la strati-
20 - CHEIKH YAYA
37 G 52' N - 9 G 34' E.
CERAMIQUE
23 - RASS SEGALA
(Medina Guedima, Gidaphtha ? Ptolémée IV, 3)
37 G 24' N - 9 G 554 E.
Fig. 71. Site 22. Ersifet alignements de blocs.
Ancien port d'époque romaine indiqué sur les
:
I I J.L 100m
Fig. 73- Site 23. Rass Segala : les jetées de l'ancien port
romain.
un fragment de fût de colonne (long. 0,75 m ; Bir Tajerjimet, trace d'une petite construction en
:
diam. : 0,56 m) et deux chapiteaux corinthiens de blocage, fragments de béton de tuileau ; à proximité
mêmes dimensions (larg. max. : 0,65 m ; larg. min. petite nécropole.
:
28 - BIR SLAMA EST dont les témoins (blocs taillés ou blocage), gisant
37 G 32' N - 9 G 33' E. parfois dans la mer ou restant accrochés au sommet
de la falaise, sont le plus souvent des établissements
Vestiges très informes d'une construction voûtée ruraux dont l'activité tournait le dos à la mer. Tel
avec des fragments de béton en tuileau. Il s'agit semble être le cas de l'Henchir Chelakhi, site très
vraisemblablement d'une citerne. Plus au Sud, de l'autre étendu comportant des vestiges peu lisibles de
côté d'un vallon, nécropole pillée. construction en blocage en partie démantelés par le recul
Toute cette rive ouest de la Bahiret el Bou Grara de la falaise. Les restes d'une huilerie qui se devinent
présente très peu de traces probantes d'une au Sud du site principal avec des traces de cuves et un
occupation humaine antique liée à l'exploitation de la mer. élément de sol de la surface de presse, sont de nature
Malgré la situation abritée de ce littoral, la présence de à confirmer la vocation agricole de ce centre. Un
la falaise et de faibles profondeurs créent des environnement de nécropoles entoure le site, notamment
conditions défavorables au développement d'une vie vers le Sud où on voit de larges jonchées de tessons.
maritime.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
front de mer. Du matériel archéologique apparaît en Rejiche, dominant de 0,50 m environ une vasière nue
coupe sur plus de la moitié de la hauteur de la falaise. (slikke) qui borde ce chenal.
A la base de celle-ci affleurent des marnes gypseuses
verdâtres d'âge pontien, recouvertes par un dépôt de
CERAMIQUE
plage grossier tyrrhénien (formation Rejiche), plus ou
moins remanié par le ruissellement et cimenté,
Contexte d'époque romaine, à très nette dominante
recouvert ensuite par des sables éoliens non consolidés. Le
tardive : sigillée africaine de type A (forme Atlante
recul de la falaise se fait par affouillement des marnes
XXXI, 18 ?), de type C5 (Hayes 85), de type D (Hayes
sous-jacentes.
91) et de type E (Hayes 68), vaisselle culinaire africaine
Parmi les vestiges plus ou moins informes
tranchés par la falaise, on remarque une citerne visible en Hayes
n° 95) 196,
et X lampe
(fig. [9],
africaine
n° Deneauve VIIIB (fig. 19],
coupe dans le sens de la largeur. Elle est posée 98), amphores africaines
spatheion et cylindrique de grandes dimensions,
directement sur la plage de Rejiche et creusée dans les
amphore orientale Carthage LRA 1 On remarque
sables dunaires. Plus à l'Est un silo (ou un four) est
.
quelques pesons de filets de pêche en céramique.
creusé dans le remaniement continental au-dessus du
Quelques tessons d'époque islamique : vaisselle et
niveau de plage tyrrhénien.
lampes glaçurées (fig. [26], n° 7 et 10).
Aux abords de la nécropole pillée : amphore
CERAMIQUE Tripolitaine III, amphore africaine Keay XXXVB,
lampe en sigillée africaine Atlante X.
Contexte fin ive ou Ve s. sigillée africaine E Hayes
:
Tessons échelonnés du IIe au Ve s. : sigillée on rencontre d'abord un espace bas, argileux, couvert
africaine de type A/D (Hayes 32) et de type E Hayes 68 de touffes de salicornes, puis une plage de sable fin.
(fig. [7], n° 55), lampe en sigillée africaine Atlante I (?) Les vestiges visibles en surface se réduisent en fait,
(fig. [91, n° 84), VI (fig. [91, n° 90), X. On note comme l'indique le nom même du site {chougaf: ar.
également un fragment de céramique peinte (fig. [11], poterie), à de très vastes jonchées de céramique, sur
n 134). plusieurs hectares, sans alignement de murs
apparents mais au milieu de pierraille prélevée sur la
formation Sidi Salem. On peut penser qu'il s'agit d'un
ancien village de pêcheurs valorisant ce point du
36 - ET TARFAIA littoral, ou encore un lieu d'échange près de l'oasis de
37G 5O'N-9G81' E.
Gabès entre les semi-nomades de la Jeffara et les
cultivateurs oasiens.
A 1,5 km au Sud-Est de l'embouchure de l'oued el
Ferd, près du vallon d'El Hajel, vestiges d'un
monument mis au jour et entièrement détruit à l'occasion de CERAMIQUE
labours profonds sur une terrasse sablo-limoneuse
recouverte d'une croûte gypseuse peu développée, Riche ensemble de céramiques de l'Antiquité
probablement du quaternaire supérieur. tardive : sigillée africaine de type C5 (Hayes 82, 84), de
Du monument ne subsistent que deux blocs ainsi type D (Hayes 67, 87B, 88, 91A-C, 104A), de type E
qu'un chapiteau ionique (diam. à la base : 36 ; Hayes 66 (fig. [7], n° 53), 68 (fig. [7], n 54 et 57-58), 92
abaque 56 ; larg. des volutes : 19 cm). (fig. [7], n° 63) et production du sud de la Tunisie Stern
:
IV
n° (fig. [7], sigillée
79-80), n° 69 etclaire
71) décorée
gauloise (fig.
de type
[7], n"« luisante
74 et [81,»
Lamboglia 45 (fig. [4], n° 23), lampes en sigillée
37 - HENCHIR CHOUGAF
37 G 61' N - 8 G 70' E. africaine Atlante VIII et X (fig. [91, n° 97), céramique
commune (fig. [11], n° 126 et 128), amphore africaine
Keay XXXVB, amphore orientale Carthage LRA 1. On
A proximité de l'oued Essoureg (rive nord), site
note également un fragment de vase à décor plastique
archéologique localisé sur un cordon littoral n°
(oiseau) en sigillée africaine (fig. [9], 103) et
caillouteux d'âge tyrrhénien (Rejiche) caractérisé par de
quelques pesons de filets de pêche en céramique.
petits galets à émoussé typiquement marin, souvent
lithophagés, localement pris dans un encroûtement
gypseux (fig. 79).
A l'arrière, vers l'intérieur des terres, on trouve 38 - HENCHIR ER REKHAMA
d'abord une petite butte correspondant à un (Tarf el-Ma Lacene ? ; Tab. Peut., segm. VI, 5)
:
affleurement d'éolianite de la formation Sidi Salem, puis une Gabès 1 : 100000, 37 G 86' N - 8 G 55' E.
colline culminant à 10 m, reste isolé d'une terrasse à
cailloutis, couverte d'une croûte gypseuse, façonnée Cet endroit qui était connu pour offrir aux
dans les argiles mio-pliocènes. A l'avant, vers la mer, pêcheurs et aux marins fréquentant le golfe de Gabès
:
africaine de type A Hayes 9A, type C Hayes 72, type D
Hayes 67, type E Hayes 68 et production du sud de la
Les quelques tessons recueillis appartiennent à
Tunisie Stern IV (fig. [7l, n° 70 et 72), sigillée claire
l'Antiquité tardive lampe africaine tournée type
n° gauloise de type « luisante » Lamboglia 1/3, vaisselle
:
Atlante XVI (fig. [91, 101), amphore africaine type culinaire africaine Hayes 181, 196.
Keay XXV.
42 - EN NADOUR
41 - SEBKHET EL GUETTIATE (ex Ferme Roderie : Cellae Picentinae ; Cellae Vicus F)
La Skhirra 1:100000, 38 G N - 8 G 52' E. La Skhirra 1:100000, 38 G 03' N - 8 G 58' E.
Les ruines se rencontrent sur une butte surbaissée Les ruines se suivent à partir de 300 m environ au
d'argiles gypseuses mio-pliocènes, à l'écart et en Sud de la tour du nadour (fig. 6), sur une distance
contrebas d'une butte-témoin d'un glacis d'ablation, de 200 à 300 m en bordure d'une falaise dont la
haute de 3 m, couverte par une croûte gypseuse hauteur, variable, peut atteindre une dizaine de
(fig. 81). Tout autour s'étend une sebkha argileuse, mètres. Cette falaise est taillée dans les argiles rouges
par endroits totalement dépourvue de végétation, du Mio-Pliocène, couvertes par une croûte gypseuse
ailleurs parsemée de nebkhas là où existent des épaisse de 20 à 30 cm. La falaise est en cours de
touffes de végétation. Les ruines sont elles-mêmes recul comme en témoignent des fissures et des
couvertes par des nebkhas. La mer est distante de vestiges archéologiques visibles en coupe dans sa
3,5 km à vol d'oiseau. partie supérieure (cf. fig. 164), une encoche plus ou
moins bien développée suivant les endroits à sa base
s.o et de gros pans d'argiles rouges effondrés à son pied.
Cette érosion est due à la fois à des actions
mécaniques d'attaque par les vagues de tempête qui
£v — vQ)v — vi peuvent atteindre parfois 3,50 m de hauteur, comme
le signalent les Instructions nautiques, et à des
Fig. 81. Site 41. Sebkhet el Guettiate. actions chimiques de dissolution de la roche
1. Argiles gypseuses ; 2. Croûte gypseuse ; 3. Cailloutis ; gypseuse par l'eau de mer. Les mesures effectuées
4. Sebkha ; 5. Nebkhas ; 6. Site archéologique. récemment (Oueslati 1993a, p. 332-333) ainsi que les
analyses de laboratoire (Albinet 1991) laissent penser
Le site antique, assez étendu, est marqué par de que l'attaque de la falaise est assez rapide ; mais rien
larges jonchées de céramique et des restes très ne permet d'évaluer la vitesse de son recul avec
informes de construction en moellons prélevés sur précision. A cet égard, il est regrettable que
une croûte calcaire. Plusieurs ensembles de ces ruines V. Guérin (1862), toujours très minutieux quand il
semblent constituer les vestiges d'une agglomération s'agit de l'horaire de ses déplacements, se soit
qui devait être formée d'habitats d'un caractère assez contenté d'une vague indication à propos de la
rudimentaire. position, lors de sa visite, du nadour, vieille tour qui se
A noter : un peson de filet, un fragment de marbre, dresse au Nord du site archéologique. Elle se trouvait
un fragment de meule en basalte. Il s'agit sans doute alors « non loin » du bord de la falaise. Comme elle
d'un village de pêcheurs isolé au milieu de la sebkha. en est aujourd'hui éloignée de 13 m, une mention
Sur la hauteur dominant le site, existent les traces d'une plus précise de la part de V. Guérin aurait permis de
nécropole creusée dans la croûte. Autour, se voient des calculer la vitesse du recul pour un laps de temps
tessons épars, ainsi que des éclats de silex taillés. significatif.
Les vestiges les plus apparents de ce site ment pendant l'époque aghlabide d'après sa forme et
d'occupation antique se situent en front de mer où ils ont été sa technique de construction. Mais on remarque, dans
mis en évidence par le recul de la falaise : des la fondation, la présence de blocs de grandes
fondations de murs en blocage, quelques blocs encore dimensions qui donnent à penser qu'on pourrait avoir
alignés sont visibles en coupe dans la partie affaire à une construction réutilisant des éléments
supérieure de celle-ci. Sur l'estran, on remarque également enlevés à des monuments plus anciens, peut-être un
quelques blocs taillés de gros appareil, tombés des fanal d'époque byzantine.
constructions mises en porte-à-faux au sommet de la
falaise. Ces constructions sont difficiles à caractériser.
Cependant, on remarque aussi la présence sur l'estran CERAMIQUE
d'un fond de cuve déchaussé par la mer et descendu
au pied de la falaise au cours d'un effondrement sans Contexte romain et de l'Antiquité tardive (nie-
doute récent. Ce type d'installation est tout à fait vie s.) : sigillée africaine type A/D Hayes 29, 32, 33,
semblable, mais à une moindre échelle, à ce qui peut type C Hayes 52, type D Hayes 91, 87B, 103/104,
se voir à Mdeina (site n° 1) ou à Borj el H'sar (site vaisselle culinaire africaine Hayes 181, 182, 196, 197,
n°
61), prouvant l'existence en ce lieu d'une activité lampes africaines Deneauve VIIC, lampes en sigillée
liée au traitement des produits de la pêche. En africaine Atlante IVB (?) (fig. [9], n° 86), V (fig. [9],
n°
revanche, rien ne permet de définir au vu des traces 96), VI (?) (fig. [91,n°n° 89), VIII, VIIIB, X, amphores
indistinctes de tells visibles sur le plateau en arrière de africaines I (fig. [13], 159), II A « con gradino »>, Keay
la falaise, les caractères du centre habité - domaine XXV, amphore orientale Carthage LRA 1.
rural ou modeste bourgade - qui s'y laisse deviner.
On peut signaler toutefois des éléments de blocage
suggérant la présence d'un petit therme. L'hypothèse Bibliographie
la plus plausible concernant la nature de ce site est
celle d'un centre dont la vocation était double : Lanfreducci et Bosio, 1587, Costae e discorsi di
fondée à la fois sur les activités agricoles et Barbaria, Malte (éd. et trad. Ch. Monchicourt et
halieutiques. Ce centre a été reconnu par Guérin entre autres, P. Grandchamp, R. afr., 325, 1928, p. 415-483).
comme pouvant correspondre à la station antique de Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la
Cellae Picentinae ou Cellae Vicus, que l'Itinéraire Régence de Tunis, 1, Paris, p. 185.
antonin place à 26 milles au sud de Macomades et 30 Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
milles au nord de Tacape (fig. 82, point D). en 1888, Paris, Challamel, p. 185.
Quant au nadour lui-même, qui est peut-être le Djelloul (N.), 1988, Les installations militaires et la
Qasr al-Rûm mentionné par el Bekri (De Slane, p. 46 ; défense des côtes tunisiennes du xvie au
Mahfoudh 1999, p. 175), c'est la « tour rouge » XIXe siècles, Paris IV-Sorbonne, p. 6 10.
signalée par divers portulans ainsi que par Lanfre- Albinet (V.), 1991, Recul et morphogénèse des falaises
ducci et Bosio au XVIe s. (éd. Monchicourt 1928). Elle d'argiles gypseuses du Sud-Est tunisien, Diplôme
est située à 7 km de La Skhirra, près d'un mouillage d'Etudes Approfondies Géographie, Université
encore très fréquenté à l'époque ottomane. Vue du Lyon-Lumière, 168 p.
large, elle constituait « un point de repère excellent Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
pour les navires qui voulaient donner dans la baie des 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Surkennis » (Servonnet et Lafitte 1888). L'ouvrage était de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 233-234.
une tour de section octogonale (25 m de pourtour), Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
construite en blocage de moellons avec un parement Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc.
de pierres de taille. Elle est conservée irrégulièrement Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 330-337.
sur 8 m de hauteur au maximum et présente des Mahfoudh (F.), 1999, Sousse et ses rapports avec la
traces de restaurations dans un passé relativement Méditerranée au bas Moyen Age, dans Du Byza-
récent, mais qui ont conservé au sol le plan primitif. cium au Sahel, Université du Centre, Sousse,
Il s'agit d'une tour de guet construite p. 175.
MACOMADES
IVNCI
MACOMADES -OLEASTRVM
rxxvn m. p.
Table de Peutinger
MACOMADES-CELLAE VICVS
= XXVI m. p.
It. Antonin )
Fig. 82. Sites 43-52. La Skhirra. Bir Flaguess (Ben/as). Iles Kneiss : carte et itinéraires anciens.
Cette agglomération importante commandait une Duval (N.), 1973, Les églises africaines à deux absides,
section de côte particulièrement bien protégée des 2, Paris, p. 253-258.
vents du large, à l'entrée de la baie de Surkenis. Elle Pringle (D.), 1981, The Defence of Byzantine Africa
devait avoir une fonction de mouillage pour les flottilles from fustinian to the Arab Conquest, 1, Oxford,
de pêche qui fréquentaient le banc des Kneiss. La BAR, Internat. Ser, 99, p. 207-208.
présence de vestiges de fortification visibles sur les Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
clichés aériens : un fort à tours rondes et un fossé 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
entourant la ville, avaient fait supposer que le site de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 234-235.
marquait l'emplacement de Lariscus, un port où l'armée
byzantine s'était retranchée et ravitaillée pendant la
campagne de Jean Troglita contre les tribus maures
(Covripus, Johan. VIII, 5, 45-48 ; Fendri 1961, p. 14-15). 44 - HENCHIR FERCHATT
Une autre identification paraît bien s'imposer, celle de Hachichina 1:50 000, x : 526,25 - y : 118,75.
Benfas, ou Bennefa, centre mentionné par les listes
d'évêchés et dont on sait par la Vie deFulgence deRuspe Site étendu, mais bouleversé, comportant une
qu'il se trouvait au sud de Iunci. L'idée augurale de nécropole pillée au Nord-Ouest, près d'un mausolée
« bon présage » attachée à l'expression benefas, et à pyramidion bien conservé, ainsi qu'un ensemble de
justifiable pour un port d'accès difficile à l'entrée des bancs citernes ; l'une d'elles est conservée en élévation
des Kneiss, autorise peut-être aussi un rapprochement jusqu'à la hauteur de la voûte. De nombreux témoins
avec le toponyme Aves, cité - avec Thaenae, Maco- de céramique jonchent le site, attestant une durée
mades et Tacape - par Pline l'Ancien (//TV, 25) dans une d'occupation allant du IIe au Ve s. de notre ère.
série d'emporia de la Petite Syrte, mais qui était une ville Les ruines sont situées sur un glacis qu'aucune
jusqu'alors non identifiée (fig. 82, point C). coupe ne permet d'observer même là où il est
interrompu par une falaise morte probablement d'âge holo-
cène. Une sebkha argileuse, large d'environ 500 m,
CERAMIQUE avec ou sans plantes halophiles suivant les endroits,
s'étend à son pied. Elle passe à un schorre, à végétation
II y a là un ensemble de céramiques de l'Antiquité dense, à l'approche du Rejel ben Sehil, important
tardive : sigillée africaine de type C5 décorée chenal de marée qui prolonge l'oued el Melah.
(poinçon Atlante 94) et Hayes 85 de type D décorée
(poinçon Atlante 143), de type E Hayes 68, lampe en
CERAMIQUE
sigillée africaine Atlante X, amphore orientale
Carthage LRA 1. Un fragment de spatheion africain de
Sigillée africaine de type A Hayes 3C, 5, 9A, de
petites dimensions peut avancer la datation jusqu'au
VIIe s. tandis qu'un tesson de sigillée italique prouve type A/D Hayes 29, 33, vaisselle culinaire africaine
Hayes 181, lampe en sigillée africaine Atlante VIII,
l'ancienneté de l'occupation des lieux. Traces
amphore africaine Keay XXV, amphore orientale
d'occupation islamique (?) (fig. [26], n° 4).
Carthage LRA 1. Peson de filet de pêche.
Bibliographie Bibliographie
Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH, Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
p. 329. en 1888, Paris, Challamel, p. 166-167.
Fendri (M.), 1961, Basiliques chrétiennes de La Skhira, Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
Paris, Presses Universitaires de France, p. 9-16. p. 332.
Ballais (J.-L.), 1973, Données nouvelles sur le Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Pleistocene récent de la Tunisie méridionale, Bull. Soc. 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Hist. nat. Afrique du Nord, 3-4, p. 129-150. de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 235.
Le cadre topographique de ce site est semblable à Traces très indistinctes d'une occupation antique à
celui du site 44, situé en face de lui, de l'autre côté du la pointe du cap : céramique atypique. Il y a là une
Rejel ben Sehil. C'est une zone de collines basses petite falaise taillée dans les argiles gypseuses du Mio-
dominant d'une dizaine de mètres une étendue de Pliocène, haute de 2 m au maximum, avec une
sebkha traversée par des chenaux de marée. Au milieu cinquantaine de centimètres de couches
de ruines très indistinctes se remarquent une sorte de archéologiques au sommet. Elle est longée par un chenal de
petit bassin circulaire à revêtement de béton étanche, marée, ce qui explique sans doute qu'elle soit en
quelques blocs, des fragments de marbre et une cours de recul. Dans la coupe de la falaise ouverte par
meule en basalte. l'érosion marine, fragments de tuile romaine, un
A une centaine de mètres plus au Nord, vers le fragment de lampe en sigillée africaine Atlante X à décor
sommet du plateau (cote 13 ; cote 14 sur la carte plus surmoulé (vie-vne s.).
récente au 1:50 000), vestiges d'un ensemble Au loin, on aperçoit en mer les îlots de Kneiss.
monumental qui semblent bien correspondre aux ruines du
baptistère signalé par J. et P. Cintas et qu'ils avaient
attribué, sans doute à tort, au siège de Benfas. On
47-HENCHIRJEL
peut reconnaître les vestiges très apparents d'une
Hachichina 1:50 000, x : 535,75 - y 126.
cuve baptismale cruciforme enduite de béton de
:
tuileau et présentant quelques lambeaux d'un décor Le site se trouve sur une colline qui culmine à
de mosaïque ; un fragment de colonne (diam. 37,5 ; 14 m et sur laquelle affleure la croûte saumon dite
:
abaque : 22 x 59 cm ; acanthe haut. : 15, larg. : 13) ; bas niveau qu'une couverture dense de nebkhas
:
fragment de colonne (diam. : 38 ; long. : 42 cm). interdit d'observer, puis une sebkha littorale, nue et
étendue, où prend naissance un important chenal de
CERAMIQUE marée, l'oued Grienech.
En bordure de la sebkha et dans les champs
Un tesson d'amphore orientale Carthage LRA 2 voisins, tessons de céramique largement étalés dans
(vie s.). Un peson de filet de pêche. les labours. Un peson de filet.
Bibliographie CERAMIQUE
que longe un grand chenal de marée, l'oued el Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Maltine. Elle est constituée de sédiments sablo-vaseux 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
d'origine continentale, pouvant contenir dans leur de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 237-238.
partie supérieure, des tessons de poterie romaine. Il
s'agit donc, au moins en partie, d'un dépôt d'âge
historique. Des plantes halophiles espacées
parsèment sa surface. Sauf localement où se développent 49 - EL JAZIRET EL RHARBIA
de petits schorres, l'érosion par la mer domine, Hachichina 1:50 000, x : 534,50 - y : 113,50.
comme l'atteste la continuité de la petite falaise, de 50
à 75 cm de haut, qui caractérise ici le rivage. C'est l'îlot le plus méridional, coupé en deux à
C'est ici que Ch. Saumagne et L. Poinssot avaient marée haute, de l'archipel des Kneiss. Il est constitué
proposé de localiser le monastère de saint Fulgence par un affleurement de grès fin oolithique de la
de Ruspe d'après le témoignage d'un passage de la formation Rejiche, surmonté par une couche de limons
Vita Beati Fulgentii écrite par le moine Ferrandus au rouges wurmiens (dernière époque pluviale) qui
VIe siècle. Sur ce site, on retrouve effectivement les porte les niveaux archéologiques. Une petite falaise
traces arasées de deux petites constructions. La continue, haute de 2 à 3 m, au sommet de laquelle
première au Nord, à 500 m environ de l'extrémité de apparaissent des ruines de murs, témoigne de
la presqu'île, se présente comme un alignement de l'érosion marine qui réduit peu à peu la superficie de
mur de 7 m de long, avec un retour perpendiculaire l'îlot. Elle est précédée d'un platier rocheux qui
de 3,15 m (larg. du mur : 0,52 m). La seconde, à émerge largement à marée basse.
environ 1 000 m plus au Sud, à peu près à la hauteur Les ruines visibles à l'extrémité sud de l'île, en
où la côte dessine un coude, ce qui correspond à partie démantelées par la mer, sont celles d'un groupe
l'emplacement de la ruine signalée par Poinssot. de citernes garnies d'un béton intérieur étanche et
Mais seul un petit bâtiment de 5 x 6 m est encore dont les parois avaient été creusées dans la formation
apparent à cet endroit. En fait, l'identification rocheuse elle-même. Largeur de la citerne la mieux
proposée n'est plus défendable aujourd'hui puisque conservée : 3 x 6 m. C'est à tort que Partsch, suivi de
le monastère en question a été découvert par Tissot et de Dielh, avait supposé que dans l'îlot sud,
P. Cintas dans l'île de Laboua (site n" 50). De toute où ces vestiges avaient été les premiers signalés, se
façon, le site de Maltine, une langue de terre très trouvait le couvent de Fulgence.
basse submergée au moment des tempêtes, se
prêtait mal à l'installation d'un tel établissement et il
n'a pu que changer de configuration depuis CERAMIQUE
l'antiquité.
Contexte d'époque byzantine : sigillée africaine D
Hayes 99, amphore africaine Keay DQ/LXII, amphore
orientale Carthage LRA 2.
CERAMIQUE
50 - DZIRAT EL LABOUA Feuille (G.-L), 1942, Note sur le monastère des îles
Hachichina 1:50 000, x : 535 - y : 114,50. Kneiss, RT, p. 251-255.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
C'est l'îlot du milieu de l'archipel des Kneiss. Il ne 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
dépasse guère 4 à 5 m au-dessus du niveau moyen de de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 240-244.
la mer (2 m au-dessus des plus hautes mers) et mesure
actuellement, hormis la largeur de l'estran, 40 x 45 m.
Il est lui aussi constitué par du grès de la formation 51 - DZIRAT EL HAJAR
Rejiche et attaqué par la mer en falaise de tous les
Hachichina 1:50 000, x : 536 - y 116.
côtés. En plusieurs endroits de cette dernière
:
apparaissent des structures bâties déchaussées par l'érosion.
L'îlot du Nord de l'archipel des Kneiss ressemble
Sur l'estran rocheux, au nord-ouest, se reconnaît
aux précédents : affleurement de grès de la formation
un reste de plate-forme maçonnée, en blocage de Rejiche apparemment éolien dans sa partie
moellons irréguliers, noircis par les algues ; il est supérieure, falaise vive ne dépassant pas 2 m de hauteur,
recouvert d'eau à marée haute. Au Nord-Est, traces de au sommet de laquelle les ruines d'une citerne de 7 x
murs dans la falaise ; blocs de grand appareil : 56 x 49
3 m sont en cours de démantèlement. Elle était
x 55 cm, avec trou de scellement (6x7 cm ;
construite en moellons prélevés sur la croûte calcaire, avec
profondeur : 7 cm). Au Nord, restes de citerne avec
un enduit étanche de granules à matrice cendreuse.
enduit étanche à granules, bloc de grand appareil Sur l'estran, on remarque quelques blocs taillés. Le
(145 x 45 cm). platier rocheux est jonché de tessons d'amphores et
A l'intérieur de l'île, traces indistinctes, en partie de fragments de roches allogènes, en particuler du
recouvertes par la végétation ; quelques blocs épars
basalte et des roches métamorphiques. En s'éloignant
:
haut. : 37 ; diam. de la colonne correspondante : 38 cm). Contexte d'époque byzantine, comme sur les deux
Ceci confirme bien l'identification proposée de l'édifice sites précédents : amphores africaines Keay LXI/LXII,
chrétien : si monastère il y avait, c'est bien sur cet îlot LXI variante C.
qu'il se trouvait et non sur la grande Kneiss ou la côte
sablo-vaseuse de l'oued el Maltine.
Bibliographie
52 - DZIRAT EL BESSILA
Bibliographie Hachichina 1:50 000, x 538 - y : 119-
:
Cintas (J. et P.), 1940, Un monastère de saint C'est la grande île de Kneiss, sans doute
Fulgence, RT, p. 243-250. identifiable, comme l'avaient suggéré K. Mûller et Ch. Tissot,
avec P« île déserte » (nèsos érème) mentionnée par le éoliens et qui s'abaisse en direction de la mer. Il est
Pseudo-Scylax entre Jerba et Kerkennah et au possible sur ce site de distinguer des dunes
voisinage d'une station maritime dont le nom ne nous est préromaines sur lesquelles des constructions ont été
pas parvenu (Geographi Graeci Minores, éd. Mùller, 1, aménagées dans l'antiquité et des dunes
p. XXXVII ; Desanges 1978, p. 408). postromaines qui recouvrent les ruines de ces
Elle est constituée par un noyau de grès de la constructions. En se rapprochant du rivage, distant d'environ
formation Rejiche qui culmine à moins de 10 m. Il est 1 km, on traverse une sebkha à topographie plane
entouré d'abord d'une sebkha à végétation ouverte et à végétation halophile clairsemée. Les argiles, peu
de salsolacées, puis d'un schorre à peuplement épaisses, qui la constituent reposent sur la croûte
dense de Salicornia, parcouru par des chenaux de saumon et sont taillées en micro-falaise, de
marée, enfin d'une slikke vaso-sableuse couverte de quelques dizaines de centimètres de haut, par les vagues
cymodocées qui émerge amplement à marée basse car la côte recule. On remarque sur le haut de
(marnage approximatif en période de vives-eaux : l'estran rocheux qui découvre largement à marée
1,50 m). basse des concentrations de granules calcaires
Au Sud-Est de l'île, sur une très légère eminence, provenant de la désagrégation de la croûte dans sa
vestiges peu distincts d'une citerne : fragments de zone d'affleurement au-dessus des argiles
béton étanche à granules. pontiennes. Ces granulats ont été utilisés dans
l'antiquité pour la fabrication du mortier préparé pour le
revêtement interne des citernes conservées sur ce
Bibliographie site.
Dans la zone cultivée à proximité de la sebkha, il
Tissot (Ch.), 1884, Géographie comparée de la n'y a pas de trace de l'agglomération identifiée à tort
province romaine d'Afrique, 1, Paris, p. 202-203. par Tissot avec la ville de Macomades et qui doit être
Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès replacée, comme l'a montré Poinssot, à Onga
en 1888, Paris, Challamel, p. 168. (Junci). On ne peut que signaler des points isolés,
Seurat (L.G.), 1929, Observations sur les limites, les dont un bassin à enduit étanche, un fragment de
faciès et les associations animales de l'étage inter-
meule en basalte et deux citernes bien conservées,
cotidal de la Petite Syrte (golfe de Gabès), Bull. en forme de carafe. Celles-ci ont été restaurées et
Station Océanographique Salammbô, 3, 72 p.
l'une est encore utilisée. A remarquer, l'utilisation
Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH, dans leur enduit étanche des granulats de plage
p. 324. mentionnés ci-dessus.
Desanges (J.), 1978, Recherches sur l'activité des
Méditerranéens aux confins de l'Afrique, Rome, p. 408-
409.
CERAMIQUE
Shimi (M.), 1980, Etude sédimentologique de la région
de Kneiss (golfe de Gabès, Tunisie), thèse Un tesson d'amphore africaine Keay XXV.
Géologie, Université Paris-Sud, 167 p.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Bibliographie
de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 229, 239-
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 191.
53-ELKHEFIFIA Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
Hachichina 1:50 000, x : 544,50 - y : 128,25. p. 327, 332.
Cintas (P. et J.), 1940, Un monastère de saint
Les ruines se situent vers 8 m d'altitude sur une Fulgence, RT, p. 244.
topographie ondulée, moulée sur la croûte saumon Poinssot (L.), 1944, Macomades-Iunci, Mém. de la
attribuée au Villafranchien, couverte par des sables Soc. des Antiquaires de France, LXXXI, p. 133-138.
être la cavea. Plus au Nord, des constructions arasées, de type C5 Hayes 84 (fig. [5], n° 29), de type D Hayes
formées de murs parallèles et perpendiculaires sur la 61B (fig. [6], n 40), 87B (fig. [6], n 44), 91D, 99, 105,
piste côtière, jusqu'à 100 m environ au Sud du borj. de type E Hayes 68, du sud-ouest tunisien Stern XXXV
A l'aplomb du borj en bordure de mer, un mur de (fig. [7], n° 67), amphores africaines Keay XXV.2, LXI/
moellons et blocage, avec des éléments en grand LXII et spatheion de petites dimensions, amphores
appareil, est visible dans la falaise et sur la piste. Tout au orientales Carthage LRA 1, 3, 4, 7 (?).
long de la piste en allant vers le Nord, plusieurs cuves M. Nejib Ben Lazreg nous a signalé des traces
se reconnaissent, arasées au niveau de la chaussée probables d'ateliers d'amphores. La prospection
(dimensions : 5 x 3 ; 4 x 3 m). En bordure de la falaise révèle deux emplacements possibles : 1)
et sur l'estran, on remarque plusieurs blocs épars et un immédiatement au Sud-Est de la basilique sud, on remarque de
alignement de blocage qui a servi d'assise à une petite grandes zones cendreuses et argileuses dans un
habitation récente. On peut penser qu'il s'agit des champ fraîchement labouré, avec quelques tessons
traces d'un aménagement portuaire. brûlés (amphores africaines type Keay VIIIB) mais pas
A 100 m environ au Nord de la forteresse, deux de surcuit véritable ; 2) à la limite sud-est du site, à
alignements de blocs sur l'estran, avec traces de environ 100 m du littoral, des terres (pierreuses et
scellement en queue d'aronde. Le recul de la côte est ici cendreuses) non labourées livrent des scories
manifeste. C'est immédiatement plus au Nord que argileuses grises et des tessons brûlés (variés). Aucun de
débouche sur la mer le chenal de marée dont l'érosion ces deux emplacements n'offre de preuves évidentes
régressive au fond d'un vallon a mis au jour en la d'un atelier céramique, mais la présence
démantelant une usine de salaison (cf. fig. 12 et 165) : anormalement abondante des fragments d'amphores africaines
des cuves entières ont été déchaussées et basculées de type Keay VIIIB (dont la diffusion apparaît
sur toute la longueur du chenal, soit 80 m environ. On généralement modeste) peut laisser penser que ce conteneur
n°
remarque la forme arrondie des angles des cuves, a été produit à proximité du site (fig. [12], 154-156,
l'emploi d'un blocage en moellons pour les parois des 158).
cuves, avec des renforts de blocs en grand appareil
formant des chaînages aux angles des murs. Largeur
totale des murs avec leur béton et leur enduit
d'étanchéité : 99 cm ; largeur d'une cuve : 4,80 m. Sur Bibliographie
la rive sud du vallon, on peut suivre les traces d'un
mur d'enceinte en carreaux de cendre. Il s'agit peut- Poinssot (L.), 1944, Macomades-Iunci, Mém. de la
être du rempart urbain dont il est question dans les Soc. des Antiquaires de France, LXXXI, p. 133-169.
documents tardifs. On peut voir également sur le Garrigue (P.), 1953, Une basilique byzantine à Junca
même versant du vallon une adduction venant de la en Byzacène, MEFRA, 65, p. 173-196.
direction du borj. Elle devait servir à l'alimentation en Trousset (P.), 1991, Les défenses côtières byzantines
eau de l'usine de salaison. de Byzacène, dans Roman frontier Studies,
A 1 km environ au Nord de la forteresse, ruines Proceedings of the XVth Internat. Congress, 1989,
très apparentes d'une tour de guet (nadour), de forme University of Exeter Press, p. 350-352.
ronde et construite en moellons. Circonférence : Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la
30 m. Elle assurait un relais optique entre la forteresse Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur
de Iunci et la région de Maharès. A 150 m plus au l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord
Nord, grandes citernes bien conservées, constituées (Avignon 1990), Paris, CTHS, p. 326-327.
de deux galeries voûtées de 8 x 35 m. Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc.
Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 242.
CERAMIQUE Mahfoudh (F.), 1999, Sousse et ses rapports avec la
Méditerranée au bas Moyen Age, dans Du Byza-
Aux abords des cuves de salaison, contexte cium au Sahel, Université du Centre, Sousse,
romain tardif et d'époque byzantine sigillée africaine p. 166, 173.
:
Site étendu se présentant sous la forme de collines Les ruines de la ville antique s'étendent sur un
allongées, hautes de 5 à 6 m, larges d'une terrain de sebkha, à végétation halophile dispersée,
cinquantaine de mètres, bordant le rivage sur une distance parsemé de nebkhas, qui passe en bordure de la mer
d'environ 300 m. Ce sont des tells qui reposent sur à une vasière littorale typique, comprenant un schorre
une topographie de sebkha. Un schorre se développe et une slikke, surtout développée du côté sud-ouest.
au bord de la mer. Mais, lors des grandes marées, s'il Une première reconnaissance du site en 1978 avait
y a des vagues, le pied du bourrelet est attaqué, d'où montré que le rivage n'avait guère évolué depuis la fin
l'existence d'une petite falaise, haute de 1 m au plus, du XIXe s., en comparant alors la position des vestiges
dans laquelle on ne voit que du matériel du mur d'enceinte par rapport à la mer et celle
archéologique : quelques restes de murs, nombreux figurant sur un plan donné par Servonnet et Laffitte en
tessons. Au sommet du tell principal, restes d'une 1888.
fondation en blocage, de forme circulaire, avec D'autres observations sont actuellement
enduit, qui pourrait correspondre à une citerne. possibles grâce à des travaux mis en oeuvre pour
Plus au Nord, vaste étendue de cendres parsemées l'aménagement de salines. Au Sud-Est du site, à peu près au
de très nombreux tessons de céramique : amphore et droit du phare, sur le bord d'un chenal
vaisselle très diversifiée. On note la présence de artificiel ement creusé dans le prolongement de l'oued Agareb
pilettes en briques réfractaires et de scories. La et aujourd'hui hors d'atteinte de la marée à la suite
présence d'un centre de production n'est toutefois pas de la mise en place d'une digue, on peut examiner
certaine. On remarque également la présence de un mur couvert d'un enduit. Sa base, masquée par de
nombreuses petites monnaies et de clous de bronze. la vase, n'est pas visible, mais des placages de
En retrait de la côte à une centaine de mètres, Balanes qui ont vécu sur l'enduit lorsque le chenal
inhumations en amphores dans une zone traversée de nos était affecté par la marée, il y a peu de temps encore,
jours par des engins de terrassement. indique que le niveau de la mer est aujourd'hui
supérieur d'au moins 0,60 m, probablement plus, à
ce qu'il était au moment de la construction du mur.
CERAMIQUE Par voie de conséquence, le toit de la nappe
phréatique était plus bas qu'il n'est actuellement et le site
Situé à proximité de carrières d'argile et se de la ville moins inondable et moins salinisé qu'il ne
présentant sous la forme de plusieurs tells cendreux, l'est de nos jours.
cet emplacement ne livre cependant aucun témoin Au Sud-Ouest de la ville, en bordure de mer,
indiscutable de la présence d'un atelier céramique. vestiges probables d'un centre de production de
En revanche, le matériel, qu'il convient de dater céramique cendres et jonchées de tessons. Une autre
:
principalement de l'Antiquité tardive, offre une grande zone d'ateliers de potiers, mise en évidence par des
diversité : sigillée africaine de type C Hayes 44, de scories et de nombreux fragments de céramique avec
type C5 Hayes 82, 84, 85 et indéterminé (fig. [51,
n° ratés de cuisson, nous a été montrée en 1994 par
30), de type D Hayes 12/102, 67, 70, 81/80, 87A- N. Jeddi à l'intérieur du rempart en direction du Sud-
C, 90, 91A-C, Fulford 39/40, de type E Hayes 68, Ouest. En dehors du rempart, on remarque dans un
sigillée claire gauloise de type « luisante » Lamboglia ravin, à environ 1 m en dessous du niveau de la mer,
1/3 (fig- [4], n° 19 et 22), vaisselle culinaire Hayes une couche épaisse de fragments de murex.
181 (fig. [10], n" 107), 183 (fig. [10], n" 109), 196, Les vestiges archéologiques principaux sont
dérivée de Hayes 23 (fig. [10], n° 115), commune visibles entre la mer et l'ancien rempart, dans la direction
africaine dérivée de Hayes 103 (fig. [10], n° 119), du Sud-Est. Un premier ensemble, en venant du Sud-
amphores africaines IID (fig. [13], n° 163), Keay Ouest, est constitué de quatre murs parallèles, en
XXV. 2, Keay XXXV B, amphores orientales Carthage moellons assez réguliers, distants de 3 m environ et
LRA 1 et 2. orientés NE/SW (fig. 84 et 85). Les deux murs occi-
nécropole chrétienne
nécropole
païenne
piste
ULu
site 56 1\
non 2m
nnao
Fig. 86. Site 56. Thyna, cuve du quartier industriel.
Fendri (M.), 1964, Les thermes des mois à Thina 58 - RJEL ECH CHOUGGAF
(Rapport préliminaire 1963), CT, 45-46, 1964, Sfax 1:50 000, x : 599 - y 152.
:
p. 47-57
Carrée (A.), 1969, Thaenae, site archéologique de A 1 km environ au Nord-Est de l'embarcadère de
Tunisie, Mém. Aix-en-Provence. Sidi Youssef, à l'extrémité ouest de l'archipel des
Flemming (N.C.), 1969, Archaeological evidence for Kerkennah, petite butte artificielle, installée sur des
eustatic change of sea level and earth movements limons rouges wiirmiens, eux-mêmes recouvrant un
in the western Mediterranean during the last 2,000 grès très coquillier de la formation Rejiche. La butte
years, Geol. Soc. America Spec. Paper, 109, 125 p. est érodée par l'érosion littorale qui y met au jour des
Panella (Cl.), 1982, Le anfore africane délia prima, structures bâties dont un mur en partie déchaussé par
media e tarda età impériale : tipologia e problemi, la mer. Plusieurs types d'enduits étanches, les uns à
dans Actes du colloque sur la céramique antique base de tuileau plus ou moins grossier, les autres de
(Carthage, 23-24 juin 1980), CEDAC Dossier 1, granulat de plage, suggèrent la présence de cuves ou
Carthage, p. 171-196. de citernes. Sur le tell, le site archéologique est
Jeddi (N.), 1990, Les mosaïques de Thaenae. Etude également signalé par de très nombreux tessons
descriptive et analytique, thèse de doctorat, Paris d'amphores et de céramique diverse.
IV-Sorbonne, p. 14-52.
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of
CERAMIQUE
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitschrift fur
Contexte romain : sigillée africaine de type A et D,
Geomorph ., suppl. bd 81, p. 154-155.
vaisselle culinaire africaine Hayes 181, 182, amphores
Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), 1991, Le
de tradition punique Van der Werff 1.
littoral de la Tunisie dans l'antiquité cinq ans de
:
60 - RASS EL BERGHOUT EST de centimètres alors que sa base se situe alors sous
Sfax 1:50 000, x : 609 - y : 153,25. près d'un mètre d'eau. Compte tenu du marnage qui
est ici par marée de vives-eaux de l'ordre du mètre,
A 500 m environ au Sud-Est du site précédent, c'est un relèvement du niveau marin de l'ordre de 2 m
traces peu distinctes d'un établissement daté par de la au moins qui s'est produit ici depuis l'antiquité. A en
céramique campanienne. Le site est entaillé par un juger par la relation de V. Guérin (1862) qui débarqua
profond ravin postérieur à l'antiquité : de haut en bas, en ce lieu lorsqu'il visita l'archipel des Kerkennah, du
celui-ci recoupe des colluvions historiques à tessons monument qu'il décrit sur la terre ferme comme un
de poterie, des limons colluvionnés wurmiens, enfin columbarium encore bien conservé avec ses deux
le conglomérat de base coquillier de la formation étages, il ne resterait plus aujourd'hui que le
Rejiche. Cette stratigraphie est bien visible sur la côte soubassement isolé dans la mer. La côte aurait donc reculé
dans une falaise vive de 2 m de haut. ici à une vitesse moyenne supérieure à 1 m par an, ce
qui n'a rien d'étonnant car le matériel archéologique
meuble résiste mal à l'érosion des vagues.
61 - BORJ EL HASSAR F. Chelbi, qui a effectué récemment des relevés de
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 56' N - 9 G 80' E. structures immergées dans le cadre d'un projet
archéologique sur les îles Kerkennah, signale des
Site de première grandeur sur un secteur de côte alignements de blocs parallélépipédiques dont le plus
à falaise de la grande île de Kerkennah (île de l'est ou important se suit sur une distance de 100 m
Chergui), face au continent. Il correspond à la ville parallèlement à la côte. Selon lui, ces alignements - ainsi que
antique de Cercina. Du côté de la terre, les vestiges le socle maçonné quadrangulaire - appartiendraient
de la ville, fort étendus mais peu distincts, sont plutôt à des installations portuaires, le socle en
constitués par un grand tell entourant le fortin d'El H'sar. question « évoque l'idée d'un poste de contrôle ou peut-
Des ensembles bâtis importants se laissent deviner en être même un phare » (1995, p. 133). F. Chelbi admet
plusieurs points du tell, qui pourraient correspondre néanmoins que la mer a beaucoup empiété sur la
à des monuments publics. terre depuis l'antiquité.
Du côté de la mer, le plus grand site De fait, le site de Borj el H'sar est un des plus
archéologique de l'archipel des Kerkennah est attaqué en intéressants de la côte tunisienne pour la mise en
falaise par l'érosion littorale sur toute sa longueur évidence de changements naturels importants dans
d'environ 2 km. De part et d'autre de l'ancien fort l'espace littoral depuis l'antiquité, changements dus à
turc, la falaise, haute d'environ 2 m, est taillée la fois à une variation du niveau de la mer et à un
exclusivement dans du matériel archéologique (fondations déplacement de la position du rivage (fig. 87).
de murs, parfois faits de blocs de gros appareil, cuves, Un relevé rapide des vestiges archéologiques sur
sols d'occupation, tessons de poterie et matériaux de le front de mer fait apparaître, visible en coupe dans
construction divers). Vers le Nord et vers le Sud, la la falaise ou en plan sur l'estran, une succession de
hauteur de la falaise augmente de plusieurs mètres et structures caractéristiques des usines de salaison ou
les argiles rouges mio-pliocènes, à l'occasion des batteries de citernes : des éléments de murs en
couvertes de la croûte calcaire villafranchienne, blocage ou grand appareil ; des fonds ou flancs de
apparaissent sous les niveaux archéologiques. Sur l'estran cuves identifiables par leur revêtement étanche (cf.
ont été dégagés de nombreux fonds de cuves. Mais fig. 11). Du Sud vers le Nord, on peut reconnaître les
des ruines en place sont aussi parfaitement décelables éléments suivants : bien conservé en élévation dans la
sous les rides sableuses et les herbiers de l'avant-côte. falaise au-dessus de sa fondation en blocage mise au
Elles sont submergées sous plusieurs décimètres jour par l'érosion, un élément de mur en petits
d'eau de façon permanente, même pendant les moellons à renfort de harpes du type opus africanum. A
marées basses de vives-eaux. On remarque aussi en 60 m au Nord du précédent, un mur en blocs de
mer, à plus d'une centaine de mètres du rivage, le grand appareil (long, totale 13,90 m), 3 assises
:
soubassement, fait de blocage maçonné, d'un visibles (haut, des assises : 48 cm ; nombre de blocs : 29
monument qui par mer très basse émerge d'une quinzaine pour la 2e assise, 23 pour la 3e). La plupart des blocs
:
au rempart.
cuves en béton étanche, arasées jusqu'au niveau de la épais. 47 cm ; le fond est constitué d'un hérisson de
grève par le ressac. On se trouve en présence d'un pierraille (épais. 13 cm), d'un béton à granules (11 cm),
dispositif du même type que celui déjà décrit à propos d'un premier enduit de cendres et tuileau (2 cm), d'un
second enduit plus riche en cendres et lissé. Une autre En contrebas et au Nord-Est du cordon littoral
cuve voisine, ouverte en oblique, est conservée sur grésifié de la formation Rejiche, dans un
3,10 m de haut et une long. max. de 4,50 m. Epais, du compartiment topographique abaissé de l'île Cherguia, un
mur de coffrage : 40 cm. Celui-ci est appareillé contre épandage de limons rouges wûrmiens présente un
la paroi. La cuve présente un double fond, ce qui peut aspect de sebkha, à végétation halophile rare, en
s'expliquer par une réparation (1er fond, hérisson de raison de sa position altimétrique au niveau des plus
pierraille : 6 ; béton de granules : 18 ; enduit de gravier hautes mers.
et cendres : 4 cm ; 2e fond, hérisson : 7 ; béton de Près de la mosquée d'Abassia, en bordure et à l'Est
gravier et cendres : 9 ; enduit de cendres lissé : 2 cm). de la chaussée au point où celle-ci s'engage dans une
Sur le plateau, à 7,50 m du bord de la falaise, une zone déprimée recouverte par les eaux, alignement
cuve de salaison est visible au Nord-Est du borj de mur à double parement, de 30 m de longueur
(long. : 2,21 ; larg. : 1,02 m ; épais, du mur : 52 cm). (larg. :2m), avec un retour perpendiculaire de 10 m
Au Nord du site, sur la partie de l'estran exondée à de long. Accolé à l'angle sud-est de ces deux murs,
marée basse mais recouverte en période de vives- soubassement en blocs de grand appareil d'une
eaux, fond de cuve avec saignée (long, conservée : construction carrée de 6 m de côté qui pourrait être une
2,25 ; larg. : 1,50 m). tour de guet.
CERAMIQUE 63 - GREMDI
lies Kerkennah 1:100000, 38 G 62' N - 9 G 99' E.
Large échantillonnage de céramiques depuis
l'époque punique (notamment vaisselle campa-
Une falaise d'1 m de haut montre la base d'un mur
nienne) jusqu'au vne s. de notre ère (par exemple
implanté dans des colluvions limono-sableuses
sigillée africaine D Hayes 105) (fig. [41, n° 3-4, 6, 8, 10,
wurmiennes, à Helix et coquilles marines remaniées,
13 ; fig. [101, n° 104-105 ; fig. [12], n° 141).
encroûtées en surface. En avant, sous un dallage
conglomératique naturel (formation Chebba à
Bibliographie strombes), affleure un grès fin oolithique, coquillier, un
peu marneux, de la formation Rejiche. On remarque,
Burollet (P. -F.), 1979, La mer Pélagienne, les apports sur une hauteur de 80 cm, des traces d'extraction de
de l'archéologie, Géologie Méditerranéenne, 6, 1, blocs qui se prolongent sous l'eau. Le front de taille est
p. 309-313. découpé dans la falaise morte. D'autres traces de la
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of carrière sont encore visibles sur l'estran. Dimension
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern d'un bloc, d'après les saignées : 67 x 38 cm.
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitsch rift fur A une centaine de mètres plus au Nord, un
Geomorph., suppl. bd 81, p. 158-159. élément de mur a été dégagé par l'érosion marine sur
50 cm de hauteur. Le mur était en petits moellons raît sous des limons rouges wûrmiens, recouverts par
prélevés sur la croûte. Sa longueur visible est de 4 m, des colluvions d'âge historique et coupés par une
avec un retour de 50 cm portant des traces d'enduit falaise vive de 2 à 3 m de commandement. Ici
étanche de tuileau et de coquillages broyés (cérithes). l'estran rocheux est développé sur un grès de la
F. Chelbi a signalé récemment (1995, p. 133) formation Rejiche. Il y a donc en cet endroit un recul
l'existence de deux chaussées reliant l'îlot de Gremdi à l'île de la côte, mais le site archéologique proprement dit
Chergui. Ces chaussées sont aujourd'hui submergées n'est pas érodé.
par les eaux et ne sont visibles que lorsque la marée Traces peu distinctes d'une occupation antique au
d'équinoxe atteint son niveau le plus bas. L'une d'elles sommet de la butte, en retrait du littoral citernes,
:
est affectée d'une interruption très nette « qui doit murs informes, témoins de céramique campanienne
correspondre à un ponceau en bois aujourd'hui (2 tessons), sigillée du sud de la Gaule ; un fragment
disparu ». Non loin de ces chaussées ont été aussi de perle punique. Aucun indice en bordure même de
reconnues les fondations d'une grande construction en la mer.
forme de M « qui apparaît nettement à marée basse ».
Cette structure engloutie sert aujourd'hui de pêcherie à
des marins du port d'El Ataya.
65 - SEFNOU
Ces découvertes d'importance confirment Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 67' N - 9 G 87' E.
l'ampleur de la submersion qui a affecté l'archipel des
Kerkennah depuis l'antiquité.
Une falaise en recul, d'environ 3 ni de haut,
montre dans sa partie supérieure des ruines antiques.
CERAMIQUE Celles-ci reposent à la fois sur la croûte calcaire
villafranchienne, les argiles rouges mio-pliocènes et des
Vaisselle culinaire africaine Hayes 182, amphores colluvions wurmiennes. Elles ont à leur tour alimenté
africaines II et spatheion. des colluvions, lors d'une phase de ruissellement plus
important qu'aujourd'hui à la fin de l'antiquité ou
postérieurement à elle (fig. 90).
Bibliographie
formation Rejiche. Un peu au Sud du cap, la croûte 1er enduit 3 cm ; 2e hérisson : 15 cm, 2e enduit
:
:
formation Rejiche, des colluvions wùrmiennes
LXI/LXII (vie s.). Un peson de filet de pêche.
épaisses, des colluvions historiques à rares tessons de
poterie, témoins du recul de la côte.
A l'extrémité ouest de l'île, le site est très
bouleversé par des travaux récents.
66 - ENF ER RKIK EST
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 68' N - 9 G 94' E. CERAMIQUE
Un dos de terrain culmine à 5 m, moulé sur la Amphores africaines et orientales (dont Kapitân
croûte calcaire villafranchienne. A la base de la II?).
colline, léchée par les plus hautes mers comme
l'attestent des accumulations de feuilles mortes de posido-
nies, un épandage de limons rouges wùrmiens 68 - HENCHIR ECH CHEGGAF - SIDI
s'incline doucement, en une centaine de mètres, MANSOUR
jusqu'au niveau de la mer. Il a l'aspect d'une sebkha Sfax 1:50 000, x : 585,50 - y 166.
:
littorale, couverte par une formation végétale très
ouverte de plantes halophiles. La protection de l'île A 3 km au Sud-Ouest de Sidi Mansour, s'étend un
voisine de Roumadia, qui arrête les vagues, explique espace littoral bas de limons continentaux wùrmiens.
l'absence de micro-falaise sur le rivage qui recule Il est séparé d'un estran sablo-vaseux à pente faible,
cependant car le niveau marin se relève lentement, découvrant largement à marée basse, par une
comme le suggère l'existence, dans les alentours, microfalaise de 0,50 à 0,75 m de hauteur, montrant
d'anciennes pistes aujourd'hui submergées (Burollet exclusivement du matériel archéologique (trace d'un mur,
1979). moellons, tessons de poterie). C'est là un indice d'un
Sur les pentes de ce dos de terrain descendant vers relèvement du niveau de la mer depuis l'époque
la mer, citernes bien conservées jusqu'à l'amorce de la antique qui explique le recul de la côte alors que
voûte : l'une d'elles, plus près de la mer, mesure 14 x l'environnement, compte tenu de sa position abritée
1,65 m ; l'autre 15 x 1,35 m (les traces de l'impluvium vis-à-vis des houles les plus fortes et des faibles
sont encore visibles). A 150 m au Sud-Est du groupe profondeurs littorales, est caractérisé par une faible
précédent, citerne de 9 x 2 m. énergie des vagues.
A très peu de distance en arrière de l'estran ont été
mis au jour les vestiges d'un vaste ensemble de
CERAMIQUE bâtiments correspondant à des installations de type
industriel dotées de cuves nombreuses et dont la vocation
Autour de ces citernes, tessons de céramique
était sans doute le traitement et la conservation des
campanienne et d'un bol hellénistique à reliefs (ne s.
produits halieutiques. Le terrain est situé entre la route
av. J.-C).
littorale de Sfax à Sidi Mansour et le bord de mer, sur
une longueur d'environ 350 m, délimité par des clôtures
Bibliographie et une largeur de 150 m en moyenne. Placé sous la
surveillance de l'INP de Tunis, il a fait l'objet de
Oueslatï (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis, dégagements et de sondages archéologiques sur une dizaine
Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 168-169- de points répartis sur l'ensemble de sa superficie.
plan de situation
échelle approximative 1:2000e
foyer
-O-u
♦
i
i
Q U U U U
n n
n
D
□
□
dcz:
n
c
J.L
2m
:
5,80 m). Site très étendu délimité au Sud et au Nord, en
A 20 m plus au Nord du foyer, un autre sondage bordure de mer, par des sépultures sous amphores
a mis au jour un mur de 7 m de longueur sur lequel mises au jour par l'érosion des vagues de tempête. A
est accolée une piscine à revêtement de mosaïque, en l'intérieur, à peu de distance du rivage, traces plus ou
forme de demi-cercle (diam. 2 m). Celle-ci était moins distinctes d'une agglomération dont le centre
:
reliée par une évacuation à une conduite d'orientation est signalé par la présence de matériaux allogènes et
est-ouest qui apparaît dans un sondage à 8 m plus à d'éléments architectoniques (base de colonne, larg.
:
l'Ouest. 54 cm ; haut. 26). Plusieurs citernes sont
:
4) A la limite nord du terrain et à 30 m de la ligne échelonnées tout au long du rivage.
de rivage, se trouvait une nécropole comportant des Au Sud du marabout de Sidi el Kassar, sur une
inhumations sous tuiles. distance de 1 500 m, ce rivage est caractérisé par une
petite falaise vive, haute en moyenne de 0,80 m,
taillée dans des limons rouges de ruissellement, d'âge
CERAMIQUE wùrmien, qui reposent sur un grès marneux,
coquillier, à strombes, de la formation Rejiche et qui
Contexte romain et tardif : sigillée africaine type A
sont recouverts par des horizons de matériel
Hayes 31 (fig. [6], n° 26), type C Hayes 51, vaisselle archéologique. Le recul de la falaise fait apparaître sur
culinaire africaine « a strisce », lampes africaines l'estran des restes de constructions (fondations de
Deneauve VIIA et VIIB, amphores orientales Carthage murs, sols de cuves ou de citernes) et aussi de
LRA 1 et 2. nombreuses amphores funéraires dont la position
actuelle, correspondant à celle de la marée haute,
donc au toit de la nappe phréatique, semble indiquer
69 - NADOUR SIDI MANSOUR un relèvement du niveau de la mer depuis l'antiquité.
Sfax 1:50 000, x : 588, 25 - y : 167. On rencontre sur le site, en grand nombre, de gros
galets de roches allogènes - volcaniques,
Le cadre topographique naturel a été métamorphiques, granitiques - qui ont très probablement servi
entièrement modifié par des aménagements récents de lest pour des bateaux.
autour du mausolée. Des murs maçonnés ne Sur l'estran, près de l'école de Koudiat Jaber, on
permettent plus l'observation du rivage. On sait reconnaît d'abord des vestiges de fonds de citernes
cependant qu'une falaise vive, de 1 à 2 m de (ou de cuves de salaison ?) en cours de dissociation
hauteur, taillée dans la croûte calcaire villafran- par la mer. Plus au Sud, les inondations de 1982 ont
chienne, existait ici. mis au jour, à peu de distance du rivage, un autre
A proximité et au nord du marabout de Sidi bassin (dim. intérieures : 5,15 x 2,28 m ; larg. des
Mansour, se remarque une tour ancienne de 30 m murs 40 cm ; enduit : 3 cm). Au Nord de l'école
:
de diamètre à la base et conservée sur une hauteur succession de 5 citernes en retrait et à proximité du
de 8 m environ. Les premières assises en grand rivage. La première (4 x 2 m) est bien conservée avec
appareil pourraient être antiques ; elles sont en net son regard ; sur un tertre dominant un petit port de
débordement par rapport au reste de la pêche se trouve une ruine peu distincte. La seconde
construction en grande partie dépouillée de son parement citerne est au Nord du petit port (dim. intérieure 2,30
:
d'origine, ce qui laisse apparaître le noyau en x 1,62 m ; larg. du mur 38 cm ; enduit : 4 cm). La
:
blocage des murs. Le monument, peut-être une troisième, plus au nord est perpendiculaire au rivage
tour de guet ou un phare d'époque byzantine, (3 x 2 m). La quatrième, à une vingtaine de mètres de
réutilisé sous les princes Aghlabides, porte des la ligne de rivage et parallèle à celle-ci, a conservé sa
traces de restauration beaucoup plus récentes en voûte (5,50 x 2,50 m). La cinquième citerne (4 x 2 m)
petits moellons. se trouve à la limite nord du site.
71 - HENCHIR EL MAJDOUL
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,50 - y : 178,50. 72 - KSAR EN NOUBA
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,25 - y : 180,25.
Dans une falaise, haute de 1 à 2 m, constituée
surtout par un grès coquillier de la formation Rejiche Le rivage dont le tracé dessine ici un léger rentrant
mais aussi par des limons rouges wiirmiens, l'érosion
ouvert vers le Sud-Est, est caractérisé par une petite
fait apparaître des ruines de constructions diverses, en falaise stabilisée en avant de laquelle se concentrent
particulier des citernes étagées dont les fondations les et se décomposent des accumulations épaisses de
plus basses sont immergées sur l'estran, au moins à feuilles de posidonies. Le site archéologique est en
marée haute. L'érosion de la mer, plus nette ici que
arrière de cette falaise.
dans les secteurs immédiatement adjacents au Nord et Il s'agit d'un site étendu sur près de 300 m et limité
au Sud, s'explique par une concentration de l'énergie
au Nord par un drain moderne dont le creusement
de la houle due à un éloignement local du rivage de dans la formation Rejiche a fait apparaître les traces
l'isobathe -1 m dont le tracé dessine une pointe aiguë d'un drain plus ancien, peut-être antique et qui aurait
vers l'Est. mis en communication la sebkha El Garaa avec la mer.
A 80 m au Sud du carrefour de la piste qui conduit Parmi des vestiges épars, on remarque près d'un
à la mer avec celle qui suit la côte, à proximité d'un groupe d'habitations les traces de bâtiments ayant pu
tertre profondément labouré où affleurent des appartenir à un établissement chrétien : 1 fragment de
fragments de sol en béton de tuileau, ruines importantes
carreau de terre cuite décoré, tuiles, petit chapiteau en
démantelées par l'érosion littorale : on remarque les
marbre de style tardif (haut. : 31 cm ; larg. : max. 39,
vestiges d'une construction quadrangulaire en moellons min. 27). Un reste de mur en petit appareil, conservé
dont les murs dégagés par la mer, sont bien visibles sur sur 1,40 m de haut et 2 m de long, correspond au Ksar
l'estran et dans la falaise (3,62 x 2,17 m), avec un enduit en Nouba. Sur le rivage, une nécropole a été mise au
étanche à granules. Larg. du mur : 60 cm dont 5 cm jour par les vagues ; elle était constituée de sépultures
pour l'enduit. Il s'agit peut-être de cuves de salaison.
sous amphores.
D'autres traces de bassins se devinent sur la piste.
Plus au Nord, à une centaine de mètres au Nord
de la piste perpendiculaire au rivage et à 250 m d'une CERAMIQUE
gravière moderne, ruines importantes démantelées
par la mer. On remarque un sol de béton, en partie Sur ce site de nécropole (une tombe en place
recouvert de mosaïque. Dans le même groupe de dans une amphore africaine cylindrique de grandes
ruines se distingue une citerne perpendiculaire au dimensions), on remarque des traces de bâtiments
rivage et divisée en enfilade par un cloisonnement qui appartiennent peut-être à un lieu de culte chré-
niveau mer
Fig. 94. Site 71. Henchir el Majdoul : citerne. Fig. 95. Site 71. Henchir el Majdoul : relevé de la citerne.
tien (1 fragment de carreau de terre cuite décoré) lié mais la présence de tessons de poterie à son pied
à un contexte céramique romain tardif et byzantin : laisse penser qu'elle peut être occasionnellement
sigillée africaine C5 Hayes 82, D Hayes 90, 105, 108, ravivée par la mer.
amphore Keay XXV. 1, XXV (?), LXI/LXII. Notons Entre deux petits estuaires, à 50 m du rivage, on
cependant la présence d'un tesson de céramique remarque les restes d'une citerne qui a conservé
campanienne. l'essentiel de sa voûte (long. : 8 m) et des témoins de
céramique assez nombreux.
73 - HENCHIR EL FLOUSS
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,25 - y 184. CERAMIQUE
:
Une petite falaise en sommeil, de 1 m de hauteur, On relève un niveau d'occupation antique tardif
entame légèrement des dépôts marins, riches en céri- bien marqué par des sigillées africaines de type D
thes et en cardiums de la formation Rejiche. Sur Hayes 98 et 105 et de type E Hayes 68, des amphores
l'estran s'accumulent et se décomposent des feuilles africaines Keay XXXIV et LXII, et des amphores
de posidonies. La falaise est couverte de végétation, orientales Carthage LRA 1 et 2.
l'autre a été détruite pour fournir de la pierre aux Elle est flanquée sur son côté nord par une cuve ou
habitants du village. une citerne en partie conservée et reconnaissable à
Les ruines de Ksar el Mezzara dont on ne voit pas son enduit étanche de cendre. Autour, quelques blocs
le substratum naturel sur lequel elles reposent sont épars. La hauteur totale de la falaise atteint en cet
hors d'atteinte de la mer dans la situation actuelle. endroit 2,50 m.
L'orientation NE-SW du tracé du rivage le protège de n° Très peu de matériel, époque romaine (fig. [8],
l'action des houles du Nord-Est. 77) et islamique (fig. [26], n° 11).
87B, 88, 90, 90/105, 91D, 94, 105, Fulford 27 (fig. [51,
n°
31), culinaire africaine dérivée de Hayes 23
(fig. [10], n° 112), lampe en sigillée africaine Atlante
X à décor surmoulé (fig. [9], n° 100), amphores
africaines Keay XXXIV (fig. [14], n° 188, 194), LXII A
(fig. [14], n 178), Albenga 11-12 (fig. [13], n" 176),
spatheion (fig. [13], n° 174),
n° 197), amphores orientales Hammamet
Carthage LRA 3 (fig-
1 et 2.
[15],
79 - SIDI SAAD
Jebeniana 1:50 000, x : 601,50 - y : 193,25.
CERAMIQUE
:
sigillée africaine D Hayes 87A et B, 12/110, 98/108,
:
marée, faibles profondeurs littorales, énergie réduite
105, lampes en sigillée africaine Atlante X à décor des houles, extension des sebkhas côtières.
surmoulé, amphores africaines Keay XXXIV (?), LXII, La croûte calcaire villafranchienne, puissante ici
spatheia de petites dimensions, amphores orientales de plus de 2 m, couverte par des limons rouges
Carthage LRA 1 et 2 (fig. [18]). wùrmiens remaniant des coquilles marines à leur
base, épais d'une trentaine de centimètres, est taillée
en falaise au recul rapide, comme en témoigne le
86 - JEZIRA démantèlement d'aménagements modernes
Chebba 1:50 000, x : 608,75 - y : 206,75. (installations militaires, bâtiments d'une pêcherie construite
en 1906).
Cette petite île, distante de 750 m du Rass Jezira, Le nadour, qui vient d'être restauré, est une
en est séparée par des profondeurs inférieures à 1 m. construction très hétérogène où se devinent des
La stratigraphie géologique est la même qu'au cap, remaniements de différentes époques. La tourelle engagée
mais il s'ajoute ici une importante couche de collu- dans la partie supérieure est manifestement une
vions, de couleur brun-rouge, d'âge historique car adjonction médiévale plus tardive. La base de la tour
elles emballent des tessons de poterie romaine. est presque carrée : 9,65 (face ouest) x 9,25 m. Elle
L'île est érodée, surtout sur sa face nord où une pourrait appartenir à l'origine à une construction
petite falaise vive de croûte, de 1 m de haut, montre en byzantine incorporée par la suite, comme tour de guet
coupe, dans sa partie supérieure, du matériel (manar) au ksar-ribàt construit par les Aghlabides au
archéologique. L'îlot, qui prolonge l'île au sud-est, est à IXe s. et dont les autres vestiges ont disparu entre 1901
l'affleurement constitué uniquement par les colluvions et 1906. Des bassins - peut-être des cuves de salaison
historiques, taillées en micro-falaise de quelques interprétées alors comme les vestiges de thermes -
décimètres de haut. Cette observation implique, d'une part ainsi que d'autres restes d'un centre habité avaient été
que l'îlot et l'île, aujourd'hui séparés par une distance signalés alors près de la tour Khedija.
de 350 m, étaient réunis dans l'antiquité, d'autre part En bordure de mer, au Nord et en contrebas du
que le niveau de la mer était plus bas qu'actuellement promontoire où se trouve le nadour, l'érosion des
au moment de la mise en place de ces colluvions, leur vagues beaucoup plus active à partir de ce point de la
épandage par le ruissellement n'ayant pu se faire que côte que plus au Sud, est en train de démanteler un
sur un substrat rocheux émergé. Or, présentement, ce édifice construit en blocs irréguliers, remarquable par
substrat est partout au-dessous du niveau de la mer. De la présence de grands arcs appareillés. Dans le
fait, il est aussi probable que cette île plus grande n'en blocage de la fondation, remploi de matériaux
était pas une car elle était alors, compte tenu des faibles antiques (fragment de meule en basalte). A proximité de
profondeurs qui aujourd'hui la séparent du cap, sans ces ruines et vers le Nord, on peut voir les cuves en
doute rattachée au continent. ciment, aux angles arrondis, de l'usine de conserverie
Il y a quelques traces de structures bâties sur l'îlot : de thons installée au début du siècle et qui, elle aussi,
au Nord et dans la partie centrale, tuiles et amas de est en partie détruite par la mer.
moellons. La céramique est comparable à celle du site Un trésor de monnaies byzantines datées du règne
précédent. de Maurice Tibère (582-602) a été découvert
récemment en bordure de mer dans la falaise en recul.
87 - TOUR KHEDIJA
Chebba 1:50 000, x 614,50 - y : 215,75. BlBLIOGRAPHIE
:
Ce site est localisé à un point d'inflexion très Carton (L), 1906, Le bordj-Khadidja (Chebba), Bull,
important du tracé de la côte tunisienne. Il marque la termi- de la Soc. archéol. de Sousse, 8, p. 127-134.
Hannezo (G.), 1906, Chebba et Ras Kaboudia, Bull, de (fig. 102). Pour la construire, on a dû d'abord creuser
la Soc. archéol. de Sousse, 8, p. 135-140. une couche de limons rouges wiirmiens, épais de
Pringle (D.), 1981, The Defence of Byzantine Africa 0,60 m, pour asseoir ses fondations sur le grès marin
from Justinian to the Arab Conquest, 1, Oxford, de la formation Rejiche, fin et oolithique dans sa
BAR, Internat. Ser, 99, p. 192. partie supérieure, conglomératique grossier et
Djelloul (N.), 1988, Les installations militaires et la coquillier à sa base, qui repose sur une croûte
defence des côtes tunisiennes du xvie au calcaire, probablement la croûte villafranchienne. La
XIXe siècles, Paris IV-Sorbonne, p. 542. hauteur totale de la falaise, y compris le remblaiement
Slim (H.), 1989, Trouvaille de monnaies byzantines en artificiel et l'accumulation de matériel archéologique
Tunisie, Bull, de la Soc. franc, de numismatique, qui recouvrent la citerne, est de 4 m.
2, p. 529. La citerne est conservée en hauteur jusqu'à son
Trousset (P.), 1993, s.v. « Caput Vada (Qabboudiya, impluvium (fig. 103). Long, intérieure : 9,30 m ; larg. :
Ras Kaboudia) », Encycl. Berbère, XII, Aix-en- 1,83 m ; haut, de la voûte : 2,20 m. Dans l'impluvium
Provence, Edisud, p. 1772-1774. s'ouvrait un regard de 46 x 45 cm qui servait à puiser
l'eau. Une citerne annexe, en forme de carafe, est
visible dans la falaise, accolée à la précédente du côté
nord. Elle devait permettre d'en régulariser le
88 - SIDI ABDALLAH EL MERRAKCHI remplissage en filtrant les impuretés. A la surface de
Chebba 1:50 000, x : 611,75 - y : 217. l'impluvium, une cuvette de forme arrondie guidait les eaux
vers ce bassin de décantation.
Une construction antique perchée à 1,80 m sur
une butte témoigne de la vigueur de l'érosion marine
sur cette côte qui, par son orientation vers le Nord-Est
et l'accroissement rapide des profondeurs à partir du
rivage (l'isobathe de -10 m se situe à moins d'1 km du
rivage), est caractérisée par sa forte énergie (fig. 100
et 101). Le piédestal de la construction est constitué,
d'abord par des limons rouges wiirmiens (0,60 m) à
Helix, puis par un conglomérat marin à gros blocs de
grès coquillier (formation Chebba) qui ravine un grès
fin, quartzeux et oolithique (formation Rejiche). Au-
dessus apparaît en coupe le hérisson de fondation de
l'édifice (0,80 de haut).
Le bâtiment est conservé sur 3,80 m de haut, 7,25
de long, 7 de large. La face sud présente une sorte
d'abside large de 2,85 m, en saillie de 1 m. Elle était
enduite intérieurement et était pourvue d'une
évacuation. Il s'agissait de toute évidence d'une piscine de
thermes (fig. 99). Les pièces de ceux-ci se répartis-
saient de part et d'autre d'une cloison interne nord-
sud : à l'Est, une petite salle de 2 m de large
communiquait par deux ouvertures avec une autre pièce 1 l
disparue, dont ne subsistent, sur le mur mitoyen, que
des placages d'enduit de tuileau. Sur la face ouest du 5m
bâtiment, l'enduit mural présente des empreintes de J.L 1
palmes.
A quelque 200 m vers le Nord-Ouest, une citerne Fig. 99. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi relevé des
:
SO
A une dizaine de mètres en arrière, une falaise et la mer (infra, fig. 175 ; Paskoff et Sanlaville 1983,
vive, de 2 m de hauteur, révèle l'existence de citernes fig. 46, p. 92, 99).
antiques, attaquées par les vagues au moment des
tempêtes. Leurs fondations ont été assises sur le grès
de la formation Rejiche, après que l'on eût creusé la
couche sus-jacente de limons sableux continentaux, 91 - BORJ EL MZAOUAK
d'âge wùrmien. Par la suite, de grandes dunes ont Mahdia 1:50 000, x 602,75 - y 229,50.
:
recouvert les citernes, les faisant disparaître à la vue.
Ainsi sont attestés sur ce site érosion de la côte et Une carrière romaine, de forme grossièrement
relèvement du niveau de la mer. carrée (50 à 55 m de côté), présente des traits
originaux (cf. fig. 27). Le rempart qui l'isole de la mer (3 m
de haut et 12 de large) n'a pas d'ouverture, comme
CERAMIQUE c'est souvent le cas des carrières littorales de
l'antiquité. Mais l'eau y pénètre, par suite d'un grand
Céramique commune. Un peson de filet. développement de l'encoche basale de la falaise marine.
Le plancher de la carrière est ainsi partiellement
inondé de façon permanente. La pierre extraite était
90 - EL ALIA - SEBKHA NJILA un grès fin oolithique, marin à la base (présence de
Mahdia 1:50 000, x : 603 - y : 226,25. coquilles), éolien vers le haut (absence de coquilles
marines et présence de gastéropodes continentaux,
Les ruines d'une forteresse byzantine ou arabe stratification entrecroisée), faciès très caractéristique
(80 m de côté, tours rondes de 3,70 m de diam. sur la de la formation Rejiche, là où elle correspond à un
face sud) se situent à 11 m d'altitude au sommet d'un ancien cordon littoral lapidifié.
bourrelet topographique, parallèle au rivage, qui se Postérieurement à la période d'extraction, à un
suit jusqu'à Salakta. Il s'agit d'un ancien cordon littoral moment où le ruissellement était plus actif
grésifié qui date du dernier interglaciaire (125000 ans qu'aujourd'hui, des colluvions fines, emballant des
BP, formation Rejiche). Des carrières antiques, tessons de poterie ancienne, se sont déposées dans
localisées sur le flanc du bourrelet orienté vers la mer, la partie ouest de la carrière, empâtant la paroi de
commencent ici et se prolongent presque sans ce côté-là. Ces colluvions sont actuellement incisées
interruption sur 2,5 km vers le Nord. Mais plusieurs d'entre par une ravine que les grosses pluies
elles ont été récemment défigurées par l'extraction approfondis ent. Vers l'intérieur, au sommet de l'ancien cordon
mécanique à grande échelle de la pierre. Cette pierre dunaire, près d'un grand bâtiment moderne utilisé
est un grès calcaire fin, oolithique, qui de tout temps comme bergerie, existent des citernes antiques.
a été très prisé pour la construction. Ici le rivage L'une d'elles, au Sud-Est du bâtiment, a été
rocheux constitue une transition entre la côte sableuse restaurée.
qui se maintient depuis Chebba et la côte à falaise qui
se termine à Salakta. CERAMIQUE
Une citerne était accolée contre le parement interne
du mur d'enceinte de la forteresse, à l'angle sud-est. A Vaisselle culinaire africaine Hayes 183, amphore
l'angle nord-ouest, pan de mur incliné d'une tour ou africaine II A « con gradino ».
d'un bastion. Parmi les témoins de céramique visibles
en larges jonchées sur le rivage, on remarque la
présence de fragments de lampes chrétiennes,
d'amphores d'époque byzantine (type Keay LXI/LXII) 92 - HENCHIR EL MZAOUAK
et de poterie musulmane ancienne (fig. [26], n° 6, 9 14). Mahdia 1:50 000, x : 602,75 - y : 230,75.
Ces vestiges de la forteresse sont à proximité du
débouché sur la côte du grand drain taillé en Une petite carrière antique ouvre sur la mer. La
souterrain dans l'ancien cordon littoral entre la sebkha Njila pierre est un grès fin oolithique, marin à la base,
éolien vers le haut (formation Rejiche). La profondeur 94 - SALAKTA SUD (RASS EL BLED)
de la carrière atteint 3 m. Le plancher est partiellement Mahdia 1:50 000, x : 603,30 - y : 232,60.
inondé et la corrosion par l'eau de mer a largement
oblitéré les traces d'extraction. De profondes Des vestiges de la ville antique de Sullecthum sont
encoches ont été façonnées par la dissolution à la base des visibles sur plusieurs centaines de mètres au-dessus
parois de la carrière depuis qu'elle a été abandonnée. d'un grès pliocène jaunâtre qui affleure largement le
L'étage supralittoral montre d'autres formes de long de la côte en recul très net dans ce secteur. Une
dissolution : mares et lapiés. En supposant un falaise vive, constituée uniquement de matériaux
abandon de la carrière au Ve s. de notre ère, l'encoche archéologiques, haute de 0,50 à 2 m suivant les
s'est formée à une vitesse de 4 à 5 cm/siècle. Pour endroits, a été récemment revêtue d'un mur de
l'élargissement et le creusement des mares, les valeurs protection pour freiner l'attaque des vagues qui menacent
sont respectivement d'environ 3,5 et 0,8 cm/siècle l'existence de la route littorale. Le site archéologique a
(Oueslati 1993a, p. 170). été sévèrement érodé car le rivage est directement
exposé à la houle de l'Est dont l'approche n'est pas
freinée, en l'absence de hauts-fonds littoraux.
Bibliographie
93 - GHAR ED DHEBA
Mahdia 1:50 000, x : 602,330 - y : 232,340.
Bibliographie
:
Le môle du port antique, fait de blocage bétonné,
dont le départ est encore bien visible par mer basse
en cours de démantèlement par les vagues : d'abord un
(long. : 20 m ; larg. : 8,70 m), est attesté par des
vestiges submergés qui ont été repérés sur une ensemble de 5 citernes, dont la première, au Sud, est
parallèle au rivage et les 4 autres perpendiculaires.
longueur de 260 m à l'intérieur des eaux (fig. 106).
Largeur de la citerne sud : 2,65 m ; ouverture 0,67 m ;
L'exploration des fonds marins a aussi permis de :
hauteur sous la voûte : 1,35 m. A 15 m plus au Nord,
trouver, à quelques dizaines de mètres du rivage
on distingue un autre groupe de 4 citernes présentant
actuel, au droit de la structure murale en équerre
entre elles des communications qui ont été obstruées.
signalée plus haut, de gros blocs de calcaire bien
Long, conservée : 3,35 m ; larg. : 2,15 m. Toutes ces
équarris, des fûts de colonnes, des voussoirs et
installations, visibles en contre-bas de la route côtière,
d'autres éléments de décor architectural dont
portent la marque d'une érosion marine active. Elles
l'homogénéité apparente plaiderait en faveur d'un édifice à
témoignent de l'importance des activités industrielles et
portiques, effondré sur place et submergé.
portuaires de Sullecthum.
A 50 m environ au Sud du môle, s'observe un
premier groupe de citernes ou de cuves, comportant
une évacuation voûtée (larg. : 55 cm ; dimensions CERAMIQUE
d'une citerne : 5 x 3,70 m). A 12 m plus au Nord, on
peut voir une évacuation creusée dans le roc (larg. : La prospection sur l'estran entre la digue et le
30 cm). A 12 m au Sud du môle, on retrouve des traces portique immergé donne un assemblage de
de structures bâties sur un brasier de Rejiche. Au nord céramiques principalement tardif : sigillée africaine D Hayes
du môle jusqu'à l'aplomb de l'usine de salaison, 50, 90, 91D, 104, amphores africaines et orientales
s'échelonnent plusieurs groupes de citernes bien visibles et Carthage LRA 1.
Bibliographie
95 -RASS SALAKTA
Mahdia 1:50 000, x : 604,25 - y : 233,00.
à 15m du niveau
marée haute
CERAMIQUE
Céramique
Très peu de matériel : un fragment de sigillée
Le mobilier, peu abondant, date de l'époque
africaine A Hayes 27.
romaine : vaisselle culinaire africaine Hayes 196.
97 - MNAKA NORD
98 - DOUIRA SUD
Mahdia 1:50 000, x 603,55 - y 235,50.
Mahdia 1:50 000, x 603,50 - y : 235,95.
:
sigillée africaine Atlante X, amphores africaines Keay terrain fait de matériel archéologique et à peine
LXIIQ. entamé par la mer.
Le site a été récemment protégé par des bornes
contre les extractions de sable.
99 - DOUIRA NORD
Mahdia 1:50 000, x : 603,50 - y : 236,40.
101 - SIDI BEN GHAYADA
A l'arrière d'un platier de grès de la formation Mahdia 1:50 000, x : 604,65 - y : 243,00.
Rejiche, une falaise vive d'environ 1,75 m de hauteur
fait apparaître, dans sa partie supérieure, un niveau En bordure de mer, le plancher d'une carrière est
archéologique d'1 m d'épaisseur, dans lequel se partiellement submergé de façon permanente. La pierre
remarquent des fondations de murs, sols d'occupation était extraite à la pointe sud d'un petit cap qui
et surtout un très vaste dépotoir de céramique (épan- correspond à un affleurement de grès dunaire (éolianite),
dage sur la grève). rapporté à la formation Sidi Salem d'âge holocène.
A la base de la falaise affleurent des colluvions Au sommet du tertre attaqué par la mer, dans un
argilo-sableuses wiirmiennes, de couleur rouge. cimetière qui entoure le marabout, on aperçoit la
cavité d'une grande citerne ou d'un bassin aux angles
arrondis et reconnaissable à son enduit. Au sud du
CERAMIQUE
tertre, entre la carrière et la citerne, traces de
Dans le dépotoir, succession de couches constructions avec blocs épars.
cendreuses, parfois entrecoupées de poches de
remblai terreux rouge, contenant un très abondant
CERAMIQUE
matériel du Ve au vne s. : sigillée africaine de type D
Hayes 50B (fig. [51, n° 34), 6lB, 105, et de type E Quelques tessons de céramiques byzantines et
Hayes 68 (fig. [7], n° 56, 59-61), amphores africaines islamiques : sigillée africaine D Hayes 105/106
Keay LXI A (fig. [14], n° 185), LXI C (fig. [14], n° 182- (fig. [6], n° 51), col de gargoulette à filtre.
183). Cette couche tardive repose à même le rocher
mais on trouve quelques fragments de sigillée
italique (fig. [4], n° 12) au bord de la route, en Bibliographie
surface.
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
Tyrrhénien, Lyon, 192 p. (Collection de la Maison
100 - REJICHE
de l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et
Mahdia 1:50 000, x : 603,60 - y : 239,05.
Préhist., 2).
Sur une plage de sable, le site correspond à
l'emplacement d'une mosaïque qui a été mise au jour
par une tempête en 1988 et qui a été depuis déposée 102 - MAHDIA PORT ANCIEN
et transférée au musée d'El Jem, où elle est en cours Mahdia 1:50 000, x : 606,90 - y : 245,60.
de restauration : c'est une mosaïque à motifs
géométriques avec vases et fleurs dans les angles. Il y avait Du rempart fatimide qui protégeait la ville sur le
donc à cet emplacement une maison dont ne subsiste front de mer et a été détruit par les Espagnols, ne
plus actuellement que quelques traces très indistinctes subsistent, dans le secteur du port, que quelques
de fondations de murs. La mosaïque reposait sur un témoins et surtout la tranchée de fondation creusée
simple placage de colluvions wiirmiennes qui dans un large affleurement de grès calcaire du
recouvrent un affleurement de grès de la formation Rejiche. Pliocène supérieur et submergée par endroits. Largeur de
A l'arrière de la plage, on remarque un petit dos de la tranchée : 1,75 m.
:
aujourd'hui occupé par la nécropole de la ville).
Des canalisations creusées elles aussi dans le roc A proximité de l'extrémité du Cap Afrique, de
et dont certaines sont recoupées par des citernes très nombreuses tombes d'époque punique (Ben
traversent la tranchée de fondation du mur, ce qui Younès 1981), et non musulmane comme l'avait
suggère l'existence de buses aménagées dans le indiqué Lézine (1964), ont été creusées dans du
rempart. grès calcaire jaunâtre du Pliocène supérieur (larg.
:
Le matériel recueilli dans la coupe n'est pas 0,40 m ; orientation : Est/Ouest). Certaines d'entre
antérieur à la période islamique : aucun tesson ne paraît elles se situent dans l'étage supralittoral où leur
pouvoir être attribué à l'antiquité, en l'absence de aspect originel a été défiguré par des formes de
formes caractéristiques. corrosion, en particulier des mares dues à l'eau
Quant au port ancien, aujourd'hui en partie projetée par des paquets de mer. Mais, d'autres se
ensablé, il a été taillé dans le grès Pliocène à une rencontrent dans l'étage intertidal, voire même
époque qui pourrait être antérieure à celle des Fati- infralittoral. Les parois qui les séparent sont rongées
mides si l'on prend en considération le par la mer et, dans certains cas, finissent par être
développement de l'encoche de corrosion sur les parois détruites. Comme il est tout à fait exclu que des
rocheuses du bassin (125 x 62,50 m), en particulier inhumations aient pu être pratiquées dans des
celle du Sud. La hauteur de cette encoche peut sépultures soumises, comme c'est le cas
atteindre 0,60 m et sa profondeur, qui diminue vers aujourd'hui, à une submersion, même partielle, le
l'intérieur du bassin, va de 1,10 à 0,40 m (Oueslati site montre clairement que le niveau de la mer s'est
1993a, p. 166). Compte tenu de la vitesse connue de relevé d'au moins quelques dizaines de centimètres
la corrosion marine sur ce type de roche, il apparaît depuis l'époque punique.
que le port est bien antique, très probablement Sur le platier où se trouvent les tombes se
punique, comme le porte à croire également sa nature remarquent également des excavations diverses
:
du type cothon, et non pas d'époque fatimide comme silos et carrières dont certaines recoupent les
il a été soutenu le plus souvent. tombes. Elles-mêmes sont comblées par la
Par ailleurs, on constate que ce port artificiel fondation du mur, ce qui indique une chronologie
comportait à l'origine, outre son entrée principale au relative pour ces cavités postérieures aux tombes
Sud, une autre communication avec la mer, au Nord, puniques et antérieures au rempart fatimide. En
pour assurer le renouvellement de l'eau et éviter revanche, une canalisation creusée dans le roc et
l'envasement. Celle-ci a été obstruée plus tard par la passant sous la fondation du rempart n'est pas
construction d'un mur à redent. Un mur plus ancien - comblée par celle-ci, ce qui confirme
sans doute le rempart fatimide - qui comportait des l'interprétation de ces drains, proposée dans la notice
tours est visible en négatif sur le bord de la mer et sa précédente.
fondation recoupait elle-même, à l'aval du mur à Le site ne présente pas de céramique antérieure à
redent, le canal en question. l'époque islamique.
Le site a malheureusement été largement Lezine (A.), 1961, Architecture punique, Recueil de
défiguré par la construction d'un port de pêche qui a fait documents, Paris, PUF, p. 143-150.
disparaître la partie encore visible du môle romain Yorke (R.), 1967, Les ports engloutis de Tripolitaine et
décrit par Lézine. Des observations avaient pu y être de Tunisie, Achéologia, p. 23-24.
:
106 - ECH CHOTT
Moknine 1:50 000, x : 600,65 - y : 276,10. Une falaise de 2,70 m de haut montre à sa base,
sur 1,40 m, des colluvions limono-argileuses
Le site archéologique est situé en bordure de la rougeâtres à Helix, probablement wùrmiennes. Elles
piste. Il correspond à une falaise, d'environ 2 m de sont surmontées par d'autres colluvions qui, elles,
dénivellation, en cours de recul. Sur 1,50 m de hauteur sont d'âge historique. Elles contiennent, surtout
apparaissent des colluvions sablo-limoneuses rouges dans leur partie inférieure, du matériel
qui contiennent des tessons de poterie (indéterminée). archéologique, des morceaux de moellons et des tessons, en
La fondation d'un mur antique et une sélection de sols particulier des fragments d'une amphore du VIe s.
sont visibles en coupe au-dessus des colluvions, ainsi ap. J.-C. De la terre rapportée (tabia) couronne
que le fond en béton de tuileau d'une citerne, garni aux l'escarpement.
angles d'un solin d'étanchéité et en partie basculé sur
le rivage. La falaise présente dans sa partie supérieure
CERAMIQUE
une couche archéologique de 0,50 m d'épaisseur qui
contient des tessons de céramique tardive. Dans la coupe au Sud du port : amphores
africaines Keay LXII (fig. [14], n° 177).
CERAMIQUE
encore bien reconnaissable. A l'Est, sur l'estran, on d'eau d'une trentaine de centimètres à marée haute
remarque une structure de forme circulaire constituée moyenne, au-dessus du rebord de ces cuves, indique
de 5 blocs taillés en place (diam. 1,65 m). Il peut s'agir la valeur minimale du relèvement du niveau de la mer
d'un puits ou d'un fond de silo. depuis l'époque romaine pendant laquelle les viviers
ont été très vraisemblablement aménagés.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
Aux abords des structures dégagées par le recul de
la falaise, mobilier tardif sigillée africaine D Hayes 93 Quelques tessons atypiques dans la vase.
:
:
113 - SIDI MANSOUR Sur le platier littoral de grès du Pliocène supérieur,
Sousse 1:50 000, x 583,00 - y 274,95. au Nord-Est de l'île (Dmagh el Kaouaf), parmi les
:
amphores puniques, céramique campanienne, sigillée 1988 les vestiges de deux tours rondes, qui
africaine D, amphores africaines I, Keay XXXVB, LXI/ paraissaient être d'époque islamique. Des recherches
LXII archéologiques récentes de l'INP ont effectivement
A Dmagh el Kaouaf, large amoncellement de confirmé l'existence en cet endroit d'un ribàt. Près des
tessons de toutes époques formant un petit tell sur fondations d'une de ces tours, au sud-ouest du ribàt,
200 m, à proximité de la carrière. On relève en les fouilles ont permis de mettre au jour une mosaïque
particulier un contexte punique : vaisselle campanienne A, d'époque romaine à décor géométrique.
amphores puniques Cintas 312-313, 315, Ben Younès
Sahel type 1, unguentarium du IIe s. av. J.-C, ainsi
qu'un contexte tardif sigillée africaine D, lampes en CERAMIQUE
:
rement au-dessus du fond de la sebkha, constitué par bourrelet sableux allongé qui correspond à une
des sédiments limono-sableux salés. Des sondages ancienne dune, édifiée en arrière de la plage et de la
peu profonds montrent que le dépôt archéologique se dune bordière actuelle. Le rivage se situe à une
poursuit sous ces sédiments. centaine de mètres en avant du bourrelet. Une
Il est clair que, lors de l'occupation du site, tranchée ouverte pour dégager une amphore tardo-
l'environnement naturel n'était pas celui d'une sebkha, rhodienne (Rhodienne 8) (fig. [12], n° 143) trouvée sur
milieu salé et inondé une grande partie de l'année. Un ce site a fait apparaître la stratigraphie suivante,
relèvement de la nappe phréatique est intervenu décrite de haut en bas :
depuis l'antiquité, probablement lié à une élévation du - 0-50 cm : terre bouleversée et rapportée en
niveau de la mer. La sebkha de Skanès se situe sur le liaison avec la construction d'une tabia.
bloc abaissé limité par la faille active de Skanès-Khniss - 50-80 cm : couche archéologique noirâtre à
et la poursuite de la subsidence de ce bloc pendant fragments de céramique du IIe s. ap. J.-C. ; un sol
l'époque historique est vraisemblable car la faille a joué d'occupation ancienne, plus tassé avec charbons, se
depuis l'époque romaine. A Henchir Tennir, à peu près remarque dans cette couche à 60 cm au-dessous de la
à mi-chemin entre Skanès et Kniss, une mosaïque datée surface du sol actuel.
du IIe s. ap. J.-C. est en effet affectée par cet accident. - 80-100 cm : niveau sableux affecté par un début
d'évolution pédologique (teinte marron clair).
- à partir de 100 cm, observable sur environ 1 m
CERAMIQUE d'épaisseur, un dépôt de sables éoliens fins, à grains
luisants, parfois émoussés ; la base du dépôt n'a pas
Divers fragments d'amphores. Un fragment de
été vue.
sigillée africaine C Hayes 72 (très érodé par le sel) :
C'est dans ce dépôt de sables éoliens que
Antiquité tardive.
l'amphore a été trouvée, à 2,20 m de profondeur. On
peut penser qu'elle a été abandonnée sur une dune
Bibliographie littorale et qu'elle a été recouverte par des sables
apportés de la plage. Cette dune s'est ensuite
Saladin (H.), 1886, Description des antiquités de la stabilisée lorsqu'une nouvelle dune s'est formée en avant
Régence de Tunis : monuments antérieurs à la d'elle, en liaison sans doute avec une avancée de la
conquête arabe, 1. Rapport sur la mission faite en ligne de rivage due à un engraissement de la plage.
1882-1883, Paris, Impr. Nationale, p. 5. C'est sur la dune fixée et déjà pédogénisée qu'un
Kamoun (Y), Sorel (D.), Viguier (C.) et Ben Ayed établissement humain a été aménagé à l'époque
(N.), Un grand accident subméridien d'âge post- romaine. Des traces éparses de construction et des
tyrrhénien en Tunisie orientale : le décrochement témoins de céramique du Haut-Empire s'observent
sénestre de Skanès (Monastir)-Hammamet, 67? par endroits en surface ainsi qu'un mur dans une
Acad. Se. Paris, 290 D, p. 647-649. coupe à proximité de la mer.
Sorel (D.), Kamoun (Y.), Sayadi (M.S.), Viguier (C.) D'après des informateurs locaux, une plate-forme
et Ben Ayed (N.), 1983, Décrochement d'âge cimentée serait apparue sur l'estran il y a 7 ans ; à
quaternaire à historique et risque sismique dans la présent, elle se trouverait à une dizaine de mètres
région de Monastir (Tunisie orientale), Notes dans la mer. C'est ce recul récent de la côte que
Service Géologique de Tunisie, 47, p. 67-73- montre par ailleurs la falaise archéologique à
proximité des maisons. Dans les environs, une mosaïque a
été découverte dans la propriété d'un pharmacien de
Sousse (scène marine avec la tête du dieu Océan). Elle
118 - CHOTT MERYEM (THEMETRÂ) a été transportée au Musée de Sousse. Il s'agit
Halk el Menzel 1:50 000, x : 559,50 - y 293,10. vraisemblablement d'une partie de l'ensemble thermal
:
dont certaines structures portuaires étaient « plus ou A 50 m plus au Nord, une autre structure en
moins cachées sous la dune ». blocage, de 5 m de large, basculée dans un petit ravin,
semble appartenir à un ouvrage récent comparable au
pont voisin.
CERAMIQUE A 100 m plus au Nord, mur déchaussé au sommet
de la falaise, structure en blocage et grand appareil
Une prospection des dunes livre un abondant démantelée par l'érosion ; des fragments de tuileau
mobilier romain des deux premiers siècles de notre indiquent la présence de citernes. Les vestiges en
ère : sigillée africaine A Hayes 2, 9, 10, vaisselle blocage d'une citerne voisine sont effondrées sur
culinaire africaine Hayes 182, 196, amphore africaine I, l'estran.
mais également quelques rares tessons tardifs
:
amphore orientale Carthage LRA 1. CERAMIQUE
CERAMIQUE
Une petite falaise de 2 m de dénivellation, taillée Fig. 113. Site 122. Hergla centre (Horrea Caelià)
dans du grès calcaire coquillier de la formation plan de situation.
*
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10m
123 - HERGLA NORD citernes dont l'éventrement par la mer est plus ou
Sidi bou Ali 1:50 000, x 554,40 - y : 303,90. moins avancé. L'une d'entre elles, située sur l'estran,
:
d'usines de salaison. On se trouverait dans une Au sommet et sur les pentes de la cote 9, très
configuration comparable à celle du site de Maqluba abondant matériel ive-vie s. : sigillée africaine de type
(n° 89) : seule la partie basse, constituée de citernes C Hayes 48, 50, de type D Hayes 50, 52, 59, 91, 103,
appartenant à un complexe de salaison, aurait été et de type E Hayes 68.
conservée sur le front de mer.
Dans la partie nord du site, de gros blocs et un
alignement de mur sont visibles dans la mer. 126 - COTE 14
Enfidaville 1:50 000, x : 550,65 - y : 317,45.
CERAMIQUE
Au sommet d'une dune ancienne, pierraille, deux
Matériel varié, Ier-VIe s. alignements de murs sur le versant ouest.
Bibliographie CERAMIQUE
Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la Une prospection sur la pente ouest et au sommet
Régence de Tunis, 1, Paris, p. 85. livre des céramiques ive-vie s. : sigillée africaine de
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la type C et D Hayes 50, 67, 103, lampe en sigillée
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 145. africaine Atlante VIII.
Cuves de sarcophage dans la cour et devant la Vestiges d'une agglomération très étendue,
façade de la ferme : couvrant plusieurs hectares à l'Est de la piste
1) long. : 2,35 m ; larg. : 0,66 m ; haut. : 0,42 m. jusqu'à 300 m environ à l'Ouest du marabout (cote
2) long. : 1,86 m ; larg. : 0,64 m ; haut. : 0,43 m. 30).
Derrière le borj (côté mer), bassin construit avec Traces éparses de murs dans la partie nord du site
des blocs antiques de grand appareil : 35 blocs sur le sommet des mamelons ; au Sud, pierrailles
environ. d'une nécropole pillée, sépultures sous jarres et sous
tuiles ; au Sud-Est, petit cadran solaire en calcaire fin
de Dar Chaabane : diam. : 40 cm ; à côté, un bloc -
peut-être une clef de voûte - avec un motif en
125 - BORJ EL ASSA EL JERIBA (ORBITÂ) bossage.
Enfidaville 1:50 000, x : 550,65 - y 317,45. Sur un petit tell, à 50 m à l'Ouest de la piste, des
:
127 BIS - SEBKHA SIDI KHALIFA possible dans cette sebkha, donc qu'elle ne
Enfidaville 1:50 000, x 551,50 - y : 326,20. s'asséchait pas, ce qui suggère que le climat était plus
:
pluvieux et sans doute aussi plus frais qu'il ne l'est
A l600 m environ au Sud de l'Henchir el Kebir aujourd'hui.
(infra, site n° 128), tell sur la dune ancienne. Au
milieu de pierraille, deux alignements de murs CERAMIQUE
perpendiculaires arasés. De l'autre côté de la piste, à
l'Ouest, nécropole pillée soulignée par la présence Contexte romain sigillée du sud de la Gaule
:
d'amphores. Dragendorff 37, vaisselle à parois fines, sigillée
A 150 m plus au Sud-Ouest, en bordure de la africaine de type A Hayes 8, et de type D, vaisselle
sebkha et en arrière de la dune holocène, se trouve un culinaire africaine Hayes 182, amphores africaines.
site étendu sur une cinquantaine de mètres. Il est en
partie recouvert par une lunette, mais les vagues de la
sebkha en y creusant une micro-falaise ont contribué 128 - HENCHIR EL KEBIR
à mettre les vestiges au jour. Des cailloutis provenant Enfidaville 1:50 000, x : 551,85 - y : 328,20.
du site ont été entraînés par la dérive littorale sur
150 m de distance. Très vaste étendue de vestiges à 500 m de la mer,
Au milieu de la pierraille et des tessons, se voient
présentant de nombreux tessons de céramique,
deux alignements de murs arasés, de 2,50 à 3 m de
quelques blocs de grand appareil et de menus fragments
longueur, avec une amorce de retour perpendiculaire.
de placage de marbre.
On remarque la présence d'enduit et d'un fond de
Dans la partie sud-ouest du site, se reconnaît une
cuve à angle arrondi. Le revêtement de tuileau visible
grande nécropole pillée se prolongeant plus au Sud et
en coupe est caractéristique des cuves de salaison par de l'autre côté de la piste.
une double couche de mortier grossier en dessous, A l'Ouest de la piste, petit tell : murs, tuileau.
:
CERAMIQUE Céramique
La prospection sur les pentes du tell livre un La prospection autour des citernes donne
abondant matériel du Ve et surtout du VIe s. sigillée quelques traces du Haut-Empire : sigillée du sud de la
:
africaine D Hayes 50, 52, 6lB, 67, 87, 88, 103, 104B, Gaule (forme Dragendorff 37), et de l'Antiquité
amphore orientale Carthage LRA 1, amphores tardive : sigillée africaine D (Hayes 105).
africaines cylindriques de moyennes et de grandes Pour les sites archéologiques 124 à 130
dimensions Keay LXI - LXII. inclusivement, tous localisés dans le fond du golfe
d'Hammamet, le cadre topographique est, à quelques
nuances près, le même. En allant de la mer vers la
130 - HENCHBR SELLOUM terre, on rencontre les unités morphologiques
Bou Ficha 1:50 000, x 552,20 - y 332,40. suivantes, sur une distance en moyenne de l'ordre de
:
site 124
Fig. 115. Sites 124-125. Sebkhet Assa Jriba
1. Plage sableuse ; 2. Dune bordière actuelle ou holocène 3- Epandage de sables éoliens ; 4. Alignement de petites dunes d'argile ;
5. Bourrelet argileux éolien (lunette) ; 6. Epandage argileux d'oued ; 7. Terrain salé à halophyte ; 8. Cultures ; 9. Ruines romaines.
;
phréatique devait être plus basse et, par voie de La graphie du E, en arrondi, est de type byzantin.
conséquence, les terres autour des sites d'occupation
étaient sans doute moins facilement inondables et
aussi moins salées qu'actuellement. CERAMIQUE
:
Mais on distingue également des traces d'occupation
Le site archéologique est situé sur une terrasse du Haut-Empire amphore africaine I.
:
wurmienne de la rive gauche de l'oued Moussa, à
proximité de son embouchure. Il est séparé de la mer par une
dune bordière et une plage, large d'une trentaine de 134 - SIDI EL MEHERSI
mètres, qui présente tous les signes de la stabilité : à Hammamet 1:50 000, x 571,95 - y 348,10.
l'aplomb des grandes villas et des thermes reconnus en
:
bordure de mer, il n'y a pas de signe d'attaque du rivage Des ruines romaines se trouvent en contrebas d'un
par l'érosion. Au contraire, la largeur de la plage paraît
marabout en bordure de mer, sur un affleurement de
n'être pas en rapport direct avec la mer actuelle.
grès du Pliocène supérieur (fig. 118). Elles occupent la
Dans le jardin archéologique près de la mer,
partie supérieure d'une petite falaise vive, de 2 m de
contrepoids de pressoir (long. 139 ; larg. 82 ; haut. : 58 cm). haut, taillée dans le grès calcaire et en léger recul : des
:
133-BITELASSA
Hammamet 1:50 000, x : 567,70 - y 345,10.
:
CERAMIQUE
et la grotte.
Fig. 119- Site 134. Sidi el Mehersi : bassin en hémicycle dans la grotte.
Y/,
2m J.L
y//
vert foncé
Y/y
Fig. 120. Site 134. Sidi el Mehersi plan du bassin en hémicycle dans la partie nord de la « grotte ».
:
:
Des ruines antiques se remarquent sur un petit
Bibliographie promontoire de grès du Pliocène supérieur, limité par
une falaise vive de 2 à 4 m de haut. La couche
Darmon (J-~P-)> 1983, Les mosaïques inédites de Sidi archéologique est atteinte par les vagues de tempête.
Mahrsi à Nabeul (antique Neapolis, Tunisie), dans Des petites structures en blocage et opus afri-
Mosaïque, Recueil d'hommages à Henri Stem, canum, les vestiges de pièces en forme d'hémicycle,
Paris, ERC, p. 103-108. sont ce qui reste de petits thermes privés.
CERAMIQUE
Très peu de matériel : sigillée africaine de type A
Hayes 27 et C Hayes 50, vaisselle culinaire africaine
135 - NABEUL (NEAPOLIS) Hayes 182. Epoque romaine (me-ive s.).
Nabeul 1:50 000, x : 573,25 - y : 348,75.
Fig. 123. Sites 138, 139, 140. Côte orientale du Cap Bon.
1. Plage ; 2. Dérive littorale ; 3. Dune bordière ;
4. Brèche à travers la dune bordière ; 5. Sables étalés par les vagues de tempête ; 6. Cône d'overwash ;
7. Lagune et végétation halophile ; 8. Ancien cordon littoral consolidé (formation Rejiche) ; 9- Ruines antiques ;
10. Chaussée antique ; 11. Piste ; 12. Route.
138. Un seul des parements est encore visible sur la 140 - SIDI MOSBA - DAR BEN SLIMANE
rive est de la lagune, le double alignement n'étant Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x 588,40 - y : 369,00.
:
apparent que sur la rive ouest. A cet endroit, on
remarque la présence d'entretoisements entre les Des ruines importantes et bien visibles se
deux parements, dessinant des sortes de casiers remarquent sur la rive ouest de la sebkha, au pied du
comme à Sidi Daoud, ainsi que des buses bourrelet gréseux consolidé de la formation
transversales permettant la circulation de l'eau, poussée par Rejiche.
le vent dans la lagune. Comme dans le cas Un grand édifice de 30 x 30 m environ, avec un
précédent, les blocs taillés qui constituent la chaussée sont mur d'enceinte en grand appareil, présentait du côté
fortement corrodés. sud une entrée donnant sur une cour intérieure
Sur le cordon littoral, le site archéologique se situe précédée de deux colonnes. Au Sud-Est, une structure
sur le revers intérieur, tourné vers la sebkha, d'une en blocage en forme d'hémicycle présentait un enduit
dune grise couverte d'une pelouse. Cette dune était étanche montrant la présence, dans cet établissement,
fixée et stabilisée lorsque des hommes s'y sont établis de cuves ou de piscines.
à l'époque romaine. Elle est attaquée en falaise, du A une vingtaine de mètres à l'Ouest, se trouve un
côté de la mer, par les vagues de tempête. Il n'y a pas puits à dalou présentant des fondations antiques en
en cet endroit de véritable dune bordière. grand appareil ; une canalisation, visible encore sur
Les ruines les plus visibles sont constituées dans plusieurs mètres en direction de l'édifice, reliait le
la partie sud de la dune par des alignements de blocs puits à celui-ci. On peut penser à des thermes et à
en grand appareil les hastes sont encore en place leur adduction ou encore à un établissement
:
au milieu de blocs épars sur une assez grande industriel traitant les produits de la pêche, mais la
étendue. Au Nord, on remarque un bâtiment construction en question avait un certain caractère de
quadrangulaire de 18 x 10 m environ présentant des monumentalité qui rend plus plausible la première
divisions internes et des bâtiments annexes plus interprétation. A noter l'absence de céramique de
effacés de part et d'autre. transport.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
Quelques tessons de la fin de l'antiquité : sigillée
1) Aux abords des ruines, sur la pente ouest de la
dune, la céramique indique un contexte de la africaine D Hayes 52, 67, 87B, amphore africaine Keay
première moitié du Ve s. sigillée africaine D Hayes XXXV B (fig. [13], n° 168).
:
:
grand appareil ont été déchaussés par l'érosion de
Les ruines d'une exploitation rurale, d'époque
l'oued. La coupe donnée par celle-ci dans la berge
romaine tardive, se rencontrent là où les dépôts
montre que la dune ancienne a une composition
gréseux fossilifères de la formation Rejiche, couverts
mixte. Si elle est surtout constituée par du sable venu
de colluvions sablo-limoneuses, plongent sous les
de la plage, elle est aussi faite, du côté opposé à la
bords marécageux de la sebkha Lebna.
mer, de limons qui ont été apportés par des vents de
Parmi les vestiges apparents se remarquent : une
terre à partir des bords de la sebkha.
citerne bien conservée (3 x 6 m), avec, peut-être, une
autre citerne transversale plus au Sud ; à noter un
CERAMIQUE morceau de pavement en fragments d'amphore, des
tubes de voûtes, des briques d'hypocaustes indiquant
Témoins d'une occupation ve-vne s. : sigillée la présence de petits thermes. A une douzaine de
africaine D Hayes 58, 6lB, 87C, 91B, 91D, lampe en mètres plus à l'Ouest, élément de seuil et blocs de
sigillée africaine Atlante VIII, vaisselle culinaire grand appareil dans un pierrier ; traces de mosaïque
africaine, amphores africaines Keay XXXV B et LXI. à grosses tesselles vert olive.
Bibliographie Ceramique
Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de Dans les ruines, fragment d'amphore africaine
la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude géomor- Hammamet 3 (?) (fig. [15], n° 199).
:
Restes étendus mais peu distincts d'un Le cadre naturel est semblable à celui décrit à
établissement présentant des cuves, bassins ou citernes : on propos du site 145 : la côte sableuse est en cours
peut voir une piscine en hémicycle reliée à un d'érosion rapide, comme le montre une piste de terre
grand bassin semi-circulaire, des fragments de récente, aménagée à l'origine à l'arrière de la plage,
tuileau et de pavement à base de tessons aujourd'hui couverte par la dune bordière qui migre
d'amphores (opus figlinum), des tesselles de vers l'Est, et déjà entamée par les vagues de tempête.
mosaïque. Les ruines romaines - une petite structure voûtée - se
Ces ruines antiques sont situées sur une butte situent sur le témoin isolé d'une ancienne dune
sableuse, témoin d'une dune bordière ancienne qui bordière qui de part et d'autre a été totalement effacée
a disparu vers le Nord et vers le Sud par érosion, par l'érosion. Cette butte, qui constitue un
car le littoral est ici en cours de recul marqué. Les promontoire sableux sur la plage, est atteinte par la mer au
vestiges archéologiques, attaqués par les vagues de moment des périodes de gros temps, d'où une mise
tempête, ont ralenti la destruction du substratum au jour et une destruction progressive des ruines.
du site qui forme un promontoire sur la plage. La En retrait de la dune, sur le bord de la sebkha,
dune bordière actuelle, qui se trouve en retrait de structure voûtée supportant trois cuves (long, conservée :
chaque côté de ce promontoire, est basse. Elle 7 m ; larg. cuve sud : 1,75 m, cuve centrale : 2,15 m,
migre vers l'Est, sur des dépôts de sebkha qui se cuve nord : 1,75 m).
sont formés en arrière de la plage lorsque celle-ci
occupait une position plus avancée vers la mer. La
dérive littorale dominante porte vers le Nord car du CERAMIQUE
matériel archéologique (fragments de moellons,
Contexte de la première moitié du ve s. : sigillée
tessons de céramique) se mêle au sable de la plage
claire D Hayes 50, 6lB, 64, 67, 68, 81, vaisselle
dans cette direction sur plusieurs centaines de
culinaire africaine Hayes 196, céramique modelée ;
mètres.
amphores africaines spatheion et Keay XXXV B.
Du côté de la plage, au pied de la dune actuelle,
est apparue tout récemment (en 1993) une structure
importante qui n'était pas visible en 1989 : il s'agit
d'une construction semi-circulaire, en grand appareil,
147 - SIDI ALI MOUJEHED SUD
conservée sur trois assises.
Mennzel Heur 1:50 000, x : 594,20 - y 378,15.
D'une ancienne chaussée qui conduisait à ce site,
:
dune Bibliographie
!
1
1
1
1
1
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 239-
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol. Courtois (Ch.), 1954, Ruines romaines du Cap Bon,
XXVI, p. 130, 132. Karthago, V, p. 188.
Ghalia (T.), 1992, Carte archéologique de Tunisie et Barreca (F.) et Fantar (M.), 1983, Prospezione
connaissance du paysage rural antique à l'époque archeologica al Capo Bon, 2, p. 29-40.
tardive, dans Ve Coll. internat, sur l'Histoire et Fantar (M.), 1989, s.v. « Aspis (Clipea, Kelibia) »,
Archéol. Afrique du Nord (Avignon 1990), Paris, Encycl. Berbère, VII, p. 978-980.
CTHS, p. 419-438. Ennaïfer (M.), 1999, Maison des deux chasses à
Kelibia, dans La mosaïque gréco-romaine VII
(Tunis 3-7 octobre 1994), I, Tunis, Institut national
du Patrimoine, 1999, p. 233-250.
150 - KELIBIA (ASPIS CLIPEÂ)
Kelibia 1:50 000, x : 608,05 - y : 401,50.
:
de la mer dans la bibliographie ancienne (AAT
Sur une extension d'environ 1 500 à 2000 m le long
1:50000, f XVI, Kelibia, n° 67), non plus que des du rivage s'échelonnent plusieurs ensembles de
viviers signalés par R. Guéry et qui étaient encore
vestiges mis au jour sur le littoral même par l'érosion
visibles en 1958. Des recherches faites en 1979
marine ou bien dégagés dans la dune côtière en
avaient encore permis d'observer sur le rivage, à
arrière de celui-ci, à la suite de recherches
proximité du site qui a été fouillé, des bases de murs
archéologiques anciennes et de celles effectuées récemment
déchaussées ainsi que des cuves partiellement
sous la direction de T. Ghalia sur le site de Demna,
détruites et inondées. L'environnement a été modifié
dans la région forestière de l'oued el Kseub à 7 km au
lors de l'agrandissement du port de pêche et ces
nord de Kelibia. Ces vestiges correspondent
vestiges n'ont pas été retrouvés en 1989- Us respectivement - du Sud vers le Nord - aux points
indiquaient une érosion de la mer et aussi un relèvement
archéologiques n° 27, 26 et 25 de Y AAT (f de Kelibia au
de son niveau depuis l'antiquité.
1:50000).
Le premier de ces points correspond aux vestiges
Dans un des secteurs fouillés de la ville antique,
de la basilique de Demna ou Oued el Kseub (dite
on remarque, dans une villa, la maison des deux
église du prêtre Félix) repérée et fouillée par J. Cintas,
chasses, que des cuves de salaison ont précédé
puis étudiée par Ch. Courtois et par N. Duval ainsi
visiblement l'aménagement du péristyle. Des sondages
que le baptistère attenant dont une des deux cuves
récents réalisés sous la direction de M. Ennaïfer ont
avait été transportée au Musée du Bardo en 1953- Le
permis de dégager deux ensembles de 4 cuves ; un
monument et ses annexes, visités lors des
sol en signinum est apparu sous la mosaïque. Sous les
prospections de 1989 de la Carte Archéologique de Tunisie,
fondations de murs de la face est, des fragments de
ont fait l'objet d'une campagne de remise au jour,
céramique rouge (Hayes 197) permettent de dater
l'unité de salaison de la seconde moitié du IIe - d'étude et de sauvegarde en 1994, sous la direction de
première moitié du IIIe s. ; la maison à péristyle est T. Ghalia. Cet ensemble chrétien est aujourd'hui à peu
elle-même plus tardive, seconde moitié Ve s. et vie- de distance de la côte en recul (une quinzaine de
mètres pour les éléments les plus proches).
début viie s.
A 100 m au nord de l'édifice chrétien, un
important ensemble de greniers Çhorrea) d'époque romaine
Bibliographie vient d'être identifié à l'occasion de la tenue d'un
chantier archéologique de formation de l'INP à Oued
Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la el Kseub, auquel a été associé une équipe de jeunes
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 229. scouts tunisiens (Ghalia 1996-98). Les greniers,
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la remarquablement conservés en élévation (parfois jusqu'à la
province romaine dAfrique, 2, Paris, p. 135. naissance des voûtes de couverture) en raison de leur
ensevelissement par la dune littorale, se trouvent à l'oued Haïdra ». Après le démontage en 1953 du
une trentaine de mètres en arrière de la ligne de baptistère découvert à 7 km à vol d'oiseau de
rivage actuelle (cf. fig. 34). La partie visible du l'actuelle Kelibia, il ne restait, à proximité du lieu de
bâtiment est constituée de sept galeries voûtées de 4,50 x découverte qu'« une dune de sable fixée par des
8,50 m se répartissant en deux groupes de trois unités graminées et des palmiers nains » et occupée depuis
de part et d'autre d'une galerie centrale à double lors par les plantations du Service des Forêts. C'est
voûtage. Du côté nord de l'édifice, existait une galerie dans cette même dune qu'ont été dégagés les horrea
transversale aux précédentes et les vestiges d'une aile romains du site précédent, inconnus jusqu'à ces
de bâtiment en retour. Les lintaux et jambage de dernières années.
portes sont en blocs de grès dunaire et les murs des
galeries en moellons grès de couleur ocre du
Céramique
Pliocène.
Peu de témoins. Contexte probable du Ve s. :
Bibliographie sigillée africaine D Hayes 67 et amphore africaine
Keay XXXV B.
Courtois (Ch.), 1955, Sur le baptistère découvert dans
la région de Kelibia (Cap Bon), Karthago, VI,
Bibliographie
p. 98-123.
Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
Courtois (Ch.), 1955, Sur le baptistère découvert dans
(région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157-169.
la région de Kelibia (Cap Bon), Karthago, VI,
Ghalia (T.), 1996-98, Travaux relatifs à l'église dite
p. 98.
« du prêtre Félix » de Oued el Ksab (Demna,
Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
région de Kélibia), BCTH Afrique du Nord, 25,
(région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157-158.
p. 107-110.
Le recul de la côte sableuse expose à l'érosion des Le site archéologique, dont subsiste une
vagues les ruines d'un établissement thermal qui a été canalisation dirigée vers la mer et qui amenait les eaux du
bâti sur un substratum tendre de colluvions argilo- Jebel Ouazdra, est attaqué par l'érosion marine. Il
sableuses, de couleur jaunâtre, d'âge wûrmien. Ces correspond au point n° 26 de Y AAT (f XVI, Kelibia).
colluvions dérivent des grès pliocenes qui affleurent En arrière d'un estran rocheux taillé dans un grès
en arrière et elles sont couvertes d'une couche pliocène et couvert de placages de sable, les vagues
noirâtre, hydromorphe, riche en matière organique. façonnent une petite falaise, haute de quelques
Les thermes étaient un édifice en grand appareil, mètres, dans des sables dunaires meubles, de couleur
décoré de mosaïques dont un fragment, conservé sur ocre foncé, d'âge holocène, qui reposent sur une
la plage devant les ruines, montre un décor tressé, à couche peu épaisse de colluvions argileuses
enroulements de lierre (fig. 126 et 127). A 15 m vers wùrmiennes. Des blocs taillés, provenant de la
le Sud, soubassement de mur en grand appareil (long, destruction par les vagues de l'aqueduc que l'on voit
conservée : 7 m). La basilique chrétienne où a été s'avancer sur l'estran, ont été repérés jusqu'à une
découverte la cuve baptismale conservée au Musée distance de 70 m en mer et à plus d'un mètre de
du Bardo se trouvait à 300 m au Sud-Ouest de ces profondeur. On dispose ainsi d'une valeur minimale
thermes, à l'emplacement du n° 27 de YAAT (1:50 000, pour le retrait de la ligne de côte depuis l'antiquité. La
f XVI, Kelibia), « dans un ensemble de ruines assez falaise en recul révèle des constructions antiques dont
informes situées à proximité de la rive gauche de les matériaux sont dispersés par les vagues. A son
Fig. 126. Site 151 bis. Oued el Kseub : mines des thermes.
Fig. 127. Site 151 bis. Oued el Kseub relevé des thermes.
:
pied, des galets accumulés en cordon proviennent en 1989, les vestiges tout à fait caractéristiques de fonds
grande partie de moellons arrachés aux ruines ; des de cuves avec un enduit de béton de cendres et
blocs taillés de calcaire, corrodés par l'eau de mer, solin d'étanchéité aux angles. L'ensemble peut se
sont dispersés sur l'estran. suivre sur plusieurs dizaines de mètres en front de
Le mur supportant l'aqueduc est visible sur une mer et confirme l'existence dans cette
longueur d'une vingtaine de mètres. Sa largeur est agglomération d'installations industrielles en front de mer
de 52 cm, sa hauteur maximale de 1,50 m. Il est comportant des bassins et destinées selon toute
écroulé et renversé sur un côté. La conduite d'eau vraisemblance aux salaisons.
avait 18 cm de largeur et 7 de profondeur. A 100 m
plus au Nord, se trouve un grand ensemble de
CERAMIQUE
ruines démantelées par le recul de la falaise
(fig. 128). On y voit toute une série de murs Epoque romaine du IIe au Ve s. : sigillée africaine
parallèles ou perpendiculaires au rivage, renforcés aux
de type A Hayes 10, 27, de type C, de type D Hayes
angles et à la base par des blocs de pierres de taille,
67, vaisselle culinaire africaine Hayes 196, 197.
mais ailleurs les moellons sont liés par de la terre ou
par du mortier pauvre en chaux. Entre deux murs en
grand appareil, mur en briques crues. Selon toute Bibliographie
apparence, ces constructions ont été reprises à
différentes époques : on y voit des fragments de tuileau Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
en remploi. Sur la grève, sont apparus ces dernières (région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157.
années, après un nouveau recul de la falaise depuis
CERAMIQUE
:
Il n'y a pas de trace, en bord de mer, des ruines
d'un centre habité, décrites dans YAAA (f IX, Cap
Bon) au point 23 (citernes, aqueducs, pierres de
taille), à l'exception de la nécropole formée de
tombes à cupules et peut-être de mausolées.
Une falaise, haute de 3 m, taillée dans la formation
Rejiche, est en cours de recul, mais les restes de
tombeaux romains, observables à peu de distance en
arrière, ne sont pas encore érodés.
CERAMIQUE
155 - EL HANNAKER
Cap Bon 1:50 000, x : 605,80 - y : 407,80. 157 - RASS ED DEREK (OUED ER REGA)
Cap Bon 1:50 000, x : 603,40 - y : 416,00.
Les ruines antiques, couvertes de sables éoliens
mobiles, ne sont pas atteintes par les vagues, mais Au Sud-Ouest et en contrebas de la forteresse
elles se situent en arrière d'une falaise vive, haute de punique de Rass ed Derek qui est visible de la plage,
4 m. Cette falaise vive, haute de 4 m est taillée dans se voient les vestiges d'une agglomération en bord de
une éolianite vacuolaire, à restes de racines calcifiées, mer. Celle-ci pourrait correspondre au site &Aqui-
d'âge tyrrhénien. L'estran rocheux, en avant de la laria (ou Anquillarià) , lieu {locus) mentionné, à
falaise, fait affleurer un grès coquillier qui appartient propos d'un épisode de la Guerre Civile (Caes., Bell.
probablement à la formation Rejiche. Des traces Civ., II, 23, 1), comme le lieu de débarquement des
d'extraction de blocs y sont visibles. troupes de Curion en Afrique, à XXII milles de Clupea
Réparties dans les dunes en six massifs de (S. Moscati 1971, p. 28 ; E. Acquaro 1973, p. 74).
maçonnerie, les ruines comportent des supports de voûtes et Le site est localisé au nord de l'oued er Rega, au
des placages de tuileau qui indiquent l'existence contact de la plage dite d'El Haouaria et des
probable de citernes. affleurements de grès miocène qui caractérisent l'extrémité
:
archéologiques qui recouvrent des ruines de murs. Quelques
uns de ces murs ont été dégagés par les vagues et sont Le site correspond à une carrière antique littorale,
visibles sur le haut de la plage qui s'étend en avant de à proximité de l'entrée principale des latomies d'El
la falaise (ces vestiges semblent correspondre à ceux Haouaria (cf. fig. 45). Les blocs étaient extraits d'une
que signale E. Acquaro sur sa carte). Le substratum éolianite wiirmienne, épaisse de plusieurs mètres, très
géologique n'apparaît pas. On a l'impression que biodétritique, montrant quelques lentilles colluviales
l'ancienne agglomération avait été implantée sur un de limons rouges. Les traces d'extraction (saignées,
espace plat littoral, résultat d'une progradation du marques laissées par le délogement de blocs) ont été
rivage, alors que le niveau de la mer était plus bas modifiées par la corrosion. Les paquets de mer,
qu'actuellement. projetés lors des tempêtes, ont développé dans l'étage
Les murs sont constitués de moellons de grès dur supralittoral des alvéoles, des cupules, des mares et
local du Miocène et de harpes de grandes dimensions des lapiés. Mais il n'y a pas ici d'indice de submersion
en grès dunaire. Ces murs (larg. : 51 à 55 cm) sont les permanente du fond de la carrière depuis son
uns parallèles, les autres perpendiculaires au rivage. abandon.
Les ruines sont visibles sur 200 m environ en bordure En contrebas d'un marabout ruiné (cote 72), se
de la falaise qui fait suite au Nord à une dune attaquée trouvent les ruines en grand appareil d'une tour de
par la mer. 7 m de côté.
A 50 m au Nord-Ouest des vestiges précédents,
traces de quatre cuves. Les deux premières, au Sud, Bibliographie
sont à bords en angle droit (long. 2,05 m) ; les deux
:
autres, à 1,50 m plus au nord, à angles arrondis Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
(long. : 3,35 m). D'autres traces de cuves se Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
remarquent sur le sentier d'accès au site (larg. du mur : Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
0,65 m). l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 58.
Rakob (F.), 1984, Deutsche Ausgrabungen in
CERAMIQUE Karthago, Die Punischen Befinde, MDAI(RM), 91,
p. 15-22.
Les témoins recueillis indiquent une occupation Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
principale du site aux ive-vie s. : sigillée africaine D la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
Hayes 67, 68, 99B, amphore africaine II D, spatheion. géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
XXVI, p. 89.
Bibliographie Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, Formations
quaternaires et carrières littorales antiques en
Moscati (S.), 1971, Tra Cartagine e Roma, Milan, Tunisie, dans L'Homme méditerranéen, Mélanges
p. 28-30. offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 59.
Acquaro (E.), Bartolini (P.), Ciasca (A.) et Fantar Rakob (F.), 1995, Carrières antiques en Tunisie, dans
(M. H.), 1973, Prospezione archeologica al Capo Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
Bon, 1, Rome, p. 69-75, fig. 33. d'Archéologie, 200, p. 62-65.
La côte est basse et rocheuse. Elle montre en Sur la presqu'île qui fait face à la thonaire de Sidi
partant du trait de côte un trottoir médiolittoral, des Daoud et où se dressent les ruines d'un ancien corps
mares de corrosion, un platier à la surface irrégulière. de garde, une couche de matériel archéologique
Dans sa partie supérieure, un alignement de blocs épaisse d'environ 2 m repose sur une éolianite
antiques en place qui est déchaussé par les vagues en wurmienne. Elle est taillée sur la rive nord en falaise
bordure de la piste qui longe la mer. que ravive périodiquement les vagues de tempête,
faisant apparaître des alignements de murs
perpendiculaires au rivage, correspondant à des cuves ou des
CERAMIQUE citernes aménagées dans des carrières.
Du côté sud où il y a aussi érosion, comme
Sur la plage, tessons très érodés. Les quelques l'indique une cuve romaine éventrée, le plancher
éléments identifiables sont tardifs : sigillée africaine D d'une carrière antique est submergé de façon
Hayes 80, 91A ou B, 99, amphore orientale Carthage permanente sur une trentaine de centimètres d'eau. La paroi
LRA 1. de la carrière montre une éolianite supérieure peu
épaisse, à stratification inclinée, qui est séparée, par
une couche décimétrique de limons colluviaux
rouges, d'une éolianite inférieure plus puissante d'où
160 - BORJ GUELIB EL MDAOUEUR des blocs taillés ont été extraits.
Sidi Daoud 1:50 000, x : 589,60 - y : 415,25. Longueur de la carrière : 85 m ; larg. : 9,60 m ;
haut, du front de taille : 2,20 m.
Le site se localise sur une butte-témoin de grès
Devant une maison, deux bases de colonne en
miocène qui culmine vers 25 m, en arrière d'une
marbre, de 51 et 49 cm de largeur (haut, respectives :
falaise vive, haute de 2 m environ, taillée dans une 27 et 32 cm) ; un fragment de colonne (diam. :
éolianite wurmienne. Celle-ci est encroûtée en surface 41 cm) ; un fragment de chancel (long. : 77 cm).
et montre en coupe des cheminées circulaires de
décarbonatation, bourrées de limons rouges.
Les restes d'une grosse tour arabe placée sur le CERAMIQUE
point culminant de la butte, face à l'île de Zembra,
présentent des remplois de blocs antiques. Les ruines Matériel essentiellement tardif : sigillée africaine
en bordure de mer semblent appartenir à des de type C 5 Hayes 84, et de type D Hayes 67, 99A, 12/
constructions très tardives. 102, 105, lampe en sigillée africaine Atlante X,
A 1,5 km plus au Nord, près de Rass el Ahmar, il n'y amphores africaines spatheion et Keay LXII. Quelques
a pas de vestige apparent « de mur de quai ou de môles éléments plus anciens : sigillée claire A (Hayes 23) et
submergés » dans la crique du Koudiat el Guerria, où amphore punique. Céramique glaçurée islamique.
VAATproposait de situer la station d'Aquilaria (f Sidi
Daoud, site n° 2), lieu de débarquement de Curion
(Caes., Bell. Civ., II, 23). Cette station doit être replacée, 161 BIS - SIDI DAOUD - DJIIIA
plus vraisemblablement sur la côte Est du Cap Bon, à Sidi Daoud 1:50 000, x : 588,70 - y 412.
proximité du Rass ed Drek (Oued er Rega).
:
largeur et est constituée de deux rangées parallèles de Dans la partie sud du site, l'érosion a révélé au
blocs en grand appareil disposées comme les pied d'une falaise de 1 à 3 m de haut, taillée
parements d'une jetée. Mais elles-mêmes sont réunies de exclusivement dans du matériel archéologique, un
loin en loin entre elles par des entretoisements tronçon de voie dallée, qu'on peut suivre sur une
perpendiculaires ou obliques, en blocs également, qui vingtaine de mètres de développement. Ce pourrait
dessinent des compartiments interprétés par être un élément de la voirie urbaine. Le pavement
D.P. Davidson comme pouvant être des viviers en est constitué par des plaques d'un beau calcaire
fonctionnant à fleur d'eau dans l'antiquité. Des sortes de gris-bleu, inconnu dans le Cap Bon. A droite du
canaux avaient été ménagés à travers cette structure dallage, sur l'estran constitué par un grès coquillier
pour permettre la circulation de l'eau afin d'empêcher fin, appartenant probablement à la formation
l'alluvionnement dans la baie. L'interprétation de Rejiche, on remarque des placages de blocage
l'ensemble comme une série de viviers, pour encore en place, ainsi qu'un petit canal, creusé dans
séduisante qu'elle puisse paraître, n'est pas pour autant le rocher et défiguré dans sa partie aval par des
certaine, car des chaussées d'une structure tout à fait mares de corrosion.
comparable, avec deux parements conservés et A peu de distance de là, en allant vers le Sud, dans
présence de buses pour l'écoulement de l'eau, ont été la cour d'une habitation sont conservés des éléments
observées en liaison avec plusieurs sites de lagunes architectoniques de marbre pouvant provenir d'une
du Cap Bon où leur rôle de voie d'accès au cordon basilique chrétienne : fragments de colonnettes
littoral ne peut pas faire de doute. canelées, plaque de chancel, deux chapiteaux dont
En bordure de la grève, face à la « jetée », restes de l'un, de 35 cm de haut, présente un décor sculpté en
deux murs parallèles s'avançant dans la mer, espacés haut relief (pampres et oiseaux).
de 15 m environ ; structure de maçonnerie en forme Plus au Sud, un vivier à poissons antique a été
d'auge (dim. intérieures : 90 x 92 cm ; épaisseur du creusé dans un grès à faciès éolien de la formation
rebord : 32 cm). On note également un alignement de Rejiche, surmonté successivement d'un conglomérat à
blocs près de la plage. strombes de la formation Chebba, d'un niveau rouge
de colluvions argilo-sableuses à Helix, enfin d'une
éolianite à grain grossier, encroûtée, d'âge wurmien
Bibliographie (fig. 50 et 130).
Le vivier avait été sans doute aménagé dans une
Davidson (D.P.), dans Ben Lazreg (N.) et Mattingly ancienne carrière surcreusée à cet effet. Il présentait
(D.), 1992, Leptiminus (Lamta), a Roman port city deux communications avec la mer par deux canaux
in Tunisia, Report n° 1, Ann Arbor, JRA Suppl., 4, eux aussi creusés dans le platier rocheux aujourd'hui
p. 172-174. en partie submergé. Ces deux canaux peuvent se
suivre sur une vingtaine de mètres de longueur ; ils
présentent l'un et l'autre des traces d'un dispositif de
162 - SEDI DAOUD (MISUÂ) fermeture par des vannes dont les encoches latérales
Sidi Daoud 1:50 000, x : 588,40 - y : 411,40. sont encore visibles malgré la corrosion depuis
l'antiquité. Celui du Nord avait 80 cm de profondeur ; celui
Près du marabout, à la pointe du promontoire de de l'Ouest, 50 cm. Le platier qui borde le vivier et
Sidi Daoud, site très étendu comportant des ruines dans lequel sont creusés ces canaux est lui-même
importantes mais peu distinctes pour la plupart. Sur recouvert en permanence par au moins une vingtaine
plus de 20 m de longueur dans la falaise et sur de centimètres d'eau, ce qui implique un relèvement
l'estran, se remarquent un alignement de blocs et un minimal du niveau de la mer de cet ordre de grandeur
massif en blocage, qui apparaissent notamment sous depuis leur aménagement. L'orientation de ces
une tour moderne ruinée. Plus près de la pointe, à canaux, respectivement au nord-ouest et au nord-est,
l'Ouest du marabout, dans d'autres traces de c'est-à-dire en direction des vents dominants, ne
construction en grand appareil et blocage, on distingue un manque pas d'attirer l'attention car elle est conforme
fragment de mosaïque. aux prescriptions de Columelle (Res rust. VIII, 17)
pour la construction des viviers, afin d'en faciliter le thermes en rapport avec une villa maritime dont
renouvellement des eaux : quod agitatum ventis dépendait également le vivier.
assidue renovatur.
Sur la plate-forme qui flanque le vivier du côté
sud, on remarque des traces de fond de cuve en béton CERAMIQUE
de tuileau. D'autres traces de fonds de cuves sont
visibles sur le platier submergé. A 15 m au sud-est du 1) Prospection sur l'estran au Nord du marabout :
vivier, vestiges d'un édifice voûté de 10 x 24 m, contexte tardif ve-vie s. : sigillée africaine D Hayes 50,
comportant une salle au sol mosaïque (tesselles 87B, 91, 107, vaisselle culinaire africaine Hayes 196,
blanches), longue de 6,60 m. Les murs sont en moellons à 197, amphore orientale Carthage LRA 1.
renfort de harpes. En contrebas, on devine 2) Prospection sur l'estran devant le marabout
:
l'emplacement de trois cuves ou bassins reconnaissables par matériel ier-ve s. : sigillée italique, sigillée africaine de
leur enduit étanche. Peut-être s'agit-il de petits type A Hayes 2 et de type D.
Bibliographie Bibliographie
Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la Gauckler (P.), 1900, Séance de la Commission de
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 217. l'Afrique du Nord (10 avril 1900), BCTH, p. CLII-
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la CLVII.
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 137. Kchouk (F.), 1982, Contribution à l'étude des
Courtois (Ch.), 1954, Ruines romaines du Cap Bon, formations dunaires de Dar Chichou (Cap Bon), Notes
Karthago, V, p. 197, 190. Service Géologique Tunisie, 25, 75 p.
Schmiedt (G.), 1972, // livello antico del mar tirreno, Paskoff (R.), Sanlaville (P.) et Bourgou (M.), 1983,
Testimonianza dei resti archeologici, Florence, Stratigraphie et genèse des éolianites du Wùrm et
p. 64. de l'Holocène sur le littotal de Tunisie, CR Acad.
Se. Pans, 296, p. 1263-1266.
Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,
163 - SIDI DAOUD - CARRIERES
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
Sidi Daoud 1:50 000. x : 588,50 - y : 411,10.
XXVI, p. 17, 59.
Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, Formations
Le site est caractérisé par la présence de carrières
quaternaires et carrières littorales antiques en
antiques très étendues et largement submergées,
Tunisie, dans L'Homme méditerranéen, Mélanges
parfois sous plusieurs dizaines de centimètres d'eau.
offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 6l.
Creusés dans le rocher dominant la mer, on peut voir
des haouanet. C'est ici qu'a été définie la formation
Sidi Daoud, couche sablo-limoneuse rougeâtre qui
sépare en deux membres l'éolianite wiirmienne de la 164 - DEGLA (SIMININA ?)
formation Cap Blanc. C'est principalement du niveau Tazoghrane 1:50 000, x : 582,75 - y : 405,90.
inférieur, moins vacuolaire et plus épais que l'autre,
que les blocs ont été extraits (cf. fig. 46). Le site archéologique, ensablé sous des nebkhas
A peu de distance de ces carrières, en retrait sur la buissonnantes, est localisé en arrière d'une falaise
terre ferme, P. Gauckler avait signalé - en même vive, haute de 3 à 4 m. Celle-ci montre une éolianite
temps que ces carrières elles-mêmes - toute une série tyrrhénienne dont l'éboulement par pans, sous
de nécropoles dont une centaine de tombeaux furent l'action des vagues, est facilité par l'existence au pied
alors fouillés. C'étaient, d'après Gauckler, « des de la falaise d'une couche colluviale tendre sablo-
cimetières de petites gens probablement d'ouvriers limoneuse. Ces ruines apparaissent en coupe dans la
indigènes et d'esclaves employés aux carrières ». Le partie supérieure de l'escarpement (fig. 131).
mobilier funéraire recueilli dans ces tombeaux tendait
S.E N.O
à indiquer que les carrières en question devaient être
actives surtout aux deux premiers siècles de l'Empire.
Sur 63 lampes recueillies, presque toutes
appartenaient à cette époque ; une seule à l'époque
chrétienne.
Céramique
Prospection sur l'estran au Nord des carrières. Fig. 131. Site 164. Degla
Contexte homogène du Haut-Empire : sigillée italique 1. Eolianite inférieure ; 2. Colluvions rouges sablo-
(Haltern Service II), sigillée africaine A Hayes 6, 8 et limoneuses ; 3. Eolianite supérieure ; 4. Couche
23, amphore italique Dressel 2/4. archéologique ; 5. Carrière antique submargée ; 6. Dunes.
Dans la partie nord du site, près du corps de retrait de l'escarpement fait apparaître, en plusieurs
garde, restes d'un petit bâtiment de 9 x 7 m avec un endroits, des vestiges importants de constructions
revêtement de béton étanche disposé symétriquement d'époque romaine qui s'écroulent progressivement et
autour d'un massif de maçonnerie. Il s'agit d'une dont les matériaux finissent par être dispersés par les
construction soignée en rapport peut-être avec des vagues. Le site est exposé à la houle dominante du
thermes ou avec le nymphée d'une résidence privée. Nord-Ouest qui attaque l'éolianite, plus ou moins bien
Près du cap, une carrière antique est située en consolidée, constituant l'essentiel du matériel rocheux
bord de mer. Son plancher a atteint une éolianite, de la falaise. Il s'agit d'une éolianite à Helix, à
également d'âge tyrrhénien, située sous la couche fourreaux de racines, de consolidation inégale,
colluviale qui affleure au pied de la falaise. Elle est appartenant à la formation Rejiche (Eutyrrhénien), qui forme
inondée de façon permanente par la mer à la suite l'essentiel de la falaise vive en arrière de laquelle se
d'un relèvement d'au moins 35 cm de son niveau trouvent les ruines antiques. Sous cette éolianite
depuis l'époque romaine. Des cavités régulières apparaissent des dépôts lagunaires argileux, meubles et de
creusées dans le rocher pourraient être d'anciens pourris- couleur grise, puis des sables coquilliers grésifiés qui
soirs à pourpre. appartiennent au membre marin de la formation
Dans la partie centrale de la baie se remarquent Rejiche. Vers le Sud, là où se trouvent d'anciennes
plusieurs structures à demi-effondrées dans la falaise carrières, l'éolianite eutyrrhénienne est recouverte par
haute ici de 6 à 7 m : à signaler une construction en une éolianite wûrmienne qui est ici peu épaisse et
grand appareil et blocage de 9 x 6 m avec une sorte présente une structure feuilletée.
de fenêtre. Plus au Nord se trouve une petite structure Les vestiges sont répartis en bord de la mer, sur
voûtée et une nécropole formée de tombes à cupules. une distance d'environ 1,2 km (fig. 132). En partant
Il n'y a pas de trace apparente du quai signalé par du Sud-Ouest, on trouve d'abord une nécropole de
VAAT(f XV, Tozegrane, n 1-4). tombes à cupules près d'un signal établi sur les ruines
d'un ancien corps de garde (ou d'un mausolée). Puis
à l'extrémité des deux caps qui ferment la baie dans
CERAMIQUE cette direction, se voient les carrières antiques dont le
plancher est partiellement submergé de façon
Le mobilier couvre une longue période, depuis permanente sous une épaisseur d'eau qui peut atteindre
l'époque punique jusqu'à la fin de l'antiquité :
suivant les endroits entre 20 et 40 cm. Au pied de leur
céramique campanienne, amphore punique, sigillée paroi existent des encoches de corrosion. Les mesures
italique (Haltern Service II, type 36), sigillée du sud de de l'une d'entre elles sont de 30 cm pour la hauteur et
la Gaule, sigillée africaine de type A (Hayes 2, 9), de de 30 cm pour la profondeur.
type C, de type D (Hayes 6lB, 67, 80, 87B, 88, 91A ou Sur la côte, près d'un troisième cap plus en retrait
B, 104A), lampes en sigillée africaine Atlante X, des précédents, se remarquent une citerne et d'autres
amphore italique Dressel 2/4, amphores africaines structures effondrées faisant apparaître plusieurs
dont spatheion, amphore orientale Carthage LRA 3. niveaux d'occupation superposés. Dans l'anse
On remarque que le mobilier punique est abondant
principale qui s'ouvre plus au Nord, on voit une citerne
en limite sud du site, tandis que les déblais du pillage bien conservée (6 x 2,5 m) depuis la base jusqu'à
de la nécropole livrent de nombreux fragments de l'élévation du mur du fond : son enduit, assez
sigillée italique. semblable à celui des cuves de salaison, comporte
une couche de graviers, une couche de béton de
cendres, une couche de béton de tuileau et, en
165 - MRAISSA {SIMIN1NA) surface, un enduit lissé. Au-dessus de la voûte, se
Tazoghrane 1:50 000, x : 579,80 - y : 403,90. remarquent les traces caractéristiques d'un fond de
cuve - ou d'un impluvium - en béton de tuileau. Puis
Les ruines d'une agglomération antique très viennent des structures informes comportant des
étendue s'étendent en arrière et le long d'une falaise voûtes effondrées et un mur en grand appareil, près
en recul, haute de 1 à 5 m suivant les endroits. Le desquelles est apparu récemment un chapiteau, enfin
A. Carner - J.Le
mortier ou béton à granulat de plage, puis en opus 1,10 m) avec sa margelle en blocage (1,70 x 1,70 m)
signinum (parfois sur plusieurs épaisseurs), enfin en munie d'un dispositif en rigole servant d'abreuvoir
opusfiglinum. (long. : 3 m) (fig. 134).
Sur le promontoire du Rass el Fortas qui ferme la A une trentaine de mètres au nord du puits, à
baie au Nord, se trouve un puissant édifice en gros l'endroit où la côte à falaise fait place à une grande
blocs en cours de démantèlement par la mer (cf. plage en direction de Dagla, une structure écroulée en
fig. 51) : parmi les vestiges effondrés au bas de la blocage pourrait correspondre à la fondation d'un
falaise, on note un fragment de plaque de marbre et ancien rempart, mais on perd sa trace vers l'intérieur,
des fragments de pavement en opus figlinum et de à la limite du plateau.
mosaïque. Il semble bien que cette construction, de Le site de Mraïssa pourrait correspondre à la ville
facture assez grossière, recouvrait des vestiges plus de Siminina mentionnée à la fois par l'Anonyme de
anciens révélés dans la falaise par un sol recouvert de Ravenne {Cosmographie, V, 5, 4) et par les listes épis-
tesselles noires et blanches, reposant lui-même sur copales (A. Mandouze, Prosopographie chrétienne du
des colluvions de couleur cendreuse. Bas Empire, 1, Afrique, p. 276-277, 620).
Ta - • ■» J
2m
J.L
Bibliographie
166-ELASSA(EST)
Tazoghrane 1:50 000, x : 570,80 - y : 397,60.
CERAMIQUE
Le site est localisé sur une falaise en état de recul
Le mobilier couvre une large période depuis de 4 à 5 m de haut, en arrière d'une plage de sable.
l'époque punique jusqu'à l'Antiquité tardive : La falaise est taillée dans des grès dunaires jaunâtres à
amphore punique (dont Mafia D), sigillée italique, Helix dans lesquels s'intercalent des dépôts lagunaires
sigillée du sud de la Gaule, sigillée africaine de type argilo-sableux, l'ensemble appartenant à la formation
A (Hayes 8, 3, 9, 27), de type D (Hayes 50, 6lB, 67, Rejiche (Eutyrrhénien).
Les ruines antiques, visibles au sommet de la déchaussés par le recul de la falaise, un mur de
falaise, sont couvertes par des monticules dunaires du moellons conservé sur 1,50 m en élévation. A 200 m plus
type nebkha buissonnante. Il s'agit de restes assez à l'Ouest, mur de pierres sèches conservé sur une
informes de constructions en opus africanum : un longueur de 11 m en bordure de la falaise.
angle de mur est bien reconnaissable près du bord de Le contexte géomorphologique est le même que
la falaise. Le site culmine à l'intérieur, au point coté celui décrit pour le site 166. Mais, à la base de la
+6 m. A l'Est des ruines, un amas de céramique dans falaise vive apparaît un banc de grès marin coquillier
une couche de cendres semble indiquer la présence qui fait aussi partie de la formation Rejiche (Eutyrrhé-
d'un atelier de potiers. A l'Ouest du site, petite nien).
construction de 7 x 4 m avec un enduit externe.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
Les déblais du pillage de la nécropole livrent des
Sur la face nord du site, épandage serré de tessons fragments d'amphores cylindriques africaines avec
d'amphores, essentiellement de types africaines I et II. des traces de mortier, provenant peut-être de la
On note également des fragments de bords et d'anses superstructure des tombes, ainsi que quelques
proches des types de Gaule du Sud et de Maurétanie fragments de sigillée italique (forme Goudineau 39) avec
Césarienne. L'ensemble de ces céramiques, parmi timbre (fig. [4], n° 11) et de vaisselle campanienne
lesquelles on remarque des tessons surcuits, est (type C ?).
contenu dans un sédiment cendreux. Il y a tout lieu Par ailleurs, une prospection de la partie
d'envisager ici la présence d'un atelier de potiers supérieure de la falaise qui suit au Sud la nécropole donne
d'époque romaine ayant produit les types d'amphores quelques fragments de céramiques tardives (sigillée
énumérés plus haut (fig. [17], n° 240-248). africaine D Hayes 104A et 105) mais également plus
Sur les faces ouest et sud du site, parmi les ruines anciennes (campanienne).
de l'habitat, on récolte peu de tessons. Ces
céramiques appartiennent toutes au début de l'époque
romaine (ier s. av. J.-C. - IIe s. ap. J.-C.) : amphores de
168 - MARSA BEN RAMDAN (PORT PRINCE)
tradition punique, sigillée italique, amphore italique
Tazoghrane 1:50 000, x : 568,50 - y 397,80.
Dressel 2/4, sigillée du sud de la Gaule.
:
Dans l'anse sableuse au Sud-Est, où pouvait se en blocage de l'amphithéâtre et d'une grande citerne
trouver un petit port à l'abri du cap, des alignements de avec un bassin de décantation où aboutissait un
blocs et quelques arases de murs en moellons montrent aqueduc ; au Nord-Est de l'appontement, près du
la présence de sructures bâties. Derrière la guinguette marabout et à proximité d'un grand édifice voûté
de la plage, arase de mur en opus africanum, long, (haut. : environ 6 m) dont la construction paraît
visible : 6 m. Sur le rivage lui-même, à l'abri du cap, à tardive, probablement médiévale (blocs irréguliers en
500 m environ du borj et au sud de la guinguette, sont remploi, mortier riche en chaux), on voit en bordure
apparues des structures archéologiques dégagées par de mer une falaise de 4 à 5 m de commandement, qui
la mer. Il s'agit d'une série de cuves montrant se suit sur une quinzaine de mètres et qui montre en
l'existence en ce lieu d'une installation de salaison. Du Nord coupe, sur toute sa hauteur, une accumulation de
au Sud, on distingue d'abord trois petites cuves larges matériel archéologique. Des structures romaines ont
de 1 m environ et séparées entre elles par des cloisons été en partie déchaussées par les vagues et certaines
de blocage avec un enduit caractéristique et se s'avancent dans l'eau : les murs, en petits moellons
terminant en arrondi. Puis un mur en grand appareil de grès assises régulièrement avec renfort de harpes, sont
dunaire recoupe obliquement l'installation. Une conservés sur une hauteur de 1 à 2 m au-dessus de la
seconde série de cuves est accolée à ce mur : l'une fondation ; à 10 m à l'ouest de ces murs, se trouve un
d'elles assez bien conservée mesure 1 x 2 m, suivie massif de maçonnerie de forme rectangulaire (9 x
d'une autre cuve transversale. 3,50 m), recouvert en permanence d'une tranche
d'eau d'environ 0,20 m (cf. fig. 49).
Dans la mer au large du site, on voit deux grands
CERAMIQUE brise-lames ; ils sont entourés de profondeurs
inférieures au mètre, couvertes par des prairies de posi-
Sur le parc de stationnement, aux abords des
donies et de cymodocées. L'un, au Nord, est disposé
arases de murs anciens, on remarque de nombreux
NNE/SSW ; sa longueur est de 250 m ; il part du
tessons antiques, très fragmentés, mêlés de mobilier
rivage avec lequel il fait un angle aigu d'environ 20°.
actuel. Parmi ces tessons, plusieurs bords d'amphores
L'autre au Sud, est approximativement orienté ENE/
africaines IID ou Keay XXV. 1. WSW, presque perpendiculairement à la côte dont
une distance de 150 m l'en sépare. Ces structures
Bibliographie constituent probablement les restes de l'« ancien port
romain » que mentionne la carte au 1:50 000. Elles
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Tazoghrane, sont faites d'enrochement de grès oligocènes extraits
site n° 34. à proximité, au pied des reliefs qui dominent la côte
(Jebel Sidi er Raïs). Sur la jetée la plus courte, les blocs
sont plus gros, de taille métrique, et certains montrent
des indices de corrosion, témoignant d'un long séjour
169 - SIDI RAÏS (CARPIS) sous l'eau qui peut plaider en faveur de leur antiquité.
La Goulette 1:50 000, x : 558,00 - y : 386,00. Par ailleurs, ce type d'aménagement est comparable
aux brise-lames découverts à Carthage en avant du
Les vestiges de la ville antique sont situés dans la rempart punique dans le secteur de la fouille
partie orientale du golfe de Tunis, au contact de la allemande. Sur l'autre jetée, les blocs sont moins
plage de Soliman - Sidi Raïs et des premiers volumineux et apparemment peu corrodés.
escarpements de la côte occidentale du Cap Bon où les grès
de l'Oligocène ont été exploités par des carrières
(Jebel Mraïssa - Sidi Raïs). CERAMIQUE
Les ruines étendues, recouvertes de dunes actuelles,
partiellement végétalisées, arrivent jusqu'au rivage. La céramique est celle d'une ville occupée durant
Au Sud-Ouest d'un petit appontement moderne, toute l'époque romaine. On note : vaisselle campa-
on remarque, un peu en retrait de la côte, les ruines nienne, arétine, sigillée africaine de type A abondante
(Hayes 3A, 6, 8, 10, 23, 27), de type D (Hayes 91A/B, rivage à Carthage (Tunisie) dans l'antiquité, CR
104), vaisselle culinaire africaine (Hayes 182, 196, 197, Acad. Se. Paris, 300, II, 13, p. 613-618.
198), amphores africaines et orientales (dont Carthage Oueslati (A.), Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.),
LRA 1). 1987, Déplacements de la ligne de rivage en
Tunisie d'après les données de l'archéologie à
l'époque historique, dans Déplacements des lignes
Bibliographie
de rivage en Méditerranée (Aix-en-Provence,
Atlas archéologique de Tunisie, feuille La Goulette, 1985), Paris, CNRS, p. 73-76.
site n° 15.
remarque une cuve en partie taillée dans la formation la sebkha se remarquent des traces de constructions
tyrrhénienne : longueur conservée 3 m, avec enduit de romaines tardives. Elles sont noyées dans des dépôts
tuileau ; la paroi en moellon est en partie conservée. A argileux salins à fine croûte et boursouflures
20 m plus au sud, traces d'extraction de blocs dans superficielles. Ici l'environnement a changé depuis
l'éolianite ; quelques blocs épars et des vestiges de l'antiquité. On peut penser que les terres étaient moins
murs sont visibles à peu de distance dans la même salées parce que le niveau de la mer était plus bas et
direction. A 20 m au nord de la cuve, traces d'un sol que, de ce fait, des cultures étaient alors possibles.
bétonné sur la formation de plage tyrrhénienne. Il n'y
a pas de tesson de céramique à proximité (fig. 136).
CERAMIQUE
terre ont été gagnés aux dépens de la mer depuis la 175 - RAS ET TARF (PROMONTORIUM APOL-
fondation d'Utique. LONIS)
L'établissement tout récent d'un réseau dense de Porto Farina 1:50 000, x 533,70 - y 430,55.
:
pistes empierrées et de conduites d'eau d'irrigation
dans le couloir alluvial qui sépare l'ancienne presqu'île A la pointe du cap, en contrebas du marabout de
d'Utique de l'ancien promontoire de Galaat el Andless Sidi el Hadj el Mbarek, quatre blocs de grandes
a permis de confirmer l'occupation de cet espace par dimensions abandonnés ou en remploi dans des
l'Homme dès l'antiquité. En effet, des blocs taillés et structures en blocage à enduit de tuileau et opus
des morceaux de colonnes ont été mis au jour à figlinum appartiennent peut-être à des cuves de
l'occasion de ces travaux à plusieurs centaines de mètres à salaison. Il est vraisemblable que ces cuves se sont
l'est de l'ancienne presqu'île d'Utique. établies sur des blocs en place que l'érosion de la mer
a, depuis, déchaussées.
Le site, couvert de sables éoliens, est localisé sur
Bibliographie une falaise vive de 2 m de haut environ, taillé dans
une éolianite wiirmienne. Celle-ci recouvre une
Bernard (Cne), 1912, Le golfe d'Utique et les boucles plateforme d'abrasion de grès pliocène fossilifère, sur
de la Medjerda, Bull. Géogr. Hist. Desc, p. 212- laquelle existent des placages d'un dépôt de plage
242. conglomératique à Strombus bubonius (formation
Barjot (P.), 1952, Le golfe d'Utique dans l'antiquité ; Chebba d'âge néotyrrhénien).
le destin d'Utique, de Carthage et de Bizerte, Rev. L'un des blocs présente une modénature de
Génie Hydraul., 68, p. 59-68. corniche à l'état d'ébauche, l'autre une inscription
Lezine (A.), 1966, Utique, notes de topographie, dans punique (?) (fig. 137). Il n'est pas exclu qu'ils aient été
Mélanges Piganiol, 3, Paris, p. 1241-1255. destinés au temple qui a donné son nom au
Lezine (A.), 1970, Utique, Tunis, p. 9-20. promontoire.
Jauzein (A.), 1971, Evolution récente du delta de la Ces blocs proviennent d'une des carrières voisines
Medjerda, Trav. Lab. Géol. E. N. S. Paris, 5, p. 126- où l'on a exploité un banc d'éolianite wiirmienne,
151. caractérisée par un grain grossier et une fraction
Oueslati (A.), Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), coquillière abondante.
1987, Déplacements de la ligne de rivage en Plus loin à l'extrémité du Cap se trouvent
Tunisie d'après les données de l'archéologie à effectivement de grandes carrières taillées à la fois dans les
l'époque historique, dans Déplacements des lignes formations pliocenes et dans le grès dunaire qui les
de rivage en Méditerranée (Aix-en-Provence, recouvre. Les plus récentes - à en juger par leur faible
1985), Paris, CNRS, p. 71-73. corrosion - ont fourni des blocs de petites dimensions
Paskoff (R.), 1987, Le delta de la Medjerda (Tunisie), qu'on retrouve dans les murs de la forteresse de Ghar
présentation géomorphologique, dans Les deltas el Mehl. Les plus anciennes, en partie submergées
méditerranéens, Centre Européen, Vienne, p. 365- sous une tranche d'eau de 0,30 à 0,50 m, portent des
379. traces de corrosion plus marquées et ont livré des
Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1992, L'ancienne baie blocs dont une dimension apparente : 1,35 m, est à
d'Utique : du témoignage des textes à celui des rapprocher avec la longueur d'un des blocs signalés
images satellitaires, dans Mappemonde, Paysages ci-dessus.
méditerranéens, 1, Montpellier, Reclus, p. 30-34.
Paskoff (R.), 1994, Le delta de la Medjerda (Tunisie)
depuis l'antiquité, Etudes rurales, 133-134, p. 15- CERAMIQUE
29.
Chelbi (F.), Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, La Contexte tardif (ve-vne s.) aux abords des vestiges
baie d'Utique et son évolution depuis l'antiquité de murs et de cuves sigillée africaine D (Hayes 99,
:
une réévaluation géoarchéologique, Ant. afr., 31, 105), amphores africaines (Keay XXXV B, LXII),
p. 7-51. amphore orientale Carthage LRA 1.
:
Près d'un poste de garde effondré, petites ruines
peu étendues et très effacées d'une construction
romaine : arases de murs et béton de tuileau.
Les ruines se trouvent sur la partie haute d'un
promontoire limité par une falaise d'une quinzaine de
mètres de commandement. Sur le versant qui évolue
sous l'action des vagues à sa base, on remarque,
emballés dans du sable soufflé par le vent, des blocs
de grès pliocène et d'éolianite wiirmienne ainsi que
des fragments de constructions maçonnées qui
descendent vers le rivage.
inscription CERAMIQUE
pu réutiliser des moellons prélevés sur des murs reil sont visibles sur l'estran ou en remploi dans la tour
antiques. Le site est du reste décrit comme de garde aujourd'hui démantelée et basculée sur la
particulièrement exposé « aux déprédations anthropiques et plage par suite du recul de la falaise haute en cet
marines ». endroit de 5 à 6 m.
Vers 1 m au-dessus du niveau moyen de la mer, La falaise, constituée de sables quartzeux jaune
quelques traces de constructions antiques subsistent clair probablement d'origine éolienne, est en effet
néanmoins, assises sur des colluvions noirâtres sablo- attaquée par la mer à l'occasion des tempêtes.
argileuses ; elles sont attaquées par les vagues de
tempête. Celles-ci dégagent une plate-forme littorale
tyrrhénienne qui tranche des grès jaunâtres pliocenes, CERAMIQUE
eux-même discordants sur des grès miocènes de
Dans la coupe de terrain ouverte par le recul de la
couleur sombre.
falaise, tessons disparates : sigillée africaine A Hayes
2 (IIe s.), amphore hispanique Almagro 51 B (fin me-
CERAMIQUE Ve s.), amphore africaine cylindrique de moyennes
dimensions (IVe s.).
Peu abondante et représentative : contexte
général tardif à l'extrémité nord-ouest du site où avait
été signalée une « nécropole très endommagée par les Bibliographie
fouilleurs clandestins » : sigillée africaine D Hayes 91
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Metline, site
C et lampe en sigillée africaine Atlante VIII .
n°6.
Bibliographie
houle du Nord-Ouest diffractée par le Rass Zebib, La coupe (dans la partie orientale du site, là où
mais aussi par celle qui de temps à autre vient de l'Est. disparaissent les vestiges) montre la position stratigra-
Une grande partie du site semble avoir été détruite par phique des ruines de ce site. Elle fait apparaître de bas
l'érosion marine. Des blocs taillés sont visibles, en haut : (1) des calcaires éocènes ; (2) une croûte
éparpillés sur l'avant plage. calcaire ; (3) des argiles noirâtres à gastéropodes
Dans la falaise, on distingue dans de nombreux continentaux (planorbes) avec quelques cailloux et
cas les vestiges de murs proprement dits et leur tessons de poterie datant pour l'essentiel du Haut-
fondation ; celle-ci présente souvent une puissance Empire romain, mais certains pouvant lui être
de plusieurs mètres, afin de compenser l'instabilité antérieurs ; (4) un mur du IIe s. de notre ère ; (5) des
d'un sol naturel marécageux. Pour les constructions colluvions grises à cailloux et à très abondants
les plus importantes, on est descendu jusqu'à la roche fragments de céramique, beaucoup parmi eux étant d'âge
naturelle encroûtée en traversant un horizon de collu- tardif.
vion et de sol hydromorphe (fig. 138). En partant du nord-ouest, on voit d'abord ses
structures informes, parmi lesquelles on remarque
une petite pièce enduite (dim. internes : 2,30 x
1,50 m), conservée sur une élévation de 1,50 m et
construite à la base en grand appareil (blocs de 35 x
98 cm). Puis on peut distinguer les vestiges de
thermes reconnaissables à leurs pilettes d'hypocauste
"^5fcJK5*jj'*" H*^™#" ?» supportant un sol mosaïque ; puis une série de pans
de murs en grand appareil ; enfin quatre évacuations
ou drains dont deux sont superposés (fig. 139), ce qui
implique une réfection de ces installations, comme le
suggère S. Ben Baaziz (1987, p. 212). Ces structures
ont été recoupées par le recul de la falaise de même
qu'un grand puits dont le mur de coffrage, de section
carrée, était construit en blocs d'appareil à la base et
en moellons pour le reste de la paroi visible.
A l'extrémité sud-est du site, apparaît un grand dé
de fondation reposant sur des blocs à la base
surmontée d'une masse de blocage et d'une section
parementée correspondant à une partie de l'ancienne
élévation du monument. La tranchée de fondation est
encore visible dans la coupe de la falaise,
remarquable par sa largeur. Peut-être s'agit-il d'un
monument funéraire.
Les pans de murs en grand appareil visibles en
coupe dans la partie centrale du site représentent les
redents d'anciens bastions tranchés par le recul de la
falaise ; ils pourraient appartenir - comme le suggère
F. Chelbi - à l'ancien rempart préromain de Thinisa.
On peut en reconnaître le développement sur
plusieurs centaines de mètres en front de mer.
Dimensions moyennes des blocs : 0,51/0,53 x 0,71/0,80 m.
Comme à Borj el H'sar, il n'est pas impossible
qu'un quartier industriel se soit développé en avant
Fig. 138. Site 181. Safi (Thinisà) fondations antiques du rempart, ce que laissent supposer quelques traces
de cuves sur l'estran.
:
Bibliographie
Atlas
n°archéologique
4-5. de la Tunisie, feuille Metline, sites
CERAMIQUE
Sur une butte dominant le rivage d'une hauteur en direction d'un fond 2m
d'une dizaine de mètres et située à une distance de carrière antique à 32 m J.L
d'une centaine de mètres environ de celui-ci, Fig. 140. Site 183. Ain el Merja : bassin et canalisation.
auprès d'une source utilisée encore actuellement
pour l'irrigation de petits jardins, en direction de la
mer, se remarquent les vestiges d'une petite
construction de 8 x 9 ni : la fondation est en grand
appareil et les murs en blocage incluant des fragments blés d'une villa dotée de thermes ; on remarque en
de tuileau. effet des bétons de sols mosaïques (tesselles
De la source, située à l'Est et en contrebas de la blanches).
butte, partait une seguia longue de 55 m, qui A une vingtaine de mètres environ au Nord-Est du
alimentait un bassin de dérivation d'où ressortait — à un bassin, près de la source, un massif de maçonnerie
niveau inférieur de 25 cm à celui de la seguia indique peut-être la présence d'un barrage destiné à
d'amenée - une autre canalisation longue de 32 m se relever le plan d'eau de la source.
dirigeant vers une ancienne carrière désaffectée dès L'essentiel du site archéologique est localisé sur
l'antiquité (fig. 140). une épaisse éolianite wùrmienne à Helix, dans
Un autre bassin se trouve à 12 m à l'Est du laquelle, à l'Est des ruines (et à 200 m environ à
précédent et, à 12 m de la seguia amont, une pièce en l'Ouest de la ruine moderne indiquée sur la carte
forme d'abside ; plus loin dans la même direction, 1:50 000), une grande carrière a été ouverte à
tout un ensemble de murs dont les fondations ont été l'époque antique ; la hauteur du front de taille est
creusées dans l'éolianite, se développe en contrebas de 5 à 6 m ; son développement en longueur —
de la source et du bassin ; ce sont les vestiges proba- redents compris - est d'environ 50 m.
184-R'MEL
Metline 1:50 000, x : 506,00 - y : 438,00. 185 - HENCHIR CHAARA
Bizerte 1:50 000, x : 493,60 - y : 436,30.
De vastes carrières, qui se suivent sur quelques
3 km de distance, ont été ouvertes dans des grès Le site est localisé sur le rivage sud-ouest du
coquilliers d'origine éolienne (cf. fig. 163, 170 goulet du lac de Bizerte, dans la baie des Carrières.
et 171). Les fronts d'extraction de la pierre font Une falaise en cours de recul rapide, de 2 m de haut,
apparaître la superposition de deux éolianites. L'éolianite montre à sa base un grès pliocène (grès de Porto
inférieure ne montre pas de stratification typique Farina) sur lequel sont encore plaqués les restes d'un
d'un dépôt par le vent, mais elle contient des Helix. four antique de forme circulaire. Au-dessus, sur 1 m
Il n'est pas possible de dire si elle est d'âge tyrrhé- d'épaisseur, on remarque des colluvions noirâtres à
nien ou wûrmien. C'est elle qui a été exploitée. Helix, contenant des tessons de poterie et comblant
L'éolianite supérieure, que l'on peut attribuer au par endroit des trous, apparemment dus à l'homme,
Wûrm, moins épaisse, au grain plus grossier, plus dans le grès.
vacuolaire et plus coquillière, présente un litage
incliné, spécifique d'une mise en place par le vent.
Du point de vue de son utilisation pour le bâtiment, CERAMIQUE
sa qualité est très médiocre : elle se prête mal à
l'extraction et sa résistance à la météorisation est Le comblement des fosses bien visibles dans la
faible. falaise, mais de fonction indéterminée, donne des
fragments d'amphores puniques ainsi que de
Dans les carrières, les blocs abandonnés en cours
céramique campanienne (ou imitation).
de délogement montrent que la technique
d'extraction utilisée était la saignée. On n'a pas relevé de
traces de coins. L'exploitation de la pierre se faisait en
ménageant du côté de la mer une paroi de protection 186 - AIN BOU THOUIR
naturelle, large d'environ 3 m, haute de 2 m, percée Porto Farina 1:50 000, x : 501,00 - y : 428,15.
d'ouvertures qui permettaient l'évacuation des blocs
vers des barques amarées à proximité. Les planchers Vestiges assez bien conservés d'un établissement
les plus bas de ces carrières sont aujourd'hui inondés, thermal en cours de déchaussement par les vagues,
parfois sous plusieurs dizaines de centimètres d'eau. visibles sur une trentaine de mètres sur la ligne de
C'est dans la carrière la plus orientale que la rivage au Sud-Est du lac de Bizerte et conservés en
submersion a été la plus forte : elle est de l'ordre de 0,50 m ; élévation sur 3,20 m au maximum. L'élément le plus
depuis l'antiquité, une encoche de corrosion, de caractéristique est une cuve ou une piscine semi-
profondeur métrique, s'est développée à la base de la circulaire s'avançant au-dessus de l'eau (fig. 141) ;
paroi qui la sépare de la mer. une pièce de 15 x 6 m lui fait suite à l'Est. Ailleurs, la
2m
structure thermale.
sigillée africaine A et D (Hayes 91), vaisselle culinaire direction, qui soufflent sur le lac de Bizerte. Le fetch
africaine Hayes 23. est suffisant pour que naissent des vagues, parfois
Les ramassages effectués autour de la nécropole fortes, dont l'agressivité est encore renforcée par les
ont livré des éléments essentiellement tardifs : sigillée moellons enlevés aux ruines en cours de démantel-
africaine D Hayes 59 et 67, lampe en sigillée africaine lement. Les fondations des constructions romaines
Atlante VIII. ne sont pas visibles. Elles se situent sous le niveau
actuel du lac, ce qui indique un relèvement depuis
l'antiquité, relèvement également mis en évidence
par la présence de fonds de cuves couverts par une
187 - POINTE EL OUAII
tranche d'eau d'une dizaine de centimètres (fig. 55
Menzel Bourguiba 1:50 000, x : 498,50 - y : 427,40.
et 142). Postérieurement à leur édification, ces
bâtiments, ou ce qui en restait, ont été ensevelis par une
Sur la côte sud du lac de Bizerte (Chelbi : point
couche de colluvions, épaisse d'environ 2 m. Il s'agit
1), ruines importantes se développant sur un front
d'argiles remaniées des marnes pliocenes de Raf-Raf,
d'une centaine de mètres en bordure du rivage. Le
qui incluent des lentilles de petits galets et des
cadre géomorphologique du site archéologique est
coquilles brisées de mollusques. Elles contiennent
celui d'une falaise, haute de 2 m, faite de matériaux
beaucoup de fragments de céramique dont l'âge va
tendres, à recul rapide. La houle est engendrée par
du IIe au VIe s. ap. J.-C.
les vents de Nord-Ouest, dominants en force et en
harpe harpe
,t,
I I I I
5m contrepoids de pressoir
-J J.L à proximité des ruines
Fig. 142. Site 187. Pointe el Ouali relevé d'une installation rurale avec cuve et contre-poids.
:
:
appareil, les éléments les plus caractéristiques (dans la
partie ouest du site) sont des pièces en forme d'abside Grande nécropole constituée de tombeaux
et des cuves à paroi de tuileau étanche qui pourraient maçonnés basculés sur l'estran par le recul de la
appartenir à un établissement thermal ou bien à une falaise et immergés dans la mer, jusqu'à une dizaine
usine de salaison ou encore à une huilerie. A signaler de mètres du rivage actuel (fig. 143). A noter la
la présence de canalisations, des témoins de sols en couverture de ces tombeaux, formée de tegulae
opus figlinum, sur lequel a été ajouté un sol disposées en bâtière.
mosaïque ; de même il y a en plusieurs endroits de A 25 m plus à l'Ouest, près d'un oued sur sa rive
l'édifice des traces évidentes de reprises et de droite, on remarque le pavement en opus figlinum
remaniements. A noter également la présence de plusieurs d'un fond de cuve (1,50 m de côté) reposant sur une
contrepoids de pressoir dont l'un a été réutilisé structure voûtée de citerne, l'ensemble pouvant très
comme harpe dans la construction. vraisemblablement appartenir à une installation de
Tout semble indiquer l'existence, dans les niveaux salaison. Une coupe en bordure du rivage fait
les plus profonds, de vestiges d'une construction apparaître des niveaux archéologiques anciens, qui
punique, sur laquelle a été reconstruit un édifice pourraient remonter à l'époque punique.
d'époque romaine. Une nouvelle occupation du site La falaise recule rapidement pour les mêmes
est possible à l'époque tardive, marquée par des murs raisons qui ont été données à propos du site 187. Mais
en pierre sèche. la stratigraphie est ici plus complexe. Elle fait
Dans la partie est du site, on remarque un gros apparaître :
contrepoids (larg. : 83 ; long. max. 143 ; haut. : 55 ; 1) à la base, sur 1 m environ, des colluvions sablo-
:
queue d'aronde 27 cm) et un petit bassin circulaire argileuses, de couleur jaune sombre, sans céramique ;
:
avec son enduit (diam. : 152 ; épaisseur : 22 ; 2) une couche archéologique (0,70 m),
profondeur : 40 cm). témoignant d'une occupation aux ier-ne s. ap. J.-C. ;
A 1 km à l'Ouest du site principal, près de la cote 3) des colluvions argileuses (1,50 m) contenant de
13 de la carte au 1:50 000 et à 150 m du rivage, citerne rares tessons de poterie, dans lesquelles des tombes
antique bien conservée (dimensions intérieures : 4,85 antiques ont été creusées ;
x 2,90 ; haut, sous voûte : 2,90 ; épaisseur des murs : 4) recouvrant la nécropole, des colluvions
0,55 m). Sur le rivage, on remarque un puits moderne argileuses grisâtres (0,50 m) à fragments abondants de
en cours de déchaussement par les vagues. céramique tardive.
Deux épandages de colluvions sont ainsi
clairement identiables dans la coupe que donne la falaise.
CERAMIQUE Les tombes, dont l'une est encore visible en place
dans la falaise, étaient recouvertes de six tegulae
Alors que les prospections publiées par F. Chelbi disposées deux à deux en bâtière et prises dans un
avaient révélé une occupation principalement massif de blocage ; longueur d'un tombeau basculé
punique, le matériel recueilli ici indique un contexte sur l'estran : 2,80 m.
essentiellement romain vaisselle culinaire africaine
:
région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 81. Mackensen 18. Au bas de la coupe, séparés du niveau
précédent par une couche de colluvions d'environ même recouvert de colluvions modernes à matrice
1,50 m à 2 m, on repère des tessons du Haut-Empire : argileuse noirâtre emballant des fragments calcaires
sigillée africaine A Hayes 2 et amphore africaine I, de taille centimétrique, d'une épaisseur d'environ
ainsi que des tessons d'amphores puniques Mana C2b 50 cm, aujourd'hui surmontée d'un sol qui porte une
au plus bas de la coupe. Ces derniers témoins végétation rase. La conduite peut se suivre vers
recouvrent immédiatement les couches géologiques. l'Ouest de l'Henchir Rara jusque sur le versant oriental
de la pointe rocheuse qui précède le Cap Blanc du
côté de l'Est. En cet endroit, il devait franchir en
amont un ravin à forte pente qui depuis l'antiquité
189 - HENCHIR RARA (EL RHARA)
s'est élargi et approfondi en liaison avec le recul de la
Bizerte 1:50 000, x : 495,00 - y : 447,75.
x : 494,30 - y : 448,00. côte, faisant apparaître l'aqueduc en coupe dans le
front de la falaise (fig. 63). En revanche, on ne voit
pas de trace de la canalisation sur le pourtour du Cap
Divers tronçons de l'aqueduc de l'oued ed
Blanc. Sans doute devait-elle franchir en galerie
Damous à Bizerte {Hippo Diarrythus), sont visibles
souterraine l'ensellement topographique de roche
sur plusieurs kilomètres entre le Cap Bizerte ou Cap
tendre qui marque la racine de ce cap à une altitude
Guardia (à l'Est) et le Cap Blanc (à l'Ouest) sur le côté
de 20 à 25 m environ, au lieu de contourner le
sud de la route de corniche, à environ 20 m.
promontoire sur les flancs duquel elle aurait été trop
L'aqueduc apparaît en coupe dans une carrière
exposée à l'érosion marine.
moderne (larg. de la conduite : 39-40 ; épaisseur de
l'enduit étanche : 4 ; épaisseur du blocage : 50 cm). Il
était recouvert au sommet d'une voûte en maçonnerie
de blocage. La tranchée de l'aqueduc avait été creusée Bibliographie
dans les colluvions wùrmiennes encroûtées à leur
sommet ; à la base, la fondation de blocage repose sur Lantaires (Cne), 1904, Hydraulique d'Hippo Zarite,
le calcaire éocène du Cap Blanc ; l'aqueduc était lui- dans Gauckler (P.), Enquête sur les installations
190 BIS - HENCHIR ES SAHEL I velies sous des dunes végétalisées. On peut deviner
Bizerte 1:50 000, x : 490,50 - y : 447,15. les structures voûtées de citernes entourées d'un mur
d'une trentaine de mètres de côté. Ces ruines sont à
A 300 m environ à l'Ouest du promontoire l'abri de l'érosion par la mer.
rocheux, le site archéologique, assis sur un
affleurement d'éolianite wûrmienne dans lequel on a aussi CERAMIQUE
extrait à proximité des blocs taillés, est aujourd'hui
atteint par les vagues de tempête et ensablé par des Peu abondante : quelques fragments de vaisselle
apports éoliens à partir d'une plage en état de recul. culinaire africaine Hayes 23, 182, 197.
On remarque la présence, à une centaine de
mètres à l'Est de la carrière ensablée, d'un lambeau
& opus figlinum qui pourrait indiquer la présence en
cet endroit d'une installation de salaison. 193 - HENCHIR ES SAHEL IV
Bizerte 1:50 000, x : 488,50 - y : 447,60.
CERAMIQUE
Une falaise de 2 à 3 m de commandement, qui
Contexte tardif (ve s.) : sigillée africaine D Hayes recule à l'occasion des tempêtes, montre à sa base des
58, 67, amphore orientale Carthage LRA 1. colluvions argileuses, d'âge indéterminé, sur
lesquelles se trouvent des ruines couvertes par des
dunes actuelles.
Il s'agit des vestiges en blocage d'une grosse
191 - HENCHIR ES SAHEL H construction, répartis en deux masses principales
Bizerte 1:50 000, x : 489,65 - y : 447,15. conservées sur une hauteur de 3 m au maximun et en cours
de déchaussement par la mer, sous la dune elle-même
Des ruines romaines, couvertes de sable apporté en recul. Des traces de cuves avec un enduit de
par le vent, apparaissent en coupe dans une falaise en tuileau se devinent ainsi que des fragments de paroi
cours de recul, dont la hauteur est de 2 à 3 m. Les stuquée, ce qui suggère l'existence en ce lieu d'une
fondations des constructions antiques ont été assises habitation.
sur un platier de calcaire éocène qui porte des
placages de dépôts de plage eutyrrhéniens. CERAMIQUE
Le site, près des stériles de la mine de plomb, est
formé de deux ensembles où se voient les traces très En raison de l'ensablement, les tessons sont très
distinctes d'un habitat côtier dont ne subsiste plus que rares : 1 fragment de sigillée africaine D pris dans le
des harpes isolées en éolianite et des éclats de calcaire blocage d'un mur ; tesson d'amphore de tradition
dur. En contrebas, la mer a remanié des moellons punique.
provenant de ces ruines et on remarque la présence
de matériaux allogènes (roches volcaniques et Bibliographie
métamorphiques).
Atlas
n° archéologique
11. de Tunisie, feuille Bizerte, site
de mer et présentant des murs perpendiculaires au bien développée, haute de 4 m, est taillée dans des
rivage. Ces ruines ensevelies sous des dunes boisées brèches du Trias, aplanies par une plate-forme
sont révélées par le recul de la plage. d'abrasion qui porte des placages de grès marins eutyrrhé-
niens. Son recul commence à détruire les ruines
antiques ensablées qui se trouvent au-dessus.
CERAMIQUE Il s'agit d'une grande construction, d'environ 45 m
(Nord/Sud) x 30 m (Est/Ouest), réalisée en blocage
Sigillée africaine A Hayes 8 (IIe s.).
de moellons et harpes ; elle était divisée en 9
compartiments réguliers encore visibles (larg. : 3,60 m) qui
Bibliographie étaient peut-être voûtés (cf. fig. 56). Parmi les
décombres, un seuil ou un linteau de porte. On peut penser
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Bizerte, n° 10. à des horrea. La présence de tuileau est aussi à
signaler dans les décombres.
mosaïque ; un autre pavement, décoré d'une frise de A environ 600 m au Nord-Est du phare de Rass
feuilles de lierre, vient d'être mis au jour au Sud du Enghela, au droit d'un îlot, dans une falaise vive de
blockhaus. 3 m, on peut observer une faille inverse N 100-120,
Un peu en retrait du rivage rocheux de la petite inclinée de 70° vers le Sud et qui affecte des dépôts
presqu'île qui fait face au site de Ghirane (Rass ben
marins tyrrhéniens à blocs de galets de roches vertes
Sekka), sur une plate-forme littorale basse qui tranche
triasiques. Mais contrairement à ce qui a été écrit par
des brèches du Trias, hors de la portée des vagues, Ben Ayed et Oueslati (1988), il ne semble pas que
ruines d'un mausolée romain ou d'une tour de guet. l'accident affecte aussi des dépôts historiques de
Il subsiste le soubassement en grand appareil d'une sables limoneux gris à lits de graviers qui contiennent
construction de 8,80 (Est/Ouest) x 7,70 m (Nord/Sud) des ossements, des tessons de poterie et dans lesquels
de côté ; haut, des assises 0,52 m ; près du on a aussi trouvé une pièce de monnaie qui date
:
mausolée, un fragment de colonne (long. : 1,07 m ; probablement du Bas-Empire (tête d'Empereur avec
diam. : 0,43 m). un diadème à l'avers ; deux divinités au revers). Ces
dépôts qui paraissent dûs au ruissellement bouchent
un fossé creusé par l'Homme, dont un côté
196 - RASS GHIRANE (RASS BEN SEKKA) correspond avec le plan de faille. Mais aucun indice sûr d'un
Bizerte 1:50 000, x : 487,20 - y : 448,65. rejeu de cette faille depuis le comblement du fossé n'a
pu être relevé.
En arrière d'une plage de sable d'une dizaine de Sur le pourtour de l'îlot proche de la côte, un mur
mètres de large, une falaise vive, à encoche basale d'enceinte sommaire a constitué une sorte de réduit
défensif vraisemblablement à l'époque islamique ment des ive-viie s. : sigillée africaine D Hayes 61A, 66,
d'après les tessons de céramique recueillis. 67, 90, 91D, 93-99, amphores africaines, amphores
orientales Carthage LRA 1 et 2.
CERAMIQUE
Les tessons recueillis au milieu des ruines ne 199 - PHARE ENGHELA OUEST
semblent pas antérieurs à l'époque islamique. On Bizerte 1:50 000, x 485,40 - y : 448,90.
:
note toutefois des éléments qui pourraient être
relativement anciens (fragments d'amphore à corps A 400 m et dans la première crique au Sud-Ouest
globulaire). du phare de Rass Enghela, un site archéologique,
peut-être une tour de guet de forme carrée, se trouve
sur une plate-forme d'abrasion marine tyrrhénienne,
Bibliographie au bord d'une falaise vive, haute de 5 m, taillée dans
les brèches de roches vertes du Trias. Les ruines
Ben Ayed (N.) et Oueslati (A.), 1988, Déformations commencent à être affectées par le recul de la falaise.
tectoniques dans le Quaternaire récent de Ras Dimensions de la tour : 5,80 m de côté ; épaisseur des
Enghela (région de Bizerte, Tunisie murs : 0,60/0,70 m.
septentrionale), Méditerranée, 2, p. 17-21.
CERAMIQUE
puis une éolianite (2 m). culinaire africaine Hayes 23, 196, 197, vase modelé
indigène, amphore africaine II B « con gradino ».
CERAMIQUE
Le Rass el Koran est constitué par un En allant vers l'Ouest le rivage s'élève pour former
affleurement de flysch numidien, d'âge oligo-miocène, qui a une falaise vive, de 4 à 5 m de hauteur, dans laquelle
été aplani par la mer pendant l'Eutyrrhénien (cf. s'ajoutent aux formations tyrrhéniennes que l'on vient
fig. 57). Du côté est, les dépôts corrélatifs de cette de signaler, des dépôts wùrmiens, d'abord une
action marine sont bien conservés. Il s'agit d'abord couche de limons rouges, puis des sables éoliens à
d'un conglomérat à gros blocs, puis d'un grès de Helix aujourd'hui consolidés en grès.
plage, enfin d'une formation lagunaire plutôt tendre, Les vestiges qui disparaissent aujourd'hui sous de
de couleur variable puisqu'elle va du blanchâtre au grosses nebkhas buissonnantes s'étendent aussi sur
noirâtre, qui contient en abondance des coquilles de des dépôts lagunaires grisâtres à noirâtres, d'âge
petits mollusques. Les ruines romaines se trouvent indéterminé, couverts par de minces placages d'une éolia-
sur la plate-forme qui est limitée par une falaise de 2 nite qui pourrait dater du début de l'Holocène. Il s'agit
à 3 m de haut. Le recul de la falaise détruit les d'une agglomération étendue en bord de mer et un
vestiges archéologiques ; des pans de murs gisent peu en retrait, où l'on distingue de nombreux
sur l'estran. alignements de murs en éolianite avec harpes en grands
A l'extrémité ouest du site, existe une grande blocs. Parmi les nebkhas, on devine aussi quelques
construction, peut-être une tour de contrôle. Sa partie structures circulaires de tours ou de monuments à
externe est menacée de destruction, la falaise étant abside. Témoins de céramique tardive. Le site
constituée à cet endroit d'une alternance de grès présente beaucoup de ressemblance avec celui
éoliens et de colluvions qui favorisent une érosion d'Argoub el Bania (site n° 208).
différentielle par éboulement.
1m
0 10m
. J o ■
■
.
.•
,■
:
marques de délogement de blocs - sont encore bien
de type A, C, D Hayes 62, vaisselle culinaire africaine visibles. Certaines sont sous l'eau jusqu'à 25 cm de
Hayes 23- profondeur. A l'abri de sa digue de protection une
partie de la plage a été aménagée récemment en un
petit port de pêche. L'hypothèse d'un ancien bassin
206 - SIDI MECHRIG artificiel creusé dans le rocher à cet effet paraît peu
Cap Negro 1:50 000, x : 430,60 - y : 429,05. vraisemblable, mais ne peut pas être totalement
écartée.
Un affleurement d'éolianite wurmienne forme un Sur le rocher au fond de la plage, traces de fours
promontoire battu par des vagues et sur lequel les à chaux et de carrières dans l'éolianite.
ruines de l'ancien comptoir de Sidi Mechrig voisinent
avec des vestiges plus anciens situés en retrait du
CERAMIQUE
rivage une construction fortifiée aux tours d'angle
:
des thermes romains. sur un tertre de 100 sur 300 pas, aujourd'hui destiné
aux cultures. En surface on voit de nombreux agglomération antique d'une certaine importance,
moellons (galets équarris), des harpes monolithes, peut-être même d'une ville, mais dont le nom n'est
quelques arases de murs, assez peu de céramique. En pas connu. L'agglomération, aujourd'hui presque
revanche, dans la pente donnant à l'Ouest sur la mer, totalement ensablée, avait été construite sur un
nombreux tessons d'époque tardive (ve et VIe s.), affleurement d'éolianites, des dunes anciennes
moellons et blocs d'appareil. consolidées en grès et datant de la dernière époque
glaciaire (formation Cap Blanc d'âge wùrmien). Elle
s'étendait peut-être sur plusieurs dizaines d'hectares,
CERAMIQUE les vestiges visibles s'inscrivant eux-mêmes dans une
superficie de 10 à 15 hectares environ selon le
Nombreux tessons, contexte exclusivement tardif rapport de T. Ghalia et M. Longerstay qui l'ont visité
(ve-vie s.) : sigillée africaine D Hayes 59, 67, 93, 99, en mai 1989- Une barre rocheuse, le Kef es Souane,
104A, lampes en sigillée africaine Atlante X, amphores qui culmine à 174 m domine le site au Sud-Est. Les
africaines dont Keay XXXV B, amphores orientales ruines sont éparpillées entre 10 et 40 m d'altitude au-
dont Carthage LRA 2.
dessus d'une basse terrasse sablo-limoneuse de
l'oued Zouara dont l'érosion latérale a détruit une
partie du site archéologique. L'oued se divise en
208 - ARGOUB EL BANIA chenaux divaguants dans un vaste lit, encombré de
Nefza 1:50 000, x : 414,00 - y .- 415,00. sable, qui peut être entièrement occupé à l'occasion
de fortes crues épisodiques. Une large plage
Le site est localisé à proximité de l'embouchure sableuse s'étend de part et d'autre de son
de l'oued Zouara, côté rive droite. Il s'agit d'une embouchure (fig. 62 et 149).
Fig. 149. Site 208. Argoub el Bania (Photo aérienne 044. X/250. 1963).
1. Plage et dune bordière ; 2. Sables éoliens actuels localement fixés par une végétation naturelle ou artificielle ;
3. Croûtes dunaires mobiles ; 4. Anciennes dunes wiirmiennes consolidées en grès (éolianites de la formation Cap
Blanc) ; 5. Ravin ; 6. Terrasse fluviale d'âge holocène ; 7. Barre rocheuse de grès numidien ; 8. Ruines romaines.
La côte est frappée de plein fouet par des vents du numidien rapporté à l'Oligocène supérieur). Par son
Nord, ceux du Nord-Ouest étant les plus forts et les débitage aisé, il a fourni en particulier des blocs de
plus fréquents. En bordure de la plage, on rencontre grand appareil, utilisés dans les chaînages d'angle. On
d'abord de grosses dunes, du type nebkha, fixées par a eu aussi recours, mais uniquement pour l'obtention
des buissons de r'tem (Rétama raetarri), puis de de moellons, aux grès dunaires du type éolianite. Les
véritables dunes libres, en vagues orientées NNE/SSW, carrières d'où ces matériaux ont été extraits n'ont pas
dont la hauteur s'élève progressivement et qui se été identifiées, mais les uns et les autres affleurent
déplacent pour atteindre le versant du relief côtier. Au largement à 5 km au Nord-Est du site.
gré de leur déplacement, elles recouvrent et Ces bâtiments de forme rectangulaire semblent
découvrent alternativement les vestiges archéologiques : être des habitations. Dans l'un d'eux, on voit un mur
ceux-ci apparaissent dans les creux interdunaires. en opus africanum, de construction très soignée
Un premier ensemble de ruines aisément recon- (haut, conservée : 1 à 1,20 m ; larg. 0,55 m). Les
naissable se trouve dans la partie ouest du site : ce chaînages de blocs de grès sont espacés entre eux de 1,10
sont les vestiges d'une grande construction voûtée en et de 1,30 m. La base du mur est faite de pierres de
forme de rotonde, haute de 2,20 m et constituée de taille assez régulières. Sur un autre mur, on remarque
deux assises superposées en blocage. L'assise des boutisses de 0,53 m de long, un montant de porte
supérieure (haut. : 1 m) est en retrait de 0,55 m par rapport de 3 coudées (1,50 m de long ; larg. : 0,54 m ; épais. :
à l'assise inférieure (haut. : 1,20 m). La présence de la 0,43 m, avec trous de crapaudine de 7 x 7 cm). Ces
canalisation, d'orientation SW/NE, qui aboutit à une diverses constructions, dont les murs subsistent sur
ouverture voûtée dans l'assise supérieure (dans la une hauteur d'un mètre en moyenne malgré le sable
partie W/NW), autorise à supposer qu'on a affaire à qui les envahit, sont orientées dans la direction N/S et
des citernes ou à un édifice thermal. L'aqueduc, dont semblent s'inscrire dans une trame orthogonale. Elles
le canal en U (larg. : 26 cm) est encastré dans une se prolongent en direction de l'E/SE jusqu'à un arbre
maçonnerie en blocage de 0,60 m, est conservé sur mort près duquel on remarque un édifice en forme
une longueur d'environ 20 m (fig. 150 et 151). d'enclos rectangulaire, aux murs bien apparents.
A environ 200 m plus à l'ouest de la rotonde, vers En revanche, quand on se rapproche de
l'extrémité du site dans cette direction, un autre l'escarpement au-dessus de l'oued, les constructions
édifice attire l'attention : il se présente comme un deviennent très indistinctes : elles se sont effondrées - par
bâtiment de 20 m de longueur, 9 à 10 de largeur et se pans de murs entiers - à la suite du sapement du banc
terminant à chaque extrémité par une abside voûtée d'éolianite exercé par l'érosion latérale de l'oued. Il
conservée jusqu'à l'extrados (fig. 152). Sur le côté est possible qu'en cet endroit se soit trouvées parmi
nord du monument, on aperçoit une sorte d'arcature les habitations, des installations industrielles : au
appareillée émergeant du sable et conservée jusqu'à milieu des gravats de moellons et de mortier ou de
sa clef de voûte. Elle suggère l'existence d'une fragments de sol bétonné (avec traces de mosaïque
ouverture latérale ou encore d'un arc de décharge de la polychrome fine ou grossière), on peut voir des
construction. Des traces de murs extérieurs indiquent scories ferrugineuses, des témoins de verrerie et, à
la présence de bas-côtés et peut-être de contreforts l'aplomb de la construction en rotonde, des indices de
sur les flancs de l'édifice. On peut penser à un la présence de cuves (fragments de fond de bassins
réservoir ou à quelque autre bâtiment thermal ou avec leur solin d'étanchéité). L'existence, en direction
industriel, mais il n'est pas exclu entièrement qu'on ne soit de l'oued, d'une usine de salaison est donc des plus
en présence d'une petite basilique chrétienne à probables, mais celle-ci est à rechercher sous les
double abside, bien conservée grâce à l'ensablement décombres du quartier qui couronnait l'escarpement.
(fig. 153). Dans le même quartier, d'après M. Longerstay, on
Dans la partie centrale du site, en retrait du rebord trouverait aussi « deux ateliers de céramique
du plateau, se remarquent de nombreux alignements commune (amphores, vaisselle, tuiles), des scories en
de murs. Deux types de pierre y sont utilisés : le grande quantité, des fragments de poterie non cuite ».
matériau le plus employé correspond au grès de Kroumirie A l'extrémité sud-est du site et à 100 m environ de
de teinte brune à rosâtre (qui appartient au flysch l'olivier mort, se trouvent les restes d'un mausolée de
■C coupe
5m
J.L
coupe canalisation
a proximité de l'édifice
Fig. 151. Site 208. Argoub el Bania relevé de la citerne et de son adduction.
:
..
.
14 cm ; haut. : 42 cm ; larg. max. : 23 cm. Deux lignes Deux autres monuments funéraires de plan carré
de texte haut, des lettres : 7 à 8 cm. L : 11 cm ; V : se devinent à 20 m plus à l'est, dans une zone très
:
6 cm. ensablée.
Cette invasion généralisée du site par le sable est double alignement de gros blocs qui formait
récente. La carte topographique levée au début du vraisemblablement la base des quais ». Selon le même
siècle indique un bois en cet endroit. Des troncs témoignage, « la présence de pans de murs épais, de
d'arbres morts se dressent encore là où la migration citernes et de bâtiments voûtés, accrochés aux flancs
des dunes les découvre, en attendant que celles qui de la colline abrupte qui surplombe la mer à cet
suivent les ensevelissent à nouveau. Cette endroit », confirmerait cette hypothèse.
augmentation de la quantité de sable en mouvement à partir du Bien que l'épigraphie n'ait pas livré d'information
rivage peut être mise en relation avec un sur l'existence éventuelle d'horrea comme à Hippo
accroissement de la charge solide de l'oued Zouara, elle-même Regius par exemple, Toutain signale la présence de
liée à un développement des défrichements dans le restes d'entrepôts de grandes dimensions situés à
bassin-versant du fleuve depuis une centaine quelques mètres du rivage et d'une construction de
d'années. En tout état de cause, dans l'antiquité, une belle apparence qui aurait pu être en rapport avec
agglomération aussi importante que celle suggérée l'activité portuaire.
par l'extension et la nature des ruines n'aurait pas pu
se développer dans un environnement où la
dynamique éolienne aurait été d'une activité comparable à Bibliographie
celle d'aujourd'hui.
Rebora (Cap.), 1884, Tabarca (Thabraca), Bull. trim,
des Antiquités africaines, II, p. 122-128.
CERAMIQUE Toutain (J.), 1891, Fouilles de M. le Cap. Dautheville
à Tabarka, MEFR, XI, p. 185-187.
Peu de céramique en surface, à cause de Toutain (J.), 1892, Fouilles et explorations à Tabarka
l'ensablement. Sur la pente légèrement érodée descendant vers et aux environs, BCTH, p. 188-190.
l'oued Zouara, on recueille des céramiques — , Atlas archéologique de Tunisie, feuille Tabarka,
exclusivement tardives (ve-vie s.) : sigillée africaine D Hayes 76, site n° 10.
99, 103B, Mackensen 18, amphores africaines Longerstay (M.), 1988, Nouvelles fouilles à Tabarka,
(spatheia et cylindriques de grandes dimensions). La antique Thabraca, Africa, X, p. 220.
relative abondance des céramiques modelées mérite Longerstay (M.), 1992, Un carrefour commercial
d'être notée (fig. [11], n° 138-140). africain d'importance régionale : Thabraca, BCTH,
nlle sér., 22B, Afrique du Nord, 1987-1989, p. 147,
150.
Bibliographie
209 - TABARKA {THABRACA) Les seuls vestiges archéologiques côtiers qui ont
Tabarka 1:50 000, x : 398,60 - y : 407,00. été repérés dans l'île se trouvent sur le rivage de
l'Escueil de Pasque, au bord de la baie abritée,
J. Toutain avait pu observer, à la fin du siècle orientée vers le Sud, qui sert de mouillage (cf. fig. 6l).
dernier, les restes de quais, de magasins ou docks et C'est dans la falaise vive, haute de 25 à 30 m, qui
de jetées limitant le port, qu'il situait précisément à caractérise ici le rivage, que les vestiges d'une
l'Est et à l'Ouest de la passe étroite qui séparait l'île quinzaine de cuves de salaison - ou autres silos - ont été
(de nos jours presqu'île) du continent (cf. fig. 59). identifiés.
Ces renseignements anciens ont été confirmés La stratigraphie de synthèse de la falaise montre
plus récemment par M. Longerstay qui a pu elle- de bas en haut : (1) flysch oligocène ; (2) éolianite ;
même par beau temps apercevoir, « sous l'eau, le (3) vers 6-8 m au-dessus du niveau actuel de la mer,
un poudingue fait de gros galets sombres d'origine Durand-Delga (1956) avait été intrigué par la
magmatique, contenant des fragments de strombes, présence sur la grève, au pied de la grande falaise, de
de pétoncles, de spondyles ; il représente un dépôt galets d'une lave bulleuse noire dont il ne voyait pas
marin tyrrhénien discordant sur l'éolianite sous- l'origine. Il s'agit en fait de morceaux de meules faites
jacente ; (4) épaisses colluvions wùrmiennes à avec du basalte importé dans l'île et émoussés par les
cailloux emballés dans une matrice fine légèrement vagues. Ces galets sont allogènes et ont une origine
rougeâtre ; (5) placages discontinus et inclinés d'une anthropique.
éolianite wùrmienne, contenant des fragments C'est dans l'éolianite (2) qu'ont été creusés les
coquilliers, à stratification entrecroisée ; (6) couche nombreux haouanet que l'on rencontre dans l'île, en
mince de limons rouges ; (7) colluvions d'âge particulier dans Pensellement de la Plaine.
historique à fragments d'éolianite et à tessons de poterie
tardive (plats, amphores).
La haute falaise est sapée à sa base par les vagues CERAMIQUE
de tempête qui sont armées de galets de la grève
Dans la falaise du front de mer : sigillée italique,
actuelle, mais qui proviennent en partie du
sigillée africaine de type A Hayes 8, de type D Fulford
poudingue tyrrhénien. La falaise évolue surtout sous
39-40, vaisselle culinaire africaine Hayes 196,
l'effet de glissements de masse qui bousculent les
amphore punique Mafia C2b, amphore italique
vestiges archéologiques. Les cuves qui les
Dressel 1, amphore africaine cylindrique de grandes
caractérisent ont été aménagées dans les colluvions
dimensions.
wùrmiennes. Elles disparaissent aujourd'hui sous les
Près de l'ancienne école : sigillée du sud de la
colluvions sommitales.
Gaule Dragendorff 37, sigillée africaine A2 Hayes 14/
Les cuves apparaissent dans une section de cette
16, amphore africaine cylindrique de moyennes
falaise située à l'Est du petit port de pêche, jusqu'à
dimensions. Un fragment de sigillée italique porte la
une carrière moderne qui les a fait disparaître, en
marque d'atelier Zoïlus, « un des derniers affranchis
contrebas du passage d'un chemin moderne, lequel a
ou descendants d'esclaves d'Ateius à avoir exercé à
contribué à déstabiliser le versant naturellement
Pise et ce jusqu'au milieu et peut-être même jusqu'au
instable par suite de l'attaque de la mer (Oueslati
dernier quart du Ier s. ap. J.-C. » (Guéry 1992, p. 45).
1995, p. 30-31). Ces cuves ne sont pas du type
habituel : elles sont de forme assez irrégulière et ont
été aménagées sommairement dans ce versant, les Bibliographie
murs des parois ayant été construits en moellons
grossiers prélevés sur place dans l'ébouli et liés avec de la Durand-Delga (M.), 1956, L'évolution de l'archipel de
terre ; mais le fond et les flancs des cuves sont bien la Galite au Néogène et au Quaternaire, CRAcad.
enduits de mortier de tuileau étanche (cf. fig. 186). La Se. Paris, 243, 5, p. 507-509.
présence d'inclusions de pierre blanche dans ce Jauzein (A.), 1967, Contribution à l'étude géologique
tuileau suggère qu'il pourrait être d'époque punique des confins de la dorsale tunisienne, Annales
ou romano-républicaine. Mines et Géologie, Tunis, 22, p. 251-252.
Largueur d'une cuve bien dégagée dans une Guery (R.), 1992, Les marques de potiers sur terra
ravine profonde : 1,10 m ; longueur conservée : 1,50 ; sigillata découvertes en Algérie, IV, 1, Ant. afr.,
épaisseur de la paroi 78/80 cm. Ces installations 28, p. 15-131.
:
comportant des cuves de dimensions variables ont Oueslati (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis,
laissé des traces sur plus d'une centaine de mètres le Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 12-51.
long de la falaise.
i
^^^^^
Hr Fesguia Rouis 10
Hr el Abid 12
Naoura "bis
S Bou Teffaha 13 ■■■
Lalla Meriem 15
El Kantara 16
Ghizene 19
Guellala 21 ^^^^^^^^^^^
Ersifet 22
Ras Segala 23
Oued Babous est 26
Bir Tajerjimet 27
Henchir Chelaki 29
Henchir Daous 30
Laflala 31
Gourine est 32 I_L_^M_J •
Hr Bou Amia 33
Hr Medina 34
Oued Zerkine 35
Hr Chougaf 37
Hr er Rekrama 38 ^^^^■^
Oued el Akarit sud 39
Henchir Adame 40
Sebkret el Guettiate 41
En Nadour 42
Br Flaguess-Trapsa 43
Hr Ferchatt 44 ^^^^^m^^^M \
Zabouza 45
Ras el Ferchatt 46
Henchir Jel 47
Oued Maltine 48 1
El Jaziret el Rharbia 49
Dzirat el Laboua 50
Dzirat el Hajar 51
El Khefifia 53
Onga 54
Henchir Leich 55
Thyna 56
Rjel ech Chouggaf 58 1H 1 ■ 1
I
^^^^
Gremdi 63
Ras Bou Nouma 64 •
Sefnou 65
En Ferkik est 66
En Ferkik ouest 67
Hr ech Cheggaf 68
El Aouabed 70
Hr el Majdoul 71
Ksar en Nouba 72
Hr el Flouss 73
Sidi Mezara sud 75
Sidi Mezara nord 76
La Louza I 77
La Louza II 78 1 hM
Sidi Saad 79 ^H^H^^M 1
La Louata 80
1
Ouled Slim 82 1 II III
Ouled Mabrouk 83
Marsa Mellouleche 84
Rass Jezira 85
Jezira 86 ~
Sidi Abdallah 88 m
M
El Alia 90
Borj el Mzaouak 91 1
n 1 m
Ghar ed Dheba 93
Salakta sud 94
Rass Salakta 95
Mnaka sud 96
Mnaka nord 97
Douira sud 98
Douira nord 99
Sidi Ben Ghayada 101
Mahdia nécropole 103 ^^■H
i 1i •
El Hafsi Neyret 104
i
|
tardive islamique
Site N° tunique ancien punique récent haut Empire romain tardif Byzance
et/ou époque Vandales
républicaine
Grande Kuriate 114
El Ghedamsi 116 1 1 1 1
Sebha Skanes 117
Chott Meriem 118 mÊ^mi^ÊÈmm
IM |
Halk el Menzel sud 119
Halk el Menzel nord 120
Hergla sud 121 ^M 1 ! 1 M
H
Hergla centre 122
Hergla nord 123
Borj el Assa 125
Cote 14 126
Bou Kesra 127
Sebkha S. Khalifa "bis
Henchir el Kebir 128
Henchir el Hefair 129
Henchir Selloum 130
Bir ech Choukaf 131
Bit el Assa 133 ^^^^^
Sidi el Mehersi 134
Sidi Ameur 136
Maamoura 137 1 1 ^H *
Khlij 138 mm r
Htouba 139
Sidi Mosba 140 mm mm
Sidi Othmane 141
Dar el Kbira 142
Gasser Saad 144
Henchir Lebna 145
Ain Sghira 146
S. Ali Moujehed S 147
S. Ali Moujehed N 148 mn^^
Sebkhet Tafekhsit 149
Oued el Kseub 151 warn
Es Seguia sud 152
El Hannaker
Ain Takerdouch II
Ras ed Derek
Rhirane Bou Mliha lÉËÉËËÊËml
Borj Ghelib
Sidi Daoud 155 ^^^^^|
161
160
159
157
156
164
163
162 taHH^^H^^^^^H
1
|1
CONCLUSIONS
I - Les transformations
DE L'ENVIRONNEMENT PHYSIQUE
Roland Paskoff
Un des objectifs majeurs du programme de milieux côtiers en général. Dans un deuxième temps,
prospection poursuivi depuis 1987 le long des côtes de la est analysée la notion de marqueur archéologique,
Tunisie était de tenter de définir et d'analyser - à la essentielle dans notre enquête pour la mise en
fois chacune pour elle-même et conjointement dans évidence de ces variations. Dans le bilan final des
leurs relations entre elles - les diverses modifications transformations de l'environnement côtier, ces
de l'environnement littoral intervenues dans la durée marqueurs ont été présentés, cas par cas, sous l'angle
correspondant aux temps historiques, depuis les des informations qu'on pouvait en attendre, en
époques punique et romaine jusqu'à l'époque fonction des situations particulières correspondant aux
actuelle. divers types de paysages littoraux évoqués, au début
La particularité principale de la présente étude est du présent ouvrage, dans la présentation régionale
qu'elle utilisait comme indices ou marqueurs de cette des côtes de la Tunisie.
évolution de l'environnement côtier, les données
topographiques et chronologiques que l'enquête
archéologique avait permis, de son côté, de collecter 1 - PRINCIPES GENERAUX
sur les 210 sites examinés tout au long du domaine
littoral tunisien, depuis la frontière libyenne jusqu'à la A — La position du trait de côte
frontière algérienne. Trois faits dominants survenus
dans ce laps de temps nous ont paru devoir être La position du trait de côte constitue un élément
soulignés les variations du niveau de la mer, les essentiel de la géographie physique puisqu'il s'agit de
:
déplacements de la ligne de rivage et la mise en la frontière entre les deux constituants fondamentaux
évidence d'une crise érosive à la fin de l'antiquité. A de notre planète, la terre et la mer. De tout temps une
la lumière des cas les plus représentatifs pris dans le telle situation d'interface a attiré les établissements
catalogue ci-dessus, nous avons tenté d'illustrer tour à humains. En effet, malgré des risques de destruction
tour, dans un bilan des observations inhérents à des phénomènes naturels, en particulier
géoarchéologiques, ces divers changements survenus dans les tempêtes et les tsunamis - trop souvent encore
l'environnement côtier de la Tunisie depuis l'antiquité. improprement appelés raz-de-marée - elle offre des
Mais en préalable à la présentation de ces ressources potentielles d'un grand intérêt qui, pour se
résultats, il importait de faire état de la méthode suivie limiter à la période antique, étaient à l'origine
pour y parvenir. Dans un exposé liminaire, il nous a d'activités de pêche, de transformation des produits de
paru nécessaire de rappeler quelques vues théoriques cette pêche et de commerce. D'où les ruines de
sur l'évolution des côtes, afin que soit présente à nombreuses agglomérations de toutes tailles,
l'esprit du lecteur la complexité des facteurs dont les d'époques phénicienne et romaine, qui jalonnent le
actions et interactions ou rétroactions se manifestent littoral de l'actuelle Tunisie et qui ont fait l'objet des
dans la position du trait de côte et l'évolution des recherches rapportées dans la présente publication.
du trait de côte. Non seulement les caractéristiques façade septentrionale de la Tunisie, par les vents
des vagues (hauteur, longueur d'onde, période) qui lorsqu'ils soufflent de la terre transportant avec eux
conditionnent l'énergie libérée au moment du des sables dont ils se délestent en abordant la mer,
déferlement, mais aussi l'exposition du rivage à la houle ainsi que cela arrive sur les bords du golfe de Gabès.
doivent être prises en compte. Ainsi, le rivage Enfin, les vagues peuvent remonter à partir des petits
septentrional de la Tunisie se situe en mode battu par fonds des matériaux coquilliers dont l'abondance plus
rapport aux fortes houles hivernales qui arrivent du ou moins grande tient au degré de développement de
nord-ouest, alors que le rivage oriental occupe une la faune benthique. Il arrive aussi que des sédiments
position abritée par rapport à elles. Dans le golfe de soient perdus pour le domaine littoral. Des courants
Gabès, l'action des houles du secteur est est atténuée de retour dirigés vers le large en emportent vers des
à la fois par le relèvement lent des fonds marins et profondeurs suffisamment importantes pour que les
l'ampleur du marnage qui fait que les vagues peuvent vagues ne soient plus capables de les remettre en
déferler à différentes hauteurs sur un vaste estran au mouvement. En certains endroits, comme sur la côte
lieu de concentrer sur un seul niveau l'énergie nord de la Tunisie, les vents de mer ont l'aptitude de
qu'elles libèrent. transférer en arrière du rivage de gros volumes de
Des changements dans les caractéristiques des sable qui forment des champs de dunes étendus.
éléments du climat peuvent être à l'origine de Ainsi, sur une côte, les sédiments vont et viennent.
modifications dans la position du trait de côte. Un régime de Dans cette dynamique, la dérive littorale, courant
précipitations plus abondantes et plus concentrées, parallèle au trait de côte et le longeant, né de
donc plus torrentielles, renforce les phénomènes l'obliquité avec laquelle les houles arrivent généralement
d'érosion sur les versants. Il s'ensuit une sur un rivage, joue un rôle essentiel en déplaçant
augmentation de la charge solide véhiculée par les oueds et sables et galets, en les déposant lorsque leur volume
livrée par eux à la mer. Le stock sédimentaire excède sa capacité de transport, en les mettant en
disponible dans les eaux littorales est accru et des atterris- mouvement quand elle est sous-saturée en charge
sements sont susceptibles de déplacer le rivage au solide, compte tenu de sa vitesse.
profit de la terre. C'est ce qui s'est produit en plusieurs Des activités humaines peuvent avoir des
endroits des côtes de la Tunisie à la fin de l'antiquité, répercussions sur le comportement morpho-sédimentaire
époque caractérisée par une crise érosive généralisée, du trait de côte. Des défrichements étendus dans
très probablement liée à une péjoration du climat qui l'intérieur des terres expliquent, si les conditions
a favorisé une plus grande agressivité des pluies sur climatiques le permettent, des dégradations de sols
des sols fragiles et des roches érodables. Une qui, on l'a vu, modifient le rapport débit-charge des
accentuation de la force et de la fréquence des vents sur les cours d'eau. Il est logique de penser que la
aires de génération des houles accroît l'énergie que progradation marquée de la côte du golfe de Tunis dans
les vagues libèrent en arrivant sur un rivage, ce qui est l'antiquité tient à une augmentation du volume des
susceptible de déclencher ou d'exacerber son érosion. alluvions livrées à la mer par la Mejerda, elle-même
Le bilan sédimentaire sur un rivage donné due à des phénomènes érosifs dont l'agressivité avait
constitue une donnée essentielle pour comprendre le été renforcée par l'extension de l'agriculture dans son
comportement de ce rivage. Si la quantité de bassin-versant à l'époque carthaginoise d'abord,
matériaux qui y arrivent est supérieure à celle que les romaine ensuite. Dans le cas d'aménagements
vagues et les courants littoraux sont capables portuaires qui s'avancent en mer, les effets sur le
d'emporter, le budget sédimentaire est positif et le rivage sont directs. De longues jetées, telles celles
trait de côte prograde. Dans le cas contraire, le budget dont il reste des vestiges bien conservés à Rass Segala,
sédimentaire est négatif et le trait de côte rétrograde. dans la Mer de Bou Grara, ont perturbé l'écoulement
Quand le budget sédimentaire est équilibré, le trait de de la dérive littorale, induisant des atterrissements
côte est stable. On vient de voir que les cours d'eau d'un côté, des érosions de l'autre.
sont des pourvoyeurs de matériaux pour les côtes. La limite entre terre et mer est donc
Celles-ci peuvent aussi être alimentées en sédiments particulièrement instable. Elle est la résultante du jeu complexe
par le recul des falaises, comme c'est le cas sur la de multiples facteurs dont la fréquence et l'intensité se
■ÉROSION O DÉPÔT
rapide peut engendrer un recul sur un rivage climatique (à la fin de l'antiquité) ou anthropiques
caractérisé par une emersion et qu'une accumulation rapide résultant des défrichements dans l'antiquité ou à
peut être à l'origine d'une progradation même si une l'époque contemporaine, avaient pu se traduire
submersion se manifeste. localement par un alluvionnement important. Ces apports
A la lumière des différents modèles théoriques sont aujourd'hui en partie interceptés par les barrages
présentés ci-dessus, on peut à présent examiner les et autres retenues systématisés sur les principaux
situations réalisées effectivement le long du littoral de cours d'eau du pays.
la Tunisie. On constate que certaines de celles-ci
constituent de bonnes illustrations des cas de figure
envisagés, mais avec des fréquences très inégales b —Les sections de côtes en situation de
selon les diverses configurations a priori possibles. stabilité
Cette inégalité est en elle-même révélatrice des
tendances profondes déjà constatées lors du colloque Elles arrivent en deuxième position dans le
d'Aix-en-Provence (Oueslati et al. 1987) dans linéaire littoral tunisien où elles représentent moins
l'évolution générale des côtes méditerranéennes depuis d'un quart environ du total. L'exemple le mieux
l'antiquité. marqué est celui du golfe d'Hammamet où la côte est
constituée, depuis le nord d'Hergla jusqu'à la façade
orientale du Cap Bon, par une série de lagunes
a —Les côtes en cours de régression séparées de la mer par un cordon littoral continu. Un autre
exemple, plus ponctuel mais connu précisément
Elles sont en effet le cas de loin le plus répandu grâce à des fouilles récentes, est celui présenté par le
sur le littoral de la Tunisie où elles représentent entre site de Nabeul. L'usine de salaison romaine s'était
la moitié et les trois-quarts du linéaire total, aussi bien installée à l'emplacement d'un établissement punique
sur la côte nord que dans le golfe de Gabès. Plusieurs antérieur, au bord d'une plage qui existe encore
facteurs y concourent de façon inégale selon les aujourd'hui, ce qui confirme le statu quo du trait de
sections de côte. Le facteur le plus général est le côte depuis l'antiquité. Cette situation de stabilité
relèvement du niveau marin d'ordre eustatique, à quoi s'explique par un apport alluvial des oueds locaux
s'ajoutent dans la partie nord du golfe de Gabès les bien alimentés en sables par des grès tendres qui
effets d'un mouvement régional de subsidence ainsi affleurent largement dans leur bassin versant, donc
que l'action de l'érosion marine dans des matériaux le suffisant pour compenser les effets du relèvement du
plus souvent meubles. Mais la présence de hauts- niveau de la mer depuis l'antiquité. On est ici dans la
fonds a pour effet d'amortir l'énergie de la houle. Au situation définie par le n° 2-6 dans la figure 155 et par
contraire, sur la côte nord, c'est la force de la houle la ligne OZ' dans la figure 156.
du nord-ouest qui explique pour une large part la
vigueur de l'érosion marine dans un matériel rocheux
pourtant plus résistant que sur la façade orientale. Un c —Les côtes en cours de progradation
autre facteur important qui explique, lui-aussi, la
tendance générale au retrait des côtes est le déficit Elles sont, en revanche, le cas le moins répandu.
relatif du budget sédimentaire (fig. 156 : B). A celui-ci Elles ne totalisent qu'une fraction infime du linéaire
concourent deux processus de nature et d'échelle côtier (moins de 5 %) et, à l'exception notable du
temporelle différente, selon qu'on se place côté terre littoral deltaïque de l'ancienne baie d'Utique qui est
ou côté mer. Côté mer, le stock sédimentaire venu de liée - nous l'avons vu - à Palluvionnement d'âge
la plate-forme continentale et encore disponible à la historique de la Mejerda, les autres cas n'offrent qu'un
fin de la transgression postglaciaire s'est caractère local. Ils résultent le plus souvent de
progressivement épuisé, ce qui s'est traduit, vers le début de l'ère configurations particulières de la côte, où une situation
chrétienne semble-t-il, par un renversement de la d'abri est créée par rapport à la houle du grand large
dynamique littorale en faveur d'une tendance à par des promontoires ou des îles, comme c'est le cas
l'érosion. Côté terre, les crises érosives d'origine localement dans le fond du golfe de Gabès ou dans la
Mer de Bou Grara, ou bien plus ponctuellement par tage reste ici le relèvement d'origine eustatique du
des aménagements portuaires, comme on peut le voir niveau marin.
à Rass Botria (fig. 157). Un autre exemple est celui
d'un fort alluvionnement sur des oueds non pourvus
de barrages l'oued Chaffar, au Sud de Sfax, est B — Les marqueurs archéologiques
:
Fig. 157. Môle submergé et flèche littorale de Rass Botria (Tun. 1948-49 Chourbane-El Jem-Chebba LXXXVIII, site n°81).
Fig. 158. Alluvionnement au sud de la Mer de Bou Grara (Landsatt 4 TM4 190 37 1, 31/01/1983).
topographique actuelle et dans la mesure où il était confirmer sur l'ensemble des côtes de la Tunisie des
possible de les dater - grâce aux témoins de conclusions qui, en 1987, reposaient surtout sur des
céramique - avec une relative précision, ces vestiges observations collectées - à l'exception de Carthage -
devaient être de nature à nous renseigner sur sur sa façade orientale, notamment dans le golfe de
l'évolution du trait de côte depuis l'antiquité. Gabès où des phénomènes locaux de subsidence
Déjà, lors d'une première enquête dont les pouvaient fausser l'appréciation des raisons du retrait
résultats avaient été présentés à l'occasion du colloque général de la ligne de rivage. Mais même dans ce cas
réuni à Aix-en-Provence en septembre 1985 sur les particulier où au relèvement général de type eusta-
« déplacements des lignes de rivage en Méditerranée » tique du niveau marin s'ajoutent les effets de cette
(Oueslati et al. 1987), il était apparu clairement que le subsidence, on relevait néanmoins 4 sites pour
nombre de sites où le littoral, parfois précédé de lesquels on observait une tendance inverse, à la
structures submergées, faisait apparaître des vestiges progradation de la côte. C'est dire que selon les
archéologiques en cours d'érosion était beaucoup conditions particulières offertes par les différentes sections
plus élevé que celui, à vrai dire exceptionnel, où de côte, les facteurs de l'évolution du littoral ont pu
d'anciens sites côtiers se retrouvaient, par suite de s'exercer localement dans des sens opposés, mais le
Palluvionnement, à l'intérieur des terres. On pouvait plus souvent dans celui d'une récession du trait de
en conclure que la tendance à la récession du trait de côte. La mise en évidence, sur nombre de sites
côte, telle qu'elle était mise en évidence par les répartis sur l'ensemble des côtes tunisiennes, d'un
indices archéologiques, l'emportait largement sur relèvement du niveau marin par rapport à sa position
celle à la progradation, illustrée par le cas particulier, dans l'antiquité peut expliquer, pour une part, la
de grande ampleur, de l'ancienne baie d'Utique. prépondérance du recul. Mais elle ne l'explique pas
Ce premier examen ne portait que sur 58 sites toujours ni entièrement ; comme le montre la
répartis sur les côtes de la Tunisie. Depuis lors, la liste figure 155, le rapport de causalité n'est pas aussi
des sites reconnus, qui s'élèvent à 210, s'est direct qu'il semblerait à première vue entre les
considérablement enrichie et diversifiée permettant de variations du niveau de la mer dans le sens vertical et les
déplacements de la ligne de rivage dans le sens sous environ 0,80 m à marée haute de vives-eaux (site
n°
horizontal. C'est bien ce que montre l'exemple de Rass 94, fig. 37). Si l'on estime que ces murs submergés
Botria (fig. 157) : il y a bien constat d'un relèvement peuvent être mis en relation avec le rempart urbain
du niveau marin, puisque le môle visible sur la antique dans le prolongement duquel ils se situent, on
photographie aérienne est actuellement submergé sous pourrait en conclure que la montée des eaux -
environ 1 m d'eau. Mais ceci n'a pas empêché une impossible à évaluer s'agissant de fondations de murs
certaine progradation du rivage depuis l'antiquité par implantées à l'origine en terre ferme - s'accompagne
le développement d'une flèche qui a recouvert la ici d'une attaque vigoureuse de la côte par érosion, ce
racine du môle. Nous sommes ici dans le dernier cas que peut expliquer au demeurant une énergie des
de figure du croquis n° 155. vagues plus grande dans ce secteur où la limite des
Force est donc, avant d'entrer plus avant dans hauts-fonds (isobathe -10) se rapproche du littoral.
l'analyse de l'évolution du littoral, de tenter de L'accent sera mis alors sur le recul du trait de côte
dissocier, cas par cas, autant que faire se peut, les deux plutôt que sur l'élévation du niveau marin. Mais une
phénomènes expliquant la présence de ces vestiges autre interprétation paraît s'imposer ici, de manière
dans la position où ils se trouvent actuellement : évidente, dès lors qu'on compare ces vestiges avec les
d'une part, la montée relative du niveau de la mer par digues en blocage des viviers décrits sur la côte
rapport au continent ; d'autre part, le recul de la côte tyrrhénienne d'Italie par le Général Schmiedt (1981,
par érosion. C'est ici qu'intervient la nature même des p. 34-35) et plus récemment dans l'ouvrage que
vestiges en question, dont la signification en tant que L. Giacopini, B. Marchesini et L. Rustico ont consacré
marqueurs archéologiques sera d'emblée très à la pisciculture (1994, p. 100, fig. 48). L'ensemble
différente selon qu'il s'agit de constructions originellement formé par ces murs parallèles en équerre dont l'un,
en avant de la ligne de rivage (installations portuaires, plus élevé, faisait office de digue de protection et
viviers...) ou de constructions réalisées en terre ferme l'autre, plus bas, était une division intérieure de
(remparts, installations urbaines ou rurales, l'installation, rappelle tout à fait le dispositif qui
nécropoles) ou encore de structures en relation possible caractérise les deux viviers construits respectivement à la
avec la mer par le type d'activité qui s'y pratiquait pointe des promontoires de la Punta Astura et de la
(entrepôts, usines de traitement des produits de la Punta délia Saracca. Une telle identification est
pêche) et installées délibérément en bordure ou peu d'autant plus tentante que des vestiges d'une usine de
en retrait de la ligne de côte. salaison sont bien connus à Sullecthum, de l'autre
côté de la route non loin de ces murs immergés, ce
Quelques exemples suffiront à montrer combien qui rend des plus plausibles l'existence en ce lieu de
l'interprétation de vestiges, souvent difficiles à viviers. Or, ce type d'installation est considéré par les
identifier dans l'état de conservation où ils se présentent spécialistes (Pirazzoli 1979-80, p. 191-201) comme un
sous nos yeux, peut conduire à des appréciations fort marqueur idéal pour mesurer la montée des eaux
divergentes quant aux variations survenues dans la depuis l'antiquité en tenant compte de leur
:
configuration du littoral et aux facteurs qui permettent immersion minimale à 0,20 m et en supposant que les murs
d'expliquer cette évolution. émergeaient de 0,40 m, Schmiedt estimait à partir de
l'observation des viviers de la Mer Tyrrhénienne que
le niveau de la mer était inférieur dans l'antiquité de
a — Sullectbum 0,60 m à son niveau actuel.
observation rapide pourrait fallacieusement le ques par la nature de leur béton étanche, leurs
suggérer. D'une part, on voit sur l'estran sableux le angles arrondis et le dispositif de murs renforcés
fond bien conservé et partiellement inondé d'une dans lequel elles étaient enchâssées. De nombreux
citerne antique (fig. 159)- D'autre part, à quelques exemples comparables relevés par la présente
mètres de distance en arrière, on peut voir dans la enquête le long des côtes tunisiennes permettent
partie supérieure de la falaise dont la base est d'identifier ces installations comme des usines de
constituée par des sables limoneux colluviaux, une couche salaison ou autres salsamenta. Non seulement il n'y
archéologique où se remarquent des blocs taillés a pas eu comblement d'un port : les fonds n'étaient
(fig. l60). En fait, les vestiges de la citerne ne sont pas suffisants dans l'antiquité déjà pour l'accostage
plus dans leur position originelle, mais ont été des navires, mais on peut remarquer un recul du
abaissés sur place d'environ 1,50 m par rapport au rivage, puisqu'une falaise archéologique fait
niveau archéologique de la falaise avec lequel ils apparaître en coupe les structures de l'établissement
formaient le même ensemble construit auquel il faut industriel. A la différence du cas précédent, ce recul,
donc les raccorder. Les vestiges de la citerne de dans un contexte de site abrité où le fetch des vagues
Mnaka montrent que lorsqu'une côte se replie sous est court, est imputable pour l'essentiel au
l'action de l'érosion marine, les vagues sont capables relèvement du niveau de la mer.
d'affouiller les terrains qui supportent les ruines de
constructions. Celles-ci s'affaissent sur place, sans
nécessairement se disjoindre, tandis qu'elles sont peu d - Borj el H'sar
à peu submergées au fur et à mesure que les
profondeurs littorales s'accroissent en concommitance avec Sur la côte ouest de l'île principale des Kerkennah,
le retrait du rivage. le site de Borj el H'sar (n° 6l, fig. 11, 15) est vivement
Cette situation observée à Mnaka n'est pas sans attaqué par les vagues de tempête qui ont fait
rappeler celle des vestiges romains immergés à Fos où apparaître dans la falaise les cuves et les citernes d'un
elle confirme une explication alternative à celle qui quartier industriel établi, sans doute à l'époque romaine, en
avait été antérieurement avancée (Trousset (éd.), avant du rempart urbain préromain. Selon
Déplacements, 1987, p. 63-65). En invoquant un P. -F. Burollet qui les avait survolées en hélicoptère
affaissement sur place et une submersion, (1979, p. 309), les ruines submergées d'une partie de
phénomènes corrélatifs du recul de la côte à l'époque l'agglomération antique seraient décelables sous les
historique, on peut faire l'économie d'une explication par rides sableuses et les herbiers de l'avant-côte. A une
un effondrement tectonique qui se serait produit centaine de mètres en avant de la ligne de rivage
depuis l'antiquité et pour lequel, dans le cas de Fos, actuel, se remarque un massif en blocage que nous
aucun argument de terrain ou de source littéraire n'a avons interprété comme pouvant correspondre à un
été produit. monument funéraire que V. Guérin avait décrit en son
temps (1862) sur la terre ferme. Au contraire, F. Chelbi
qui a effectué récemment sur le site des recherches
c —Mdeina sous-marines (1995, p. 133) décrit des structures
submergées, en l'occurrence des alignements de blocs,
A Mdeina (site n° 1, fig. 10), à l'extrémité sud-est comme des installations portuaires, le massif en
de la Bahiret el Biban, de longs alignements de blocs question pouvant être le soubassement d'un phare. C'est un
ou de dalles, disposés parfois sur deux rangées et exemple où apparaît un problème d'interprétation des
qui se suivent sur plusieurs centaines de mètres à la vestiges archéologiques qui conduit à des divergences
limite de l'estran où ils sont à fleur d'eau, avaient été d'appréciation quant à l'importance de la variation du
interprétés dans les descriptions anciennes comme niveau marin et du déplacement de la ligne de rivage.
les quais d'un ancien port aujourd'hui ensablé. En En fait, celle-ci est confirmée par Chelbi lui-même qui
fait, ces alignements n'étaient que les substructions, signale aux Kerkennah la submersion totale de
mises au jour et arasées par la mer, d'un ensemble carrières littorales et de chaussées anciennes dans l'île
industriel doté de batteries de cuves très de Gremdi (site n° 63)-
V. . . .'
Fig. 159. Fonds de citernes antiques à Mnaka nord (site n°97).
A partir de ces exemples, on peut tenter de ces carrières littorales constituent des marqueurs
proposer une typologie des marqueurs archéologiques, sans doute moins précis que les
archéologiques classés sous l'angle des informations qu'ils viviers à poissons aménagés par les Romains, mais
fournissent pour restituer l'évolution du littoral depuis néanmoins utiles pour apprécier les variations de la
l'antiquité. ligne de rivage, à la fois dans le sens vertical mais
Une première catégorie de constructions est aussi dans le sens horizontal. D'une part, en effet, la
représentée par les installations tournées vers le large submersion des fonds de carrières est un fait
comme les viviers à poissons d'époque romaine et, à généralement constaté sur les deux rives de la Méditerranée
une plus grande échelle, les aménagements portuaires - en Provence comme en Tunisie - et témoigne bien
- du type quais, môles ou phares - dont au moins les d'un relèvement du niveau marin depuis l'antiquité,
fondations étaient, dès l'origine, établies en dessous dont l'origine doit être eustatique puisqu'il est
de la surface de l'eau et, qu'à ce titre, on ne doit pas général. Mais d'autre part, la digue de protection
s'étonner de retrouver aujourd'hui en partie ou caractéristique, ici comme ailleurs en Méditerranée,
entièrement submergées. A ces jetées pouvaient être de ces extractions antiques littorales, et qui marquait
associés des bassins repérables à Lamta, où ils sont avec précision leur limite du côté de la mer - et donc
submergés sous 50 à 80 cm d'eau, ainsi que des la position du trait de côte dans l'antiquité - a presque
phares, comme en témoignent les mosaïques de la partout été outrepassée par la transgression marine.
Place des Corporations d'Ostie pour Sullecthum Le cas le plus fréquent se manifeste suite à la
(fig. 31) ou bien la mémoire collective des pêcheurs submersion d'une partie de cette digue. Dans le cas
locaux dans le cas de Lamta (Oueslati et al. 1987, particulier des carrières de Mzaouak près d'El Alia (site n° 91,
p. 75). La submersion de ces structures, au fig. 27), l'entrée de l'eau de mer dans le fond de la
démembrement desquels la houle du large a plus ou moins carrière est consécutif à un développement
contribué, est imputable pour l'essentiel au exceptionnel de l'encoche basale dans la paroi externe.
relèvement du niveau marin depuis l'antiquité. En revanche, Dans tous les cas, une nouvelle falaise vive indique,
comme nous l'avions signalé déjà à propos de Rass plus en retrait, la ligne actuelle du rivage, parfois calée
Botria (n° 81, fig. 157) où s'est formée une flèche sur le front de taille de l'ancien chantier. Une
littorale et comme les jetées de Rass Segala et de Gigthis évolution plus complexe est parfois possible à restituer,
(n° 23 et 25, fig. 4 et 5) le montrent par ailleurs, il est comme le montre le site d'Henchir Chaabane au sud
possible que ces aménagements aient pu contribuer, de Zarzis (site n° 11, fig. 67) ; la mer est en train
en freinant la dérive littorale, à accuser une tendance d'exhumer, lors des tempêtes, l'ancien front de taille
locale à l'alluvionnement. Celle-ci est du reste facilitée lui-même, qui avait été fossilisé par un épandage
dans le cas précis de la Mer de Bou Grara par la colluvial contenant des fragments de poterie romaine.
configuration d'un littoral abrité de la houle (fig. 158). Cet exemple bien particulier est le témoignage d'une
Une deuxième catégorie de sites, de loin les plus phase de décapage des versants, donc de
nombreux, rassemble des installations ou des traces recrudescence de l'activité érosive, postérieure à l'antiquité.
d'activités en liaison avec les ressources du littoral, On entre ici dans le cadre plus large d'une
mais sises en terre ferme sur le bord du rivage ou à modification de l'environnement du milieu littoral sur laquelle
faible distance de celui-ci. Tel est d'abord le cas des nous aurons à revenir et dont l'origine semble être,
carrières littorales. On pourra, certes, être surpris de dans le contexte régional du site, plus
voir figurer parmi ces activités l'exploitation des vraisemblablement climatique qu'anthropique.
matériaux de construction car il s'agit d'une ressource qui Dans cette même catégorie de témoins
n'est pas liée par sa nature au milieu maritime. archéologiques d'une activité ancienne caractéristique du
Cependant, à la fois pour des raisons techniques générales littoral, il faut ranger ces innombrables réservoirs,
dans l'antiquité et pour des raisons lithologiques cuves ou bassins dont les vestiges, mis au jour par le
propres aux côtes africaines que nous verrons plus recul de la ligne de rivage, se retrouvent en maints
loin (cf. infra, B-a), il se trouve que l'extraction de endroits battus par les vagues dans la falaise actuelle
pierre se faisait très souvent en bordure de mer. ou même, sur l'estran, submergés à marée haute. Ils
Contentons-nous pour le moment de souligner que doivent à la consistance de leurs parois en mortier ou
béton étanche d'avoir mieux résisté que d'autres Un dernier cas reste à envisager : celui des
structures à la destruction par l'érosion marine. Dans structures rurales ou urbaines aujourd'hui submergées ou
la composition de ces revêtements, on remarque atteintes par l'érosion du rivage et dont on peut
l'utilisation presque systématique de matériaux prouver qu'elles étaient situées dans l'antiquité en
prélevés sur place et qui suffisent à dénoter une retrait de la ligne de côte actuelle. A cette catégorie
ambiance littorale : il s'agit de coquilles marines appartiennent les tombes ou les nécropoles qui
broyées ou bien de granules calcaires provenant de la entouraient les domaines ruraux ou les
désagrégation, sur l'estran, de la croûte villafran- agglomérations. Pour ce qui est des villes, outre l'exemple déjà
chienne qui affleure sur ces rivages. En fait, beaucoup évoqué de Cercina, des enquêtes particulières
de ces vestiges ne sont que des citernes et il n'est pas resteraient à faire pour préciser les données encore
toujours aisé de faire le partage entre celles qui sont incertaines ou inédites concernant par exemple Sullecthum
les témoins d'une occupation rurale de terre ferme et et Leptiminus. Parler de « villes englouties » serait,
celles, de même facture, qui pourraient suggérer la certes, très exagéré, mais certains indices donnent à
présence, ordinairement des plus fugaces, d'habitats penser que des édifices, voire des quartiers à
de pêcheurs, comme c'est le cas, pourtant des plus caractère urbain ont pu disparaître dans les eaux depuis
vraisemblables, sur les rives continentales et dans les l'antiquité. L'exemple le mieux connu à ce jour est
îles du banc des Kneiss. Il faudra tenir compte celui de Carthage et il n'a pas équivalent, nous le
également de la mise en évidence par l'érosion marine de verrons, pour illustrer comment les recherches
nombre d'installations thermales relativement bien archéologiques peuvent permettre, à partir de repères
conservées grâce à la résistance de leur structure en topographiques et chronologiques très précis, de
blocage, en opus signinum, opus figlinum et autres définir des déplacements complexes, en sens
bétons de tuileau. Il n'est pas rare d'y voir des opposés, de la ligne de rivage depuis l'antiquité
lambeaux de mosaïque. Ces témoins donnent à ftf/. 1985).
penser que de luxueuses vittae maritimae, semblables
à celles du littoral campanien, profitaient déjà de
l'agrément du séjour en front de mer, à quoi pouvait 2 - BILAN DES OBSERVATIONS
s'ajouter sur les côtes sahéliennes l'abondance des GÉOARCHÉOLOGIQUES
eaux douces piégées dans les grès dunaires anciens.
Cependant, parmi toutes ces constructions mises
au jour par l'érosion littorale et caractérisées par une A - Variations du niveau de la mer sur les
structure en béton à la fois résistant et étanche, il en côtes de la Tunisie depuis l'antiquité
est certaines qui devaient prendre dans notre étude
une place de choix, en raison même de leur II est maintenant clairement établi que le niveau
destination d'origine : il s'agissait des installations de de la mer sur les côtes de la Tunisie se situait dans
traitement des produits de la mer, usines de salaison ou de l'antiquité nettement au-dessous de son niveau actuel,
garum. Le groupement caractéristique, en batteries, comme le montre la submersion de sites
des cuves ou des bassins non voûtés mais associés à archéologiques de localisation et de nature variées (Paskoff et
des citernes de type classique pour la fourniture en Trousset 1988).
eau devait permettre à les caractériser dans les cas les
plus favorables. Leur implantation en bordure du
rivage les exposait en première ligne au déplacement a —La submersion de nécropoles et de
horizontal de celui-ci. En même temps, la difficulté à structures urbaines
concevoir qu'on ait pu établir leurs fondations en
dessous du niveau marin antique, donc dans la nappe A Mahdia (Gummi ?), à proximité de la pointe du
phréatique, autorise à leur attribuer également une Cap Afrique, de nombreuses tombes d'époque
valeur de marqueurs dans le sens vertical pour punique (Ben Younès 1981) ont été creusées dans un
apprécier son relèvement depuis l'antiquité. grès calcaire tendre du Pliocène supérieur (fig. l6l).
Certaines d'entre elles se situent dans l'espace supra-
littoral où leur aspect originel a été défiguré par des reliée à la mer par un petit canal a servi de toute
formes de corrosion, en particulier des mares dues à évidence de vivier à poissons, mais elle ne pourrait
l'eau projetée par des paquets de mer. Mais d'autres plus avoir cette fin aujourd'hui car son rebord est
se rencontrent dans l'étage intertidal, voire même constamment submergé sous au moins 20 cm d'eau
infralittoral. Les parois qui les séparent sont rongées (fig. 121).
par la mer et dans certains cas elles ont fini par être A Sidi Daoud, sur la côte nord-occidentale du Cap
détruites. Comme il est tout à fait exclu que des Bon, des cuves, cette fois-ci construites, profondes de
inhumations aient pu être pratiquées dans des sépultures 1 à 2 m, sont alignées sur une centaine de mètres
soumises, comme c'est le cas aujourd'hui, à une entre le rivage et une île rocheuse. Elles sont
submersion, même partielle, le site montre clairement constamment recouvertes par une tranche d'eau d'une
que le niveau de la mer s'est relevé d'au moins quarantaine de centimètres d'épaisseur. Selon R.A. Yorke qui
quelques dizaines de centimètres depuis l'époque en a fait un relevé (Ben Lazreg et Mattingly 1992,
punique. p. 172-173), elles auraient pu servir de viviers à
Dans l'archipel des Kerkennah, dans l'île Chergui, poissons. A proximité, un peu plus au sud, on trouve un
une partie des quartiers industriels ainsi que les vivier à poissons indiscutable, taillé dans le rocher,
installations portuaires de Cercina sont aujourd'hui sous la qui indique lui aussi un relèvement du niveau de la
mer. Bien que largement recouvertes par des rides mer d'une quarantaine de centimètres depuis son
sableuses et des herbiers à posidonies, les ruines sont aménagement (fig. 50, 130).
encore discernables à marée très basse sur des
photographies aériennes et elles ont été repérées par des
plongeurs. A une centaine de mètres du rivage, le c —La submersion d'aménagements
soubassement d'un ancien monument que nous portuaires
avons identifié comme un mausolée, émerge par
basse mer d'une quinzaine de centimètres alors que sa La Tunisie donne de nombreux exemples de
base se situe sous environ 1 m d'eau. Compte tenu du jetées antiques qui sont aujourd'hui submergées
marnage qui est ici par marée de vives-eaux de l'ordre (Yorke 1967 ; Dallas et Yorke 1968).
d'1 m, c'est un relèvement du niveau marin d'environ A Rass Botria (Acholla), au nord de Sfax, un
2 m qui s'est produit à Cercina depuis l'antiquité. ancien môle dont la racine est aujourd'hui cachée par
la plage actuelle et des rides vaso-sableuses
prélittorales devait avoir au moins 500 m de longueur (Picard
b —L'indication des viviers 1947). Seule sa partie distale, submergée sous environ
1 m d'eau, est aisément reconnaissable sur les
On a identifié des viviers à poissons antiques sur photographies aériennes (fig. 157 ; Paskoff et Oueslati 1982,
les côtes de Tunisie, soit construits comme à Salakta, p. 78-81) et elle a fait l'objet d'une reconnaissance
soit creusés sur des côtes basses rocheuses. Ces sous-marine. La construction est large d'une trentaine
viviers constituent d'excellents marqueurs du niveau de mètres et on peut la suivre sans discontinuité sur
de la mer car leur eau devait être naturellement 230 m. Elle se termine par une plate-forme
renouvelée sans que pour autant les poissons puissent rectangulaire de 100 m sur 70 m. La jetée est constituée par un
s'en échapper. Ainsi, à Monastir, près du marabout de blocage cimenté de moellons, limité des deux côtés
Sidi Mansour, sept cuves avaient été aménagées dans par un parement de blocs calcaires taillés de grand
un grès calcaire tendre du Pliocène (fig. 162). appareil.
Aujourd'hui, leur rebord est couvert par une trentaine A Salakta (Sullecthum), un môle du port antique,
de centimètres d'eau à marée haute, ce qui donne la fait de blocage cimenté, dont on voit encore le départ,
valeur minimale du relèvement du niveau de la mer large de 9 m, est attesté par des vestiges submergés
depuis l'époque romaine pendant laquelle ces viviers qui ont été repérés sur une longueur de 260 m sous la
ont très vraisemblablement été aménagés. mer.
A Maamoura, sur la côte orientale du Cap Bon, au A Rass Dimass (Thapsus), le môle romain émergé,
nord de Nabeul, une cuve taillée dans le rocher et qui était encore visible en 1979 sur une longueur de
130 m avant l'aménagement d'un port de pêche (site voie maritime lorsqu'elle était encore un port, s'est
n°
105, fig. 29), se prolonge sous la mer sur une approvisionnée en matériaux de construction. Dans le
distance de 850 m en dessinant un arc de cercle, avec cas de R'mel, où la pierre est un grès calcaire d'origine
une largeur qui peut atteindre 80 m. A 125 m de son éolienne du Quaternaire supérieur, la tranche d'eau qui
extrémité, de très gros blocs taillés jonchent le fond de inonde la carrière peut atteindre 0,40 m d'épaisseur par
la mer sur une superficie de 60 x 80 m. La surface du temps calme (fig. 163). La carrière est bordée du côté
môle englouti se situe à une profondeur qui varie de la mer par un rempart de roche en place qui, à
entre 4 et 6 m (Younes 1999, p. 190). dessein, n'avait pas fait là l'objet d'extractions afin
A Lamta (Leptiminus), au sud-est de Monastir, des d'assurer une protection du chantier contre l'eau
prospections sous-marines (Davidson in Ben Lazreg projetée par le déferlement des vagues. Mais des
et Mattingly 1992, p. 163-175) ont permis de faire le ouvertures y avaient été aménagées pour permettre le
lever topographique d'une jetée orientée vers l'est, transport des blocs vers les embarcations qui venaient en
longue de 600 m et large de 15 m. Elle est constituée prendre livraison. On remarque, au niveau de la mer, à
d'un remplissage de moellons cimentés, délimité sur la base du rempart du côté de la carrière, une encoche
chacun de ses côtés par un parement fait de blocs haute d'une cinquantaine de centimètres et profonde
taillés dont il peut subsister deux assises. A son de 0,80 m (Paskoff étal. 1981, p. 57-58). Cette encoche
extrémité, la jetée s'élargit pour former une plate-forme s'explique par la corrosion, processus qui implique à la
ronde en blocage qui portait peut-être un phare. Des fois une dissolution du calcaire par l'eau de mer, une
orifices dans lesquels s'encastraient probablement des désagrégation du grès par des alternances
poteaux servant à l'amarrage des bateaux ont été d'humidification et de dessiccation, et une attaque de la roche par
repérés sous 0,50 m d'eau, ce qui donne une valeur des organismes lithophages. Compte tenu de ce que
minimale pour le relèvement du niveau de la mer en l'on sait de la vitesse de ces actions érosives - elle est
cet endroit depuis la fin de l'antiquité. de l'ordre du millimètre d'épaisseur de matériau par an
- une encoche aussi développée implique une
submersion du plancher de la carrière depuis au moins
d—La submersion des carrières antiques plusieurs siècles.
Sur les vingt-quatre carrières antiques connues sur Tout ce qui vient d'être dit montre bien que le
les côtes de la Tunisie depuis la frontière avec la Libye niveau de la mer était plus bas qu'il ne l'est
jusqu'à celle avec l'Algérie, dix-huit sont actuellement, aujourd'hui sur les côtes de la Tunisie aussi bien sur
à des degrés divers, occupées de façon permanente sa façade orientale que sur sa façade septentrionale
par la mer. Dans de telles conditions, il serait aux époques punique et romaine. Il est intéressant de
impossible aujourd'hui d'y extraire de la pierre comme on souligner que c'est le cas même dans les alentours de
l'a fait aux époques punique et romaine. On voit Monastir bien connus dans la littérature géologique
encore souvent sur le plancher inondé de ces pour leur tendance au soulèvement depuis le
carrières un réseau de traces en damier qui soulignent Pleistocene supérieur (Paskoff et Sanlaville 1983, p. 81-91).
les contours des blocs délogés à partir de saignées Depuis la fin de l'antiquité, le niveau de la mer s'est
creusées au pic. La tranche d'eau varie de quelques relevé de plusieurs dizaines de centimètres. La
centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. Une généralité de cette élévation fait qu'il est logique de lui
des causes de l'irrégularité de la submersion est le fait attribuer une origine eustatique, point de vue qui est
que l'altitude du plancher des carrières abandonnées aussi admis par de nombreux auteurs qui ont travaillé
est différente d'un endroit à un autre. ailleurs en Méditerranée (Flemming et Webb 1986 ;
Des exemples de carrières antiques inondées par la Pirazzoli 1987). Mais son ampleur inégale suivant les
mer, remarquables par leur extension, se trouvent à endroits indique que des mouvements tectoniques
Sidi Daoud, sur la côte nord-occidentale du Cap Bon locaux ont ajouté leurs effets. Ainsi, dans la partie
(fig. 46), d'où des blocs taillés sont partis vers Carthage, nord du golfe de Gabès, ce relèvement du niveau de
et à R'mel, immédiatement à l'est de Bizerte, où la ville la mer a été plus important parce que se sont ajoutés
d'Utique, distante d'une cinquantaine de kilomètres par ici les effets d'une subsidence régionale active, d'où
une hausse supérieure, de l'ordre de 2 m, sur le d'érosion, c'est-à-dire des paramètres liés
littoral des îles Kerkennah depuis le début de l'ère spécifiquement à la dynamique littorale et étrangers parfois au
chrétienne (Paskoff et Oueslati 1991). Les relèvement du niveau de la mer (Paskoff 1985, p. 15-
enregistrements du marégraphe de Sfax indiquent d'ailleurs que 16).
cette hausse se poursuit à la vitesse très rapide de Depuis lors, des exemples nombreux de sites
5,7 mm par an (Pirazzoli 1986, p. 6). archéologiques littoraux (plus de 200 au total) sont
venus corroborer ou nuancer nos propositions de
l'époque, qui ne prenaient alors en considération que
B — Déplacements de la ligne de rivage 58 sites. Par exemple, sur 90 sites archéologiques
côtiers aujourd'hui identifiés sur le littoral du golfe de
En second lieu, il a pu être établi que la tendance Gabès, 45, c'est-à-dire la moitié, sont effectivement, à
dominante des côtes de la Tunisie est actuellement au des degrés divers, attaqués par l'érosion marine. Une
retrait. Sur ce point particulier du déplacement de la même situation concerne les trois-quarts des sites
ligne de rivage dans le sens horizontal, nous avions inventoriés sur les bords du golfe de Tunis et sur ceux
commencé à réfléchir à l'occasion du colloque de la façade septentrionale du pays.
international organisé à Aix-en-Provence (Oueslati et al. S'il en ressort que, d'une façon générale, les
1987, p. 67-85). Nous avions alors montré que de rivages marins de la Tunisie occupent une position en
pareilles modifications pouvaient être liées à des deçà de celle qui était la leur dans l'antiquité, il y a
variations du niveau de la mer - c'est-à-dire à des néanmoins des exceptions, parfois de première
déplacements dans le sens vertical du trait de côte - grandeur comme dans le cas particulier du port d'Utique
mais pas seulement ni nécessairement comme cela a aujourd'hui à une douzaine de kilomètres à l'intérieur
été rappelé plus haut (fig. 155), car dans la des terres (Chelbi étal. 1995, p. 7-51).
progradation ou la récession de ce trait de côte intervenaient Au demeurant, la tendance générale au retrait
aussi des phénomènes littoraux d'accumulation ou enregistrée sur les côtes de la Tunisie recouvre en
réalité des situations et des modalités fort diverses. A témoignent des fissures actives et des vestiges de
travers la diversité des cas recensés, où des murs visibles en coupe et parfois en surplomb dans sa
indicateurs archéologiques permettent de replacer les partie supérieure. On remarque aussi la présence
transformations de l'environnement littoral dans l'échelle d'une encoche plus ou moins bien développée à sa
des temps historiques, c'est la pluralité des facteurs - base et de grands pans d'argiles rouges effondrés à
morphologiques, climatiques ou anthropiques - qui son pied. Sur l'estran, gisent quelques blocs taillés de
entrent en jeu dans ce processus de retrait du littoral grand appareil, tombés des construction mises en
que nous voudrions mettre en évidence. porte-à-faux au sommet de la falaise. On peut voir
également un fond de cuve déchaussé par l'érosion
marine et descendu au pied de la falaise au cours d'un
a —Les côtes à falaises vives effondrement récent. Ce type d'installation est
semblable à ce qui peut se voir à Borj el H'sar et
Ces sections de côtes élevées constituent le cas le révèle l'existence en ce lieu, dans l'antiquité, d'une
plus simple où la configuration même du littoral activité de traitement des produits de la pêche
expose celui-ci à l'action des vagues, surtout lors des (Trousset 1990, p. 321-328 ; Paskoff et al. 1991,
tempêtes. Il en existe de nombreux exemples sur la p. 544).
côte nord de la Tunisie qui offre une succession de L'érosion de la falaise est due à la fois à des actions
promontoires, depuis le Cap Bon jusqu'à la frontière mécaniques d'attaque par les vagues de tempêtes qui
algérienne, lesquels sont affectés de plein fouet par peuvent atteindre 3,50 m de hauteur dans le golfe de
les vents forts et les houles dominantes du Nord- Gabès et à des actions chimiques de dissolution de la
Ouest. L'aspect le plus fréquent que prennent ici les roche gypseuse par l'eau de mer. Pour spectaculaires
rivages, surtout à l'ouest du Cap Blanc, est la falaise que puissent être les effets de l'érosion marine, ils
qui, par définition, constitue une forme marine restent limités dans l'espace à une étroite frange
d'érosion. Le sort normal d'une falaise vive, c'est-à- côtière dont le recul paraît modéré à l'échelle des
dire battue par les vagues, est de reculer, donc de temps historiques : le site n'a pas été encore très
menacer à terme les établissements situés en arrière. entamé. Quant au nadour lui-même, sorte de tour
On voit ainsi, à proximité du Rass Enghela et autour octogonale conservée sur une hauteur de 8 m, il se
du Rass el Koran, des ruines d'époque romaine - sans trouve actuellement à moins de 15 m du bord de la
doute des agglomérations occupées par des pêcheurs falaise. Mais cette construction d'époque aghlabide
- atteintes par le recul historique de la falaise dont (ixe s. ap. J.-C), appartenait à une série de tours
elles occupaient le sommet. Des vestiges gisent à d'observation analogues (manar ou nadour)
présent sur l'estran. échelonnées le long du littoral de l'Ifriqiya (Djelloul 1988,
Dans le golfe de Gabès, on trouve également, bien p. 186 ; Trousset 1991, p. 348). Ceci implique, pour
qu'il s'agisse d'un milieu littoral où des hauts-fonds que cette défense - elle-même réalisée avec des
freinent l'énergie de la houle, d'importantes sections remplois byzantins - ait pu remplir efficacement son
de côtes à falaises vives. En plusieurs points de la rôle de surveillance à l'entrée de la baie de Surkenis,
côte : au nord de la presqu'île de Jorf (site d'Henchir une position d'origine assez proche déjà de la ligne de
el Festaqia), au nord et au sud du site de Borj el H'sar côte.
(l'antique Cercina) sur la rive occidentale de
Kerkennah, et près du nadour à l'entrée de la baie des
Surkenis (au sud de la Skhirra), ces falaises sont b —Les vasières et marais maritimes
particulièrement bien développées dans des formations
épaisses d'argiles rouges mio-pliocènes. A l'opposé du cas précédent où le recul de la côte
Près du nadour (ancienne ferme Roderie), les obéit dans sa simplicité d'attaque frontale à des
témoins archéologiques se suivent vers le sud sur une conditions reproductibles sur d'autres littoraux, le cas des
distance d'environ 200 m en bordure d'une falaise côtes basses, largement développées le long du golfe
dont la hauteur peut atteindre une dizaine de mètres de Gabès, présente un des exemples rares de marais
(fig. 164). La falaise est en cours de recul comme en maritimes en milieu méditerranéen à climat semi
au sud du golfe de Gabès et entre la péninsule du Cap A Sidi Abdallah el Merakchi, la vigueur de
Bon et l'inflexion du Rass Kaboudia au-delà de l'érosion est mise en évidence par la ruine déchaussée
laquelle commence la zone des hauts-fonds évoquée de thermes, perchés sur une butte témoin découpée
précédemment. On trouve également des plages et dans les limons rouges wiirmiens (site n° 88, fig. 99
des dunes sous l'emprise, ici, des vents dominants du et 100). Ceux-ci recouvrent eux-mêmes un
Nord-Ouest, dans l'intervalle des promontoires affleurement de grès dunaire de la formation Rejiche (Eutyr-
escarpés de la façade septentrionale du pays. rhénien) mis au jour sur l'estran. Il s'agit donc d'une
Sur ce type de côte, est réalisé un équilibre des plus variante de côte rocheuse à falaise, mais à environ
mobiles entre l'accumulation et l'érosion des sédiments 2,5 km plus au nord, à Maqluba (site n° 89, fig- 23),
(sables ou galets) par les vagues et des courants. Les tout un groupe de cuves romaines démantelées par
facteurs qui régissent cette dynamique littorale mettent les vagues repose sur l'estran sableux tandis que la
en jeu des variables multiples, les unes purement dune bordière correspondante s'est installée à une
locales comme la configuration de détail du littoral - dizaine de mètres en arrière, recouvrant un groupe de
parfois modifiée par l'intervention humaine -, les autres citernes que la mer est en train d'exhumer et d'éven-
analysables à la lumière de phénomènes de grande trer au moment des tempêtes. Ces citernes avaient été
envergure dans l'espace et dans le temps. C'est le cas creusées dans les limons du Wùrm et fondées sur le
en particulier des variations du niveau marin : en vertu grès marin de la formation Rejiche. Sur ce site sont
du principe de Bruun, un relèvement de ce niveau peut attestés à la fois le recul par érosion de la côte et le
provoquer un recul et un démaigrissement de la plage relèvement du niveau de la mer. On est en présence
(Paskoff 1985, p. 40). L'alimentation en sédiments est d'un cas limite où l'abaissement du profil de la plage
aussi une variable importante ; elle résulte à la fois de et son démaigrissement se traduisent par l'existence
l'érosion des falaises, des réserves accumulées sur la d'une falaise vive dans les formations du substratum
plate-forme continentale avant la transgression et dans la dune bordière.
postglaciaire, enfin de l'activité érosive sur le continent, c'est- Un autre exemple, signalé par M. Bourgou près de
à-dire, essentiellement, des apports des cours d'eau de Korba, montre du matériel argilo-limoneux à tessons
l'arrière-pays. de poterie romaine qui apparaît sur l'estran ; il est
La tendance au démaigrissement et au recul des même attaqué en falaise et, en avant, on remarque des
plages peut être constatée sur d'importantes sections traces de foyers anciens que l'érosion des vagues n'a
du littoral de la Tunisie, mais il y a aussi des sections pas fait entièrement disparaître (Bourgou 1991,
de côtes stables et même, localement, des exemples p. 135).
de progradation du littoral depuis l'antiquité, hormis
le cas exceptionnel et bien connu d'Utique dans la Un second type correspond aux plages en
plaine deltaïque de la Mejerda, principale artère situation de recul modéré ou de stabilité depuis l'antiquité.
fluviale du pays. Là encore, des vestiges de On peut donner comme exemple la côte orientale de
constructions antiques, nombreuses le long des plages la péninsule du Cap Bon, bien décrite par M. Bourgou
tunisiennes, apportent de précieux témoignages. Elles (1991, p. 18-19). Entre Kelibia et Tazerka, sur une
fourniraient d'inestimables jalons si leur position cinquantaine de kilomètres environ, la côte est basse
primitive par rapport au trait de côte pouvait être et régularisée (fig. 123-124) ; l'alimentation sableuse y
précisée. Néanmoins, on peut tenter de définir grâce est moins frappée de pénurie qu'ailleurs grâce aux
à ces repères archéologiques plusieurs modèles ou formations gréseuses de l'intérieur qui constituent un
situations-types dans l'évolution des plages et de leurs stock de sédiments tendres que l'érosion des eaux
dunes bordières depuis l'antiquité. continentales et marines peut mettre à la disposition
du vent et des courants littoraux. Un cordon littoral
Un premier type rassemble les plages soumises à sableux, large de 30 à 40 m, localement dunifié, isole
une forte érosion : un exemple fort spectaculaire en un chapelet de lagunes. De loin en loin, au nord de
est fourni par les sites qui se succèdent au nord de la cette section de côte, des témoins d'une dune
Chebba sur une section de côte exposée à la houle du bordière ancienne sont accrochés à des ruines
Nord-Est. romaines atteintes par la mer lors des tempêtes. Ils se
retrouvent en position de promontoires, tandis que beaucoup plus affirmée. Il s'agit des flèches littorales
dans l'intervalle le reste de la plage et sa dune liées aux courants de dérive. Celle, par exemple, de
bordière actuelle ont migré vers l'est sur des dépôts de Rass Botria (Acholla) qui recouvre la racine du môle
sebkha qui se sont formés en arrière du littoral lorsque ne saurait être que postérieure à l'antiquité (fig. 157).
celui-ci occupait une position plus avancée vers la Il s'agit également de certains sites côtiers abrités de
mer. la houle et où débouchent des oueds à l'occasion des
Plus au sud, de Dar el Kbira à Maamoura, le recul crues exceptionnelles au sud-est du port de Gigthis,
:
de la côte est pratiquement nul, car juste en avant de dans la Mer de Bou Grara, celles de l'oued Fja ont
la dune ancienne végétalisée dès l'antiquité, où construit un delta où les sables remaniés par le vent
s'étaient installés les sites, se trouve une dune vive forment un vaste champ de barkhanes. On a ici,
actuelle elle-même précédée d'une large plage. On comme le montrent les images de satellites (fig. 158),
remarque que des chaussées anciennes traversant les un exemple de progradation récente du littoral,
lagunes conduisaient à plusieurs de ces sites qui imputable aux crues de 1969 dans le Sud tunisien.
devaient être des établissements traitant les produits L'envasement du port de Gigthis, en revanche, n'a que peu
de la pêche et avaient donc lieu de s'implanter à progressé si l'on se réfère aux levés de Constans en
proximité immédiate du rivage. 1914 (Constans 1916, p. 70).
A ces exceptions ponctuelles et peu connues au
Un troisième type est constitué par la situation schéma général du retrait de la ligne de côte en
plus rare où les plages accusent une tendance même Tunisie depuis l'antiquité, on pourrait ajouter, bien
légère à la progradation. Il apparaît qu'un secteur sûr, l'exemple grandiose de la transformation de
assez long de côte échappe à la tendance inverse, au l'environnement d'Utique. Celle-ci qui était encore un
recul, qui caractérise l'ensemble du littoral de la port à l'époque romaine, se trouve aujourd'hui à vol
Tunisie orientale. Il se situe dans le fond du golfe d'oiseau à une douzaine de kilomètres de la côte.
d'Hammamet, entre Hergla et Hammamet, où l'étude Cette avancée de grande ampleur du rivage depuis
du terrain suggère à tout le moins une stabilité du l'antiquité s'explique parce que l'on se trouve ici à
rivage, voire peut-être une avancée depuis l'antiquité l'embouchure d'un grand fleuve, la Mejerda, qui a
(fig. 115). En allant de la mer vers la terre, on construit une plaine deltaïque grâce à son débit solide
rencontre successivement : une plage de sable important. Les gains de terrain sur la mer ont dû être
actuelle qui ne montre pas de signe d'érosion ; la favorisés à l'époque antique par une érosion des sols
dune bordière vive, continue, bien alimentée en due aux deforestations et aux défrichements
sable, partiellement végétalisée ; enfin, une dune inaugurés à la période punique et étendus à l'époque
bordière ancienne qui matérialise une position de la romaine. Une enquête récente s'est donnée pour
ligne de rivage en deçà de celle qui est la sienne objectif de proposer une restitution nouvelle des
aujourd'hui et sur laquelle se trouvent des vestiges phases de ce comblement alluvial, à partir de témoins
d'établissements antiques étendus. En arrière archéologiques recueillis sur le terrain (Chelbi et al.
s'étendent des terrains argilo-sableux humides piquetés de 1995).
nebkhas, puis des sebkhas en eau une grande partie
de l'année (fig. 116).
Le milieu naturel est aujourd'hui des plus répulsifs, d—Le cas de Carthage : progradation des
entouré qu'il est de terres humides infestées de côtes sableuses dans l'antiquité
moustiques. Des changements sensibles ont probablement
affecté l'environnement depuis l'antiquité : avec une A Carthage, les travaux effectués il y a une dizaine
nappe phréatique plus basse, il était plus sec et moins d'années dans le cadre de la campagne d'étude et de
salé, donc plus favorable au développement mise en valeur du site, à la fois dans les ports et sur le
d'agglomérations dont l'importance a de quoi surprendre en front de mer, ont créé des conditions de recherche
un tel milieu. tout à fait privilégiées pour mesurer les
Enfin, il faut faire une place aux quelques cas, il transformations de l'environnement sur cette partie du littoral.
est vrai ponctuels, où la tendance à la progradation est Des témoins archéologiques nombreux et parfaite-
ment datés permettent de restituer ces modifications à charge par la dérive côtière, arrivent jusqu'ici. Une
travers des séquences bien calées dans l'échelle du hypothèse logique consiste à établir une liaison entre
temps. cet accroissement du transport solide fluvial et le
La position des remparts successifs qui ont développement dans l'antiquité, aux époques
protégé Carthage du côté de la mer fait clairement punique et romaine, de l'agriculture dans la Tunisie
apparaître une progradation de la côte sableuse tellienne. En effet, compte tenu des conditions
pendant la période punique (Paskoff étal. 1985, p. 74- topographiques et climatiques de la région, les
75, fig. 5). Une distance d'une quarantaine de mètres défrichements ont dû induire des phénomènes d'érosion aux
sépare le rempart daté du début du Ve s. av. J.-C, qui dépens des sols et même des roches sous-jacentes
montre à sa base, à 0,40 m au-dessous du niveau quand elles sont tendres. Une autre approche consiste
marin d'aujourd'hui, une belle encoche d'érosion à envisager les effets d'une oscillation climatique
marine, et celui édifié au début du IIe s. av. J.-C. à peu ayant favorisé une recrudescence des phénomènes
près à l'emplacement du trait de côte actuel. Cette érosifs dans le bassin-versant de la Mejerda. On verra
avancée de la terre aux dépens de la mer avait sans qu'au moins pour la fin de l'antiquité il existe des
doute commencé avant le Ve s. car aucun vestige de données de terrain qui apportent des arguments en
la période archaïque de la ville qui a commencé au faveur de cette façon de voir.
viiie s. n'a été trouvé à moins d'une centaine de mètres A une date inconnue se produisit un renversement
du trait de côte d'aujourd'hui. Carthage a ainsi de tendance dans l'évolution géomorphologique du
bénéficié pour son extension spatiale d'une sédimentation littoral des alentours de Carthage. La progradation
active sur cette partie du rivage du golfe de Tunis. s'est sans doute arrêtée pendant le Moyen Age, la
La progradation du trait de côte s'est poursuivie substitution d'une agriculture extensive à une mise en
pendant la période romaine, au moins jusqu'au IIe s. valeur intensive faisant décliner l'érosion des sols.
ap. J.-C. En effet, près de l'ancien palais beylical, un Quant au recul du rivage dont on ne peut fixer dans
nouveau bloc de maisons (insulà) a été construit, au le temps le commencement, il s'est beaucoup accéléré
milieu du IIe s., à l'est du Kardo XVIII, rue aménagée au cours de la seconde moitié de ce siècle depuis que
sur les vestiges du dernier rempart punique, celui du la Mejerda et plusieurs de ses affluents sont équipés
IIe s. av. J.-C. Cette nouvelle insula dont les ruines de barrages qui piègent les sédiments. Aujourd'hui, à
sont aujourd'hui sous l'eau était limitée du côté de la Carthage, le trait de côte occupe la position qui était
mer par une rue à colonnade, le Kardo XIX, située à la sienne au début du IIe s. av. J.-C.
50 m en avant de la ligne de rivage actuelle (Yorke et Toujours dans le golfe de Tunis, on constate une
Little 1975 ; Yorke 1976 ; Yorke et al. 1976 ; évolution semblable pour la plaine littorale qui
Kuzmanov 1976 ; Davidson et al. 1911 ; Gifford et al. s'étend au pied du massif du Bou Kornine (Paskoff et
1992). Cette extension de la ville implique une Sanlaville 1983, p. 47). Des coquilles marines
continuation de la sédimentation sableuse littorale au prélevées dans les dépôts de plage de cette plaine, à
début de l'ère chrétienne. proximité de la grande carrière de roche calcaire qui se
Cette progradation pourrait s'expliquer par une trouve à l'entrée d'Hammam Lif en venant de Tunis,
baisse du niveau de la mer pour laquelle on n'a pas ont été datées de 207585 ans BP par la méthode du
de preuves. On sait seulement que ce niveau, qui s'est C14. Le rivage actuel se trouve à une distance de
situé vers -0,40 m à l'époque punique, s'est maintenu l'ordre de 600 m du point de ramassage des
au-dessous du niveau actuel pendant la période échantillons de coquilles. Il y a donc eu ici une progradation
romaine sans que jamais la différence ne dépasse importante du trait de côte depuis l'antiquité grâce à
quelques dizaines de centimètres. Une autre des apports abondants de sédiments par une dérive
explication résiderait dans un affaiblissement des houles qui littorale principale qui vient de la presqu'île du Cap
affectent le golfe de Tunis. Mais le plus raisonnable Bon et par une dérive littorale secondaire qui véhicule
semble de mettre en relation la progradation de la des sables jetés à la mer par l'oued Miliane. Comme à
côte avec un renforcement du transfert sableux Carthage, on constate aujourd'hui une évolution
littoral, lui-même dû à une augmentation de la charge inverse. Le rivage recule sous l'effet d'une érosion
alluviale de la Mejerda dont les alluvions, prises en sévère qui menace de destruction les constructions en
bordure de plage à Hammam Lif. Les barrages édifiés un replat qui traduit l'existence de deux générations
sur l'oued Miliane expliquent au moins en partie cette de limons rouges. A la base, sur 0,30 m, affleurent des
situation. limons d'âge wùrmien, légèrement encroûtés dans
leur partie supérieure. Au-dessus, sur 0,70 m, on
distingue une autre génération de limons qui, eux, ne
C — L'occurrence d'une crise érosive sont pas encroûtés et qui sont d'âge historique
continentale à la fin de l'antiquité puisqu'ils contiennent des tessons de poterie romaine.
A environ 1 km à l'ouest du Cap Gammarth, près
Un peu partout sur les côtes de la Tunisie, du sud de Tunis, l'étude stratigraphique montre en bordure
au nord du pays, sont intervenus vers la fin de de mer des ruines de constructions romaines du IIe s.
l'antiquité des phénomènes actifs de colluvionnement et ap. J.-C. Elles sont enfouies sous des dépôts collu-
d'alluvionnement qui ne se sont plus reproduits viaux argilo-sableux, épais de quelque 0,70 m, qui
depuis avec la même intensité (Oueslati 1985 ; Oues- emballent de la céramique romaine tardive et qui sont
lati 1989, p. 364-365) et à propos desquels les recouverts par des dépôts éoliens actuels (site n° 171,
données de l'archéologie apportent des informations fig. 135).
utiles pour leur calage chronologique. Ils sont liés à Sur la rive méridionale du lac de Bizerte, à
une phase de décapage et d'érosion des sols sur les Gouraya, non loin de Menzel Bourguiba, une falaise
versants. en état de recul rapide montre sur une hauteur de 3 m
En Tunisie méridionale, la carrière abandonnée la stratigraphie suivante : à la base, sur 1 m
d'Henchir Chaabane, au sud de Zarzis, permet de d'épaisseur environ, affleurent des colluvions sablo-limo-
mettre en évidence cette phase de morphogenèse. En neuses, de couleur sombre, sans céramique. Elles ont
cet endroit qui se situe à proximité même du rivage, servi d'assise à un niveau d'occupation dont les
dans un affleurement de calcaire gréseux eutyrrhé- vestiges peuvent être datés du ier-ne s. ap. J.-C. Puis
nien (formation Rejiche), on a exploité la pierre à viennent des colluvions argileuses, d'1,50 m de
l'époque antique (fig. 67). L'ancien front de taille puissance, qui contiennent de rares tessons de poterie et
présente de nombreux redents caractéristiques d'une dans lesquelles des tombes antiques ont été creusées.
extraction de blocs et des traces de saignées sont Celles-ci sont recouvertes par 0,50 m de colluvions
encore visibles. La carrière a été ensuite ensevelie argileuses grisâtres au sein desquelles on remarque
sous un épandage de sables limoneux à Helix, d'abondants fragments de céramique romaine tardive.
d'environ 1 m d'épaisseur, qui contient des fragments Dans tous les sites que l'on vient de passer en
de poterie romaine commune. Il s'agit là d'un dépôt revue, les colluvions de surface qui ont été décrites
de type colluvial lié au ruissellement d'eau pluviale. Il contiennent de la céramique romaine de diverses
n'est pas actuel : une végétation steppique le couvre époques, pratiquement toujours avec des tessons de la
et les vagues l'érodent à l'occasion, remettant au jour période tardive, mais jamais mêlés à des fragments de
l'ancienne carrière qui était enterrée sous lui. poterie musulmane. On peut donc dire que ces
Toujours près de Zarzis, dans l'oued Ogla, près de colluvions se sont mises en place vers la fin de l'antiquité et,
son embouchure, il existe une terrasse alluviale, en tout état de cause, avant l'arrivée des Arabes.
épaisse d'au moins 4 m, qui contient elle aussi des Cette phase de morphogenèse n'a pas été limitée
tessons de poterie romaine commune (Paskoff et à la côte. On en retrouve des manifestations dans les
Sanlaville 1983, p. 144). Elle témoigne d'une phase vallées des oueds de l'intérieur de la Tunisie, aussi
d'accumulation récente, postérieure au début de l'ère bien septentrionale que méridionale, sous la forme
chrétienne, suivie d'une phase d'incision qui dure d'une nappe alluviale qui a été par la suite entaillée
encore aujourd'hui. en terrasse (Vita-Finzi 1969, p. 50-53 ; Hamza 1988,
A Ouled Mansour, au nord de Sfax, le rivage est passim ; Bourgou 1990, p. 302). J.-L. Ballais (199D qui
caractérisé par une petite falaise vive d'environ 1 m a montré le caractère général de cette accumulation
de hauteur. Elle est taillée dans des limons d'âge historique dans le pays pense que sa formation
continentaux de couleur rouge à la surface desquels existent a dû commencer au plus tôt au IIe ou IIIe s. ap. J.-C. et
de petites dunes du type nebkha. La falaise présente se terminer avant la fin de la période byzantine.
D'un point de vue sédimentologique, aussi bien de leur contraste saisonnier et de leur concentration
les colluvions qui recouvrent les vestiges dans le temps, d'où une torrentialité qui a renforcé le
archéologiques romains de la côte que les alluvions de même pouvoir décapant du ruissellement sur les sols des
âge qui constituent la basse terrasse des oueds de versants. Mais il n'est pas exclu que les effets érosifs
l'intérieur sont caractérisées par une texture fine. de ces conditions climatiques aient été exacerbés par
Limons et sables prédominent largement. Leur source les défrichements et les dégradations apportées à la
la plus probable est constituée par des sols qui ont été couverture végétale par les activités agro-pastorales
fortement érodés pendant un laps de temps bref, qui s'étaient étendues en Tunisie dans l'antiquité.
inauguré brutalement et resté sans lendemain. Ils On sait que par la suite le climat évolua vers moins
portent eux-mêmes des sols incipients ou sont de pluviosité (Rouvillois-Brigol 1985, p. 220 ; Brun
recouverts par des épandages de sables éoliens. Depuis lors 1992, p. 38). Des analyses polliniques de carottes
c'est une tendance inverse qui prévaut puisque ces marines prélevées dans le golfe de Gabès ont montré
dépôts hérités d'un épisode d'instabilité écologique que postérieurement à l'antiquité le genre Artemisia
de type rhexistasique sont aujourd'hui incisés par les gagna du terrain et que corrélativement Quercus à
cours d'eau, ravinés par le ruissellement, érodés par feuillage caduc régressa au profit de Quercus semper-
les vagues au bord de la mer. virent après la fin de l'antiquité. Ces données parlent
On doit évidemment s'interroger sur l'origine de en faveur d'une tendance à la steppisation qui a pu
cette phase morphogénique, soudaine et brève, qui mettre un terme aux phénomènes d'érosion de sols et
est donc caractérisée par des phénomènes d'érosion d'accumulation corrélative des produits de cette
de sols sur les versants et, corrélativement, ablation.
d'accumulation d'alluvions et de colluvions dans les vallées et On a relevé çà et là sur les côtes de la Tunisie du
les parties basses de la topographie. Parce que les nord des indices qui sembleraient indiquer qu'un ou
mêmes événements ont été constatés dans tous les plusieurs épisodes furtifs de colluvionnement
pays riverains de la Méditerranée, il s'agit là d'un antérieurs à celui, généralisé, qui vient d'être signalé ont
problème largement débattu (Neboit-Guilhot 1992, pu se produire au cours de l'antiquité, mais avant le
p. 197-202). Certains (Vita-Finzi 1969, p. 112-115) début de l'ère chrétienne. Ainsi, sur le site
pensent aux effets d'une fluctuation climatique tandis archéologique étudié à proximité du Cap Gammarth (site
n°
que d'autres (Briickner 1986 ; Briickner et Hoffmann 171), les vestiges du IIe s. ap. J.-C. ont des
1992) les interprètent comme les conséquences fondations qui reposent dans des colluvions qui
d'activités humaines de type agro-pastoral. Mais les contiennent des tessons de poterie du Ve s. av. J.-C. De telles
partisans de l'origine anthropique se divisent en deux colluvions pourraient être le résultat d'actions érosives
groupes : le groupe de ceux incriminant directement locales déclenchées par des défrichements.
les défrichements qui priveraient les sols
méditerranéens fragiles de la protection que leur offre la
couverture végétale naturelle et le groupe de ceux
insistant sur les effets favorables à l'érosion des sols
de l'abandon des terroirs et des aménagements Ainsi, l'environnement naturel littoral a connu des
agricoles en période de déprise rurale. modifications appréciables pendant et depuis
Parce que les phénomènes de colluvionnement l'antiquité. Pour retenir les faits essentiels, nous conclue-
qui se sont produits sur les côtes de la Tunisie vers la rons qu'à cette époque le niveau de la mer était plus
fin de l'antiquité se rencontrent aussi bien dans le bas qu'il ne l'est actuellement, au moins de l'ordre de
nord du pays où l'emprise humaine était relativement quelques dizaines de centimètres. Sauf sur la côte du
dense que dans le sud où elle était beaucoup plus delta de la Mejerda et dans le fond du golfe
lâche, on privilégie une explication climatique pour d'Hammamet, le rivage occupait en général une
leur déclenchement. On y voit une conséquence position plus avancée vers la mer que celle d'aujourd'hui.
d'une modification dans les caractères des Enfin, une recrudescence de l'action érosive des eaux
précipitations. Celles-ci ont sans doute augmenté en quantité, pluviales, qui n'a pas récidivé depuis, s'est manifestée
mais elles ont surtout dû connaître un accroissement vers la fin de l'antiquité.
Ces conclusions débouchent sur un paradoxe qui tries. Evidences from archeology, pedology and
explique et justifie, après coup, notre démarche geology, GEOOKOplus, 3, p. 97-110.
interdisciplinaire : la montée des eaux marines et le Brun (A.), 1992, Pollens dans les séries marines du
recul des lignes de rivage, tout en posant pour l'avenir golfe de Gabès et du plateau des Kerkennah
des problèmes d'un type inédit à la gestion des régions (Tunisie) signaux climatiques et anthropiques,
:
littorales, facilitent pour le moment la tâche des Quaternaire, 3, p. 31-39.
archéologues. En révélant, avant de les faire disparaître, Burollet (P. -F.), 1979, La Mer Pélagienne, Les apports
nombre de vestiges qui seraient restés inconnus en de l'archéologie, Géologie Méditerranéenne, 6,
l'absence de fouilles, ces phénomènes contribuent p. 309-313.
indirectement à l'enrichissement de la connaissance du Chelbi (F.), 1995, L'archéologie sous-marine, dans La
patrimoine archéologique de la Tunisie. En outre, la Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
nature spécifique de certains de ces vestiges permet d'archéologie, p. 128-133.
d'attirer l'attention sur des installations et des activités Chelbi (F.), Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, La
déjà connues sur d'autres côtes, mais peu étudiées en baie d'Utique et son évolution depuis l'antiquité :
tant que telles sur celles-ci. Avec la prise en compte de une réévaluation géoarchéologique, Ant. afr, 31,
données nouvelles inédites concernant la mise en p. 7-51.
valeur des ressources littorales de cette ancienne Constans (L.A.), 1916, Rapport sur une mission
province romaine, c'est tout un pan de l'économie de archéologique à Bou-Ghara (Gigthis) (1914 et
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ET HALIEUTIQUES
CapBlanc_184Rmel
204 -ui
158 El Haouaria
206
Utique • 155
17
Carthage^-# 171
100km J Lenne
Fig. 166. Carte des carrières littorales anciennes.
variations glacio-eustatiques du niveau de la mer quité pour la taille de blocs, correspond à un grès
depuis la dernière période interglaciaire. Les carrières calcaire bioclastique, de couleur claire, au grain fin et
littorales ouvertes par les Puniques et les Romains ont homo métrique, au litage discret, riche en oolithes et
exploité deux grands types de grès : ceux de la en pellets. Sa cimentation est dans l'ensemble
formation Rejiche d'âge tyrrhénien et ceux de la formation homogène (Mahmoudi 1988, p. 432-434). Il a fourni, et
Cap Blanc d'âge wiirmien. fournit encore aujourd'hui, un matériau très prisé
pour la construction. Aisée à extraire, la roche résiste
pourtant assez bien, grâce à la finesse de sa texture et
a -Les grès tyrrhéniens de la côte orientale à la nature de sa consolidation, aux agressions
de Tunisie chimiques et physiques des agents atmosphériques.
L'exploitation dans l'antiquité de cette formation
Les carrières antiques ont largement eu recours à la de grès dunaire tyrrhénien peut être illustrée par
pierre qu'offre un bourrelet gréseux dont la hauteur l'exemple d'un monument du Byzacium, célèbre
peut dépasser 20 m et qui se suit à peu de distance de entre tous, le grand amphithéâtre de Thysdrus. Les
la côte actuelle, sans présenter de grandes pierres de grand appareil qui constituent la parure
discontinuités, depuis la façade orientale de la péninsule du incomparable de ce monument ont été taillées,
Cap Bon jusqu'aux « slobs » de la Bahiret el Biban, près comme on le sait, dans les vastes carrières de Rejiche,
de la frontière avec la Libye. Ce bourrelet, bien à 35 km environ au nord-est d'El Jem, sur la route de
individualisé dans la topographie, correspond à un ancien Mahdia et à quelque distance (un kilomètre en
cordon littoral construit pendant le Tyrrhénien, ainsi moyenne) en arrière du littoral (Golvin 1988, p. 210).
que l'indique la présence en abondance de Strombus C'est le membre marin de la formation Rejiche qui a
bubonius, fossile caractéristique de la dernière période fourni la grande majorité des saxa quadrata utilisées
interglaciaire en Méditerranée. Une datation radio dans la construction de l'amphithéâtre. Les blocs sont
métrique par la méthode du thorium-uranium sur un faits d'un grès oolithique très coquillier dans lequel on
échantillon de corail {Cladocord) prélevé à Monastir a reconnaît ici et là des exemplaires de Strombus
donné un résultat de 126000 ± 7000 ans qui, corroboré bubonius. Ces carrières de Rejiche sont très largement
par des données sur la racémisation des acides aminés exploitées de nos jours encore, ce qui explique la
de mollusques (Glycymeris, Area), permet d'assigner difficulté d'y reconnaître les fronts de taille antiques,
avec plus de précision l'édification de l'ancien cordon lesquels ont été oblitérés, en règle générale, par
littoral à la transgression eutyrrhénienne, équivalente l'ouverture de chantiers plus récents. En revanche, on
du sous-stade 5e de la chronologie isotopique du peut reconnaître au voisinage du trait de côte lui-
Quaternaire (Miller et al. 1986, p. 206). Les dépôts de même, plusieurs carrières antiques, notamment celles
plage qui lui sont associés sont connus en Tunisie sous de Mzaouak aux environs d'El Alia (au Sud de
l'appellation de formation Rejiche (Paskoff et Sanla-
ville 1983, p. 153-157). A Chebba, au nord de Sfax, ils
recouvrent des vestiges de foyers, marqués par des
pierres noircies, qui attestent la présence de l'Homme
dans ces parages à cette époque. Ces traces
d'établissements humains mériteraient d'être étudiées par les
préhistoriens.
La formation Rejiche comprend généralement
deux membres (fig. 167). A la base de l'ancien cordon
côtier, le dépôt est marin : il contient une faune Fig. 167. Coupe théorique dans l'ancien cordon littoral de la
littorale parmi laquelle on trouve souvent Strombus et formation Rejiche (Eutyrrhénien), sur la côte orientale
Glycymeris. Vers le haut, il passe insensiblement à de la Tunisie.
une accumulation éolienne qui contient des Helix. 1. Membre inférieur marin : conglomérat de base et rares
Un faciès fréquent de la formation Rejiche, celui niveaux grossiers à galets dans un grès fin oolithique ;
qui a été plus particulièrement recherché dans 2. Membre éolien : grès fin oolithique sans coquilles marines.
Salakta). Plusieurs de ces sites côtiers sont, comme marins, la présence d'Hélix bien conservés et de rizo-
nous le verrons, partiellement submergés aujourd'hui lithes. Le grand développement des éolianites sur le
par la mer. Il est très plausible que les carrières de la littoral nord de la Tunisie s'explique par l'exposition
région d'El Alia aient pu fournir de la pierre à bâtir au directe du rivage aux vents dominants aussi bien en
municipe de Bararus (Rougga), auquel elles semblent direction qu'en force. Ces vents soufflaient alors,
avoir été reliées par des chemins charretiers tracés comme ils le font encore aujourd'hui, du nord-ouest
selon l'orientation des limites des centuries, dans le ainsi que le suggèrent les orientations, bien
réseau de la cadastration romaine (Trousset 1977, discernables sur les photographies aériennes, de ces dunes
p. 198). anciennes.
Le matériau extrait de tous ces sites jouit, de fait, Ces éolianites recouvrent des dépôts marins du
d'une excellente réputation à cause des qualités déjà dernier interglaciaire et sont donc d'âge wiirmien,
signalées de finesse de grain et d'immunisation voire holocène. On en connaît d'autres sur les rivages
relative aux agressions des agents atmosphériques. A ces de la Méditerranée et on pense généralement qu'elles
qualités intrinsèques il faudrait ajouter, dans l'effet se sont formées lors de la régression de la mer tyrrhé-
produit par le Colisée d'El Jem sur les voyageurs qui nienne, contemporaine de la dernière grande époque
le découvrent de loin dans la Basse-Steppe, la noble glaciaire. L'exondation d'une vaste portion de la
patine apposée par les siècles sur une pierre très plateforme continentale aurait livré à l'action des vents du
blanche à l'origine mais qui a pris, sous l'éclat du ciel, large des sédiments marins dont la fraction fine,
une coloration chaude dans les nuances d'ocre. En mobilisée par la déflation, aurait été transportée vers
revanche, on attribue à la faible résistance à l'intérieur des terres où elle se serait accumulée, puis
l'écrasement de ce grès calcaire oolithique friable et facile à ensuite lithifiée.
extraire et à travailler, la nécessité de donner un Des études récentes (Paskoff et al. 1983, p. 1264-
caractère particulièrement massif au monument : ce 1265) ont montré qu'il existe en réalité en Tunisie
caractère se traduit par l'épaisseur des piles de façade, la plusieurs générations d'éolianites post-tyrrhéniennes,
faible saillie des entablements et « d'une façon superposées et séparées entre elles par des dépôts
générale par la prédominance des pleins sur les vides » continentaux de couleur rouge et de faciès colluvial.
(Slim 1986, p. 453). Trois de ces couches à matrices sablo-limoneuses
rubéfiées constituent des repères stratigraphiques
importants car elles marquent des coupures dans la
b —Les grès wurmiens de la côte sédimentation éolienne. Elles représentent aussi des
septentrionale de Tunisie jalons chronologiques précieux car elles contiennent
de l'industrie lithique (Gragueb et Oueslati 1990,
C'est aussi une roche gréseuse, mais aux p. 291). En allant de la plus ancienne à la plus récente,
caractères un peu différents, que l'on a exploitée dans la la formation Ain Oktor qui recouvre directement les
plupart des carrières littorales antiques localisées sur dépôts marins tyrrhéniens recèle de l'Atérien
le littoral de la Tunisie septentrionale. En effet, de la archaïque, la formation Sidi Daoud, de l'Atérien
façade occidentale de la péninsule du Cap Bon à la évolué, la formation Dar Chichou, de l'outillage à
frontière avec l'Algérie, affleurent largement à lamelles attribuable à l'Ibéromaurusien, voire au
proximité de la côte des éolianites souvent épaisses Néolithique.
(Paskoff et Sanlaville 1983, p. 166-168 ; Oueslati 1994, Les deux éolianites qui sont séparées par la
p. 282-293). Il s'agit de grès à ciment calcaire, de grain formation Sidi Daoud sont donc bien d'âge wiirmien. Elles
moyen à grossier, à forte composante biodétritique appartiennent toutes les deux à la formation Cap
faite de débris d'organismes marins à peine émoussés. Blanc, la plus ancienne constituant son membre
La teinte dominante va de l'ocre au jaunâtre. Une inférieur, la plus récente son membre supérieur (fig. 168).
consolidation inégale explique une texture Ce sont elles que les carriers antiques ont recherchées
fréquemment vacuolaire. L'origine éolienne de la roche est parce qu'elles sont les plus épaisses et les mieux
indiquée par un litage incliné et souvent entrecroisé, consolidées. A Sidi Daoud (site n° 162), c'est l'éolia-
l'absence de grosses coquilles entières de mollusques nite inférieure qui a été exploitée. Quant aux grandes
latomies d'El Haouaria (site n° 158, fig. 45), décrites niveaux marins pendant le Wùrm, mais inférieurs au
par J. Rôder et par F. Rakob (Rakob 1984, p. 15-22), niveau actuel car les dépôts de plage correspondants
elles ont été ouvertes dans l'éolianite supérieure. se trouvent maintenant sous la mer. Ainsi, l'éolianite
Les couches qui témoignent donc de périodes de qui représente le membre inférieur de la formation
rémission dans l'activité dunaire pendant le Wùrm Cap Blanc peut être mise en relation avec le
correspondent à des époques d'abaissement du mouvement transgressif que des courbures proposées pour
niveau de la mer et d'éloignement de la ligne de les variations eustatiques du niveau de la mer pendant
rivage. Elles reflètent un milieu climatique caractérisé le Wùrm font apparaître vers 60000 BP. Quant à
par des précipitations abondantes, à l'origine d'un l'éolianite identifiée avec le membre supérieur de la
ruissellement érosif sur les sols des versants dont les formation Cap Blanc, elle correspond très
matériaux enlevés se retrouvent dans les parties probablement à l'élévation encore plus marquée du niveau de
basses de la topographie sous la forme la mer vers le milieu du Wùrm, aux alentours de
d'accumulations colluviales. 35000.
Au contraire, quand le niveau marin s'élevait et Dans l'ensemble, les grès wùrmiens constituent un
que le rivage se rapprochait de la position qu'il matériau de moins bonne tenue que celui fourni par
occupe aujourd'hui, le rôle du vent se manifestait par les grès tyrrhéniens parce qu'ils sont moins fins et
l'accumulation, en arrière des plages, de dunes qui moins compacts. Aussi, ont-ils moins bien résisté aux
ont été consolidées par la suite. Celles-ci contiennent phénomènes de météorisation en particulier à celui
en abondance du matériel coquillier grossier qui de l'haloclastie qui ronge la pierre par l'action
témoigne de la proximité du rivage. Elles doivent mécanique de la croissance des cristaux de sel, à partir de
donc être considérées comme l'expression de hauts solutions salines saturées. Ce processus est
particulièrement actif sur les littoraux battus par les vents et
aspergés par les embruns, comme c'est justement le
cas sur la côte nord de la Tunisie. Dans un tel milieu,
~10m les blocs extraits des éolianites wùrmiennes
apparaissent souvent défigurés par la désagrégation
granulaire.
Aussi ce matériau, de qualité somme toute très
médiocre, n'a-t-il dû son grand succès qu'à une
extraction et un acheminement aisés à partir des
carrières du littoral vers les lieux d'utilisation situés
eux-mêmes le long de la côte. Les bâtisseurs puniques
auraient eu recours aux grandes carrières de
l'extrémité du Cap Bon (El Haouaria), à une soixantaine de
kilomètres de leur cité, « dès le VIIe siècle au moins »,
comme le confirme Serge Lancel (1992, p. 336) ; la
même pierre se retrouve dans les murs de la Carthage
byzantine. La facilité de transport des blocs par voie
maritime « compensait leur relatif éloignement ». Il en
est de même pour les grandes carrières de R'mel qui
Fig. 168. Coupe dans les éolianites wiirmiennes, visible ont fourni l'essentiel de la pierre à bâtir à la cité
dans une falaise à 700 m au Sud du Rass Addar, dans la d'Utique éloignée d'elles par une distance
péninsule du Cap Bon. comparable.
0. Substratum de grès oligocène ; 1. Dépôt de plage
tyrrhénien ; 2. Couche continentale mince (cailloux et Il s'agit donc d'un matériau courant et rustique,
galets remaniés dans une matrice limoneuse rouge) ; facile à la taille au pic ou à la scie, mais sujet au déli-
3. Eolianite (membre inférieur de la formation Cap Blanc) ; tage si sa surface exposée n'était pas enduite. De là
4. Dépôt colluvial ; 5. Eolianite (membre sup. de la viendrait peut-être, comme le suggère S. Lancel, que
formation Cap Blanc) ; 6. Dépôt de pente. les Puniques aient été de « si habiles stucateurs ». De
fait, dans l'architecture publique et domestique de d'extraction, à l'air libre et plus extensives, coexistent
Carthage, un décor stuqué recouvre fréquemment le avec les carrières souterraines. Ce dernier type
cœur en grès d'El Haouaria des colonnes ou des d'exploitation intensive, en unités séparées et
chapiteaux on en trouve un exemple jusque sur un organisées respectivement autour d'un puits de lumière
:
pilastre remployé comme cippe funéraire dans le central, permettait d'obtenir, selon l'analyse de
tophet de Salammbô (Lézine I960, p. 79-84). F. Rakob (1984, p. 18), un rendement optimal du
chantier et un contrôle rigoureux de la main-d'œuvre
servile qui y était affectée. Il pourrait être mis en
B — Les techniques d'extraction rapport avec les phases les plus récentes de l'activité
édilitaire dans la métropole punique, marquée par la
a —L'extraction en carrières souterraines mise en oeuvre de grands chantiers de construction,
en particulier dans le secteur des ports.
Un premier type d'exploitation, à vrai dire Dans la phase ultime de l'exploitation de ces
exceptionnel, est représenté par les grandes latomies du carrières, les parois séparant ces salles souterraines
Cap Bon, désignées aujourd'hui localement sous le ont été elles-mêmes abattues par endroits, pour
nom de Rhar el Kebir (la grande caverne) (Harrazi extraire les matériaux récupérables. Le volume utile
1995, p. 19). Ces latomies sont mentionnées par dégagé dans chacun des puits a été évalué, par
Diodore de Sicile à propos du débarquement F. Rakob, à 25000 m3 et pour l'ensemble de la zone à
d'Agathocle qui eut lieu dans une anse voisine (XX, 6, 250000 m3.
3), à 500 m plus au nord-est, où se faisait sans doute Exceptionnelle par son ampleur, l'extraction de la
l'embarquement des blocs. Strabon précise leur pierre en galerie souterraine n'est pourtant pas une
position, dans le golfe de Carthage, après les Eaux spécialité exclusive d'El Haouaria car des restes
Chaudes (Korbous) et avant le promontoire d'Hermès d'excavations campaniformes de moindre importance
(XVII, 3, 16). Elles sont entaillées dans un bas plateau, ont été signalés près de la côte orientale du Cap Bon,
à environ deux kilomètres de la localité d'El Haouaria dans les environs de Menzel Temime où ils se
où elles avoisinent le littoral lui-même (fig. 43). A la trouvent associés à des caveaux funéraires puniques « de
surface du sol, elles se prolongent en direction de belle architecture » (Fantar 1984, p. 287).
l'ouest où elles sont partiellement submergées, mais la
partie la plus originale est constituée d'une série de
grandes salles souterraines de forme pyramidale b —Les carrières littorales à ciel ouvert
(profondeur : 25 à 27 m ; larg. à la base : 15 m
environ, c'est-à-dire autour de 30 coudées). Celles-ci Beaucoup plus répandue était l'extraction de la
s'ouvraient à la surface du plateau par des regards ou pierre en carrières ouvertes à l'air libre, à partir de la
puits de lumière de section quadrangulaire, espacés côte, là où l'affleurement en falaise basse des bancs de
les uns des autres de 22 à 26 m et alignés grès dunaire tyrrhénien ou d'éolianite wùrmienne
régulièrement, par où s'effectuait l'élévation des blocs à l'aide offrait des conditions favorables à l'embarquement
d'un treuil (Rakob 1984, pi. 14-16). V. Guérin qui en des blocs par mer.
a donné la première description et qui avait vu des Les exemples les plus spectaculaires de ce type de
excavations semblables en Palestine (1862, p. 226) carrières littorales se trouvent également sur la rive
suggérait avec raison que les carrières littorales d'El nord-ouest du Cap Bon, dans le prolongement
Haouaria avaient pu fonctionner dès l'époque occidental des grandes carrières souterraines d'El
punique, ce que corroborent les observations de Haouaria. Plus au sud, autour et à l'ouest de Sidi
M. Fantar à Kerkouane (1984, p. 286) et celles de Daoud (Missuà), où se trouvaient, dans l'antiquité
F. Rakob à Kelibia (1984, pi. 24, 2). A Carthage même, déjà, d'importantes pêcheries, des carrières
il est admis, nous l'avons vu, que les Carthaginois s'échelonnent en bordure de mer en un ensemble des plus
aient pu recourir au grès de ces falaises du Cap Bon grandioses (site n° 163, fig- 46). En arrière,
« dès le vif s. au moins ». Mais cette remarque pourrait s'étendaient « sur une quinzaine de kilomètres » des
s'appliquer à l'ensemble du secteur où d'autres formes nécropoles qui pourraient fournir, sur la date d'exploitation
des carrières voisines, des données tout à fait receva- d'exploitation, large ici d'une trentaine de mètres,
bles. Selon P. Gauckler (1900, p. CLIV-CLVII), qui d'une paroi de protection naturelle du côté de la mer,
avait signalé au début du siècle à la fois les carrières large de 3 à 10 m, haute de 2 m, percée d'ouvertures
et les nécropoles, ces dernières (une centaine de qui permettaient l'évacuation des blocs vers des
tombeaux fouillés, répartis en cinq nécropoles) barges amarrées à proximité (fig. 171). De la Bahiret
remonteraient, d'après le mobilier funéraire extrait des Biban à R'mel, en passant par les Kerkennah (site
n°
des tombeaux, aux deux premiers siècles de notre 63), le littoral sahélien (site de Mzaouak, n° 91) et
ère. Sur 63 lampes, presque toutes appartenaient à le Cap Bon, on retrouve des caractéristiques
cette époque ; une seule lampe, à l'époque analogues dans l'organisation de ces carrières côtières. Du
chrétienne. C'était, d'après P. Gauckler, « des cimetières côté mer, en direction du large, avait été réservée
de petites gens probablement d'ouvriers indigènes et dans le banc rocheux exploitable une sorte de digue
d'esclaves employés aux carrières ». ou de rempart destinée à protéger le chantier adjacent
Un autre exemple, de première grandeur, se des projections du déferlement des vagues. Le
trouve sur la côte nord. Immédiatement à l'est de plancher de la carrière, en partie submergé aujourd'hui, se
Bizerte, en allant de la plage de R'mel vers le Rass développait en retrait de cette digue - elle-même
Zebib, se suivent sur une longueur d'environ 3 km de souvent plus ou moins disloquée par l'érosion marine
très vastes carrières antiques (site n° 184). C'est en ce — sur une largeur variant entre quelques mètres et
lieu, comme l'ont prouvé nos investigations récentes plusieurs dizaines de mètres suivant l'importance des
(Paskoff et al. 1991, p. 531), que la ville d'Utique, exploitations. On y voit encore, lorsque les parties
distante alors d'une cinquantaine de kilomètres par émergées de ces fonds de carrières ne sont pas
voie maritime, s'approvisionnait en matériaux de recouvertes par des dépôts de tempête, un réseau de traces
construction. On peut reconnaître à sa texture, dans en damier, soulignant les contours des blocs délogés
les blocs d'appareil examinés sur le site d'Utique et à partir de saignées creusées au pic. Côté terre, le
jusque dans les parements de murs en opus reticu- front de taille principal se reconnaît à son
latum de bâtiments voisins de la maison dite du grand développement en sections rectilignes, accidentées de multiples
œcus, un type d'éolianite appartenant, de toute redents. Sur une élévation correspondant à une ou
évidence, à la variété extraite dans les carrières de plusieurs hauteurs de blocs selon la puissance du
R'mel. front de taille, on distingue encore parfois les marques
Les fronts d'extraction les mieux visibles dans ces laissées par les outils des carriers.
carrières sont dans le secteur qui a fait l'objet d'un Ces caractéristiques qu'on retrouverait ailleurs,
relevé topographique partiel (fig. 169). Us font dans maintes autres carrières littorales comme à
apparaître avec netteté la superposition de deux éolianites Tipasa ou au Cap Couronne à l'ouest de Marseille,
(fig. 170). L'éolianite supérieure, d'âge wûrmien montrent qu'une même technique, celle de la saignée,
(formation Cap Blanc), se prêtait mal à la taille de était pratiquée sur ces différents sites. Une telle
blocs à cause de sa consolidation médiocre et inégale, technique, réservée à l'extraction des matériaux tendres,
de son litage grossier et fortement incliné, de ses avait pour but de fournir essentiellement des blocs.
nombreuses cheminées de décarbonatation bourrées Ceux-ci étaient d'abord détourés sur les flancs
de sables limoneux rouges. C'est l'éolianite sous- accessibles à partir du front de taille par des saignées
jacente, correspondant à l'Eutyrrhénien qui a été creusées au pic ; puis ils étaient délogés par arrachement
exploitée, ainsi que son membre marin atteint, à la base, sans doute à l'aide de coins.
seulement dans les parties les plus profondes des chantiers. Des mesures effectuées, à partir de ces marques
On a signalé (Oueslati 1993a, p. 154) la présence de de saignées, dans divers sites de carrières littorales
tessons de poterie romaine du IIIe s. ap. J.-C. (forme en Tunisie révèlent une remarquable constance
32 de Hayes) dans des déblais associés à l'extraction modulaire dans le découpage des blocs : on peut
de blocs, ce qui fournit un indice sur la période la plus noter la fréquence des valeurs de base suivantes
:
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Fig. 169. Coupe transversale à travers une carrière littorale à R'mel (site n°184).
1. Niveau minimum ; 2. Niveau maximum ; 3. Fond de carrière ; 4. Grès dunaire exploitable ; 5. Eolianite.
Fig. 170. Carrières littorales de R'mel : front de taille montrant la superposition des deux éolianites.
Fig. 171. Carrières littorales de R'mel : ouverture sur la mer dans la paroi de protection.
l'épaisseur des murs ainsi que dans les dimensions Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
de ces harpes verticales si caractéristiques de l'art XXVI, 198 p.
de bâtir en Afrique pendant toute l'antiquité. Ces Fantar (M.), 1984, Kerkouane, Cité punique du Cap
données confirment l'emploi en Afrique des deux Bon (Tunisie), I, Tunis, Inst. nat. d'Archéol. et
coudées, connues des archéologues sous les noms d'Art, 577 p.
respectifs de « coudée royale » ou « grande coudée » Flemming (N.C.), 1969, Archaeological evidence for
et de « coudée ordinaire » (Fantar 1984, p. 350 ; eustatic change of sea level and earth movements
Hallier 1994, p. 2111-2121), auxquelles se référait in the western Mediterranean during the last 2,000
déjà un passage de Pline l'Ancien à propos du years, Geol. Soc. America, Special paper, 109,
système de mesure en usage dans l'oasis de Tacape 125 p.
(HN, XVIII, 188). Quant à la technique de Y opus Gauckler (P.), 1900, Séance de la Commission de
africanum à renforts verticaux, réputée de tradition l'Afrique du Nord (10 avril 1900), BCTH, p. CLII-
punique, on peut se demander si son succès CLVII.
durable en Afrique ne tient pas à la facilité de Golvin (J-C.), 1988, L'amphithéâtre romain, I, Paris,
découper des blocs de grand gabarit dans les grès De Boccard, 458 p.
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Coastal Tunisia : A Review, Z. Geomorph. N. F., méditerranéens permettaient de nourrir. Parmi les raisons de
102, p. 135-149. cette avarice commune à une mer, selon lui,
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of « biologiquement épuisée » et à la terre qui l'entourait,
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern il incriminait en premier lieu les pêcheries, « d'un
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitschrift fur médiocre rendement sauf en de rares endroits ».
Geomorph., suppl. bd 81, p. 149-162. L'insuffisance des pêcheurs aurait eu pour
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la conséquence celle des marins qui, à son tour, « avait
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le toujours insidieusement freiné les grandes entreprises
Tyrrhénien, Lyon, 192 p. (Collection de la Maison de de dominations méditerranéennes ». Dans ce tableau
l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist., 2). sévère des faiblesses de la mer Méditerranée au
Paskoff (R.), Sanlaville (P.) et Bourgou (M.), 1983, xvie s., on ne manquera pas de retenir que Braudel
Stratigraphie et genèse des éolianites du Wûrm et relevait a contrario quelques exemples de côtes
de l'Holocène sur le littotal de Tunisie, CR Acad. méditerranéennes réputées de tout temps plus favorables à
Se. Paris, 296, p. 1263-1266. la pêche et par conséquent aux activités littorales et
Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), 1991, Le maritimes : il s'agissait, en l'occurrence, des lagunes
littoral de la Tunisie dans l'antiquité : cinq ans de de Comacchio dans l'Adriatique, des côtes
recherches géoarchéologiques, CRAI, p. 515-546. d'Andalousie et, avec elles, le littoral de la Tunisie.
Paskoff (R.), Trousset (P.) et Dalongeville (R.), C'est que, dans la Méditerranée où les côtes sont
1981, Variations relatives du niveau de la mer en dépourvues le plus souvent de plate-forme
Tunisie depuis l'antiquité, Histoire et Archéol. continentale, le littoral tunisien se signale, sur sa façade
Dossiers, 50, p. 52-59- orientale du moins, par une vaste étendue de hauts-fonds
Picard (G.), 1990, La civilisation de VAfriqueromaine, où, jusqu'à 200 m de profondeur, abonde la faune
Paris, Etudes Augustiniennes. sous-marine. La présence très ancienne de pêcheurs
en bordure du Sahel et dans le golfe de Gabès est, de en octobre en contournant les caps et les golfes de
fait, une originalité à l'actif de la Tunisie orientale qui cette façade nord du littoral de la Tunisie. D'autres
dément la réputation longtemps faite au Maghreb thons nés en Méditerranée les rejoignent, et, par le
d'être dépourvue de marins pêcheurs. Depuis des détroit de Sicile, se rapprochent des côtes tunisiennes
siècles et dans l'antiquité déjà, la mer a fait vivre sur en bancs serrés, à la recherche des hauts-fonds les
les rives du Byzacium et de la Petite Syrte une part plus riches en algues et glands marins pour se nourrir
grandissante de la population à mesure que vers le et y frayer (De Fages et Ponzevera 1903, p. 55). Les
Sud les ressources agricoles de l'arrière-pays se lieux les plus favorables à cette pêche spécifique ont
faisaient plus aléatoires (Despois 1955, p. 454). A elle toujours été, de l'antiquité à nos jours, ceux qui
seule, la Tunisie bénéficie en effet de près du quart étaient les mieux placés sur les itinéraires de
des côtes plates « utiles » de la marge sud de la migration des thonidés : certains promontoires de la côte
Méditerranée. La surface du plateau continental s'accroît nord à l'abri desquels il était possible - comme
du Nord au Sud pour atteindre son maximum naguère au Rass Zebib - de déployer madragues et
d'extension dans le golfe de Gabès ; le calme relatif des eaux thonaires, mais d'une façon générale toutes les
et leur renouvellement par la marée favorisent sur ces avancées du littoral tunisien à l'extrémité des principaux
fonds vaso-sableux la croissance des herbiers de posi- golfes. Il en est ainsi dans le Cap Bon, pour les
donies, de caulerpes, de zostères et de cymodocées, pêcheries de Sidi Daoud (Missua), à l'extrémité du golfe de
constituant l'un des biotopes les plus favorables en Tunis, pour les thonaires de Monastir et des îles
Méditerranée au développement d'une faune littorale Kuriates à l'extrémité du golfe d'Hammamet, de
où se rencontrent à la fois les espèces benthiques et même à la Chebba où se trouve le promontoire du
pélagiques. La faune sédentaire y est en même temps Rass Kaboudia (Caput Vada), bien placé pour
abondante et variée, qu'il s'agisse des poissons, des observer les migrations annuelles des thonidés à
crustacés et des mollusques, sans oublier les éponges l'entrée des hauts-fonds du golfe de Gabès. Nous
qui dans l'antiquité déjà étaient pêchées dans la Syrte verrons qu'un témoignage de Strabon (XVII, 16)
(Pline, HN, XIX, 69). D'une manière tout à fait confirme pour l'antiquité la présence à cet endroit de
caractéristique, comme le signalait vers le milieu de ce guettes à thons (tunnoscopeià) D'autres textes
siècle J. Despois (1955, p. 454), les premiers goupes .
(Oppien, Halieutica, III, 626-648) qui s'appliquent à
de pêcheurs traditionnels se rencontraient à partir de des eaux voisines, dans la Mer Tyrrhénienne ou en
Monastir, c'est-à-dire précisément à partir de l'endroit Sicile par exemple, sont suffisamment explicites sur
où les courbes bathymétriques de 10 et de 20 mètres des pratiques anciennes de pêche, somme toute assez
s'éloignent du littoral pour contourner les bancs des semblables à celles qui ont fait, de nos jours, la
Kuriates. D'autre part, encore aujourd'hui, la pêche réputation des pêcheries du Sahel ou du Cap Bon. Sans
artisanale prend son maximum de développement et trop risquer le soupçon de céder aux facilités du
surtout ses manifestations les plus originales au sud déterminisme géographique - le milieu physique ne
du Cap Kaboudia où commencent à s'étaler largement saurait tout expliquer - on peut néanmoins suggérer,
les bancs des Kerkennah. compte tenu de ce que nous pouvons connaître des
Mais, en même temps, l'ensemble des côtes du techniques halieutiques pratiquées en Méditerranée
Tunisie, y compris celles de la façade nord qu'on a pu dans l'antiquité (Lafaye, DAGL, p. 491), que certains
décrire comme un milieu littoral nettement sites étaient désignés par la configuration même de la
« thalassophobe » (Riggio 1995, p. 119), doit une côte pour y être voués, dès cette époque, à la grande
bonne partie de son potentiel halieutique actuel aux pêche aux thonidés (fig. 172 et 173).
grandes migrations saisonnières des espèces D'autres espèces migratrices, mais de petite taille,
pélagiques. En cela, sans égaler les côtes d'Andalousie telles que les anchois, sardines et autres attaches de la
citées par Braudel et où se pratiquait depuis l'antiquité famille des clupéidés, apparaissent également, sous
la pêche aux thons venus de l'Océan, elles bénéfient forme de concentrations importantes à proximité des
néanmoins du flux au long cours des scombridés côtes, chaque année entre les mois d'avril et
(thons pélamides et bonites) qui, venus du détroit de d'octobre. Elles font en divers lieux l'objet d'une
Gibraltar, longent de près les côtes africaines d'avril pêche active de nos jours, tant au Nord dans la région
Fig. 172. Guette à thons actuelle sur le promontoire de Rass Jebel (site n°180).
Fig. 173. Ruines d'une conserverie moderne de thons au Rass Kaboudia près du nadour de Khedija (Chebba).
de Tabarka, dans le canal de La Galite, qu'à l'Est dates régulières (stato tempore, dit Pline, HN, IX, 9),
comme à Mahdia. On notera que dans un spectre mais différentes selon les espèces. C'est à la faveur de
d'espèces des plus variées, les clupéiformes semblent ces migrations qui avaient déjà frappé les auteurs
figurer en bonne place dans les premières analyses anciens ou arabes, que se produisent les campagnes
effectuées récemment, dans le cadre du présent de pêche à l'intérieur ou à la sortie des lagunes
programme, par M. Sternberg à partir des restes littorales.
osseux prélevés à Nabeul dans les cuves de l'usine de Le littoral de la Tunisie présente sur ses deux
salaison. Cette indication, même partielle, est d'autant façades maritimes un échantillonnage très diversifié
plus précieuse qu'elle est la seule de cette nature que de ces côtes à lagunes qu'on pourrait essayer de
nous ayons quant aux espèces pêchées à l'époque classer en fonction de plusieurs critères : leur
romaine le long des côtes de Tunisie. insertion dans l'espace côtier ou continental, leur
Enfin, une autre particularité des côtes tunisiennes alimentation en eau douce ou marine en fonction des
qui les individualise au Maghreb et les apparente cette influences climatiques ambiantes et de leur plus ou
fois au troisième exemple relevé par Braudel, celui moins grande communication avec la mer (Paskoff
des lagunes de Comacchio sur les bords de 1994, p. 124). Par exemple, des variations importantes
l'Adriatique ou bien aux étangs des côtes languedociennnes dans la salinité des eaux ne peuvent manquer
de la France méditerranéenne, est de présenter, en d'exercer une influence considérable sur le régime
bordure des zones de hauts-fonds déjà évoquées, de biologique et donc sur le recrutement de la faune des
longues étendues de côtes basses d'accumulation à lagunes où dominent les espèces euryhalines les plus
lagunes ou quasi-lagunes, plus ou moins en représentatives : anguilles, aloses, soles, daurades,
communication avec la mer. Celles-ci, en effet, n'ont pas loups et surtout muges ou mulets (mugil cephalus ; en
manqué d'offrir, à différentes époques, des conditions arabe : bouri).
très particulières, le plus souvent favorables à l'activité On retiendra pour commencer, en raison de sa
halieutique. Elles constituent des milieux margino- position à l'intérieur des terres, le complexe lagunaire
littoraux à salinité variable, aux eaux généralement très original et contrasté que formait l'association du lac
calmes, dans lesquelles se déposent des sédiments de Bizerte et de la garaa d'Ichkeul, à la fois reliés entre
fins d'origine aussi bien continentale que marine. eux par l'oued Tinja et à la mer par l'ancien goulet de
Grâce aux apports de matière organique nutritive qui Bizerte. L'inversion des courants dans ces émissaires
en résultent et grâce aux échanges alternés d'eau suivant la saison pour le premier, suivant la marée pour
douce et d'eau marine qui s'effectuent au niveau des le second, avait été observée par les géographes
passes en direction de la mer, ces lagunes anciens et arabes comme des curiosités de la nature.
constituaient des écosystèmes des plus productifs valorisés Nous savons déjà la réputation qui avait faite au lac de
d'une manière régulière par les populations antiques Bizerte, du Moyen Age jusqu'à l'ouverture, il y a un
qui vivaient sur leurs rives comme le montre, entre siècle, du chenal maritime, d'être une sorte de « vivier
autres, l'exemple bien connu et cité par Pline (HN, IX, miraculeux » (cf. supra, première partie, III).
9) de la pêche au mulet dans l'étang de Lattes En revanche, dans le golfe de Tunis, s'il fait peu
ÇStagnum Latera), sur la côte de Narbonnaise (Arcelin de doute que des conditions favorables à la pêche ont
1986, p. 13-20 ; Sternberg 1995, p. 120-121). pu exister, comme dans tous les deltas ou estuaires de
En règle générale, les jeunes poissons venus des quelque importance, aux bouches du Bagrada, il faut
hauts-fonds marins voisins entrent dans ces lagunes écarter de la liste des lagunes littorales exploitées
en hiver ou au printemps attirés par les courants dans l'antiquité, celle de Ghar el Mehl. Dans son état
sortant d'eau douce, pour s'y nourrir et s'y actuel - et dans son existence même -, elle résulte
développer, et en ressortent en été ou en automne - égale- d'une phase récente du colmatage de l'ancienne baie
ment à contre-courant - au moment de la d'Utique, en liaison avec les déplacements de
reproduction qui se fait en mer pour la plupart des l'embouchure de la Mejerda (Oueslati 1993b, p. l6l-
espèces. En fait, ces déplacements dictés par des 170 ; Chelbi et al. 1995). Au contraire, il est prouvé
mécanismes saisonniers, réglés par l'hydrologie plus que le lac de Tunis constituait dans l'antiquité et au
ou moins complexe des lagunes, se produisent à des Moyen Age un milieu mi-marin mi-lagunaire très
propice, semble-il, à l'aquaculture. Il était encore bourrelet de la formation Rejiche, sur plusieurs
largement ouvert sur la mer au sud-ouest de Carthage, sections de la façade côtière orientale, dans le golfe de
sa fermeture par un cordon sableux continu Gabès et le Sahel pour une part, mais principalement
n'intervenant qu'au cours du xve ou du xvie s. (Thornton et al. au fond du golfe d'Hammamet à partir d'Hergla et sur
1980, p. 79-91 ; Paskoff 1994, p. 146). la côte est du Cap Bon, entre Maamoura et Kelibia.
Sur les côtes de la Petite Syrte, l'exemple le plus En fait, la genèse et l'évolution de ces milieux
remarquable de ces écosystèmes halieutiques margino-littoraux ne sont pas partout les mêmes et il
fortement valorisés en tant que tels dès la période antique faut distinguer soigneusement entre les divers cas
est assurément la Bahiret el Biban qui occupe, après possibles. Un premier exemple est celui de certaines
la Mer de Bou Grara, la seconde place en superficie sebkhas du golfe de Gabès bordées de traces
dans l'ensemble des lagunes tunisiennes (cf. supra, d'occupation néolithique, comme la Sebkhet el Melah
première partie, I). Plusieurs traits distinctifs en font (Perthuisot 1975 ; Oueslati 1995, p. 194). Elles
un milieu littoral tout à fait à part : sa profondeur fournissaient des ressources alimentaires aux populations
moyenne, qui oscille autour de 5 m, offre un contraste installées autour d'elles et résultent du comblement
net avec celle de la mer voisine où l'isobathe de 5 m d'anciennes baies ou lagunes, survenu
est située à 20 km de la côte ; elle n'est pas isolée de postérieurement au néolithique mais antérieurement à l'antiquité.
la mer par un cordon sableux fonctionnel mais par les Au contraire, une autre série de sebkhas littorales,
deux solbs, témoins d'une ancienne flèche en forme situées plus au nord dans la région de Sfax, semblent
de bourrelet grésifiée, datée de l'Eutyrrhénien s'être formée postérieurement à l'antiquité, en rapport
(formation Rejiche, dernier interglaciaire). Celle-ci est avec la remontée des eaux d'âge historique. Ces
démantelée dans sa partie centrale en plusieurs îlots sebkhas, qui sont gorgées d'eau en hiver et qui
séparés par des passes nombreuses mais peu s'assèchent complètement en été, ne font que traduire la
profondes, à l'exception d'une passe principale près dégradation de terres basses subsidentes bordées de
de l'îlot de Sidi Ahmed Chaouch. C'est donc une marais maritimes (Oueslati 1993a, p. 283).
quasi-lagune où les contraintes, nées d'un En revanche, d'autres cas font réellement
environnement régional marqué par l'aridité et se traduisant par problème en autorisant à penser que certaines
une salinité élevée, sont fortement atténuées par sebkhas ont pu succéder à des lagunes reliées, au
l'influence marine, générée par le jeu puissant des moins temporairement, à la mer. De fait, on a signalé,
courants de marée au niveau des passes. Ces en plusieurs points du littoral, la présence de drains
conditions sujettes à d'importantes variations annuelles sont qui, creusés à travers l'ancien cordon de la formation
néanmoins favorables dans l'ensemble à une bonne Rejiche, permettaient d'établir une communication
biodiversité, aussi bien en ce qui concerne la flore artificielle entre la mer et ces sebkhas côtières (Paskoff
que la faune benthique et ichtyologique (Medhioub et Sanlaville 1983, p. 80, 92). Certains d'entre eux sont
1979 ; Zaouali 1985, 1995). La mise en valeur de ce incontestablement modernes, comme le drain creusé
potentiel productif avait fixé très tôt, aussi bien sur un peu au nord de Khniss, qui a pour fonction
l'îlot central (Praesidium) qui commandait le chenal à d'assainir la plaine marécageuse de Sahline. En
l'époque romaine, que sur les rives méridionales de la revanche, beaucoup plus au sud, près du site de Ksar
lagune de Zouchis, une population sans doute plus en Nouba (n° 72), existe un drain moderne dont les
nombreuse qu'aujourd'hui. traces sont visiblement emboîtées dans celles d'un
On se gardera d'oublier dans une telle revue des canal plus ancien creusé dans la formation Rejiche et
écosystèmes halieutiques susceptibles d'avoir été qui mettait la sebkha El Garaa en relation avec la mer
valorisés dans l'antiquité ceux qui, par suite des (fig. 174). A noter aussi les deux drains de la région
transformations survenues dans l'environnement littoral de Salakta et de Mahdia, qui offrent des coupes
depuis l'antiquité, sont devenus aujourd'hui stériles excellentes à travers les formations du Tyrrhénien (Douira
ou sont à l'abandon. et Rejiche) (Paskoff et Sanlaville 1983, p. 92). L'un
Il s'agit de toute une série de lagunes saisonnières d'eux dont le débouché sur la mer se trouve près des
- ou de sebkhas maritimes - qui s'échelonnent, en ruines de la forteresse d'El Alia au sud de Salakta (site
arrière d'un cordon littoral continu, voire en arrière du n° 90) avait été taillé en souterrain dans l'ancien
Encore à la fin du siècle dernier, en 1897, un projet pêche lagunaire et de la pêche côtière pouvaient être
avait été étudié, qui a tourné court, de conversion en exercées qui ont, en particulier pour la pêche aux
étangs à poissons des sebkhas de Halk el Mujjen, thons, leur réplique sur les côtes siciliennes (Riggio
d'Assa Jiriba, de Sidi-Khalifa et de celles qui se 1995, p. 126). Trois autres aires à thalassophilie élevée
trouvent dans le voisinage de Korba et de Menzel Temime peuvent être identifiées, qui correspondent
(De Fages et Ponzevera 1903, p. 113). respectivement aux principales interfaces maritimes du Byza-
On ne devra donc pas trouver anormale la cium et de la Tripolitaine occidentale : entre Hergla et
présence de vestiges d'aménagements divers destinés Salakta, dans la zone de Sfax et des hauts-fonds des
au traitement des poissons sur le cordon littoral et en Kerkennah, enfin dans l'extrême Sud, entre l'île de
bordure de ces lagunes, comme le montre l'exemple Jerba et la Bahiret el Biban. C'est là que sont
du site n° 127 bis, en bordure de la Sebkha Sidi concentrées encore à présent les zones de pêche les plus
Khalifa. En fait, toute cette zone de sebkhas au fond riches où l'on enregistre les rendements les plus élevés
du golfe d'Hammamet (sites n" 124 à 130) présente, (Zoghlami 1993, p. 244-245).
nous l'avons vu, des traces d'une occupation humaine
ancienne, de l'Antiquité tardive en l'occurrence, dont
la densité ne s'explique que dans l'hypothèse d'un b —Les techniques de pêche traditionnelles
environnement moins répulsif qu'aujourd'hui.
L'exemple le plus frappant d'une utilisation A chacun de ces systèmes ou sous-systèmes
possible à des fins halieutiques de cette zone correspondent des pratiques de pêche inscrites dans
margino-littorale est celui des lagunes de la côte un savoir-faire traditionnel original, qu'on a lieu de
orientale du Cap Bon où la présence conjointe de supposer d'autant plus ancien qu'il devait répondre à
vestiges d'installations sur le cordon littoral et des des conditions du milieu littoral plus particulières.
chaussées traversant ces lagunes, alors plus étendues D'autres procédés, parfois réintroduits dans un passé
et plus profondes qu'actuellement, nous autorise à récent par les pêcheurs grecs, maltais ou italiens -
suggérer que celles-ci ont pu jouer le rôle de vastes surtout siciliens -, appartiennent à un répertoire
viviers, dans le cadre d'une activité domaniale en technologique commun aux divers pays méditerranéens.
partie axée sur les ressources du littoral. Celui-ci est amplement décrit par les textes anciens
Tout au long des 1300 km de sa double façade relatifs à la pêche et à la faune marine, comme par
marine, le littoral tunisien montre donc une assez exemple ceux de Pline l'Ancien (HN, IX) et surtout
grande diversité d'écosystèmes, créant des conditions ceux d'Elien ou d'Oppien (Lafaye, DAGL, p. 489-494 ;
en général très favorables à l'activité halieutique. On Pottier, Id., p. 852-853). Malheureusement, peu de ces
peut reconnaître en cet ensemble littoral au moins documents anciens, sur lesquels nous reviendrons en
quatre ou cinq sous-systèmes, qui se partagent temps voulu dans le bilan des données sur les
inégalement entre la partie septentrionale - en continuité activités halieutiques en Tunisie dans l'antiquité, se
avec la côte algérienne - et la partie orientale qui rapportent directement aux côtes africaines. Mais
regarde vers la Mer des Syrtes. La section pour approcher la réalité antique, un double relais est
nord-occidentale coupée de son arrière-pays et pour cela ici possible. D'une part, on ne doit pas manquer
réputée thalassophobe présente néanmoins un d'utiliser celui des sources arabes restées souvent
substrat rocheux favorable à certains types de pêche dans le droit fil des sources anciennes, mais beaucoup
côtière spécifiques comme celles du corail, des plus explicites sur ce point particulier elles attestent
:
crustacés et de certaines espèces fines attirées par la nature que la pêche était demeurée très active en Ifriqiya au
des fonds (rougets) (Abdesselem 1995, p. 189). En Moyen Age (Djelloul 1995a, p. 49-60). D'autre part, il
outre, des conditions plus favorables qu'aujourd'hui y a le relais de la méthode comparative d'un usage
ont pu exister dans l'antiquité dans les plaines courant en anthropologie et qui incite à rechercher
alluviales à l'embouchure de certains oueds, comme des exemples de techniques traditionnelles
l'oued Zouara (site n° 208). La situation s'inverse analogues, pratiquées en d'autres lieux ou en d'autres
nettement à partir du golfe de Bizerte et dans le golfe de temps, pourvu qu'elles s'inscrivent rigoureusement
Tunis jusqu'au Cap Bon où toutes les formes de la dans des écosystèmes de même type.
A partir de ces principes, l'enquête a donc consisté ristiques des bancs qui entourent l'archipel des
à recueillir dans les textes anciens ou arabes Kerkennah (fig. 176). Elles ont fait l'objet de
médiévaux l'attestation de certaines pratiques de pêche dont description très précises par les géographes (Despois 1954,
la survivance est confirmée par les enquêtes p. 455-457), les ethnologues (Louis 1961, p. 63-102) et
ethnologiques contemporaines. Un premier exemple des plus les spécialistes de l'halieutique (Aloui Bejaoui 1995,
démonstratifs est celui de la pêche au mulet (ou p. 155-171). Les cherfiya sont des engins de pêche
bouri) dans les lagunes méditerranéennes. Pline passifs à poste fixe, dont le principe consiste à
l'Ancien (HN, IX, 17) évoque entre autres curiosités intercepter les poissons au moment du courant de jusant,
dont il était si friand, ce fait relevé à propos du au moyen de palissades en branches de palmier
muletum, comme une marque de sa lubricité (tam fichées dans la vase, et à les diriger vers des chambres
incauta salacitas) en Phénicie et dans la province de de capture (dar) réalisées en nervures de palmes et se
:
pour capturer les bancs de mulets (Mugil cephalus), localisation des « fosses » (bahirà) ou des « oueds » qui
on attache une femelle à un fil et, lorsque le troupeau accidentent ces hauts-fonds (Louis 1961, p. 100-102).
de mâles la suit, on jette un épervier (Guest-Papama- La combinaison de trois conditions fondamentales
noli 1986, p. 289). Cette attestation de la permanence a rendu possible dans ces lieux de telles installations :
au fil des siècles d'une technique traditionnelle l'existence de hauts-fonds (qsir), un marnage
montre bien l'intérêt qu'il y a à prendre en compte des important et des fonds vaso-sableux permettant d'enfoncer
acquis de l'ethnoarchéologie : si tout n'est pas des palmes. Ainsi, les cherfiya sont-elles localisées sur
toujours transposable tel quel dans l'antiquité, il faut des fonds qui ne sont pas couverts par plus de 1,50 m
avoir présente à l'esprit la grande diversité des à 2 m d'eau à marée haute ; ils sont largement
pratiques révélées par ce type d'enquête et que les découverts à marée basse, ce qui permet d'accéder à pied
nouvelles techniques de pêche tendent aujourd'hui à ou en bateau à fond plat (loud) jusqu'à proximité des
faire disparaître. Mais ces données diverses sont elles- nasses logées dans les points les plus creux. Les
mêmes à replacer dans le contexte d'écosystèmes espèces de poissons pêchées sur tous ces hauts-fonds
régionaux ou locaux qu'une analyse approfondie de appartiennent surtout aux variétés benthiques
l'environnement littoral antique doit permettre de sédentaires, plus rarement aventurières. Ce sont
mieux appréhender essentiel ement des sparidés (les sparaillons ou pataclets sont
Un autre cas révélateur des difficultés mais aussi appelés ici shares chrafi), des serranidés, mugilidés,
des promesses d'une telle approche est celui des mullidés mais aussi des bars, soles et mérous ainsi que
pêcheries fixes dont les lagunes et surtout les hauts- les principales espèces de céphalopodes comestibles
fonds du littoral tunisien fournissent un (calmars, poulpes, sèches). Ces dernières sont partout
échantil onnage des plus remarquables. Un premier exemple capturées en Tunisie par un autre type de piège très
d'une pêche essentiellement côtière fondée sur simple (karouf) ce sont des amphores ou des blocs
:
l'installation de pièges est celui des cherfiya de grès dunaire évidés au centre et où les poulpes
sont attirés par des appâts. Ils sont déposés au fond ment peu de traces, on se contentera de présenter les
de l'eau et reliés les uns aux autres par une corde arguments qui autorisent à suggérer l'hypothèse d'une
(Romdhane 1998, p. 67). origine très ancienne de ces techniques de pêche au
Des pêcheries fondées sur le même principe que piège. Dans leur enquête sur le golfe de Gabès,
les cherfiya, mais formées de simples claies végétales Servonnet et Laffitte (1888, p. 333) avaient fait valoir
et en fait amovibles, les zroub, caractérisent les bancs que, dans des textes anciens, Jerba et les Kerkennah
proches de Jerba (fig. 9). De même, les grandes bordi- étaient déjà décrites comme étant « environnées de
gues installées dans les passes de la Bahiret el Biban pieux ». Il s'agit vraisemblablement d'une allusion au
(fig. 177), comme celles de Tinja, sur l'émissaire dans Stadiasme (112), dont Tissot (1884, p. 180) a
le lac de Bizerte de la Garaa Ichkeul, et constituées démontré qu'elle devait s'appliquer en réalité aux îlots
aujourd'hui d'installations métalliques et dotées de proches de Monastir, en particulier celui de Ghadamsi
chambres de capture grillagées (fig. 54 et 178), ont réputé naguère encore pour sa tonara. La notation
succédé à des ouvrages traditionnels beaucoup plus par le Stadiasme, près d'un promontoire qu'il ne
rustiques et légers, en clayonnages de branches de nomme pas, de ces îles « entourées de pieux ou de
palmiers ou de roseaux (Bonniard 1934b, p. 49). palissades » (eskolopismend) n'en est pas moins
La question essentielle à laquelle nous précieuse car elle est de nature à suggérer l'existence
souhaiterions pouvoir répondre est dans quelle mesure ce dans l'antiquité de pêcheries en cet endroit. Celles-ci
type de pêcherie fixe dont le haut degré d'élaboration auraient pu consister en un dispositif de pêche au
indique une parfaite adaptation à l'environnement guet où, sur des piquets, étaient montés à poste des
littoral, pouvait exister déjà sur les mêmes côtes dans filets de madrague, sur le mode décrit de nos jours en
l'antiquité. Faute de preuve archéologique difficile à Grèce sous le nom de taliani (Guest-Papamanoli
recueillir s'agissant d'un matériel laissant 1986, p. 190).
Fig. 178. Sparaillons dans une chambre de capture de la bordigue des Biban.
En ce qui concerne plus précisément le golfe de tions des auteurs anciens, sont également présentes
Gabès, le premier témoignage assuré de la présence dans les aires de hauts-fonds des côtes tunisiennes.
de pêcheries fixes est celui d'Ibn Hauqal, au Xe s. Utilisant indifféremment des claies mobiles ou des
(trad. Kramers et Wiet, p. 67), qui mentionne à Sfax la filets, ces pêcheries volantes consistent à réaliser des
pratique de pêche à l'aide de dispositifs qu'il désigne barrages circulaires ou semi-ciculaires pour encercler
sous le nom caractéristique de zarb. La pêche aux les bancs de poissons. La gemma et la dâra qui sont
pièges étant placée pour les Anciens sous le signe de pratiquées à marée haute, l'une en mer, l'autre à partir
Mercure (Oppien III, 9-28), il n'est pas interdit de du rivage, en sont deux variantes. On commence par
suggérer que la colonie de Thaenae, bien placée pour circonscrire une certaine étendue de mer - avec ou
commander, entre les îles Kneiss et celles de sans bateau - puis on rabat le poisson sur les claies
Kerkennah, les bancs les plus étendus de la Syrte, a ou filets ; des pêcheurs se mettent alors à l'eau pour
été qualifiée pour cette raison de Mercurialis (CIL VI, l'effrayer à l'aide de bâtons. Un procédé plus original,
1685 = ILS 6llla) ; les vestiges d'un quartier appelé en Tunisie demmâsa ou sautade, est utilisé
d'industries halieutiques y est au demeurant visible, entre la pour capturer le mulet sauteur : il associe un filet
mer et le rempart, ce qui implique la présence, dans vertical qui fait barrage et une série de claies
l'antiquité romaine, d'une population de pêcheurs disposées en couronne autour et destinées à recueillir les
(Trousset 1992, p. 327). Notons que le culte de poissons qui tentent d'échapper en sautant à la
Mercure est attesté aussi dans les ports syrtiques de chambre de capture. Dans l'épisode très enjolivé par
Lepcis et de Gigthis, mais dans ces deux cas la Pline, où « les dauphins pèchent de société avec
référence au dieu du commerce (ou des huileries) paraît l'Homme » dans l'étang de Lattes (HN, XIX, 29), ceux-
s'imposer davantage. ci jouent le rôle de rabatteurs inconscients, ce qui
A l'appui de l'hypothèse d'une origine antique de n'est pas sans évoquer des pratiques traditionnelles de
ces installations très élaborées sur les hauts-fonds de pêche signalées sur les côtes de Mauritanie, chez les
Tunisie, un nouvel argument est l'exemple des Imraguen du banc d'Arguin. Ils ont observé que
pêcheries fixes ou haddrah de Bahrein dans le golfe Arabo- lorsque les dauphins étaient présents, le poisson se
Persique (Desse-Berset 1995, p. 7-18), en tous points rapprochait plus de la côte et de ce fait la pêche était
comparables aux cherfiya de Kerkennah : même meilleure. Quand celui-ci est hors de portée, ils
écosystème de côte basse à marée, même utilisation frappent la surface de l'eau pour imiter le bruit des mulets
du palmier pour la réalisation des longues palissades sauteurs et attirer ainsi les dauphins qui rabattent le
se terminant en forme de flèches qui retiennent les banc vers la côte (Busnel 1973, p. 112-131 ; Maigret
poissons quand la mer se retire. Le rapprochement 1985, p. 210). De même, à Latera, les pêcheurs
peut s'étendre aux systèmes de vie des populations sachant que les bancs de mulets sortaient des étangs
concernées : on remarque la même appropriation des à date fixe, ont pu mettre à profit le fait que les
espaces littoraux où s'étendent cherfiya et haddrah ; dauphins les empêchaient de gagner des eaux plus
celles-ci sont le fait de cultivateurs-pêcheurs qui ont profondes. On remarque dans le texte de Pline qu'on
étendu leur espace de subsistance sur les zones les péchait alors avec des barrages de filets montés sur
côtières et non de marins véritables dont l'activité des perches : turn piscatores circumdant retia
serait tournée vers la haute-mer. Or, l'existence de ces furcisque sublevant, ce qui n'est pas sans rapport avec
pièges à poissons est mentionnée dans le golfe les bordigues et autres moyens traditionnels mis en
Persique dès les temps sumériens où leur est appliqué oeuvre sur les hauts-fonds de Tunisie. Ces techniques,
le terme spécifique de durun. Leur fonctionnement bien connues des ethnologues puisque toujours
est décrit plus tard par Arrien (Hist. Alex. VIII, 29, 12) pratiquées, permettent la capture d'importantes quantités
sur la côte des ichthyophages du Baloutchistan et, de poissons, sans commune mesure avec les besoins
plus précisément, sur celle de Babylonie par Diodore immédiats de la consommation vivrière (Arcelin 1986,
de Sicile (Bibl. Hist. Ill, 22, 2-3 ; Desse-Berset 1995, p. 17).
p. 9-12). D'autres techniques de pêche semblables à celles
Des pêcheries fondées sur les mêmes principes, d'aujourd'hui sont amplement évoquées, à la fois en
mais mobiles et qui ont leur réplique dans les d'autres lieux de la Méditerranée par les anciens
traités d'Halieutique et en Tunisie même par le les pratiques anciennes et celles d'aujourd'hui : il
témoignage des mosaïques. Le principe de base est n'est pas jusqu'à la flexion de genou d'un hâleur de
identique, qu'il s'agisse de pêche au thon à la madrague senne de plage d'aujourd'hui qui ne trouve son
ou bien de pêche à la senne (sagenà) déployée au exacte réplique sur une mosaïque du Musée de Sfax
large à l'aide de barques et halée sur le rivage à bras (Massigli 1912, pi. 1).
d'hommes ou avec des attelages de boeufs comme le Sur le plan technologique, il y a de même une
montre si bien la mosaïque d'El Alia (Picard 1990, grande similitude et peut-être une certaine
p. 11). Le lieu de pêche est choisi en fonction de la permanence entre les outils de pêche de l'époque romaine
configuration du rivage et les bancs de poissons et celles qui étaient encore la règle dans un passé
signalés par des guetteurs (Elien XV, 5 ; Oppien III, récent. En fait, des instruments de pêche aussi
633-648) ; l'opération consiste alors à encercler ceux- fondamentaux que la ligne dormante ou la ligne de
ci par une manoeuvre qui s'apparente à la chasse au fond, le filet avec son double dispositif de flotteurs
filet. C'est ce qu'illustre fort bien une mosaïque de la et de pesons pour maintenir la nappe verticale,
Maison des « Pêcheurs-Chasseurs » à Utique, où les appartiennent à la préhistoire de la pêche (Cleyet-
deux activités sont curieusement assimilées de telle Merle 1990, p. 146). La nasse elle-même, engin
sorte que des pêcheurs en barque rabattent du gibier pourtant perfectionné, muni qu'il est d'un goulet
de terre ferme dans un filet dont la forme en demi- aux parois conçues pour s'écarter dans le sens aller,
cercle s'inscrit dans une abside (Alexander et Ennaifer mais non au retour afin de retenir prisonnier le
1976, p. 3D. poisson, est une bonne illustration de cette immua-
Pour finir, on ne manquera pas de rappeler les bilité des techniques. Seul, si l'on en croit Ovide
quatre sortes d'engins et de procédés de base qui, (Halieutica 9-14), le scare, par son adresse,
selon une division constante des traités réussirait à s'en échapper : « à reculons, en frappant l'osier
d'halieutique, caractérisaient la pêche dans l'antiquité : la par des coups répétés, il la distend, se faufile et
ligne, le filet, la nasse et le harpon (Elien XII, 43). On s'évade dans les eaux sûres ». La drina actuelle du
a pu y voir l'inspiration d'une mosaïque de Sousse golfe de Gabès est à coup sûr une nasse identique à
(fig. 179) où sont figurées quatre barques de celle qui devait être tressée sur le litus Iuncense
pêcheurs (Foucher I960, n° 57.204). En fait, sur cette (aujourd'hui bled Smara = le pays des joncs ;
mosaïque sont représentées deux scènes de pêche fig. 180). Son principe est défini en ces termes par
au filet : l'une au filet lancé, l'épervier, l'autre au filet Festus (118) nassa estpiscatori vasi genus quo cum
:
traînant, la senne ; les deux autres barques intravit piscis exire non potest : « la nasse est une
correspondent respectivement à la pêche à la ligne et avec sorte d'instrument pour pêcheur tel que le poisson
nasses. Peut-être faut-il avoir présent à l'esprit le qui y entre ne peut plus en sortir. » De même, la
discours philosophique qui, dans les textes auxquels pêche au harpon (ou au trident) pratiquée naguère
la mosaïque pouvait faire écho, accompagnait ces dans les eaux boueuses soumises à des
représentations dans les cercles lettrés et qui en dessèchements saisonniers est-elle attestée à la fois par les
biaise quelque peu la portée documentaire. Ainsi sur textes anciens et par l'archéologie dans les étangs de
une autre mosaïque de Sousse (Foucher I960,
n° Narbonnaise (Arcelin 1986, p. 15).
57.095) sont figurées, comme en opposition, Une telle permanence à travers le temps, pour être
d'une part la pêche au harpon réputée noble parce un phénomène courant en technologie n'en fait pas
que l'homme, dans la posture de Neptune, est moins problème : Leroi-Gourhan en a rendu compte
confronté directement à l'animal, d'autre part la (1973, p. 424) en alléguant qu'un outil ou un procédé
pêche aux pièges (des nasses), traîtresse et donc technique pouvait durer très longtemps, dès lors que
indigne des honnêtes gens (Lubchansky 1997). Il les objectifs pour lesquels il avait été créé étaient
reste que, comme nous le verrons, beaucoup de ces atteints : « tout besoin normalement satisfait conserve
représentations des scènes de pêche sont marquées ses moyens ». C'est ce que les parallèles entre les
très souvent d'un caractère des plus réalistes. Par scènes de pêche évoquées dans nos sources et les
exemple, l'analyse comparative des gestes et des techniques traditionnelles actuelles tendraient à
attitudes corporelles révèle une grande similitude entre démontrer (Ferchiou 1985, p. 663).
Fig. 179. Scènes de pêche dans une mer poissonneuse (mosaïque de Sousse).
B - Bilan des données sur l'activité pêche côtière bénéficie, nous l'avons vu, de conditions
halieutique en Africa favorables sur les 1300 km du littoral tunisien et tout
particulièrement sur sa façade maritime orientale, plus
Parmi les activités économiques qui ont valu à avantagée que la côte nord par l'extension des hauts-
l'Afrique du Nord antique cette prospérité attestée par fonds qui la bordent.
tant de témoignages archéologiques, l'accent doit être Les données spécifiques à l'Afrique antique sur
mis davantage qu'il ne l'a été fait jusqu'à présent sur cette activité et les industries qui en dérivaient sont
l'exploitation des richesses de la mer et du littoral. A très diverses mais d'une valeur documentaire fort
juste titre, on a longtemps mis en exergue les prouesses inégale et pour ainsi dire inversement proportionnelle
de la mise en valeur du potentiel agricole de ces pays à leur abondance même. Ainsi, malgré leur précision,
:
V Africa, c'est bien connu, avait fait fonction de « grenier on ne peut attendre beaucoup d'information des
de Rome » ; ses ports avaient exporté massivement la témoignages directs fournis par les textes anciens eux-
production de ses plaines céréalières pour nourrir, en mêmes, car ils ne sont guère prolixes sur ce type
particulier, la population de la capitale de l'Empire. En d'activité, du moins pour la période antique. En
ce qui concerne plus particulièrement les régions revanche, une autre source d'information est le
côtières de la Byzacène (le Sahel d'aujourd'hui) ou de répertoire des images, au contraire très richement fourni,
la Tripolitaine antique (en Tunisie, de la Bahiret el en Tunisie surtout, grâce aux innombrables
Biban à Gabès), c'est la production oléicole africaine mosaïques d'époque romaine ayant pour sujet la faune
qui alimentait - en concurrence avec celle de la marine et les scènes de pêche. Mais, comme nous le
Bétique espagnole - le marché romain : les cargaisons verrons, cette source documentaire oppose à
d'amphores africaines retrouvées dans les épaves sur l'interprétation historique une manière d'effet d'écran,
les côtes nord de la Méditerranée en faisaient foi (Zevi marquée qu'elle est, en raison de sa nature même, par
et Tchernia 1969, p. 173-224). Si le port circulaire de le jeu des conventions iconographiques. Enfin, nous
Carthage est à présent reconnu pour avoir joué un rôle disposons à présent de très nombreux témoignages
dans l'organisation de l'annone (Hurst 1994, p. 98), de archéologiques qui concernent il est vrai, beaucoup
nombreux ports de la façade maritime sahélienne ou moins les vestiges laissés par la pêche elle-même que
syrtique, comme Hadrumetum (Sousse), Leptiminus par les activités qui en découlaient, comme les
(Lamta), Sullecthum (Salakta), Thaenae (Thyna), sont industries de salaison (salsamenta) ou une autre forme de
réputés avoir participé au commerce méditerranéen de traitement d'un produit de la mer, l'industrie de la
l'huile. Mais de nouvelles analyses des amphores pourpre (purpurea).
importées en Europe, et, sur place, une meilleure
connaissance des sites côtiers de Tunisie permettent à
présent de diversifier le tableau des productions et a -Les sources littéraires
exportations africaines (Ben Lazreg et al. 1993).
C'est ainsi qu'à Salakta (fig. 181 a et b) et à Nabeul Parmi les documents textuels, une part trop
(Neapolis) on connaissait déjà l'existence d'importantes réduite revient aux inscriptions : très peu de données
usines de salaison de poissons dégagées par les épigraphiques nous renseignent autrement que de
archéologues il y a une quarantaine d'années (Darmon 1967- manière allusive sur les catégories professionnelles
68, p. 271-283 ; Foucher 1970, p. 17-21). De nouvelles engagées dans l'activité maritime ou littorale. Seuls de
recherches actuellement en cours sur le site de Nabeul grands armateurs ou naviculaires sont connus par des
ont déjà permis de préciser le fonctionnement et la inscriptions, ce qui s'explique par leur rang social,
chronologie de cet établissement (site n° 135). Mais ce mais leur activité principale était le grand transport
cas n'est qu'un exemple parmi d'autres qui seraient de maritime - en particulier celui de l'annone pour le
nature à réviser complètement le tableau de l'économie ravitaillement en blé de Rome - et non la pêche. En
africaine en attirant l'attention sur une spécialité qui revanche, les géographes anciens et les itinéraires
n'était guère connue pour l'antiquité qu'en Maurétanie maritimes ou routiers de l'antiquité nous ont laissé
tingitane : les industries de traitement du poisson (Curtis quelques indications toponymiques en relation avec
1991, p- 64-71). Ceci ne devrait pas surprendre car la l'activité halieutique. Par exemple, dans le Périple de
Scylax, un document fortement remanié qu'on date avec la Petite Syrte. La présence de salaisons dans la
ordinairement du IVe s. av. J.-C, avec un mixage de Mer des Biban est cependant confirmée, quatre siècles
données plus anciennes du VIe s., il est question de plus tard, par le géographe Strabon (XVII, 18) qui
taricheiai, c'est-à-dire de salaisons, à un jour de signale des conserveries de toutes sortes, mais aussi
navigation d'Abrotonon (Sabratha) (Desanges des ateliers de pourpre dans le lac Zouchis, nom grec
1978, p. 100-101, 408-410). Elles sont situées en face de la Bahiret. L'enquête archéologique a reconnu
de l'île des Hauts-Fonds (Jerba), ce qui pourrait effectivement en ce lieu un centre important de
correspondre à Gigthis. Mais plus loin, avant Neapolis, salaison, sur le site de Mdeina (Drine 1992-93). Des
est évoqué un lac communicant avec la mer par « une taricheiai sont également mentionnées par le même
petite embouchure »> et qu'on a de bonnes raisons Strabon, dans des îles entre Hadrumète et Thapsus
d'identifier avec la Bahiret el Biban, à moins qu'il ne (Rass Dimas), où se trouve le banc des Curiates (XVII,
s'agisse de quelque lagune voisine d'Hergla au fond 16). Une autre industrie souvent associée aux
du golfe d'Hammamet, lequel ayant été confondu salaisons de poisson est l'extraction de la teinture de
DD
"5T rr i.
pourpre à partir du Murex trunculus. C'est une Certains témoignages sur la pêche artisanale sont
industrie qui a été introduite de longue date par les d'autant plus intéressants qu'on peut les rapprocher,
navigateurs phéniciens et qu'on retrouve à l'époque romaine nous l'avons vu, de pratiques traditionnelles encore
aux deux extrémités du Maghreb : elle est signalée en usage récemment sur les côtes de l'Afrique du
par Pline l'Ancien (HN, IX, 60) à la fois aux îles Purpu- Nord. Dans la lettre de Pline le Jeune (Epist. IX, 33, 6)
raires (près de Mogador, Essaouira au Maroc) et à à propos de l'histoire de dauphin apprivoisé, l'auteur
Meninx dans l'île de Jerba (n° 16). Au dire de Pline, la rapporte que « la population formée de marins de
pourpre de cette dernière était des plus réputées dans naissance » {homines innutridos mari) péchait de son
l'antiquité, à l'égal de celle de Tyr en Asie : Tyriprae- temps dans le canal de Bizerte {Hippo Diarrthytus),
cipuus hic Asiae ; in Méninge Africae. De très soumis au courant alterné de la marée. Peut-être
importants dépotoirs de coquilles de murex en font foi, qui pêchait-on, comme on le faisait encore jusqu'à la fin
sont effectivement repérables en bordure du rivage, à du siècle dernier, à l'aide d'un mulet femelle attachée
El Kantara, parmi les vestiges du port de Meninx à un fil et qui servait d'appât. Lorsqu'un troupeau de
(fig. 20). On sait aussi par un document administratif mâles la suivait, on jetait l'épervier.
du Bas Empire {Notifia Dignitatum, Occ, XI, 70), Les quelques éléments de description fournis par
qu'un Procurateur financier était en charge des les textes anciens suffisent néanmoins à montrer que
teintureries de pourpre, cette spécialité de Jerba : la pêche dans l'antiquité est, par sa technique,
Procurator Baphi Girbitani provinciae Tripolitanae. Enfin, beaucoup plus une pêche littorale très artisanale qu'une
l'industrie de la pourpre se pratiquait aussi, selon pêche hauturière à grand rayon d'action. Si certains
Solin (XXVI), sur les côtes actuelles de l'Algérie, à caractères « industriels » sont à relever dans ce secteur
Chullu (Collo). d'activité, avec une concentration des moyens mis en
Sur la pêche proprement dite, le témoignage le oeuvre, notamment des capitaux, c'est sans doute -
plus intéressant par la qualité de l'information comme nous le verrons - au niveau des installations
géographique qu'il nous donne à connaître, est à terre, de traitement ou du conditionnement des
encore celui de Strabon (XVII, 16) à propos des côtes produits de la pêche. Celle-ci était donc
du Byzacium dont le nom arabe est dérivé de essentiel ement une pêche d'estuaires, de lagunes et de hauts-
l'ancien nom latin de Caput Vada (ou vadorum), ce fonds (Lassère 1977, p. 368). Ainsi s'explique qu'elle
qui signifie « la tête des hauts-fonds », l'auteur trouvait des conditions très favorables sur la façade
mentionne l'existence de guettes à thons {tunnosco- maritime orientale de la Tunisie où la plate-forme
peia). Sur cette inflexion majeure de la côte à l'entrée continentale est particulièrement développée. La
des hauts-fonds de la Petite Syrte (le golfe de Gabès faible profondeur des eaux permet une pénétration de
d'aujourd'hui) qui s'étendent jusqu'aux îles la lumière solaire jusqu'au fond de la mer et par là une
Kerkennah, on imagine aisément, car la pêche au flore sous-marine abondante et variée. Le découpage
guet se pratiquait encore récemment en différents de la côte en golfes et presqu'îles, la présence, au Sud-
secteurs des côtes tunisiennes, la présence de ces Est de la Tunisie, de quasi-lagunes comme la Mer de
observatoires rustiques qui signalaient le passage des Bou Grara et la Bahiret el Biban - respectivement les
bancs de thonidés pendant la campagne de pêche lacs Triton et Zouchis des Anciens - multiplient les
(fig. 172). En d'autres lieux comme à Tacape situations d'abri (Mzabi 1993, p. 248). Au contraire,
(Gabès), la pêche se faisait plutôt dans les cours sur la côte nord à l'ouest de Bizerte ainsi que tout au
d'eau remontés par la marée. Une autre spécialité du long de la côte algérienne actuelle, dans les anciennes
golfe de Gabès connue depuis l'antiquité d'après provinces romaines de Numidie et de Maurétanie
Pline l'Ancien {HN, IX, 69, 2 ; XXXI, 47), est la pêche césarienne, les conditions sont beaucoup moins
des éponges. Une inscription découverte dans le Sud favorables : la faible extension de la plate-forme
de la Numidie, le « tarif de Zaraï » {CIL VIII, 18643), continentale en bordure du domaine plissé atlasique,
mentionne les éponges parmi d'autres marchandises ainsi que la rareté relative des sites bien abrités contre
- comme le garum et les tissus de pourpre - taxées les vents dominants de nord-ouest expliquent que
au passage de l'octroi et pouvant provenir aussi de cette pêche, somme toute assez rudimentaire, n'était
la Petite Syrte. guère possible sinon localement, à l'abri des promon-
toires de la côte ou bien aux débouchés des cours l'étude (Picard et al. 1911 , p. 23), sur le pavement
d'eau, comme l'indique assez clairement l'exemple de complet, il devait y en avoir plus de deux cents. Le
l'oued Zaouara. désir de voir figurer un tel décor dans une salle à
En revanche, à l'extrémité du Maghreb, une autre manger (un triclinium) - ce qui est rare - peut
région particulièrement favorisée pour la pêche est la s'expliquer dans le cas précis de Maktar par un souci de
côte atlantique de la Maurétanie tingitane, aux abords prestige et d'ostentation : le poisson était une
du détroit de Gibraltar, là où les migrations de nourriture de luxe, surtout dans une ville éloignée de la mer.
thonidés passant chaque année d'une mer à l'autre, D'une même veine est sans doute ce motif connu par
déterminent des conditions tout à fait exceptionnelles plusieurs exemples, notamment à Sousse, d'un
mises en valeur depuis l'antiquité, aussi bien sur les couffin en sparterie d'où s'échappent, « en jonchée »,
côtes marocaines que sur les côtes ibériques. divers poissons sur un sol lui-même mosaïque.
L'importance des industries dérivées de la pêche y est attestée L'image est bien celle de la richesse du propriétaire
par l'archéologie et, en ce qui concerne les rives étalée au regard du visiteur, à l'instar de l'abondance
ibériques du détroit, par de nombreuses allusions des généreuse de la mer nourricière. Mais dans les cas les
auteurs anciens (Curtis 1991, p. 46). Mais nous plus fréquents, les pavements à décor aquatique
sommes là dans un domaine géographique qui étaient simplement en accord avec la logique
échappait à nos investigations. architecturale, c'est-à-dire avec la destination naturelle des
lieux, qu'il s'agît des fontaines par exemple ou des
bassins d'agrément où l'eau circulait constamment. La
b —Les données iconographiques Maison dite de la Cascade à Utique, avec son décor de
poissons, est la meilleure illustration de ces effets
Un autre registre documentaire est constitué par illusionnistes très appréciés des Romains de l'époque
les mosaïques africaines d'époque romaine s'il est impériale. Il est à mettre en rapport aussi avec ce goût
:
une série très richement représentée en Afrique du pour les viviers dont les riches villae de bord de mer
Nord, tout particulièrement en Tunisie et qu'on peut étaient pourvues. Mais il y a pour expliquer le succès
venir voir dans les collections du Musée du Bardo ou du thème ichtyologique une autre explication : ces
dans celles des Musées de Sousse ou de Sfax, c'est motifs se voient assigner en plus d'une fonction
bien la série des mosaïques dont les motifs sont ornementale rafraîchissante, une fonction prophylactique.
consacrés à la mer, à sa faune, aux navires et aux L'image bien connue du poisson qui écarte le mauvais
scènes de pêche. Elle serait en principe tout à fait de oeil dans le folklore méditerranéen était déjà revêtue
nature à nous renseigner sur les espèces pêchées sur dans l'Afrique antique d'un pouvoir bénéfique
les côtes africaines dans l'antiquité, sur les méthodes d'énergie vivifiante ou de protection contre les
de pêche et peut-être, indirectement, sur la place de influences néfastes voire, dans certains cas, d'une
cette activité dans l'économie antique. En effet, la valeur symbolique surnaturelle. Une des plus belles
faveur de ces thèmes marins et ichtyologiques ne se mosaïques de Sousse, celle de la catacombe
démentira pas pendant les quatre siècles d'activité des d'Hermès, montre que la figuration des poissons
ateliers africains, du IIe au Ve s., et il sera traité non pouvait être bienvenue dans une tombe
seulement dans les ateliers des villes maritimes non-chrétienne (Picard 1977, p. 32).
comme Utique, Acholla, Hadrumète ou Carthage, En ce qui concerne pour notre propos la valeur
mais aussi, quoiqu'un peu plus rarement, dans les documentaire de ces mosaïques, la question
villes de l'intérieur. Les propriétaires terriens tout fondamentale est de savoir dans quelle mesure la faune
autant que les armateurs ou les patrons de pêche se marine qui y est figurée correspond bien à une
plaisaient donc à s'entourer de scènes marines. C'est représentation réaliste des espèces susceptibles d'avoir été
ainsi que la mosaïque ichtyologique de la Maison de capturées sur les côtes africaines et non à des
Vénus à Maktar est le plus grand ouvrage antique représentations conventionnelles élaborées par les ateliers
consacré à la faune marine. Dans la partie conservée africains à partir de modèles italo-hellénistiques ayant
de cette mosaïque, on ne compte pas moins de 152 circulé à travers la Méditerranée. Il est difficile d'y
animaux marins ; d'après G. Ch. -Picard qui en a fait répondre sans une étude comparative approfondie.
Celle-ci a été tentée pour un certain nombre de est question d'une pêche avant tout côtière ou
mosaïques de Tunisie (Besrour 1970, p. 40-51). L'analyse de pratiquée dans des eaux peu profondes.
plusieurs d'entre elles particulièrement Il serait néanmoins opportun de tempérer d'une
représentatives par la richesse de leur faune marine nous servira note de prudence ce qu'il pourrait y avoir d'illusoire
de référence : celle de la Maison de la Cascade à dans des conclusions trop tranchées en faveur d'une
Utique (Alexander 1973, p. 48, 55), celle du décor de observation directe de la réalité locale par les
la fontaine de la Maison du Triomphe de Neptune à mosaïstes. Le problème d'interprétation de ces motifs
Acholla (Gozlan 1975, p. 119) et surtout celle de la marins demeure entier, marqué qu'il est d'une
Maison de Vénus à Mactar (Picard, p. 30-35). Au sujet double forme d'ambiguïté. D'une part, on doit
de cette dernière est suggérée la possibilité d'une constater que les mêmes associations de poissons se
observation directe auprès des étals de poissonniers trouvent effectivement figurées en d'autres lieux de la
ou même en plongée car « la mosaïque de Mactar Méditerranée depuis l'époque grecque et surtout
donne l'impression d'animaux voguant dans leur hellénistique (Delormes et Roux 1987). Ces motifs
élément naturel ». D'après G. Picard, les mosaïstes n'ont-ils finalement pas été choisis par les mosaïstes
auraient été originaires d'une contrée maritime - sans africains dans un répertoire de modèles halieutiques
doute la côte de Byzacène - et ils se seraient conventionnels ? Un tel répertoire s'était constitué
spécialisés dans ce genre de figuration. Dans la grande depuis longtemps et aurait été exploité par les
diversité des espèces représentées, on distingue par artistes d'époque romaine en raison des effets
familles : les sparidés comme le pageau ou la pittoresques qu'ils pouvaient tirer de la diversité
daurade, les serranidés comme le loup, les mugilidés chatoyante et contrastée des formes et des couleurs
comme le mulet, les labridés (girelle) et les sciénidés du monde aquatique. D'autre part, un problème de
(maigre), mais aussi les poissons plats (torpilles) fond subsiste également, plus subtil sans doute, mais
présents à Utique, de même que les anguilles et les difficile à éluder face à une approche par trop
murènes ou autres « poissons aiguilles » figurés à réaliste ou scientifique de la faune marine figurée sur
Hadrumète et Acholla, mais absents des emblemata ces mosaïques. En dépit de leur grand mérite, les
hellénistiques. On note aussi la présence de tentatives d'identification qui ont été pratiquées
mollusques, des poulpes et des sèches surtout, de méduses jusqu'à présent - avec le concours de spécialistes de
et d'oursins ainsi que des crustacés. En revanche, il l'ichtyofaune dont la compétence n'est pas ici en
n'y a pas de squales et de thonidés, ni de dauphins, cause - ont sous-estimé en général le fait que ces
alors que ces derniers sont présents à Thuburbo Majus espèces n'étaient pas perçues par les Anciens à
dans une scène de pêche plus tardive, sur un travers les mêmes catégories que celles de la
pavement de la Maison du Char de Vénus (Ben Abed 1987, zoologie moderne. Les caractères distinctifs utilisés
p. 86) et surtout - pour Sullecthum en particulier - sur dans le classement des espèces ou des familles
les mosaïques des naviculaires d'Ostie (fig. 31). Mais n'étant pas les mêmes que pour nous, il en résulte
il s'agit dans ce dernier cas de figurations qui que la perception même que les Anciens pouvaient
s'inscrivent dans un registre symbolique différent, en rapport avoir de cette faune dans la diversité de ses formes
avec le commerce au long cours. Au contraire, toutes n'est pas superposable, en toute rigueur, à la nôtre
les familles de poissons représentées sur les (Higginbotham 1997, p. 43). Il y aurait sans doute
mosaïques ichtyologiques les plus « peuplées » du répertoire une étude à faire sur ce point particulier d'épistémo-
africain sont caractéristiques des espèces que l'on logie pour échapper aux naïvetés d'un certain
rencontre dans le domaine lagunaire et les zones de naturalisme. Au surplus, on doit convenir qu'en bien des
hauts-fonds du littoral de la Tunisie, ou tout au moins cas, nombre de poissons ou de mollusques
de Méditerranée occidentale. D'une manière représentés sur les mosaïques sont, en fait, difficilement
révélatrice, semble-t-il, les espèces sédentaires, classables ce sont des poissons ou des mollusques
:
« benthiques » ou « démersales », vivant dans les fonds, schématisés, sans qu'on puisse rien dire de plus.
y sont mieux représentées que les poissons de En revanche, sans doute y a t-il plus de réalisme à
passage ou migrateurs, ce qui rejoint ce que nous attendre dans la représentation des scènes de pêche sur
avions souligné à propos des données textuelles où il nombre de mosaïques africaines : entre autres, on
retiendra tout particulièrement la mosaïque déjà Alia (au Sud de Salakta) à la fin du siècle dernier et
signalée du Musée de Sousse (fig. 179 ; Foucher I960, dont trois fragments sont exposés au Musée du Bardo
p. 91). Elle a été découverte dans un hypogée funéraire (fig. 182). C'était à l'origine un grand tableau, dans
païen annexé ultérieurement à la catacombe d'Hermès. l'esprit des « scènes nilotiques » alexandrines et
On y voit rassemblées en un seul tableau quatre décorant, semble-t-il, un oecus. Il représentait en son
barques figurant quatre types de pêche différents : centre une pêche au filet dans une baie - ou peut-être
leurs occupants - deux par barque - manient plutôt une lagune - poissonneuse : un grand filet
respectivement des lignes, des nasses, un filet tracté (senne) et circulaire, senne ou bourgin, est halé vers la berge par
un filet lancé (épervier). Mis à part les poissons des personnages et un attelage de boeufs placés
représentés dans le filet tracté ainsi que celui pris à la ligne, respectivement aux deux extrémités. Autour de ce lac,
les poissons qui remplissent de leur grouillement tout se déroulait un vaste littoral couvert de constructions
le champ de la mosaïque sont hors de proportion avec diverses parmi lesquelles on remarque, dans un décor
les pêcheurs et leurs embarcations. Ils auraient été agreste, des édifices sacrés et une riche propriété
empruntés à un autre prototype, sans souci d'échelle. maritime comme on pouvait en voir en Italie, mais
Une autre mosaïque de Sousse montre, au milieu de comme l'archéologie peut en révéler aussi l'existence
poissons également surdimensionnés et sur la côte du Byzacium. Ici encore, il faudra faire la
soigneusement représentés comme sur une planche d'histoire part des poncifs empruntés au répertoire idyllique en
naturelle, deux scènes de pêche en barque, l'une aux vogue à cette époque (au IIe s. ap. J.-C.) et celle des
nasses, l'autre au harpon. éléments pris dans la réalité locale (Picard 1990, p. 3-
On peut donc répertorier les cinq manières 14). A cette dernière se rattache la végétation figurée
habituelles de pêche : à la ligne, à l'épervier, à la nasse, au qui est africaine, les huttes coniques en roseaux ou
harpon et au filet flottant ou traînant. Elles sont mapalia et surtout, assurément, la technique de pêche
pratiquées sur des barques montées par des pêcheurs en elle-même, traditionnelle sur les côtes basses du Sahel
groupe. Plus rarement, on est au bord de l'eau comme tunisien. L'accent doit être mis sur le fait que cette
sur la mosaïque de Dougga où un pêcheur coiffé de activité est présentée ici dans son cadre
son chapeau de vannerie est calmement assis sur un socio-économique général, qui est celui du grand domaine : la
rocher, tenant d'une main sa ligne et de l'autre une pêche devait figurer en bonne place parmi les sources
épuisette. A la différence des scènes de chasse où l'on de la richesse d'un grand propriétaire privé (Belz
assiste au divertissement d'aristocrates terriens 1978, p. 99-100).
représentés en grand apparat accompagnés de leurs Une autre mosaïque découverte au début du
rabatteurs et de leurs valets, les scènes de pêche - à moins siècle à Sidi Abdallah dans les environs de Bizerte
qu'il ne s'agisse de fantaisies parodiques mettant en retiendra aussi notre attention (fig. 183). Elle nous
scène des amours pêcheurs - montrent des petites gens montre, dans un tableau des plus pittoresques, un
du pays observés avec soin dans les gestes précis de paysage marin où s'ébattent pêcheurs et poissons.
leur activité professionnelle. La pêche est un métier qui L'atmosphère n'est pas sans rappeler celle des lieux-
est saisi, on a tout lieu de le penser, tel qu'il s'exerçait mêmes où Pline le Jeune place son histoire d'amitié
réellement sous les yeux des mosaïstes, le long des singulière d'un dauphin et d'un enfant, au livre IX de
côtes africaines (Besrour 1970, p. 76-104 ; Dunbabin sa Correspondance. On y voit des baigneurs, un
1978, p. 125). Les embarcations, des canots à coque de monstre marin engloutissant un nageur imprudent,
forme arrondie du type « cymba » ou des barques une scène de pêche en barque où quatre personnages
effilées à l'avant en une sorte d'éperon, de type « vigeiia » halent un filet. Sur le rivage à l'arrière plan, on
ou « placida », sont représentées de façon assez réaliste distingue des habitations de pêcheurs ou des fabrica.
pour être identifiables (Foucher 1952, fig. 30-34). Il en Gauckler (1910, p. 301) s'était plu à reconnaître dans
est de même pour les harpons, les filets et les les « découpures caractéristiques du littoral, l'ancienne
instruments de vannerie ou de sparterie utilisés par ces forme du rivage du lac de Bizerte à Sidi Abdallah ».
professionnels de la pêche (Mingaud 1989, pi. 2.9). Au-dessous du tableau, accolée à une bordure
Dans cette revue des scènes de pêche, une place représentant des dauphins, une inscription de six
de choix doit être faite à un pavement découvert à El hexamètres donne en acrostiche le nom du propriétaire des
Fig. 182. Mosaïque d'El Alia pêche à la senne et villa maritima (Musée du Bardo).
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Thermes où se trouvait le pavement : Sidonius, ainsi désormais celles révélées sur le terrain lui-même par
que celui du domaine en question, le Fundus notre prospection systématique du littoral de la
Bassianus, surnommé Baies. Le surnom donné à ce Tunisie.
domaine est très révélateur d'un lieu qui prétendait Parmi les vestiges recensés sur le littoral tunisien,
rivaliser avec un centre de villégiature de Campanie bien peu, il est vrai, se rapportent directement à la
très à la mode dans l'aristocratie romaine. A noter que pêche en tant que telle, car celle-ci pourtant si
Baies était réputée aussi pour les pêcheries et les présente dans le répertoire des mosaïques de Tunisie
parcs à huîtres du Lac Lucrin. Il n'est pas jusqu'au n'a guère pu laisser sur le terrain de traces matérielles,
paysage lui-même du Fundus Bassianus, dominé de ce qui se vérifie aisément au vu des installations très
loin par la silhouette tutélaire de la montagne légères qui, naguère encore, signalaient l'exercice de
d'Ichkeul rappelant si fort celle du Vésuve à l'horizon cette activité le long des côtes du Sahel ou du golfe de
de la Campanie, qui ne puisse expliquer le choix de Gabès. Outre les huttes servant d'abris temporaires
ce surnom, référence voulue à une station célèbre du pendant la saison de la pêche, on remarquait surtout,
monde romain. Au demeurant, la même anecdote remplacées de plus en plus aujourd'hui par les formes
emblématique du dauphin apprivoisé par un enfant de pêche moderne au large et au chalut, les célèbres
qui est représentée sur une autre mosaïque des « pêcheries fixes », madragues ou thonaires de Sidi
thermes de Sidi Abdallah, est évoquée par Pline Daoud ou de Monastir et surtout les cherfias en
l'Ancien (IX, 25-26) à la fois pour le Lac Lucrin et pour palmes fichées dans la vase et qui compartimentent
Hippo Diarrytus, ce qui indique, dans l'esprit de les hauts-fonds de Jerba et des Kerkennah (Louis
l'auteur et du public, une sorte de jumelage 1961, p. 81). On a des raisons de supposer, comme
symbolique entre les deux régions. nous l'avons montré, mais on ne saurait affirmer que
Si l'on admet l'hypothèse lacustre pour le domaine ces techniques traditionnelles étaient déjà pratiquées
représenté sur la mosaïque d'El Alia et que le domaine dans l'antiquité, car seules les nasses d'osier tressées
de Baies peut être identifié avec celui que représente le à claire-voie, les paniers de sparterie et les filets à
pavement de Sidi Abdallah, on se trouverait en grandes mailles apparaissent comme ustensiles dans
présence de deux illustrations remarquables d'une les documents figurés. Quoiqu'il en soit, en attendant
économie domaniale « agro-littorale » intégrant dans que des fouilles nous en apprennent davantage, seuls
leur emprise territoriale une certaine étendue lagunaire les heureux hasards d'une prospection rapide mais
ou lacustre. Ce serait aussi de bons exemples de cette attentive nous ont permis de déceler en quelques
« pisciculture extensive » évoquée en Italie par X. Lafon endroits les vestiges d'établissements dont les
(1992, p. 299) par opposition à la « pisciculture habitants avaient la pêche comme activité principale et de
intensive » dans les viviers artificiels ou piscinae. C'est les distinguer des exploitations rurales situées elles
peut-être d'un tel type de domaine dont il est question aussi parfois en bord de mer. Le plus souvent, le seul
dans les vers de Catulle (114-115, trad. G. Lafaye) et qui indice vraiment probant est la présence de pesons de
était formé à la fois de pacages, de labours et d'étangs filets en terre cuite ou celle d'hameçons de bronze ;
littoraux (Harvey 1979, p. 329-345) : parfois aussi des amas de coquillages associés à des
tessons de poteries et à des petites monnaies dans des
Mentula habet instar triginta iugeraprati vestiges d'habitat assez frustes semblent révéler,
Quadrigenta arvi, cetera sunt maria. comme à l'Henchir Chougaf au Sud de Gabès (fig. 79,
n°
« La verge » a environ trente jugère de prairie, 37), un lieu d'échange possible entre pêcheurs et
quarante de terre cultivée ; le reste équivaut à des oasiens. Enfin, il peut se présenter que des traces
mers. d'activités halieutiques soient associées à des vestiges
d'une grande exploitation agricole de type domanial.
On se trouve alors dans le cas de figure illustré par la
c —Les témoignages archéologiques mosaïque de la pêche à la senne d'El Alia. Un bon
exemple de juxtaposition de deux formes d'habitats
A ces données fournies par les textes anciens ou correspondant respectivement aux activités agricoles
par les mosaïques d'époque romaine, il faut ajouter et halieutiques est fourni par le site d'Henchir bou
Amia (fig. 77, n° 33). La séparation entre les deux Est (exemple : le nuoe-mam des Vietnamiens).
habitats est ici soulignée par l'existence d'une falaise Outre sa valeur alimentaire en raison de sa richesse
morte taillée dans les marnes du Pontien par la Mer en protéine et en sels minéraux, le garum semble
de Rejiche. En contrebas de la falaise, on remarque avoir eu des propriétés thérapeutiques appréciées
d'importants amas de coquilles avec de nombreux par les Anciens.
tessons d'époque romaine (fin me au Ve s.), ainsi que La typologie de ces installations littorales, qu'elles
de petites monnaies de bronze. Ces traces étaient en aient été vouées à la production des salaisons ou des
liaison avec des fonds de cabanes ou de huttes de sauces, est bien connue grâce à des observations
pêcheurs qu'on peut imaginer sur le mode des archéologiques faites depuis une quarantaine
mapalia figurées sur la mosaïque d'El Alia. Au niveau d'années sur les côtes ibériques et maurétaniennes.
supérieur, le site archéologique principal est constitué Au demeurant, les productions d'Espagne étaient des
par les vestiges d'une fortification de l'époque arabe plus réputées dans l'antiquité selon le témoignage des
mais réutilisant elle-même les matériaux d'un centre textes et l'apogée de leurs exportations se situait,
agricole antique étendu. d'après le matériel amphorique retrouvé à Ostie ou
D'autres traces d'établissements du même type se sur les côtes provençales, dans les premiers siècles de
situent dans un environnement littoral lagunaire, l'Empire. Pour s'en tenir aux côtes de l'Afrique du
aujourd'hui répulsif et déserté, mais dont l'occupation Nord antique, sur celles de Maurétanie tingitane (au
dans l'Antiquité tardive ne peut guère s'expliquer Nord du Maroc), on ne compte pas moins d'une
autrement que par l'exploitation des ressources dizaine de sites de salaison qui ont été révélés par
halieutiques de la mer ou des étangs. Les uns se l'archéologie : ce sont les 9 « usines » de Thamusida,
situent en arrière de la dune holocène - entre mer et Lixus, Kouass, Tahadart, Cotta, Sahara, Alcazarsegher,
sebkha - au fond du golfe d'Hammamet (sites n° 124 Sania et Torres. Ces centres sont maintenant bien
à 130), les autres sur la côte orientale du Cap Bon, sur connus grâce aux publications de M. Ponsich et de
la dune holocène du cordon littoral (Oueslati 1993a, M. Tarradell (1965 ; 1988). On peut y ajouter depuis
p. 292). Certains d'entre eux sont reliés à la terre le centre de Ceuta, découvert récemment (Souville
ferme par des chaussées aménagées à l'époque 1993, p. 1856).
romaine à travers les lagunes côtières (sites n° 138- Une seconde série de sites, beaucoup plus spora-
139, 142, 145, 149). On remarque sur tous ces sites de dique, correspond aux points recensés sur les côtes
nombreux tessons d'amphores du Bas Empire, et, au de Maurétanie césarienne et de Numidie. Mais il
milieu des traces de constructions diverses, celles de convient de préciser qu'il n'y a pas encore eu de
cuves de salaison, dont l'identification permet de recension systématique sur l'ensemble des côtes
confirmer et de préciser la vocation de ces algériennes.
établissements littoraux. Sur les côtes orientales du Maghreb, en revanche,
En effet, si la pêche elle-même a laissé fort peu nos connaissances sur ces installations ont beaucoup
de traces archéologiques sur le littoral il n'en est pas progressé depuis plusieurs années. Si jusqu'alors, on
de même pour des activités dérivées d'elle, qu'il pouvait recenser un certain nombre de sites entre
s'agisse du conditionnement du poisson par salaison Bizerte et la Tripolitaine (n° 18 à 35) où des activités
ou d'une industrie plus spécifique qui était associée liées à la pêche devaient exister dans l'antiquité, cette
aux salaisons, celle des sauces ou des pâtes à base information venait beaucoup plus des témoignages
de poisson, appelées selon leur qualité garum, littéraires que des données de l'archéologie. En
liquamen, muria, allée ou hallex (Curtis 1991, Tunisie par exemple, des cuves de salaison ou de
p. 191-196 ; Etienne et Mayet 2002, p. 43-53). Elle garum n'avaient été reconnues et dégagées que sur
consistait à laisser macérer les viscères de poisson deux sites, à Nabeul et à Salakta (Darmon 1967-68,
dans du sel afin d'obtenir par un phénomène d'auto- p. 271 ; Foucher 1970, p. 17-21). Des bassins (en
lyse un produit très relevé dont les Romains étaient réalité des viviers) avaient aussi été signalés dans le
des plus friands et qui s'apparentait fortement à des Cap Bon ; mais l'essentiel venait des allusions des
condiments obtenus de la même manière et géographes anciens aux taricheiai et autres purpurea
consommés actuellement dans toute l'Asie du Sud- du Byzacium et de la Petite Syrte. Depuis la prospec-
tion récente des côtes tunisiennes, près de 40 points d'Hammamet et que nous pourrions avoir interprétées
nouveaux (c'est-à-dire un plus grand nombre de sites à tort comme celles de fours à chaux (sites n° 120-
que ceux signalés auparavant sur l'ensemble des côtes 121).
de l'Afrique du Nord) y ont été recensés par la mise Pour ce qui est des vestiges d'industries
en évidence de vestiges archéologiques, qu'il s'agisse halieutiques sur le littoral de la Tunisie, trois groupes
de cuves de traitement des produits de la mer, de régionaux sont-ils à isoler (cf. carte, fig. 184) :
viviers ou de toutes autres traces comme les dépôts de
murex (fig. 20). Cela donne à ces régions un poids 1 - Un groupe sud, de Tripolitaine occidentale,
relatif tout nouveau qui ne pourrait surprendre si on autour de la Bahiret el Biban et de la Mer de Bou
ignorait l'ensemble des conditions géographiques qui Grara au sud de Jerba. Le site de Mdeina est le plus
favorisent l'économie halieutique le long de cette important et le mieux typé de ces établissements
façade maritime de la Tunisie. (fig. 10, site n° 1) : étendus sur plus de 500 m en
La carte qui résume les résultats de ce travail bordure du littoral à l'extrémité sud-est de la lagune,
(fig. 184) montre en effet une forte concentration des ces vestiges de première grandeur avaient été
activités liées aux ressources de la mer dans quelques interprétées erronément comme des alignements de quais
sections du littoral qui sont aujourd'hui encore les et des « cales sèches » dans les premières descriptions
plus favorables à la pêche côtière, grâce à l'extension du site (Rebillet 1892, p. 126). Un examen des
de la plate-forme continentale sur la côte de Byzacène vestiges apparents sur l'estran et dans la falaise a
au Nord de la Petite Syrte. Ailleurs, comme dans le montré qu'il s'agissait en réalité de substructions de
Cap Bon, c'est la configuration même de la côte qui murs en grand appareil et blocage, dans l'intervalle
crée une situation favorable pour la capture des bancs desquelles se devinaient des batteries de cuves
de poissons sur le trajet de leurs migrations. Enfin, la emportées par l'érosion marine. Au sud de Zarzis et à
proximité de salines {stagna ou salinae) était aussi un l'est de Sidi bou Teffaha (n° 13), on peut reconnaître
facteur très favorable à la présence de ces industries, des restes de cuves aux angles arrondis et
notamment dans les zones de lagunes ou de sebkhas caractéristiques par leur enduit étanche en béton de tuileau. Il
si nombreuses le long du littoral de la Tunisie, de la s'agit vraisemblablement des ruines interprétées jadis
région de Carthage à la Bahiret el Biban celles comme les entrepôts d'huile associés à la légende du
:
d'Utique et de la région de Moknine ont été signalées port ancien de Gergis. A Meninx et à Guellala (sites
par César {Bell. Civ., II 37). Il est au demeurant n° 16 et 21), subsistent également d'importants
instructif de rapprocher les zones du littoral tunisien vestiges en bord de mer qui confirment la réputation
où se trouvaient naguère les meilleures conditions du premier pour ses purpurea, et du second comme
d'exploitation du sel marin, en particulier sur la côte centre de production de céramique, en rapport sans
orientale (Kniss, Madhia, Sidi Salem, Kerkennah, doute, de même que d'autres ateliers visités dans le
Thyna, d'après V Encyclopédie Coloniale et Maritime golfe de Gabès, avec le transport des salaisons.
1942, p. 271-272) avec celle des vestiges d'industries
halieutiques anciennes que nous avons recensées en 2 -Un groupe central de Byzacène entre La Skhirra
Tunisie. A la production des marais salants, il est vrai et Hergla. Il coïncide pour l'essentiel avec les zones
mal connue pour l'antiquité, pouvait s'ajouter de hauts-fonds des Kerkennah et des Curiates
localement celle du « sel de plage » sur laquelle l'attention a signalées dans l'antiquité pour leurs pêcheries et leurs
été attirée récemment pour la Maurétanie tingitane salaisons. On y relève au moins six centres majeurs :
(Hesnard 1998, p. 17-24). Sur le littoral tunisien où les à Onga (Iunci), une usine a été mise au jour et
conditions climatiques et morphologiques sont des démantelée par l'érosion régressive d'un chenal de
plus favorables à l'exploitation en grand des salines marée (fig. 12) et d'autres cuves se devinent sur la
naturelles, la fabrication alternative du sel « ignifère » côte à l'aplomb du borj. A Thyna (Thaenae), tout un
attestée par les auteurs anciens pour des côtes plus complexe industriel où l'on reconnaît des cuves de
septentrionales n'est peut-être pas à exclure salaison a été relevé, entre le rempart et la mer, dans
entièrement si l'on prend en compte les traces de foyers le secteur des salines (fig. 13). A Sidi Mansour au nord
identifiées en plusieurs points sur la plage du golfe de Sfax, un grand ensemble de cuves - doté d'une
La Galite
210
J78
175 a
I87 Sidi Oaoud .157
Ut i que °"U
■ \—(Missua)
9 162
208, 152 Demna
170 CarthageJS-171
r! M / raissa 0 Keiibia
* Argoub el Bania
145i
135 Nabeul
127 bis
Hergla 1L123?
94 Salakta
cuves de salaison
sTm^Caput Vada
usines de salaison
dépôts de murex
viviers 65
68 Sidi Mansour
56 Thy na M/
54
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Li2bis
"-;;iqi
i Medeïna*
5*bV;
100km J Lenne
Fig. 184. Carte des vestiges d'industries halieutiques sur les côtes de Tunisie.
chaufferie - a été découvert au cours d'une fouille la plaine alluviale à l'est de la presqu'île (Chelbi 1995,
(n°
d'urgence (fig. 91, 92). A Borj el H'sar 61), p. 38). On y voit des structures en blocage avec enduit
l'antique Cercina, sur la côte occidentale de la grande étanche, qu'on peut interpréter comme des parois de
Kerkennah, l'érosion de la mer a entaillé cuves de salaison ou bien de citernes. Les cuves d'un
vigoureusement une falaise de plusieurs mètres de hauteur, établissement de première grandeur intégrées à un
faisant apparaître en coupe des structures établissement thermal sont bien visibles à Gammarth
(n° 171, fig. 52). D'autres indices sérieux ont été
comparables à celles qu'on peut voir en plan sur l'estran à
Mdeina (fig. 11) tout un ensemble de citernes ou de recensés au Rass el Mekki (n° 175) ainsi que sur la rive
:
cuves éventrées ou arasées est ainsi visible sur près sud du lac de Bizerte (n° 187, 188 ; fig. 142). Enfin, si
d'un kilomètre de front de mer (fig. 87, 89). Ce pour les raisons que nous avons déjà indiquées, la
quartier industriel s'est appuyé semble-t-il, sur l'ancien côte nord ne paraît pas avoir été favorable à la pêche,
rempart urbain (fig. 88). A Salakta, en revanche, on on doit faire des exceptions pour le site d'Argoub el
peut voir une usine de salaison dont nombre de cuves Bania avec les traces d'installations reconnues à
sont entièrement conservées ; la structure de l'embouchure ancienne de l'oued Zouara et surtout
l'établissement, doté de citernes voûtées et de thermes pour l'île de la Galite (Galata) où des cuves de
luxueux à décor de grotte, peut servir de référence salaison avaient été sommairement aménagées dans la
pour la bonne compréhension de vestiges moins falaise sur la rive sud (fig. 186), la seule accessible
lisibles en d'autres lieux (fig. 181 a et b). Enfin, en front aujourd'hui encore aux pêcheurs de langoustes et de
de mer au nord de la ville d'Hergla, une spectaculaire mendoles.
batterie de citernes éventrées par la mer et au-dessus
desquelles se devinent des témoins de fonds de cuves Les indices archéologiques recueillis sur un certain
semble correspondre également à un centre de nombre de sites ne permettent pas toujours de
salaison de première grandeur (fig. 33). Il faudrait conclure avec certitude à l'existence d'activités
ajouter pour être complet, les indices relevés sur le halieutiques. Aussi ce premier bilan n'est-il que provisoire.
site de Lamta (n° 110) et à la Chebba, près du nadour En attendant des investigations plus précises -
de Khedija (n° 87), où une usine moderne aujourd'hui certaines sont déjà en cours, à Nabeul, à Borj el H'sar
détruite par le recul de la côte témoigne de la ou à Mraïssa par exemple (fig. 185) - l'interprétation
permanence à travers les siècles de la vocation halieutique des vestiges très ténus laissés par l'érosion marine
du Rass Kaboudia (fig. 173). restait d'autant plus difficile que les mêmes structures
en blocage à revêtement étanche de tuileau broyé
3 - Un groupe de Zeugitane, du Cap Bon au golfe {opus signinum) qui sont le signalement principal des
de Tunis au sens large. Au centre déjà connu de cuves de salaison, pouvaient provenir aussi bien de
Nabeul où de nouveaux sondages sont prévus qui constructions sans rapport avec le traitement des
devraient permettre de mieux connaître le matériel produits de la mer, qu'il s'agît de simples citernes
amphorique lié aux salaisons africaines et de préciser rurales par exemple, ou de thermes privés dont
- sur un cas particulier - la chronologie de la étaient pourvues les villae maritimae si nombreuses
production de ces usines, il faut ajouter à présent la série des sur le littoral de la Byzacène. Mais réciproquement,
sites nouveaux découverts sur le cordon littoral entre les descriptions archéologiques de complexes
Korba et Kelibia. Sur la rive ouest du Cap Bon, les industriels aussi bien caractérisés que ceux de Lixus ou de
industries de la pêche étaient comme aujourd'hui très Cotta au Maroc, de Belo ou de Troia au Portugal
actives à Sidi Daoud (n° 162) où l'on peut voir à la fois (Etienne 1994) - ou encore de Salakta (fig. 181 b)
des cuves et des viviers (fig. 130), ainsi qu'à Mraïssa pour rester en Tunisie - montrent à l'évidence que ces
(n° 165), à en juger par les cuves de salaison dégagées installations comportaient à la fois des cuves
par la mer dans la falaise et sur l'estran (fig. 185). Ces accessibles par un plan de travail (donc sans voûte) et des
industries semblent avoir laissé quelques traces à citernes voûtées et qu'elles étaient parfois dotées de
Carthage même sur le côté sud du port circulaire (Ellis thermes luxueux.
1986, p. 15 ; Hurst 1994, p. 97) ainsi qu'à Utique où Ainsi notre méthode a-t-elle consisté à fonder le
un quartier industriel semble avoir existé sur la rive de choix des critères d'identification sur une analyse
comparée rigoureuse des sites de salaison déjà L'exemple de l'« usine » de Nabeul
reconnus comme tels, en Tunisie même, en Mauré- Pour avoir une première idée de l'agencement des
tanie tingitane ou encore dans la péninsule ibérique. bâtiments et de l'organisation des installations de
En règle générale, ces établissements étaient situés en traitement et de leur fonctionnement, nous disposons à
bordure même du rivage, à proximité de salines et présent, en Tunisie même, de l'exemple de l'usine -
l'eau nécessaire à cette industrie impliquait, sur ces ou de la partie d'usine - fouillée à Nabeul en 1995 et
côtes arides, la présence de grandes citernes situées 1996 par l'équipe tuniso-française sous la conduite de
dans la partie la plus basse de la construction. Enfin L. Slim et de M. Bonifay (fig. 187). En attendant
des viviers pouvaient être annexés à l'ensemble, l'achèvement des travaux entrepris sur ce site par
comme on peut le vérifier sur les côtes précédées d'un l'INP de Tunis et sans vouloir anticiper sur un exposé
estran rocheux, à Maamoura par exemple ou à Sidi approfondi de leurs résultats scientifiques qui fera
Daoud comme près d'Alicante en Espagne ou à Cosa l'objet, en temps voulu, d'une publication particulière,
en Italie (Curtis 1991, p. 53 ; Higginbotham 1997, on se bornera aux constatations générales suivantes,
p. H). utiles à la compréhension des autres centres de
Le principal critère qui permet d'identifier ces production.
centres en les distinguant des nombreuses citernes Il apparaît ainsi que, dans son état ultime, l'usine
rurales mises au jour par le recul de la ligne de dont on ne saurait affirmer avoir reconnu les limites,
rivage est le groupement caractéristique des cuves et s'organisait pour la partie déjà fouillée en deux
des citernes et leur mode de construction presque ensembles étages en terrasses. Le terrain affecte en
toujours identique, à quelques détails près. Le effet une pente sensible du nord vers le sud, c'est-à-
principe fondamental, clairement défini à propos des dire vers la mer. La terrasse supérieure comportait un
usines d'Occident par M. Ponsich (1988, p. 106), espace central, sans doute une cour, d'environ 8 x
consistait à assurer la meilleure résistance possible 10 m, entourée sur ses trois côtés nord, est et sud par
de ces cuves ou bassins (cetaria) souvent profonds une galerie, probablement couverte, de 3 m de large.
de 2 m environ, contre la poussée des masses de Cette cour possédait un sol en béton de tuileau et
poissons et de sel. Pour cette raison, le bâti était devait être traversée sur un axe médian par une
renforcé par un coffrage de murs très puissants, construction longue de 5 m et large 1,10 m, dont ne
armés de chaînages en grand appareil ou de piliers subsiste en fait que l'emplacement et qui peut faire
de briques aux angles (à Sidi Mansour, par penser à une table pour la préparation des poissons
exemple). Ailleurs, les cuves étaient directement du même type que celles relevées dans l'usine
creusées dans le sol naturel, comme on peut le voir marocaine de Cotta. Les trois bras de la galerie en U qui
dans la falaise de marnes gypseuses mio-pliocènes entourait la cour étaient pourvus d'un sol en opus
en plusieurs sites du golfe de Gabès (Oueslati figlinum, type de revêtement fréquent, nous l'avons
1993a, p. 330, 375). vu, dans les usines de salaison de la région. Le bras
Les angles intérieurs des bassins étaient toujours est de cette galerie destinée visiblement aux
en arrondi et les arêtes du fond des cuves souvent opérations de salaison proprement dites ouvrait sur une
renforcées par un solin d'étanchéité en quart de rond. baterie de 6 bassins fouillés en 1965 par J.-P. Darmon.
Comme il a été observé en Tingitane, il n'y avait pas Le bras nord, presqu'entièrement occupé par un très
de dispositif d'évacuation au fond des cuves. Les grand bassin (5,70 x 2,40 m), montre à l'ouest de ce
parois en maçonnerie étaient soigneusement enduites dernier des traces d'un remaniement de l'installation
de plusieurs couches de bétons ou mortiers étanches pour y créer un ensemble de petits cuveaux
où se remarque très souvent l'utilisation de matéraux interprétés comme destinés à la préparation du garum. Le
locaux : granulats de plage, coquillles de murex bras sud de la galerie n'est restituable qu'à partir des
recyclées et broyées, enduits de mortier de tuileau en négatifs de murs qui délimitent un espace de même
poussière de terre cuite {opus signinum) ou encore largeur (3 m) que les autres galeries. La terrasse sud
revêtements - très fréquents dans les sites du Cap Bon comprend une grande pièce avec des fondations de
(fig. 185) - en fragments d'amphore posés de chant murets qui pourraient correspondre entre autres, à
(opus figlinum) . des tables de préparation. Un long caniveau ceinture
So
XI
C!o
1)
a;
les deux terrasses, qui conduit les eaux recueillies profondeur (40 cm) supposées être réservées aux
dans la cour jusqu'à un partiteur qui les évacuent vers secondes. Pour accélérer le processus d'autolyse des
la mer, s'il s'agit d'eau de lavage, ou bien vers une viscères de poisson nécessaire à la préparation du
citerne au sud de la terrasse inférieure, s'il s'agit d'eau garum, on pouvait recourir en effet à réchauffement
pluviale. Trois autres citernes étaient situées en naturel de cuves par exposition au soleil et non
périphérie des installations de salaison. nécessairement à l'installation d'une chaufferie. Le
A la limite ouest de ce premier ensemble de traitement du murex pouvait également être intégré à ces
bâtiments a été reconnu un chemin dallé en pente douce unités de production largement polyvalentes : c'est ce
vers la mer et muni d'un égout central. Il s'agit que suggère du moins, la présence de dépôts de ces
probablement d'une rampe d'accès à l'usine, puisqu'elle coquillages sur le site de Mdeina.
dessert notamment la cour centrale et vient buter On en arrive à l'idée que l'organisation du travail
contre l'aile nord de la galerie de la terrasse devait s'inscrire dans un cycle saisonnier où le
supérieure. De l'autre côté de cette rampe d'accès par où conditionnement des produits de la pêche pouvait alterner,
arrivaient les chargements de poissons qui étaient pour une utilisation optimale de la main-d'oeuvre,
traités dans l'usine, un autre ensemble d'installations avec des activités d'une toute autre nature. C'est ce
a été dégagé : il se développait à peu près qu'il est logique de penser dans les cas nombreux où
symétriquement au précédent par rapport à la rampe d'accès. il est très probable que la pêche ne représentait
On y reconnaît trois nouveaux bassins de salaison, qu'une branche artisanale annexe dans l'activité rurale
deux citernes, peut-être une cour, mais les murs ont d'un grand domaine situé en bord de mer. A vrai dire,
beaucoup souffert de la récupération des pierres au l'industrie des salaison et des sauces de poisson
Moyen Age. On ne peut savoir encore si tous ces relevait sans doute le plus souvent d'une économie
aménagements appartenaient à aune seule et même domaniale ou « domestique » au même titre que l'économie
usine. En revanche, des données chronologiques agricole (Etienne 1994, p. 164). Rien ne distingue
assez précises ont été recueillies quant à sa période alors ces propriétés industrielles des grands domaines
d'activité industrielle. L'usine aurait été construite à la à caractère rural, d'autant que les activités de la pêche
fin du Ier s. ap. J.-C, à l'emplacement d'habitats et celles de l'agriculture pouvaient être associées
puniques qui avaient subi une destruction au milieu du comme le souligne l'ambiance d'économie mixte
IIe s. av. J.-C. La zone située à l'est de la rampe, aurait « agro-littorale » de la mosaïque d'El Alia. Dans son
été abandonnée vers le milieu du IIIe s., la partie principe même, la pêche était dans la dépendance des
occidentale restant occuppée jusqu'à la fin du vne s. ; mais propriétaires de salsamenta, lesquels étaient aussi de
il n'est pas certain que la fonction primitive des grands propriétaires terriens. Il y a donc intégration
bâtiments ait été conservée. des activités halieutiques dans le modèle dominant
antique de l'économie domaniale. Paradoxalement,
Si l'on veut caractériser à présent, à partir de au lieu d'être, comme souvent de nos jours une
l'ensemble des vestiges reconnus depuis dix ans sur branche d'activité autonome, restée souvent au stade
les côtes de Tunisie, la structure et le fonctionnement de la production vivrière artisanale, sous le contrôle
de ces industries halieutiques, sous le double point de de patrons pêcheurs propriétaires de leurs moyens de
vue de leur mode de production et de leur insertion production, la pêche côtière en Afrique appartenait au
dans les circuits de l'économie antique, on pourra s'en contraire, à l'époque romaine, aux activités pour
tenir aux conclusions déjà présentées à ce sujet lesquelles il n'est pas anachronique de parler
(Trousset 1990, p. 331 ; Paskoff et al. 1991, p. 535- d'intégration verticale, de type industriel et plus encore
546 ; Ben Lazreg étal. 1993). Le premier point est qu'il commercial. Devant gérer, compte tenu du caractère
faut exclure pour ces usines toute forme de saisonnier des prises, d'importants surplus de produits
spécialisation étroite de leur production : le même hautement périssables, la pêche était subordonnée
établissement pouvait fournir à la fois des salaisons et des par nature, à la nécessité de valoriser sur place cette
sauces, comme le montre l'exemple de Nabeul où production, en raison même de l'impossibilité d'en
sont juxtaposées de grandes cuves profondes (2 m) assurer l'écoulement comme aujourd'hui par des
pour les premières et des petites cuves de faible transports rapides vers les lieux de consommation. De
la sorte, la pêche surtout celle des espèces migratrices On doit également rester prudent aussi longtemps
comme les thons, répondait pour l'essentiel à des que les analyses des traces de denrées transportées
besoins de consommation différée par l'intermédiaire dans les amphores trouvées aux lieux d'arrivée
d'une conservation en saumure. Elle devait, en effet, n'auront pas donné des résultats plus probants (Ben
s'intégrer en aval à des activités de conservation et de Lazreg et Bonifay 1993). Toute une recherche est
traitement assurées - faute de moyen de réfrigération donc en cours afin d'établir sur des bases plus sûres
- dans des usines de salaison ou de garum. la nature de leur contenu (vin, huile ou salaisons).
Un dernier point, qu'on peut éclairer grâce à Avant tout, nous espérons que grâce à l'intérêt
l'étude des amphores est la commercialisation des suscité par cette prospection extensive sur les côtes de
produits dérivés de la pêche. Garum et autres salsa- Y Africa et à la lumière des premiers résultats de
menta étaient par excellence des produits l'opération de fouille engagée sur le site de Nabeul,
d'exportation. Plus encore que du propriétaire des usines, tout des recherches approfondies de même type seront
dépendait des negotiatores qui dans les principaux multipliées à l'avenir par les équipes tunisiennes sur
ports de Tripolitaine ou de Byzacène, organisaient d'autres sites majeurs du littoral du pays afin de mieux
l'acheminement des salaisons et sauces de poisson cerner par des sondages nouveaux la chronologie de
vers des entrepôts et au-delà vers les centres de l'activité de ces industries dérivées de la pêche ainsi
consommation de l'Empire. Plutôt qu'à un capitalisme que la nature des espèces qui y étaient traitées.
industriel, on aurait à faire à un capitalisme marchand Après avoir par le biais de cette enquête
(Etienne 1994, p. 165). géoarchéologique des côtes de la Tunisie révélé tout un aspect
On savait déjà que jusqu'au IIIe s., les produits de mal connu de l'économie antique, il resterait à en
l'Espagne et, avec eux, ceux de Maurétanie tingitane préciser l'évolution historique et de tenter de mieux
avaient exercé une véritable hégémonie sur les cerner le poids relatif de la zone concernée dans le
marchés méditerranéens, ravitaillant en particulier le commerce méditerranéen de ces produits de la mer.
« ventre » de Rome. Après avoir examiné le matériel
sur les sites du littoral de la Tunisie et dans les dépôts
d'amphores des côtes de Gaule méridionale - à Bibliographie
Marseille ou à Port Vendres par exemple - on peut se
demander si, dans une certaine mesure, la relève des Alaoui Bejaoui (N.), 1995, La pêche à la « cherfia » à
productions de Bétique n'a pas été prise par ceux de Kerkennah : importance et originalité d'une
YAfrica après une période où les deux zones auraient technique de pêche ancestrale, dans La pêche côtière
été en concurrence : l'Afrique Proconsulaire ayant en Tunisie et en Méditerranée, Tunis, Cah. du
imposé sa production - à Rome également - aux CERES, sér. géograph. 10, p. 155-171.
dépens des denrées « gaditaines », qui perdirent alors Abdessalem (F.), 1995, La pêche côtière dans la région
leur prépondérance. Toujours est-il que le matériel nord de la Tunisie, dans La pêche côtière en
trouvé sur les sites côtiers de Tunisie est très Tunisie, Tunis, Cah. du CERES, sér. géograph. 10,
majoritairement daté de la période allant du me au VIe s. et p. 173-202.
même au VIIe s. Alexander (M.) et Ennaifer (M.), 1973, Corpus des
Mais il faut se garder à partir de ce constat, de Mosaïques de Tunisie, l (Utique), Tunis.
porter des conclusions définitives. C'est ce que Arcelin (P.), 1986, Activités maritimes des sociétés
montre bien l'exemple de Nabeul, le seul qui ait fait à protohistoriques du Midi de la Gaule, dans
ce jour l'objet d'une fouille d'une partie des L'exploitation de la mer de l'antiquité à nos jours,
installations de salaison, avec analyse systématique du lî, La mer, moyen d'échanges et de
matériel recueilli dans les cuves. Cette enquête non encore communication, Vie Rencontres Internationales d'Archéologie
publiée révèle, en effet, une activité qui s'inscrit dans et d'Histoire d'Antibes (oct. 1985), Valbonne,
une période bien définie allant du premier au me s. de p. 11-29.
notre ère, ce qui est donc très éloigné de ce que nous Bejaoui (F.), 1992-93, Nouvelles découvertes.
étions incités à conclure au simple vu de la céramique Thermes et cuve baptismale à Sidi Abdallah Ben
de surface ramassée sur l'ensemble des autres sites. Saïdane, Africa, XI-XII, p. 14-18.
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:
177 - Ain Demna, 197 Argoub el Bania : site n 208, 216-220
178 - Raf-Raf - Dar el Khadar, 197-198 Bir ech Choukaf : site n° 131, 166
179 - Sounine, 198 Bir Flaguess - TRAPSA : site n° 43, 115-116
180 - Ras Jebel - El Hadouba, 198 Bir Ouled Mohammed : site n° 6, 95
181 - Safi, 198-200 Bir Slama est : site n° 28, 107
182 - Rass ez Zebib, 200-201 Bir Tajerjimet site n° 27, 106
:
183 - Ain el Merja, 201-202 Bit el Assa site n° 133, 167
:
184 - R'mel, 202 Borj el Assa el Jiriba : site n° 125, 163
185 - Henchir Chaara, 202 Borj el Hassar : site n° 6l, 126-128, 239
186 - Ain bou Thouir, 202-204 Borj el Medfoun : site n° 124, 163
187 - Pointe el Ouali, 204-205 Borj el Mzaouak site n° 91, 144
:
188 - Gouraya, 205-206 Borj Guelib el Mdaoueur site n° 160, 184
:
189 - Henchir Rara, 206-207 Bou Kesra : site n° 127, 164
189 bis - Jebel Nador, 207 Cap Gammarth : site n° 171 bis, 194-195
190 - Oued ed Damous, 207 Carthage : site n" 170, 193, 251-252
190 bis - Henchir es Sahel I, 208 Cheikh Yaya site n° 20, 101
Chott Meryem : site n° 118, 158-159
:
191 - Henchir es Sahel II, 208
192 - Henchir es Sahel III, 208 Cote 12 - Henchir Lebna : site n° 145, 98
193 - Henchir es Sahel IV, 208 Cote 14 site n° 126, 163
:
194 - Henchir es Sahel V, 208-209 Cote 28 - Seba Argoud : site n° 143, 174
195 - Dar Chraiba (Dar Hassaina), 209 Dar Chraiba (Dar Hassaina) site n° 195, 209
:
196 - Rass Ghirane (Rass ben Sekka), 209 Dar el Kbira : site n° 142, 174
197 - Rass Enghela - cote 1, 209-210 Degla : site n" 164, 187-188
198 - Rass Enghela est, 210 Demna site n° 151, 177-178
:
199 - Rass Enghela ouest, 210 Douira nord : site n° 99, 150
200 - Khechad - cote 9, 210-211 Douira sud : site n° 98, 149-150
201 - Vigie Rass el Koran est, 211 Dzirat el Bessila : site n° 52, 119-120
202 - Vigie Rass el Koran, 211 Dzirat el Hajar : site n° 51, 119
203 - Rass el Koran, 211-212 Dzirat el Laboua : site n° 50, 119
203 bis - Sidi Béchir, 212 Ech Chott : site n 106, 153
204 - Marsa Douiba, 212-214 El Abassia : site n° 62, 128
205 - Sidi Gherib, 214-215 El Alia - Sebkha Njila : site n° 90, 144
206 - Sidi Mechrig, 215 El Aouabed - Koudiat Jaber : site n° 70, 133-134
207 - Oum en Nouai, 215-216 El Assa - cote 9 : site n° 167, 191
208 - Argoub el Bania, 216-220 El Assa est site n° 166, 190-191
:
B - CLASSEMENT ALPHABÉTIQUE
El Haouaria site n° 158, 183
:
Ain bou Thouir site n" 186, 202-204 El Jaziret el Rharbia : site n° 49, 118
El Kantara site n" 16, 99-100
:
:
Enf er Rkik est site n° 66, 130
: Hergla centre : site n° 122, l60-l6l
Enf er Rkik ouest site n° 67, 130
n° : Hergla nord : site n° 123, 162-163
Ersifet : site 22, 102-103
Es Seguia nord site n° 153, 181 Hergla sud : site n° 121, l60
:
:
Kelibia : site n° 150, 177
Gasser Saad - Sebka Lebna : site n° 144, 174 Kerkouane site n° 154, 181-182
:
Ghar el Dheba : site n° 93, 145 Khechad - cote 9 : site n° 200, 159-160
Gouraya : site n° 188, 205-206 Khlij - Ksir el Rhalem : site n° 138, 170-171
Gourine est : site n° 32, 108 Ksar en Nouba : site n° 72, 134-135
Grande Kuriate : site n° 114, 156-157 La Galite - L'Escueil de Paque site n° 210, 220-221
n° n°
:
Gremdi site 63, 128-129 La Louata : site 80, 137-138
:
:
La Louza II nord : site n° 78, 137
Halk el Mujjen sud : site n° 119, 159 Laflala (Hir Roumia ou Fastaqia) : site n° 31, 107-108
Henchir Adame : site n° 40, 112-113 Lalla Hadria (ou Tobkhana) : site n° 18, 101
Henchir bou Amia : site n° 33, 108-109 Lalla Meriem : site n° 15, 99
Henchir bou Gornine site n° 5, 94-95 Lamta : site n° 110, 154-155
:
Henchir ech Cheggaf - Sidi Mansour : site n° 68, 130- Marsa ben Ramdan : site n° 168, 191-192
133 Marsa Douiba : site n° 204, 212-214
Henchir el Abid : site n° 12, 98 Marsa Melloulèche site n° 84, 139
Henchir el Flouss : site n° 73, 135
:
:
:
Port Soukrine est : site n° 108, 153 Sidi Abdallah el Merrakchi site n° 88, 141-143
n°
:
Pupput : site n° 132, 167 Sidi Ali Moujehed nord : site 148, 176
R'mel site n° 184, 202 Sidi Ali Moujehed sud : site n° 147, 175-176
:
Raf-Raf - Dar el Khadar site n° 178, 197-198 Sidi Ameur bou Chouika : site n° 136, 169
Sidi Béchir : site n° 203 bis, 212
:
Raouad site n° 172, 195
n°
:
Ras el Ain : site 107, 153 Sidi ben Ghayada site n° 101, 150
:
Ras et Tarf : site n 175, 196-197 Sidi bou Teffaha site n° 13, 98-99
:
Ras Jebel - El Hadouba : site n° 180, 198 Sidi Daoud - Carrières : site n° 163, 187
Rass bou Nouma site n° 64, 129 Sidi Daoud - Corps de garde site n° l6l, 184
Rass bou Tria : site n° 81, 138
:
:
Sidi Daoud - Djilia : site n° 161 bis, 184-185
Rass ed Derek - Oued er Rega site n 157, 182-183 Sidi Daoud - Misua : site n° 162, 185-187
n°
:
Rass el Berghout est : site 60, 126 Sidi el Khafi : site n° 74, 136
Rass el Berghout ouest : site n° 59, 125 Sidi el Mehersi : site n° 134, 167-169
Rass el Ferchatt site n° 46, 117 Sidi Garous site n° 17, 101
Rass el Koran site n° 203, 211-212
:
:
Sidi Gherib site n° 205, 214-215
:
:
Rass Enghela - cote 1 : site n° 197, 209-210 Sidi Mansour site n° 113, 156
Sidi Mechrig : site n° 206, 215
:
Rass Enghela est site n° 198, 210
n°
:
Rass Enghela ouest : site 199, 210 Sidi Mezara nord : site n° 76, 136
Rass ez Zebib : site n° 182, 200-201 Sidi Mezara sud site n° 75, 136
Rass Ghirane (Rass ben Sekka) : site n° 196, 209 :
Sidi Mohammed Chaouch : site n° 8, 95-96
Rass Jezira : site n° 85, 139-140 Sidi Mosba - Dar ben Slimane site n° 140, 173
Sidi Othmane : site n° 14 1, 173-174
:
Rass Salakta : site n° 95, 147
Rass Segala : site n 23, 103-105 Sidi Raïs : site n° 169, 192-193
Rass Zarba site n° 7, 95 n°
Sidi Saad : site 79, 137
:
Rjel ech Chouggaf : site n° 58, 125 Tabarka site n" 209, 220
Safi : site n° 181, 198-200
:
Sayada est : site n° 109, 152 Tour Khedija site n° 87, 140-141
Sebkha Ariana : site n° 173, 195 Utique site n° 174, 68-69, 195-196
:
:
Sebkha Sidi Khalifa : site n° 127 bis, 164 Vigie Rass el Koran site n° 202, 211
Vigie Rass el Koran est : site n° 201, 211
:
Fig.
Fig. 9.8.7.6.5.4.3.2.30.
1.43.
10.
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29. 16.Jetée
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40.
41.
42.Carte
Côte
Vestiges
LeVestiges
Littoral
L'entrée
Pêcheries
El
Quartier
Le
L'oued
Dzirat
Dépôt
Carte
La
Citerne
Plage
Carrière
Emplacement
Grand
Batterie
Les
Viviers
«Murs
Cuves
L'usine
Carte
La
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Grotte
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côte
Rass
port
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étapes
des
falaise
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au
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Laboua
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îles
Murex
sites
salaison
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antique
des
du
(site
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fond
Merromain
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{zroub)
de
Rass
Kerkennah
Demna
falaise,
elthermes
comblement
littoral
d'une
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des
littoraux
de
n°l)
de
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détruite
la
dans
àMelah
trunculus
les
des
H'sar
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Mahdia
Sidi
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golfe
Gightis
Borj
près
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sur
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dans
Rass
Salakta
àde
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sur
du
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Thaenae
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Neapolis
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du
dans
golfe
Meninx
au
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de
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la
sud
entre
des
les
par
Mer
chenal
n°122)
Mekki
H'sar
:et
(Bou
Rass
sebkha
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milieu)
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nord
{Gumrni,
Tunis
(site
Sahel
du
gypseuses
vue
de
maison
hauts-fonds
du
Meninx
naviculaires
l'usine
de
l'archipel
l'érosion
ancienne
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Gabès
de
(Thina,
mer
carte
delta
(Medina
Onga
nord-est
dans
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Grara,
La
litus
Kseub,
n°94)
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(site
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des
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Salakta
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Ptolémée
site
l'archipel
du
d'Hergla
Guedima,
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n°102)
nord
Rhaleb
13)
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côte
àn°48)
n°56)
Kerkennah
n°25)
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(site
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Cap
n°151
Sullecthum
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l'île
Bon
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site
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enn°42)
Ghar
nord
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n°l6)
la1979
(site
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des
Rejiche
(site
Htouba
dans
site
presqu'île
fosse
Ghadamsi
de
Kneiss
elvue
n°123)
n°23)
àn°54)
(site
l'antiquité
Melh
Madhia
Ostie
(site
du(site
(site
n°105)
(n°50)
site
den°91)
n°89)
àn°139)
Jorf
Monastir
d'Oued
(Henchir
er(site
RegaChelakhi,
noll6)
(n°157) site n°29) 26
27
28
16
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30
31
32
33
34
40
35
38
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CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Sauf mention contraire, toutes les illustrations sont des auteurs.