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Études d'antiquités africaines

Le littoral de la Tunisie. Etude géoarchéologique et historique


Hédi Slim, Pol Trousset, Roland Paskoff, Ameur Oueslati, Michel Bonifay, Jean
Lenne

Citer ce document / Cite this document :

, et al. Le littoral de la Tunisie. Etude géoarchéologique et historique. Paris : Éditions du Centre National de la
Recherche Scientifique, 2004. pp. 3-308. (Études d'antiquités africaines) ;

https://www.persee.fr/doc/etaf_0768-2352_2004_mon_1_1

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Résumé
Un programme de prospections extensives - à la fois archéologiques et géomorphologiques - a
été réalisé le long des côtes de Tunisie de 1987 à 1997, depuis la frontière libyenne jusqu'à la
frontière algérienne. Il était placé sous le double patronage de l'Institut National du Patrimoine de
Tunis et de la Commission française de Coopération du Ministère des Affaires Étrangères.
L'objectif poursuivi était double : du point de vue des géographes, mise en évidence des
transformations de l'environnement littoral depuis l'antiquité, consécutives au relèvement du
niveau marin et au déplacement de la ligne de rivage ; du point de vue des archéologues,
reconnaissance et étude des vestiges d'installations antiques liées à la mise en valeur des
ressources du littoral et de la mer, principalement les carrières de grès dunaire et surtout les
activités halieutiques.
C'était la première fois qu'une aussi longue section de l'espace côtier était placée ainsi sous les
regards croisés de l'archéologie et de la morphologie. Une telle approche «géoarchéologique»
bénéficie de la complémentarité des points de vue respectifs concernés. Pour la reconnaissance
des paléoenvironnements récents, les géographes font de plus en plus appel aux «marqueurs»
bien datés par les archéologues. En retour, la mise en évidence des modifications du littoral aide à
considérer les données archéologiques et historiques dans un espace en réalité mutant. Dans la
perspective du phénomène planétaire de montée des eaux lié au réchauffement actuel de
l'atmosphère, ce type de recherche pourrait aider à formuler des indications utiles à la gestion des
régions côtières.

Abstract
A programme of extensive archaeological and geomorphological survey has been carried through
by a tuniso-french team all along the coast of Tunisia, between 1987 and 1997. It was placed
under the patronage of both INP of Tunis and the cultural Commission of the french Foreign
Office. The purpose was from a geographical point of view, to give a new appraisal of the
transformations in coastal environment since Antiquity, such as sea-level and shoreline change ;
for the archaeologist, it was to identificate and study the various remains linked with the
ressources of the sea or the coastal areas : quarries in coastal sandstone and, above all, halieutic
activities.
It was the first time a so long section of the seashore was subjected to this kind of cross-
disciplinary research. The benefit of such a « geoarchaeological » approach is the
complementarity of respective points of view : to know the environment of a recent geological past,
geographers are now using markers well dated by the archaeologists. On the other hand,
archaeological and historical data ought to be considered in the view of a presumed changing
space. In the perspective of a global sea-level rise linked with the present warming up of
atmospheric temperature, this sort of research would be useful to give precautionary measures for
the maintenance of coastal areas.
Études d'Antiquités africaines

Le littoral de la Tunisie

ÉTUDE GÉOARCHÉOLOGIQUE ET HISTORIQUE

par
Hédi Sum, Pol Trousset, Roland Paskoff et Ameur Oueslati

avec la collaboration de
Michel BONiFAYet Jean Lenne

CNRS EDITIONS
ÉTUDES D'ANTIQUITÉS AFRICAINES

Fondateurs
J. Lassus, M. Le Glay

Directeur
Catherine Virlouvet

Directeu r-adjoint
Jacques Gascou

Comité d'honneur
Maurice Euzennat, Georges Souville (Président du Comité de Rédaction)

Comité de Rédaction
Maria Giulia Amadasi Guzzo, François Baratte,
Robert Chenorkian (délégué de la section 31), Jehan Desanges, Ginette Di Vita-Evrard,
Jean-Luc Fiches (délégué du Comité de l'archéologie), Michel Fixot,
Claude Lepelley, Xavier Loriot (délégué de la section 32), Louis Maurin,
Patrice Pomey (Directeur du Centre Camille Jullian), Pol Trousset.

Rédaction
Véronique Blanc-Bijon
Illustrations Jean Lenne, Vincent Dumas
:

Centre national de la Recherche scientifique


Revue Antiquités africaines
M.M.S.H. - Centre Camille Jullian
5, rue du Château de l'Horloge - B.P. 647
13094 Aix-en-Provence cedex 2
Tél.: 04 42 52 42 77 - Fax: 04 42 52 43 75
E-mel : [email protected]

En application du Code de la propriété intellectuelle, CNRS ÉDITIONS interdit toute reproduction


intégrale ou partielle du présent ouvrage, sous réserve des exceptions légales.

CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


ISBN: 2-271-06260-8
ISSN: 0768-2352
Sommaire

Avertissement 7

Introduction 9

Première partie : Le milieu littoral et les hommes dans l'Antiquité : Aspects régionaux 13

I - Golfe de Gabès (sites 1 à 87) 15


II - Sahel et Cap Bon (sites 88 à 157) 37
III - Golfe de Tunis et Côte Nord (sites 158 à 210) 59

Deuxième partie : Catalogue des sites 89

Troisième partie : Conclusions 227

I - Les transformations de l'environnement physique littoral depuis l'antiquité 229


1 - Principes généraux 229
A - La position du trait de côte 229
B - Les marqueurs archéologiques 234
2 - Bilan des observations géoarchéologiques 240
A - Variations du niveau de la mer sur les côtes de la Tunisie depuis l'antiquité 240
B - Déplacements de la ligne de rivage 244
C - L'occurrence d'une crise érosive continentale à la fin de l'antiquité 251
II - Les activités littorales et halieutiques 255
1 - Formations quaternaires et carrières littorales antiques 255
A - Les roches des carrières : grès tyrrhéniens et éolianites wtirmiennes 255
B - Les techniques d'extraction 260
2 - La pêche et les industries dérivées 264
A - Les conditions de l'activité halieutique : lieux et techniques de pêche 264
B - Bilan des données sur l'activité halieutique en Africa 277

Index géographique 299

Table des figures 305


Avertissement

Dans un état premier, la publication devait


regrouper dans un même ouvrage, en complément
d'une synthèse géo-archéologique et de l'inventaire
des sites explorés le long du littoral de la Tunisie, une
analyse du mobilier recueilli au cours de la
prospection sur le terrain de 1987 à 1997. Cette dernière
partie, œuvre d'une équipe d'experts en céramologie
réunie autour de M. Bonifay, fera l'objet d'une
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africaines 38-39, 2002-2003. Il en résulte que dans le
catalogue des sites (deuxième partie du présent
ouvrage), les numéros de figures relatives à la
céramique, placés entre crochets, renvoient à ce même
article. Nous prions les lecteurs de bien vouloir nous
en excuser.

Aix-en-Provence, le 19 septembre 2003

Au cours de l'été 2004, alors que nous corrigions les épreuves de ce présent ouvrage, nous avons eu la grande
tristesse d'apprendre les décès successifs de M. Maurice Euzennat, Membre de l'Institut, et de M. Jean Lenne,
lesquels auront contribué, l'un et l'autre, à la conception et à la réalisation du programme de recherche
sur le Littoral de Tunisie.
En gage de reconnaissance, les auteurs dédient à leur mémoire ce travail collectif.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Introduction

avaient attiré l'attention sur l'importance - en liaison


avec celle de son arrière-pays agricole - de la façade
maritime du Byzacium et de ses activités portuaires. Par
ailleurs, les observations faites par le regretté R. Guéry
sur le port antique de Marseille et par P. Trousset sur
les carrières antiques submergées du Cap Couronne,
celles de M. Bonifay sur les amphores africaines
tardives importées à Marseille, avaient exploré, sur
l'autre rive de la Méditerranée, bien des points de
convergence possibles avec les recherches effectuées
au même moment par leurs collègues archéologues et
géomorphologues en Tunisie.
Une telle rencontre conforme aux orientations
thématiques ainsi qu'à la double vocation
méditerranéenne et africaine de notre équipe de recherche du
CNRS alors dirigée par M. Euzennat, a été approfondie
au fil des années suivantes le long des côtes de la
Tunisie. Dès le départ, elle avait eu pour premier
résultat marquant la réunion à Aix-en-Provence en
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le 1985, sous le double patronage scientifique du CNRS
et de la Commission sur l'Environnement Côtier de
l'Union Géographique Internationale, d'un colloque
sur les déplacements des lignes de rivage en
Méditerranée d'après les résultats de l'archéologie. Le second
résultat de cette coopération a été la mise au point, à
partir de 1987, sous la direction de l'Institut National
du Patrimoine de Tunis, du programme de recherche
pluridisciplinaire dont le présent ouvrage constitue
l'aboutissement.
L'objectif poursuivi était double : du point de vue
des géographes, mise en évidence des
transformations de l'environnement littoral depuis l'antiquité ; du
point de vue des archéologues, reconnaissance et
étude des vestiges d'installations antiques liées à la
mise en valeur des ressources du littoral et de la mer,
principalement les activités halieutiques.
C'était la première fois qu'une aussi longue section
de l'espace côtier était ainsi placée de bout en bout

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


10 Le littoral de la Tunisie

sous les regards croisés de l'archéologie et de la vues prospectives utiles à la gestion des régions
géomorphologie. L'originalité méthodologique de la côtières du pays.
discipline nouvelle accréditée sous le nom de
« géoarchéologie » et née de cette rencontre, réside
précisément dans la complémentarité des points de
vue respectifs concernés pour la reconstitution des
:
paléo-environnements récents, les géographes font de
plus en plus appel aux « marqueurs » bien datés Les campagnes de prospections effectuées dans le
fournis par les archéologues. La nature même de ces cadre de ce projet ont permis de visiter et d'analyser
marqueurs, leur position d'origine par rapport à la un total de 210 sites côtiers qui sont répertoriés (du
mer sont à elles seules des indices de grande valeur Sud-Est au Nord-Ouest) dans un catalogue constituant
sur le tracé ancien du littoral et sur les variations du la seconde partie de l'ouvrage et comportant pour
niveau marin depuis l'antiquité. chacun d'eux une notice descriptive à double
En retour, la connaissance des composante géomorphologique et archéologique suivie d'un
paléo-environnements aide à mieux interpréter les données d'une inventaire du matériel céramique et le cas échéant,
archéologie de plus en plus soucieuse, de son côté, d'une coupe, d'un relevé des ruines et d'une
de prendre en compte la composante géographique bibliographie. Il faudrait y ajouter, en fait, plus de cinquante
des phénomènes qu'elle étudie. C'est particulièrement sites examinés dans la baie d'Utique avec le concours
vrai des espaces côtiers qui sont très labiles par de F. Chelbi et qui ont fait l'objet d'une publication
nature, en raison du dynamisme actif des forces particulière dans la revue Antiquités africaines (31,
- vagues et courants - qui les modèlent. La mise en 1995). Un grand nombre de ces sites étaient inédits ou
évidence de modifications appréciables dans n'avaient été décrits que sommairement dans l'ancien
l'environnement côtier depuis 2000 ans ou plus, nous aide Atlas archéologique de la Tunisie. En revanche, nous
à mieux localiser des sites antiques dont le cadre avons estimé que, dans le souci de produire des
topographique actuel ne correspond plus à celui données vraiment nouvelles, cette prospection
décrit par les textes anciens ; elle aide à considérer les géoarchéologique n'avait pas à prendre en compte certains
données archéologiques et historiques dans un sites urbains d'importance majeure comme Hadru-
espace en réalité mutant. mète ou Carthage qui avaient déjà fait l'objet, depuis
C'est ici que notre recherche intervient peut-être à longtemps, d'études approfondies. Plus
point nommé, plus encore qu'il ne nous était permis généralement, pour des raisons aisées à comprendre, notre
de l'imaginer il y a dix ans : la mise en évidence du enquête sur le terrain a-t-elle dû renoncer à s'exercer
phénomène planétaire de montée du niveau des eaux dans les sections de côtes très urbanisées ou à forte
lié au réchauffement contemporain de l'atmosphère, à concentration touristique, ce qui doit être rappelé
quoi s'ajoute la fréquence accrue des situations de pour éviter de donner l'illusion d'une étude
surcote marine, ont projeté à l'ordre du jour, partout exhaustive du littoral.
dans le monde, les problèmes de sauvegarde de la Les missions annuelles ont été organisées grâce au
frange littorale. A la lumière des données concours actif et aux moyens du Service Culturel
archéologiques recensées sur la ligne du rivage, une Scientifique et de Coopération de l'Ambassade de
connaissance plus précise des modifications survenues France. Elles ont été dirigées sur le terrain
depuis l'antiquité dans l'environnement littoral est de conjointement par Ameur Oueslati et Hédi Slim pour la partie
nature à permettre de mieux appréhender celles qui, tunisienne, Roland Paskoff et Pol Trousset pour la
selon les prévisions les plus raisonnables, se partie française, avec la participation de Gilbert
manifesteront dans un avenir proche. Ainsi, l'élévation Hallier pour les relevés architecturaux de Salakta,
escomptée du niveau marin d'ici la fin du nouveau Nabeul et Hergla, de Jean Lenne et André Carrier pour
siècle serait-elle d'un même ordre de grandeur que tous les autres levés de terrain et travaux de
depuis les 2000 ans passés. Tournée au départ vers topographie, en particulier ceux effectués sur les sites majeurs
une interprétation d'événements anciens, physiques de Hergla, Mraïssa, R'mel et Argoub el Bania. Les
et humains, la géoarchéologie autorise à formuler des collègues tunisiens de l'INP, N. Ben Lazreg, A. Drine,

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Introduction 11

F. Chelbi et T. Ghalia, ont, chacun pour le secteur agréable de penser que celle-ci avait pu intervenir
géographique dont il avait la responsabilité, coopéré opportunément pour susciter un véritable effet
aux travaux de terrain. Lors de la mission de 1997, d'entraînement chez nos collègues de l'INP ou de
nous avons bénéficié du concours de Barbara Mauz l'Université, à en juger par les nombreuses recherches
de l'Université de Cologne pour préciser la datation effectuées par eux dans le cadre du projet lui-même
des grès dunaires du Quaternaire exploités dans les ou depuis lors, sur différents secteurs du littoral
carrières antiques le long du littoral. Plus récemment, tunisien. Il en est ainsi, en ce qui concerne le Golfe de
à la demande des autorités tunisiennes, des Gabès, pour les travaux de A. Drine, J. Akkari-
recherches et relevés complémentaires ont été effectués par Weriemmi, N. Jeddi et, dernièrement, ceux de
Michel Pasqualini et Jean Piton sur plusieurs sites du A. Mrabet dans le cadre de la Carte archéologique de
Sahel et du Cap Bon. la Tunisie. Aux îles Kerkennah, dans le Cap Bon, le
Quant à la céramique et autres mobiliers recueillis golfe de Tunis et sur la côte nord de la Tunisie, les
sur les différents sites, leur étude avait été confiée prospections récentes de F. Chelbi, de T. Ghalia et de
d'abord à Roger Guéry. L'essentiel des inventaires et S. Ben Baaziz ont largement contribué à enrichir notre
analyses a été assuré ultérieurement par Michel inventaire des sites. Que tous ces chercheurs qui nous
Bonifay qui a su réunir autour de lui toute une équipe ont généreusement communiqué jusqu'aux derniers
de spécialistes pour les différentes catégories de moments les résultats souvent encore inédits de leurs
matériel : Thierry Martin pour la céramique gauloise et travaux soient ici vivement remerciés.
hispanique, Lucy Vallauri pour la céramique Parmi ces dernières recherches, on ne manquera
médiévale, Maurice Picon et Claudio Capelli pour les pas de mentionner celles de l'équipe tuniso-française
analyses en laboratoire. Que tous soient vivement conduites par L. Slim et M. Bonifay sur le site de
remerciés pour leur participation à cette entreprise l'usine antique de salaisons de Nabeul. Cette étude
collective. particulière consacrée à un de nos sites de référence
de la côte tunisienne apparaît bien comme
Une dette toute particulière est à mettre au crédit l'aboutissement logique d'une recherche conjointe sur
de Véronique Blanc-Bijon, secrétaire de rédaction de l'évolution de l'environnement et sur les vestiges
la revue Antiquités africaines au Centre Camille archéologiques du littoral. Un programme cohérent
Jullian. C'est grâce à sa haute compétence en matière de sauvegarde et de mise en valeur d'un patrimoine
de publications et à son immense dévouement, que, côtier spécifique menacé selon les cas ou à la fois par
dans la phase si difficile des ultimes corrections et l'urbanisation et par l'action des agents naturels est
mises au point, la présentation de cet ouvrage auprès désormais envisageable de la même façon sur d'autres
de CNRS Editions aura pu être menée à bien. Au talent points des 1300 km de développement de la double
de Vincent Dumas sont dues les cartes régionales qui façade maritime de la Tunisie.
illustrent la première partie du texte : qu'il soit aussi Pour finir, nos remerciements iront de pair aux
remercié pour cette contribution de dernière heure à responsables des Services Culturels de l'Ambassade
l'œuvre commune. de France et aux Directeurs successifs de l'Institut
En attendant la parution, plus tardive que nous National du Patrimoine de Tunis : M. M'hamed
l'aurions souhaitée, du bilan final de ces travaux, une Fantar, Mme Mounira Harbi-Riahi, MM. Abdelaziz
douzaine de publications diverses qu'on retrouvera Daoulatli et Boubaker Ben Fraj. En nous faisant
dans les bibliographies thématiques annexées aux bénéficier de leur indéfectible appui, ils ont su nous faire
chapitres correspondants du livre, avaient déjà permis comprendre qu'ils avaient confiance en la validité de
aux spécialistes de nos disciplines respectives d'avoir notre entreprise.
une idée partielle des résultats les plus marquants de
la présente enquête. Il nous est, au demeurant, P. Trousset

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Première partie

le milieu littoral et les hommes

dans l'Antiquité :

aspects régionaux

par Pol Trousset


I - Le golfe de Gabès (sites n° 1 à 87)

La première section du littoral de la Tunisie dont de la Syrte (Thaenae) ; en face de Meninx, la


nous présentons ci-après l'analyse (sites 1 à 87), presqu'île de Zarzis. Mais on peut, en s'appuyant sur
correspond à une unité géographique qui est prise d'autres textes, en élargir le cadre jusqu'aux limites
dans son sens large, en l'étendant au Sud jusqu'à la extrêmes du golfe de Gabès actuel : à l'Ouest, dans
frontière tuniso-libyenne (Rass Ajdir) et au Nord les parages de Cercina, Ptolémée connaît un Cap
jusqu'à la Chebba où une inflexion majeure du tracé Brachodes (IV, 3, 2) où commence bien la zone dite
de la côte est marquée par le Rass Kaboudia qui est la des « Hauts-Fonds » (Caput Vada, aujourd'hui Rass
pointe la plus saillante de la Tunisie vers l'Est (fig. 1). Kaboudia) en raison d'une des caractéristiques
A l'espace côtier ainsi défini, celui du golfe de reconnues du golfe de Gabès d'aujourd'hui comme de la
Gabès actuel, correspond ce que les auteurs anciens Petite Syrte des Anciens. A l'Est du Rass Ajdir, on
désignaient conjointement sous les noms de « Petite pourrait, sans se mettre dans son tort, étendre celle-ci,
Syrte » et de « région des emporta ». par delà la Bahiret el Biban, jusqu'à Sabratha, qui
Le premier terme renvoie à une réalité littorale « touche à la Petite Syrte » (contigens Syrtim Minorent)
dont les particularités naturelles et historiques ont été selon Pline (V, 26), mais où commence aussi pour le
fortement ressenties par les Anciens au point de même auteur, l'« intervalle » entre la Petite et la
susciter dans leur imaginaire géographique une Grande Syrte (V, 27).
représentation restée chargée, jusqu'à nous, d'une sorte de Dans ce cadre géographique ainsi circonscrit,
valeur d'emblème c'est le « rivage des Syrtes », l'évocation de la Petite Syrte reste marquée, chez la
:

archétype à la fois d'une lisière critique entre la terre et la plupart des auteurs, de connotations ambivalentes et
mer et d'un horizon géopolitique d'affrontements souvent négatives (Rougé 1966, p. 36 ; Mastino 1990,
potentiels (Lacoste 1987, p. 8-37). Chez le poète p. 18-19). Celles-ci peuvent trouver leur origine dans
Lucain, héritier lui-même d'une longue tradition, le monopole jaloux exercé sur ces rivages par ceux
l'espace des Syrtes où César poursuit Pompée de qui en avaient eu les premiers la maîtrise : les
Y Africa jusqu'en Egypte est ainsi défini comme une navigateurs et conquérants puniques. Du voile de mystère
frontière incertaine entre le domaine maritime et le qui avait été jeté sur ces lieux, la géographie grecque
domaine terrestre (Pharsale, IX, 303-304) s'était faite, malgré elle, l'interprète, suivie en cela
:

d'une partie de sa postérité latine. Elle a fini par


Syrtes uel primant mundo natura figuram
cautionner la réputation d'une côte répulsive et
cum daret, in dubiopelagi terraeque reliquit.
dangereuse en enregistrant, jusqu'à les mettre en
Les Syrtes, alors que la nature donnait au monde
exergue, les singularités géographiques qui étaient
sa première forme,
propres à décourager les entreprises maritimes
semblent avoir été laissées par elle indécises entre
concurrentes de celles de Carthage. Il s'agit en
la terre et la mer.
l'occurrence de la présence conjuguée de hauts-fonds et
Au sens le plus strict qui est celui d'une tradition d'une marée à vrai dire exceptionnelle en
géographique remontant à Eratosthène (Desanges Méditerranée. Hérodote (IV, 179-180), sans nommer la Petite
1980, p. 430-434) et que suivent Strabon (XVII, 3), Syrte, fait s'y échouer l'expédition des Argonautes, au
Pline (V, 41) et Mela (II, 105), la Petite Syrte se limite pays des Lotophages, sur des rives lointaines non
à l'espace compris entre la grande Kerkennah balisées par les marins grecs et qui sont à replacer dans
{Cercina) et Jerba (Meninx), ou plus précisément le golfe de Gabès ou dans ses annexes (sans doute la
entre les promontoires qui font face respectivement à Mer de Bou Grara). Sur ces mêmes côtes, dans les
ces deux îles en face de Cercina, le Rass Thyna où hauts-fonds qui entourent Jerba, Polybe rapporte une
:

se situe, en venant du Nord, le premier des emporia mésaventure semblable survenue, pendant la

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


16 Aspects régionaux

Fig. 1. Carte des sites côtiers du golfe de Gabès.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 17

première guerre punique, à la flotte romaine de Cn. p. 193-204). Du côté mer, elle est bordée par une
Servilius Caepio et C. Sempronius Blaesus (I, 39). zone de hauts-fonds, très développée au Nord autour
Salluste qui connaissait bien le pays pour y avoir des îles Kerkennah (l'isobathe -10 m se trouve par
exercé les fonctions de proconsul, insiste de son côté endroits à 65 km du rivage) et au Sud autour de Jerba,
sur la configuration changeante des lieux, au hasard très envasée autour du banc des Kneiss (fig. 1). Elle
des tempêtes dont les vagues « entraînent de la vase, est affectée par les marées qui ont une amplitude
du sable et même d'immenses rochers » limum hare- moyenne de 0,80 m à 1 m. Vers le fond du golfe elle

:
namque et saxa ingentia fluctus trahunt (Jug. 78, 2). peut atteindre 2 m en période de vives-eaux. Mais le
Ceci peut s'appliquer à la rigueur, nous le verrons, à marnage diminue à mesure qu'on s'en éloigne : à Rass
certaines sections de côtes à falaises du golfe de Kaboudia, il n'est plus que de 0,40 m. Ces côtes sont
Gabès. Avec excès et cette fois-ci contre l'évidence, parfois agitées par de violentes tempêtes quand une
l'accent est mis par Pomponius Mela sur l'absence de situation de dépression se crée sur le golfe, encore
port, ou du moins sur le caractère inabordable de que les faibles profondeurs littorales aient pour effet
cette côte, dite « importueuse », compte tenu des d'amortir l'énergie de la houle sur le rivage. Les bancs
difficultés qu'opposent à la navigation, hauts-fonds et à faible pente couverts d'abondants herbiers
marée (I, 35) : protègent efficacement les côtes qu'ils bordent. Des
possibilités d'abri existent d'ailleurs, au Nord dans la baie
...inportuosus atque atrox et ob uadorum frequen-
des Sur-Kenis où elles sont mises à profit par le
tium breuia, magisque etiam ob alternos motus
terminal pétrolier moderne de La Skhirra, au Sud sur
pelagi affluentis ac refluentis infestus.
les bancs qui s'étendent devant l'entrée du canal
Il est dépourvu de ports, mauvais et redoutable à
d'Ajim. Au total, les conditions nautiques sont bien
cause des bancs de ses nombreux hauts-fonds et
meilleures que sur la côte nord : les vents y sont
plus encore à cause du mouvement périodique de
moins violents, la mer rarement très grosse, sauf peut-
la mer.
être en quelques parties au fond du golfe de Gabès.
C'est en des termes très voisins que Pline l'Ancien Aussi, celui-ci est-il loin de mériter la mauvaise
décrit le rivage des deux Syrtes (V, 26) : réputation que les Anciens avaient faite à la Petite Syrte. Ce
qui le rendait redoutable à l'époque, c'était sans doute
Tertius sinus diuidiur in geminos, duarum l'étendue des bancs qui en bordent l'entrée des deux
Syrtium uadoso ac reciproco mari diros
côtés et ensuite la forme circulaire du golfe qui
Le troisième golfe (après ceux d'Hippone et de
expose un navire à voile à faire côte en tirant des
Carthage) se scinde en deux baies que rendent
bordées soit pour y entrer, soit pour en sortir avec des
redoutables les hauts-fonds et les mouvements de vents contraires (Instructions nautiques 1899, p. 50).
la marée dans les deux Syrtes.
La réputation des dangers de la Syrte étant bien Le second terme, celui d'emporia, associé comme
établie, on s'explique mieux que, pour Strabon (XVII, il l'est chez les auteurs anciens, à la mention de la
836), la fréquentation de tels lieux n'ait pu résulter fertilité du sol (Polybe III, 23), met tout au contraire
que de « l'avidité mauvaise des gens du commerce ». l'accent sur le caractère attractif de cette région
Dans cette image conventionnelle et négative des littorale et c'est bien ce paradoxe que soulignait Strabon
caractéristiques nautiques de la Petite Syrte, on en évoquant pourquoi les Syrtes avaient fini par attirer
retiendra - mais en les nuançant quelque peu - les marchands (XVII, 836). L'existence de ports ou
certains des traits géographiques vérifiables du golfe plus exactement de places de commerce, lieux
de Gabès actuel (fig. 2) c'est une côte souvent basse d'entrepôt et de transit auxquels le mot grec (en fait
:

avec néanmoins quelques secteurs de falaises vives, traduit du punique) fait référence, est le signalement
taillées dans des argiles gypseuses rouges d'âge mio- d'une agriculture productrice de surplus exportables.
pliocène (fig. 3). Elle est encadrée à l'intérieur des C'est cette prospérité économique partagée avec le
terres par des plateaux monotones et en bord de mer Byzacium (Byssatis) à laquelle la Petite Syrte succède
par de petites plaines d'épandage, des sebkhas ou des en venant du Nord, qui justifiait effectivement, selon
marais littoraux plus ou moins étendus (Oueslati 1993, l'explication qu'en avait donnée Polybe, l'interdiction

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18 Aspects régionaux

faite aux Romains dans un premier traité signé au économique de première importance que représente
temps de la puissance de Carthage, de naviguer au- le contrôle de ces emporia à l'occasion des guerres
delà du Beau-Promontoire, c'est-à-dire du Cap Bon gétules. C'est du moins ce qui est souligné par la
actuel (Desanges 1990, p. 21-22). Par extension et en politique routière romaine quand, en 14, une voie directe
raison de la richesse commune à toute cette « arrière- est tracée par L. Nonius Asprenas, ex castris hibernis,
cour » de la puissance punique, le mot emporia c'est-à-dire depuis le camp de la Ille Légion Augusta
pouvait inclure la côte du Byzacium et surtout les à Ammaedara (Haïdra), en direction de Tacape, au
trois ports de la future Tripolitaine : Sabratha, Oea et milieu de la façade maritime des emporia.
Lepcis Magna, auxquels il est admis couramment L'implication dans la révolte de Tacfarinas des Cinithii qui
qu'on doive l'appliquer au premier chef. Au occupaient l'arrière-pays immédiat de la Petite Syrte -
demeurant, pour les Anciens déjà, les deux Syrtes formaient entre Tacape et Gigthis- place alors les cités côtières
un ensemble géographique qui autorisait une certaine dans le champ du conflit (Rebuffat 1996, p. 2626).
ambiguïté (Mastino 1990, p. 17 ; Desanges 1995, Mais il n'est plus question par la suite d'opération
p. 356). Mais si l'on veut vraiment restreindre les militaire dans la région du golfe de Gabès. Plus tard, après
emporia aux villes côtières de la Petite Syrte (Rebuffat la réorganisation provinciale de Dioclétien et la
1990, p. 122), une liste minimale en est fournie par création en 303 de la Byzacène et de la Tripolitaine, la
Pline (V, 25) Thaenae (site n° 56 du présent région de la Petite Syrte est partagée entre ces deux
:

catalogue Thyna), Macomades (n° 54 Onga), Aves nouvelles provinces à la hauteur de Tacape, cette
:

(= Benfas, n° 43 La Skhirra Kedima - Bir Flaguess ?), dernière étant en Tripolitaine.


:

Tacape (Gabès) et Sabratha. On peut y ajouter, si l'on


Pendant toute l'époque romaine, la prospérité de
prend en compte les installations portuaires - en fait
d'époque romaine - reconnues dans le golfe de la région ne fait que s'affirmer, surtout à partir du
Gabès, les sites d'Acholla (n° 81 Rass Botria), Haut-Empire où elle stimule elle-même l'essor urbain
et la promotion municipale. Elle est fondée
:

Cercina (n° 6l : Borj el H'sar), Gigthis (n° 25, fig. 4 :


Bou Grara), Meninx (n° 16 El Kantara) et Gergis principalement sur le développement de l'oléiculture en
Byzacène - autour d'Acholla et de Thaenae - ainsi que
:

(Zarzis). D'autres sites, signalés par le Stadiasme (18-


19) sur le littoral de la Petite Syrte : Locres et dans la presqu'île de Zarzis, sur les cultures de jardins
Zeucharis, n'ont pas été identifiés, à moins qu'il ne et les vergers à Jerba, dans l'oasis de Tacape décrite
s'agisse pour cette dernière du centre de Zouchis par Pline l'Ancien (HN, XVII, 188-189), de même sans
(Strabon XVII, 3) qu'on replace à l'entrée ou à doute que dans les autres oasis de moindre
l'intérieur de la Bahiret el Biban (Drine 1992-93, p. 103- importance échelonnées en arrière du littoral : Mareth
115). (Martae), Zarath (Agma sive Fulgurita). Les vestiges
En revanche, des vestiges d'installations portuaires d'installations rurales sont particulièrement nombreux
formées de deux jetées ont été reconnus lors de la dans l'arrière-pays, la plaine de la Jeffara où des
présente enquête, sur la rive orientale de la Mer de formes originales d'irrigation étaient pratiquées dans
Bou Grara, à Rass Segala (n° 23, fig. 5). Ce port les oueds descendant des montagnes, mais les
pourrait être le débouché maritime de la ville de Zitha. pressoirs et citernes trouvés jusque sur la côte suggèrent
Après être tombée, entre les deuxième et qu'une bande de territoire plus ou moins continue
troisième guerres puniques (vers 162-161 av. J.-C), au pouvait y faire l'objet d'une mise en valeur agricole
pouvoir de Massinissa, la région des emporia passe assez soutenue jusqu'au Sud, notamment entre Gabès
finalement sous le contrôle romain après la victoire, à et Zarzis en passant par Gightis (Bou Grara) et Zitha
Thapsus, de César sur Pompée et ses alliés numides. (Zian). Sur la section de route entre Tacapae et Leptis
Elle entre alors dans YAfrica nova dont la limite avec Magna, l'Itinéraire antonin mentionne la Villa Magna
les ultimes possessions de Carthage - la fossa regia - (60, 3) qui produisait du vin et des céréales, située sur
passait près de Thaenae. Puis, elle fait partie de la la rive sud de la Bahiret el Biban (AE 1915, 81 ;
province de l'Afrique proconsulaire administrée Kolendo 1986, p. 150-152). A en juger par les
depuis Carthage. Au début du Ier s. ap. J.-C, le chroniqueurs byzantins et arabes, cette prospérité se serait
pouvoir augustéen est alors très conscient de l'enjeu maintenue jusqu'aux VIe et VIIe s. (Mrabet 1995, p. 129-

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Golfe de Gabès 19

130), ce que confirme dans ses grandes lignes Kaboudia. Au dire de Strabon (XVII, 3,1 6), des
l'analyse du matériel céramique. observatoires y avaient été placés pour guetter la marche
Aux ressources de l'agriculture locale qui des thonidés (thynnoscopeià) . Par ailleurs, la présence
pouvaient expliquer, pour une part, l'importance même d'une plate-forme étendue de hauts-fonds
commerciale des emporta, devait s'ajouter une auxquels les noms antiques du Rass Kaboudia font
fonction de transit et d'échange à plus grand rayon référence (Cap Brachodes ou Caput Vadd) et qui se
d'action résultant de leur situation au débouché des prolongent jusqu'aux bancs des îles Kerkennah et de
pistes sahariennes ou présahariennes qui reliaient au Kneiss, créait les conditions les plus propices au
littoral méditerranéen l'oasis de Ghadamès (Cidamus) pullulement d'une faune marine sédentaire. Les
ou les villes de garnisons échelonnées tout au long du herbiers de caulerpes et de posidonies qui tapissent
« limes » d'Afrique. L'existence d'un tel trafic ces bancs abritent des associations ichtyologiques les
caravanier au long cours à partir de la Petite Syrte nous est plus diverses ; un réseau ramifié de chenaux sous-
révélée, d'après la nature même de certaines denrées marins visités par la marée (les oueds) facilite le
qui y sont consignées pour y être soumises à la taxe, renouvellement des eaux. De nos jours, les pêcheurs
par le célèbre « tarif » de Zaraï (Zraïa), document des Kerkennah sont réputés entre tous pour leurs
douanier (ou fiscal) découvert sur les confins de la pêcheries fixes (cberfia) qui mettent en œuvre un
Numidie et de la Maurétanie césarienne (Darmon savoir-faire ancestral très particulier (Louis 1961,
1964, p. 7-23). p. 81-102 ; Alaoui Béjaoui 1995, p. 155-171). Aussi ne
Ce sont ces mêmes denrées spécifiques de la devrait-on pas s'étonner de voir en ces mêmes lieux,
Petite Syrte - éponges, teintures de pourpre et surtout aujourd'hui encore si marqués par les manifestations
salaisons (taricheiaè) ou produits plus particuliers d'une vie littorale intense et originale, de nombreux
comme le garum - qui devaient attirer notre attention témoins archéologiques - le plus souvent indirects,
sur tout un secteur d'activités pour lesquelles la région nous le verrons - d'une activité ancienne liée aux
était connue dans l'antiquité et dont notre enquête produits de la mer.
permet à présent de souligner la réalité et Pour d'autres sites côtiers, au fond du golfe de
l'importance économique il s'agit des industries liées aux Gabès proprement dit (ou « petit golfe de Gabès »), les
:

ressources de la mer ou du littoral lui-même. On rapports avec les ressources du littoral semblent
n'oubliera pas de rappeler à ce sujet que, pour beaucoup plus ténus, probablement parce que le rivage
Strabon (III, 1, 8 ; 4, 2), ces activités - en l'occurrence présente ici des caractères assez répulsifs pour des
les salaisons - sont de celles qui vont de pair avec la établissements humains : côte à falaise battue par les
fonction même des emporta. L'association des deux vagues comme au Sud de La Skhirra, près du nadour
(n° 42, fig. 6), ou au contraire côte basse
mots indique à l'évidence que c'est parce qu'une cité
ou un peuple possède des usines de salaison qu'ils d'accumulation sablo-vaseuse ou vaso-sableuse à faible pente
jouent le rôle d'un emporion (Etienne 1993, p. 34). Le vers le large, existence par endroits de vasières
cas, flagrant pour une cité ibérique comme Belo où étendues colonisées par une végétation halophile,
l'on voit une place de commerce avec des amplitude de la marée (le marnage moyen est de l'ordre du
établissements de salaison, pourrait l'être tout autant, comme mètre) qui accroît démesurément la largeur des
nous le verrons, pour des centres tels que Cercina, estrans.
Thaenae et Taparura, où la présence de quartiers La valorisation économique des ressources de la
industriels avec des salaisons paraît être associée à mer dans l'antiquité différait donc fortement d'un
celle d'une activité d'entrepôt et de port de secteur à l'autre du littoral. Les conditions d'une
commerce. activité halieutique étaient moins propices au Sud de La
Il faut d'abord souligner que les côtes de la Petite Skhirra et le long du littoral au fond du golfe de
Syrte, en particulier dans leur section nord, étaient Gabès, à l'exception toutefois des mouillages de
réputées, dans l'antiquité déjà, pour l'importance de l'oued el Akarit, de Tarf el-Ma (Lacene, n 38) et de
leurs pêcheries. Elles sont situées, en effet, sur une Tacape elle-même qui était connue dans l'antiquité
trajectoire de migration des bancs de poissons venus pour la pêche à l'embouchure de son oued remonté
par le détroit de Sicile et passant devant le Rass par la marée (Strabon, XVII, 3, 17). Ailleurs, plus au

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20 Aspects régionaux

Sud, peu d'activités littorales pour des raisons Sidi Mohammed Chaouch (site n° 8), sur les solbs et
identiques, en bordure sud-ouest de la Mer de Bou Grara, surtout sur les rives sud-est de la lagune (sites n° 1
où l'estran très envasé est au surplus dominé par des à 7). On ne pouvait que rapprocher ces données
falaises (fig. 7). De ce fait le paysage rural semble nouvelles du témoignage de textes anciens qui
tourner le dos à la mer. La Mer de Bou Grara témoigne signalaient déjà l'existence de salaisons itaricheiaè) sur des
néanmoins, par l'existence de deux grandes côtes de la Syrte où se reconnaît la description de la
installations portuaires (Gigthis : n° 25 ; Rass Segala n° 23), Bahiret el Biban. C'est ainsi que dans le Périple du

:
d'une activité commerciale maritime, liée sans doute Pseudo-Scylax (éd. Mùller, 110), des salaisons sont
non seulement aux grands courants du trafic mentionnées entre Abratonon (Sabratha) et l'île des
méditerranéen comme d'autres emporta de la Syrte, tel Hauts-Fonds (Jerba). Cette mention est suivie de
Tacape situé au débouché des itinéraires sahariens, l'évocation d'un lac à petite embouchure qui semble
mais aussi à la mise en valeur agricole de l'arrière - bien s'appliquer à la Mer des Biban et elle se rapporte
pays immédiat. à une époque (ive s. av. J.-C.) bien antérieure à
En revanche, ce sont les rivages de la Bahiret el l'époque romaine. Strabon (XVII, 3,18) est plus
Biban, au Sud de Zarzis, qui montrent le plus grand explicite dans son évocation de Zouchis, « un lac et une
nombre de sites d'occupation dont l'activité était ville du même nom sur ses bords, où se trouvaient des
directement liée à la pêche, ce qui n'a rien d'étonnant teintureries de pourpre (porphyrobapheia) et toute
lorsqu'on sait que cette vaste lagune d'un type espèce d'établissements pour la salaison du poisson
original (Medhioub 1979) constitue un écosystème (taricheiae) ».
remarquable par sa richesse halieutique. Elle est
Ces quelques données étaient d'autant plus
devenue de nos jours un des hauts lieux de la pêche
importantes à rappeler que c'était moins la pêche en tant
en Tunisie (Zaouali 1995, p. 63-77). Ayant une que telle que les activités qui en dérivaient - pour le
longueur de 35 km et une largeur maximale de
traitement et le conditionnement des produits de la
10 km, elle couvre une superficie de 23000 ha avec
mer ou du littoral - que la prospection archéologique
une profondeur moyenne de 5 m. Elle est isolée de la
pouvait espérer saisir. En effet, la pêche en mer ou sur
mer par un cordon littoral ancien, consolidé en grès
le littoral, pourtant si présente dans le répertoire des
et séparé en deux parties, Solb el Gharbi à l'Ouest,
Solb ech Chergui à l'Est, par une ouverture dans sa mosaïques romaines du musée de Sfax, par exemple,
partie centrale où des îlots freinent les courants de n'a pu laisser sur le terrain que fort peu de traces
marée responsables du creusement des passes (fig. 8). matérielles, ce qui s'explique du reste aisément, au vu
Située dans un environnement déjà aride, c'est une des installations très légères qui, jusqu'à récemment
lagune hyperhaline (salinité moyenne autour de ou aujourd'hui encore, signalent l'exercice de cette
45 %o), mais les courants de marée lui confèrent une activité traditionnelle et la présence de pêcheurs le
composante marine en autorisant une forte long des côtes du golfe de Gabès et sur les rives de la
biodiversité. Les poissons y abondent (essentiellement des Bahiret el Biban. Outre les huttes servant d'abris
sparidés sparaillon ou pataclets, daurades royales, temporaires pendant la saison de la pêche, on
remarque surtout, remplacés de plus en plus par les
:

mais aussi des loups, serres, marbrés, saupes, mulets).


Aujourd'hui des bordigues, installées à la sortie des filets flottants et autres formes du chalutage moderne,
deux passes situées de part et d'autre de l'îlot d'El les célèbres « pêcheries fixes » constituées de palmes
Biban, sont parmi les plus grandes de Méditerranée ; (cherfia ou zroub) qui est l'engin de pêche
elles permettent la capture des poissons qui migrent traditionnel commun dans la zone de balancement de la
vers le large. Les prises sont particulièrement marée à partir de la Chebba jusqu'à Zarzis (fig. 9). A
importantes d'octobre en janvier et de mai à août quand les en juger par les représentations des mosaïques et
poissons quittent la lagune. compte tenu du degré de réalisme dont on peut les
Cette richesse ne pouvait qu'attirer l'Homme créditer, il semblerait que la pêche se pratiquait dans
depuis les temps anciens. De fait, des témoins l'antiquité plutôt avec des filets (senne tournante ou
archéologiques y révèlent l'existence d'établissements épervier) ou à la ligne, qu'elle se fît en barque ou sur
antiques assez denses dans toute la région sur l'îlot de la rive. En fait, on manque presqu'entièrement de
:

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Golfe de Gabès 21

données archéologiques directes concernant la pêche salines aménagées en divers lieux, sur les côtes basses
elle-même sur ces hauts-fonds. du golfe de Gabès et surtout dans la Bahiret el Biban,
Quoi qu'il en soit, seule une prospection très était aussi un facteur très favorable. En revanche, l'eau
attentive permet de déceler sur le rivage les vestiges nécessaire à cette industrie exigeait, en raison de
d'établissements dont les habitants avaient la pêche l'aridité du climat, la présence de grandes citernes
pour activité principale et de les distinguer des associées d'une manière constante aux cuves de
exploitations rurales situées dès l'origine en bordure de mer salaison. De la sorte, la difficulté est grande parfois
ou bien au contraire à quelque distance à l'intérieur d'identifier ces centres de traitement du poisson en les
des terres, mais que l'érosion du rivage depuis distinguant des simples citernes rurales, elles aussi
l'antiquité a placées de nos jours en position littorale. Le mises au jour par le recul de la ligne de rivage. Ceci
plus souvent, le seul indice est la présence de pesons justifie la prudence observée pour l'identification de
de terre cuite qui servaient à lester les filets ou bien, certains sites mineurs, notamment dans la presqu'île
plus rarement, d'hameçons de bronze ; parfois, de Jorf et dans la région de Jebeniana. En revanche,
l'abondance des coquillages, de poteries et de petites aucune hésitation n'est permise pour plusieurs sites
monnaies associés à des vestiges d'habitats assez de première grandeur reconnus sur les côtes du golfe
frustes pourraient révéler, comme à l'Henchir de Gabès. Les concentrations majeures coïncident de
Chouggaf, près de Gabès (n° 37), un lieu d'échange façon frappante avec les sections du littoral les plus
vraisemblable entre pêcheurs semi-nomades et favorables à la pêche sur la rive sud de la Bahiret el
Biban (Henchir el Mdeina, n° 1, fig. 10 ; Henchir bou

:
oasiens sédentaires.
L'Henchir bou Amia (n° 33) constitue un exemple Gornine, n° 5), dans la région de Zarzis (Naoura, n° 12
remarquable de la juxtaposition de deux formes bis ; Sidi bou Teffaha, n° 13) ; sur la côte ouest de la

d'habitats correspondant à des activités et des genres grande Kerkennah (Borj el H'sar, 61, fig. 11) ; sur
de vie différenciés de type rural à l'intérieur, la
n° côte nord du golfe de Gabès (Oued el Akarit Sud,

:

maritime en bordure même du rivage. La séparation entre 39 ; Onga, 54, fig. 12 ; Thyna, n° 56, fig. 13 ; Sidi
ces deux habitats est ici matérialisée par la présence Mansour, n° 68, fig. 92 et 93).
d'une falaise morte qui date de la dernière époque Dans le cas d'une autre industrie, celle de la
interglaciaire. Au-dessus de cette falaise, on est en pourpre, le signalement archéologique principal est
présence d'une agglomération rurale antique dont fourni par des rebuts de Murex trunculus. Cette
certains éléments ont été réutilisés dans une dernière qui faisait dans l'antiquité la réputation de
fortification arabe. En contrebas, se devinent les vestiges de Jerba a laissé effectivement des traces très visibles en
fonds de cabanes ou de huttes de pêcheurs ; dans les bordure du rivage, notamment à Rhizene (n° 19)
environs, on remarque des amas de coquilles avec de (Akkari Weriemmi 1995, p. 55) et surtout dans les
nombreux tessons d'époque romaine (fin me au Ve s.), vestiges de Meninx (El Kantara, n° 16, fig. 14) qui
ainsi que des petites monnaies de bronze. avait donné à l'île son premier nom antique. Au dire
Si la pêche elle-même n'a donc laissé que fort peu de Pline, la pourpre y était des plus réputées dans
de traces archéologiques, il n'en est pas de même l'antiquité, à l'égal de celle de Tyr en Asie : Tyriprae-
pour les activités dérivées des ressources de la mer, cipuus hic Asiae ; in Méninge Africae. On sait aussi
qu'il s'agisse de conservation du poisson par salaison par un document administratif du Bas Empire (Notitia
(salsamenta) ou d'une industrie plus particulière déjà Dignitatum, Occ, XI, 70), qu'un procurateur financier
étudiée en d'autres lieux la production de garum. était en charge des teintureries de pourpre, spécialité
:

L'une et l'autre impliquaient des installations recon- de Jerba Procurator Baphi Girbitani prouinciae
:

naissables à leurs cuves en batteries caractéristiques, Tripolitanae


.

réalisées en blocages, bétons et enduits


particulièrement résistants à l'érosion marine. En règle générale, L'accent doit être mis à présent sur les conditions
ces établissements étaient situés près du rivage, sur le particulières qui ont permis de recenser les témoins
trajet de migration des bancs de poissons ou en archéologiques de ces activités halieutiques
bordure des lieux de pêche en lagune ou sur les anciennes, conditions sans lesquelles il eût été
hauts-fonds ; la proximité très vraisemblable de difficile, voire impossible, de les reconnaître sans prati-

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22 Aspects régionaux

quer des dégagements nombreux et coûteux. En effet, que la configuration du littoral expose plus
dans une proportion élevée de cas, les structures directement à l'action des vagues. En revanche, le tracé de la
archéologiques ont été mises au jour par l'érosion côte apparaît stable dans le secteur dessinant une
littorale et elles continuent à être dégagées par les concavité marquée qui va de Gabès à la racine de la
vagues à l'occasion des tempêtes. Dans plusieurs presqu'île de Jorf. Il en est de même sur la rive
exemples, ces structures ont été déchaussées par occidentale et méridionale de la Mer de Bou Grara. Deux
l'érosion ou arasées de telle manière qu'elles se des quatre sites où une progradation de la côte a été
retrouvent lisibles en plan sur l'estran au niveau de notée sont d'anciens ports (n° 23 : Rass Segala ;

leurs fondations. Enfin, dans certains cas, elles 25 : Gigthis) dont les jetées encore bien conservées
peuvent être partiellement ou entièrement ont probablement contribué, en freinant la dérive
submergées (Paskoff et Trousset 1990, p. 367-384). Une littorale, au phénomène de colmatage (fig. 4 et 5). Il
bonne illustration de ces trois possibilités reste alors seulement deux sites (n° 33 : vasière
complémentaires est offerte par les exemples de Mdeina et de étendue de PHenchir bou Amia ; n° 81 : flèche
Borj el H'sar (sites n° 1 et n° 61, fig. 10 et 11). sableuse de Rass Botria) où l'avancée du trait de côte
Outre leur intérêt pour la connaissance historique, est sans nul doute naturelle.
ces témoins archéologiques constituaient dans leur Cette prépondérance de l'érosion est d'autant plus
état présent de précieux marqueurs chronologiques remarquable que l'une des caractéristiques
pour les géomorphologues. Compte tenu de la nature géographiques du golfe de Gabès réside dans ses faibles
de ces vestiges et de leur situation d'origine par profondeurs littorales qui ont pour effet d'amortir
rapport à la mer, on pouvait proposer de restituer à la considérablement l'énergie des houles sur le rivage.
lumière de nos observations concertées les grands De fait, il apparaît que la cause du recul généralisé
traits de l'évolution du golfe de Gabès depuis de la côte du golfe de Gabès se trouve dans le
l'antiquité. relèvement du niveau de la mer par rapport à la position qui
L'examen des quatre-vingt sept sites était la sienne dans l'antiquité. On a trouvé des
archéologiques qui ont été prospectés tout au long du golfe de manifestations de cette élévation dans 19 sites.
Gabès (entendu au sens large : entre la frontière de Inversement, on n'a jamais fait une observation indiquant
Libye et la Chebba) appelle, en effet, toute une série qu'il a été plus haut qu'aujourd'hui au cours des 2000
de conclusions concernant les caractéristiques de dernières années. On peut donc considérer que le
l'environnement de cette section du littoral tunisien phénomène a une valeur régionale.
dans l'antiquité et les modifications qu'il a pu Des indices d'un relèvement, de l'ordre de
connaître depuis cette époque. quelques dizaines de centimètres, du niveau de la mer par
Sur ces 87 sites, 41 sont actuellement, à des degrés rapport à la position qui était la sienne dans l'antiquité
divers, attaqués par l'érosion marine. A ce chiffre il classique ont été notés, en particulier sur le littoral de
faut ajouter 19 sites où les ruines ne sont pas encore la Bahiret el Biban et dans l'île de Jerba (carrières
atteintes, mais où l'examen morphologique révèle un inondées, constructions in situ submergées). Ce
recul en cours du rivage. Celui-ci n'apparaît stable relèvement a favorisé les phénomènes d'érosion et le
dans sa position que dans 22 sites. C'est seulement recul du rivage, comme le suggère le site n° 1
dans 4 sites que l'on a noté un gain de la terre sur la (Henchir Mdeina) qui est localisé dans un secteur où,
mer depuis l'antiquité. On peut donc dire que pourtant, l'action de la houle est limitée par un fetch
l'érosion prévaut aujourd'hui sur la côte du golfe de court.
Gabès dont le tracé actuel se situe pour l'essentiel en Si dans la partie sud du golfe de Gabès, les indices
deçà de la position qu'il occupait à l'époque romaine. suggèrent un relèvement d'au moins quelques
En particulier, le phénomène d'érosion de la côte est dizaines de centimètres, dans la partie nord, il a été
général dans les îles (Jerba, Kneiss, Kerkennah). Il est nettement plus important, car il est supérieur à 1 m,
aussi net sur le rivage de la Bahiret el Biban tourné probablement proche de 2 m. Deux sites sont
vers la mer, sur celui de la presqu'île des Accara, sur remarquables à cet égard : Borj el H'sar (n° 6l) dans les îles
la façade septentrionale de la presqu'île de Jorf, sur le Kerkennah, Rass Botria (n° 81) au nord de Sfax. Dans
littoral nord du golfe de Gabès. Il s'agit de secteurs le premier tout un quartier de ville (et peut-être aussi

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Golfe de Gabès 23

des installations portuaires) (fig. 15), dans le second Dzirat el Laboua est une meilleure localisation en
un long môle sont couverts par 1 m d'eau, par haute dépit de sa petite superficie sur laquelle on voit mal
mer moyenne. Dans les îles Kerkennah, il existe par vivre « un grand nombre de moines ». En réalité,
ailleurs de multiples indices d'une submersion qui se l'étendue de l'îlot a été réduite au cours des siècles à
poursuit aujourd'hui et qu'avait judicieusement notée la fois par l'érosion et par la submersion. Il est
il y a un siècle le naturaliste M. Doumet-Adanson probable que, dans l'antiquité, les trois îlots de
(1888). Ainsi P. -F. Burollet (1979) signale que des l'archipel des Kneiss (El Jaziret el Rharbia, Dzirat el
champs autrefois cultivés sont progressivement Laboua, Dzirat el Hajar), compte tenu des très faibles
transformés en sebkhas par salinisation et que d'anciennes profondeurs qui les séparent actuellement et qui
pistes sont maintenant inondées de façon émergent par marée basse, ne formaient qu'une seule
permanente. Il faut rappeler ici que les enregistrements du île allongée, d'une certaine largeur (fig. 18). D'Avezac
marégraphe de Sfax pour la période 1910-1935 font (1848) signale d'ailleurs que sur des cartes anciennes
apparaître une montée de 15 cm du niveau moyen de des Kneiss n'apparaissent que deux îles, Dzirat el
la mer, soit une élévation quatre fois plus rapide que Bessila et une autre île constituée par les petits îlots
celle, d'origine eustatique, qui caractérise l'Océan d'aujourd'hui, encore réunis dans un ensemble
mondial depuis la fin du XIXe siècle. C'est dire que le unique.
net relèvement de la mer dans cette partie du golfe de Un autre exemple, plus frappant encore par son
Gabès depuis l'antiquité a une composante ordre de grandeur, est celui de l'archipel des
essentiellement tectonique. Il est fondamentalement dû à une Kerkennah (fig. 19) : la confrontation des données
subsidence du continent, l'affaissement étant plus actuelles de terrain et des données textuelles fournies
marqué dans la partie nord que dans la partie sud du par les auteurs anciens donne à penser que c'est la
golfe. configuration même de l'ensemble de l'archipel qui
L'érosion de la côte ainsi que l'élévation du niveau aurait pu subir de profonds changements depuis
de la mer font que la configuration topographique des l'antiquité. D'après Pline l'Ancien, l'île de Cercina était
espaces littoraux du golfe de Gabès a pu se modifier longue de 25 milles (soit 37 km) et large de moitié
de façon appréciable depuis l'antiquité. Aussi doit-on dans sa plus grande extension (18,5 km), mais de
en tenir compte lorsque l'on utilise des descriptions 5 milles seulement à son extrémité. Or les mesures
de lieux données dans des textes anciens pour actuelles donnent un maximum de 30 et 14 km
localiser des sites antiques. Par exemple, à propos de la respectivement pour la longueur et la largeur de
situation du monastère dans lequel vécut saint l'archipel. Une partie des hauts-fonds situés à moins
Fulgence au début du VIe s., deux endroits ont été de deux mètres de profondeur appartenait donc à la
proposés : Oued Maltine (n° 48, fig. 16) et Dzirat el terre ferme dans l'antiquité et lorsque Hérodote
Laboua (n° 50, fig. 17). La seule enquête {Histoires IV, 195) avance que le passage à gué était
géomorphologique permet d'écarter le site n° 48. Il s'agit d'une possible entre le continent et Kuranis, il est permis de
langue étroite de terres basses, isolée par haute mer, penser qu'il n'avait pas entièrement tort, encore que
que l'érosion marine ronge (fig. 18). Elle pourrait la nature vaseuse des fonds et le rythme semi-diurne
correspondre à l'environnement du monastère décrit de la marée eussent dû rendre aventureuse une telle
par le moine Ferrand, auteur d'une vie de saint traversée. Des recherches plus récentes encore ont
Fulgence (Trousset et al. 1992, p. 224-225). Mais, par permis la découverte d'importantes structures
la nature des sédiments qui la constituent (épandages submergées - notamment une grande carrière antique
de limons sableux continentaux lors d'épisodes de - au sud-ouest de Gremdi (Oueslati 1995, p. 175-180,
ruissellement actif) et par la proximité d'un important 185-186). Une circulation à pied était possible par un
chenal de marée méandriforme, cet espace littoral a pont entre cet îlot et l'île de Cherguia. D'autres îlots,
une topographie nécessairement et rapidement comme Sefnou et Rakkadia, pouvaient faire corps
changeante, liée à des épisodes alternés d'accumulation et avec l'île principale du Nord.
d'érosion. Tout permet donc de penser qu'à l'époque L'exemple des Kerkennah, un des milieux les plus
de saint Fulgence le tracé du littoral était en cet menacés par l'avance de la mer, attire l'attention sur
endroit différent de ce qu'il est aujourd'hui. L'îlot un phénomène assez courant surtout dans la partie

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24 Aspects régionaux

nord du golfe de Gabès, siège d'une subsidence L'une, anthropique, rend l'Homme responsable de
active la salinisation depuis l'époque antique des cette période de morphogénèse : en détruisant la
:

terres basses et la migration de certains systèmes végétation naturelle par des défrichements ou par le
côtiers vers l'intérieur, comme les schorres et les surpâturage, il a déstabilisé les versants en les
sebkhas (Oueslati 1993, p. 242, 281-282). Il en résulte fragilisant à l'action des agents d'érosion. L'autre,
que des vestiges archéologiques importants qui climatique, attribue à une modification du climat, la
attestent l'existence d'habitats entourés autrefois de mobilisation des débris sur les pentes sous l'effet, par
cultures, comme à Thyna (n° 56) où le relèvement du exemple, d'une modification du régime des pluies
niveau de la nappe phréatique contaminée par l'eau accroissant leur caractère torrentiel. Nous aurions
de mer est d'au moins 0,60 m depuis l'antiquité, se tendance à privilégier ici la seconde explication. En
trouvent actuellement dans des espaces répulsifs effet, la généralisation du phénomène, observé
salés. Au site d'Onga (n° 54), un chenal de marée, pareillement au Sud comme au Nord du pays, dans
long d'une centaine de mètres, s'est formé dans une des régions où l'occupation humaine n'était pas
usine de salaison romaine qu'il a contribué à partout aussi forte et où, par suite, ses effets sur la
démanteler et l'on voit ici un schorre caractéristique stabilité des sols auraient dû s'en trouver inégalement
s'emboîter dans les structures archéologiques marqués, fait que nous avons tendance à y voir les
(fig. 12). Les transformations ne se limitent pas au trait effets d'une oscillation climatique (modification du
de côte, c'est en cet endroit l'environnement littoral régime et du caractère des pluies, favorisant une
dans son ensemble qui est affecté par la transgression mobilisation accrue des débris fins sur les pentes par
marine d'âge historique. le ruissellement) plutôt que les conséquences d'une
Les recherches ont également permis de mettre en déstabilisation des versants par l'Homme (destruction
évidence l'occurrence, dans le golfe de Gabès, d'une de la végétation naturelle à la suite de défrichements
phase de rhexistasie (décapage et entraînement des ou de surpâturages).
sols, érosion des roches tendres sur les versants par le Lors du dernier interglaciaire, il y a environ
ruissellement et le colluvionnement, et empâtement 125000 ans, une importante transgression qui a porté
corrélatif des parties basses de la topographie par les le niveau de la mer à quelques mètres au-dessus de
matériaux ainsi mobilisés) à la fin de l'époque son niveau actuel, a envahi ce qui est aujourd'hui la
romaine ou postérieurement à elle. Un site tout frange côtière de la Tunisie méridionale. Elle a laissé
particulièrement révélateur à cet égard est l'Henchir Chaa- des dépôts qui se sont par la suite consolidés en grès
bane (n° 11) où une carrière antique est en cours de calcaires ou en calcaires gréseux, généralement à
dégagement par la mer du manteau détritique, grain fin, parfois coquilliers et alors un peu plus
couvert par une steppe rase, qui, à un moment donné, grossiers, souvent oolithiques (formation Rejiche). Ce type
l'avait enseveli. Dans l'oued Ogla (n° 14) et dans de roche, aisément débitable en blocs, a été très
l'oued voisin, l'oued Ennouili, il existe une terrasse largement utilisé dans les constructions antiques. D'où un
qui peut atteindre 4 m de commandement et qui grand nombre de carrières littorales qui ont été
contient des tessons de poterie datés, dans l'oued repérées sur le territoire qui a été prospecté, la proximité
Ennouili, du IVe ou du Ve s. ap. J.-C. (informations de de la mer constituant un avantage pour une
G. Camps). Le même phénomène se retrouve vers évacuation, plus facile que par voie de terre, des produits de
l'extrémité nord du golfe de Gabès, dans l'îlot de l'extraction. Quant aux moellons, c'est la croûte
Djezira (n° 85) où une importante couche de collu- calcaire villafranchienne affleurant largement, elle
vions emballe aussi des tessons de poterie romaine. aussi, dans le Sud de la Tunisie, qui les a fournis.
Un peu partout donc, on a identifié des colluvions On peut confirmer la généralité du recours à ces
d'âge historique contenant des tessons de poterie deux types de pierre qui affleurent un peu partout, et
antique. Elles sont aujourd'hui figées par des sols inci- pratiquement à l'exclusion de toute autre, sur la côte
pients, et attaquées par la mer ou incisées par des du golfe de Gabès : les grès de la formation Rejiche
ravines. Deux types d'explication peuvent être utilisés surtout pour la taille de blocs, la croûte
proposés pour rendre compte de cette phase de calcaire villafranchienne uniquement employée pour
rhexistasie qui a modifié le modelé de la topographie. obtenir des moellons. A côté du classique mortier de

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Golfe de Gabès 25

tuileau, on avait déjà signalé en d'autres régions Enfin la présence, en grand nombre à El Aouabed
(n° 70), de gros galets de roches allogènes lourdes
(notamment à Kerkouane) un mortier original à base
de coquilles marines. Une autre catégorie a été (roches volcaniques, granitiques, métamorphiques),
repérée : le mortier à granules calcaires. Ces granules inconnues en Tunisie, a retenu l'attention. On y voit
proviennent de la croûte calcaire villafranchienne. des matériaux qui ont servi de lest pour des bateaux
Lorsque celle-ci affleure sur la côte, les vagues ont et qui attestent une activité maritime à grande distance
tendance à concentrer les granules résistantes qu'elle pour ce site.
contient sur le haut de l'estran où il est possible de les
ramasser en grandes quantités. Ainsi les citernes d'El Ainsi, par l'intensité et la diversité des activités
Khefifia (n° 53) ont un revêtement interne de mortier dont témoignent les nombreux vestiges
de granules calcaires. Toujours à propos de matériaux archéologiques découverts sur ses rives, le golfe de Gabès
de construction, il faut noter le recours fréquent à un dément la réputation de rivage répulsif qui restait
mortier original à base de coquilles, surtout des Ceri- attaché dans l'antiquité à l'évocation de la Petite Syrte.
thium, mais aussi, entre autres, des Cardium et des Mais, soumis comme il l'est à l'action des agents de
Murex, mollusques qui abondent dans l'étage infralit- l'érosion marine, il s'agit bien d'un espace littoral
toral des côtes du Sud tunisien. La région d'El Kantara, évolutif, ce qui confère à l'évocation poétique en
l'antique Meninx à Jerba (n° 16), est des plus question un certain caractère de réalité, pour peu que
démonstratives du recyclage des débris de ce dernier l'on se place à l'échelle des temps historiques pour
coquillage utilisé d'abord à d'autres fins, pour appécier à sa juste mesure la forme « inachevée » de
l'industrie de la pourpre (fig. 20). cette limite « indécise » entre la terre et la mer.

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26 Aspects régionaux

Fig. 2. Côte basse au fond du golfe de Gabès.

Fig. 3. Côte à falaise dans les argiles gypseuses au nord de la presqu'île de Jorf (Henchir Chelakhi, site n°29).

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Golfe de Gabès 27

Fig. 4. Vestiges du port de Gightis (Bou Grara, site n°25).

* 5. Jetée sud du port de Rass Segala (Medina Guedima, site n°23).

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28 Aspects régionaux

Fig. 6. Le nadouret sa falaise, au sud de La Skhirra (site n°42).

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Fig. 7. Littoral au sud-ouest de la Mer de Bou Grara.

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Golfe de Gabès 29

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Fig. 8. L'entrée de la Mer des Biban vue du Solb ech Chergui.

Fig. 9. Pêcheries fixes (zroub) sur les hauts-fonds de Jerba.

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30 Aspects régionaux

Fig. 10. El Mdeina (site n'l).

Fig. 11. Vestiges de cuve à Borj el H'sar (site n°6l).

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Golfe de Gabès 31

Fig. 12. Vestiges de cuve dans un chenal de marée à Onga (site n°54).

Fig. 13. Quartier industriel à Thaenae (Thina, site n°56).

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32 Aspects régionaux

Fig. 14. Vestiges sur le littoral à Meninx (El Kantara, site n°l6).

Fig. 15. Le site de Borj el H'sar dans l'archipel des Kerkennah.

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Golfe de Gabès 33

Fig. 16. L'oued el Maltine près de Rass Onga (site n°48).

Fig. 17. Dzirat el Laboua d'îlot du milieu) dans l'archipel des Kneiss (n°50).

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34 Aspects régionaux

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Fig. 18. Carte du banc des Kneiss et du litus Bennefense.

Fig. 19- Carte des îles Kerkennah isobathe -2 m ; bahira = fosse.


:

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Golfe de Gabès 35

Fig. 20. Dépôt de Murex trunculus à Meninx.

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II - Sahel et Cap Bon (sites n 88 à 157)

place un peu à part à la côte orientale du Cap Bon. Il


en est de même pour la façade maritime du Sahel qui
dessine, au Sud de Sousse, un front de côte
légèrement convexe entre Monastir et la Chebba. Il est
caractérisé par une alternance de baies très ouvertes
deux
orientale
Kaboudia
Gabès
presqu'île
ed
nous
nautiques
de Drek.
Cette
la (1899,
avons
inflexions
géoarchéologie
; au
Sideuxième
du
de

une
suivi
p.
Nord,
Cap
295-315),
latelle
s'achève,
bien
leTunisie
celle
Bon
découpage
section
division
marquées
littorale,
qui
de
nous
aus'avance
l'extrémité
du
au
sens
de
a des
devoir
de
paru,
littoral
Sud,
la large,
côte,
laenfaçade
Instructions
du
celle
s'imposer
nord-est
proue
s'inscrit
pour
point
le golfe
maritime
dulaquelle
au
dede
entre
Rass
avec
Rass
vue
de
la et ourlées de plages, intercalées entre des caps ou des
:

presqu'îles rocheuses qui ont été autant de sites


propices à l'établissement d'échelles phéniciennes ou
d'entrepôts de Carthage : par exemple à Ruspina
(Monastir), Thapsus (Rass Dimas), Mahdia (Gummi ?)
évidence, elle n'en était pas moins en discordance et Salakta (Sullecthum)

.
avec les divisions géographiques et historiques Malgré des caractères généraux communs qui sont
traditionnelles du pays. En effet, pour désigner cette ceux d'une façade maritime exposée aux vents d'Est
région côtière - une des plus vivantes et des plus et de Nord-Est, d'une côte basse à lagunes dont
accueillantes de l'Afrique antique comme de la l'arrière-pays proche, constitué surtout de matériaux
Tunisie d'aujourd'hui - on ne dispose pas meubles, est formé pour l'essentiel de plaines ou de
d'expressions géographiques aussi adéquates à la section collines molles et peu élevées, on pourra donc
concernée ni aussi cohérentes entre elles que néanmoins distinguer dans cet espace littoral trois sous-
pouvaient l'être, pour la section précédente, les noms sections la côte orientale du Cap Bon, le fond du
:

de Petite Syrte et de golfe de Gabès. golfe d'Hammamet et le Sahel proprement dit


Pour s'en tenir à la géographie physique du (fig. 21).
littoral, la mention du golfe d'Hammamet eût été, Si l'on se place à présent du point de vue de la
certes, la mieux venue pour traduire cette large géographie historique, cette façade maritime n'a
courbure de la façade orientale de la Tunisie qui, faisant jamais été appréhendée par les auteurs anciens
suite à celle du golfe de Gabès, dessine - avant la comme une entité politico-administrative bien
découpe caractéristique du golfe de Tunis - la homogène. Dans le nouveau découpage territorial opéré
silhouette cartographique bien connue du pays. En par Dioclétien entre 294 et 305, elle fut du reste
réalité, outre le fait que la représentation des côtes partagée entre deux nouvelles provinces : la Byza-
d'Afrique par les Anciens était, comme nous le cène et la Zeugitane, héritières l'une et l'autre
verrons, très différente de la nôtre, il faut convenir d'anciennes subdivisions de Y Africa Proconsularis
que le golfe d'Hammamet ne s'étend, à proprement (Pline, HN, V, 23 ; Desanges 1980, p. 208-210). Au
parler, qu'à la partie centrale de cette ample courbure Sud, avec tous les territoires compris entre la Dorsale
de la côte orientale : au sens le plus large entre et le Jérid, fut formée la Byzacène qui s'étendait
Nabeul (Neapolis) et Sousse (Hadrumeturri) ; au sens jusqu'au fond de la Petite Syrte, presque à la hauteur
le plus restreint entre Hergla (Horrea Caelia) et de Tacape où commençait la Tripolitaine. Au Nord, en
Hammamet (Pupput), où elle s'identifie à la région de revanche, au-delà d'une ligne - sans doute la limite
l'Enfida, partie septentrionale du Byzacium, resserrée préexistante d'une regio Zeugitana - qui passait entre
entre l'extrémité de la Dorsale tunisienne et la mer les cités de Pupput et de Neapolis, on entrait dans la
(Ghalia 1996, p. 2633). province de Zeugitane (dite aussi Proconsulaire) ;
Bien qu'elle lui fasse suite au Nord de Nabeul avec celle-ci était centrée sur Carthage et la vallée du
des caractères semblables de côte basse à cordon Bagradas, ainsi que sur la côte nord de l'Afrique - en
dunaire bordé de lagunes, force est donc de faire une englobant la Numidie d'Hippone - mais elle n'incluait

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38 Aspects régionaux

Ras Maamoura

côte en cours de progradation


côte basse stable
plage stable
alaise vive
__—-côte basse en cours de recul
....iir-p*"Q" en cours de recul
|, plaine deltaïque d'âge historique
±-*- terres bosses en voie de salinisation

|■

GOIFE • site archéologique côtier


DE HAMMAMET — site archéologique en cours d'érosion
♦ site archéologique partiellement submergé
''124-3 -*z-^sebkha littorale
_ _,„_ isobathe 10 mètres
50 KM

Fig. 21. Carte des sites littoraux du Sahel et du Cap Bon.


(L'analyse des sites n° 158 à 167 relève de la côte Nord).

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Sahel et Cap Bon 39

sur sa façade est que la presqu'île du Cap Bon où se p. 22). Pour l'essentiel, il devait correspondre au Sahel
trouvaient les anciennes cités libres de Clipea actuel, ce qui explique peut-être la forme circulaire,
(Kelibia), de Curubis (Korba) et de Neapolis (Nabeul). donc convexe, déjà reconnue à la Byssatis par Polybe
Ces mêmes cités s'étaient distinguées très tôt par le (cf. Stéphane de Byzance, Ethn., s.v. « Buzantes »,
statut de colonies juliennes qui leur avait été conféré. p. 189)- Quant au Sahel historique, celui des auteurs
C'est là la marque d'une romanisation précoce liée arabes, il semble avoir désigné plutôt une région
sans doute à l'importance stratégique de la région qui s'étendant plus au Sud, en direction de Djebeniana et
n'avait pas échappée au pouvoir impérial. de Sfax (Mahfoudh 1998, p. 197-201).
Quant au nom même de Byzacène, il était dérivé Outre sa fertilité hors de pair qui est confirmée par
d'un terme plus ancien attesté par plusieurs historiens Pline - avec des rendements en grain exceptionnels
et géographes de l'antiquité sous les variantes de de cent pour un - c'est la présence de quelques-unes
Byssatis chez les auteurs grecs et de Byzacium chez des plus marquantes des cités libres de la province
les latins (Desanges 1963, p. 221-223). d'Afrique {hic oppida libéra Leptis, Hadrumetum,
La Byssatis est clairement définie par Polybe dans Ruspina, Thapsus), qui fait le signalement principal de
un texte déjà évoqué, à propos du premier traité entre la région. Héritières d'anciens comptoirs puniques,
Rome et Carthage (III, 23, 2), comme une région vitale voire même d'établissements fondés directement par
pour cette dernière par l'excellence de son sol et les Phéniciens originaires de Tyr, comme c'est le cas
qu'elle entendait pour cette raison protéger tout pour Hadrumète - et peut-être pour Leptis - d'après
particulièrement des entreprises romaines ; dans ce même Salluste (Jug., XIX, 1), ces villes côtières où s'étaient
texte, elle était distinguée implicitement de la région mêlés les apports de populations puniques et libyco-
des emporta qui lui faisait suite sur la côte à partir de berbères, avaient vécu plus ou moins dans l'orbite de
Thaenae et qui correspondait, comme nous l'avons Carthage tout en bénéficiant d'un statut qui
vu, à la Petite Syrte (Rebuffat 1996, p. 2624). comportait des franchises municipales. Il en sera de même à
Ce témoignage est à rapprocher et à compléter par l'époque romaine quand, s'étant ralliées au vainqueur
celui de Pline l'Ancien concernant le Byzacium (HN, en 146, elles se virent confirmer par Rome leur liberté
V, 24). En plus de la consultation des listes officielles et leur immunité attestée par la loi de 111. Hadrumète
des communautés territoriales de l'Afrique Mineure et et Thapsus perdirent pourtant Yimmunitas après 46,
de la référence aux Commentaires d'Agrippa, cet pour avoir pris le parti de Pompée contre César
auteur a pu avoir une expérience personnelle pour (Gascou 1972, p. 73). Elles n'en connurent pas moins
avoir exercé des fonctions administratives de sous l'Empire, par l'extension de l'oléiculture dans
procurateur dans la contrée au début du principat de Vespa- l'ensemble du Byzacium, une véritable envolée
sien (Syme 1979, p. 214-225 ; Desanges 1997, p. 55). économique.
Le Byzacium où habitaient les « Libyphéniciens » était, Au contraire des cités côtières libyphéniciennes,
selon Pline, un pays de 250 milles de tour, soit les régions intérieures appelées Buzakitis par
quelque 370 km ou 117 de diamètre si on lui Ptolémée (IV, 3, 6) et qui, auparavant, avaient
reconnaît une forme circulaire (Desanges 1980, p. 227). En dépendu directement de l'administration
fait, il apparaît, de même que le Sahel lui-même, carthaginoise, rentraient dans le champ de plein exercice de
comme une entité géographique à géométrie variable. la magistrature romaine ; elles furent à ce titre
D'abord assez restreinte puisque selon divers auteurs soumises à une centuriation de grande envergure qui
il se limitait stricto sensu à l'espace compris entre ne rejoint la côte que dans l'intervalle des territoires
Nabeul et Thapsus {Stadiasme, 112-113), il n'est pas des cités libres et immunes.
exclu qu'on ait pu l'étendre finalement jusqu'au-delà Pour en finir avec la présentation de ce secteur
du Rass Kaboudia, à Rass Botria (Acholla) et même côtier à travers les données de la géographie
jusqu'à l'ancienne limite de X Africa Vêtus, près de historique, on ne saurait manquer de faire une dernière
Thaenae où commençaient au temps de César les observation qui ne laissera pas de surprendre, pour
états royaux de Juba (B. Afr., 11, 1-2). Vers l'intérieur, peu que l'on place une carte actuelle de cette façade
on peut aussi y inclure la région d'El Jem (Thysdrus) orientale du Maghreb en regard de celle qui pourrait
qui appartient à la Basse Steppe (Desanges 1963, correspondre à la vision générale moyenne que

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40 Aspects régionaux

devaient en avoir les géographes et cartographes Mela (I, 7, 35) et Pline l'Ancien (HN, V, 23-26), en
anciens. Ceux-ci paraissent, en effet, avoir toujours revanche, ne voient d'Ouest en Est que trois golfes au
minimisé fortement l'inflexion sur un arc nord-sud de long des côtes de Y Africa : celui de Bizerte (Hippo
la côte entre le Cap Bon et le golfe de Gabès Diarrhytus) et celui d'Utique ou de Carthage pour
(Desanges 1997, p. 60), au point que ce que nous notre côte nord ; celui des Syrtes au-delà de Thaenae.
appelons « golfe d'Hammamet » pourrait avoir En revanche, entre le Promontoire de Mercure (le Cap
échappé complètement à leur perception du littoral Bon), où se trouvent Curubis et Neapolis, et le Byza-
africain. Déjà pour Thucidyde (VII, 50), le comptoir cium (en gros, le Sahel) où habitent les Libyphéni-
punique de Neapolis est considéré comme le port le ciens et où sont les villes libres de Leptis,
plus proche de la Sicile (en 413 av. J.-C), ce qui Hadrumetum, Ruspina et Thapsus, il n'est pas fait la
pourrait s'expliquer à la rigueur par une fondation plus moindre mention d'un autre golfe.
tardive d'Aspis (Kelibia), à l'époque d'Agathocle Mieux encore, si l'on fait à présent référence aux
(Anouallah 1994, p. 624), mais il aurait été surprenant coordonnées de Ptolémée qui se traduisent, dans la
qu'un site présentant de tels avantages eût été négligé « carte » du géographe alexandrin restituée par Mùller,
par les Phéniciens ou les Carthaginois (Camps 1989, par un tracé du littoral suivant une ligne droite
p. 977). Seul, le Périple du Pseudo-Scylax (éd. Mùller, approximativement ouest-est, c'est le décrochement
110) parle bien d'un golfe à partir de Thapsos (Leptis), de la côte vers le Sud à partir du Cap Bon jusqu'au
la Petite et Adrumète en allant vers Neapolis, mais par golfe de Gabès - et partant, la notion même d'une
une interpolation fautive, il décrit alors la Petite Syrte façade orientale de la côte africaine - qui semble avoir
« Karkinitis » (Desanges 1978, p. 101, 408). Pomponius été largement méconnue des Anciens (fig. 22). Une

lilyboeom

Fig. 22. La côte de Y Africa sur fond de carte de Ptolémée.

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Sahel et Cap Bon 41

telle vision des côtes de V Africa allait pourtant à déchaussés par les vagues entre la Chebba et Mahdia
l'encontre de l'expérience quotidienne des (sites n° 88-89 ; 95-97) ; il l'est aussi au nord-est du
navigateurs qui avaient le soleil de midi dans leur dos en Cap Bon où le site de la ville punique de Kerkouane
remontant vers Carthage à partir des emporta de la a dû faire l'objet de mesures de protection
Syrte (Rebuffat 1996, p. 2624). Mais, les constructions particulières (n° 154). Néanmoins, les sections
théoriques des géographes de profession intermédiaires, notamment au fond du golfe d'Hammamet et
appartenaient sans doute à un tout autre univers mental il au sud du Cap Bon, sont relativement à l'abri de

:
n'est pas impossible que les poids cumulés d'un l'érosion et bien alimentées en sédiments par les
certain héritage cosmologique des Grecs de Cyrène et oueds locaux et la dérive littorale.
d'Alexandrie à quoi s'ajoutait celui des principaux En revanche, trois autres caractères essentiels de la
comptoirs phénico-puniques installés sur les routes morphologie côtière sont ici à souligner, qui
maritimes de Gadès, soient ici en cause dans la marquent par leur conjonction cette section de littoral,
conception d'un littoral africain obstinément tourné en la singularisant par rapport à la fois au golfe de
vers le Nord (Vycichl 1969, p. 31-33) ; cependant sur Gabès et à la côte nord de la Tunisie la première est

:
ce sujet fort complexe, il faudra se résigner à rester la nette prédominance des étendues de plages, tant
prudemment sur le plan des hypothèses. par rapport aux sections de côtes rocheuses à falaises
qu'à celles de côtes à marais maritimes ; la deuxième
Les conditions de la vie littorale et maritime sont est la présence néanmoins très fréquente, mais en
ici sensiblement différentes de celles du golfe de arrière de ces plages et de son cordon dunaire, d'un
Gabès et le contraste est saisissant dès que l'on paysage de lagunes ou de sebkhas littorales c'est le

:
dépasse vers le Nord la pointe du Rass Kaboudia cas en particulier du fond du golfe d'Hammamet à
{Caput Vada). A une côte basse relativement protégée partir d'Hergla et de la côte orientale du Cap Bon
par son orientation sud-ouest ainsi que par l'écran des (fig. 25 et 26) ; enfin, on remarque en troisième lieu,
Kerkennah et pour cette raison soumise à un certain la continuité sur de longues distances, plus ou moins
envasement qui se traduisait par la formation de en retrait de la mer, mais parfois en contact avec elle,
marais maritimes (avec la trilogie slikke, schorre et d'un ancien bourrelet dunaire grésifié qui présente la
sebkha), succède sans transition, au nord de la stratigraphie la plus complète du Tyrrhénien en
Chebba, une section nettement plus exposée aux Tunisie. Le Sahel de Mahdia, tout particulièrement, est
vagues à cause des vents de secteur est et nord-est. En le secteur où s'individualisent le mieux les trois
outre, les hauts-fonds qui amortissaient l'énergie de la formations (Douira, Rejiche et Chebba) que les spécialistes
houle y sont moins développés vers le large qu'ils rapportent à trois mouvements transgressifs distincts
pouvaient l'être autour de l'archipel des Kerkennah ; du dernier interglaciaire (Paskoff et Sanlaville 1983,
ils ne prennent quelque extension qu'entre les caps p. 61-111).
de Rass Dimass et de Monastir où les courbes bathy- Ces différents traits fondamentaux de la
métriques de 10 et 20 m s'éloignent du littoral pour géomorphologie littorale du secteur doivent être présents à
englober en un même ensemble les bancs des îles l'esprit pour mieux analyser les facteurs de
Kuriates : l'examen des images satellites révèle bien localisation et de conservation ainsi que les conditions de
l'existence de ces hauts-fonds prolongeant l'île d'ed mise au jour des vestiges archéologiques recensés
Dzira près de Thapsus en direction du Nord-Ouest en tout au long de cette façade maritime. Ainsi, pour des
indiquant une ancienne évolution potentielle vers une raisons purement contingentes qui tiennent à la fois à
jonction des Kuriates par un tombolo (Oueslati 1993, la nature même du substratum géologique de la côte
p. 81). et aux pratiques funéraires traditionnelles des
Il en résulte le constat, sur lequel nous Phéniciens, l'ancien cordon littoral de l'Euthyrrénien - ou
reviendrons, d'une assez forte érosion dans les sections « formation Rejiche » - dont le site éponyme se trouve
sableuses et même rocheuses les plus battues aux au Sud de Madhia a-t-il fixé les témoins les plus
deux extrémités de la zone considérée (fig. 23 et 24). anciens de l'histoire de la région : il s'agit des
Le phénomène est bien mis en évidence par des nécropoles puniques ou libyco-puniques aménagées en
témoins archéologiques spectaculairement très grand nombre dans ce calcaire oolithique à la fois

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42 Aspects régionaux

résistant et néanmoins facile à creuser. Beaucoup fig. 28), mais celles-ci étaient creusées dans un grès
d'entre elles avaient été reconnues depuis longtemps, calcaire du Pliocène supérieur qui affleure dans cette
notamment dans les environs d'El Alia au sud de section de côte à falaises du plateau faille de Monastir.
Salakta (Novak 1898), à Thapsus ainsi que sur la côte Du côté mer, d'autres vestiges submergés
orientale du Cap Bon, à Menzel Temime et Kelibia ; témoignent de ce double phénomène d'érosion par les
mais le riche répertoire de leurs tombes à patio ou vagues et de relèvement - ici plus modéré que dans
escaliers, dromos et chambres sépulcrales, a fait le golfe de Gabès - du niveau de la mer. Il s'agit, en
l'objet depuis d'études typologiques récentes (Ben l'occurrence, des témoins nombreux d'anciennes
Younès 1981, 1995 ; Fantar 1995). Ces ensembles de installations portuaires tournées vers le large ou
nécropoles constituent actuellement notre principale situées à l'origine en front de mer et à ce titre
source d'information pour l'époque préromaine sur exposées en première ligne aux processus en question.
les populations « libyphéniciennes » du littoral : elles Bien que le front de mer ne soit pas soumis à des
nous renseignent d'abord sur leurs pratiques tempêtes aussi sévères que celui de la côte nord, les
funéraires ; en outre, elles ont livré un riche mobilier sites vraiment abrités sont rares sur cette côte basse
où se mêlent les productions autochtones et les bordée de plages et les conditions d'accostage n'y
importations de l'Orient, de Grèce ou d'Italie, révélant sont pas toujours excellentes. Aussi la plupart des
un environnement socio-économique précocement ports connus du Byzacium sont-ils des créations
ouvert aux échanges méditerranéens.
artificielles : il s'agit le plus souvent de ports installés
Dans le Sahel de Mahdia, ces grès dunaires à l'abri de jetées construites plus ou moins
constituent un chapelet de monticules parallèles à la côte, perpendiculairement à la côte et ancrées, si possible, à celle-ci
qui culminent par endroits à plus de 25 m de hauteur à la faveur d'affleurements rocheux, comme c'est le
et peuvent s'étaler sur 500 m de largeur. De loin en cas à Thapsus et à Salakta (site n° 94). A Lamta (Lepti-
loin, des drains transversaux y ont été creusés, par n°
exemple près d'El Alia (site n° 90, fig. 175) ou au sud minus, 110), des structures submergées
importantes de ce type ont fait l'objet de relevés plus précis
de Rejiche, près de Mnaka, pour permettre
(Ben Lazreg et al. 1992, p. 163-172). Ces structures
l'assainissement des sebkhas marécageuses de l'intérieur. De
étaient réalisées avec des parements maçonnés sur les
grandes carrières actuelles exploitent intensivement
côtés et un remplissage en blocage au centre. Elles
cette formation Rejiche au risque de menacer parfois
les sites archéologiques ; elles ont succédé bien pouvaient, suivant les cas, ou bien remplir la fonction
souvent à des carrières antiques qui avaient fourni un de brise-lames en eau profonde, contre le vent et les
excellent matériau de construction à toutes les cités vagues, ou bien dans les zones de hauts-fonds comme
du littoral et même à celles de l'intérieur, comme à Lamta ou Acholla, servir d'appontement pour
l'illustre l'exemple bien connu de l'amphithéâtre d'El l'accostage des navires en ménageant des
Jem dont les blocs de grand appareil provenaient de profondeurs suffisantes à leur partie terminale : celle-ci,
sites reconnus dans les environs de Rejiche. Il en est arquée en forme de L est bien visible sur les clichés
de même pour les citernes de Rougga dont les aériens à Rass Botria (Acholla) ; un dispositif
matériaux ont pu être acheminés par des voies charretières semblable, flanqué de sortes de bassins ou de
tracées dans l'axe de la centuriation du Byzacium à « chenaux », a été reconnu à Lamta où des traces de
partir des carrières d'El Alia, au sud de Salakta. L'une poteaux servant à l'amarrage ont été relevées.
d'elles, visible en bord de mer à Mzaouak (site n° 91, D'autres vestiges de jetées ont été signalés à Kelibia et
fig. 27), offre la particularité d'être partiellement à Nabeul. A Thapsus, un très grand môle d'époque
inondée par la mer, ce qui illustre spectaculairement romaine était encore en partie visible avant la
un double phénomène de relèvement du niveau construction récente du port de pêche (fig. 29) ; il s'étirait
marin et de sapement à la base par l'érosion marine en arc de cercle, atteignant entre 65 et 81 m de large ;
du rempart qui, à l'époque de son exploitation, sa longueur totale était d'environ 1 080 m, dont 936 m
séparait de la mer le plancher de cette carrière. On sous l'eau, entre 4 et 6 m de profondeur (Lézine 1961,
remarque également des emplacements de carrières p. 143-149 ; Younes 1999, p. 190). En revanche, il est
antiques submergées dans l'île d'el Ghadamsi (n° 116, vraisemblable que la rade de Ruspina (Monastir), bien

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Sahel et Cap Bon 43

protégée par ses îlots, n'eut pas besoin de grands A ces vestiges, encore visibles en partie, des
aménagements. installations portuaires de la côte, il faudrait ajouter ce que
(n° nous suggère la schématisation, sur les mosaïques de
Dans le cas très différent de Mahdia 102,
fig. 30), on a affaire à un grand bassin creusé dans les la place des Corporations d'Ostie, des phares de
grès pliocenes et l'importance de l'encoche de Sullecthum (fig. 31) et de Missua (sur la côte ouest du
corrosion des assises à l'entrée du port a permis de Cap Bon) ; à Lamta, en revanche, c'est la mémoire
confirmer qu'il s'agissait bien d'un aménagement collective des pêcheurs locaux qui garde encore dans
datant de l'époque punique (du type cothori) et la toponymie des hauts-fonds le souvenir de la jetée
réutilisé plus tard par les Fatimides (Oueslati 1993, p. 166). antique, de bassins et d'un phare (nadour) anciens à
présent recouverts par les eaux (Oueslati et al. 1987,
En revanche, avec Hadrumète, on est en présence
p. 75). Des installations de terre ferme - citernes et
d'un agencement portuaire complexe et longtemps
entrepôts (horrea) - complétaient ces aménagements
controversé depuis les restitutions fantaisistes de
portuaires voués au commerce maritime. A Hergla
Daux ; de ce port n'ont été finalement reconnus, au
(site n° 122, fig. 32), les vestiges de magasins répartis
nord de la vieille ville et du port actuel, que les deux autour d'une cour centrale à la manière des fondouk
môles, l'un au nord où se trouve la Quarantaine, des cités musulmanes et dont quelques autres
l'autre au sud, ainsi que les tronçons d'un brise-lames exemples sont connus ailleurs dans le monde romain
intermédiaire muni d'évents pour amortir la force des (Rickman 1971, p. 318-322), ont été relevés près du
vagues, enfin « un très beau quai avec des anneaux de rivage par G. Hallier dans le cadre du présent
fer » le long de l'avenue qui mène à la Quarantaine. programme (fig. 114 a). Ils correspondaient très
Les fondations d'une tour qui défendait l'accès du port vraisemblablement aux Horrea Caelia qui avaient donné
ont aussi été révélées en cet endoit lors de la leur nom à la ville antique, tandis que les structures
destruction d'une batterie côtière (Foucher 1964, p. 80-85). voûtées visibles plus au Nord sur le rivage (n° 123) et
En revanche, le « port primitif » de Daux ne serait en identifiées à tort, au siècle dernier, avec les horrea en
réalité que le port aghlabide et il n'y aurait pas trace question, ne représentent en réalité que des batteries
du prétendu « cothon » creusé à l'intérieur des terres. de citernes ayant peut-être appartenu à une usine de
En fait, il est ici très difficile de faire la part entre les salaison en cours de démantellement par l'érosion
aménagements puniques et romains : ce port était marine (fig. 33). A cet exemple classique, on peut à
déjà assez vaste quand Varus, au cours de la présent ajouter un autre site d'entrepôt littoral dégagé
campagne de César, s'y réfugia avec toute sa flotte, récemment par T. Ghalia (1996-1998), à Demna près
soit 55 navires {Bell. Afr., LXII). Il présentait de Kelibia (n° 151, fig. 34) dans les dunes de la côte
cependant l'inconvénient de n'être pas assez protégé contre orientale du Cap Bon. La partie la mieux conservée est
la houle du Nord-Est. Aussi s'ensablait-il rapidement formée d'une série de galeries voûtées réparties
quand les travaux d'entretien n'étaient pas poursuivis symétriquement de part et d'autre d'une galerie centrale et
régulièrement. C'est un tel état d'abandon qu'aurait s'inscrivant dans un dispositif plus vaste de bâtiments
constaté à la fin du IVe ou au début du Ve ap. J.-C, le perpendiculaires.
Stadiasme de la Grande Mer (Geogr. graec. min., éd. Ainsi donc, l'importance de la vie littorale et
Mùller, p. 470). Même si ce témoignage doit être pris maritime avait été depuis les temps puniques un des traits
avec quelques réserves, l'idée d'une certaine précarité majeurs de cette façade côtière tournée vers la
des ports de Byzacène à basse époque semble Méditerranée orientale et donc la première au Maghreb à
confirmée par un épisode de la reconquête byzantine être accessible pour des navigateurs venus de
en Afrique : d'après Procope, la flotte d'Archélaos et Phénicie et se dirigeant vers le détroit de Sicile. Au
de Bélisaire, poussée par l'Eurus, aborde une côte demeurant, cette vocation maritime ne s'est pas
« dépourvue de facilités portuaires » entre Carthage et démentie, mais au contraire progressivement
Iunci {Bell. Vand., I, 15, 3). Bélisaire décide alors de renforcée, après la conquête romaine, quand les
débarquer à Caput Vada où une cité florissante sera courants commerciaux ont été en partie détournés par
fondée par la suite (DeAed., 6, 6, 8-16 ; Pringle 1981, les négociants italiens ou locaux en direction de
p. 192). l'Italie ou des provinces de la Méditerranée occiden-

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44 Aspects régionaux

tale comme la Gaule. Par la suite, ces flux au début du me s. les notables issus du monde des

:
commerciaux se sont affirmés sous le Haut-Empire, en grands propriétaires terriens, des armateurs ou des
l'occurence pour le ravitaillement de Rome par les négociants continuent alors à doter leur cité de
naviculaires et les services de l'annone entre autres monuments somptueux, mais aussi à construire pour leur

:
activités, les ports du Byzacium devaient assurer dans usage personnel, très souvent en bordure du rivage
les meilleures conditions possibles l'acheminement ou à peu de distance en retrait, sur l'ancien cordon
du tribut frumentaire drainé dans les campagnes de dunaire, de luxueuses résidences décorées de
l'arrière-pays, d'où l'aménagement des ports qu'il fresques et de mosaïques. Parmi ces dernières, on ne peut
fallait doter des équipements nécessaires ; l'empereur manquer de citer les fragments conservés au Musée
lui-même s'y intéressant par l'intermédiaire de ses du Bardo de la mosaïque d'El Alia qui représentait, à
procurateurs à la tête des services financiers et l'arrière plan de scènes de pêche, les palais et jardins
administratifs présents sur place, les armateurs ou d'un grand domaine à la fois maritime (ou lacustre) et
naviculaires africains surent en tirer profit en ayant, de leur rural (Charles-Picard 1990, p. 6). Certains vestiges de
côté, leurs agences ou bureaux à Ostie. ces constructions de prestige - des thermes, nous
Bien que l'origine de cette richesse soit à avons pu le constater souvent - avaient été signalés
rechercher dans la mise en valeur agricole de l'arrière-pays, avant nous sur le rivage même où ils avaient mieux
principalement dans l'essor de l'oléiculture, ses effets résisté à l'érosion marine ; on retiendra par exemple
se sont fait sentir surtout dans les ports ou dans cet édifice à mosaïques reconnu à 1700 m au sud de
quelques cités-marchés qui, comme Thysdrus, étaient bien la pointe de Rass Salakta. Sur l'une d'elles
placées au carrefour de plusieurs voies, pour représentant un navire on pouvait lire les noms d'armateurs de
rassembler les denrées et les diriger vers les différents ports Sullecthum, dont ce Leontius qui avait placé sa firme
de la région (Slim I960, p. 55). D'après la Table de et ses voiliers sous le signe du lion ; une magnifique
Peutinger pas moins de quatre routes reliaient ce représentation du félin décorait une salle thermale
centre aux ports d'Hadrumète, Leptiminus, octogonale (Morel-Deledalle 1980, p. 81-86) ; à
Sullecthum et Usilla (par Bararus). Le tonnage relativement Themetra, au nord de Sousse, des navires et des
faible des navires et la lenteur des charrois justifient le installations portuaires - avec un phare ou plutôt un
grand nombre de ports échelonnés sur la côte ; mais sémaphore - étaient figurés avec un réalisme riche
il y a aussi une certaine hiérarchie entre ces ports d'enseignement pour les spécialistes de l'architecture
:

Hadrumetum et, dans une moindre mesure, navale et portuaire. A ces mosaïques découvertes sur
Leptiminus semblent avoir bénéficié d'une sorte de les lieux mêmes font écho celles des stationes de la
prééminence régionale, illustrée par leur élévation, sous le Place des Corporations d'Ostie, dont trois, parmi
règne de Trajan, au rang de colonie honoraire celles qui sont identifiables, concernent des ports de
(Gascou 1972, p. 67 ; Beschaouch 1990, p. 107) et la région et leurs naviculaires Curubis, Gummi et
:

confirmée surtout par leur rang de chef-lieu de Sullecthum (Becatti 1953, IV, pi. CLXXIX, CLXXXV,
circonscription pour la gestion des domaines CXC ; Romanelli I960, p. 66).
impériaux. Chacune de ces régions domaniales devait Comme permettaient déjà de le pressentir nombre
posséder son infrastructure routière, comme le de témoignages épigraphiques et archéologiques
montre, par une inscription d'Haïdra du IIe ou IIIe s., concernant l'activité édilitaire dans ces centres
l'exemple de la Via Hadrumetina drainant un urbains, témoignages souvent confirmés par l'analyse
hinterland étendu jusqu'à la Haute-Steppe (XAmmaedara stylistique des mosaïques tardives découvertes en ces
(Salama 1964, p. 81-85). D'autres artères, parallèles à lieux, ces éléments de richesse fondés sur l'agriculture
la côte en direction d'Horrea Caelia et de Gurza, d'exportation et le grand commerce maritime se sont
plaçaient Hadrumète au centre d'un réseau routier en maintenus avec une particulière vigueur jusqu'à basse
liaison avec le Cap Bon et Carthage. époque. Le trafic portait sur le blé, surtout l'huile et le
Les découvertes archéologiques effectuées depuis vin, mais aussi des produits de l'artisanat africain
une quarantaine d'années ont confirmé que la région comme la poterie, enfin, comme nous le verrons,
côtière de la Byzacène dans son ensemble avait été ceux de l'industrie halieutique, les salsamenta. Il ne
particulièrement florissante dans le courant du IIe et faudrait donc pas s'exagérer l'état de déchéance des

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Sahel et Cap Bon 45

ports évoqué plus haut. C'est ce qu'autorise à rectifier, toriés comme centres de traitement du poisson pour
avec une certaine assurance, l'étude de la vaisselle et la production des salsamenta.
des amphores de Byzacène dont on savait déjà La pêche, en l'occurrence, a toujours été une des
qu'elles avaient été largement diffusées en grandes activités de la façade orientale de la Tunisie,
Méditerranée (Zevi et Tchernia 1969, p. 173-214). Les mais avec sur cette section des caractères
marques sur amphores recueillies à Ostie ou en sensiblement différents de ceux observables dans les zones de
d'autres lieux désignent sans ambiguïté les principaux hauts-fonds du golfe de Gabès. Ici, les pêcheries fixes
centres d'expédition de ces marchandises : ASVL étaient assez rares, se limitant à celles que des Sahé-
(Sullecthum), LEPMI (Leptiminus) , HADR (Hadru- liens de Teboulba, de Saïada et de Lamta ont eu
metum). autrefois sur les bancs des Kuriates (Despois 1955, p. 456).
Quant au mobilier recueilli sur les sites mêmes au Sur les côtes du Sahel et du Cap Bon, au large de
cours de cette prospection géoarchéologique (cf. Nabeul où elles se produisent au printemps et au
l'analyse de M. Bonifay et al. dans L'étude du mobilier, début de l'été (de mai à juillet), ce sont, en revanche,
Ant. Afr., 38-39, 2002-2003), c'est dans ce secteur côtier les migrations saisonnières des espèces pélagiques de
que s'expriment le mieux deux des tendances « poissons bleus »> (thons, sardines ou allaches) qui
dominantes observées sur l'ensemble du littoral tunisien : la étaient mises à profit naguère encore - avant le
tendance à une occupation très longue des sites, développement de la grande pêche hauturière au chalut -
depuis l'époque punique jusqu'à l'époque byzantine, dans les thonaires de Sousse, de Monastir ou des îles
principalement dans les sites urbains (Leptiminus, Kuriates. Ce sont ces mêmes poissons qui, selon les
Sullecthum, Mahdia) ; une tendance à une occupation analyses récentes de M. Sternberg (2000, p. 147),
tardive (à l'époque vandale ou byzantine) plus étaient traités dans l'usine de Nabeul. Ce type de
marquée ou exclusive dans certaines sections pêche était, nous l'avons vu, pratiqué dans l'antiquité,
particulières du littoral comme le fond du golfe d'Hammamet au dire de Strabon (XVII, 3) à la pointe d'A mon Bali-
ou les lagunes de la région de Korba, où la vie aurait thon (comme naguère encore au Rass Kaboudia) et
pu se retrancher dans les temps difficiles, comme peut-être aux îles de Monastir, si l'on se réfère à une
ailleurs, dans des zones littorales homologues en notation du Stadiasme (112, cf. infra, conclusions, 2,
Méditerranée. Après la reconquête byzantine, puis à II). La configuration du littoral s'y prêtait à l'évidence
l'époque arabe, dans Vlfriqiya aghlabide et fatimo- en offrant pour y déployer des madragues ou autres
ziride, un nouvel essor maritime est attesté par la madhraba, une succession propice de promontoires
création de ports nouveaux ou la remise en fonction de rocheux entre la Chebba et Monastir, avec au large, à
certains ports à l'abandon sur la côte sahélienne l'extrémité de leurs bancs riches en herbiers, les îles
(Hadrumète = Justinianopolis, Mahdia). Kuriates qui devaient leur nom (taricheiae) aux
salaisons qui s'y trouvaient dans l'antiquité. Au Moyen
Une dernière série de vestiges, plus spécifique Age, les principales pêcheries du Sahel étaient encore
mais placée au centre de la problématique de nos en ces mêmes lieux et il y a une corrélation étroite
recherches sur les côtes de Y Africa, est celle qui entre les qasr-ribàt et les activités halieutiques de la
concerne les témoins archéologiques d'activités région, car selon les documents arabes, les revenus
directement dérivées des ressources de la mer et du des droits de pêche bénéficiaient en partie aux mura-
littoral : il s'agit des viviers à poissons (sites n° 113, bitun (Djelloul 1995a, p. 51, 57). Plusieurs sites
137) et surtout des usines de salaison, dont les seuls comme Kelibia, Nabeul, Monastir, el-Ghadamsi (où
exemples déjà reconnus en Tunisie l'avaient été sur un ribàt a été reconnu et fouillé récemment), Djamma
cette section de côte : à Salakta, Nabeul et Kelibia (Mahdia), Lamta et Qabbudiya, sont sur ce point
(Foucher 1970, p. 18 ; Darmon 1967-68, p. 275). Une révélateurs d'une telle corrélation car des vestiges
douzaine de sites nouveaux, remarquables par la d'installations antiques liées à la pêche y ont été découverts
présence de vestiges de cuves ou de citernes qui s'y souvent dans le voisinage immédiat ou non loin de
trouvent, parfois groupées en ensembles de première qasr-ribàt, dont les tours ou manar ont pu jouer en
(n°
grandeur, comme à Hergla 123), Maamoura leur temps - de même que les nombreux nadour
(n° 137), Es Seguia ou Demna (n° 152), ont été aghlabides échelonnés sur ces côtes - le rôle de ces

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46 Aspects régionaux

guettes à thons dont parlait déjà Strabon (Trousset l'antiquité déjà, la concentration en sel qui en résultait
1991, p. 347-349). pour le conditionnement et la conservation des
Tout ceci n'exclut pas la pratique, à toute époque, produits de la pêche ; à l'époque contemporaine les
d'une autre forme de pêche plus diffuse, celle des plus productives de ces salines se trouvent à Khniss
espèces sédentaires de « poissons blancs » de haute près de Monastir et dans la région de Mahdia (Sebkhet
qualité marchande, pratiquée sur la plate-forme ben Rayada et Dimass).
littorale à la faveur d'un faciès sous-marin favorable, dans Les plus grandes d'entre ces lagunes, dans la
le Cap Bon et à Mahdia par exemple, où les poissons région de Monastir (Khniss), de Korba et surtout celle
sont, dit-on, les meilleurs de Tunisie. Au total, le Sahel d'Hergla (Halk el Mujjen ou Mungil, en rapport,
à lui seul produit de nos jours le tiers des poissons a-ton pu dire, avec le nom d'un poisson qui pouvait
péchés en Tunisie (Sethom et Kassab 1981, p. 304). entrer dans la sebkhà), ont fait l'objet, dans un passé
Partout le long du littoral, sur les plages sahéliennes plus ou moins récent, d'expériences d'une pêche
plus particulièrement, des pêcheurs locaux, parfois lagunaire traditionnelle - avec des nasses, bordigues
occasionnels, reproduisent encore aujourd'hui sous ou filets - fondée sur les migrations de poissons
nos yeux des gestes et des pratiques traditionnels de (mulets et anguilles) suscitées par les échanges entre
pêche côtière, à terre ou en barques, à la ligne ou à les eaux de la mer et des lagunes (Romdhane 1998,
l'épervier, à la nasse ou à la gargoulette (karour pour p. 62-63). H n'est pas jusqu'au lac de Kelbia, situé
les poulpes), avec des sennes de plage (hlig et kiss) pourtant à une certaine distance de la mer, qui n'ait
ou des sennes encerclantes (Romdhane 1998, p. 74- connu, à la faveur de crues exceptionnelles comme en
75) ; ce sont autant de répliques contemporaines de 1931, des pêches miraculeuses : de nombreux
techniques ancestrales dont les mosaïques du Musée poissons de mer - des mulets surtout - ayant remonté
de Sousse, par exemple, nous donnent pour dans le lac par son exutoire, l'oued Menfess, il
l'antiquité une illustration des plus vivantes (Blanchard- s'ensuivit une véritable ruée de pêcheurs du Sahel
Lemée et al. 1995, p. 122). amenant avec eux barques et filets, d'où des conflits
A ceci s'ajoute la composante lagunaire, que nous avec les riverains qui n'avaient pour pêcher que des
avons déjà signalée, du littoral en question et qui a pu moyens de fortune (Despois 1955, p. 87-88).
donner lieu, dans l'antiquité et au Moyen Age, à des Des témoins archéologiques sporadiques mais
pratiques de pêche particulières, aujourd'hui révélateurs - outre les témoins nombreux datant du
disparues ou peu répandues dans la région même. Ces Néolithique comme autour de la Sebkhet Halk el
lagunes ou sebkhas littorales s'échelonnent tout au Mujjen - tendent à prouver que beaucoup de lagunes
long de la côte depuis le nord-est du Cap Bon jusqu'à littorales, y compris celles de la région de Mahdia, ont
la région de Mahdia. Ce sont des milieux pu être le théâtre d'une activité halieutique dans
particulièrement fragiles, sensibles à la fois aux variations du l'antiquité et ce, semble-t-il, jusqu'à sa période la plus
niveau marin et aux déplacements de ligne de rivage tardive (du IVe au viie s.) à la faveur d'une phase
qu'elles permettent au demeurant d'enregistrer par la climatique relativement plus humide qui aurait permis de
morphologie du cordon dunaire qui les sépare de la maintenir en eau toute l'année ces sebkhas littorales.
mer. Elles sont également très sensibles aux On serait passé depuis l'antiquité d'un système
oscillations climatiques mêmes légères ayant pu survenir lagunaire à un système laguno-endoréique, et ce
depuis ou pendant l'antiquité. En fonction même des phénomène s'est marqué par l'extension des sebkhas de la
saisons, elles se présentent comme des lagunes région d'Hergla dans des zones autrefois cultivées
caractéristiques ou comme des sebkhas, d'où un problème dans l'antiquité comme le montrent les traces de
de définition les concernant (Oueslati 1993, p. 289). centuriations sur les clichés aériens de la sebkha Jeriba
La plupart, en effet, n'ont de communication avec la (Mrabet et al. 1999, p. 86). Un bon exemple d'une
mer et ne sont envahies par ses eaux qu'au cours de activité mixte ancienne, agro-halieutique, est
la saison pluvieuse et lors des tempêtes ; en été, en représenté par certains sites visités sur les rives de ces
revanche, elles s'assèchent et sont le siège d'une lagunes au fond du golfe d'Hammamet, qui
déflation éolienne parfois notable. Des salines présentent, dans un environnement aujourd'hui peu attractif,
d'extraction facile ont mis à profit, sans doute dans des vestiges d'agglomérations de quelque importance

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Sahel et Cap Bon 47

(sites n° 124 à 130) et même d'installations de rocheux et l'une d'elles était reliée à la mer par un
traitement du poisson qui ne peuvent guère s'expliquer canal. Ces viviers constituent d'excellents marqueurs
que par la présence de pêcheries (n° 127 bis sur la archéologiques pour mesurer avec précision le
Sebkha Sidi Khalifa). Un autre exemple, plus relèvement du niveau marin depuis l'antiquité - ici d'origine
convaincant, est celui d'une série de sites échelonnés le long eustatique - de l'ordre d'une trentaine de centimètres
du cordon littoral à l'est du Cap Bon, entre Maamoura - et c'est à ce titre qu'ils avaient déjà attiré l'attention
et Kelibia. Des lagunes effilées et disposées des géomorphologues (Pirazzoli 1979-80, p. 191-202).
parallèlement au rivage reproduisent d'est en ouest un A Salakta (n° 94, fig. 37), on peut voir une structure
dispositif identique une plage et son bourrelet dunaire ; la bâtie submergée formée de deux murs parallèles en
:

lagune alimentée en eau de loin en loin par des retour d'équerre, qui s'apparente fortement à un type
passes ouvertes sur la mer ; vers l'intérieur, le de viviers bien connu sur les côtes italiennes ; d'autres
bourrelet tyrrhénien grésifié éventré par des carrières viviers, aujourd'hui disparus, ont été signalés naguère
(Bourgou 1991, p. 18). Un double processus à Kelibia, ainsi que des vestiges de cuves, à
morphologique est en cours dans ce dispositif une érosion l'emplacement du port de pêche actuel (n° 150). Dans l'état
:

du cordon et sa migration vers l'intérieur au dépens présent de nos recherches, il n'est pas possible
de la lagune faisant apparaître, en front de mer, des d'interpréter ces viviers à poissons comme des
ruines romaines installées sur un cordon plus ancien piscinae, vouées surtout à l'agrément et au prestige de
et même parfois l'ancien fond de la lagune ; un luxueuses villae maritimae, comme il en existe de
mouvement de colmatage de celle-ci qui explique nombreux exemples sur les côtes de Campanie.
qu'en dépit d'un niveau marin légèrement plus bas Certes, un site comme celui de Sidi Mehersi, au sud de
qu'aujourd'hui, le paysage lagunaire existait bien au Nabeul (n° 134, fig. 118 et 119), où l'on peut voir
moment de l'occupation romaine (Oueslati 1993,
aujourd'hui en bordure de mer, une sorte de grotte
p. 301). Le fait archéologique le plus remarquable ici
artificielle décorée de mosaïques relève bien de
est, au demeurant, la présence significative qui n'avait
l'univers de la villégiature aristocratique des villae
jamais été soulignée jusqu'alors, d'anciennes
maritimae (Darmon 1983, p. 103). Il en est de même,
chaussées romaines qui traversaient les lagunes à l'aplomb
sans doute, pour les nombreux vestiges de thermes
des principaux vestiges d'établissements recensés sur
recensés sur ces côtes et mieux préservés de l'érosion
le cordon littoral (sites n 138, 139, 142, 145, 149). On
peut interpréter ceux-ci comme des centres de marine que les ensembles résidentiels auxquels ils
pêcheries utilisant les lagunes comme viviers naturels et appartenaient, grâce à la résistance de leurs bétons
reliés à la terre ferme par ces chaussées qui étaient étanches. Mais dans les autres cas de viviers que nous
munies parfois de buses pour permettre la circulation venons de citer, il semblerait plutôt qu'on soit en
de l'eau dans ces étangs (fig. 35). Toutes ces présence d'installations à vocation réellement
installations littorales, où l'on remarque la présence de cuves, productive et marchande d'après le contexte industriel où ils
sont sans doute à replacer dans le cadre d'une se situent à Maamoura, les bassins creusés dans le
:

économie domaniale fondée sur une forme rocher font partie intégrante d'un centre de traitement
d'aquaculture extensive (cf. infra, conclusions II, 2). des produits de la pêche à en juger par les vestiges de
A la différence de ces viviers naturels situés à cuves et de canalisations qui s'y reconnaissent à
l'intérieur des terres, existaient sur les côtes même du proximité. A Salakta, ce que nous interprétons comme
Sahel et du Cap Bon plusieurs exemples, déjà connus, un vivier ainsi que d'autres ruines visibles en bord de
de viviers artificiels creusés dans le platier rocheux en mer où elles ont été dégagées par l'érosion marine, se
avant de la ligne actuelle de rivage et inondés en trouvent dans le prolongement immédiat, de l'autre
permanence sous plusieurs dizaines de centimètres côté de la route, d'une des premières usines de
d'eau marine. De tels viviers sont visibles sur le site de salaison dégagées en Tunisie et reconnues comme
Sidi Mansour à Monastir (n° 113, fig. 36) où sept telle dès 1963 (Foucher 1970, p. 8). Il est raisonnable
bassins étaient creusés dans les grès pliocenes ; à de penser que ces viviers isolés n'étaient que des
Maamoura, près de Béni Khiar au nord de Nabeul réserves pour alimenter en produits frais l'atelier de
(n° 137), deux cuves étaient taillées dans l'estran salaison « selon un schéma très proche des aménage-

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48 Aspects régionaux

ments complémentaires de la pisciculture extensive » ment, dès 1965, en bordure de mer où les installations
(Lafon 1998, p. 582). industrielles et les habitations se sont à la fois
En fait, la coupure entre les résidences de luxe et succédées dans le temps et juxtaposées dans l'espace
des industries halieutiques sources de nuisances (fig. 40). Elle est actuellement l'objet, en même temps
olfactives n'est peut-être qu'une exigence que d'un programme de mise en valeur du site par
rétrospective de nos sensibilités modernes. L'exemple de Troia l'INP de Tunis, d'opérations de dégagements et de
au Portugal (Etienne 1994, p. 162) où les thermes fouilles complémentaires ainsi que d'analyses
privés de la domus du propriétaire sont imbriqués nouvelles sur la nature des produits traités dans les
dans le complexe industriel aide à comprendre, peut- cuves et sur le matériel de transport. Les résultats de
être, ce que l'on peut voir à Salakta, où plusieurs cette étude particulière portant sur le site des salaisons
batteries de cuves de dimensions diverses de Nabeul sont actuellement en cours de publication
caractéristiques des industries de salaison entourent une grande (L. Slim étal. 1999, p. 164-168).
citerne voûtée. L'ensemble est accolé aux restes d'un D'ores et déjà on peut penser que cette usine, à la
établissement thermal luxueux comportant un petit fois par l'importance de son extension et par son plan
nymphée ou « grotte » (fig. 38). Il importe de - avec une rampe d'accès à la mer et une cour
souligner que c'est en partie sur ce site qu'avaient été centrale autour de laquelle sont disposées les cuves
recueillies des marques d'amphores de (Sul)lecthum de traitement du poisson -, est très représentative des
déjà connues à Ostie, ce qui prouve bien, à titre grandes officines africaines. Elle s'inscrit en bonne
d'exemple, que les salsamenta de cette usine position dans la série des installations de ce type déjà
rentraient bien dans un courant d'exportations connues dans la péninsule ibérique et sur la côte
africaines que l'on avait tendance à ramener, d'après les marocaine. De plus, ce site semble être un gisement
types d'amphores concernées, à d'autres denrées de première importance pour l'étude de la céramique
telles que l'huile et le vin. africaine de l'antiquité, susceptible de fournir une
A Kelibia, cette coupure entre la fonction échelle chronologique propre au Cap Bon et au golfe
industrielle et la fonction résidentielle apparaît d'ordre d'Hammamet.
chronologique. Parmi les belles demeures d'époque Enfin, il n'est pas jusqu'à l'étude
romaine qui ont été reconnues, l'une d'elles a été géomorphologique du littoral qui ne puisse tirer profit des analyses
dégagée au pied de la colline qui aurait donné ses stratigraphiques approfondies effectuées sur le site en
noms successifs au site (MGN, Aspis, Clupea question. Celui-ci n'est séparé que par une trentaine
= bouclier) et où une forteresse dominait déjà la ville de mètres de la plage actuelle à laquelle se raccorde
à l'époque punique. Elle se signale par un décor de le profil de la rampe d'accès à l'usine. Les premiers
mosaïques sur le thème de la chasse. Cet édifice a habitats puniques qui ont précédé l'usine d'époque
succédé à une fabrique de salaison dont les bassins romaine (laquelle est en fonction du Ier au 111e s.
ont été reconnus au-dessous des sols mosaïques du ap. J.-C.) s'étaient implantés sur une dune végétalisée
péristyle (fig. 39). Une étude stratigraphique récente a du même type que celles actuellement visibles au sud-
permis de préciser les rapports chronologiques entre est du site. On se trouve de la sorte, à Nabeul, dans
les deux affectations du site en attestant l'antériorité un cas de figure exemplaire et au total assez rare sur
de l'usine (2e moitié du IIe s. - lre moitié du me) par les côtes tunisiennes, celui d'une stabilité assez
rapport à la maison (ve-vie s.) (Ennaïfer 1999, p. 234). grande de la ligne de rivage dans l'antiquité, alors que
A Nabeul, nous sommes également en présence les deux extrémités de la façade orientale de la
d'un site ayant connu, à l'instar de la ville même de Tunisie, au Sahel et au Cap Bon, sont aujourd'hui le
Neapolis, une longue durée d'occupation, ce qui théâtre d'une érosion marine très active et d'un retrait
permet de replacer l'activité industrielle dans une sensible de la ligne de côte souligné par la présence
large perspective historique. Une importante usine de de nombreux témoins archéologiques mis au jour sur
salaison et de garum y avait été dégagée l'estran.

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Sahel et Cap Bon 49

Fig. 23» Citerne antique détruite par l'érosion marine à Maqluba (site n°89).

Fig. 24. Le Rass ed Derek à l'extrémité nord-est du Cap Bon, vue du site d'Oued er Rega (n°157).

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50 Aspects régionaux

Fig. 25. Plage et cordon dunaire entre mer et sebkha, au nord de Madhia.

Fig. 26. Plage du Rass el Melah au nord de Kelibia.

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Sahel et Cap Bon 51

Fig. 27. Carrière ancienne de Mzaouak dans la formation Rejiche (site n°91).

Fig. 28. Emplacement d'une carrière ancienne dans l'île d'el Ghadamsi à Monastir (site n°ll6).

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52 Aspects régionaux

Fig. 29. Grand môle romain de Thapsus (Rass Dimas) en 1979 (site n°105).

Fig. 30. Le port ancien de Mahdia (Gummi, site n°102).

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Sahel et Cap Bon 53

Fig. 31. La mosaïque de la statio des naviculaires de Sullecthum à Ostie.

Fig. 32. Les horrea d'Hergla (site n°122).

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54 Aspects régionaux

Fig. 33. Batterie de citernes sur l'estran au nord d'Hergla (site n°123).

Fig. 34. Les horrea de Demna (Oued el Kseub, site n°151 bis).

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Sahel et Cap Bon 55

Fig. 35. Chaussée antique dans la sebkha Gasser Rhaleb


à Htouba (site n°139).

Fig. 36. Viviers romains à Sidi Mansour (site n°113).

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56 Aspects régionaux

Fig. 37. Murs submergés à Salakta (site n°94).

Fig. 38. « Grotte » des thermes dans l'usine de Salakta.

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Sahel et Cap Bon 57

Fig. 39- Cuves de salaison dans une maison de Kelibia.

Fig. 40. L'usine de salaison de Neapolis.

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Ill - Le golfe de Tunis et la Côte Nord

(sites n 158 à 210)

Cette troisième et dernière division du littoral côte, une porte d'entrée des plus grandioses - la
constitue la façade maritime septentrionale de la meilleure possible au débouché de la vallée de la
Tunisie. Située à l'extrémité nord-est de l'Afrique Mejerda - en direction des bassins intérieurs du Tell, en
Mineure - la Djeziret el Maghreb des Arabes - elle en particulier vers les « Grandes Plaines », régions céréa-
dessine la partie saillante qui, en face de la Sardaigne lières les plus productives de Y Africa.
et de la Sicile, sépare les deux bassins de la Les Puniques ne pouvaient trouver
Méditerranée dont le Cap Bon est le point de partage. Mais d'emplacement plus favorable pour y établir - à partir d'Utique
cette façade offre d'est en ouest des aspects très et surtout de Carthage - les bases d'un empire
différents. A l'est, le golfe de Tunis-Carthage amplement maritime en Méditerranée centrale et occidentale, tout en
dessiné à l'abri des puissants promontoires qui se ménageant celles d'une domination terrestre
l'encadrent, n'avait pas, sur une partie de son pourtour, la ultérieure sur un riche arrière-pays agricole africain, vers
même configuration dans l'antiquité qu'aujourd'hui la fin du Ve ou le milieu du IVe s. av. J.-C, semble-t-il.
:

il représente un cas, unique par son échelle en Dans un autre temps - à partir de 146 av. J.-C. jusqu'à
Tunisie, de progradation du littoral par alluvionne- la reconstruction de Carthage sous Auguste - le
ment. Dans ce golfe si chargé d'histoire, Utique près conquérant romain saura reconnaître ici - à Utique
des bouches mouvantes du Bagrada et Carthage sur puis à Carthage - les positions-clefs du pays pour y
une presqu'île pointée vers l'Orient étaient aux avant- installer les organes du pouvoir civil et militaire de la
postes de V Africa, admirablement situées pour y province d'Afrique. C'est à partir des mêmes bases
commander un vaste arrière-pays. A l'ouest, la côte côtières que la puissance de Rome a pu réinvestir
nord proprement dite, où les hauteurs du Tell l'hinterland de son ancienne ennemie, avant de se
septentrional entrent en contact direct avec la mer, est au déployer par la suite dans les profondeurs de Y Africa
contraire une côte fermée, le plus souvent rocheuse et nova.
escarpée, battue par les vents et les vagues ; elle est Pour les navigateurs anciens qui approchaient ce
beaucoup moins accueillante et urbanisée. Entre ces golfe, deux repères essentiels en marquaient les
paysages littoraux fortement contrastés, le secteur du limites, qui étaient les « pointes avancées de
golfe de Bizerte marque, avec le système lacustre qui Carthage » (Polybe, I, 42, 6, trad. Pedech). En direction
le prolonge à l'intérieur des collines du Tell nord-est, de l'ouest, le « Promontoire d'Apollon » est bien le
une transition des plus originales (fig. 41). Rass Sidi Ali el Mekki d'aujourd'hui ou la pointe de
Dans cette façade maritime, le golfe de Tunis est Porto Farina des Européens (fig. 43). En direction de
bien l'articulation maîtresse du littoral tunisien et la l'est, le Cap Bon (fig. 44), qui est le « Promontoire
meilleure porte d'entrée de l'Afrique du Nord. Ce golfe d'Hermès », est aussi le « Beau Promontoire » de
est tourné sur le large au Nord-Est vers le seuil maritime Polybe (III, 23, 1), comme l'a désormais établi
qui permet de contrôler les passages obligés entre la J. Desanges (1990, p. 21-31). La côte africaine s'orga-
Méditerranée occidentale et la Méditerranée orientale. nisant naturellement - vue de Rome - à partir de
Il est aussi la terre d'Afrique du Nord la plus facile à Carthage qui était la puissance régionale dominante,
atteindre pour qui vient d'Italie - par la Sardaigne ou la on mesure l'importance de la localisation de ce repère
Sicile - et de l'Orient méditerranéen. Mais en même pour interpréter correctement les limites imposées à la
temps, dans l'espacement des derniers chaînons de navigation romaine dans le premier traité entre
l'Atlas, il ouvre, par une immense échancrure de la Carthage et Rome. Avec l'île de Zembra (Egimure),

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I
Coa.
s
Voir A j— 189^
g 7 189Cap Blanc
182 Ras Zebib
181
côte en cours de progradation 100m
côte basse stable I I 200m
plage stable 300m 1 97
falaise vive 400m
côte basse en cours de recul 500m Ras el Koran
plage en cours de recul
CED plaine deltaïque d'âge historique
E terres basses en voie de salinisation
site archéologique côtier
site archéologique en cours d'érosion
site archéologique partiellement submergé 50 km 5k
sebkha littorale
isobathe 10 mètres
Fig. 41. Carte des sites du golfe de Tunis et de la côte Nord
(pour des raisons de format, les sites 158 à 167 ont été reportés sur la carte fig. 21).
Golfe de Tunis et Côte Nord 61

l'extrémité montueuse du Cap Bon qui guidait les la Dorsale tunisienne en sont séparées, en fait, par
marins de l'antiquité dans la traversée du détroit de une zone de fractures soulignée par des sources
Sicile était en effet le premier signalement de la terre thermales en bordure de mer, lesquelles, dans le cas de
d'Afrique et pouvait être perçu comme un don Korbous (Aquae Calidae), avaient déjà été mises en
d'Hermès ; dans son surnom de « Beau Promontoire » valeur dans l'antiquité. Ce sont ces hauteurs, le Djebel
(Kalon Akrotèrion) cité par Polybe (III, 23), de Korbous et le Cap Bon proprement dit (Rass
l'ambivalence du terme grec kalos (« beau » ou « bon >») a été Addar), qui, avec le célèbre Bou Kornine, font face à
pour les modernes une source de débats en raison Carthage et signent au loin son horizon maritime. On
d'une confusion possible avec l'autre cap, le sait déjà que pour préserver de toute concurrence ses
Promontoire d'Apollon ou Promunturium Pulchri (Tite-Live, intérêts vitaux dans le Byzacium et les emporta,
XXIX, 27, 12) qui flanque, de l'autre côté, le golfe de Carthage avait interdit à la flotte romaine de naviguer
Carthage. Mais outre que cette épiclèse d'Apollon est au-delà de ce cap en direction du Sud. Les
peu attestée, l'aspect esthétique d'un cap n'étant pas débarquements successifs dont le Cap d'Hermès a été le théâtre
vital dans un contexte nautique, celui propitiatoire de pour les flottes d'Agathocle, de Regulus et de Curion,
« bonne encontre » paraît plus pertinent, appliqué au montrent bien quel rôle stratégique crucial la
dieu des voyages et à l'attente de marins rassurés sur péninsule a pu jouer dans les conflits qui avaient pour enjeu
leur route par l'apparition du Promontoire d'Hermès le contrôle du détroit de Sicile et, plus généralement,
ou Promunturium Mercurii (Desanges 1990, p. 31). de l'antiquité au Moyen Age, aux moments décisifs où
Entre ces deux caps, « les côtes de l'immense se posaient les problèmes de contact entre l'Orient et
cirque du golfe de Tunis ont l'aspect le plus varié, par l'Occident. C'est ce qui explique qu'elle ait été mise
la hauteur, le profil et même la couleur des terres ; de en défense tour à tour par les Puniques, par les
sorte qu'elles offrent au regard un des plus Byzantins et les Arabes. Nombre de sites fortifiés
magnifiques panoramas qui existent ». Telle en est la côtiers (n° 157, 158, 160, 165, 168) peuvent en
présentation flatteuse donnée par les Instructions nautiques témoigner. Avec la forteresse de Kelibia sur la côte orientale
au début du siècle (p. 245). Pour préciser ce tableau, du Cap Bon, celles de Rass ed Derek et de Jebel el
une distinction géographique s'impose néanmoins Fertass, toutes les trois datées du Ve s. par Barecca et
d'emblée entre les deux moitiés du golfe. Fantar (1983, p. 13-28), devaient contrôler la
La moitié orientale, qui appartient à la façade navigation dans les parages pour empêcher les Romains de
ouest de la péninsule du Cap Bon, est montagneuse s'aventurer au-delà du Kalon Akrotèrion (Aounallah
et d'accès difficile. Exposée comme elle l'est à la 1994, p. 625) (fig. 21 et 41).
houle du nord-ouest, elle s'apparente à la côte nord, La moitié ouest du golfe, qui s'étend depuis le cap
bien qu'elle puisse servir d'écran protecteur aux de Sidi Ali el Mekki (Rass et Tarf) jusqu'à Soliman et
navires qui abordent le golfe contre l'éventualité de Sidi Raïs, offre une morphologie plus basse et plus
grosse mer par vents d'est. Sa morphologie côtière fait aérée les reliefs côtiers qui apparaissent au loin sur
:

une place notable, en alternance avec d'importantes l'horizon comme des îles, y déterminent localement
sections de plages (à la hauteur de Tazoghrane), à des un front de mer en falaise à Sidi bou Said (Cap
falaises vives taillées dans des reliefs accidentés à Carthage) et à Gammarth, mais sont le plus souvent
ossature gréseuse et sur lesquels sont plaqués d'épais séparés de la mer par des plaines alluviales dont le
dépôts d'éolianites quaternaires (Paskoff et Sanlaville front est occupé par des plages relativement bien
1983, p. 51-60) les latomies d'el Haouaria (Hermaia) nourries en sédiments. Car le fait essentiel est ici
:

y ont été creusées (fig. 45), dont on connaît l'existence de cours d'eau de première importance, à
l'importance pour la construction à Carthage (Rakob 1984, charge solide élevée pendant les crues, qui ont
p. 15-22). Des carrières littorales taillées à l'air libre à construit à leur embouchure respective des plaines
partir de la côte et aujourd'hui en partie submergées deltaïques étendues l'oued Miliane au fond du golfe de
:

(fig. 46) relayaient - sans doute pour des besoins Tunis et surtout la Mejerda dont les bras successifs ont
locaux - les latomies souterraines jusqu'à Sidi Daoud longtemps divagué dans la partie nord, entre Raoued
et Mraïssa (sites n° 158, 161, 163, 164, 165). Les et la lagune de Ghar el Melh, ultime relique du sinus
hauteurs de la péninsule situées dans l'alignement de Uticensis ayant échappé de nos jours au colmatage

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62 Aspects régionaux

général (Paskoff 1994, p. 15-29 ; Chelbi et al. 1995, de côte (incliné à 30° NE). Il est remarquable de
p. 8-9). constater que c'est cette orientation alignée sur celle du
L'avancée de la terre aux dépens de la mer a été littoral - en progradation parallèlement à lui-même
ici d'une telle ampleur que les vestiges de l'illustre cité pendant l'époque romaine à Carthage (Paskoff et al.
d'Utique, qui était un port aux époques punique et 1985) - qui a été reprise et systématisée, au prix de
romaine, se retrouvent à présent à plus de 10 km à grands terrassements dans la ville haute, par la
l'intérieur des terres (fig. 47). Dans cet ancien golfe, reconstruction augustéenne.
sur un site abrité des vents du nord-ouest par la pointe Sur les deux rives du golfe de Tunis, c'est-à-dire
effilée du Rass Sidi el Mekki, l'emplacement présumé entre Carthage et le littoral qui lui faisait face, une
du port est à replacer selon toute vraisemblance sur la intense activité maritime de cabotage ou au long
rive nord de l'ancienne presqu'île d'Utique au cours devait régner qui a laissé des traces
voisinage des Grands Thermes (fig. 48). Près de la rive sud archéologiques d'époque romaine dans nombre de petits ports
où, en revanche, le colmatage de la baie avait été plus où il était loisible de venir trouver un abri contre les
précoce puisqu'on y trouve des niveaux d'occupation vents de sud-est ; ils servaient d'escale aux navires qui
datés du IVe s. av. j.-C, un quartier industriel semble reliaient la Sicile et l'Afrique ou bien prenaient la
avoir existé à l'époque romaine, avec des citernes ou direction du Byzacium après avoir doublé le Cap
des cuves (Chelbi et al. 1995, p. 38). d'Hermès (Courtois 1954, p. 187-193). Les vestiges
Quant à Carthage, longtemps plus soucieuse de d'un port doté de brise-lames sont visibles à Carpis
rayonnement maritime en Méditerranée occidentale (Sidi Raïs, au Sud de Korbous : n° 169, fig. 49) ; une
que d'enracinement continental, elle avait pris place jetée a été reconnue à Sidi Daoud (n° 161), site
sur une presqu'île bien protégée, encore assez proche identifié de façon certaine avec Missua, dont les navicu-
alors de l'île qu'elle avait dû être au début de l'Holo- laires avaient leur agence à Ostie : le boisseau qui
cène, avant que Palluvionnement de la Mejerda ne figure ce port sur la mosaïque de la Place des
suscite et ne fortifie le tombolo qui devait la relier au Corporations suggère que le commerce du blé y avait de
continent. De ce tombolo complexe à triple cordon l'importance. Mais des vestiges de cuves et d'un vivier
encadrant deux lagunes (la sebkha d'Ariana et le lac creusé dans le rocher (fig. 50) attirent plutôt
de Tunis), le cordon méridional alimenté en direction l'attention sur les activités halieutiques qui font aujourd'hui
de la Goulette par la dérive côtière restait encore encore la réputation de Sidi Daoud, haut-lieu de la
embryonnaire en laissant une large communication pêche aux thons. Il en est de même à Mraïssa (n° 165)
entre le lac de Tunis et la mer. C'est dans cette anse où semble bien devoir être replacée la station de Simi-
septentrionale du lac qui s'étendait profondément en nina qui se trouvait entre Aquae et Missua selon le
direction de Byrsa, à l'ouest du tophet, que se serait géographe de Ravenne (V, 5,4). Parmi les ruines
trouvé le port le plus ancien de Carthage (Lancel 1992, étendues en front de mer et mises au jour par l'érosion
p. 310-312). Les ports dont nous voyons encore les littorale (fig. 51 et 132), se reconnaissent les vestiges
vestiges correspondent en effet à l'état le plus tardif de caractéristiques d'une usine de salaison. En fait, les
la Carthage punique (ne s. av. J.-C.) et témoignent de pêcheries et les industries halieutiques devaient être
sa vitalité juste avant sa destruction par les Romains. très actives dans toute l'étendue du golfe de Tunis, y
Ils ont été aménagés au nord-est du tophet dans une compris dans sa partie restreinte - entre le Cap
zone lagunaire qui s'était constituée à l'abri du même Carthage et le Rass Fertass - où la pêche pouvait
cordon sableux. Tout un quartier artisanal, dont les prendre une dimension lagunaire, sur le mode du
niveaux les plus anciens sont datables du vnie s. av. système halieutique, actuellement menacé, de Ghar el
J.-C, s'interposait entre la mer et l'habitat proprement Mehl (De Fages et Ponzevera 1903, p. 38 ; Oueslati
dit. Celui-ci s'étendait plus au nord dans la plaine 1993, p. 167). L'embouchure de l'oued Miliane et le
littorale et sur les pentes de la colline de Byrsa. Alors que lac de Tunis devaient ainsi constituer des zones
sur ces pentes, un dispositif rayonnant influencé par privilégiées. Des viviers artificiels remontant peut-être à
les contraintes du relief avait été adopté pour le l'antiquité sont signalés à Hammam-Lif (Djelloul
réseau des rues, dans les parties basses du site, en 1995a, p. 53). Encore au Moyen Age selon le
revanche, le tracé urbain suivait l'orientation du trait témoignage d'El Bekri (trad. De Slane, p. 89), on trouvait à

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Golfe de Tunis et Côte Nord 63

Tunis « plusieurs espèces de poissons qui ne se apprivoisé par un enfant, a consigné avec exactitude
péchaient pas ailleurs ». Chacune d'elles fréquentait la le mécanisme du courant alternatif dans le goulet, qui
mer de Tunis à un mois différent de l'année. Parmi les « tantôt se déverse dans la mer, tantôt retourne à la
espèces les plus fréquentes, l'auteur andalou cite lagune ». Une autre particularité de la région lacustre
Yashbarus (sparidé), le mankus (ombrine), Voctubrini avait aussi auparavant retenu, semble-t-il, l'attention
(saupe), Yabanak et le bakunis. Pour l'antiquité, on des navigateurs grecs ayant pu fréquenter ces rives
ne dispose que de témoignages archéologiques lointaines : Hippôn Akra est déjà mentionnée par le

:
outre le cas particulier du traitement du murex qui a Périple de Scylax (111) qui fait référence plus loin à
laissé des traces dans le quartier artisanal voisin des un lac (limne) et à des îles dans ce lac. Ainsi le lac de
ports de Carthage, les industries dérivées de la pêche Bizerte est-il déjà présent dans ce vieux portulan dont
sont attestées par des vestiges de première grandeur la documentation pourrait remonter, en l'occurrence,
à Gammarth (fig. 52) ; leur présence est des plus au vie s. av. J.-C, puisque la mention du lac se trouve
vraisemblables à la pointe de Rass et Tarf et à Utique où déjà dans un passage d'Hécatée (Gras 1990, p. 88).
elles pouvaient se justifier également par la proximité Pour les « îles dans le lac », il y en a deux en amont du
de salines mentionnées par César (Bell. Civ., II, 37). goulet de Bizerte, taillées dans les formations
La plus belle illustration qui pût être offerte de ce quaternaires Njila Srhira et Njila Kbira. Elles ont pu

:
mode de pêche lagunaire était, à coup sûr, celle qui exister à l'époque et d'autres aussi, car le niveau de
avait pour cadre le complexe lacustre unique en son l'eau était légèrement plus bas dans l'antiquité. Mais,
genre que constituait, plus à l'ouest, l'association du dans le passage en question, le système lacustre est
lac de Bizerte et de la garaa d'Ichkeul, à la fois en peut-être concerné dans sa totalité ; en ce cas, on
communication entre eux par l'oued Tinja et avec la pourrait y voir une allusion à la montagne d'Ichkeul
mer par un étroit goulet aujourdhui artificialisé en un qui domine la région de ses 508 m (Gras 1990, p. 89).
canal maritime. Elle est aujourd'hui rattachée à la rive sud de la garaa
La façade sur la mer de cette dépression lacustre par Palluvionnement des oueds, mais on a de très
est située à l'extrémité des plis calcaires du Tell nord- fortes raisons de penser qu'elle était à l'époque une
est dont la disposition en éventail a permis la île, ce qu'elle redevient à l'occasion des grandes
formation de la baie de Bizerte, largement ouverte vers le inondations (Oueslati 1995, p. 43). Un tel paysage - celui
nord et le nord-est mais abritée des vents d'ouest et de cette île-montagne pyramidale se reflétant dans les
de nord-ouest. Les approches en mer en sont eaux de la garaa - si étrange pour l'Afrique du Nord
marquées à l'est par le Rass Zebib escorté de l'île Cani que Bonniard le comparait naguère à un paysage
et à l'ouest par le Cap Blanc, lui-même très classique japonais (1934, p. 173), n'avait pu manquer de
caractéristique par son profil en forme de dauphin ainsi que par frapper en leur temps l'imagination des Anciens
la teinte éclatante de ses calcaires éocènes qui n'est (fig. 54).
pas sans rappeler celle des caps marseillais et Goulet, lac et garaa constituaient de fait un
contraste avec la tonalité plus sombre de la côte des système complet très original dans lequel chacun des
Mogods (fig. 53). Les géographes anciens éléments jouait un rôle essentiel (Bonniard 1934,
connaissaient bien ce Promuntorium Candidum (le Rass el p. 197) : celui de la garaa, peu profonde (1 m),
Abiod des Arabes) qui limitait pour eux le golfe marécageuse et s'étalant largement vers la plaine de Mateur
& Hippo Diarrhytos (sinus Hipponensis) . Le surnom pendant la saison pluvieuse, a toujours constitué un
grec de la cité : Diaritus (var Zaritus) - dont le nom vaste bassin de décantation pour les alluvions des
:

de Benzert serait une dérivation lointaine - avait cours d'eau (oueds Sejnane, Melah, Joumine et Tine)
enregistré par cette épithète géographique la particularité du Tell nord-est. Il en résulte que le lac de Bizerte, qui
du site d'être « traversé par les flots » propter reçoit les eaux d'un vaste impluvium de 2300 km2, ne
:

aquarum rigua, dit Pline (HN, V, 23), allusion au recueille directement que les apports terrigènes d'une
goulet qui met en communication la lagune et la mer petite surface de 300 km2. Cette belle nappe d'eau
et sur la rive gauche duquel est située la ville ainsi protégée du colmatage alluvial par sa voisine a
ancienne. Pline le Jeune de son côté (Epist. IX, 33), en pu conserver des eaux profondes (10 m) et vives. En
avant-propos à l'histoire merveilleuse d'un dauphin fait, le creusement et l'élargissement du chenal ont

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64 Aspects régionaux

modifié radicalement, il y a un siècle, les conditions les ressources du lac de Bizerte présenté comme un
hydrologiques et écologiques du lac de Bizerte en vivier miraculeux. El Bekri précise qu'il n'y a pas
accentuant son caractère marin. Elle n'est plus qu'une d'endroit où le poisson soit à meilleur marché qu'à
anse marine intérieure soumise à la marée semi- Benzert ce qui atteste la réputation de fertilité du lac
diurne, à l'action des vents et même à l'érosion des où il décrit un genre de pêche au mulet (bouri) qui
vagues qui a dégagé des structures archéologiques - utilisait comme appât la femelle attachée à un fil,
entre autres d'usines de salaison (fig. 55) - sur ses selon une technique originale elle aussi encore
rives est et sud (sites n° 186 à 188). L'influence des pratiquée, jusqu'au début du siècle, dans le canal de
apports d'eau douce, aujourd'hui pratiquement nulle, Bizerte (De Fages, p. 37). Idrisi détaille avec précision
a été remplacée par celle de la marée. Auparavant, les douze espèces de poissons dont la pêche se faisait,
s'établissait vers la mer un courant de décharge dont pour chacune d'elles, de façon dominante pour
la date et la durée variaient en fonction de celles des chaque mois de l'année julienne : al buri (muge ou
pluies de saison froide. En saison sèche seulement, les mulet), al qadjuj (rascasse), al tnahal (rouget), at
courants de marée pénétraient dans l'ancien goulet talnat (bonite), al asmar (?), al asbaliniyat
qui avait tendance, au demeurant, à s'ensabler (épinoche), as salba (saupe), al qarus (loup), al ladj
(Bonniard 1934b, p. 15-17). Les pêcheries qui y (alose), al djudja (grondin), al kahla (oblade), at
avaient été très actives autrefois ont été déplacées en tanfalu (?), al qlà (sar). En 1550, Léon l'Africain
amont dans la zone de Rass el Ouzir, puis à Sidi complète cette description sur la pêche dans le lac :
Ahmed et ont perdu beaucoup de leur importance « on y prend de grande quantité de poissons, surtout
(Zaouali 1993, p. 229-230). de grosses daurades de 5 à 6 livres et le mois
En devenant la grande base navale que l'on sait, le d'octobre passé, une sorte de poisson que les
lac de Bizerte a donc en partie perdu ce qui avait fait Africains nomment girafa, je pense que c'est celui qui
son originalité première, celle d'être un immense porte à Rome le nom de laccia ». En fait, selon
vivier naturel grâce aux échanges saisonniers alternés J. Zaouali (1993, p. 228), il y aurait confusion de la
d'eau douce et d'eau salée entre la mer d'une part et part de l'auteur, entre la capture à la fin du mois de
son appendice continental, la garaa d'Ichkeul d'autre novembre des grosses daurades, encore appelées
part. Les poissons trouvaient dans ces échanges les aujourd'hui girafa, et celle des aloses - ou latchia -
conditions les meilleures pour se multiplier : eaux qui sont des poissons marins de la famille des sardines
calmes et nourriture abondante, renouvelée par les venant pondre dans les eaux douces et remontant
apports des rivières au système lacustre. Aussi, la vers le lac Ichkeul à partir d'octobre.
population ichtyologique de ce vivier était-elle C'est sans doute en observant les pêcheries de
nombreuse et variée. Le peuplement se faisant par la l'oued Tinja - l'émissaire de la garaa d'Ichkeul près
mer, le lac possédait toutes les espèces sédentaires de duquel se situait dans l'antiquité la ville de Thimida
la mer voisine ; mais chaque espèce s'engageait (Henchir Tinja) et où sont installées de nos jours des
séparément à des époques différentes dans le canal pour bordigues à clayonnages métalliques (fig. 54) - qu'on
gagner la haute mer. C'est cette particularité que, de est le mieux à même de comprendre les conditions
tous temps, on avait mise à profit pour l'exploitation qui devaient prévaloir autrefois dans le goulet de
des lacs, en installant des bordigues de clayonnages Bizerte, avant qu'elles n'aient été modifiées par
en branches de palmiers ou en roseaux. D'autres l'ouverture du canal maritime (Bonniard 1934b, p. 18-
procédés étaient utilisés pour la pêche : en barques 22). Plus encore que les courants du chenal, ceux de
sur le lac, à l'épervier sur ses rives, à l'aiguille ou au l'oued Tinja ont attiré de tous temps l'attention. Leur
harpon au fond de l'eau. Procédés dont la réplique renversement périodique a été décrit de façon
exacte figure sur les mosaïques de Tunisie. Pline le pittoresque par les auteurs arabes : « Chacun des deux lacs
Jeune évoquait déjà toute une population s'activant à se déverse dans l'autre durant six mois, puis le
la pêche sur ces mêmes rives (Epist. IX, 33). Nombre courant s'inverse pendant six mois » observe Idrisi
d'auteurs arabes parmi lesquels El Bekri (140-141, De (132). Les raisons en étaient connues « L'hiver,
:

Slane, p. 122), Idrisi (130-131, Hadj-Sadok, p. 139) et lorsque les oueds sont enflés, le lac d'eau douce
Léon l'Africain (II, Epaulard, p. 375-376) insistent sur déborde et, se répandant sur le lac salé, en fait

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Golfe de Tunis et Côte Nord 65

hausser le niveau. L'été au contraire, le niveau du lac paru le plus souvent, eux aussi, l'ignorer ; à l'époque
s'abaisse, et l'eau paraît s'absorber dans la terre » contemporaine, ils avaient laissé aux corailleurs, aux
(Abou'lféda, trad. Solvet, p. 103-105). Les eaux pêcheurs et aux négociants étrangers le monopole de
marines du lac de Bizerte se déversent alors dans la la fréquentation des rares établissements ancrés le
garaa. Mais bizarrement, tout en interprétant avec long de ces rivages difficiles. La situation dans
justesse les origines du mécanisme d'inversion des l'antiquité ne semble guère avoir été très différente, à en
flux saisonniers entre les deux lacs, les mêmes auteurs juger par l'espacement des sites archéologiques
croyaient que l'eau de l'un restait douce et celle de reconnus en bord de mer. Tout à fait significatif de la
l'autre salée. C'est pourtant ce renversement de situation d'isolement de cette façade maritime est le
courant - avec les mélanges et les variations de tracé du réseau des voies antiques reconnues dans la
salinité qui en résultent - qui règle les migrations des région (Salama 1951, p. 54 et 60, carte h. t.) : alors que
espèces (soles, muges céphale et surtout anguilles) presque partout en Tunisie, en particulier sur sa
entre le lac et la garaa. Plus que les autres lagunes du façade orientale, la côte est longée de manière
littoral tunisien, la garaa d'Ichkeul est donc une forme continue et à peu de distance par des itinéraires
extrême de vivier continental où les espèces les plus routiers reliant entre eux les différents ports, la route
euryhalines du milieu littoral viennent effectuer leur entre Thabraca et Hippo Diarrhytus s'écarte du littoral
croissance avant de migrer vers la mer pour se inaccessible pour suivre, à l'intérieur, la vallée de
reproduire, entre mai et décembre selon les espèces. C'est l'oued Sejnane (Winckler 1894, p. 269-373).
à ce moment qu'elles sont capturées dans les bordi- Il faudra toutefois nuancer dans le détail ce
gues de l'oued Tinja, comme pouvaient l'être dans les tableau négatif en mettant à part la section de côte
temps anciens les espèces plus diversifiées du lac de rocheuse mais encore basse - à large plate-forme
Bizerte, quand à la même saison, s'établissait depuis littorale d'érosion - qui fait suite, avec des caractères
la mer un courant entrant dans le /lumen d 'Hippo semblables à la presqu'île du Sahel de Bizerte et
Diarrhytus. s'étend à l'ouest jusqu'au Rass el Koran. Les traces
Les rapports entre l'homme et le milieu littoral, et d'occupation humaine du littoral dans l'antiquité y
plus précisément l'utilisation dans l'antiquité des sont encore particulièrement denses (sites n° 190
ressources liées à ce milieu, changent du tout au tout à 203, fig. 41). Parmi celles-ci, on notera la présence
dès lors qu'on aborde la côte nord proprement dite. d'horrea au Rass Ghirane, ce qui indique qu'une
Du Cap Blanc à la frontière tuniso-algérienne (au Cap activité maritime était possible en un tel lieu (site n° 196,
Roux), le rivage est dominé de près par les montagnes fig. 56). Cette côte, en effet, n'est pas inhospitalière :
boisées des Mogods et de la Kroumirie, formées dans à cause de son orientation Ouest-Nord-Ouest/Est-Sud-
les grès et les argiles oligocènes du flysch numidien. Est, elle n'est pas sous l'emprise directe des vents
La nature du littoral devient en règle générale d'ouest et elle dispose d'un arrière-pays limité mais
rocheuse et escarpée. Manquant d'indentations accessible de collines humanisées ayant pu faire
profondes et de larges couloirs d'accès vers l'arrière - l'objet d'une mise en valeur agricole. Sur cette façade
pays (à l'exception toutefois de l'oued el Kebir et de nord, on doit tenir compte aussi des petites plates-
l'oued Zouara à l'est de Tabarka), il offre une formes de type rasa qui, même si elles restent peu
succession rigide de falaises et de promontoires rocheux larges (quelques centaines de mètres au plus),
sculptés par la mer dans les grès numidiens ou dans s'interposent néanmoins entre le rivage et les premiers
les éolianites quaternaires avec, de loin en loin, reliefs côtiers en donnant localement à la côte un
l'ouverture de quelques baies en croissant ou en aspect relativent aéré (fig. 57). Elles ont pu constituer
faucille, relayées vers l'intérieur par l'extension de des espaces privilégiés pour l'occupation humaine à
champs dunaires montant à l'assaut des versants. la fois au cours des temps préhistoriques et
Dans un tel contexte, la vie maritime du Tell historiques (Oueslati 1995c, p. 176, 192). De bons exemples
septentrional n'a qu'un caractère sporadique et limité. de cette configuration favorable aux habitats côtiers se
En dépit de sa situation en bordure de la trouvent autour du Rass el Koran et à Marsa Douiba
Méditerranée, le pays ne demande rien à la mer à laquelle il (sites n° 203 et 204). Enfin près de l'extrémité ouest de
tourne le dos. Les hommes du Tell septentrional ont la côte nord de la Tunisie, à la limite de VAfrica et de

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66 Aspects régionaux

la Numidie, il faut également faire une place à part Salluste des côtes de Y Africa : mare saeuum, litus
pour la courte section de côte entre Nefza et Tabarca importuosum (« une mer sauvage, une côte sans
où les oueds Kebir, Berkoukèche et Zouara ouvrent mouillage ») (Jug., 17). Nous l'avons vu, chez les
une fenêtre maritime dans cette barrière Anciens, les espaces littoraux dits « syrtiques » étaient
montagneuse, qui a pu servir de débouché à un arrière-pays fâcheusement réputés à cause de leurs terres basses
étendu jusqu'à la région de Béja. incertaines, de leurs hauts-fonds remaniés par les
Le caractère de côte rocheuse et fermée s'affirme, tempêtes et les marées. Pour qualifier ceux de la côte
en revanche, jusqu'à cette fenêtre, à partir de nord, tout autant répulsifs sinon davantage encore
l'inflexion du Rass ben Sekka, le point le plus mais pour des raisons différentes, un autre terme
septentrional du continent africain (37° 20' 55") où la côte spécifique serait adéquat : celui d'« euboïque », selon
prend désormais une orientation Est-Nord-Est/Ouest- la définition reprise de la littérature ancienne par
Sud-Ouest et surtout après le Rass el Koran. Cette J. Rougé (1966, p. 36). « Une côte dure et sauvage,
façade maritime s'inscrit alors dans le prolongement surmontée de hautes falaises », c'est ainsi que sont
du littoral algérien dont elle a tous les caractères décrites par Dion Chrysostome les côtes de l'Eubée
:
baignée par une mer profonde, elle est généralement (Eubéenne, 2, 7). Cette description est applicable au
rocheuse et accore, dominée qu'elle est par des littoral compris entre le Cap Blanc à l'ouest de Bizerte
pentes raides qui la privent à la fois de lieux (Promuntorium Candidurri) jusqu'à Thabraca. Or, il
d'accostage et d'accès commodes vers l'intérieur. Par son se trouve que ce sont des marins d'Eubée installés en
orientation, elle est soumise aux vents dominants du Sicile ou à Ischia, qui, parmi les Grecs, auraient été les
nord et du nord-ouest qui soufflent le plus premiers à fréquenter ces rivages dès l'époque
fréquemment en hiver. En revanche, à la différence du golfe archaïque. La toponymie dont le Périple de Scylax a
de Gabès, cette région présente un faible marnage transmis l'héritage (trad. Mùller, 111) serait un écho
variant de 0,15 à 0,45 m entre les mortes eaux et les lointain des incursions commerciales chalcidiennes
vives-eaux ; les vagues et les houles ne dépassent pas dans un secteur tenu par les Phéniciens. Après la ville
les 5 à 6 mètres de hauteur en fréquence annuelle, d'Hippôn Akra et son lac, sont aussi mentionnées la
cependant, à cause de la profondeur, la houle atteint ville de Pségas et les îles Naxikai, qu'on ne se sait où
le rivage en conservant un maximum d'énergie et la replacer (les îles Cani, l'archipel de la Galite ?), puis
mer est considérée comme houleuse pendant 100 à les Pithêkousae « avec, en face, une île et une ville
120 jours par an (Instructions nautiques 1899, p. 233- dans l'île qui s'appellent Euboia » (Desanges 1978,
242). p. 410). M. Gras (1990, p. 92) accrédite l'hypothèse
Un bon échantillon de cette côte nord est présenté selon laquelle les Pithécuses de Scylax - ou le
par les environs du Cap Serrât, où une succession de Pithékon kolpos des Anciens (la baie des singes) -
saillies gréseuses dissymétriques dessinent un littoral seraient le golfe de Tabarka où les Phéniciens auraient
en forme de crémaillère, avec quelques belles baies accueilli dans leurs marchés des marins eubéens
abritées, mais sans accès de l'intérieur. Plus expressif venus des Pithêcusae (Ischia et Procida).
encore est l'exemple que nous offre la section située C'est la première mention de cette côte où
entre Cap Negro et Sidi Mechrig (fig. 58). S'étendant beaucoup plus tard, dans ce site portuaire à l'abri d'une île,
sur environ 15 km, cette côte montre les reliefs les sera fondée la colonie romaine de Thabraca, à la fois
plus grands de l'ensemble du littoral tunisien avec en débouché possible des plaines intérieures de la
particulier le Jebel Randa qui culmine à 464 m. De tels Mejerda et tête de ligne de la voie maritime passant
reliefs dominent directement la mer donnant à la côte par la Galite et la Sardaigne (fig. 59). L'épigraphie et
un aspect escarpé et sauvage. La ligne de crête est les mosaïques tombales de Thabraca y révèlent la
souvent à moins de 2 km du rivage d'où l'importance présence de naviculaires qui exportaient vers Rome le
des pentes dont la valeur est rarement inférieure à blé de l'annone des plaines céréalières de Vaga et
20 % (Oueslati 1993, p. 320). Butta Regia. Les produits de la forêt de Kroumirie, les
C'est ce paysage maritime peu accueillant qui minerais, le bois et les animaux sauvages pour les
pourrait justifier, quand il lui arrive d'être battu par jeux (ferae) étaient aussi expédiés vers l'Italie
une mer démontée, l'image négative que donne (Longerstay 1992, p. 149-151). Enfin, des milliaires

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Golfe de Tunis et Côte Nord 67

datés du règne d'Hadrien ont montré qu'une voie endroit. On a là un exemple qui illustre de façon
romaine, la « route des marbres », fut tracée à grand extrême et inédite le second axe de notre recherche,
frais à travers la montagne pour évacuer, entre autres qui est l'analyse des transformations de
marchandises, les productions des carrières de l'environnement littoral en Tunisie au cours des temps
Chemtou par le port de Thabraca (Horn 1979, historiques.
p. 178).
Si l'on excepte le port de Thabraca (dont il ne En premier lieu, on peut constater que les trois-
reste aucun vestige) et ses entrepôts, les points de la quarts des sites ou points archéologiques qui ont été
côte nord susceptibles d'avoir accueilli une vie étudiés sur la côte du golfe de Tunis et celle de la
maritime sont donc assez rares. Les fonds rocheux façade septentrionale de la Tunisie sont en cours
n'offrant que des possibilités piscicoles réduites, d'érosion. Ainsi est confirmée, pour l'ensemble du
l'exploitation de la mer elle-même a revêtu ici, dans pays, une tendance générale au recul des espaces
un passé récent, des formes très spéciales sur littoraux, dont les rivages occupent actuellement, sauf
lesquelles on manque de données véritables pour exceptions, une position bien en deçà de celle qui
l'antiquité : récolte de corail à Tabarka, pêche à la était la leur dans l'antiquité. Un tel état de chose est
langouste à La Galite et capture des poissons moins surprenant sur la côte nord de la Tunisie que
migrateurs (thons, sardines et mendoles) dans ces mêmes sur celle de l'Est. En effet, du golfe de Tunis à la
lieux. frontière de l'Algérie, le littoral est, sur sa plus grande
Des témoins archéologiques attirent néanmoins partie, affecté par les houles du Nord-Ouest qui sont
l'attention sur plusieurs sites côtiers de la région. A dominantes en direction et en force dans le bassin de
Sidi Mechrig (n° 206, fig. 60), on peut voir, à l'ombre la Méditerranée occidentale. L'aspect le plus fréquent
des ruines très piranésiennes de l'ancien que prennent ici les rivages est la falaise qui, par
établissement français qui dépendait du comptoir du Cap définition, constitue une forme marine d'érosion. Le sort
Negro, les vestiges juxtaposés d'une occupation normal d'une falaise est de reculer, donc de menacer
antique et médiévale : ceux de thermes romains, d'un à terme les établissements situés en arrière. Parmi les
petit port de pêche et d'un ribàt d'époque aghlabite, exemples nombreux qu'on pourrait présenter, un des
qui s'appelait, semble-t-il, Dama. Une fois encore, la plus représentatifs est celui de l'aqueduc d'Hippo
corrélation entre ribàt et pêcheries, déjà signalée pour Diarrhytus, dont la conduite a été spectaculairement
les côtes sahéliennes, se vérifie ici, car le poisson de tranchée par le recul de la falaise aux environs du Cap
Darna était très réputé selon el Bekri (Idriss 1962, Blanc (site n° 189, fig. 63).
p. 438 ; Djelloul 1988, p. 201). A La Galite (n° 210, Par ailleurs, parmi les sites archéologiques qui ont
fig. 61), ce sont des cuves de salaison aménagées été inventoriés sur la façade septentrionale, douze
pendant l'antiquité dans la falaise de la rive sud qui d'entre eux témoignent d'une submersion qui se
témoignent de l'existence d'une industrie halieutique manifeste aussi bien sur la côte nord proprement dite
dans l'île de Galata. Enfin, nous ferons une place à que sur les rivages du golfe de Tunis et du lac de
part au site d'Argoub el Bania (n° 208), situé à une Bizerte, en communication avec la mer. La plupart des
quinzaine de kilomètres à l'est de Tabarka, à carrières littorales antiques, notamment celles de Sidi
l'embouchure de l'oued Zouara. Il s'agit d'un site étendu, qui Daoud, de Raouad, de R'mel et de l'oued ed Damous,
montre parmi d'autres vestiges significatifs, les indices ont aujourd'hui leur plancher d'extraction inondé de
très probables d'une activité halieutique liée à la façon permanente, situation qui n'aurait pas permis
valorisation d'une situation d'estuaire qui passait pour être alors l'exploitation de la pierre (fig. 64). A l'issue de la
très favorable à la pêche encore à la fin du siècle présente campagne de recherches, on peut dire que
dernier (Instructions nautiques 1899, p. 257). Or, le cette submersion est générale sur les côtes de Tunisie.
site est soumis actuellement à un processus Elle témoigne d'un relèvement du niveau de la mer,
d'ensablement très important qui a provoqué l'enfouissement d'une ampleur de quelques dizaines de centimètres
des ruines (fig. 62 et 149). De telles conditions depuis l'antiquité, auquel il faut attribuer une origine
n'auraient pas rendu possible, si elles avaient prévalu eustatique. Les différences de valeur que l'on peut
dans l'antiquité, l'implantation d'une ville en cet constater d'un endroit à un autre sont le fait de la

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68 Aspects régionaux

tectonique locale. Cette élévation du niveau de la mer écoulements sur les sols, voire sur le substratum
est un des facteurs importants de l'érosion actuelle lorsqu'il s'y prêtait. Mais aujourd'hui, à l'exception des
des côtes de la Tunisie. alentours de l'embouchure, toute la côte du delta est
Une exception de taille à cette règle d'une érosion en cours de recul à cause de la diminution de la
généralisée des côtes de Tunisie est représentée par la charge solide, à la suite de la construction de
côte du delta de la Mejerda qui est localisée dans la multiples barrages sur la Mejerda et ses affluents. Une
partie orientale, abritée des houles du Nord-Ouest, du constatation semblable peut être faite à propos de la plaine
golfe de Tunis. Utique qui était encore un port à côtière des environs d'Hammam-Lif, dans la banlieue
l'époque romaine se trouve aujourd'hui, nous l'avons sud de Tunis. La ligne de côte est plus avancée vers
vu, à plus de 10 km de la mer. Cette progradation de la mer qu'elle ne l'était dans l'antiquité classique mais
grande ampleur s'explique parce que l'on se trouve à ici aussi elle est actuellement en recul parce que
l'embouchure d'un grand fleuve, à l'échelle de l'oued Miliane, lui aussi équipé de barrages, apporte
l'Afrique du Nord, dont la charge solide est élevée moins d'alluvions.
pour des raisons naturelles la topographie La chronologie des étapes du comblement de la
:

montagneuse du bassin-versant, l'extension des roches baie d'Utique a fait l'objet récemment - dans le cadre
tendres, le climat méditerranéen de type sub-humide du même programme de recherche - d'un réexamen
favorisent les actions érosives des eaux courantes. d'ensemble placé sous le double éclairage de
Cette charge solide a encore été accrue par les l'archéologie et de la géomorphologie (fig. 42 ; Chelbi
deforestations et les défrichements qui ont commencé dès et al. 1995 ; Paskoff et Trousset 1992 ; Paskoff 1994).
l'époque punique et qui ont renforcé l'agressivité des Il a permis de conclure que bien avant le milieu du

Fig. 42. Les étapes du comblement du delta de la Mejerda dans l'antiquité.


1. Cadre collinaire ; 2. Ancien lit fluvial ; 3- Dunes d'argiles (lunettes) ; 4. Tracé supposé de la côte A. Situation au milieu
:

du IIIe s. av. J.-C. ; B. Situation dans l'Antiquité tardive ; 5. Cuvette inondable.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 69

nie s., l'alluvionnement était, en fait, déjà fort avancé avait dès cette époque cessé de faire office de
dans la partie centrale et occidentale de l'ancien golfe, débouché régional pour les pays du haut bassin de la
l'essentiel de ce colmatage ayant été l'œuvre du bras Mejerda (Braemer 1992, p. 229).
dit de Chaouat (Barjot 1952, p. 62) qui passait à On a eu l'occasion, pour les autres sections du
l'ouest du Jebel Maïana. L'ancienne île de Galaat el littoral de la Tunisie, de signaler l'existence sur les
Andless avait été ainsi rattachée à la terre ferme, côtes de dépôts continentaux qui témoignent de
isolant de la mer la Garaet el Mabtouha. Celle-ci prit l'occurence d'une phase de rhexistasie à la fin de
dès lors un régime hydrologique de sebkha l'antiquité ou postérieurement à elle. Cet épisode a été
(inondation pendant la saison des pluies, evaporation caractérisé par un décapage et un entraînement des
pendant l'été). Un tel régime permit la formation de sols ainsi que par une érosion des roches tendres par
collines argileuses d'origine éolienne (« lunettes ») le ruissellement et le colluvionnement. Les matériaux
culminant à quelques dizaines de mètres sur les fins ainsi mobilisés se sont accumulés dans les parties
bordures est et sud de la cuvette. Ces eminences, à basses de la topographie, empâtant de la sorte les
l'abri des inondations, constituèrent des sites rivages peu élevés où la terre a alors gagné sur la mer.
privilégiés pour les établissements humains. Des vestiges Aujourd'hui ces dépôts sont figés sous des sols inci-
d'occupation remontant au moins au IVe s. av. J.-C. ont pients. Ils sont incisés par des ravines et attaqués par
été trouvés sur certaines d'entre elles. De même, le les vagues, ce qui donne parfois des falaises de
couloir entre la presqu'île de Galaat el Andless et celle quelques mètres de haut. C'est le cas en certains endroits
d'Utique avait été colmaté par un passage de la des côtes de la Tunisie du Nord où le phénomène a
Mejerda en liaison avec le « bras de Chaouat », pris de l'ampleur, en raison d'un climat plus arrosé
antérieur à ses lits d'époque historique qui sont connus que dans le reste du pays. Plusieurs sites inventoriés
dans la partie sud de la plaine deltaïque. Il est évident ci-après, en particulier les sites n° 171, 181 et 188,
que le nouveau transfert du cours de la Mejerda lors permettent d'affiner la stratigraphie de ces formations
d'une ultime défluviation dans le couloir séparant ruisselées et colluvionnées, d'âge historique car elles
Utique et le promontoire de Galaat el Andless {Castra emballent du matériel archéologique (Oueslati 1985).
Corneliana) a joué un rôle essentiel dans Il semble, en effet, qu'il n'y ait pas une, mais
l'al uvionnement de la partie nord de la baie, qui s'est poursuivi plusieurs, sans doute au moins deux, phases de
au Moyen Age. Que, faute d'un tirant d'eau suffisant, rhexistasie pendant l'antiquité. La première
le site d'Utique ait été progressivement condamné génération de dépôts (couche 3 du site n° 171), qui contient
comme port, est donc à mettre en relation avec cette des tessons de poterie antérieurs à l'ère chrétienne, se
défluviation dont la date n'est pas clairement établie. placerait dans l'époque impériale, la seconde (couche
En fait, seuls des sondages à la recherche des 5 du site n° 171) daterait de la fin de l'antiquité car elle
structures portuaires enfouies sous les dépôts deltaïques inclut de la céramique tardive, mais pas arabe. Il est
permettraient de savoir à quelle époque celles-ci vrai qu'une autre interprétation peut être proposée. Il
furent effectivement abandonnées. Toutefois, ainsi n'y aurait eu qu'une seule phase de rhexistasie qui
que nous l'avons vu, à l'autre extrémité de cette aurait duré pendant toute l'antiquité. Elle n'aurait
façade maritime, une route directe, datée par des laissé de trace sur les sites archéologiques que lors
bornes milliaires du règne d'Hadrien, fut ouverte en des périodes de leur abandon, ses effets étant effacés
direction de la côte nord pour l'évacuation par le port par l'intervention des hommes (nettoyage, mise en
de Thabraca des marbres de Chemtou. Auparavant, place d'ouvrages de protection) pendant les époques
cette production était acheminée de Simitthus d'occupation. Quoiqu'il en soit, qu'il y ait eu une ou
jusqu'au port d'Utique par la voie fluviale du plusieurs phases de rhexistasie pendant l'antiquité, il
Bagrada. C'est du moins ce que laisse penser la mise est clair que ce ou ces épisodes de l'évolution du
au jour d'une voie dallée qui, des carrières, se dirige modelé topographique ne se sont plus reproduits
tout droit vers la rive gauche de la Mejerda (Khanoussi depuis avec une telle intensité. L'explication réside
1994, p. 246-247). Ce fait pourrait être interprété probablement dans l'existence d'un régime de pluie
comme un indice sérieux prouvant que le déclin du différent de l'actuel. Les précipitations devaient être
port avait atteint une phase irréversible et qu'Utique plus concentrées et plus torrentielles.

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70 Aspects régionaux

On se rappelle que sur la côte orientale de la Depuis au moins le Pleistocene supérieur, la côte
Tunisie le grès, le plus souvent fin et oolithique, de la nord de la Tunisie, très ventée, a donc connu
formation Rejiche (eutyrrhénien) a représenté le d'importants transferts de sable aboutissant à la formation de
principal matériau pour l'obtention de grands blocs grands champs de dunes, comme en témoignent
utilisés dans la construction de bâtiments, en l'extension et l'épaisseur des éolianites wiirmiennes
particulier de harpes de Y opus africanum. Sur la côte (formation Cap Blanc). Il apparaît cependant que les
septentrionale, ce type de roche n'existe pas. A partir de mouvements éoliens de sable sont plus importants
l'extrémité du Cap Bon, ce sont des éolianites du aujourd'hui que dans l'antiquité, ainsi que l'illustre
Wûrm (formation Cap Blanc), anciennes bien le site d'Argoub el Bania. Le fait est à mettre en
accumulations de sables coquilliers épaisses et étendues, mises relation avec l'érosion des sols, d'origine anthropique,
en place par les vents du Nord-Ouest et ensuite qui n'a cessé de s'étendre dans les régions
consolidées, qui ont été principalement exploitées montagneuses de la Tunisie du Nord depuis la fin du
pour la taille de saxa quadrata. Mais la roche qu'elles xixe siècle. Elle livre aux oueds de gros volumes de
ont fournie n'est pas d'aussi bonne qualité que celle sédiments fins qui, apportés jusqu'à la mer lors des
associée à la formation Rejiche. Les grès wûrmiens crues, sont ensuite repris par le vent. Les grands
montrent souvent un litage fortement incliné, un grain champs de dunes mobiles que, comme dans les
grossier, une abondance de fragments de coquilles environs d'Ouchtata, l'Homme s'efforce aujourd'hui de
marines ainsi que de grands Helix, une texture vacuo- fixer, illustrent ce renforcement de la morphogénèse
laire, une cimentation inégale et parfois faible. Dans éolienne à l'époque contemporaine.
l'ensemble, ils constituent un matériau moins fin, En conclusion, on est frappé par la très faible
moins compact, moins résistant que celui densité des sites archéologiques sur la côte nord de
correspondant au grès eutyrrhénien. Ainsi a-t-il moins bien la Tunisie, à l'Ouest du Rass el Koran. Elle contraste
résisté aux phénomènes de météorisation, en avec la forte occupation du golfe de Tunis et plus
particulier à celui de l'haloclastie qui ronge une pierre par encore avec celle de la côte orientale, même dans sa
l'action mécanique de la croissance de cristaux de partie méridionale qui est pourtant marquée par
sels, à partir de solutions salines saturées. Ce l'aridité. Des facteurs géographiques naturels
processus est particulièrement actif sur les littoraux expliquent ce contraste : le littoral septentrional reçoit de
battus par les vents et aspergés par les embruns, plein fouet les vents forts et les houles, qui peuvent
comme c'est justement le cas sur la côte nord de la être puissantes, du Nord-Ouest. Les falaises y sont
Tunisie. Ainsi, dans les ruines antiques proches du élevées et l'arrière-pays est montagneux. Il existe des
rivage, les blocs extraits des éolianites wiirmiennes champs étendus de dunes mobiles. Les abris sur le
sont très souvent défigurés par la désagrégation rivage sont rares. Des éléments d'ordre humain en
granulaire. C'est pourquoi dès qu'une autre roche rapport eux-mêmes avec ces données
affleure au bord de la mer, les Anciens l'ont préférée géographiques et résultant d'un enclavement prononcé des
aux grès wûrmiens. C'est le cas à Rass et Tarf : grès populations locales, ont pu s'ajouter à un
pliocenes exploités par une très vaste carrière. C'est le environnement littoral répulsif pour faire de la côte nord un
cas aussi entre Rass Enghela et Rass el Koran où on a espace relativement peu peuplé et peu mis en valeur
taillé de nombreux blocs dans des calcaires éocènes. à l'époque antique.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 71

Fig. 43. La pointe de Rass Sidi el Mekki et la lagune de Ghar el Melh.

Fig. 44. Le Cap Bon le Rass el Ahmar.


:

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72 Aspects régionaux

Fig. 45. Les latomies d'El Haouaria.

Fig. 46. Carrières antiques littorales submergées de Sidi Daoud (site n°l63).

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Golfe de Tunis et Côte Nord 73

Ghar el Melh Ras Sidi


( P. Farina ) el Mekki

^— tracé de l'ancien littoral (Atlas Archéologique )


Fig. 47. Carte du golfe d'Utique dans l'antiquité.

Fig. 48. Utique les Grands Thermes.


:

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74 Aspects régionaux

Fig. 49. Les ruines de Sidi Raïs {Carpis, site n°l69).

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Fig. 50. Vivier creusé dans le rocher à Sidi Daoud (Misua, site n°l62).

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Golfe de Tunis et Côte Nord 75

Fig. 51. Ruines en front de mer à Mraïssa (Siminina, site nol65).

Fig. 52. Vestiges d'une usine de salaison à Gammarth (site n°171).

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76 Aspects régionaux

Fig. 53- Le Cap Blanc (Promuntorium Candidum), à l'ouest de Bizerte.

Fig. 54. Les pêcheries de l'oued Tinja et la montagne d'Ichkeul.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 77

Fig. 55. Vestiges de cuve sur la côte sud du lac de Bizerte (site n°187).

Fig. 56. Vestiges d'horrea à Ghirane (Rass ben Sekka, site n°196).

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78 Aspects régionaux

Fig. 57. Plate-forme d'abrasion tyrrhénienne (rasa) entre la vigie et le phare de Rass el Koran (site n°202).

Fig. 58. Aspect de la côte nord entre le Cap Negro et le Cap Serrât.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 79

Fig. 59. Tabarka (site n°209).

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Fig. 60. Les ruines de Sidi Mechrig (site n°206).

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80 Aspects régionaux

Fig. 61. La Galite, baie de l'Escueil de Pasque sur la côte sud (site n°210).

Fig. 62. Vestiges ensablés de l'Henchir el Bania (site n°208).

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Golfe de Tunis et Côte Nord 81

Fig. 63. Aqueduc d' Hippo Diarrhytus, visible en coupe dans la falaise en recul à l'est du Cap Blanc (site n°189).

Fig. 64. Carrières antiques submergées de R'mel à l'est de Bizerte (site n°184).

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1999, L'usine de salaison de Neapolis Trousset (P.), 2003, Géomorphologie et
(Nabeul), Premiers résultats des archéologie de la côte Nord de Zevi (F.) et Tchernia (A.), 1969,
fouilles 1995-1998, Africa, XVII, Tunisie, entre le Cap Blanc et Amphores de Byzacène au Bas-
p. 153-197. Tabarka, dans VIIIe Colloque Empire, Ant. afr., 3, p. 173-214.

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Deuxième partie

CATALOGUE DES SITES


1 - HENCHIR EL MDEEVA On remarque aussi que le trait de côte a reculé
(Zoukbis : Strabon, XVII, 3, 18). puisque des restes de constructions se trouvent sur
36 G 87' N- 10 G 11' E. l'estran en arrière duquel une falaise de 1,50 à 2 m est
taillée dans du matériel archéologique. Ce recul, alors
Le site se trouve à 20 km environ au Nord-Est de que le site est plutôt abrité et que les vagues qui
Ben Gardane, sur la rive sud-est de la Bahiret el l'atteignent ont un fetch court, s'explique sans doute
Biban, à l'angle d'une sorte de promontoire situé au par ce relèvement du niveau de la mer.
débouché de l'exutoire de la Sebkhet el Mdeina en En arrière de la falaise, les ruines de l'ancienne
direction de l'extrémité orientale de la Bahira. agglomération sont couvertes par un champ de petites
Les vestiges, étendus sur environ 500 m de nebkhas.
longueur sur le front de la lagune et 150 à 200 m de Un rapide examen archéologique des vestiges du
profondeur à l'intérieur des terres, ne sont vraiment rivage suffit à montrer que les alignements de blocs
distincts qu'en bordure du rivage : les structures les ou de dalles ne sont en fait que les soubassements de
plus lisibles, prises à tort pour les quais d'un port dans murs dont l'élévation était réalisée en blocage, comme
les premières descriptions du site (Rebillet 1892 ; le prouve, au Nord-Est du site, un exemple de ce type
Lecoy de la Marche 1894), n'étaient en réalité que les de fondation apparent en coupe dans la falaise
substructions mises au jour et arasées par l'érosion archéologique taillée par la mer (fig. 65). Là où
littorale, de bâtiments importants et réguliers de type l'érosion différentielle ne les a pas fait disparaître, des
industriel. témoins de blocage sont du reste conservés par
Les éléments les plus caractéristiques de ces endroits au-dessus des dalles de l'estran. Par ailleurs,
vestiges sont de longs alignements de blocs ou de des alignements de murs parallèles et
dalles disposés parfois sur deux rangées et dégagés à perpendiculaires aux précédents se remarquent sur toute la
la limite de l'estran, ce qui explique qu'on ait pu les largeur de l'estran en arrière de ceux-ci ainsi que dans
prendre pour les quais d'installations portuaires la falaise archéologique. Ils suggèrent l'existence de
(fig. 10). On peut les suivre de manière continue sur toute une série de bâtiments cloisonnés par un
une longueur totale d'environ 350 m d'Est en Ouest à système cohérent de murs de refend dans l'intervalle
partir du promontoire. Mais la reconnaissance de desquels se devinent des batteries de cuves ou de
fonds de cuves en liaison avec les structures en réservoirs arrasés jusqu'au radier dont ne subsistent
question ne laisse aucun doute sur la nature de ces plus que des témoins en béton de cendre ou de
installations : elles étaient vouées de toute évidence tuileau. Les mêmes structures se répètent tout au long
aux salaisons ; ceci confirme pleinement une du front de mer où les alignements les plus avancés
identification possible avec les Taricheiae de la Zouchis de sur l'estran - en front de mer - pourraient
Strabon, proposée pour le site de Mdeina (Drine 1992- correspondre aux murs externes, en décrochement les uns
93). par rapport aux autres, de plusieurs ensembles de
L'étude géomorphologique du site montre que bâtiments distincts. Entre ceux-ci étaient ménagés des
l'alignement de blocs taillés dans un calcaire gréseux drains par où les eaux usées s'écoulaient vers la
coquillier (formation Rejiche), qui suit le rivage, ne lagune, ce qui suppose, une nouvelle fois, un niveau
peut être interprété comme le quai d'un ancien port marin légèrement plus bas que l'actuel.
aujourd'hui ensablé. En effet, ces blocs reposent, soit Les batteries de cuves ou de réservoirs avaient été
directement, soit par l'intermédiaire d'une couche peu interprétées dans les descriptions anciennes du site
épaisse vaso-sableuse, sur un platier rocheux, celui de comme des « files de magasins » (Rebillet 1892, p. 126)
la formation Rejiche, qui s'incline doucement vers la ou comme des « cales sèches. . . à fond de ciment
lagune à faible profondeur. Il n'y a jamais eu ici, à légèrement cintré » (Lecoy de la Marche 1894, p. 411) en
l'époque antique, de fond suffisant pour permettre liaison avec une activité portuaire, alors que, de toute
l'accostage des bateaux, même à faible tirant d'eau. évidence, il faut reconnaître dans ces installations des
Depuis l'antiquité, on note un léger relèvement du éléments d'usines de salaison ou de garum. Des
niveau de la mer qui, à marée haute, recouvre analogies nombreuses sont en effet à souligner avec
l'alignement de blocs dont certains sont fortement corrodés. des établissements de ce genre signalés plus au Nord

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92 Catalogue des sites

le long des côtes tunisiennes, notamment à Nabeul, diculaire à l'estran (long, du mur 42 m ; larg.

:
Salakta et Kerkennah (Borj el H'sar = site n° 61), ainsi 0,95 m), semble former l'enceinte d'un bâtiment
qu'avec ceux qui ont été étudiés sur les côtes divisé lui-même en une dizaine de compartiments du
ibériques et marocaines (Ponsich et Tarradell 1965 ; Curtis Nord au Sud. Larg. du bâtiment : 10 à 13 m ; larg. des
1991, p. 46-71). compartiments : environ 3 m ; épais, des murs : 51 à
Un relevé partiel des fondations de murs visibles 53 cm. Un autre bâtiment lui succède au Sud après un
à la surface du tell dans la partie Nord-Est du décrochement de 8 m ; il fait un angle assez sensible
promontoire a permis de préciser la disposition des cuves à avec l'alignement du mur précédent et comporte lui
l'intérieur d'un bâtiment et la structure des murs aussi une série de divisions qui correspondent peut-
d'enceinte (fig. 65) : on remarque en A, contre les être à l'emplacement de cuves. Un autre mur de 20 m
murs en blocage (larg. 52 cm), le béton étanche de la de longueur visible et le long duquel sont accolées
paroi de la cuve aux angles arrondis (épais. 7 cm) et des divisions semblables (larg. : 2,50 m) est
son enduit lissé (6 cm) ; en B, une coupe de la base perpendiculaire à l'ensemble précédent et suggère l'existence
du mur d'enceinte dans la falaise, montrant la d'une troisième série de cuves. On remarque des
fondation en grand appareil au-dessous de l'élévation en traces de foyers et la présence de coquilles de murex
moellons. éparses parmi ces vestiges de constructions. Ceci peut
Dans le secteur sud-ouest, au débouché de la piste conduire à penser que ce quartier de l'agglomération
d'accès au site, des arases de murs sont très était voué à la production de teinture de pourpre. A
apparentes sur une grande étendue à la surface du sol qui signaler encore dans les environs immédiats de ces
a été nivelé en cet endroit. Un mur principal, arases de murs, les vestiges de deux citernes, l'une

81

moellons
grand appareil
imon

Fig. 65. Site 1. Henchir el Mdeina Relevé partiel au nord-est du site.


:

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Golfe de Gabès 93

reconnaissable par sa structure voûtée, l'autre avec Hayes 23, 182, 183, 196, amphores africaine II et
des angles arrondis. Agora M 254) à nette dominante tardive (sigillée
Du côté de la terre ferme, peu d'indices africaine de type D Hayes 59, 6lB (fig. [6], n 38) et de
permettent de définir les limites et la nature de type E Hayes 68, lampe Atlante VI (fig. [91, n° 93),
l'agglomération dont les vestiges ont été repérés en bordure du amphores Tripolitaine III (fig. [12], n° 147-149),
littoral. Il n'y a pas de trace d'édifice à caractère africaines II (fig. [13], n° 160-161),
urbain, pas de rempart. Tout au plus peut-on indiquer n° 165), Keay 35B et spatheion, amphoreKeay 25 (fig.
orientale
[13],
qu'une zone de nécropole déjà signalée au Nord-Est Carthage LRA 3).
de la ville a été l'objet de fouilles clandestines comme
en témoignent des jarres de sépultures brisées. En
Bibliographie
revanche, l'abondance du petit matériel qui avait été
signalée par les premiers visiteurs (Rebillet 1892, Rebillet (Cdt M.), 1892, Note sur le Bahira des Biban
p. 127) est confirmée sur toute l'étendue du site : les et Medéina (Tunisie), BCTH, p. 126-128.
clous et petites monnaies de bronze jonchent Lecoy de la Marche (H.), 1894, Recherche d'une voie
effectivement le sol ; les deux pièces complètes d'une romaine du golfe de Gabès vers Ghadamès,
meule « en pierre noire très dure » avaient été trouvées
BCTH, p. 411-413.
par Lecoy de la Marche (1894, p. 411). A signaler la Bertholon (L.), 1894, Etude géographique et
découverte, durant la campagne de 1990, d'une économique de la province de l'Arad, RT, 2, p. 193.
intaille d'époque paléochrétienne décorée d'un Christ Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
en croix et portant une inscription. Elle a été remise à stratégiques et sur l'occupation militaire du Sud
A. Drine, conservateur du Musée de Zarzis. tunisien à l'époque romaine par MM. les capitaines
Le site d'Henchir Mdeina dont l'importance avait Donau et Leboeuf, les lieutenants de Pontbriand,
été pressentie lors de sa découverte, n'a plus guère Goulon et Tardy, BCTH, p. 411.
été pris en compte depuis lors. Un rapprochement Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la
s'impose entre l'existence à présent reconnue de cet Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur
important centre de traitement des ressources l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord
halieutiques de la Bahiret el Biban et la mention des (Avignon avril 1990), Paris, CTHS, p. 323-325.
célèbres taricheiae (salaisons) de Zouchis (ville et lac), Drine (A.), 1992-93, Le site d'El Mdeina au Sud d'El
par les auteurs grecs dans cette même région Biban, la « Zouchis » de Strabon, Reppal, VII-VIII,
(Pseudo-Scylax, Périple, éd. Mùller, 110 ; Strabon p. 103-115.
XVII, 3, 18). Une autre possibilité était celle Drine (A.), 2002, Autour du lac El Bibèn, les sites d'El
proposée par la carte des voies romaines d'Afrique Mdeina et de Bou Garnin, dans L'Africa romana
du Nord de P. Salama et qui suggérait que Fisida
XIV, (Sassari, 2000), p. 2001-2014.
(vicus) et Pisida (municipium) , mentionnées
respectivement par l'Itinéraire antonin (6l, 1) et par la
Table de Peutinger (segm. VII, 1-2), représenteraient
en réalité deux localités distinctes, l'une qu'elle
situait sur la rive sud de la Bahiret el Biban où se 2 - SOLB ECH CHERGUI
trouve Mdeina, l'autre à Bourga. Cette hypothèse 36 G 90' N - 10 G 10' E.
doit être à présent rejetée si l'on s'en tient à la
localisation de la Villa Magna à Bou Gornine (Drine, Au sommet du solb (cote 14), à proximité d'une
2002, p. 2010). citerne actuelle, alignements de murs avec enduit de
tuileau étanche, qui pourraient être les vestiges d'une
CERAMIQUE citerne antique. Les ruines se situent sur le cordon
principal de la formation Rejiche, d'où la vue s'étend
La céramique recueillie en surface, assez à la fois sur la mer et sur la Bahiret el Biban, là où se
abondante, révèle un contexte d'époque romaine (sigillée développe la flèche sableuse de Rass Oudène el Bouri
africaine de type A/D, vaisselle culinaire africaine (fig. 66).

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94 Catalogue des sites

Les ruines se situent vers 7 m d'altitude, sur une


élévation apparemment constituée par du matériel
Rass Oudene el Bouri archéologique car, à leur pied, sur le rivage affleure la
croûte villafranchienne ravinée par le conglomérat
transgressif de la formation Rejiche.
Fig. 66. Site 2. Solb ech Chergui Dans cette direction se remarquent de très larges
1 a. Formation Rejiche (cordon principal) ; 1 b. Formation jonchées de céramique et au Nord-Est, entre la ruine
Rejiche (cordon secondaire) ; 2. Limons colluvio-éoliens principale et la mer, une petite construction de 5,50 x
wûrmiens actuels ; 3. Flèche sableuse ; 4. Grosses 4 m (larg. des murs : 0,50 m avec enduit).
nebkhas ; 5. Citernes R.R.

CERAMIQUE
Bibliographie
La céramique offre deux contextes différents, le
Medhioub (K.), 1979, La Bahiret el Biban, Etude premier datable du ne s. (sigillée du sud de la Gaule,
géochimique et sédimentologique d'une lagune du Sud-Est sigillée africaine type A Hayes 7A, vaisselle culinaire
tunisien, Paris, ENS, Trav. Lab. Géol., 13, 150 p. Hayes 23), le second du Ve s. (sigillée africaine C Hayes
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la 72B, 91A/B, lampe en sigillée africaine Atlante X).
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 149-150. 5 - HENCHIR BOU GORNINE
(Villa Magna It. ant., 60, 3 ; A.E. 1915, n° 81)
36 G 88' N - 9 G 97' E.
:

3 - SOLB ECH CHERGUI OUEST Sur la rive sud de la Bahiret el Biban, en face de
36 G 90' N - 9 G 99' E. l'îlot de Sidi Mohammed Chaouch, vaste ensemble de
ruines couvrant plusieurs hectares autour d'une
Sur une hauteur, à 500 m environ de l'extrémité grande citerne réaménagée récemment et décrite par
du solb, trace d'une petite construction de 3,50 x 5 m Rebillet (1892) comme « un oppidum en belle
de côté qui pourrait correspondre à une tour maçonnerie de chaux d'origine romaine ou byzantine, avec
d'observation. Près de la pointe, où le cordon Rejiche des restes de construction tout autour ».
principal s'effile et s'abaisse, il y a disparition du cordon Une inscription sur ostraka trouvée à Henchir Bou
Rejiche secondaire. Côté mer, une carrière exploitait Gornine permet d'identifier ce site avec lefundus de
les grès Rejiche à grain fin ; actuellement inondée Villa Magna, station de l'Itinéraire antonin située à 35
sous 25 cm d'eau à marée montante, elle s'étend sur milles du municipe de Pons Zita et à 30 milles de
une vingtaine de mètres de largeur, entre une Fisida (Pisidà), qui se trouve à Mersa Bourka.
microfalaise et un rempart externe assez mal conservé. Les ruines sont localisées sur la croûte
A l'extrémité même du solb, la présence d'une villafranchienne, en arrière d'une falaise vive de 5 à 6 m de
nécropole à jarre, mise au jour par l'érosion marine, haut taillée dans les argiles rouges pontiennes
atteste le recul du trait de côte depuis l'antiquité. couvertes par des limons de ruissellement. Le site
archéologique est encore hors de portée de l'érosion
marine, les ruines les plus proches de la mer étant à
4 - HENCHIR DAOUI une cinquantaine de mètres du rivage.
36 G 86' N - 10 G 00' E. En ce qui concerne la nature de ces vestiges, les
nombreux restes de voûtes, les fragments d'enduit
Vestiges d'une construction de 40 m de côté se étanche suggèrent qu'il doit s'agir d'un complexe de
présentant comme une enceinte avec une tour de guet réservoirs pour l'ensemble principal. A noter
ronde de 5 m de diamètre dans l'angle nord-ouest. l'utilisation dans un radier de citerne d'un mortier à base de

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 95

coquillages broyés (cérithes et cardium) prélevés sur 7 - RASS ZARBA


le rivage. On remarque également des fonds de cuves 36 G 89' N - 9 G 94' E.
à paroi de béton de tuileau, avec un arrondi aux
angles caractéristiques des installations dont étaient Sur la rive sud de la Bahiret el Biban, face à
équipées les usines de salaison ou de garum. l'extrémité est du solb occidental, sur un affleurement de
Aux alentours, la présence d'alignements de murs grès oolithique de la formation Sidi Salem, traces peu
et des ruines moins distinctes font penser à une distinctes d'un habitat léger avec des fragments
agglomération de caractère résidentiel (à noter un fragment d'enduit portant des traces de palmes et de roseaux.
de marbre et des tesselles de mosaïque en verre). A On distingue parmi les alignements de murs, la
300 m au sud de la citerne moderne se trouve un fondation d'une construction quadrangulaire en moellons
soubassement de mausolée (5,50 x 3 m). de calcaire oolithique (6,50 x 5 m ; larg. de la
fondation : 37 et 57 cm). A 150 m plus à l'Est, très
large jonchée de céramique sans trace d'habitation
CERAMIQUE fixe.
L'examen de la céramique et la nature des
Le matériel recueilli s'échelonne du IIe au VIe s. de
vestiges : celle de constructions légères, montrent
notre ère sigillées africaines type A/D Hayes 32/33,
qu'il s'agit très vraisemblablement d'un établissement
:

type C5 Hayes 85, type D Hayes 50, 52, 59, 6lB, 67, 70, de pêcheurs de l'époque préromaine. Le site a été
91C, type E Hayes 68, lampes en sigillée africaine Atlante réoccupé après l'antiquité.
I, VI (fig. [9], n° 91), VIII et X. Les amphores sont
représentées notamment par le type Tripolitaine III.
CERAMIQUE

Bibliographie Quelques fragments de vaisselle campanienne A,


dont une forme Lamboglia 27B (fig. [4], n° 5), et de
Rebillet (Cdt M.), 1892, Note sur le Bahira des Biban vaisselle à vernis noir d'imitation punique (?).
et Medéina (Tunisie), BCTH, p. 126, 128. Céramique glaçurée d'époque islamique.
Cagnat (R.) et Besnier (M.), 1915, Année épigra-
phique, n° 81, p. 21.
Kolendo (J.), 1986, Les grands domaines de
Tripolitaine d'après l'Itinéraire antonin, Histoire et 8 - SIDI MOHAMMED CHAOUCH
archéologie de l'Afrique du Nord, Actes du IIIe (Zeukharis : Stadiasme, 101, éd. Mûller, p. 464-465 ;
Colloque international (Montpellier 1985), Paris, Praesidium : Tab. Peut. VII, 1).
36 G 97' N - 9 G 98' E.
CTHS, p. 150-152.

A la suite de Mùller et de Barth, Tissot (1888,


6 - BIR OULED MOHAMMED p. 208) a proposé de reconnaître sur l'îlot rocheux qui
36 G 89' N - 9 G 95' E. garde l'entrée principale des Biban (les portes), et sur
lequel a été construit au début du xviie siècle, par le
A 1,5 km environ à l'Est du Rass Zarba, sur un pacha de Tripoli, l'actuel Borj el Biban (ou Borj el
affleurement de la dune consolidée de la formation Milh), l'antique station de Praesidium mentionnée par
Sidi Salem, traces de construction de 8 x 3,50 m. Il la Table de Peutinger à la distance de 18 milles de
s'agit peut-être d'une citerne. Putea Pallene et à 15 milles de Pisida. Par ailleurs,
c'est également à el Biban, où sont aujourd'hui
placées des installations de pêche, que peut être
CERAMIQUE localisée l'escale de Zeukharis mentionnée par le
Stadiasme dans ces lieux : « il y a là un poste de garde
Petit contexte 11e s. : sigillée africaine type A Hayes et une tour ». Son nom se rapproche de celui de la
3, 8A et 9A. ville de Zoukhis, connue par Strabon pour ses salai-

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96 Catalogue des sites

sons (taricheiae) ; mais cette dernière serait plutôt à Bibliographie


replacer sur la rive sud du lac, à Mdeina (Drine 1992-
93, p. 107). Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
La forteresse turque, en grande partie ruinée qui province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 208.
domine le petit port de pêche sur l'îlot de Sidi Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
Mohammed Chaouch, ne présente aucune trace de stratégiques et sur l'occupation militaire du Sud
remploi antique dans sa construction, contrairement tunisien à l'époque romaine par MM. les capitaines
aux affirmations de Tissot (1888) et de Toutain Donau et Leboeuf, les lieutenants de Pontbriand,
(d'après Leboeuf 1903) pour qui le « bordj tunisien Goulon et Tardy, BCTH, p. 280-282.
était bâti sur des fondations antiques ». C'était un Zaouali (J.), 1985, La Mer des Bibans (Tunisie
édifice quadrangulaire dépourvu d'ouvrage de flan- méridionale), Aperçu général et problème de la pêche,
quement, mais entouré d'un fossé qu'on traversait par dans L'Homme méditerranéen et la Mer, Actes du
un pont levis. Les murs étaient construits en terre 3e Congrès International d'études des cultures de
pilonnée avec revêtement de pierres de taille. Ni les la Méditerranée occidentale (Jerba, Avril 1981),
dimensions des blocs, ni leur assemblage d'après le Tunis, p. 306-307.
type de mortier utilisé ne peuvent être considérés Drine (A.), 1992-93, Le site d'El Mdeina au Sud d'El
comme étant de facture antique. De même, l'existence Biban, la « Zouchis » de Strabon, Reppal, VII-VIII,
d'une chaussée antique utilisant une ligne d'écueils p. 107.
entre les solbs et l'îlot de Sidi Mohammed Chaouch est Djelloul (N.), 1995b, Les fortifications côtières
sans doute une hypothèse à écarter. Les diguettes ottomanes de la Régence de Tunis (xvF-xn? siècles) 1,
récentes qui ferment les passages des Biban à Zaghouan, Fondation Temimi, p. 318.
l'exception du goulet principal où la force du courant est très
grande, n'ont pour fonction que de faciliter la capture
des poissons à la sortie de la Bahira, pendant la marée 9 - FESGUIET JDARIA - SOLB EL GHARBI
montante. 36 G 98' N - 9 G 94' E.
En revanche, il est certain que l'île a été occupée
dans l'antiquité et vraisemblable qu'un premier fort a
Le Solb el Gharbi qui, là où il est le plus large, est
été construit à l'époque musulmane ancienne d'après constitué par une ride principale d'une dizaine de
les nombreux tessons de céramique recueillis dans les
mètres de haut, flanquée de part et d'autre d'une ride
gravats provenant de la destruction du fort ainsi que
secondaire, s'effile et s'abaisse vers l'Est. A l'approche
sur le rivage. de Jdaria, il n'y a plus qu'une ride unique, tapissée de
Sur la grève au Sud-Est du fort, on voit les restes limons colluvio-éoliens, du sommet de laquelle la vue
d'une construction romaine en blocage, avec un s'étend à la fois vers la mer et la Bahiret el Biban.
témoin de mosaïque encore en place et des fragments
Le site de Jdaria, entouré de citernes modernes,
de béton de tuileau ; plus loin vers l'Ouest se
présente les traces très indistinctes d'une construction
remarque le fond d'une citerne ou d'une cuve de
ou d'un aménagement dans le grès fin oolithique de
salaison dont l'enduit d'étanchéité a été rechargé. la formation Rejiche, où semblent se reconnaître une
Une falaise vive de 1 à 1,50 m, taillée dans du surface en forme d'impluvium et l'entrée d'une citerne
matériel archéologique, et l'encoche creusée à la base (larg. : 15 cm).
des ruines de la forteresse attestent la vigueur de
l'érosion marine.
Bibliographie

CERAMIQUE Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la


Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
Epoque romaine : vaisselle à parois fines, sigillée Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
africaine de type A/D, lampes africaines types l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
Deneauve VIIB et VIIIB. 2), p. 149.

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Golfe de Gabès 97

10 - HENCHIR FESGUIA ROUIS coquillier appartenant à la formation Rejiche. Le front


36 G 02' N - 9 G 78' E. de taille qui correspond à la hauteur d'une assise
présente de nombreux redans et des traces de
Le site est à l'extrémité occidentale de la Bahiret el saignées très caractéristiques. Un reste de dépôt de
Biban, à proximité du rivage, sur un grès calcaire de plage à petites coquilles dans un espace laissé vide
la formation Rejiche donnant une côte rocheuse avec par l'extraction d'un bloc représente sans doute un
un étagement de platiers, l'un holocène en cours de apport de tempête. Par la suite, la carrière a été
démantèlement à une trentaine de centimètres au- ensevelie par l'épandage colluvial de matériaux fins à
dessus de l'autre, actuel, caractérisé par la présence Helix, contenant des fragments de poterie romaine,
d'un bourrelet algaire sur son bord externe. aujourd'hui fixés par la végétation. Cet épandage
Les ruines antiques sont recouvertes par les épan- témoigne d'une période de rhexistasie dont l'origine
dages colluvio-éoliens et par des nebkhas liées à une est, dans le contexte régional, plus vraisemblablement
mise en valeur récente. climatique qu'anthropique. Actuellement la mer est en
Plusieurs ensembles de vestiges apparaissent : à train de nettoyer, lors des tempêtes, la carrière du
l'ouest sur un tell, une construction en grand appareil, matériel qui l'avait recouverte et de corroder les traces
avec des traces d'enduit de chaux à l'intérieur ; à d'extraction de blocs là où ils sont baignés par l'eau
100 m plus à l'est, une série d'alignements de murs de façon permanente, ce qui se traduit par la
formant trois ensembles reconnaissables sur 200 m de destruction de la digue de protection de la carrière.
long, dont l'un, le mieux conservé, peut se suivre sur Ce rempart externe est à 3,50 m en moyenne du
une quinzaine de mètres de longueur (larg. : 1,25 m). front de taille principal. Il disparaît dans la mer ainsi
Une légère attaque de la mer s'est faite aux dépens de que la carrière elle-même, à l'Est de la zone
l'un de ces murs. Peut-être s'agit-il d'entrepôts ou d'un d'extraction.
établissement industriel lié à la pêche. Parmi les dimensions des traces d'extraction les
plus visibles, on relève ces dimensions de blocs : 42 x
94 cm, 45 x 94, 62 x 92, 62 x 102, 60 x < 100, 55 x 107.
CERAMIQUE Ces mesures semblent indiquer l'utilisation d'un
module dérivé du pied romain ou de la coudée
Témoins peu abondants de la fin du IVe ou du
romaine plutôt que de la coudée punique
Ve s. : sigillée africaine de type D Hayes 67 et
généralement en usage en Afrique du Nord.
productions du sud de la Tunisie apparentées à la forme
Stern X a-c (fig. [7l, n° 68).

11 - HENCHIR CHAABANE
36 G 07' N - 9 G 80' E.

En bordure de mer, près d'une avancée de la côte, N.E so


au-dessus d'une falaise morte flandrienne, se trouve
un tell assez important de vestiges informes en
contrebas duquel une micro-falaise actuelle est taillée
dans des sédiments meubles de type colluvial où se
trouvent en coupe des tessons de céramique romaine
(fig. 67). Ces dépôts recouvrent, sur une longueur en
front de mer d'environ une centaine de mètres, une
carrière littorale antique. Les blocs ont été extraits Fig. 67. Site 11. Henchir Chaabane.
dans un platier marin d'âge holocène, situé à 1. Cordon littoral de la formation Rejiche ; 2. Ruines ;
quelques dizaines de centimètres au-dessus du niveau 3. Carrière ; 4. Dépôts coquilliers marins ; 5. Colluvions
actuel de la mer et taillé dans un calcaire gréseux remaniant des tessons de poterie antique.

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98 Catalogue des sites

Bibliographie 12 BIS - NAOURA


(Putea Pallene : Tab. Peut. VII, 1)
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of 37 G 06' N - 9 G 75' E.
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitschrift fur Ruines informes en bordure du rivage, à proximité
Geomorph., suppl. bd 81, p. 153. d'une petite falaise et d'un platier développé sur la
rive sud du Bahar Alouane dans le calcaire gréseux de
la formation Rejiche. Il n'y a pas eu d'érosion
appréciable depuis l'antiquité.
12 - HENCHIR EL ABID
37 G 07' N - 9 G 78' E. A 300 m à l'Ouest de la piste du solb et 2 km de
la route de Ben Gardane, près d'une extraction de
pierre, se trouve une petite cuve avec enduit de
Site antique à l'entrée et sur la rive sud-est de
tuileau (2,30 x 0,80 m). Il peut s'agir d'une cuve de
Bahar Alouane, face à son débouché dans la mer. Les
salaison ou bien d'une installation liée à une huilerie
ruines, assez étendues, se répartissent sur 300 m
rustique.
environ de longueur de part et d'autre d'une tour
ronde qui semble être une tour de surveillance, à
26,50 m du rivage (diam. intérieur : 4,50 m ; épaisseur CERAMIQUE
du mur 0,60 m) avec un seuil du côté de l'est (larg. :
:

52 cm). Les murs sont en petits moellons assemblés Matériel d'époque romaine (vaisselle culinaire
au mortier de chaux. africaine Hayes 181 et 182) mais les témoins les plus
Entre 100 et 200 m à l'Ouest de la tour, vestiges nombreux appartiennent au Ve s. : sigillée africaine D
d'une construction en blocs taillés et alignement de Hayes 50 et 6lB, amphores africaines dont spatheia,
maçonnerie se dirigeant vers la mer : on remarque qu'il amphore orientale Carthage LRA 1.
est constitué de deux parements avec un enduit central,
ce qui suggère une canalisation. A 100 m vers l'Est,
deux petits monuments en grand appareil, à une Bibliographie
trentaine de mètres l'un de l'autre, correspondent sans
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
doute à des soubassements de mausolée, le premier de
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 207.
2,45 x 1,65 m, le second (plus à l'Est) de 2,15 x 1,65 m.
On remarque sur le site plusieurs accumulations Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
de petits coquillages mélangés (cérithes, petits stratégiques et sur l'occupation militaire du Sud
cardiums, perinelli) ; ils sont utilisés également dans tunisien à l'époque romaine par MM. les capitaines
le mortier. Donau et Leboeuf, les lieutenants de Pontbriand,
Goulon et Tardy, BCTH, p. 280.
Il n'y a pas d'indice d'une évolution du rivage
depuis l'antiquité : une petite falaise vive du côté du Drine (A.), 1992-93, Le site d'El Mdeina au Sud d'El
Biban, la « Zouchis » de Strabon, Reppal, VII-VIII,
Nord-Ouest et le platier rocheux du côté du Nord-Est
ont été l'un et l'autre taillés dans un calcaire gréseux p. 107.
de la formation Rejiche.

CERAMIQUE 13 - SIDI BOU TEFFAHA


37 G 18' N - 9 G 75' E.
Les quelques tessons recueillis couvrent une large
période chronologique, du Ier au Ve s. environ : A l'aplomb et à 800 m à l'Est du marabout de Sidi
sigillée italique, culinaire africaine Hayes 181, sigillée bou Teffaha et à 1,5 km environ au Sud de Zarzis,
du sud de la Tunisie forme Stern Id, Hayes 1972, fig. ensemble de cuves en partie visibles dans la zone
58a (fig. [7], n° 73), lampe en sigillée africaine Atlante d'épandage des ordures de la ville. Peut-être s'agit-il
VI (fig. [9], n" 88) et X. des installations interprétées autrefois comme étant

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Golfe de Gabès 99

celles de l'antique Gergis et associées par Du Breil de 15-LALLAMERBEM


Pontbriand à la légende locale de la « rivière d'huile ». 37 G 35' N - 9 G 70' E.
Ce sont en réalité des cuves à salaison : l'une
d'elle, logée dans une structure à double murs (52 Beach-rock contenant des tessons de poterie
+ 51 cm), est bien reconnaissable par son enduit d'époque romaine (cf. Paskoff et Sanlaville 1983,
étanche et ses angles arrondis. Dimensions de la cuve p. 145-147, fig. 74) : vaisselle culinaire africaine
visible : 2,15 x 7 m. Hayes 23.

CERAMIQUE Bibliographie

Matériel relativement abondant, bien circonscrit à Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
la fin du iie-nie s. : sigillée africaine de type A Hayes Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
3C, vaisselle culinaire africaine Hayes 23, 182, 183, Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
196 et 197. l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 145-147, fig. 74.
Bibliographie

Du Breil de Pontbriand (O.), 1906, Le port de 16 - EL KANTARA (MENINX)


l'antique Gergis et la légende de la rivière d'huile, 37 G 43' N - 9 G 58' E.
BCTH, p. 251-252.
Constans (L.A.), 1916, Rapport sur une mission Les vestiges de la ville sont visibles sur 1,5 km de
archéologique à Bou-Ghara (Gigthis) (1914 et front de mer, entre le départ de la chaussée moderne
1915), Nouvelles Archives des Missions à l'Ouest (nombreux blocs aux environs) et
Scientifiques, 14, p. 70. l'emplacement d'un temple à l'Est, dont ne subsistent que
Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la quelques éléments architectoniques (chapiteaux et
Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur éléments d'architraves en schiste marmoréen) (cf.
l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord fig. 14).
(Avignon avril 1990), Paris, CTHS, p. 328. Bien que situées sur un substratum de calcaire
marin (formation Rejiche), précédées de faibles
profondeurs littorales et protégées à l'Est par la flèche
de Bin el Oudiane, des ruines de la ville antique se
14 - OUED OGLA - OUED ENNOUDJ
voient dans l'eau. En plusieurs endroits des traces de
37 G 30' N - 9 G 70' E.
murs se notent sous l'eau, à 50 cm de profondeur, à
marée haute. Le rivage est caractérisé par une petite
Tessons de poterie dans la basse terrasse (cf. coupe falaise vive de 30 à 40 cm mettant en évidence un
dans Paskoff et Sanlaville 1983, p. 143-145, fig. 72). recul de la côte exposée aux vents d'Ouest. Cette
La terrasse historique doit être corrélée avec le falaise est taillée dans du matériel archéologique ou
dépôt colluvial de l'Henchir Chaabane (site n° 11).
dans des dépôts sablo-marneux de la formation
Rejiche.
Bibliographie En partant du tertre où se trouvent les restes du
temple à l'Est en allant vers la digue d'El Kantara, on
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la remarque d'abord, accolée à la cella du temple, une
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le cuve ou citerne avec enduit de tuileau ; en avant du
Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de temple vers la mer, une plate-forme bétonnée et de
l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist., grands amoncellements de murex. Face à une
2), p. 143-145, fig. 72. première pointe en allant vers l'Ouest, une citerne
(11 x 16 m) et beaucoup de murex. Dans l'anse qui

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


100 Catalogue des sites

suit cette pointe, deux grands murs en équerre neau 39), sigillée du sud de la Gaule formes
(longueurs visibles : 15 m pour l'élément nord- Dragendorff 15/17 (fig. [4], n° 15), 18/31, 24/25, 27,
ouest/sud-est ; 35 m pour l'élément sud-ouest/nord- 29 (fig. [4], n° 17), 36, timbre PASSE/ (fig. [4], n° 16),
est ; larg. : 1,10 m). Près de la deuxième pointe, un vaisselle à parois fines, sigillée africaine type A
fond de cuve avec utilisation très apparente de Hayes 3B (fig. [5], n° 25), 14, type D Hayes 52, 70, 59,
murex concassé dans le béton. Puis suivent plusieurs 6lB, 87B, 105, type E Hayes 68, vaisselle culinaire
séries de pans de murs recoupés par la falaise en africaine (dont Hayes 23, 181, 183-.-), lampes
avant d'un groupe de citernes, à 200 m environ à italiques dont une Firmalampe avec marque /TAVI
l'Est de la digue (8 cuves visibles). A l'Ouest de la (fig. [91, n° 81), lampes en sigillée africaine Atlante
digue, à 50 m du repère D.P.M. 41 au bas duquel se VIII, Deneauve XIB (fig. [9], n° 94), amphores
trouve un massif de maçonnerie avec la marque d'un italiques Dressel 1, 2/4 (cette dernière forme également
sol d'occupation antique, un bâtiment quadrangu- présente dans une pâte apparemment locale, cf. site

laire a été en partie recouvert par la mer. Les 21), amphores tripolitaines II et III, Agora M 254,
divisions transversales régulières suggèrent qu'il peut amphores africaines I et II, spatbeia, Keay XXV,
s'agir de magasins (horrea) (fig. 68). La dénivellation XXXVB, amphores orientales Kapitân II, Carthage
est d'environ 0,50 m entre l'arase du mur submergé LRA 2.
et les laisses de haute mer.

16 BIS - EL GASTEL
37 G 45' N - 9 G 60' E.

Sur la flèche d'El Gastil, au sommet du plus grand


des mamelons constitué d'éolianite de Sidi Salem, site
archéologique signalé par A. Oueslati lors d'une
campagne géomorphologique récente (fig. 69). Sur le
flanc sud du cordon, formé de sables éoliens et de
matériel archéologique, on remarque une grande
abondance de céramique (dont un peson de filet)
avec, au milieu de cendres, des ratés de cuisson ce qui
J.L
semble indiquer la présence d'un atelier de potiers. Le
Fig. 68. Site 16. El Kantara (Meninx) : vestiges de sommet du mamelon se présente comme une aire
magasins ? circulaire, d'environ 38 m de diamètre, avec quelques
blocs taillés dans le grès dunaire (40 à 50 cm de long).
Tout au long de ce front de mer, l'estran est jonché Au milieu de cette aire, on aperçoit le toit d'une
d'un grand nombre de tessons de céramique de citerne antique qui vient d'être crevée par des fouilles
transport en liaison avec une activité portuaire et clandestines.
industrielle. On trouve aussi des céramiques fines
d'importation datant du Ier s. av. au Ier s. ap. J.-C. Les
concentrations les plus denses se trouvent en face des
horrea.

2-3
CERAMIQUE

Très abondante, elle couvre une longue période Fig. 69. Site 16 bis. El Gastil.
chronologique, de l'époque punique au VIIe s. de 1. Eolianite de la formation Sidi Salem ; 2. Matériel
notre ère : vaisselle campanienne A, bols archéologique (ateliers de potiers ?) ; 3. Citerne antique
hellénistiques à reliefs, sigillée italique (dont forme Goudi- 4. Dépôts de sebkha ; 5. Nebkhas.

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Golfe de Gabès 101

17-SIDIGAROUS graphie est fortement perturbée par endroit par des


37 G 54' N - 9 G 69' E. remaniements modernes. Bien que le site soit protégé
de la houle du Nord-Est par la flèche de Rass R'mel en
Au Sud de la plage du Club Méditerranée, sur un cours de croissance, le recul du rivage est toujours en
petit cap de la croûte saumon villafranchienne à héli- cours.
cides, recouverte de placages d'une plage ancienne Les vestiges encore visibles sur le littoral et ses
consolidée d'âge tyrrhénien, des ruines antiques sont environs proches semblent correspondre à ceux d'un
attaquées par la mer. Il s'agit d'un alignement de établissement antique assez important, occupé de
blocs antiques de grand appareil à proximité d'un l'époque préromaine - comme le confirme la
marabout à demi écroulé récemment sous l'attaque présence d'une nécropole libyco-punique à l'intérieur
des vagues. des terres - jusqu'à l'Antiquité tardive. La présence de
mosaïque suggère qu'il pourrait s'agir, à l'époque
romaine, d'une résidence privée au centre d'un
domaine rural. Une étude récente du site de Rhizene
18 - LALLA HADRIA (OU TOBKHANA)
37 G 64' N - 9 G 54' E. (Akkari Weriemmi 1995, p. 55) a révélé une forte
densité de coquillages de murex parsemant le sol et
qui suggère l'existence en ce lieu d'un centre de
Au Nord du Club Méditerranée, sur un substratum
production de la pourpre et peut-être aussi d'un
de grès dunaire de la formation Sidi Salem, vestiges
« artisanat de chaux marbrée comme en témoignent
très caractéristiques d'un établissement thermal,
les fragments de stucs relevés sur son sol ».
reconnaissables par la présence d'un foyer et de
plusieurs piscines dont l'une a conservé un témoin de
son pavement de mosaïque. On remarque, basculé CERAMIQUE
dans la mer, un élément de mur en blocage avec son
revêtement étanche, ainsi que plusieurs blocs. Témoins chronologiques compris entre le IIe s. av.
Non seulement il y a évidence du recul du trait de J.-C. et le début du VIe s. de notre ère : vaisselle
côte sous l'action des vagues, mais aussi, sans doute campanienne A Lamboglia 33A, sigillée du sud de la
de submersion. Gaule Dragendorff 27 et hispanique Dragendorff 37
(fig. [41, n° 18), sigillée africaine de type D Hayes 6lB
(fig. [6], n 37) et 87A (fig. [6], n 43).
19 - RHIZENE
37 G 64' N - 9 G 54' E. Bibliographie

Le substratum est de grès dunaire de la formation Akkari Weriemmi (J.), 1995, La nécropole libyco-
de Sidi Salem, couvert de sables éoliens meubles punique de Ghizène (Djerba-Tunisie), Africa, XIII,
attaqués par la mer (fig. 70). Une falaise de 1,50 à 2 m est p. 51-73.
taillée dans du matériel archéologique dont la strati-

20 - CHEIKH YAYA
37 G 52' N - 9 G 34' E.

Dalles de beach rock à tessons de poterie mises


au jour par un recul du rivage accéléré par
l'extraction de sables déposés alors que le niveau de la mer
était sensiblement supérieur à l'actuel. Des
Fig. 70. Site 19 Rhizene.
1. Eolianite de la formation Sidi Salem ; 2. Sables éoliens coquilles prélevées dans ces sables ont été datées
meubles ; 3- Couche archéologique ; 4. Epandage sableux de 2780 et de 2 660 ans BP (Paskoff et Sanlaville
éolien actuel. 1983, p. 136).

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102 Catalogue des sites

21 - GUELLAIA vaisselles campaniennes A et B, sigillée italique


(Haribus : Tab. Peut., segm. VII, 1) (dont forme Ettingler 20.4), sigillée du sud de la
37 G 48' N - 9 G 46' E. Gaule (dont formes Dragendorff 27 et 37), sigillée
africaine de type A (Hayes 2/3 et 8) et de type D
Le site est étendu en front de mer sur 350 m (Hayes 50, 6lB, 87, 91D, 104, 105), sigillée
environ. Au-dessus d'un substratum de grès calcaire de
phocéenne
n° 144-145), tardive,
amphores amphores
africainespuniques
impériales(fig.
type
[12],I,
la formation Rejiche à peu près au niveau actuel de la
mer et dont quelques pointements se remarquent sur spatheion, Keay XXV, LXI/LXII.
l'estran, une falaise de 0,50 à 1,80 m de hauteur a été On remarque également, dans les champs
taillée exclusivement dans du matériel archéologique. cultivés situés en arrière du rivage, de larges traces
La stratigraphie apparente dans les coupes ouvertes cendreuses circulaires associées à de très nombreux
par la mer témoigne d'une occupation humaine assez fragments d'amphores de type Dressel 2/4 ou
longue, en plusieurs phases successives (trois ou Schône-Mau XXXV (fig. [15], n° 201-202). Ces
quatre) dont une phase ancienne antérieure à l'époque amphores sont également très abondantes sur
romaine et vraisemblablement punique. Les indications l'estran. Certains tessons sont grésés, d'autres,
fournies par la céramique très abondante sur la plage normalement cuits, présentent l'aspect des
en avant de la falaise archéologique ainsi que la productions africaines classiques : pâte rouge-orangé assez
présence de fragments de sol en opus signinum dans la clair avec inclusions blanches, surface blanche. On
stratigraphie confirment cette impression. peut donc supposer avoir localisé à Guellala un
Les vestiges les plus denses se trouvent en nouveau centre de production d'amphore Dressel
bordure de mer de part et d'autre d'une maison de 2/4, type largement imité sur tout le pourtour
pêcheurs actuelle. Vers le Sud-Ouest une méditerranéen.
concentration de tessons d'amphores suggère l'existence à
Guellala d'un centre de production. Vers le Nord-Est,
Bibliographie
en coupe dans la falaise, on remarque un mur en
moyen appareil, une cuve de forme irrégulière avec
Tissot (Ch.), 1884, Géographie comparée de la
son enduit étanche qui permet de conclure à
province romaine d'Afrique, 1, Paris, p. 201-202.
l'existence d'activités artisanales liées au traitement ou à la
Desanges (J.), 1980, Texte traduit et commenté de
conservation des produits halieutiques (salaisons ou
Pline l'Ancien, Hist. Nat. V, 1-46, VAfrique du
garum, teintureries de pourpre). A noter un fragment
Nord, Paris, Belles Lettres, p. 432-433, note 1.
de pavement de type punique en opus segmentatum
ou tessellatum, à semis de tesselles noires et blanches,
avec des incrustations de coquillages.
Tissot avait identifié le site avec la localité de 22 - ERSEFET
Haribus, une des quatre cités indiquées dans l'île de 37 G 28' N - 9 G 58' E.
Meninx (Jerba) par la Table de Peutinger. Il proposait
pour le nom latinisé de ce centre une étymologie Au fond de l'anse d'Ersifet (pluriel de rasif en
sémitique : Hares = vas testaceum (les jarres, les arabe : le quai), à 3 km environ à l'Est du port
poteries), qui selon Desanges peut elle-même « avoir romain (Rass Segala), petit habitat antique en
modifié une forme plus ancienne du toponyme ». On bordure de la mer, à 30 m de la ligne de rivage. Sur
doit constater que la fabrication dans des fours 180 m de long, à partir de ce point en allant vers
artisanaux de poterie traditionnelle est encore la spécialité l'Est, sur l'estran actuel, s'étend une carrière peu
principale de l'actuelle Guellala. profonde (larg. : 30 à 40 m). Sur la partie la plus
basse de l'estran, les traces d'extraction sont
CERAMIQUE défigurées par la corrosion marine. Le front de taille, là où
il est visible, correspond à la hauteur d'une assise,
Matériel couvrant une large période mais il disparaît souvent dans un dépôt sablo-vaseux
chronologique, de l'époque punique au VIIe s. de notre ère : apporté par les eaux.

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Golfe de Gabès 103

Le matériel rocheux est un grès calcaire coquillier


de la formation Rejiche. Vers le Sud, sur la partie 5m
haute de l'estran, un alignement de blocs dégagés par
l'érosion marine pourrait correspondre à un habitat de
carriers. Il y a à la fois recul et submersion du rivage
antique (fig. 71).
V V V
déchets de carrière
Fig. 72. Site 22. Ersifet.
1. Argiles gyseuses ; 2. Croûte calcaire ; 3. Grès coquillier
de la formation Rejiche ; 4. Colluvions ; 5. Déchets de
carrière.
Id. A. a) Colluvions sablo-limoneuses à tessons ; b) Sol
antique (avec dallage en fragments de coquilles) ;
c) Couche noire à morceaux de charbon (incendie) ;
d) Colluvions postérieures à l'antiquité.

CERAMIQUE

Matériel d'époque romaine : vaisselle culinaire


africaine Hayes 181, 182, 183, 197, amphore Tripoli-
taine III.

23 - RASS SEGALA
(Medina Guedima, Gidaphtha ? Ptolémée IV, 3)
37 G 24' N - 9 G 554 E.
Fig. 71. Site 22. Ersifet alignements de blocs.
Ancien port d'époque romaine indiqué sur les
:

cartes au 1:100 000 (Adjim 1905) et au 1:200 000


(Gabès 1933) par une double jetée. Sur la carte plus
Au-delà de la carrière, en direction de l'Ouest, la récente au 1:50 000, seule est figurée la jetée sud.
section de côte comprise entre Ersifet et le port D'après les descriptions anciennes, il était connu
romain présente plusieurs traces d'occupation localement sous le nom de Marsa Guedima.
antique : l'une au Nord-Est du hameau d'Ersifet avec La côte basse est précédée par un platier rocheux
deux éléments de seuil ; l'autre au Sud-Ouest avec à faible profondeur, façonné dans la formation
plusieurs blocs en remploi dans le rebord de Rejiche, en avant d'une micro-falaise taillée dans les
l'impluvium d'une citerne moderne. limons de ruissellement quaternaires, récents ou
A quelques distance (200 à 250 m) au Nord-Est du actuels. Dans ce secteur relativement abrité du littoral,
site d'Ersifet, une petite carrière récente vient de il y a ensablement de l'ancien port dont la profondeur
mettre au jour des traces d'occupation antique, sous actuelle, entre les deux jetées est partout inférieure à
des colluvions plus récentes renfermant des fragments 1 m. Les parties amont des jetées se situent
de poterie. On remarque un sol, des bases de murs, aujourd'hui sur le haut de l'estran qui n'est
des cendres. Les structures en question reposent à entièrement couvert d'eau que lors des grandes marées. En
leur tour sur des colluvions qui ont livré également arrière de l'estran, la petite falaise (0,50 m) ne recule
quelques tessons. Cette situation est comparable à que lors des épisodes de grosse mer, mettant au jour
celle notée sur d'autres sites (Gammarth, Safi) à la racine de chaque jetée des constructions ruinées
(fig. 72). (fig. 5 et 73).

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104 Catalogue des sites

La jetée sud se développe sur une longueur de


350 m et une largeur de 9 m. Elle présente une légère
inflexion vers le premier tiers de sa longueur. Elle est
beaucoup mieux conservée que la jetée nord, de
même que sa plate-forme terminale de 35 x 18 m,
mais les deux jetées sont presque entièrement
N recouvertes d'eau à marée haute et les blocs qui les
constituent sont rongés par la corrosion marine. A proximité
de l'ancrage en terre ferme de la jetée nord, se voit un
ensemble de constructions en moellons avec un
enduit hydraulique à l'intérieur qui indique la
présence vraisemblable de citernes antiques.
La jetée nord est localisée à l'aplomb du
promontoire de Rass Segala. Plus courte, elle n'a que 80 m de
longueur pour la partie visible, sur une largeur de
7 m ; elle se termine par une plate-forme de mêmes
dimensions, mais beaucoup plus dégradée que celle
de la jetée sud. Comme pour celle-ci, les vestiges
d'une citerne se trouvent près de la racine en terre
ferme de la jetée. Dimensions : 8,65 x 5 m ; épaisseur
des murs : 0,55 m. Le fond en béton étanche est
incliné vers la mer, la fondation à demi creusée dans
une nebkha ancienne (fig. 74).

I I J.L 100m

Fig. 73- Site 23. Rass Segala : les jetées de l'ancien port
romain.

Les deux jetées (ar. : segala) sont construites en


blocs de grand appareil pour les parements avec un
remplissage de blocage dans l'intervalle de ceux-ci (à
remarquer que le faciès de la formation Rejiche dans
laquelle ont été taillés les blocs de parement est
différent de celui des carrières du point 22). Le dispositif
des jetées est dans les deux cas identique, avec une JL
plate-forme rectangulaire transversale en forme de T
à l'extrémité, comme l'indiquent du reste les cartes. Fig. 74. Site 23. Rass Segala citerne de la jetée nord.
:

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Golfe de Gabès 105

Ces citernes sont en fait les seules constructions 25 - PORT DE GIGTHIS


repérables sur le littoral, en liaison avec le port. Par 37 G 26' N - 9 G 27' E.
ailleurs, l'extrême rareté des témoins de céramique
trouvés sur la plage à proximité des jetées pose une L'ancien port, situé au pied d'une falaise morte à
interrogation sur la finalité et le fonctionnement de cet l'aplomb du centre monumental de la ville antique,
aménagement portuaire de première grandeur. On est presqu 'entièrement colmaté par les dépôts vaso-
peut penser avec une certaine vraisemblance que la sableux colonisés par les touffes de salicornes, là où
raison d'être du port, assimilé - à tort ou à raison - la jetée est enracinée. Le rivage, dans cette partie sud-
par Du Breil de Pontbriand à la Gidaphtha de ouest de la Mer de Bou Grara, se trouve à l'abri de la
Ptolémée, était de servir de débouché maritime et houle. La dérive littorale dominante vient du Sud et
commercial à la ville de Zitha (Zian) dont les ruines apporte des sédiments fins, livrés épisodiquement lors
étendues se trouvent à l'intérieur de la presqu'île des des crues de l'oued Fja qui a construit un delta où les
Accara et qui est tenue pour avoir été dans l'antiquité sables sont remaniés par le vent en dunes du type
au centre d'une riche région oléicole. barkhanes, formant un vaste champ au Sud-Est de
Gigthis. On a ici, comme le montrent les images
satellitaires postérieures aux crues exceptionnelles de
CERAMIQUE 1969, un exemple remarquable de progradation
récente du littoral. L'alluvionnement du port antique
Rares tessons d'époque romaine : vaisselle
progresse en revanche très lentement à l'Ouest car les
culinaire Hayes 181, 182, 183, 196 (fig. [10], n° 110-111). modifications dans le tracé sont peu sensibles depuis
l'état du site qui apparaît sur le plan de Gigthis levé
Bibliographie par Constans en 1915-1916.
Quant aux vestiges des installations portuaires
Du Breil de Pontbriand (O.), 1906, Le port de antiques, ce qui en est visible aujourd'hui ne peut que
l'antique Gergis et la légende de la rivière d'huile, confirmer en tous points la description qu'en avait
BCTH, p. 251-252. donnée cet auteur (Constans 1916, p. 70) : « la jetée
Donau (R.), 1909, Recherches archéologiques du port de Gigthis... n'est plus constituée que par
effectuées par MM. les Officiers des territoires du Sud quelques blocs de calcaire blanc, en partie noircis par
tunisien en 1907, BCTH, p. 48-49. la mer, en partie enfoncés dans la vase : ils en
Service des Affaires Indigènes, Historique de l'annexe marquent néanmoins le contour d'une façon nette.
des Affaires Indigènes de Zarzis, Bourg, C'est une chaussée de 17 m de large, de 140 m de
V. Berthod, 1931, p. 14. long, se terminant par un môle arrondi. Seule, la
partie antérieure est aujourd'hui baignée, à marée
haute, par quelques centimètres d'eau » (fig. 4 et 75).
Les vestiges encore visibles dans la vase se
24 - HENCHIR KARBUB
présentent sous la forme d'un double alignement de blocs,
37 G 23' N - 9 G 46' E.
l'un au Nord conservé sur 67 m, l'autre au Sud sur
35 m. Ces alignements constituaient les parements
Au voisinage de la falaise vive taillée dans les d'un môle unique de 17,10 m de large. Du côté de
argiles rouges gypseuses pontiennes, nombreux l'Est, vers la mer, un autre alignement de blocs
tessons de céramique commune d'époque romaine disposés en arc de cercle dessine les contours d'une
tardive (?). Plus à l'intérieur, dans une formation de
plate-forme semi-circulaire constituant l'extrémité du
nebkhas buissonnantes, site néolithique à jonchées
môle.
abondantes de murex, ainsi que des éclats de silex et La pierre utilisée est un grès blanc oolithique,
des pointes de flèches. généralement peu coquillier, provenant de la
formation Rejiche. Tous les blocs montrent les effets de la
corrosion. Certains sont même très démantelés. Des
mares façonnées dans ces blocs ont une profondeur

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


106 Catalogue des sites

1915), Nouvelles Archives des Missions


Scientifiques, 14, p. 70.
Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ.
Fac. Soc. Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34,
p. 174-177.

26 - OUED BABOUS EST


37 G 28' N - 9 G 30' E.

La côte de la rive occidentale de la Mer de Bou


Grara est caractérisée par des falaises, de hauteur
variable, qui sont taillées dans les argiles pontiennes
Fig. 75. Site 25. Port de Gigthis relevé de l'ancien môle.
couronnées par une croûte calcaire villafranchienne.
:

Elles sont aujourd'hui mortes ou stabilisées. On trouve


parfois encore à leur pied des dépôts marins conglo-
qui peut atteindre 18 cm ; ce qui donne une vitesse de mératiques du dernier interglaciaire (formation
creusement de l'ordre de 1 cm par siècle. Les mesures Rejiche) qui témoignent d'une longue permanence de
effectuées par A. Oueslati montrent une perte de la ligne de rivage sur le tracé qui est aujourd'hui le
matériel variant entre 25 et 30 %. sien, car ici la côte est protégée de l'action de la houle
A en juger par les témoins architectoniques qui par son orientation générale et les faibles profondeurs
parsèment les environs du môle à l'Ouest, on peut littorales.
penser à l'existence d'un monument, peut-être un Dans cette zone de falaise en sommeil au Nord de
phare, placé à l'extrémité du môle. Parmi les vestiges Gigthis, à mi-distance entre l'oued Babous el Djerf et
:

un fragment de fût de colonne (long. 0,75 m ; Bir Tajerjimet, trace d'une petite construction en
:

diam. : 0,56 m) et deux chapiteaux corinthiens de blocage, fragments de béton de tuileau ; à proximité
mêmes dimensions (larg. max. : 0,65 m ; larg. min. petite nécropole.
:

0,40 m ; haut. 0,55 m). Constans avait déjà noté que


:

ces chapiteaux corinthiens reproduisaient exactement


CERAMIQUE
le modèle rencontré au temple A et au portique du
forum (1er type). Il en déduisait que la construction de
Vaisselle culinaire africaine d'époque romaine
la jetée devait être rapportée à la première moitié du
(Hayes 181, 197).
IIe S.
Mais on peut penser aussi qu'il s'agit d'un dépôt
de matériaux prélevés sur les monuments en question
et abandonnés près du port. On remarque en effet des 27 - BIR TAJERJIMET
remplois de blocs antiques au départ de la jetée 37 G 30' N - 9 G 32' E.
moderne construite au Nord-Ouest de la ville antique
pour le petit port de pêche de Bou Grara. Ces blocs Zone de nécropoles bouleversées par des fouilles
ont été enlevés sur le site de Gigthis à l'époque du clandestines.
Protectorat.
CERAMIQUE
BlBLIOGRAHIE
Matériel romain tardif : sigillée africaine E Hayes
Constans (L.A.), 1916, Rapport sur une mission 68, 106).
n" vaisselle culinaire africaine Hayes 181 (fig. [10],
archéologique à Bou-Ghara (Gigthis) (1914 et

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 107

28 - BIR SLAMA EST dont les témoins (blocs taillés ou blocage), gisant
37 G 32' N - 9 G 33' E. parfois dans la mer ou restant accrochés au sommet
de la falaise, sont le plus souvent des établissements
Vestiges très informes d'une construction voûtée ruraux dont l'activité tournait le dos à la mer. Tel
avec des fragments de béton en tuileau. Il s'agit semble être le cas de l'Henchir Chelakhi, site très
vraisemblablement d'une citerne. Plus au Sud, de l'autre étendu comportant des vestiges peu lisibles de
côté d'un vallon, nécropole pillée. construction en blocage en partie démantelés par le recul
Toute cette rive ouest de la Bahiret el Bou Grara de la falaise. Les restes d'une huilerie qui se devinent
présente très peu de traces probantes d'une au Sud du site principal avec des traces de cuves et un
occupation humaine antique liée à l'exploitation de la mer. élément de sol de la surface de presse, sont de nature
Malgré la situation abritée de ce littoral, la présence de à confirmer la vocation agricole de ce centre. Un
la falaise et de faibles profondeurs créent des environnement de nécropoles entoure le site, notamment
conditions défavorables au développement d'une vie vers le Sud où on voit de larges jonchées de tessons.
maritime.
CERAMIQUE

29 - HENCHIR CHELAKHI Epoque romaine et Antiquité tardive : sigillée


37 G 45' N - 9 G 32' E. africaine de type A Hayes 2/3 et de type D Hayes 103B
(fig. [6], n° 48), lampes en sigillée africaine Atlante IV
La côte nord de la presqu'île de Jorf présente une (fig. [91, n" 85), VI (fig. [91, n° 92), VILA et VIIIB,
falaise vive taillée dans les argiles rouges gypseuses vaisselle culinaire africaine Hayes 183.
d'âge pontien d'une hauteur de 10 à 15 m, avec à la
base une encoche profonde (4 à 5 m) due à la
dissolution du gypse par l'eau de mer (fig. 3 et 76). Leur
30 - HENCHIR DAOUS
mise en porte-à-faux à partir de crevasses qui 37 G 45' N - 9 G 28' E.
apparaissent sur le haut de l'abrupt provoque
l'effondrement de grands pans de falaise. Il en résulte un chaos
Près du point coté 20 m et au Sud de celui-ci,
de blocs sur l'estran, progressivement rongés par la
vestiges informes d'une nécropole et d'un petit habitat
corrosion. De la sorte, les sites d'occupation antiques
sur le bord de la falaise. Il est possible qu'une partie
sont eux-mêmes tranchés par le recul des falaises.
de la construction ait été emportée. Escargotière dans
Plus encore que la côte ouest, la côte nord et est de
un ravin.
la presqu'île de Jorf, battue par les vagues de grosse
mer, apparaît répulsive les vestiges de constructions
:

CERAMIQUE

Petit contexte Ve s. lampe en sigillée africaine


s.o N.E
:

lûmn Atlante VIII ou X, sigillée africaine du sud de la


Tunisie apparentée aux formes Stern IV = Hayes 1972,
— v —v — v — v — v — v"v— v
y y Y y y y \y y fig. 58b = Février 1963, fig. 7.
V V V (T)-V V V

31 - LAFLALA (HENCHIR ROUMIA OU


FASTAQIA)
Fig. 76. Site 29- Henchir Chelakhi. 37 G 44' N - 9 G 26' E.
1. Argiles gypseuses ; 2. Ruines antiques ; 3- Crevasse ;
4. Encoche ; 5. Gravillons calcaire ; 6. Blocs d'argile Restes d'une agglomération étendue, visible en
effondrés ; 7. Blocs taillés antiques. bordure d'une falaise de 4-5 m de haut, sur 300 m en

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108 Catalogue des sites

front de mer. Du matériel archéologique apparaît en Rejiche, dominant de 0,50 m environ une vasière nue
coupe sur plus de la moitié de la hauteur de la falaise. (slikke) qui borde ce chenal.
A la base de celle-ci affleurent des marnes gypseuses
verdâtres d'âge pontien, recouvertes par un dépôt de
CERAMIQUE
plage grossier tyrrhénien (formation Rejiche), plus ou
moins remanié par le ruissellement et cimenté,
Contexte d'époque romaine, à très nette dominante
recouvert ensuite par des sables éoliens non consolidés. Le
tardive : sigillée africaine de type A (forme Atlante
recul de la falaise se fait par affouillement des marnes
XXXI, 18 ?), de type C5 (Hayes 85), de type D (Hayes
sous-jacentes.
91) et de type E (Hayes 68), vaisselle culinaire africaine
Parmi les vestiges plus ou moins informes
tranchés par la falaise, on remarque une citerne visible en Hayes
n° 95) 196,
et X lampe
(fig. [9],
africaine
n° Deneauve VIIIB (fig. 19],
coupe dans le sens de la largeur. Elle est posée 98), amphores africaines
spatheion et cylindrique de grandes dimensions,
directement sur la plage de Rejiche et creusée dans les
amphore orientale Carthage LRA 1 On remarque
sables dunaires. Plus à l'Est un silo (ou un four) est

.
quelques pesons de filets de pêche en céramique.
creusé dans le remaniement continental au-dessus du
Quelques tessons d'époque islamique : vaisselle et
niveau de plage tyrrhénien.
lampes glaçurées (fig. [26], n° 7 et 10).
Aux abords de la nécropole pillée : amphore
CERAMIQUE Tripolitaine III, amphore africaine Keay XXXVB,
lampe en sigillée africaine Atlante X.
Contexte fin ive ou Ve s. sigillée africaine E Hayes
:

68, sigillée africaine du sud de la Tunisie Stern XXIX


(fig. [7], n 66). 33 - HENCHIR BOU AMIA
37 G 37' N - 9 G 07' E.

32 - GOUREVE EST Le site archéologique se situe au sommet d'une


37 G 38' N - 9 G 15' E. falaise morte, haute d'une dizaine de mètres, taillée
dans les argiles rouges pontiennes par la mer lors du
En face du borj aujourd'hui en ruine, sur la rive dernier interglaciaire, à une époque où son niveau
orientale du chenal qui met en communication avec était un peu plus haut que l'actuel, il y a environ
la mer la sebkha el Kantara (Adjim : 1:100000) ou 125000 ans (fig. 77). Au pied de cette falaise, des
Jallaba (Mareth : 1:50 000), ruine assez bien conservée cônes de déjection coalescents ont été construits par
d'un monument antique : petit temple ou, sans doute, de petits oueds pendant la dernière époque pluviale
grand mausolée de plan carré (18xl8m)età étages (Wùrm) tandis que le niveau de la mer était
en retrait. Il était construit en moellons réguliers avec beaucoup plus bas qu'aujourd'hui. Le site archéologique
renforts de harpes, selon la technique habituelle de secondaire, probablement des vestiges d'installations
Vopus africanum (larg. des murs : 0,52 m). Il était
entouré d'une nécropole. A proximité du monument,
un chapiteau corinthien à trois rangées d'acanthes
(abaque : 53 ; larg. min. 38 ; haut. : 47 - acanthes :
:

long. : 14 ; haut. : 12 cm). Un autre chapiteau du


même type est visible dans l'eau.
Aux environs du site principal, vestiges de
thermes reconnaissables par la présence de briquettes
d'hypocauste. En fait, toute une agglomération Fig. 77. Site 33- Henchir bou Amia.
entourait le monument. 1. Argiles gypseuses ; 2. Cône de déjection de la dernière
Celle-ci était construite sur un platier holocène époque pluviale ; 3. Falaise morte ; 4. Schorre ; 5. Site
façonné dans le calcaire coquillier de la formation archéologique.

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Golfe de Gabès 109

de pêcheurs de mollusques à en juger par 34 - HENCHIR MEDINA (ZARAT EST)


l'abondance des coquilles, se localise sur le front de ces 37 G 38' N - 9 G 84' E.
cônes qui a été tronqué par une falaise marine, haute
de 1 à 2 m, lors du maximum de la transgression Le site archéologique, couvert par un champ de
post-glaciaire, il y a 5 ou 6 000 ans. Aujourd'hui cette nebkhas, est localisé sur une terrasse alluviale de
falaise n'est plus active et elle ne l'était sans doute l'oued Zigzaou, probablement d'âge holocène, qui
déjà plus dans l'antiquité. A son pied se trouvent de domine de quelques mètres la Garaet el Gaoui,
petits cônes de déjection d'âge historique et, plus en espace bas périodiquement inondable par des eaux
avant, s'étend un vaste schorre (vasière littorale marines ou continentales et colonisé par une
colonisée par la végétation), parcouru par un réseau de végétation de salicornes (fig. 78).
chenaux de marée.
L'Henchir Bou Amia constitue un exemple
remarquable de la juxtaposition de deux formes d'habitats vwvvvvvvv
correspondant à des activités et des genres de vie
différents : de type rural à l'intérieur, maritime en
bordure même du littoral. La séparation entre ces Fig. 78. Site 34. Henchir Medina (Zarat est).
deux habitats est matérialisée par la présence de la 1. Terrasse alluviale à croûte gypseuse ; 2. Terrasse
falaise morte façonnée par la Mer de Rejiche, il y a alluviale holocène ; 3- Site archéologique ; 4. Nebkhas.
environ 125000 ans. Au-dessus de la falaise, autour
des vestiges d'une fortification de 20 m de côté, sans Il s'agit des vestiges très informes d'une
doute d'époque arabe, réutilisant elle-même des agglomération fort étendue et sans doute de la fin de l'époque
matériaux antiques, on est en présence d'une romaine à en juger par la céramique. La récupération
agglomération étendue d'époque romaine et de caractère des matériaux jusqu'aux fondations fait apparaître des
rural (fragments de meules). On remarque remployés alignements de murs en négatif. On remarque çà et là
dans la fortification quelques blocs antiques quelques blocs dont l'un mesure 48 x 45 x 95 cm. En
actuellement délogés pour servir de pierre à bâtir et des bordure est du site, une nécropole à incinération
témoins de céramique musulmane vernissée. signalée par des fragments d'urnes dégagés
En contrebas de la falaise, fonds de cabanes ou de récemment. Des affleurements de Rejiche coquilliers avaient
huttes de pêcheurs. On remarque plus à l'Ouest fourni la pierre à bâtir. On note la présence de clous
d'importants amas de coquilles avec de nombreux de bronze à section carrée.
tessons d'époque romaine et des petites monnaies de
bronze.
CERAMIQUE

Quelques tessons romains tardifs : sigillée


CERAMIQUE
africaine de type D Hayes 58, lampe en sigillée africaine
En bord de mer, contexte romain tardif sigillée Atlante VIII.
:

africaine de type D (Hayes 67) et de type E Hayes 68


(fig. [7], n° 62), sigillée claire gauloise de type
« luisante » Lamboglia 1/3 (fig. [4], n° 20). 35 - OUED ZERKINE
37 G 48' N - 9 G 48' E.

Bibliographie Le site archéologique constitué par les vestiges


informes mais étendus d'une petite agglomération
Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la rurale, se situe sur une colline basse, lambeau de
Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur terrasse alluviale datant de la dernière époque
l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord pluviale (Wùrm) et couvert par une croûte gypseuse,
(Avignon 1990), Paris, CTHS, p. 321-322. à environ 1 km au sud de l'embouchure de l'oued

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110 Catalogue des sites

Zerkine. En avant, vers la mer, un espace bas, N.E s.o


périodiquement inondable, couvert de salicornes et large
de quelques 700 m, sépare la colline du rivage,
caractérisé par un vaste estran sablo-vaseux, adossé à une
dune bordière surbaissée. Fig. 79. Site 37. Henchir Chougaf.
Sur une butte, en direction de l'Est, se trouvait 1. Argiles gypseuses ; 2. Terrasse alluviale à croûte
peut-être une tour de guet. gyseuse ; 3. Cordon littoral de la formation Rejiche ; 4.
Eolianite de la formation Sidi Salem ; 5. Sebkha ; 6. Plage
CERAMIQUE et dune ; 7. Ruines antiques.

Tessons échelonnés du IIe au Ve s. : sigillée on rencontre d'abord un espace bas, argileux, couvert
africaine de type A/D (Hayes 32) et de type E Hayes 68 de touffes de salicornes, puis une plage de sable fin.
(fig. [7], n° 55), lampe en sigillée africaine Atlante I (?) Les vestiges visibles en surface se réduisent en fait,
(fig. [91, n° 84), VI (fig. [91, n° 90), X. On note comme l'indique le nom même du site {chougaf: ar.
également un fragment de céramique peinte (fig. [11], poterie), à de très vastes jonchées de céramique, sur
n 134). plusieurs hectares, sans alignement de murs
apparents mais au milieu de pierraille prélevée sur la
formation Sidi Salem. On peut penser qu'il s'agit d'un
ancien village de pêcheurs valorisant ce point du
36 - ET TARFAIA littoral, ou encore un lieu d'échange près de l'oasis de
37G 5O'N-9G81' E.
Gabès entre les semi-nomades de la Jeffara et les
cultivateurs oasiens.
A 1,5 km au Sud-Est de l'embouchure de l'oued el
Ferd, près du vallon d'El Hajel, vestiges d'un
monument mis au jour et entièrement détruit à l'occasion de CERAMIQUE
labours profonds sur une terrasse sablo-limoneuse
recouverte d'une croûte gypseuse peu développée, Riche ensemble de céramiques de l'Antiquité
probablement du quaternaire supérieur. tardive : sigillée africaine de type C5 (Hayes 82, 84), de
Du monument ne subsistent que deux blocs ainsi type D (Hayes 67, 87B, 88, 91A-C, 104A), de type E
qu'un chapiteau ionique (diam. à la base : 36 ; Hayes 66 (fig. [7], n° 53), 68 (fig. [7], n 54 et 57-58), 92
abaque 56 ; larg. des volutes : 19 cm). (fig. [7], n° 63) et production du sud de la Tunisie Stern
:

IV
n° (fig. [7], sigillée
79-80), n° 69 etclaire
71) décorée
gauloise (fig.
de type
[7], n"« luisante
74 et [81,»
Lamboglia 45 (fig. [4], n° 23), lampes en sigillée
37 - HENCHIR CHOUGAF
37 G 61' N - 8 G 70' E. africaine Atlante VIII et X (fig. [91, n° 97), céramique
commune (fig. [11], n° 126 et 128), amphore africaine
Keay XXXVB, amphore orientale Carthage LRA 1. On
A proximité de l'oued Essoureg (rive nord), site
note également un fragment de vase à décor plastique
archéologique localisé sur un cordon littoral n°
(oiseau) en sigillée africaine (fig. [9], 103) et
caillouteux d'âge tyrrhénien (Rejiche) caractérisé par de
quelques pesons de filets de pêche en céramique.
petits galets à émoussé typiquement marin, souvent
lithophagés, localement pris dans un encroûtement
gypseux (fig. 79).
A l'arrière, vers l'intérieur des terres, on trouve 38 - HENCHIR ER REKHAMA
d'abord une petite butte correspondant à un (Tarf el-Ma Lacene ? ; Tab. Peut., segm. VI, 5)
:

affleurement d'éolianite de la formation Sidi Salem, puis une Gabès 1 : 100000, 37 G 86' N - 8 G 55' E.
colline culminant à 10 m, reste isolé d'une terrasse à
cailloutis, couverte d'une croûte gypseuse, façonnée Cet endroit qui était connu pour offrir aux
dans les argiles mio-pliocènes. A l'avant, vers la mer, pêcheurs et aux marins fréquentant le golfe de Gabès

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 111

avec de petits bâtiments un mouillage et un lieu Céramique


d'accostage assez sûr, est mentionné dans la
bibliographie de la fin du XIXe s. sous le nom de Tarf el-Ma Contexte romain tardif (me-ve s.) : sigillée africaine
(Servonnet et Lafitte 1888, p. 186 ; Instructions de type C5 Hayes 84, de type D Hayes 56, de type E
nautiques 1899, p. 338). Le rivage qui est longé plus au Hayes 68 et production du sud de la Tunisie Stern IV,
Nord par une vaste étendue de sebkha (Chott el lampe africaine Deneauve XA (fig. [9], n° 83), lampe
Bsissi) se relève un peu ; il est bordé d'une petite en sigillée africaine Atlante VIII.
plage de sable : les ruines se trouvent au point où les
collines se rapprochent le plus de la mer, à
l'embouchure de l'oued er Rekhama. Les fonds de 5 m ne sont Bibliographie
plus qu'à 1 mille du rivage, ce qui explique les
Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la
conditions favorables à la navigation. Tissot {Géogr., 2,
Régence de Tunis, 1, Paris, p. 186-187.
1888, p. 195) s'accorde avec Toutain (1903, p. 274)
Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
pour y reconnaître la station de Lacene mentionnée
en 1888, Paris, Challamel, p. 186-187.
par la Table de Peutinger sur la route littorale de la
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
Petite Syrte entre Praesidium Silvani et AdPalmam.
Le site archéologique, très étendu, s'étend de province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 189, 195.
Service hydrographique de la Marine, 1899,
part et d'autre de l'embouchure de l'oued er
Instructions nautiques, p. 338.
Rekhama sur un glacis d'ablation tronquant des
Toutain (J.), 1903, Notes et documents sur les voies
argiles mio-pliocènes et datant du Pleistocene
stratégiques et sur l'occupation militaire romaine
supérieur. Emboîtée dans ce glacis existe une terrasse
du Sud tunisien à l'époque romaine par MM. les
dont le matériel contient des tessons de poterie et
capitaines Donau et Leboeuf, les lieutenants de
qui est d'âge historique. Elle domine le lit du cours
Pontbriand, Goulon et Tardy, BCTH, p. 274.
d'eau de quelques décimètres à 1 m. Sur la rive sud
Ben Ouezdou (H.), 1987, Etude morphologique et stra-
de l'oued, les ruines sont situées en arrière d'une
tigraphique des formations quaternaires des
falaise morte, dégradée par le ruissellement, haute
alentours du golfe de Gabès, thèse de 3e cycle,
de 3 à 4 m, dont le pied limite une petite plage de
Publications de la Revue Sciences de la Terre, 5,
sable sur laquelle s'accumulent sur de grosses
Tunis, p. 105.
épaisseurs des feuilles mortes de posidonies. Sur la rive
nord la falaise est vive et des ruines de murs sont
mis au jour par les vagues.
Les ruines réparties sur les deux rives de l'oued 39 - OUED EL AKARIT SUD
ne présentent guère de structures bâties distinctes. Gabès 1:100000, 37 G 90' N - 8 G 54' E.
Sur la rive sud en particulier, on ne voit que
quelques blocs épars, mis au jour ou déplacés lors de A environ 1 km au Sud de l'embouchure de l'oued
travaux récents par des engins mécaniques ; on el Akarit, le site est localisé sur une terrasse alluviale
remarque également d'importantes jonchées de à croûte gypseuse construite par l'oued pendant le
céramique avec quelques pesons de filets de pêche. Sur Pleistocene supérieur (formation Akarit, 30000 à
la rive nord en revanche, à 200 m environ de l'oued 8000 ans BP), en arrière d'une falaise morte d'âge
et en bordure de mer - sur la terrasse du Pleistocene holocène, de 3 à 4 m de dénivellation, empâtée par
supérieur - se devinent des alignements de murs des colluvions. En avant de la falaise s'étend un bas
parallèles rapprochés, déchaussés par l'érosion niveau vaseux, large de quelque 150 m, colonisé par
marine pendant les tempêtes jusqu'à la hauteur des des joncacées, dépourvu de ruines et érodé lui-même
fondations. Il pourrait s'agir des vestiges de cuves de par les vagues qui y taillent une micro-falaise de
salaison ou de citernes accolées. Mais le nom arabe hauteur décimétrique. A l'embouchure de l'oued
du site (er rekhana signifie marbre) laisse supposer continue à se développer un schorre, vasière couverte
que des ruines plus importantes étaient autrefois de salicornes. A quelque distance du site
visibles en cet endroit. archéologique vers le Sud, le bas niveau vaseux a été complè-

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112 Catalogue des sites

ment, d'après les déchets de cuisson recueillis, des


amphores africaines IB (fig. [17], n° 222-223) et IID
ou Keay XXV/1 (fig. [17], n° 224-225), Keay XXV/2
ou 3 (fig. [17], n° 226), de la vaisselle culinaire Hayes
~ *~"~ ~~* — - — — -\_Q_J 181 « a strisce » (fig. [16], n° 209-210), des couvercles
'■
'■■
J
300 m- Hayes 182 (fig. [16], n° 208),
n° 206-207), plusieurs formes
185,de196
céramiques
(fig. [16],
Fig. 80. Site 39 Oued el Akarit sud.
1. Terrasse alluviale de l'oued el Akarit ; 2. Colluvions ; n°
communes dont un mortier à marli tombant (fig. [16],
3. Schorre ; 4. Site archéologique. 212-213) et avec des inclusions de basalte sur le
fond. On trouve également sur le site des fragments
de lampes en sigillée Atlante VIIIB (fig. [16], n° 220)
tement érodé et la falaise qui limite la terrasse
et des tessons de sigillée africaine E Hayes 68
alluviale est ici vive. Elle fait apparaître quelques
restes archéologiques en voie de disparition (fig. 80). (fig. [16], n° 219), mais rien ne permet d'affirmer que
ces objets ont été produits sur place.
Les vestiges archéologiques bien apparents près
du rebord de la terrasse sont constitués d'alignements
de murs parallèles avec leur enduit de tuileau Bibliographie
conservé (épais, des murs principaux : 0,89 ni). Us
correspondent à une batterie de citernes ou de cuves Ben Ouezdou (H.), 1987, Etude morphologique et stra-
de salaison (larg. des cuves : 2,40 m). A noter la tigraphique des formations quaternaires des
présence aux environs immédiats, de murex et autres alentours du golfe de Gabès, thèse de 3e cycle,
coquillages marins. Publications de la Revue Sciences de la Terre, 5,
A 80 m en retrait de ces installations, se remarque Tunis, p. 105.
un grand amoncellement de céramique avec des
traces de scories et de déchets de cuisson. Il s'agit
d'un centre de production de céramique d'une
40 - HENCHIR ADAME
certaine importance et ayant dû fournir à la fois de la La Skhirra 1:100000, 37 G 97' N - 8 G 53' E.
vaisselle commune et des amphores. A 50 m environ
plus au Sud, affleure un mur en moellons d'une
Le site est localisé sur une petite butte de terre
citerne ou d'un caveau funéraire.
ferme, probablement constituée d'argiles gypseuses
A 500 m environ du site principal, on devine les
mio-pliocènes. Cette butte domine une topographie
traces très indistinctes de constructions entourées de
plane de sebkha, à touffes végétales halophiles
jonchées de tessons de céramique d'époque romaine.
espacées, parsemée de nebkhas, qui passe en bordure de
En bordure de la falaise, se remarquent quelques
la mer à une vasière herbue du type schorre. Le site
blocs dont l'un est visible dans la tranche de celle-ci,
ce qui atteste un recul effectif de la côte depuis se trouve à proximité d'un important chenal de marée,
l'oued Rarhla.
l'antiquité. Le schorre situé en contrebas est lui-même en
Il s'agit d'un site d'occupation humaine sans
cours d'érosion.
constructions apparentes, mais avec des traces de
A proximité du site, vers le sud et en bordure de
combustion, de larges jonchées de céramique (amphores et
mer, on peut observer une aire de séchage de l'osier
vaisselle fine), de nombreuses monnaies (petits
et un habitat temporaire contemporain lié à cette
bronzes). A signaler également, un peson de filet de
exploitation de l'oseraie dont les produits artisanaux
pêcheur et un fragment de meule. On remarque aussi
sont commercialisés à Gabès.
des amas de coquillages marins (murex, cérithes et
cardiums), mais peut-être associés à une industrie
CERAMIQUE lithique indépendante du site antique. Pour le reste, il
est possible qu'on soit en présence d'un site utilisé
L'atelier céramique d'Oued El Akarit semble avoir comme habitat temporaire et comme centre de
été actif autour des llie-ive s. Il produisait transaction par des pêcheurs. Ceci paraît vraisemblable

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Golfe de Gabès 113

dans un secteur de la côte encore fréquenté CERAMIQUE


pareillement de nos jours et pour les mêmes raisons.
Ensemble couvrant toute la période romaine, du
Ier au Ve s. sigillée du sud de la Gaule, sigillée
CERAMIQUE

:
africaine de type A Hayes 9A, type C Hayes 72, type D
Hayes 67, type E Hayes 68 et production du sud de la
Les quelques tessons recueillis appartiennent à
Tunisie Stern IV (fig. [7l, n° 70 et 72), sigillée claire
l'Antiquité tardive lampe africaine tournée type
n° gauloise de type « luisante » Lamboglia 1/3, vaisselle
:

Atlante XVI (fig. [91, 101), amphore africaine type culinaire africaine Hayes 181, 196.
Keay XXV.

42 - EN NADOUR
41 - SEBKHET EL GUETTIATE (ex Ferme Roderie : Cellae Picentinae ; Cellae Vicus F)
La Skhirra 1:100000, 38 G N - 8 G 52' E. La Skhirra 1:100000, 38 G 03' N - 8 G 58' E.

Les ruines se rencontrent sur une butte surbaissée Les ruines se suivent à partir de 300 m environ au
d'argiles gypseuses mio-pliocènes, à l'écart et en Sud de la tour du nadour (fig. 6), sur une distance
contrebas d'une butte-témoin d'un glacis d'ablation, de 200 à 300 m en bordure d'une falaise dont la
haute de 3 m, couverte par une croûte gypseuse hauteur, variable, peut atteindre une dizaine de
(fig. 81). Tout autour s'étend une sebkha argileuse, mètres. Cette falaise est taillée dans les argiles rouges
par endroits totalement dépourvue de végétation, du Mio-Pliocène, couvertes par une croûte gypseuse
ailleurs parsemée de nebkhas là où existent des épaisse de 20 à 30 cm. La falaise est en cours de
touffes de végétation. Les ruines sont elles-mêmes recul comme en témoignent des fissures et des
couvertes par des nebkhas. La mer est distante de vestiges archéologiques visibles en coupe dans sa
3,5 km à vol d'oiseau. partie supérieure (cf. fig. 164), une encoche plus ou
moins bien développée suivant les endroits à sa base
s.o et de gros pans d'argiles rouges effondrés à son pied.
Cette érosion est due à la fois à des actions
mécaniques d'attaque par les vagues de tempête qui
£v — vQ)v — vi peuvent atteindre parfois 3,50 m de hauteur, comme
le signalent les Instructions nautiques, et à des
Fig. 81. Site 41. Sebkhet el Guettiate. actions chimiques de dissolution de la roche
1. Argiles gypseuses ; 2. Croûte gypseuse ; 3. Cailloutis ; gypseuse par l'eau de mer. Les mesures effectuées
4. Sebkha ; 5. Nebkhas ; 6. Site archéologique. récemment (Oueslati 1993a, p. 332-333) ainsi que les
analyses de laboratoire (Albinet 1991) laissent penser
Le site antique, assez étendu, est marqué par de que l'attaque de la falaise est assez rapide ; mais rien
larges jonchées de céramique et des restes très ne permet d'évaluer la vitesse de son recul avec
informes de construction en moellons prélevés sur précision. A cet égard, il est regrettable que
une croûte calcaire. Plusieurs ensembles de ces ruines V. Guérin (1862), toujours très minutieux quand il
semblent constituer les vestiges d'une agglomération s'agit de l'horaire de ses déplacements, se soit
qui devait être formée d'habitats d'un caractère assez contenté d'une vague indication à propos de la
rudimentaire. position, lors de sa visite, du nadour, vieille tour qui se
A noter : un peson de filet, un fragment de marbre, dresse au Nord du site archéologique. Elle se trouvait
un fragment de meule en basalte. Il s'agit sans doute alors « non loin » du bord de la falaise. Comme elle
d'un village de pêcheurs isolé au milieu de la sebkha. en est aujourd'hui éloignée de 13 m, une mention
Sur la hauteur dominant le site, existent les traces d'une plus précise de la part de V. Guérin aurait permis de
nécropole creusée dans la croûte. Autour, se voient des calculer la vitesse du recul pour un laps de temps
tessons épars, ainsi que des éclats de silex taillés. significatif.

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114 Catalogue des sites

Les vestiges les plus apparents de ce site ment pendant l'époque aghlabide d'après sa forme et
d'occupation antique se situent en front de mer où ils ont été sa technique de construction. Mais on remarque, dans
mis en évidence par le recul de la falaise : des la fondation, la présence de blocs de grandes
fondations de murs en blocage, quelques blocs encore dimensions qui donnent à penser qu'on pourrait avoir
alignés sont visibles en coupe dans la partie affaire à une construction réutilisant des éléments
supérieure de celle-ci. Sur l'estran, on remarque également enlevés à des monuments plus anciens, peut-être un
quelques blocs taillés de gros appareil, tombés des fanal d'époque byzantine.
constructions mises en porte-à-faux au sommet de la
falaise. Ces constructions sont difficiles à caractériser.
Cependant, on remarque aussi la présence sur l'estran CERAMIQUE
d'un fond de cuve déchaussé par la mer et descendu
au pied de la falaise au cours d'un effondrement sans Contexte romain et de l'Antiquité tardive (nie-
doute récent. Ce type d'installation est tout à fait vie s.) : sigillée africaine type A/D Hayes 29, 32, 33,
semblable, mais à une moindre échelle, à ce qui peut type C Hayes 52, type D Hayes 91, 87B, 103/104,
se voir à Mdeina (site n° 1) ou à Borj el H'sar (site vaisselle culinaire africaine Hayes 181, 182, 196, 197,

61), prouvant l'existence en ce lieu d'une activité lampes africaines Deneauve VIIC, lampes en sigillée
liée au traitement des produits de la pêche. En africaine Atlante IVB (?) (fig. [9], n° 86), V (fig. [9],

revanche, rien ne permet de définir au vu des traces 96), VI (?) (fig. [91,n°n° 89), VIII, VIIIB, X, amphores
indistinctes de tells visibles sur le plateau en arrière de africaines I (fig. [13], 159), II A « con gradino »>, Keay
la falaise, les caractères du centre habité - domaine XXV, amphore orientale Carthage LRA 1.
rural ou modeste bourgade - qui s'y laisse deviner.
On peut signaler toutefois des éléments de blocage
suggérant la présence d'un petit therme. L'hypothèse Bibliographie
la plus plausible concernant la nature de ce site est
celle d'un centre dont la vocation était double : Lanfreducci et Bosio, 1587, Costae e discorsi di
fondée à la fois sur les activités agricoles et Barbaria, Malte (éd. et trad. Ch. Monchicourt et
halieutiques. Ce centre a été reconnu par Guérin entre autres, P. Grandchamp, R. afr., 325, 1928, p. 415-483).
comme pouvant correspondre à la station antique de Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la
Cellae Picentinae ou Cellae Vicus, que l'Itinéraire Régence de Tunis, 1, Paris, p. 185.
antonin place à 26 milles au sud de Macomades et 30 Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
milles au nord de Tacape (fig. 82, point D). en 1888, Paris, Challamel, p. 185.
Quant au nadour lui-même, qui est peut-être le Djelloul (N.), 1988, Les installations militaires et la
Qasr al-Rûm mentionné par el Bekri (De Slane, p. 46 ; défense des côtes tunisiennes du xvie au
Mahfoudh 1999, p. 175), c'est la « tour rouge » XIXe siècles, Paris IV-Sorbonne, p. 6 10.
signalée par divers portulans ainsi que par Lanfre- Albinet (V.), 1991, Recul et morphogénèse des falaises
ducci et Bosio au XVIe s. (éd. Monchicourt 1928). Elle d'argiles gypseuses du Sud-Est tunisien, Diplôme
est située à 7 km de La Skhirra, près d'un mouillage d'Etudes Approfondies Géographie, Université
encore très fréquenté à l'époque ottomane. Vue du Lyon-Lumière, 168 p.
large, elle constituait « un point de repère excellent Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
pour les navires qui voulaient donner dans la baie des 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Surkennis » (Servonnet et Lafitte 1888). L'ouvrage était de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 233-234.
une tour de section octogonale (25 m de pourtour), Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
construite en blocage de moellons avec un parement Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc.
de pierres de taille. Elle est conservée irrégulièrement Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 330-337.
sur 8 m de hauteur au maximum et présente des Mahfoudh (F.), 1999, Sousse et ses rapports avec la
traces de restaurations dans un passé relativement Méditerranée au bas Moyen Age, dans Du Byza-
récent, mais qui ont conservé au sol le plan primitif. cium au Sahel, Université du Centre, Sousse,
Il s'agit d'une tour de guet construite p. 175.

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Golfe de Gabès 115

MACOMADES
IVNCI

MACOMADES -OLEASTRVM
rxxvn m. p.
Table de Peutinger
MACOMADES-CELLAE VICVS
= XXVI m. p.
It. Antonin )

" AB = XVII m.p.


AC = XXII m.p:
AD = XXXII m,p.

Fig. 82. Sites 43-52. La Skhirra. Bir Flaguess (Ben/as). Iles Kneiss : carte et itinéraires anciens.

43 - BIR FLAGUESS - TRAPSA (BENFAS) récents : alignements de murs, grands fragments de


Hachichina 1:50 000, x : 521,75 -y : 113,75. voûte en blocage pouvant provenir d'un
établissement thermal ou de toute autre construction à
A l'Ouest du promontoire de La Skhirra Kedima et caractère monumental. A noter aussi des fragments de
du terminal pétrolier de la TRAPSA, s'étend sur mosaïque assez grossière, des morceaux de stuc, des
plusieurs hectares en bordure de mer, un site de type éclats de marbre et des fragments de meule en
urbain déjà connu pour les deux basiliques basalte.
chrétiennes qui y ont été mises au jour au moment de la Le site est localisé à l'aval d'un glacis d'ablation,
construction du terminal. L'une d'elles, la « grande taillé dans les argiles rouges du Mio-Pliocène et
basilique », fouillée en 1959 sous la direction de encroûté par du gypse en surface, en arrière d'une
M. Fendri, est conservée à peu de distance à l'ouest falaise morte, haute de 5-6 m, probablement d'âge
des bassins réservoirs, à l'intérieur d'une enceinte de tyrrhénien, car des dépôts marins de la formation
protection (les mosaïques provenant de cette église Rejiche se remarquent à sa base. Ils ont eux-mêmes été
ont été transportées au Musée de Sfax). Dans la partie taillés en falaise par la mer durant l'Holocène, mais la
ouest de l'agglomération, dans le vallon de l'oued el falaise est aujourd'hui hors de l'atteinte des vagues. A
Hachène, à 3 km à l'Ouest du promontoire, l'Henchir son pied s'étend un bas niveau, colonisé par des
Flaguess proprement dit correspond à des structures salicornes, constitué par des sédiments fins qui ont été
très bouleversées par des terrassements mécaniques apportés par l'oued el Hachène et l'oued el Ma.

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116 Catalogue des sites

Cette agglomération importante commandait une Duval (N.), 1973, Les églises africaines à deux absides,
section de côte particulièrement bien protégée des 2, Paris, p. 253-258.
vents du large, à l'entrée de la baie de Surkenis. Elle Pringle (D.), 1981, The Defence of Byzantine Africa
devait avoir une fonction de mouillage pour les flottilles from fustinian to the Arab Conquest, 1, Oxford,
de pêche qui fréquentaient le banc des Kneiss. La BAR, Internat. Ser, 99, p. 207-208.
présence de vestiges de fortification visibles sur les Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
clichés aériens : un fort à tours rondes et un fossé 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
entourant la ville, avaient fait supposer que le site de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 234-235.
marquait l'emplacement de Lariscus, un port où l'armée
byzantine s'était retranchée et ravitaillée pendant la
campagne de Jean Troglita contre les tribus maures
(Covripus, Johan. VIII, 5, 45-48 ; Fendri 1961, p. 14-15). 44 - HENCHIR FERCHATT
Une autre identification paraît bien s'imposer, celle de Hachichina 1:50 000, x : 526,25 - y : 118,75.
Benfas, ou Bennefa, centre mentionné par les listes
d'évêchés et dont on sait par la Vie deFulgence deRuspe Site étendu, mais bouleversé, comportant une
qu'il se trouvait au sud de Iunci. L'idée augurale de nécropole pillée au Nord-Ouest, près d'un mausolée
« bon présage » attachée à l'expression benefas, et à pyramidion bien conservé, ainsi qu'un ensemble de
justifiable pour un port d'accès difficile à l'entrée des bancs citernes ; l'une d'elles est conservée en élévation
des Kneiss, autorise peut-être aussi un rapprochement jusqu'à la hauteur de la voûte. De nombreux témoins
avec le toponyme Aves, cité - avec Thaenae, Maco- de céramique jonchent le site, attestant une durée
mades et Tacape - par Pline l'Ancien (//TV, 25) dans une d'occupation allant du IIe au Ve s. de notre ère.
série d'emporia de la Petite Syrte, mais qui était une ville Les ruines sont situées sur un glacis qu'aucune
jusqu'alors non identifiée (fig. 82, point C). coupe ne permet d'observer même là où il est
interrompu par une falaise morte probablement d'âge holo-
cène. Une sebkha argileuse, large d'environ 500 m,
CERAMIQUE avec ou sans plantes halophiles suivant les endroits,
s'étend à son pied. Elle passe à un schorre, à végétation
II y a là un ensemble de céramiques de l'Antiquité dense, à l'approche du Rejel ben Sehil, important
tardive : sigillée africaine de type C5 décorée chenal de marée qui prolonge l'oued el Melah.
(poinçon Atlante 94) et Hayes 85 de type D décorée
(poinçon Atlante 143), de type E Hayes 68, lampe en
CERAMIQUE
sigillée africaine Atlante X, amphore orientale
Carthage LRA 1. Un fragment de spatheion africain de
Sigillée africaine de type A Hayes 3C, 5, 9A, de
petites dimensions peut avancer la datation jusqu'au
VIIe s. tandis qu'un tesson de sigillée italique prouve type A/D Hayes 29, 33, vaisselle culinaire africaine
Hayes 181, lampe en sigillée africaine Atlante VIII,
l'ancienneté de l'occupation des lieux. Traces
amphore africaine Keay XXV, amphore orientale
d'occupation islamique (?) (fig. [26], n° 4).
Carthage LRA 1. Peson de filet de pêche.

Bibliographie Bibliographie

Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH, Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
p. 329. en 1888, Paris, Challamel, p. 166-167.
Fendri (M.), 1961, Basiliques chrétiennes de La Skhira, Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
Paris, Presses Universitaires de France, p. 9-16. p. 332.
Ballais (J.-L.), 1973, Données nouvelles sur le Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Pleistocene récent de la Tunisie méridionale, Bull. Soc. 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Hist. nat. Afrique du Nord, 3-4, p. 129-150. de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 235.

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Golfe de Gabès 117

45 - ZABOUZA (AD OLEASTRUM) 46 - RASS EL FERCHATT


Hachichina 1:50 000, x : 528 - y : 119,50. Hachichina 1:50 000, x : 529,50 - y : 117,25.

Le cadre topographique de ce site est semblable à Traces très indistinctes d'une occupation antique à
celui du site 44, situé en face de lui, de l'autre côté du la pointe du cap : céramique atypique. Il y a là une
Rejel ben Sehil. C'est une zone de collines basses petite falaise taillée dans les argiles gypseuses du Mio-
dominant d'une dizaine de mètres une étendue de Pliocène, haute de 2 m au maximum, avec une
sebkha traversée par des chenaux de marée. Au milieu cinquantaine de centimètres de couches
de ruines très indistinctes se remarquent une sorte de archéologiques au sommet. Elle est longée par un chenal de
petit bassin circulaire à revêtement de béton étanche, marée, ce qui explique sans doute qu'elle soit en
quelques blocs, des fragments de marbre et une cours de recul. Dans la coupe de la falaise ouverte par
meule en basalte. l'érosion marine, fragments de tuile romaine, un
A une centaine de mètres plus au Nord, vers le fragment de lampe en sigillée africaine Atlante X à décor
sommet du plateau (cote 13 ; cote 14 sur la carte plus surmoulé (vie-vne s.).
récente au 1:50 000), vestiges d'un ensemble Au loin, on aperçoit en mer les îlots de Kneiss.
monumental qui semblent bien correspondre aux ruines du
baptistère signalé par J. et P. Cintas et qu'ils avaient
attribué, sans doute à tort, au siège de Benfas. On
47-HENCHIRJEL
peut reconnaître les vestiges très apparents d'une
Hachichina 1:50 000, x : 535,75 - y 126.
cuve baptismale cruciforme enduite de béton de

:
tuileau et présentant quelques lambeaux d'un décor Le site se trouve sur une colline qui culmine à
de mosaïque ; un fragment de colonne (diam. 37,5 ; 14 m et sur laquelle affleure la croûte saumon dite
:

long, conservée 112 cm). A proximité plus au sud,


villafranchienne. En allant vers la mer, distante ici
:

deux chapiteaux de même style (haut, totale 49 ;


d'environ 3 km vers le Sud, on rencontre d'abord un
:

abaque : 22 x 59 cm ; acanthe haut. : 15, larg. : 13) ; bas niveau qu'une couverture dense de nebkhas
:

fragment de colonne (diam. : 38 ; long. : 42 cm). interdit d'observer, puis une sebkha littorale, nue et
étendue, où prend naissance un important chenal de
CERAMIQUE marée, l'oued Grienech.
En bordure de la sebkha et dans les champs
Un tesson d'amphore orientale Carthage LRA 2 voisins, tessons de céramique largement étalés dans
(vie s.). Un peson de filet de pêche. les labours. Un peson de filet.

Bibliographie CERAMIQUE

Contexte romain (à partir du Ier s.) à dominante


Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
tardive (jusqu'au VIe s.) : sigillée italique, sigillée du
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 194.
sud de la Gaule, sigillée africaine de type A Hayes 9A,
Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
de type C Hayes 70, de type C5 Hayes 82, de type D
p. 332.
Hayes 103, production du sud de la Tunisie Stern IV,
Cintas (J. et P.), 1940, Un monastère de saint
lampe en sigillée africaine Atlante VIII.
Fulgence, RT, p. 244.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 235. 48 - OUED MALTINE
Hachichina 1:50 000, x 541,50 - y : 124,50.
:

Le site correspond à l'extrémité recourbée d'une


langue de terres basses qui fait face au Rass Onga et

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118 Catalogue des sites

que longe un grand chenal de marée, l'oued el Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Maltine. Elle est constituée de sédiments sablo-vaseux 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
d'origine continentale, pouvant contenir dans leur de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 237-238.
partie supérieure, des tessons de poterie romaine. Il
s'agit donc, au moins en partie, d'un dépôt d'âge
historique. Des plantes halophiles espacées
parsèment sa surface. Sauf localement où se développent 49 - EL JAZIRET EL RHARBIA
de petits schorres, l'érosion par la mer domine, Hachichina 1:50 000, x : 534,50 - y : 113,50.
comme l'atteste la continuité de la petite falaise, de 50
à 75 cm de haut, qui caractérise ici le rivage. C'est l'îlot le plus méridional, coupé en deux à
C'est ici que Ch. Saumagne et L. Poinssot avaient marée haute, de l'archipel des Kneiss. Il est constitué
proposé de localiser le monastère de saint Fulgence par un affleurement de grès fin oolithique de la
de Ruspe d'après le témoignage d'un passage de la formation Rejiche, surmonté par une couche de limons
Vita Beati Fulgentii écrite par le moine Ferrandus au rouges wurmiens (dernière époque pluviale) qui
VIe siècle. Sur ce site, on retrouve effectivement les porte les niveaux archéologiques. Une petite falaise
traces arasées de deux petites constructions. La continue, haute de 2 à 3 m, au sommet de laquelle
première au Nord, à 500 m environ de l'extrémité de apparaissent des ruines de murs, témoigne de
la presqu'île, se présente comme un alignement de l'érosion marine qui réduit peu à peu la superficie de
mur de 7 m de long, avec un retour perpendiculaire l'îlot. Elle est précédée d'un platier rocheux qui
de 3,15 m (larg. du mur : 0,52 m). La seconde, à émerge largement à marée basse.
environ 1 000 m plus au Sud, à peu près à la hauteur Les ruines visibles à l'extrémité sud de l'île, en
où la côte dessine un coude, ce qui correspond à partie démantelées par la mer, sont celles d'un groupe
l'emplacement de la ruine signalée par Poinssot. de citernes garnies d'un béton intérieur étanche et
Mais seul un petit bâtiment de 5 x 6 m est encore dont les parois avaient été creusées dans la formation
apparent à cet endroit. En fait, l'identification rocheuse elle-même. Largeur de la citerne la mieux
proposée n'est plus défendable aujourd'hui puisque conservée : 3 x 6 m. C'est à tort que Partsch, suivi de
le monastère en question a été découvert par Tissot et de Dielh, avait supposé que dans l'îlot sud,
P. Cintas dans l'île de Laboua (site n" 50). De toute où ces vestiges avaient été les premiers signalés, se
façon, le site de Maltine, une langue de terre très trouvait le couvent de Fulgence.
basse submergée au moment des tempêtes, se
prêtait mal à l'installation d'un tel établissement et il
n'a pu que changer de configuration depuis CERAMIQUE
l'antiquité.
Contexte d'époque byzantine : sigillée africaine D
Hayes 99, amphore africaine Keay DQ/LXII, amphore
orientale Carthage LRA 2.
CERAMIQUE

Un tesson d'amphore orientale Carthage LRA 1 BlBLIOGRAHIE


(ye-VIe S.).
Partsch (J.), Mon. Germ. Hist., Auct. Antiquis., III, 2,
p. XXXIV.
Bibliographie Tissot (Ch.), 1884, Géographie comparée de la
province romaine d'Afrique, 1, Paris, p. 100.
Saumagne (Ch.), 1930, La paix vandale, A propos de Poinssot (L.), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
documents relatifs à la domination vandale en p. 325-326.
Afrique, RT, 1, p. 170-171. Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Poinssot (L.), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH, 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
p. 332-333. de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 240.

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Golfe de Gabès 119

50 - DZIRAT EL LABOUA Feuille (G.-L), 1942, Note sur le monastère des îles
Hachichina 1:50 000, x : 535 - y : 114,50. Kneiss, RT, p. 251-255.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
C'est l'îlot du milieu de l'archipel des Kneiss. Il ne 1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
dépasse guère 4 à 5 m au-dessus du niveau moyen de de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 240-244.
la mer (2 m au-dessus des plus hautes mers) et mesure
actuellement, hormis la largeur de l'estran, 40 x 45 m.
Il est lui aussi constitué par du grès de la formation 51 - DZIRAT EL HAJAR
Rejiche et attaqué par la mer en falaise de tous les
Hachichina 1:50 000, x : 536 - y 116.
côtés. En plusieurs endroits de cette dernière

:
apparaissent des structures bâties déchaussées par l'érosion.
L'îlot du Nord de l'archipel des Kneiss ressemble
Sur l'estran rocheux, au nord-ouest, se reconnaît
aux précédents : affleurement de grès de la formation
un reste de plate-forme maçonnée, en blocage de Rejiche apparemment éolien dans sa partie
moellons irréguliers, noircis par les algues ; il est supérieure, falaise vive ne dépassant pas 2 m de hauteur,
recouvert d'eau à marée haute. Au Nord-Est, traces de au sommet de laquelle les ruines d'une citerne de 7 x
murs dans la falaise ; blocs de grand appareil : 56 x 49
3 m sont en cours de démantèlement. Elle était
x 55 cm, avec trou de scellement (6x7 cm ;
construite en moellons prélevés sur la croûte calcaire, avec
profondeur : 7 cm). Au Nord, restes de citerne avec
un enduit étanche de granules à matrice cendreuse.
enduit étanche à granules, bloc de grand appareil Sur l'estran, on remarque quelques blocs taillés. Le
(145 x 45 cm). platier rocheux est jonché de tessons d'amphores et
A l'intérieur de l'île, traces indistinctes, en partie de fragments de roches allogènes, en particuler du
recouvertes par la végétation ; quelques blocs épars
basalte et des roches métamorphiques. En s'éloignant
:

c'est tout ce que l'on peut voir des structures du


du pied de la falaise, il se couvre de sables de plus en
monastère de Fulgence, reconnues en 1938 par J. et P. Cintas,
plus vaseux qui contiennent eux aussi jusqu'à plus de
puis dégagées en 1941 par G.-L. Feuille. Vers le sud de
30 cm de profondeur des morceaux de poterie.
l'île, près de l'estran, on remarque la présence d'un
chapiteau en pierre calcaire importée du continent
comme les autres éléments d'architecture signalés par CERAMIQUE
ces mêmes auteurs (dimension du chapiteau 47 x 47 ;
:

haut. : 37 ; diam. de la colonne correspondante : 38 cm). Contexte d'époque byzantine, comme sur les deux
Ceci confirme bien l'identification proposée de l'édifice sites précédents : amphores africaines Keay LXI/LXII,
chrétien : si monastère il y avait, c'est bien sur cet îlot LXI variante C.
qu'il se trouvait et non sur la grande Kneiss ou la côte
sablo-vaseuse de l'oued el Maltine.
Bibliographie

Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,


CERAMIQUE p. 326.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
Contexte d'époque byzantine, en accord avec
1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
l'identification du site sigillée africaine D Hayes 91D
de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 240.
:

(fig. [6], n° 47), 104C (fig. [6], n° 49), amphore africaine


Keay DQ/LXII, amphore orientale Carthage LRA 2.

52 - DZIRAT EL BESSILA
Bibliographie Hachichina 1:50 000, x 538 - y : 119-
:

Cintas (J. et P.), 1940, Un monastère de saint C'est la grande île de Kneiss, sans doute
Fulgence, RT, p. 243-250. identifiable, comme l'avaient suggéré K. Mûller et Ch. Tissot,

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120 Catalogue des sites

avec P« île déserte » (nèsos érème) mentionnée par le éoliens et qui s'abaisse en direction de la mer. Il est
Pseudo-Scylax entre Jerba et Kerkennah et au possible sur ce site de distinguer des dunes
voisinage d'une station maritime dont le nom ne nous est préromaines sur lesquelles des constructions ont été
pas parvenu (Geographi Graeci Minores, éd. Mùller, 1, aménagées dans l'antiquité et des dunes
p. XXXVII ; Desanges 1978, p. 408). postromaines qui recouvrent les ruines de ces
Elle est constituée par un noyau de grès de la constructions. En se rapprochant du rivage, distant d'environ
formation Rejiche qui culmine à moins de 10 m. Il est 1 km, on traverse une sebkha à topographie plane
entouré d'abord d'une sebkha à végétation ouverte et à végétation halophile clairsemée. Les argiles, peu
de salsolacées, puis d'un schorre à peuplement épaisses, qui la constituent reposent sur la croûte
dense de Salicornia, parcouru par des chenaux de saumon et sont taillées en micro-falaise, de
marée, enfin d'une slikke vaso-sableuse couverte de quelques dizaines de centimètres de haut, par les vagues
cymodocées qui émerge amplement à marée basse car la côte recule. On remarque sur le haut de
(marnage approximatif en période de vives-eaux : l'estran rocheux qui découvre largement à marée
1,50 m). basse des concentrations de granules calcaires
Au Sud-Est de l'île, sur une très légère eminence, provenant de la désagrégation de la croûte dans sa
vestiges peu distincts d'une citerne : fragments de zone d'affleurement au-dessus des argiles
béton étanche à granules. pontiennes. Ces granulats ont été utilisés dans
l'antiquité pour la fabrication du mortier préparé pour le
revêtement interne des citernes conservées sur ce
Bibliographie site.
Dans la zone cultivée à proximité de la sebkha, il
Tissot (Ch.), 1884, Géographie comparée de la n'y a pas de trace de l'agglomération identifiée à tort
province romaine d'Afrique, 1, Paris, p. 202-203. par Tissot avec la ville de Macomades et qui doit être
Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès replacée, comme l'a montré Poinssot, à Onga
en 1888, Paris, Challamel, p. 168. (Junci). On ne peut que signaler des points isolés,
Seurat (L.G.), 1929, Observations sur les limites, les dont un bassin à enduit étanche, un fragment de
faciès et les associations animales de l'étage inter-
meule en basalte et deux citernes bien conservées,
cotidal de la Petite Syrte (golfe de Gabès), Bull. en forme de carafe. Celles-ci ont été restaurées et
Station Océanographique Salammbô, 3, 72 p.
l'une est encore utilisée. A remarquer, l'utilisation
Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH, dans leur enduit étanche des granulats de plage
p. 324. mentionnés ci-dessus.
Desanges (J.), 1978, Recherches sur l'activité des
Méditerranéens aux confins de l'Afrique, Rome, p. 408-
409.
CERAMIQUE
Shimi (M.), 1980, Etude sédimentologique de la région
de Kneiss (golfe de Gabès, Tunisie), thèse Un tesson d'amphore africaine Keay XXV.
Géologie, Université Paris-Sud, 167 p.
Trousset (P.), Slim (H.), Paskoff (R.) et Oueslati (A.),
1992, Les îles Kneiss et le monastère de Fulgence
Bibliographie
de Ruspe, Ant. afr., 28, p. 229, 239-
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 191.
53-ELKHEFIFIA Poinssot (L), 1934-35, Note sur les îles Kneiss, BCTH,
Hachichina 1:50 000, x : 544,50 - y : 128,25. p. 327, 332.
Cintas (P. et J.), 1940, Un monastère de saint
Les ruines se situent vers 8 m d'altitude sur une Fulgence, RT, p. 244.
topographie ondulée, moulée sur la croûte saumon Poinssot (L.), 1944, Macomades-Iunci, Mém. de la
attribuée au Villafranchien, couverte par des sables Soc. des Antiquaires de France, LXXXI, p. 133-138.

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Golfe de Gabès 121

54 - ONGA (MACOMADES-IUNCT) remanié par le ruissellement, mais seulement sur une


Hachichina et Maharès 1:50 000, x : 547 - y : 130. courte distance, car les tessons de poterie ne montrent
pas d'usure. Le transport s'est fait depuis le site
Le site archéologique s'étend en bordure de la mer, proprement dit, localisé à quelques dizaines de
sur près de 3 km, de part et d'autre de la forteresse mètres en arrière, le long du bord d'une falaise morte,
byzantine restaurée à l'époque aghlabide (fig. 83). haute de 4 à 5 m, probablement d'âge tyrrhénien.
Au-delà de l'oued, la dérive littorale véhiculant
vers le Nord les sédiments qu'il livre à la mer lors de
ses crues, existe une plage sableuse qui met les ruines
à l'abri de l'érosion des vagues. Celle-ci recommence
à se manifester au droit de la citadelle. Ici, le trait
géomorphologique le plus intéressant est un chenal
de marée qui, depuis l'antiquité, s'est développé dans
une usine de garum. Il est profond de 3-4 m, large
d'une vingtaine de mètres et long d'une centaine de
mètres. Il se prolonge par un ravin continental dont le
sépare une brusque rupture de pente qui recule vers
l'amont par l'érosion combinée des eaux de
ruissellement et des eaux marines.
Plus loin vers le Nord, l'érosion marine, bien que
freinée par les faibles profondeurs littorales
(l'isobathe de -1 m du rivage est à 750 m du rivage,
celle de -5 m à 1500 m), fait apparaître dans une
petite falaise, haute de moins de 1 m, des traces de
murs en place, le substratum naturel n'étant pas
visible. En se rapprochant de l'extrémité
septentrionale du site, c'est de nouveau du matériel
archéologique colluvionné que les vagues attaquent jusqu'à
l'embouchure d'un oued, dominé par les ruines d'une
ancienne tour, où un schorre se développe sur un
épandage de sédiments fins.
Les vestiges archéologiques visibles sur le long de
la ligne de rivage se distribuent en plusieurs
ensembles discontinus apparents sur l'estran et la
microfalaise littorale ou bien, à quelques mètres en retrait
yf vallon s*4 falaise morte /* microfalaise vive <*£^ schorre de celle-ci, le long de la piste qui suit la côte.
A environ 800 m au Sud de la forteresse, près de
.£0? plage sableuse 1 7 < extension des ruines croûte calcaire la piste côtière, la micro-falaise est entaillée dans un
colluvionnement où apparaissent des tessons de
Fig. 83. Site 54. Onga (Macomades, Iunci) carte du site. poterie romaine. Sur la piste même qui les recoupe,
:

on remarque des traces de parois de cuves aux angles


En venant du Sud, et jusqu'au petit oued sans nom courbes, avec leur enduit étanche.
qui figure sur la carte topographique Hachichina au A 500 m environ de la forteresse, à l'aplomb des
1:50 000, la côte recule. Le rivage est caractérisé par vestiges de la basilique chrétienne, une sorte de
une petite falaise, haute d'environ 1 m, taillée dans du dépression entourée d'un hémicycle en relief pourrait
matériel archéologique couvert en surface par des correspondre à l'emplacement d'un théâtre face à la
sables éoliens. Aucune structure en place n'est visible mer : des alignements de murs en blocage très effacés
dans la coupe et il semble que ce matériel ait été se devinent dans la partie supérieure de ce qui pourrait

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122 Catalogue des sites

être la cavea. Plus au Nord, des constructions arasées, de type C5 Hayes 84 (fig. [5], n° 29), de type D Hayes
formées de murs parallèles et perpendiculaires sur la 61B (fig. [6], n 40), 87B (fig. [6], n 44), 91D, 99, 105,
piste côtière, jusqu'à 100 m environ au Sud du borj. de type E Hayes 68, du sud-ouest tunisien Stern XXXV
A l'aplomb du borj en bordure de mer, un mur de (fig. [7], n° 67), amphores africaines Keay XXV.2, LXI/
moellons et blocage, avec des éléments en grand LXII et spatheion de petites dimensions, amphores
appareil, est visible dans la falaise et sur la piste. Tout au orientales Carthage LRA 1, 3, 4, 7 (?).
long de la piste en allant vers le Nord, plusieurs cuves M. Nejib Ben Lazreg nous a signalé des traces
se reconnaissent, arasées au niveau de la chaussée probables d'ateliers d'amphores. La prospection
(dimensions : 5 x 3 ; 4 x 3 m). En bordure de la falaise révèle deux emplacements possibles : 1)
et sur l'estran, on remarque plusieurs blocs épars et un immédiatement au Sud-Est de la basilique sud, on remarque de
alignement de blocage qui a servi d'assise à une petite grandes zones cendreuses et argileuses dans un
habitation récente. On peut penser qu'il s'agit des champ fraîchement labouré, avec quelques tessons
traces d'un aménagement portuaire. brûlés (amphores africaines type Keay VIIIB) mais pas
A 100 m environ au Nord de la forteresse, deux de surcuit véritable ; 2) à la limite sud-est du site, à
alignements de blocs sur l'estran, avec traces de environ 100 m du littoral, des terres (pierreuses et
scellement en queue d'aronde. Le recul de la côte est ici cendreuses) non labourées livrent des scories
manifeste. C'est immédiatement plus au Nord que argileuses grises et des tessons brûlés (variés). Aucun de
débouche sur la mer le chenal de marée dont l'érosion ces deux emplacements n'offre de preuves évidentes
régressive au fond d'un vallon a mis au jour en la d'un atelier céramique, mais la présence
démantelant une usine de salaison (cf. fig. 12 et 165) : anormalement abondante des fragments d'amphores africaines
des cuves entières ont été déchaussées et basculées de type Keay VIIIB (dont la diffusion apparaît
sur toute la longueur du chenal, soit 80 m environ. On généralement modeste) peut laisser penser que ce conteneur

remarque la forme arrondie des angles des cuves, a été produit à proximité du site (fig. [12], 154-156,
l'emploi d'un blocage en moellons pour les parois des 158).
cuves, avec des renforts de blocs en grand appareil
formant des chaînages aux angles des murs. Largeur
totale des murs avec leur béton et leur enduit
d'étanchéité : 99 cm ; largeur d'une cuve : 4,80 m. Sur Bibliographie
la rive sud du vallon, on peut suivre les traces d'un
mur d'enceinte en carreaux de cendre. Il s'agit peut- Poinssot (L.), 1944, Macomades-Iunci, Mém. de la
être du rempart urbain dont il est question dans les Soc. des Antiquaires de France, LXXXI, p. 133-169.
documents tardifs. On peut voir également sur le Garrigue (P.), 1953, Une basilique byzantine à Junca
même versant du vallon une adduction venant de la en Byzacène, MEFRA, 65, p. 173-196.
direction du borj. Elle devait servir à l'alimentation en Trousset (P.), 1991, Les défenses côtières byzantines
eau de l'usine de salaison. de Byzacène, dans Roman frontier Studies,
A 1 km environ au Nord de la forteresse, ruines Proceedings of the XVth Internat. Congress, 1989,
très apparentes d'une tour de guet (nadour), de forme University of Exeter Press, p. 350-352.
ronde et construite en moellons. Circonférence : Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la
30 m. Elle assurait un relais optique entre la forteresse Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur
de Iunci et la région de Maharès. A 150 m plus au l'Histoire et l'Archéologie de l'Afrique du Nord
Nord, grandes citernes bien conservées, constituées (Avignon 1990), Paris, CTHS, p. 326-327.
de deux galeries voûtées de 8 x 35 m. Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc.
Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 242.
CERAMIQUE Mahfoudh (F.), 1999, Sousse et ses rapports avec la
Méditerranée au bas Moyen Age, dans Du Byza-
Aux abords des cuves de salaison, contexte cium au Sahel, Université du Centre, Sousse,
romain tardif et d'époque byzantine sigillée africaine p. 166, 173.
:

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Golfe de Gabès 123

55 - HENCHIR LEICH 56-THYNA


Maharès 1:50 000, x : 551 - y : 134,25. Agareb 1:50 000, x : 572 - y : 150.

Site étendu se présentant sous la forme de collines Les ruines de la ville antique s'étendent sur un
allongées, hautes de 5 à 6 m, larges d'une terrain de sebkha, à végétation halophile dispersée,
cinquantaine de mètres, bordant le rivage sur une distance parsemé de nebkhas, qui passe en bordure de la mer
d'environ 300 m. Ce sont des tells qui reposent sur à une vasière littorale typique, comprenant un schorre
une topographie de sebkha. Un schorre se développe et une slikke, surtout développée du côté sud-ouest.
au bord de la mer. Mais, lors des grandes marées, s'il Une première reconnaissance du site en 1978 avait
y a des vagues, le pied du bourrelet est attaqué, d'où montré que le rivage n'avait guère évolué depuis la fin
l'existence d'une petite falaise, haute de 1 m au plus, du XIXe s., en comparant alors la position des vestiges
dans laquelle on ne voit que du matériel du mur d'enceinte par rapport à la mer et celle
archéologique : quelques restes de murs, nombreux figurant sur un plan donné par Servonnet et Laffitte en
tessons. Au sommet du tell principal, restes d'une 1888.
fondation en blocage, de forme circulaire, avec D'autres observations sont actuellement
enduit, qui pourrait correspondre à une citerne. possibles grâce à des travaux mis en oeuvre pour
Plus au Nord, vaste étendue de cendres parsemées l'aménagement de salines. Au Sud-Est du site, à peu près au
de très nombreux tessons de céramique : amphore et droit du phare, sur le bord d'un chenal
vaisselle très diversifiée. On note la présence de artificiel ement creusé dans le prolongement de l'oued Agareb
pilettes en briques réfractaires et de scories. La et aujourd'hui hors d'atteinte de la marée à la suite
présence d'un centre de production n'est toutefois pas de la mise en place d'une digue, on peut examiner
certaine. On remarque également la présence de un mur couvert d'un enduit. Sa base, masquée par de
nombreuses petites monnaies et de clous de bronze. la vase, n'est pas visible, mais des placages de
En retrait de la côte à une centaine de mètres, Balanes qui ont vécu sur l'enduit lorsque le chenal
inhumations en amphores dans une zone traversée de nos était affecté par la marée, il y a peu de temps encore,
jours par des engins de terrassement. indique que le niveau de la mer est aujourd'hui
supérieur d'au moins 0,60 m, probablement plus, à
ce qu'il était au moment de la construction du mur.
CERAMIQUE Par voie de conséquence, le toit de la nappe
phréatique était plus bas qu'il n'est actuellement et le site
Situé à proximité de carrières d'argile et se de la ville moins inondable et moins salinisé qu'il ne
présentant sous la forme de plusieurs tells cendreux, l'est de nos jours.
cet emplacement ne livre cependant aucun témoin Au Sud-Ouest de la ville, en bordure de mer,
indiscutable de la présence d'un atelier céramique. vestiges probables d'un centre de production de
En revanche, le matériel, qu'il convient de dater céramique cendres et jonchées de tessons. Une autre
:

principalement de l'Antiquité tardive, offre une grande zone d'ateliers de potiers, mise en évidence par des
diversité : sigillée africaine de type C Hayes 44, de scories et de nombreux fragments de céramique avec
type C5 Hayes 82, 84, 85 et indéterminé (fig. [51,
n° ratés de cuisson, nous a été montrée en 1994 par
30), de type D Hayes 12/102, 67, 70, 81/80, 87A- N. Jeddi à l'intérieur du rempart en direction du Sud-
C, 90, 91A-C, Fulford 39/40, de type E Hayes 68, Ouest. En dehors du rempart, on remarque dans un
sigillée claire gauloise de type « luisante » Lamboglia ravin, à environ 1 m en dessous du niveau de la mer,
1/3 (fig- [4], n° 19 et 22), vaisselle culinaire Hayes une couche épaisse de fragments de murex.
181 (fig. [10], n" 107), 183 (fig. [10], n" 109), 196, Les vestiges archéologiques principaux sont
dérivée de Hayes 23 (fig. [10], n° 115), commune visibles entre la mer et l'ancien rempart, dans la direction
africaine dérivée de Hayes 103 (fig. [10], n° 119), du Sud-Est. Un premier ensemble, en venant du Sud-
amphores africaines IID (fig. [13], n° 163), Keay Ouest, est constitué de quatre murs parallèles, en
XXV. 2, Keay XXXV B, amphores orientales Carthage moellons assez réguliers, distants de 3 m environ et
LRA 1 et 2. orientés NE/SW (fig. 84 et 85). Les deux murs occi-

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124 Catalogue des sites

nécropole chrétienne
nécropole
païenne

Fig. 84. Site 56. Thyna {Thaenae) plan du site


:

(d'après A. Carrée et photographie aérienne de l'INP).

piste
ULu
site 56 1\
non 2m
nnao
Fig. 86. Site 56. Thyna, cuve du quartier industriel.

Fig. 85. Site 56. Thyna, quartier industriel.


CERAMIQUE
dentaux sont recoupés par des murs perpendiculaires En dehors du très large échantillonage de
délimitant des cellules carrées de 3 m environ de côté céramiques propre à toute ville romaine de Tunisie, il
et dépourvus de portes. Selon M. Fendri qui les convient d'insister sur les traces d'ateliers déjà
avaient remarquées, ces constructions signalées par Cl. Panella à Thaenae. Les sites d'ateliers que
correspondaient à des entrepôts en liaison avec le port qui nous a fait visiter N. Jeddi (et qui sont mentionnés
pouvait effectivement se trouver dans ce secteur ou dans sa thèse) semblent, d'après les déchets de
plus à l'Ouest. Mais on peut penser également à cuisson recueillis, avoir produit non seulement les
l'existence très probable à Thaenae d'un ensemble types classiques de Byzacène (Africaines I et II), mais
d'établissements industriels voués au traitement des également le type Keay XXV. 1. En revanche
produits de la mer : à 180 m du groupe précédent l'hypothèse d'une production d'amphores de type Agora
vers le Nord-Est, on remarque effectivement un M 254 n'est pas prouvée.
alignement de mur qui se suit sur 35 m de longueur
et se termine par les vestiges d'une cuve de salaison
d'orientation transversale à celle du mur et bien Bibliographie
identifiable par son enduit étanche de béton à granules et
ses angles en arrondi (long, conservée 4,20 m ; Servonnet (J.) et Lafitte (F.), 1888, Le Golfe de Gabès
:

larg. : 2 m) (fig. 86). en 1888, Paris, Challamel, 434 p.

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Golfe de Gabès 125

Fendri (M.), 1964, Les thermes des mois à Thina 58 - RJEL ECH CHOUGGAF
(Rapport préliminaire 1963), CT, 45-46, 1964, Sfax 1:50 000, x : 599 - y 152.

:
p. 47-57
Carrée (A.), 1969, Thaenae, site archéologique de A 1 km environ au Nord-Est de l'embarcadère de
Tunisie, Mém. Aix-en-Provence. Sidi Youssef, à l'extrémité ouest de l'archipel des
Flemming (N.C.), 1969, Archaeological evidence for Kerkennah, petite butte artificielle, installée sur des
eustatic change of sea level and earth movements limons rouges wiirmiens, eux-mêmes recouvrant un
in the western Mediterranean during the last 2,000 grès très coquillier de la formation Rejiche. La butte
years, Geol. Soc. America Spec. Paper, 109, 125 p. est érodée par l'érosion littorale qui y met au jour des
Panella (Cl.), 1982, Le anfore africane délia prima, structures bâties dont un mur en partie déchaussé par
media e tarda età impériale : tipologia e problemi, la mer. Plusieurs types d'enduits étanches, les uns à
dans Actes du colloque sur la céramique antique base de tuileau plus ou moins grossier, les autres de
(Carthage, 23-24 juin 1980), CEDAC Dossier 1, granulat de plage, suggèrent la présence de cuves ou
Carthage, p. 171-196. de citernes. Sur le tell, le site archéologique est
Jeddi (N.), 1990, Les mosaïques de Thaenae. Etude également signalé par de très nombreux tessons
descriptive et analytique, thèse de doctorat, Paris d'amphores et de céramique diverse.
IV-Sorbonne, p. 14-52.
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of
CERAMIQUE
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitschrift fur
Contexte romain : sigillée africaine de type A et D,
Geomorph ., suppl. bd 81, p. 154-155.
vaisselle culinaire africaine Hayes 181, 182, amphores
Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), 1991, Le
de tradition punique Van der Werff 1.
littoral de la Tunisie dans l'antiquité cinq ans de
:

recherches géoarchéologiques, CRAI, p. 539-


Trousset (P.), 1992, La vie littorale et les ports dans la
Petite Syrte à l'époque romaine, dans Ve Coll. sur 59 - RASS EL BERGHOUT OUEST
l'Histoire et l Archéologie de l'Afrique du Nord Sfax 1:50 000, x 608,75 - y : 153,50.
(Avignon 1990), Paris, CTHS, p. 327.
:

Falaise d'argiles rouges mio-pliocènes, couvertes


par la croûte calcaire villafranchienne, haute de 5 à
57-ELGUEDAIA 6 m, en cours de recul rapide comme le montrent
Sfax 1:50 000, x 606,50 - y : 148. des éboulements récents. Dans la falaise (jeurf) à
:

proximité de Rass el Berghout, parmi des pans


Petit tell à une centaine de mètres du rivage, posé d'argile effondrés, on note une cuve antique éven-
sur des limons rouges wiirmiens, épais de 30 à 50 cm, trée par la mer dans le sens de la largeur. Sur le
taillés en micro-falaise et reposant sur un grès fin, peu plateau, traces étendues, mais indistinctes d'une
coquillier, de la formation Rejiche qui constitue un occupation ancienne signalée par la présence de
platier rocheux. Sur ce tell, à 120 m de la côte actuelle, céramique fine.
restes indistincts d'une construction sans doute très
sommaire entourée de jonchées de céramique.
CERAMIQUE

CERAMIQUE Contexte préromain et romain vaisselle campa-


:

nienne ou imitation, vernis rouge pompéien, sigillée


Deux tessons d'amphores puniques Mana C2B. africaine C.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


126 Catalogue des sites

60 - RASS EL BERGHOUT EST de centimètres alors que sa base se situe alors sous
Sfax 1:50 000, x : 609 - y : 153,25. près d'un mètre d'eau. Compte tenu du marnage qui
est ici par marée de vives-eaux de l'ordre du mètre,
A 500 m environ au Sud-Est du site précédent, c'est un relèvement du niveau marin de l'ordre de 2 m
traces peu distinctes d'un établissement daté par de la au moins qui s'est produit ici depuis l'antiquité. A en
céramique campanienne. Le site est entaillé par un juger par la relation de V. Guérin (1862) qui débarqua
profond ravin postérieur à l'antiquité : de haut en bas, en ce lieu lorsqu'il visita l'archipel des Kerkennah, du
celui-ci recoupe des colluvions historiques à tessons monument qu'il décrit sur la terre ferme comme un
de poterie, des limons colluvionnés wurmiens, enfin columbarium encore bien conservé avec ses deux
le conglomérat de base coquillier de la formation étages, il ne resterait plus aujourd'hui que le
Rejiche. Cette stratigraphie est bien visible sur la côte soubassement isolé dans la mer. La côte aurait donc reculé
dans une falaise vive de 2 m de haut. ici à une vitesse moyenne supérieure à 1 m par an, ce
qui n'a rien d'étonnant car le matériel archéologique
meuble résiste mal à l'érosion des vagues.
61 - BORJ EL HASSAR F. Chelbi, qui a effectué récemment des relevés de
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 56' N - 9 G 80' E. structures immergées dans le cadre d'un projet
archéologique sur les îles Kerkennah, signale des
Site de première grandeur sur un secteur de côte alignements de blocs parallélépipédiques dont le plus
à falaise de la grande île de Kerkennah (île de l'est ou important se suit sur une distance de 100 m
Chergui), face au continent. Il correspond à la ville parallèlement à la côte. Selon lui, ces alignements - ainsi que
antique de Cercina. Du côté de la terre, les vestiges le socle maçonné quadrangulaire - appartiendraient
de la ville, fort étendus mais peu distincts, sont plutôt à des installations portuaires, le socle en
constitués par un grand tell entourant le fortin d'El H'sar. question « évoque l'idée d'un poste de contrôle ou peut-
Des ensembles bâtis importants se laissent deviner en être même un phare » (1995, p. 133). F. Chelbi admet
plusieurs points du tell, qui pourraient correspondre néanmoins que la mer a beaucoup empiété sur la
à des monuments publics. terre depuis l'antiquité.
Du côté de la mer, le plus grand site De fait, le site de Borj el H'sar est un des plus
archéologique de l'archipel des Kerkennah est attaqué en intéressants de la côte tunisienne pour la mise en
falaise par l'érosion littorale sur toute sa longueur évidence de changements naturels importants dans
d'environ 2 km. De part et d'autre de l'ancien fort l'espace littoral depuis l'antiquité, changements dus à
turc, la falaise, haute d'environ 2 m, est taillée la fois à une variation du niveau de la mer et à un
exclusivement dans du matériel archéologique (fondations déplacement de la position du rivage (fig. 87).
de murs, parfois faits de blocs de gros appareil, cuves, Un relevé rapide des vestiges archéologiques sur
sols d'occupation, tessons de poterie et matériaux de le front de mer fait apparaître, visible en coupe dans
construction divers). Vers le Nord et vers le Sud, la la falaise ou en plan sur l'estran, une succession de
hauteur de la falaise augmente de plusieurs mètres et structures caractéristiques des usines de salaison ou
les argiles rouges mio-pliocènes, à l'occasion des batteries de citernes : des éléments de murs en
couvertes de la croûte calcaire villafranchienne, blocage ou grand appareil ; des fonds ou flancs de
apparaissent sous les niveaux archéologiques. Sur l'estran cuves identifiables par leur revêtement étanche (cf.
ont été dégagés de nombreux fonds de cuves. Mais fig. 11). Du Sud vers le Nord, on peut reconnaître les
des ruines en place sont aussi parfaitement décelables éléments suivants : bien conservé en élévation dans la
sous les rides sableuses et les herbiers de l'avant-côte. falaise au-dessus de sa fondation en blocage mise au
Elles sont submergées sous plusieurs décimètres jour par l'érosion, un élément de mur en petits
d'eau de façon permanente, même pendant les moellons à renfort de harpes du type opus africanum. A
marées basses de vives-eaux. On remarque aussi en 60 m au Nord du précédent, un mur en blocs de
mer, à plus d'une centaine de mètres du rivage, le grand appareil (long, totale 13,90 m), 3 assises
:

soubassement, fait de blocage maçonné, d'un visibles (haut, des assises : 48 cm ; nombre de blocs : 29
monument qui par mer très basse émerge d'une quinzaine pour la 2e assise, 23 pour la 3e). La plupart des blocs

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 127

Fig. 88. Site 61. Borl el H'sar paroi de cuve accolée

:
au rempart.

des établissements industriels de Mdeina sur les rives


de la Bahiret el Biban (site n° 1). Les alignements de
blocs en grand appareil (avec parfois traces de
mortaise en queue d'aronde) pourraient correspondre
aux fondations des murs de soutènement d'usines de
salaison démantelées par la mer. Leurs cuves qui
apparaissent arrasées sur l'estran (ou plus loin,
tranchées en coupe dans la falaise) sont disposées selon
deux orientations perpendiculaires, en relation avec
celles des murs qui les étayaient et elles sont de
dimensions variables. A 60 m au Nord de l'ensemble
précédent, on peut voir sur l'estran les fonds bétonnés
de deux grandes cuves en enfilade, accolés à un
élément de mur en grand appareil dont les 18 blocs
Fig. 87. Site 61. Borj el H'sar : vestiges de cuves apparents sont disposés en boutisses perpendiculaires
sur l'estran et dans la falaise. à la longueur des cuves (fig. 89). Long, de l'élément
de mur : 9,10 m ; larg. : 1,12 m ; long, des cuves :
sont disposés en boutisses de 42 à 48 cm de largeur. 4,90 et 10,35 m ; larg. : 1,42 m. L'extrémité est en
A l'extrémité nord, une cuve est accolée avec son demi rond. Le béton d'étanchéité est à base de gravier
enduit étanche et son mur de flanc en moellons sur le de cendre ; il est lissé en surface (épais, de l'enduit
:

mur en grand appareil (long, de l'élément de cuve 3 cm).


visible : 1,90 m). Selon F. Chelbi qui a fait un sondage Dans la partie nord du site, plusieurs cuves
en bordure du mur, celui-ci pourrait être un élément aménagées dans les argiles pontiennes ont été éventrées par
du rempart préromain de la ville de Cercina, en avant les vagues de tempête au cours du recul de la falaise.
duquel se serait adossé un ensemble industriel Elles apparaissent en coupe sur une grande partie de
(fig. 88). En fait, sur l'estran, plusieurs alignements de leur profondeur supérieure à 2 m. L'une d'elles,
blocs perpendiculaires au mur en question et au tranchée dans le sens transversal, présente une coupe très
rivage lui-même sont associés à des traces de fonds de nette de sa paroi verticale (fig. 87) mur en blocage,
:

cuves en béton étanche, arasées jusqu'au niveau de la épais. 47 cm ; le fond est constitué d'un hérisson de
grève par le ressac. On se trouve en présence d'un pierraille (épais. 13 cm), d'un béton à granules (11 cm),
dispositif du même type que celui déjà décrit à propos d'un premier enduit de cendres et tuileau (2 cm), d'un

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


128 Catalogue des sites

Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), 1991, Le


littoral de la Tunisie dans l'antiquité : cinq ans de
recherches géoarchéologiques, CRAI, p. 538-539.
Chelbi (F.), 1995, L'archéologie sous-marine, dans La
Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
d'archéologie, 200, p. 132-133.
Oueslati (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis,
Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 172-174.
Fig. 89. Site 61. Borj el H'sar : fondations de murs
et traces de cuves. 62-ELABASSIA
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 58' N - 9 G 91' E.

second enduit plus riche en cendres et lissé. Une autre En contrebas et au Nord-Est du cordon littoral
cuve voisine, ouverte en oblique, est conservée sur grésifié de la formation Rejiche, dans un
3,10 m de haut et une long. max. de 4,50 m. Epais, du compartiment topographique abaissé de l'île Cherguia, un
mur de coffrage : 40 cm. Celui-ci est appareillé contre épandage de limons rouges wûrmiens présente un
la paroi. La cuve présente un double fond, ce qui peut aspect de sebkha, à végétation halophile rare, en
s'expliquer par une réparation (1er fond, hérisson de raison de sa position altimétrique au niveau des plus
pierraille : 6 ; béton de granules : 18 ; enduit de gravier hautes mers.
et cendres : 4 cm ; 2e fond, hérisson : 7 ; béton de Près de la mosquée d'Abassia, en bordure et à l'Est
gravier et cendres : 9 ; enduit de cendres lissé : 2 cm). de la chaussée au point où celle-ci s'engage dans une
Sur le plateau, à 7,50 m du bord de la falaise, une zone déprimée recouverte par les eaux, alignement
cuve de salaison est visible au Nord-Est du borj de mur à double parement, de 30 m de longueur
(long. : 2,21 ; larg. : 1,02 m ; épais, du mur : 52 cm). (larg. :2m), avec un retour perpendiculaire de 10 m
Au Nord du site, sur la partie de l'estran exondée à de long. Accolé à l'angle sud-est de ces deux murs,
marée basse mais recouverte en période de vives- soubassement en blocs de grand appareil d'une
eaux, fond de cuve avec saignée (long, conservée : construction carrée de 6 m de côté qui pourrait être une
2,25 ; larg. : 1,50 m). tour de guet.

CERAMIQUE 63 - GREMDI
lies Kerkennah 1:100000, 38 G 62' N - 9 G 99' E.
Large échantillonnage de céramiques depuis
l'époque punique (notamment vaisselle campa-
Une falaise d'1 m de haut montre la base d'un mur
nienne) jusqu'au vne s. de notre ère (par exemple
implanté dans des colluvions limono-sableuses
sigillée africaine D Hayes 105) (fig. [41, n° 3-4, 6, 8, 10,
wurmiennes, à Helix et coquilles marines remaniées,
13 ; fig. [101, n° 104-105 ; fig. [12], n° 141).
encroûtées en surface. En avant, sous un dallage
conglomératique naturel (formation Chebba à
Bibliographie strombes), affleure un grès fin oolithique, coquillier, un
peu marneux, de la formation Rejiche. On remarque,
Burollet (P. -F.), 1979, La mer Pélagienne, les apports sur une hauteur de 80 cm, des traces d'extraction de
de l'archéologie, Géologie Méditerranéenne, 6, 1, blocs qui se prolongent sous l'eau. Le front de taille est
p. 309-313. découpé dans la falaise morte. D'autres traces de la
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1991, Modifications of carrière sont encore visibles sur l'estran. Dimension
Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern d'un bloc, d'après les saignées : 67 x 38 cm.
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitsch rift fur A une centaine de mètres plus au Nord, un
Geomorph., suppl. bd 81, p. 158-159. élément de mur a été dégagé par l'érosion marine sur

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 129

50 cm de hauteur. Le mur était en petits moellons raît sous des limons rouges wûrmiens, recouverts par
prélevés sur la croûte. Sa longueur visible est de 4 m, des colluvions d'âge historique et coupés par une
avec un retour de 50 cm portant des traces d'enduit falaise vive de 2 à 3 m de commandement. Ici
étanche de tuileau et de coquillages broyés (cérithes). l'estran rocheux est développé sur un grès de la
F. Chelbi a signalé récemment (1995, p. 133) formation Rejiche. Il y a donc en cet endroit un recul
l'existence de deux chaussées reliant l'îlot de Gremdi à l'île de la côte, mais le site archéologique proprement dit
Chergui. Ces chaussées sont aujourd'hui submergées n'est pas érodé.
par les eaux et ne sont visibles que lorsque la marée Traces peu distinctes d'une occupation antique au
d'équinoxe atteint son niveau le plus bas. L'une d'elles sommet de la butte, en retrait du littoral citernes,

:
est affectée d'une interruption très nette « qui doit murs informes, témoins de céramique campanienne
correspondre à un ponceau en bois aujourd'hui (2 tessons), sigillée du sud de la Gaule ; un fragment
disparu ». Non loin de ces chaussées ont été aussi de perle punique. Aucun indice en bordure même de
reconnues les fondations d'une grande construction en la mer.
forme de M « qui apparaît nettement à marée basse ».
Cette structure engloutie sert aujourd'hui de pêcherie à
des marins du port d'El Ataya.
65 - SEFNOU
Ces découvertes d'importance confirment Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 67' N - 9 G 87' E.
l'ampleur de la submersion qui a affecté l'archipel des
Kerkennah depuis l'antiquité.
Une falaise en recul, d'environ 3 ni de haut,
montre dans sa partie supérieure des ruines antiques.
CERAMIQUE Celles-ci reposent à la fois sur la croûte calcaire
villafranchienne, les argiles rouges mio-pliocènes et des
Vaisselle culinaire africaine Hayes 182, amphores colluvions wurmiennes. Elles ont à leur tour alimenté
africaines II et spatheion. des colluvions, lors d'une phase de ruissellement plus
important qu'aujourd'hui à la fin de l'antiquité ou
postérieurement à elle (fig. 90).
Bibliographie

Oueslati (A.), 1986, Jerba et Kerkna, îles de la côte


orientale de la Tunisie, Publ. Univ. Tunis, sér.
Géographie, 21, 210 p.
Chelbi (F.), 1995, L'archéologie sous-marine, dans La
Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
d'archéologie, 200, p. 128-133.
Oueslati (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis, Fig. 90. Site 65. Sefnou.
Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 175-176. 1. Argiles gypseuses ; 2. Croûte calcaire ; 3- Grès coquillier
de la formation Rejiche ; 4. Colluvions de la dernière
époque fluviale ; 5. Site archéologique ; 6. Colluvions
historiques.
64 - RASS BOU NOUMA
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 65' N - 9 G 87' E. Ces ruines comportent des éléments de murs et
des vestiges de cuves démantelées par la mer :
Un dos de terrain moulé sur la croûte calcaire 1) Fond de cuve et une partie des flancs conservés
villafranchienne s'abaisse vers la mer. A son contact, sur trois côtés avec leur enduit. Epais, du mur :
celle-ci est taillée par une petite falaise vive de 2 m 50 cm ; enduit : 12 cm.
de haut sur laquelle se remarquent quelques 2) Fond de cuve rechargé avec double hérisson et
placages coquilliers, à galets de croûte, de la bétonnage d'étanchéité. 1er hérisson 12 cm,
:

formation Rejiche. Un peu au Sud du cap, la croûte 1er enduit 3 cm ; 2e hérisson : 15 cm, 2e enduit
:

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


130 Catalogue des sites

2 cm. Au-dessus de ce fond de cuve a été reconstruit 67 - ENF ER RKIK OUEST


un mur en moellons réguliers, dont deux rangées sont Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 68' - 9 G 94' E.
conservées. Long, du mur visible : 3,40 m.
Au pied de la colline de croûte calcaire
villafranchienne qui, à 5 m d'altitude, porte les ruines d'un
CERAMIQUE borj, la mer taille une falaise de 2 à 3 m de haut qui
montre de bas en haut un grès très coquillier de la
Sigillée africaine A (IIe s.), amphore africaine Keay

:
formation Rejiche, des colluvions wùrmiennes
LXI/LXII (vie s.). Un peson de filet de pêche.
épaisses, des colluvions historiques à rares tessons de
poterie, témoins du recul de la côte.
A l'extrémité ouest de l'île, le site est très
bouleversé par des travaux récents.
66 - ENF ER RKIK EST
Iles Kerkennah 1:100000, 38 G 68' N - 9 G 94' E. CERAMIQUE

Un dos de terrain culmine à 5 m, moulé sur la Amphores africaines et orientales (dont Kapitân
croûte calcaire villafranchienne. A la base de la II?).
colline, léchée par les plus hautes mers comme
l'attestent des accumulations de feuilles mortes de posido-
nies, un épandage de limons rouges wùrmiens 68 - HENCHIR ECH CHEGGAF - SIDI
s'incline doucement, en une centaine de mètres, MANSOUR
jusqu'au niveau de la mer. Il a l'aspect d'une sebkha Sfax 1:50 000, x : 585,50 - y 166.

:
littorale, couverte par une formation végétale très
ouverte de plantes halophiles. La protection de l'île A 3 km au Sud-Ouest de Sidi Mansour, s'étend un
voisine de Roumadia, qui arrête les vagues, explique espace littoral bas de limons continentaux wùrmiens.
l'absence de micro-falaise sur le rivage qui recule Il est séparé d'un estran sablo-vaseux à pente faible,
cependant car le niveau marin se relève lentement, découvrant largement à marée basse, par une
comme le suggère l'existence, dans les alentours, microfalaise de 0,50 à 0,75 m de hauteur, montrant
d'anciennes pistes aujourd'hui submergées (Burollet exclusivement du matériel archéologique (trace d'un mur,
1979). moellons, tessons de poterie). C'est là un indice d'un
Sur les pentes de ce dos de terrain descendant vers relèvement du niveau de la mer depuis l'époque
la mer, citernes bien conservées jusqu'à l'amorce de la antique qui explique le recul de la côte alors que
voûte : l'une d'elles, plus près de la mer, mesure 14 x l'environnement, compte tenu de sa position abritée
1,65 m ; l'autre 15 x 1,35 m (les traces de l'impluvium vis-à-vis des houles les plus fortes et des faibles
sont encore visibles). A 150 m au Sud-Est du groupe profondeurs littorales, est caractérisé par une faible
précédent, citerne de 9 x 2 m. énergie des vagues.
A très peu de distance en arrière de l'estran ont été
mis au jour les vestiges d'un vaste ensemble de
CERAMIQUE bâtiments correspondant à des installations de type
industriel dotées de cuves nombreuses et dont la vocation
Autour de ces citernes, tessons de céramique
était sans doute le traitement et la conservation des
campanienne et d'un bol hellénistique à reliefs (ne s.
produits halieutiques. Le terrain est situé entre la route
av. J.-C).
littorale de Sfax à Sidi Mansour et le bord de mer, sur
une longueur d'environ 350 m, délimité par des clôtures
Bibliographie et une largeur de 150 m en moyenne. Placé sous la
surveillance de l'INP de Tunis, il a fait l'objet de
Oueslatï (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis, dégagements et de sondages archéologiques sur une dizaine
Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 168-169- de points répartis sur l'ensemble de sa superficie.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 131

plan de situation
échelle approximative 1:2000e

Du Sud au Nord, plusieurs groupes d'installations


peuvent être distingués :
1) A l'extrémité sud du terrain, en bordure de mer,
un grand bâtiment dont les murs en moellons sont
conservés sur une élévation de quelques mètres
(fig. 91). Il est divisé en plusieurs salles dont
l'organisation semble avoir été modifiée après coup par
adjonction de murs nouveaux accolés aux murs
d'origine. Dans l'angle nord-est du bâtiment, se trouve
une cuve reconnaissable par son enduit
caractéristique. Un pilier en maçonnerie, de section
semi-circulaire, a été appliqué contre la paroi interne de la cuve,
sans doute pour la renforcer.
On peut penser qu'il s'agissait à l'origine d'une
usine de salaison transformée par la suite pour être
utilisée comme habitation ou comme défense côtière. o 5m
JL
Une série de cuves de dimensions diverses ont été
dégagées en direction du Nord, à respectivement 8, Fig. 91. Site 68. Henchir ech Cheggaf (Sidi Mansour)
:

15, 50, 75 et 80 m de l'angle nord-ouest de la bâtiment sud.


construction précédente. Dimensions des cuves
dégagées : 3,80 x 2,20 ; 3 x 3 ; 3,50 x 2,50 m (avec
l'épaisseur du mur : 6 x 4).
2) Vers le centre du terrain, à 80 m au Nord-Nord- 3) A 120 m du premier bâtiment, 75 m de la route
Est du groupe précédent, des éléments d'une et 80 m de la mer, apparaît un ensemble homogène
installation thermale ou de tout autre dispositif de chauffage, de cuves, dont l'une a été conservée sur un mètre
sans doute intégrés dans l'ensemble industriel, sont d'élévation (fig. 93), avec sa paroi en lits de moellons
reconnaissables à la présence de pilettes d'hypo- et son double enduit intérieur (granules et cendre :
causte, plus ou moins noircies à proximité de la 5 cm ; granules et chaux, lissé en surface : 2 cm). A
bouche en briques réfractaires d'un foyer (fig. 92). remarquer, les renforcements aux angles, formés de
Parmi les objets recueillis au cours de la fouille, on massifs de maçonnerie à section circulaire sur lesquels
remarque des fusées de voûtes et des placages de viennent s'appuyer les autres parois des cuves. Deux
marbre. autres cuves ont été dégagées aux environs, l'une à

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


132 Catalogue des sites

foyer
-O-u

i
i
Q U U U U
n n

n
D


dcz:
n
c
J.L
2m

Fig. 92. Site 68. Henchir ech Cheggaf : foyer.

Fig. 93. Site 68. Henchir ech Cheggaf cuve.


:

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Gabès 133

50 m à l'Est (dim. : 2 x 1,80 m), l'autre à 6 m à l'Ouest 70 - EL AOUABED - KOUDIAT JABER


de l'angle nord-ouest de la construction précédente Sidi Salah 1:50 000, x : 592 - y : 175.
(dim. hors tout 5 x 7 m ; dim. internes 3,20 x
:

:
5,80 m). Site très étendu délimité au Sud et au Nord, en
A 20 m plus au Nord du foyer, un autre sondage bordure de mer, par des sépultures sous amphores
a mis au jour un mur de 7 m de longueur sur lequel mises au jour par l'érosion des vagues de tempête. A
est accolée une piscine à revêtement de mosaïque, en l'intérieur, à peu de distance du rivage, traces plus ou
forme de demi-cercle (diam. 2 m). Celle-ci était moins distinctes d'une agglomération dont le centre
:

reliée par une évacuation à une conduite d'orientation est signalé par la présence de matériaux allogènes et
est-ouest qui apparaît dans un sondage à 8 m plus à d'éléments architectoniques (base de colonne, larg.

:
l'Ouest. 54 cm ; haut. 26). Plusieurs citernes sont

:
4) A la limite nord du terrain et à 30 m de la ligne échelonnées tout au long du rivage.
de rivage, se trouvait une nécropole comportant des Au Sud du marabout de Sidi el Kassar, sur une
inhumations sous tuiles. distance de 1 500 m, ce rivage est caractérisé par une
petite falaise vive, haute en moyenne de 0,80 m,
taillée dans des limons rouges de ruissellement, d'âge
CERAMIQUE wùrmien, qui reposent sur un grès marneux,
coquillier, à strombes, de la formation Rejiche et qui
Contexte romain et tardif : sigillée africaine type A
sont recouverts par des horizons de matériel
Hayes 31 (fig. [6], n° 26), type C Hayes 51, vaisselle archéologique. Le recul de la falaise fait apparaître sur
culinaire africaine « a strisce », lampes africaines l'estran des restes de constructions (fondations de
Deneauve VIIA et VIIB, amphores orientales Carthage murs, sols de cuves ou de citernes) et aussi de
LRA 1 et 2. nombreuses amphores funéraires dont la position
actuelle, correspondant à celle de la marée haute,
donc au toit de la nappe phréatique, semble indiquer
69 - NADOUR SIDI MANSOUR un relèvement du niveau de la mer depuis l'antiquité.
Sfax 1:50 000, x : 588, 25 - y : 167. On rencontre sur le site, en grand nombre, de gros
galets de roches allogènes - volcaniques,
Le cadre topographique naturel a été métamorphiques, granitiques - qui ont très probablement servi
entièrement modifié par des aménagements récents de lest pour des bateaux.
autour du mausolée. Des murs maçonnés ne Sur l'estran, près de l'école de Koudiat Jaber, on
permettent plus l'observation du rivage. On sait reconnaît d'abord des vestiges de fonds de citernes
cependant qu'une falaise vive, de 1 à 2 m de (ou de cuves de salaison ?) en cours de dissociation
hauteur, taillée dans la croûte calcaire villafran- par la mer. Plus au Sud, les inondations de 1982 ont
chienne, existait ici. mis au jour, à peu de distance du rivage, un autre
A proximité et au nord du marabout de Sidi bassin (dim. intérieures : 5,15 x 2,28 m ; larg. des
Mansour, se remarque une tour ancienne de 30 m murs 40 cm ; enduit : 3 cm). Au Nord de l'école
:

de diamètre à la base et conservée sur une hauteur succession de 5 citernes en retrait et à proximité du
de 8 m environ. Les premières assises en grand rivage. La première (4 x 2 m) est bien conservée avec
appareil pourraient être antiques ; elles sont en net son regard ; sur un tertre dominant un petit port de
débordement par rapport au reste de la pêche se trouve une ruine peu distincte. La seconde
construction en grande partie dépouillée de son parement citerne est au Nord du petit port (dim. intérieure 2,30
:

d'origine, ce qui laisse apparaître le noyau en x 1,62 m ; larg. du mur 38 cm ; enduit : 4 cm). La
:

blocage des murs. Le monument, peut-être une troisième, plus au nord est perpendiculaire au rivage
tour de guet ou un phare d'époque byzantine, (3 x 2 m). La quatrième, à une vingtaine de mètres de
réutilisé sous les princes Aghlabides, porte des la ligne de rivage et parallèle à celle-ci, a conservé sa
traces de restauration beaucoup plus récentes en voûte (5,50 x 2,50 m). La cinquième citerne (4 x 2 m)
petits moellons. se trouve à la limite nord du site.

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134 Catalogue des sites

CERAMIQUE intérieur en deux compartiments voûtés dont l'un est


en partie recoupé par la piste côtière (fig. 94 et 95). Le
Présence de céramiques romaines (sigillée mortier des murs incorpore des coquillages marins
africaine A, Hayes 3, amphore africaine IIA), mais surtout broyés (cérithes et murex).
de l'Antiquité tardive (ve-viie s.) : sigillée africaine de
type C5 Hayes 82 (fig. [5], n° 28), 84, de type D Hayes
CERAMIQUE
61A/B, 87B (fig. [6], n° 52), 88, 90B (fig. [6], n° 46), 99,
103, 104, 105, de type E Hayes 68, 92 (fig. [7], n° 64),
n° Le contexte céramique le plus évident relevé sur
lampes en sigillée africaine Atlante X (fig. [91, 99), ce site est d'époque tardive (ve-viie s.) : sigillée
amphores
n° 191-192),africaines
XXXVB, Albenga
Keay XXV.11-12
1, XXXIV
(fig. [13],(fig.
n° 175),
[14], africaine de type C5 Hayes 82, 84, et de type D Hayes 76
amphores orientales Carthage LRA 1, 2 et 3. (fig. [6], n° 42), 87A, 105 (fig. [6], n° 50), amphores
africaines Keay XXV. 2 et XXV. 3, XXVII, XXXIV
(fig. [14], n° 193), XXXVI, LXI.

71 - HENCHIR EL MAJDOUL
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,50 - y : 178,50. 72 - KSAR EN NOUBA
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,25 - y : 180,25.
Dans une falaise, haute de 1 à 2 m, constituée
surtout par un grès coquillier de la formation Rejiche Le rivage dont le tracé dessine ici un léger rentrant
mais aussi par des limons rouges wiirmiens, l'érosion
ouvert vers le Sud-Est, est caractérisé par une petite
fait apparaître des ruines de constructions diverses, en falaise stabilisée en avant de laquelle se concentrent
particulier des citernes étagées dont les fondations les et se décomposent des accumulations épaisses de
plus basses sont immergées sur l'estran, au moins à feuilles de posidonies. Le site archéologique est en
marée haute. L'érosion de la mer, plus nette ici que
arrière de cette falaise.
dans les secteurs immédiatement adjacents au Nord et Il s'agit d'un site étendu sur près de 300 m et limité
au Sud, s'explique par une concentration de l'énergie
au Nord par un drain moderne dont le creusement
de la houle due à un éloignement local du rivage de dans la formation Rejiche a fait apparaître les traces
l'isobathe -1 m dont le tracé dessine une pointe aiguë d'un drain plus ancien, peut-être antique et qui aurait
vers l'Est. mis en communication la sebkha El Garaa avec la mer.
A 80 m au Sud du carrefour de la piste qui conduit Parmi des vestiges épars, on remarque près d'un
à la mer avec celle qui suit la côte, à proximité d'un groupe d'habitations les traces de bâtiments ayant pu
tertre profondément labouré où affleurent des appartenir à un établissement chrétien : 1 fragment de
fragments de sol en béton de tuileau, ruines importantes
carreau de terre cuite décoré, tuiles, petit chapiteau en
démantelées par l'érosion littorale : on remarque les
marbre de style tardif (haut. : 31 cm ; larg. : max. 39,
vestiges d'une construction quadrangulaire en moellons min. 27). Un reste de mur en petit appareil, conservé
dont les murs dégagés par la mer, sont bien visibles sur sur 1,40 m de haut et 2 m de long, correspond au Ksar
l'estran et dans la falaise (3,62 x 2,17 m), avec un enduit en Nouba. Sur le rivage, une nécropole a été mise au
étanche à granules. Larg. du mur : 60 cm dont 5 cm jour par les vagues ; elle était constituée de sépultures
pour l'enduit. Il s'agit peut-être de cuves de salaison.
sous amphores.
D'autres traces de bassins se devinent sur la piste.
Plus au Nord, à une centaine de mètres au Nord
de la piste perpendiculaire au rivage et à 250 m d'une CERAMIQUE
gravière moderne, ruines importantes démantelées
par la mer. On remarque un sol de béton, en partie Sur ce site de nécropole (une tombe en place
recouvert de mosaïque. Dans le même groupe de dans une amphore africaine cylindrique de grandes
ruines se distingue une citerne perpendiculaire au dimensions), on remarque des traces de bâtiments
rivage et divisée en enfilade par un cloisonnement qui appartiennent peut-être à un lieu de culte chré-

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Golfe de Gabès 135

niveau mer

Fig. 94. Site 71. Henchir el Majdoul : citerne. Fig. 95. Site 71. Henchir el Majdoul : relevé de la citerne.

tien (1 fragment de carreau de terre cuite décoré) lié mais la présence de tessons de poterie à son pied
à un contexte céramique romain tardif et byzantin : laisse penser qu'elle peut être occasionnellement
sigillée africaine C5 Hayes 82, D Hayes 90, 105, 108, ravivée par la mer.
amphore Keay XXV. 1, XXV (?), LXI/LXII. Notons Entre deux petits estuaires, à 50 m du rivage, on
cependant la présence d'un tesson de céramique remarque les restes d'une citerne qui a conservé
campanienne. l'essentiel de sa voûte (long. : 8 m) et des témoins de
céramique assez nombreux.

73 - HENCHIR EL FLOUSS
Sidi Salah 1:50 000, x : 593,25 - y 184. CERAMIQUE
:

Une petite falaise en sommeil, de 1 m de hauteur, On relève un niveau d'occupation antique tardif
entame légèrement des dépôts marins, riches en céri- bien marqué par des sigillées africaines de type D
thes et en cardiums de la formation Rejiche. Sur Hayes 98 et 105 et de type E Hayes 68, des amphores
l'estran s'accumulent et se décomposent des feuilles africaines Keay XXXIV et LXII, et des amphores
de posidonies. La falaise est couverte de végétation, orientales Carthage LRA 1 et 2.

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136 Catalogue des sites

74 - SIDI EL KHAFI CERAMIQUE


Jebeniana 1:50 000, x : 596,25 - y : 188,25.
Aux abords des citernes, matériel d'époque
Le site montre une falaise de 1 m de haut qui byzantine : amphores africaines Keay XXXIV (fig. [14],

tranche des niveaux archéologiques, reposant sur un 187), LXII et orientales Carthage LRA 2.
grès de la formation Rejiche. Celui-ci constitue un
estran rocheux jonché de moellons et de fragments de
céramique. La falaise recule par à-coups lorsque la
mer est grosse. 76 - SIDI MEZARA NORD
Près du rivage, au Nord d'un petit chenal de Jebeniana 1:50 000, x : 598,25 - y : 189,50.
marée, il y a quelques blocs épars.
Le substratum naturel sur lequel sont situées les
ruines n'est pas observable. L'accumulation
archéologique est légèrement entamée par la mer, d'où
75 - SIDI MEZARA SUD l'amorce d'une petite falaise, en général mal venue.
Jebeniana 1:50 000, x 597,50 - y : 188,25. L'estran, dans sa partie supérieure, recoupe du
:

matériel archéologique, ce qui suggère un relèvement du


Ruine d'une forteresse côtière d'époque arabe niveau marin depuis l'antiquité. Il est parsemé de
(sans doute le Ksar Zyad évoqué par Tijani), dont ne blocs taillés de calcaire, de moellons de grès et de
subsiste plus que des noyaux en blocage qui
croûte calcaire, de fragments de céramique. Des
signalent l'emplacement des tours d'angle. Celles-ci
traces très arasées de structures bâties orthogonales
devaient être rondes à l'origine et ont été
(cuves ou citernes ?) sont visibles sur la piste côtière.
dépouillées de leur parement en grand appareil. La
A proximité du signal de Koudiat Resfa qui est
forteresse mesurait environ 31 x 38 m (le côté le
vraisemblablement la survivance du nom de l'antique
plus long étant parallèle au rivage). Sur la face Ruspe, on remarque les vestiges de thermes.
ouest, des éléments du mur de courtine sont encore
visibles, ainsi que les vestiges probables d'une tour
intermédiaire, peut-être près de l'emplacement CERAMIQUE
d'une porte. Diamètre du témoin en blocage
Contexte romain tardif (ve-vne s.) : sigillée
conservé de la tour d'angle sud-est 3,50 m. Dans
africaine de type D Hayes 76 et 105, de type E Hayes 68,
:

ces noyaux de blocage, on trouve en remploi des


fragments d'enduit étanche en tuileau ou granulat lampe africaine Atlante VIII, amphores africaines Keay
de plage prélevés sans doute à proximité sur des VIIIB, XXXIV (?) (fig. [14],
n° 184), LXII et orientales Carthage
n° 186),
LRA LXI
1 et (fig.
2. [14]
vestiges de citernes ou de cuves.
Entre la mer et la forteresse et plus au Nord en
bordure du rivage, on peut remarquer
effectivement la présence de vestiges de cuves ou de 77 - LA LOUZA I (SUD)
citernes. Un bassin de 2,70 x 2,30 m, avec enduit Jebeniana 1:50 000, x : 600,75 - y : 191.
étanche à granules ou cendre, est visible vers le
Sud-Est ; plus au Nord, vestiges de citernes. L'une Au cap, une structure bâtie circulaire en blocage
bien conservée avec son regard (ouverture de reposant sur des limons rouges wùrmiens a été
50 cm dans un massif en blocage de 1,50 m) ; dégagée par l'érosion marine (fig. 96). Diam. 7,5 m.
:

l'autre a été détruite pour fournir de la pierre aux Elle est flanquée sur son côté nord par une cuve ou
habitants du village. une citerne en partie conservée et reconnaissable à
Les ruines de Ksar el Mezzara dont on ne voit pas son enduit étanche de cendre. Autour, quelques blocs
le substratum naturel sur lequel elles reposent sont épars. La hauteur totale de la falaise atteint en cet
hors d'atteinte de la mer dans la situation actuelle. endroit 2,50 m.
L'orientation NE-SW du tracé du rivage le protège de n° Très peu de matériel, époque romaine (fig. [8],
l'action des houles du Nord-Est. 77) et islamique (fig. [26], n° 11).

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Golfe de Gabès 137

87B, 88, 90, 90/105, 91D, 94, 105, Fulford 27 (fig. [51,

31), culinaire africaine dérivée de Hayes 23
(fig. [10], n° 112), lampe en sigillée africaine Atlante
X à décor surmoulé (fig. [9], n° 100), amphores
africaines Keay XXXIV (fig. [14], n° 188, 194), LXII A
(fig. [14], n 178), Albenga 11-12 (fig. [13], n" 176),
spatheion (fig. [13], n° 174),
n° 197), amphores orientales Hammamet
Carthage LRA 3 (fig-
1 et 2.
[15],

79 - SIDI SAAD
Jebeniana 1:50 000, x : 601,50 - y : 193,25.

Une falaise vive, de 2 m de haut, montre à la base


des limons rouges contientaux, à cérithes et à Helix,
d'âge wiirmien, recouverts par une couche
archéologique épaisse de 1,20 m. L'estran, taillé dans les
limons rouges, est jonché de moellons et de fragments
de poterie.
A l'intérieur, entre la Louza et la Louata, un tell
important (cote 14) est situé dans l'axe de la « voie
romaine » mentionnée par la carte au 1:50 000. De là,
on a une vue étendue en direction de la Louata. Le tell
dessine une enceinte de forme grossièrement carrée
(50 x 50 m), entourant une dépresion centrale. Du
Fig. 96. Site 77. La Louza sud cuves ou citernes. côté est, deux massifs de maçonnerie de moellons
:

pourraient correspondre aux vestiges de tours


encadrant une porte. En contrebas, nombreux tessons ; au
Nord-Est, traces de citerne.
78 - LA LOUZA H (NORD)
Jebeniana 1:50 000, x : 600,75 - y 191,75.
CERAMIQUE
:

Un second petit cap plus au Nord montre une


falaise vive de 2,50 m de haut creusée à la base dans Dans les ruines du fort byzantin, peu de matériel,
des limons rouges continentaux, contenant des cérithes chronologiquement incohérent : amphore italique
et des Helix, d'âge wûrmien (épais de 0,80 cm) et Dressel 2/4, sigillée africaine Hayes 6 IB (ve s.) et
surmontés d'une accumulation de matériel céramique islamique (fig. [26], n° 15) !
archéologique dans des couches de cendres. La couche rouge
n'est pas continue. Elle a été creusée par l'Homme sur
0,70 m de profondeur et sur 10 m de longueur ou de
largeur. L'excavation a été ensuite artificiellement 80 - LA LOUATA
comblée. Peut-être s'agit-il d'un ancien dépotoir ? Jebeniana 1:50 000, x : 602,50 - y : 195.

Une petite falaise vive, de 1 m de haut, est taillée


CERAMIQUE dans du matériel archéologique. Elle fait apparaître les
vestiges d'un mur. Elle se suit sur quelques mètres.
Dans les couches de cendres, matériel romain Elle est relayée de part et d'autre par une micro-falaise
tardif abondant : sigillée africaine D Hayes 50B, 72, de limons rouges.

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138 Catalogue des sites

Côté terre, le site se présente comme un petit 82-OULEDSLIM


tertre formé par une construction en moellons Jebeniana 1:50 000, x : 603 - y : 203,75.
prélevés sur la croûte et largement étalés alentour. Sur
le tertre et sur la plage voisine, larges jonchées de Un tell qui culmine à 5 m se situe à 400 m du
tessons divers. rivage. Celui-ci est marqué par une petite falaise vive
de 1 m de haut, taillée dans un épandage de limons
continentaux rouges, d'âge wûrmien, sur lequel
existent des nebkhas (fig. 97).
81 - RASS BOU TRIA
Jebeniana 1:50 000, x : 602,50 - y : 198,25.

La côte basse est caractérisée par l'existence d'une


étroite flèche littorale, longue d'environ 750 m, qui se
termine par trois crochons recourbés à angle droit. A
01 .A*
l'abri de cette flèche, du côté de la terre et jusqu'aux
premières ruines de l'antique Acholla, se sont déposés Fig. 97. Site 82. Ouled Slim.
des sédiments marins fins. Les vestiges 1. Colluvions sablo-limoneuses de la dernièrepériode
archéologiques se trouvent ainsi hors de l'atteinte des vagues. pluviale ; 2. Site archéologique ; 3- Colluvions à tessons de
La flèche et les rides vaso-sableuses prélittorales poterie antique ; 4. Nebkha.
qui la précèdent du côté de la mer masquent la racine
du môle portuaire & Acholla qui devait avoir au moins Ce tertre rappelle la position de Sidi Saad avec
500 m de longueur. Seule sa partie distale, submergée lequel il était peut-être en connection, mais avec une
sous environ 1 m d'eau, est aisément reconnaissable position moins dominante. Au milieu de moellons
sur les photographies aériennes. Elle est large d'une épars provenant de la formation Rejiche ou de la
trentaine de mètres et on peut la suivre sur 230 m. Elle croûte saumon se remarquent des vestiges de
se termine par une plate-forme rectangulaire de structures voûtées. Les témoins de céramique sont assez
100 m sur 70. Le môle est constitué par un blocage rares : sigillée africaine C, peson de filet de pêche.
cimenté de moellons, limité des deux côtés par un
parement de blocs calcaires taillés de grand appareil.
Le développement de la flèche, qui recouvre la
racine du môle et sur laquelle on ne relève aucune 83 - OULED MABROUK
Jebeniana 1:50 000, x : 603,75 - y : 205.
ruine ancienne, est postérieure à l'antiquité. Il y a
donc eu ici une progradation du rivage depuis
l'époque romaine en dépit d'un relèvement du niveau Un tell qui culmine à 5 m se situe à 400 m du
de la mer supérieur à 1 m. rivage (fig. 98). La falaise présente un replat qui
traduit l'existence de deux générations de limons
rouges. A la base, sur 0,30 m, affleurent des limons
Bibliographie d'âge wûrmiens légèrement encroûtés dans leur partie
supérieure. Au-dessus, sur 0,70 m, il s'agit de limons
Dallas (M. F.) et Yorke (R.A.), 1968, Underwater de colluvionnement non encroûtés qui contiennent
surveys of North Africa, Jugoslavia and Italy, des tessons de poterie romaine et qui sont donc d'âge
Underwater Association Report, p. 21-34. historique.
Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1982, Observations sur Sur ce tell, les ruines sont réduites à l'état de traces
les flèches sableuses à pointe libre de la côte peu distinctes, mais elles comportent des indices de
orientale de la Tunisie, Revue Tunisienne luxe dans la construction : fragments de marbre et de
Géographie, 9, p. 89-102. mosaïques, qui pourraient suggérer la présence d'un
centre résidentiel. Dans les environs immédiats à
l'Ouest, deux ruines en blocage, sans doute des
citernes.

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Golfe de Gabès 139

2) à 300 m au Nord-Ouest du point précédent, sur


0 un tertre en grande partie artificiel d'où on dispose
d'une large vue dominante sur la « forêt de Chebba »,
vestiges assez informes d'un édifice très important en
blocage, peut-être un établissement thermal. On peut
penser aussi à une réutilisation tardive de cet édifice
comme point d'appui militaire. A noter des fragments
de mosaïque. Mais la céramique est très diversifiée :
amphores, vaisselle tardive, cruche à anse torsadée,
musulmane ancienne.

CERAMIQUE

Céramique romaine à dominante tardive :


Fig. 98. Site 83. Ouled Mabrouk. sigillée africaine D Hayes 52, 87B, 90, 94, vaisselle
1. Limons rouges de la dernière époque pluviale ;
culinaire africaine Hayes 196, dérivée de Hayes 23
2. Encroûtement ; 3- Limons rouges à tessons de poterie
antique ; 4. Nebkha. (fig. [10], n" 113 et 117), lampes en sigillée africaine
Atlante X, amphores africaines II A « con gradino »,
Keay XXV, XXVII, XXXIV (fig. [14], n° 189), XXXV B
CERAMIQUE (?) (fig. [13], n° 170). Céramique glaçurée d'époque
islamique.
Contexte romain : sigillée italique Ettlinger 20.4,
vaisselle à parois fines Mayet 35, sigillée africaine de type
A/D Hayes 27 et de type C Hayes 53B (?), Stern Id
85-RASSJEZIRA
(fig. [7], n 65). Chebba 1:50 000, x : 608 - y : 207,50.

Ce cap est constitué par un léger dôme de croûte


84 - MARSA MELLOULECHE calcaire très dure, probablement la croûte villafran-
Chebba 1:50 000, x : 604,75 - y : 206,75. chienne, sur laquelle sont plaqués des dépôts marins
tyrrhéniens (strombes, serpulidés), ravinés par des
Des ruines antiques, accumulées sur une limons rouges continentaux d'âge wùrmien. A
épaisseur de 5 à 6 m, culminent à 11 m sur un ancien l'extrême pointe du cap, posées sur la croûte calcaire,
cordon littoral, riche en strombes, grésifié et fortement des bases de murs romains qui se prolongent sur
encroûté (formation Rejiche). Des limons rouges l'estran sont érodées. On a donc ici à la fois l'évidence
colluvionnés se sont déposés au pied du cordon d'un recul de la côte et d'un relèvement du niveau de
littoral et sont taillés en falaise de 0,20 à 0,50 m de la mer depuis l'antiquité.
haut par la mer. On distingue à la base de cette falaise La construction démantelée visible à la pointe du
des limons wiirmiens légèrement encroûtés et, au- cap comportait plusieurs pièces, dont une en forme
dessus, des limons moins compacts, à rares tessons de d'abside et enduite intérieurement. Le site s'étendait
poterie, qui sont d'âge historique. largement à l'intérieur, sans offrir de vestiges bien
Les ruines situées à proximité de la côte, de part nets : à la surface d'anciens champs (petits sillons
et d'autre de la piste entre la mer et Melloulèche, rapprochés), traces d'un habitat peu enfoui, puis
indiquent la présence de deux points d'occupation labouré, ce qui fait apparaître des zones cendreuses.
antique : Parmi la pierraille, on remarque des éléments
1) au Sud de la piste, en bordure de mer : allogènes (basalte, roches métamorphiques) et de grands
importantes jonchées de céramique (fragments de lampes amoncellements de céramique au milieu de la terre
chrétiennes, musulmane ancienne) ; cendreuse.

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140 Catalogue des sites

Céramique naison septentrionale de la Petite Syrte et la disparition,


en allant vers le Nord, des traits naturels originaux des
Matériel très abondant d'époque byzantine rivages du golfe de Gabès forte amplitude de la

:
sigillée africaine D Hayes 87A et B, 12/110, 98/108,

:
marée, faibles profondeurs littorales, énergie réduite
105, lampes en sigillée africaine Atlante X à décor des houles, extension des sebkhas côtières.
surmoulé, amphores africaines Keay XXXIV (?), LXII, La croûte calcaire villafranchienne, puissante ici
spatheia de petites dimensions, amphores orientales de plus de 2 m, couverte par des limons rouges
Carthage LRA 1 et 2 (fig. [18]). wùrmiens remaniant des coquilles marines à leur
base, épais d'une trentaine de centimètres, est taillée
en falaise au recul rapide, comme en témoigne le
86 - JEZIRA démantèlement d'aménagements modernes
Chebba 1:50 000, x : 608,75 - y : 206,75. (installations militaires, bâtiments d'une pêcherie construite
en 1906).
Cette petite île, distante de 750 m du Rass Jezira, Le nadour, qui vient d'être restauré, est une
en est séparée par des profondeurs inférieures à 1 m. construction très hétérogène où se devinent des
La stratigraphie géologique est la même qu'au cap, remaniements de différentes époques. La tourelle engagée
mais il s'ajoute ici une importante couche de collu- dans la partie supérieure est manifestement une
vions, de couleur brun-rouge, d'âge historique car adjonction médiévale plus tardive. La base de la tour
elles emballent des tessons de poterie romaine. est presque carrée : 9,65 (face ouest) x 9,25 m. Elle
L'île est érodée, surtout sur sa face nord où une pourrait appartenir à l'origine à une construction
petite falaise vive de croûte, de 1 m de haut, montre en byzantine incorporée par la suite, comme tour de guet
coupe, dans sa partie supérieure, du matériel (manar) au ksar-ribàt construit par les Aghlabides au
archéologique. L'îlot, qui prolonge l'île au sud-est, est à IXe s. et dont les autres vestiges ont disparu entre 1901
l'affleurement constitué uniquement par les colluvions et 1906. Des bassins - peut-être des cuves de salaison
historiques, taillées en micro-falaise de quelques interprétées alors comme les vestiges de thermes -
décimètres de haut. Cette observation implique, d'une part ainsi que d'autres restes d'un centre habité avaient été
que l'îlot et l'île, aujourd'hui séparés par une distance signalés alors près de la tour Khedija.
de 350 m, étaient réunis dans l'antiquité, d'autre part En bordure de mer, au Nord et en contrebas du
que le niveau de la mer était plus bas qu'actuellement promontoire où se trouve le nadour, l'érosion des
au moment de la mise en place de ces colluvions, leur vagues beaucoup plus active à partir de ce point de la
épandage par le ruissellement n'ayant pu se faire que côte que plus au Sud, est en train de démanteler un
sur un substrat rocheux émergé. Or, présentement, ce édifice construit en blocs irréguliers, remarquable par
substrat est partout au-dessous du niveau de la mer. De la présence de grands arcs appareillés. Dans le
fait, il est aussi probable que cette île plus grande n'en blocage de la fondation, remploi de matériaux
était pas une car elle était alors, compte tenu des faibles antiques (fragment de meule en basalte). A proximité de
profondeurs qui aujourd'hui la séparent du cap, sans ces ruines et vers le Nord, on peut voir les cuves en
doute rattachée au continent. ciment, aux angles arrondis, de l'usine de conserverie
Il y a quelques traces de structures bâties sur l'îlot : de thons installée au début du siècle et qui, elle aussi,
au Nord et dans la partie centrale, tuiles et amas de est en partie détruite par la mer.
moellons. La céramique est comparable à celle du site Un trésor de monnaies byzantines datées du règne
précédent. de Maurice Tibère (582-602) a été découvert
récemment en bordure de mer dans la falaise en recul.

87 - TOUR KHEDIJA
Chebba 1:50 000, x 614,50 - y : 215,75. BlBLIOGRAPHIE
:

Ce site est localisé à un point d'inflexion très Carton (L), 1906, Le bordj-Khadidja (Chebba), Bull,
important du tracé de la côte tunisienne. Il marque la termi- de la Soc. archéol. de Sousse, 8, p. 127-134.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 141

Hannezo (G.), 1906, Chebba et Ras Kaboudia, Bull, de (fig. 102). Pour la construire, on a dû d'abord creuser
la Soc. archéol. de Sousse, 8, p. 135-140. une couche de limons rouges wiirmiens, épais de
Pringle (D.), 1981, The Defence of Byzantine Africa 0,60 m, pour asseoir ses fondations sur le grès marin
from Justinian to the Arab Conquest, 1, Oxford, de la formation Rejiche, fin et oolithique dans sa
BAR, Internat. Ser, 99, p. 192. partie supérieure, conglomératique grossier et
Djelloul (N.), 1988, Les installations militaires et la coquillier à sa base, qui repose sur une croûte
defence des côtes tunisiennes du xvie au calcaire, probablement la croûte villafranchienne. La
XIXe siècles, Paris IV-Sorbonne, p. 542. hauteur totale de la falaise, y compris le remblaiement
Slim (H.), 1989, Trouvaille de monnaies byzantines en artificiel et l'accumulation de matériel archéologique
Tunisie, Bull, de la Soc. franc, de numismatique, qui recouvrent la citerne, est de 4 m.
2, p. 529. La citerne est conservée en hauteur jusqu'à son
Trousset (P.), 1993, s.v. « Caput Vada (Qabboudiya, impluvium (fig. 103). Long, intérieure : 9,30 m ; larg. :
Ras Kaboudia) », Encycl. Berbère, XII, Aix-en- 1,83 m ; haut, de la voûte : 2,20 m. Dans l'impluvium
Provence, Edisud, p. 1772-1774. s'ouvrait un regard de 46 x 45 cm qui servait à puiser
l'eau. Une citerne annexe, en forme de carafe, est
visible dans la falaise, accolée à la précédente du côté
nord. Elle devait permettre d'en régulariser le
88 - SIDI ABDALLAH EL MERRAKCHI remplissage en filtrant les impuretés. A la surface de
Chebba 1:50 000, x : 611,75 - y : 217. l'impluvium, une cuvette de forme arrondie guidait les eaux
vers ce bassin de décantation.
Une construction antique perchée à 1,80 m sur
une butte témoigne de la vigueur de l'érosion marine
sur cette côte qui, par son orientation vers le Nord-Est
et l'accroissement rapide des profondeurs à partir du
rivage (l'isobathe de -10 m se situe à moins d'1 km du
rivage), est caractérisée par sa forte énergie (fig. 100
et 101). Le piédestal de la construction est constitué,
d'abord par des limons rouges wiirmiens (0,60 m) à
Helix, puis par un conglomérat marin à gros blocs de
grès coquillier (formation Chebba) qui ravine un grès
fin, quartzeux et oolithique (formation Rejiche). Au-
dessus apparaît en coupe le hérisson de fondation de
l'édifice (0,80 de haut).
Le bâtiment est conservé sur 3,80 m de haut, 7,25
de long, 7 de large. La face sud présente une sorte
d'abside large de 2,85 m, en saillie de 1 m. Elle était
enduite intérieurement et était pourvue d'une
évacuation. Il s'agissait de toute évidence d'une piscine de
thermes (fig. 99). Les pièces de ceux-ci se répartis-
saient de part et d'autre d'une cloison interne nord-
sud : à l'Est, une petite salle de 2 m de large
communiquait par deux ouvertures avec une autre pièce 1 l
disparue, dont ne subsistent, sur le mur mitoyen, que
des placages d'enduit de tuileau. Sur la face ouest du 5m
bâtiment, l'enduit mural présente des empreintes de J.L 1
palmes.
A quelque 200 m vers le Nord-Ouest, une citerne Fig. 99. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi relevé des
:

antique a été éventrée par l'attaque des vagues vestiges de thermes.

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142 Catalogue des sites

Fig. 100. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi vestiges de thermes.


:

SO

Fig. 101. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi.


1. Grès de la formation Rejiche ; 2. Conglomérat de la formation Chebba ;
3. Limons rouges de la dernière époque pluviale ; 4. Ruine romaine : a) fondation b) édifice.

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Sahel et Cap Bon 143

Fig. 103. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi :


relevé de la citerne.

3 m (enduit de tuileau) ; l'autre à 20 m plus au Nord


Fig. 102. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi : citerne (dim. hors tout : 9 x 4 m ; intérieur 3 x 4 m). L'estran
éventrée.
:

est sableux en surface, mais à faible profondeur, se


trouve un grès marin fin (formation Rejiche). Ce grès
affleure ici et là, et il se débite en dalles qu'un examen
CERAMIQUE trop rapide pourrait faire prendre pour un pavement
dû à l'Homme.
Sigillée africaine de type A/D (fig. [5], n° 27) et de
A 75 m au Sud du groupe précédent, dans la
type D Hayes 104C (?). Pesons de filets de pêche. falaise, citernes transversales à la mer ; l'une d'elles, la
plus au Sud, est conservée jusqu'à hauteur de
l'impluvium. La partie antérieure à l'Est a été éventrée par la
89 - MAQLUBA mer. Larg. totale : 5 m ; intérieure : 3 m. A 7 et 15 m
Chebba 1:50 000, x : 609,75 - y 218,75. plus au Nord, on remarque deux structures de section
:

circulaire en blocage, dont la fonction pouvait être de


A environ 2,5 km au Nord-Ouest de Sidi Abdallah renforcer des constructions aujourd'hui disparues. Ces
el Merakchi, on remarque sur la plage, partiellement citernes pourraient constituer la partie basse d'un
immergées, les ruines d'un groupe de cuves romaines établissement industriel de salaison, dont les cuves de
en cours de démantellement par la mer (cf. fig. 23). traitement, implantées à un niveau supérieur (cf.
Deux fonds de cuves parallèles au rivage, l'un de 4 x l'usine de Salakta), auraient disparu.

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144 Catalogue des sites

A une dizaine de mètres en arrière, une falaise et la mer (infra, fig. 175 ; Paskoff et Sanlaville 1983,
vive, de 2 m de hauteur, révèle l'existence de citernes fig. 46, p. 92, 99).
antiques, attaquées par les vagues au moment des
tempêtes. Leurs fondations ont été assises sur le grès
de la formation Rejiche, après que l'on eût creusé la
couche sus-jacente de limons sableux continentaux, 91 - BORJ EL MZAOUAK
d'âge wùrmien. Par la suite, de grandes dunes ont Mahdia 1:50 000, x 602,75 - y 229,50.

:
recouvert les citernes, les faisant disparaître à la vue.
Ainsi sont attestés sur ce site érosion de la côte et Une carrière romaine, de forme grossièrement
relèvement du niveau de la mer. carrée (50 à 55 m de côté), présente des traits
originaux (cf. fig. 27). Le rempart qui l'isole de la mer (3 m
de haut et 12 de large) n'a pas d'ouverture, comme
CERAMIQUE c'est souvent le cas des carrières littorales de
l'antiquité. Mais l'eau y pénètre, par suite d'un grand
Céramique commune. Un peson de filet. développement de l'encoche basale de la falaise marine.
Le plancher de la carrière est ainsi partiellement
inondé de façon permanente. La pierre extraite était
90 - EL ALIA - SEBKHA NJILA un grès fin oolithique, marin à la base (présence de
Mahdia 1:50 000, x : 603 - y : 226,25. coquilles), éolien vers le haut (absence de coquilles
marines et présence de gastéropodes continentaux,
Les ruines d'une forteresse byzantine ou arabe stratification entrecroisée), faciès très caractéristique
(80 m de côté, tours rondes de 3,70 m de diam. sur la de la formation Rejiche, là où elle correspond à un
face sud) se situent à 11 m d'altitude au sommet d'un ancien cordon littoral lapidifié.
bourrelet topographique, parallèle au rivage, qui se Postérieurement à la période d'extraction, à un
suit jusqu'à Salakta. Il s'agit d'un ancien cordon littoral moment où le ruissellement était plus actif
grésifié qui date du dernier interglaciaire (125000 ans qu'aujourd'hui, des colluvions fines, emballant des
BP, formation Rejiche). Des carrières antiques, tessons de poterie ancienne, se sont déposées dans
localisées sur le flanc du bourrelet orienté vers la mer, la partie ouest de la carrière, empâtant la paroi de
commencent ici et se prolongent presque sans ce côté-là. Ces colluvions sont actuellement incisées
interruption sur 2,5 km vers le Nord. Mais plusieurs d'entre par une ravine que les grosses pluies
elles ont été récemment défigurées par l'extraction approfondis ent. Vers l'intérieur, au sommet de l'ancien cordon
mécanique à grande échelle de la pierre. Cette pierre dunaire, près d'un grand bâtiment moderne utilisé
est un grès calcaire fin, oolithique, qui de tout temps comme bergerie, existent des citernes antiques.
a été très prisé pour la construction. Ici le rivage L'une d'elles, au Sud-Est du bâtiment, a été
rocheux constitue une transition entre la côte sableuse restaurée.
qui se maintient depuis Chebba et la côte à falaise qui
se termine à Salakta. CERAMIQUE
Une citerne était accolée contre le parement interne
du mur d'enceinte de la forteresse, à l'angle sud-est. A Vaisselle culinaire africaine Hayes 183, amphore
l'angle nord-ouest, pan de mur incliné d'une tour ou africaine II A « con gradino ».
d'un bastion. Parmi les témoins de céramique visibles
en larges jonchées sur le rivage, on remarque la
présence de fragments de lampes chrétiennes,
d'amphores d'époque byzantine (type Keay LXI/LXII) 92 - HENCHIR EL MZAOUAK
et de poterie musulmane ancienne (fig. [26], n° 6, 9 14). Mahdia 1:50 000, x : 602,75 - y : 230,75.
Ces vestiges de la forteresse sont à proximité du
débouché sur la côte du grand drain taillé en Une petite carrière antique ouvre sur la mer. La
souterrain dans l'ancien cordon littoral entre la sebkha Njila pierre est un grès fin oolithique, marin à la base,

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Sahel et Cap Bon 145

éolien vers le haut (formation Rejiche). La profondeur 94 - SALAKTA SUD (RASS EL BLED)
de la carrière atteint 3 m. Le plancher est partiellement Mahdia 1:50 000, x : 603,30 - y : 232,60.
inondé et la corrosion par l'eau de mer a largement
oblitéré les traces d'extraction. De profondes Des vestiges de la ville antique de Sullecthum sont
encoches ont été façonnées par la dissolution à la base des visibles sur plusieurs centaines de mètres au-dessus
parois de la carrière depuis qu'elle a été abandonnée. d'un grès pliocène jaunâtre qui affleure largement le
L'étage supralittoral montre d'autres formes de long de la côte en recul très net dans ce secteur. Une
dissolution : mares et lapiés. En supposant un falaise vive, constituée uniquement de matériaux
abandon de la carrière au Ve s. de notre ère, l'encoche archéologiques, haute de 0,50 à 2 m suivant les
s'est formée à une vitesse de 4 à 5 cm/siècle. Pour endroits, a été récemment revêtue d'un mur de
l'élargissement et le creusement des mares, les valeurs protection pour freiner l'attaque des vagues qui menacent
sont respectivement d'environ 3,5 et 0,8 cm/siècle l'existence de la route littorale. Le site archéologique a
(Oueslati 1993a, p. 170). été sévèrement érodé car le rivage est directement
exposé à la houle de l'Est dont l'approche n'est pas
freinée, en l'absence de hauts-fonds littoraux.
Bibliographie

Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,


Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc. musée
Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 109-189.

93 - GHAR ED DHEBA
Mahdia 1:50 000, x : 602,330 - y : 232,340.

A l'entrée des catacombes (« souterrain », sur la


carte Mahdia 1:50 000), traces de fours de potiers sur
une nécropole antique.
Deux ensembles peuvent être distingués : l'un en
bordure de mer, l'autre vers les catacombes. Ces deux
ensembles semblent avoir produit des amphores
africaines I et II (notamment II A « con gradino ») et Keay
XXV. 1, de la fin du IIe jusqu'au IVe s. : déchets de
cuisson, cendres, briques de fours. Ces ateliers ont été
prospectés en détail par MM. Peacock, Bejaoui et Ben
Lazreg en 1984-85.

Bibliographie

Peacock (D.P.S.), Bejaoui (F.) et Ben Lazreg (N.),


1989, Roman amphora production in the Sahel
region of Tunisia, dans Amphores romaines et
histoire économique (Actes du colloque de Sienne,
22-24 mai 1986), Rome, p. 180-222.

Fig. 104. Site 94. Salakta plan de situation.


:

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


146 Catalogue des sites

Du Sud au Nord, les vestiges les plus


remarquables sont d'abord des alignements de murs submergés
qui peuvent se suivre en mer jusqu'à plus de vingt
mètres du trait de côte. Puis, de part et d'autre de la
racine d'un ancien môle, se remarquent un groupe de
cuves ou de citernes démantelées par la mer. Celui du
Nord, à 300 m environ du musée, semble être le
prolongement de l'usine de salaison mise au jour de
l'autre côté de la route. Sur la terre ferme, un ancien
rempart, construit en moellons avec renforts de
pierres de taille, enveloppait ce secteur de côte, face
à l'ancien môle (fig. 104). Il a été identifié à l'enceinte
urbaine réduite de l'époque byzantine (Hannezo
1890), et plus récemment à un kasr-ribàt aghlabide
(Djelloul 1988, p. 541).
Le niveau de la mer s'est notablement relevé à
Salakta depuis l'antiquité comme le montrent les
structures submergées mentionnées ci-dessus. Il s'agit
d'un grand mur courbe long de 30 m (larg. : 1,80 m)
qui s'écarte d'une dizaine de mètres du rivage, puis, à
35 m plus au Nord, d'un double mur en retour
d'équerre dont l'arase régulière est faite en blocage
(fig. 105). L'angle de cette structure se trouve
aujourd'hui à 18 m en mer, submergé sous environ
0,80 m d'eau à marée haute de vives-eaux, le marnage
étant alors d'environ 0,60 m. Fig. 105. Site 94. Salakta sud murs submergés.

:
Le môle du port antique, fait de blocage bétonné,
dont le départ est encore bien visible par mer basse
en cours de démantèlement par les vagues : d'abord un
(long. : 20 m ; larg. : 8,70 m), est attesté par des
vestiges submergés qui ont été repérés sur une ensemble de 5 citernes, dont la première, au Sud, est
parallèle au rivage et les 4 autres perpendiculaires.
longueur de 260 m à l'intérieur des eaux (fig. 106).
Largeur de la citerne sud : 2,65 m ; ouverture 0,67 m ;
L'exploration des fonds marins a aussi permis de :
hauteur sous la voûte : 1,35 m. A 15 m plus au Nord,
trouver, à quelques dizaines de mètres du rivage
on distingue un autre groupe de 4 citernes présentant
actuel, au droit de la structure murale en équerre
entre elles des communications qui ont été obstruées.
signalée plus haut, de gros blocs de calcaire bien
Long, conservée : 3,35 m ; larg. : 2,15 m. Toutes ces
équarris, des fûts de colonnes, des voussoirs et
installations, visibles en contre-bas de la route côtière,
d'autres éléments de décor architectural dont
portent la marque d'une érosion marine active. Elles
l'homogénéité apparente plaiderait en faveur d'un édifice à
témoignent de l'importance des activités industrielles et
portiques, effondré sur place et submergé.
portuaires de Sullecthum.
A 50 m environ au Sud du môle, s'observe un
premier groupe de citernes ou de cuves, comportant
une évacuation voûtée (larg. : 55 cm ; dimensions CERAMIQUE
d'une citerne : 5 x 3,70 m). A 12 m plus au Nord, on
peut voir une évacuation creusée dans le roc (larg. : La prospection sur l'estran entre la digue et le
30 cm). A 12 m au Sud du môle, on retrouve des traces portique immergé donne un assemblage de
de structures bâties sur un brasier de Rejiche. Au nord céramiques principalement tardif : sigillée africaine D Hayes
du môle jusqu'à l'aplomb de l'usine de salaison, 50, 90, 91D, 104, amphores africaines et orientales
s'échelonnent plusieurs groupes de citernes bien visibles et Carthage LRA 1.

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Sahel et Cap Bon 147

spatheia, Keay XLI C (fig. [19]) et orientales Carthage


LRA 1 et 2 (fig. [20], n° 281-282). Les cols de LRA, au
nombre de six, présentent le même type de
concrétions et pourraient provenir d'une épave byzantine du
VIe s. en provenance des côtes de Cilicie.

Bibliographie

Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la


Régence de Tunis, 1, Paris, p. 147.
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 179.
Hannezo (G.), 1890, BCTH, p. 445 ; 1891, RSAC, p. 284.
Foucher (L.), 1970, Note sur l'industrie et le
commerce des salsamenta et du garum, dans
Actes du 93e Congrès Nat. des Soc. Sav. (Tours
1968), Paris, p. 17-21.

95 -RASS SALAKTA
Mahdia 1:50 000, x : 604,25 - y : 233,00.

Le Cap Salakta où se trouve une nécropole antique


est constitué par un grès calcaire pliocène qui a été
arasé par la mer lors de la transgression du dernier
interglaciaire. Immédiatement au Nord du cap,
affleurement des dépôts gréseux coquilliers de la formation
Rejiche dans lesquels les vagues de tempête délogent
des blocs qu'isolent des lignes de fracture
orthogonales, donnant l'impression fallacieuse d'une
extraction par l'homme. Les vagues peuvent atteindre la
nécropole que l'on essaye de protéger de l'érosion
0 10m marine par un mur bas.
J.L I
Les tombes maçonnées à cupule, situées au Nord
Fig. 106. Site 94. Salakta sud vestiges de la jetée. du musée, ont fait l'objet d'une étude récente, en
cours de publication.
:

Ce contexte vie-viie s. se retrouve dans les champs 96 - MNAKA SUD


occupant aujourd'hui l'intérieur de la citadelle Mahdia 1:50 000, x : 603,65 - y : 235,00.
byzantine : sigillée africaine D Hayes 90 et 105,
culinaire africaine dérivée de Hayes 23 (fig. [10], n° 114, Les ruines importantes d'un établissement thermal
116), amphores africaines Keay LXII (fig. [14], n° 179- bien conservé apparaissent sur l'estran sableux, en
181). avant de la dune bordière actuelle. Les bâtiments
Enfin, une plongée effectuée dans la baie en 1992 antiques ont été construits sur un substratum de sables
a permis de rassembler une petite collection de cols éoliens de couleur ocre jaune, d'âge holocène. Ce site
d'amphores : africaines I A, II A « con gradino », II C, montre un recul évident du rivage depuis l'antiquité.

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148 Catalogue des sites

Fig. 107. Site 96. Mnaka sud vestiges de thermes.


:

à 15m du niveau
marée haute

Fig. 108. Site 96. Mnaka sud : relevé des thermes.

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Sahel et Cap Bon 149

L'établissement comportait plusieurs salles où se


reconnaissent des piscines (fig. 107 et 108). Les murs
sont recouverts d'enduit de tuileau et ont conservé par
endroit des éléments de mosaïque. Du Nord au Sud,
on distingue
:

1) Une salle octogonale prolongée vers l'Ouest par


une piscine en forme d'abside, à banquette mosaï- Mr,
quée. La construction est en moellons renforcés de
chaînages en pierres de taille aux angles. Fig. 109. Site 97. Mnaka nord.
2) Une salle se terminant en abside vers l'Est et 1. Grès de la formation Rejiche ; 2. Limons sableux de la
comportant une évacuation à l'Ouest construite avec dernière époque pluviale ; 3. Couche archéologique ;
des éléments en remploi où on remarque des 4. Nebkha ; 5. Plage ; 6. Restes de citerne antique.
fragments de mosaïque. Cette salle s'inscrit elle-même à
mer les a mis au jour et, parce qu'ils constituaient un
l'intérieur d'une construction plus vaste, ménageant
grand ensemble maçonné reposant sur un substrat
peut-être une galerie de service.
meuble, ils se sont affaissés sur place au fur et à
3) Une autre salle avec piscine en arrondi vers l'Est
mesure qu'ils étaient dégagés. Ils ont fini par se
flanquait la précédente. Elle présentait une arrivée de
trouver au niveau de la plage, encore relativement
chauffage à l'angle sud-est.
bien conservés, en contrebas de leur position
A 15 m plus au Sud, vestiges d'un mur de 18 m de
primitive. Ces vestiges de citerne témoignent seulement
long, constitué en alternance de piliers en grand
d'un recul de la côte, et non d'un relèvement du
appareil et de moellons. Il s'agit peut-être d'une
niveau de la mer, comme une observation rapide
structure de soutènement.
pourrait fallacieusement le suggérer.

CERAMIQUE
Céramique
Très peu de matériel : un fragment de sigillée
Le mobilier, peu abondant, date de l'époque
africaine A Hayes 27.
romaine : vaisselle culinaire africaine Hayes 196.

97 - MNAKA NORD
98 - DOUIRA SUD
Mahdia 1:50 000, x 603,55 - y 235,50.
Mahdia 1:50 000, x 603,50 - y : 235,95.
:

Une plage de sable gris, large d'une quinzaine de


Des ruines antiques indéterminées - des
mètres, précédée de rochers (grès de formation
substructions en petits moellons - s'observent sur 15 m de
Rejiche) à fleur d'eau, s'appuie sur une falaise vive,
longueur. Couvertes par un voile de sables éoliens,
haute de 2,50 m. Des vestiges archéologiques, en
elles sont à présent déchaussées par l'érosion marine.
particulier des blocs taillés, se remarquent dans la
Elles reposent sur des colluvions wùrmiennes.
partie supérieure de l'escarpement dont la base est
L'ensemble forme une petite falaise vive qui ne
constituée par des limons sableux colluviaux, de
dépasse guère 2 m de hauteur. Le substratum rocheux
couleur ocre rose, contenant des concrétions calcaires
qui affleure sur le bas de l'estran est constitué par un
et des coquilles d'Hélix. Ces limons sont d'âge
platier de grès de la formation Rejiche.
wùrmien. La couche archéologique a une épaisseur
de l'ordre du mètre. Elle est recouverte de dunes
embryonnaires du type nebkha (fig. 109). CERAMIQUE
Sur la plage gisent les restes d'une citerne antique
qui étaient initialement situés plus haut, dans la Contexte de l'Antiquité tardive (ve-vie s.) : sigillée
couche archéologique de la falaise. L'érosion de la africaine D Hayes 61B, 64, 67, 91, 99, lampes en

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150 Catalogue des sites

sigillée africaine Atlante X, amphores africaines Keay terrain fait de matériel archéologique et à peine
LXIIQ. entamé par la mer.
Le site a été récemment protégé par des bornes
contre les extractions de sable.
99 - DOUIRA NORD
Mahdia 1:50 000, x : 603,50 - y : 236,40.
101 - SIDI BEN GHAYADA
A l'arrière d'un platier de grès de la formation Mahdia 1:50 000, x : 604,65 - y : 243,00.
Rejiche, une falaise vive d'environ 1,75 m de hauteur
fait apparaître, dans sa partie supérieure, un niveau En bordure de mer, le plancher d'une carrière est
archéologique d'1 m d'épaisseur, dans lequel se partiellement submergé de façon permanente. La pierre
remarquent des fondations de murs, sols d'occupation était extraite à la pointe sud d'un petit cap qui
et surtout un très vaste dépotoir de céramique (épan- correspond à un affleurement de grès dunaire (éolianite),
dage sur la grève). rapporté à la formation Sidi Salem d'âge holocène.
A la base de la falaise affleurent des colluvions Au sommet du tertre attaqué par la mer, dans un
argilo-sableuses wiirmiennes, de couleur rouge. cimetière qui entoure le marabout, on aperçoit la
cavité d'une grande citerne ou d'un bassin aux angles
arrondis et reconnaissable à son enduit. Au sud du
CERAMIQUE
tertre, entre la carrière et la citerne, traces de
Dans le dépotoir, succession de couches constructions avec blocs épars.
cendreuses, parfois entrecoupées de poches de
remblai terreux rouge, contenant un très abondant
CERAMIQUE
matériel du Ve au vne s. : sigillée africaine de type D
Hayes 50B (fig. [51, n° 34), 6lB, 105, et de type E Quelques tessons de céramiques byzantines et
Hayes 68 (fig. [7], n° 56, 59-61), amphores africaines islamiques : sigillée africaine D Hayes 105/106
Keay LXI A (fig. [14], n° 185), LXI C (fig. [14], n° 182- (fig. [6], n° 51), col de gargoulette à filtre.
183). Cette couche tardive repose à même le rocher
mais on trouve quelques fragments de sigillée
italique (fig. [4], n° 12) au bord de la route, en Bibliographie
surface.
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
Tyrrhénien, Lyon, 192 p. (Collection de la Maison
100 - REJICHE
de l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et
Mahdia 1:50 000, x : 603,60 - y : 239,05.
Préhist., 2).
Sur une plage de sable, le site correspond à
l'emplacement d'une mosaïque qui a été mise au jour
par une tempête en 1988 et qui a été depuis déposée 102 - MAHDIA PORT ANCIEN
et transférée au musée d'El Jem, où elle est en cours Mahdia 1:50 000, x : 606,90 - y : 245,60.
de restauration : c'est une mosaïque à motifs
géométriques avec vases et fleurs dans les angles. Il y avait Du rempart fatimide qui protégeait la ville sur le
donc à cet emplacement une maison dont ne subsiste front de mer et a été détruit par les Espagnols, ne
plus actuellement que quelques traces très indistinctes subsistent, dans le secteur du port, que quelques
de fondations de murs. La mosaïque reposait sur un témoins et surtout la tranchée de fondation creusée
simple placage de colluvions wiirmiennes qui dans un large affleurement de grès calcaire du
recouvrent un affleurement de grès de la formation Rejiche. Pliocène supérieur et submergée par endroits. Largeur de
A l'arrière de la plage, on remarque un petit dos de la tranchée : 1,75 m.

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 151

Dans les témoins du mur, on remarque des blocs Bibliographie


de grandes dimensions qui sont des remplois de
matériaux antiques (1,12 m de long ; 0,48 m pour Lezine (A.), 1964, Architecture romaine d'Afrique.
l'un d'eux) ; il en est de même pour les colonnes de Recherche et mise au point, Tunis, PUF, 159 p.
marbre, visibles à la base de la tour qui gardait au Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
Sud l'entrée du port. Sur l'autre rive, on voit la Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ.
tranchée de fondation d'une autre tour qui complétait le Fac. Soc. Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34,
dispositif. p. 166-173.
En arrière du mur se remarquent des cavités,
parfois encore enduites de tuileau et correspondant à
des cuves ou citernes d'époque musulmane, dont on
voit les élévations dans la coupe de terrain qui sépare 103 - MAHDIA NECROPOLE
la mer de la forteresse turque (sur le terrain Moknine 1:50 000, x 607,10 - y 245,95.

:
aujourd'hui occupé par la nécropole de la ville).
Des canalisations creusées elles aussi dans le roc A proximité de l'extrémité du Cap Afrique, de
et dont certaines sont recoupées par des citernes très nombreuses tombes d'époque punique (Ben
traversent la tranchée de fondation du mur, ce qui Younès 1981), et non musulmane comme l'avait
suggère l'existence de buses aménagées dans le indiqué Lézine (1964), ont été creusées dans du
rempart. grès calcaire jaunâtre du Pliocène supérieur (larg.

:
Le matériel recueilli dans la coupe n'est pas 0,40 m ; orientation : Est/Ouest). Certaines d'entre
antérieur à la période islamique : aucun tesson ne paraît elles se situent dans l'étage supralittoral où leur
pouvoir être attribué à l'antiquité, en l'absence de aspect originel a été défiguré par des formes de
formes caractéristiques. corrosion, en particulier des mares dues à l'eau
Quant au port ancien, aujourd'hui en partie projetée par des paquets de mer. Mais, d'autres se
ensablé, il a été taillé dans le grès Pliocène à une rencontrent dans l'étage intertidal, voire même
époque qui pourrait être antérieure à celle des Fati- infralittoral. Les parois qui les séparent sont rongées
mides si l'on prend en considération le par la mer et, dans certains cas, finissent par être
développement de l'encoche de corrosion sur les parois détruites. Comme il est tout à fait exclu que des
rocheuses du bassin (125 x 62,50 m), en particulier inhumations aient pu être pratiquées dans des
celle du Sud. La hauteur de cette encoche peut sépultures soumises, comme c'est le cas
atteindre 0,60 m et sa profondeur, qui diminue vers aujourd'hui, à une submersion, même partielle, le
l'intérieur du bassin, va de 1,10 à 0,40 m (Oueslati site montre clairement que le niveau de la mer s'est
1993a, p. 166). Compte tenu de la vitesse connue de relevé d'au moins quelques dizaines de centimètres
la corrosion marine sur ce type de roche, il apparaît depuis l'époque punique.
que le port est bien antique, très probablement Sur le platier où se trouvent les tombes se
punique, comme le porte à croire également sa nature remarquent également des excavations diverses
:

du type cothon, et non pas d'époque fatimide comme silos et carrières dont certaines recoupent les
il a été soutenu le plus souvent. tombes. Elles-mêmes sont comblées par la
Par ailleurs, on constate que ce port artificiel fondation du mur, ce qui indique une chronologie
comportait à l'origine, outre son entrée principale au relative pour ces cavités postérieures aux tombes
Sud, une autre communication avec la mer, au Nord, puniques et antérieures au rempart fatimide. En
pour assurer le renouvellement de l'eau et éviter revanche, une canalisation creusée dans le roc et
l'envasement. Celle-ci a été obstruée plus tard par la passant sous la fondation du rempart n'est pas
construction d'un mur à redent. Un mur plus ancien - comblée par celle-ci, ce qui confirme
sans doute le rempart fatimide - qui comportait des l'interprétation de ces drains, proposée dans la notice
tours est visible en négatif sur le bord de la mer et sa précédente.
fondation recoupait elle-même, à l'aval du mur à Le site ne présente pas de céramique antérieure à
redent, le canal en question. l'époque islamique.

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


152 Catalogue des sites

Bibliographie faites encore en 1979 : il s'avançait alors en mer sur


quelques 130 m. Sur sa face nord, il montrait des
Lezine (A.), 1964, Architecture romaine d'Afrique. affouillements qui provoquaient des fissurations et
Recherche et mise au point, Tunis, PUF, 159 p. des chutes de pans de blocage. Des observations
Ben Younes (H.), 1981, La présence punique au Sahel sous-marines dues à Dallas et à Yorke (1968) ont
d'après les données littéraires et archéologiques, montré que cette construction se prolonge en mer
Diplôme de Recherches approfondies, Univ. « sur 850 m en s'étirant en arc de cercle. Sa largeur
Tunis, 620 p. peut atteindre 80 m et elle est recouverte par 4 à 6 m
d'eau ». A 125 m de son extrémité, de très gros blocs
taillés jonchent le fond de la mer sur une surface de
60 x 80 m. Ce sont les restes d'un phare.
104 - EL HAFSI - NEYRET
En 1979 (cf. fig. 29), la partie du site archéologique
Moknine 1:50 000, x : 603,30 - y : 247,70.
située au Sud du môle ne montrait aucune attaque par
la mer. Elle était protégée par une plage de sable. Celle-
A l'arrière d'une plage de sable, large d'environ
ci a engraissé depuis la construction du port dont l'effet
25 m, l'érosion de la mer donne, sur 1 m de hauteur,
une coupe dans les colluvions rouges sablo-limo- est d'arrêter la dérive littorale qui vient du Sud. Au-delà
du port, en allant vers l'île de Dzira, existe une petite
neuses qui peuvent emballer du cailloutis. Elles sont
falaise de 1,50 m de hauteur, taillée exclusivement
d'âge historique car elles contiennent des fragments
dans une couche archéologique ou dans des dépôts
de poterie antique tardive. Ces colluvions constituent
colluviaux d'âge historique (Paskoff et Oueslati 1982).
le produit d'une crise érosive qui a marqué la fin de
Des traces de murs sont parfois observables au bord de
l'antiquité ou les débuts du Moyen Age. Au-dessus
l'eau, mais des accumulations épaisses de posidonies
d'elles, sur environ 1 m, des sables éoliens montrent
peuvent gêner leur étude. L'érosion marine est ici
une très légère cohérence. Ils sont coiffés à leur tour
évidente, mais elle reste discrète.
par des sables gris apportés actuellement de la plage
Presqu'en face de l'île de Dzira, se remarque une
par le vent.
structure en blocage récemment dégagée par la mer
Ce site donne un très bon exemple d'un littoral en
sous un matelas de posidonies qui la recouvrait ;
recul où la plage, bordée à l'arrière par des terrains
d'après des recherches récentes, c'est dans ce secteur
meubles, maintient sa largeur. Elle la perdrait si l'on
que se trouvait le port primitif (Younes 1999, p. 183).
s'avisait d'essayer de stabiliser le rivage en
construisant un mur de défense contre la mer.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
L'observation de la coupe de terrain au Nord du
Une poche cendreuse dans la falaise livre un petit Rass Dimass livre différents contextes de l'époque
ensemble de céramiques tardives : sigillée africaine D punique à l'époque islamique : amphores puniques
Hayes 50, lampe en sigillée africaine Atlante VIII, Mafia C2B, amphores gréco-italiques, amphore italique
vaisselle culinaire Hayes 182 et 196. Un peson de filet de Lamboglia 2 avec marque MEN/ (?) (fig. [12], n° 142),
pêche. sigillée africaine D Hayes 99 et 105, amphores
africaines cylindriques de grandes dimensions, vaisselle
glaçurée islamique. Un hameçon en bronze.
105 - THAPSUS - RASS DIMASS
Moknine 1:50 000, x : 604,00 - y : 258,80. Bibliographie

Le site a malheureusement été largement Lezine (A.), 1961, Architecture punique, Recueil de
défiguré par la construction d'un port de pêche qui a fait documents, Paris, PUF, p. 143-150.
disparaître la partie encore visible du môle romain Yorke (R.), 1967, Les ports engloutis de Tripolitaine et
décrit par Lézine. Des observations avaient pu y être de Tunisie, Achéologia, p. 23-24.

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Sahel et Cap Bon 153

Paskoff (R.) et Oueslati (A.), 1982, Observations sur CERAMIQUE


les flèches sableuses à pointe libre de la côte
orientale de la Tunisie, Revue Tunisienne Le matériel date essentiellement de l'Antiquité
Géographie, 9, p. 89-102. tardive : sigillée africaine D Hayes 103, 104, 105,
Younes (A.), 1999, L'installation portuaire à Thapus : 106, amphores africaines et orientales Carthage
mise au point à partir des textes anciens et de la LRA 1.
documentation archéologique, dans La
Méditerranée : l'Homme et la mer, Tunis, CERES,
p. 181-193.
108 - PORT SOUKRINE EST
Moknine 1:50 000, x : 590,25 - y 263,80.

:
106 - ECH CHOTT
Moknine 1:50 000, x : 600,65 - y : 276,10. Une falaise de 2,70 m de haut montre à sa base,
sur 1,40 m, des colluvions limono-argileuses
Le site archéologique est situé en bordure de la rougeâtres à Helix, probablement wùrmiennes. Elles
piste. Il correspond à une falaise, d'environ 2 m de sont surmontées par d'autres colluvions qui, elles,
dénivellation, en cours de recul. Sur 1,50 m de hauteur sont d'âge historique. Elles contiennent, surtout
apparaissent des colluvions sablo-limoneuses rouges dans leur partie inférieure, du matériel
qui contiennent des tessons de poterie (indéterminée). archéologique, des morceaux de moellons et des tessons, en
La fondation d'un mur antique et une sélection de sols particulier des fragments d'une amphore du VIe s.
sont visibles en coupe au-dessus des colluvions, ainsi ap. J.-C. De la terre rapportée (tabia) couronne
que le fond en béton de tuileau d'une citerne, garni aux l'escarpement.
angles d'un solin d'étanchéité et en partie basculé sur
le rivage. La falaise présente dans sa partie supérieure
CERAMIQUE
une couche archéologique de 0,50 m d'épaisseur qui
contient des tessons de céramique tardive. Dans la coupe au Sud du port : amphores
africaines Keay LXII (fig. [14], n° 177).
CERAMIQUE

Contexte de l'Antiquité tardive : sigillée africaine


D Hayes 88.
109 - SAYADA EST
Moknine 1:50 000, x : 596,70 - y : 262,10.
107-RASELAIN Une petite falaise de 1 m de haut (2 m si l'on y
Moknine 1:50 000, x : 597,50 - y 262,05.
ajoute la terre rapportée d'une tabia) est taillée par
:

la mer dans des colluvions sablo-limoneuses qui


Au-dessus d'un estran constitué par un grès emballent des concrétions calcaires et des fragments
coquillier (formation Rejiche), un épandage de de poterie. En avant de la falaise gît sur l'estran un
colluvions contenant des tessons de poterie antique, épais
bloc taillé dans un grès de la formation Rejiche.
de 0,50 m, est taillé par la mer. Des traces de
Deux autres blocs ont été remployés sur le bord de
constructions, détruites par les vagues, sont visibles sur l'estran
la piste.
parmi lesquelles se reconnaissent les vestiges d'une
canalisation d'orientation Nord-Est (larg. 55 cm ;
:

conduit intérieur : 20 cm) visible sur 2,50 m de CERAMIQUE


longueur. Ce caniveau devait assurer la vidange d'une
citerne dont la fondation se retrouve à une dizaine de Dans le colluvionnement historique : 1 fond
mètres en retrait de la plage. Sur celle-ci, à 75 m au d'amphore africaine cylindrique de grandes
Nord-Est, petit massif de maçonnerie en blocage. dimensions (ve ou VIe s.).

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154 Catalogue des sites

110 - LAMTA (LEPTIMINUS)


Moknine 1:50 000, x : 588,00 - y : 265,15.

Le site archéologique est bordé par la mer sur une


distance supérieure à 1000 m, entre l'embouchure de
l'oued Krezem et les premières maisons du village.
L'énergie des vagues est ici très réduite car la houle
s'amortit considérablement, d'abord sur les hauts-fonds
qui portent les îles Kuriates, ensuite sur les faibles
profondeurs littorales (l'isobathe -5 m se situe à 2 km
du rivage). Pourtant les indices d'érosion par la mer
peuvent être observés. Par endroits, une micro-falaise,
inférieure à 0,50 m de hauteur, est taillée dans du
matériel archéologique. A 500 m environ au Nord-Ouest du
ribàt, se remarquent des sols portant des mosaïques ou
faits de béton de tuileau, qui ont été dégagés par les
vagues ; il est possible de voir que les fondations des
constructions auxquelles ils appartiennent se trouvent
aujourd'hui sous le niveau de la mer. Près du petit
musée archéologique (fig. 110), des fondations de
murs en moellons assez régulièrement assises se
suivent sur 150 m en bordure de mer selon deux
alignements parallèles, l'un au Nord, visible sur 20 m
de longueur (du côté de la mer), l'autre, au Sud et plus
en retrait, bien conservé sur 60 m. Ces deux sections
sont distantes entre elles de 80 m et leur espacement
est de 5 m, ce qui pourrait faire penser à une rue. Il Fig. 110. Site 110. Lamta (Leptiminus) :
s'agit vraisemblablement des vestiges de quais signalés mur en bord de mer.
dans les descriptions anciennes du site (AAT, f VII,
Lepti Minus, n° 16). En réalité, ces constructions non
identifiables pourraient être des entrepôts portuaires.
Des prospections sous-marines, conduites vent les vestiges d'une grande citerne reconnaissable à
séparément dans les années soixante par une équipe anglaise son enduit étanche (larg. : 3,50 m ; long. : plus de
et une équipe italienne, ont permis la découverte à 20 m ; fig. 111).
Lamta d'une jetée orientée vers l'Est, longue d'au moins
500 m et large de 15 m, aujourd'hui entièrement
CERAMIQUE
submergée. Elle est constituée d'un remplissage de
moellons cimentés, délimité de chaque côté par un Matériel Ier- vne s., avec prédominance de
parement fait de blocs taillés dont il peut subsister deux
céramiques tardives sigillée africaine D Hayes 67, 99, 105,
assises. A son extrémité la jetée s'élargit pour former
:

amphores africaines Keay LXI/LXII, amphores


une plate-forme ronde en blocage qui portait peut-être
orientales Carthage LRA 1 et 2.
un phare. Des orifices dans lesquels s'encastraient
probablement des poteaux servant à l'amarrage des
bateaux ont été repérés sous 0,50 m d'eau, ce qui Bibliographie
donne la valeur minimale du relèvement du niveau de
la mer depuis l'époque romaine. Ben Lazreg (N.) et Mattingly (D.), 1992, Leptiminus
Non loin du débouché de l'oued et de (Lamta), a Roman port city in Tunisia, Report n ° 1,
l'emplacement présumé de la racine de la jetée antique se trou- Ann Arbor, JRA Suppl., 4, p. 40, carte p. 113.

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Sahel et Cap Bon 155

à 27m structures attaquées par la mer


murs + traces enduit tuileau )

Fig. 111. Site 110. Lamta (Leptiminus) : vestiges de cuve.

111 - MANSOURAH EST CERAMIQUE


Moknine 1:50 000, x : 587,05 - y : 265,10.
Sur l'estran, nombreux fragments d'amphores
Une falaise vive, d'environ 2 m de hauteur, est africaines Keay LXI/LXII.
constituée à la base des argiles à Helix, probablement
wiirmiennes. La partie supérieure correspond à un
niveau archéologique qui semble avoir été bouleversé 112 - MANSOURAH OUEST
à l'occasion de la construction de la tabia qui se Moknine 1:50 000, x : 586,40 - y : 265,40.
remarque au sommet de la falaise.
Dans les champs en arrière de la falaise, groupe de Le recul d'une falaise, haute de 1,50 à 2 m,
deux citernes accolées de 4 m de largeur et 7 de montrant sur des colluvions wiirmiennes une couche
longueur conservée ; une troisième citerne, plus archéologique d'environ 1 m d'épaisseur, a fait
petite, se trouve dans le prolongement de la citerne apparaître un grand ensemble de ruines en bordure de
ouest, mieux conservée. A côté, des ruines éparses en mer : à l'Ouest, des jarres funéraires ont été exhumées
blocage et grand appareil indiquent la présence par l'érosion ; au pied de la falaise un groupe de
possible d'un établissement rural. Près de citernes ou de cuves a été dégagé, dont ne subsistent
l'embouchure de l'oued, un alignement de mur en gros blocs que des fonds avec des enduits assez grossiers
érodés où se remarquent des traces d'enduit. reposant sur un hérisson de moellons : une petite cuve est

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


156 Catalogue des sites

encore bien reconnaissable. A l'Est, sur l'estran, on d'eau d'une trentaine de centimètres à marée haute
remarque une structure de forme circulaire constituée moyenne, au-dessus du rebord de ces cuves, indique
de 5 blocs taillés en place (diam. 1,65 m). Il peut s'agir la valeur minimale du relèvement du niveau de la mer
d'un puits ou d'un fond de silo. depuis l'époque romaine pendant laquelle les viviers
ont été très vraisemblablement aménagés.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
Aux abords des structures dégagées par le recul de
la falaise, mobilier tardif sigillée africaine D Hayes 93 Quelques tessons atypiques dans la vase.
:

et 103- Les amphores de la nécropole appartiennent


au type africain cylindrique de moyennes dimensions
(ive et première moitié Ve s.).
114 - GRANDE KURIATE
Moknine 1:50 000, x 602,95 - y : 278,85.

:
113 - SIDI MANSOUR Sur le platier littoral de grès du Pliocène supérieur,
Sousse 1:50 000, x 583,00 - y 274,95. au Nord-Est de l'île (Dmagh el Kaouaf), parmi les
:

mares à encorbellement dues à la corrosion par l'eau


Sept cuves ont été taillées dans un grès jaunâtre du de mer, on remarque une excavation de 6 x 6 m
Pliocène supérieur et avaient, selon toute apparence, creusée dans la roche et qui pourrait être une carrière
la fonction de viviers (fig. 36, 112 et 162). La tranche antique. Un autre front de taille se trouve à une tren-

Fig. 112. Site 113. Sidi Mansour les viviers.


:

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Sahel et Cap Bon 157

taine de mètres à l'intérieur. A une centaine de mètres 116-ELGHEDAMSI


plus au Nord a été creusée une rigole d'écoulement Sousse 1:50 000, x : 584,25 - y : 276,50.
de 25 m de longueur qui correspond à l'évacuation
d'une citerne à l'intérieur (fragments de tuileau et Près de la Tonnara, sur la rive nord-ouest de l'île,
d'enduit peint, murs en place de 0,60 m de largeur). on remarque dans la falaise l'emplacement d'une
Le caractère antique du canal est attesté par la carrière antique, creusée dans un grès calcaire
profondeur des encoches latérales qu'on y remarque - dues jaunâtre du Pliocène supérieur (cf. fig. 28). Des mares
à la corrosion - et qui peut atteindre 40 cm. de corrosion se sont largement développées sur ce
qui reste du plancher. Une autre carrière plus grande,
avec des traces de saignées d'extraction encore
CERAMIQUE apparentes, avait été ouverte en arrière et au-dessus de la
précédente, dans l'escarpement qui domine la rive
Sur la plage, depuis l'embarcadère jusqu'à Dmagh occidentale. D'autres emplacements de carrières
el Kaouaf, large amoncellement de tessons de toutes anciennes sont visibles sur la rive opposée de l'île, du
époques confondues - y compris l'époque actuelle -
côté est, plus près du continent.
très érodés céramique attique (anse de kylix), A l'extrémité nord de l'île, se remarquaient en
:

amphores puniques, céramique campanienne, sigillée 1988 les vestiges de deux tours rondes, qui
africaine D, amphores africaines I, Keay XXXVB, LXI/ paraissaient être d'époque islamique. Des recherches
LXII archéologiques récentes de l'INP ont effectivement
A Dmagh el Kaouaf, large amoncellement de confirmé l'existence en cet endroit d'un ribàt. Près des
tessons de toutes époques formant un petit tell sur fondations d'une de ces tours, au sud-ouest du ribàt,
200 m, à proximité de la carrière. On relève en les fouilles ont permis de mettre au jour une mosaïque
particulier un contexte punique : vaisselle campanienne A, d'époque romaine à décor géométrique.
amphores puniques Cintas 312-313, 315, Ben Younès
Sahel type 1, unguentarium du IIe s. av. J.-C, ainsi
qu'un contexte tardif sigillée africaine D, lampes en CERAMIQUE
:

sigillée africaine, amphores africaines Keay XXXV B.


Dans une encoche de carrière remblayée,
céramique romaine : sigillée africaine A et amphore
africaine. Aux abords du secteur fouillé, céramique
115-ALSHRIR glaçurée d'époque islamique.
Moknine 1:50 000, x : 599,50 - y : 274,65.

Le site de la thonaire correspond à une 117 - SEBKHA SKANES


plateforme d'abrasion taillée dans un grès jaunâtre du
Sousse 1:50 000, x 579,50 - y : 274,75.
Pliocène supérieur par la mer pendant le dernier
:

interglaciaire. Des dépôts grésifiés de la formation Rejiche Ce site correspond au n° 95 de l'Atlas


s'observent sur la côte nord-est de l'île. Des formes de archéologique (Sousse) : « Ruines qui paraissent être celles
corrosion, essentiellement des mares à d'un pont ». Des structures basculées en blocage
encorbellement, se développent sur la plate-forme dans l'étage révèlent effectivement la présence, dans la sebkha au sud
médiolittoral. de la voie ferrée, d'un pont ancien. Mais celui-ci est
Sur le petit cap voisin de la thonaire, on voit des
probablement d'époque très tardive (moellons posés
blocs en très grand appareil. en délit ; mortier friable).
Au Sud et à proximité immédiate de ces structures,
CERAMIQUE la partie supérieure d'un dépôt archéologique
(tessons de céramique tardive, petite pièce de
Très peu de matériel quelques tessons monnaie, morceau de roche métamorphique
d'amphores. désagrégée par haloclastie) affleure sur environ 1 m2, légè-

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


158 Catalogue des sites

rement au-dessus du fond de la sebkha, constitué par bourrelet sableux allongé qui correspond à une
des sédiments limono-sableux salés. Des sondages ancienne dune, édifiée en arrière de la plage et de la
peu profonds montrent que le dépôt archéologique se dune bordière actuelle. Le rivage se situe à une
poursuit sous ces sédiments. centaine de mètres en avant du bourrelet. Une
Il est clair que, lors de l'occupation du site, tranchée ouverte pour dégager une amphore tardo-
l'environnement naturel n'était pas celui d'une sebkha, rhodienne (Rhodienne 8) (fig. [12], n° 143) trouvée sur
milieu salé et inondé une grande partie de l'année. Un ce site a fait apparaître la stratigraphie suivante,
relèvement de la nappe phréatique est intervenu décrite de haut en bas :
depuis l'antiquité, probablement lié à une élévation du - 0-50 cm : terre bouleversée et rapportée en
niveau de la mer. La sebkha de Skanès se situe sur le liaison avec la construction d'une tabia.
bloc abaissé limité par la faille active de Skanès-Khniss - 50-80 cm : couche archéologique noirâtre à
et la poursuite de la subsidence de ce bloc pendant fragments de céramique du IIe s. ap. J.-C. ; un sol
l'époque historique est vraisemblable car la faille a joué d'occupation ancienne, plus tassé avec charbons, se
depuis l'époque romaine. A Henchir Tennir, à peu près remarque dans cette couche à 60 cm au-dessous de la
à mi-chemin entre Skanès et Kniss, une mosaïque datée surface du sol actuel.
du IIe s. ap. J.-C. est en effet affectée par cet accident. - 80-100 cm : niveau sableux affecté par un début
d'évolution pédologique (teinte marron clair).
- à partir de 100 cm, observable sur environ 1 m
CERAMIQUE d'épaisseur, un dépôt de sables éoliens fins, à grains
luisants, parfois émoussés ; la base du dépôt n'a pas
Divers fragments d'amphores. Un fragment de
été vue.
sigillée africaine C Hayes 72 (très érodé par le sel) :
C'est dans ce dépôt de sables éoliens que
Antiquité tardive.
l'amphore a été trouvée, à 2,20 m de profondeur. On
peut penser qu'elle a été abandonnée sur une dune
Bibliographie littorale et qu'elle a été recouverte par des sables
apportés de la plage. Cette dune s'est ensuite
Saladin (H.), 1886, Description des antiquités de la stabilisée lorsqu'une nouvelle dune s'est formée en avant
Régence de Tunis : monuments antérieurs à la d'elle, en liaison sans doute avec une avancée de la
conquête arabe, 1. Rapport sur la mission faite en ligne de rivage due à un engraissement de la plage.
1882-1883, Paris, Impr. Nationale, p. 5. C'est sur la dune fixée et déjà pédogénisée qu'un
Kamoun (Y), Sorel (D.), Viguier (C.) et Ben Ayed établissement humain a été aménagé à l'époque
(N.), Un grand accident subméridien d'âge post- romaine. Des traces éparses de construction et des
tyrrhénien en Tunisie orientale : le décrochement témoins de céramique du Haut-Empire s'observent
sénestre de Skanès (Monastir)-Hammamet, 67? par endroits en surface ainsi qu'un mur dans une
Acad. Se. Paris, 290 D, p. 647-649. coupe à proximité de la mer.
Sorel (D.), Kamoun (Y.), Sayadi (M.S.), Viguier (C.) D'après des informateurs locaux, une plate-forme
et Ben Ayed (N.), 1983, Décrochement d'âge cimentée serait apparue sur l'estran il y a 7 ans ; à
quaternaire à historique et risque sismique dans la présent, elle se trouverait à une dizaine de mètres
région de Monastir (Tunisie orientale), Notes dans la mer. C'est ce recul récent de la côte que
Service Géologique de Tunisie, 47, p. 67-73- montre par ailleurs la falaise archéologique à
proximité des maisons. Dans les environs, une mosaïque a
été découverte dans la propriété d'un pharmacien de
Sousse (scène marine avec la tête du dieu Océan). Elle
118 - CHOTT MERYEM (THEMETRÂ) a été transportée au Musée de Sousse. Il s'agit
Halk el Menzel 1:50 000, x : 559,50 - y 293,10. vraisemblablement d'une partie de l'ensemble thermal
:

jadis décrit et étudié par L. Foucher. C'est en ce même


A proximité de constructions récentes, lieu fouillé au début du siècle qu'auraient été signalés
l'emplacement du site archéologique se trouve au sommet d'un les vestiges du site de la cité antique de Themetra

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Sahel et Cap Bon 159

dont certaines structures portuaires étaient « plus ou A 50 m plus au Nord, une autre structure en
moins cachées sous la dune ». blocage, de 5 m de large, basculée dans un petit ravin,
semble appartenir à un ouvrage récent comparable au
pont voisin.
CERAMIQUE A 100 m plus au Nord, mur déchaussé au sommet
de la falaise, structure en blocage et grand appareil
Une prospection des dunes livre un abondant démantelée par l'érosion ; des fragments de tuileau
mobilier romain des deux premiers siècles de notre indiquent la présence de citernes. Les vestiges en
ère : sigillée africaine A Hayes 2, 9, 10, vaisselle blocage d'une citerne voisine sont effondrées sur
culinaire africaine Hayes 182, 196, amphore africaine I, l'estran.
mais également quelques rares tessons tardifs

:
amphore orientale Carthage LRA 1. CERAMIQUE

L'ensemble du mobilier indique une datation


BlBLIOGAPHIE autour des me-ive s. de notre ère : sigillée africaine de
type A2, de type C Hayes 50, de type D, vaisselle
Foucher (L), 1958, Thermes romains des environs culinaire africaine Hayes 182 et 196.
d'Hadrumète, Notes et Documents, 1, p. 15-35.
Mrabet (A.) et Boujarra (A.), 1999, Archéologie et
Bibliographie
géomorphologie : contribution à l'étude de
l'évolution des paysages du Sahel nord depuis
Tissot (Ch.), 1884, Géographie comparée de la
l'antiquité, dans Du Byzacium au Sahel,
province romaine d'Afrique, 1, Paris, p. 145.
Université du Centre, Sousse, p. 89-
Bourgou (M.) et Oueslati (A.), 1994, Les
constructions éoliennes des bordures des sebkhra, Revue
Tunisienne Géographie, 25, p. 17.
Mrabet (A.) et Boujarra (A.), 1999, Archéologie et
géomorphologie : contribution à l'étude de
119 - HALK EL MUJJEN SUD l'évolution des paysages du Sahel nord depuis
Halk el Menzel 1:50 000, x 556,60 - y : 298,20. l'antiquité, dans Du Byzacium au Sahel,
:

Université du Centre, Sousse, p. 96.


Le pont, aujourd'hui détruit, de Halk el Mujjen sur
la lagune ne présente pas de pierre de grand appareil
antique, provenant, comme le pensait Tissot, du
rempart dHorrea Caelia.
A 800 m environ au Nord du pont et de l'ancien 120 - HALK EL MUJJEN NORD
grau ensablé qui mettait la lagune de Halk el Mujjen Halk el Menzel 1:50 000, x 556,30 - y : 299,80.
:

en communication avec la mer, structures bâties


visibles dans la falaise en recul. Celle-ci, haute de 3 m Au Sud de la cote 6, le recul de la falaise, haute
environ, est constituée par un grès calcaire coquillier, d'environ 7 m, a éventré un ancien four à chaux qui
appartenant à la formation Rejiche, dans lequel se est visible au sommet de l'escarpement. Celui-ci est
remarque l'intercalation d'un niveau argileux. Ce constitué exclusivement de grès coquillier de la
niveau affaiblit la résistance de l'escarpement vis-à-vis formation Rejiche.
de l'érosion marine. Sur le plateau en bordure de la falaise, traces de
Un élément de mur de 52 cm de largeur, un sol mur (de part et d'autre de la piste et sur la piste elle-
bétonné, des fragments de fresque rose sur enduit même). Des amas de pierres calcinées révèlent
stuqué et des tubes de voûte montrent la présence l'existence de fours à chaux ; de loin, le site se présente
d'une construction antique. comme un tell au sommet de la falaise.

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160 Catalogue des sites

CERAMIQUE Rejiche, est en cours de recul, mais l'attaque par la


mer du secteur des entrepôts qui ont donné leur nom
En bordure de la falaise : sigillée africaine D Hayes au site (Horrea Caelid) ne fait que commencer : en
99, amphore africaine II A « con gradino ». bordure immédiate du champ de fouille, on voit un
grand bâtiment quadrangulaire, formé de deux ailes
divisées chacune en une douzaine de compartiments
Bibliographie réguliers de 3 m de largeur (fig. 32, 113, 114 a et b).
Un corps de bâtiment perpendiculaire aux
Herm (D.), Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1980, La précédents, mais moins bien conservé, se trouve en
stratigraphie des falaises d'Hergla (Sahel de bordure de mer. L'angle nord-est de cet ensemble a
Sousse, Tunisie) et son importance sur la été entamé par les vagues et est en partie basculé sur
compréhension du Quaternaire marin de Tunisie, CR
l'estran.
Somm. Geol. France, 1, p. 25-28.
Dans l'enceinte du champ de fouille, des
sépultures tardives, en amphores, ont pris place dans un
îlot d'habitation.
121-HERGIASUD
Halk el Menzel 1:50 000, x 555,85 - y : 301,10.
:

Le tracé en plan circulaire d'un ancien four à


chaux (diam. environ 2 m) apparaît arasé sur l'estran
qui est lui-même constitué par un grès coquillier
corrodé de la formation Rejiche. Au-dessus de cette
dernière s'observent des placages de colluvions
rougeâtres wùrmiennes. Celles-ci apparaissent bien
aussi à la base de la petite falaise vive (environ 2 m
de haut), située en arrière. Mais, l'essentiel de
l'escarpement est constitué par du matériel archéologique
lié à la présence de sépultures. A l'entrée de la ville
antique, traces de chaussée empierrée et nécropole
pillée avec tombes à cupules. Plus au Nord, à 500 m,
fondation d'un mur en haut de coupe. Au-delà, sur la
côte basse jouxtant la clôture du champ de fouille
d'Hergla, nombreux fours à chaux dont certains, sur
l'estran, ont été complètement érodés.

CERAMIQUE

Dans la falaise, contexte principalement tardif :


sigillée africaine D Hayes 88, 105, amphore africaine
Keay LXII, amphore orientale Carthage LRA 1.

122 - HERGLA CENTRE ÇHORREA CAELIA)


Halk el Menzel 1:50 000, x : 555,60 - y 302,30.
:

Une petite falaise de 2 m de dénivellation, taillée Fig. 113. Site 122. Hergla centre (Horrea Caelià)
dans du grès calcaire coquillier de la formation plan de situation.

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Sahel et Cap Bon 161

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Fig. 114a. Site 122. Hergla centre (Horrea Caelid) horrea.


:

Relevé G. Hallier complété par la mission 1998 M. Pasqualini et J. Piton.

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162 Catalogue des sites

Fig. 114b. Site 122. Hergla centre (Horrea Caelià) : horrea.


Photo M. Pasqualini, 1998.

123 - HERGLA NORD citernes dont l'éventrement par la mer est plus ou
Sidi bou Ali 1:50 000, x 554,40 - y : 303,90. moins avancé. L'une d'entre elles, située sur l'estran,
:

montre un radier à 15-20 cm au-dessous du niveau


La mer a taillé ici une falaise, haute de 3 à 4 m, qui des hautes mers actuelles. Il apparaît que de
fait apparaître en coupe les couches archéologiques et nombreuses constructions antiques ont déjà disparu.
seulement à sa base une couche d'argiles rouges Au-dessous des traces d'habitat, des conduites
wurmiennes, aisément déblayée par les vagues de la d'égouts, sectionnées par la falaise en recul, sont à
houle du Nord-Est. L'estran est constitué par la croûte environ 2 m au-dessus de l'estran, soulignant le retrait
saumon villafranchienne, recouverte par endroits de du littoral par rapport à un rivage ancien au niveau
minces placages de grès coquillier de la formation duquel elles devaient aboutir.
Rejiche. Au-dessus des citernes, on note bien, par endroit
Sur ce bord de mer, on remarque, en partie la présence d'un sol qui correspond à ce qui avait été
dégagées par l'érosion et se succédant sur plus de 250 m décrit comme le plan d'occupation de maisons. Mais,
de distance, une série de constructions voûtées en on note la présence de fragments de tuileau dans les
berceau, sur un plan rectangulaire et dotées d'un décombres, alors que l'enduit des citernes en est
revêtement étanche (cf. fig. 33). Elles se situent au- dépourvu. En deux points, cette plate-forme semble
dessous de niveaux d'habitation et avaient été bien correspondre à des fonds de cuves en béton de
interprétées, sans doute à tort, comme les magasins tuileau, mais ces indices sont trop ténus pour qu'on
d'Horrea Caelia « formant l'étage inférieur de maisons puisse conclure avec certitude que cet alignement de
antiques » (cf. A AT, n° 126). Il s'agit en réalité de citernes faisait partie d'une usine ou d'un groupe

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Sahel et Cap Bon 163

d'usines de salaison. On se trouverait dans une Au sommet et sur les pentes de la cote 9, très
configuration comparable à celle du site de Maqluba abondant matériel ive-vie s. : sigillée africaine de type
(n° 89) : seule la partie basse, constituée de citernes C Hayes 48, 50, de type D Hayes 50, 52, 59, 91, 103,
appartenant à un complexe de salaison, aurait été et de type E Hayes 68.
conservée sur le front de mer.
Dans la partie nord du site, de gros blocs et un
alignement de mur sont visibles dans la mer. 126 - COTE 14
Enfidaville 1:50 000, x : 550,65 - y : 317,45.
CERAMIQUE
Au sommet d'une dune ancienne, pierraille, deux
Matériel varié, Ier-VIe s. alignements de murs sur le versant ouest.

Bibliographie CERAMIQUE

Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la Une prospection sur la pente ouest et au sommet
Régence de Tunis, 1, Paris, p. 85. livre des céramiques ive-vie s. : sigillée africaine de
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la type C et D Hayes 50, 67, 103, lampe en sigillée
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 145. africaine Atlante VIII.

124 - BORJ EL MEDFOUN 127-BOUKESRA


Sidi bou Ali 1:50 000, x : 551,20 - y : 309,60. Enfidaville 1:50 000, x : 551,10 - y : 322,70.

Cuves de sarcophage dans la cour et devant la Vestiges d'une agglomération très étendue,
façade de la ferme : couvrant plusieurs hectares à l'Est de la piste
1) long. : 2,35 m ; larg. : 0,66 m ; haut. : 0,42 m. jusqu'à 300 m environ à l'Ouest du marabout (cote
2) long. : 1,86 m ; larg. : 0,64 m ; haut. : 0,43 m. 30).
Derrière le borj (côté mer), bassin construit avec Traces éparses de murs dans la partie nord du site
des blocs antiques de grand appareil : 35 blocs sur le sommet des mamelons ; au Sud, pierrailles
environ. d'une nécropole pillée, sépultures sous jarres et sous
tuiles ; au Sud-Est, petit cadran solaire en calcaire fin
de Dar Chaabane : diam. : 40 cm ; à côté, un bloc -
peut-être une clef de voûte - avec un motif en
125 - BORJ EL ASSA EL JERIBA (ORBITÂ) bossage.
Enfidaville 1:50 000, x : 550,65 - y 317,45. Sur un petit tell, à 50 m à l'Ouest de la piste, des
:

tubes de voûte, des fragments de tuileau, une voûte


Nombreux blocs en grand appareil épars autour effondrée, indiquent la présence de thermes : briques
du borj ou alignés près de l'entrée ; éléments de pilettes d'hypocaustes et blocs de lave calcinés
d'architecture : fragment de colonne (diam. : 32 cm) provenant du foyer.
et base correspondante ; chapiteau (larg. : 51 cm).
Eléments de murs en place, en blocage et harpe.
CERAMIQUE

CERAMIQUE La prospection sur les pentes du tell indique une


occupation du ve et surtout du VIe s. : sigillée
Dans les champs à l'Est du marabout, contexte africaine C5 et D Hayes 50, 52, 6lB, 68, 88, 90, 91C,
VIe s. : sigillée africaine D Hayes 87, 88, 93, 103. 103.

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164 Catalogue des sites

127 BIS - SEBKHA SIDI KHALIFA possible dans cette sebkha, donc qu'elle ne
Enfidaville 1:50 000, x 551,50 - y : 326,20. s'asséchait pas, ce qui suggère que le climat était plus

:
pluvieux et sans doute aussi plus frais qu'il ne l'est
A l600 m environ au Sud de l'Henchir el Kebir aujourd'hui.
(infra, site n° 128), tell sur la dune ancienne. Au
milieu de pierraille, deux alignements de murs CERAMIQUE
perpendiculaires arasés. De l'autre côté de la piste, à
l'Ouest, nécropole pillée soulignée par la présence Contexte romain sigillée du sud de la Gaule

:
d'amphores. Dragendorff 37, vaisselle à parois fines, sigillée
A 150 m plus au Sud-Ouest, en bordure de la africaine de type A Hayes 8, et de type D, vaisselle
sebkha et en arrière de la dune holocène, se trouve un culinaire africaine Hayes 182, amphores africaines.
site étendu sur une cinquantaine de mètres. Il est en
partie recouvert par une lunette, mais les vagues de la
sebkha en y creusant une micro-falaise ont contribué 128 - HENCHIR EL KEBIR
à mettre les vestiges au jour. Des cailloutis provenant Enfidaville 1:50 000, x : 551,85 - y : 328,20.
du site ont été entraînés par la dérive littorale sur
150 m de distance. Très vaste étendue de vestiges à 500 m de la mer,
Au milieu de la pierraille et des tessons, se voient
présentant de nombreux tessons de céramique,
deux alignements de murs arasés, de 2,50 à 3 m de
quelques blocs de grand appareil et de menus fragments
longueur, avec une amorce de retour perpendiculaire.
de placage de marbre.
On remarque la présence d'enduit et d'un fond de
Dans la partie sud-ouest du site, se reconnaît une
cuve à angle arrondi. Le revêtement de tuileau visible
grande nécropole pillée se prolongeant plus au Sud et
en coupe est caractéristique des cuves de salaison par de l'autre côté de la piste.
une double couche de mortier grossier en dessous, A l'Ouest de la piste, petit tell : murs, tuileau.
:

puis plus fin et lissé en surface. On note également la


présence de tuiles et de mâchefer ainsi que de
quelques blocs épars. CERAMIQUE
Ce site s'inscrit dans le même cadre
morphologique que les sites 124 à 130, mais l'élément 1) Nécropole deux assiettes complètes en sigillée
africaine D Hayes 58 et 59 (fig. [5], n° 35-36),
:

nouveau ici est l'existence de traces d'occupation


humaine antique - en l'occurrence les restes d'une indiquant une datation au IVe ou au début du Ve s.
cuve de salaison - sur le bord même de la sebkha 2) La prospection sur le tell livre en abondance
des céramiques du Ve et surtout du vie s. : sigillée
Sidi Khalifa (point coté 5 sur la carte
topographique). Ces ruines sont partiellement recouvertes africaine de type C Hayes 50 et 72 et de type D Hayes 50,
par une petite dune d'argile sur laquelle poussent 61 A, 67, 76, 88, 90, 91, 99, 103, décorée (fig. [8],

des plantes salicornes et qui est taillée en falaise sur 76), amphore orientale Carthage LRA 1 et 2,
une hauteur de 50 à 80 cm. En effet, en hiver, donc amphores africaines cylindriques de grandes
pendant la saison pluvieuse et fraîche, lorsqu'il y a dimensions dont Hammamet 1-3. On note également un
fragment de faisselle.
de l'eau dans la sebkha, le fetch est suffisant pour
que, quand soufflent les vents du Nord-Ouest
dominants en direction et en force, des vagues se
forment. Ces vagues attaquent le site et du matériel 129 - HENCHIR EL HEFAIR
archéologique (moellons, fragments de céramique) Enfidaville 1:50 000, x 552,30 - y : 329,90.
:

est dispersé vers le Sud par le courant de dérive qui


longe le bord de la sebkha. Aujourd'hui la sebkha Sur le côté est de la piste, vestiges très épars
s'assèche en été et son fond est tapissé de plaques d'une agglomération étendue ; au sommet du tell,
de sel. La présence d'une cuve de salaison dans les structures de murs en blocage en place, avec enduit
ruines suggère que dans l'antiquité la pêche était de tuileau.

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Sahel et Cap Bon 165

CERAMIQUE Céramique
La prospection sur les pentes du tell livre un La prospection autour des citernes donne
abondant matériel du Ve et surtout du VIe s. sigillée quelques traces du Haut-Empire : sigillée du sud de la

:
africaine D Hayes 50, 52, 6lB, 67, 87, 88, 103, 104B, Gaule (forme Dragendorff 37), et de l'Antiquité
amphore orientale Carthage LRA 1, amphores tardive : sigillée africaine D (Hayes 105).
africaines cylindriques de moyennes et de grandes Pour les sites archéologiques 124 à 130
dimensions Keay LXI - LXII. inclusivement, tous localisés dans le fond du golfe
d'Hammamet, le cadre topographique est, à quelques
nuances près, le même. En allant de la mer vers la
130 - HENCHBR SELLOUM terre, on rencontre les unités morphologiques
Bou Ficha 1:50 000, x 552,20 - y 332,40. suivantes, sur une distance en moyenne de l'ordre de
:

500 m (fig. 115 et 116) :


Près du n° 212 de la carte de YAAT (Lamniana ?), - La plage de sable actuelle qui ne montre pas de
vestiges de deux citernes jumelées (dimensions : 5,80 signe d'érosion ; en arrière de la côte, le blockhaus de
x 7,10 m). la plage de Selloum, qui date de la deuxième guerre

site 124
Fig. 115. Sites 124-125. Sebkhet Assa Jriba
1. Plage sableuse ; 2. Dune bordière actuelle ou holocène 3- Epandage de sables éoliens ; 4. Alignement de petites dunes d'argile ;
5. Bourrelet argileux éolien (lunette) ; 6. Epandage argileux d'oued ; 7. Terrain salé à halophyte ; 8. Cultures ; 9. Ruines romaines.
;

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166 Catalogue des sites

direction de la mer, ce grès passe progressivement


sous des dépôts argilo-sableux couverts de plantes
salicornes. Le rivage est caractérisé par une large
plage bordée par une dune bordière basse. Environ
Fig. 116. Sites 124 à 130. 500 m séparent les ruines romaines du trait de côte.
1. Dune bordière ; 2. Dépression humide ; 3. Ancienne dune Celles-ci sont marquées par de larges jonchées de
bordière et sites archéologiques ; 4. Nebkha ; 5. Sebkha. tuiles et de tessons éparpillées par les labours sous les
oliviers. Encore en place parmi les vestiges de ce qui
devait être un établissement agricole, on remarque un
mondiale, suggère même qu'ici une légère tendance à
puits alimentant un bassin (fig. 117) ; un aqueduc
la progradation se manifeste.
dont une section bien conservée longue de 50 m se
- La dune bordière vive, continue, bien alimentée trouve au Sud-Ouest du bassin (orientation : 40° NO).
en sable, partiellement végétalisée.
- Séparé de la précédente par une dépression, un
bourrelet sableux qui correspond à une ancienne dune
bordière édifiée lorsque le rivage occupait une position
en deçà de sa localisation actuelle. Vers le Sud, où il a
été artificiellement boisé, le bourrelet se suit sans
interruption ; il est large et élevé puisqu'il peut dépasser
une dizaine de mètres de hauteur. Vers le Nord, au coupe canalisatii
contraire, il s'abaisse, se tronçonne et finit par se
résoudre en buttes surbaissées et isolées. C'est sur cette
à 115m canalisation
ancienne dune bordière que se rencontrent tous les sites orientation NX5-S.E -.
archéologiques numérotés de 124 à 130. Ils témoignent, conservée sur 50 m
par les fragments de céramique que l'on y trouve, d'une
occupation tardive, allant du IVe au VIe s. ap. J.-C.
- Des terrains bas, argilo-sableux, humides, couverts
par une végétation ouverte de salicornes, piquetés de
petites dunes élémentaires du type nebkha. A proximité Fig. 117. Site 131. Bir ech Choukaf : le puits et son bassin.
du site 129, c'est dans ce terrain bas, inondable, qu'une
jarre funéraire en place a été trouvée.
- Des sebkhas envahies d'eau pendant une grande
partie de l'année. Devant la ferme voisine parmi des fragments de
Le milieu naturel est aujourd'hui très répulsif parce marbre, provenant sans doute d'un monument
qu'il est amphibie et, à la saison chaude, lorsqu'il n'y chrétien, un petit fragment d'inscription : haut. : 28 cm ;
a pas de vent, infesté de moustiques. Des long : 33 cm. Cinq lettres discernables dont deux
changements importants ont probablement affecté lisibles ; h. d. 1. : 8-9 cm.
l'environnement depuis l'antiquité. En particulier, la nappe . E.V
.

phréatique devait être plus basse et, par voie de La graphie du E, en arrondi, est de type byzantin.
conséquence, les terres autour des sites d'occupation
étaient sans doute moins facilement inondables et
aussi moins salées qu'actuellement. CERAMIQUE

La prospection dans les champs fraîchement


131 - BIR ECH CHOUKAF labourés livre un assemblage de céramiques
exclusivement tardif : ve-vne s., sigillée africaine D Hayes 58,
Bou Ficha 1:50 000, x : 553,65 - y : 335,50.
61B, 67, 87, 88, 90, 91A, 91C, 103, 105, lampe en
Le site archéologique est localisé sur un sigillée africaine Atlante X, amphores africaines
affleurement de grès coquillier de la formation Rejiche. En cylindriques de grandes dimensions Keay LXII.

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Sahel et Cap Bon 167

132 - PUPPUT cylindriques de moyennes et grandes dimensions


Hammamet 1:50 000, x : 559,10 - y 343,20. Keay XXXV B, amphore orientale Carthage LRA 2.

:
Mais on distingue également des traces d'occupation
Le site archéologique est situé sur une terrasse du Haut-Empire amphore africaine I.

:
wurmienne de la rive gauche de l'oued Moussa, à
proximité de son embouchure. Il est séparé de la mer par une
dune bordière et une plage, large d'une trentaine de 134 - SIDI EL MEHERSI
mètres, qui présente tous les signes de la stabilité : à Hammamet 1:50 000, x 571,95 - y 348,10.
l'aplomb des grandes villas et des thermes reconnus en

:
bordure de mer, il n'y a pas de signe d'attaque du rivage Des ruines romaines se trouvent en contrebas d'un
par l'érosion. Au contraire, la largeur de la plage paraît
marabout en bordure de mer, sur un affleurement de
n'être pas en rapport direct avec la mer actuelle.
grès du Pliocène supérieur (fig. 118). Elles occupent la
Dans le jardin archéologique près de la mer,
partie supérieure d'une petite falaise vive, de 2 m de
contrepoids de pressoir (long. 139 ; larg. 82 ; haut. : 58 cm). haut, taillée dans le grès calcaire et en léger recul : des
:

morceaux de blocage et de mosaïque, sur la plate-forme


Bibliographie au pied de la falaise, indiquent une attaque de la mer.

Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la


Régence de Tunis, 2, Paris, p. 26 1.
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 131.

133-BITELASSA
Hammamet 1:50 000, x : 567,70 - y 345,10.
:

Les ruines très importantes d'un grand édifice se


trouvent en bordure de mer, sur un pointement de
grès jaunâtre de Pliocène supérieur, couvert par les
placages de grès coquillier de la formation Rejiche. Un
puits (avec bassin), à une vingtaine de mètres plus à
l'intérieur au NO, montre qu'ils sont eux-mêmes
surmontés par des colluvions rouges wiirmiennes. Sur
le flanc sud du pointement rocheux, on note une
attaque des ruines par la mer.
Celles-ci correspondent probablement à des
vestiges de thermes : parmi les grandes masses de
blocage effondrées, on remarque des fragments de
tuileau. Les murs étaient construits en opus afri-
canum. Dimensions de l'édifice 38 x 60 m environ.
:

CERAMIQUE

Le matériel recueilli date essentiellement des VIe-


VIIe s. : sigillée africaine D Hayes 50, 58, 105, lampe
Fig. 118. Site 134. Sidi el Mehersi le marabout
en sigillée africaine Atlante X, amphores africaines
:

et la grotte.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


168 Catalogue des sites

Fig. 119- Site 134. Sidi el Mehersi : bassin en hémicycle dans la grotte.

Y/,

2m J.L

y//

vert foncé

Y/y

Fig. 120. Site 134. Sidi el Mehersi plan du bassin en hémicycle dans la partie nord de la « grotte ».
:

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 169

Dans une salle aménagée en dessous du Bibliographie


marabout, en une sorte de grotte artificielle creusée dans la
roche (fig. 119 et 120), on peut voir une petite piscine Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la
bien conservée et une mosaïque composée de Régence de Tunis, 2, Paris, p. 246.
panneaux encadrés d'un bandeau noir ; on remarque Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la
aussi un fragment de mosaïque de pavement à motifs province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 133.
marins (120 x 70 cm). Darmon (J--P-), 1967-68, Neapolis, Africa, II, p. 271-
283.
Slim (L), Bonifay (M.) et Trousset (P.), 1999, L'usine
Céramique de salaison de Neapolis (Nabeul), Premiers
résultats des fouilles 1995-1998, Africa, XVII, p. 153-
Les témoins recueillis aux abords du monument 197.
indiquent une occupation durant toute l'époque
romaine, du Ier au VIe s. : sigillée africaine de type
A Hayes 2, 6C, de type C, de type D Hayes 87B,
vaisselle à parois fines, amphores africaines Keay 136 - SIDI AMEUR BOU CHOUIKA
Nabeul 1:50 000, x 580,00 - y : 350,30.
LXII Q.

:
Des ruines antiques se remarquent sur un petit
Bibliographie promontoire de grès du Pliocène supérieur, limité par
une falaise vive de 2 à 4 m de haut. La couche
Darmon (J-~P-)> 1983, Les mosaïques inédites de Sidi archéologique est atteinte par les vagues de tempête.
Mahrsi à Nabeul (antique Neapolis, Tunisie), dans Des petites structures en blocage et opus afri-
Mosaïque, Recueil d'hommages à Henri Stem, canum, les vestiges de pièces en forme d'hémicycle,
Paris, ERC, p. 103-108. sont ce qui reste de petits thermes privés.

CERAMIQUE
Très peu de matériel : sigillée africaine de type A
Hayes 27 et C Hayes 50, vaisselle culinaire africaine
135 - NABEUL (NEAPOLIS) Hayes 182. Epoque romaine (me-ive s.).
Nabeul 1:50 000, x : 573,25 - y : 348,75.

L'ancienne usine de salaison et de fabrication de 137-MAAMOURA


garum, ici attestée par la présence de petites cuves Nabeul 1:50 000, x : 581,50 - y 351,30.
:

peu profondes (cf. relevé, fig. 187), se situe sur un


épandage alluvial que l'oued es Sghir a mis en place Le site, très étendu et couvert de larges jonchées
pendant la dernière époque pluviale (Wùrm). Il est de tessons, a pour signalement principal la présence
limité du côté de la mer par une falaise morte holo- de deux bassins creusés dans l'estran rocheux
cène, cachée sous une dune bordière de la plage (Darmon 1967-68, p. 275) (fig. 121).
actuelle. Celle-ci, large d'une centaine de mètres, est Le substratum du site est constitué par un grès
stable. calcaire jaunâtre du Pliocène supérieur qui affleure
A une trentaine de mètres au Sud de l'usine, cuve sur l'étage médiolittoral, troué de mares de corrosion.
ou citerne sur une dune ancienne ; sur une butte La couche archéologique, dans laquelle se voient des
témoin du cône alluvial, ruine rectangulaire en alignements de murs, est attaquée par des vagues de
blocage avec tuileau. tempête qui ravivent périodiquement une coupe de
Sur le littoral, il n'y a plus aucun indice de la 1,50 à 2 m de hauteur.
présence d'une jetée dont les « traces » avaient été Les deux cuves taillées dans le roc ont leur rebord
signalées à la fin du siècle dernier. constamment submergé sous une dizaine de centimè-

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


170 Catalogue des sites

basse rocheuse passe à une côte à falaise formée de


grès pliocenes très fossilifères couronnés par une
croûte calcaire feuilletée (30 à 40 cm d'épaisseur).
A 200 m au Sud du vivier et à 300 m au Nord du
port de pêche sur le rebord de la falaise, haute en cet
endroit de 5 m et en recul par effondrement, on
remarque la présence d'un fond de cuve en opus
figlinum, en partie détruit par la mer (long,
conservée : 1 m ; larg. intérieure : 1,80 ; hors tout :
2,25 ; solin d'étanchéité : 6 cm). Plus loin dans la
même direction, se voient des structures de murs dans
la falaise et sur le plateau de larges jonchées de
If L tessons dans les champs labourés. Sur un sentier
' donnant accès au rivage à partir du plateau, on
remarque des fragments de parois de cuves recon-
naissables à leur enduit de tuileau (larg. des parois :
40 à 50 cm). Tous ces indices permettent de conclure
à l'existence très probable, à Maamoura, d'un centre
de traitement des produits de la pêche.
5m
J.L
Fig. 121. Site 137. Maamoura les viviers. CERAMIQUE
:

L'indication donnée par la céramique très


très d'eau. Il est vraisemblable qu'au moins l'une de
abondante du site est celle d'un contexte d'occupation très
ces cuves, reliée à la mer par un petit canal, était
tardive : seconde moitié du VIe et viie s. : sigillée
utilisée dans l'antiquité comme vivier à poissons.
Dans ce cas, on peut estimer avec une bonne africaine D Hayes 90, 91D, 98, 99, 103, 104, 109, très
grande abondance de la forme Hayes 105, lampes en
précision que le relèvement du niveau de la mer depuis
sigillée africaine Atlante X à décor surmoulé, amphores
l'antiquité a été ici d'environ 20 cm.
A 25 m au Nord du vivier, une canalisation avait africaines Keay DQ/LXII, spatheia, amphores orientales
Carthage LRA 1 et 2. On note également la présence de
été taillée dans le grès calcaire et aboutissait à la mer
(on distingue nettement des traces de pic). On en suit céramiques glaçurées d'époque islamique.
l'origine jusqu'au pied de la falaise où l'attaque de la
mer a récemment dégagé (entre 1989 et 1996) un Bibliographie
système d'évacuation maçonné à trois branches
aboutissant au collecteur principal taillé dans le rocher Darmon (J.-P.), 1967-68, Neapolis, Africa, II, p. 275,
(larg. des canalisations en blocage : 26-27 cm ; le note 4.
collecteur a de 40 cm à 1 m à l'aval où il a été élargi Lassere (J.-M.), 1977, Ubique Populus, Paris, p. 369,
par l'érosion des vagues ; profondeur : 70 cm). Dans fig. 35, n 22.
la falaise archéologique on remarque des traces peut-
être de cuves et sur l'estran de nombreux tessons
roulés par les vagues.
A 36 m du vivier dans la même direction, se trouve 138 - KHIIJ - KSIR EL RHALEM
une cavité de forme rectangulaire creusée dans le Nabeul 1:50 000, x : 587,80 - y : 366,80.
rocher (4,20 x 2,65 m) avec des angles arrondis et, à
l'intérieur, des traces de blocage ou d'enduit. La chaussée romaine qui traverse la sebkha Chott
Des vestiges de murs se reconnaissent dans la ech Chergui montre des parements latéraux bien
partie sud du site, vers le port de Béni Khiar. La côte conservés, espacés de 4 km (fig. 122) ; ils sont consti-

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 171

Fig. 122. Site 138. Chaussée antique de Khlij-Ksir el Rhalem.

tués de blocs taillés de calcaire gréseux, assez Bibliographie


fortement corrodés, qui étaient disposés en parpaings ou
en boutisses ; le blocage central est peu apparent. Oueslati (A.), 1984, La côte à lagunes de la presqu'île
Des ruines se remarquent là où la chaussée aboutit du Cap Bon, Revue Tunisienne Géographie, 12,
au cordon littoral sableux qui isole la lagune. Elles p. 183-202.
sont installées sur une dune grise que recouvre du Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
côté de la mer la dune bordière blanche actuelle. En la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
avant de celle-ci s'étend une large plage. Parmi ces géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,
vestiges, on distingue quelques éléments de murs en Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie,
blocage en place et des affleurements d'un pavement vol. XXVI, p. 18-19-
de sol en opus figlinum, constitué de fragments
d'amphores (cf. l'usine de salaison de Nabeul).
139 - HTOUBA
Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x : 588,65 - y : 368,60.
CERAMIQUE
Chaussée antique sur la lagune et ruines d'un
Contexte première moitié du Ve s. : sigillée établissement romain tardif sur le cordon littoral, à
africaine D Hayes 6lB, vaisselle culinaire africaine l'aplomb de la chaussée (fig. 123 et 124).
(Hayes 196), amphore africaine Keay XXXV B La chaussée antique qui traverse la sebkha Gasser
(fig. [13], n 169). Rhaleb est moins bien conservée que celle du site

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172 Catalogue des sites

Fig. 123. Sites 138, 139, 140. Côte orientale du Cap Bon.
1. Plage ; 2. Dérive littorale ; 3. Dune bordière ;
4. Brèche à travers la dune bordière ; 5. Sables étalés par les vagues de tempête ; 6. Cône d'overwash ;
7. Lagune et végétation halophile ; 8. Ancien cordon littoral consolidé (formation Rejiche) ; 9- Ruines antiques ;
10. Chaussée antique ; 11. Piste ; 12. Route.

Fig. 124. Sites 139-140. Profil transversal.


1. Plage ; 2. Dune bordière ; 3. Dune bordière ancienne
4. Sebkha ; 5. CoUuvions de la dernière époque pluviale
6. Cordon littoral de la formation Rejiche.

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Sahel et Cap Bon 173

138. Un seul des parements est encore visible sur la 140 - SIDI MOSBA - DAR BEN SLIMANE
rive est de la lagune, le double alignement n'étant Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x 588,40 - y : 369,00.

:
apparent que sur la rive ouest. A cet endroit, on
remarque la présence d'entretoisements entre les Des ruines importantes et bien visibles se
deux parements, dessinant des sortes de casiers remarquent sur la rive ouest de la sebkha, au pied du
comme à Sidi Daoud, ainsi que des buses bourrelet gréseux consolidé de la formation
transversales permettant la circulation de l'eau, poussée par Rejiche.
le vent dans la lagune. Comme dans le cas Un grand édifice de 30 x 30 m environ, avec un
précédent, les blocs taillés qui constituent la chaussée sont mur d'enceinte en grand appareil, présentait du côté
fortement corrodés. sud une entrée donnant sur une cour intérieure
Sur le cordon littoral, le site archéologique se situe précédée de deux colonnes. Au Sud-Est, une structure
sur le revers intérieur, tourné vers la sebkha, d'une en blocage en forme d'hémicycle présentait un enduit
dune grise couverte d'une pelouse. Cette dune était étanche montrant la présence, dans cet établissement,
fixée et stabilisée lorsque des hommes s'y sont établis de cuves ou de piscines.
à l'époque romaine. Elle est attaquée en falaise, du A une vingtaine de mètres à l'Ouest, se trouve un
côté de la mer, par les vagues de tempête. Il n'y a pas puits à dalou présentant des fondations antiques en
en cet endroit de véritable dune bordière. grand appareil ; une canalisation, visible encore sur
Les ruines les plus visibles sont constituées dans plusieurs mètres en direction de l'édifice, reliait le
la partie sud de la dune par des alignements de blocs puits à celui-ci. On peut penser à des thermes et à
en grand appareil les hastes sont encore en place leur adduction ou encore à un établissement
:

au milieu de blocs épars sur une assez grande industriel traitant les produits de la pêche, mais la
étendue. Au Nord, on remarque un bâtiment construction en question avait un certain caractère de
quadrangulaire de 18 x 10 m environ présentant des monumentalité qui rend plus plausible la première
divisions internes et des bâtiments annexes plus interprétation. A noter l'absence de céramique de
effacés de part et d'autre. transport.

CERAMIQUE
CERAMIQUE
Quelques tessons de la fin de l'antiquité : sigillée
1) Aux abords des ruines, sur la pente ouest de la
dune, la céramique indique un contexte de la africaine D Hayes 52, 67, 87B, amphore africaine Keay
première moitié du Ve s. sigillée africaine D Hayes XXXV B (fig. [13], n° 168).
:

6 IB, 64, 67, céramique culinaire africaine (Hayes 196),


lampe en sigillée africaine Atlante X, amphores
africaines Keay XXXV B.
2) Au sud du site, on relève les traces d'une 141 - SIDI OTHMANE
occupation postérieure datable du VIIe s. sigillée africaine Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x : 590,10 - y : 372,70.
:

D Hayes 87C, 99, 105, 109, amphores africaines Keay


LXI ou LXII, amphore orientale Carthage LRA 2. Vestiges d'une grande forteresse en bordure et sur
la rive droite de l'oued Chiba (environ 75 x 100 m) ;
l'enceinte est encore très nette au Nord et à l'Est où
Bibliographie subsistent les restes d'un bastion et d'une tour d'angle.
Près du marabout voisin, se remarque un élément de
Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de mur en opus africanum.
la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude Le substratum des ruines correspond à un grès
géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis, coquillier encroûté, appartenant à la formation
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol. Rejiche, dont le cordon littoral consolidé forme un
XXVI, p. 130-134. bourrelet qui domine le site du côté de l'oued.

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174 Catalogue des sites

Céramique phologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,


Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
Très peu de témoins dans les ruines mêmes et aux XXVI, p. 18, 122.
abords : sigillée africaine D, lampe en sigillée
africaine Atlante VIII ; céramique glaçurée d'époque
islamique. 143 - COTE 28 - SEBA ARGOUD
Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x : 590,30 - y : 373,60.

Les vestiges d'une forteresse se situent sur le


142-DARELKBIRA sommet de l'ancien cordon littoral, marin à la base,
Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x 590,70 - y 372,30.
éolien dans sa partie supérieure, aujourd'hui
:

: consolidé, de la formation Rejiche.


Traces de chaussée se dirigeant vers une petite La forteresse est en grand appareil à la base et on
construction au bord de la mer. On retrouve ici le note dans la partie supérieure des murs, l'emploi
même agencement topographique que celui observé d'une technique rappelant Yopus africanum. Elle
pour les sites 138 et 139. De la mer (1) vers la terre, formait un quadrilatère de 40 x 30 m, comportant une
se succèdent les unités morphologiques suivantes :
sorte de donjon au Nord-Est (9,90 x 11,70 m) et une
une plage, (2) une petite dune bordière vive, plaquée tour en saillie au Sud-Ouest (3 x 3 m).
au pied (3) d'une dune bordière ancienne, plus large
et plus haute que l'actuelle, couverte par une pelouse,
(4) une sebkha, aujourd'hui colmatée, (5) dans CERAMIQUE
laquelle on remarque les blocs taillés, vestiges de la
chaussée antique. Les ruines se situent sur le sommet Rare et non datée céramique modelée atypique.
et sur le versant tourné vers la sebkha de la dune :
ancienne : les traces d'une construction se trouvent
près de la maison actuelle, dans laquelle se
144 - GASSER SAAD - SEBKA LEBNA
remarquent des remplois de blocs antiques. Sur la rive
Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x : 592,30 - y 374,30.
droite de l'oued Chibba, une dizaine de blocs en

:
grand appareil ont été déchaussés par l'érosion de
Les ruines d'une exploitation rurale, d'époque
l'oued. La coupe donnée par celle-ci dans la berge
romaine tardive, se rencontrent là où les dépôts
montre que la dune ancienne a une composition
gréseux fossilifères de la formation Rejiche, couverts
mixte. Si elle est surtout constituée par du sable venu
de colluvions sablo-limoneuses, plongent sous les
de la plage, elle est aussi faite, du côté opposé à la
bords marécageux de la sebkha Lebna.
mer, de limons qui ont été apportés par des vents de
Parmi les vestiges apparents se remarquent : une
terre à partir des bords de la sebkha.
citerne bien conservée (3 x 6 m), avec, peut-être, une
autre citerne transversale plus au Sud ; à noter un
CERAMIQUE morceau de pavement en fragments d'amphore, des
tubes de voûtes, des briques d'hypocaustes indiquant
Témoins d'une occupation ve-vne s. : sigillée la présence de petits thermes. A une douzaine de
africaine D Hayes 58, 6lB, 87C, 91B, 91D, lampe en mètres plus à l'Ouest, élément de seuil et blocs de
sigillée africaine Atlante VIII, vaisselle culinaire grand appareil dans un pierrier ; traces de mosaïque
africaine, amphores africaines Keay XXXV B et LXI. à grosses tesselles vert olive.

Bibliographie Ceramique

Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de Dans les ruines, fragment d'amphore africaine
la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude géomor- Hammamet 3 (?) (fig. [15], n° 199).

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 175

145 - COTE 12 - HENCHIR LEBNA 146-AINSGHIRA


Mennzel bou Zelfa 1:50 000, x 592,30 - y 375,25. Mennzel Heur 1:50 000, x 593,20 - y : 376,80.

:
Restes étendus mais peu distincts d'un Le cadre naturel est semblable à celui décrit à
établissement présentant des cuves, bassins ou citernes : on propos du site 145 : la côte sableuse est en cours
peut voir une piscine en hémicycle reliée à un d'érosion rapide, comme le montre une piste de terre
grand bassin semi-circulaire, des fragments de récente, aménagée à l'origine à l'arrière de la plage,
tuileau et de pavement à base de tessons aujourd'hui couverte par la dune bordière qui migre
d'amphores (opus figlinum), des tesselles de vers l'Est, et déjà entamée par les vagues de tempête.
mosaïque. Les ruines romaines - une petite structure voûtée - se
Ces ruines antiques sont situées sur une butte situent sur le témoin isolé d'une ancienne dune
sableuse, témoin d'une dune bordière ancienne qui bordière qui de part et d'autre a été totalement effacée
a disparu vers le Nord et vers le Sud par érosion, par l'érosion. Cette butte, qui constitue un
car le littoral est ici en cours de recul marqué. Les promontoire sableux sur la plage, est atteinte par la mer au
vestiges archéologiques, attaqués par les vagues de moment des périodes de gros temps, d'où une mise
tempête, ont ralenti la destruction du substratum au jour et une destruction progressive des ruines.
du site qui forme un promontoire sur la plage. La En retrait de la dune, sur le bord de la sebkha,
dune bordière actuelle, qui se trouve en retrait de structure voûtée supportant trois cuves (long, conservée :
chaque côté de ce promontoire, est basse. Elle 7 m ; larg. cuve sud : 1,75 m, cuve centrale : 2,15 m,
migre vers l'Est, sur des dépôts de sebkha qui se cuve nord : 1,75 m).
sont formés en arrière de la plage lorsque celle-ci
occupait une position plus avancée vers la mer. La
dérive littorale dominante porte vers le Nord car du CERAMIQUE
matériel archéologique (fragments de moellons,
Contexte de la première moitié du ve s. : sigillée
tessons de céramique) se mêle au sable de la plage
claire D Hayes 50, 6lB, 64, 67, 68, 81, vaisselle
dans cette direction sur plusieurs centaines de
culinaire africaine Hayes 196, céramique modelée ;
mètres.
amphores africaines spatheion et Keay XXXV B.
Du côté de la plage, au pied de la dune actuelle,
est apparue tout récemment (en 1993) une structure
importante qui n'était pas visible en 1989 : il s'agit
d'une construction semi-circulaire, en grand appareil,
147 - SIDI ALI MOUJEHED SUD
conservée sur trois assises.
Mennzel Heur 1:50 000, x : 594,20 - y 378,15.
D'une ancienne chaussée qui conduisait à ce site,
:

seul reste visible le blocage central, les blocs de


Des vestiges archéologiques d'époque romaine, en
parement ayant disparu. Elle traversait une sebkha
particulier les restes d'une cuve de salaison éventrée
aujourd'hui colmatée.
par la mer (fig. 125), se trouvent sur une butte, témoin
isolé d'une ancienne dune bordière, aujourd'hui en
position de promontoire sur une plage en recul. Le côté
CERAMIQUE
de la butte tourné vers le rivage forme une falaise,
Contexte première moitié Ve s. : sigillée africaine haute de 4 à 5 m, qu'attaquent les vagues pendant les
tempêtes et qui est aspergée de sable apporté par le
D Hayes 52, 6lA, 64, 67, 81, vaisselle culinaire vent pendant les périodes de beau temps.
africaine Hayes 196 (fig. [10], n° 108) et CATHMA type
Al, céramique modelée Fulford fig. 55, n° 1
(fig. [11], n° 135), amphores africaines spatheion, CERAMIQUE
Keay XXV et XXXV B (fig. [131, n° 167). Traces
d'occupation du ive s. sigillée claire C Hayes 50 et Contexte première moitié ve s. sigillée africaine D
:

52. Hayes 6lB, 68, 91A ou B, céramique modelée,

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


176 Catalogue des sites

dune Bibliographie

I S 1 1 t ! 1 Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la


1
i
1
1!

!
1
1
1
1
1
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 239-

149 - SEBKHET TAFEKHSIT (CHATT MENZEL


YAHIA)
Kelibia 1:50 000, x : 601,50 - y : 389,20.

Ancien corps de garde, près de la ferme italienne,


1m traces très fugaces d'un établissement antique :
J.L quelques blocs ; à 500 m plus au Nord, traces de chaussée
Fig. 125. Site 147. Sidi Ali Moujehed sud romaine.
:

vestiges de cuve. Les ruines se rencontrent sur un bourrelet, haut


de quelques mètres, parallèle au tracé du rivage. Sa
amphore africaine Keay XXXV B, amphore orientale nature est mixte : du côté de la mer, il est constitué
Carthage LRA 1. par du sable à grain fin, gris vers la surface, ocre en
profondeur, apporté par le vent depuis la plage. Du
côté opposé, il est fait de limons qui ont été
véhiculés par les vents de terre à partir des bords
148 - SIDI ALI MOUJEHED NORD asséchés de la sebkha Tafekhsit dans laquelle se
Mennzel Heur 1:50 000, x : 594,60 - y : 379,15. trouvent les vestiges de la chaussée antique.
Lorsque, à l'époque romaine, des hommes se sont
Forteresse vraisemblablement arabe mentionnée installés sur le bourrelet, son édification était
par l'Atlas archéologique comme un « château fort achevée et un début d'évolution pédologique avait
d'origine byzantine » (Ksar Lebna). La ruine mesure 60 même commencé. Le bourrelet n'est pas atteint par
x 70 m environ ; l'édifice était en grand appareil dans la mer. A son pied, on note l'existence d'une dune
les assises inférieures, mais de dimensions plus petites bordière embryonnaire. Du côté de la terre ferme,
que le saxum quadratum antique. Sur la face nord, il une agglomération rurale que la chaussée reliait au
y avait de grands contreforts et peut-être un bastion site côtier est signalée par T. Ghalia dans son étude
au Nord-Est. Dans la partie sud se remarquent des sur la basilique de Chatt Menzel Yahia (1992,
structures voûtées. p. 119-120).
A proximité de l'oued Lebna, côté rive droite, la
hauteur qui porte les restes de la forteresse n'est pas
naturelle. En avant d'elle, du côté de la mer, on CERAMIQUE
remarque deux petits bourrelets sableux, de forme
surbaissée, bien conservés, alignés parallèlement à la Très peu de témoins : sigillée africaine A, C, D.
plage et couverts d'une pelouse. Ce sont d'anciennes
dunes bordières. Il n'y a pas ici de dune bordière
Bibliographie
actuelle en arrière de la plage.
Sassi (S.), 1969, Contribution à l'étude de la Sebkha
CERAMIQUE Tegdimane et du Chott el Guettar, Notes du Service
Géologique de Tunisie, 24, 107 p.
Peu de céramique (Antiquité tardive) : sigillée Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
africaine D Hayes 58 variante et 105, amphore africaine la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
Keay XXV. Céramique glaçurée d'époque islamique. géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Sahel et Cap Bon 177

Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol. Courtois (Ch.), 1954, Ruines romaines du Cap Bon,
XXVI, p. 130, 132. Karthago, V, p. 188.
Ghalia (T.), 1992, Carte archéologique de Tunisie et Barreca (F.) et Fantar (M.), 1983, Prospezione
connaissance du paysage rural antique à l'époque archeologica al Capo Bon, 2, p. 29-40.
tardive, dans Ve Coll. internat, sur l'Histoire et Fantar (M.), 1989, s.v. « Aspis (Clipea, Kelibia) »,
Archéol. Afrique du Nord (Avignon 1990), Paris, Encycl. Berbère, VII, p. 978-980.
CTHS, p. 419-438. Ennaïfer (M.), 1999, Maison des deux chasses à
Kelibia, dans La mosaïque gréco-romaine VII
(Tunis 3-7 octobre 1994), I, Tunis, Institut national
du Patrimoine, 1999, p. 233-250.
150 - KELIBIA (ASPIS CLIPEÂ)
Kelibia 1:50 000, x : 608,05 - y : 401,50.

Il n'y a plus de trace apparente des « restes de 151-DEMNA


quais magnifiques et de môles » signalés sur le bord Kelibia 1:50 000, x : 607,50 - y 401,25.

:
de la mer dans la bibliographie ancienne (AAT
Sur une extension d'environ 1 500 à 2000 m le long
1:50000, f XVI, Kelibia, n° 67), non plus que des du rivage s'échelonnent plusieurs ensembles de
viviers signalés par R. Guéry et qui étaient encore
vestiges mis au jour sur le littoral même par l'érosion
visibles en 1958. Des recherches faites en 1979
marine ou bien dégagés dans la dune côtière en
avaient encore permis d'observer sur le rivage, à
arrière de celui-ci, à la suite de recherches
proximité du site qui a été fouillé, des bases de murs
archéologiques anciennes et de celles effectuées récemment
déchaussées ainsi que des cuves partiellement
sous la direction de T. Ghalia sur le site de Demna,
détruites et inondées. L'environnement a été modifié
dans la région forestière de l'oued el Kseub à 7 km au
lors de l'agrandissement du port de pêche et ces
nord de Kelibia. Ces vestiges correspondent
vestiges n'ont pas été retrouvés en 1989- Us respectivement - du Sud vers le Nord - aux points
indiquaient une érosion de la mer et aussi un relèvement
archéologiques n° 27, 26 et 25 de Y AAT (f de Kelibia au
de son niveau depuis l'antiquité.
1:50000).
Le premier de ces points correspond aux vestiges
Dans un des secteurs fouillés de la ville antique,
de la basilique de Demna ou Oued el Kseub (dite
on remarque, dans une villa, la maison des deux
église du prêtre Félix) repérée et fouillée par J. Cintas,
chasses, que des cuves de salaison ont précédé
puis étudiée par Ch. Courtois et par N. Duval ainsi
visiblement l'aménagement du péristyle. Des sondages
que le baptistère attenant dont une des deux cuves
récents réalisés sous la direction de M. Ennaïfer ont
avait été transportée au Musée du Bardo en 1953- Le
permis de dégager deux ensembles de 4 cuves ; un
monument et ses annexes, visités lors des
sol en signinum est apparu sous la mosaïque. Sous les
prospections de 1989 de la Carte Archéologique de Tunisie,
fondations de murs de la face est, des fragments de
ont fait l'objet d'une campagne de remise au jour,
céramique rouge (Hayes 197) permettent de dater
l'unité de salaison de la seconde moitié du IIe - d'étude et de sauvegarde en 1994, sous la direction de
première moitié du IIIe s. ; la maison à péristyle est T. Ghalia. Cet ensemble chrétien est aujourd'hui à peu
elle-même plus tardive, seconde moitié Ve s. et vie- de distance de la côte en recul (une quinzaine de
mètres pour les éléments les plus proches).
début viie s.
A 100 m au nord de l'édifice chrétien, un
important ensemble de greniers Çhorrea) d'époque romaine
Bibliographie vient d'être identifié à l'occasion de la tenue d'un
chantier archéologique de formation de l'INP à Oued
Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la el Kseub, auquel a été associé une équipe de jeunes
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 229. scouts tunisiens (Ghalia 1996-98). Les greniers,
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la remarquablement conservés en élévation (parfois jusqu'à la
province romaine dAfrique, 2, Paris, p. 135. naissance des voûtes de couverture) en raison de leur

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


178 Catalogue des sites

ensevelissement par la dune littorale, se trouvent à l'oued Haïdra ». Après le démontage en 1953 du
une trentaine de mètres en arrière de la ligne de baptistère découvert à 7 km à vol d'oiseau de
rivage actuelle (cf. fig. 34). La partie visible du l'actuelle Kelibia, il ne restait, à proximité du lieu de
bâtiment est constituée de sept galeries voûtées de 4,50 x découverte qu'« une dune de sable fixée par des
8,50 m se répartissant en deux groupes de trois unités graminées et des palmiers nains » et occupée depuis
de part et d'autre d'une galerie centrale à double lors par les plantations du Service des Forêts. C'est
voûtage. Du côté nord de l'édifice, existait une galerie dans cette même dune qu'ont été dégagés les horrea
transversale aux précédentes et les vestiges d'une aile romains du site précédent, inconnus jusqu'à ces
de bâtiment en retour. Les lintaux et jambage de dernières années.
portes sont en blocs de grès dunaire et les murs des
galeries en moellons grès de couleur ocre du
Céramique
Pliocène.
Peu de témoins. Contexte probable du Ve s. :
Bibliographie sigillée africaine D Hayes 67 et amphore africaine
Keay XXXV B.
Courtois (Ch.), 1955, Sur le baptistère découvert dans
la région de Kelibia (Cap Bon), Karthago, VI,
Bibliographie
p. 98-123.
Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
Courtois (Ch.), 1955, Sur le baptistère découvert dans
(région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157-169.
la région de Kelibia (Cap Bon), Karthago, VI,
Ghalia (T.), 1996-98, Travaux relatifs à l'église dite
p. 98.
« du prêtre Félix » de Oued el Ksab (Demna,
Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
région de Kélibia), BCTH Afrique du Nord, 25,
(région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157-158.
p. 107-110.

151 BIS - OUED EL KSEUB 152 - ES SEGUIA SUD


Kelibia 1:50 000, x : 607,10 - y 401,75. Kelibia 1:50 000, x : 607,20 - y 402,25.
:

Le recul de la côte sableuse expose à l'érosion des Le site archéologique, dont subsiste une
vagues les ruines d'un établissement thermal qui a été canalisation dirigée vers la mer et qui amenait les eaux du
bâti sur un substratum tendre de colluvions argilo- Jebel Ouazdra, est attaqué par l'érosion marine. Il
sableuses, de couleur jaunâtre, d'âge wûrmien. Ces correspond au point n° 26 de Y AAT (f XVI, Kelibia).
colluvions dérivent des grès pliocenes qui affleurent En arrière d'un estran rocheux taillé dans un grès
en arrière et elles sont couvertes d'une couche pliocène et couvert de placages de sable, les vagues
noirâtre, hydromorphe, riche en matière organique. façonnent une petite falaise, haute de quelques
Les thermes étaient un édifice en grand appareil, mètres, dans des sables dunaires meubles, de couleur
décoré de mosaïques dont un fragment, conservé sur ocre foncé, d'âge holocène, qui reposent sur une
la plage devant les ruines, montre un décor tressé, à couche peu épaisse de colluvions argileuses
enroulements de lierre (fig. 126 et 127). A 15 m vers wùrmiennes. Des blocs taillés, provenant de la
le Sud, soubassement de mur en grand appareil (long, destruction par les vagues de l'aqueduc que l'on voit
conservée : 7 m). La basilique chrétienne où a été s'avancer sur l'estran, ont été repérés jusqu'à une
découverte la cuve baptismale conservée au Musée distance de 70 m en mer et à plus d'un mètre de
du Bardo se trouvait à 300 m au Sud-Ouest de ces profondeur. On dispose ainsi d'une valeur minimale
thermes, à l'emplacement du n° 27 de YAAT (1:50 000, pour le retrait de la ligne de côte depuis l'antiquité. La
f XVI, Kelibia), « dans un ensemble de ruines assez falaise en recul révèle des constructions antiques dont
informes situées à proximité de la rive gauche de les matériaux sont dispersés par les vagues. A son

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Sahel et Cap Bon 179

Fig. 126. Site 151 bis. Oued el Kseub : mines des thermes.

Fig. 127. Site 151 bis. Oued el Kseub relevé des thermes.
:

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180 Catalogue des sites

pied, des galets accumulés en cordon proviennent en 1989, les vestiges tout à fait caractéristiques de fonds
grande partie de moellons arrachés aux ruines ; des de cuves avec un enduit de béton de cendres et
blocs taillés de calcaire, corrodés par l'eau de mer, solin d'étanchéité aux angles. L'ensemble peut se
sont dispersés sur l'estran. suivre sur plusieurs dizaines de mètres en front de
Le mur supportant l'aqueduc est visible sur une mer et confirme l'existence dans cette
longueur d'une vingtaine de mètres. Sa largeur est agglomération d'installations industrielles en front de mer
de 52 cm, sa hauteur maximale de 1,50 m. Il est comportant des bassins et destinées selon toute
écroulé et renversé sur un côté. La conduite d'eau vraisemblance aux salaisons.
avait 18 cm de largeur et 7 de profondeur. A 100 m
plus au Nord, se trouve un grand ensemble de
CERAMIQUE
ruines démantelées par le recul de la falaise
(fig. 128). On y voit toute une série de murs Epoque romaine du IIe au Ve s. : sigillée africaine
parallèles ou perpendiculaires au rivage, renforcés aux
de type A Hayes 10, 27, de type C, de type D Hayes
angles et à la base par des blocs de pierres de taille,
67, vaisselle culinaire africaine Hayes 196, 197.
mais ailleurs les moellons sont liés par de la terre ou
par du mortier pauvre en chaux. Entre deux murs en
grand appareil, mur en briques crues. Selon toute Bibliographie
apparence, ces constructions ont été reprises à
différentes époques : on y voit des fragments de tuileau Cintas (J.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
en remploi. Sur la grève, sont apparus ces dernières (région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157.
années, après un nouveau recul de la falaise depuis

Fig. 128. Site 152. Es Seguia sud : usine de salaison.

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Sahel et Cap Bon 181

Acquaro (E.), Bartoloni (P.), Ciasca (A.) et Fantar BlBLIOGRAPHIE


(M.H.), 1973, Prospezione archeologica al Capo
Bon, 1, Rome, p. 79-80, fig. 36, 41-43. Duval (N.), 1958, Notes d'épigraphie chrétienne
africaine, Karthago, IX, p. 147.
Cintas 0.) et Duval (N.), 1958, L'église du prêtre Félix
(région de Kélibia), Karthago, IX, p. 157.
Acquaro (E.), Bartoloni (P.), Ciasca (A.) et Fantar
153 - ES SEGUIA NORD (M. H.), 1973, Prospezione archeologica al Capo
Kelibia 1:50 000, x : 607,00 - y : 403,75.
Bon, 1, Rome, p. 77-78, fig. 36-40.
Ghalia (T.), 1996-98, Travaux relatifs à l'église dite
L'érosion marine a placé en position légèrement « du prêtre Félix » de Oued el Ksab (Demna,
avancée sur l'estran le site archéologique qui résiste
région de Kélibia), BCTH Afrique du Nord, 25,
mieux à l'attaque des vagues que les sables dunaires
p. 107-110.
holocènes sur lesquels les constructions avaient été
implantées et qui, de part et d'autre des ruines,
forment aujourd'hui une falaise de quelques mètres
de haut. 154 -KERKOUANE
Les ruines très étendues qui correspondent au Kelibia 1:50 000, x : 606,85 - y : 405,35.
point 25 de VAAT(J XVI, Kelibia), sont celles d'une
vaste nécropole comportant des sépultures de divers La ville punique avait été installée sur un
types au milieu desquelles se remarque un massif de substratum de grès pliocenes inégalement cimentés et
maçonnerie de plan carré de 5,5 x 5,5 m, sans doute affaiblis par de nombreux joints de stratification, en
la base d'un mausolée dont l'entrée se trouvait au arrière d'une falaise vive de 3 à 4 m de hauteur. La
Sud-Est. Le monument était cantonné par des couche archéologique, de 1 à 2 m d'épaisseur,
pilastres aux angles et il comportait au centre une apparaît aujourd'hui dans la falaise qui recule à l'occasion
chambre à retraits soutenue par d'autres blocs des tempêtes, par écroulement de gros blocs. Toute la
verticaux. Un solin d'étanchéité entourait vers l'extérieur partie orientale du rempart antique a disparu comme
la fondation du mur. Quelques fragments de conséquence du recul de la falaise. La tranchée de
mosaïques tombales s'observent en plusieurs points de fondation y est bien visible près du rivage actuel,
cette nécropole associée, en fait, à une « véritable montrant l'emplacement au sommet de la falaise
ville » qui s'étendait le long du rivage depuis l'oued d'une section de la muraille d'enceinte externe
Haïdra (point 25 à 27 de YAAT). Celle-ci a été enlevée par l'érosion marine (fig. 129). Selon
identifiée, sans doute à tort, avec l'évêché de Thasvalte M. Fantar (1984, p. 170), « la mer semble avoir
qui est situé en Byzacène. Selon T. Ghalia, le topo- beaucoup rogné sur la cité ». D'un boulevard extérieur qui
nyme arabe, encore en usage, de Demna qui ourlait la falaise, il ne subsistait qu'une courte section.
s'applique à l'ensemble de ces ruines comprenant Un mur de protection a été construit en vue d'épauler
une basilique chrétienne, des horrea, des thermes, la falaise pour essayer d'arrêter son recul et de mettre
des installations industrielles et une nécropole, serait ainsi les ruines à l'abri des attaques de la mer.
l'indice d'une occupation qui aurait survécue jusqu'à
l'époque arabo-islamique. Il s'agirait d'une
agglomération vivant de ses activités maritimes halieutiques Bibliographie
et ayant supplanté, à l'époque romaine, la cité
Paskoff (R.), 1979, Evaluation de la vulnérabilité à
punique voisine de Kerkouane.
l'érosion marine de sites archéologiques antiques
de la côte tunisienne, Cah. de Tun., 47, 109-110,
CERAMIQUE p. 310.
Fantar (M.), 1984, Kerkouane, Cité punique du Cap
Témoins peu nombreux vaisselle culinaire afri- Bon (Tunisie), 1, Tunis, p. 60-61 et notes 128-131,
caine Hayes 197. p. 128, 170.

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182 Catalogue des sites

CERAMIQUE

Très peu de témoins : un bord d'amphore


punique.

156 - AIN TAKERDOUCH


Cap Bon 1:50 000, x 603,95 - y : 410,60.

:
Il n'y a pas de trace, en bord de mer, des ruines
d'un centre habité, décrites dans YAAA (f IX, Cap
Bon) au point 23 (citernes, aqueducs, pierres de
taille), à l'exception de la nécropole formée de
tombes à cupules et peut-être de mausolées.
Une falaise, haute de 3 m, taillée dans la formation
Rejiche, est en cours de recul, mais les restes de
tombeaux romains, observables à peu de distance en
arrière, ne sont pas encore érodés.

CERAMIQUE

Peu de témoins vaisselle culinaire africaine


Hayes 196 et 197.

Fig. 129. Site 154. Kerkouane : tranchée de fondation Bibliographie


du rempart.
Acquaro (E.), Bartolini (P.), Ciasca (A.) et Fantar
(M. H.), 1973, Prospezione archeologica al Capo
Bon, 1, Rome, fig. 1-2.

155 - EL HANNAKER
Cap Bon 1:50 000, x : 605,80 - y : 407,80. 157 - RASS ED DEREK (OUED ER REGA)
Cap Bon 1:50 000, x : 603,40 - y : 416,00.
Les ruines antiques, couvertes de sables éoliens
mobiles, ne sont pas atteintes par les vagues, mais Au Sud-Ouest et en contrebas de la forteresse
elles se situent en arrière d'une falaise vive, haute de punique de Rass ed Derek qui est visible de la plage,
4 m. Cette falaise vive, haute de 4 m est taillée dans se voient les vestiges d'une agglomération en bord de
une éolianite vacuolaire, à restes de racines calcifiées, mer. Celle-ci pourrait correspondre au site &Aqui-
d'âge tyrrhénien. L'estran rocheux, en avant de la laria (ou Anquillarià) , lieu {locus) mentionné, à
falaise, fait affleurer un grès coquillier qui appartient propos d'un épisode de la Guerre Civile (Caes., Bell.
probablement à la formation Rejiche. Des traces Civ., II, 23, 1), comme le lieu de débarquement des
d'extraction de blocs y sont visibles. troupes de Curion en Afrique, à XXII milles de Clupea
Réparties dans les dunes en six massifs de (S. Moscati 1971, p. 28 ; E. Acquaro 1973, p. 74).
maçonnerie, les ruines comportent des supports de voûtes et Le site est localisé au nord de l'oued er Rega, au
des placages de tuileau qui indiquent l'existence contact de la plage dite d'El Haouaria et des
probable de citernes. affleurements de grès miocène qui caractérisent l'extrémité

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Golfe de Tunis et Côte Nord 183

septentrionale du Cap Bon (cf. fig. 24). Une falaise de 158-ELHAOUARIA


2 m de haut est taillée dans des couches Cap Bon 1:50 000, x 597,15 - y : 417,75.

:
archéologiques qui recouvrent des ruines de murs. Quelques
uns de ces murs ont été dégagés par les vagues et sont Le site correspond à une carrière antique littorale,
visibles sur le haut de la plage qui s'étend en avant de à proximité de l'entrée principale des latomies d'El
la falaise (ces vestiges semblent correspondre à ceux Haouaria (cf. fig. 45). Les blocs étaient extraits d'une
que signale E. Acquaro sur sa carte). Le substratum éolianite wiirmienne, épaisse de plusieurs mètres, très
géologique n'apparaît pas. On a l'impression que biodétritique, montrant quelques lentilles colluviales
l'ancienne agglomération avait été implantée sur un de limons rouges. Les traces d'extraction (saignées,
espace plat littoral, résultat d'une progradation du marques laissées par le délogement de blocs) ont été
rivage, alors que le niveau de la mer était plus bas modifiées par la corrosion. Les paquets de mer,
qu'actuellement. projetés lors des tempêtes, ont développé dans l'étage
Les murs sont constitués de moellons de grès dur supralittoral des alvéoles, des cupules, des mares et
local du Miocène et de harpes de grandes dimensions des lapiés. Mais il n'y a pas ici d'indice de submersion
en grès dunaire. Ces murs (larg. : 51 à 55 cm) sont les permanente du fond de la carrière depuis son
uns parallèles, les autres perpendiculaires au rivage. abandon.
Les ruines sont visibles sur 200 m environ en bordure En contrebas d'un marabout ruiné (cote 72), se
de la falaise qui fait suite au Nord à une dune attaquée trouvent les ruines en grand appareil d'une tour de
par la mer. 7 m de côté.
A 50 m au Nord-Ouest des vestiges précédents,
traces de quatre cuves. Les deux premières, au Sud, Bibliographie
sont à bords en angle droit (long. 2,05 m) ; les deux
:

autres, à 1,50 m plus au nord, à angles arrondis Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la
(long. : 3,35 m). D'autres traces de cuves se Tunisie, Variations du niveau marin depuis le
remarquent sur le sentier d'accès au site (larg. du mur : Tyrrhénien, Lyon (Collection de la Maison de
0,65 m). l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist.,
2), p. 58.
Rakob (F.), 1984, Deutsche Ausgrabungen in
CERAMIQUE Karthago, Die Punischen Befinde, MDAI(RM), 91,
p. 15-22.
Les témoins recueillis indiquent une occupation Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
principale du site aux ive-vie s. : sigillée africaine D la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
Hayes 67, 68, 99B, amphore africaine II D, spatheion. géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
XXVI, p. 89.
Bibliographie Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, Formations
quaternaires et carrières littorales antiques en
Moscati (S.), 1971, Tra Cartagine e Roma, Milan, Tunisie, dans L'Homme méditerranéen, Mélanges
p. 28-30. offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 59.
Acquaro (E.), Bartolini (P.), Ciasca (A.) et Fantar Rakob (F.), 1995, Carrières antiques en Tunisie, dans
(M. H.), 1973, Prospezione archeologica al Capo Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
Bon, 1, Rome, p. 69-75, fig. 33. d'Archéologie, 200, p. 62-65.

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184 Catalogue des sites

159 - RHIRANE BOU MLEHA 161 - SIDI DAOUD - CORPS DE GARDE


Sidi Daoud 1:50 000, x : 594,30 - y : 417,10. Sidi Daoud 1:50 000, x : 588,90 - y : 412,30.

La côte est basse et rocheuse. Elle montre en Sur la presqu'île qui fait face à la thonaire de Sidi
partant du trait de côte un trottoir médiolittoral, des Daoud et où se dressent les ruines d'un ancien corps
mares de corrosion, un platier à la surface irrégulière. de garde, une couche de matériel archéologique
Dans sa partie supérieure, un alignement de blocs épaisse d'environ 2 m repose sur une éolianite
antiques en place qui est déchaussé par les vagues en wurmienne. Elle est taillée sur la rive nord en falaise
bordure de la piste qui longe la mer. que ravive périodiquement les vagues de tempête,
faisant apparaître des alignements de murs
perpendiculaires au rivage, correspondant à des cuves ou des
CERAMIQUE citernes aménagées dans des carrières.
Du côté sud où il y a aussi érosion, comme
Sur la plage, tessons très érodés. Les quelques l'indique une cuve romaine éventrée, le plancher
éléments identifiables sont tardifs : sigillée africaine D d'une carrière antique est submergé de façon
Hayes 80, 91A ou B, 99, amphore orientale Carthage permanente sur une trentaine de centimètres d'eau. La paroi
LRA 1. de la carrière montre une éolianite supérieure peu
épaisse, à stratification inclinée, qui est séparée, par
une couche décimétrique de limons colluviaux
rouges, d'une éolianite inférieure plus puissante d'où
160 - BORJ GUELIB EL MDAOUEUR des blocs taillés ont été extraits.
Sidi Daoud 1:50 000, x : 589,60 - y : 415,25. Longueur de la carrière : 85 m ; larg. : 9,60 m ;
haut, du front de taille : 2,20 m.
Le site se localise sur une butte-témoin de grès
Devant une maison, deux bases de colonne en
miocène qui culmine vers 25 m, en arrière d'une
marbre, de 51 et 49 cm de largeur (haut, respectives :
falaise vive, haute de 2 m environ, taillée dans une 27 et 32 cm) ; un fragment de colonne (diam. :
éolianite wurmienne. Celle-ci est encroûtée en surface 41 cm) ; un fragment de chancel (long. : 77 cm).
et montre en coupe des cheminées circulaires de
décarbonatation, bourrées de limons rouges.
Les restes d'une grosse tour arabe placée sur le CERAMIQUE
point culminant de la butte, face à l'île de Zembra,
présentent des remplois de blocs antiques. Les ruines Matériel essentiellement tardif : sigillée africaine
en bordure de mer semblent appartenir à des de type C 5 Hayes 84, et de type D Hayes 67, 99A, 12/
constructions très tardives. 102, 105, lampe en sigillée africaine Atlante X,
A 1,5 km plus au Nord, près de Rass el Ahmar, il n'y amphores africaines spatheion et Keay LXII. Quelques
a pas de vestige apparent « de mur de quai ou de môles éléments plus anciens : sigillée claire A (Hayes 23) et
submergés » dans la crique du Koudiat el Guerria, où amphore punique. Céramique glaçurée islamique.
VAATproposait de situer la station d'Aquilaria (f Sidi
Daoud, site n° 2), lieu de débarquement de Curion
(Caes., Bell. Civ., II, 23). Cette station doit être replacée, 161 BIS - SIDI DAOUD - DJIIIA
plus vraisemblablement sur la côte Est du Cap Bon, à Sidi Daoud 1:50 000, x : 588,70 - y 412.
proximité du Rass ed Drek (Oued er Rega).
:

Dans l'ouverture d'une petite baie à mi-distance


CERAMIQUE de l'ancien corps de garde et de la pointe de Sidi
Daoud, entre le rivage et l'îlot rocheux de Djilia, une
Peu de témoins : sigillée africaine D Hayes 50, structure en forme de jetée est visible en mer, à une
lampe en sigillée africaine Atlante X, céramique distance d'environ 100 m de la plage. Cette structure
glaçurée. Antiquité tardive et époque islamique. immergée à faible profondeur (1 à 2 m) a 10 m de

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Golfe de Tunis et Côte Nord 185

largeur et est constituée de deux rangées parallèles de Dans la partie sud du site, l'érosion a révélé au
blocs en grand appareil disposées comme les pied d'une falaise de 1 à 3 m de haut, taillée
parements d'une jetée. Mais elles-mêmes sont réunies de exclusivement dans du matériel archéologique, un
loin en loin entre elles par des entretoisements tronçon de voie dallée, qu'on peut suivre sur une
perpendiculaires ou obliques, en blocs également, qui vingtaine de mètres de développement. Ce pourrait
dessinent des compartiments interprétés par être un élément de la voirie urbaine. Le pavement
D.P. Davidson comme pouvant être des viviers en est constitué par des plaques d'un beau calcaire
fonctionnant à fleur d'eau dans l'antiquité. Des sortes de gris-bleu, inconnu dans le Cap Bon. A droite du
canaux avaient été ménagés à travers cette structure dallage, sur l'estran constitué par un grès coquillier
pour permettre la circulation de l'eau afin d'empêcher fin, appartenant probablement à la formation
l'alluvionnement dans la baie. L'interprétation de Rejiche, on remarque des placages de blocage
l'ensemble comme une série de viviers, pour encore en place, ainsi qu'un petit canal, creusé dans
séduisante qu'elle puisse paraître, n'est pas pour autant le rocher et défiguré dans sa partie aval par des
certaine, car des chaussées d'une structure tout à fait mares de corrosion.
comparable, avec deux parements conservés et A peu de distance de là, en allant vers le Sud, dans
présence de buses pour l'écoulement de l'eau, ont été la cour d'une habitation sont conservés des éléments
observées en liaison avec plusieurs sites de lagunes architectoniques de marbre pouvant provenir d'une
du Cap Bon où leur rôle de voie d'accès au cordon basilique chrétienne : fragments de colonnettes
littoral ne peut pas faire de doute. canelées, plaque de chancel, deux chapiteaux dont
En bordure de la grève, face à la « jetée », restes de l'un, de 35 cm de haut, présente un décor sculpté en
deux murs parallèles s'avançant dans la mer, espacés haut relief (pampres et oiseaux).
de 15 m environ ; structure de maçonnerie en forme Plus au Sud, un vivier à poissons antique a été
d'auge (dim. intérieures : 90 x 92 cm ; épaisseur du creusé dans un grès à faciès éolien de la formation
rebord : 32 cm). On note également un alignement de Rejiche, surmonté successivement d'un conglomérat à
blocs près de la plage. strombes de la formation Chebba, d'un niveau rouge
de colluvions argilo-sableuses à Helix, enfin d'une
éolianite à grain grossier, encroûtée, d'âge wurmien
Bibliographie (fig. 50 et 130).
Le vivier avait été sans doute aménagé dans une
Davidson (D.P.), dans Ben Lazreg (N.) et Mattingly ancienne carrière surcreusée à cet effet. Il présentait
(D.), 1992, Leptiminus (Lamta), a Roman port city deux communications avec la mer par deux canaux
in Tunisia, Report n° 1, Ann Arbor, JRA Suppl., 4, eux aussi creusés dans le platier rocheux aujourd'hui
p. 172-174. en partie submergé. Ces deux canaux peuvent se
suivre sur une vingtaine de mètres de longueur ; ils
présentent l'un et l'autre des traces d'un dispositif de
162 - SEDI DAOUD (MISUÂ) fermeture par des vannes dont les encoches latérales
Sidi Daoud 1:50 000, x : 588,40 - y : 411,40. sont encore visibles malgré la corrosion depuis
l'antiquité. Celui du Nord avait 80 cm de profondeur ; celui
Près du marabout, à la pointe du promontoire de de l'Ouest, 50 cm. Le platier qui borde le vivier et
Sidi Daoud, site très étendu comportant des ruines dans lequel sont creusés ces canaux est lui-même
importantes mais peu distinctes pour la plupart. Sur recouvert en permanence par au moins une vingtaine
plus de 20 m de longueur dans la falaise et sur de centimètres d'eau, ce qui implique un relèvement
l'estran, se remarquent un alignement de blocs et un minimal du niveau de la mer de cet ordre de grandeur
massif en blocage, qui apparaissent notamment sous depuis leur aménagement. L'orientation de ces
une tour moderne ruinée. Plus près de la pointe, à canaux, respectivement au nord-ouest et au nord-est,
l'Ouest du marabout, dans d'autres traces de c'est-à-dire en direction des vents dominants, ne
construction en grand appareil et blocage, on distingue un manque pas d'attirer l'attention car elle est conforme
fragment de mosaïque. aux prescriptions de Columelle (Res rust. VIII, 17)

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186 Catalogue des sites

». , ■_ ^jy. ■ ^ plate.f or me roch. J.L


10m
. coupe A B
Fig. 130. Site 162. Sidi Daoud vivier.
:

pour la construction des viviers, afin d'en faciliter le thermes en rapport avec une villa maritime dont
renouvellement des eaux : quod agitatum ventis dépendait également le vivier.
assidue renovatur.
Sur la plate-forme qui flanque le vivier du côté
sud, on remarque des traces de fond de cuve en béton CERAMIQUE
de tuileau. D'autres traces de fonds de cuves sont
visibles sur le platier submergé. A 15 m au sud-est du 1) Prospection sur l'estran au Nord du marabout :
vivier, vestiges d'un édifice voûté de 10 x 24 m, contexte tardif ve-vie s. : sigillée africaine D Hayes 50,
comportant une salle au sol mosaïque (tesselles 87B, 91, 107, vaisselle culinaire africaine Hayes 196,
blanches), longue de 6,60 m. Les murs sont en moellons à 197, amphore orientale Carthage LRA 1.
renfort de harpes. En contrebas, on devine 2) Prospection sur l'estran devant le marabout
:

l'emplacement de trois cuves ou bassins reconnaissables par matériel ier-ve s. : sigillée italique, sigillée africaine de
leur enduit étanche. Peut-être s'agit-il de petits type A Hayes 2 et de type D.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 187

Bibliographie Bibliographie

Guerin (V.), 1862, Voyage archéologique dans la Gauckler (P.), 1900, Séance de la Commission de
Régence de Tunis, 2, Paris, p. 217. l'Afrique du Nord (10 avril 1900), BCTH, p. CLII-
Tissot (Ch.), 1888, Géographie comparée de la CLVII.
province romaine d'Afrique, 2, Paris, p. 137. Kchouk (F.), 1982, Contribution à l'étude des
Courtois (Ch.), 1954, Ruines romaines du Cap Bon, formations dunaires de Dar Chichou (Cap Bon), Notes
Karthago, V, p. 197, 190. Service Géologique Tunisie, 25, 75 p.
Schmiedt (G.), 1972, // livello antico del mar tirreno, Paskoff (R.), Sanlaville (P.) et Bourgou (M.), 1983,
Testimonianza dei resti archeologici, Florence, Stratigraphie et genèse des éolianites du Wùrm et
p. 64. de l'Holocène sur le littotal de Tunisie, CR Acad.
Se. Pans, 296, p. 1263-1266.
Bourgou (M.), 1991, Les accumulations dunaires de
la péninsule du Cap Bon (Tunisie), Etude
géomorphologique, thèse de 3e cycle (Tunis 1982), Tunis,
163 - SIDI DAOUD - CARRIERES
Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
Sidi Daoud 1:50 000. x : 588,50 - y : 411,10.
XXVI, p. 17, 59.
Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, Formations
Le site est caractérisé par la présence de carrières
quaternaires et carrières littorales antiques en
antiques très étendues et largement submergées,
Tunisie, dans L'Homme méditerranéen, Mélanges
parfois sous plusieurs dizaines de centimètres d'eau.
offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 6l.
Creusés dans le rocher dominant la mer, on peut voir
des haouanet. C'est ici qu'a été définie la formation
Sidi Daoud, couche sablo-limoneuse rougeâtre qui
sépare en deux membres l'éolianite wiirmienne de la 164 - DEGLA (SIMININA ?)
formation Cap Blanc. C'est principalement du niveau Tazoghrane 1:50 000, x : 582,75 - y : 405,90.
inférieur, moins vacuolaire et plus épais que l'autre,
que les blocs ont été extraits (cf. fig. 46). Le site archéologique, ensablé sous des nebkhas
A peu de distance de ces carrières, en retrait sur la buissonnantes, est localisé en arrière d'une falaise
terre ferme, P. Gauckler avait signalé - en même vive, haute de 3 à 4 m. Celle-ci montre une éolianite
temps que ces carrières elles-mêmes - toute une série tyrrhénienne dont l'éboulement par pans, sous
de nécropoles dont une centaine de tombeaux furent l'action des vagues, est facilité par l'existence au pied
alors fouillés. C'étaient, d'après Gauckler, « des de la falaise d'une couche colluviale tendre sablo-
cimetières de petites gens probablement d'ouvriers limoneuse. Ces ruines apparaissent en coupe dans la
indigènes et d'esclaves employés aux carrières ». Le partie supérieure de l'escarpement (fig. 131).
mobilier funéraire recueilli dans ces tombeaux tendait
S.E N.O
à indiquer que les carrières en question devaient être
actives surtout aux deux premiers siècles de l'Empire.
Sur 63 lampes recueillies, presque toutes
appartenaient à cette époque ; une seule à l'époque
chrétienne.

Céramique

Prospection sur l'estran au Nord des carrières. Fig. 131. Site 164. Degla
Contexte homogène du Haut-Empire : sigillée italique 1. Eolianite inférieure ; 2. Colluvions rouges sablo-
(Haltern Service II), sigillée africaine A Hayes 6, 8 et limoneuses ; 3. Eolianite supérieure ; 4. Couche
23, amphore italique Dressel 2/4. archéologique ; 5. Carrière antique submargée ; 6. Dunes.

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188 Catalogue des sites

Dans la partie nord du site, près du corps de retrait de l'escarpement fait apparaître, en plusieurs
garde, restes d'un petit bâtiment de 9 x 7 m avec un endroits, des vestiges importants de constructions
revêtement de béton étanche disposé symétriquement d'époque romaine qui s'écroulent progressivement et
autour d'un massif de maçonnerie. Il s'agit d'une dont les matériaux finissent par être dispersés par les
construction soignée en rapport peut-être avec des vagues. Le site est exposé à la houle dominante du
thermes ou avec le nymphée d'une résidence privée. Nord-Ouest qui attaque l'éolianite, plus ou moins bien
Près du cap, une carrière antique est située en consolidée, constituant l'essentiel du matériel rocheux
bord de mer. Son plancher a atteint une éolianite, de la falaise. Il s'agit d'une éolianite à Helix, à
également d'âge tyrrhénien, située sous la couche fourreaux de racines, de consolidation inégale,
colluviale qui affleure au pied de la falaise. Elle est appartenant à la formation Rejiche (Eutyrrhénien), qui forme
inondée de façon permanente par la mer à la suite l'essentiel de la falaise vive en arrière de laquelle se
d'un relèvement d'au moins 35 cm de son niveau trouvent les ruines antiques. Sous cette éolianite
depuis l'époque romaine. Des cavités régulières apparaissent des dépôts lagunaires argileux, meubles et de
creusées dans le rocher pourraient être d'anciens pourris- couleur grise, puis des sables coquilliers grésifiés qui
soirs à pourpre. appartiennent au membre marin de la formation
Dans la partie centrale de la baie se remarquent Rejiche. Vers le Sud, là où se trouvent d'anciennes
plusieurs structures à demi-effondrées dans la falaise carrières, l'éolianite eutyrrhénienne est recouverte par
haute ici de 6 à 7 m : à signaler une construction en une éolianite wûrmienne qui est ici peu épaisse et
grand appareil et blocage de 9 x 6 m avec une sorte présente une structure feuilletée.
de fenêtre. Plus au Nord se trouve une petite structure Les vestiges sont répartis en bord de la mer, sur
voûtée et une nécropole formée de tombes à cupules. une distance d'environ 1,2 km (fig. 132). En partant
Il n'y a pas de trace apparente du quai signalé par du Sud-Ouest, on trouve d'abord une nécropole de
VAAT(f XV, Tozegrane, n 1-4). tombes à cupules près d'un signal établi sur les ruines
d'un ancien corps de garde (ou d'un mausolée). Puis
à l'extrémité des deux caps qui ferment la baie dans
CERAMIQUE cette direction, se voient les carrières antiques dont le
plancher est partiellement submergé de façon
Le mobilier couvre une longue période, depuis permanente sous une épaisseur d'eau qui peut atteindre
l'époque punique jusqu'à la fin de l'antiquité :
suivant les endroits entre 20 et 40 cm. Au pied de leur
céramique campanienne, amphore punique, sigillée paroi existent des encoches de corrosion. Les mesures
italique (Haltern Service II, type 36), sigillée du sud de de l'une d'entre elles sont de 30 cm pour la hauteur et
la Gaule, sigillée africaine de type A (Hayes 2, 9), de de 30 cm pour la profondeur.
type C, de type D (Hayes 6lB, 67, 80, 87B, 88, 91A ou Sur la côte, près d'un troisième cap plus en retrait
B, 104A), lampes en sigillée africaine Atlante X, des précédents, se remarquent une citerne et d'autres
amphore italique Dressel 2/4, amphores africaines structures effondrées faisant apparaître plusieurs
dont spatheion, amphore orientale Carthage LRA 3. niveaux d'occupation superposés. Dans l'anse
On remarque que le mobilier punique est abondant
principale qui s'ouvre plus au Nord, on voit une citerne
en limite sud du site, tandis que les déblais du pillage bien conservée (6 x 2,5 m) depuis la base jusqu'à
de la nécropole livrent de nombreux fragments de l'élévation du mur du fond : son enduit, assez
sigillée italique. semblable à celui des cuves de salaison, comporte
une couche de graviers, une couche de béton de
cendres, une couche de béton de tuileau et, en
165 - MRAISSA {SIMIN1NA) surface, un enduit lissé. Au-dessus de la voûte, se
Tazoghrane 1:50 000, x : 579,80 - y : 403,90. remarquent les traces caractéristiques d'un fond de
cuve - ou d'un impluvium - en béton de tuileau. Puis
Les ruines d'une agglomération antique très viennent des structures informes comportant des
étendue s'étendent en arrière et le long d'une falaise voûtes effondrées et un mur en grand appareil, près
en recul, haute de 1 à 5 m suivant les endroits. Le desquelles est apparu récemment un chapiteau, enfin

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Golfe de Tunis et Côte Nord 189

A. Carner - J.Le

Fig. 132. Site 165- Mraïssa : relevé du site.

un groupe de cuves de salaison aisément reconnais- Au sommet du plateau, en arrière de la falaise de


sablés (fig. 133)- H s'agissait sans doute d'un centre de l'anse principale, on remarque des alignements de
première grandeur, car les structures voisines moins murs réguliers avec de nombreuses harpes qui
lisibles se révèlent à l'examen avoir appartenu au dépassent du sol, suggérant l'existence de tout un
même ensemble. La partie la plus caractéristique fait quartier d'habitations (ou d'un établissement
apparaître des cuves conservées en élévation dans la industriel). Plus à l'Ouest enfin, se trouvent des structures
falaise et des fonds de cuves en plan sur la grève. On voûtées en blocage qui pourraient appartenir à des
peut observer dans le détail la texture des revêtements thermes.
successifs, au-dessus du blocage de préparation A l'extrémité nord du site, à une centaine de
initiale (moellons en éolianite quaternaire) des fonds mètres du bâtiment écroulé et au bord même de la
de cuves : couches en béton de cendres très dur, en falaise, se trouve un puits bien conservé (diam
:

mortier ou béton à granulat de plage, puis en opus 1,10 m) avec sa margelle en blocage (1,70 x 1,70 m)
signinum (parfois sur plusieurs épaisseurs), enfin en munie d'un dispositif en rigole servant d'abreuvoir
opusfiglinum. (long. : 3 m) (fig. 134).
Sur le promontoire du Rass el Fortas qui ferme la A une trentaine de mètres au nord du puits, à
baie au Nord, se trouve un puissant édifice en gros l'endroit où la côte à falaise fait place à une grande
blocs en cours de démantèlement par la mer (cf. plage en direction de Dagla, une structure écroulée en
fig. 51) : parmi les vestiges effondrés au bas de la blocage pourrait correspondre à la fondation d'un
falaise, on note un fragment de plaque de marbre et ancien rempart, mais on perd sa trace vers l'intérieur,
des fragments de pavement en opus figlinum et de à la limite du plateau.
mosaïque. Il semble bien que cette construction, de Le site de Mraïssa pourrait correspondre à la ville
facture assez grossière, recouvrait des vestiges plus de Siminina mentionnée à la fois par l'Anonyme de
anciens révélés dans la falaise par un sol recouvert de Ravenne {Cosmographie, V, 5, 4) et par les listes épis-
tesselles noires et blanches, reposant lui-même sur copales (A. Mandouze, Prosopographie chrétienne du
des colluvions de couleur cendreuse. Bas Empire, 1, Afrique, p. 276-277, 620).

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190 Catalogue des sites

Ta - • ■» J

2m
J.L

Fig. 133. Site 165. Mraïssa : cuves de salaison.

87B, 91A-C, 99, 104A, 106) décorée (fig. [8], n° 78),


vaisselle culinaire africaine Hayes 23, lampes en
sigillée africaine Atlante VIII et X, verre (forme Isings
111), amphore africaine II Keay LVII (fig. [13], n° 173),
amphores orientales Carthage LRA 1, 2, 3 et 4.

Bibliographie

Courtois (Ch.), 1954, Ruines romaines du Cap Bon,


Kartbago, V, p. 185, n. 12, 187, n. 29.
Aounallah (S.), 1994, Le fait urbain dans le Cap Bon
antique (Tunisie du nord-est), L'Africa romana 10
(Oristano 1992), 2, Sassari, p. 619, n. 17.

Fig. 134. Site 165. Mraïssa : puits et abreuvoir.

166-ELASSA(EST)
Tazoghrane 1:50 000, x : 570,80 - y : 397,60.
CERAMIQUE
Le site est localisé sur une falaise en état de recul
Le mobilier couvre une large période depuis de 4 à 5 m de haut, en arrière d'une plage de sable.
l'époque punique jusqu'à l'Antiquité tardive : La falaise est taillée dans des grès dunaires jaunâtres à
amphore punique (dont Mafia D), sigillée italique, Helix dans lesquels s'intercalent des dépôts lagunaires
sigillée du sud de la Gaule, sigillée africaine de type argilo-sableux, l'ensemble appartenant à la formation
A (Hayes 8, 3, 9, 27), de type D (Hayes 50, 6lB, 67, Rejiche (Eutyrrhénien).

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Golfe de Tunis et Côte Nord 191

Les ruines antiques, visibles au sommet de la déchaussés par le recul de la falaise, un mur de
falaise, sont couvertes par des monticules dunaires du moellons conservé sur 1,50 m en élévation. A 200 m plus
type nebkha buissonnante. Il s'agit de restes assez à l'Ouest, mur de pierres sèches conservé sur une
informes de constructions en opus africanum : un longueur de 11 m en bordure de la falaise.
angle de mur est bien reconnaissable près du bord de Le contexte géomorphologique est le même que
la falaise. Le site culmine à l'intérieur, au point coté celui décrit pour le site 166. Mais, à la base de la
+6 m. A l'Est des ruines, un amas de céramique dans falaise vive apparaît un banc de grès marin coquillier
une couche de cendres semble indiquer la présence qui fait aussi partie de la formation Rejiche (Eutyrrhé-
d'un atelier de potiers. A l'Ouest du site, petite nien).
construction de 7 x 4 m avec un enduit externe.
CERAMIQUE
CERAMIQUE
Les déblais du pillage de la nécropole livrent des
Sur la face nord du site, épandage serré de tessons fragments d'amphores cylindriques africaines avec
d'amphores, essentiellement de types africaines I et II. des traces de mortier, provenant peut-être de la
On note également des fragments de bords et d'anses superstructure des tombes, ainsi que quelques
proches des types de Gaule du Sud et de Maurétanie fragments de sigillée italique (forme Goudineau 39) avec
Césarienne. L'ensemble de ces céramiques, parmi timbre (fig. [4], n° 11) et de vaisselle campanienne
lesquelles on remarque des tessons surcuits, est (type C ?).
contenu dans un sédiment cendreux. Il y a tout lieu Par ailleurs, une prospection de la partie
d'envisager ici la présence d'un atelier de potiers supérieure de la falaise qui suit au Sud la nécropole donne
d'époque romaine ayant produit les types d'amphores quelques fragments de céramiques tardives (sigillée
énumérés plus haut (fig. [17], n° 240-248). africaine D Hayes 104A et 105) mais également plus
Sur les faces ouest et sud du site, parmi les ruines anciennes (campanienne).
de l'habitat, on récolte peu de tessons. Ces
céramiques appartiennent toutes au début de l'époque
romaine (ier s. av. J.-C. - IIe s. ap. J.-C.) : amphores de
168 - MARSA BEN RAMDAN (PORT PRINCE)
tradition punique, sigillée italique, amphore italique
Tazoghrane 1:50 000, x : 568,50 - y 397,80.
Dressel 2/4, sigillée du sud de la Gaule.
:

La mer attaque un promontoire fait de gros bancs


Bibliographie de grès séparés par des couches marneuses peu
épaisses (formation Souaf du Miocène moyen),
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Tazoghrane, recouverts de placages discontinus d'une éolianite
site n° 38. wiirmienne. En arrière de ce promontoire, du côté du
Sud-Est, s'étend une plage de sable. Elle s'adosse sur
une petite falaise d'argile, haute d'environ 1 m, qui est
épisodiquement ravivée par des vagues de tempête et
167 - EL ASSA (COTE 9) dans laquelle apparaissent des ruines antiques.
Tazoghrane 1:50 000, x : 570,10 - y : 397,65. Au pied de la petite citadelle installée sur le
promontoire, on remarque, parmi les quartiers de
Le site, très étendu, est marqué par la présence de rochers de grès miocène, des masses maçonnées
vestiges discontinus sur plusieurs centaines de mètres effondrées avec des blocs de grand appareil en remploi,
en bordure de la falaise. pouvant provenir d'un ouvrage byzantin ou arabe
A l'Ouest d'un oued qui le sépare du site ancien ; à signaler également une paroi de cuve ou de
précédent, le site commence par une nécropole pillée. A citerne de section circulaire avec son enduit. Ces
500 m de celle-ci, près de la cote 9, restes de vestiges sont en contrebas des murs modernes, eux-
constructions où se remarquent des blocs en grand appareil mêmes menacés d'effondrement par l'attaque de la mer.

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192 Catalogue des sites

Dans l'anse sableuse au Sud-Est, où pouvait se en blocage de l'amphithéâtre et d'une grande citerne
trouver un petit port à l'abri du cap, des alignements de avec un bassin de décantation où aboutissait un
blocs et quelques arases de murs en moellons montrent aqueduc ; au Nord-Est de l'appontement, près du
la présence de sructures bâties. Derrière la guinguette marabout et à proximité d'un grand édifice voûté
de la plage, arase de mur en opus africanum, long, (haut. : environ 6 m) dont la construction paraît
visible : 6 m. Sur le rivage lui-même, à l'abri du cap, à tardive, probablement médiévale (blocs irréguliers en
500 m environ du borj et au sud de la guinguette, sont remploi, mortier riche en chaux), on voit en bordure
apparues des structures archéologiques dégagées par de mer une falaise de 4 à 5 m de commandement, qui
la mer. Il s'agit d'une série de cuves montrant se suit sur une quinzaine de mètres et qui montre en
l'existence en ce lieu d'une installation de salaison. Du Nord coupe, sur toute sa hauteur, une accumulation de
au Sud, on distingue d'abord trois petites cuves larges matériel archéologique. Des structures romaines ont
de 1 m environ et séparées entre elles par des cloisons été en partie déchaussées par les vagues et certaines
de blocage avec un enduit caractéristique et se s'avancent dans l'eau : les murs, en petits moellons
terminant en arrondi. Puis un mur en grand appareil de grès assises régulièrement avec renfort de harpes, sont
dunaire recoupe obliquement l'installation. Une conservés sur une hauteur de 1 à 2 m au-dessus de la
seconde série de cuves est accolée à ce mur : l'une fondation ; à 10 m à l'ouest de ces murs, se trouve un
d'elles assez bien conservée mesure 1 x 2 m, suivie massif de maçonnerie de forme rectangulaire (9 x
d'une autre cuve transversale. 3,50 m), recouvert en permanence d'une tranche
d'eau d'environ 0,20 m (cf. fig. 49).
Dans la mer au large du site, on voit deux grands
CERAMIQUE brise-lames ; ils sont entourés de profondeurs
inférieures au mètre, couvertes par des prairies de posi-
Sur le parc de stationnement, aux abords des
donies et de cymodocées. L'un, au Nord, est disposé
arases de murs anciens, on remarque de nombreux
NNE/SSW ; sa longueur est de 250 m ; il part du
tessons antiques, très fragmentés, mêlés de mobilier
rivage avec lequel il fait un angle aigu d'environ 20°.
actuel. Parmi ces tessons, plusieurs bords d'amphores
L'autre au Sud, est approximativement orienté ENE/
africaines IID ou Keay XXV. 1. WSW, presque perpendiculairement à la côte dont
une distance de 150 m l'en sépare. Ces structures
Bibliographie constituent probablement les restes de l'« ancien port
romain » que mentionne la carte au 1:50 000. Elles
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Tazoghrane, sont faites d'enrochement de grès oligocènes extraits
site n° 34. à proximité, au pied des reliefs qui dominent la côte
(Jebel Sidi er Raïs). Sur la jetée la plus courte, les blocs
sont plus gros, de taille métrique, et certains montrent
des indices de corrosion, témoignant d'un long séjour
169 - SIDI RAÏS (CARPIS) sous l'eau qui peut plaider en faveur de leur antiquité.
La Goulette 1:50 000, x : 558,00 - y : 386,00. Par ailleurs, ce type d'aménagement est comparable
aux brise-lames découverts à Carthage en avant du
Les vestiges de la ville antique sont situés dans la rempart punique dans le secteur de la fouille
partie orientale du golfe de Tunis, au contact de la allemande. Sur l'autre jetée, les blocs sont moins
plage de Soliman - Sidi Raïs et des premiers volumineux et apparemment peu corrodés.
escarpements de la côte occidentale du Cap Bon où les grès
de l'Oligocène ont été exploités par des carrières
(Jebel Mraïssa - Sidi Raïs). CERAMIQUE
Les ruines étendues, recouvertes de dunes actuelles,
partiellement végétalisées, arrivent jusqu'au rivage. La céramique est celle d'une ville occupée durant
Au Sud-Ouest d'un petit appontement moderne, toute l'époque romaine. On note : vaisselle campa-
on remarque, un peu en retrait de la côte, les ruines nienne, arétine, sigillée africaine de type A abondante

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 193

(Hayes 3A, 6, 8, 10, 23, 27), de type D (Hayes 91A/B, rivage à Carthage (Tunisie) dans l'antiquité, CR
104), vaisselle culinaire africaine (Hayes 182, 196, 197, Acad. Se. Paris, 300, II, 13, p. 613-618.
198), amphores africaines et orientales (dont Carthage Oueslati (A.), Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.),
LRA 1). 1987, Déplacements de la ligne de rivage en
Tunisie d'après les données de l'archéologie à
l'époque historique, dans Déplacements des lignes
Bibliographie
de rivage en Méditerranée (Aix-en-Provence,
Atlas archéologique de Tunisie, feuille La Goulette, 1985), Paris, CNRS, p. 73-76.
site n° 15.

171 - GAMMARTH (LE PECHEUR)


170 - CARTHAGE La Marsa 1:50 000, x : 336,50 - y : 401,90.
La Marsa 1:50 000, x : 538,75 - y 394,65.
:

Le site est localisé à côté du restaurant Le Pêcheur,


Entre l'ancien palais beylical et les ports puniques, à environ 1 km à l'Ouest du Cap Gammarth. Il
des pans de murs antiques qui s'avancent dans la mer témoigne à la fois d'un relèvement du niveau de la
témoignent d'un recul du rivage. Des études menées mer et d'un recul du trait de côte depuis l'antiquité.
dans ce secteur par les archéologues - en particulier Des vestiges de constructions très importantes
allemands et bulgares - et des géomorphologues ont s'étendent en front de mer sur 110 m de longueur et
fait apparaître que pendant toute l'antiquité le niveau sont soumis à l'attaque de la mer. Ici, la plate-forme
de la mer a été plus bas, de plusieurs dizaines de littorale, taillée dans un grès coquillier de la formation
centimètres, que le niveau d'aujourd'hui (encoche d'origine Rejiche (Eutyrrhénien), est immergée de façon
marine à -0,40 m dans les vestiges d'un rempart permanente, en certains endroits sous plus d'une trentaine
punique datant du début du Ve s. av. J.-C. ; sol à - de centimètres d'eau. On remarque des traces
0,25 m d'une cave appartenant à une maison romaine d'extraction de blocs et, à une vingtaine de mètres du
du IIe s. av. J.-C). D'autre part, une importante rivage, une longue tranchée creusée dans la roche et
progradation du trait de côte s'est manifestée entre 400 av. J.- aujourd'hui immergée.
C, peut-être même plus tôt, et au moins jusqu'en 150 Sur le rivage, au-dessus du platier rocheux lui
ap. J.-C, probablement jusqu'au Moyen Age. même entaillé par des trous circulaires et de longues
L'engraissement progressif de la plage a favorisé l'extension saignées rectilignes, s'observe un ensemble complexe
spatiale de la Carthage punique et par suite, à l'époque de murs en moellons. En plusieurs points, ces murs
romaine, a permis la construction d'une nouvelle recoupent les saignées en question en les fossilisant.
insula, entre le Kardo XVIII et le Kardo XIX. Tout ce En liaison avec les structures en moellons, existaient
bloc de maisons est aujourd'hui sous l'eau, ce qui des cuves ou des salles de bain à béton de sol et
indique un repli, depuis l'antiquité, de 50 à 60 m au parois étanches ; l'une d'elles au sol mosaïque a été
moins du rivage qui occupe actuellement la position recouverte d'une nouvelle mosaïque à grosses
qui était la sienne au début du IIe s. av. J.-C. tesselles blanches ; la présence de traces de placages
de marbre de Carrare à la base des murs suggère que
Bibliographie ces constructions appartenaient à un établissement
thermal ou à une résidence luxueuse de bord de mer.
Yorke (R. A.) et Little (J. H.), 1975, Offshore survey Dans certains murs, on remarque l'utilisation de
at Carthage, Tunisia, 1973, Int. Naut. Archaeology briquettes - taillées dans du grès dunaire coquillier —
Underwater Explor., 4, p. 85-101. au-dessus du ressaut de la fondation ; celle-ci repose
Kuzmanov (G.), 1976, Etude du littoral de la Carthage sur une couche de terre noire compacte qui contient
romaine, Archeologia (Sofia), 18, 4, p. 19-33- des témoins de céramique préromaine.
Paskoff (R.), Hurst (H.) et Rakob (F.), 1985, Position La grande tranchée recouverte par la mer se
du niveau de la mer et déplacement de la ligne de trouve à 39,50 m des vestiges précédents ; elle est

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


194 Catalogue des sites

parallèle au rivage et creusée dans le platier rocheux


0
littoral submergé ici sous une dizaine de centimètres
d'eau (30 cm à marée haute). Elle-même est profonde
de 0,70 m et large de 1,35 m en moyenne et peut se
suivre sur une cinquantaine de mètres de longueur.
Elle pourrait être d'époque punique et a sans doute
servi à asseoir les blocs d'un gros mur entièrement
disparu. Les autres entailles déjà signalées sur l'estran
sont elles aussi antérieures aux constructions que les
vagues attaquent en mettant au jour des murs, des
restes de cuves et de mosaïques : cet ensemble peut 4m
être daté du IIe s. ap. J.-C.
Dans la partie nord-est du site dont l'extrémité est
marquée par un retour de la tranchée creusée dans le
platier rocheux, on note un groupe de cuves à enduit • •.• • *c • .<\ • • •
étanche (cf. fig. 52) : larg. d'une cuve 0,94 m. Le détail
d'une coupe dans le fond d'une cuve montre une
série complexe de recharges en pierrailles ou graviers,
d'enduits successifs (avec ou sans tuileau) et de
revêtement de mosaïques à tesselles blanches. Fig. 135. Site 171. Gammart (Le Pêcheur).
L'hypothèse de l'existence - une certaine époque du moins 1. Conglomérat de la formation Rejiche ; 2. Colluvions
- de cuves de salaison dans ce secteur n'est pas à rouges avec sol brun sommital ; 3- Colluvions à tessons de
exclure absolument. Elles auraient pu être intégrées poterie du ve s. av. J.-C. ; 4. Constructions romaines du
par la suite dans un établissement thermal. IIe s. ap. J.-C. ; 5. Colluvions à tessons de poterie antique
A la limite nord-ouest de la petite anse dans tardive ; 6. Sables éoliens.
laquelle se trouve ce site, on voit d'autres traces de
murs à enduit étanche sur plusieurs éléments de murs
se recoupant à la perpendiculaire. Non loin de là, des En revanche, piégé dans la couche sablo-limo-
observations ont été faites sur une falaise, haute de neuse marron foncé qui comble l'une des tranchées
4 m, qui montre de la base au sommet la succession rectilignes creusées dans le rocher, on relève un
indiquée sur la fig. 135. tesson de céramique à vernis noir - attique ou italique
Cette stratigraphie est intéressante car elle montre, - du ive s. av. J.-C.
après examen du matériel, l'existence de deux dépôts
colluviaux d'âge historique, séparés par des
Bibliographie
constructions romaines du IIe s. ap. J.-C. Le plus ancien,
constitué d'argile rouge compacte à nodules calcaires,
Mellouli (M.), 1987, Stratigraphie quaternaire et
contient des fragments de poterie du IVe s. av. J.-C. Le
variation du niveau de la mer à la Baie des Singes (Cap
plus récent, argilo-sableux, renferme de la poterie
Gammarth), Tunisie nord-orientale, CEDAC
antique tardive (ve-vne s.) ; il est recouvert par des
Carthage, 8, p. 48-51.
sables éoliens actuels.

CERAMIQUE 171 BIS - CAP GAMMARTH


La Marsa 1:50 000, x : 537,50 - y : 401,30.
Dans la falaise, aux abords des murs maçonnés
d'époque romaine, on note de rares tessons du IIe s. En contrebas d'un hôtel abandonné près du Cap
(sigillée africaine A Hayes 2) mêlés à des matériaux Gammarth, traces de structures antiques reposant sur
actuels (brique mécanique). un dépôt de plage tyrrhénien ou sur de l'éolianite. On

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 195

remarque une cuve en partie taillée dans la formation la sebkha se remarquent des traces de constructions
tyrrhénienne : longueur conservée 3 m, avec enduit de romaines tardives. Elles sont noyées dans des dépôts
tuileau ; la paroi en moellon est en partie conservée. A argileux salins à fine croûte et boursouflures
20 m plus au sud, traces d'extraction de blocs dans superficielles. Ici l'environnement a changé depuis
l'éolianite ; quelques blocs épars et des vestiges de l'antiquité. On peut penser que les terres étaient moins
murs sont visibles à peu de distance dans la même salées parce que le niveau de la mer était plus bas et
direction. A 20 m au nord de la cuve, traces d'un sol que, de ce fait, des cultures étaient alors possibles.
bétonné sur la formation de plage tyrrhénienne. Il n'y
a pas de tesson de céramique à proximité (fig. 136).
CERAMIQUE

Les rares tessons, très corrodés, récoltés sur le site


datent du Ve s. ap. J.-C. : sigillée africaine D
Mackensen 18, Hayes 91C, 103- Trente monnaies en
bronze, de petit module, ont été récoltées par
• <-•.■••■ ••*■ A. Oueslati lors d'une précédente visite.

Fig. 136. Site 171 bis. Cap Gammarth.


Bibliographie
1. Grès de la formation Rejiche ; 2. Marques d'extraction
de blocs ; 3. Tranchée ; 4. Entailles ; 5. Constructions
romaines (ne s. ap. J.-C.) ; 6. Colluvions à tessons de Bourgou (M.) et Oueslati (A.), 1994, Les
poterie antique tardive. constructions éoliennes des bordures de sebkhas et
dépressions fermées de la Tunisie nord-orientale : pour
une chronologie plus fine afin de mieux
reconstituer les paléoenvironnements holocènes, Revue
Tunisienne Géographie, 25, p. 13-25.
172 - RAOUAD
La Marsa 1:50 000, x : 536,00 - y : 402,00.

Là où commence la grande plage de Raouad en 174-UTIQUE


venant du Cap Gammarth, à proximité d'un blockhaus Porto Farina 1:50 000, x 514,00 - y : 417,00.
de la deuxième guerre mondiale, se trouvent les
traces d'une grande carrière antique qui peuvent se Ce site témoigne d'une avance importante du
suivre, bien qu'en partie recouvertes par le sable, sur littoral (cf. fig. 47 et 48). En effet, la ville d'Utique dont
une longueur d'une centaine de mètres. On a exploité on sait, par nombre de faits historiques rapportés par
ici un platier littoral taillé dans un grès probablement les auteurs anciens, qu'elle a été un port pendant
pliocène, portant des placages discontinus de dépôts l'antiquité, depuis sa fondation - au XIe s. avant l'ère
de plage à Strombus bubonius de la formation Rejiche chrétienne, selon une tradition littéraire non
(Eutyrrhénien). Le plancher d'extraction est confirmée à ce jour par l'archéologie - jusqu'au IIe
aujourd'hui inondé en permanence sous une voire au IVe s. ap. J.-C, se trouve aujourd'hui à vol
profondeur de plus de trente centimètres d'eau de mer ; le d'oiseau à plus de dix kilomètres du rivage. L'ancien
rempart externe est encore visible par endroits. Sinus Uticensis a été progressivement colmaté au
cours des temps par les dépôts deltaïques de la
Mejerda, fleuve dont la charge solide naturellement
173 - SEBKHA ARIANA abondante a été encore accrue par l'érosion des sols
La Marsa 1:50 000, x : 531,70 - y : 402,30. provoquée par des défrichements étendus dans son
bassin-versant depuis l'époque punique. C'est le seul
Au pied d'une butte de sables fins argileux exemple en Tunisie d'une progradation de grande
d'origine éolienne (lunette) et au ras de la surface de ampleur depuis l'antiquité quelques 450 km2 de
:

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


196 Catalogue des sites

terre ont été gagnés aux dépens de la mer depuis la 175 - RAS ET TARF (PROMONTORIUM APOL-
fondation d'Utique. LONIS)
L'établissement tout récent d'un réseau dense de Porto Farina 1:50 000, x 533,70 - y 430,55.

:
pistes empierrées et de conduites d'eau d'irrigation
dans le couloir alluvial qui sépare l'ancienne presqu'île A la pointe du cap, en contrebas du marabout de
d'Utique de l'ancien promontoire de Galaat el Andless Sidi el Hadj el Mbarek, quatre blocs de grandes
a permis de confirmer l'occupation de cet espace par dimensions abandonnés ou en remploi dans des
l'Homme dès l'antiquité. En effet, des blocs taillés et structures en blocage à enduit de tuileau et opus
des morceaux de colonnes ont été mis au jour à figlinum appartiennent peut-être à des cuves de
l'occasion de ces travaux à plusieurs centaines de mètres à salaison. Il est vraisemblable que ces cuves se sont
l'est de l'ancienne presqu'île d'Utique. établies sur des blocs en place que l'érosion de la mer
a, depuis, déchaussées.
Le site, couvert de sables éoliens, est localisé sur
Bibliographie une falaise vive de 2 m de haut environ, taillé dans
une éolianite wiirmienne. Celle-ci recouvre une
Bernard (Cne), 1912, Le golfe d'Utique et les boucles plateforme d'abrasion de grès pliocène fossilifère, sur
de la Medjerda, Bull. Géogr. Hist. Desc, p. 212- laquelle existent des placages d'un dépôt de plage
242. conglomératique à Strombus bubonius (formation
Barjot (P.), 1952, Le golfe d'Utique dans l'antiquité ; Chebba d'âge néotyrrhénien).
le destin d'Utique, de Carthage et de Bizerte, Rev. L'un des blocs présente une modénature de
Génie Hydraul., 68, p. 59-68. corniche à l'état d'ébauche, l'autre une inscription
Lezine (A.), 1966, Utique, notes de topographie, dans punique (?) (fig. 137). Il n'est pas exclu qu'ils aient été
Mélanges Piganiol, 3, Paris, p. 1241-1255. destinés au temple qui a donné son nom au
Lezine (A.), 1970, Utique, Tunis, p. 9-20. promontoire.
Jauzein (A.), 1971, Evolution récente du delta de la Ces blocs proviennent d'une des carrières voisines
Medjerda, Trav. Lab. Géol. E. N. S. Paris, 5, p. 126- où l'on a exploité un banc d'éolianite wiirmienne,
151. caractérisée par un grain grossier et une fraction
Oueslati (A.), Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), coquillière abondante.
1987, Déplacements de la ligne de rivage en Plus loin à l'extrémité du Cap se trouvent
Tunisie d'après les données de l'archéologie à effectivement de grandes carrières taillées à la fois dans les
l'époque historique, dans Déplacements des lignes formations pliocenes et dans le grès dunaire qui les
de rivage en Méditerranée (Aix-en-Provence, recouvre. Les plus récentes - à en juger par leur faible
1985), Paris, CNRS, p. 71-73. corrosion - ont fourni des blocs de petites dimensions
Paskoff (R.), 1987, Le delta de la Medjerda (Tunisie), qu'on retrouve dans les murs de la forteresse de Ghar
présentation géomorphologique, dans Les deltas el Mehl. Les plus anciennes, en partie submergées
méditerranéens, Centre Européen, Vienne, p. 365- sous une tranche d'eau de 0,30 à 0,50 m, portent des
379. traces de corrosion plus marquées et ont livré des
Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1992, L'ancienne baie blocs dont une dimension apparente : 1,35 m, est à
d'Utique : du témoignage des textes à celui des rapprocher avec la longueur d'un des blocs signalés
images satellitaires, dans Mappemonde, Paysages ci-dessus.
méditerranéens, 1, Montpellier, Reclus, p. 30-34.
Paskoff (R.), 1994, Le delta de la Medjerda (Tunisie)
depuis l'antiquité, Etudes rurales, 133-134, p. 15- CERAMIQUE
29.
Chelbi (F.), Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, La Contexte tardif (ve-vne s.) aux abords des vestiges
baie d'Utique et son évolution depuis l'antiquité de murs et de cuves sigillée africaine D (Hayes 99,
:

une réévaluation géoarchéologique, Ant. afr., 31, 105), amphores africaines (Keay XXXV B, LXII),
p. 7-51. amphore orientale Carthage LRA 1.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 197

176 - AIN DEMNA EST (PROMONTOIRE)


Porto Farina 1:50 000, x : 431,30 - y 530,90.

:
Près d'un poste de garde effondré, petites ruines
peu étendues et très effacées d'une construction
romaine : arases de murs et béton de tuileau.
Les ruines se trouvent sur la partie haute d'un
promontoire limité par une falaise d'une quinzaine de
mètres de commandement. Sur le versant qui évolue
sous l'action des vagues à sa base, on remarque,
emballés dans du sable soufflé par le vent, des blocs
de grès pliocène et d'éolianite wiirmienne ainsi que
des fragments de constructions maçonnées qui
descendent vers le rivage.

inscription CERAMIQUE

Sur le sommet, à côté du poste de garde, contexte


romain (ier-ve s.) : sigillée du sud de la Gaule, sigillée
africaine de type A (Hayes 2 8, 9) et de type D Hayes
58, vaisselle culinaire africaine (Hayes 181, 182, 183,
196, 197), amphore africaine.

177 -AIN DEMNA


Porto Farina 1:50 000, x : 431,20 - y 529,50.
:
Une épaisse éolianite wiirmienne qui couvre des
grès coquilliers de la formation Rejiche (Eutyrrhénien)
10cm
a été exploitée en carrières dans l'antiquité. Les
Fig. 137. Site 175. Rass et Tarf inscription. planchers d'extraction de la pierre sont inondés, parfois
sous plus de 0,30 m d'eau. Dimension d'un bloc entre
:

deux saignées : 1,03 m.

En revanche, pris dans le mortier de Yopus


178 - RAF-RAF - DAR EL KHADAR
figlinum plaqué sur les blocs hellénistiques, on
Porto Farina 1:50 000, x : 432,30 - y : 527,40.
observe trois fragments de sigillée africaine A dont un
bord Hayes 9.
Il ne reste que peu de témoins des vestiges
antiques décrits par F. Chelbi « sur au moins deux cents
Bibliographie mètres en bord de mer » à l'est de la plage de Raf-Raf
et qui semblaient évoquer « des activités industrielles
Fantar (M.) et Ciasca (A.), 1973, Notiziario, Ras Zebib liées à la mer ». La construction récente, sur le même
(Tunisia), Campagne 1971-1972, Riv. Se. Fenic, I, emplacement, de plusieurs maisons particulières
2, p. 215. explique, sans doute, la disparition des « arasements
Chelbi (F.), 1987, Prospection archéologique dans la de murs et de sols recouverts de pavements
région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 71. mosaïques ». Des murs de protection modernes ont

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198 Catalogue des sites

pu réutiliser des moellons prélevés sur des murs reil sont visibles sur l'estran ou en remploi dans la tour
antiques. Le site est du reste décrit comme de garde aujourd'hui démantelée et basculée sur la
particulièrement exposé « aux déprédations anthropiques et plage par suite du recul de la falaise haute en cet
marines ». endroit de 5 à 6 m.
Vers 1 m au-dessus du niveau moyen de la mer, La falaise, constituée de sables quartzeux jaune
quelques traces de constructions antiques subsistent clair probablement d'origine éolienne, est en effet
néanmoins, assises sur des colluvions noirâtres sablo- attaquée par la mer à l'occasion des tempêtes.
argileuses ; elles sont attaquées par les vagues de
tempête. Celles-ci dégagent une plate-forme littorale
tyrrhénienne qui tranche des grès jaunâtres pliocenes, CERAMIQUE
eux-même discordants sur des grès miocènes de
Dans la coupe de terrain ouverte par le recul de la
couleur sombre.
falaise, tessons disparates : sigillée africaine A Hayes
2 (IIe s.), amphore hispanique Almagro 51 B (fin me-
CERAMIQUE Ve s.), amphore africaine cylindrique de moyennes
dimensions (IVe s.).
Peu abondante et représentative : contexte
général tardif à l'extrémité nord-ouest du site où avait
été signalée une « nécropole très endommagée par les Bibliographie
fouilleurs clandestins » : sigillée africaine D Hayes 91
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Metline, site
C et lampe en sigillée africaine Atlante VIII .
n°6.

Bibliographie

Chelbi (F.), 1987, Prospection archéologique dans la 181 - SAFI (THINISÂ)


région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 78. Metline 1:50 000, x : 515,5 - y : 439,10.

Ces vestiges, très étendus, s'échelonnent sur près


de 2 à 3 km en front de mer, depuis l'affleurement de
179 - SOUNINE
calcaire éocène du Cap Zebib jusqu'à des vestiges de
Metline 1:50 000, x : 525,00 - y : 434,60.
nids de mitrailleuses de la deuxième guerre mondiale.
Ils sont particulièrement denses sur une longueur de
A un kilomètre environ à l'Ouest de la pointe du
près de 500 m correspondant au centre de
Rass el Mestir, en contrebas du piton d'El Fertass (tour
l'agglomération antique. Des structures bâties discontinues - en
punique), carrière littorale antique ou médiévale. Une
grand appareil et en blocage - se présentent en coupe
éolianite wurmienne à gros Helix a fourni des blocs
dans une falaise vive, haute de 3 à 4 m, taillée par la
taillés : dimensions des blocs : 51/52 cm, 37 cm. Le
mer dans des formations meubles et en avant de
plancher de la carrière est par endroit submergé de
laquelle s'étend une étroite plage de sable.
façon permanente ; on distingue la digue de
L'importance des ruines en question confirme la
protection du côté de la mer.
localisation en ce lieu, par P. Cintas, de la ville de
Thinisa que Tissot, suivi par l'Atlas archéologique,
avait auparavant identifiée avec la petite ville de Rass
180 - RAS JEBEL - EL HADOUBA (ANCIEN el Djebel, à 5 km plus au Sud-Est.
CORPS DE GARDE) Dans un matériel aussi tendre, le recul de la falaise
Meltine 1:50 000, x : 521,00 - y : 436,40. est rapide : elle avait reculé de façon appréciable
puisque des vestiges relevés lors des premières
Près de l'ancien poste de garde (point n° 6 de observations faites en 1990 n'étaient plus visibles 3 ans plus
YAAT), quelques vestiges antiques : des blocs d'appa- tard. Le rivage est ici affecté non seulement par la

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 199

houle du Nord-Ouest diffractée par le Rass Zebib, La coupe (dans la partie orientale du site, là où
mais aussi par celle qui de temps à autre vient de l'Est. disparaissent les vestiges) montre la position stratigra-
Une grande partie du site semble avoir été détruite par phique des ruines de ce site. Elle fait apparaître de bas
l'érosion marine. Des blocs taillés sont visibles, en haut : (1) des calcaires éocènes ; (2) une croûte
éparpillés sur l'avant plage. calcaire ; (3) des argiles noirâtres à gastéropodes
Dans la falaise, on distingue dans de nombreux continentaux (planorbes) avec quelques cailloux et
cas les vestiges de murs proprement dits et leur tessons de poterie datant pour l'essentiel du Haut-
fondation ; celle-ci présente souvent une puissance Empire romain, mais certains pouvant lui être
de plusieurs mètres, afin de compenser l'instabilité antérieurs ; (4) un mur du IIe s. de notre ère ; (5) des
d'un sol naturel marécageux. Pour les constructions colluvions grises à cailloux et à très abondants
les plus importantes, on est descendu jusqu'à la roche fragments de céramique, beaucoup parmi eux étant d'âge
naturelle encroûtée en traversant un horizon de collu- tardif.
vion et de sol hydromorphe (fig. 138). En partant du nord-ouest, on voit d'abord ses
structures informes, parmi lesquelles on remarque
une petite pièce enduite (dim. internes : 2,30 x
1,50 m), conservée sur une élévation de 1,50 m et
construite à la base en grand appareil (blocs de 35 x
98 cm). Puis on peut distinguer les vestiges de
thermes reconnaissables à leurs pilettes d'hypocauste
"^5fcJK5*jj'*" H*^™#" ?» supportant un sol mosaïque ; puis une série de pans
de murs en grand appareil ; enfin quatre évacuations
ou drains dont deux sont superposés (fig. 139), ce qui
implique une réfection de ces installations, comme le
suggère S. Ben Baaziz (1987, p. 212). Ces structures
ont été recoupées par le recul de la falaise de même
qu'un grand puits dont le mur de coffrage, de section
carrée, était construit en blocs d'appareil à la base et
en moellons pour le reste de la paroi visible.
A l'extrémité sud-est du site, apparaît un grand dé
de fondation reposant sur des blocs à la base
surmontée d'une masse de blocage et d'une section
parementée correspondant à une partie de l'ancienne
élévation du monument. La tranchée de fondation est
encore visible dans la coupe de la falaise,
remarquable par sa largeur. Peut-être s'agit-il d'un
monument funéraire.
Les pans de murs en grand appareil visibles en
coupe dans la partie centrale du site représentent les
redents d'anciens bastions tranchés par le recul de la
falaise ; ils pourraient appartenir - comme le suggère
F. Chelbi - à l'ancien rempart préromain de Thinisa.
On peut en reconnaître le développement sur
plusieurs centaines de mètres en front de mer.
Dimensions moyennes des blocs : 0,51/0,53 x 0,71/0,80 m.
Comme à Borj el H'sar, il n'est pas impossible
qu'un quartier industriel se soit développé en avant
Fig. 138. Site 181. Safi (Thinisà) fondations antiques du rempart, ce que laissent supposer quelques traces
de cuves sur l'estran.
:

dans la falaise du front de mer.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


200 Catalogue des sites

Bibliographie

Atlas
n°archéologique
4-5. de la Tunisie, feuille Metline, sites

Cintas (P.), 1963-64, La ville punique de Ras Zbib et


la localisation de Tunisa, BCTH, p. 156-168.
Ben Baaziz (S.), 1987, Le problème de l'eau dans
l'antiquité dans la région de Bizerte, dans
L'Afrique dans l'Occident romain, Fr siècle av.J.-C.
-IVe siècle ap.J.-C, Rome, p. 203-212.
Chelbi (F.), 1987, Prospection archéologique dans la
région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 73.
Chelbi (F.), 1995, L'archéologie sous-marine, dans La
Tunise, carrefour du monde antique, Dossiers
d'archéologie, 200, p. 129-130.

182 - RASS EZ ZEBIB


Porto Farina 1:50 000, x : 515,00 - y : 440,60.

Rass ez Zebib est un cap calcaire éocène raboté en


plate-forme d'abrasion marine lors du dernier
interglaciaire (Tyrrhénien). Immédiatement au Nord de la
darse de Tournarha, la plate-forme est limitée du côté
de la mer par une falaise vive, haute de 2 m, qui
montre en coupe, dans sa partie supérieure, des
ruines de murs et une couche peu épaisse de
colluvions incluant des tessons de poterie. En arrière de la
plate-forme, sur le versant abrupt du Jebel Touchela
couvert de colluvions caillouteuses, ont été repérés
quelques gros blocs taillés dans une éolianite
Fig. 139- Site 181. Safi (Thinisa) : égouts superposés wûrmienne. Ils proviennent d'une carrière située à
dans la falaise.
proximité, au Sud-Est de la darse.
En contrebas de la forteresse punique du Jebel
CERAMIQUE Touchela, on peut retrouver les « gros blocs de pierres
disposés en gradins » mis au jour au-dessus de la
Dans la coupe géologique : carrière moderne du cap de Rass ez Zebib. Ces blocs
- couche 3 : sigillée italique et du sud de la Gaule, abandonnés sur la pente n'appartenaient pas à un
vaisselle culinaire africaine Hayes 23 ; escalier monumental, mais à une structure défensive
- couche 4 : bandeau de lampe italique, vaisselle disparue.
culinaire africaine Hayes 23 et 196. Au sommet du Jebel Touchela, les restes de la
Ainsi les substructions visibles au sommet de la forteresse punique se réduisent à un alignement
coupe sont contemporaines ou postérieures au IIe s. d'orientation Est/Ouest parallèle à la côte, formé de
de notre ère (cf. mobilier de la couche 4). L'ensemble 9 blocs en éolianite. Dimensions des blocs : 75/80 x
des colluvions sous-jacentes semblent s'être déposées 115 cm env. Sur la côte, à 300 m du petit port, sur la
au cours du Haut-Empire romain. Il n'est pas exclu falaise à demi écroulée au-dessus du calcaire éocène,
que les rares tessons recueillis à la base de la coupe structure voûtée en blocage avec une arase de briques
(couche 7) soient antérieurs à l'époque romaine. plates.

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 201

CERAMIQUE

Aux abords des vestiges de murs avec arases de


.5O 3en
briques, fragments d'amphores gréco-italiques et £ „>
puniques. source « «
à 55 m ~ >
Bibliographie

Cintas (P.), 1963-64, La ville punique de Ras Zbib et


la localisation de Tunisa, BCTH, p. 156-168.
Fantar (M.) et Ciasca (A.), 1973, Notiziario, Ras Zebib
(Tunisia), Campagne 1971-1972, Riv. Se. Fente, I,
2, p. 215-217. coupe canalisation
Herm (D.), Miossec (A.), Paskoff (R.) et Sanlaville
(P.), 1975, Sur le quaternaire marin des environs
de Metline (Tunisie nord-orientale), CR Acad. Se.
Pans, 281 D, p. 759-761.
Chelbi (F.), 1987, Prospection archéologique dans la bassin ?
région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 72-
73.
construit sur 15m / /
le reste taillé
dans la roche
183-AINELMERJA
Metline 1:50 000, x : 510,20 - y 438,60.
:

Sur une butte dominant le rivage d'une hauteur en direction d'un fond 2m
d'une dizaine de mètres et située à une distance de carrière antique à 32 m J.L
d'une centaine de mètres environ de celui-ci, Fig. 140. Site 183. Ain el Merja : bassin et canalisation.
auprès d'une source utilisée encore actuellement
pour l'irrigation de petits jardins, en direction de la
mer, se remarquent les vestiges d'une petite
construction de 8 x 9 ni : la fondation est en grand
appareil et les murs en blocage incluant des fragments blés d'une villa dotée de thermes ; on remarque en
de tuileau. effet des bétons de sols mosaïques (tesselles
De la source, située à l'Est et en contrebas de la blanches).
butte, partait une seguia longue de 55 m, qui A une vingtaine de mètres environ au Nord-Est du
alimentait un bassin de dérivation d'où ressortait — à un bassin, près de la source, un massif de maçonnerie
niveau inférieur de 25 cm à celui de la seguia indique peut-être la présence d'un barrage destiné à
d'amenée - une autre canalisation longue de 32 m se relever le plan d'eau de la source.
dirigeant vers une ancienne carrière désaffectée dès L'essentiel du site archéologique est localisé sur
l'antiquité (fig. 140). une épaisse éolianite wùrmienne à Helix, dans
Un autre bassin se trouve à 12 m à l'Est du laquelle, à l'Est des ruines (et à 200 m environ à
précédent et, à 12 m de la seguia amont, une pièce en l'Ouest de la ruine moderne indiquée sur la carte
forme d'abside ; plus loin dans la même direction, 1:50 000), une grande carrière a été ouverte à
tout un ensemble de murs dont les fondations ont été l'époque antique ; la hauteur du front de taille est
creusées dans l'éolianite, se développe en contrebas de 5 à 6 m ; son développement en longueur —
de la source et du bassin ; ce sont les vestiges proba- redents compris - est d'environ 50 m.

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202 Catalogue des sites

Seuls les vestiges d'occupation situés à proximité Bibliographie


du rivage rocheux peuvent être atteints par les vagues
qui ont dégagé des saignées dans le substratum, des Paskoff (R.), Trousset (P.) et Dalongeville (R.),
bases de murs et un sol fait de fragments de poterie. 1981, Variations relatives du niveau de la mer en
Tunisie depuis l'antiquité, Histoire et Archéol.
Dossiers, 50, p. 57-59.
CERAMIQUE Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, Formations
quaternaires et carrières littorales antiques en
Pratiquement pas de témoins. Autour de la pièce
Tunisie, dans L'Homme méditerranéen, Mélanges
à abside : sigillée africaine C et amphore africaine
offerts à Gabriel Camps, Aix-en-Provence, p. 57-
(IVe S.).
66.

184-R'MEL
Metline 1:50 000, x : 506,00 - y : 438,00. 185 - HENCHIR CHAARA
Bizerte 1:50 000, x : 493,60 - y : 436,30.
De vastes carrières, qui se suivent sur quelques
3 km de distance, ont été ouvertes dans des grès Le site est localisé sur le rivage sud-ouest du
coquilliers d'origine éolienne (cf. fig. 163, 170 goulet du lac de Bizerte, dans la baie des Carrières.
et 171). Les fronts d'extraction de la pierre font Une falaise en cours de recul rapide, de 2 m de haut,
apparaître la superposition de deux éolianites. L'éolianite montre à sa base un grès pliocène (grès de Porto
inférieure ne montre pas de stratification typique Farina) sur lequel sont encore plaqués les restes d'un
d'un dépôt par le vent, mais elle contient des Helix. four antique de forme circulaire. Au-dessus, sur 1 m
Il n'est pas possible de dire si elle est d'âge tyrrhé- d'épaisseur, on remarque des colluvions noirâtres à
nien ou wûrmien. C'est elle qui a été exploitée. Helix, contenant des tessons de poterie et comblant
L'éolianite supérieure, que l'on peut attribuer au par endroit des trous, apparemment dus à l'homme,
Wûrm, moins épaisse, au grain plus grossier, plus dans le grès.
vacuolaire et plus coquillière, présente un litage
incliné, spécifique d'une mise en place par le vent.
Du point de vue de son utilisation pour le bâtiment, CERAMIQUE
sa qualité est très médiocre : elle se prête mal à
l'extraction et sa résistance à la météorisation est Le comblement des fosses bien visibles dans la
faible. falaise, mais de fonction indéterminée, donne des
fragments d'amphores puniques ainsi que de
Dans les carrières, les blocs abandonnés en cours
céramique campanienne (ou imitation).
de délogement montrent que la technique
d'extraction utilisée était la saignée. On n'a pas relevé de
traces de coins. L'exploitation de la pierre se faisait en
ménageant du côté de la mer une paroi de protection 186 - AIN BOU THOUIR
naturelle, large d'environ 3 m, haute de 2 m, percée Porto Farina 1:50 000, x : 501,00 - y : 428,15.
d'ouvertures qui permettaient l'évacuation des blocs
vers des barques amarées à proximité. Les planchers Vestiges assez bien conservés d'un établissement
les plus bas de ces carrières sont aujourd'hui inondés, thermal en cours de déchaussement par les vagues,
parfois sous plusieurs dizaines de centimètres d'eau. visibles sur une trentaine de mètres sur la ligne de
C'est dans la carrière la plus orientale que la rivage au Sud-Est du lac de Bizerte et conservés en
submersion a été la plus forte : elle est de l'ordre de 0,50 m ; élévation sur 3,20 m au maximum. L'élément le plus
depuis l'antiquité, une encoche de corrosion, de caractéristique est une cuve ou une piscine semi-
profondeur métrique, s'est développée à la base de la circulaire s'avançant au-dessus de l'eau (fig. 141) ;
paroi qui la sépare de la mer. une pièce de 15 x 6 m lui fait suite à l'Est. Ailleurs, la

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Golfe de Tunis et Côte Nord 203

2m

Fig. 141. Site 186. Ain bou Thouir vestiges d'une


:

structure thermale.

construction assez homogène, en blocage et à A proximité, à 150 m environ vers le Nord-Est, la


revêtement de tuileau, comporte des restes de voûtes hauteur de la falaise augmente. On retrouve les argiles
effondrées, plusieurs cuves avec leur enduit mosaïque de jaunâtres attribuées au Tyrrhénien, mais elles sont
grosses tesselles. consolidées ici par des sables consolidés, pédogénisés
Pour asseoir les fondations de ces constructions vers le haut, peut-être d'origine éolienne. L'épaisseur
antiques sur un affleurement de grès pliocène (grès de de l'ensemble atteint 1,50 m. Elles contiennent
Porto Farina), actuellement au niveau du lac, on a seulement de la céramique antique.
creusé sur une trentaine de centimètres dans les
argiles jaunâtres à cardium, incluant des cailloux
gréseux, qui représentent un dépôt lacustre,
probablement d'âge tyrrhénien. Les ruines sont entourées CERAMIQUE
de colluvions argileuses noirâtres, remaniant des
coquilles de mollusques, épaisses d'environ 0,75 m, Une prospection attentive autour des vestiges de
qui contiennent des fragments de céramique des IIe- thermes a donné peu de céramiques. Celles-ci
IIIe s. ap. J.-C. L'érosion de la falaise est rapide. indiquent une chronologie large : amphore punique,

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204 Catalogue des sites

sigillée africaine A et D (Hayes 91), vaisselle culinaire direction, qui soufflent sur le lac de Bizerte. Le fetch
africaine Hayes 23. est suffisant pour que naissent des vagues, parfois
Les ramassages effectués autour de la nécropole fortes, dont l'agressivité est encore renforcée par les
ont livré des éléments essentiellement tardifs : sigillée moellons enlevés aux ruines en cours de démantel-
africaine D Hayes 59 et 67, lampe en sigillée africaine lement. Les fondations des constructions romaines
Atlante VIII. ne sont pas visibles. Elles se situent sous le niveau
actuel du lac, ce qui indique un relèvement depuis
l'antiquité, relèvement également mis en évidence
par la présence de fonds de cuves couverts par une
187 - POINTE EL OUAII
tranche d'eau d'une dizaine de centimètres (fig. 55
Menzel Bourguiba 1:50 000, x : 498,50 - y : 427,40.
et 142). Postérieurement à leur édification, ces
bâtiments, ou ce qui en restait, ont été ensevelis par une
Sur la côte sud du lac de Bizerte (Chelbi : point
couche de colluvions, épaisse d'environ 2 m. Il s'agit
1), ruines importantes se développant sur un front
d'argiles remaniées des marnes pliocenes de Raf-Raf,
d'une centaine de mètres en bordure du rivage. Le
qui incluent des lentilles de petits galets et des
cadre géomorphologique du site archéologique est
coquilles brisées de mollusques. Elles contiennent
celui d'une falaise, haute de 2 m, faite de matériaux
beaucoup de fragments de céramique dont l'âge va
tendres, à recul rapide. La houle est engendrée par
du IIe au VIe s. ap. J.-C.
les vents de Nord-Ouest, dominants en force et en

harpe harpe
,t,
I I I I

— mur en grand appareil à 98 m 50

5m contrepoids de pressoir
-J J.L à proximité des ruines
Fig. 142. Site 187. Pointe el Ouali relevé d'une installation rurale avec cuve et contre-poids.
:

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 205

De ces bâtiments construits en moellons de grès 188 - GOURAYA


pliocène et en éolianite pour les chaînages de grand Menzel Bourguiba 1:50 000, x 496,90 - y : 425,60.

:
appareil, les éléments les plus caractéristiques (dans la
partie ouest du site) sont des pièces en forme d'abside Grande nécropole constituée de tombeaux
et des cuves à paroi de tuileau étanche qui pourraient maçonnés basculés sur l'estran par le recul de la
appartenir à un établissement thermal ou bien à une falaise et immergés dans la mer, jusqu'à une dizaine
usine de salaison ou encore à une huilerie. A signaler de mètres du rivage actuel (fig. 143). A noter la
la présence de canalisations, des témoins de sols en couverture de ces tombeaux, formée de tegulae
opus figlinum, sur lequel a été ajouté un sol disposées en bâtière.
mosaïque ; de même il y a en plusieurs endroits de A 25 m plus à l'Ouest, près d'un oued sur sa rive
l'édifice des traces évidentes de reprises et de droite, on remarque le pavement en opus figlinum
remaniements. A noter également la présence de plusieurs d'un fond de cuve (1,50 m de côté) reposant sur une
contrepoids de pressoir dont l'un a été réutilisé structure voûtée de citerne, l'ensemble pouvant très
comme harpe dans la construction. vraisemblablement appartenir à une installation de
Tout semble indiquer l'existence, dans les niveaux salaison. Une coupe en bordure du rivage fait
les plus profonds, de vestiges d'une construction apparaître des niveaux archéologiques anciens, qui
punique, sur laquelle a été reconstruit un édifice pourraient remonter à l'époque punique.
d'époque romaine. Une nouvelle occupation du site La falaise recule rapidement pour les mêmes
est possible à l'époque tardive, marquée par des murs raisons qui ont été données à propos du site 187. Mais
en pierre sèche. la stratigraphie est ici plus complexe. Elle fait
Dans la partie est du site, on remarque un gros apparaître :
contrepoids (larg. : 83 ; long. max. 143 ; haut. : 55 ; 1) à la base, sur 1 m environ, des colluvions sablo-
:

queue d'aronde 27 cm) et un petit bassin circulaire argileuses, de couleur jaune sombre, sans céramique ;
:

avec son enduit (diam. : 152 ; épaisseur : 22 ; 2) une couche archéologique (0,70 m),
profondeur : 40 cm). témoignant d'une occupation aux ier-ne s. ap. J.-C. ;
A 1 km à l'Ouest du site principal, près de la cote 3) des colluvions argileuses (1,50 m) contenant de
13 de la carte au 1:50 000 et à 150 m du rivage, citerne rares tessons de poterie, dans lesquelles des tombes
antique bien conservée (dimensions intérieures : 4,85 antiques ont été creusées ;
x 2,90 ; haut, sous voûte : 2,90 ; épaisseur des murs : 4) recouvrant la nécropole, des colluvions
0,55 m). Sur le rivage, on remarque un puits moderne argileuses grisâtres (0,50 m) à fragments abondants de
en cours de déchaussement par les vagues. céramique tardive.
Deux épandages de colluvions sont ainsi
clairement identiables dans la coupe que donne la falaise.
CERAMIQUE Les tombes, dont l'une est encore visible en place
dans la falaise, étaient recouvertes de six tegulae
Alors que les prospections publiées par F. Chelbi disposées deux à deux en bâtière et prises dans un
avaient révélé une occupation principalement massif de blocage ; longueur d'un tombeau basculé
punique, le matériel recueilli ici indique un contexte sur l'estran : 2,80 m.
essentiellement romain vaisselle culinaire africaine
:

Hayes 23, 181, 196, et plus nettement tardif sigillée


:

africaine D Hayes 6lB, 67, 91C, 93, 105, amphore CERAMIQUE


orientale Carthage LRA 1.
On distingue deux contextes différents.
Au sommet de la coupe de terrain, correspondant
Bibliographie sans doute au sol à partir duquel les tombes ont été
creusées, apparaissent de nombreux tessons romains
Chelbi (F.), 1987, Prospection archéologique dans la tardifs (ve-vie s.) sigillée africaine D Hayes 67, 104A,
:

région de Bizerte (Année 1986), Reppal, III, p. 81. Mackensen 18. Au bas de la coupe, séparés du niveau

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206 Catalogue des sites

Fig. 143. Site 188. Gouraya tombeaux puniques.


:

précédent par une couche de colluvions d'environ même recouvert de colluvions modernes à matrice
1,50 m à 2 m, on repère des tessons du Haut-Empire : argileuse noirâtre emballant des fragments calcaires
sigillée africaine A Hayes 2 et amphore africaine I, de taille centimétrique, d'une épaisseur d'environ
ainsi que des tessons d'amphores puniques Mana C2b 50 cm, aujourd'hui surmontée d'un sol qui porte une
au plus bas de la coupe. Ces derniers témoins végétation rase. La conduite peut se suivre vers
recouvrent immédiatement les couches géologiques. l'Ouest de l'Henchir Rara jusque sur le versant oriental
de la pointe rocheuse qui précède le Cap Blanc du
côté de l'Est. En cet endroit, il devait franchir en
amont un ravin à forte pente qui depuis l'antiquité
189 - HENCHIR RARA (EL RHARA)
s'est élargi et approfondi en liaison avec le recul de la
Bizerte 1:50 000, x : 495,00 - y : 447,75.
x : 494,30 - y : 448,00. côte, faisant apparaître l'aqueduc en coupe dans le
front de la falaise (fig. 63). En revanche, on ne voit
pas de trace de la canalisation sur le pourtour du Cap
Divers tronçons de l'aqueduc de l'oued ed
Blanc. Sans doute devait-elle franchir en galerie
Damous à Bizerte {Hippo Diarrythus), sont visibles
souterraine l'ensellement topographique de roche
sur plusieurs kilomètres entre le Cap Bizerte ou Cap
tendre qui marque la racine de ce cap à une altitude
Guardia (à l'Est) et le Cap Blanc (à l'Ouest) sur le côté
de 20 à 25 m environ, au lieu de contourner le
sud de la route de corniche, à environ 20 m.
promontoire sur les flancs duquel elle aurait été trop
L'aqueduc apparaît en coupe dans une carrière
exposée à l'érosion marine.
moderne (larg. de la conduite : 39-40 ; épaisseur de
l'enduit étanche : 4 ; épaisseur du blocage : 50 cm). Il
était recouvert au sommet d'une voûte en maçonnerie
de blocage. La tranchée de l'aqueduc avait été creusée Bibliographie
dans les colluvions wùrmiennes encroûtées à leur
sommet ; à la base, la fondation de blocage repose sur Lantaires (Cne), 1904, Hydraulique d'Hippo Zarite,
le calcaire éocène du Cap Blanc ; l'aqueduc était lui- dans Gauckler (P.), Enquête sur les installations

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 207

hydrauliques rumaines en Tunisie, Tunis, II, 3, 190 - OUED ED DAMOUS


p. 125-130. Bizerte 1:50 000, x : 490,40 - y : 447,15.

De très grandes carrières, qui s'apparentent par


leur extension et leur ampleur à celles de Sidi Daoud
189 BIS - JEBEL NADOR (site n° 163) sur la côte nord-occidentale du Cap Bon
Bizerte 1:50 000, x : 493,15 - y : 448,00. et à celles de R'mel (site n° 184) au Sud-Est de Bizerte,
peuvent se suivre sur près d'1 km dans les
Eléments de la conduite d'alimentation de l'Ain ed affleurements rocheux littoraux qui, à partir d'un blockhaus,
Damous à Hippo Diarrythus bien visibles sur plusieurs succèdent vers l'Ouest à la longue plage de
kilomètres et en plusieurs tronçons sur les basses l'embouchure de l'oued ed Damous, jusqu'à un petit cap. De
pentes de l'Henchir en Nador, entre le Cap Blanc et gros volumes de blocs étaient extraits d'une éolianite
l'embouchure de l'oued ed Damous (le tracé en est wûrmienne quartzeuse, peu coquillière, contenant
signalé sur la carte de VAAT). Une première section se des Helix, à stratification inclinée et entrecroisée. Les
voit à l'ouest du Cap Blanc, à 200 m environ du planchers de ces carrières sont aujourd'hui
rivage, à l'aplomb d'un petit promontoire (avec un amplement inondés par la mer sous une profondeur d'eau
amer). Plus à l'Ouest, elle franchissait une gorge sur qui peut dépasser 30 cm. Ils peuvent aussi être
un pont-aqueduc disparu, puis elle bifurquait en ensablés par des courants de dérive littorale.
venant de la direction de l'oued ed Damous en Parce qu'on se trouve ici sur une côte directement
passant dans une sorte de bassin de forme coudée ; il exposée aux fortes houles du Nord-Ouest, donc en
s'agit peut-être d'un ralentisseur qui brisait en cet mode très battu, les parois de protection des carrières
endroit la force du courant. Largeur des sections qui avaient été ménagées par l'extraction du côté de
visibles : 42 ; haut. : 45 ; épaisseur de la maçonnerie : la mer ont en plusieurs endroits cédé à l'attaque des
45 cm. Des dépôts de calcite de 1 à 2 cm confirment vagues et, en arrière, des pans entiers d'anciens fronts
la fonction de ce canal qui devait venir de la source de taille se sont parfois aussi effondrés.
de l'oued ed Damous où se trouvent aujourd'hui De l'Ouest vers l'Est, on note successivement,
encore les captages de la ville de Bizerte. d'abord des carrières submergées (le plancher
A l'approche de l'embouchure de l'oued ed d'extraction se trouve sous plus de 30 cm d'eau) et
Damous, caractérisée par une plage large et étendue, démantelées par le recul de la falaise : des traces
l'aqueduc dessinait un coude pour s'orienter vers le d'extraction sont visibles sur des pans de falaise
Sud-Est et suivre ainsi la vallée de l'oued. Ici les effondrées correspondant à d'anciens fronts de taille. Puis
vestiges disparaissent sous les apports de sable qui de grands fronts de taille (4 à 5 m de hauteur) restés
s'accumulent sous la forme de grosses nebkhas buis- en place en retrait du rivage. Sur le plancher, en avant
sonnantes. Sans être aussi important, cet ensablement du front de taille, on voit des traces d'extraction très
est du même type que celui qui affecte aujourd'hui, fraîches (0,51-0,53 m entre les saignées).
dans un contexte morphologique similaire, le site L'exploitation se faisait à la fois sur le plateau plus à l'intérieur
d'Argoub el Bania (site n° 208), à l'Est de Tabarka, sur et en bordure de mer avec un rempart de protection
la rive droite de l'oued Zouara, à proximité de son caractéristique et de grands fronts de taille. Très
embouchure. vraisemblablement, il s'agit des carrières qui fournissaient
la pierre à bâtir à l'antique Hippo Diarrythus.
Bibliographie
Bibliographie
Lantaires (Cne), 1904, Hydraulique d'Hippo Zarite,
dans Gauckler (P.), Enquête sur les installations Oueslati (A.), 1993a, Les côtes de la Tunisie,
hydrauliques rumaines en Tunisie, Tunis, II, 3, Géomorphologie et Environnement, Tunis, Publ. Fac. Soc.
p. 125-130. Hum. et Soc, sér. Géographie vol. 34, p. 149-150.

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


208 Catalogue des sites

190 BIS - HENCHIR ES SAHEL I velies sous des dunes végétalisées. On peut deviner
Bizerte 1:50 000, x : 490,50 - y : 447,15. les structures voûtées de citernes entourées d'un mur
d'une trentaine de mètres de côté. Ces ruines sont à
A 300 m environ à l'Ouest du promontoire l'abri de l'érosion par la mer.
rocheux, le site archéologique, assis sur un
affleurement d'éolianite wûrmienne dans lequel on a aussi CERAMIQUE
extrait à proximité des blocs taillés, est aujourd'hui
atteint par les vagues de tempête et ensablé par des Peu abondante : quelques fragments de vaisselle
apports éoliens à partir d'une plage en état de recul. culinaire africaine Hayes 23, 182, 197.
On remarque la présence, à une centaine de
mètres à l'Est de la carrière ensablée, d'un lambeau
& opus figlinum qui pourrait indiquer la présence en
cet endroit d'une installation de salaison. 193 - HENCHIR ES SAHEL IV
Bizerte 1:50 000, x : 488,50 - y : 447,60.
CERAMIQUE
Une falaise de 2 à 3 m de commandement, qui
Contexte tardif (ve s.) : sigillée africaine D Hayes recule à l'occasion des tempêtes, montre à sa base des
58, 67, amphore orientale Carthage LRA 1. colluvions argileuses, d'âge indéterminé, sur
lesquelles se trouvent des ruines couvertes par des
dunes actuelles.
Il s'agit des vestiges en blocage d'une grosse
191 - HENCHIR ES SAHEL H construction, répartis en deux masses principales
Bizerte 1:50 000, x : 489,65 - y : 447,15. conservées sur une hauteur de 3 m au maximun et en cours
de déchaussement par la mer, sous la dune elle-même
Des ruines romaines, couvertes de sable apporté en recul. Des traces de cuves avec un enduit de
par le vent, apparaissent en coupe dans une falaise en tuileau se devinent ainsi que des fragments de paroi
cours de recul, dont la hauteur est de 2 à 3 m. Les stuquée, ce qui suggère l'existence en ce lieu d'une
fondations des constructions antiques ont été assises habitation.
sur un platier de calcaire éocène qui porte des
placages de dépôts de plage eutyrrhéniens. CERAMIQUE
Le site, près des stériles de la mine de plomb, est
formé de deux ensembles où se voient les traces très En raison de l'ensablement, les tessons sont très
distinctes d'un habitat côtier dont ne subsiste plus que rares : 1 fragment de sigillée africaine D pris dans le
des harpes isolées en éolianite et des éclats de calcaire blocage d'un mur ; tesson d'amphore de tradition
dur. En contrebas, la mer a remanié des moellons punique.
provenant de ces ruines et on remarque la présence
de matériaux allogènes (roches volcaniques et Bibliographie
métamorphiques).
Atlas
n° archéologique
11. de Tunisie, feuille Bizerte, site

192 - HENCHIR ES SAHEL m


Bizerte 1:50 000, x : 488,80 - y : 447,45.
194 - HENCHIR ES SAHEL V
En arrière d'un blockhaus de la deuxième guerre Bizerte 1:50 000, x : 487,60 - y : 447,80.
mondiale, construit sur un platier de calcaire éocène
qui a conservé des placages de dépôts de plage Sur la plage au Nord du Jebel Soumeur, ensemble
eutyrrhéniens, des ruines antiques sont partiellement ense- de constructions en blocage, étendu sur 60 m en front

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Golfe de Tunis et Côte Nord 209

de mer et présentant des murs perpendiculaires au bien développée, haute de 4 m, est taillée dans des
rivage. Ces ruines ensevelies sous des dunes boisées brèches du Trias, aplanies par une plate-forme
sont révélées par le recul de la plage. d'abrasion qui porte des placages de grès marins eutyrrhé-
niens. Son recul commence à détruire les ruines
antiques ensablées qui se trouvent au-dessus.
CERAMIQUE Il s'agit d'une grande construction, d'environ 45 m
(Nord/Sud) x 30 m (Est/Ouest), réalisée en blocage
Sigillée africaine A Hayes 8 (IIe s.).
de moellons et harpes ; elle était divisée en 9
compartiments réguliers encore visibles (larg. : 3,60 m) qui
Bibliographie étaient peut-être voûtés (cf. fig. 56). Parmi les
décombres, un seuil ou un linteau de porte. On peut penser
Atlas archéologique de Tunisie, feuille Bizerte, n° 10. à des horrea. La présence de tuileau est aussi à
signaler dans les décombres.

195 - DAR CHRATOA (DAR HASSAINA) CERAMIQUE


Bizerte 1:50 000, x : 487,40 - y : 447,65.
Peu abondante, elle paraît toutefois couvrir toute
En arrière d'une petite falaise vive, haute de 1 m, l'époque romaine depuis le IIe s. au moins (sigillée
taillée dans une brèche du Trias, des ruines romaines africaine A Hayes 3) jusqu'au Ve s. (sigillée africaine D
comportant des cuves à revêtement de tuileau et des Hayes 76) ; amphores africaines dont spatheia ;
mosaïques se trouvent de part et d'autre d'un vaisselle culinaire africaine Hayes 197. Un peson de filet
blockhaus de la deuxième guerre mondiale. Ces ruines de pêche en céramique.
sont dégagées des dunes qui les recouvrent par les
vagues de tempête. Plus en retrait, ensemble de
citernes voûtées. La cuve la plus proche du rivage 197 - RASS ENGHELA - COTE 1
(long. : 3 ; larg. : 2,75 m) se termine par un arrondi
Bizerte 1:50 000, x 486,25 - y : 449,35.
semi-circulaire ; à côté on remarque un pavement de
:

mosaïque ; un autre pavement, décoré d'une frise de A environ 600 m au Nord-Est du phare de Rass
feuilles de lierre, vient d'être mis au jour au Sud du Enghela, au droit d'un îlot, dans une falaise vive de
blockhaus. 3 m, on peut observer une faille inverse N 100-120,
Un peu en retrait du rivage rocheux de la petite inclinée de 70° vers le Sud et qui affecte des dépôts
presqu'île qui fait face au site de Ghirane (Rass ben
marins tyrrhéniens à blocs de galets de roches vertes
Sekka), sur une plate-forme littorale basse qui tranche
triasiques. Mais contrairement à ce qui a été écrit par
des brèches du Trias, hors de la portée des vagues, Ben Ayed et Oueslati (1988), il ne semble pas que
ruines d'un mausolée romain ou d'une tour de guet. l'accident affecte aussi des dépôts historiques de
Il subsiste le soubassement en grand appareil d'une sables limoneux gris à lits de graviers qui contiennent
construction de 8,80 (Est/Ouest) x 7,70 m (Nord/Sud) des ossements, des tessons de poterie et dans lesquels
de côté ; haut, des assises 0,52 m ; près du on a aussi trouvé une pièce de monnaie qui date
:

mausolée, un fragment de colonne (long. : 1,07 m ; probablement du Bas-Empire (tête d'Empereur avec
diam. : 0,43 m). un diadème à l'avers ; deux divinités au revers). Ces
dépôts qui paraissent dûs au ruissellement bouchent
un fossé creusé par l'Homme, dont un côté
196 - RASS GHIRANE (RASS BEN SEKKA) correspond avec le plan de faille. Mais aucun indice sûr d'un
Bizerte 1:50 000, x : 487,20 - y : 448,65. rejeu de cette faille depuis le comblement du fossé n'a
pu être relevé.
En arrière d'une plage de sable d'une dizaine de Sur le pourtour de l'îlot proche de la côte, un mur
mètres de large, une falaise vive, à encoche basale d'enceinte sommaire a constitué une sorte de réduit

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210 Catalogue des sites

défensif vraisemblablement à l'époque islamique ment des ive-viie s. : sigillée africaine D Hayes 61A, 66,
d'après les tessons de céramique recueillis. 67, 90, 91D, 93-99, amphores africaines, amphores
orientales Carthage LRA 1 et 2.
CERAMIQUE

Les tessons recueillis au milieu des ruines ne 199 - PHARE ENGHELA OUEST
semblent pas antérieurs à l'époque islamique. On Bizerte 1:50 000, x 485,40 - y : 448,90.

:
note toutefois des éléments qui pourraient être
relativement anciens (fragments d'amphore à corps A 400 m et dans la première crique au Sud-Ouest
globulaire). du phare de Rass Enghela, un site archéologique,
peut-être une tour de guet de forme carrée, se trouve
sur une plate-forme d'abrasion marine tyrrhénienne,
Bibliographie au bord d'une falaise vive, haute de 5 m, taillée dans
les brèches de roches vertes du Trias. Les ruines
Ben Ayed (N.) et Oueslati (A.), 1988, Déformations commencent à être affectées par le recul de la falaise.
tectoniques dans le Quaternaire récent de Ras Dimensions de la tour : 5,80 m de côté ; épaisseur des
Enghela (région de Bizerte, Tunisie murs : 0,60/0,70 m.
septentrionale), Méditerranée, 2, p. 17-21.
CERAMIQUE

Semis de tessons très peu identifiables : amphore


198 - RASS ENGHELA EST africaine.
Bizerte 1:50 000, x : 485,85 - y : 449,05.

A proximité même du phare de Rass Enghela, une


200 - KHECHAD - COTE 9
falaise haute de 7 m qui évolue lors des tempêtes
Bizerte 1:50 000, x : 483,70 - y : 448,00.
domine une source. A son sommet, des ruines
romaines ensablées s'écroulent lorsqu'elle recule. Dans
Agglomération étendue sur 500 m environ, au
les pentes dominant la falaise se trouvent les restes
bord d'une falaise de 4 à 5 m d'élévation au-dessus
d'une assez vaste agglomération, sans doute un village
d'une plage de sable ; la falaise est en cours de recul,
de pêcheurs : quelques alignements de murs (larg. :
comme en témoigne l'existence d'anfractuosités à sa
entre 0,51 et 0,53 ni) sont encore visibles parmi d'autres
base et de blocs effondrés en avant d'elle. On y voit
vestiges plus effacés ; au sommet de la pente, blocs
des bancs inclinés de calcaire éocène, couverts en
épars et un fût de colonne ; dans la falaise, un bloc
discordance par un conglomérat marin à gros blocs
déchaussé de grand appareil en éolianite.
qui passe à un grès coquillier lité. Ces dépôts littoraux
La stratigraphie dans la falaise est la suivante : à la
qui appartiennent à la formation Rejiche (Eutyrrhé-
base, sur la moitié de la hauteur, un calcaire éocène,
nien) sont corrélatifs de la genèse d'une vaste
roche qui a fourni des moellons pour les
plateforme sur laquelle se trouvent les ruines de
constructions antiques ; puis viennent successivement des
l'agglomération antique, aujourd'hui envahie par les sables
dépôts grossiers de plage d'âge tyrrhénien, des collu-
éoliens. Ces vestiges sont par ailleurs entamés par le
vions sablo-limoneuses rouges wûrmiennes et une
recul de la falaise.
éolianite wiirmienne elle aussi.
Les murs des constructions sont surtout faits de
moellons de calcaire dur gris-bleu éocène mais on
CERAMIQUE trouve aussi - utilisés comme harpes - des blocs de
grès eutyrrhénien qui ont été extraits sur place,
Relativement abondante sur la pente dominant la comme en témoignent des traces d'exploitation, sur le
falaise, parmi les arases de murs ; elle date bord de la falaise, de ce type de pierre.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 211

Le site correspond selon toute apparence à un Bibliographie


habitat lié aux ressources de la mer plutôt qu'à celles
de l'agriculture car l'arrière-pays est assez répulsif, du Martinez (C.) et Paskoff (R.), 1984, Indices de diten-
moins de nos jours. sions pendant le Quaternaire récent en Tunisie,
Cab. ORSTOM, sér. Géol., 14, 2, p. 153-161.
Trousset (P.), 2003, Géomorphologie et archéologie
CERAMIQUE de la côte Nord de Tunisie, entre le Cap Blanc et
Tabarka, dans Colloque de Tabarka, p. 503-515.
Le site très étendu, qui présente des analogies
avec celui du Phare Enghela Est, livre des tessons
peu nombreux mais régulièrement répartis sur toute
la superficie des vestiges. Le contexte est
202 - VIGIE RASS EL KORAN
essentiellement romain tardif : sigillée africaine D Hayes 59, Bizerte 1:50 000, x : 480,60 - y : 448,20.
61A et B, 67, 68, 76, 91A, 91B, 93, 99, 104A, 105,
amphores africaines cylindriques de grandes
Des ruines antiques plus ou moins cachées par
dimensions, spatheia, amphores orientales : des sables actuels sont affectées par le recul d'une
Carthage LRA 1 et 2. Un seul tesson trouble cette falaise de 6 m de haut dans laquelle on distingue, au-
homogénéité : une sigillée africaine A Hayes 3 du dessus d'un substratum triasique (2 m), des
IIe S.
formations wùrmiennes : des colluvions rouges (1,50 m),
une éolianite (2,50 m) et, de nouveau, des colluvions
rouges et peu épaisses.
Parmi ces ruines visibles entre la falaise et la dune
actuelle, on remarque une construction en opus afri-
201 - VIGIE RASS EL KORAN EST canum (la largeur visible en front de mer est de
Bizerte 1:50 000, x : 482,30 - y : 448,15. plusieurs décamètres ; longueur dans le sens Nord/
Sud : une vingtaine de mètres). Un autre mur, plus
Nécropole comportant des tombes à cupules en
près du bord de la falaise, se trouve à 4 m à l'Est du
partie détruites. Une petite agglomération se trouve
précédent : une partie de la construction a été détruite
plus à l'Est. par le recul de la falaise.
Le site archéologique est localisé au bord de la Dans la partie est du site se trouve une nécropole
falaise vive dont le recul ne semble pas avoir touché dont quelques tombes ont été pillées récemment.
la nécropole, mais affecte les ruines antiques qui lui
sont associées. Haute de 5 à 7 m, la falaise montre
successivement de la base au sommet : un CERAMIQUE
affleurement de roches bréchiques du Trias (1 m), un dépôt
conglomératique grossier eutyrrhénien (0,75 m) et, Peu abondante mais de contexte romain (ne au
appartenant au Wùrm, des limons rouges (1,30 m), IVe s.) sigillée africaine A Hayes 27, vaisselle
:

puis une éolianite (2 m). culinaire africaine Hayes 23, 196, 197, vase modelé
indigène, amphore africaine II B « con gradino ».
CERAMIQUE

Parmi les tombes pillées, fragments de céramique 203 - RASS EL KORAN


romaine tardive (ive-viie s.) : sigillée africaine D Hayes Bizerte 1:50 000, x : 479,70 - y : 448,40.
59, 99, 104A, 105, décorée (fig. [8], n° 75), lampe en
sigillée africaine Atlante X, amphores africaines Agglomération très étendue, sur plus de 500 m en
cylindriques de grandes dimensions, amphore orientale front de mer, de ruines peu distinctes ; parmi les
Carthage LRA 1, céramique modelée Fulford fig. 56, arases de murs, un seuil de porte. On devine
n 8 (fig. [11], n° 137-138). l'existence d'une sorte d'enceinte sans doute tardive.

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212 CATALOGUE DES SITES

Le Rass el Koran est constitué par un En allant vers l'Ouest le rivage s'élève pour former
affleurement de flysch numidien, d'âge oligo-miocène, qui a une falaise vive, de 4 à 5 m de hauteur, dans laquelle
été aplani par la mer pendant l'Eutyrrhénien (cf. s'ajoutent aux formations tyrrhéniennes que l'on vient
fig. 57). Du côté est, les dépôts corrélatifs de cette de signaler, des dépôts wùrmiens, d'abord une
action marine sont bien conservés. Il s'agit d'abord couche de limons rouges, puis des sables éoliens à
d'un conglomérat à gros blocs, puis d'un grès de Helix aujourd'hui consolidés en grès.
plage, enfin d'une formation lagunaire plutôt tendre, Les vestiges qui disparaissent aujourd'hui sous de
de couleur variable puisqu'elle va du blanchâtre au grosses nebkhas buissonnantes s'étendent aussi sur
noirâtre, qui contient en abondance des coquilles de des dépôts lagunaires grisâtres à noirâtres, d'âge
petits mollusques. Les ruines romaines se trouvent indéterminé, couverts par de minces placages d'une éolia-
sur la plate-forme qui est limitée par une falaise de 2 nite qui pourrait dater du début de l'Holocène. Il s'agit
à 3 m de haut. Le recul de la falaise détruit les d'une agglomération étendue en bord de mer et un
vestiges archéologiques ; des pans de murs gisent peu en retrait, où l'on distingue de nombreux
sur l'estran. alignements de murs en éolianite avec harpes en grands
A l'extrémité ouest du site, existe une grande blocs. Parmi les nebkhas, on devine aussi quelques
construction, peut-être une tour de contrôle. Sa partie structures circulaires de tours ou de monuments à
externe est menacée de destruction, la falaise étant abside. Témoins de céramique tardive. Le site
constituée à cet endroit d'une alternance de grès présente beaucoup de ressemblance avec celui
éoliens et de colluvions qui favorisent une érosion d'Argoub el Bania (site n° 208).
différentielle par éboulement.

204 - MARSA DOUIBA


CERAMIQUE Kef Abed 1:50 000, x 464,00 - y : 441,65.
Abondante et indiquant un contexte tardif (ive- :
Le site archéologique correspond à une
Ve s.) : sigillée africaine D Hayes 50, 59, 61B, 76, 80,
agglomération peu étendue, localisée sur une avancée
91A (la forme Hayes 67 étant particulièrement
rocheuse du rivage, au sommet d'une petite eminence
fréquente), lampe en sigillée africaine Atlante VIII,
qui correspond à un bourrelet dunaire consolidé
amphores africaines II C, cylindriques de moyennes
d'âge wiirmien (fig. 146).
ou de grandes dimensions Keay XXV. 3 ou XXXV B,
Sur cette presqu'île, on distingue trois bâtiments
spatheia, amphores orientales Carthage LRA 1,
ou groupes de bâtiments en opus africanum, montés
amphore italique Keay LU. On note également un
sur des harpes de grandes dimensions (1,10 x 0,57 m ;
fragment de sigillée claire gauloise de type « luisante »
1,05 x 0,50 m) avec un remplissage de moellons en
Lamboglia 1/3.
grès éolien : à l'extrémité de la presqu'île,
construction de 26 x 10 m, dont ne subsistent que deux murs
(grand côté d'orientation Est/Ouest) ; à l'Ouest du
203 BIS - SIDI BECHIR site, une enceinte rectangulaire de 28 x 15 m,
Bizerte 1:50 000, x 478,70 - y 447,90. comportant une sorte d'auvent à 4 travées vers l'Est et une
:

bâtisse d'habitation accolée à l'Ouest (2 travées) ; au


Le site est localisé à l'Ouest du Rass el Koran, en sommet du plateau, bâtiments de 28 x 11 m (grand
arrière d'une côte rocheuse basse, en recul, faite d'un côté : Est/Ouest), formé de 3 travées, celle du centre
grès probablement eutyrrhénien (formation Rejiche) étant plus étroite.
que ravinent des placages d'un conglomérat marin Dans ces ruines, on remarque la présence, déjà
grossier pouvant appartenir à la formation Chebba signalée dans VAAT,de nombreux fragments de vases
(Néotyrrhénien). Seules les ruines situées près de de verre.
l'embouchure d'un petit oued sont atteintes par les A l'extrémité de la presqu'île, le plancher d'une
vagues au moment des fortes tempêtes (fig. 144 carrière antique est défiguré par des mares et des
et 145). lapiés, formes de corrosion caractéristiques de l'étage

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Golfe de Tunis et Côte Nord 213

Fig. 144. Site 203 bis. Sidi Béchir.

1m

0 10m
. J o ■

.
.•
,■

Fig. 145. Site 203 bis. Sidi Béchir.


1. Grès de la formation Rejiche ; 2. Conglomérat de la formation Chebba ;
3. Colluvions rouges de la dernière période pluviale ; 4. Eolianite wtirmienne ; 5. Ruines antiques
6. Ruines d'un ribàt (?) ; 7. Dunes partiellement fixées par la végétation ; 8. Eboulis.

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214 Catalogue des sites

Fig. 146. Site 204. Marsa Douiba.

Gaule (DS.P.) (fig. [4], n° 24), lampes en sigillée


africaine Atlante VIII, amphores africaines II C et II D,
spatheia, amphores africaines cylindriques de
moyennes dimensions (fig. [131, n° 164), verrerie
abondante, monnaies.
L0m
Bibliographie

Fig. 147. Site 204. Marsa Douiba. Atlas


n° archéologique
2. de Tunisie, feuille Kef-Abed, site
1. Eolianite inférieure ; 2. Colluvions rouges ; 3- Eolianite
supérieur ; 4. Ruines romaines ; 5. Carrière antique.

supralittoral affecté par les paquets d'eau de mer


205 - SIDI GHERIB
lorsque la houle est forte. Du côté de l'Ouest, les Oued Sejenane 1:50 000, x : 442,30 - y : 435,20.
ruines sont atteintes par le recul d'une falaise haute de
5 m (fig. 147).
Une éolianite wùrmienne forme un pointement
rocheux. Elle est vacuolaire, à grain grossier ; son
CERAMIQUE litage est fortement incliné. Des formes de corrosion
- mares et lapiés - s'y développent.
Très abondante, contexte tardif (ive-ve s.) : sigillée Sur la presqu'île au milieu de déblais, à proximité
africaine de type C Hayes 50 et de type D Hayes 59, d'un marabout, traces indistinctes d'une occupation
6lB, 62, 67, 70, 76, 91A, sigillée tardive du sud de la antique, signalées par des jonchées de tessons.

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Golfe de Tunis et Gôte Nord 215

CERAMIQUE Sur le rivage, en avant de la plage à l'extrémité


ouest de la presqu'île, une petite carrière antique est
Quelques tessons romains (ne-ve s.) parmi les reconnaissable des traces d'extraction - saignées,
déblais et les gravats du marabout : sigillée africaine

:
marques de délogement de blocs - sont encore bien
de type A, C, D Hayes 62, vaisselle culinaire africaine visibles. Certaines sont sous l'eau jusqu'à 25 cm de
Hayes 23- profondeur. A l'abri de sa digue de protection une
partie de la plage a été aménagée récemment en un
petit port de pêche. L'hypothèse d'un ancien bassin
206 - SIDI MECHRIG artificiel creusé dans le rocher à cet effet paraît peu
Cap Negro 1:50 000, x : 430,60 - y : 429,05. vraisemblable, mais ne peut pas être totalement
écartée.
Un affleurement d'éolianite wurmienne forme un Sur le rocher au fond de la plage, traces de fours
promontoire battu par des vagues et sur lequel les à chaux et de carrières dans l'éolianite.
ruines de l'ancien comptoir de Sidi Mechrig voisinent
avec des vestiges plus anciens situés en retrait du
CERAMIQUE
rivage une construction fortifiée aux tours d'angle
:

rondes, sans doute un ribàt médiéval (cf. fig. 60) ;


Aux abords des thermes, peu de céramique : tubes
plus au Sud, près du cimetière, des thermes de voûte, sigillée africaine D Hayes 90.
comportant quatre salles bien visibles, dont une au centre
décorée d'un pavement de mosaïque (motifs
géométriques à l'intérieur d'une composition en octogones : Bibliographie
7 motifs visibles), une petite pièce à l'Est à revêtement
de mosaïque blanche avec un rebord en forme de Atlas
n° archéologique
1. de Tunisie, feuille Cap Negro, site
banquette, une autre à l'Ouest se terminant par une
abside avec un seuil mosaïque au Nord (svastika), Bejaoui (F.), 1992-93, Nouvelles découvertes.
enfin une pièce au Nord, en forme d'abside (fig. 148). Thermes et cuve baptismale à Sidi Abdallah Ben
Saïdane, Africa, XI-XII, p. 15-16.
Djelloul (N.), 1995b, Les fortifications côtières
ottomanes de la Régence de Tunis (xvf-xix6 siècles) 1,
Zaghouan, Fondation Temimi, p. 201.

207 - OUM EN NOUAL


Cap Negro 1:50 000, x : 429,90 - y : 428,90.
5m
Sur la côte qui fait face à l'Ouest, au-delà de la
plage, au site de Sidi Mechrig, des ruines antiques
étendues existent en bordure d'une falaise dont la
hauteur peut atteindre une dizaine de mètres. Cette
falaise est faite pour l'essentiel de colluvions argilo-
sableuses jaunâtres, probablement wiirmiennes à la
base desquelles se trouve un banc de grès coquillier
tyrrhénien. Touchée par la houle du Nord-Ouest, la
falaise doit reculer rapidement. Des blocs équarris
ZtzLD n n n. UZly. sont visibles sur l'estran.
Fig. 148. Site 206. Sidi Mechrig relevé L'ensemble du site constitue une agglomération
:

des thermes romains. sur un tertre de 100 sur 300 pas, aujourd'hui destiné

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216 Catalogue des sites

aux cultures. En surface on voit de nombreux agglomération antique d'une certaine importance,
moellons (galets équarris), des harpes monolithes, peut-être même d'une ville, mais dont le nom n'est
quelques arases de murs, assez peu de céramique. En pas connu. L'agglomération, aujourd'hui presque
revanche, dans la pente donnant à l'Ouest sur la mer, totalement ensablée, avait été construite sur un
nombreux tessons d'époque tardive (ve et VIe s.), affleurement d'éolianites, des dunes anciennes
moellons et blocs d'appareil. consolidées en grès et datant de la dernière époque
glaciaire (formation Cap Blanc d'âge wùrmien). Elle
s'étendait peut-être sur plusieurs dizaines d'hectares,
CERAMIQUE les vestiges visibles s'inscrivant eux-mêmes dans une
superficie de 10 à 15 hectares environ selon le
Nombreux tessons, contexte exclusivement tardif rapport de T. Ghalia et M. Longerstay qui l'ont visité
(ve-vie s.) : sigillée africaine D Hayes 59, 67, 93, 99, en mai 1989- Une barre rocheuse, le Kef es Souane,
104A, lampes en sigillée africaine Atlante X, amphores qui culmine à 174 m domine le site au Sud-Est. Les
africaines dont Keay XXXV B, amphores orientales ruines sont éparpillées entre 10 et 40 m d'altitude au-
dont Carthage LRA 2.
dessus d'une basse terrasse sablo-limoneuse de
l'oued Zouara dont l'érosion latérale a détruit une
partie du site archéologique. L'oued se divise en
208 - ARGOUB EL BANIA chenaux divaguants dans un vaste lit, encombré de
Nefza 1:50 000, x : 414,00 - y .- 415,00. sable, qui peut être entièrement occupé à l'occasion
de fortes crues épisodiques. Une large plage
Le site est localisé à proximité de l'embouchure sableuse s'étend de part et d'autre de son
de l'oued Zouara, côté rive droite. Il s'agit d'une embouchure (fig. 62 et 149).

Fig. 149. Site 208. Argoub el Bania (Photo aérienne 044. X/250. 1963).
1. Plage et dune bordière ; 2. Sables éoliens actuels localement fixés par une végétation naturelle ou artificielle ;
3. Croûtes dunaires mobiles ; 4. Anciennes dunes wiirmiennes consolidées en grès (éolianites de la formation Cap
Blanc) ; 5. Ravin ; 6. Terrasse fluviale d'âge holocène ; 7. Barre rocheuse de grès numidien ; 8. Ruines romaines.

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Golfe de Tunis et Côte Nord 217

La côte est frappée de plein fouet par des vents du numidien rapporté à l'Oligocène supérieur). Par son
Nord, ceux du Nord-Ouest étant les plus forts et les débitage aisé, il a fourni en particulier des blocs de
plus fréquents. En bordure de la plage, on rencontre grand appareil, utilisés dans les chaînages d'angle. On
d'abord de grosses dunes, du type nebkha, fixées par a eu aussi recours, mais uniquement pour l'obtention
des buissons de r'tem (Rétama raetarri), puis de de moellons, aux grès dunaires du type éolianite. Les
véritables dunes libres, en vagues orientées NNE/SSW, carrières d'où ces matériaux ont été extraits n'ont pas
dont la hauteur s'élève progressivement et qui se été identifiées, mais les uns et les autres affleurent
déplacent pour atteindre le versant du relief côtier. Au largement à 5 km au Nord-Est du site.
gré de leur déplacement, elles recouvrent et Ces bâtiments de forme rectangulaire semblent
découvrent alternativement les vestiges archéologiques : être des habitations. Dans l'un d'eux, on voit un mur
ceux-ci apparaissent dans les creux interdunaires. en opus africanum, de construction très soignée
Un premier ensemble de ruines aisément recon- (haut, conservée : 1 à 1,20 m ; larg. 0,55 m). Les
naissable se trouve dans la partie ouest du site : ce chaînages de blocs de grès sont espacés entre eux de 1,10
sont les vestiges d'une grande construction voûtée en et de 1,30 m. La base du mur est faite de pierres de
forme de rotonde, haute de 2,20 m et constituée de taille assez régulières. Sur un autre mur, on remarque
deux assises superposées en blocage. L'assise des boutisses de 0,53 m de long, un montant de porte
supérieure (haut. : 1 m) est en retrait de 0,55 m par rapport de 3 coudées (1,50 m de long ; larg. : 0,54 m ; épais. :
à l'assise inférieure (haut. : 1,20 m). La présence de la 0,43 m, avec trous de crapaudine de 7 x 7 cm). Ces
canalisation, d'orientation SW/NE, qui aboutit à une diverses constructions, dont les murs subsistent sur
ouverture voûtée dans l'assise supérieure (dans la une hauteur d'un mètre en moyenne malgré le sable
partie W/NW), autorise à supposer qu'on a affaire à qui les envahit, sont orientées dans la direction N/S et
des citernes ou à un édifice thermal. L'aqueduc, dont semblent s'inscrire dans une trame orthogonale. Elles
le canal en U (larg. : 26 cm) est encastré dans une se prolongent en direction de l'E/SE jusqu'à un arbre
maçonnerie en blocage de 0,60 m, est conservé sur mort près duquel on remarque un édifice en forme
une longueur d'environ 20 m (fig. 150 et 151). d'enclos rectangulaire, aux murs bien apparents.
A environ 200 m plus à l'ouest de la rotonde, vers En revanche, quand on se rapproche de
l'extrémité du site dans cette direction, un autre l'escarpement au-dessus de l'oued, les constructions
édifice attire l'attention : il se présente comme un deviennent très indistinctes : elles se sont effondrées - par
bâtiment de 20 m de longueur, 9 à 10 de largeur et se pans de murs entiers - à la suite du sapement du banc
terminant à chaque extrémité par une abside voûtée d'éolianite exercé par l'érosion latérale de l'oued. Il
conservée jusqu'à l'extrados (fig. 152). Sur le côté est possible qu'en cet endroit se soit trouvées parmi
nord du monument, on aperçoit une sorte d'arcature les habitations, des installations industrielles : au
appareillée émergeant du sable et conservée jusqu'à milieu des gravats de moellons et de mortier ou de
sa clef de voûte. Elle suggère l'existence d'une fragments de sol bétonné (avec traces de mosaïque
ouverture latérale ou encore d'un arc de décharge de la polychrome fine ou grossière), on peut voir des
construction. Des traces de murs extérieurs indiquent scories ferrugineuses, des témoins de verrerie et, à
la présence de bas-côtés et peut-être de contreforts l'aplomb de la construction en rotonde, des indices de
sur les flancs de l'édifice. On peut penser à un la présence de cuves (fragments de fond de bassins
réservoir ou à quelque autre bâtiment thermal ou avec leur solin d'étanchéité). L'existence, en direction
industriel, mais il n'est pas exclu entièrement qu'on ne soit de l'oued, d'une usine de salaison est donc des plus
en présence d'une petite basilique chrétienne à probables, mais celle-ci est à rechercher sous les
double abside, bien conservée grâce à l'ensablement décombres du quartier qui couronnait l'escarpement.
(fig. 153). Dans le même quartier, d'après M. Longerstay, on
Dans la partie centrale du site, en retrait du rebord trouverait aussi « deux ateliers de céramique
du plateau, se remarquent de nombreux alignements commune (amphores, vaisselle, tuiles), des scories en
de murs. Deux types de pierre y sont utilisés : le grande quantité, des fragments de poterie non cuite ».
matériau le plus employé correspond au grès de Kroumirie A l'extrémité sud-est du site et à 100 m environ de
de teinte brune à rosâtre (qui appartient au flysch l'olivier mort, se trouvent les restes d'un mausolée de

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218 Catalogue des sites

Fig. 150. Site 208. Argoub el Bania citerne.


:

■C coupe

5m
J.L

coupe canalisation
a proximité de l'édifice
Fig. 151. Site 208. Argoub el Bania relevé de la citerne et de son adduction.
:

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Golfe de Tunis et Côte Nord 219

Fig. 152. Site 208. Argoub el Bania voûte de la basilique.


:

plan carré de 1,70 m de côté à la base et 1,40 pour le


dé. Celui-ci présente sur trois côtés (nord, ouest et
sud) une niche de section semi-circulaire, à
revêtement de tuileau (larg. de la niche : 51 cm ;
profondeur : 28 cm). A 6 m en direction de l'oued,
tombe à cupule (1,60 x 0,60 m).
Une autre zone funéraire se trouve à l'extrémité
nord-est du site, formée d'un groupe de mausolées.
L'un d'eux se présente comme un massif en blocage
recouvert d'un enduit de tuileau, de 4 x 3 m vers l'est,
il est muni d'une sorte de cuvette en retrait de 73 x
110 cm. A 3 m plus au nord, un autre monument de
3,50 x 4 m avec l'emplacemnt d'une tombe (3 x
0,78 m).
Près du premier mausolée, 2 fragments
d'inscriptions chrétiennes.

Fragment 1 en grès de Numidie couleur ocre


:

foncé, avec enduit ferrugineux ; mutilé en bas et à


droite. Haut. max. : 46 cm ; larg. max. : 30 cm. Deux
lignes de texte : haut, des lettres : 5 à 6 cm ; champ
épigraphique : 13 cm. Fig. 153. Site 208. Argoub el Bania : relevé de la basilique
à double abside.
V A L E R I
I N P A C E
I L A R
. . . Valeri(us) ... / ...in pace.
V S
. .Hilar(i)us
Fragment 2 : dalle calcaire brun foncé. Epaisseur :
.

..
.

14 cm ; haut. : 42 cm ; larg. max. : 23 cm. Deux lignes Deux autres monuments funéraires de plan carré
de texte haut, des lettres : 7 à 8 cm. L : 11 cm ; V : se devinent à 20 m plus à l'est, dans une zone très
:

6 cm. ensablée.

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


220 Catalogue des sites

Cette invasion généralisée du site par le sable est double alignement de gros blocs qui formait
récente. La carte topographique levée au début du vraisemblablement la base des quais ». Selon le même
siècle indique un bois en cet endroit. Des troncs témoignage, « la présence de pans de murs épais, de
d'arbres morts se dressent encore là où la migration citernes et de bâtiments voûtés, accrochés aux flancs
des dunes les découvre, en attendant que celles qui de la colline abrupte qui surplombe la mer à cet
suivent les ensevelissent à nouveau. Cette endroit », confirmerait cette hypothèse.
augmentation de la quantité de sable en mouvement à partir du Bien que l'épigraphie n'ait pas livré d'information
rivage peut être mise en relation avec un sur l'existence éventuelle d'horrea comme à Hippo
accroissement de la charge solide de l'oued Zouara, elle-même Regius par exemple, Toutain signale la présence de
liée à un développement des défrichements dans le restes d'entrepôts de grandes dimensions situés à
bassin-versant du fleuve depuis une centaine quelques mètres du rivage et d'une construction de
d'années. En tout état de cause, dans l'antiquité, une belle apparence qui aurait pu être en rapport avec
agglomération aussi importante que celle suggérée l'activité portuaire.
par l'extension et la nature des ruines n'aurait pas pu
se développer dans un environnement où la
dynamique éolienne aurait été d'une activité comparable à Bibliographie
celle d'aujourd'hui.
Rebora (Cap.), 1884, Tabarca (Thabraca), Bull. trim,
des Antiquités africaines, II, p. 122-128.
CERAMIQUE Toutain (J.), 1891, Fouilles de M. le Cap. Dautheville
à Tabarka, MEFR, XI, p. 185-187.
Peu de céramique en surface, à cause de Toutain (J.), 1892, Fouilles et explorations à Tabarka
l'ensablement. Sur la pente légèrement érodée descendant vers et aux environs, BCTH, p. 188-190.
l'oued Zouara, on recueille des céramiques — , Atlas archéologique de Tunisie, feuille Tabarka,
exclusivement tardives (ve-vie s.) : sigillée africaine D Hayes 76, site n° 10.
99, 103B, Mackensen 18, amphores africaines Longerstay (M.), 1988, Nouvelles fouilles à Tabarka,
(spatheia et cylindriques de grandes dimensions). La antique Thabraca, Africa, X, p. 220.
relative abondance des céramiques modelées mérite Longerstay (M.), 1992, Un carrefour commercial
d'être notée (fig. [11], n° 138-140). africain d'importance régionale : Thabraca, BCTH,
nlle sér., 22B, Afrique du Nord, 1987-1989, p. 147,
150.
Bibliographie

Ghalia (T.) et Longerstay (M.), Atlas archéologique


de Tunisie, feuille X, Nefza (à paraître). 210 - LA GALITE (GALATA ; Pline BŒ, 92) -
L'ESCUEIL DE PASQUE
Cap Negro 1:50 000, x 415,00 - y : 469,30.
:

209 - TABARKA {THABRACA) Les seuls vestiges archéologiques côtiers qui ont
Tabarka 1:50 000, x : 398,60 - y : 407,00. été repérés dans l'île se trouvent sur le rivage de
l'Escueil de Pasque, au bord de la baie abritée,
J. Toutain avait pu observer, à la fin du siècle orientée vers le Sud, qui sert de mouillage (cf. fig. 6l).
dernier, les restes de quais, de magasins ou docks et C'est dans la falaise vive, haute de 25 à 30 m, qui
de jetées limitant le port, qu'il situait précisément à caractérise ici le rivage, que les vestiges d'une
l'Est et à l'Ouest de la passe étroite qui séparait l'île quinzaine de cuves de salaison - ou autres silos - ont été
(de nos jours presqu'île) du continent (cf. fig. 59). identifiés.
Ces renseignements anciens ont été confirmés La stratigraphie de synthèse de la falaise montre
plus récemment par M. Longerstay qui a pu elle- de bas en haut : (1) flysch oligocène ; (2) éolianite ;
même par beau temps apercevoir, « sous l'eau, le (3) vers 6-8 m au-dessus du niveau actuel de la mer,

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Golfe de Tunis et Côte Nord 221

un poudingue fait de gros galets sombres d'origine Durand-Delga (1956) avait été intrigué par la
magmatique, contenant des fragments de strombes, présence sur la grève, au pied de la grande falaise, de
de pétoncles, de spondyles ; il représente un dépôt galets d'une lave bulleuse noire dont il ne voyait pas
marin tyrrhénien discordant sur l'éolianite sous- l'origine. Il s'agit en fait de morceaux de meules faites
jacente ; (4) épaisses colluvions wùrmiennes à avec du basalte importé dans l'île et émoussés par les
cailloux emballés dans une matrice fine légèrement vagues. Ces galets sont allogènes et ont une origine
rougeâtre ; (5) placages discontinus et inclinés d'une anthropique.
éolianite wùrmienne, contenant des fragments C'est dans l'éolianite (2) qu'ont été creusés les
coquilliers, à stratification entrecroisée ; (6) couche nombreux haouanet que l'on rencontre dans l'île, en
mince de limons rouges ; (7) colluvions d'âge particulier dans Pensellement de la Plaine.
historique à fragments d'éolianite et à tessons de poterie
tardive (plats, amphores).
La haute falaise est sapée à sa base par les vagues CERAMIQUE
de tempête qui sont armées de galets de la grève
Dans la falaise du front de mer : sigillée italique,
actuelle, mais qui proviennent en partie du
sigillée africaine de type A Hayes 8, de type D Fulford
poudingue tyrrhénien. La falaise évolue surtout sous
39-40, vaisselle culinaire africaine Hayes 196,
l'effet de glissements de masse qui bousculent les
amphore punique Mafia C2b, amphore italique
vestiges archéologiques. Les cuves qui les
Dressel 1, amphore africaine cylindrique de grandes
caractérisent ont été aménagées dans les colluvions
dimensions.
wùrmiennes. Elles disparaissent aujourd'hui sous les
Près de l'ancienne école : sigillée du sud de la
colluvions sommitales.
Gaule Dragendorff 37, sigillée africaine A2 Hayes 14/
Les cuves apparaissent dans une section de cette
16, amphore africaine cylindrique de moyennes
falaise située à l'Est du petit port de pêche, jusqu'à
dimensions. Un fragment de sigillée italique porte la
une carrière moderne qui les a fait disparaître, en
marque d'atelier Zoïlus, « un des derniers affranchis
contrebas du passage d'un chemin moderne, lequel a
ou descendants d'esclaves d'Ateius à avoir exercé à
contribué à déstabiliser le versant naturellement
Pise et ce jusqu'au milieu et peut-être même jusqu'au
instable par suite de l'attaque de la mer (Oueslati
dernier quart du Ier s. ap. J.-C. » (Guéry 1992, p. 45).
1995, p. 30-31). Ces cuves ne sont pas du type
habituel : elles sont de forme assez irrégulière et ont
été aménagées sommairement dans ce versant, les Bibliographie
murs des parois ayant été construits en moellons
grossiers prélevés sur place dans l'ébouli et liés avec de la Durand-Delga (M.), 1956, L'évolution de l'archipel de
terre ; mais le fond et les flancs des cuves sont bien la Galite au Néogène et au Quaternaire, CRAcad.
enduits de mortier de tuileau étanche (cf. fig. 186). La Se. Paris, 243, 5, p. 507-509.
présence d'inclusions de pierre blanche dans ce Jauzein (A.), 1967, Contribution à l'étude géologique
tuileau suggère qu'il pourrait être d'époque punique des confins de la dorsale tunisienne, Annales
ou romano-républicaine. Mines et Géologie, Tunis, 22, p. 251-252.
Largueur d'une cuve bien dégagée dans une Guery (R.), 1992, Les marques de potiers sur terra
ravine profonde : 1,10 m ; longueur conservée : 1,50 ; sigillata découvertes en Algérie, IV, 1, Ant. afr.,
épaisseur de la paroi 78/80 cm. Ces installations 28, p. 15-131.
:

comportant des cuves de dimensions variables ont Oueslati (A.), 1995, Les îles de la Tunisie, Univ. Tunis,
laissé des traces sur plus d'une centaine de mètres le Cah. du CERES, sér. géogr., 10, p. 12-51.
long de la falaise.

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223

Tableau récapitulatif des sites


500 [400 |300 |200 |100 100| 200| 300| 400| 500| 600| 700| 800|
époque punique époque romaine Antiquité époque
tardive islamique
Site N° punique ancien punique récent haut Empire romain tardif Byzance
et/ou époque Vandales
républicaine
Hr Medeina 1
Hr Daoui 4
Bou Geurnine 5
Br Ouled Mohamed 6
Ras Zarba 7 ^^^m i •
S Mohamed Chaou. 8

i
^^^^^
Hr Fesguia Rouis 10
Hr el Abid 12
Naoura "bis
S Bou Teffaha 13 ■■■
Lalla Meriem 15
El Kantara 16
Ghizene 19
Guellala 21 ^^^^^^^^^^^
Ersifet 22
Ras Segala 23
Oued Babous est 26
Bir Tajerjimet 27
Henchir Chelaki 29
Henchir Daous 30
Laflala 31
Gourine est 32 I_L_^M_J •
Hr Bou Amia 33
Hr Medina 34
Oued Zerkine 35
Hr Chougaf 37
Hr er Rekrama 38 ^^^^■^
Oued el Akarit sud 39
Henchir Adame 40
Sebkret el Guettiate 41
En Nadour 42
Br Flaguess-Trapsa 43
Hr Ferchatt 44 ^^^^^m^^^M \
Zabouza 45
Ras el Ferchatt 46
Henchir Jel 47
Oued Maltine 48 1
El Jaziret el Rharbia 49
Dzirat el Laboua 50
Dzirat el Hajar 51
El Khefifia 53
Onga 54
Henchir Leich 55
Thyna 56
Rjel ech Chouggaf 58 1H 1 ■ 1

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224 Catalogue des sites

Tableau récapitulatif des sites (suite)


500 |400 |300 200 |100 100 200 300| 400| 500] 600| 700| 800|
époque punique époque romaine Antiquité époque
tardive islamique
Site N° punique ancien punique récent haut Empire romain tardif Byzance
et/ou époque Vandales
républicaine
Ras el Berghout W 59
Ras el Berghout E 60 III
Borj el Hassar 61

I
^^^^
Gremdi 63
Ras Bou Nouma 64 •
Sefnou 65
En Ferkik est 66
En Ferkik ouest 67
Hr ech Cheggaf 68
El Aouabed 70
Hr el Majdoul 71
Ksar en Nouba 72
Hr el Flouss 73
Sidi Mezara sud 75
Sidi Mezara nord 76
La Louza I 77
La Louza II 78 1 hM
Sidi Saad 79 ^H^H^^M 1
La Louata 80

1
Ouled Slim 82 1 II III
Ouled Mabrouk 83
Marsa Mellouleche 84
Rass Jezira 85
Jezira 86 ~
Sidi Abdallah 88 m
M
El Alia 90
Borj el Mzaouak 91 1
n 1 m
Ghar ed Dheba 93
Salakta sud 94
Rass Salakta 95
Mnaka sud 96
Mnaka nord 97
Douira sud 98
Douira nord 99
Sidi Ben Ghayada 101
Mahdia nécropole 103 ^^■H
i 1i •
El Hafsi Neyret 104
i

Rass Dimass 105


Ech Chott 106
Rass el Ain 107
Port Soukrine est 108
Sayada est 109
Lamta 110
Mansourah est 111
Mansourah ouest 112

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225

Tableau récapitulatif des sites (suite)


?00 |400 |300 |200 |100 100| 200| 300| 400| 500| 600| 700| 800|
époque punique époque romaine Antiquité époque

|
tardive islamique
Site N° tunique ancien punique récent haut Empire romain tardif Byzance
et/ou époque Vandales
républicaine
Grande Kuriate 114
El Ghedamsi 116 1 1 1 1
Sebha Skanes 117
Chott Meriem 118 mÊ^mi^ÊÈmm
IM |
Halk el Menzel sud 119
Halk el Menzel nord 120
Hergla sud 121 ^M 1 ! 1 M
H
Hergla centre 122
Hergla nord 123
Borj el Assa 125
Cote 14 126
Bou Kesra 127
Sebkha S. Khalifa "bis
Henchir el Kebir 128
Henchir el Hefair 129
Henchir Selloum 130
Bir ech Choukaf 131
Bit el Assa 133 ^^^^^
Sidi el Mehersi 134
Sidi Ameur 136
Maamoura 137 1 1 ^H *
Khlij 138 mm r
Htouba 139
Sidi Mosba 140 mm mm
Sidi Othmane 141
Dar el Kbira 142
Gasser Saad 144
Henchir Lebna 145
Ain Sghira 146
S. Ali Moujehed S 147
S. Ali Moujehed N 148 mn^^
Sebkhet Tafekhsit 149
Oued el Kseub 151 warn
Es Seguia sud 152
El Hannaker
Ain Takerdouch II
Ras ed Derek
Rhirane Bou Mliha lÉËÉËËÊËml
Borj Ghelib
Sidi Daoud 155 ^^^^^|
161
160
159
157
156
164
163
162 taHH^^H^^^^^H
1

|1

Sidi Daoud (Misua)


Sidi Daoud-carrière
Degla
Mraissa
El Assa est 166 MM Mi 1 ■ mmi 1
1

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226 Catalogue des sites

Tableau récapitulatif des sites (suite)


500 |400 |300 |200 |100 100| 200) 300| 400| 500| 600| 700| 800|
époque punique époque romaine Antiquité époque
tardive islamique
Site N° punique ancien punique récent haut Empire romain tardif Byzance
et/ou époque Vandales
républicaine
El Assa (cote 9) 167 \^
Marsa B. Ramdan 168 \
Sidi Rais 169
Gammarth
Sebkha Ariana
Ras et Tarf 175
181
180
178
183
171 HHHH^V■■■
173
176
182 ■Mm1 111
Ain Demna Est
Raf-Raf
Ras Jebel
Safi
Ras ez Zebib
Ain el Mena
Henchir Chaara
Ain Bou Thouir
Pointe el Ouali
Gouraya ■ ■1
Oued ed Damous
Hr es Sahel III
Hr es Sahel IV
Hr es Sahel V
Rass Ghirane
185 P^^^^^^HHI^^M
186
188
187
210
208
207
206
205
204
"bis
203
202
201
200
198
197
196
194
193
192
190 ^^^^^^^^^^^^^^|
^B^HH^^HËHi^^^l
1
Ras Enghela cote 1
|

Ras Enghela est \_\_


Khechad-cote 9
Vigie R. el Koran E
Vigie Ras el Koran
Ras el Koran
Sidi Bechir ^^^^
Marsa Douiba
Sidi Gherib ^^^^^
Sidi Mechrig
Oum en Nouai \_\_
Argoub el Bania
La Galite ■ 1 ^^ ■i

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Troisième partie

CONCLUSIONS
I - Les transformations

DE L'ENVIRONNEMENT PHYSIQUE

LITTORAL DEPUIS L'ANTIQUITE

Roland Paskoff

Un des objectifs majeurs du programme de milieux côtiers en général. Dans un deuxième temps,
prospection poursuivi depuis 1987 le long des côtes de la est analysée la notion de marqueur archéologique,
Tunisie était de tenter de définir et d'analyser - à la essentielle dans notre enquête pour la mise en
fois chacune pour elle-même et conjointement dans évidence de ces variations. Dans le bilan final des
leurs relations entre elles - les diverses modifications transformations de l'environnement côtier, ces
de l'environnement littoral intervenues dans la durée marqueurs ont été présentés, cas par cas, sous l'angle
correspondant aux temps historiques, depuis les des informations qu'on pouvait en attendre, en
époques punique et romaine jusqu'à l'époque fonction des situations particulières correspondant aux
actuelle. divers types de paysages littoraux évoqués, au début
La particularité principale de la présente étude est du présent ouvrage, dans la présentation régionale
qu'elle utilisait comme indices ou marqueurs de cette des côtes de la Tunisie.
évolution de l'environnement côtier, les données
topographiques et chronologiques que l'enquête
archéologique avait permis, de son côté, de collecter 1 - PRINCIPES GENERAUX
sur les 210 sites examinés tout au long du domaine
littoral tunisien, depuis la frontière libyenne jusqu'à la A — La position du trait de côte
frontière algérienne. Trois faits dominants survenus
dans ce laps de temps nous ont paru devoir être La position du trait de côte constitue un élément
soulignés les variations du niveau de la mer, les essentiel de la géographie physique puisqu'il s'agit de
:

déplacements de la ligne de rivage et la mise en la frontière entre les deux constituants fondamentaux
évidence d'une crise érosive à la fin de l'antiquité. A de notre planète, la terre et la mer. De tout temps une
la lumière des cas les plus représentatifs pris dans le telle situation d'interface a attiré les établissements
catalogue ci-dessus, nous avons tenté d'illustrer tour à humains. En effet, malgré des risques de destruction
tour, dans un bilan des observations inhérents à des phénomènes naturels, en particulier
géoarchéologiques, ces divers changements survenus dans les tempêtes et les tsunamis - trop souvent encore
l'environnement côtier de la Tunisie depuis l'antiquité. improprement appelés raz-de-marée - elle offre des
Mais en préalable à la présentation de ces ressources potentielles d'un grand intérêt qui, pour se
résultats, il importait de faire état de la méthode suivie limiter à la période antique, étaient à l'origine
pour y parvenir. Dans un exposé liminaire, il nous a d'activités de pêche, de transformation des produits de
paru nécessaire de rappeler quelques vues théoriques cette pêche et de commerce. D'où les ruines de
sur l'évolution des côtes, afin que soit présente à nombreuses agglomérations de toutes tailles,
l'esprit du lecteur la complexité des facteurs dont les d'époques phénicienne et romaine, qui jalonnent le
actions et interactions ou rétroactions se manifestent littoral de l'actuelle Tunisie et qui ont fait l'objet des
dans la position du trait de côte et l'évolution des recherches rapportées dans la présente publication.

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


230 Conclusions

Ces établissements humains sont fixes alors que le


trait de côte à proximité duquel ils ont été implantés
ne l'est pas ou ne l'est que très rarement. Cette
variabilité dans la position n'est pas celle, périodique, liée
au phénomène de la marée, d'ailleurs pratiquement
négligeable ici, sauf dans le golfe de Gabès, ni celle,
aléatoire, due à des surcotes provoquées par des
ondes de tempête. Il s'agit de la variabilité qui peut se
manifester à une échelle pluridécennale du temps et
qui se traduit, pour un observateur situé à terre, soit
par un rapprochement du trait de côte lorsque les
phénomènes de submersion et d'érosion par la mer
prédominent, soit par son éloignement lorsque ce
sont les atterrissements qui l'emportent. Dans les deux
cas, les aménagements sont confrontés à des
problèmes : inondation et destruction de
constructions dans le premier, disparition d'une position de
bord de mer dans le second, ce qui est rédhibitoire
pour un port et peut conduire à son abandon, comme
ce fut le cas pour Utique à la fin de l'antiquité. Fig. 154. Facteurs intervenant dans la morphogénèse
La labilité du trait de côte tient aux actions, côtière (d'après Pilkey 1989).
interactions et rétroactions de nombreux facteurs qui se A. Climat ; B. Budget sédimentaire ; C. Processus
manifestent sur les espaces littoraux et que l'on peut côtiers(vagues, vent, courants) ; D. Niveau relatif de la
regrouper en cinq grandes catégories (fig. 154) : les mer ; E. Activités humaines.
variations du niveau de la mer, les processus marins
(vagues et courants), les éléments du climat ici, seuls le glacio-eustatisme et le thermo-eustatisme,
(précipitations, vent), le stock sédimentaire disponible dans le phénomènes sous la dépendance du réchauffement
domaine littoral, les aménagements dus à l'Homme. ou du refroidissement du climat, peuvent faire varier
On peut s'attendre à ce que les variations du le niveau de la mer de façon significative. Ainsi, la
niveau de la mer ait eu une influence sur la position majorité des chercheurs pensent que c'est sous leur
du trait de côte. Dans un secteur littoral donné, elles effet que le niveau marin planétaire s'est élevé d'une
peuvent s'expliquer soit par des variations du niveau quinzaine de centimètres depuis la fin du xixe s.,
général des océans et des mers, soit par des corrélativement avec le léger réchauffement du globe
phénomènes de soulèvement ou d'affaissement du que l'on peut estimer de l'ordre de 0,5° C, 10 cm étant
continent, soit, plus généralement, par les deux à la fois de attribués au glacio-eustatisme (recul des glaciers de
telle sorte qu'il est préférable de parler alors de montagne) et 5 cm au thermo-eustatisme (expansion
variations du niveau relatif de la mer. Dans le premier cas, thermique de la tranche d'eau superficielle des eaux
les variations qui sont qualifiées d'eustatiques relèvent marines). On peut aussi considérer comme établi que,
de trois causes principales : (a) des modifications pour des raisons d'ordre eustatique, le niveau de la
dans le volume des eaux marines, modifications dues mer se situait dans l'antiquité à quelques dizaines de
à des changements de volume des glaces centimètres au-dessous de celui d'aujourd'hui. En
continentales (glacio-eustatisme) ; (b) des modifications dans Tunisie, dans le golfe de Gabès à tendance subsi-
le volume des eaux marines, modifications dues à des dente, le niveau relatif de la mer était encore plus bas
changements dans leur température liées à des si on le compare à celui d'aujourd'hui.
variations du climat (thermo-eustatisme) ; (c) des Les forces marines en action sur les rivages,
modifications dans le volume des cuvettes océaniques dues à essentiellement les vagues et les courants, jouent à
la tectonique des plaques (tectono-eustatisme). De l'évidence un rôle essentiel dans les phénomènes
fait, à l'échelle du temps historique qui nous intéresse d'érosion ou d'accumulation qui modifient la position

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Les transformations de l'environnement 231

du trait de côte. Non seulement les caractéristiques façade septentrionale de la Tunisie, par les vents
des vagues (hauteur, longueur d'onde, période) qui lorsqu'ils soufflent de la terre transportant avec eux
conditionnent l'énergie libérée au moment du des sables dont ils se délestent en abordant la mer,
déferlement, mais aussi l'exposition du rivage à la houle ainsi que cela arrive sur les bords du golfe de Gabès.
doivent être prises en compte. Ainsi, le rivage Enfin, les vagues peuvent remonter à partir des petits
septentrional de la Tunisie se situe en mode battu par fonds des matériaux coquilliers dont l'abondance plus
rapport aux fortes houles hivernales qui arrivent du ou moins grande tient au degré de développement de
nord-ouest, alors que le rivage oriental occupe une la faune benthique. Il arrive aussi que des sédiments
position abritée par rapport à elles. Dans le golfe de soient perdus pour le domaine littoral. Des courants
Gabès, l'action des houles du secteur est est atténuée de retour dirigés vers le large en emportent vers des
à la fois par le relèvement lent des fonds marins et profondeurs suffisamment importantes pour que les
l'ampleur du marnage qui fait que les vagues peuvent vagues ne soient plus capables de les remettre en
déferler à différentes hauteurs sur un vaste estran au mouvement. En certains endroits, comme sur la côte
lieu de concentrer sur un seul niveau l'énergie nord de la Tunisie, les vents de mer ont l'aptitude de
qu'elles libèrent. transférer en arrière du rivage de gros volumes de
Des changements dans les caractéristiques des sable qui forment des champs de dunes étendus.
éléments du climat peuvent être à l'origine de Ainsi, sur une côte, les sédiments vont et viennent.
modifications dans la position du trait de côte. Un régime de Dans cette dynamique, la dérive littorale, courant
précipitations plus abondantes et plus concentrées, parallèle au trait de côte et le longeant, né de
donc plus torrentielles, renforce les phénomènes l'obliquité avec laquelle les houles arrivent généralement
d'érosion sur les versants. Il s'ensuit une sur un rivage, joue un rôle essentiel en déplaçant
augmentation de la charge solide véhiculée par les oueds et sables et galets, en les déposant lorsque leur volume
livrée par eux à la mer. Le stock sédimentaire excède sa capacité de transport, en les mettant en
disponible dans les eaux littorales est accru et des atterris- mouvement quand elle est sous-saturée en charge
sements sont susceptibles de déplacer le rivage au solide, compte tenu de sa vitesse.
profit de la terre. C'est ce qui s'est produit en plusieurs Des activités humaines peuvent avoir des
endroits des côtes de la Tunisie à la fin de l'antiquité, répercussions sur le comportement morpho-sédimentaire
époque caractérisée par une crise érosive généralisée, du trait de côte. Des défrichements étendus dans
très probablement liée à une péjoration du climat qui l'intérieur des terres expliquent, si les conditions
a favorisé une plus grande agressivité des pluies sur climatiques le permettent, des dégradations de sols
des sols fragiles et des roches érodables. Une qui, on l'a vu, modifient le rapport débit-charge des
accentuation de la force et de la fréquence des vents sur les cours d'eau. Il est logique de penser que la
aires de génération des houles accroît l'énergie que progradation marquée de la côte du golfe de Tunis dans
les vagues libèrent en arrivant sur un rivage, ce qui est l'antiquité tient à une augmentation du volume des
susceptible de déclencher ou d'exacerber son érosion. alluvions livrées à la mer par la Mejerda, elle-même
Le bilan sédimentaire sur un rivage donné due à des phénomènes érosifs dont l'agressivité avait
constitue une donnée essentielle pour comprendre le été renforcée par l'extension de l'agriculture dans son
comportement de ce rivage. Si la quantité de bassin-versant à l'époque carthaginoise d'abord,
matériaux qui y arrivent est supérieure à celle que les romaine ensuite. Dans le cas d'aménagements
vagues et les courants littoraux sont capables portuaires qui s'avancent en mer, les effets sur le
d'emporter, le budget sédimentaire est positif et le rivage sont directs. De longues jetées, telles celles
trait de côte prograde. Dans le cas contraire, le budget dont il reste des vestiges bien conservés à Rass Segala,
sédimentaire est négatif et le trait de côte rétrograde. dans la Mer de Bou Grara, ont perturbé l'écoulement
Quand le budget sédimentaire est équilibré, le trait de de la dérive littorale, induisant des atterrissements
côte est stable. On vient de voir que les cours d'eau d'un côté, des érosions de l'autre.
sont des pourvoyeurs de matériaux pour les côtes. La limite entre terre et mer est donc
Celles-ci peuvent aussi être alimentées en sédiments particulièrement instable. Elle est la résultante du jeu complexe
par le recul des falaises, comme c'est le cas sur la de multiples facteurs dont la fréquence et l'intensité se

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232 Conclusions

modifient dans le temps et l'espace, et qui interfèrent


entre eux. La figure 155 montre par exemple qu'une
élévation du niveau de la mer ne produit pas toujours
une transgression. Si le bilan sédimentaire, lui-même
sous la dépendance de plusieurs variables, est
suffisamment positif, une régression est possible. De la
même manière, une baisse du niveau de la mer ne se
traduit pas toujours par une progradation du rivage.
La figure 156 illustre autrement les mêmes
phénomènes. Les littoraux sont divisés en deux grandes
catégories, ceux qui avancent et ceux qui reculent.
Plusieurs situations sont possibles. La ligne ZZ'
représente des côtes stables, soit parce que l'émersion est
compensée par l'érosion (ZO), soit parce que la
submersion est annulée par l'accumulation de
sédiments (OZ'). Au point O, aucun de ces quatre
phénomènes ne se manifeste. D'un côté de la ligne ZZ' se
placent les côtes en état de progradation, de l'autre
celles qui régressent. Les changements sont les plus
marqués, d'une part en A où l'émersion accompagnée
d'une accumulation de sédiments conduit à une
avancée rapide de la côte, d'autre part en B où la
submersion associée à l'érosion détermine un recul
accéléré de la côte. On voit aussi qu'une érosion

■ÉROSION O DÉPÔT

Fig. 155. Ligne de rivage, niveau marin et dynamique


littorale (d'après Paskoff 1985).
1. Progradation ; 2. Stabilité de la ligne de rivage ;
3. Retrait ; 4. Stabilité du niveau marin ; 5. Baisse du
niveau marin ; 6. Elévation du niveau marin ; Fig. 156. Classification dynamique des côtes
7. Accumulation ; 8. Erosion. (d'après H. Valentin 1952).

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Les transformations de l'environnement 233

rapide peut engendrer un recul sur un rivage climatique (à la fin de l'antiquité) ou anthropiques
caractérisé par une emersion et qu'une accumulation rapide résultant des défrichements dans l'antiquité ou à
peut être à l'origine d'une progradation même si une l'époque contemporaine, avaient pu se traduire
submersion se manifeste. localement par un alluvionnement important. Ces apports
A la lumière des différents modèles théoriques sont aujourd'hui en partie interceptés par les barrages
présentés ci-dessus, on peut à présent examiner les et autres retenues systématisés sur les principaux
situations réalisées effectivement le long du littoral de cours d'eau du pays.
la Tunisie. On constate que certaines de celles-ci
constituent de bonnes illustrations des cas de figure
envisagés, mais avec des fréquences très inégales b —Les sections de côtes en situation de
selon les diverses configurations a priori possibles. stabilité
Cette inégalité est en elle-même révélatrice des
tendances profondes déjà constatées lors du colloque Elles arrivent en deuxième position dans le
d'Aix-en-Provence (Oueslati et al. 1987) dans linéaire littoral tunisien où elles représentent moins
l'évolution générale des côtes méditerranéennes depuis d'un quart environ du total. L'exemple le mieux
l'antiquité. marqué est celui du golfe d'Hammamet où la côte est
constituée, depuis le nord d'Hergla jusqu'à la façade
orientale du Cap Bon, par une série de lagunes
a —Les côtes en cours de régression séparées de la mer par un cordon littoral continu. Un autre
exemple, plus ponctuel mais connu précisément
Elles sont en effet le cas de loin le plus répandu grâce à des fouilles récentes, est celui présenté par le
sur le littoral de la Tunisie où elles représentent entre site de Nabeul. L'usine de salaison romaine s'était
la moitié et les trois-quarts du linéaire total, aussi bien installée à l'emplacement d'un établissement punique
sur la côte nord que dans le golfe de Gabès. Plusieurs antérieur, au bord d'une plage qui existe encore
facteurs y concourent de façon inégale selon les aujourd'hui, ce qui confirme le statu quo du trait de
sections de côte. Le facteur le plus général est le côte depuis l'antiquité. Cette situation de stabilité
relèvement du niveau marin d'ordre eustatique, à quoi s'explique par un apport alluvial des oueds locaux
s'ajoutent dans la partie nord du golfe de Gabès les bien alimentés en sables par des grès tendres qui
effets d'un mouvement régional de subsidence ainsi affleurent largement dans leur bassin versant, donc
que l'action de l'érosion marine dans des matériaux le suffisant pour compenser les effets du relèvement du
plus souvent meubles. Mais la présence de hauts- niveau de la mer depuis l'antiquité. On est ici dans la
fonds a pour effet d'amortir l'énergie de la houle. Au situation définie par le n° 2-6 dans la figure 155 et par
contraire, sur la côte nord, c'est la force de la houle la ligne OZ' dans la figure 156.
du nord-ouest qui explique pour une large part la
vigueur de l'érosion marine dans un matériel rocheux
pourtant plus résistant que sur la façade orientale. Un c —Les côtes en cours de progradation
autre facteur important qui explique, lui-aussi, la
tendance générale au retrait des côtes est le déficit Elles sont, en revanche, le cas le moins répandu.
relatif du budget sédimentaire (fig. 156 : B). A celui-ci Elles ne totalisent qu'une fraction infime du linéaire
concourent deux processus de nature et d'échelle côtier (moins de 5 %) et, à l'exception notable du
temporelle différente, selon qu'on se place côté terre littoral deltaïque de l'ancienne baie d'Utique qui est
ou côté mer. Côté mer, le stock sédimentaire venu de liée - nous l'avons vu - à Palluvionnement d'âge
la plate-forme continentale et encore disponible à la historique de la Mejerda, les autres cas n'offrent qu'un
fin de la transgression postglaciaire s'est caractère local. Ils résultent le plus souvent de
progressivement épuisé, ce qui s'est traduit, vers le début de l'ère configurations particulières de la côte, où une situation
chrétienne semble-t-il, par un renversement de la d'abri est créée par rapport à la houle du grand large
dynamique littorale en faveur d'une tendance à par des promontoires ou des îles, comme c'est le cas
l'érosion. Côté terre, les crises érosives d'origine localement dans le fond du golfe de Gabès ou dans la

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234 Conclusions

Mer de Bou Grara, ou bien plus ponctuellement par tage reste ici le relèvement d'origine eustatique du
des aménagements portuaires, comme on peut le voir niveau marin.
à Rass Botria (fig. 157). Un autre exemple est celui
d'un fort alluvionnement sur des oueds non pourvus
de barrages l'oued Chaffar, au Sud de Sfax, est B — Les marqueurs archéologiques
:

d'autant plus révélateur qu'on se trouve ici dans une


section de côte où se manifeste un phénomène de L'originalité de la méthode utilisée pour parvenir
subsidence assez marqué. On est dans la situation à ces conclusions générales était qu'elle reposait sur
remarquable illustrée par la figure 155 (1-7) et dans la l'utilisation de marqueurs spécifiques fournis par
figure 156 (à droite de Z'), quand on a à la fois l'archéologie. L'idée essentielle au départ de la
submersion et accumulation. Un exemple extrême de présente enquête était, en effet, d'exploiter comme
conjonction de facteurs favorables à une forte donnée de base la présence en bordure du rivage de
progradation à une échelle locale se trouve dans la Mer de témoins archéologiques dont la recension
Bou Grara, au sud-est de la jetée du port de Gigthis : systématique n'avait jamais été réalisée à ce jour en
aux effets d'une situation d'abri s'ajoutent ici ceux de Méditerranée sur une section de côte aussi longue. La
crues exceptionnelles récentes au débouché des tendance dominante au recul par érosion de ces côtes
oueds soumis aux influences du climat semi-aride de se traduit en effet par la présence de vestiges plus ou
la Jeffara. Il en résulte la présence d'épandages moins arasés par l'action des vagues sur la surface des
alluviaux visibles sur les images satellitaires (fig. 158). La estrans ou bien de structures offertes en coupe dans
subsidence étant peu active dans la partie sud du les falaises vives taillées et rafraîchies périodiquement
golfe de Gabès, le seul facteur défavorable au à l'occasion des tempêtes. Au vu de leur position

Fig. 157. Môle submergé et flèche littorale de Rass Botria (Tun. 1948-49 Chourbane-El Jem-Chebba LXXXVIII, site n°81).

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Les transformations de l'environnement 235

Fig. 158. Alluvionnement au sud de la Mer de Bou Grara (Landsatt 4 TM4 190 37 1, 31/01/1983).

topographique actuelle et dans la mesure où il était confirmer sur l'ensemble des côtes de la Tunisie des
possible de les dater - grâce aux témoins de conclusions qui, en 1987, reposaient surtout sur des
céramique - avec une relative précision, ces vestiges observations collectées - à l'exception de Carthage -
devaient être de nature à nous renseigner sur sur sa façade orientale, notamment dans le golfe de
l'évolution du trait de côte depuis l'antiquité. Gabès où des phénomènes locaux de subsidence
Déjà, lors d'une première enquête dont les pouvaient fausser l'appréciation des raisons du retrait
résultats avaient été présentés à l'occasion du colloque général de la ligne de rivage. Mais même dans ce cas
réuni à Aix-en-Provence en septembre 1985 sur les particulier où au relèvement général de type eusta-
« déplacements des lignes de rivage en Méditerranée » tique du niveau marin s'ajoutent les effets de cette
(Oueslati et al. 1987), il était apparu clairement que le subsidence, on relevait néanmoins 4 sites pour
nombre de sites où le littoral, parfois précédé de lesquels on observait une tendance inverse, à la
structures submergées, faisait apparaître des vestiges progradation de la côte. C'est dire que selon les
archéologiques en cours d'érosion était beaucoup conditions particulières offertes par les différentes sections
plus élevé que celui, à vrai dire exceptionnel, où de côte, les facteurs de l'évolution du littoral ont pu
d'anciens sites côtiers se retrouvaient, par suite de s'exercer localement dans des sens opposés, mais le
Palluvionnement, à l'intérieur des terres. On pouvait plus souvent dans celui d'une récession du trait de
en conclure que la tendance à la récession du trait de côte. La mise en évidence, sur nombre de sites
côte, telle qu'elle était mise en évidence par les répartis sur l'ensemble des côtes tunisiennes, d'un
indices archéologiques, l'emportait largement sur relèvement du niveau marin par rapport à sa position
celle à la progradation, illustrée par le cas particulier, dans l'antiquité peut expliquer, pour une part, la
de grande ampleur, de l'ancienne baie d'Utique. prépondérance du recul. Mais elle ne l'explique pas
Ce premier examen ne portait que sur 58 sites toujours ni entièrement ; comme le montre la
répartis sur les côtes de la Tunisie. Depuis lors, la liste figure 155, le rapport de causalité n'est pas aussi
des sites reconnus, qui s'élèvent à 210, s'est direct qu'il semblerait à première vue entre les
considérablement enrichie et diversifiée permettant de variations du niveau de la mer dans le sens vertical et les

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236 Conclusions

déplacements de la ligne de rivage dans le sens sous environ 0,80 m à marée haute de vives-eaux (site

horizontal. C'est bien ce que montre l'exemple de Rass 94, fig. 37). Si l'on estime que ces murs submergés
Botria (fig. 157) : il y a bien constat d'un relèvement peuvent être mis en relation avec le rempart urbain
du niveau marin, puisque le môle visible sur la antique dans le prolongement duquel ils se situent, on
photographie aérienne est actuellement submergé sous pourrait en conclure que la montée des eaux -
environ 1 m d'eau. Mais ceci n'a pas empêché une impossible à évaluer s'agissant de fondations de murs
certaine progradation du rivage depuis l'antiquité par implantées à l'origine en terre ferme - s'accompagne
le développement d'une flèche qui a recouvert la ici d'une attaque vigoureuse de la côte par érosion, ce
racine du môle. Nous sommes ici dans le dernier cas que peut expliquer au demeurant une énergie des
de figure du croquis n° 155. vagues plus grande dans ce secteur où la limite des
Force est donc, avant d'entrer plus avant dans hauts-fonds (isobathe -10) se rapproche du littoral.
l'analyse de l'évolution du littoral, de tenter de L'accent sera mis alors sur le recul du trait de côte
dissocier, cas par cas, autant que faire se peut, les deux plutôt que sur l'élévation du niveau marin. Mais une
phénomènes expliquant la présence de ces vestiges autre interprétation paraît s'imposer ici, de manière
dans la position où ils se trouvent actuellement : évidente, dès lors qu'on compare ces vestiges avec les
d'une part, la montée relative du niveau de la mer par digues en blocage des viviers décrits sur la côte
rapport au continent ; d'autre part, le recul de la côte tyrrhénienne d'Italie par le Général Schmiedt (1981,
par érosion. C'est ici qu'intervient la nature même des p. 34-35) et plus récemment dans l'ouvrage que
vestiges en question, dont la signification en tant que L. Giacopini, B. Marchesini et L. Rustico ont consacré
marqueurs archéologiques sera d'emblée très à la pisciculture (1994, p. 100, fig. 48). L'ensemble
différente selon qu'il s'agit de constructions originellement formé par ces murs parallèles en équerre dont l'un,
en avant de la ligne de rivage (installations portuaires, plus élevé, faisait office de digue de protection et
viviers...) ou de constructions réalisées en terre ferme l'autre, plus bas, était une division intérieure de
(remparts, installations urbaines ou rurales, l'installation, rappelle tout à fait le dispositif qui
nécropoles) ou encore de structures en relation possible caractérise les deux viviers construits respectivement à la
avec la mer par le type d'activité qui s'y pratiquait pointe des promontoires de la Punta Astura et de la
(entrepôts, usines de traitement des produits de la Punta délia Saracca. Une telle identification est
pêche) et installées délibérément en bordure ou peu d'autant plus tentante que des vestiges d'une usine de
en retrait de la ligne de côte. salaison sont bien connus à Sullecthum, de l'autre
côté de la route non loin de ces murs immergés, ce
Quelques exemples suffiront à montrer combien qui rend des plus plausibles l'existence en ce lieu de
l'interprétation de vestiges, souvent difficiles à viviers. Or, ce type d'installation est considéré par les
identifier dans l'état de conservation où ils se présentent spécialistes (Pirazzoli 1979-80, p. 191-201) comme un
sous nos yeux, peut conduire à des appréciations fort marqueur idéal pour mesurer la montée des eaux
divergentes quant aux variations survenues dans la depuis l'antiquité en tenant compte de leur
:

configuration du littoral et aux facteurs qui permettent immersion minimale à 0,20 m et en supposant que les murs
d'expliquer cette évolution. émergeaient de 0,40 m, Schmiedt estimait à partir de
l'observation des viviers de la Mer Tyrrhénienne que
le niveau de la mer était inférieur dans l'antiquité de
a — Sullectbum 0,60 m à son niveau actuel.

Au sud du Cap Salakta qui ferme la baie où se


trouvait le port antique de Sullecthum, près d'un petit b -Mnaka nord
promontoire rocheux taillé dans les grès du Pliocène,
on voit un double mur en retour d'équerre dont A l'inverse, le site de Mnaka nord (n° 97, fig. 109),
quelques témoins émergent sur le mur externe, alors que sur une section de côte battue par les vagues,
l'arase régulière du mur intérieur est submergée sous témoigne principalement d'un recul de la côte et non
une vingtaine de centimètres d'eau à marée basse et d'un relèvement du niveau de la mer, comme une

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Les transformations de l'environnement 237

observation rapide pourrait fallacieusement le ques par la nature de leur béton étanche, leurs
suggérer. D'une part, on voit sur l'estran sableux le angles arrondis et le dispositif de murs renforcés
fond bien conservé et partiellement inondé d'une dans lequel elles étaient enchâssées. De nombreux
citerne antique (fig. 159)- D'autre part, à quelques exemples comparables relevés par la présente
mètres de distance en arrière, on peut voir dans la enquête le long des côtes tunisiennes permettent
partie supérieure de la falaise dont la base est d'identifier ces installations comme des usines de
constituée par des sables limoneux colluviaux, une couche salaison ou autres salsamenta. Non seulement il n'y
archéologique où se remarquent des blocs taillés a pas eu comblement d'un port : les fonds n'étaient
(fig. l60). En fait, les vestiges de la citerne ne sont pas suffisants dans l'antiquité déjà pour l'accostage
plus dans leur position originelle, mais ont été des navires, mais on peut remarquer un recul du
abaissés sur place d'environ 1,50 m par rapport au rivage, puisqu'une falaise archéologique fait
niveau archéologique de la falaise avec lequel ils apparaître en coupe les structures de l'établissement
formaient le même ensemble construit auquel il faut industriel. A la différence du cas précédent, ce recul,
donc les raccorder. Les vestiges de la citerne de dans un contexte de site abrité où le fetch des vagues
Mnaka montrent que lorsqu'une côte se replie sous est court, est imputable pour l'essentiel au
l'action de l'érosion marine, les vagues sont capables relèvement du niveau de la mer.
d'affouiller les terrains qui supportent les ruines de
constructions. Celles-ci s'affaissent sur place, sans
nécessairement se disjoindre, tandis qu'elles sont peu d - Borj el H'sar
à peu submergées au fur et à mesure que les
profondeurs littorales s'accroissent en concommitance avec Sur la côte ouest de l'île principale des Kerkennah,
le retrait du rivage. le site de Borj el H'sar (n° 6l, fig. 11, 15) est vivement
Cette situation observée à Mnaka n'est pas sans attaqué par les vagues de tempête qui ont fait
rappeler celle des vestiges romains immergés à Fos où apparaître dans la falaise les cuves et les citernes d'un
elle confirme une explication alternative à celle qui quartier industriel établi, sans doute à l'époque romaine, en
avait été antérieurement avancée (Trousset (éd.), avant du rempart urbain préromain. Selon
Déplacements, 1987, p. 63-65). En invoquant un P. -F. Burollet qui les avait survolées en hélicoptère
affaissement sur place et une submersion, (1979, p. 309), les ruines submergées d'une partie de
phénomènes corrélatifs du recul de la côte à l'époque l'agglomération antique seraient décelables sous les
historique, on peut faire l'économie d'une explication par rides sableuses et les herbiers de l'avant-côte. A une
un effondrement tectonique qui se serait produit centaine de mètres en avant de la ligne de rivage
depuis l'antiquité et pour lequel, dans le cas de Fos, actuel, se remarque un massif en blocage que nous
aucun argument de terrain ou de source littéraire n'a avons interprété comme pouvant correspondre à un
été produit. monument funéraire que V. Guérin avait décrit en son
temps (1862) sur la terre ferme. Au contraire, F. Chelbi
qui a effectué récemment sur le site des recherches
c —Mdeina sous-marines (1995, p. 133) décrit des structures
submergées, en l'occurrence des alignements de blocs,
A Mdeina (site n° 1, fig. 10), à l'extrémité sud-est comme des installations portuaires, le massif en
de la Bahiret el Biban, de longs alignements de blocs question pouvant être le soubassement d'un phare. C'est un
ou de dalles, disposés parfois sur deux rangées et exemple où apparaît un problème d'interprétation des
qui se suivent sur plusieurs centaines de mètres à la vestiges archéologiques qui conduit à des divergences
limite de l'estran où ils sont à fleur d'eau, avaient été d'appréciation quant à l'importance de la variation du
interprétés dans les descriptions anciennes comme niveau marin et du déplacement de la ligne de rivage.
les quais d'un ancien port aujourd'hui ensablé. En En fait, celle-ci est confirmée par Chelbi lui-même qui
fait, ces alignements n'étaient que les substructions, signale aux Kerkennah la submersion totale de
mises au jour et arasées par la mer, d'un ensemble carrières littorales et de chaussées anciennes dans l'île
industriel doté de batteries de cuves très de Gremdi (site n° 63)-

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238 Conclusions

V. . . .'
Fig. 159. Fonds de citernes antiques à Mnaka nord (site n°97).

Fig. l60. Falaise archéologique à Mnaka nord.

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Les transformations de l'environnement 239

A partir de ces exemples, on peut tenter de ces carrières littorales constituent des marqueurs
proposer une typologie des marqueurs archéologiques, sans doute moins précis que les
archéologiques classés sous l'angle des informations qu'ils viviers à poissons aménagés par les Romains, mais
fournissent pour restituer l'évolution du littoral depuis néanmoins utiles pour apprécier les variations de la
l'antiquité. ligne de rivage, à la fois dans le sens vertical mais
Une première catégorie de constructions est aussi dans le sens horizontal. D'une part, en effet, la
représentée par les installations tournées vers le large submersion des fonds de carrières est un fait
comme les viviers à poissons d'époque romaine et, à généralement constaté sur les deux rives de la Méditerranée
une plus grande échelle, les aménagements portuaires - en Provence comme en Tunisie - et témoigne bien
- du type quais, môles ou phares - dont au moins les d'un relèvement du niveau marin depuis l'antiquité,
fondations étaient, dès l'origine, établies en dessous dont l'origine doit être eustatique puisqu'il est
de la surface de l'eau et, qu'à ce titre, on ne doit pas général. Mais d'autre part, la digue de protection
s'étonner de retrouver aujourd'hui en partie ou caractéristique, ici comme ailleurs en Méditerranée,
entièrement submergées. A ces jetées pouvaient être de ces extractions antiques littorales, et qui marquait
associés des bassins repérables à Lamta, où ils sont avec précision leur limite du côté de la mer - et donc
submergés sous 50 à 80 cm d'eau, ainsi que des la position du trait de côte dans l'antiquité - a presque
phares, comme en témoignent les mosaïques de la partout été outrepassée par la transgression marine.
Place des Corporations d'Ostie pour Sullecthum Le cas le plus fréquent se manifeste suite à la
(fig. 31) ou bien la mémoire collective des pêcheurs submersion d'une partie de cette digue. Dans le cas
locaux dans le cas de Lamta (Oueslati et al. 1987, particulier des carrières de Mzaouak près d'El Alia (site n° 91,
p. 75). La submersion de ces structures, au fig. 27), l'entrée de l'eau de mer dans le fond de la
démembrement desquels la houle du large a plus ou moins carrière est consécutif à un développement
contribué, est imputable pour l'essentiel au exceptionnel de l'encoche basale dans la paroi externe.
relèvement du niveau marin depuis l'antiquité. En revanche, Dans tous les cas, une nouvelle falaise vive indique,
comme nous l'avions signalé déjà à propos de Rass plus en retrait, la ligne actuelle du rivage, parfois calée
Botria (n° 81, fig. 157) où s'est formée une flèche sur le front de taille de l'ancien chantier. Une
littorale et comme les jetées de Rass Segala et de Gigthis évolution plus complexe est parfois possible à restituer,
(n° 23 et 25, fig. 4 et 5) le montrent par ailleurs, il est comme le montre le site d'Henchir Chaabane au sud
possible que ces aménagements aient pu contribuer, de Zarzis (site n° 11, fig. 67) ; la mer est en train
en freinant la dérive littorale, à accuser une tendance d'exhumer, lors des tempêtes, l'ancien front de taille
locale à l'alluvionnement. Celle-ci est du reste facilitée lui-même, qui avait été fossilisé par un épandage
dans le cas précis de la Mer de Bou Grara par la colluvial contenant des fragments de poterie romaine.
configuration d'un littoral abrité de la houle (fig. 158). Cet exemple bien particulier est le témoignage d'une
Une deuxième catégorie de sites, de loin les plus phase de décapage des versants, donc de
nombreux, rassemble des installations ou des traces recrudescence de l'activité érosive, postérieure à l'antiquité.
d'activités en liaison avec les ressources du littoral, On entre ici dans le cadre plus large d'une
mais sises en terre ferme sur le bord du rivage ou à modification de l'environnement du milieu littoral sur laquelle
faible distance de celui-ci. Tel est d'abord le cas des nous aurons à revenir et dont l'origine semble être,
carrières littorales. On pourra, certes, être surpris de dans le contexte régional du site, plus
voir figurer parmi ces activités l'exploitation des vraisemblablement climatique qu'anthropique.
matériaux de construction car il s'agit d'une ressource qui Dans cette même catégorie de témoins
n'est pas liée par sa nature au milieu maritime. archéologiques d'une activité ancienne caractéristique du
Cependant, à la fois pour des raisons techniques générales littoral, il faut ranger ces innombrables réservoirs,
dans l'antiquité et pour des raisons lithologiques cuves ou bassins dont les vestiges, mis au jour par le
propres aux côtes africaines que nous verrons plus recul de la ligne de rivage, se retrouvent en maints
loin (cf. infra, B-a), il se trouve que l'extraction de endroits battus par les vagues dans la falaise actuelle
pierre se faisait très souvent en bordure de mer. ou même, sur l'estran, submergés à marée haute. Ils
Contentons-nous pour le moment de souligner que doivent à la consistance de leurs parois en mortier ou

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240 Conclusions

béton étanche d'avoir mieux résisté que d'autres Un dernier cas reste à envisager : celui des
structures à la destruction par l'érosion marine. Dans structures rurales ou urbaines aujourd'hui submergées ou
la composition de ces revêtements, on remarque atteintes par l'érosion du rivage et dont on peut
l'utilisation presque systématique de matériaux prouver qu'elles étaient situées dans l'antiquité en
prélevés sur place et qui suffisent à dénoter une retrait de la ligne de côte actuelle. A cette catégorie
ambiance littorale : il s'agit de coquilles marines appartiennent les tombes ou les nécropoles qui
broyées ou bien de granules calcaires provenant de la entouraient les domaines ruraux ou les
désagrégation, sur l'estran, de la croûte villafran- agglomérations. Pour ce qui est des villes, outre l'exemple déjà
chienne qui affleure sur ces rivages. En fait, beaucoup évoqué de Cercina, des enquêtes particulières
de ces vestiges ne sont que des citernes et il n'est pas resteraient à faire pour préciser les données encore
toujours aisé de faire le partage entre celles qui sont incertaines ou inédites concernant par exemple Sullecthum
les témoins d'une occupation rurale de terre ferme et et Leptiminus. Parler de « villes englouties » serait,
celles, de même facture, qui pourraient suggérer la certes, très exagéré, mais certains indices donnent à
présence, ordinairement des plus fugaces, d'habitats penser que des édifices, voire des quartiers à
de pêcheurs, comme c'est le cas, pourtant des plus caractère urbain ont pu disparaître dans les eaux depuis
vraisemblables, sur les rives continentales et dans les l'antiquité. L'exemple le mieux connu à ce jour est
îles du banc des Kneiss. Il faudra tenir compte celui de Carthage et il n'a pas équivalent, nous le
également de la mise en évidence par l'érosion marine de verrons, pour illustrer comment les recherches
nombre d'installations thermales relativement bien archéologiques peuvent permettre, à partir de repères
conservées grâce à la résistance de leur structure en topographiques et chronologiques très précis, de
blocage, en opus signinum, opus figlinum et autres définir des déplacements complexes, en sens
bétons de tuileau. Il n'est pas rare d'y voir des opposés, de la ligne de rivage depuis l'antiquité
lambeaux de mosaïque. Ces témoins donnent à ftf/. 1985).
penser que de luxueuses vittae maritimae, semblables
à celles du littoral campanien, profitaient déjà de
l'agrément du séjour en front de mer, à quoi pouvait 2 - BILAN DES OBSERVATIONS
s'ajouter sur les côtes sahéliennes l'abondance des GÉOARCHÉOLOGIQUES
eaux douces piégées dans les grès dunaires anciens.
Cependant, parmi toutes ces constructions mises
au jour par l'érosion littorale et caractérisées par une A - Variations du niveau de la mer sur les
structure en béton à la fois résistant et étanche, il en côtes de la Tunisie depuis l'antiquité
est certaines qui devaient prendre dans notre étude
une place de choix, en raison même de leur II est maintenant clairement établi que le niveau
destination d'origine : il s'agissait des installations de de la mer sur les côtes de la Tunisie se situait dans
traitement des produits de la mer, usines de salaison ou de l'antiquité nettement au-dessous de son niveau actuel,
garum. Le groupement caractéristique, en batteries, comme le montre la submersion de sites
des cuves ou des bassins non voûtés mais associés à archéologiques de localisation et de nature variées (Paskoff et
des citernes de type classique pour la fourniture en Trousset 1988).
eau devait permettre à les caractériser dans les cas les
plus favorables. Leur implantation en bordure du
rivage les exposait en première ligne au déplacement a —La submersion de nécropoles et de
horizontal de celui-ci. En même temps, la difficulté à structures urbaines
concevoir qu'on ait pu établir leurs fondations en
dessous du niveau marin antique, donc dans la nappe A Mahdia (Gummi ?), à proximité de la pointe du
phréatique, autorise à leur attribuer également une Cap Afrique, de nombreuses tombes d'époque
valeur de marqueurs dans le sens vertical pour punique (Ben Younès 1981) ont été creusées dans un
apprécier son relèvement depuis l'antiquité. grès calcaire tendre du Pliocène supérieur (fig. l6l).
Certaines d'entre elles se situent dans l'espace supra-

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Les transformations de l'environnement 241

Fig. l6l. Tombes puniques partiellement submergées au Cap Afrique (Mahdia).

Fig. 162. Viviers à Sidi Mansour (Monastir).

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242 Conclusions

littoral où leur aspect originel a été défiguré par des reliée à la mer par un petit canal a servi de toute
formes de corrosion, en particulier des mares dues à évidence de vivier à poissons, mais elle ne pourrait
l'eau projetée par des paquets de mer. Mais d'autres plus avoir cette fin aujourd'hui car son rebord est
se rencontrent dans l'étage intertidal, voire même constamment submergé sous au moins 20 cm d'eau
infralittoral. Les parois qui les séparent sont rongées (fig. 121).
par la mer et dans certains cas elles ont fini par être A Sidi Daoud, sur la côte nord-occidentale du Cap
détruites. Comme il est tout à fait exclu que des Bon, des cuves, cette fois-ci construites, profondes de
inhumations aient pu être pratiquées dans des sépultures 1 à 2 m, sont alignées sur une centaine de mètres
soumises, comme c'est le cas aujourd'hui, à une entre le rivage et une île rocheuse. Elles sont
submersion, même partielle, le site montre clairement constamment recouvertes par une tranche d'eau d'une
que le niveau de la mer s'est relevé d'au moins quarantaine de centimètres d'épaisseur. Selon R.A. Yorke qui
quelques dizaines de centimètres depuis l'époque en a fait un relevé (Ben Lazreg et Mattingly 1992,
punique. p. 172-173), elles auraient pu servir de viviers à
Dans l'archipel des Kerkennah, dans l'île Chergui, poissons. A proximité, un peu plus au sud, on trouve un
une partie des quartiers industriels ainsi que les vivier à poissons indiscutable, taillé dans le rocher,
installations portuaires de Cercina sont aujourd'hui sous la qui indique lui aussi un relèvement du niveau de la
mer. Bien que largement recouvertes par des rides mer d'une quarantaine de centimètres depuis son
sableuses et des herbiers à posidonies, les ruines sont aménagement (fig. 50, 130).
encore discernables à marée très basse sur des
photographies aériennes et elles ont été repérées par des
plongeurs. A une centaine de mètres du rivage, le c —La submersion d'aménagements
soubassement d'un ancien monument que nous portuaires
avons identifié comme un mausolée, émerge par
basse mer d'une quinzaine de centimètres alors que sa La Tunisie donne de nombreux exemples de
base se situe sous environ 1 m d'eau. Compte tenu du jetées antiques qui sont aujourd'hui submergées
marnage qui est ici par marée de vives-eaux de l'ordre (Yorke 1967 ; Dallas et Yorke 1968).
d'1 m, c'est un relèvement du niveau marin d'environ A Rass Botria (Acholla), au nord de Sfax, un
2 m qui s'est produit à Cercina depuis l'antiquité. ancien môle dont la racine est aujourd'hui cachée par
la plage actuelle et des rides vaso-sableuses
prélittorales devait avoir au moins 500 m de longueur (Picard
b —L'indication des viviers 1947). Seule sa partie distale, submergée sous environ
1 m d'eau, est aisément reconnaissable sur les
On a identifié des viviers à poissons antiques sur photographies aériennes (fig. 157 ; Paskoff et Oueslati 1982,
les côtes de Tunisie, soit construits comme à Salakta, p. 78-81) et elle a fait l'objet d'une reconnaissance
soit creusés sur des côtes basses rocheuses. Ces sous-marine. La construction est large d'une trentaine
viviers constituent d'excellents marqueurs du niveau de mètres et on peut la suivre sans discontinuité sur
de la mer car leur eau devait être naturellement 230 m. Elle se termine par une plate-forme
renouvelée sans que pour autant les poissons puissent rectangulaire de 100 m sur 70 m. La jetée est constituée par un
s'en échapper. Ainsi, à Monastir, près du marabout de blocage cimenté de moellons, limité des deux côtés
Sidi Mansour, sept cuves avaient été aménagées dans par un parement de blocs calcaires taillés de grand
un grès calcaire tendre du Pliocène (fig. 162). appareil.
Aujourd'hui, leur rebord est couvert par une trentaine A Salakta (Sullecthum), un môle du port antique,
de centimètres d'eau à marée haute, ce qui donne la fait de blocage cimenté, dont on voit encore le départ,
valeur minimale du relèvement du niveau de la mer large de 9 m, est attesté par des vestiges submergés
depuis l'époque romaine pendant laquelle ces viviers qui ont été repérés sur une longueur de 260 m sous la
ont très vraisemblablement été aménagés. mer.
A Maamoura, sur la côte orientale du Cap Bon, au A Rass Dimass (Thapsus), le môle romain émergé,
nord de Nabeul, une cuve taillée dans le rocher et qui était encore visible en 1979 sur une longueur de

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Les transformations de l'environnement 243

130 m avant l'aménagement d'un port de pêche (site voie maritime lorsqu'elle était encore un port, s'est

105, fig. 29), se prolonge sous la mer sur une approvisionnée en matériaux de construction. Dans le
distance de 850 m en dessinant un arc de cercle, avec cas de R'mel, où la pierre est un grès calcaire d'origine
une largeur qui peut atteindre 80 m. A 125 m de son éolienne du Quaternaire supérieur, la tranche d'eau qui
extrémité, de très gros blocs taillés jonchent le fond de inonde la carrière peut atteindre 0,40 m d'épaisseur par
la mer sur une superficie de 60 x 80 m. La surface du temps calme (fig. 163). La carrière est bordée du côté
môle englouti se situe à une profondeur qui varie de la mer par un rempart de roche en place qui, à
entre 4 et 6 m (Younes 1999, p. 190). dessein, n'avait pas fait là l'objet d'extractions afin
A Lamta (Leptiminus), au sud-est de Monastir, des d'assurer une protection du chantier contre l'eau
prospections sous-marines (Davidson in Ben Lazreg projetée par le déferlement des vagues. Mais des
et Mattingly 1992, p. 163-175) ont permis de faire le ouvertures y avaient été aménagées pour permettre le
lever topographique d'une jetée orientée vers l'est, transport des blocs vers les embarcations qui venaient en
longue de 600 m et large de 15 m. Elle est constituée prendre livraison. On remarque, au niveau de la mer, à
d'un remplissage de moellons cimentés, délimité sur la base du rempart du côté de la carrière, une encoche
chacun de ses côtés par un parement fait de blocs haute d'une cinquantaine de centimètres et profonde
taillés dont il peut subsister deux assises. A son de 0,80 m (Paskoff étal. 1981, p. 57-58). Cette encoche
extrémité, la jetée s'élargit pour former une plate-forme s'explique par la corrosion, processus qui implique à la
ronde en blocage qui portait peut-être un phare. Des fois une dissolution du calcaire par l'eau de mer, une
orifices dans lesquels s'encastraient probablement des désagrégation du grès par des alternances
poteaux servant à l'amarrage des bateaux ont été d'humidification et de dessiccation, et une attaque de la roche par
repérés sous 0,50 m d'eau, ce qui donne une valeur des organismes lithophages. Compte tenu de ce que
minimale pour le relèvement du niveau de la mer en l'on sait de la vitesse de ces actions érosives - elle est
cet endroit depuis la fin de l'antiquité. de l'ordre du millimètre d'épaisseur de matériau par an
- une encoche aussi développée implique une
submersion du plancher de la carrière depuis au moins
d—La submersion des carrières antiques plusieurs siècles.

Sur les vingt-quatre carrières antiques connues sur Tout ce qui vient d'être dit montre bien que le
les côtes de la Tunisie depuis la frontière avec la Libye niveau de la mer était plus bas qu'il ne l'est
jusqu'à celle avec l'Algérie, dix-huit sont actuellement, aujourd'hui sur les côtes de la Tunisie aussi bien sur
à des degrés divers, occupées de façon permanente sa façade orientale que sur sa façade septentrionale
par la mer. Dans de telles conditions, il serait aux époques punique et romaine. Il est intéressant de
impossible aujourd'hui d'y extraire de la pierre comme on souligner que c'est le cas même dans les alentours de
l'a fait aux époques punique et romaine. On voit Monastir bien connus dans la littérature géologique
encore souvent sur le plancher inondé de ces pour leur tendance au soulèvement depuis le
carrières un réseau de traces en damier qui soulignent Pleistocene supérieur (Paskoff et Sanlaville 1983, p. 81-91).
les contours des blocs délogés à partir de saignées Depuis la fin de l'antiquité, le niveau de la mer s'est
creusées au pic. La tranche d'eau varie de quelques relevé de plusieurs dizaines de centimètres. La
centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. Une généralité de cette élévation fait qu'il est logique de lui
des causes de l'irrégularité de la submersion est le fait attribuer une origine eustatique, point de vue qui est
que l'altitude du plancher des carrières abandonnées aussi admis par de nombreux auteurs qui ont travaillé
est différente d'un endroit à un autre. ailleurs en Méditerranée (Flemming et Webb 1986 ;
Des exemples de carrières antiques inondées par la Pirazzoli 1987). Mais son ampleur inégale suivant les
mer, remarquables par leur extension, se trouvent à endroits indique que des mouvements tectoniques
Sidi Daoud, sur la côte nord-occidentale du Cap Bon locaux ont ajouté leurs effets. Ainsi, dans la partie
(fig. 46), d'où des blocs taillés sont partis vers Carthage, nord du golfe de Gabès, ce relèvement du niveau de
et à R'mel, immédiatement à l'est de Bizerte, où la ville la mer a été plus important parce que se sont ajoutés
d'Utique, distante d'une cinquantaine de kilomètres par ici les effets d'une subsidence régionale active, d'où

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244 Conclusions

Fig. 163- Carrières submergées de R'mel à l'ouest de Bizerte.

une hausse supérieure, de l'ordre de 2 m, sur le d'érosion, c'est-à-dire des paramètres liés
littoral des îles Kerkennah depuis le début de l'ère spécifiquement à la dynamique littorale et étrangers parfois au
chrétienne (Paskoff et Oueslati 1991). Les relèvement du niveau de la mer (Paskoff 1985, p. 15-
enregistrements du marégraphe de Sfax indiquent d'ailleurs que 16).
cette hausse se poursuit à la vitesse très rapide de Depuis lors, des exemples nombreux de sites
5,7 mm par an (Pirazzoli 1986, p. 6). archéologiques littoraux (plus de 200 au total) sont
venus corroborer ou nuancer nos propositions de
l'époque, qui ne prenaient alors en considération que
B — Déplacements de la ligne de rivage 58 sites. Par exemple, sur 90 sites archéologiques
côtiers aujourd'hui identifiés sur le littoral du golfe de
En second lieu, il a pu être établi que la tendance Gabès, 45, c'est-à-dire la moitié, sont effectivement, à
dominante des côtes de la Tunisie est actuellement au des degrés divers, attaqués par l'érosion marine. Une
retrait. Sur ce point particulier du déplacement de la même situation concerne les trois-quarts des sites
ligne de rivage dans le sens horizontal, nous avions inventoriés sur les bords du golfe de Tunis et sur ceux
commencé à réfléchir à l'occasion du colloque de la façade septentrionale du pays.
international organisé à Aix-en-Provence (Oueslati et al. S'il en ressort que, d'une façon générale, les
1987, p. 67-85). Nous avions alors montré que de rivages marins de la Tunisie occupent une position en
pareilles modifications pouvaient être liées à des deçà de celle qui était la leur dans l'antiquité, il y a
variations du niveau de la mer - c'est-à-dire à des néanmoins des exceptions, parfois de première
déplacements dans le sens vertical du trait de côte - grandeur comme dans le cas particulier du port d'Utique
mais pas seulement ni nécessairement comme cela a aujourd'hui à une douzaine de kilomètres à l'intérieur
été rappelé plus haut (fig. 155), car dans la des terres (Chelbi étal. 1995, p. 7-51).
progradation ou la récession de ce trait de côte intervenaient Au demeurant, la tendance générale au retrait
aussi des phénomènes littoraux d'accumulation ou enregistrée sur les côtes de la Tunisie recouvre en

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Les transformations de l'environnement 245

réalité des situations et des modalités fort diverses. A témoignent des fissures actives et des vestiges de
travers la diversité des cas recensés, où des murs visibles en coupe et parfois en surplomb dans sa
indicateurs archéologiques permettent de replacer les partie supérieure. On remarque aussi la présence
transformations de l'environnement littoral dans l'échelle d'une encoche plus ou moins bien développée à sa
des temps historiques, c'est la pluralité des facteurs - base et de grands pans d'argiles rouges effondrés à
morphologiques, climatiques ou anthropiques - qui son pied. Sur l'estran, gisent quelques blocs taillés de
entrent en jeu dans ce processus de retrait du littoral grand appareil, tombés des construction mises en
que nous voudrions mettre en évidence. porte-à-faux au sommet de la falaise. On peut voir
également un fond de cuve déchaussé par l'érosion
marine et descendu au pied de la falaise au cours d'un
a —Les côtes à falaises vives effondrement récent. Ce type d'installation est
semblable à ce qui peut se voir à Borj el H'sar et
Ces sections de côtes élevées constituent le cas le révèle l'existence en ce lieu, dans l'antiquité, d'une
plus simple où la configuration même du littoral activité de traitement des produits de la pêche
expose celui-ci à l'action des vagues, surtout lors des (Trousset 1990, p. 321-328 ; Paskoff et al. 1991,
tempêtes. Il en existe de nombreux exemples sur la p. 544).
côte nord de la Tunisie qui offre une succession de L'érosion de la falaise est due à la fois à des actions
promontoires, depuis le Cap Bon jusqu'à la frontière mécaniques d'attaque par les vagues de tempêtes qui
algérienne, lesquels sont affectés de plein fouet par peuvent atteindre 3,50 m de hauteur dans le golfe de
les vents forts et les houles dominantes du Nord- Gabès et à des actions chimiques de dissolution de la
Ouest. L'aspect le plus fréquent que prennent ici les roche gypseuse par l'eau de mer. Pour spectaculaires
rivages, surtout à l'ouest du Cap Blanc, est la falaise que puissent être les effets de l'érosion marine, ils
qui, par définition, constitue une forme marine restent limités dans l'espace à une étroite frange
d'érosion. Le sort normal d'une falaise vive, c'est-à- côtière dont le recul paraît modéré à l'échelle des
dire battue par les vagues, est de reculer, donc de temps historiques : le site n'a pas été encore très
menacer à terme les établissements situés en arrière. entamé. Quant au nadour lui-même, sorte de tour
On voit ainsi, à proximité du Rass Enghela et autour octogonale conservée sur une hauteur de 8 m, il se
du Rass el Koran, des ruines d'époque romaine - sans trouve actuellement à moins de 15 m du bord de la
doute des agglomérations occupées par des pêcheurs falaise. Mais cette construction d'époque aghlabide
- atteintes par le recul historique de la falaise dont (ixe s. ap. J.-C), appartenait à une série de tours
elles occupaient le sommet. Des vestiges gisent à d'observation analogues (manar ou nadour)
présent sur l'estran. échelonnées le long du littoral de l'Ifriqiya (Djelloul 1988,
Dans le golfe de Gabès, on trouve également, bien p. 186 ; Trousset 1991, p. 348). Ceci implique, pour
qu'il s'agisse d'un milieu littoral où des hauts-fonds que cette défense - elle-même réalisée avec des
freinent l'énergie de la houle, d'importantes sections remplois byzantins - ait pu remplir efficacement son
de côtes à falaises vives. En plusieurs points de la rôle de surveillance à l'entrée de la baie de Surkenis,
côte : au nord de la presqu'île de Jorf (site d'Henchir une position d'origine assez proche déjà de la ligne de
el Festaqia), au nord et au sud du site de Borj el H'sar côte.
(l'antique Cercina) sur la rive occidentale de
Kerkennah, et près du nadour à l'entrée de la baie des
Surkenis (au sud de la Skhirra), ces falaises sont b —Les vasières et marais maritimes
particulièrement bien développées dans des formations
épaisses d'argiles rouges mio-pliocènes. A l'opposé du cas précédent où le recul de la côte
Près du nadour (ancienne ferme Roderie), les obéit dans sa simplicité d'attaque frontale à des
témoins archéologiques se suivent vers le sud sur une conditions reproductibles sur d'autres littoraux, le cas des
distance d'environ 200 m en bordure d'une falaise côtes basses, largement développées le long du golfe
dont la hauteur peut atteindre une dizaine de mètres de Gabès, présente un des exemples rares de marais
(fig. 164). La falaise est en cours de recul comme en maritimes en milieu méditerranéen à climat semi

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246 Conclusions

Fig. 164. Recul de la falaise près du nadour au sud de La Skhirra.


aride. Le recul de la côte s'opère ici de manière Dans ces conditions, le paysage qui entoure les
insidieuse et sournoise, mais s'accompagne de sites archéologiques des antiques cités de Thaenae
transformations de l'environnement littoral dans un rayon (Thyna) au sud de Sfax et de Macomades-Iunci
beaucoup plus large que précédemment. La (Onga) près de Maharès, ou encore celui d'une partie
dynamique littorale et l'évolution morphologique qui en importante de l'île de Cercina (Kerkennah), est-il
résulte sont ici commandées par un faisceau devenu sensiblement différent de ce que devait être
complexe de conditions très particulières, bien leur environnement ancien, sans doute beaucoup
analysées dans les travaux récents de A. Oueslati (1992, moins répulsif qu'aujourd'hui.
p. 727-733). Une première tendance observable est celle d'une
Il s'agit d'une topographie continentale basse, salinisation des terres basses converties en sebkhas à
bordée par une zone de hauts-fonds - les bancs des végétation halophile rase et discontinue. Gorgées
Kerkennah et des Kneiss - qui amortit l'énergie de la d'eau de ruissellement pendant la saison pluvieuse,
houle mais où existe tout un réseau de chenaux sous- elles se dessèchent en été et peuvent être alors
marins sinueux, parcourus par les courants alternatifs soumises à la déflation éolienne, ce qui se traduit par
de la marée. Celle-ci peut, en effet, atteindre sur ces l'apparition de nebkhas sableuses et de dunes basses
rives une amplitude de 2 m en période de vive-eau. d'argile que le vent peut former dans les marais
Le climat se caractérise par la faiblesse et surtout maritimes voisins qui ourlent la côte. Cette conversion en
l'irrégularité des pluies qui se traduit dans l'écoulement sebkhas des zones littorales basses s'explique par la
exceptionnel des oueds. Il faut enfin rappeler que, sur remontée du toit de la nappe phréatique en liaison
cette section du littoral tunisien, au relèvement avec l'élévation depuis l'antiquité du niveau de la mer.
général du niveau de la mer s'ajoutent les effets d'une Un second processus, manifestation originale du
subsidence locale assez marquée. recul de la côte en liaison avec le relèvement du niveau

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Les transformations de l'environnement 247

marin, s'observe alors sur les franges maritimes de ces


zones basses devenues sebkhas, au contact des vasières
(slikkes) et des marais littoraux herbus (schorres) dotés
de végétation halophile dominée par les salicornes
(Oueslati 1992, p. 727-728). Le Bled Smara (le « pays
des Joncs », près de Iuncf) en fournit une illustration
remarquable analysée par A. Oueslati (1992, p. 729-
730). Une avancée des marais littoraux aux dépens des
sebkhas s'y effectue dans le prolongement des chenaux
sous-marins balayés par la marée (fig. 18).
Il en résulte une indentation du littoral par des
chenaux de marée progressivement ramifiés et qui
reculent leur tête par érosion régressive. Ces chenaux
exploitent souvent des ravines creusées par le
ruissellement dans les épandages de sédiments fins déposés
sur ces terres basses. Ainsi l'érosion marine se déve-
loppe-t-elle en continuité de l'érosion terrestre dans
une zone de transition déjà préparée par l'alluvionne-
ment et le ravinement des oueds continentaux.
Un bon exemple de cette modalité de recul du
rivage permet de mesurer l'ampleur de celui-ci depuis
l'antiquité. Il a été relevé sur le site même d'Onga, à
300 m environ au nord de la forteresse (ribàt) aghlabide
(site n° 54, fig. 12 et 165) : on peut voir un chenal de
marée profond de 3-4 m, large d'une vingtaine de
mètres et long d'une centaine de mètres. Il s'est
constitué et développé en démantelant une usine de salaison Fig. 165. Cuves de salaison dans un chenal de marée
(salsamentà) d'époque romaine : des cuves entières ont à Borj Onga.
été déchaussées et basculées sur toute la longueur du
chenal. On reconnaît l'armature caractéristique de ces Dans ces étendues basses bordées de vasières et
cuves (cetariae), renforcée aux angles par des de marais végétalisés, le processus que nous venons
chaînages de grand appareil, ainsi que les enduits intérieurs de décrire ne représente qu'un aspect particulier
d'étanchéité qu'on avait remarqués dans les installations d'une transformation globale de l'environnement qui
du même type répertoriées sur le littoral de la Tunisie s'est traduite par une dégradation sensible du paysage
(Paskoff étal. 1991, p. 539 ; Trousset 1992, p. 326). depuis l'antiquité. Les espaces aujourd'hui répulsifs
Le chenal de marée dont le fond vaseux, qui entourent les ruines de Onga ou de Thyna
encombré de feuilles mortes de posidonies, s'inscrit devaient l'être beaucoup moins dans l'antiquité, alors
lui-même dans un schorre, se prolonge en amont par que le niveau de la mer était plus bas. Les sols étaient
un oued continental. Une brusque rupture de pente moins salés et moins inondés. On peut donc penser
l'en sépare qui correspond au franchissement d'une que les alentours de ces centres pouvaient présenter
falaise morte holocène attaquée par l'érosion un paysage rural moins désolé qu'actuellement.
conjuguée des deux organismes. L'établissement industriel
s'était établi au creux de l'impluvium naturel constitué
par ce vallon, sans doute afin de recueillir et de c —Les plages et les dunes côtières
stocker dans les citernes dont il devait être pourvu, les
eaux provenant du ruissellement et qui étaient Une autre variété de côtes basses, soulignée de
indispensables pour assurer le traitement des poissons plages et de dunes, est largement répandue sur le
dans les cuves de salaison. littoral de la façade orientale de la Tunisie, notamment

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248 Conclusions

au sud du golfe de Gabès et entre la péninsule du Cap A Sidi Abdallah el Merakchi, la vigueur de
Bon et l'inflexion du Rass Kaboudia au-delà de l'érosion est mise en évidence par la ruine déchaussée
laquelle commence la zone des hauts-fonds évoquée de thermes, perchés sur une butte témoin découpée
précédemment. On trouve également des plages et dans les limons rouges wiirmiens (site n° 88, fig. 99
des dunes sous l'emprise, ici, des vents dominants du et 100). Ceux-ci recouvrent eux-mêmes un
Nord-Ouest, dans l'intervalle des promontoires affleurement de grès dunaire de la formation Rejiche (Eutyr-
escarpés de la façade septentrionale du pays. rhénien) mis au jour sur l'estran. Il s'agit donc d'une
Sur ce type de côte, est réalisé un équilibre des plus variante de côte rocheuse à falaise, mais à environ
mobiles entre l'accumulation et l'érosion des sédiments 2,5 km plus au nord, à Maqluba (site n° 89, fig- 23),
(sables ou galets) par les vagues et des courants. Les tout un groupe de cuves romaines démantelées par
facteurs qui régissent cette dynamique littorale mettent les vagues repose sur l'estran sableux tandis que la
en jeu des variables multiples, les unes purement dune bordière correspondante s'est installée à une
locales comme la configuration de détail du littoral - dizaine de mètres en arrière, recouvrant un groupe de
parfois modifiée par l'intervention humaine -, les autres citernes que la mer est en train d'exhumer et d'éven-
analysables à la lumière de phénomènes de grande trer au moment des tempêtes. Ces citernes avaient été
envergure dans l'espace et dans le temps. C'est le cas creusées dans les limons du Wùrm et fondées sur le
en particulier des variations du niveau marin : en vertu grès marin de la formation Rejiche. Sur ce site sont
du principe de Bruun, un relèvement de ce niveau peut attestés à la fois le recul par érosion de la côte et le
provoquer un recul et un démaigrissement de la plage relèvement du niveau de la mer. On est en présence
(Paskoff 1985, p. 40). L'alimentation en sédiments est d'un cas limite où l'abaissement du profil de la plage
aussi une variable importante ; elle résulte à la fois de et son démaigrissement se traduisent par l'existence
l'érosion des falaises, des réserves accumulées sur la d'une falaise vive dans les formations du substratum
plate-forme continentale avant la transgression et dans la dune bordière.
postglaciaire, enfin de l'activité érosive sur le continent, c'est- Un autre exemple, signalé par M. Bourgou près de
à-dire, essentiellement, des apports des cours d'eau de Korba, montre du matériel argilo-limoneux à tessons
l'arrière-pays. de poterie romaine qui apparaît sur l'estran ; il est
La tendance au démaigrissement et au recul des même attaqué en falaise et, en avant, on remarque des
plages peut être constatée sur d'importantes sections traces de foyers anciens que l'érosion des vagues n'a
du littoral de la Tunisie, mais il y a aussi des sections pas fait entièrement disparaître (Bourgou 1991,
de côtes stables et même, localement, des exemples p. 135).
de progradation du littoral depuis l'antiquité, hormis
le cas exceptionnel et bien connu d'Utique dans la Un second type correspond aux plages en
plaine deltaïque de la Mejerda, principale artère situation de recul modéré ou de stabilité depuis l'antiquité.
fluviale du pays. Là encore, des vestiges de On peut donner comme exemple la côte orientale de
constructions antiques, nombreuses le long des plages la péninsule du Cap Bon, bien décrite par M. Bourgou
tunisiennes, apportent de précieux témoignages. Elles (1991, p. 18-19). Entre Kelibia et Tazerka, sur une
fourniraient d'inestimables jalons si leur position cinquantaine de kilomètres environ, la côte est basse
primitive par rapport au trait de côte pouvait être et régularisée (fig. 123-124) ; l'alimentation sableuse y
précisée. Néanmoins, on peut tenter de définir grâce est moins frappée de pénurie qu'ailleurs grâce aux
à ces repères archéologiques plusieurs modèles ou formations gréseuses de l'intérieur qui constituent un
situations-types dans l'évolution des plages et de leurs stock de sédiments tendres que l'érosion des eaux
dunes bordières depuis l'antiquité. continentales et marines peut mettre à la disposition
du vent et des courants littoraux. Un cordon littoral
Un premier type rassemble les plages soumises à sableux, large de 30 à 40 m, localement dunifié, isole
une forte érosion : un exemple fort spectaculaire en un chapelet de lagunes. De loin en loin, au nord de
est fourni par les sites qui se succèdent au nord de la cette section de côte, des témoins d'une dune
Chebba sur une section de côte exposée à la houle du bordière ancienne sont accrochés à des ruines
Nord-Est. romaines atteintes par la mer lors des tempêtes. Ils se

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Les transformations de l'environnement 249

retrouvent en position de promontoires, tandis que beaucoup plus affirmée. Il s'agit des flèches littorales
dans l'intervalle le reste de la plage et sa dune liées aux courants de dérive. Celle, par exemple, de
bordière actuelle ont migré vers l'est sur des dépôts de Rass Botria (Acholla) qui recouvre la racine du môle
sebkha qui se sont formés en arrière du littoral lorsque ne saurait être que postérieure à l'antiquité (fig. 157).
celui-ci occupait une position plus avancée vers la Il s'agit également de certains sites côtiers abrités de
mer. la houle et où débouchent des oueds à l'occasion des
Plus au sud, de Dar el Kbira à Maamoura, le recul crues exceptionnelles au sud-est du port de Gigthis,

:
de la côte est pratiquement nul, car juste en avant de dans la Mer de Bou Grara, celles de l'oued Fja ont
la dune ancienne végétalisée dès l'antiquité, où construit un delta où les sables remaniés par le vent
s'étaient installés les sites, se trouve une dune vive forment un vaste champ de barkhanes. On a ici,
actuelle elle-même précédée d'une large plage. On comme le montrent les images de satellites (fig. 158),
remarque que des chaussées anciennes traversant les un exemple de progradation récente du littoral,
lagunes conduisaient à plusieurs de ces sites qui imputable aux crues de 1969 dans le Sud tunisien.
devaient être des établissements traitant les produits L'envasement du port de Gigthis, en revanche, n'a que peu
de la pêche et avaient donc lieu de s'implanter à progressé si l'on se réfère aux levés de Constans en
proximité immédiate du rivage. 1914 (Constans 1916, p. 70).
A ces exceptions ponctuelles et peu connues au
Un troisième type est constitué par la situation schéma général du retrait de la ligne de côte en
plus rare où les plages accusent une tendance même Tunisie depuis l'antiquité, on pourrait ajouter, bien
légère à la progradation. Il apparaît qu'un secteur sûr, l'exemple grandiose de la transformation de
assez long de côte échappe à la tendance inverse, au l'environnement d'Utique. Celle-ci qui était encore un
recul, qui caractérise l'ensemble du littoral de la port à l'époque romaine, se trouve aujourd'hui à vol
Tunisie orientale. Il se situe dans le fond du golfe d'oiseau à une douzaine de kilomètres de la côte.
d'Hammamet, entre Hergla et Hammamet, où l'étude Cette avancée de grande ampleur du rivage depuis
du terrain suggère à tout le moins une stabilité du l'antiquité s'explique parce que l'on se trouve ici à
rivage, voire peut-être une avancée depuis l'antiquité l'embouchure d'un grand fleuve, la Mejerda, qui a
(fig. 115). En allant de la mer vers la terre, on construit une plaine deltaïque grâce à son débit solide
rencontre successivement : une plage de sable important. Les gains de terrain sur la mer ont dû être
actuelle qui ne montre pas de signe d'érosion ; la favorisés à l'époque antique par une érosion des sols
dune bordière vive, continue, bien alimentée en due aux deforestations et aux défrichements
sable, partiellement végétalisée ; enfin, une dune inaugurés à la période punique et étendus à l'époque
bordière ancienne qui matérialise une position de la romaine. Une enquête récente s'est donnée pour
ligne de rivage en deçà de celle qui est la sienne objectif de proposer une restitution nouvelle des
aujourd'hui et sur laquelle se trouvent des vestiges phases de ce comblement alluvial, à partir de témoins
d'établissements antiques étendus. En arrière archéologiques recueillis sur le terrain (Chelbi et al.
s'étendent des terrains argilo-sableux humides piquetés de 1995).
nebkhas, puis des sebkhas en eau une grande partie
de l'année (fig. 116).
Le milieu naturel est aujourd'hui des plus répulsifs, d—Le cas de Carthage : progradation des
entouré qu'il est de terres humides infestées de côtes sableuses dans l'antiquité
moustiques. Des changements sensibles ont probablement
affecté l'environnement depuis l'antiquité : avec une A Carthage, les travaux effectués il y a une dizaine
nappe phréatique plus basse, il était plus sec et moins d'années dans le cadre de la campagne d'étude et de
salé, donc plus favorable au développement mise en valeur du site, à la fois dans les ports et sur le
d'agglomérations dont l'importance a de quoi surprendre en front de mer, ont créé des conditions de recherche
un tel milieu. tout à fait privilégiées pour mesurer les
Enfin, il faut faire une place aux quelques cas, il transformations de l'environnement sur cette partie du littoral.
est vrai ponctuels, où la tendance à la progradation est Des témoins archéologiques nombreux et parfaite-

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250 Conclusions

ment datés permettent de restituer ces modifications à charge par la dérive côtière, arrivent jusqu'ici. Une
travers des séquences bien calées dans l'échelle du hypothèse logique consiste à établir une liaison entre
temps. cet accroissement du transport solide fluvial et le
La position des remparts successifs qui ont développement dans l'antiquité, aux époques
protégé Carthage du côté de la mer fait clairement punique et romaine, de l'agriculture dans la Tunisie
apparaître une progradation de la côte sableuse tellienne. En effet, compte tenu des conditions
pendant la période punique (Paskoff étal. 1985, p. 74- topographiques et climatiques de la région, les
75, fig. 5). Une distance d'une quarantaine de mètres défrichements ont dû induire des phénomènes d'érosion aux
sépare le rempart daté du début du Ve s. av. J.-C, qui dépens des sols et même des roches sous-jacentes
montre à sa base, à 0,40 m au-dessous du niveau quand elles sont tendres. Une autre approche consiste
marin d'aujourd'hui, une belle encoche d'érosion à envisager les effets d'une oscillation climatique
marine, et celui édifié au début du IIe s. av. J.-C. à peu ayant favorisé une recrudescence des phénomènes
près à l'emplacement du trait de côte actuel. Cette érosifs dans le bassin-versant de la Mejerda. On verra
avancée de la terre aux dépens de la mer avait sans qu'au moins pour la fin de l'antiquité il existe des
doute commencé avant le Ve s. car aucun vestige de données de terrain qui apportent des arguments en
la période archaïque de la ville qui a commencé au faveur de cette façon de voir.
viiie s. n'a été trouvé à moins d'une centaine de mètres A une date inconnue se produisit un renversement
du trait de côte d'aujourd'hui. Carthage a ainsi de tendance dans l'évolution géomorphologique du
bénéficié pour son extension spatiale d'une sédimentation littoral des alentours de Carthage. La progradation
active sur cette partie du rivage du golfe de Tunis. s'est sans doute arrêtée pendant le Moyen Age, la
La progradation du trait de côte s'est poursuivie substitution d'une agriculture extensive à une mise en
pendant la période romaine, au moins jusqu'au IIe s. valeur intensive faisant décliner l'érosion des sols.
ap. J.-C. En effet, près de l'ancien palais beylical, un Quant au recul du rivage dont on ne peut fixer dans
nouveau bloc de maisons (insulà) a été construit, au le temps le commencement, il s'est beaucoup accéléré
milieu du IIe s., à l'est du Kardo XVIII, rue aménagée au cours de la seconde moitié de ce siècle depuis que
sur les vestiges du dernier rempart punique, celui du la Mejerda et plusieurs de ses affluents sont équipés
IIe s. av. J.-C. Cette nouvelle insula dont les ruines de barrages qui piègent les sédiments. Aujourd'hui, à
sont aujourd'hui sous l'eau était limitée du côté de la Carthage, le trait de côte occupe la position qui était
mer par une rue à colonnade, le Kardo XIX, située à la sienne au début du IIe s. av. J.-C.
50 m en avant de la ligne de rivage actuelle (Yorke et Toujours dans le golfe de Tunis, on constate une
Little 1975 ; Yorke 1976 ; Yorke et al. 1976 ; évolution semblable pour la plaine littorale qui
Kuzmanov 1976 ; Davidson et al. 1911 ; Gifford et al. s'étend au pied du massif du Bou Kornine (Paskoff et
1992). Cette extension de la ville implique une Sanlaville 1983, p. 47). Des coquilles marines
continuation de la sédimentation sableuse littorale au prélevées dans les dépôts de plage de cette plaine, à
début de l'ère chrétienne. proximité de la grande carrière de roche calcaire qui se
Cette progradation pourrait s'expliquer par une trouve à l'entrée d'Hammam Lif en venant de Tunis,
baisse du niveau de la mer pour laquelle on n'a pas ont été datées de 207585 ans BP par la méthode du
de preuves. On sait seulement que ce niveau, qui s'est C14. Le rivage actuel se trouve à une distance de
situé vers -0,40 m à l'époque punique, s'est maintenu l'ordre de 600 m du point de ramassage des
au-dessous du niveau actuel pendant la période échantillons de coquilles. Il y a donc eu ici une progradation
romaine sans que jamais la différence ne dépasse importante du trait de côte depuis l'antiquité grâce à
quelques dizaines de centimètres. Une autre des apports abondants de sédiments par une dérive
explication résiderait dans un affaiblissement des houles qui littorale principale qui vient de la presqu'île du Cap
affectent le golfe de Tunis. Mais le plus raisonnable Bon et par une dérive littorale secondaire qui véhicule
semble de mettre en relation la progradation de la des sables jetés à la mer par l'oued Miliane. Comme à
côte avec un renforcement du transfert sableux Carthage, on constate aujourd'hui une évolution
littoral, lui-même dû à une augmentation de la charge inverse. Le rivage recule sous l'effet d'une érosion
alluviale de la Mejerda dont les alluvions, prises en sévère qui menace de destruction les constructions en

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Les transformations de l'environnement 251

bordure de plage à Hammam Lif. Les barrages édifiés un replat qui traduit l'existence de deux générations
sur l'oued Miliane expliquent au moins en partie cette de limons rouges. A la base, sur 0,30 m, affleurent des
situation. limons d'âge wùrmien, légèrement encroûtés dans
leur partie supérieure. Au-dessus, sur 0,70 m, on
distingue une autre génération de limons qui, eux, ne
C — L'occurrence d'une crise érosive sont pas encroûtés et qui sont d'âge historique
continentale à la fin de l'antiquité puisqu'ils contiennent des tessons de poterie romaine.
A environ 1 km à l'ouest du Cap Gammarth, près
Un peu partout sur les côtes de la Tunisie, du sud de Tunis, l'étude stratigraphique montre en bordure
au nord du pays, sont intervenus vers la fin de de mer des ruines de constructions romaines du IIe s.
l'antiquité des phénomènes actifs de colluvionnement et ap. J.-C. Elles sont enfouies sous des dépôts collu-
d'alluvionnement qui ne se sont plus reproduits viaux argilo-sableux, épais de quelque 0,70 m, qui
depuis avec la même intensité (Oueslati 1985 ; Oues- emballent de la céramique romaine tardive et qui sont
lati 1989, p. 364-365) et à propos desquels les recouverts par des dépôts éoliens actuels (site n° 171,
données de l'archéologie apportent des informations fig. 135).
utiles pour leur calage chronologique. Ils sont liés à Sur la rive méridionale du lac de Bizerte, à
une phase de décapage et d'érosion des sols sur les Gouraya, non loin de Menzel Bourguiba, une falaise
versants. en état de recul rapide montre sur une hauteur de 3 m
En Tunisie méridionale, la carrière abandonnée la stratigraphie suivante : à la base, sur 1 m
d'Henchir Chaabane, au sud de Zarzis, permet de d'épaisseur environ, affleurent des colluvions sablo-limo-
mettre en évidence cette phase de morphogenèse. En neuses, de couleur sombre, sans céramique. Elles ont
cet endroit qui se situe à proximité même du rivage, servi d'assise à un niveau d'occupation dont les
dans un affleurement de calcaire gréseux eutyrrhé- vestiges peuvent être datés du ier-ne s. ap. J.-C. Puis
nien (formation Rejiche), on a exploité la pierre à viennent des colluvions argileuses, d'1,50 m de
l'époque antique (fig. 67). L'ancien front de taille puissance, qui contiennent de rares tessons de poterie et
présente de nombreux redents caractéristiques d'une dans lesquelles des tombes antiques ont été creusées.
extraction de blocs et des traces de saignées sont Celles-ci sont recouvertes par 0,50 m de colluvions
encore visibles. La carrière a été ensuite ensevelie argileuses grisâtres au sein desquelles on remarque
sous un épandage de sables limoneux à Helix, d'abondants fragments de céramique romaine tardive.
d'environ 1 m d'épaisseur, qui contient des fragments Dans tous les sites que l'on vient de passer en
de poterie romaine commune. Il s'agit là d'un dépôt revue, les colluvions de surface qui ont été décrites
de type colluvial lié au ruissellement d'eau pluviale. Il contiennent de la céramique romaine de diverses
n'est pas actuel : une végétation steppique le couvre époques, pratiquement toujours avec des tessons de la
et les vagues l'érodent à l'occasion, remettant au jour période tardive, mais jamais mêlés à des fragments de
l'ancienne carrière qui était enterrée sous lui. poterie musulmane. On peut donc dire que ces
Toujours près de Zarzis, dans l'oued Ogla, près de colluvions se sont mises en place vers la fin de l'antiquité et,
son embouchure, il existe une terrasse alluviale, en tout état de cause, avant l'arrivée des Arabes.
épaisse d'au moins 4 m, qui contient elle aussi des Cette phase de morphogenèse n'a pas été limitée
tessons de poterie romaine commune (Paskoff et à la côte. On en retrouve des manifestations dans les
Sanlaville 1983, p. 144). Elle témoigne d'une phase vallées des oueds de l'intérieur de la Tunisie, aussi
d'accumulation récente, postérieure au début de l'ère bien septentrionale que méridionale, sous la forme
chrétienne, suivie d'une phase d'incision qui dure d'une nappe alluviale qui a été par la suite entaillée
encore aujourd'hui. en terrasse (Vita-Finzi 1969, p. 50-53 ; Hamza 1988,
A Ouled Mansour, au nord de Sfax, le rivage est passim ; Bourgou 1990, p. 302). J.-L. Ballais (199D qui
caractérisé par une petite falaise vive d'environ 1 m a montré le caractère général de cette accumulation
de hauteur. Elle est taillée dans des limons d'âge historique dans le pays pense que sa formation
continentaux de couleur rouge à la surface desquels existent a dû commencer au plus tôt au IIe ou IIIe s. ap. J.-C. et
de petites dunes du type nebkha. La falaise présente se terminer avant la fin de la période byzantine.

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252 Conclusions

D'un point de vue sédimentologique, aussi bien de leur contraste saisonnier et de leur concentration
les colluvions qui recouvrent les vestiges dans le temps, d'où une torrentialité qui a renforcé le
archéologiques romains de la côte que les alluvions de même pouvoir décapant du ruissellement sur les sols des
âge qui constituent la basse terrasse des oueds de versants. Mais il n'est pas exclu que les effets érosifs
l'intérieur sont caractérisées par une texture fine. de ces conditions climatiques aient été exacerbés par
Limons et sables prédominent largement. Leur source les défrichements et les dégradations apportées à la
la plus probable est constituée par des sols qui ont été couverture végétale par les activités agro-pastorales
fortement érodés pendant un laps de temps bref, qui s'étaient étendues en Tunisie dans l'antiquité.
inauguré brutalement et resté sans lendemain. Ils On sait que par la suite le climat évolua vers moins
portent eux-mêmes des sols incipients ou sont de pluviosité (Rouvillois-Brigol 1985, p. 220 ; Brun
recouverts par des épandages de sables éoliens. Depuis lors 1992, p. 38). Des analyses polliniques de carottes
c'est une tendance inverse qui prévaut puisque ces marines prélevées dans le golfe de Gabès ont montré
dépôts hérités d'un épisode d'instabilité écologique que postérieurement à l'antiquité le genre Artemisia
de type rhexistasique sont aujourd'hui incisés par les gagna du terrain et que corrélativement Quercus à
cours d'eau, ravinés par le ruissellement, érodés par feuillage caduc régressa au profit de Quercus semper-
les vagues au bord de la mer. virent après la fin de l'antiquité. Ces données parlent
On doit évidemment s'interroger sur l'origine de en faveur d'une tendance à la steppisation qui a pu
cette phase morphogénique, soudaine et brève, qui mettre un terme aux phénomènes d'érosion de sols et
est donc caractérisée par des phénomènes d'érosion d'accumulation corrélative des produits de cette
de sols sur les versants et, corrélativement, ablation.
d'accumulation d'alluvions et de colluvions dans les vallées et On a relevé çà et là sur les côtes de la Tunisie du
les parties basses de la topographie. Parce que les nord des indices qui sembleraient indiquer qu'un ou
mêmes événements ont été constatés dans tous les plusieurs épisodes furtifs de colluvionnement
pays riverains de la Méditerranée, il s'agit là d'un antérieurs à celui, généralisé, qui vient d'être signalé ont
problème largement débattu (Neboit-Guilhot 1992, pu se produire au cours de l'antiquité, mais avant le
p. 197-202). Certains (Vita-Finzi 1969, p. 112-115) début de l'ère chrétienne. Ainsi, sur le site
pensent aux effets d'une fluctuation climatique tandis archéologique étudié à proximité du Cap Gammarth (site

que d'autres (Briickner 1986 ; Briickner et Hoffmann 171), les vestiges du IIe s. ap. J.-C. ont des
1992) les interprètent comme les conséquences fondations qui reposent dans des colluvions qui
d'activités humaines de type agro-pastoral. Mais les contiennent des tessons de poterie du Ve s. av. J.-C. De telles
partisans de l'origine anthropique se divisent en deux colluvions pourraient être le résultat d'actions érosives
groupes : le groupe de ceux incriminant directement locales déclenchées par des défrichements.
les défrichements qui priveraient les sols
méditerranéens fragiles de la protection que leur offre la
couverture végétale naturelle et le groupe de ceux
insistant sur les effets favorables à l'érosion des sols
de l'abandon des terroirs et des aménagements Ainsi, l'environnement naturel littoral a connu des
agricoles en période de déprise rurale. modifications appréciables pendant et depuis
Parce que les phénomènes de colluvionnement l'antiquité. Pour retenir les faits essentiels, nous conclue-
qui se sont produits sur les côtes de la Tunisie vers la rons qu'à cette époque le niveau de la mer était plus
fin de l'antiquité se rencontrent aussi bien dans le bas qu'il ne l'est actuellement, au moins de l'ordre de
nord du pays où l'emprise humaine était relativement quelques dizaines de centimètres. Sauf sur la côte du
dense que dans le sud où elle était beaucoup plus delta de la Mejerda et dans le fond du golfe
lâche, on privilégie une explication climatique pour d'Hammamet, le rivage occupait en général une
leur déclenchement. On y voit une conséquence position plus avancée vers la mer que celle d'aujourd'hui.
d'une modification dans les caractères des Enfin, une recrudescence de l'action érosive des eaux
précipitations. Celles-ci ont sans doute augmenté en quantité, pluviales, qui n'a pas récidivé depuis, s'est manifestée
mais elles ont surtout dû connaître un accroissement vers la fin de l'antiquité.

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Les transformations de l'environnement 253

Ces conclusions débouchent sur un paradoxe qui tries. Evidences from archeology, pedology and
explique et justifie, après coup, notre démarche geology, GEOOKOplus, 3, p. 97-110.
interdisciplinaire : la montée des eaux marines et le Brun (A.), 1992, Pollens dans les séries marines du
recul des lignes de rivage, tout en posant pour l'avenir golfe de Gabès et du plateau des Kerkennah
des problèmes d'un type inédit à la gestion des régions (Tunisie) signaux climatiques et anthropiques,

:
littorales, facilitent pour le moment la tâche des Quaternaire, 3, p. 31-39.
archéologues. En révélant, avant de les faire disparaître, Burollet (P. -F.), 1979, La Mer Pélagienne, Les apports
nombre de vestiges qui seraient restés inconnus en de l'archéologie, Géologie Méditerranéenne, 6,
l'absence de fouilles, ces phénomènes contribuent p. 309-313.
indirectement à l'enrichissement de la connaissance du Chelbi (F.), 1995, L'archéologie sous-marine, dans La
patrimoine archéologique de la Tunisie. En outre, la Tunisie, carrefour du monde antique, Dossiers
nature spécifique de certains de ces vestiges permet d'archéologie, p. 128-133.
d'attirer l'attention sur des installations et des activités Chelbi (F.), Paskoff (R.) et Trousset (P.), 1995, La
déjà connues sur d'autres côtes, mais peu étudiées en baie d'Utique et son évolution depuis l'antiquité :
tant que telles sur celles-ci. Avec la prise en compte de une réévaluation géoarchéologique, Ant. afr, 31,
données nouvelles inédites concernant la mise en p. 7-51.
valeur des ressources littorales de cette ancienne Constans (L.A.), 1916, Rapport sur une mission
province romaine, c'est tout un pan de l'économie de archéologique à Bou-Ghara (Gigthis) (1914 et
YAfrica qui peut à présent être mis en lumière. 1915), Nouvelles Archives des Missions
Scientifiques, 14, p. 1-116.
Dallas (M. F.) et Yorke (R.A.), 1968, Underwater
Bibliographie surveys of North Africa, Jugoslavia and Italy,
Underwater Association Report, p. 21-34.
Ballais 0-"L-), 1991, Les terrasses historiques de Davidson (D.a.), Little 0.H.) et Yorke (R.A.), 1977,
Tunisie, Z. Geomorph. N. F., Suppl.-Bd. 83, p. 221- Ancient harbours of Carthage, Progress in
226. Underwater Science, 2, p. 103-109-
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II - LES ACTIVITES LITTORALES

ET HALIEUTIQUES

Roland Paskoff et Pol Trousset

1 - FORMATIONS QUATERNAIRES ET L'exploitation en bord de mer des carrières de


CARRIÈRES LITTORALES ANTIQUES pierre pouvait-elle s'expliquer par des raisons
économiques ou techniques générales, en fonction de
La prospection systématique effectuée le long des facilités relatives offertes au transport des matières
côtes de Tunisie, depuis la frontière libyenne jusqu'à pondéreuses par la voie maritime ? Cet ordre de
la frontière algérienne, nous a permis d'attirer données est, certes, à prendre en considération car il
l'attention sur les vestiges archéologiques d'un genre rejoint des constations faites, en d'autres lieux, sur
particulier, déjà reconnus en d'autres lieux, mais qui l'approvisionnement en pierre à bâtir des grandes
n'avaient pas fait l'objet jusqu'ici d'une étude cités antiques du pourtour méditerranéen. Ce sont
spécifique : il s'agit des carrières littorales anciennes pourtant avant tout des raisons naturelles très
dont de nombreux sites ont pu être identifiés le long particulières — géologiques et géomorphologiques - qui ont
du rivage (carte, fig. 166). joué ici un rôle essentiel en appelant une explication
Sans tenir compte de l'existence d'un grand d'un tout autre ordre : la présence de deux formations
nombre d'autres carrières antiques en retrait du rocheuses quaternaires, spécifiques des côtes de
littoral de Tunisie et qui n'entraient pas directement Tunisie, a déterminé, comme nous allons le voir, une
dans le champ de notre investigation, on ne exploitation systématique des gisements littoraux
dénombre pas mois de 25 points d'extraction antique pour la fourniture aux grandes cités proches, de
sur la ligne de côte elle-même, entre la Bahiret el matériaux de construction courants.
Biban et la côte nord, parmi lesquels se détachent C'est donc à la lumière de cette donnée d'ordre
cinq centres d'exploitation de première grandeur : géologique, à quoi s'ajoutent les raisons économiques
aux environs d'El Alia dans le Sahel, près de évoquées tout d'abord, que nous présenterons ces
l'extrémité du Cap Bon (carrières d'El Haouaria), à Sidi carrières littorales, restées pendant de nombreux
Daoud sur la côte occidentale du Cap Bon, enfin à siècles parmi les plus représentatives de l'industrie
R'mel et à l'oued ed Damous respectivement à l'est extractive de la pierre à bâtir en Africa.
et à l'ouest de Bizerte.
Cette reconnaissance, placée sous le regard croisé
de nos spécialités respectives - l'archéologie et la A — Les roches des carrières : grès tyrrhé-
géomorphologie -, poursuivait, on l'a vu, une double niens et éolianites wurmiennes
finalité : d'une part, l'étude des activités liées à la côte
dans l'Afrique ancienne ; d'autre part, celle de Les rivages de la Tunisie ont offert, en effet, aux
l'évolution du littoral depuis l'antiquité. bâtisseurs de l'antiquité des affleurements rocheux
Une telle collaboration s'est révélée fort utile en qui se prêtaient bien à l'extraction de blocs. Ces
permettant de soulever, dès le départ, une question roches sont propres au milieu littoral puisqu'il s'agit
fondamentale au vu de ces vestiges d'une activité de sables consolidés en grès, d'origine marine ou
dont l'importance était déjà connue en certains points éolienne, accumulés sur les côtes pendant le
par quelques exemples spectaculaires, mais dont Pleistocene supérieur. La mise en place de ces formations
l'omniprésence sur de longues sections des côtes s'est faite au gré des changements de position de la
tunisiennes devait aussi être soulignée. ligne de rivage, changements commandés par des

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256 Conclusions

CapBlanc_184Rmel
204 -ui
158 El Haouaria
206
Utique • 155
17
Carthage^-# 171

grès dunaire eutyrrhénien (formation Rejiche )


ou éolianite wùrmienne ( formation Cap Blanc
carrière littorale antique
iri (de première grandeur)
63

100km J Lenne
Fig. 166. Carte des carrières littorales anciennes.

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Les activités littorales et halieutiques 257

variations glacio-eustatiques du niveau de la mer quité pour la taille de blocs, correspond à un grès
depuis la dernière période interglaciaire. Les carrières calcaire bioclastique, de couleur claire, au grain fin et
littorales ouvertes par les Puniques et les Romains ont homo métrique, au litage discret, riche en oolithes et
exploité deux grands types de grès : ceux de la en pellets. Sa cimentation est dans l'ensemble
formation Rejiche d'âge tyrrhénien et ceux de la formation homogène (Mahmoudi 1988, p. 432-434). Il a fourni, et
Cap Blanc d'âge wiirmien. fournit encore aujourd'hui, un matériau très prisé
pour la construction. Aisée à extraire, la roche résiste
pourtant assez bien, grâce à la finesse de sa texture et
a -Les grès tyrrhéniens de la côte orientale à la nature de sa consolidation, aux agressions
de Tunisie chimiques et physiques des agents atmosphériques.
L'exploitation dans l'antiquité de cette formation
Les carrières antiques ont largement eu recours à la de grès dunaire tyrrhénien peut être illustrée par
pierre qu'offre un bourrelet gréseux dont la hauteur l'exemple d'un monument du Byzacium, célèbre
peut dépasser 20 m et qui se suit à peu de distance de entre tous, le grand amphithéâtre de Thysdrus. Les
la côte actuelle, sans présenter de grandes pierres de grand appareil qui constituent la parure
discontinuités, depuis la façade orientale de la péninsule du incomparable de ce monument ont été taillées,
Cap Bon jusqu'aux « slobs » de la Bahiret el Biban, près comme on le sait, dans les vastes carrières de Rejiche,
de la frontière avec la Libye. Ce bourrelet, bien à 35 km environ au nord-est d'El Jem, sur la route de
individualisé dans la topographie, correspond à un ancien Mahdia et à quelque distance (un kilomètre en
cordon littoral construit pendant le Tyrrhénien, ainsi moyenne) en arrière du littoral (Golvin 1988, p. 210).
que l'indique la présence en abondance de Strombus C'est le membre marin de la formation Rejiche qui a
bubonius, fossile caractéristique de la dernière période fourni la grande majorité des saxa quadrata utilisées
interglaciaire en Méditerranée. Une datation radio dans la construction de l'amphithéâtre. Les blocs sont
métrique par la méthode du thorium-uranium sur un faits d'un grès oolithique très coquillier dans lequel on
échantillon de corail {Cladocord) prélevé à Monastir a reconnaît ici et là des exemplaires de Strombus
donné un résultat de 126000 ± 7000 ans qui, corroboré bubonius. Ces carrières de Rejiche sont très largement
par des données sur la racémisation des acides aminés exploitées de nos jours encore, ce qui explique la
de mollusques (Glycymeris, Area), permet d'assigner difficulté d'y reconnaître les fronts de taille antiques,
avec plus de précision l'édification de l'ancien cordon lesquels ont été oblitérés, en règle générale, par
littoral à la transgression eutyrrhénienne, équivalente l'ouverture de chantiers plus récents. En revanche, on
du sous-stade 5e de la chronologie isotopique du peut reconnaître au voisinage du trait de côte lui-
Quaternaire (Miller et al. 1986, p. 206). Les dépôts de même, plusieurs carrières antiques, notamment celles
plage qui lui sont associés sont connus en Tunisie sous de Mzaouak aux environs d'El Alia (au Sud de
l'appellation de formation Rejiche (Paskoff et Sanla-
ville 1983, p. 153-157). A Chebba, au nord de Sfax, ils
recouvrent des vestiges de foyers, marqués par des
pierres noircies, qui attestent la présence de l'Homme
dans ces parages à cette époque. Ces traces
d'établissements humains mériteraient d'être étudiées par les
préhistoriens.
La formation Rejiche comprend généralement
deux membres (fig. 167). A la base de l'ancien cordon
côtier, le dépôt est marin : il contient une faune Fig. 167. Coupe théorique dans l'ancien cordon littoral de la
littorale parmi laquelle on trouve souvent Strombus et formation Rejiche (Eutyrrhénien), sur la côte orientale
Glycymeris. Vers le haut, il passe insensiblement à de la Tunisie.
une accumulation éolienne qui contient des Helix. 1. Membre inférieur marin : conglomérat de base et rares
Un faciès fréquent de la formation Rejiche, celui niveaux grossiers à galets dans un grès fin oolithique ;
qui a été plus particulièrement recherché dans 2. Membre éolien : grès fin oolithique sans coquilles marines.

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258 Conclusions

Salakta). Plusieurs de ces sites côtiers sont, comme marins, la présence d'Hélix bien conservés et de rizo-
nous le verrons, partiellement submergés aujourd'hui lithes. Le grand développement des éolianites sur le
par la mer. Il est très plausible que les carrières de la littoral nord de la Tunisie s'explique par l'exposition
région d'El Alia aient pu fournir de la pierre à bâtir au directe du rivage aux vents dominants aussi bien en
municipe de Bararus (Rougga), auquel elles semblent direction qu'en force. Ces vents soufflaient alors,
avoir été reliées par des chemins charretiers tracés comme ils le font encore aujourd'hui, du nord-ouest
selon l'orientation des limites des centuries, dans le ainsi que le suggèrent les orientations, bien
réseau de la cadastration romaine (Trousset 1977, discernables sur les photographies aériennes, de ces dunes
p. 198). anciennes.
Le matériau extrait de tous ces sites jouit, de fait, Ces éolianites recouvrent des dépôts marins du
d'une excellente réputation à cause des qualités déjà dernier interglaciaire et sont donc d'âge wiirmien,
signalées de finesse de grain et d'immunisation voire holocène. On en connaît d'autres sur les rivages
relative aux agressions des agents atmosphériques. A ces de la Méditerranée et on pense généralement qu'elles
qualités intrinsèques il faudrait ajouter, dans l'effet se sont formées lors de la régression de la mer tyrrhé-
produit par le Colisée d'El Jem sur les voyageurs qui nienne, contemporaine de la dernière grande époque
le découvrent de loin dans la Basse-Steppe, la noble glaciaire. L'exondation d'une vaste portion de la
patine apposée par les siècles sur une pierre très plateforme continentale aurait livré à l'action des vents du
blanche à l'origine mais qui a pris, sous l'éclat du ciel, large des sédiments marins dont la fraction fine,
une coloration chaude dans les nuances d'ocre. En mobilisée par la déflation, aurait été transportée vers
revanche, on attribue à la faible résistance à l'intérieur des terres où elle se serait accumulée, puis
l'écrasement de ce grès calcaire oolithique friable et facile à ensuite lithifiée.
extraire et à travailler, la nécessité de donner un Des études récentes (Paskoff et al. 1983, p. 1264-
caractère particulièrement massif au monument : ce 1265) ont montré qu'il existe en réalité en Tunisie
caractère se traduit par l'épaisseur des piles de façade, la plusieurs générations d'éolianites post-tyrrhéniennes,
faible saillie des entablements et « d'une façon superposées et séparées entre elles par des dépôts
générale par la prédominance des pleins sur les vides » continentaux de couleur rouge et de faciès colluvial.
(Slim 1986, p. 453). Trois de ces couches à matrices sablo-limoneuses
rubéfiées constituent des repères stratigraphiques
importants car elles marquent des coupures dans la
b —Les grès wurmiens de la côte sédimentation éolienne. Elles représentent aussi des
septentrionale de Tunisie jalons chronologiques précieux car elles contiennent
de l'industrie lithique (Gragueb et Oueslati 1990,
C'est aussi une roche gréseuse, mais aux p. 291). En allant de la plus ancienne à la plus récente,
caractères un peu différents, que l'on a exploitée dans la la formation Ain Oktor qui recouvre directement les
plupart des carrières littorales antiques localisées sur dépôts marins tyrrhéniens recèle de l'Atérien
le littoral de la Tunisie septentrionale. En effet, de la archaïque, la formation Sidi Daoud, de l'Atérien
façade occidentale de la péninsule du Cap Bon à la évolué, la formation Dar Chichou, de l'outillage à
frontière avec l'Algérie, affleurent largement à lamelles attribuable à l'Ibéromaurusien, voire au
proximité de la côte des éolianites souvent épaisses Néolithique.
(Paskoff et Sanlaville 1983, p. 166-168 ; Oueslati 1994, Les deux éolianites qui sont séparées par la
p. 282-293). Il s'agit de grès à ciment calcaire, de grain formation Sidi Daoud sont donc bien d'âge wiirmien. Elles
moyen à grossier, à forte composante biodétritique appartiennent toutes les deux à la formation Cap
faite de débris d'organismes marins à peine émoussés. Blanc, la plus ancienne constituant son membre
La teinte dominante va de l'ocre au jaunâtre. Une inférieur, la plus récente son membre supérieur (fig. 168).
consolidation inégale explique une texture Ce sont elles que les carriers antiques ont recherchées
fréquemment vacuolaire. L'origine éolienne de la roche est parce qu'elles sont les plus épaisses et les mieux
indiquée par un litage incliné et souvent entrecroisé, consolidées. A Sidi Daoud (site n° 162), c'est l'éolia-
l'absence de grosses coquilles entières de mollusques nite inférieure qui a été exploitée. Quant aux grandes

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Les activités littorales et halieutiques 259

latomies d'El Haouaria (site n° 158, fig. 45), décrites niveaux marins pendant le Wùrm, mais inférieurs au
par J. Rôder et par F. Rakob (Rakob 1984, p. 15-22), niveau actuel car les dépôts de plage correspondants
elles ont été ouvertes dans l'éolianite supérieure. se trouvent maintenant sous la mer. Ainsi, l'éolianite
Les couches qui témoignent donc de périodes de qui représente le membre inférieur de la formation
rémission dans l'activité dunaire pendant le Wùrm Cap Blanc peut être mise en relation avec le
correspondent à des époques d'abaissement du mouvement transgressif que des courbures proposées pour
niveau de la mer et d'éloignement de la ligne de les variations eustatiques du niveau de la mer pendant
rivage. Elles reflètent un milieu climatique caractérisé le Wùrm font apparaître vers 60000 BP. Quant à
par des précipitations abondantes, à l'origine d'un l'éolianite identifiée avec le membre supérieur de la
ruissellement érosif sur les sols des versants dont les formation Cap Blanc, elle correspond très
matériaux enlevés se retrouvent dans les parties probablement à l'élévation encore plus marquée du niveau de
basses de la topographie sous la forme la mer vers le milieu du Wùrm, aux alentours de
d'accumulations colluviales. 35000.
Au contraire, quand le niveau marin s'élevait et Dans l'ensemble, les grès wùrmiens constituent un
que le rivage se rapprochait de la position qu'il matériau de moins bonne tenue que celui fourni par
occupe aujourd'hui, le rôle du vent se manifestait par les grès tyrrhéniens parce qu'ils sont moins fins et
l'accumulation, en arrière des plages, de dunes qui moins compacts. Aussi, ont-ils moins bien résisté aux
ont été consolidées par la suite. Celles-ci contiennent phénomènes de météorisation en particulier à celui
en abondance du matériel coquillier grossier qui de l'haloclastie qui ronge la pierre par l'action
témoigne de la proximité du rivage. Elles doivent mécanique de la croissance des cristaux de sel, à partir de
donc être considérées comme l'expression de hauts solutions salines saturées. Ce processus est
particulièrement actif sur les littoraux battus par les vents et
aspergés par les embruns, comme c'est justement le
cas sur la côte nord de la Tunisie. Dans un tel milieu,
~10m les blocs extraits des éolianites wùrmiennes
apparaissent souvent défigurés par la désagrégation
granulaire.
Aussi ce matériau, de qualité somme toute très
médiocre, n'a-t-il dû son grand succès qu'à une
extraction et un acheminement aisés à partir des
carrières du littoral vers les lieux d'utilisation situés
eux-mêmes le long de la côte. Les bâtisseurs puniques
auraient eu recours aux grandes carrières de
l'extrémité du Cap Bon (El Haouaria), à une soixantaine de
kilomètres de leur cité, « dès le VIIe siècle au moins »,
comme le confirme Serge Lancel (1992, p. 336) ; la
même pierre se retrouve dans les murs de la Carthage
byzantine. La facilité de transport des blocs par voie
maritime « compensait leur relatif éloignement ». Il en
est de même pour les grandes carrières de R'mel qui
Fig. 168. Coupe dans les éolianites wiirmiennes, visible ont fourni l'essentiel de la pierre à bâtir à la cité
dans une falaise à 700 m au Sud du Rass Addar, dans la d'Utique éloignée d'elles par une distance
péninsule du Cap Bon. comparable.
0. Substratum de grès oligocène ; 1. Dépôt de plage
tyrrhénien ; 2. Couche continentale mince (cailloux et Il s'agit donc d'un matériau courant et rustique,
galets remaniés dans une matrice limoneuse rouge) ; facile à la taille au pic ou à la scie, mais sujet au déli-
3. Eolianite (membre inférieur de la formation Cap Blanc) ; tage si sa surface exposée n'était pas enduite. De là
4. Dépôt colluvial ; 5. Eolianite (membre sup. de la viendrait peut-être, comme le suggère S. Lancel, que
formation Cap Blanc) ; 6. Dépôt de pente. les Puniques aient été de « si habiles stucateurs ». De

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260 Conclusions

fait, dans l'architecture publique et domestique de d'extraction, à l'air libre et plus extensives, coexistent
Carthage, un décor stuqué recouvre fréquemment le avec les carrières souterraines. Ce dernier type
cœur en grès d'El Haouaria des colonnes ou des d'exploitation intensive, en unités séparées et
chapiteaux on en trouve un exemple jusque sur un organisées respectivement autour d'un puits de lumière
:

pilastre remployé comme cippe funéraire dans le central, permettait d'obtenir, selon l'analyse de
tophet de Salammbô (Lézine I960, p. 79-84). F. Rakob (1984, p. 18), un rendement optimal du
chantier et un contrôle rigoureux de la main-d'œuvre
servile qui y était affectée. Il pourrait être mis en
B — Les techniques d'extraction rapport avec les phases les plus récentes de l'activité
édilitaire dans la métropole punique, marquée par la
a —L'extraction en carrières souterraines mise en oeuvre de grands chantiers de construction,
en particulier dans le secteur des ports.
Un premier type d'exploitation, à vrai dire Dans la phase ultime de l'exploitation de ces
exceptionnel, est représenté par les grandes latomies du carrières, les parois séparant ces salles souterraines
Cap Bon, désignées aujourd'hui localement sous le ont été elles-mêmes abattues par endroits, pour
nom de Rhar el Kebir (la grande caverne) (Harrazi extraire les matériaux récupérables. Le volume utile
1995, p. 19). Ces latomies sont mentionnées par dégagé dans chacun des puits a été évalué, par
Diodore de Sicile à propos du débarquement F. Rakob, à 25000 m3 et pour l'ensemble de la zone à
d'Agathocle qui eut lieu dans une anse voisine (XX, 6, 250000 m3.
3), à 500 m plus au nord-est, où se faisait sans doute Exceptionnelle par son ampleur, l'extraction de la
l'embarquement des blocs. Strabon précise leur pierre en galerie souterraine n'est pourtant pas une
position, dans le golfe de Carthage, après les Eaux spécialité exclusive d'El Haouaria car des restes
Chaudes (Korbous) et avant le promontoire d'Hermès d'excavations campaniformes de moindre importance
(XVII, 3, 16). Elles sont entaillées dans un bas plateau, ont été signalés près de la côte orientale du Cap Bon,
à environ deux kilomètres de la localité d'El Haouaria dans les environs de Menzel Temime où ils se
où elles avoisinent le littoral lui-même (fig. 43). A la trouvent associés à des caveaux funéraires puniques « de
surface du sol, elles se prolongent en direction de belle architecture » (Fantar 1984, p. 287).
l'ouest où elles sont partiellement submergées, mais la
partie la plus originale est constituée d'une série de
grandes salles souterraines de forme pyramidale b —Les carrières littorales à ciel ouvert
(profondeur : 25 à 27 m ; larg. à la base : 15 m
environ, c'est-à-dire autour de 30 coudées). Celles-ci Beaucoup plus répandue était l'extraction de la
s'ouvraient à la surface du plateau par des regards ou pierre en carrières ouvertes à l'air libre, à partir de la
puits de lumière de section quadrangulaire, espacés côte, là où l'affleurement en falaise basse des bancs de
les uns des autres de 22 à 26 m et alignés grès dunaire tyrrhénien ou d'éolianite wùrmienne
régulièrement, par où s'effectuait l'élévation des blocs à l'aide offrait des conditions favorables à l'embarquement
d'un treuil (Rakob 1984, pi. 14-16). V. Guérin qui en des blocs par mer.
a donné la première description et qui avait vu des Les exemples les plus spectaculaires de ce type de
excavations semblables en Palestine (1862, p. 226) carrières littorales se trouvent également sur la rive
suggérait avec raison que les carrières littorales d'El nord-ouest du Cap Bon, dans le prolongement
Haouaria avaient pu fonctionner dès l'époque occidental des grandes carrières souterraines d'El
punique, ce que corroborent les observations de Haouaria. Plus au sud, autour et à l'ouest de Sidi
M. Fantar à Kerkouane (1984, p. 286) et celles de Daoud (Missuà), où se trouvaient, dans l'antiquité
F. Rakob à Kelibia (1984, pi. 24, 2). A Carthage même, déjà, d'importantes pêcheries, des carrières
il est admis, nous l'avons vu, que les Carthaginois s'échelonnent en bordure de mer en un ensemble des plus
aient pu recourir au grès de ces falaises du Cap Bon grandioses (site n° 163, fig- 46). En arrière,
« dès le vif s. au moins ». Mais cette remarque pourrait s'étendaient « sur une quinzaine de kilomètres » des
s'appliquer à l'ensemble du secteur où d'autres formes nécropoles qui pourraient fournir, sur la date d'exploitation

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Les activités littorales et halieutiques 261

des carrières voisines, des données tout à fait receva- d'exploitation, large ici d'une trentaine de mètres,
bles. Selon P. Gauckler (1900, p. CLIV-CLVII), qui d'une paroi de protection naturelle du côté de la mer,
avait signalé au début du siècle à la fois les carrières large de 3 à 10 m, haute de 2 m, percée d'ouvertures
et les nécropoles, ces dernières (une centaine de qui permettaient l'évacuation des blocs vers des
tombeaux fouillés, répartis en cinq nécropoles) barges amarrées à proximité (fig. 171). De la Bahiret
remonteraient, d'après le mobilier funéraire extrait des Biban à R'mel, en passant par les Kerkennah (site

des tombeaux, aux deux premiers siècles de notre 63), le littoral sahélien (site de Mzaouak, n° 91) et
ère. Sur 63 lampes, presque toutes appartenaient à le Cap Bon, on retrouve des caractéristiques
cette époque ; une seule lampe, à l'époque analogues dans l'organisation de ces carrières côtières. Du
chrétienne. C'était, d'après P. Gauckler, « des cimetières côté mer, en direction du large, avait été réservée
de petites gens probablement d'ouvriers indigènes et dans le banc rocheux exploitable une sorte de digue
d'esclaves employés aux carrières ». ou de rempart destinée à protéger le chantier adjacent
Un autre exemple, de première grandeur, se des projections du déferlement des vagues. Le
trouve sur la côte nord. Immédiatement à l'est de plancher de la carrière, en partie submergé aujourd'hui, se
Bizerte, en allant de la plage de R'mel vers le Rass développait en retrait de cette digue - elle-même
Zebib, se suivent sur une longueur d'environ 3 km de souvent plus ou moins disloquée par l'érosion marine
très vastes carrières antiques (site n° 184). C'est en ce — sur une largeur variant entre quelques mètres et
lieu, comme l'ont prouvé nos investigations récentes plusieurs dizaines de mètres suivant l'importance des
(Paskoff et al. 1991, p. 531), que la ville d'Utique, exploitations. On y voit encore, lorsque les parties
distante alors d'une cinquantaine de kilomètres par émergées de ces fonds de carrières ne sont pas
voie maritime, s'approvisionnait en matériaux de recouvertes par des dépôts de tempête, un réseau de traces
construction. On peut reconnaître à sa texture, dans en damier, soulignant les contours des blocs délogés
les blocs d'appareil examinés sur le site d'Utique et à partir de saignées creusées au pic. Côté terre, le
jusque dans les parements de murs en opus reticu- front de taille principal se reconnaît à son
latum de bâtiments voisins de la maison dite du grand développement en sections rectilignes, accidentées de multiples
œcus, un type d'éolianite appartenant, de toute redents. Sur une élévation correspondant à une ou
évidence, à la variété extraite dans les carrières de plusieurs hauteurs de blocs selon la puissance du
R'mel. front de taille, on distingue encore parfois les marques
Les fronts d'extraction les mieux visibles dans ces laissées par les outils des carriers.
carrières sont dans le secteur qui a fait l'objet d'un Ces caractéristiques qu'on retrouverait ailleurs,
relevé topographique partiel (fig. 169). Us font dans maintes autres carrières littorales comme à
apparaître avec netteté la superposition de deux éolianites Tipasa ou au Cap Couronne à l'ouest de Marseille,
(fig. 170). L'éolianite supérieure, d'âge wûrmien montrent qu'une même technique, celle de la saignée,
(formation Cap Blanc), se prêtait mal à la taille de était pratiquée sur ces différents sites. Une telle
blocs à cause de sa consolidation médiocre et inégale, technique, réservée à l'extraction des matériaux tendres,
de son litage grossier et fortement incliné, de ses avait pour but de fournir essentiellement des blocs.
nombreuses cheminées de décarbonatation bourrées Ceux-ci étaient d'abord détourés sur les flancs
de sables limoneux rouges. C'est l'éolianite sous- accessibles à partir du front de taille par des saignées
jacente, correspondant à l'Eutyrrhénien qui a été creusées au pic ; puis ils étaient délogés par arrachement
exploitée, ainsi que son membre marin atteint, à la base, sans doute à l'aide de coins.
seulement dans les parties les plus profondes des chantiers. Des mesures effectuées, à partir de ces marques
On a signalé (Oueslati 1993a, p. 154) la présence de de saignées, dans divers sites de carrières littorales
tessons de poterie romaine du IIIe s. ap. J.-C. (forme en Tunisie révèlent une remarquable constance
32 de Hayes) dans des déblais associés à l'extraction modulaire dans le découpage des blocs : on peut
de blocs, ce qui fournit un indice sur la période la plus noter la fréquence des valeurs de base suivantes
:

récente d'activité du site. 0,50-0,53 m, mais aussi parfois 0,45-0,46 m, pour la


Le trait le plus remarquable des grandes carrières hauteur des blocs ; 1,05 m pour la longueur ; ces
de R'mel est l'existence, en avant du plancher dimensions se retrouvent effectivement dans

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262 Conclusions

2m N

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Fig. 169. Coupe transversale à travers une carrière littorale à R'mel (site n°184).
1. Niveau minimum ; 2. Niveau maximum ; 3. Fond de carrière ; 4. Grès dunaire exploitable ; 5. Eolianite.

Fig. 170. Carrières littorales de R'mel : front de taille montrant la superposition des deux éolianites.

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Les activités littorales et halieutiques 263

Fig. 171. Carrières littorales de R'mel : ouverture sur la mer dans la paroi de protection.

l'épaisseur des murs ainsi que dans les dimensions Publ. de l'Univ. de Tunis, sér. Géographie, vol.
de ces harpes verticales si caractéristiques de l'art XXVI, 198 p.
de bâtir en Afrique pendant toute l'antiquité. Ces Fantar (M.), 1984, Kerkouane, Cité punique du Cap
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et de « coudée ordinaire » (Fantar 1984, p. 350 ; eustatic change of sea level and earth movements
Hallier 1994, p. 2111-2121), auxquelles se référait in the western Mediterranean during the last 2,000
déjà un passage de Pline l'Ancien à propos du years, Geol. Soc. America, Special paper, 109,
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264 Conclusions

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Coastal Conditions in the Gulf of Gabes (Southern il incriminait en premier lieu les pêcheries, « d'un
Tunisia) since Classical Antiquity, Zeitschrift fur médiocre rendement sauf en de rares endroits ».
Geomorph., suppl. bd 81, p. 149-162. L'insuffisance des pêcheurs aurait eu pour
Paskoff (R.) et Sanlaville (P.), 1983, Les côtes de la conséquence celle des marins qui, à son tour, « avait
Tunisie, Variations du niveau marin depuis le toujours insidieusement freiné les grandes entreprises
Tyrrhénien, Lyon, 192 p. (Collection de la Maison de de dominations méditerranéennes ». Dans ce tableau
l'Orient Méditerranéen 14, sér. Géogr. et Préhist., 2). sévère des faiblesses de la mer Méditerranée au
Paskoff (R.), Sanlaville (P.) et Bourgou (M.), 1983, xvie s., on ne manquera pas de retenir que Braudel
Stratigraphie et genèse des éolianites du Wûrm et relevait a contrario quelques exemples de côtes
de l'Holocène sur le littotal de Tunisie, CR Acad. méditerranéennes réputées de tout temps plus favorables à
Se. Paris, 296, p. 1263-1266. la pêche et par conséquent aux activités littorales et
Paskoff (R.), Slim (H.) et Trousset (P.), 1991, Le maritimes : il s'agissait, en l'occurrence, des lagunes
littoral de la Tunisie dans l'antiquité : cinq ans de de Comacchio dans l'Adriatique, des côtes
recherches géoarchéologiques, CRAI, p. 515-546. d'Andalousie et, avec elles, le littoral de la Tunisie.
Paskoff (R.), Trousset (P.) et Dalongeville (R.), C'est que, dans la Méditerranée où les côtes sont
1981, Variations relatives du niveau de la mer en dépourvues le plus souvent de plate-forme
Tunisie depuis l'antiquité, Histoire et Archéol. continentale, le littoral tunisien se signale, sur sa façade
Dossiers, 50, p. 52-59- orientale du moins, par une vaste étendue de hauts-fonds
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Paris, Etudes Augustiniennes. sous-marine. La présence très ancienne de pêcheurs

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Les activités littorales et halieutiques 265

en bordure du Sahel et dans le golfe de Gabès est, de en octobre en contournant les caps et les golfes de
fait, une originalité à l'actif de la Tunisie orientale qui cette façade nord du littoral de la Tunisie. D'autres
dément la réputation longtemps faite au Maghreb thons nés en Méditerranée les rejoignent, et, par le
d'être dépourvue de marins pêcheurs. Depuis des détroit de Sicile, se rapprochent des côtes tunisiennes
siècles et dans l'antiquité déjà, la mer a fait vivre sur en bancs serrés, à la recherche des hauts-fonds les
les rives du Byzacium et de la Petite Syrte une part plus riches en algues et glands marins pour se nourrir
grandissante de la population à mesure que vers le et y frayer (De Fages et Ponzevera 1903, p. 55). Les
Sud les ressources agricoles de l'arrière-pays se lieux les plus favorables à cette pêche spécifique ont
faisaient plus aléatoires (Despois 1955, p. 454). A elle toujours été, de l'antiquité à nos jours, ceux qui
seule, la Tunisie bénéficie en effet de près du quart étaient les mieux placés sur les itinéraires de
des côtes plates « utiles » de la marge sud de la migration des thonidés : certains promontoires de la côte
Méditerranée. La surface du plateau continental s'accroît nord à l'abri desquels il était possible - comme
du Nord au Sud pour atteindre son maximum naguère au Rass Zebib - de déployer madragues et
d'extension dans le golfe de Gabès ; le calme relatif des eaux thonaires, mais d'une façon générale toutes les
et leur renouvellement par la marée favorisent sur ces avancées du littoral tunisien à l'extrémité des principaux
fonds vaso-sableux la croissance des herbiers de posi- golfes. Il en est ainsi dans le Cap Bon, pour les
donies, de caulerpes, de zostères et de cymodocées, pêcheries de Sidi Daoud (Missua), à l'extrémité du golfe de
constituant l'un des biotopes les plus favorables en Tunis, pour les thonaires de Monastir et des îles
Méditerranée au développement d'une faune littorale Kuriates à l'extrémité du golfe d'Hammamet, de
où se rencontrent à la fois les espèces benthiques et même à la Chebba où se trouve le promontoire du
pélagiques. La faune sédentaire y est en même temps Rass Kaboudia (Caput Vada), bien placé pour
abondante et variée, qu'il s'agisse des poissons, des observer les migrations annuelles des thonidés à
crustacés et des mollusques, sans oublier les éponges l'entrée des hauts-fonds du golfe de Gabès. Nous
qui dans l'antiquité déjà étaient pêchées dans la Syrte verrons qu'un témoignage de Strabon (XVII, 16)
(Pline, HN, XIX, 69). D'une manière tout à fait confirme pour l'antiquité la présence à cet endroit de
caractéristique, comme le signalait vers le milieu de ce guettes à thons (tunnoscopeià) D'autres textes
siècle J. Despois (1955, p. 454), les premiers goupes .
(Oppien, Halieutica, III, 626-648) qui s'appliquent à
de pêcheurs traditionnels se rencontraient à partir de des eaux voisines, dans la Mer Tyrrhénienne ou en
Monastir, c'est-à-dire précisément à partir de l'endroit Sicile par exemple, sont suffisamment explicites sur
où les courbes bathymétriques de 10 et de 20 mètres des pratiques anciennes de pêche, somme toute assez
s'éloignent du littoral pour contourner les bancs des semblables à celles qui ont fait, de nos jours, la
Kuriates. D'autre part, encore aujourd'hui, la pêche réputation des pêcheries du Sahel ou du Cap Bon. Sans
artisanale prend son maximum de développement et trop risquer le soupçon de céder aux facilités du
surtout ses manifestations les plus originales au sud déterminisme géographique - le milieu physique ne
du Cap Kaboudia où commencent à s'étaler largement saurait tout expliquer - on peut néanmoins suggérer,
les bancs des Kerkennah. compte tenu de ce que nous pouvons connaître des
Mais, en même temps, l'ensemble des côtes du techniques halieutiques pratiquées en Méditerranée
Tunisie, y compris celles de la façade nord qu'on a pu dans l'antiquité (Lafaye, DAGL, p. 491), que certains
décrire comme un milieu littoral nettement sites étaient désignés par la configuration même de la
« thalassophobe » (Riggio 1995, p. 119), doit une côte pour y être voués, dès cette époque, à la grande
bonne partie de son potentiel halieutique actuel aux pêche aux thonidés (fig. 172 et 173).
grandes migrations saisonnières des espèces D'autres espèces migratrices, mais de petite taille,
pélagiques. En cela, sans égaler les côtes d'Andalousie telles que les anchois, sardines et autres attaches de la
citées par Braudel et où se pratiquait depuis l'antiquité famille des clupéidés, apparaissent également, sous
la pêche aux thons venus de l'Océan, elles bénéfient forme de concentrations importantes à proximité des
néanmoins du flux au long cours des scombridés côtes, chaque année entre les mois d'avril et
(thons pélamides et bonites) qui, venus du détroit de d'octobre. Elles font en divers lieux l'objet d'une
Gibraltar, longent de près les côtes africaines d'avril pêche active de nos jours, tant au Nord dans la région

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266 Conclusions

Fig. 172. Guette à thons actuelle sur le promontoire de Rass Jebel (site n°180).

Fig. 173. Ruines d'une conserverie moderne de thons au Rass Kaboudia près du nadour de Khedija (Chebba).

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Les activités littorales et halieutiques 267

de Tabarka, dans le canal de La Galite, qu'à l'Est dates régulières (stato tempore, dit Pline, HN, IX, 9),
comme à Mahdia. On notera que dans un spectre mais différentes selon les espèces. C'est à la faveur de
d'espèces des plus variées, les clupéiformes semblent ces migrations qui avaient déjà frappé les auteurs
figurer en bonne place dans les premières analyses anciens ou arabes, que se produisent les campagnes
effectuées récemment, dans le cadre du présent de pêche à l'intérieur ou à la sortie des lagunes
programme, par M. Sternberg à partir des restes littorales.
osseux prélevés à Nabeul dans les cuves de l'usine de Le littoral de la Tunisie présente sur ses deux
salaison. Cette indication, même partielle, est d'autant façades maritimes un échantillonnage très diversifié
plus précieuse qu'elle est la seule de cette nature que de ces côtes à lagunes qu'on pourrait essayer de
nous ayons quant aux espèces pêchées à l'époque classer en fonction de plusieurs critères : leur
romaine le long des côtes de Tunisie. insertion dans l'espace côtier ou continental, leur
Enfin, une autre particularité des côtes tunisiennes alimentation en eau douce ou marine en fonction des
qui les individualise au Maghreb et les apparente cette influences climatiques ambiantes et de leur plus ou
fois au troisième exemple relevé par Braudel, celui moins grande communication avec la mer (Paskoff
des lagunes de Comacchio sur les bords de 1994, p. 124). Par exemple, des variations importantes
l'Adriatique ou bien aux étangs des côtes languedociennnes dans la salinité des eaux ne peuvent manquer
de la France méditerranéenne, est de présenter, en d'exercer une influence considérable sur le régime
bordure des zones de hauts-fonds déjà évoquées, de biologique et donc sur le recrutement de la faune des
longues étendues de côtes basses d'accumulation à lagunes où dominent les espèces euryhalines les plus
lagunes ou quasi-lagunes, plus ou moins en représentatives : anguilles, aloses, soles, daurades,
communication avec la mer. Celles-ci, en effet, n'ont pas loups et surtout muges ou mulets (mugil cephalus ; en
manqué d'offrir, à différentes époques, des conditions arabe : bouri).
très particulières, le plus souvent favorables à l'activité On retiendra pour commencer, en raison de sa
halieutique. Elles constituent des milieux margino- position à l'intérieur des terres, le complexe lagunaire
littoraux à salinité variable, aux eaux généralement très original et contrasté que formait l'association du lac
calmes, dans lesquelles se déposent des sédiments de Bizerte et de la garaa d'Ichkeul, à la fois reliés entre
fins d'origine aussi bien continentale que marine. eux par l'oued Tinja et à la mer par l'ancien goulet de
Grâce aux apports de matière organique nutritive qui Bizerte. L'inversion des courants dans ces émissaires
en résultent et grâce aux échanges alternés d'eau suivant la saison pour le premier, suivant la marée pour
douce et d'eau marine qui s'effectuent au niveau des le second, avait été observée par les géographes
passes en direction de la mer, ces lagunes anciens et arabes comme des curiosités de la nature.
constituaient des écosystèmes des plus productifs valorisés Nous savons déjà la réputation qui avait faite au lac de
d'une manière régulière par les populations antiques Bizerte, du Moyen Age jusqu'à l'ouverture, il y a un
qui vivaient sur leurs rives comme le montre, entre siècle, du chenal maritime, d'être une sorte de « vivier
autres, l'exemple bien connu et cité par Pline (HN, IX, miraculeux » (cf. supra, première partie, III).
9) de la pêche au mulet dans l'étang de Lattes En revanche, dans le golfe de Tunis, s'il fait peu
ÇStagnum Latera), sur la côte de Narbonnaise (Arcelin de doute que des conditions favorables à la pêche ont
1986, p. 13-20 ; Sternberg 1995, p. 120-121). pu exister, comme dans tous les deltas ou estuaires de
En règle générale, les jeunes poissons venus des quelque importance, aux bouches du Bagrada, il faut
hauts-fonds marins voisins entrent dans ces lagunes écarter de la liste des lagunes littorales exploitées
en hiver ou au printemps attirés par les courants dans l'antiquité, celle de Ghar el Mehl. Dans son état
sortant d'eau douce, pour s'y nourrir et s'y actuel - et dans son existence même -, elle résulte
développer, et en ressortent en été ou en automne - égale- d'une phase récente du colmatage de l'ancienne baie
ment à contre-courant - au moment de la d'Utique, en liaison avec les déplacements de
reproduction qui se fait en mer pour la plupart des l'embouchure de la Mejerda (Oueslati 1993b, p. l6l-
espèces. En fait, ces déplacements dictés par des 170 ; Chelbi et al. 1995). Au contraire, il est prouvé
mécanismes saisonniers, réglés par l'hydrologie plus que le lac de Tunis constituait dans l'antiquité et au
ou moins complexe des lagunes, se produisent à des Moyen Age un milieu mi-marin mi-lagunaire très

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268 Conclusions

propice, semble-il, à l'aquaculture. Il était encore bourrelet de la formation Rejiche, sur plusieurs
largement ouvert sur la mer au sud-ouest de Carthage, sections de la façade côtière orientale, dans le golfe de
sa fermeture par un cordon sableux continu Gabès et le Sahel pour une part, mais principalement
n'intervenant qu'au cours du xve ou du xvie s. (Thornton et al. au fond du golfe d'Hammamet à partir d'Hergla et sur
1980, p. 79-91 ; Paskoff 1994, p. 146). la côte est du Cap Bon, entre Maamoura et Kelibia.
Sur les côtes de la Petite Syrte, l'exemple le plus En fait, la genèse et l'évolution de ces milieux
remarquable de ces écosystèmes halieutiques margino-littoraux ne sont pas partout les mêmes et il
fortement valorisés en tant que tels dès la période antique faut distinguer soigneusement entre les divers cas
est assurément la Bahiret el Biban qui occupe, après possibles. Un premier exemple est celui de certaines
la Mer de Bou Grara, la seconde place en superficie sebkhas du golfe de Gabès bordées de traces
dans l'ensemble des lagunes tunisiennes (cf. supra, d'occupation néolithique, comme la Sebkhet el Melah
première partie, I). Plusieurs traits distinctifs en font (Perthuisot 1975 ; Oueslati 1995, p. 194). Elles
un milieu littoral tout à fait à part : sa profondeur fournissaient des ressources alimentaires aux populations
moyenne, qui oscille autour de 5 m, offre un contraste installées autour d'elles et résultent du comblement
net avec celle de la mer voisine où l'isobathe de 5 m d'anciennes baies ou lagunes, survenu
est située à 20 km de la côte ; elle n'est pas isolée de postérieurement au néolithique mais antérieurement à l'antiquité.
la mer par un cordon sableux fonctionnel mais par les Au contraire, une autre série de sebkhas littorales,
deux solbs, témoins d'une ancienne flèche en forme situées plus au nord dans la région de Sfax, semblent
de bourrelet grésifiée, datée de l'Eutyrrhénien s'être formée postérieurement à l'antiquité, en rapport
(formation Rejiche, dernier interglaciaire). Celle-ci est avec la remontée des eaux d'âge historique. Ces
démantelée dans sa partie centrale en plusieurs îlots sebkhas, qui sont gorgées d'eau en hiver et qui
séparés par des passes nombreuses mais peu s'assèchent complètement en été, ne font que traduire la
profondes, à l'exception d'une passe principale près dégradation de terres basses subsidentes bordées de
de l'îlot de Sidi Ahmed Chaouch. C'est donc une marais maritimes (Oueslati 1993a, p. 283).
quasi-lagune où les contraintes, nées d'un En revanche, d'autres cas font réellement
environnement régional marqué par l'aridité et se traduisant par problème en autorisant à penser que certaines
une salinité élevée, sont fortement atténuées par sebkhas ont pu succéder à des lagunes reliées, au
l'influence marine, générée par le jeu puissant des moins temporairement, à la mer. De fait, on a signalé,
courants de marée au niveau des passes. Ces en plusieurs points du littoral, la présence de drains
conditions sujettes à d'importantes variations annuelles sont qui, creusés à travers l'ancien cordon de la formation
néanmoins favorables dans l'ensemble à une bonne Rejiche, permettaient d'établir une communication
biodiversité, aussi bien en ce qui concerne la flore artificielle entre la mer et ces sebkhas côtières (Paskoff
que la faune benthique et ichtyologique (Medhioub et Sanlaville 1983, p. 80, 92). Certains d'entre eux sont
1979 ; Zaouali 1985, 1995). La mise en valeur de ce incontestablement modernes, comme le drain creusé
potentiel productif avait fixé très tôt, aussi bien sur un peu au nord de Khniss, qui a pour fonction
l'îlot central (Praesidium) qui commandait le chenal à d'assainir la plaine marécageuse de Sahline. En
l'époque romaine, que sur les rives méridionales de la revanche, beaucoup plus au sud, près du site de Ksar
lagune de Zouchis, une population sans doute plus en Nouba (n° 72), existe un drain moderne dont les
nombreuse qu'aujourd'hui. traces sont visiblement emboîtées dans celles d'un
On se gardera d'oublier dans une telle revue des canal plus ancien creusé dans la formation Rejiche et
écosystèmes halieutiques susceptibles d'avoir été qui mettait la sebkha El Garaa en relation avec la mer
valorisés dans l'antiquité ceux qui, par suite des (fig. 174). A noter aussi les deux drains de la région
transformations survenues dans l'environnement littoral de Salakta et de Mahdia, qui offrent des coupes
depuis l'antiquité, sont devenus aujourd'hui stériles excellentes à travers les formations du Tyrrhénien (Douira
ou sont à l'abandon. et Rejiche) (Paskoff et Sanlaville 1983, p. 92). L'un
Il s'agit de toute une série de lagunes saisonnières d'eux dont le débouché sur la mer se trouve près des
- ou de sebkhas maritimes - qui s'échelonnent, en ruines de la forteresse d'El Alia au sud de Salakta (site
arrière d'un cordon littoral continu, voire en arrière du n° 90) avait été taillé en souterrain dans l'ancien

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Les activités littorales et halieutiques 269

Fig, 175. Drain diil Alia dans la formation Rejiche


(site n°90).
Fig. 174. Drain de Ksar en Nouba (site n°72).
tation proposée autrefois pour la célèbre mosaïque
cordon littoral grésifié (fig. 175). Sa fonction était bien d'El Alia (scène de pêche lacustre plutôt que marine)
d'assurer l'écoulement des eaux continentales se trouverait par là même à reconsidérer (Gauckler
contrarié par le bourrelet côtier, mais on ne peut 1910, p. 39-40 ; Foucher 1965, p. 150 ; Picard 1987,
exclure entièrement une fonction inverse, assignée p. 11 ; cf. infra, B-b : Les données iconographiques).
dans des temps plus anciens à un tel canal : permettre Divers indices plaident en faveur d'une utilisation
la mise en eau de la sebkha Njila pour en faire une ancienne de ces lagunes côtières pour la pisciculture
sorte de vivarium voué à la pisciculture « extensive » telle qu'elle se pratiquait par exemple sur les côtes
(Lafon 1992, p. 299-304). Une telle hypothèse doit italiennes, en particulier à Comacchio dans le delta du
être formulée, bien sûr, avec beaucoup de prudence, Pô. Une série d'ouvrages y avait été aménagée dès
faute d'indices archéologiques recueillis dans la l'antiquité de façon à profiter des instincts migrateurs
tranchée. Une enquête topographique serait nécessaire des espèces. Des pêcheries analogues ont pu exister
pour en établir la plausibilité. Cependant, l'important dans l'antiquité ou au Moyen Age dans les lagunes
colmatage alluvial qui semble avoir affecté ces côtières du golfe d'Hammamet. Ainsi, le nom local de
sebkhas depuis l'antiquité n'interdit pas de penser que la Sebkhet désignée « el Mujjen » sur les cartes
le fond des dépressions était alors suffisamment bas topographiques était celui de Sebkhet « el Mungil », ce qui
pour permettre leur mise en eau à partir de la mer. Si est bien de nature à prouver qu'une variété de mulet
une telle hypothèse pouvait être confirmée, l'interpré- pouvait entrer dans la sebkha (Oueslati 1993a, p. 289).

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270 Conclusions

Encore à la fin du siècle dernier, en 1897, un projet pêche lagunaire et de la pêche côtière pouvaient être
avait été étudié, qui a tourné court, de conversion en exercées qui ont, en particulier pour la pêche aux
étangs à poissons des sebkhas de Halk el Mujjen, thons, leur réplique sur les côtes siciliennes (Riggio
d'Assa Jiriba, de Sidi-Khalifa et de celles qui se 1995, p. 126). Trois autres aires à thalassophilie élevée
trouvent dans le voisinage de Korba et de Menzel Temime peuvent être identifiées, qui correspondent
(De Fages et Ponzevera 1903, p. 113). respectivement aux principales interfaces maritimes du Byza-
On ne devra donc pas trouver anormale la cium et de la Tripolitaine occidentale : entre Hergla et
présence de vestiges d'aménagements divers destinés Salakta, dans la zone de Sfax et des hauts-fonds des
au traitement des poissons sur le cordon littoral et en Kerkennah, enfin dans l'extrême Sud, entre l'île de
bordure de ces lagunes, comme le montre l'exemple Jerba et la Bahiret el Biban. C'est là que sont
du site n° 127 bis, en bordure de la Sebkha Sidi concentrées encore à présent les zones de pêche les plus
Khalifa. En fait, toute cette zone de sebkhas au fond riches où l'on enregistre les rendements les plus élevés
du golfe d'Hammamet (sites n" 124 à 130) présente, (Zoghlami 1993, p. 244-245).
nous l'avons vu, des traces d'une occupation humaine
ancienne, de l'Antiquité tardive en l'occurrence, dont
la densité ne s'explique que dans l'hypothèse d'un b —Les techniques de pêche traditionnelles
environnement moins répulsif qu'aujourd'hui.
L'exemple le plus frappant d'une utilisation A chacun de ces systèmes ou sous-systèmes
possible à des fins halieutiques de cette zone correspondent des pratiques de pêche inscrites dans
margino-littorale est celui des lagunes de la côte un savoir-faire traditionnel original, qu'on a lieu de
orientale du Cap Bon où la présence conjointe de supposer d'autant plus ancien qu'il devait répondre à
vestiges d'installations sur le cordon littoral et des des conditions du milieu littoral plus particulières.
chaussées traversant ces lagunes, alors plus étendues D'autres procédés, parfois réintroduits dans un passé
et plus profondes qu'actuellement, nous autorise à récent par les pêcheurs grecs, maltais ou italiens -
suggérer que celles-ci ont pu jouer le rôle de vastes surtout siciliens -, appartiennent à un répertoire
viviers, dans le cadre d'une activité domaniale en technologique commun aux divers pays méditerranéens.
partie axée sur les ressources du littoral. Celui-ci est amplement décrit par les textes anciens
Tout au long des 1300 km de sa double façade relatifs à la pêche et à la faune marine, comme par
marine, le littoral tunisien montre donc une assez exemple ceux de Pline l'Ancien (HN, IX) et surtout
grande diversité d'écosystèmes, créant des conditions ceux d'Elien ou d'Oppien (Lafaye, DAGL, p. 489-494 ;
en général très favorables à l'activité halieutique. On Pottier, Id., p. 852-853). Malheureusement, peu de ces
peut reconnaître en cet ensemble littoral au moins documents anciens, sur lesquels nous reviendrons en
quatre ou cinq sous-systèmes, qui se partagent temps voulu dans le bilan des données sur les
inégalement entre la partie septentrionale - en continuité activités halieutiques en Tunisie dans l'antiquité, se
avec la côte algérienne - et la partie orientale qui rapportent directement aux côtes africaines. Mais
regarde vers la Mer des Syrtes. La section pour approcher la réalité antique, un double relais est
nord-occidentale coupée de son arrière-pays et pour cela ici possible. D'une part, on ne doit pas manquer
réputée thalassophobe présente néanmoins un d'utiliser celui des sources arabes restées souvent
substrat rocheux favorable à certains types de pêche dans le droit fil des sources anciennes, mais beaucoup
côtière spécifiques comme celles du corail, des plus explicites sur ce point particulier elles attestent
:

crustacés et de certaines espèces fines attirées par la nature que la pêche était demeurée très active en Ifriqiya au
des fonds (rougets) (Abdesselem 1995, p. 189). En Moyen Age (Djelloul 1995a, p. 49-60). D'autre part, il
outre, des conditions plus favorables qu'aujourd'hui y a le relais de la méthode comparative d'un usage
ont pu exister dans l'antiquité dans les plaines courant en anthropologie et qui incite à rechercher
alluviales à l'embouchure de certains oueds, comme des exemples de techniques traditionnelles
l'oued Zouara (site n° 208). La situation s'inverse analogues, pratiquées en d'autres lieux ou en d'autres
nettement à partir du golfe de Bizerte et dans le golfe de temps, pourvu qu'elles s'inscrivent rigoureusement
Tunis jusqu'au Cap Bon où toutes les formes de la dans des écosystèmes de même type.

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Les activités littorales et halieutiques 271

A partir de ces principes, l'enquête a donc consisté ristiques des bancs qui entourent l'archipel des
à recueillir dans les textes anciens ou arabes Kerkennah (fig. 176). Elles ont fait l'objet de
médiévaux l'attestation de certaines pratiques de pêche dont description très précises par les géographes (Despois 1954,
la survivance est confirmée par les enquêtes p. 455-457), les ethnologues (Louis 1961, p. 63-102) et
ethnologiques contemporaines. Un premier exemple des plus les spécialistes de l'halieutique (Aloui Bejaoui 1995,
démonstratifs est celui de la pêche au mulet (ou p. 155-171). Les cherfiya sont des engins de pêche
bouri) dans les lagunes méditerranéennes. Pline passifs à poste fixe, dont le principe consiste à
l'Ancien (HN, IX, 17) évoque entre autres curiosités intercepter les poissons au moment du courant de jusant,
dont il était si friand, ce fait relevé à propos du au moyen de palissades en branches de palmier
muletum, comme une marque de sa lubricité (tam fichées dans la vase, et à les diriger vers des chambres
incauta salacitas) en Phénicie et dans la province de de capture (dar) réalisées en nervures de palmes et se
:

Narbonnaise, au moment de l'accouplement, on terminant elles-mêmes par des nasses en tigelles de


utilisait un mâle attaché par les ouïes à une longue ligne régimes de dattes (drina). Ces pêcheries ont une
pour attirer vers le rivage les femelles (ou structure très élaborée, le module de base affectant la
réciproquement les mâles à l'époque du frai). Il se trouve que la forme d'un V ouvert au courant du jusant et
même méthode de pêche était pratiquée au Moyen comportant un chemin axial de plusieurs centaines de mètres
Age à Benzert, selon le témoignage d'El Bekri (trad. de long avec des rampes secondaires qui rabattent le
De Slane, p. 123). Or, la pêche au bouri est encore poisson vers les chambres de capture. Souvent, en
signalée à la fin du siècle dernier au large de Sfax et particulier sur les bancs de Mellita, autour de l'île
dans le canal de Bizerte, comme un divertissement Ghrabi où elles sont les plus développées, ces
apprécié des habitants (Tissot 1884, p. 328 ; De Fages pêcheries sont disposées en séries complexes de plusieurs
et Ponzevera 1903, p. 37). Une technique analogue modules imbriqués l'un sur l'autre et dessinant des
est toujours pratiquée dans la lagune de Missolonghi, sortes de barrages en chicanes. Leur orientation est
un des hauts lieux de la pêche traditionnelle en judicieusement réglée en fonction des courants de
Grèce, dans l'étang-vivier (divan) de Tholi en été, houle et de marée ainsi que par rapport à la
:

pour capturer les bancs de mulets (Mugil cephalus), localisation des « fosses » (bahirà) ou des « oueds » qui
on attache une femelle à un fil et, lorsque le troupeau accidentent ces hauts-fonds (Louis 1961, p. 100-102).
de mâles la suit, on jette un épervier (Guest-Papama- La combinaison de trois conditions fondamentales
noli 1986, p. 289). Cette attestation de la permanence a rendu possible dans ces lieux de telles installations :
au fil des siècles d'une technique traditionnelle l'existence de hauts-fonds (qsir), un marnage
montre bien l'intérêt qu'il y a à prendre en compte des important et des fonds vaso-sableux permettant d'enfoncer
acquis de l'ethnoarchéologie : si tout n'est pas des palmes. Ainsi, les cherfiya sont-elles localisées sur
toujours transposable tel quel dans l'antiquité, il faut des fonds qui ne sont pas couverts par plus de 1,50 m
avoir présente à l'esprit la grande diversité des à 2 m d'eau à marée haute ; ils sont largement
pratiques révélées par ce type d'enquête et que les découverts à marée basse, ce qui permet d'accéder à pied
nouvelles techniques de pêche tendent aujourd'hui à ou en bateau à fond plat (loud) jusqu'à proximité des
faire disparaître. Mais ces données diverses sont elles- nasses logées dans les points les plus creux. Les
mêmes à replacer dans le contexte d'écosystèmes espèces de poissons pêchées sur tous ces hauts-fonds
régionaux ou locaux qu'une analyse approfondie de appartiennent surtout aux variétés benthiques
l'environnement littoral antique doit permettre de sédentaires, plus rarement aventurières. Ce sont
mieux appréhender essentiel ement des sparidés (les sparaillons ou pataclets sont
Un autre cas révélateur des difficultés mais aussi appelés ici shares chrafi), des serranidés, mugilidés,
des promesses d'une telle approche est celui des mullidés mais aussi des bars, soles et mérous ainsi que
pêcheries fixes dont les lagunes et surtout les hauts- les principales espèces de céphalopodes comestibles
fonds du littoral tunisien fournissent un (calmars, poulpes, sèches). Ces dernières sont partout
échantil onnage des plus remarquables. Un premier exemple capturées en Tunisie par un autre type de piège très
d'une pêche essentiellement côtière fondée sur simple (karouf) ce sont des amphores ou des blocs
:

l'installation de pièges est celui des cherfiya de grès dunaire évidés au centre et où les poulpes

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272 Conclusions

Fig. 176. Cherfiya sur les bancs des Kerkennah.

sont attirés par des appâts. Ils sont déposés au fond ment peu de traces, on se contentera de présenter les
de l'eau et reliés les uns aux autres par une corde arguments qui autorisent à suggérer l'hypothèse d'une
(Romdhane 1998, p. 67). origine très ancienne de ces techniques de pêche au
Des pêcheries fondées sur le même principe que piège. Dans leur enquête sur le golfe de Gabès,
les cherfiya, mais formées de simples claies végétales Servonnet et Laffitte (1888, p. 333) avaient fait valoir
et en fait amovibles, les zroub, caractérisent les bancs que, dans des textes anciens, Jerba et les Kerkennah
proches de Jerba (fig. 9). De même, les grandes bordi- étaient déjà décrites comme étant « environnées de
gues installées dans les passes de la Bahiret el Biban pieux ». Il s'agit vraisemblablement d'une allusion au
(fig. 177), comme celles de Tinja, sur l'émissaire dans Stadiasme (112), dont Tissot (1884, p. 180) a
le lac de Bizerte de la Garaa Ichkeul, et constituées démontré qu'elle devait s'appliquer en réalité aux îlots
aujourd'hui d'installations métalliques et dotées de proches de Monastir, en particulier celui de Ghadamsi
chambres de capture grillagées (fig. 54 et 178), ont réputé naguère encore pour sa tonara. La notation
succédé à des ouvrages traditionnels beaucoup plus par le Stadiasme, près d'un promontoire qu'il ne
rustiques et légers, en clayonnages de branches de nomme pas, de ces îles « entourées de pieux ou de
palmiers ou de roseaux (Bonniard 1934b, p. 49). palissades » (eskolopismend) n'en est pas moins
La question essentielle à laquelle nous précieuse car elle est de nature à suggérer l'existence
souhaiterions pouvoir répondre est dans quelle mesure ce dans l'antiquité de pêcheries en cet endroit. Celles-ci
type de pêcherie fixe dont le haut degré d'élaboration auraient pu consister en un dispositif de pêche au
indique une parfaite adaptation à l'environnement guet où, sur des piquets, étaient montés à poste des
littoral, pouvait exister déjà sur les mêmes côtes dans filets de madrague, sur le mode décrit de nos jours en
l'antiquité. Faute de preuve archéologique difficile à Grèce sous le nom de taliani (Guest-Papamanoli
recueillir s'agissant d'un matériel laissant 1986, p. 190).

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Les activités littorales et halieutiques 273

Fig. 177. Grande bordigue à l'entrée de la Mer des Biban.

Fig. 178. Sparaillons dans une chambre de capture de la bordigue des Biban.

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274 Conclusions

En ce qui concerne plus précisément le golfe de tions des auteurs anciens, sont également présentes
Gabès, le premier témoignage assuré de la présence dans les aires de hauts-fonds des côtes tunisiennes.
de pêcheries fixes est celui d'Ibn Hauqal, au Xe s. Utilisant indifféremment des claies mobiles ou des
(trad. Kramers et Wiet, p. 67), qui mentionne à Sfax la filets, ces pêcheries volantes consistent à réaliser des
pratique de pêche à l'aide de dispositifs qu'il désigne barrages circulaires ou semi-ciculaires pour encercler
sous le nom caractéristique de zarb. La pêche aux les bancs de poissons. La gemma et la dâra qui sont
pièges étant placée pour les Anciens sous le signe de pratiquées à marée haute, l'une en mer, l'autre à partir
Mercure (Oppien III, 9-28), il n'est pas interdit de du rivage, en sont deux variantes. On commence par
suggérer que la colonie de Thaenae, bien placée pour circonscrire une certaine étendue de mer - avec ou
commander, entre les îles Kneiss et celles de sans bateau - puis on rabat le poisson sur les claies
Kerkennah, les bancs les plus étendus de la Syrte, a ou filets ; des pêcheurs se mettent alors à l'eau pour
été qualifiée pour cette raison de Mercurialis (CIL VI, l'effrayer à l'aide de bâtons. Un procédé plus original,
1685 = ILS 6llla) ; les vestiges d'un quartier appelé en Tunisie demmâsa ou sautade, est utilisé
d'industries halieutiques y est au demeurant visible, entre la pour capturer le mulet sauteur : il associe un filet
mer et le rempart, ce qui implique la présence, dans vertical qui fait barrage et une série de claies
l'antiquité romaine, d'une population de pêcheurs disposées en couronne autour et destinées à recueillir les
(Trousset 1992, p. 327). Notons que le culte de poissons qui tentent d'échapper en sautant à la
Mercure est attesté aussi dans les ports syrtiques de chambre de capture. Dans l'épisode très enjolivé par
Lepcis et de Gigthis, mais dans ces deux cas la Pline, où « les dauphins pèchent de société avec
référence au dieu du commerce (ou des huileries) paraît l'Homme » dans l'étang de Lattes (HN, XIX, 29), ceux-
s'imposer davantage. ci jouent le rôle de rabatteurs inconscients, ce qui
A l'appui de l'hypothèse d'une origine antique de n'est pas sans évoquer des pratiques traditionnelles de
ces installations très élaborées sur les hauts-fonds de pêche signalées sur les côtes de Mauritanie, chez les
Tunisie, un nouvel argument est l'exemple des Imraguen du banc d'Arguin. Ils ont observé que
pêcheries fixes ou haddrah de Bahrein dans le golfe Arabo- lorsque les dauphins étaient présents, le poisson se
Persique (Desse-Berset 1995, p. 7-18), en tous points rapprochait plus de la côte et de ce fait la pêche était
comparables aux cherfiya de Kerkennah : même meilleure. Quand celui-ci est hors de portée, ils
écosystème de côte basse à marée, même utilisation frappent la surface de l'eau pour imiter le bruit des mulets
du palmier pour la réalisation des longues palissades sauteurs et attirer ainsi les dauphins qui rabattent le
se terminant en forme de flèches qui retiennent les banc vers la côte (Busnel 1973, p. 112-131 ; Maigret
poissons quand la mer se retire. Le rapprochement 1985, p. 210). De même, à Latera, les pêcheurs
peut s'étendre aux systèmes de vie des populations sachant que les bancs de mulets sortaient des étangs
concernées : on remarque la même appropriation des à date fixe, ont pu mettre à profit le fait que les
espaces littoraux où s'étendent cherfiya et haddrah ; dauphins les empêchaient de gagner des eaux plus
celles-ci sont le fait de cultivateurs-pêcheurs qui ont profondes. On remarque dans le texte de Pline qu'on
étendu leur espace de subsistance sur les zones les péchait alors avec des barrages de filets montés sur
côtières et non de marins véritables dont l'activité des perches : turn piscatores circumdant retia
serait tournée vers la haute-mer. Or, l'existence de ces furcisque sublevant, ce qui n'est pas sans rapport avec
pièges à poissons est mentionnée dans le golfe les bordigues et autres moyens traditionnels mis en
Persique dès les temps sumériens où leur est appliqué oeuvre sur les hauts-fonds de Tunisie. Ces techniques,
le terme spécifique de durun. Leur fonctionnement bien connues des ethnologues puisque toujours
est décrit plus tard par Arrien (Hist. Alex. VIII, 29, 12) pratiquées, permettent la capture d'importantes quantités
sur la côte des ichthyophages du Baloutchistan et, de poissons, sans commune mesure avec les besoins
plus précisément, sur celle de Babylonie par Diodore immédiats de la consommation vivrière (Arcelin 1986,
de Sicile (Bibl. Hist. Ill, 22, 2-3 ; Desse-Berset 1995, p. 17).
p. 9-12). D'autres techniques de pêche semblables à celles
Des pêcheries fondées sur les mêmes principes, d'aujourd'hui sont amplement évoquées, à la fois en
mais mobiles et qui ont leur réplique dans les d'autres lieux de la Méditerranée par les anciens

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Les activités littorales et halieutiques 275

traités d'Halieutique et en Tunisie même par le les pratiques anciennes et celles d'aujourd'hui : il
témoignage des mosaïques. Le principe de base est n'est pas jusqu'à la flexion de genou d'un hâleur de
identique, qu'il s'agisse de pêche au thon à la madrague senne de plage d'aujourd'hui qui ne trouve son
ou bien de pêche à la senne (sagenà) déployée au exacte réplique sur une mosaïque du Musée de Sfax
large à l'aide de barques et halée sur le rivage à bras (Massigli 1912, pi. 1).
d'hommes ou avec des attelages de boeufs comme le Sur le plan technologique, il y a de même une
montre si bien la mosaïque d'El Alia (Picard 1990, grande similitude et peut-être une certaine
p. 11). Le lieu de pêche est choisi en fonction de la permanence entre les outils de pêche de l'époque romaine
configuration du rivage et les bancs de poissons et celles qui étaient encore la règle dans un passé
signalés par des guetteurs (Elien XV, 5 ; Oppien III, récent. En fait, des instruments de pêche aussi
633-648) ; l'opération consiste alors à encercler ceux- fondamentaux que la ligne dormante ou la ligne de
ci par une manoeuvre qui s'apparente à la chasse au fond, le filet avec son double dispositif de flotteurs
filet. C'est ce qu'illustre fort bien une mosaïque de la et de pesons pour maintenir la nappe verticale,
Maison des « Pêcheurs-Chasseurs » à Utique, où les appartiennent à la préhistoire de la pêche (Cleyet-
deux activités sont curieusement assimilées de telle Merle 1990, p. 146). La nasse elle-même, engin
sorte que des pêcheurs en barque rabattent du gibier pourtant perfectionné, muni qu'il est d'un goulet
de terre ferme dans un filet dont la forme en demi- aux parois conçues pour s'écarter dans le sens aller,
cercle s'inscrit dans une abside (Alexander et Ennaifer mais non au retour afin de retenir prisonnier le
1976, p. 3D. poisson, est une bonne illustration de cette immua-
Pour finir, on ne manquera pas de rappeler les bilité des techniques. Seul, si l'on en croit Ovide
quatre sortes d'engins et de procédés de base qui, (Halieutica 9-14), le scare, par son adresse,
selon une division constante des traités réussirait à s'en échapper : « à reculons, en frappant l'osier
d'halieutique, caractérisaient la pêche dans l'antiquité : la par des coups répétés, il la distend, se faufile et
ligne, le filet, la nasse et le harpon (Elien XII, 43). On s'évade dans les eaux sûres ». La drina actuelle du
a pu y voir l'inspiration d'une mosaïque de Sousse golfe de Gabès est à coup sûr une nasse identique à
(fig. 179) où sont figurées quatre barques de celle qui devait être tressée sur le litus Iuncense
pêcheurs (Foucher I960, n° 57.204). En fait, sur cette (aujourd'hui bled Smara = le pays des joncs ;
mosaïque sont représentées deux scènes de pêche fig. 180). Son principe est défini en ces termes par
au filet : l'une au filet lancé, l'épervier, l'autre au filet Festus (118) nassa estpiscatori vasi genus quo cum
:

traînant, la senne ; les deux autres barques intravit piscis exire non potest : « la nasse est une
correspondent respectivement à la pêche à la ligne et avec sorte d'instrument pour pêcheur tel que le poisson
nasses. Peut-être faut-il avoir présent à l'esprit le qui y entre ne peut plus en sortir. » De même, la
discours philosophique qui, dans les textes auxquels pêche au harpon (ou au trident) pratiquée naguère
la mosaïque pouvait faire écho, accompagnait ces dans les eaux boueuses soumises à des
représentations dans les cercles lettrés et qui en dessèchements saisonniers est-elle attestée à la fois par les
biaise quelque peu la portée documentaire. Ainsi sur textes anciens et par l'archéologie dans les étangs de
une autre mosaïque de Sousse (Foucher I960,
n° Narbonnaise (Arcelin 1986, p. 15).
57.095) sont figurées, comme en opposition, Une telle permanence à travers le temps, pour être
d'une part la pêche au harpon réputée noble parce un phénomène courant en technologie n'en fait pas
que l'homme, dans la posture de Neptune, est moins problème : Leroi-Gourhan en a rendu compte
confronté directement à l'animal, d'autre part la (1973, p. 424) en alléguant qu'un outil ou un procédé
pêche aux pièges (des nasses), traîtresse et donc technique pouvait durer très longtemps, dès lors que
indigne des honnêtes gens (Lubchansky 1997). Il les objectifs pour lesquels il avait été créé étaient
reste que, comme nous le verrons, beaucoup de ces atteints : « tout besoin normalement satisfait conserve
représentations des scènes de pêche sont marquées ses moyens ». C'est ce que les parallèles entre les
très souvent d'un caractère des plus réalistes. Par scènes de pêche évoquées dans nos sources et les
exemple, l'analyse comparative des gestes et des techniques traditionnelles actuelles tendraient à
attitudes corporelles révèle une grande similitude entre démontrer (Ferchiou 1985, p. 663).

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276 Conclusions

Fig. 179. Scènes de pêche dans une mer poissonneuse (mosaïque de Sousse).

Fig. 180. Nasses (drina) sur les rives du golfe de Gabès.

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Les activités littorales et halieutiques 277

B - Bilan des données sur l'activité pêche côtière bénéficie, nous l'avons vu, de conditions
halieutique en Africa favorables sur les 1300 km du littoral tunisien et tout
particulièrement sur sa façade maritime orientale, plus
Parmi les activités économiques qui ont valu à avantagée que la côte nord par l'extension des hauts-
l'Afrique du Nord antique cette prospérité attestée par fonds qui la bordent.
tant de témoignages archéologiques, l'accent doit être Les données spécifiques à l'Afrique antique sur
mis davantage qu'il ne l'a été fait jusqu'à présent sur cette activité et les industries qui en dérivaient sont
l'exploitation des richesses de la mer et du littoral. A très diverses mais d'une valeur documentaire fort
juste titre, on a longtemps mis en exergue les prouesses inégale et pour ainsi dire inversement proportionnelle
de la mise en valeur du potentiel agricole de ces pays à leur abondance même. Ainsi, malgré leur précision,

:
V Africa, c'est bien connu, avait fait fonction de « grenier on ne peut attendre beaucoup d'information des
de Rome » ; ses ports avaient exporté massivement la témoignages directs fournis par les textes anciens eux-
production de ses plaines céréalières pour nourrir, en mêmes, car ils ne sont guère prolixes sur ce type
particulier, la population de la capitale de l'Empire. En d'activité, du moins pour la période antique. En
ce qui concerne plus particulièrement les régions revanche, une autre source d'information est le
côtières de la Byzacène (le Sahel d'aujourd'hui) ou de répertoire des images, au contraire très richement fourni,
la Tripolitaine antique (en Tunisie, de la Bahiret el en Tunisie surtout, grâce aux innombrables
Biban à Gabès), c'est la production oléicole africaine mosaïques d'époque romaine ayant pour sujet la faune
qui alimentait - en concurrence avec celle de la marine et les scènes de pêche. Mais, comme nous le
Bétique espagnole - le marché romain : les cargaisons verrons, cette source documentaire oppose à
d'amphores africaines retrouvées dans les épaves sur l'interprétation historique une manière d'effet d'écran,
les côtes nord de la Méditerranée en faisaient foi (Zevi marquée qu'elle est, en raison de sa nature même, par
et Tchernia 1969, p. 173-224). Si le port circulaire de le jeu des conventions iconographiques. Enfin, nous
Carthage est à présent reconnu pour avoir joué un rôle disposons à présent de très nombreux témoignages
dans l'organisation de l'annone (Hurst 1994, p. 98), de archéologiques qui concernent il est vrai, beaucoup
nombreux ports de la façade maritime sahélienne ou moins les vestiges laissés par la pêche elle-même que
syrtique, comme Hadrumetum (Sousse), Leptiminus par les activités qui en découlaient, comme les
(Lamta), Sullecthum (Salakta), Thaenae (Thyna), sont industries de salaison (salsamenta) ou une autre forme de
réputés avoir participé au commerce méditerranéen de traitement d'un produit de la mer, l'industrie de la
l'huile. Mais de nouvelles analyses des amphores pourpre (purpurea).
importées en Europe, et, sur place, une meilleure
connaissance des sites côtiers de Tunisie permettent à
présent de diversifier le tableau des productions et a -Les sources littéraires
exportations africaines (Ben Lazreg et al. 1993).
C'est ainsi qu'à Salakta (fig. 181 a et b) et à Nabeul Parmi les documents textuels, une part trop
(Neapolis) on connaissait déjà l'existence d'importantes réduite revient aux inscriptions : très peu de données
usines de salaison de poissons dégagées par les épigraphiques nous renseignent autrement que de
archéologues il y a une quarantaine d'années (Darmon 1967- manière allusive sur les catégories professionnelles
68, p. 271-283 ; Foucher 1970, p. 17-21). De nouvelles engagées dans l'activité maritime ou littorale. Seuls de
recherches actuellement en cours sur le site de Nabeul grands armateurs ou naviculaires sont connus par des
ont déjà permis de préciser le fonctionnement et la inscriptions, ce qui s'explique par leur rang social,
chronologie de cet établissement (site n° 135). Mais ce mais leur activité principale était le grand transport
cas n'est qu'un exemple parmi d'autres qui seraient de maritime - en particulier celui de l'annone pour le
nature à réviser complètement le tableau de l'économie ravitaillement en blé de Rome - et non la pêche. En
africaine en attirant l'attention sur une spécialité qui revanche, les géographes anciens et les itinéraires
n'était guère connue pour l'antiquité qu'en Maurétanie maritimes ou routiers de l'antiquité nous ont laissé
tingitane : les industries de traitement du poisson (Curtis quelques indications toponymiques en relation avec
1991, p- 64-71). Ceci ne devrait pas surprendre car la l'activité halieutique. Par exemple, dans le Périple de

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278 Conclusions

Fig. 181 a. Cuves et citerne de l'usine de salaison de Salakta.

Scylax, un document fortement remanié qu'on date avec la Petite Syrte. La présence de salaisons dans la
ordinairement du IVe s. av. J.-C, avec un mixage de Mer des Biban est cependant confirmée, quatre siècles
données plus anciennes du VIe s., il est question de plus tard, par le géographe Strabon (XVII, 18) qui
taricheiai, c'est-à-dire de salaisons, à un jour de signale des conserveries de toutes sortes, mais aussi
navigation d'Abrotonon (Sabratha) (Desanges des ateliers de pourpre dans le lac Zouchis, nom grec
1978, p. 100-101, 408-410). Elles sont situées en face de la Bahiret. L'enquête archéologique a reconnu
de l'île des Hauts-Fonds (Jerba), ce qui pourrait effectivement en ce lieu un centre important de
correspondre à Gigthis. Mais plus loin, avant Neapolis, salaison, sur le site de Mdeina (Drine 1992-93). Des
est évoqué un lac communicant avec la mer par « une taricheiai sont également mentionnées par le même
petite embouchure »> et qu'on a de bonnes raisons Strabon, dans des îles entre Hadrumète et Thapsus
d'identifier avec la Bahiret el Biban, à moins qu'il ne (Rass Dimas), où se trouve le banc des Curiates (XVII,
s'agisse de quelque lagune voisine d'Hergla au fond 16). Une autre industrie souvent associée aux
du golfe d'Hammamet, lequel ayant été confondu salaisons de poisson est l'extraction de la teinture de

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Les activités littorales et halieutiques 279

DD

"5T rr i.

Fig. 181 b. Usine de Salakta. Relevé G. Hallier.

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280 Conclusions

pourpre à partir du Murex trunculus. C'est une Certains témoignages sur la pêche artisanale sont
industrie qui a été introduite de longue date par les d'autant plus intéressants qu'on peut les rapprocher,
navigateurs phéniciens et qu'on retrouve à l'époque romaine nous l'avons vu, de pratiques traditionnelles encore
aux deux extrémités du Maghreb : elle est signalée en usage récemment sur les côtes de l'Afrique du
par Pline l'Ancien (HN, IX, 60) à la fois aux îles Purpu- Nord. Dans la lettre de Pline le Jeune (Epist. IX, 33, 6)
raires (près de Mogador, Essaouira au Maroc) et à à propos de l'histoire de dauphin apprivoisé, l'auteur
Meninx dans l'île de Jerba (n° 16). Au dire de Pline, la rapporte que « la population formée de marins de
pourpre de cette dernière était des plus réputées dans naissance » {homines innutridos mari) péchait de son
l'antiquité, à l'égal de celle de Tyr en Asie : Tyriprae- temps dans le canal de Bizerte {Hippo Diarrthytus),
cipuus hic Asiae ; in Méninge Africae. De très soumis au courant alterné de la marée. Peut-être
importants dépotoirs de coquilles de murex en font foi, qui pêchait-on, comme on le faisait encore jusqu'à la fin
sont effectivement repérables en bordure du rivage, à du siècle dernier, à l'aide d'un mulet femelle attachée
El Kantara, parmi les vestiges du port de Meninx à un fil et qui servait d'appât. Lorsqu'un troupeau de
(fig. 20). On sait aussi par un document administratif mâles la suivait, on jetait l'épervier.
du Bas Empire {Notifia Dignitatum, Occ, XI, 70), Les quelques éléments de description fournis par
qu'un Procurateur financier était en charge des les textes anciens suffisent néanmoins à montrer que
teintureries de pourpre, cette spécialité de Jerba : la pêche dans l'antiquité est, par sa technique,
Procurator Baphi Girbitani provinciae Tripolitanae. Enfin, beaucoup plus une pêche littorale très artisanale qu'une
l'industrie de la pourpre se pratiquait aussi, selon pêche hauturière à grand rayon d'action. Si certains
Solin (XXVI), sur les côtes actuelles de l'Algérie, à caractères « industriels » sont à relever dans ce secteur
Chullu (Collo). d'activité, avec une concentration des moyens mis en
Sur la pêche proprement dite, le témoignage le oeuvre, notamment des capitaux, c'est sans doute -
plus intéressant par la qualité de l'information comme nous le verrons - au niveau des installations
géographique qu'il nous donne à connaître, est à terre, de traitement ou du conditionnement des
encore celui de Strabon (XVII, 16) à propos des côtes produits de la pêche. Celle-ci était donc
du Byzacium dont le nom arabe est dérivé de essentiel ement une pêche d'estuaires, de lagunes et de hauts-
l'ancien nom latin de Caput Vada (ou vadorum), ce fonds (Lassère 1977, p. 368). Ainsi s'explique qu'elle
qui signifie « la tête des hauts-fonds », l'auteur trouvait des conditions très favorables sur la façade
mentionne l'existence de guettes à thons {tunnosco- maritime orientale de la Tunisie où la plate-forme
peia). Sur cette inflexion majeure de la côte à l'entrée continentale est particulièrement développée. La
des hauts-fonds de la Petite Syrte (le golfe de Gabès faible profondeur des eaux permet une pénétration de
d'aujourd'hui) qui s'étendent jusqu'aux îles la lumière solaire jusqu'au fond de la mer et par là une
Kerkennah, on imagine aisément, car la pêche au flore sous-marine abondante et variée. Le découpage
guet se pratiquait encore récemment en différents de la côte en golfes et presqu'îles, la présence, au Sud-
secteurs des côtes tunisiennes, la présence de ces Est de la Tunisie, de quasi-lagunes comme la Mer de
observatoires rustiques qui signalaient le passage des Bou Grara et la Bahiret el Biban - respectivement les
bancs de thonidés pendant la campagne de pêche lacs Triton et Zouchis des Anciens - multiplient les
(fig. 172). En d'autres lieux comme à Tacape situations d'abri (Mzabi 1993, p. 248). Au contraire,
(Gabès), la pêche se faisait plutôt dans les cours sur la côte nord à l'ouest de Bizerte ainsi que tout au
d'eau remontés par la marée. Une autre spécialité du long de la côte algérienne actuelle, dans les anciennes
golfe de Gabès connue depuis l'antiquité d'après provinces romaines de Numidie et de Maurétanie
Pline l'Ancien {HN, IX, 69, 2 ; XXXI, 47), est la pêche césarienne, les conditions sont beaucoup moins
des éponges. Une inscription découverte dans le Sud favorables : la faible extension de la plate-forme
de la Numidie, le « tarif de Zaraï » {CIL VIII, 18643), continentale en bordure du domaine plissé atlasique,
mentionne les éponges parmi d'autres marchandises ainsi que la rareté relative des sites bien abrités contre
- comme le garum et les tissus de pourpre - taxées les vents dominants de nord-ouest expliquent que
au passage de l'octroi et pouvant provenir aussi de cette pêche, somme toute assez rudimentaire, n'était
la Petite Syrte. guère possible sinon localement, à l'abri des promon-

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Les activités littorales et halieutiques 281

toires de la côte ou bien aux débouchés des cours l'étude (Picard et al. 1911 , p. 23), sur le pavement
d'eau, comme l'indique assez clairement l'exemple de complet, il devait y en avoir plus de deux cents. Le
l'oued Zaouara. désir de voir figurer un tel décor dans une salle à
En revanche, à l'extrémité du Maghreb, une autre manger (un triclinium) - ce qui est rare - peut
région particulièrement favorisée pour la pêche est la s'expliquer dans le cas précis de Maktar par un souci de
côte atlantique de la Maurétanie tingitane, aux abords prestige et d'ostentation : le poisson était une
du détroit de Gibraltar, là où les migrations de nourriture de luxe, surtout dans une ville éloignée de la mer.
thonidés passant chaque année d'une mer à l'autre, D'une même veine est sans doute ce motif connu par
déterminent des conditions tout à fait exceptionnelles plusieurs exemples, notamment à Sousse, d'un
mises en valeur depuis l'antiquité, aussi bien sur les couffin en sparterie d'où s'échappent, « en jonchée »,
côtes marocaines que sur les côtes ibériques. divers poissons sur un sol lui-même mosaïque.
L'importance des industries dérivées de la pêche y est attestée L'image est bien celle de la richesse du propriétaire
par l'archéologie et, en ce qui concerne les rives étalée au regard du visiteur, à l'instar de l'abondance
ibériques du détroit, par de nombreuses allusions des généreuse de la mer nourricière. Mais dans les cas les
auteurs anciens (Curtis 1991, p. 46). Mais nous plus fréquents, les pavements à décor aquatique
sommes là dans un domaine géographique qui étaient simplement en accord avec la logique
échappait à nos investigations. architecturale, c'est-à-dire avec la destination naturelle des
lieux, qu'il s'agît des fontaines par exemple ou des
bassins d'agrément où l'eau circulait constamment. La
b —Les données iconographiques Maison dite de la Cascade à Utique, avec son décor de
poissons, est la meilleure illustration de ces effets
Un autre registre documentaire est constitué par illusionnistes très appréciés des Romains de l'époque
les mosaïques africaines d'époque romaine s'il est impériale. Il est à mettre en rapport aussi avec ce goût
:

une série très richement représentée en Afrique du pour les viviers dont les riches villae de bord de mer
Nord, tout particulièrement en Tunisie et qu'on peut étaient pourvues. Mais il y a pour expliquer le succès
venir voir dans les collections du Musée du Bardo ou du thème ichtyologique une autre explication : ces
dans celles des Musées de Sousse ou de Sfax, c'est motifs se voient assigner en plus d'une fonction
bien la série des mosaïques dont les motifs sont ornementale rafraîchissante, une fonction prophylactique.
consacrés à la mer, à sa faune, aux navires et aux L'image bien connue du poisson qui écarte le mauvais
scènes de pêche. Elle serait en principe tout à fait de oeil dans le folklore méditerranéen était déjà revêtue
nature à nous renseigner sur les espèces pêchées sur dans l'Afrique antique d'un pouvoir bénéfique
les côtes africaines dans l'antiquité, sur les méthodes d'énergie vivifiante ou de protection contre les
de pêche et peut-être, indirectement, sur la place de influences néfastes voire, dans certains cas, d'une
cette activité dans l'économie antique. En effet, la valeur symbolique surnaturelle. Une des plus belles
faveur de ces thèmes marins et ichtyologiques ne se mosaïques de Sousse, celle de la catacombe
démentira pas pendant les quatre siècles d'activité des d'Hermès, montre que la figuration des poissons
ateliers africains, du IIe au Ve s., et il sera traité non pouvait être bienvenue dans une tombe
seulement dans les ateliers des villes maritimes non-chrétienne (Picard 1977, p. 32).
comme Utique, Acholla, Hadrumète ou Carthage, En ce qui concerne pour notre propos la valeur
mais aussi, quoiqu'un peu plus rarement, dans les documentaire de ces mosaïques, la question
villes de l'intérieur. Les propriétaires terriens tout fondamentale est de savoir dans quelle mesure la faune
autant que les armateurs ou les patrons de pêche se marine qui y est figurée correspond bien à une
plaisaient donc à s'entourer de scènes marines. C'est représentation réaliste des espèces susceptibles d'avoir été
ainsi que la mosaïque ichtyologique de la Maison de capturées sur les côtes africaines et non à des
Vénus à Maktar est le plus grand ouvrage antique représentations conventionnelles élaborées par les ateliers
consacré à la faune marine. Dans la partie conservée africains à partir de modèles italo-hellénistiques ayant
de cette mosaïque, on ne compte pas moins de 152 circulé à travers la Méditerranée. Il est difficile d'y
animaux marins ; d'après G. Ch. -Picard qui en a fait répondre sans une étude comparative approfondie.

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282 Conclusions

Celle-ci a été tentée pour un certain nombre de est question d'une pêche avant tout côtière ou
mosaïques de Tunisie (Besrour 1970, p. 40-51). L'analyse de pratiquée dans des eaux peu profondes.
plusieurs d'entre elles particulièrement Il serait néanmoins opportun de tempérer d'une
représentatives par la richesse de leur faune marine nous servira note de prudence ce qu'il pourrait y avoir d'illusoire
de référence : celle de la Maison de la Cascade à dans des conclusions trop tranchées en faveur d'une
Utique (Alexander 1973, p. 48, 55), celle du décor de observation directe de la réalité locale par les
la fontaine de la Maison du Triomphe de Neptune à mosaïstes. Le problème d'interprétation de ces motifs
Acholla (Gozlan 1975, p. 119) et surtout celle de la marins demeure entier, marqué qu'il est d'une
Maison de Vénus à Mactar (Picard, p. 30-35). Au sujet double forme d'ambiguïté. D'une part, on doit
de cette dernière est suggérée la possibilité d'une constater que les mêmes associations de poissons se
observation directe auprès des étals de poissonniers trouvent effectivement figurées en d'autres lieux de la
ou même en plongée car « la mosaïque de Mactar Méditerranée depuis l'époque grecque et surtout
donne l'impression d'animaux voguant dans leur hellénistique (Delormes et Roux 1987). Ces motifs
élément naturel ». D'après G. Picard, les mosaïstes n'ont-ils finalement pas été choisis par les mosaïstes
auraient été originaires d'une contrée maritime - sans africains dans un répertoire de modèles halieutiques
doute la côte de Byzacène - et ils se seraient conventionnels ? Un tel répertoire s'était constitué
spécialisés dans ce genre de figuration. Dans la grande depuis longtemps et aurait été exploité par les
diversité des espèces représentées, on distingue par artistes d'époque romaine en raison des effets
familles : les sparidés comme le pageau ou la pittoresques qu'ils pouvaient tirer de la diversité
daurade, les serranidés comme le loup, les mugilidés chatoyante et contrastée des formes et des couleurs
comme le mulet, les labridés (girelle) et les sciénidés du monde aquatique. D'autre part, un problème de
(maigre), mais aussi les poissons plats (torpilles) fond subsiste également, plus subtil sans doute, mais
présents à Utique, de même que les anguilles et les difficile à éluder face à une approche par trop
murènes ou autres « poissons aiguilles » figurés à réaliste ou scientifique de la faune marine figurée sur
Hadrumète et Acholla, mais absents des emblemata ces mosaïques. En dépit de leur grand mérite, les
hellénistiques. On note aussi la présence de tentatives d'identification qui ont été pratiquées
mollusques, des poulpes et des sèches surtout, de méduses jusqu'à présent - avec le concours de spécialistes de
et d'oursins ainsi que des crustacés. En revanche, il l'ichtyofaune dont la compétence n'est pas ici en
n'y a pas de squales et de thonidés, ni de dauphins, cause - ont sous-estimé en général le fait que ces
alors que ces derniers sont présents à Thuburbo Majus espèces n'étaient pas perçues par les Anciens à
dans une scène de pêche plus tardive, sur un travers les mêmes catégories que celles de la
pavement de la Maison du Char de Vénus (Ben Abed 1987, zoologie moderne. Les caractères distinctifs utilisés
p. 86) et surtout - pour Sullecthum en particulier - sur dans le classement des espèces ou des familles
les mosaïques des naviculaires d'Ostie (fig. 31). Mais n'étant pas les mêmes que pour nous, il en résulte
il s'agit dans ce dernier cas de figurations qui que la perception même que les Anciens pouvaient
s'inscrivent dans un registre symbolique différent, en rapport avoir de cette faune dans la diversité de ses formes
avec le commerce au long cours. Au contraire, toutes n'est pas superposable, en toute rigueur, à la nôtre
les familles de poissons représentées sur les (Higginbotham 1997, p. 43). Il y aurait sans doute
mosaïques ichtyologiques les plus « peuplées » du répertoire une étude à faire sur ce point particulier d'épistémo-
africain sont caractéristiques des espèces que l'on logie pour échapper aux naïvetés d'un certain
rencontre dans le domaine lagunaire et les zones de naturalisme. Au surplus, on doit convenir qu'en bien des
hauts-fonds du littoral de la Tunisie, ou tout au moins cas, nombre de poissons ou de mollusques
de Méditerranée occidentale. D'une manière représentés sur les mosaïques sont, en fait, difficilement
révélatrice, semble-t-il, les espèces sédentaires, classables ce sont des poissons ou des mollusques
:

« benthiques » ou « démersales », vivant dans les fonds, schématisés, sans qu'on puisse rien dire de plus.
y sont mieux représentées que les poissons de En revanche, sans doute y a t-il plus de réalisme à
passage ou migrateurs, ce qui rejoint ce que nous attendre dans la représentation des scènes de pêche sur
avions souligné à propos des données textuelles où il nombre de mosaïques africaines : entre autres, on

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Les activités littorales et halieutiques 283

retiendra tout particulièrement la mosaïque déjà Alia (au Sud de Salakta) à la fin du siècle dernier et
signalée du Musée de Sousse (fig. 179 ; Foucher I960, dont trois fragments sont exposés au Musée du Bardo
p. 91). Elle a été découverte dans un hypogée funéraire (fig. 182). C'était à l'origine un grand tableau, dans
païen annexé ultérieurement à la catacombe d'Hermès. l'esprit des « scènes nilotiques » alexandrines et
On y voit rassemblées en un seul tableau quatre décorant, semble-t-il, un oecus. Il représentait en son
barques figurant quatre types de pêche différents : centre une pêche au filet dans une baie - ou peut-être
leurs occupants - deux par barque - manient plutôt une lagune - poissonneuse : un grand filet
respectivement des lignes, des nasses, un filet tracté (senne) et circulaire, senne ou bourgin, est halé vers la berge par
un filet lancé (épervier). Mis à part les poissons des personnages et un attelage de boeufs placés
représentés dans le filet tracté ainsi que celui pris à la ligne, respectivement aux deux extrémités. Autour de ce lac,
les poissons qui remplissent de leur grouillement tout se déroulait un vaste littoral couvert de constructions
le champ de la mosaïque sont hors de proportion avec diverses parmi lesquelles on remarque, dans un décor
les pêcheurs et leurs embarcations. Ils auraient été agreste, des édifices sacrés et une riche propriété
empruntés à un autre prototype, sans souci d'échelle. maritime comme on pouvait en voir en Italie, mais
Une autre mosaïque de Sousse montre, au milieu de comme l'archéologie peut en révéler aussi l'existence
poissons également surdimensionnés et sur la côte du Byzacium. Ici encore, il faudra faire la
soigneusement représentés comme sur une planche d'histoire part des poncifs empruntés au répertoire idyllique en
naturelle, deux scènes de pêche en barque, l'une aux vogue à cette époque (au IIe s. ap. J.-C.) et celle des
nasses, l'autre au harpon. éléments pris dans la réalité locale (Picard 1990, p. 3-
On peut donc répertorier les cinq manières 14). A cette dernière se rattache la végétation figurée
habituelles de pêche : à la ligne, à l'épervier, à la nasse, au qui est africaine, les huttes coniques en roseaux ou
harpon et au filet flottant ou traînant. Elles sont mapalia et surtout, assurément, la technique de pêche
pratiquées sur des barques montées par des pêcheurs en elle-même, traditionnelle sur les côtes basses du Sahel
groupe. Plus rarement, on est au bord de l'eau comme tunisien. L'accent doit être mis sur le fait que cette
sur la mosaïque de Dougga où un pêcheur coiffé de activité est présentée ici dans son cadre
son chapeau de vannerie est calmement assis sur un socio-économique général, qui est celui du grand domaine : la
rocher, tenant d'une main sa ligne et de l'autre une pêche devait figurer en bonne place parmi les sources
épuisette. A la différence des scènes de chasse où l'on de la richesse d'un grand propriétaire privé (Belz
assiste au divertissement d'aristocrates terriens 1978, p. 99-100).
représentés en grand apparat accompagnés de leurs Une autre mosaïque découverte au début du
rabatteurs et de leurs valets, les scènes de pêche - à moins siècle à Sidi Abdallah dans les environs de Bizerte
qu'il ne s'agisse de fantaisies parodiques mettant en retiendra aussi notre attention (fig. 183). Elle nous
scène des amours pêcheurs - montrent des petites gens montre, dans un tableau des plus pittoresques, un
du pays observés avec soin dans les gestes précis de paysage marin où s'ébattent pêcheurs et poissons.
leur activité professionnelle. La pêche est un métier qui L'atmosphère n'est pas sans rappeler celle des lieux-
est saisi, on a tout lieu de le penser, tel qu'il s'exerçait mêmes où Pline le Jeune place son histoire d'amitié
réellement sous les yeux des mosaïstes, le long des singulière d'un dauphin et d'un enfant, au livre IX de
côtes africaines (Besrour 1970, p. 76-104 ; Dunbabin sa Correspondance. On y voit des baigneurs, un
1978, p. 125). Les embarcations, des canots à coque de monstre marin engloutissant un nageur imprudent,
forme arrondie du type « cymba » ou des barques une scène de pêche en barque où quatre personnages
effilées à l'avant en une sorte d'éperon, de type « vigeiia » halent un filet. Sur le rivage à l'arrière plan, on
ou « placida », sont représentées de façon assez réaliste distingue des habitations de pêcheurs ou des fabrica.
pour être identifiables (Foucher 1952, fig. 30-34). Il en Gauckler (1910, p. 301) s'était plu à reconnaître dans
est de même pour les harpons, les filets et les les « découpures caractéristiques du littoral, l'ancienne
instruments de vannerie ou de sparterie utilisés par ces forme du rivage du lac de Bizerte à Sidi Abdallah ».
professionnels de la pêche (Mingaud 1989, pi. 2.9). Au-dessous du tableau, accolée à une bordure
Dans cette revue des scènes de pêche, une place représentant des dauphins, une inscription de six
de choix doit être faite à un pavement découvert à El hexamètres donne en acrostiche le nom du propriétaire des

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284 Conclusions

Fig. 182. Mosaïque d'El Alia pêche à la senne et villa maritima (Musée du Bardo).
:

mwwut
OFPOSLW

Fig. 183- Mosaïque du Fundus Bassianus (Musée du Bardo).

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Les activités littorales et halieutiques 285

Thermes où se trouvait le pavement : Sidonius, ainsi désormais celles révélées sur le terrain lui-même par
que celui du domaine en question, le Fundus notre prospection systématique du littoral de la
Bassianus, surnommé Baies. Le surnom donné à ce Tunisie.
domaine est très révélateur d'un lieu qui prétendait Parmi les vestiges recensés sur le littoral tunisien,
rivaliser avec un centre de villégiature de Campanie bien peu, il est vrai, se rapportent directement à la
très à la mode dans l'aristocratie romaine. A noter que pêche en tant que telle, car celle-ci pourtant si
Baies était réputée aussi pour les pêcheries et les présente dans le répertoire des mosaïques de Tunisie
parcs à huîtres du Lac Lucrin. Il n'est pas jusqu'au n'a guère pu laisser sur le terrain de traces matérielles,
paysage lui-même du Fundus Bassianus, dominé de ce qui se vérifie aisément au vu des installations très
loin par la silhouette tutélaire de la montagne légères qui, naguère encore, signalaient l'exercice de
d'Ichkeul rappelant si fort celle du Vésuve à l'horizon cette activité le long des côtes du Sahel ou du golfe de
de la Campanie, qui ne puisse expliquer le choix de Gabès. Outre les huttes servant d'abris temporaires
ce surnom, référence voulue à une station célèbre du pendant la saison de la pêche, on remarquait surtout,
monde romain. Au demeurant, la même anecdote remplacées de plus en plus aujourd'hui par les formes
emblématique du dauphin apprivoisé par un enfant de pêche moderne au large et au chalut, les célèbres
qui est représentée sur une autre mosaïque des « pêcheries fixes », madragues ou thonaires de Sidi
thermes de Sidi Abdallah, est évoquée par Pline Daoud ou de Monastir et surtout les cherfias en
l'Ancien (IX, 25-26) à la fois pour le Lac Lucrin et pour palmes fichées dans la vase et qui compartimentent
Hippo Diarrytus, ce qui indique, dans l'esprit de les hauts-fonds de Jerba et des Kerkennah (Louis
l'auteur et du public, une sorte de jumelage 1961, p. 81). On a des raisons de supposer, comme
symbolique entre les deux régions. nous l'avons montré, mais on ne saurait affirmer que
Si l'on admet l'hypothèse lacustre pour le domaine ces techniques traditionnelles étaient déjà pratiquées
représenté sur la mosaïque d'El Alia et que le domaine dans l'antiquité, car seules les nasses d'osier tressées
de Baies peut être identifié avec celui que représente le à claire-voie, les paniers de sparterie et les filets à
pavement de Sidi Abdallah, on se trouverait en grandes mailles apparaissent comme ustensiles dans
présence de deux illustrations remarquables d'une les documents figurés. Quoiqu'il en soit, en attendant
économie domaniale « agro-littorale » intégrant dans que des fouilles nous en apprennent davantage, seuls
leur emprise territoriale une certaine étendue lagunaire les heureux hasards d'une prospection rapide mais
ou lacustre. Ce serait aussi de bons exemples de cette attentive nous ont permis de déceler en quelques
« pisciculture extensive » évoquée en Italie par X. Lafon endroits les vestiges d'établissements dont les
(1992, p. 299) par opposition à la « pisciculture habitants avaient la pêche comme activité principale et de
intensive » dans les viviers artificiels ou piscinae. C'est les distinguer des exploitations rurales situées elles
peut-être d'un tel type de domaine dont il est question aussi parfois en bord de mer. Le plus souvent, le seul
dans les vers de Catulle (114-115, trad. G. Lafaye) et qui indice vraiment probant est la présence de pesons de
était formé à la fois de pacages, de labours et d'étangs filets en terre cuite ou celle d'hameçons de bronze ;
littoraux (Harvey 1979, p. 329-345) : parfois aussi des amas de coquillages associés à des
tessons de poteries et à des petites monnaies dans des
Mentula habet instar triginta iugeraprati vestiges d'habitat assez frustes semblent révéler,
Quadrigenta arvi, cetera sunt maria. comme à l'Henchir Chougaf au Sud de Gabès (fig. 79,

« La verge » a environ trente jugère de prairie, 37), un lieu d'échange possible entre pêcheurs et
quarante de terre cultivée ; le reste équivaut à des oasiens. Enfin, il peut se présenter que des traces
mers. d'activités halieutiques soient associées à des vestiges
d'une grande exploitation agricole de type domanial.
On se trouve alors dans le cas de figure illustré par la
c —Les témoignages archéologiques mosaïque de la pêche à la senne d'El Alia. Un bon
exemple de juxtaposition de deux formes d'habitats
A ces données fournies par les textes anciens ou correspondant respectivement aux activités agricoles
par les mosaïques d'époque romaine, il faut ajouter et halieutiques est fourni par le site d'Henchir bou

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286 Conclusions

Amia (fig. 77, n° 33). La séparation entre les deux Est (exemple : le nuoe-mam des Vietnamiens).
habitats est ici soulignée par l'existence d'une falaise Outre sa valeur alimentaire en raison de sa richesse
morte taillée dans les marnes du Pontien par la Mer en protéine et en sels minéraux, le garum semble
de Rejiche. En contrebas de la falaise, on remarque avoir eu des propriétés thérapeutiques appréciées
d'importants amas de coquilles avec de nombreux par les Anciens.
tessons d'époque romaine (fin me au Ve s.), ainsi que La typologie de ces installations littorales, qu'elles
de petites monnaies de bronze. Ces traces étaient en aient été vouées à la production des salaisons ou des
liaison avec des fonds de cabanes ou de huttes de sauces, est bien connue grâce à des observations
pêcheurs qu'on peut imaginer sur le mode des archéologiques faites depuis une quarantaine
mapalia figurées sur la mosaïque d'El Alia. Au niveau d'années sur les côtes ibériques et maurétaniennes.
supérieur, le site archéologique principal est constitué Au demeurant, les productions d'Espagne étaient des
par les vestiges d'une fortification de l'époque arabe plus réputées dans l'antiquité selon le témoignage des
mais réutilisant elle-même les matériaux d'un centre textes et l'apogée de leurs exportations se situait,
agricole antique étendu. d'après le matériel amphorique retrouvé à Ostie ou
D'autres traces d'établissements du même type se sur les côtes provençales, dans les premiers siècles de
situent dans un environnement littoral lagunaire, l'Empire. Pour s'en tenir aux côtes de l'Afrique du
aujourd'hui répulsif et déserté, mais dont l'occupation Nord antique, sur celles de Maurétanie tingitane (au
dans l'Antiquité tardive ne peut guère s'expliquer Nord du Maroc), on ne compte pas moins d'une
autrement que par l'exploitation des ressources dizaine de sites de salaison qui ont été révélés par
halieutiques de la mer ou des étangs. Les uns se l'archéologie : ce sont les 9 « usines » de Thamusida,
situent en arrière de la dune holocène - entre mer et Lixus, Kouass, Tahadart, Cotta, Sahara, Alcazarsegher,
sebkha - au fond du golfe d'Hammamet (sites n° 124 Sania et Torres. Ces centres sont maintenant bien
à 130), les autres sur la côte orientale du Cap Bon, sur connus grâce aux publications de M. Ponsich et de
la dune holocène du cordon littoral (Oueslati 1993a, M. Tarradell (1965 ; 1988). On peut y ajouter depuis
p. 292). Certains d'entre eux sont reliés à la terre le centre de Ceuta, découvert récemment (Souville
ferme par des chaussées aménagées à l'époque 1993, p. 1856).
romaine à travers les lagunes côtières (sites n° 138- Une seconde série de sites, beaucoup plus spora-
139, 142, 145, 149). On remarque sur tous ces sites de dique, correspond aux points recensés sur les côtes
nombreux tessons d'amphores du Bas Empire, et, au de Maurétanie césarienne et de Numidie. Mais il
milieu des traces de constructions diverses, celles de convient de préciser qu'il n'y a pas encore eu de
cuves de salaison, dont l'identification permet de recension systématique sur l'ensemble des côtes
confirmer et de préciser la vocation de ces algériennes.
établissements littoraux. Sur les côtes orientales du Maghreb, en revanche,
En effet, si la pêche elle-même a laissé fort peu nos connaissances sur ces installations ont beaucoup
de traces archéologiques sur le littoral il n'en est pas progressé depuis plusieurs années. Si jusqu'alors, on
de même pour des activités dérivées d'elle, qu'il pouvait recenser un certain nombre de sites entre
s'agisse du conditionnement du poisson par salaison Bizerte et la Tripolitaine (n° 18 à 35) où des activités
ou d'une industrie plus spécifique qui était associée liées à la pêche devaient exister dans l'antiquité, cette
aux salaisons, celle des sauces ou des pâtes à base information venait beaucoup plus des témoignages
de poisson, appelées selon leur qualité garum, littéraires que des données de l'archéologie. En
liquamen, muria, allée ou hallex (Curtis 1991, Tunisie par exemple, des cuves de salaison ou de
p. 191-196 ; Etienne et Mayet 2002, p. 43-53). Elle garum n'avaient été reconnues et dégagées que sur
consistait à laisser macérer les viscères de poisson deux sites, à Nabeul et à Salakta (Darmon 1967-68,
dans du sel afin d'obtenir par un phénomène d'auto- p. 271 ; Foucher 1970, p. 17-21). Des bassins (en
lyse un produit très relevé dont les Romains étaient réalité des viviers) avaient aussi été signalés dans le
des plus friands et qui s'apparentait fortement à des Cap Bon ; mais l'essentiel venait des allusions des
condiments obtenus de la même manière et géographes anciens aux taricheiai et autres purpurea
consommés actuellement dans toute l'Asie du Sud- du Byzacium et de la Petite Syrte. Depuis la prospec-

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Les activités littorales et halieutiques 287

tion récente des côtes tunisiennes, près de 40 points d'Hammamet et que nous pourrions avoir interprétées
nouveaux (c'est-à-dire un plus grand nombre de sites à tort comme celles de fours à chaux (sites n° 120-
que ceux signalés auparavant sur l'ensemble des côtes 121).
de l'Afrique du Nord) y ont été recensés par la mise Pour ce qui est des vestiges d'industries
en évidence de vestiges archéologiques, qu'il s'agisse halieutiques sur le littoral de la Tunisie, trois groupes
de cuves de traitement des produits de la mer, de régionaux sont-ils à isoler (cf. carte, fig. 184) :
viviers ou de toutes autres traces comme les dépôts de
murex (fig. 20). Cela donne à ces régions un poids 1 - Un groupe sud, de Tripolitaine occidentale,
relatif tout nouveau qui ne pourrait surprendre si on autour de la Bahiret el Biban et de la Mer de Bou
ignorait l'ensemble des conditions géographiques qui Grara au sud de Jerba. Le site de Mdeina est le plus
favorisent l'économie halieutique le long de cette important et le mieux typé de ces établissements
façade maritime de la Tunisie. (fig. 10, site n° 1) : étendus sur plus de 500 m en
La carte qui résume les résultats de ce travail bordure du littoral à l'extrémité sud-est de la lagune,
(fig. 184) montre en effet une forte concentration des ces vestiges de première grandeur avaient été
activités liées aux ressources de la mer dans quelques interprétées erronément comme des alignements de quais
sections du littoral qui sont aujourd'hui encore les et des « cales sèches » dans les premières descriptions
plus favorables à la pêche côtière, grâce à l'extension du site (Rebillet 1892, p. 126). Un examen des
de la plate-forme continentale sur la côte de Byzacène vestiges apparents sur l'estran et dans la falaise a
au Nord de la Petite Syrte. Ailleurs, comme dans le montré qu'il s'agissait en réalité de substructions de
Cap Bon, c'est la configuration même de la côte qui murs en grand appareil et blocage, dans l'intervalle
crée une situation favorable pour la capture des bancs desquelles se devinaient des batteries de cuves
de poissons sur le trajet de leurs migrations. Enfin, la emportées par l'érosion marine. Au sud de Zarzis et à
proximité de salines {stagna ou salinae) était aussi un l'est de Sidi bou Teffaha (n° 13), on peut reconnaître
facteur très favorable à la présence de ces industries, des restes de cuves aux angles arrondis et
notamment dans les zones de lagunes ou de sebkhas caractéristiques par leur enduit étanche en béton de tuileau. Il
si nombreuses le long du littoral de la Tunisie, de la s'agit vraisemblablement des ruines interprétées jadis
région de Carthage à la Bahiret el Biban celles comme les entrepôts d'huile associés à la légende du
:

d'Utique et de la région de Moknine ont été signalées port ancien de Gergis. A Meninx et à Guellala (sites
par César {Bell. Civ., II 37). Il est au demeurant n° 16 et 21), subsistent également d'importants
instructif de rapprocher les zones du littoral tunisien vestiges en bord de mer qui confirment la réputation
où se trouvaient naguère les meilleures conditions du premier pour ses purpurea, et du second comme
d'exploitation du sel marin, en particulier sur la côte centre de production de céramique, en rapport sans
orientale (Kniss, Madhia, Sidi Salem, Kerkennah, doute, de même que d'autres ateliers visités dans le
Thyna, d'après V Encyclopédie Coloniale et Maritime golfe de Gabès, avec le transport des salaisons.
1942, p. 271-272) avec celle des vestiges d'industries
halieutiques anciennes que nous avons recensées en 2 -Un groupe central de Byzacène entre La Skhirra
Tunisie. A la production des marais salants, il est vrai et Hergla. Il coïncide pour l'essentiel avec les zones
mal connue pour l'antiquité, pouvait s'ajouter de hauts-fonds des Kerkennah et des Curiates
localement celle du « sel de plage » sur laquelle l'attention a signalées dans l'antiquité pour leurs pêcheries et leurs
été attirée récemment pour la Maurétanie tingitane salaisons. On y relève au moins six centres majeurs :
(Hesnard 1998, p. 17-24). Sur le littoral tunisien où les à Onga (Iunci), une usine a été mise au jour et
conditions climatiques et morphologiques sont des démantelée par l'érosion régressive d'un chenal de
plus favorables à l'exploitation en grand des salines marée (fig. 12) et d'autres cuves se devinent sur la
naturelles, la fabrication alternative du sel « ignifère » côte à l'aplomb du borj. A Thyna (Thaenae), tout un
attestée par les auteurs anciens pour des côtes plus complexe industriel où l'on reconnaît des cuves de
septentrionales n'est peut-être pas à exclure salaison a été relevé, entre le rempart et la mer, dans
entièrement si l'on prend en compte les traces de foyers le secteur des salines (fig. 13). A Sidi Mansour au nord
identifiées en plusieurs points sur la plage du golfe de Sfax, un grand ensemble de cuves - doté d'une

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288 Conclusions

La Galite
210
J78
175 a
I87 Sidi Oaoud .157
Ut i que °"U
■ \—(Missua)
9 162
208, 152 Demna
170 CarthageJS-171
r! M / raissa 0 Keiibia
* Argoub el Bania
145i

135 Nabeul

127 bis
Hergla 1L123?

Hadrumetum t^-^w /?" Tancheiai


— « Leptiminus

94 Salakta
cuves de salaison
sTm^Caput Vada
usines de salaison
dépôts de murex
viviers 65
68 Sidi Mansour

56 Thy na M/
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5*bV;
100km J Lenne
Fig. 184. Carte des vestiges d'industries halieutiques sur les côtes de Tunisie.

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Les activités littorales et halieutiques 289

chaufferie - a été découvert au cours d'une fouille la plaine alluviale à l'est de la presqu'île (Chelbi 1995,
(n°
d'urgence (fig. 91, 92). A Borj el H'sar 61), p. 38). On y voit des structures en blocage avec enduit
l'antique Cercina, sur la côte occidentale de la grande étanche, qu'on peut interpréter comme des parois de
Kerkennah, l'érosion de la mer a entaillé cuves de salaison ou bien de citernes. Les cuves d'un
vigoureusement une falaise de plusieurs mètres de hauteur, établissement de première grandeur intégrées à un
faisant apparaître en coupe des structures établissement thermal sont bien visibles à Gammarth
(n° 171, fig. 52). D'autres indices sérieux ont été
comparables à celles qu'on peut voir en plan sur l'estran à
Mdeina (fig. 11) tout un ensemble de citernes ou de recensés au Rass el Mekki (n° 175) ainsi que sur la rive
:

cuves éventrées ou arasées est ainsi visible sur près sud du lac de Bizerte (n° 187, 188 ; fig. 142). Enfin, si
d'un kilomètre de front de mer (fig. 87, 89). Ce pour les raisons que nous avons déjà indiquées, la
quartier industriel s'est appuyé semble-t-il, sur l'ancien côte nord ne paraît pas avoir été favorable à la pêche,
rempart urbain (fig. 88). A Salakta, en revanche, on on doit faire des exceptions pour le site d'Argoub el
peut voir une usine de salaison dont nombre de cuves Bania avec les traces d'installations reconnues à
sont entièrement conservées ; la structure de l'embouchure ancienne de l'oued Zouara et surtout
l'établissement, doté de citernes voûtées et de thermes pour l'île de la Galite (Galata) où des cuves de
luxueux à décor de grotte, peut servir de référence salaison avaient été sommairement aménagées dans la
pour la bonne compréhension de vestiges moins falaise sur la rive sud (fig. 186), la seule accessible
lisibles en d'autres lieux (fig. 181 a et b). Enfin, en front aujourd'hui encore aux pêcheurs de langoustes et de
de mer au nord de la ville d'Hergla, une spectaculaire mendoles.
batterie de citernes éventrées par la mer et au-dessus
desquelles se devinent des témoins de fonds de cuves Les indices archéologiques recueillis sur un certain
semble correspondre également à un centre de nombre de sites ne permettent pas toujours de
salaison de première grandeur (fig. 33). Il faudrait conclure avec certitude à l'existence d'activités
ajouter pour être complet, les indices relevés sur le halieutiques. Aussi ce premier bilan n'est-il que provisoire.
site de Lamta (n° 110) et à la Chebba, près du nadour En attendant des investigations plus précises -
de Khedija (n° 87), où une usine moderne aujourd'hui certaines sont déjà en cours, à Nabeul, à Borj el H'sar
détruite par le recul de la côte témoigne de la ou à Mraïssa par exemple (fig. 185) - l'interprétation
permanence à travers les siècles de la vocation halieutique des vestiges très ténus laissés par l'érosion marine
du Rass Kaboudia (fig. 173). restait d'autant plus difficile que les mêmes structures
en blocage à revêtement étanche de tuileau broyé
3 - Un groupe de Zeugitane, du Cap Bon au golfe {opus signinum) qui sont le signalement principal des
de Tunis au sens large. Au centre déjà connu de cuves de salaison, pouvaient provenir aussi bien de
Nabeul où de nouveaux sondages sont prévus qui constructions sans rapport avec le traitement des
devraient permettre de mieux connaître le matériel produits de la mer, qu'il s'agît de simples citernes
amphorique lié aux salaisons africaines et de préciser rurales par exemple, ou de thermes privés dont
- sur un cas particulier - la chronologie de la étaient pourvues les villae maritimae si nombreuses
production de ces usines, il faut ajouter à présent la série des sur le littoral de la Byzacène. Mais réciproquement,
sites nouveaux découverts sur le cordon littoral entre les descriptions archéologiques de complexes
Korba et Kelibia. Sur la rive ouest du Cap Bon, les industriels aussi bien caractérisés que ceux de Lixus ou de
industries de la pêche étaient comme aujourd'hui très Cotta au Maroc, de Belo ou de Troia au Portugal
actives à Sidi Daoud (n° 162) où l'on peut voir à la fois (Etienne 1994) - ou encore de Salakta (fig. 181 b)
des cuves et des viviers (fig. 130), ainsi qu'à Mraïssa pour rester en Tunisie - montrent à l'évidence que ces
(n° 165), à en juger par les cuves de salaison dégagées installations comportaient à la fois des cuves
par la mer dans la falaise et sur l'estran (fig. 185). Ces accessibles par un plan de travail (donc sans voûte) et des
industries semblent avoir laissé quelques traces à citernes voûtées et qu'elles étaient parfois dotées de
Carthage même sur le côté sud du port circulaire (Ellis thermes luxueux.
1986, p. 15 ; Hurst 1994, p. 97) ainsi qu'à Utique où Ainsi notre méthode a-t-elle consisté à fonder le
un quartier industriel semble avoir existé sur la rive de choix des critères d'identification sur une analyse

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290 Conclusions

Fig. 185. Fond de cuve en opus figlinum à Mraïssa (site n°l65).

Fig. 186. Cuve dans la falaise de l'Escueil de Pasque (La Galite).

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Les activités littorales et halieutiques 291

comparée rigoureuse des sites de salaison déjà L'exemple de l'« usine » de Nabeul
reconnus comme tels, en Tunisie même, en Mauré- Pour avoir une première idée de l'agencement des
tanie tingitane ou encore dans la péninsule ibérique. bâtiments et de l'organisation des installations de
En règle générale, ces établissements étaient situés en traitement et de leur fonctionnement, nous disposons à
bordure même du rivage, à proximité de salines et présent, en Tunisie même, de l'exemple de l'usine -
l'eau nécessaire à cette industrie impliquait, sur ces ou de la partie d'usine - fouillée à Nabeul en 1995 et
côtes arides, la présence de grandes citernes situées 1996 par l'équipe tuniso-française sous la conduite de
dans la partie la plus basse de la construction. Enfin L. Slim et de M. Bonifay (fig. 187). En attendant
des viviers pouvaient être annexés à l'ensemble, l'achèvement des travaux entrepris sur ce site par
comme on peut le vérifier sur les côtes précédées d'un l'INP de Tunis et sans vouloir anticiper sur un exposé
estran rocheux, à Maamoura par exemple ou à Sidi approfondi de leurs résultats scientifiques qui fera
Daoud comme près d'Alicante en Espagne ou à Cosa l'objet, en temps voulu, d'une publication particulière,
en Italie (Curtis 1991, p. 53 ; Higginbotham 1997, on se bornera aux constatations générales suivantes,
p. H). utiles à la compréhension des autres centres de
Le principal critère qui permet d'identifier ces production.
centres en les distinguant des nombreuses citernes Il apparaît ainsi que, dans son état ultime, l'usine
rurales mises au jour par le recul de la ligne de dont on ne saurait affirmer avoir reconnu les limites,
rivage est le groupement caractéristique des cuves et s'organisait pour la partie déjà fouillée en deux
des citernes et leur mode de construction presque ensembles étages en terrasses. Le terrain affecte en
toujours identique, à quelques détails près. Le effet une pente sensible du nord vers le sud, c'est-à-
principe fondamental, clairement défini à propos des dire vers la mer. La terrasse supérieure comportait un
usines d'Occident par M. Ponsich (1988, p. 106), espace central, sans doute une cour, d'environ 8 x
consistait à assurer la meilleure résistance possible 10 m, entourée sur ses trois côtés nord, est et sud par
de ces cuves ou bassins (cetaria) souvent profonds une galerie, probablement couverte, de 3 m de large.
de 2 m environ, contre la poussée des masses de Cette cour possédait un sol en béton de tuileau et
poissons et de sel. Pour cette raison, le bâti était devait être traversée sur un axe médian par une
renforcé par un coffrage de murs très puissants, construction longue de 5 m et large 1,10 m, dont ne
armés de chaînages en grand appareil ou de piliers subsiste en fait que l'emplacement et qui peut faire
de briques aux angles (à Sidi Mansour, par penser à une table pour la préparation des poissons
exemple). Ailleurs, les cuves étaient directement du même type que celles relevées dans l'usine
creusées dans le sol naturel, comme on peut le voir marocaine de Cotta. Les trois bras de la galerie en U qui
dans la falaise de marnes gypseuses mio-pliocènes entourait la cour étaient pourvus d'un sol en opus
en plusieurs sites du golfe de Gabès (Oueslati figlinum, type de revêtement fréquent, nous l'avons
1993a, p. 330, 375). vu, dans les usines de salaison de la région. Le bras
Les angles intérieurs des bassins étaient toujours est de cette galerie destinée visiblement aux
en arrondi et les arêtes du fond des cuves souvent opérations de salaison proprement dites ouvrait sur une
renforcées par un solin d'étanchéité en quart de rond. baterie de 6 bassins fouillés en 1965 par J.-P. Darmon.
Comme il a été observé en Tingitane, il n'y avait pas Le bras nord, presqu'entièrement occupé par un très
de dispositif d'évacuation au fond des cuves. Les grand bassin (5,70 x 2,40 m), montre à l'ouest de ce
parois en maçonnerie étaient soigneusement enduites dernier des traces d'un remaniement de l'installation
de plusieurs couches de bétons ou mortiers étanches pour y créer un ensemble de petits cuveaux
où se remarque très souvent l'utilisation de matéraux interprétés comme destinés à la préparation du garum. Le
locaux : granulats de plage, coquillles de murex bras sud de la galerie n'est restituable qu'à partir des
recyclées et broyées, enduits de mortier de tuileau en négatifs de murs qui délimitent un espace de même
poussière de terre cuite {opus signinum) ou encore largeur (3 m) que les autres galeries. La terrasse sud
revêtements - très fréquents dans les sites du Cap Bon comprend une grande pièce avec des fondations de
(fig. 185) - en fragments d'amphore posés de chant murets qui pourraient correspondre entre autres, à
(opus figlinum) . des tables de préparation. Un long caniveau ceinture

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292 Conclusions

So

XI
C!o

1)
a;

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Les activités littorales et halieutiques 293

les deux terrasses, qui conduit les eaux recueillies profondeur (40 cm) supposées être réservées aux
dans la cour jusqu'à un partiteur qui les évacuent vers secondes. Pour accélérer le processus d'autolyse des
la mer, s'il s'agit d'eau de lavage, ou bien vers une viscères de poisson nécessaire à la préparation du
citerne au sud de la terrasse inférieure, s'il s'agit d'eau garum, on pouvait recourir en effet à réchauffement
pluviale. Trois autres citernes étaient situées en naturel de cuves par exposition au soleil et non
périphérie des installations de salaison. nécessairement à l'installation d'une chaufferie. Le
A la limite ouest de ce premier ensemble de traitement du murex pouvait également être intégré à ces
bâtiments a été reconnu un chemin dallé en pente douce unités de production largement polyvalentes : c'est ce
vers la mer et muni d'un égout central. Il s'agit que suggère du moins, la présence de dépôts de ces
probablement d'une rampe d'accès à l'usine, puisqu'elle coquillages sur le site de Mdeina.
dessert notamment la cour centrale et vient buter On en arrive à l'idée que l'organisation du travail
contre l'aile nord de la galerie de la terrasse devait s'inscrire dans un cycle saisonnier où le
supérieure. De l'autre côté de cette rampe d'accès par où conditionnement des produits de la pêche pouvait alterner,
arrivaient les chargements de poissons qui étaient pour une utilisation optimale de la main-d'oeuvre,
traités dans l'usine, un autre ensemble d'installations avec des activités d'une toute autre nature. C'est ce
a été dégagé : il se développait à peu près qu'il est logique de penser dans les cas nombreux où
symétriquement au précédent par rapport à la rampe d'accès. il est très probable que la pêche ne représentait
On y reconnaît trois nouveaux bassins de salaison, qu'une branche artisanale annexe dans l'activité rurale
deux citernes, peut-être une cour, mais les murs ont d'un grand domaine situé en bord de mer. A vrai dire,
beaucoup souffert de la récupération des pierres au l'industrie des salaison et des sauces de poisson
Moyen Age. On ne peut savoir encore si tous ces relevait sans doute le plus souvent d'une économie
aménagements appartenaient à aune seule et même domaniale ou « domestique » au même titre que l'économie
usine. En revanche, des données chronologiques agricole (Etienne 1994, p. 164). Rien ne distingue
assez précises ont été recueillies quant à sa période alors ces propriétés industrielles des grands domaines
d'activité industrielle. L'usine aurait été construite à la à caractère rural, d'autant que les activités de la pêche
fin du Ier s. ap. J.-C, à l'emplacement d'habitats et celles de l'agriculture pouvaient être associées
puniques qui avaient subi une destruction au milieu du comme le souligne l'ambiance d'économie mixte
IIe s. av. J.-C. La zone située à l'est de la rampe, aurait « agro-littorale » de la mosaïque d'El Alia. Dans son
été abandonnée vers le milieu du IIIe s., la partie principe même, la pêche était dans la dépendance des
occidentale restant occuppée jusqu'à la fin du vne s. ; mais propriétaires de salsamenta, lesquels étaient aussi de
il n'est pas certain que la fonction primitive des grands propriétaires terriens. Il y a donc intégration
bâtiments ait été conservée. des activités halieutiques dans le modèle dominant
antique de l'économie domaniale. Paradoxalement,
Si l'on veut caractériser à présent, à partir de au lieu d'être, comme souvent de nos jours une
l'ensemble des vestiges reconnus depuis dix ans sur branche d'activité autonome, restée souvent au stade
les côtes de Tunisie, la structure et le fonctionnement de la production vivrière artisanale, sous le contrôle
de ces industries halieutiques, sous le double point de de patrons pêcheurs propriétaires de leurs moyens de
vue de leur mode de production et de leur insertion production, la pêche côtière en Afrique appartenait au
dans les circuits de l'économie antique, on pourra s'en contraire, à l'époque romaine, aux activités pour
tenir aux conclusions déjà présentées à ce sujet lesquelles il n'est pas anachronique de parler
(Trousset 1990, p. 331 ; Paskoff et al. 1991, p. 535- d'intégration verticale, de type industriel et plus encore
546 ; Ben Lazreg étal. 1993). Le premier point est qu'il commercial. Devant gérer, compte tenu du caractère
faut exclure pour ces usines toute forme de saisonnier des prises, d'importants surplus de produits
spécialisation étroite de leur production : le même hautement périssables, la pêche était subordonnée
établissement pouvait fournir à la fois des salaisons et des par nature, à la nécessité de valoriser sur place cette
sauces, comme le montre l'exemple de Nabeul où production, en raison même de l'impossibilité d'en
sont juxtaposées de grandes cuves profondes (2 m) assurer l'écoulement comme aujourd'hui par des
pour les premières et des petites cuves de faible transports rapides vers les lieux de consommation. De

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294 Conclusions

la sorte, la pêche surtout celle des espèces migratrices On doit également rester prudent aussi longtemps
comme les thons, répondait pour l'essentiel à des que les analyses des traces de denrées transportées
besoins de consommation différée par l'intermédiaire dans les amphores trouvées aux lieux d'arrivée
d'une conservation en saumure. Elle devait, en effet, n'auront pas donné des résultats plus probants (Ben
s'intégrer en aval à des activités de conservation et de Lazreg et Bonifay 1993). Toute une recherche est
traitement assurées - faute de moyen de réfrigération donc en cours afin d'établir sur des bases plus sûres
- dans des usines de salaison ou de garum. la nature de leur contenu (vin, huile ou salaisons).
Un dernier point, qu'on peut éclairer grâce à Avant tout, nous espérons que grâce à l'intérêt
l'étude des amphores est la commercialisation des suscité par cette prospection extensive sur les côtes de
produits dérivés de la pêche. Garum et autres salsa- Y Africa et à la lumière des premiers résultats de
menta étaient par excellence des produits l'opération de fouille engagée sur le site de Nabeul,
d'exportation. Plus encore que du propriétaire des usines, tout des recherches approfondies de même type seront
dépendait des negotiatores qui dans les principaux multipliées à l'avenir par les équipes tunisiennes sur
ports de Tripolitaine ou de Byzacène, organisaient d'autres sites majeurs du littoral du pays afin de mieux
l'acheminement des salaisons et sauces de poisson cerner par des sondages nouveaux la chronologie de
vers des entrepôts et au-delà vers les centres de l'activité de ces industries dérivées de la pêche ainsi
consommation de l'Empire. Plutôt qu'à un capitalisme que la nature des espèces qui y étaient traitées.
industriel, on aurait à faire à un capitalisme marchand Après avoir par le biais de cette enquête
(Etienne 1994, p. 165). géoarchéologique des côtes de la Tunisie révélé tout un aspect
On savait déjà que jusqu'au IIIe s., les produits de mal connu de l'économie antique, il resterait à en
l'Espagne et, avec eux, ceux de Maurétanie tingitane préciser l'évolution historique et de tenter de mieux
avaient exercé une véritable hégémonie sur les cerner le poids relatif de la zone concernée dans le
marchés méditerranéens, ravitaillant en particulier le commerce méditerranéen de ces produits de la mer.
« ventre » de Rome. Après avoir examiné le matériel
sur les sites du littoral de la Tunisie et dans les dépôts
d'amphores des côtes de Gaule méridionale - à Bibliographie
Marseille ou à Port Vendres par exemple - on peut se
demander si, dans une certaine mesure, la relève des Alaoui Bejaoui (N.), 1995, La pêche à la « cherfia » à
productions de Bétique n'a pas été prise par ceux de Kerkennah : importance et originalité d'une
YAfrica après une période où les deux zones auraient technique de pêche ancestrale, dans La pêche côtière
été en concurrence : l'Afrique Proconsulaire ayant en Tunisie et en Méditerranée, Tunis, Cah. du
imposé sa production - à Rome également - aux CERES, sér. géograph. 10, p. 155-171.
dépens des denrées « gaditaines », qui perdirent alors Abdessalem (F.), 1995, La pêche côtière dans la région
leur prépondérance. Toujours est-il que le matériel nord de la Tunisie, dans La pêche côtière en
trouvé sur les sites côtiers de Tunisie est très Tunisie, Tunis, Cah. du CERES, sér. géograph. 10,
majoritairement daté de la période allant du me au VIe s. et p. 173-202.
même au VIIe s. Alexander (M.) et Ennaifer (M.), 1973, Corpus des
Mais il faut se garder à partir de ce constat, de Mosaïques de Tunisie, l (Utique), Tunis.
porter des conclusions définitives. C'est ce que Arcelin (P.), 1986, Activités maritimes des sociétés
montre bien l'exemple de Nabeul, le seul qui ait fait à protohistoriques du Midi de la Gaule, dans
ce jour l'objet d'une fouille d'une partie des L'exploitation de la mer de l'antiquité à nos jours,
installations de salaison, avec analyse systématique du lî, La mer, moyen d'échanges et de
matériel recueilli dans les cuves. Cette enquête non encore communication, Vie Rencontres Internationales d'Archéologie
publiée révèle, en effet, une activité qui s'inscrit dans et d'Histoire d'Antibes (oct. 1985), Valbonne,
une période bien définie allant du premier au me s. de p. 11-29.
notre ère, ce qui est donc très éloigné de ce que nous Bejaoui (F.), 1992-93, Nouvelles découvertes.
étions incités à conclure au simple vu de la céramique Thermes et cuve baptismale à Sidi Abdallah Ben
de surface ramassée sur l'ensemble des autres sites. Saïdane, Africa, XI-XII, p. 14-18.

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Index géographique

A - ORDRE DU CATALOGUE 39 - Oued el Akarit sud, 111-112


40 - Henchir Adame, 112-113
1 - Henchir el Mdeina, p. 91-93, 239 41 - Sebkhet el Guettiate, 113
2 - Solb ech Chergui, 93-94 42 - En Nadour, 113-114
3 - Solb ech Chergui ouest, 94 43 - Bir Flaguess-TRAPSA, 115-116
4 - Henchir Daoui, 94 44 - Henchir Ferchatt, 116
5 - Henchir bou Gornine, 94-95 45 - Zabouza, 117
6 - Bir Ouled Mohammed, 95 46 - Rass el Ferchatt, 117
7 - Rass Zarba, 95 47- Henchir Jel, 117
8 - Sidi Mohammed Chaouch, 95-96 48 - Oued Maltine, 117-118
9 - Fesguiet Jdaria - Solb el Gharbi, 96 49 - El Jaziret el Rharbia, 118
10 - Henchir Fesguia Rouis, 97 50 - Dzirat el Laboua, 119
11 - Henchir Chaabane, 97-98 51 - Dzirat el Hajar, 119
12 - Henchir el Abid, 98 52 - Dzirat el Bessila, 119-120
12 bis - Naoura, 98 53 - El Khefifia, 120
13 - Sidi bou Teffaha, 98-99 54 - Onga, 121-122
14 - Oued Ogla - Oued Ennouili, 99 55 - Henchir Leich, 123
15 - Lalla Meriem, 99 56 - Thyna, 123-125
16 - El Kantara, 99-100 57 - El Guedaia, 125
16 bis - El Gastil, 100 58 - Rjel ech Chouggaf, 125
17 - Sidi Garous, 101 59 - Rass el Berghout ouest, 125
18 - Lalla Hadria (ou Tobkhana), 101 60 - Rass el Berghout est, 126
19 - Rhizene, 101 61 - Borj el Hassar, 126-128, 239
20 - Cheikh Yaya, 101 62 - El Abassia, 128
21 - Guellala, 102 63 - Gremdi, 128-129
22 - Ersifet, 102-103 64 - Rass bou Nouma, 129
23 - Rass Segala, 103-105 65 - Sefnou, 129-130
24 - Henchir Karbub, 105 66 - Enf er Rkik est, 130
25 - Port de Gigtbis, 105-106 67 - Enf er Rkik ouest, 130
26 - Oued Babous est, 106 68 - Henchir ech Cheggaf - Sidi Mansour, 130-133
27 - Bir Tajerjimet, 106 69 - Nadour Sidi Mansour, 133
28 - Bir Slama est, 107 70 - El Aouabed - Koudiat Jaber, 133-134
29 - Henchir Chelakhi, 107 71 - Henchir el Majdoul, 134
30 - Henchir Daous, 107 72 - Ksar en Nouba, 134-135
31 - Laflala (Hir Roumia ou Fastaqia), 107-108 73 - Henchir el Flouss, 135
32 - Gourine est, 108 74 - Sidi el Khafi, 136
33 - Henchir bou Amia, 108-109 75 - Sidi Mezara sud, 136
34 - Henchir Medina (Zarat est), 109 76 - Sidi Mezara nord, 136
35 - Oued Zerkine, 109-110 77 - La Louza I sud, 136-137
36 - Et Tarfaia, 110 78 - La Louza II nord, 137
37 - Henchir Chougaf, 110 79 - Sidi Saad, 137
38 - Henchir er Rekhama, 110-111 80 - La Louata, 137-138

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300 Le littoral de la Tunisie

81 - Rass bou Tria, 138 128 - Henchir el Kebir, 164


82 - Ouled Slim, 138 129 - Henchir el Hefair, 164-165
83 - Ouled Mabrouk, 138-139 130 - Henchir Selloum, 165-166
84 - Marsa Melloulèche, 139 131 - Bir ech Choukaf, 166
85 - Rassjezira, 139-140 132 - Pupput, 167
86 - Jezira, 140 133 - Bit el Assa, 167
87 - Tour Khedija, 140-141 134 - Sidi el Mehersi, 167-169
88 - Sidi Abdallah el Merrakchi, 141-143 135 - Nabeul, 169
89 - Maqluba, 143-144 136 - Sidi Ameur bou Chouika, 169, 293-295
90 - El Alia - Sebkha Njila, 144 137 - Maamoura, 169-170
91 - Borj el Mzaouak, 144 138 - Khlij - Ksir el Rhalem, 170-171
92 - Henchir el Mzaouak, 144-145 139 - Htouba, 171-173
93 - Ghar el Dheba, 145 140 - Sidi Mosba - Dar ben Slimane, 173
94 - Salakta sud, 145-147 141 - Sidi Othmane, 173-174
95 - Rass Salakta, 147 142 - Dar el Kbira, 174
96 - Mnaka sud, 147-149 143 - Cote 28 - Seba Argoud, 174
97 - Mnaka nord, 149, 238-239 144 - Gasser Saad - Sebka Lebna, 174
98 - Douira sud, 149-150 145 - Cote 12 - Henchir Lebna, 175
99 - Douira nord, 150 146 - Ain Sghira, 175
100 - Rejiche, 150 147 - Sidi Ali Moujehed sud, 175-176
101 - Sidi ben Ghayada, 150 148 - Sidi Ali Moujehed nord, 176
102 - Mahdia port ancien, 150-151 149 - Sebkhet Tafekhsit, 176-177
103 - Mahdia nécropole, 151-152 150 - Kelibia, 177
104 - El Hafsi - Neyret, 152 151 - Demna, 177-178
105 - Thapsus - Rass Dimass, 152-153 151 bis - Oued el Kseub, 178
106 - Ech Chott, 153 152 - Es Seguia sud, 178-181
107 - Ras el Ain, 153 153 - Es Seguia nord, 181
108 - Port Soukrine est, 153 154 - Kerkouane, 181-182
109 - Sayada est, 153 155 - El Hannaker, 182
110 - Lamta, 154-155 156 - Ain Takerdouch, 182
111 - Mansourah est, 155 157 - Rass ed Derek - Oued er Rega, 182-183
112 - Mansourah ouest, 155-156 158 - El Haouaria, 183
113 - Sidi Mansour, 156 159 - Rhirane bou Mliha, 184
114 - Grande Kuriate, 156-157 160 - Borj Guelib el Mdaoueur, 184
115 -Al Shrir, 157 161 - Sidi Daoud - Corps de garde, 184
116 - El Ghedamsi, 157 161 bis - Sidi Daoud - Djilia, 184-185
117 - Sebkha Skanes, 157-158 162 - Sidi Daoud - Misua, 185-187
118 - Chott Meryem, 158-159 163 - Sidi Daoud - Carrières, 187
119 - Halk el Mujjen sud, 159 164 - Degla, 187-188
120 - Halk el Mujjen nord, 159-160 165 - Mraïssa, 188-190
121 - Hergla sud, 160 166 - El Assa est, 190-191
122 - Hergla centre, 160-1 61 167 - El Assa - cote 9, 191
123 - Hergla nord, 162-163 168 - Marsa ben Ramdan, 191-192
124 - Borj el Medfoun, 163 169 - Sidi Raïs, 192-193
125 - Borj el Assa el Jiriba, 163 170 - Carthage, 193, 251-252
126 - Cote 14, 163 171 - Gammarth - Le Pêcheur, 193-194
127 - Bou Kesra, 163 171 bis - Cap Gammarth, 194-195
127 bis - Sebkha Sidi Khalifa, 164 172 - Raouad, 195

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Index géographique 301

173 - Sebkha Ariana, 195 Ain el Merja : site n° 183, 201-202


174 - Utique, 68-69, 195-196 Ain Sghira : site n° 146, 175
175 - Ras et Tarf, 196-197 Ain Takerdouch : site n° 156, 182
176 - Ain Demna est, 197 Al Shrir site n° 115, 157

:
177 - Ain Demna, 197 Argoub el Bania : site n 208, 216-220
178 - Raf-Raf - Dar el Khadar, 197-198 Bir ech Choukaf : site n° 131, 166
179 - Sounine, 198 Bir Flaguess - TRAPSA : site n° 43, 115-116
180 - Ras Jebel - El Hadouba, 198 Bir Ouled Mohammed : site n° 6, 95
181 - Safi, 198-200 Bir Slama est : site n° 28, 107
182 - Rass ez Zebib, 200-201 Bir Tajerjimet site n° 27, 106

:
183 - Ain el Merja, 201-202 Bit el Assa site n° 133, 167

:
184 - R'mel, 202 Borj el Assa el Jiriba : site n° 125, 163
185 - Henchir Chaara, 202 Borj el Hassar : site n° 6l, 126-128, 239
186 - Ain bou Thouir, 202-204 Borj el Medfoun : site n° 124, 163
187 - Pointe el Ouali, 204-205 Borj el Mzaouak site n° 91, 144

:
188 - Gouraya, 205-206 Borj Guelib el Mdaoueur site n° 160, 184

:
189 - Henchir Rara, 206-207 Bou Kesra : site n° 127, 164
189 bis - Jebel Nador, 207 Cap Gammarth : site n° 171 bis, 194-195
190 - Oued ed Damous, 207 Carthage : site n" 170, 193, 251-252
190 bis - Henchir es Sahel I, 208 Cheikh Yaya site n° 20, 101
Chott Meryem : site n° 118, 158-159
:
191 - Henchir es Sahel II, 208
192 - Henchir es Sahel III, 208 Cote 12 - Henchir Lebna : site n° 145, 98
193 - Henchir es Sahel IV, 208 Cote 14 site n° 126, 163
:

194 - Henchir es Sahel V, 208-209 Cote 28 - Seba Argoud : site n° 143, 174
195 - Dar Chraiba (Dar Hassaina), 209 Dar Chraiba (Dar Hassaina) site n° 195, 209
:
196 - Rass Ghirane (Rass ben Sekka), 209 Dar el Kbira : site n° 142, 174
197 - Rass Enghela - cote 1, 209-210 Degla : site n" 164, 187-188
198 - Rass Enghela est, 210 Demna site n° 151, 177-178
:

199 - Rass Enghela ouest, 210 Douira nord : site n° 99, 150
200 - Khechad - cote 9, 210-211 Douira sud : site n° 98, 149-150
201 - Vigie Rass el Koran est, 211 Dzirat el Bessila : site n° 52, 119-120
202 - Vigie Rass el Koran, 211 Dzirat el Hajar : site n° 51, 119
203 - Rass el Koran, 211-212 Dzirat el Laboua : site n° 50, 119
203 bis - Sidi Béchir, 212 Ech Chott : site n 106, 153
204 - Marsa Douiba, 212-214 El Abassia : site n° 62, 128
205 - Sidi Gherib, 214-215 El Alia - Sebkha Njila : site n° 90, 144
206 - Sidi Mechrig, 215 El Aouabed - Koudiat Jaber : site n° 70, 133-134
207 - Oum en Nouai, 215-216 El Assa - cote 9 : site n° 167, 191
208 - Argoub el Bania, 216-220 El Assa est site n° 166, 190-191
:

209 - Tabarka, 220 El Gastil site n° 16 bis, 100


El Ghedamsi : site n° 116, 157
:

210 - La Galite - L'Escueil de Paque, 220-221


El Guedaia site n° 57, 125
:

El Hafsi - Neyret site n" 104, 152


El Hannaker : site n° 155, 182
:

B - CLASSEMENT ALPHABÉTIQUE
El Haouaria site n° 158, 183
:

Ain bou Thouir site n" 186, 202-204 El Jaziret el Rharbia : site n° 49, 118
El Kantara site n" 16, 99-100
:

Ain Demna : site n° 177, 197


Ain Demna est : site n° 176, 197
:

El Khefifia : site n° 53, 120

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


302 Le littoral de la Tunisie

En Nadour : site n° 42, 113-114 Henchir Rara site n° 189, 206-207


Henchir Selloum : site n° 130, 165-166

:
Enf er Rkik est site n° 66, 130
: Hergla centre : site n° 122, l60-l6l
Enf er Rkik ouest site n° 67, 130
n° : Hergla nord : site n° 123, 162-163
Ersifet : site 22, 102-103
Es Seguia nord site n° 153, 181 Hergla sud : site n° 121, l60
:

Es Seguia sud : site n 152, 178-181 Htouba : site n° 139, 171-173


Et Tarfaia : site n° 36, 110 Jebel Nador : site n° 189 bis, 207
Fesguiet Jdaria - Solb el Gharbi : site n° 9, 96 Jezira site n° 86, 140
Gammarth - Le Pêcheur : site n° 171, 193-194

:
Kelibia : site n° 150, 177
Gasser Saad - Sebka Lebna : site n° 144, 174 Kerkouane site n° 154, 181-182

:
Ghar el Dheba : site n° 93, 145 Khechad - cote 9 : site n° 200, 159-160
Gouraya : site n° 188, 205-206 Khlij - Ksir el Rhalem : site n° 138, 170-171
Gourine est : site n° 32, 108 Ksar en Nouba : site n° 72, 134-135
Grande Kuriate : site n° 114, 156-157 La Galite - L'Escueil de Paque site n° 210, 220-221
n° n°

:
Gremdi site 63, 128-129 La Louata : site 80, 137-138
:

Guellala : site n° 21, 102 La Louza I sud site n° 77, 136-137


Halk el Mujjen nord : site n° 120, 159-160

:
La Louza II nord : site n° 78, 137
Halk el Mujjen sud : site n° 119, 159 Laflala (Hir Roumia ou Fastaqia) : site n° 31, 107-108
Henchir Adame : site n° 40, 112-113 Lalla Hadria (ou Tobkhana) : site n° 18, 101
Henchir bou Amia : site n° 33, 108-109 Lalla Meriem : site n° 15, 99
Henchir bou Gornine site n° 5, 94-95 Lamta : site n° 110, 154-155
:

Henchir Chaabane site n° 11, 97-98 Maamoura site n° 137, 169-170


Mahdia nécropole : site n° 103, 151-152
:

Henchir Chaara : site n° 185, 202


Henchir Chelakhi : site n° 29, 107 Mahdia port ancien : site n° 102, 150-151
Henchir Chougaf site n° 37, 110 Mansourah est : site n° 111, 155
Mansourah ouest : site n° 112, 155-156
:

Henchir Daoui : site n° 4, 94


Henchir Daous : site n° 30, 107 Maqluba site n° 89, 143-144
:

Henchir ech Cheggaf - Sidi Mansour : site n° 68, 130- Marsa ben Ramdan : site n° 168, 191-192
133 Marsa Douiba : site n° 204, 212-214
Henchir el Abid : site n° 12, 98 Marsa Melloulèche site n° 84, 139
Henchir el Flouss : site n° 73, 135
:

Mnaka nord : site n° 97, 149, 238-239


Henchir el Hefair site n° 129, 164-165 Mnaka sud : site n° 96, 147-149
Henchir el Kebir : site n° 128, 164
:

Mraïssa site n° 165, 188-190


Nabeul : site n° 135, 169, 293-295
:

Henchir el Majdoul : site n° 71, 134


Henchir el Mdeina : site n" 1, 91-93, 239 Nadour Sidi Mansour site n° 69, 133
:

Henchir el Mzaouak : site n° 92, 144-145 Naoura site n° 12 bis, 98


Onga : site n° 54, 121-122
:

Henchir er Rekhama : site n° 38, 110-111


Henchir es Sahel I : site n° 190 bis, 208 Oued Babous est : site n° 26, 106
Henchir es Sahel II : site n° 191, 208 Oued ed Damous : site n° 190, 207

Henchir es Sahel III : site 192, 208 Oued el Akarit sud : site n° 39, 111-112
Henchir es Sahel IV : site n° 193, 208 Oued el Kseub site n° 151 bis, 178
Oued Maltine : site n° 48, 117-118
:

Henchir es Sahel V : site n° 194, 208-209


Henchir Ferchatt : site n° 44, 116 Oued Ogla - Oued Ennouili : site n° 14, 99
Henchir Fesguia Rouis site n° 10, 97 Oued Zerkine : site n° 35, 109-110
Ouled Mabrouk : site n° 83, 138-139
:

Henchir Jel : site n° 47, 117


Henchir Karbub site n° 24, 105 Ouled Slim : site n" 82, 138
Oum en Nouai : site n° 207, 215-216
:

Henchir Leich : site n 55, 123


Henchir Medina (Zarat est) : site n° 34, 109 Pointe el Ouali site n° 187, 204-205
:

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Index géographique 303

Port de Gigthis site n° 25, 105-106 Sefnou site n° 65, 129-130

:
:
Port Soukrine est : site n° 108, 153 Sidi Abdallah el Merrakchi site n° 88, 141-143

:
Pupput : site n° 132, 167 Sidi Ali Moujehed nord : site 148, 176
R'mel site n° 184, 202 Sidi Ali Moujehed sud : site n° 147, 175-176
:

Raf-Raf - Dar el Khadar site n° 178, 197-198 Sidi Ameur bou Chouika : site n° 136, 169
Sidi Béchir : site n° 203 bis, 212
:
Raouad site n° 172, 195

:

Ras el Ain : site 107, 153 Sidi ben Ghayada site n° 101, 150

:
Ras et Tarf : site n 175, 196-197 Sidi bou Teffaha site n° 13, 98-99

:
Ras Jebel - El Hadouba : site n° 180, 198 Sidi Daoud - Carrières : site n° 163, 187
Rass bou Nouma site n° 64, 129 Sidi Daoud - Corps de garde site n° l6l, 184
Rass bou Tria : site n° 81, 138
:

:
Sidi Daoud - Djilia : site n° 161 bis, 184-185
Rass ed Derek - Oued er Rega site n 157, 182-183 Sidi Daoud - Misua : site n° 162, 185-187

:

Rass el Berghout est : site 60, 126 Sidi el Khafi : site n° 74, 136
Rass el Berghout ouest : site n° 59, 125 Sidi el Mehersi : site n° 134, 167-169
Rass el Ferchatt site n° 46, 117 Sidi Garous site n° 17, 101
Rass el Koran site n° 203, 211-212
:

:
Sidi Gherib site n° 205, 214-215

:
:

Rass Enghela - cote 1 : site n° 197, 209-210 Sidi Mansour site n° 113, 156
Sidi Mechrig : site n° 206, 215

:
Rass Enghela est site n° 198, 210

:

Rass Enghela ouest : site 199, 210 Sidi Mezara nord : site n° 76, 136
Rass ez Zebib : site n° 182, 200-201 Sidi Mezara sud site n° 75, 136
Rass Ghirane (Rass ben Sekka) : site n° 196, 209 :
Sidi Mohammed Chaouch : site n° 8, 95-96
Rass Jezira : site n° 85, 139-140 Sidi Mosba - Dar ben Slimane site n° 140, 173
Sidi Othmane : site n° 14 1, 173-174

:
Rass Salakta : site n° 95, 147
Rass Segala : site n 23, 103-105 Sidi Raïs : site n° 169, 192-193
Rass Zarba site n° 7, 95 n°
Sidi Saad : site 79, 137
:

Rejiche site n° 100, 150 Solb ech Chergui : site n° 2, 93-94


Rhirane bou Mliha : site n° 159, 184
:

Solb ech Chergui ouest : site n° 3, 94


Rhizene : site n° 19, 101 Sounine site n° 179, 198
:

Rjel ech Chouggaf : site n° 58, 125 Tabarka site n" 209, 220
Safi : site n° 181, 198-200
:

Thapsus - Rass Dimass site n° 105, 152-153



:

Salakta sud : site n° 94, 145-147 Thyna site 56, 123-125


:

Sayada est : site n° 109, 152 Tour Khedija site n° 87, 140-141
Sebkha Ariana : site n° 173, 195 Utique site n° 174, 68-69, 195-196
:
:

Sebkha Sidi Khalifa : site n° 127 bis, 164 Vigie Rass el Koran site n° 202, 211
Vigie Rass el Koran est : site n° 201, 211
:

Sebkha Skanes : site n° 117, 157-158


Sebkhet el Guettiate site n° 41, 113 Zabouza site n° 45, 117

:
:

Sebkhet Tafekhsit site 149, 176-177


:

Études d'Antiquités africaines CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Table des figures

Fig.
Fig. 9.8.7.6.5.4.3.2.30.
1.43.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
26.
27.
28.
29. 16.Jetée
17.
18.
19.
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
38.
39.
40.
41.
42.Carte
Côte
Vestiges
LeVestiges
Littoral
L'entrée
Pêcheries
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Quartier
Le
L'oued
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28
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60
68
71

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


306 Le littoral du la Tunisie

Fig. 44. Le Cap Bon : le Rass el Ahmar 71


Fig. 45. Les latomies d'El Haouaria 72
Fig. 46. Carrières antiques littorales submergées de Sidi Daoud (site nol63) 72
Fig. 47. Carte du golfe d'Utique dans l'antiquité 73
Fig. 48. Utique : les Grands Thermes 73
Fig. 49. Les ruines de Sidi Raïs (Carpis, site nol69) 74
Fig. 50. Vivier creusé dans le rocher à Sidi Daoud (Misua, site n°l62) 74
Fig. 51. Ruines en front de mer à Mraïssa (Siminina, site n°l65) 75
Fig. 52. Vestiges d'une usine de salaison à Gammarth (site n°171) 75
Fig. 53. Le Cap Blanc (Promuntorium Candidum), à l'ouest de Bizerte 76
Fig. 54. Les pêcheries de l'oued Tinja et la montagne d'Ichkeul 76
Fig. 55. Vestiges de cuve sur la côte sud du lac de Bizerte (site n°187) 77
Fig. 56. Vestiges d'borrea à Ghirane (Rass ben Sekka, site n°196) 77
Fig. 57. Plate-forme d'abrasion tyrrhénienne (rasa) entre la vigie et le phare de Rass el Koran (site n°202) 78
Fig. 58. Aspect de la côte nord entre le Cap Negro et le Cap Serrât 78
Fig. 59. Tabarka (site n°209) 79
Fig. 60. Les ruines de Sidi Mechrig (site n°206) 79
Fig. 61. La Galite, baie de l'Escueil de Pasque sur la côte sud (site n°210) 80
Fig. 62. Vestiges ensablés de l'Henchir el Bania (site n°208) 80
Fig. 63. Aqueduc d' Hippo Diarrhytus, visible en coupe dans la falaise en recul à l'est du Cap Blanc (site n°189) 81
Fig. 64. Carrières antiques submergées de R'mel à l'est de Bizerte (site n°184) 81
Fig. 65. Site 1. Henchir el Mdeina : Relevé partiel au nord-est du site 92
Fig. 66. Site 2. Solb ech Chergui 94
Fig. 67. Site 1 1. Henchir Chaabane 97
Fig. 68. Site 16. El Kantara (Meninx) : vestiges de magasins ? 100
Fig. 69. Site 16 bis. El Gastil 100
Fig. 70. Site 19. Rhizene 101
Fig. 71. Site 22. Ersifet : alignements de blocs 103
Fig. 72. Site 22. Ersifet 103
Fig. 73. Site 23. Rass Segala : les jetées de l'ancien port romain 104
Fig. 74. Site 23. Rass Segala : citerne de la jetée nord 104
Fig. 75. Site 25. Port de Gigthis : relevé de l'ancien môle 106
Fig. 76. Site 29. Henchir Chelakhi 107
Fig. 77. Site 33. Henchir bou Amia 108
Fig. 78. Site 34. Henchir Medina (Zarat est) 109
Fig. 79. Site 37. Henchir Chougaf 1 10
Fig. 80. Site 39. Oued el Akarit sud 112
Fig. 81. Site 41. Sebkhetel Guettiate 113
Fig. 82. Sites 43-52. La Skhirra. Bir Flaguess (Benfas). Iles Kneiss : carte et itinéraires anciens 115
Fig. 83. Site 54. Onga (Macomades, Iunci) : carte du site 121
Fig. 84. Site 56. Thyna (Thaenaé) : plan du site (d'après A. Carrée et photographie aérienne de l'INP) 124
Fig. 85. Site 56. Thyna, quartier industriel 124
Fig. 86. Site 56. Thyna, cuve du quartier industriel 124
Fig. 87. Site 61. Borj el H'sar : vestiges de cuves sur l'estran et dans la falaise 127
Fig. 88. Site 61. Borl el H'sar : paroi de cuve accolée au rempart 127
Fig. 89. Site 61. Borj el H'sar : fondations de murs et traces de cuves 128
Fig. 90. Site 65. Sefnou 129
Fig. 91. Site 68. Henchir ech Cheggaf (Sidi Mansour) : bâtiment sud 131
Fig. 92. Site 68. Henchir ech Cheggaf: foyer 132
Fig. 93. Site 68. Henchir ech Cheggaf: cuve 132
Fig. 94. Site 71. Henchir el Majdoul : citerne 135
Fig. 95. Site 71. Henchir el Majdoul : relevé de la citerne 135

Études d'Antiquités africaines © CNRS ÉDITIONS, Paris, 2004


Table des figures 307

Fig. 96. Site 77. La Louza sud : cuves ou citernes 137


Fig. 97. Site 82. Ouled Slim 138
Fig. 98. Site 83. Ouled Mabrouk 139
Fig. 99. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi : relevé des vestiges de thermes 141
Fig. 100. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi : vestiges de thermes 142
Fig. 101. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi 142
Fig. 102. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi : citerne éventrée 143
Fig. 103. Site 88. Sidi Abdallah el Merrakchi : relevé de la citerne 143
Fig. 104. Site 94. Salakta : plan de situation 145
Fig. 105. Site 94. Salakta sud : murs submergés 146
Fig. 106. Site 94. Salakta sud : vestiges de la jetée 147
Fig. 107. Site 96. Mnaka sud : vestiges de thermes 148
Fig. 108. Site 96. Mnaka sud : relevé des thermes 148
Fig. 109. Site 97. Mnaka nord 149
Fig. 110. Site 110. Lamta {Leptiminus) : mur en bord de mer 154
Fig. 111. Site 110. Lamta {Leptiminus) : vestiges de cuve 155
Fig. 112. Site 113. Sidi Mansour : les viviers 156
Fig. 113. Site 122. Hergla centre {Horrea Caelid) : plan de situation 160
Fig. 114a. Site 122. Hergla centre {Horrea Caelid) : horrea. Relevé G. Hallier complété par la mission 1998 M. Pasqualini
et J. Piton 161
Fig. 114b. Site 122. Hergla centre {Horrea Caelid) : horrea. Photo M. Pasqualini, 1998 162
Fig. 115. Sites 124-125. Sebkhet Assa Jriba 165
Fig. 116. Sites 124 à 130 166
Fig. 1 17. Site 131. Bir ech Choukaf : le puits et son bassin 166
Fig. 118. Site 134. Sidi el Mehersi : le marabout et la grotte 167
Fig. 1 19. Site 134. Sidi el Mehersi : bassin en hémicycle dans la grotte 168
Fig. 120. Site 134. Sidi el Mehersi : plan du bassin en hémicycle dans la partie nord de la « grotte » 168
Fig. 121. Site 137. Maamoura : les viviers 170
Fig. 122. Site 138. Chaussée antique de Khlij-Ksir el Rhalem 171
Fig. 123. Sites 138, 139, 140. Côte orientale du Cap Bon 172
Fig. 124. Sites 139-140. Profil transversal 172
Fig. 125. Site 147. Sidi Ali Moujehed sud : vestiges de cuve 176
Fig. 126. Site 151 bis. Oued el Kseub : ruines des thermes 179
Fig. 127. Site 151 bis. Oued el Kseub : relevé des thermes 179
Fig. 128. Site 152. Es Seguia sud : usine de salaison 180
Fig. 129. Site 154. Kerkouane : tranchée de fondation du rempart 182
Fig. 130. Site 162. Sidi Daoud : vivier 186
Fig. 131. Site 164. Degla 187
Fig. 132. Site 165. Mraïssa : relevé du site 189
Fig. 133. Site 165. Mraïssa : cuves de salaison 190
Fig. 134. Site 165. Mraïssa : puits et abreuvoir 190
Fig. 135. Site 171. Gammart (Le Pêcheur) 194
Fig. 136. Site 171 bis. Cap Gammarth 195
Fig. 137. Site 175. Rass et Tarf : inscription 197
Fig. 138. Site 181. Safi {Thinisa) : fondations antiques dans la falaise du front de mer 199
Fig. 139. Site 181. Safi {Thinisa) : égouts superposés dans la falaise 200
Fig. 140. Site 183. Ain el Merja : bassin et canalisation 201
Fig. 141. Site 186. Ain bou Thouir : vestiges d'une structure thermale 203
Fig. 142. Site 187. Pointe el Ouali : relevé d'une installation rurale avec cuve et contre-poids 204
Fig. 143. Site 188. Gouraya : tombeaux puniques 206
Fig. 144. Site 203 bis. Sidi Béchir 213
Fig. 145. Site 203 bis. Sidi Béchir 213

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308 Le littoral du la Tunisie

Fig. 146. Site 204. Marsa Douiba 214


Fig. 147. Site 204. Marsa Douiba 214
Fig. 148. Site 206. Sidi Mechrig : relevé des thermes romains 215
Fig. 149. Site 208. Argoub el Bania (Photo aérienne 044. X/250. 1963) 216
Fig. 150. Site 208. Argoub el Bania : citerne 218
Fig. 151. Site 208. Argoub el Bania : relevé de la citerne et de son adduction 218
Fig. 152. Site 208. Argoub el Bania : voûte de la basilique 219
Fig. 153. Site 208. Argoub el Bania : relevé de la basilique à double abside 219
Fig. 154. Facteurs intervenant dans la morphogénèse côtière (d'après Pilkey 1989) 230
Fig. 155. Ligne de rivage, niveau marin et dynamique littorale (d'après Paskoff 1985) 232
Fig. 156. Classification dynamique des côtes (d'après Valentin 1952) 232
Fig. 157. Môle submergé et flèche littorale de Rass Botria (Tun. 1948-49 Chourbane-El Jem-Chebba LXXXVIII, site n°81) 234
Fig. 158. Alluvionnement au sud de la Mer de Bou Grara (Landsatt 4 TM4 190 37 1, 31/01/1983) 235
Fig. 159. Fonds de citernes antiques à Mnaka nord (site n°97) 238
Fig. 160. Falaise archéologique à Mnaka nord 238
Fig. 161. Tombes puniques partiellement submergées au Cap Afrique (Mahdia) 241
Fig. 162. Viviers à Sidi Mansour (Monastir) 241
Fig. 163. Carrières submergées de R'mel à l'ouest de Bizerte 244
Fig. 164. Recul de la falaise près du nadour au sud de La Skhirra 246
Fig. 165. Cuves de salaison dans un chenal de marée à Borj Onga 247
Fig. 166. Carte des carrières littorales anciennes 256
Fig. 167. Coupe théorique dans l'ancien cordon littoral de la formation Rejiche (Eutyrrhénien), sur la côte orientale de la Tunisie 257
Fig. 168. Coupe dans les éolianites wûrmiennes, visible dans une falaise à 700 m au Sud du Rass Addar, dans la péninsule
du Cap Bon 259
Fig. 169. Coupe transversale à travers une carrière littorale à R'mel (site n°184) 262
Fig. 1 70 . Carrières littorales de R'mel : front de taille montrant la superposition des deux éolianites 262
Fig. 171. Carrières littorales de R'mel : ouverture sur la mer dans la paroi de protection 263
Fig. 172. Guette à thons actuelle sur le promontoire de Rass Jebel (site n°180) 266
Fig. 173. Ruines d'une conserverie moderne de thons au Rass Kaboudia près du nadour de Khedija (Chebba) 266
Fig. 174. Drain de Ksar en Nouba (site n°72) 269
Fig. 175. Drain d'El Alia dans la formation Rejiche (site n°90) 269
Fig. 176. Cherfîya sur les bancs des Kerkennah 272
Fig. 177. Grande bordigue à l'entrée de la Mer des Biban 273
Fig. 178. Sparaillons dans une chambre de capture de la bordigue des Biban 273
Fig. 179. Scènes de pêche dans une mer poissonneuse (mosaïque de Sousse) 276
Fig. 180. Nasses (drina) sur les rives du golfe de Gabès 276
Fig. 181 a. Cuves et citerne de l'usine de salaison de Salakta 278
Fig. 181 b. Usine de Salakta. Relevé G. Hallier 279
Fig. 182. Mosaïque d'El Alia : pêche à la senne et villa maritima (Musée du Bardo) 284
Fig. 183. Mosaïque du Fundus Bassianus (Musée du Bardo) 284
Fig. 184. Carte des vestiges d'industries halieutiques sur les côtes de Tunisie 288
Fig. 185. Fond de cuve en opusfiglinum à Mraïssa (site nol65) 290
Fig. 186. Cuve dans la falaise de l'Escueil de Pasque (La Galite) 290
Fig. 187. Relevé de l'usine de salaison de Nabeul (d'après M. Bonifay et L. Slim) 292

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Sauf mention contraire, toutes les illustrations sont des auteurs.

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