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Après L'entrepreneuriat - Ebook PDF

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APRES

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STEVY OPONG

APRÈS
L’ENTREPRENEURIAT

Je suis venu,
j’ai vu,
j’ai tout compris
« Il faut d’abord savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le
courage de le dire, il faut ensuite l’énergie de le faire »

Clémenceau

2
Prologue

D’aussi loin que je me souvienne, devenir entrepreneur n’avait jamais fait partie de mes
projets. En tout cas, pas avant 2014. Jusque-là, mon désir le plus ardent était de devenir
Expert-comptable. Pas parce que j’étais passionné de comptabilité, juste que j’étais très
doué en la matière. Tout me semblait si facile. Il n’y avait que des évidences à chaque
fois. On pourrait même dire que j’avais ça dans le sang, au sens propre comme au figuré.

Mon père est comptable, son père avant lui (mon grand-père donc) était aussi
comptable. Et peut-être avais-je été influencé par cet « héritage ». Je ne sais pas. Quoi
qu’il en fût, devenir Expert-comptable me brûlait profondément. C’était ça ma voie !
Enfin, pensais-je à cette époque. Puisque, aujourd’hui, 5 ans plus tard, les choses sont
différentes…

J’ai entre autres compris que ce n’est pas parce qu’on aime quelque chose, ou qu’on y est
même doué, qu’on est vraiment fait pour ça. Ni que ça nous rendra heureux. C’est
principalement ce constat qui me fait prendre la décision de prendre du recul par
rapport à l’entrepreneuriat. Que pourtant j’aime beaucoup. J’ai tellement aimé et chéri
l’entrepreneuriat que je l’avais idéalisé, déifié presque. Et je pense que j’étais (ou je suis)
bon pour ça. J’ai lu tous les livres, étudié les parcours de tous ceux qui ont réussi,
décortiqué les plus grandes comme les plus petites success stories, rencontré des
entrepreneurs de talent, échangé avec les personnes des plus inspirantes dans le
domaine… L’entrepreneuriat est un labyrinthe dont je maîtrise quasiment, au moins en
théorie, toutes les sorties. Ce qui m’a permis de travailler avec de nombreuses personnes,
certaines que j’ai aidées à se lancer, d’autres à développer considérablement leurs
affaires. Pourtant, aujourd’hui, je suis las de tout ça. C’était très sympa mais c’est bon…
Enfin, en ce moment présent, j’en suis convaincu en tout cas.

This is it ! Retour au point de départ. Mes études et une carrière dans le salariat.

Maintenant que j’y repense, mon parcours est quand même très… sinueux. Vous me
permettrez de vous en résumer les grandes lignes.

Je suis l’ainé de mon père. Très tôt, nous avons eu une relation très fusionnelle. Il me
voyait comme son héritier, son champion, celui à qui il devait tout transmettre. Celui
qui prendrait le relai. C’est pourquoi il m’a appris le sens des responsabilités. Un homme
assume, quoi qu’il en coûte.

En outre, très tôt, il me parlait déjà comme on parle à un adulte. D’ailleurs, on faisait
beaucoup de promenades ensemble. Ma mère étant très casanière, c’est moi que mon
père emmenait partout. Que ce soit à ses rendez-vous, à ses soirées et autres sorties.
J’étais comme son sac à main préféré.

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Je n’étais encore qu’un enfant quand il a commencé à me marteler l’importance de la
lecture. Il me répétait fréquemment que lire est un trésor. Que c’est la meilleure activité
qu’on puisse faire. Car non seulement elle nourrit notre esprit, en plus elle nous divertit.
Mais que même déjà armé de connaissances, la lecture nous permet de les entretenir,
puisque ce qui ne s’entretient pas s’évapore.

Quand il rentrait du boulot, il voulait me trouver en train de lire quelque chose, peu
importe. Il voulait juste que je lise. Il mettait tellement un point d’honneur dessus que
très souvent, quand il m’envoyait lui acheter un journal, il m’exigeait d’en lire un article
pour lui et après de lui en faire le résumé. Quand je ne comprenais pas un mot, il me
tendait un dictionnaire pour apprendre sa signification par moi-même.

Évidemment, au début, je détestais et même redoutais ces « épreuves ». Comment m’en


vouloir, j’avais 5 ans !!!

Mais à la longue j’ai commencé à m’approprier cette passion. Si bien que quand je
marchais dans la rue, je ramassais les bouts de papiers qui trainaient pour les lire. Très
souvent aussi je m’arrêtais pour lire les affiches et les pancartes. Ce qui avait pour effet
d’agacer les personnes qui marchaient avec moi. Quand, à 6 ans, j’ai commencé l’école
primaire, j’avais déjà d’excellentes bases en lecture. Je dirais même que j’étais très en
avance par rapport aux autres bambins.

L’autre passion que j’ai vraiment développée c’est le dessin. Et j’étais d’ailleurs pas mal
doué. Si doué que beaucoup me voyaient intégrer une école d’art après mon bac. Sauf
qu’en 4ème je rencontre Olive et David. Deux élèves de ma classe qui entretenaient une
véritable passion pour la poésie. Nous formions un trio d’artistes. Deux poètes (et
chanteurs) et un dessinateur. D’ailleurs, j’avais souvent pour rôle d’illustrer leurs textes
avec mes dessins. Et mes potes étaient très forts ! J’adorais ce qu’ils écrivaient. Tant que
mon plus grand souhait à ce moment-là était d’écrire d’aussi belles choses que les leurs.

C’est ainsi que je commence à écrire. Tous les jours. D’abord des proses puis des vers.
J’en deviens obnubilé. Au point de laisser tomber le dessin. Je passais mon temps à écrire.
Les dernières pages de tous mes cahiers étaient plein de poèmes, textes de raps, citations,
etc. Même pendant les cours, j’écrivais. En particulier les cours de maths… je n’ai jamais
vraiment aimé cette matière de toute façon.

Pourtant, quand j’ai eu mon bac, le projet que j’avais choisi était loin de tout ça. Au lycée,
j’ai développé un grand talent pour la rédaction. Fort de mes nombreuses lectures, j’étais
devenu une référence en français et en philosophie. J’aimais écrire et surtout défendre
un point de vue. Le débat contradictoire me passionnait et j’avais choisi ma voie : je
deviendrais avocat. C’était signé, acté, décidé !

Raison pour laquelle, après l’obtention de mon bac, alors que tout le monde courait soit
pour l’étranger, soit pour passer des concours, moi j’avais déjà un plan bien tracé : aller

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à l’Université Omar Bongo, décrocher un Doctorat en Droit et devenir avocat. Je me
souviens toujours de la réponse que je donnais aux gens qui voulaient comprendre mes
motivations : « si ce pays dégringole c’est parce que la loi ne joue pas correctement son
rôle. Je veux devenir le juriste qui va remettre les choses en place ». Oui, vous pouvez
rigoler. J’étais jeune.

Un jour alors que je rentrais de l’UOB, d’où j’étais allé faire ma carte d’étudiant, car je
m’étais finalement inscrit en Droit, je reçois un appel de l’Agence Nationale des Bourses
du Gabon. Sans me donner plus d’explications, la dame au bout du fil me demande de
passer urgemment à leurs bureaux pour affaire me concernant. Arrivé là-bas, ils
m’annoncent que j’ai obtenu une Bourse de coopération pour le Maroc, où j’allais
entamer des études d’Économie et Gestion. Vous savez quoi ? J’ai refusé cette bourse.

Déjà parce que je n’avais jamais rien demandé et je ne connaissais rien du Maroc, mais
surtout parce qu’ils m’envoyaient faire les Sciences Économiques. Et on sait tous que
cette filière exige de bonnes, voire de très bonnes bases en Maths. Et on sait tous aussi
que ce n’était pas mon cas. J’ai dit non ! La dame qui m’a reçu a eu beau m’expliquer que
je pouvais changer de filière surplace, que si je restais au pays je perdrais même la bourse
nationale et qu’ils m’avaient choisi à cause de mes excellentes notes au Bac, j’ai quand
même rejeté l’offre. Moi je voulais devenir avocat en affrontant la fameuse UOB que tout
le monde décriait tant ! Voilà !

C’est le père d’une jeune femme qui était également dans mon cas, et qui avait assisté à
la scène, qui m’a convaincu. « Mon fils, l’attestation de bourse que tu as entre les mains,
des milliers d’étudiants paieraient cher pour l’avoir. Tu sais pourquoi ? Parce qu’ils iront
tous à l’UOB et n’apprendront pas correctement à causes des grèves, la corruption et autres
difficultés. Tu es chanceux. Il faut apprendre à saisir les opportunités. La dame t’a dit que
tu pourras changer devant, vas-y ! Tu verras d’ailleurs que ceux qui sont restés à l’UOB là
cette année encore ils ne vont pas apprendre. N’oublie pas que là-bas ce n’est pas le plus
intelligent qui réussit ».

Cette année-là, l’UOB a fait près de 6 mois sans cours, pour cause d’émeutes et grèves
particulièrement violentes.

Arrivé sur place, au Maroc, ma faculté m’a appris que je ne pouvais plus changer de
filière, vu que ma promotion était arrivée en retard du Gabon. Je devais donc faire les
Sciences Eco, à contrecœur.

Ça m’a demandé beaucoup de nuits blanches en maths mais j’ai relevé le défi. Et je me
suis découvert un talent pour la compta. Ça venait naturellement chez moi. Tellement
que je dormais et rêvais comptabilité. Ce n’est donc pas une surprise si j’ai choisi de faire
carrière dans la profession la plus prestigieuse du domaine : l’Expertise-comptable.

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En 2015, à la fin de mon cursus à la fac et suite à un souci dans la procédure, je n’ai pas
pu passer le concours pour intégrer le cursus d’expertise comptable. J’allais donc passer
une année blanche, attendant l’année suivante pour reprendre la procédure. Pour ne pas
complètement gâcher cette année en flânant, je décidai de me lancer dans une
préparation au Diplôme Supérieur de Comptabilité et Gestion (DSCG). C’est une
formation qui vous rode à fond en comptabilité et gestion en vue de passer le concours
de l’école d’Expertise-comptable. Je me lançai donc, à nouveau, dans des nuits blanches
pour être fin prêt.

Dans cette même période, un jour, je suis dans un café (je crois) avec mon ami Mehdi,
qui s’était déjà lancé dans l’entrepreneuriat. On discutait de son affaire et pendant la
conversation je me souviens que sa compagne pratique le make-up (maquillage). Je sais
qu’elle en est passionnée, du coup je demande à Mehdi ce que cette dernière compte
faire de ce talent et cette passion. Il me dit qu’il ne sait pas trop, elle maquille juste.

Entretemps, j’avais lu le magnifique ouvrage de Bronnie Ware intitulé : « 5 regrets de


personnes en fin de vie ». Le livre de cette américaine qui avait été infirmière en soins
palliatifs et qui avait recueilli les regrets que les personnes sur le point de mourir
exprimaient le plus. Je vous le conseille vivement.

Bref.

Bronnie Ware y fait donc un classement des regrets les plus exprimés. Parmi eux, celui-
ci, le numéro 1 d’ailleurs, m’avait particulièrement interpellé :

« J ’aurais aimé vivre ma vie pas celle des autres. »

Au moment de rendre leur dernier souffle, en faisant le bilan de leurs vies, la plupart des
gens se rendent compte qu’ils ont mené une vie qui était plus conforme aux aspirations
de la société qu’à leurs désirs les plus profonds. Soit en faisant des formations suivant la
volonté de leurs parents, soit en épousant une personne parce que ça convenait à la
famille, soit en se lançant des défis pour plaire aux amis ou encore en dissimulant
certaines passions pour ne pas choquer les gens.

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Bronnie explique :

« C’était le regret le plus commun. Quand les gens réalisent que leur
vie touche à sa fin et qu’ils jettent un regard clair sur leur existence, il
est aisé de constater combien de projets n’ont pas été réalisés. La
plupart des gens n’ont pas réalisé la moitié de leurs rêves et doivent
mourir en ayant conscience que cela est dû aux choix qu’ils ont faits,
ou qu’ils n’ont pas faits. »
Cette lecture m’a profondément marqué.

Quelques jours suivants mon déjeuner avec Mehdi, j’allai voir sa compagne afin de
savoir ce qu’elle comptait faire de ses talents de maquilleuse pro. Elle me répéta ce que
Mehdi m’avait dit : « je ne sais pas encore, je maquille juste. Je n’ai pas de gros projets
particuliers. J’aimerais bien développer cette passion mais je ne sais pas trop comment m’y
prendre ».

Inspiré par ma lecture de l’ouvrage de Bronnie Ware, je lui répliquai qu’il n’existe rien
de plus gratifiant, professionnellement, que d’exercer un travail qui à la base nous
passionne. On ne le verra d’ailleurs pas comme un travail mais presque comme un jeu.
Et puis, comme le dit si bien le sage chinois Confucius : « faites un travail que vous aimez
et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».

Je lui dis que si sa véritable passion est le make-up, autant qu’elle s’y donne à fond afin
d’en tirer une vocation professionnelle. Et que je pouvais l’aider à transformer cette
passion en un véritable business.

A ce moment-là, je ne savais pas exactement comment je m’y prendrais pour l’aider à


développer son business comme je le prétendais. Tout ce qui me passait par l’esprit était
juste qu’en face de moi j’avais une jeune femme très douée dans un truc, et que ce serait
dommage qu’elle n’en profite pas au mieux. Et surtout que me j’en voudrais de la voir
plus tard exercer un métier qu’elle déteste alors qu’elle aurait pu s’épanouir avec sa
passion. Je n’y voyais donc aucun intérêt personnel. Je voulais aider quelqu’un à
développer sa passion. Point.

Pendant les jours qui ont suivi, j’ai enchainé des nuits à lire des eBooks et des articles, à
regarder des émissions et chroniques, à suivre des cours et des tutos qui me serviraient
à tenir mon engagement de l’aider. Elle avait besoin d’une gestion professionnelle de ses
réseaux sociaux, je me mis donc à étudier le community management et le marketing
digital ; elle avait besoin d’un site web pour mieux mettre en avant son image de
maquilleuse pro, je me mis à étudier les langages de programmation ; elle avait besoin
d’un logo pour asseoir une identité de marque, je me mis à Photoshop.

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Toutes ces choses ne m’avaient jamais intéressé jusque-là et m’étaient complètement
fantomatiques. Mais je voulais offrir à mon amie un travail de qualité qui l’aiderait
vraiment et surtout un travail gratuit. Engager des pros de ces domaines à l’époque était
exclu, nous n’en avions pas les moyens. Donc j’ai appris dans chaque domaine le
minimum qui pouvait me permettre de fournir un travail relativement acceptable. En
plus j’avais du temps devant moi. Puisque, entretemps, j’avais garé toute ma préparation
au DSCG pour me consacrer complètement à mon amie. La formation avait un coût que
je ne pouvais supporter. Je décidai de me préparer au concours seul, à la maison, en
bossant avec les annales téléchargées en ligne.

Travailler pour mon amie m’a fait entrer dans l’univers du numérique. Moi qui jusque-
là ne connaissais du numérique que Facebook, mon mail et quelques sites, je découvrais
tout un univers plein d’opportunités. Je commençais à développer une vraie passion
pour le numérique. Notamment pour le marketing digital. Au point où, à la fin de
l’année, quand l’occasion se présenta à moi de passer le concours pour l’école
d’Expertise-comptable de l’ISCAE de Casablanca, je refusai et choisis à contrario de me
lancer dans des formations certifiantes dans les domaines du Marketing Digital et du
Développement web. J’ai donc acquis diverses certifications plus ou moins utiles qui
couvrent quasiment tout le numérique.

J’étais tellement tombé amoureux du numérique que je n’avais pas du tout l’impression
de travailler. Chaque tâche me semblait trop facile. Je pouvais passer des heures et des
heures devant un ordinateur sans prendre aucune pause. Aujourd’hui encore, d’ailleurs
(pour le plus grand mal de mes yeux).

Évidemment, cette décision de me consacrer aux ordinateurs au lieu de faire carrière


dans la finance n’a pas été accueillie avec faste dans ma famille. Vu notamment le
nombre d’emplois et d’opportunités professionnelles que j’ai rejetés jusqu’à maintenant.
Mais j’avais choisi ma nouvelle voie et je comptais bien y rester, coûte que coûte.

C’est de cette façon que je découvre véritablement l’entrepreneuriat. Avant, je prévoyais


bien sûr de « faire des affaires », mais jamais d’y consacrer ma vie. A partir de 2015, ma
décision était prise : je serais entrepreneur numérique. Adieu Compta, ravi de t’avoir
rencontrée.

A partir de là, l’entrepreneuriat était devenu une obsession. J’achetais des tonnes de
livres, écoutais des podcasts, suivais des émissions, assistais aux conférences et
séminaires… Bref, j’étudiais littéralement chaque particule liée au monde du business.
Jusqu’à très récemment encore, je l’avoue. D’ailleurs, ma bibliothèque est toujours pleine
des plus grands ouvrages sur le business et le développement personnel, mon téléphone
bourré de livres audios, mon ordinateur est chargé de vidéos et livres numériques. Et
bien plus encore.

8
Cette obsession m’a permis d’être véritablement calé en tout ce qui tourne autour de
l’entrepreneuriat. J’ai toutes les compétences et connaissances pour faire un excellent
business developper. Autrement dit, une personne qui, après avoir fait un audit de votre
projet ou de votre affaire, vous expose un ensemble d’idées et d’outils qui pourront vous
permettre d’actionner de nouveaux leviers de croissance. En gros, il sait quoi vous dire
pour améliorer votre affaire. Et ça je l’ai fait pour beaucoup de personnes. De façon
officieuse, sans trop prendre cela pour une activité pro. Puisque, personnellement, ça ne
me coûte rien, ou presque. J’aime ça et ça m’amuse.

J’ai lancé il y a quelques mois le blog Startup Addict, qui parle d’entrepreneuriat et de
marketing. Je le gère jusqu’à maintenant seul. Et l’une des remarques que j’ai souvent
reçues est que le blog carbure vraiment à cent à l’heure ! Les autres blogueurs par
exemple n’arrivent pas à comprendre comment je fais pour publier, seul, deux articles
par jour et en même temps d’animer les réseaux sociaux avec beaucoup de régularité, de
professionnalisme et de pertinence. Où je trouve ce temps ?

Mais ce qu’ils ne comprennent pas c’est que pour moi c’est facile. Des articles de blog, je
peux même en écrire dix par jour. Piochez même un mot ou une phrase au hasard, je
vous mitraille de billets dessus. Ma tête est pleine d’idées, de concepts, de théories, etc.

A propos, faire du bénévolat dans les business de plein de gens m’a même très souvent
été reproché par mes proches – à raison, car j’ai aidé plusieurs personnes à avoir un
certain succès que moi-même, l’homme de l’ombre, j’ai rarement eu. Si j’avais fait payer
ces « services » je me serais bâti une petite bourse. Mais bon, ça ne m’a jamais rien dit.

Ce qui est dommage ! Parce que à force de me disperser ainsi, sur plein de projets
différents, principalement d’autres personnes, je me suis oublié. Si bien que mes propres
projets et business ne décollaient pas. Enfin, pas autant que quelqu’un comme moi
pouvais le faire. Je stagnais dangereusement. J’avais quelques rares pics de croissance
mais qui ne duraient pas car je me faisais rapidement happer par autre chose à peine la
stabilité atteinte dans l’une. Par exemple, j’ai été contributeurs pour au moins 5 blogs et
médias en ligne alors que moi-même je n’en avais pas.

Ces dernières années j’ai presque tout fait. J’ai exercé en tant qu’infographe, développeur
web, community manager et j’ai surtout été consultant en marketing digital et en
branding à travers ma startup, Studios Enigma. Cette dernière activité étant mon cœur
de métier. De temps en temps j’intervenais, bénévolement (sic) comme busines
developper. Tout en entretenant ma passion pour l’écriture en animant divers blogs et
chroniques.

Au bout de cinq ans, je pense que j’ai fait le tour de la question de l’entrepreneuriat. J’ai
eu le temps de me poser toutes les questions et d’aller chercher les réponses à la source.

9
J’ai expérimenté un certain nombre de choses, avec autant de succès que d’échecs ; j’en
ai vu, fait et entendu beaucoup… bref. J’ai roulé ma bosse.

Aujourd’hui, ayant toutes les cartes en main, je décide de me coucher. Je préfère revenir
à mes projets d’avant 2015. C’est-à-dire me lancer dans le salariat et de faire quelques
affaires en parallèle. Je ne vais pas me lancer dans le Compta. Désormais, je suis plus à
l’aise dans le marketing, et spécialement le branding. J’y ai quand même une certaine
expérience vu que ces dernières années je l’ai pratiqué. Je vais juste, dès à présent,
approfondir ces compétences autant qu’il est possible.

Je ne me retire pas parce que les affaires ne marcheraient pas, au contraire ! J’ai une
grosse expérience, des références (ou états de services) très respectables, une notoriété
intéressante dans le domaine et un réseau de qualité. J’ai même encore un portefeuille
clientèle grâce auquel je me fais des sous pas si négligeables. Et si je me stabilise
davantage et arrête de me disperser, il me suffirait juste de pousser, juste un peu, pour
dévaler la pente du succès. En gros, j’aime ma vie.

Donc ne vous inquiétez pas, je vis très bien mon entrepreneuriat. Je n’ai aucune véritable
difficulté, barrière ou je ne sais quoi. Tout va bien. L’argent entre et les perspectives sont
bonnes. J’ai juste un petit souci avec l’entrepreneuriat lui-même, ça ne me dit plus
grand-chose. Peut-être est-ce un petit coup de blues qui va rapidement s’en aller et faire
que je ne termine pas et donc ne publie jamais ce bouquin. Tout est possible. Mais d’ici
là que je sois absolument et définitivement fixé, ma position est celle-là.
L’entrepreneuriat comme activité principale, c’est fini.

J’ai perdu cette petite étincelle, cette lueur, cette flamme qui brûle au fond de vous quand
vous êtes obnubilé par quelque chose. Je suis tombé amoureux de l’entrepreneuriat, on
s’est mariés, mais là je sens qu’on est devenu un vieux couple. Y’a plus de magie. Je ne
veux pas rester avec juste par habitude. Moi je suis un passionné, j’aime faire les choses
de façon obsessive. Il n’y a que comme ça que je les fais bien et à fond. Je n’aime pas faire
les choses pour l’argent. J’aime avoir le sentiment d’être acteur de quelque chose de
grand, qui va impacter la société. J’aime prendre des initiatives, lancer des concepts,
innover, bouleverser les choses… L’argent ne doit jamais être une motivation mais une
conséquence d’un travail bien fait. Je fonctionne ainsi.

Cela dit, avant de tirer le rideau, il m’importait de faire un petit bilan de ce que j’ai appris
en cinq ans dans l’œil de l’entrepreneuriat.

Surtout maintenant que c’est devenu la nouvelle mode. A la télé, sur internet, à la radio,
dans les journaux, partout, l’entrepreneuriat est encensé comme si c’était la solution
miracle à tous nos problèmes individuels et collectifs. Aujourd’hui c’est en passe de
devenir une honte d’être salarié ou, pire encore, fonctionnaire. Le tapage médiatique et
politique a donné un gros coup de projecteur sur le phénomène, au point de laisser dans
la pénombre des aspects qui méritent aussi d’être connus.

10
Je ne vais pas vous répéter à quel point l’entrepreneuriat est merveilleux, combien c’est
super d’être indépendant, qu’il faut croire en ses rêves pour réussir, etc. Ce genre de
discours pleut sur internet et à la télé. De nombreux bouquins qui psalmodient ces
pensées se ramassent presque parterre désormais. Moi-même j’ai écrit plein de choses
dans le même genre.

Le but des pages qui suivent n’est pas de vous convaincre du contraire non plus.
J’aimerais simplement vous montrer qu’au-delà du positivisme exacerbé dans lequel on
nous plonge la tête parfois de force tous les jours et partout, ou du scepticisme que
d’aucuns entretiennent, il y a une troisième voix. Il y a d’autres aspects de
l’entrepreneuriat qu’il faut aussi connaître.

Aujourd’hui, j’aimerais vous donner un avis non édulcoré, éloigné de tout fanatisme et
déification outrancière envers la prétendue indépendance financière et professionnelle.
Revenons sur terre, juste le temps de quelques pages.

5 ans, 5 longues années que j’ai investi dans ce rêve inébranlable (ou presque) que tous
les entrepreneurs nourrissent. J’ai tenté ma chance pendant une demi décennie. Car oui,
entreprendre c’est tenter sa chance. Personne ne sait jamais à cent-pour-cent s’il fera
fortune ou pas. Mais c’est la croyance – la foi – en nos rêves qui nous permet de garder
la tête hors de l’eau. On se raccroche tout le long du parcours à des histoires qui n’ont
pour la plupart rien à voir avec nous, à des destins littéralement exceptionnels dont les
chances qu’ils soient similaires au nôtre sont infiniment minces. Mais on garde la foi.
On y croit. Sans ça on imploserait...

J’ai pris beaucoup de recul sur ces dernières années et mon regard sur l’entrepreneuriat
n’a pas changé, non. Il s’est enrichi. Et je voudrais partager cette richesse avec vous.

Bonne lecture.

11
I

On n’a pas ce qu’on mérite dans la vie.


On a ce qu’on a et personne ne peut rien y changer.

« L'homme ne
peut compter sur
aucun succès
quand le ciel est
contre lui. »

Proverbe Latin

Lorsqu’on demandait à Agnes Fenton, une américaine de 110 ans, son secret de
longévité, elle répondit : « trois bières et un verre de whisky tous les jours ». Pour Jessie
Gallan, également âgée de 110 ans, elle expliqua : « mon secret de longévité est de rester
éloignée des hommes. Ils sont plus source de soucis qu’autre chose. ». Quant à Elisabeth de
Proost, 111 ans, elle soutient qu’il faut juste « rester positif dans la vie ». Pour terminer,
la doyenne de tous, Jeanne Calment, morte à 122 ans, elle buvait un verre de Porto par
jour et a fumé le cigarillo jusqu’à ses 117 ans.

La vérité est là… Vous l’avez saisie aussi ? Non ?

Eh bien, personne ne connait le secret de la longévité. Même pas les plus anciens d’entre
nous. Eux-mêmes ne savent ni pourquoi ni comment ils ont vécu autant d’années.
Pourtant les études ne manquent pas pour percer le mystère. En 2016 par exemple, une
vaste étude auprès de 3 000 centenaires belges a été effectuée afin de trouver des liens en
entre eux et ainsi dénicher LA formule pour devenir aussi centenaire. Rien. Nada.

Les chercheurs ont, bien sûr, sorti des conclusions. Mais elles rejoignent toutes ce qu’on
nous répète déjà depuis des années. Avoir une activité physique régulière, gérer son
stress, s’alimenter sainement, etc. Ils ne nous apprennent rien de nouveau et de
nombreux cas de centenaires qui ont mené la vida loca jusqu’au dernier jour sans se
poser de questions viennent renverser ces observations. D’ailleurs, pas sûr que les
chercheurs de cette étude eux-mêmes finissent centenaires.

Bref, on ne sait pas vraiment !

12
C’est pareil en entrepreneuriat.

En tant qu’entrepreneur, j’ai évidemment été élevé aux fameux discours du « si tu


travailles dur, que tu crois en tes rêves et que tu n’abandonnes jamais tu finiras tôt ou tard
par réussir ». Ça s’appelle la méritocratie. Une façon de penser qui suppose que chacun
de nous a ce qu’il mérite selon le niveau d’efforts qu’il a fournis pour l’obtenir. Donc si
tu n’as rien c’est que soit tu n’as pas travaillé assez fort, soit tu as abandonné trop tôt,
soit tu n’as pas appliqué la bonne méthode. La vie serait donc juste. Elle récompense ses
meilleurs soldats et punit ceux qui ne se sont pas bien illustrés…

J’y ai cru. Profondément. Je l’ai même vanté, chanté sur tous les toits. Ayant la chance
d’avoir des lecteurs, grâce aux réseaux sociaux et aux blogs que j’anime notamment, j’ai
été un grand chantre de cette doctrine.

Pourtant cette pensée est une méprise. C’est faux !

Cette philosophie met complètement à l’écart un facteur que tous les entrepreneurs,
motivateurs, conférenciers et gourous de l’entreprenariat et du développement
personnel détestent mais qui est bien réel : LA CHANCE.

Oui, ceux qui réussissent doivent, dans la plupart des cas, sinon tous, leur succès à la
chance. La chance c’est, comme on a coutume de dire, quand les astres s’alignent en ta
faveur. C’est quand un évènement qui t’est favorable se produit sans que tu n’aies rien
fait pour que cela arrive. C’est être au bon moment, au bon endroit sans avoir prévu quoi
que ce soit.

Le discours généralement plébiscité par la communauté est qu’on crée sa chance. Qu’on
peut, par nos actions, motiver la providence à agir en notre faveur. Sauf que dans ce cas
il ne s’agit plus de chance. Quelque chose qu’on provoque et que donc on peut prévoir
n’a rien de providentiel.

La chance c’est acheter 100 dollars de BitCoins en 2009 sans savoir que ça vaudrait plus
d’un million en 2015. Personne ne pouvait prévoir ça et ceux qui ont refusé d’investir à
l’époque n’ont pas à s’en vouloir. C’est la vie !

Savez-vous quelle est la toute première chose de l’histoire à avoir été achetée avec des
BitCoins, justement ? C’est une pizza... enfin, deux. En 2010, une pizzeria a accepté d’être
payée dans cette monnaie virtuelle, encore embryonnaire à l’époque. Ces deux pizzas
ont été facturées 10.000 Bitcoins, soit 200 millions de dollars en 2015 (et à peu près 80
millions de dollars en 2019). Bon, à l’époque un seul Bitcoin valait 0,002 $, mais bon. Ça
reste les pizzas les plus chères de l’histoire. J’espère au moins qu’elles étaient bonnes, à
ce prix-là !

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La chance c’est lancer une entreprise d’importation de ciment et quelques années après,
apprendre que l’État a décidé d’interdire l’importation de ciment par les entreprises
étrangères. Que, désormais, seuls les nationaux peuvent vendre le ciment sur son
territoire. C’est ce qui est arrivé à Aliko Dangoté au Nigéria dans les années 80. L’État a
mis en place des politiques de nationalisation de l’économie. Et de nombreux hommes
d’affaires nigérians ont gagné des marchés et des secteurs d’activités entiers ainsi.

Sauf que ce ne sont pas toujours des évènements aussi grandiloquents. Ça peut aussi être
le fait d’être dans un bar, de parler de tout et de rien avec des amis et d’apprendre une
petite information qui va nous permettre de réaliser quelque chose de crucial.

La vie est faite d’un enchevêtrement d’évènements, de moments, de rencontres, d’échecs,


de réussites qui, d’une façon ou d’une autre, vont changer le reste de notre vie à tout
jamais. Ce sont des choses qu’on ne peut maîtriser. Chacun l’appelle comme il veut.
Certains disent la Chance, d’autres la réponse aux prières, etc. Et il y a des personnes qui
ont plus d’opportunités de ce type que d’autres.

En 2003, Dorothy Fletcher, une anglaise de 67 ans vivant à Liverpool, était dans un avion
en direction des États-Unis quand elle a eu une attaque cardiaque. Évidemment, panique
à bord. Quand l’hôtesse de l’air a demandé s’il y avait un médecin dans l’avion, ce n’est
pas un mais quinze personnes qui ont levé la main. Mieux, ils étaient tous cardiologues !
Ils allaient à une conférence de cardiologie dans la même ville. Mme Fletcher, qui allait
au mariage de sa fille, a pu être prise en charge et sauvée.

A la lecture de cet évènement, les grands entrepreneurs vous diraient peut-être – je


caricature un peu - : « ce n’était pas de la chance. Elle a juste eu l’audace de partir de chez
elle et de prendre un avion ! ». Ou encore « dans la vie, il est important d’assister aux
mariages de ses enfants ! ». Vous voyez le genre.

Ils chercheraient une infinité d’explications plus ou moins logiques, en leur sens, pour
fuir d’admettre que Mme Fletcher a été chanceuse. C’est tout ! C’est comme voir des
scientifiques athées cherchant à trouver une explication rationnelle à une manifestation
spirituelle. Des millions de personnes prennent l’avion tous les jours. Des milliers ont
des soucis de santé plus ou moins graves pendant leurs voyages. Et la très grande
majorité n’a pas la chance de se retrouver entourés d’experts de leurs pathologies. Et ça
personne n’aurait pu le prévoir, le contrôler ou le provoquer. Il faut simplement
admettre qu’il y a des moments où la vie s’actionne pour nous ouvrir le chemin !

Depuis qu’une pensée entrepreneuriale existe, avec l’éclosion de nombreux écrivains,


chercheurs, théoriciens, entrepreneurs, motivateurs, nul n’a jamais réussi à établir une
sorte de « formule du succès ». Pourtant de nombreuses personnes s’y sont mises.
Comme Napoléon Hill, qui a passé des années à étudier les plus riches, à échanger avec
eux, à scruter leurs vies et leurs habitudes. Il a notamment rencontré Henry Ford, Dale
Canergie, John D. Rockefeller, et bien d’autres. De ses recherches, il a produit de

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nombreux ouvrages dont le très célèbre « Réfléchissez et devenez riche ». Eh ben, même
ce magnifique ouvrage n’a jamais été considéré comme étant LA formule du succès. De
nombreux autres livres et méthodes existent. Les lois de ceci, les méthodes de cela, etc.
Mais il n’existe aucune formule ou technique réelle du succès. Pourquoi ?

Parce que personne ne sait vraiment ce qui fait que telle personne réussisse ou pas.

Personne ne maîtrise le succès. Même pas les personnes qui ont réussi elles-mêmes. On
a tendance à déifier les propos des gens qui ont réalisé de grandes choses mais le fait est
qu’eux-mêmes n’en savent rien ! Ils ont opéré des choix, emprunté des chemins,
rencontré des gens, etc., mais ils ne sauront jamais exactement le pourquoi du comment
ça a marché ou pas. Ils connaissent leurs histoires de réussite, mais ils ne connaissent
pas la Réussite. La preuve, nombreux d’entre eux, bien qu’ayant atteint des sommets,
continuent souvent de se casser la gueule quand ils lancent des projets. Marc Zuckerberg
a beau être un modèle de réussite mais cela n’empêche qu’un grand nombre de choses
que son entreprise lance sont de parfaits bides. C’est ainsi pour toutes les grandes success
stories, ils savent comment ils ont réussi mais ne savent pas exactement pourquoi telle
chose a marché ou pas. Et cela, posséder de grandes équipes de marketing, des
laboratoires de recherches et développement et des budgets colossaux n’y changera rien.
Personne n’a la formule pour réussir.

Savez-vous ce que c’est que le biais du survivant ?

C’est le fait de tirer des conclusions sur comment réussir à partir de l’échantillon très
réduit de ceux qui ont connu le succès. C’est prendre les très rares qui ont réussi comme
modèles pour exagérer, ou surévaluer les chances de succès d’une initiative. Mettant de
côté le fait que ceux qui ont réussi ne sont pas des cas représentatifs mais de très rares
exceptions.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les troupes Alliées perdaient énormément


d’avions de combat. Du coup, ils ont fait appel au statisticien Abraham Wald pour tabler
sur le problème. La question était : comment faire en sorte que nos avions soient plus
solides ? Ne pouvant pas blinder la totalité des avions, car ils seraient trop lourds, il fallait
choisir les endroits stratégiques où renforcer la coque.

Ils ont donc sorti une carte qui montrait les endroits où les avions étaient le plus touchés.
Celle-ci avait été réalisée à partir des impacts constatés sur les bombardiers qui
rentraient à la base après une mission.

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Le raisonnement qui viendrait tout de suite est : « bah, ils n’avaient qu’à blinder les
endroits où il y avait le plus d’impacts sur la carte ! ». C’est exactement ce que Wald N’A
PAS FAIT !

Au contraire, grâce au billet du survivant il a apporté un raisonnement différent.


Jusqu’alors, effectivement, les chercheurs avaient raisonné ainsi. Mais Wald a réfléchi
autrement : si tous ces bombardiers arrivent à rentrer à la base avec ces impacts, c’est
que les zones où ils ont été touchés ne sont pas si « vitaux » que ça. Puisqu’ils arrivent à
rentrer à la base. A contrario, les avions qui ne rentraient jamais devaient donc avoir été
touchés dans les autres endroits. Donc, au lieu de blinder les endroits touchés chez les
survivants, on blinderait les autres endroits.

Ce qui est bougrement plus intelligent, on est d’accord.

Sauf que le monde entrepreneurial à l’heure actuelle raisonne à l’inverse d’Abraham


Wald. On prend les très rares survivants et on déduit à partir d’eux des théories sur la
réussite. Détournant les projecteurs des millions de personnes qui perdent tout et
meurent ruinés pour avoir tout misé dans un projet. On étudie beaucoup plus la réussite
que l’échec dans la société actuelle. Pourtant ceux qui échouent sont plus nombreux. Et
ils ont aussi des choses à dires. Mais personne ne s’intéresse à eux. Ce sont des loosers,
ils intéressent qui ?

J’ai souvent vu tourner sur les réseaux sociaux l’exemple du Colonel Sanders, fondateur
de la chaîne de restauration rapide KFC. C’est très beau comme parcours ! Le mec a
percé à plus de 60 ans après de nombreux échecs dans la vie. Son parcours est l’un des
grands exemples de la théorie selon laquelle dans la vie il ne faut JAMAIS abandonner.
Y’a son exemple et celui d’Abraham Lincoln qui sont souvent cités.

Et ce genre de discours fait souvent passer les personnes qui ont décidé de laisser tomber,
de changer de vie, pour des ratés. Pourtant, abandonner est souvent la meilleure chose
qu’on puisse faire. Très souvent même. Puisqu’ici encore on met davantage en avant les

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très rares survivants, et on éclipse les millions qui sont tombés au combat à force
d’entêtement. Qui pourtant ont fait comme on nous le chante à la flûte à tous « change
de plan s’il le faut, mais n’abandonne jamais », etc. Qu’est-ce qu’ils croient ? Ceux qui
ont échoué, plus nombreux, eux aussi croyaient en eux et en leurs projets ! Eux aussi ont
pivoté, changé de stratégies, misé leur sueur et leur sang, etc. Ne les prenez pas tous
pour des idiots, diantre ! Admettez simplement que parfois ça passe, parfois ça ne passe
pas et que personne n’y peut rien car personne n’a la formule du succès !

Ceux qui percent n’y arrivent pas toujours parce qu’ils ont fait mieux que les autres ! Ils
ont eu du bol. La réussite, dans l’entrepreneuriat comme dans la plupart des domaines,
tient du coup de bol. C’est un peu comme les jeux de hasard. Prenons le loto. Il y a des
joueurs qui ont passé leur vie à étudier le jeu, décrypter toutes les stratégies et effectuer
tous les calculs mais sans jamais gagner le gros lot. Alors que d’un autre côté, il y a ceux
qui, parfois, sans rien calculer ni rien connaître au jeu, tentent une fois et deviennent
millionnaires. C’est comme ça. Il y a certes des méthodes qui permettent d’augmenter
ses chances de succès, mais personne ne sait rien.

Une personne qui vous dit de ne jamais abandonner et de tout miser sur vos rêves est
semblable à une personne qui a gagné au loto et qui vous conseille de fumer toutes vos
économies dans le jeu. Parce que soi-disant « les efforts paient toujours ». Bah non. Pas
toujours. Les efforts paient « parfois ».

Il faut apprendre à faire preuve de sincérité et reconnaître que si on réussit c’est très
souvent parce qu’un certain nombre de circonstances favorables nous l’ont permis.

La réussite d’un individu est comme un iceberg. On pointe tous du doigt la partie visible
(le travail, les déconvenues, etc.) mais on fait totalement abstraction de la partie qu’on
ne peut voir (les coups de pouces du destin comme on les appelle).

Success and Luck : Good Fortune and the Myth of Meritocraty est un ouvrage écrit par
l’auteur et éditorialiste américain Robert Frank, dans lequel il démontre l’importance de
la chance dans notre vie. Notamment dans celle des personnes qui ont rencontré
d’importants succès dans leurs vies professionnelles. Cet ouvrage met en lumière à quel
point des évènements, actes et situations externes à notre contrôle peuvent ou non nous
mener à des destins exceptionnels.

Robert Frank cite de nombreux exemples. Bill Gates par exemple qui a eu la chance
d’être inscrit dans l’un des très rares lycées de sa région à être équipés d’un système
informatique à l’époque. Il prend aussi l’exemple de Bryan Cranston (l’un de mes acteurs
préférés), dont la vie a changé et la carrière a explosé après qu’il a été choisi pour incarner
le personnage de Walter White dans l’une des plus grandes séries de l’histoire de la télé
américaine, Breaking Bad (qui est d’ailleurs pour moi la meilleure série de tous les
temps). Il a eu ce rôle parce que deux acteurs avant lui l’avaient refusé. Ces icônes de

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leurs domaines respectifs auraient-elles eu ces destins si ces évènements n’avaient pas eu
lieu ? Sans doute pas.

Brian Cranston lui-même a déclaré : « La chance est une composante que plusieurs
artistes négligent de reconnaître : vous pouvez avoir du talent, de la persévérance, de la
patience, mais sans chance, vous n’aurez pas une carrière à succès »

Ne rien lâcher, c’est bien. Sauf que ça ne garantit pas qu’à la fin la vie vous récompensera
ou pas. Pour paraphraser le personnage de Dr House dans la série éponyme (ma
préférée) : « la vie n’est pas juste ou injuste. Elle est comme elle est c’est tout ».

Et cette tendance à mettre ceux qui ont réussi sur un piédestal tient du fait qu’on veut se
donner de l’espoir. On veut une lumière dans cette obscurité. Une lueur qu’on puisse
suivre à tout prix. Parce que si on n’a pas cette certitude qu’en agissant d’une certaine
façon on va réussir comme tel, on perd la force de nos actes.

Quant à ceux qui ont réussi, c’est une question d’ego. On veut se sentir exceptionnel
(c’est d’ailleurs le cas), on veut être élevé parmi les hommes, on veut être vu comme un
modèle. On veut surtout s’approprier notre propre réussite, se dire qu’on ne la doit à
rien ni personne. Surtout pas à la chance, voyons ! Ça nous rassure, renforce nos
croyances en nos capacités. On veut être convaincu d’avoir été les seuls pilotes de notre
succès. Ça se comprend. C’est humain.

Sauf que nourrir son ego ainsi a induit une forme de condescendance chez ceux qui ont
« réussi » vis-à-vis de ceux qui triment encore ou qui échouent. Ils sont convaincus
d’avoir relevé des défis plus élevés, d’avoir fait les meilleurs choix, d’avoir travaillé plus
que les autres, etc. Pourtant ce n’est pas tout à fait vrai.

Savez-vous qui sont Jackie Robinson, Irene Morgan, Claudette Colvin ou Mary Louise
Smith ? Non ? Alors, essayons quelqu’un d’autre. Savez-vous qui est Rosa Parks ? Cette
jeune femme qui, aux États-Unis, a refusé de céder son siège à un homme Blanc dans un
bus comme l’exigeait la politique ségrégationniste de l’époque. Acte qui, par la suite, a
entrainé d’énormes bouleversements socio-politiques dans le pays. Eh bien, les
personnes que j’ai citées avant ont toutes posé exactement le même acte que Rosa Parks,
des mois voire des années avant. Mais, elles, n’ont pas eu le même impact. Pourtant
plusieurs étaient déjà des défenseurs de la cause Noire, ou avaient des profils
intéressants. Claudette Colvin par exemple avait seulement 15 ans quand elle a décidé
de rester assise ! Jackie Robinson était un célèbre joueur de baseball au moment des faits.
Mais rien. Sauf pour Rosa Parks. Qui avait pourtant l’habitude de céder sa place. Mais
ce jour-là, sans rien préméditer, elle a choisi de ne pas bouger, et ça a déclenché un
cataclysme socio-politique.

Ce sont des choses qu’on ne peut pas maîtriser ni vraiment expliquer. On peut émettre
des théories mais en vrai, on serait incapable de reproduire quelque chose de cette

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ampleur parce que les paramètres ne sont pas à notre portée. Et dans le processus d’échec
ou de succès d’un individu, des intrications similaires ont lieu, sans que qui que ce soit
n’y puisse rien faire.

En ce qui me concerne, j’ai eu beaucoup de chance d’avoir un père si passionné par la


lecture, grâce à quoi j’ai une certaine culture. J’ai eu la chance d’être inscrit, non
seulement dans le même collège, mais aussi dans la même classe qu’Olive et David qui
m’ont donné envie d’écrire pour la première fois. J’ai eu la chance de vivre à l’époque de
Facebook, où je publie depuis plusieurs années mes textes. J’ai eu la chance qu’un jour,
Vanessa Caixeiro, influenceuse web très connue, tombe sur l’un d’eux et décide de le
partager. J’ai eu la chance qu’une amie de lycée, Anouchka, qui est très fan de Vanessa,
m’identifie sur le partage de cette dernière. J’ai eu la chance que Vanessa, parmi les
centaines de commentaires, voit celui d’Anouchka dans lequel elle m’identifie, et décide
de m’écrire pour me proposer de travailler avec elle. J’ai donc bossé avec Vanessa
Caixeiro comme rédacteur principalement (en ce moment je rédige son
autobiographie), mais j’ai aussi eu plein d’autres responsabilités comme développeur
pour son site web, webmaster, community manager, etc. Vanessa m’a alors mis en
contact avec une autre grosse célébrité des réseaux sociaux, Lady Sonia, une coach,
motivatrice et conférencière de renom en Afrique. Celle-ci a été le tout premier gros
client que j’ai eu. Son professionnalisme et son côté très exigeant m’ont permis de
repousser mes limites et de réaliser des choses exceptionnelles pendant les 9 mois qu’a
duré notre collaboration. A partir de là, j’ai eu de nombreux autres clients et ma carrière
entrepreneuriale a pris une certaine envolée.

Mais j’ai aussi et surtout eu la chance de rencontrer Mehdi qui, de tous mes amis à
l’époque, était le seul entrepreneur. La seule personne avec qui je pouvais aborder le sujet
et qui est l’un des instigateurs de cet amour pour l’entrepreneuriat. Mehdi qui m’a
permis de rencontrer sa petite-amie de l’époque, Grace. Cette dernière qui, quelques
années plus tard, a mis sur mon chemin une personne qui m’a gracieusement accordé
un important cachet pour développer mon affaire. Bref. Je pourrais dérouler comme ça
indéfiniment.

Ah ! J’ai eu la chance, récemment, de rencontrer un monsieur. C’est un homme d’affaires


qui a commencé dans l’aviculture. Aujourd’hui il a plusieurs business dans divers
domaines. Mais dans ses débuts, il possédait une grande ferme de poules pondeuses,
grâce à quoi il a fait fortune. C’est lui qui m’a expliqué à quel point c’était un domaine
extrêmement rentable. J’ai fait mes recherches et oui, l’aviculture est diablement
rentable. J’aurais même dû investir là-dedans dès le début ! Je m’y lance maintenant, à
tâtons certes, il n’est pas trop tard, mais ça a été une chance pour moi de l’apprendre.
Car oui, même obtenir une info est une aubaine que beaucoup n’ont pas. Il y a des
milliers de personnes qui perdent énormément d’argent dans des business peu
intéressants tout ça parce qu’ils n’ont pas l’info. Ou bien qui passent des heures sur

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internet sans tomber sur l’article intéressant que toi tu as lu et qui t’a ouvert les yeux sur
quelque chose. Même des petits détails comme ça peuvent tout changer.

Depuis que j’ai ouvert le blog Startup Addict, beaucoup de gens m’ont écrit pour me
faire part du fait qu’un de mes articles les a aidés à améliorer telle ou telle chose, ou de
résoudre tel ou tel problème, dans leur affaire. Mais que dire des centaines, ou milliers
d’autres personnes, qui ont le même problème, mais qui n’ont pas eu la chance de
tomber sur mon blog ?

Il y a des choses qu’on ne maîtrise pas et qui jouent parfois en notre faveur. « Il faut
savoir en profiter », me dira-t-on. Oui. Mais avant, il faut que ces opportunités se
présentent déjà !

Mon parcours, et je ne suis pas le seul, est fait de rencontres hasardeuses mais qui
chacune ont eu un impact, bon ou mauvais, pour la suite de ma vie. J’ai parfois été au
bon endroit, au bon moment et rencontré la bonne personne. Mais je ne dirai jamais à
un autre jeune écrivain : « si tu veux réussir, publie tes textes sur internet ». Il y a des
millions de textes sur internet, les chances que le tien tombe sous les yeux d’une
personne qui va changer ta vie sont infiniment minces. D’autant plus que de nombreux
écrivains ont été volés ou plagiés comme ça ! Je ne sais ni pourquoi ni comment l’un des
miens a fait écho. C’est la vie !

Selon une étude fournie par le média Funders and Founders, basée sur les données de la
CIA, de la Banque Mondiale et du Global Entrepreneuship Monitor effectuée en 2011,
il existe plus de 400 millions d’entrepreneurs dans le monde, sur une population totale,
à l’époque, de 7 milliards de personnes. Or, en 2011 encore, selon Forbes, il y avait 1 210
milliardaires et 11 millions de millionnaires, en dollars dans le monde. Prenez les deux
derniers chiffres, faites le rapport sur 400 millions d’entrepreneurs et vous comprendrez
vous-mêmes que les chances de faire fortune sont plus qu’infiniment minces. Vous avez
statistiquement plus de chances de gagner au loto que de finir milliardaire. Je n’ai pas
retrouvé des chiffres plus récents mais les données doivent sensiblement être les mêmes.

Je suppose que l’entrepreneur qui lit ces pages doit trépigner d’indignation, non pas sur
le fait qu’il a plus de chances d’échouer que de réussir, mais que j’ose dire que la chance
a avoir avec le succès. C’est normal. Vous avez été élevé, nourri, abreuvé au discours
selon lequel le monde est méritocrate et qu’il suffit de travailler dur, de croire en ses
rêves, de ne jamais abandonner et vous réussirez… On vous a tellement abreuvé avec ça
que vous l’avez profondément assimilé, ça fait désormais partie de votre ADN.

Et puis, je ne dis pas que c’est faux. Je dis juste qu’au-delà des choses qu’on peut soi-
même maîtriser il y en a sur lesquelles on n’a aucun contrôle et que du fait qu’elles nous
soient favorables ou pas peuvent déterminer notre réussite ou notre échec. Et leur
importance est beaucoup plus grande qu’on veut bien l’admettre.

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La principale raison de cette incapacité générale à circonscrire le succès tient en une
chose : NOUS SOMMES TOUS DIFFERENTS. 7 milliards d’individus, c’est 7 milliards
d’histoires, d’états psychologiques et émotionnels, d’environnements, de liens familiaux
et amicaux, de parcours académiques et sociaux, de contacts, de lectures, de hobbys, de
peurs, de rêves, etc., différents ! Dans une telle situation, on ne peut pas produire une
décoction qui va fonctionner pour tout le monde. Ce n’est pas possible.

Des choix et techniques qui ont marché avec l’un ne vont pas forcément marcher avec
l’autre. Si tel entrepreneur à succès a choisi de foncer dans un cas auquel vous êtes
confronté, le mieux pour vous peut être de capituler.

Dans les années 70, la quasi-totalité des entreprises d’horlogerie ont migré pour les
montres à quartz ou à piles. C’était plus économique et surtout c’était tendance. A
l’époque, les montres à quartz représentaient l’avenir de l’horlogerie. Normal que tout
le monde ait abandonné les vieilles montres mécaniques. Sauf ROLEX. Les dirigeants de
la marque estimaient que la montre mécanique représentait véritablement le savoir-faire
des artisans horlogers et que sur le long terme la tendance du quartz n’était pas bonne
pour leur image de marque. Ils ont donc choisi de ne pas bouger. Et ils ont eu raison !
Rolex est aujourd’hui la marque de montre la plus prestigieuse au monde. Certains
concurrents, des années plus tard, ont fait demi-tour pour le système mécanique mais
Rolex avait déjà pris beaucoup d’avance depuis le temps et s’était déjà imposé comme
leader sur ce marché.

Nous sommes différents, nous vivons parfois à des époques différentes, nos
environnements entrepreneuriaux sont différents. Un entrepreneur Américain, qui a
vécu aux États-Unis où un certain nombre de facilités existent pour les entrepreneurs,
ne pourra pas véritablement me donner le comportement à avoir au Bénin où les défis
sont à l’extrême opposé de ceux de son pays.

Il existe un certain nombre de techniques qui peuvent éventuellement, peut-être,


augmenter nos chances de réussite. Mais nul ne peut garantir que ça marchera ou pas.
Même pas l’auteur de la méthode lui-même. Pourtant, lorsque ces ouvrages nous sont
vendus, c’est comme s’ils contenaient la recette pour devenir une star, se faire des
milliards et atteindre les étoiles.

Il y a des milliers, voire des millions de données qui déterminent qu’une personne
réussisse ou pas. Le pays dans lequel il vit, son époque, les mentalités, la situation socio-
économique et politique, la culture, son éducation, son instruction, sa situation
familiale, l’écosystème entrepreneurial, l’état des infrastructures dans sa ville, sa
situation conjugale, son état psychologique et émotionnel, etc. Il faut que toutes ces
données soient agencées d’une certaine manière afin de favoriser, ou pas, le succès d’un
individu. Les facteurs génériques comme la persévérance, la passion, l’acharnement ne
sont que des ingrédients qui interviennent chacun à un certain pourcentage. Mais il faut

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que nous apprenions à nous tempérer sur leur importance. La persévérance a aussi
conduit beaucoup de gens à la ruine, la tristesse et la disgrâce…

C’est normal d’abandonner…

Dans le business actuel, si tu abandonnes, quelle que soit la raison, les bien-pensants
vont te tomber dessus, à coup de citations toutes faites sur la persévérance. Mettant
systématiquemt le bonheur des autres de côté. Parce que la question est là : qu’est-ce qui
te rend heureux ? On s’en fiche de ce que dit Kiyozaki, Cialdini, Robins et les autres.
Qu’est-ce qui te rend heureux ?

On continue de vanter l’action comme étant la seule façon de faire bouger les choses.
Or, l’inaction aussi est parfois très bénéfique. Ce n’est pas à toutes les occasions qu’il faut
se déployer. Parfois la meilleure chose à faire est de rester immobile devant certaines
situations.

Beaucoup de gens vont se lancer dans l’entrepreneuriat à cause du buzz et se retrouver


dans une spirale à coups de slogans de ne rien lâcher et insister pour ne pas se sentir
comme une merde car autour d’eux l’abandon est la pire chose à faire. Oubliant qu’à la
base, peut-être n’étaient-ils pas faits pour ça !

C’est comme les études. Un buzz (ou autre chose) autour d’une formation peut nous
emmener à choisir un cursus et finalement nous rendre compte en chemin que ce n’est
pas pour nous. La bêtise à ce niveau serait de continuer coûte que coûte et risquer
d’enchainer les échecs indéfiniment ou, pire, faire carrière dans un domaine qui ne nous
rendra pas heureux. Pourtant on aurait pu d’abandonner, changer d’orientation et faire
une filière qui nous parle mieux, quitte à revenir en première année.

L’abandon est parfois la meilleure chose à faire. Pour diverses raisons. Les gens n’ont pas
à se sentir misérables parce qu’ils décident de prendre un autre chemin. Vous ne vivez
pas pour être en accord avec la pensée d’un quelconque motivateur ou je ne sais quoi.
Vous vivez pour être en accord avec vous-même, vos valeurs, votre bonheur. Parce que
la question est là au final : qu’est-ce qui vous rend heureux ?

Tout ce que nous faisons concourt à un seul objectif : avoir une vie heureuse. Le boulot,
le mariage, les enfants, tout ça c’est pour quitter ce monde l’esprit apaisé. Faites-le de la
façon qui vous chante. Quitte à changer de vie, donner une nouvelle orientation à sa
carrière, à sa vie amoureuse, etc.

Tous ces écrivains raisonnent à partir du prisme de ce qui a marché pour eux, de ce qui
les rendrait heureux s’ils étaient à votre place. Mais vous-mêmes que voulez-vous ?

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L’entrepreneuriat est un choix de carrière parmi tant d’autres. Pourquoi une personne
qui quitterait son boulot d’avocat, malgré les innombrables opportunités, pour devenir
acteur de cinéma parce qu’au fond ça a toujours été sa passion, devrait-elle être mieux
perçue que celle qui abandonne l’entrepreneuriat pour se lancer dans une carrière de
fonctionnaire ?

On surestime l’entrepreneuriat comme si c’était l’évidence absolue en termes de choix


de carrière. Alors qu’il y a des gens que ça n’intéresse pas, dans le fond. Y’a des
instituteurs qui se sentent heureux au milieu d’enfants, qui trouvent leur bonheur dans
la transmission de connaissances aux bambins et qui ne lâcheraient ce rôle pour rien au
monde. Y’a des soldats qui aiment tellement être sur le terrain qu’aucune promotion,
montée en grade ou quoi que ce soit ne les ferait quitter les tranchées. Y’a des gens qui
se sentent au paradis dans une vie modeste, dans une petite bourgade et pour qui la vie
des grandes villes, dans les grandes villas, à rouler de belles voitures est totalement
rédhibitoire. Bref ! Chacun de nous a sa façon d’être heureux.

Le monde de l’entrepreneuriat actuel a construit un moule du bonheur et de la réussite


dans lequel toute personne qu’il estime censée devrait plonger. On a acquis l’arrogance
de savoir ce qui est bon pour celui qui veut être heureux.

Chacun de nous a ses critères pour définir le bonheur, et on ne peut pas être heureux en
suivant ceux de quelqu’un d’autre.

La première fois que j’ai regardé le film « Le Fondateur », qui raconte l’histoire de la
création de McDonald’s, moi aussi j’ai trouvé que les frères Dick et Mac McDonald
étaient stupides de vouloir rester petits, dans leur coin. Époque pas si lointaine où j’étais
encore sous l’emprise des livres et autres grandes théories du succès. Pourtant ils étaient
simplement authentiques. Ils étaient heureux comme ça. C’est tout.

Steve Wornjak, le co-fondateur d’Apple, l’homme qui a inventé le Macintosh et qui est
donc, à la base de la marque à la pomme, a quitté l’entreprise dans les années 90. Parce
que c’était juste quelqu’un de passionné par l’informatique. Tout ce qui est gros projet
de conquête du monde, de révolution de je ne sais quoi, ne l’a jamais intéressé. Du coup,
quand Apple a commencé à prendre une ampleur gigantesque il a préféré se retirer pour
se remettre à l’enseignement au MIT de Boston. C’est ce qui le rend heureux.

Ce que toi tu appelles indépendance sociale et financière grâce à l’entrepreneuriat, un


autre voit ça comme une forme de dépendance au travail, à l’argent, au succès, à
l’accomplissement, au chiffre d’affaire, etc. Dans un cas comme dans l’autre, on est tous
dépendant de quelque chose. Chacun choisit son maître.

Bien souvent nos échecs dans un domaine, notre incapacité à bien ressortir notre
potentiel et à faire preuve de créativité et de patience tient du fait que ce domaine n’est
pas fait pour nous. Même si on réussit à se convaincre du contraire. Dès lors, prendre la

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décision de changer de voie est la chose la plus censée et la plus sage à faire. N’en déplaise
aux bien-pensants.

Donc si tu tournes en rond dans l’entrepreneuriat, si tu as du mal à transcender, il est


possible qu’en réalité ta voie est ailleurs.

Saisir une opportunité… mais qu’en sait-on ?

C’est l’avenir qui dit toujours si la décision qu’on a prise est bonne ou pas, si ce qu’on a
saisi était une opportunité ou pas. En réalité, ce qu’on appelle « saisir une opportunité »
est parfois une interprétation post-évènements. Lorsque le Titanic a commencé à mettre
ses billets en vente pour son premier voyage, c’était presque inespéré d’en obtenir.
Réussir à en avoir un était alors une chance. Mais au vu de la suite des évènements,
pouvez-vous encore affirmer que les personnes qui ont péri étaient chanceuses de se
trouver dans le bateau ? Pouvez-vous encore dire qu’elles ont saisi une opportunité en
s’octroyant des billets pour un voyage dans le plus grand bateau de l’époque ?

Quand quelqu’un vous dit « j’ai réussi parce que j’ai saisi une opportunité », le fait est que
l’opportunité se révèle quand la décision porte ses fruits. Parce que les nombreuses
personnes qui ont aussi « saisi une opportunité » et qui ont tout perdu étaient aussi
convaincues de faire une bonne affaire. Mais l’échec qui a suivi a fait qu’ils changent
l’interprétation des choses.

C’est super de dire « j’ai réussi parce que j’ai su saisir des opportunités » et de les
énumérer. Mais la réalité est que vous en parlez en termes d’opportunité parce que la
suite vous a été favorable. Vous avez joué un coup de poker, sans savoir si c’était
véritablement une opportunité ou pas. Comme de nombreuses personnes dans le
monde. Beaucoup de gens aussi tentent des choses. Sauf que le prix à payer n’est pas le
même pour tout le monde. Dans votre cas ça a marché. Vous êtes devenu une vedette.
Mais des centaines d’autres personnes, voire des milliers, ont tout perdu.

Je ne peux pas en vouloir à quelqu’un de n’avoir pas saisi une opportunité. Cette
personne-là n’a pas mon éducation, mon instruction, mon expérience, mes
connaissances diverses. Donc si elle a rejeté une offre intéressante, ce qu’elle n’était pas
psychologiquement disposée et à en voir le bien-fondé ni la portée. Vu que nous sommes
différents.

Il y a vingt ans, tous ceux qui ont investi dans Amazon et AliBaba ont saisi une
opportunité et ça a payé ! D’autant plus qu’on était aux débuts d’internet et que donc
c’était complètement risqué. Personne ne savait à l’époque qu’Internet aurait cette
ampleur. Tout le monde ou presque croyait en une mode qui allait stagner avec le temps.
Mais aujourd’hui les deux entités pèsent des milliards.

24
Ceux qui avaient investi dans les startups de e-Commerce Yatoo et AfriMarket aussi
pensaient avoir saisi une opportunité. D’ailleurs tout indiquait et indique toujours que
le commerce en ligne est non pas l’avenir mais le présent et que l’Afrique est LE nouveau
marché par excellence. Malheureusement les deux entreprises ont mis la clef sous la
porte en 2019, engloutissant des millions d’euros d’investissement. Ont-ils saisi une
opportunité ? Bien sûr que oui. A-t-elle payé ? Hélas, non.

Tout ça pour dire que quand une situation se pose devant nous, on n’a pas la capacité de
savoir si s’y jeter nous sera favorable ou pas. On a quelques infos qui nous guident et
nous encouragent ou pas, mais en vrai on n’en sait rien. Tout ce qu’on fait c’est « tenter
sa chance ». Quand ça marche, on lève le menton et on se proclame « audacieux » et on
chante partout qu’on a su saisir une opportunité, quand ça foire on en parle peu, sauf
pour romancer ça en disant « il ne faut rien lâcher ». Le storytelling…

25
II

Méfiez-vous des success stories

« Le succès ne s'imite pas,


il se crée. »

Luis Fernandes

Ah, les success stories ! C’est la matière première de la motivation entrepreneuriale. Ce


sont ces nombreuses et belles histoires d’entrepreneurs acharnés, passionnés et motivés
qu’on nous raconte pour nous pousser à ne rien lâcher. Et c’est vrai qu’elles sont belles,
c’est histoires. Normal, elles sont construites pour !

Parce que, en vrai, qu’est-ce qu’une success story ? C’est le mythe bâtisseur de la réussite
d’un individu ou d’une entreprise. Je parle de mythe non pas parce qu’elles sont
absolument fausses, mais surtout parce qu’elles ont été « arrangées » pour être
motivantes et placer l’intéressé sur un certain piédestal par rapport à la vie. En mettant,
notamment, un maximum de côté plusieurs facteurs plus ou moins importants ; la
chance déjà, mais pas que !

J’ai lu et écouté des dizaines et des dizaines de ces histoires, et une chose les relie toutes :
les personnes qui ont réussi auraient toutes souffert pour en arriver là. Aucune n’a été
privilégiée par la vie ou quoi que ce soit. « Si j’en suis là c’est parce que j’ai cru en moi,
j’ai travaillé dur et je n’ai pas abandonné ». Le discours est similaire. Au point où si tu as
écouté une success story, tu les as toutes écoutées.

C’est toujours l’histoire de cette personne qui a laissé tomber des opportunités
intéressantes, qui était défavorisée, qui s’est lancée dans un domaine auquel personne ne
croyait et qui, à force de travail, a pris sa revanche sur la vie. C’est tellement beau.

26
Voici la Pyramide de Maslow

C’est un schéma qui hiérarchise les besoins d’un individu partant des plus « nécessaires »
à la vie comme manger, boire, dormir, respirer, etc., aux plus « superficiels ». Cette
pyramide est très connue.

Dans la société dans laquelle on vit, il y a des gens qui, dès leur naissance, ont des
compartiments de déjà comblés. Ils mangent à leur faim, ont à boire quand ils veulent,
ont un endroit où dormir, vivent en parfaite sécurité, etc.

Il y en a d’autres qui, lorsqu’ils se lèvent le matin, après avoir passé une nuit
épouvantable à cause des moustiques, des rats et du lit inconfortable, ne sont même pas
sûrs de trouver à manger pendant la journée. Et qui en plus de ça doivent faire avec une
situation familiale catastrophique. Par exemple voir ses petits-frères mourir de faim
devant ses yeux, assister aux disputes fréquentes des parents, ou voir sa mère trimer dans
un travail qui paie à peine le loyer, etc. Donc ils doivent, en plus des difficultés
physiologiques, gérer une grosse charge émotionnelle, psychologique et morale.

Beaucoup de ceux qui liront ces passages vont imaginer la situation du deuxième
exemple et tenter de se mettre à sa place. Mais vous ne saurez jamais ce que ça fait. Vous
pourrez vous le représenter de façon abstraite, mais vous ne saurez jamais véritablement
ce que ça fait d’être dans ces situations. Situations que j’ai un peu vécues… et ce n’est
pas totalement fini.

Par exemple, une personne qui n’a jamais vécu le racisme ne saura jamais ce que ça fait
d’être rejeté pour sa couleur de peau. Jamais. On peut se le figurer, mais ne pas l’avoir

27
vécu ne nous permettra jamais de savoir ce que ça fait d’être craché dessus, d’être lapidé
quand on passe dans la rue, d’être chassé de son immeuble par ses voisins, etc. Il me
revient à l’esprit les mots de l’écrivain et conteur Congolais Pie Tshibanda quand pour
la première fois, en Belgique, un Blanc lui demandait de se regarder : « … je me regardai,
et pour la première fois je découvris que je suis Noir. Avant, je pensais que j’étais un
humain tout simplement. C’est ici que j’ai découvert que j’étais un homme Noir. La
couleur de ma peau, c’est dans vos yeux que je la vois ».

Et même si tu as vécu le même drame que quelqu’un, tu ne sauras jamais ce que cette
personne ressent exactement. Une personne qui a perdu son père ne saura jamais ce
qu’une autre qui vient de perdre le sien éprouve. Pourquoi ? Parce que la première va se
figurer la situation par rapport à son ressenti à elle. Pourtant, il y a beaucoup de
paramètres qui entrent en compte. La relation que chacun avait avec son père, les
circonstances du décès et les conséquences par exemple. Une personne qui a perdu son
père qui est mort vieillesse ne ressentira pas la même chose qu’une autre qui perd le sien
jeune, et dont le décès brise complètement la suite de sa vie car son père était son seul
soutien.

J’ai appris à me débrouiller seul très tôt. Un concours de circonstances a fait qu’en classe
de sixième je sois déjà autonome. J’avais été laissé tout seul dans la petite ville de
Mekambo, au nord-est du Gabon, à l’âge de onze ans. Seul dans une ville sans adulte
pour me guider. J’ai appris à cuisiner, à faire la lessive, la vaisselle, le ménage, dans la
petite chambre en terre battue que j’occupais. N’ayant quasiment aucun soutien
extérieur, je comptais exclusivement sur ma bourse du collège pour vivre. A l’époque
elle était encore régulière. J’étais donc obligé d’avoir la moyenne chaque trimestre.
C’était une question de vie. Et j’ai pris goût, en quelque sorte. Mon parcours s’est
enchaîné comme ça. En conséquence, j’ai du mal à compter sur qui que ce soit. Je suis
habitué à me débrouiller, peu importe la situation. J’appelle rarement à l’aide. Le faire
est comme un aveu de défaite pour moi.

Pour couronner le tout, d’autres circonstances ont fait que je suis quelqu’un de très
hermétique. Je parle difficilement de moi. Des personnes avec qui je suis ami depuis des
années ne savent de moi que mon prénom. Je déteste m’ouvrir à quelqu’un. Donc,
qu’importent mes problèmes, je les gère seul. Rien qu’en ayant parcouru le précédent
paragraphe vous en savez plus sur moi que beaucoup de mes proches.

Récemment encore, je parlais de ce parcours avec mon petit-frère et je lui disais que
durant toutes ces années où, enfant, je partageais mes nuits avec les moustiques, les
inondations nocturnes, marcher des kilomètres pour aller au lycée, etc., je ne me suis
jamais plaint à la vie. J’ai connu la difficulté tellement tôt que j’avais fini par penser que
c’était ça la vie. Jeune, je me disais vraiment que tout le monde vivait comme ça et que
je ne pouvais espérer mieux. Aujourd’hui, je suis habitué à la galère. C’est désormais une
vieille amie.

28
C’est le cas de quasiment toute ma fratrie. Étant l’ainé, et ayant la grâce de bénéficier
d’un certain nombre d’entrées financières, je m’investis comme je peux pour alléger la
difficulté des miens. Mes petits-frères sont comme mes gosses. Et je ne veux pas que mes
gosses traversent le même désert que j’ai traversé. D’autant plus que j’ai été élevé,
éduqué, pour toujours être là pour la famille. La famille avant tout. Du coup je mets les
moyens pour nourrir untel à gauche, payer les études de tel autre à droite, etc. Ce qui,
d’ailleurs, jusqu’alors, constitue un poids dans ma carrière entrepreneuriale. J’ai des
difficultés à investir dans d’autres choses. Les charges et responsabilités sur mes épaules
ne me permettent pas de vivre à la hauteur des moyens que je me fais. Au final, je stagne
beaucoup. Mais dans le fond je ne m’en plains pas. Je fais ce que j’ai à faire. Que je sois
d’accord ou pas, que j’aime ou pas. Quand on a une responsabilité on l’assume. Point.

Quelques rares amis qui connaissent ma situation ne cessent de me répéter : « tu dois te


faire violence. Oublie un peu ta famille. Tu ne peux pas régler les problèmes de tout le
monde. Ta famille te tire vers le bas. Tu es quelqu’un d’intelligent et talentueux, tu devrais
être plus loin que là ». Mais qu’en savent-ils ?

Ça me crève de voir des gens qui ont déjà leurs besoins vitaux et psychologiques réglés
sans problèmes venir dire à un autre qui combat encore pour assouvir ses besoins
physiologiques qu’il devrait être plus économe et investir. Toi tu manges quand tu le
souhaites. Pas forcément de gros gourmets mais tu es à peu près sûr de manger tous les
jours. Tu as un endroit où dormir. Tu as de l’eau courante. Etc. Tout cela, moi pour
l’avoir je dois suer comme un animal, et malgré tout je demeure incertain de me les
assurer. Et tu crois sincèrement que nous partons dans la vie avec les mêmes armes ? Les
grands motivateurs et je ne sais plus quoi te diront que c’est une raison de plus pour
travailler plus dur, etc. Et c’est vrai. Mais la vie, ce n’est pas mathématique. C’est plus
complexe que ça. Nous devons tous courir un cent mètre. Et face à ce défi, certains sont
effectivement placés sur une ligne de départ à cent mètres de l’arrivée, mais d’autres sont
placés cinquante, voire cent mètres encore plus loin. Et pendant ce temps, il y a ce coach
en entrepreneuriat qui ne cesse de répéter à ces derniers qu’il suffit de travailler et de
croire en soi.

On n’a pas la même éducation, on n’a pas le même accès à certaines opportunités, on
n’a pas le même passé, ni le même présent. Alors n’attends pas de moi que j’agisse
comme toi tu aurais agi dans ma situation parce que tu ne le seras jamais et tu ne sauras
jamais ce que ça fait d’être dans ma situation.

Dites-vous que certaines choses que vous pensez être banales, à la portée de tout le
monde, de nombreuses personnes ne l’ont pas et doivent travailler très dur pour l’avoir.
Il est important de le rappeler parce que j’ai souvent entendu des « non mais c’est pas X
chose qui peut lui manquer, quand même ! » … Ta gueule… juste, ta gueule s’il te plait.
Hier, à l’heure où j’écris ces lignes, une étude a révélé que 600 milles gabonais vivent
avec moins de 600 francs CFA par jour. Moins de 1 dollar comme budget pour vivre par
jour. Le tiers de la population gabonaise doit affronter ça, tous les jours.

29
« Recommander aux pauvres d’être économes
est à la fois grotesque et insultant. Cela revient
à conseiller à un homme qui meurt de faim de
manger moins ».

Oscar Wilde

Nous ne sommes pas pareils. Nous ne vivons pas les mêmes réalités. Nous
n’appréhendons pas les choses de la même façon. Nous ne faisons pas face aux mêmes
défis tous les jours. Nous sommes absolument tous différents. Et le fait que vous preniez
un cas très exceptionnel qui a « réussi » pour me montrer que moi aussi je peux n’y
changera rien au fait que lui ce n’est pas moi et moi ce n’est pas lui.

Dans une salle de classe, les élèves reçoivent les mêmes cours, du même prof. Mais ça ne
suffit pas à dire qu’on a, tous, les mêmes chances de réussite. Presque tous ceux qui
étaient dans la même classe que moi étaient désavantagés en français par rapport à moi.
Déjà parce que moi j’adorais ça (et ça fait une grosse différence), et aussi parce que j’ai
eu un père qui m’a plongé dans le bain depuis petit. Je n’avais pas les meilleures notes
parce que je travaillais plus que les autres en français, en anglais ou en philosophie. Non.
D’ailleurs, je ne bossais presque jamais. Beaucoup de ceux qui faisaient moins que moi
bossaient plus que moi. Sauf que moi j’avais des bases que les autres n’avaient pas. Il
aurait donc été stupide que le prof crie sur un de mes condisciples sous prétexte que moi
j’y arrive.

Pour obtenir la même chose, il y a des gens qui doivent travailler plus que les autres. Ou,
comme dirait le personnage de Rowan Pope dans la série Scandal : « tu dois travailler
deux fois plus qu’eux pour obtenir la moitié de ce qu’ils ont ». Et même là encore rien n’est
garanti.

On nous tient un discours du « moi j’y suis arrivé, alors toi aussi tu peux » comme si nous
combattions avec les mêmes armes.

Aliko Dangoté vient d’une très riche et prospère famille de commerçants. Son arrière-
grand-père, Alhassan Dantata, était déjà multimillionnaire grâce à son commerce de
noix de colas, d’arachide et à l’import-export en tout genre. Son grand-père ensuite,
Sanusi Dantata, était le patron de la branche nigériane de la compagnie pétrolière Shell,
mais aussi un grand commerçant et il fait partie des tous premiers hommes d’affaires
africains milliardaires. D’ailleurs, à la mort de son père, c’est ce dernier qui a pris le jeune
Aliko sous son aile et lui a, très tôt, appris les rouages du monde des affaires. Quant à
Aliko lui-même, il s’est lancé grâce à un prêt de 500.000 nairas, en plus de 3 camions de
ciments, de la part de son oncle.

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Le père de Bill Gates était l’un des plus grands avocats de Chicago et un homme d’affaire
prospère. Il est cofondateur d’un des cent plus importants et prestigieux cabinets
d’avocats des États-Unis.

Isabela Dos Santos, première fortune féminine du continent, est la fille de José Eduardo
Dos Santos, ex-président de l’Angola qui a eu le temps de se bâtir une fortune colossale.

Mais on te dira qu’ils ont juste travaillé dur pour être là…

Et les privilèges de la vie ne sont pas toujours aussi flagrants. Ça peut-être le fait d’avoir
internet à la maison, d’avoir des parents qui nous montrent qu’ils nous aiment et nous
encouragent quoi qu’on fasse, n'avoir aucune charge d’extérieure à soi, etc. Ça aussi ce
sont des privilèges que beaucoup n’ont pas. De petits détails, aussi simples que ça, qui
peuvent décider du chemin que prendra ta vie.

Tout le monde a intérêt à romancer son parcours car ça donne de la valeur à


l’accomplissement. Ça permet de se dire : « tout ce que j’ai aujourd’hui, je l’ai mérité. Je
n’ai rien volé » et de consommer chaque sou la conscience tranquille.

En outre, le message des motivateurs est, de nos jours, uniforme partout. Il est
standardisé. Si tu écoutes un motivateur en Inde, un motivateur aux USA, un motivateur
au Congo, ils tiennent le même discours à tout le monde. Pourtant les pays sont
différents, les réalités socio-économiques et politiques sont différentes, les situations
sociales, psychologiques et émotionnelles de chaque individu sont différentes. Mais on
s’obstine à penser que ce qui a marché avec l’un va marcher avec l’autre, la décision que
l’un a pris doit être prise par l’autre.

Et vous aurez beau écouter toutes les success stories, vous ne saurez jamais vraiment
quels ont été les mécanismes qui ont permis à X ou Y de réussir. Parce que c’est du
storytelling. Chaque histoire est travaillée pour être inspirante, en mettant en avant les
détails qui valorisent l’intéressé. Tout le monde va dire qu’il a souffert, qu’il a galéré,
qu’il s’est battu. C’est normal. Sauf que ça ne suffit pas de faire tout ça.

Il y a de nombreuses personnes qui se sont lancées dans un business juste parce que
celui-ci représentait une excellente opportunité pécuniaire. Il y avait beaucoup d’argent
à se faire et ils n’ont pas hésité. Même si leur passion était ailleurs. Mais ça ils ne vous le
diront pas. Ce n’est pas vendeur. Ils vous diront qu’ils ont choisi ce domaine parce qu’ils
l’ont toujours aimé, ou parce qu’ils avaient envie de résoudre un problème, etc.

Bon nombre d’entrepreneurs ont réussi dans leurs domaines grâce à leurs relations
particulières avec certaines familles qui détiennent le pouvoir. Ou grâce aux partenariats
tacites qu’ils ont signé avec certains responsables, leur assurant des marchés publics en
échange d’un pourcentage en dessous de table.

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Il y a aussi ces femmes qui ne vous diront pas qu’elles ont courus les hommes pour avoir
l’argent qui leur a permis de se lancer. Ou même que c’est un homme marié avec qui
elles sortaient qui leur a donné leur premier cachet ou aidé à se développer.

Bref. Beaucoup de choses inavouées et inavouables qui ont permis à un nombre


important de « modèles de réussites » d’atteindre leurs objectifs mais dont vous ne
saurez jamais rien, si ce n’est qu’il faut travailler et croire en vos rêves.

Cette vérité m’a éclaté récemment à la figure, à travers une connaissance. C’est une jeune
femme très connue dans le paysage entrepreneurial et qui est très sollicitée pour faire
part de son « parcours de réussite ». C’est un modèle. Et le discours qu’elle tient à chaque
fois est celui de quelqu’un qui a souffert et qui a travaillé pour obtenir chaque chose. Or,
moi qui la connais un peu sais qu’elle a bénéficié de nombre de coups de pouces dont
elle ne fait jamais mention.

J’en connais une autre, mariée, qui est très engagée en ligne sur la question de
l’entrepreneuriat. Elle encourage son public à poursuivre ses rêves, à ne rien lâcher, à
tout quitter pour entreprendre, etc. Mais elle a un travail et son mari a une excellente
position sociale. Elle ne tient son statut d’entrepreneur que grâce aux accessoires de
mode qu’elle vend sur les réseaux sociaux.

L’entrepreneuriat est tellement tendance aujourd’hui que tout le monde s’en revendique.
Même des personnes qui sont salariées. Du simple fait qu’elles ont un petit commerce,
qui souvent n’a aucun impact sur leur santé financière, étant déjà à l’aise grâce à leurs
boulots. Avec ou sans l’entrepreneuriat, ils vivent bien. Ils n’en dépendent pas pour
payer leurs factures. Sauf qu’être entrepreneur est à la mode et ça claque plus que
« employé de X société ». L’entrepreneuriat devient comme un hobby, au même titre que
le tennis ou le golf pour d’autres.

Mais ça passe encore.

Là où ça me pose un léger souci est que ces personnes ont l’art de vous faire passer pour
des ratés. Pas toujours de façon volontaire. Mais en lisant ces histoires taillées sur mesure
pour impressionner, vous pouvez vous sentir terriblement mal si vous échouez. Vous
vous sentirez comme de la merde de ne pas y arriver alors que Monsieur Untel qui était
dans Y situation s’en est sorti, lui.

Non ! Ne comparez jamais vos vies et vos performances aux leurs. Ces gens ne sont pas
vous et vous n’êtes pas eux. D’ailleurs vous ne les connaissez pas. Leurs histoires sont
sympas mais vous ne savez d’eux que ce qu’ils ont bien voulu vous révéler. Des détails
qui leur donnent de la valeur. Certaines personnes vous ont certes révélé des évènements
tragiques, dramatiques, honteux et parfois choquants de leurs parcours mais rien n’a été
choisi au hasard. Personne ne va jamais révéler un détail de son parcours, sachant qu’il

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risquerait de faire en sorte que les gens le détestent. Même si le détail en question a joué
un grand rôle dans sa réussite.

Aujourd’hui encore on ne sait pas exactement si Zuckerberg a vraiment volé l’idée des
frères Winklevoss pour créer Facebook. Il s’en est évidemment toujours défendu – bien
qu’il les ait dédommagés. Tout comme il s’est toujours défendu d’avoir fait un coup bas
à son ami et premier investisseur, Eduardo Saverin.

Le premier système d’exploitation de Microsoft, vendu à IBM, et qui leur a permis de


lancer l’empire, Bill Gates l’a quasiment extorqué à un autre informaticien.

Ray Croc, reconnu comme le fondateur de l’empire McDonald’s, l’a malicieusement


soutiré aux frères Dick et Mac McDonald.

Sauf que quand ces derniers doivent raconter leurs histoires ces détails n’apparaissent
jamais. Ils vous disent de croire en vos rêves.

C’est ainsi que les histoires de succès sont construites. Il y a beaucoup de mensonges,
des arrangements, des omissions volontaires, car chacun veut se montrer sous son
meilleur jour. C’est normal.

Il y a un entrepreneur africain que j’ai beaucoup suivi ces dernières années, c’est Cédric
Atangana, un camerounais. Ce jeune homme a cofondé Infinity Space, une startup Tech
qui a lancé le service WeCashUp. Cette dernière est un système qui permet à tout
commerce physique ou en ligne de recevoir toutes sortes de paiements dans un cadre
unique. En gros, ils ont créé un système qui centralise les transactions de mobile money,
de cartes bancaires et de transferts d’argent. Ça veut donc dire que ce système, intégré à
un site d’eCommerce par exemple, permet d’effectuer des achats sur la plateforme avec
n’importe quel moyen de paiement, où qu’on soit dans le monde. C’est révolutionnaire !
L’algorithme a même été breveté. Enfin, tout ça c’est ce que nous a toujours raconté
Cédric Atangana, qui est l’initiateur de l’idée, le cofondateur de l’entreprise, son porte-
parole et une star du paysage startup et Tech en Afrique.

Il semblerait que toute cette histoire ne soit en fait qu’une supercherie. Le doute
raisonnable a été révélé par Le Blog du Disrupteur. Ils ont consacré un dossier en
plusieurs parties sur WeCashUp et le storytelling de Cédric Atangana. Ils ont étudié
chaque détail de la vie de l’homme d’abord, ils ont ensuite décortiqué et testé le prétendu
système révolutionnaire. Rien ne tient la route. Ne serait-ce que le cursus que Atangana
se défend d’avoir suivi est bourré d’incohérences. Les dates ne collent pas et des
personnes qui ont effectivement suivi les formations qu’il prétend avoir suivies ne se
souviennent pas de lui dans leurs promotions. Du côté de WeCashUp, il semble que
l’idée existe effectivement mais pas le système. Pourtant M. Atangana revendique des
centaines de sites qui l’utilisent, des milliers de transactions mensuelles, etc. Les
recherches ont révélé qu’aucun site d’eCommerce n’utilise WeCashUp. Aucun ! Par

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exemple, ils prétendent être présents partout en Afrique, même au Gabon. Je suis au
Gabon, j’ai longuement fouiné, personne n’a connaissance de WeCashUp.

Sieur Atangana a répondu dans une courte lettre ouverte publiée 7 mois plus tard ! Sans
mettre en mal les mises à nues du Blog du Disrupteur, il a expliqué que l’impossibilité
des « enquêteurs » à trouver trace de l’effectivité de leur existence tient du fait que le
service rencontre encore beaucoup de difficultés, n’est pas tout à fait au point et qu’étant
à leurs débuts, c’est normal qu’ils commettent des erreurs. Mais que ça viendra, qu’on
doit leur accorder du temps, les soutenir, etc. Vous pouvez compléter. Mouais.

Mais dans tout ça, Atangana personnellement et sa startup enchainent les prix et les
plateaux télés. En 2019, ils ont même reçu un prix des mains d’Emmanuel Macron. Ils
vivent sous les strasses et les paillettes. Il est toutefois possible entretemps qu’ils aient
fait des progrès et réellement mis le système en place. Ce qui ne discrédite pas les
résultats de l’enquête au moment où elle a été effectuée.

Ce n’est pas un cas rare. Je connais personnellement plein de startups du digital qui
n’existent que de nom. Ou alors juste un site web en dormance. Pourtant leurs initiateurs
sont des stars, invités partout pour raconter leurs histoires de succès et de réussite. Ils
font des voyages, participent à des conférences, gagnent des prix, etc. Le projet est
effectivement là, mais l’outil n’est pas fonctionnel ou n’est utilisé que par les membres
de leurs familles tellement il est inintéressant.

Et n’allez pas croire que « c’est trop gros, voyons ». Eh ben, non. Voyez-vous,
l’entrepreneuriat en ce moment c’est la pépite. Tout le monde court derrière la startup
ou l’entrepreneur qu’il va encenser ou financer. Parce que oui, même les investisseurs
tombent dans le piège. Ils veulent tous être les premiers à avoir cru au futur Zuckerberg.
Du coup, ils sautent pour la plupart la tête la première dans tout ce qui brille un peu.
L’histoire de la startup Theranos est l’exemple parfait. Vous ne connaissez pas ? C’est la
plus grande supercherie de l’histoire des startups. Carrément, ouais. Je vous raconte…

Theranos c’est une Startup qui a été évaluée en 2014 à 9 milliards de dollars. Theranos
c’est une startup qui était présentée comme l’entreprise du 21ème siècle par nombre
d’analystes et médias. Theranos c’est surtout une jeune américaine de 35 ans, Elizabeth
Holmes. Elle est devenue la self-made milliardaire la plus jeune de l’histoire au pic de sa
startup. On la présentait déjà comme la nouvelle Steve Jobs. Pour coller au personnage
de son modèle d’Apple, elle aussi avait adopté les fameux cols roulés. Et pour cause, sa
startup venait littéralement révolutionner le monde médical mondial.

Sa promesse était simple : créer une machine, portable, qui permette d’effectuer TOUS
les tests médicaux à partir de quelques goûtes de sang. Les médias lui ont déroulé le tapis
rouge et les investisseurs ainsi que des contrats avec de grandes entreprises et institutions
ont coulé comme une avalanche. Elle a réussi à lever plus de 900 millions de dollars !

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Elle a fait la Une de TIME Magazine, de FORTUNE, de FORBES et de nombreux autres
tabloïdes les plus populaires du monde.

Tout ça sur un mensonge.

Sa fameuse machine n’a jamais fonctionné et tous les résultats de tests qu’elle a toujours
présentés étaient faux.

Ce n’est pas nouveau dans l’écosystème ! Le monde de la Tech et des startups en général
est bourré de « fake it till you make it » : fais semblant jusqu’à ce que ça fonctionne
vraiment. Ça va à coups de chiffres arrangés, de falsifications de résultats, de storytelling
sur mesure, etc. Et quiconque vient tirer la sonnette d’alarme est traité de jaloux, de
sceptique, de pessimiste et autres. Les fans viendront vous crier au visage : « eux au
moins ils ont fait ! » … Ok, mais quoi ? Une supercherie reste une supercherie,
indépendamment de l’intention (peut-être bonne) de départ. Hélas, le système est fait
en sorte qu’ils sont protégés à tous les niveaux, dont auprès de l’opinion public.

Et détrompez-vous, le cas de Theranos n’est pas isolé. Renseignez-vous sur l’application


Fyer et le Fyer Festival. Une histoire rocambolesque ! (Et très intéressante pour les
personnes qui aiment le marketing).

Si même aux États-Unis, où les systèmes de contrôle sont plus performants, si même de
grands investisseurs et sociétés de capital risque de renommée mondiale peuvent être
bernées, ce n’est pas en Afrique que tout sera clean. Au contraire, on peut soupçonner
une gangrène plus grave. J’ai même envie de vous parler du cas de Bernard Madoff, plus
grosse escroquerie de l’histoire, qui a berné le monde entier mais là encore je vous invite
à regarder l’excellente vidéo de la chaîne YouTube Poisson Fécond à ce propos.

Il est très facile à l’heure actuelle de berner le paysage entrepreneurial et politique. Il


suffit de faire de belles promesses et de maquiller tout ça avec un bon storytelling. Les
médias spécialisés entrepreneuriat sont comme des requins à l’affût de la première goûte
de sang. Ils n’attendent que le premier chuchotement d’un prétendu jeune entrepreneur
qui a réalisé je ne sais quoi pour lui bondir dessus et le proclamer modèle de réussite et
de travail. Si tu as séduit ces médias tu as tout gagné. Car ce sont eux qui adoubent
quelqu’un. Ils n’ont même plus besoin que tu aies créé un truc fonctionnel ou quoi que
ce soit, même au stade d’idée déjà on te psalmodie. « Hourra pour ce jeune audacieux ! »

Les médias en poche, on a de facto la bénédiction et le soutien du public. A partir de là,


les investisseurs sont presque dans la poche. Car dans ce genre de situations ils sont
atteints par ce qu’on appelle en marketing « FOM », « fear of missing out », la peur de
rater une opportunité. Chacun va donc donner ce qu’il peut pour participer à la danse.
Les médias, en tête de file. Tout le monde voudra son interview et son article. Les
organisateurs d’évènements entrepreneuriaux voudront absolument avoir cette star
pour donner un certain cachet à leur soirée. Et une légende est née.

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On est dès lors pris dans un engrenage de la surenchère. On devient une star de ce
monde de l’entrepreneuriat pour lequel on a toujours fantasmé. Évidemment, dans cette
situation personne ne voudrait que ça s’arrête. Alors l’intéressé va lui aussi entretenir sa
légende, quitte à dissimuler les mauvais chiffres de ventes (si tant qu’il en ait
effectivement), et autres statistiques catastrophiques. On ne veut pas décevoir. On ne
veut pas tout perdre. On entretient une image à laquelle on est habitué. Peut-être comme
le fondateur de Kusoma Group, Marcus Ikuba Ndjoli, qui s’échine à diffuser l’image
d’une startup qui va bien alors que ça ne va pas du tout. Kusoma est une plateforme en
ligne dédiée à l’édition numérique d’ouvrages africains. Si vous êtes un écrivain africain,
ils éditent et publient votre livre sur leur site. De là-bas, le livre pourra être acheté et lu.
J’ai d’ailleurs travaillé avec eux en tant que membre du jury lors d’un concours littéraire
qu’ils ont organisé. Dans le principe, c’est propre et encourageable.

Sauf que depuis quelques mois les lecteurs et les auteurs relèvent plusieurs
disfonctionnements. Des livres qui disparaissent de la bibliothèque, des comptes qui
sont supprimés, les écrivains qui ne sont plus payés (certains révèlent des dettes de
plusieurs centaines de milliers de Francs CFA), etc. Depuis quelques jours, la plateforme
est introuvable. Ils ont disparu de tout internet et ne répondent à aucun message.

Mais du peu que je connaisse de Marcus, il prépare forcément un joli discours à la sauce
storytelling pour expliquer ce « problème », saupoudré d’un peu de « ne lâchez jamais
rien, la vie est faite de hauts et de bas ».

Mais passons…

Tout ça pour dire que tu ne dois surestimer personne. Encore moins te sentir misérable
si tu échoues là où l’un de tes modèles a réussi. Il ne faudrait pas formuler de grosses
attentes vis-à-vis de l’entrepreneuriat en se basant sur ces icebergs dont on ne connaît
que la face émergée. La désillusion peut parfois être difficile à encaisser.

Nous ne vivons pas tous la même époque, n’avons pas tous les mêmes défis, ne vivons
pas les mêmes galères, ne venons pas des mêmes conditions sociales et familiales et
n’avons encore moins les mêmes responsabilités. Si toi et moi faisons le même boulot,
avons le même salaire mais que moi, contrairement à toi, j’ai une famille de plusieurs
membres à gérer, tu auras forcément plus de chances que moi de bâtir un empire dans
le business. Sauf que de l’extérieur les gens s’arrêteront qu’au fait qu’on ait le même
salaire et que toi tu as « réussi » et pas moi.

Combien de fois n’ai-je pas lu des articles comme : « il quitte un boulot à Microsoft pour
créer son entreprise au Sénégal », ou « elle démissionne de son poste lucratif à L’Oréal pour
créer son entreprise ». J’ai arrêté de m’exciter devant ce genre de nouvelles le jour où je
me suis rappelé que chacun de nous fait ce qui est bien pour lui. Soit parce que ça le
rendra plus heureux, soit parce que l’opportunité est plus intéressante d’un point de vue

36
lucratif, par exemple. Donc ces personnes-là ont pris la décision qui a paru à leurs yeux
la plus censée à ce moment-là. Comme n’importe qui l’aurait fait, dans leurs situations.
Il n’y a aucun mérite.

Et puis toi qui, après avoir lu ces articles, commencerait à nourrir des relents
démissionnaires, je te conseille déjà de te calmer. Tu ne connais pas la vie de ces gens.
Eux ils se sont certainement préparés des années durant et ont constitué de grosses
épargnes avant de sauter le pas ; ils ont peut-être des situations sociales qui leur
permettent de prendre ce genre de décisions ; ils sont peut-être dans des situations où
personne ne dépend d’eux et leurs décisions ne pèseront que sur eux. Si quelqu’un quitte
une situation ultra lucrative, toujours faut-il que ç’ait été le cas, pour une autre c’est que
cette nouvelle situation est forcément prometteuse. Rien d’extra. Et surtout sa situation
familiale, professionnelle, morale, sociale et académique le lui permettent.

Il ne faut pas seulement avoir un moral de vainqueur. Il faut également être


psychologiquement disposé à encaisser l’échec car statistiquement c’est le plus probable.
Ce qui implique qu’il faut prendre des risques que tu es capable d’encaisser et de quand
même marcher après.

La vie c’est pas le lait hein !

Il faut redescendre sur terre et voir le monde à partir de soi-même. Raisonner à partir
de sa propre réalité. Le fanatisme est dangereux sous toutes ses formes et dans tous les
domaines. Il nous empêche d’opérer des remises en question. Mais le fanatisme a un
socle sur lequel il se repose, qui lui permet d’exister : la recherche d’espoir. Au fond, aux
confins de notre esprit, on sait déceler les exagérations, les mensonges et les surenchères.
Hélas, l’envie de réussir est si forte qu’elle supplante toute pensée rationnelle qui
pourrait effriter notre espoir. On ne fait pas exprès de croire. On BESOIN de croire. Le
type qui a déjà presque tout perdu au casino mais qui hypothèque sa maison, sa voiture
et ses bijoux les plus précieux n’est pas poussé à la ruine par manque de jugement. Non.
C’est l’Espoir. Sans espoir personne n’entreprendrait quoi que ce soit dans ce monde.
Sans espoir, l’humanité n’aurait pas fait ces progrès. Ceux qui ont osé et ont réussi à
emmener le monde où il est aujourd’hui n’avaient comme réelle arme que l’espoir…
ceux qui ont échoué aussi. On en a besoin. Il en faut. Aucun argument logique ne peut
ébranler l’espoir. C’est comme s’attaquer à la Foi avec la Raison. Quand on est perdu
dans l’obscurité depuis trop longtemps une luciole peut nous soumettre. Comme des
personnes désespérées devant un quelconque « homme de Dieu ».

Sans cet interstice, même fin, qui nous donne le peu d’espoir qu’on a d’un jour voir la
lumière on se laisserait mourir. Dans cet état, on perd tout sens critique et on tombe à
la merci de n’importe quel charlatan.

37
« Un homme qui se noie
peut s’accrocher à un serpent »

Proverbe Africain

Le loto c’est une chance sur des centaines de millions de devenir millionnaire. Obtenir
un diplôme et se lancer dans le salariat c’est l’assurance d’avoir au moins de quoi vivre
pour le restant de ses jours. Dans les deux cas, le second est le plus censé. Le premier est
certes plus intéressant et plus lucratif, mais lorsqu’on n’a qu’une seule cartouche il est
mieux de tuer la gazelle à proximité que tenter l’antilope qui est à 500 mètres.

Dans la vie, même si on met tous la même mise dans un pot, celle-ci n’aura pas la même
valeur pour tout le monde. Il faut prendre des risques qu’on est capable d’amortir. Sans
chercher à faire comme tel ou tel motivateur ou modèle de réussite. En somme, ne mise
rien dont tu ne sois capable de supporter la perte.

Ma star dans le monde du business, de l’innovation et surtout de l’acharnement au


travail est Elon Musk. Je le kiffe à mort ! il n’existe que trois individus sur Terre que
j’admire tellement que si je les vois en vrai je serai tellement tétanisé que je ne pense pas
pouvoir dire quelque chose. Elon Musk en fait partie. L’un des actes qui ont bâti sa
légende est qu’après avoir vendu PayPal à eBay avec ses associés, il a pris « la totalité »
de sa part, environ 100 millions de dollars, et a investi dans SpaceX, son entreprise
d’exploration spatiale. Sachant l’énorme risque qu’il y avait de tout perdre ! En tout cas
l’histoire est racontée comme ça. Il aurait pris tout l’argent et l’aurait injecté dans une
affaire incertaine… ok. Au regard de cet épisode, on peut être amené à nourrir des idées
similaires. Sauf que l’histoire ne raconte pas que notre ami Elon est dans une famille
assez calée. Que dans ses millions il avait déjà pris le soin de se garantir une bonne
situation avant de sauter pieds joints dans ses projets spatiaux. Que même si ses
ambitions échouaient, il ne serait pas mort de faim et aurait continué à mener une vie
plus ou moins confortable. Bref, il avait un parachute.

Peu importe ton assurance ou ton talent dans ton domaine, toujours avoir un parachute
proportionnel à nos moyens. Lewis Hamilton a beau être un pilote d’exception, cela
n’empêche qu’il portera toujours un casque quand il court.

La plupart des startups européennes et américaines attendent en moyenne 10 ans pour


être rentables, dix longues années. Durant lesquelles elles vont tester le marché,
peaufiner leur modèle économique, échouer, pivoter, etc. Pendant ces dix années elles
paient évidemment des salaires et supportent des charges diverses. Et les coût atteignent
des sommes colossales ! Amazon, Leetchi, AliBaba, Facebook, SnapChat et bien d’autres
ont attendu longtemps pour générer le premier dollar et rémunérer les investisseurs.
Certains grands noms ne sont toujours pas rentables aujourd’hui comme Twitter et
YouTube ! Mais ils peuvent se le permettre. Leur écosystème a été modulé de sorte que
le marché soit scindé entre les startuppeurs d’un côté et des investisseurs en quête d’idées

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à financer de l’autre. Il existe un nombre incroyable de leviers de financements dans
leurs pays. Des investisseurs qui sont même prêts à vous accompagner pendant une
décennie sans enregistrer de retour sur investissement.

Cela fait qu’il y a des modèles qui peuvent fonctionner là-bas et qui ne peuvent
malheureusement pas fonctionner chez-nous. Le climat des affaires n’est pas le même.
Sous les tropiques il faut prendre en compte la corruption, le copinage, les coupures
d’électricité et d’eau, les bâtons dans les roues, etc. Des données qui vont au-delà du
simple « il faut travailler dur ». D’autant plus que chez-nous la politique
entrepreneuriale est d’apprendre aux jeunes à pêcher d’eux-mêmes alors que les mêmes
politiques ont vidé tous les poissons des rivières.

La vie ce n’est pas les bouquins. La vie ce n’est pas les jolies citations Facebook ou
Instagram. Même si je reconnais que ces récits et ces réflexions ont leur importance. Ils
nous permettent de nous forger un état d’esprit de vainqueur. Ils nous aident à mieux
encaisser les difficultés et nous apprennent à faire face à certaines situations délicates.

Mais il ne faut pas que ces lignes nous déconnectent de la réalité, de notre propre réalité
que l’auteur n’as pas le moyen de connaître. Nous-même nous nous connaissons, nous-
même savons ce que nous avons traversé, nous-même connaissons notre
environnement. C’est à nous de tracer notre propre chemin, indépendamment de tout
ce que toute personne extérieure à notre réalité peut dire.

La vie est divisée en trois catégories : les optimistes (fonce quoi qu’il en coûte ! Tu vas
forcément y arriver !) ; les sceptiques (ah, mieux reste dans ton petit coin et contente toi
de ce que tu as) ; et les réalistes (prends des risques, mais seulement ceux dont tu peux
supporter la débâcle). J’ai longtemps été dans la première catégorie. Je me réclame
désormais de la troisième. Je reste toujours convaincu qu’il faut tenter des choses. C’est
très bien de tenter des choses. Et même si on échoue, ce n’est pas grave, on aura vécu
une aventure. Mais ne faisons pas de suivisme. Si le fils du procureur se permet d’être
hautain vis-à-vis d’agents de polices pendant un contrôle dans la rue, toi le fils de
prolétaire ferme-la et obtempère même si c’est ton meilleur ami.

Bref. La vie est loin d’être un conte, une idylle. La vie n’a pas d’état d’âme. Elle ne
récompense pas ceux qui ont le plus travaillé. Elle n’offre pas plus d’opportunités à ceux
qui ont fait le plus de sacrifices. Ce n’est pas celui qui a étudié le plus qui aura le meilleur
poste. La méritocratie est un mythe criard.

39
III

Pour finir…

Nous sommes en décembre 2019. Je suis en train d’évaluer toutes les options qui
s’offrent à moi. Je ne sais pas encore exactement quel chemin j’arpenterai à partir du
mois… de l’année prochaine.

Après tout ce que je viens de dire, qui au demeurant peut sembler politiquement
incorrect, j’ai presque du mal à donner des conseils. Et à ce propos, j’avais déjà rédigé
deux autres ouvrages centrés sur le succès : « Première condition pour réussir : arrêter
d’être Gabonais » et « Deuxième condition pour réussir : changer sa vision de la réussite ».
Ils sont terminés depuis longtemps. Mais au regard de mon état d’esprit actuel, je me
vois mal m’établir en coach… bref.

Voilà pourquoi je préfère vous livrer les enseignements que j’ai tirés de mon court
parcours, si on peut appeler ça « enseignements ». Ce sont les choses que j’estime être à
l’origine de nombre de mes déconvenues et de ma stagnation dans mon voyage
entrepreneurial. C’est strictement personnel comme parcours et comme constats, à vous
de voir selon vos propres expériences.

1. Mettez-vous d’abord en sécurité

Tout ce que vous réaliserez ou non dépendra de votre santé physiologique et


psychologique. Vous aurez beaucoup de mal à réaliser de grandes choses si vous ne
mangez pas à votre faim, avez des difficultés pour payer votre loyer, devez vous soucier
des études de vos enfants, etc. Il y a des personnes qui n’ont même pas à se poser ce genre
de question. Ils vivent déjà très bien. En tout cas, mieux que vous. Eux, leur seul souci
avec leur argent est de savoir dans quoi ils vont investir. C’est tout. Vous à chaque denier
qui entre vous devez choisir entre manger et mettre la connexion internet pour bosser.

Si vous vous posez ce genre de questions, ne cherchez pas les idées innovantes ou je ne
sais quoi qui viendrait révolutionner le marché. Mettez-vous d’abord à l’abris. En
d’autres termes, ouvrez un business très basique, très facile à lancer, mais avec une
rentabilité relativement intéressante afin d’assurer vos besoins primaires.

Même si votre projet d’application ou de logiciel hyper sophistiqué est intéressant et


pourrait vous rapporter des milliards, mangez d’abord. Ne prenez pas exemple sur les
fondateurs de Snap qui étaient des gosses de riches. Ou sur ce fils de pauvre qui a certes
réussi mais dont le cas n’est qu’une incroyable exception.

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Ouvrez un bar, un restaurant, une boutique, … créez un petit business qui va vous
assurer votre loyer, de quoi manger, aider les proches et vous déplacer. Il faut déjà avoir
ça d’acquis. C’est très compliqué d’exprimer son plein potentiel, de réfléchir, et même
de travailler quand on a le ventre vide ou quand les problèmes financiers s’accumulent.

2. Rester focus

Il y a des gens que cela réussit de faire plein de choses à la fois, d’investir ici et là et d’être
capable de tout gérer. J’ai fonctionné ainsi tout ce temps. Mais le fait est que ça m’a grave
ralenti. Ça m’a poussé à disperser mes forces, mon énergie, mes compétences, mon
attention et ma concentration. Alors que si j’avais investi tout ça dans un seul et unique
business je pense que je serais bien plus loin.

« La pire des décisions est de


faire les choses à moitié. Fais ou ne fais
pas; il n'existe pas de juste milieu dans
l'action d'entreprendre. »

Auteur inconnu

Le principe que je défends est de sécuriser une affaire avant de bondir dans une autre.
Quasiment tous les entrepreneurs ont ce syndrome-là du trop plein d’idées. Chaque jour
on a une idée « géniale » qui nous traverse l’esprit. Et le jour suivant on a encore une
« meilleure » idée qui arrive. C’est comme ça tout le temps.

J’ai discuté une fois avec un grand entrepreneur Gabonais. Milliardaire et tout ça.
Évidemment, il est très peu connu comme la plupart des fortunés (hors politiques)
d’Afrique francophone. Il me racontait son parcours, à ma demande, et il m’a révélé un
certain nombre de réalisations qu’il y a dans le pays dont il pouvait obtenir le marché
mais qu’il a refusées. « Parce que je ne sais pas faire ça. J’aurais pu aller en Australie ou
aux USA recruter des ingénieurs et plein d’autres experts qui m’auraient permis de monter
une société vite fait et de me faire beaucoup d’argent sur ces travaux, mais je ne l’ai pas
fait. Je suis bon dans X chose. Et je veux en être la référence. Raison pour laquelle j’ai
revendu plusieurs de mes sociétés pour me concentrer sur celle-ci. Je suis bon dans ça, je
sais faire ça. J’ai développé des automatismes dans ça. Et quand je prends un marché, je
suis sûr de bien faire le boulot parce que ça fait plus de 30 ans que je suis dans le domaine.
Je maîtrise. Je suis un maniaque du bon travail. Petit-frère, si tu veux progresser dans le
business et sécuriser tes clients, fais du bon travail. A chaque fois que tu reçois un marché,
quel que soit sa taille, donne tout comme si c’était ton premier client. Fais même mieux
que ce que le client attend. Ils reviendront plus nombreux », m’a-t-il expliqué.

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Mieux vaut avoir un business excellent que 7 affaires moyennes. Mieux vaut asseoir son
leadership et sa compétence quelque part avant de bondir sur une prétendue
opportunité.

« Il est de très loin plus lucratif et plus amusant


de capitaliser sur vos points forts que d’essayer
de corriger tous vos points faibles. »

Tim Ferris

Dans mes débuts, j’ai travaillé avec beaucoup de gens. La plupart de façon bénévole. A
l’époque, vu que je venais de terminer mes certifications, il me fallait me bâtir des
références. Donc je faisais quelques boulots ici et là pour des gens, juste pour avoir un
passif à présenter à quiconque me demanderait des tafs que j’ai déjà réalisés. C’est ainsi
que j’ai élaboré des affiches, logos, des chartes graphiques, des plans marketing, des
stratégies de marques, des sites web, pour beaucoup de structures. Ça me permettait non
seulement de mettre en pratique mes compétences mais aussi d’acquérir de l’expérience.
J’ai dû y prendre goût car j’ai fait ça jusqu’à récemment encore.

Mais comme disait l’autre : « tu ne peux pas aider les pauvres si tu restes pauvre toi-
même ». Il faut sécuriser ses appuis. Bâtir quelque chose de solide qui constituera un
excellent parachute avant de chercher à voguer dans des projets farfelus et du bénévolat.

Parfois, nous avons tous des passions qu’on aimerait réaliser. Des projets complexes,
innovants et tout ce que vous voulez. Mais avant de se jeter dans ça, il est mieux de fixer
des bases solides comme expliqué dans le point précédent. Il est mieux de s’investir
d’abord à fond dans une chose, la faire émerger et après bondir dans tout ce qui nous
traverse la tête.

3. Il faut soi-même expérimenter le monde

J’en parle parce que là il me revient à l’esprit la réplique d’un personnage de la série de
Canal +, Bloqués : « En même temps, Steve Jobs n’a pas eu besoin de lire la biographie de
Steve Jobs pour y arriver ! ». Ça m’a grave fait marrer la première fois mais avec du recul,
je percute la profondeur du propos. Après toutes ces années à décrypter la vie et les
parcours de ces hommes et femmes qui ont réussi, je me rends juste compte qu’ils
n’étaient pas de gros lecteurs. Ils le sont devenus après.

A leur époque ils se sont concentrés sur leurs projets. Les vies des grands entrepreneurs
d’avant eux ne les intéressaient pas, pour la plupart. C’est nous qui sommes quasiment
obsédés par ces gens et leurs réussites alors qu’eux-mêmes ne s’intéressaient pas aux
success stories de leur époque.

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A trop passer de temps sur les livres de je ne sais quoi, les lois du succès, les techniques
de leadership, et autres fastfoods du développement personnel, tu passes à côté de
l’essentiel : le terrain. C’est la meilleure école. Peut-être ont-ils réussi parce qu’ils ont eu
la chance de se tromper ; qui sait ?

Deux abrutis qui marchent vont plus loin qu’un sage assis, comme on dit. Tente des trucs,
trompe-toi et prends des notes. Les livres vont peut-être te défendre de faire un truc
parce que ça n’a pas marché pour certaines personnes, or avec toi ça peut marcher car
tu ne vis pas dans les mêmes circonstances que ceux qui ont échoué.

Et puis, de toute façon, tu ne liras jamais assez. Chaque jour des centaines d’ouvrages
psalmodiant des milliers de conseils pour réussir pleuvent. Certains se contredisant
même. Parce qu’on vit dans le même monde mais pas dans la même réalité. Si tu veux
grandir, teste la tienne.

Nous vivons une époque du trop pleins d’informations. Je dirais même qu’on fait une
overdose d’informations. On a de plus en plus de nouvelles de telle ou telle personne qui
réussit à faire X ou Y chose. Et ça nous donne faussement l’impression que beaucoup de
gens réussissent et que donc nous aussi on va réussir, que les chances de réussir sont
élevées. Alors que non. Le taux de réussite a toujours été plus ou moins le même. Sauf
qu’aujourd’hui on est assailli d’informations, quand il y a vingt ans il était difficile de
savoir ce qui se passait à l’autre bout du monde.

Le problème est qu'aujourd'hui nos politiques visent davantage à rameuter plus de


monde dans l'entrepreneuriat. On prend les rares personnes qui réussissent comme
modèles, oubliant que 95% (ou plus) d’autres n'ont pas réussi.

On augmente en chiffres absolus, on passe de 10 entreprises créées à 100. Or, en chiffres


relatifs le taux d’échec demeure le même. C'est toujours 90% de ces 100 entreprises qui
vont se casser la gueule.

Prenons un exemple. Supposons qu’en 1990, sur 100 entreprises créées 5 ont « réussi ».
J’entends par réussir le fait d’atteindre un chiffre d’affaire qui leur permette de
poursuivre leur activité ad vitam aeternam. Ça ferait donc un taux de réussite de 5%.

Supposons encore que dans le même pays dans les années 2010, 1 000 entreprises sont
cette fois créées par an et qu’en moyenne entre 40 et 50 parviennent à percer. Ça ferait
toujours environ 5% de réussite. Même si en chiffres absolus ça a augmenté, en chiffres
relatifs c’est pareil en termes d’échec.

Pourtant, le discours des politiques et des gourous de l’entrepreneuriat dans ce cas


serait : « 50 entreprises chaque année réussissent ! C’est super ! Lancez-vous aussi ! ». Le
biais du survivant…

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L'effort des politiques et de tout acteur du paysage entrepreneurial ne devrait pas être de
créer davantage d'entrepreneurs mais davantage d'entrepreneurs qui réussissent. Faites
d’abord réussir ceux qui sont là avant d’en recruter d’autres. Aidez ceux qui combattent
déjà en mettant notamment en place un certain nombre de mécanismes qui facilitent le
défi. Sauf que c’est compliqué de faire réussir un entrepreneur vu que personne n’a la
formule pour. Du coup, on préfère concentrer le discours sur le « lancez-vous » car les
politiques ont dès lors une baisse artificielle du chômage (un entrepreneur est un
opérateur économique en plus, donc un chômeur en moins) ; et les autres gourous de
l’entrepreneuriat ont de nouveaux clients pour leurs formations, livres et autres produits
dérivés. Dans la course pour la chasse à l’or, les grands vainqueurs sont les vendeurs de
pioches…

Donc, fais les choses pour et par toi-même, et advienne que pourra.

Au fait, depuis un moment je me pose une question. Les personnes qui écrivent des livres
du style « les 21 lois du succès » ou « 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce qu’ils
entreprennent » ont-ils commencé à avoir ces habitudes et à appliquer ces lois avant ou
après avoir réussi ? Parce que ça on ne sait pas. Ont-ils eu besoin de faire tout ça pour
réussir, eux ?

Mais bon, je rappelle que tous ces « conseils » sont pleinement subjectifs. D’ailleurs, c’est
comme si je m’adressais à moi-même d’il y a 5 ans. Les livres pour vous enseigner le
succès existent par constellations. Ce n’était pas mon but dans celui-ci.

44
BREF

Que voulez-vous que je vous dise ? De croire en vous ? Bah un peu que vous devez croire
en vous ! Vous n’avez pas le choix, de toute façon. Qui le fera à votre place ? Le succès et
l’échec sont personnels. Alors soyez votre premier fan ! Que je vous dise de suivre vos
rêves et de ne jamais abandonner ? Alors ça, ça dépend d’une infinité de paramètres. Par
exemples de quels rêves il s’agit. Ici, c’est la vie. Il n’y a pas de conte de fée. La vie est
réelle et il faut être réaliste. Je ne vous connais pas et je ne connais pas les rêves que vous
avez. Ni dans quel écosystème vous évoluez. Ne comptez pas sur moi pour vous dire que
vous allez réussir, continuez juste de travailler et d’y croire. Non. Ça moi je n’en sais rien.
Personne n’en sait rien.

Comme je n’irai jamais dire à un petit garçon qui vit au fin fond du village Ekata et qui
rêve de devenir golfeur qu’il faut qu’il y croie, qu’il ne lâche rien et qu’il continue juste
de travailler. Oui, c’est possible qu’il réussisse. Tout comme c’est possible que n’importe
qui gagne au loto, même celui qui n’y connait rien et qui joue pour la première fois. Mais
je ne dirai jamais à quelqu’un qui a du mal à manger de fumer son petit pécule là-dedans
parce qu’il finirait peut-être millionnaire, soi-disant. Jamais.

Mais si c’est ce qu’il a vraiment choisi, si c’est le chemin qu’il a décidé d’emprunter
malgré toutes les difficultés qui existent et dont il est pleinement conscient, alors je lui
dirai de tout donner, jusqu’à la dernière goûte de sueur. Car à ce moment-là il n’aura
d’autre choix que de réussir, sinon il perd tout.

Il faut bien sûr travailler dur. Car le talent, l’envie de réussir et même quelques privilèges
ne suffisent pas. Il faut bosser comme une bête si tu veux, non pas réussir tout court
comme certains diraient, mais augmenter tes chances de réussir. Une méthode pour
réussir tout court n’existe pas. Il faut aussi ne rien lâcher au premier obstacle. Mais ne te
berce pas d’illusions à cause du parcours idyllique d’un prétendu modèle. Ta vie est
singulière. Si ça marche, youpi ! Si ça ne marche pas, tant pis. Ça ne veut pas forcément
dire que tu as été nul, que tu as mal fait les choses, que tu n’as pas lu assez de bouquins,
que tu n’as pas bien appliqué les conseils de je ne sais quel coach. C’est juste comme ça.
Car au-dessus du travail, de la persévérance, de la résilience, il y a aussi plusieurs choses
qui n’étaient pas sous ton contrôle. Une myriade de paramètres que tu ne pouvais pas
manipuler et qui n’ont pas joué en ta faveur. Tu n’as pas eu de bol. Et c’est la vie.

Il faut effectivement tenter des choses. Il faut lancer des initiatives et être prêt à se casser
la gueule. C’est comme ça que fonctionne le game. D’ailleurs, parfois on ne sait pas quel
chemin est fait pour nous avant de l’emprunter. Il nous arrive d’attendre le bonheur à la
porte et ce dernier entre par la fenêtre. Ou comme dirait Jean De La Fontaine : « on
rencontre souvent sa destinée par les chemins qu’on prend pour l’éviter ». Tout ça c’est
vrai, c’est valide. Mais ce n’est pas une règle universelle.

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Il est clair que les success stories ont bossé, que la plupart n’ont rien lâché, qu’ils ont su
profiter d’une opportunité, etc. Mais ce ne sont que quelques détails parmi les millions
qui déterminent la réussite.

Le présent type d’ouvrage (qui dans mon cas est plus un long article sur la face cachée
du succès) est souvent sujet à polémique. Il induit ce qu’on appelle un réflexe de
Semmelweis, qui est le fait de rejeter une vérité qui vient renverser des croyances
profondément établies. Je m’attends à tout. En particulier au fait qu’on me traitera de
jaloux. Mais ça encore, je suis habitué. En revanche, je refuse qu’on pense que mon
objectif ici est de faire penser que le monde entrepreneurial n’est bourré que de
menteurs. Non ! Ce que je dis c’est que « beaucoup de ce que vous voyez, entendez et lisez
est vrai. Mais il n’y a pas que ces belles histoires et ne vous basez pas que sur elles pour
bâtir votre opinion ou prendre des décisions qui vous engagent à vie. Car il y a d’autres
vérités plus graves qu’on se refuse à mettre en avant ». Par ailleurs, d’aucuns penseront
que je fais la mauvaise langue parce que j’aurais échoué. Jamais de la vie. Tout se passe
bien pour moi. Je suis juste lucide.

Je crois au développement personnel. A fond ! Mais je ne crois pas au développement


personnel à travers les autres. Parce que c’est dangereux. Placer une personne, aussi
inspirante soit-elle, sur un piédestal peut te plomber si tu n’arrives pas à faire comme
elle. Mettant ainsi de côté à quel point toi et cette personne êtes différents. Moi je crois
plutôt au développement personnel à travers soi-même. Je pense que d’un point de vue
strictement spirituel et psychologique, nous disposons du nécessaire pour affronter tous
les combats. Ça ne suffit certes pas pour gagner à tous les coups, mais dans ces cadres là
seulement, nous sommes tous armés pour mener le combat.

Est-ce que je suis désormais blasé vis-à-vis de l’entrepreneuriat ? Bien sûr que non !
j’aime toujours autant l’entrepreneuriat ! Raison pour laquelle je vais sans doute
continuer à en parler. Moins, certes, mais j’en parlerai toujours. Et peut-être vais-je
continuer à lire tous ces bouquins sur le sujet ! J’aime lire de toute façon. J’admets quand
même que je suis blasé des entrepreneurs, des coachs, de l’écosystème en lui-même.
Même si, dans le principe, l’entrepreneuriat me plait toujours autant.

Je suis conscient que tout ce que j’ai aligné dans les précédentes pages va totalement à
l’encontre de tout ce qui est déblatéré dans le milieu. Je n’imagine même pas le nombre
de personnes choquées et qui brûlent d’envie de voir cet ouvrage jeté à l’échafaud. Et je
le comprends parfaitement. Quand on a passé des années, voire une vie, à entendre la
même chose, à être nourri à la même substance ; quand on a même façonné son esprit,
ses pensées, ses projets, son mental par rapport à une croyance tenace, ce n’est pas un
petit eBook dans lequel un jeune mec sans envergure verse peut-être ses désillusions qui
va y changer quelque chose. Au pire, je souhaite que ce modeste partage vous ait diverti,
ou enrichi, même si dans le fond il ne change en rien votre perception de
l’entrepreneuriat.

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Quelle orientation vais-je prendre désormais ? Quelle carrière je vais embrasser après
l’entrepreneuriat ? A vrai dire, je ne sais pas. Je n’ai pris la décision de quitter le bateau
qu’il y a quelques jours. Je ne suis même pas encore définitivement fixé sur cette
décision. Les prochaines semaines seront décisives.

Moi tout ce que je vous souhaite est d’être heureux, quoi que vous ayez choisi de faire.
C’est tout ce qui compte vraiment, en vérité. D’ici là que vous aussi trouviez votre
véritable voie, on se check sur StartupAddict.com

Stevy Opong
Libreville, le 12 décembre 2019
Les insultes c’est ici : [email protected]

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