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Traités Et Accords Concernant Le (... ) Rouard de bpt6k141228r PDF

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Traités et accords concernant

le protectorat de la France au
Maroc , par E. Rouard de
Card,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Rouard de Card, Edgard (1853-1934). Auteur du texte. Traités et
accords concernant le protectorat de la France au Maroc , par E.
Rouard de Card,.... 1914.

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TRAITES ET ACCORDS

CONCERNANT LE

PAR

E. ROUARD DE CARD
OFESSEUR DE DROIT A L'UNIVERSITÉ DE TOULOUS
MEMBRE DE L'iNSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL

AVEC 5 CARTES

PARIS
A. PEDONE J. GAMBER
LIBRAIRE-ÉDITEUR LIBRAIRE-ÉDITEUR

13, RUE SOUFFLOT, 13 7, RUE DANTON, 7


1914
at
DU MÊME AUTEUR :

LES TRAITÉS ENTRE LA FRANCE ET LE MAROC


Paris, 1898. Un vol. in-8° avec une carte. — Prix : 6 fr.
LES TERRITOIRES AFRICAINS ET LES CONVENTIONS FRANCO-ANGLAISES
Paris, 1901. Un vol. in-8° avec sept cartes. — Prix : 8 fr.
LA FRANCE ET LES AUTRES NATIONS LATINES EN AFRIQUE
Paris, 1903. Un vol. in-8° avec cinq cartes. — Prix : 5 fr.

LES RELATIONS DE L'ESPAGNE ET DU MAROC pendant le XVIIIe et le


XIXe siècles.
Paris, 1903. Un vol. in-8° avec une carte et deux gravures. — Prix : 8 fr.
TRAITÉS DE LA FRANCE AVEC LES PAYS DE L'AFRIQUE DU NORD
ALGÉRIE, TUNISIE, TRIPOLITAINE, MAROC
Paris, 1909. Un vol. grand in-8° avec un supplément. — Prix : 12 fr.
TRAITÉS DE DÉLIMITATION CONCERNANT L'AFRIQUE FRANÇAISE
Paris, 1910. Un vol. gr. in-8° avec 17 cartes. — Prix : 10 fr.
Supplément, 1910-1913 : 8 fr.

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES POUR SERVIR A L'ÉTUDE


DE LA QUESTION MAROCAINE
Paris, 1911. Un vol. gr. in-8° avec deux cartes. — Prix : 5 fr.
L'île de Peregil. Son importance stratégique, sa neutralisation.
Paris, 1913. Brochure grand in-8°. 2e édition — Prix : 2 fr. 50
Les Traités de commerce conclus par le Maroc
avec les puissances étrangères
Paris, 1907. Brochure grand in-8°. — Prix : 2 fr. 50
La Question marocaine et la Négociation
franco-espagnole de 1902
Paris, 1912. Brochure grand in-8°, avec une carte. — Prix : 2 fr. 50
La Défaite des Anglais à Tanger en 1664
Paris, 1913. grand in-8° avec une vue de Tanger. — Prix : 3 fr.
TRAITES ET ACCORDS

CONCERNANT LE

Protectorat
de la France
au Maroc
PAR

E. ROUARD DE CARD
PROFESSEUR DE DROIT A L'UNIVERSITE DE TOULOUSE
MEMBRE DE L'iNSTITUT DE DROIT INTERNATIONAL

AVEC 5 CARTES

PARIS
A. PEDONE J. GAMBER
LIBRAIRE-ÉDITEUR LIBRAIRE-ÉDITEUR

13, RUE SOUFFLOT, 13 7, RUE DANTON, 7

1914
I
;
AVANT-PROPOS

Au début de Vannée 1911, j'ai publié un volume


intitulé : Documents diplomatiques pour servir à
l'étude de la question Marocaine 1.
Quelque temps après survinrent l'incident d'Aga-
dir 2 et la négociation franco-allemande 3. A partir de
ce moment, on vit se multiplier, d'une façon inquié-
tante, les documents relatifs aux affaires du Maroc.
D'abord, quelques accords que la France avait
autrefois conclus à propos du Maroc et qui étaient
demeurés secrets pendant plusieurs années 4, furent
subitement publiés dans les journaux par des nou-

1. Documents diplomatiques pour servir à l'étude de la Question


marocaine. Paris, A. Pedone et J. Gamber, 1911 ; 1 vol. gr. in-8°,
avec 2 cartes.
2. Sur l'affaire d'Agadir, on peut consulter :
André TARDIEU, Le Mystère d'Agadir ; — Pierre ALBIN, Le Coup
;
d'Agadir — MERMEIX, Chronique de l'an 1911 ; Maroc et Congo ;
1870-1913 ;
— René PINON, La France et l'Allemagne, — Gabriel
HANOTAUX, La Politique de l'Equilibre, 1907-1911 ; — René MIL-
LET, La Conquête du Maroc.
3. Sur cette négociation, on peut consulter :
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912.
4. Ces traités secrets, s'ils rentraient dans l'énumération de la
loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, devaient être approuvés
par les Chambres et, faute de cette approbation, se trouvaient
dépourvus d'efficacité.
vellistes ou communiqués aux Chambres par le Gou-
vernement vers la fin de la crise franco-allemande 1,
c'est-à-dire au mois de novembre 1911.
Tels furent :
Les articles secrets de la déclaration franco-anglaise
du 8 avril 1904 2 ;
La Convention secrète franco-espagnole du 3 oc-
tobre 1904 3;
Le Protocole secret franco-espagnol du 1er sep-
tembre 19054 ;
L'Arrangement secret franco-espagnol du 23 fé-
vrier 19075 ;
Ensuite, plusieurs traités ou accords nouveaux
furent conclus par la France non seulement avec
le Maroc, mais encore avec diverses puissances eu-
ropéennes au sujet du Maroc.
Tels furent :
La Convention franco-allemande du 4 novembre
1911 ;
Le Traité franco-marocain du 30 mars 1912 ;

1. Tous ces traités secrets se trouvent reproduits intégrale-


ment à la suite du rapport fait par M. Long, député, sur la
Convention franco-allemande du 4 novembre 1911.
Annexe n° 1413, Chambre des députés, session extraordinaire
de 1911.
2. Ces articles ont été publiés dans le Temps des 25 et 26 no-
vembre 1911.
3. Cette convention a été publiée dans le Matin du 8 novem-
bre 1911.
4. Cette déclaration a été publiée dans le Temps du 11 no-
vembre 1911.
5. Cet arrangement a été divulgué dans l'Action du 16 no-
vembre 1911.
La Déclaration franco-italienne du 28 octobre
1912 ;
La Convention franco-espagnole du 27 novembre
1912.
En présence d'une telle accumulation de docu-
ments diplomatiques, on se trouve absolument em-
barrassé et désorienté : on ne sait plus comment on
pourra arriver à déterminer la situation juridique de
la France à l'égard de l'Empire chérifien.
Me rendant compte de ces difficultés, j'ai cru faire
oeuvre utile en publiant un nouveau recueil sous le
titre : Traités et accords concernant le protectorat
de la France au Maroc.
Dans ce volume, je me suis proposé de grouper tous
les actes diplomatiques qui ont institué, confirmé ou
délimité le protectorat français sur l'Empire chéri-
fien.
Afin de mieux montrer leur enchaînement, j'ai
suivi l'ordre chronologique dans lequel ils ont suc-
cédé les uns aux autres.

Voici donc le plan que j'ai adopté :


Chapitre I. — Convention conclue, le 4 novembre
1911, entre la France et l'Allemagne.
Chapitre II. — Traité conclu, le 30 mars 1912,
entre la France et le Maroc.
Chapitre III. — Déclaration signée, le 28 octobre
1912, entre la France et l'Italie.
Chapitre IV. — Convention conclue, le 27 novem-
bre 1912, entre la France et l'Espagne.
Pour chacun des traités ou accords, j'ai tracé
l'historique de sa négociation et j'ai analysé soi-
gneusement ses clauses.
Dans un appendice, j'ai reproduit le texte inté-
gral des divers actes. 1
Ce travail méthodique, qui complétera la documen-
tation de la question marocaine, permettra au lecteur
de comprendre dans quelles conditions notre protec-
torat marocain s'est établi, quels droits il nous confère
et de quelle façon il doit fonctionner 2.

1. Les documents diplomatiques sont classés, par ordre chro-


nologique, dans cet appendice général.
§ I. — Historique de cette convention
La déclaration signée à Berlin, le 9 février 1909
par M. Jules Cambon, ambassadeur de la Répu-
blique française et par M. de Schoen, secrétaire
d'Etat des affaires étrangères, contenait trois
stipulations bien distinctes :
Le gouvernement français, résolu à sauvegar-
der l'égalité économique dans l'empire chérifien,
se déclarait décidé à ne pas y entraver les inté-
rêts commerciaux et industriels allemands.
Le gouvernement allemand, ne poursuivant que
des intérêts économiques au Maroc, se déclarait
décidé à ne pas y entraver les intérêts politiques
particuliers de la France, étroitement liés à la
consolidation de l'ordre et de la paix intérieure 3.

1. Voir notre ouvrage : Documents diplomatiques pour servir à


l'étude de la question marocaine, p. 77 et suiv.
2. Des lettres explicatives, restées secrètes, avaient été échan-
gées, le 9 février 1909, entre M. de Schoen et M. Jules Cambon.
Dans ces lettres, il était d'abord constaté que « la conséquence
« de l'accord qui venait d'être signé par les deux gouverne¬
Enfin, les deux gouvernements, s'interdisant
toute mesure susceptible de créer en leur faveur
ou en faveur des autres puissances un privilège
économique 1, déclaraient qu'ils chercheraient à
associer leur nationaux dans les affaires dont
ceux-ci pourraient obtenir l'entreprise.
Les deux dernières clauses, conçues en termes
trop vagues, donnèrent lieu à de graves difficultés
d'interprétation 2.
Ces difficultés surgirent surtout à propos de
l'entreprise des chemins de fer marocains et à
propos de l'envoi d'une colonne française à Fez.
La chancellerie allemande prétendit que le
gouvernement français apportait des obstacles à
la constitution des consortiums franco-allemands3

« ments, était le désistement politique de l'Allemagne » ; il y


était ensuite dit que « dans les affaires économiques qui com-
« porteraient une association des intérêts allemands et français, il
« serait tenu compte autant que possible du fait que les intérêts
« français au Maroc étaient supérieurs aux intérêts allemands ».
A. TARDIEU, Le Mystère d'Agadir, p. 2. — P. CHASTAND, Le
protectorat français au Maroc, p. 29.
1. Le principe de l'égalité économique entre nations se trou-
vait déjà affirmé dans l'article 4 de la déclaration franco-anglaise
du 8 avril 1904 et dans l'article 105 de l'Acte de la Conférence
d'Algéciras.
2. Sur ces difficultés d'interprétation, on peut consulter :
Discours prononcé à la Chambre, par M. Caillaux, dans la
séance du 18 décembre 1911. Journal officiel, 19 décembre 1911,
Chambre des députés, p. 4064 ; — Discours prononcé au Sénat,
par M. Ribot, dans la séance du 9 février 1912. Journal officiel,
10 février 1912, Sénat, p. 204 ; — Discours prononcé au Sénat, par
M. Poincaré, dans la séance du 10 février 1912. Journal officiel,
11 février 1912, Sénat, p. 223.
3. Au sujet des consortiums franco-allemands, on peut con-
rulter :
A. TARDIEU, op. cit., p. 26 et suiv. ; — P. ALBIN, op. cit., p. 117
et suiv.
et que, dans les groupements d'intérêts consti-
tués ou à constituer, il n'assurait pas à ses natio-
naux une participation suffisante 1.
D'autre part, elle soutint que le gouvernement
français n'avait pas le droit d'intervenir person-
nellement et militairement au Maroc pour rétablir
l'ordre, et que, dès lors, il ne pouvait mettre en
mouvement des troupes françaises pour déblo-
quer Fez 2.
Notre diplomatie, désireuse avant tout d'éviter
un conflit aigu entre les deux pays, s'efforça de
régler à l'amiable les questions litigieuses qui
étaient pendantes entre les deux gouvernements.
M. Jules Cambon eut avec les représentants du
gouvernement impérial plusieurs entretiens au
cours desquels il fut démontré que le gouverne-

1. Lors des négociations relatives aux chemins de fer maro-


cains, le gouvernement allemand ne trouva pas suffisant que ses
nationaux eussent une part dans les travaux et fournitures ; il
réclama, en outre, pour eux une part dans l'exploitation et le per-
sonnel de l'exploitation.
Cette prétention était contraire à l'Acte d'Algéciras qui réser-
vait au Maghzen l'exploitation des services publics.
Discours prononcé à la Chambre, par M. Caillaux, dans la
séance du 18 décembre 1911. Journal officiel, 19 décembre 1911,
Chambre des députés, p. 4064.
2. Le gouvernement allemand savait cependant que cette expé-
dition, décidée sur la demande du Sultan, avait pour objet le
rétablissement de l'ordre et ne devait pas entraîner l'occupation
de nouveaux territoires. Notre ambassadeur, M. Jules Cambon,
avait sur ce point donné des explications à M. Zimmermann,
sous-secrétaire d'Etat des affaires étrangères.
Dépêches de M. Jules Cambon, ambassadeur de France à Ber-
lin, à M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, en date des
26 avril et 13 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, nos 225 et 376.
ment français avait apporté beaucoup de bonne
volonté à la préparation des consortiums indus-
triels et qu'il avait agi avec une parfaite loyauté
dans la conduite des opérations militaires 1.
Ces entretiens se poursuivirent à Berlin, pen-
dant les premiers mois de 1911, avec M. de Beth-
mann-Hollweg, chancelier de l'Empire et M.
Zimmermann, sous-secrétaire d'Etat des affaires
étrangères. Ils se continuèrent, à Kissingen, vers
la fin du mois de juin, avec le secrétaire d'Etat
des affaires étrangères.
Le 20 et le 21, M. Cambon et M. de Kiderlen
eurent deux entrevues successives 2.
Dans la seconde, la question marocaine fut
abordée et discutée sous son aspect général.
L'ambassadeur de France et le ministre alle-
mand reconnurent que pour arriver à une entente,
il convenait de ne pas maintenir la conversation
exclusivement sur le Maroc. M. de Kiderlen dit :
« Si nous restreignons notre conversation au Ma-
« roc, nous
n'aboutirons pas ; il est inutile de replâ-

1. Le 12 juin 1911, M. Jules Cambon fît remarquer à M. Zim-


mermann que nos postes à l'Est de la Moulouya avaient été
réduits, et que cela constituait une première exécution de nos
promesses d'évacuation.
Le sous-secrétaire d'Etat reconnut que le gouvernement de la
République française donnait par son attitude la preuve de sa
loyauté.
Dépêche de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. Cruppi,
ministre des affaires étrangères, en date du 13 juin 1911, déjà
citée.
2. Dans les entrevues de Kissingen, on ne parla pas de la par-
ticipation allemande à la construction des chemins de fer ma-
rocains.
« trer ce qui a été fait au sujet du Maroc et qui
« semble se lézarder aujourd'hui. »

M. Jules Cambon lui répondit : « Vous êtes


« d'autant plus dans le vrai que, vous vous en sou-

« venez, vous m'avez autrefois parlé du Maroc. Or,

« autant vaut-il dire tout de suite que si vous sou-


« haitez d'avoir quelque part du Maroc, il vaut

« mieux ne pas commencer la conversation : l'opi-


« nion en France ne l'accepterait pas sur ce terrain

« et, d'ailleurs dans l'intérêt de nos bons rapports,


« il vaut mieux que nous ne multiplions les voisi-

« nages : on peut chercher ailleurs. »


M. de Kiderlen répliqua : « Oui, on le peut, mais
«
il faut nous dire ce que vous voulez. » Et, comme
M. Cambon lui faisait observer qu'il devait soumet-
tre ces idées nouvelles au gouvernement français,
le secrétaire d'Etat termina l'entretien en disant :
« Rapportez-nous quelque chose de Paris 1. »
Sur ces mots, notre ambassadeur prit congé
du secrétaire d'Etat. Peu de temps après cette
entrevue, il quitta Berlin et vint à Paris pour
rendre compte de ce qui s'était passé et demander
si la conversation devait être continuée 2.
A ce moment, se produisit l'un de ces coups de
théâtre dont la chancellerie allemande est coutu-
mière.

1. Dépêche de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. Cruppi,


ministre des affaires étrangères, en date du 22 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 399.
2. Discours prononcé à la Chambre, par M. de Selves, dans la
séance du 14 décembre 1911. Journal officiel, 15 décembre 1911,
Chambre des députés, p. 3973.
Le 1er juillet, M. de Schoen, ambassadeur d'Al-
lemagne à Paris, remit à M. de Selves, ministre des
affaires étrangères, le mémorandum suivant : « Des
« maisons allemandes établies au sud du Maroc,
« et notamment à Agadir et dans ses environs,

« se sont
alarmées d'une certaine fermentation
«
parmi les tribus de ces contrées que semblent
«
avoir produite les derniers événements dans d'au-
« très
parties du pays. Ces maisons se sont adres-
« sées au gouvernement impérial pour lui demander

« protection pour leur vie et leurs biens. Sur leur


«
demande, le gouvernement a décidé d'envoyer
« au port
d'Agadir un bâtiment de guerre pour
« prêter, en cas
de besoin, aide et secours à ses
«
sujets et protégés, ainsi qu'aux considérables
«
intérêts allemands engagés dans les dites con-
« trées. Dès que l'état de choses au Maroc sera
«
rentré dans son calme antérieur, le bateau
«
chargé de cette mission protectrice aura à quit-
«
ter le port d'Agadir. »
M. de Selves répondit « qu'il regrettait vive-
« ment la décision
prise par le gouvernement alle-
« mand ». Il ajouta « qu'il était convaincu de l'uti-
«
lité de conversations entre les deux pays au sujet
« des affaires marocaines, mais que l'envoi d'un
«
navire de guerre allemand à Agadir modifiait
« gravement l'aspect que devait avoir cette con-
« versation 1 ».
Cet incident que rien ne pouvait faire prévoir

1. Dépêche de M. de Selves, ministre des affaires étrangères,


aux représentants diplomatiques de la République française,
en date du 1er juillet 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 418.
Port d'Agadir
causa en France une grande émotion et une vive
irritation. On se demanda à quelle pensée avait
obéi la chancellerie allemande en envoyant subi-
tement, à Agadir 1, un bâtiment de guerre 2.
Sans doute, elle invoquait la nécessité de proté-
ger certaines maisons de commerce allemandes 3,
menacées par l'agitation des tribus, mais c'était
là un simple prétexte dont elle se servait pour
expliquer son intervention, « aucun trouble grave
« n'existant dans la région d'Agadir4».
Vraisemblablement, elle avait d'autres motifs
pour agir d'une façon si peu amicale à notre égard.
Mais quels étaient ces motifs ?
Songeait-elle à s'emparer « d'une base navale
sur l'Atlantique ? »
On ne peut guère le supposer, puisque l'am-
bassadeur d'Allemagne à Londres, Wolff Metter-
nich, dès le 24 juillet 19115, déclarait formelle-
ment à Sir Edward Grey, secrétaire d'Etat des

1. Sur la ville et le port d'Agadir, on peut consulter :


L'Illustration, n° du 8 juillet 1911 ; le Bulletin du Comité de
l'Afrique française, 1911, p. 265.
2. Ce bâtiment était la canonnière le Panther, vieux petit ba-
teau de 970 tonneaux, ayant 125 hommes d'équipage.
Le Panther fut remplacé par le Berlin, croiseur de 3,250 ton-
neaux, portant 300 hommes d'équipage.
3. Les maisons allemandes ayant des intérêts dans la région
de Sous n'étaient qu'au nombre de cinq ; elles étaient dirigées
par MM. Marx, Mohr, Frechs, Lagenheim et les frères Mannes-
mann.
Voir à ce sujet : L'Illustration, n° du 15 juillet 1911.
4. Discours prononcé au Sénat, par M. de Lamarzelle, dans la
séance du 7 février 1912. Journal officiel, 8 février 1912, Sénat,
p. 168.
5. Cette démarche eut lieu trois jours après le discours sen-
sationnel de M. Lloyd George, chancelier de l'Echiquier.
affaires étrangères 1, « que l'Allemagne n'avait
« jamais songé à créer une station navale sur la
« côte du Maroc et n'y songerait jamais2».
Voulait-elle, en froissant nos sentiments natio-
naux, provoquer un conflit et déterminer une
rupture ?
On ne peut pas non plus le supposer, puisque
son ambassadeur à Paris, M. de Schoen, lors de
la remise du mémorandum, avait soin de dire à
M. de Selves que « cette mesure de précaution,
« prise en vue de sauvegarder la vie et les biens des

« sujets allemands, ne devait pas avoir d'influence


« sur l'état des relations des deux pays, et qu'elle

« ne devait pas être dramatisée par l'opinion pu-

« blique française 3 ».
Voici la seule supposition qui semble admis-
sible :
Après l'échec du consortium de la N'Goko-
Sangha, et du projet du chemin de fer Congo-
Cameroun 4, la chancellerie allemande n'avait pas

1. Discours prononcé, à la séance du 27 novembre 1911 de la


Chambre des Communes, par sir Edward Grey, secrétaire d'Etat
des affaires étrangères.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 467 et suiv.
2. M. de Kiderlen lui-même, à la séance du Reichstag du
17 février 1912, a fait la déclaration suivante : « Nous ne voulions
« pas avoir au Maroc un port de guerre, lequel ne pourrait nous
« être utile et ne ferait que nous affaiblir... »
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 90.
3. Dépêche de M. de Selves, ministre des affaires étrangères,
aux représentants diplomatiques de la République française, en
date du 1er juillet 1911, déjà citée.
4. A ce sujet, on peut consulter :
A. TARDIEU, op. cit., p. 323 et suiv.; — ALBIN, op. cit., p. 150
et suiv.
cessé de porter son attention sur nos territoires
congolais. Comme elle trouvait que nous ne con-
sentions pas assez vite à causer avec elle du Congo 1,
elle voulait accélérer la marche des négociations 2
en nous obligeant à causer sans retard de cette
colonie 3 qu'elle convoitait depuis plusieurs an-
nées 4. Elle avait jugé bon de nous rappeler ainsi,
d'une façon un peu brutale, les propositions plus
ou moins directes que les représentants de notre
gouvernement lui avaient faites une première
fois, lors des pourparlers de 19055, et une

1. Discours prononcé au Sénat, par M. de Lamarzelle, dans la


séance du 7 février 1912. Journal officiel du 8 février 1912, Sénat,
p. 168.
2. Dans le discours qu'il prononçait au Reichstag, le 17 février
1912, M. de Kiderlen faisait la déclaration suivante : « Depuis
« longtemps, nous voulions négocier avec la France. Nous avons
« envoyé ce navire à Agadir pour amorcer la chose. »
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 91.
3. Dès le 8 juillet, M. de Schoen, en affirmant qu'il parlait à
titre privé, disait à M. de Selves que « son gouvernement ne
« nourrissait pas de prétentions d'ordre territorial sur le Maroc,
« mais que le Congo paraissait offrir un terrain de négocia-
« tion ».
Dépêche de M. de Selves, ministre des affaires étrangères, à
M. Jules Cambon, ambassadeur.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 439.
4. A la veille de la conférence d'Algéciras, un diplomate alle-
mand disait à M. de Chérizey, secrétaire de la légation de Tanger :
« Nous ne serions pas ici si vous aviez consenti à causer Congo. »
Discours prononcé au Sénat, le 10 février 1912, par M. Poin-
caré, président du Conseil. Journal officiel, 11 février 1912,
Chambre des députés, p. 221.
5. A la séance du 17 novembre 1911 de la Commission du
budget du Reichstag, M. de Kiderlen déclara qu'en 1905, après le
voyage de l'empereur Guillaume à Tanger, « M. Rouvier mani¬
seconde fois lors de l'entrevue de Kissingen 1.
D'ailleurs, quel que fût le mobile, l'acte accom-
pli par le Cabinet de Berlin devait être considéré
comme un acte inamical 2. Nous devions, en con-
séquence, nous refuser à entrer en conversation
tant que le bâtiment de guerre allemand ne serait
pas rappelé 3.
Mais le Cabinet de Paris, cédant au désir expri-
mé par le baron de Schoen 4, eut la faiblesse de
consentir à causer avec le gouvernement impérial
sur les affaires marocaines 5.
Quelques jours après la remise du mémorandum,
M. Jules Cambon repartait pour Berlin avec des
instructions qui lui prescrivaient « de demander au

« festa plusieurs fois, officiellement et officieusement, le désir


« d'entente. Pour la première fois, le mot Congo fut prononcé.
« Mais l'Allemagne demanda vainement des propositions posi-
« tives. »
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 442 et suiv.
1. M. Jules Cambon en disant à M. de Kiderlen : « On peut
chercher ailleurs », faisait très probablement allusion au Congo.
Discours prononcé au Sénat par M. Jenouvrier, dans la séance
du 5 février 1912. Journal officiel, 6 février 1912, Sénat, p. 136.
Discours prononcé au Sénat par M. Pichon dans la séance du
8 février 1912. Journal officiel, 9 février 1912, Sénat, p. 193.
2. Discours prononcé au Sénat par M. de Lamarzelle, déjà cité.
3. Le Berlin ne quitta les eaux d'Agadir qu'à la date du 28 no
vembre 1911.
ALBIN, op. cit., p. 329.
4. Discours prononcé à la Chambre par M. de Selves, dans la
séance du 14 décembre 1911. Journal officiel, 15 décembre 1911,
Chambre des députés, p. 3973.
5. Discours prononcé au Sénat, par M. Pichon, dans la séance
du 8 février 1912. Journal officiel, 9 février 1912, Sénat, p. 193.
Discours prononcé au Sénat par M. Ribot, dans la séance du
9 février 1912. Journal officiel, 10 février 1912, Sénat, p. 206.
« gouvernement allemand quel était le but et la
« portée de la démonstration d'Agadir1».
Rentré à Berlin, il eut, dès le 9 juillet, une entre-
vue avec le secrétaire d'Etat des affaires étran-
gères. Au cours de l'entretien, M. de Kiderlen
déclara que « le gouvernement allemand accepte-
« rait de renoncer à toute prétention territoriale au
« Maroc et de chercher avec le gouvernement fran-
« çais des satisfactions coloniales au Congo 2 ».
Ainsi fut reprise la conversation au sujet des
affaires marocaines.
Pendant les négociations qui suivirent, la diplo-
matie allemande, mise en appétit par les proposi-
tions d'intermédiaires officieux 3, se montra par-
ticulièrement âpre et tenace 4. Pour nous recon-

1. Dépêche de M. Caillaux, président du Conseil, à M. Paul


Cambon, ambassadeur de France à Londres, en date du 4 juillet
1911. Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 427.
2. Dépêches de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. de Selves,
ministre des affaires étrangères, en date des 9 et 10 juillet 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n°s 441 et 444.
3. Au sujet de ces pourparlers que des agents officieux furent
chargés de poursuivre avant et après le coup d'Agadir, un inci-
dent très vif se produisit, le 9 janvier 1912, dans la commission
spéciale du Sénat.
M. Clémenceau posa à M. de Selves la question suivante :
« Pouvez-vous nous dire s'il n'existe pas des pièces établissant
« que notre représentant à Berlin s'est plaint de l'intrusion de
« certaines personnes dans les relations diplomatiques franco-
« allemandes. »
Le Ministre des affaires étrangères demanda la permission de
ne pas répondre à cette question et adressa sa démission au Pré-
sident de la République.
P. ALBIN, op. cit., p. 327.
4. Sur l'attitude prise par la diplomatie allemande, on peut
consulter :
P. ALBIN, Le coup d'Agadir, p. 185 ; — A. TARDIEU, Le Mystère
d'Agadir, p. 436 ; — A. BERNARD, Le Maroc, 2e édit., p. 356.
naître pleine liberté d'action au Maroc, elle ré-
clama du côté de l'Afrique équatoriale des com-
pensations aussi lourdes que peu justifiées 1.
Tout d'abord, elle crut pouvoir demander le
Congo français entre l'Océan et le Sangha 2.
Puis, comme une fin de non-recevoir était op-
posée à cette demande exorbitante, elle réduisit
un peu ses prétentions : elle se montra disposée à
se contenter de certaines régions à l'Est et Sud
de Cameroun avec « un accès territorial au fleuve
Congo 3 ».
Sur cette base, l'entente put enfin s'établir.
Le 4 novembre, M. Jules Cambon et M. de Ki-
derlen signaient définitivement deux conventions
relatives l'une au Maroc et l'autre à l'Afrique
équatoriale 4.
Par la première convention, le gouvernement
allemand déclarait que, poursuivant au Maroc
seulement des intérêts économiques, il n'entrave-
rait pas l'action politique de la France qui aurait

1. L'Allemagne n'avait aucun droit particulier sur le Maroc ;


elle était dans la même situation juridique que toute autre puis-
sance signataire de l'Acte d'Algéciras.
Discours prononcé au Sénat, par M. de Las Cases, dans la séance
du 6 février 1912. Journal officiel, 7 février 1912, Sénat, p. 157.
2. Dépêche de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. de Selves,
ministre des affaires étrangères, en date du 16 juillet 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 455.
3. Dépêche de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. de Selves,
ministre des affaires étrangères, en date du 1er août 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 480.
4. Dépêche de M. Jules Cambon, ambassadeur, à M. de Selves,
ministre des affaires étrangères, en date du 4 novembre 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 644.
pleine liberté pour prêter son assistance au gou-
vernement marocain.
En retour « des droits de protection qui lui étaient
« ainsi reconnus sur l'empire chérifien 1
», la France,
par la seconde convention, cédait à l'Allemagne
de vastes territoires dans le bassin du Logone,
de la Lobaye et de la Sangha avec deux tentacules
inquiétantes sur l'Oubanghi et le Moyen Congo :
elle était censée échanger ces territoires de 275.000
kilomètres carrés contre un territoire allemand
de 15.000 kilomètres carrés compris entre le Chari
à l'Est et le Logone à l'Ouest, connu sous le nom
de « bec de Canard ».

§11. — Analyse de cette convention

La convention du 4 novembre 1911, réglant le


statut politique du Maroc 2, a pour objet 3 :
a) De reconnaître à la France le droit d'assister
le gouvernement marocain pour l'introduction de
toutes les réformes administratives, judiciaires,

1. Préambule de la Convention relative à l'Afrique équato-


riale.
2. Sur cette Convention, on peut consulter :
A. TARDIEU, Le Mystère d'Agadir, p. 545 ; — P. ALBIN, Le coup
d'Agadir, p. 300 et suiv. ; — R. PINON, France et Allemagne, p.
189 et suiv. ; de l'équilibre 1907-
— G. HANOTAUX, La politique
1911, p. 327 et suiv.; — R. MILLET, La conquête du Maroc, p. 57
et suiv.; — A. BERNARD, Le Maroc, 2e édition, p. 354.
3. Comme on l'a dit justement, « cette convention n'est pas
rédigée avec une clarté parfaite, avec une clarté française. »
Discours prononcé au Sénat par M. Ribot, dans la séance du
9 février 1912. Journal officiel, 10 février 1912, Sénat, p. 207.
économiques, financières et militaires 1 nécessaires
au bon gouvernement de l'empire, comme aussi
pour l'élaboration de règlements nouveaux ou la
modification des règlements existants en vue de
l'accomplissement de ces réformes.
b) De reconnaître à la France le droit de pro-
céder avec le Sultan aux occupations militaires du
territoire marocain en vue d'assurer le maintien de
l'ordre et la sécurité des transactions.
c) De reconnaître à la France le droit de diriger
les relations diplomatiques du Sultan avec les
gouvernements étrangers.
d) D'obliger le gouvernement français à respec-
ter et à faire respecter au Maroc le principe de la
liberté commerciale consacré par les traités anté-
rieurs
e) D'obliger le gouvernement français, a obser-
ver et à faire observer au Maroc le principe d'éga-
lité économique entre les nations, non seulement
au point de vue des droits de douane et des impôts,
mais aussi au point de vue des tarifs de transport

1. L'article Ier de la Convention franco-allemande du 4 novem-


bre 1911 ne comprend pas les réformes scolaires parmi les réfor-
mes qui doivent être introduites dans l'empire chérifien. Au con-
traire, l'article Ier de l'accord franco-marocain, du 30 mars 1912,
fait mention expresse des réformes scolaires.
Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu entre la
France et le Maroc, le 30 mars 1912. Annexe n° 1994, Chambre
des députés, session 1912, p. 46 et 53.
2. Déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904, article 4 ; —
Acte général de la Conférence d'Algéciras, article 105.
par voie ferrée, par voie de navigation fluviale ou
par toute autre voie 1.
f) D'obliger le gouvernement français à faire
observer les règles de l'adjudication pour les tra-
vaux et les fournitures des grandes entreprises,
mais non pour l'exploitation de ces entreprises.
g) D'obliger le gouvernement français à em-
pêcher la perception de tout droit d'exportation
sur le minerai de fer exporté du Maroc et aussi
l'établissement de tout impôt spécial sur la pro-
duction de ce minerai 2.
h) D'obliger le gouvernement français à main-
tenir intacts les droits et actions de la Banque
d'Etat du Maroc.
i) D'obliger le gouvernement français à s'em-
ployer auprès du gouvernement marocain pour
faire déférer à un arbitre les plaintes portées par
des autorités étrangères contre les autorités maro-
caines et non réglées par l'intermédiaire du consul
français et du consul du gouvernement intéressé 3.

1. Ce principe est aussi consacré par les traités cités à la note


précédente.
2. L'Allemagne ne trouve pas dans son sous-sol des quantités
de minerai de fer suffisantes pour alimenter sa puissante indus-
trie métallurgique ; elle doit en demander à divers pays, à
l'Espagne, à la Laponie suédoise et même à la France.
Dès lors, elle s'est préoccupée d'empêcher au Maroc l'établis-
sement de taxes prohibitives gênant l'exploitation de ce minerai
dont ses nationaux auront besoin dans l'avenir.
Discours prononcés à la Chambre des députés, par M. Abel
Ferry, dans la séance du 15 décembre 1911, et par M. Long, dans
la séance du 18 décembre 1911. Journal officiel, 16 et 19 décem-
bre 1911, Chambre des députés, p. 4009 et 4060.
3. Ce mode de procéder, indiqué par l'article 9, a pour but
d'éviter autant que possible les réclamations diplomatiques.
j) D'obliger le gouvernement français à user
de son influence sur la Banque d'Etat et sur le
gouvernement marocain pour « assurer toujours à
« l'élément étranger une part de surveillance, de

« contrôle et
de direction 1 » dans les commissions
et comités établis par l'Acte d'Algéciras 2 : com-
mission des valeurs douanières, comité permanent
des douanes, commission générale des adjudications
et marchés 3 et aussi comité spécial des travaux
publics 4.
k) D'obliger le gouvernement français à s'em-
ployer auprès du gouvernement marocain pour
faire obtenir aux propriétaires de mines et d'ex-
ploitations agricoles, sans distinction de natio-
nalité, l'autorisation de créer à leurs frais des che-
mins de fer reliant leurs centres de production aux
lignes d'intérêt général ou aux ports.

1. Discours prononcé au Sénat, par M. Pichon, dans la séance


du 9 février 1912. Journal officiel, 10 février 1912, Sénat, p. 195.
2. On a pu dire que le contrôle international, résultant de l'Acte
d'Algéciras, n'était pas seulement maintenu, mais qu'il était
aggravé par la Convention franco-allemande.
Discours prononcé à la Chambre, par M. Denys Cochin, dans
la séance du 16 décembre 1911. Journal officiel du 17 décembre
1911, Chambre des députés, p. 4051.
Le rapporteur, M. Maurice Long, a combattu cette manière de
voir dans le discours qu'il a prononcé à la Chambre le 18 décem-
bre 1911. Journal officiel du 19 décembre 1911, Chambre des
députés, p. 4059 et suiv.
3. D'après les articles 4 et 6 de la Convention franco-alle-
mande, le gouvernement français doit user de son influence sur
la Banque d'Etat pour que celle-ci confère à tour de rôle, aux
membres de sa direction à Tanger, les postes de délégué dont
elle dispose dans ces comités et commissions.
4. D'après l'article 6 de la Convention franco-allemande, le
gouvernement français doit s'employer auprès du gouvernement
marocain, pour qu'il confie à un des ressortissants d'une des
puissances représentées au Maroc un des trois postes de délégué
chérifien dont il dispose dans ce comité.
l) D'obliger le gouvernement français à s'em-
ployer auprès du gouvernement marocain pour
faire ouvrir au commerce étranger de nouveaux
ports au fur et à mesure des besoins de ce com-
merce 1.
m) D'obliger le gouvernement français à s'em-
ployer auprès du gouvernement marocain pour
permettre aux ressortissants étrangers de conti-
nuer à jouir des droits de pêche dans les eaux et
ports marocains.
n) D'obliger le gouvernement français à ne pas
laisser mettre en adjudication les travaux d'au-
cun autre chemin de fer marocain avant la mise
en adjudication du chemin de fer Tanger-Fez 2.
o) D'obliger le gouvernement français à faire
présenter par l'un des administrateurs de la Ban-
que d'Etat un rapport annuel sur l'exploitation
de chemins de fer marocains.
p) D'obliger les deux gouvernements à pro-
voquer, d'accord avec les autres puissances et
sur la base de la Convention de Madrid 3, la révi-
sion des listes des protégés étrangers et associés

1. Dans les lettres explicatives annexées à la Convention


franco-allemande, le gouvernement français s'est engagé à pro-
poser au gouvernement marocain l'ouverture du port d'Agadir au
commerce international.
2. Le gouvernement français a pris cet engagement dans les
lettres explicatives annexées à la Convention franco-allemande.
Notons du reste que si le gouvernement français ne doit pas
laisser mettre en adjudication les chemins de fer de Taza et de
Casablanca avant le chemin de fer de Tanger, rien ne s'oppose
à ce que l'adjudication de ces diverses lignes soit donnée en
même temps. Rapport de M. Long sur la Convention franco-
allemande, déjà cité p. 7.
3. Cette convention, relative à l'exercice du droit de protec-
tion, a été signée à Madrid le 3 juillet 1880.
agricoles 1 et aussi à poursuivre, le moment venu 2,
auprès des puissances signataires la modification
et même l'abrogation de cette convention 3.
q) De prévoir l'institution d'un régime judi-
ciaire inspiré des règles générales de législation
des puissances intéressées et destiné à remplacer,
après une entente avec ces puissances, les tribu-
naux consulaires 4.

1. A propos des listes de protégés et associés agricoles, des


abus graves se sont produits depuis quelques années. Le gouver-
nement chérifien a invité les diverses puissances représentées à
Tanger à se conformer, pour l'établissement de ces listes, aux
articles 8 et 16 de la Convention de Madrid.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 221 et 465,
et 1913, p. 144 et 280.
Le Temps, 29 octobre et 28 décembre 1912.
2. L'article 12 de la Convention franco-allemande donne ainsi
à chacune des parties le moyen d'ajourner indéfiniment l'accom-
plissement de la réforme sous le prétexte que le moment n'est
pas encore venu.
Discours prononcé au Sénat par M. de Lamarzelle, dans la
séance du 11 juillet 1912. Journal officiel, 12 juillet 1912, Sénat,
p. 1252 et suiv.
3. D'après les lettres explicatives annexées à la Convention
franco-allemande, l'article 12 implique l'abrogation, si elle est
jugée nécessaire, de la partie de la Convention de Madrid qui
concerne les protégés et associés agricoles.
4. D'après l'article 9, § 2 de la Convention franco-allemande,
les tribunaux français institués sur le territoire du protectorat
par le dahir du 12 août 1913 et installés à la date du 15 octobre
de la même année, ont remplacé de suite les tribunaux consulai-
res de la France, mais ils ne pourront remplacer les tribunaux
consulaires des puissances intéressées qu'après entente de notre
gouvernement avec ces puissances.
Dans la lettre explicative qu'il adressait à M. Jules Cambon,
M. de Kiderlen disait : « Je suis heureux de faire connaître à Votre
Excellence que, au jour de l'entrée en vigueur de ce régime ju-
« diciaire, après entente avec les
puissances, le gouvernement
« allemand consentira à la
suppression, en même temps que
« pour les autres puissances, de ses
tribunaux consulaires. »
Du reste, le gouvernement allemand est tenu de soumettre la
question au Reichstag.
r) De soumettre à un tribunal arbitral, ins-
titué dans les termes de la convention de La Haye 1,
tous les différends nés entre les deux pays au sujet
de l'interprétation de la présente convention et non
réglés par la voie diplomatique 2.

En résumé, la convention franco-allemande du


4 novembre 1911, notifiée aux puissances signa-
taires de l'acte d'Algéciras 3, reconnaît au gou-
vernement français la faculté d'assumer le protec-
torat du Maroc. Sans doute, le mot de protectorat
n'est pas écrit dans la convention elle-même 4;
mais cela importe peu, puisque « la chose y est 5 ».
Les articles 1, 2 et 3 permettent, en effet, à la
France d'introduire des réformes de toute nature
dans l'empire chérifien, d'occuper militairement
des points quelconques du territoire marocain et
enfin de représenter le Sultan dans ses rapports
avec les puissances étrangères.
En autorisant l'établissement du protectorat

1. Convention signée à La Haye, le 18 octobre 1907.


2. Cela est dit dans les lettres explicatives annexées à la
Convention franco-allemande.
3. La plupart de ces puissances ont adhéré de suite à cette
Convention. Quelques-unes ont dû retarder un peu leur adhésion
pour des raisons d'ordre constitutionnel.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 74.
4. Du reste, les lettres explicatives annexées à la Convention
franco-allemande contiennent la phrase suivante : « Dans l'hy-
« pothèse où le gouvernement français croirait devoir assumer
« le protectorat du Maroc, le gouvernement impérial n'y appor-
« terait aucun obstacle. »
5. Discours prononcé à la Chambre, par M. Long, rapporteur,
dans la séance du 18 décembre 1911. Journal officiel du 19 dé-
cembre 1911, Chambre des députés, p. 4058.
français, la convention du 4 novembre 1911 a
laissé subsister, du moins provisoirement, le régi-
me des capitulations : juridiction consulaire et
protection diplomatique 1. En outre, elle n'a pas
aboli complètement le régime international créé
par l'Acte d'Algéciras 2. Si certaines dispositions
de cet acte sont textuellement abrogées, d'autres
sont expressément maintenues.
Sont expressément maintenues :
1° La disposition qui affirmait le principe de la
liberté économique sans aucune inégalité 3;
2° La disposition qui consacrait le principe de
l'adjudication publique pour les travaux et les
fournitures nécessités par la construction des
routes, ports, chemins de fer, télégraphes 4 ;
3° Les dispositions qui établissaient et organi-
saient la Banque d'Etat du Maroc 5 ;

1. Voir ce que nous avons dit précédemment à propos des


articles 9, § 2 et 12 de la Convention franco-allemande, p. 18,
notes 2 et 4.
2. Dans le discours qu'il a prononcé au Sénat, dans la séance
du 8 février 1912, M. Stephen Pichon a dit justement : « Quant à
« l'Acte d'Algéciras, il subsiste pour une grande part dans les
« institutions qui non seulement sont maintenues, mais reçoivent
« une nouvelle investiture, de nouvelles attributions et sont ainsi
« consolidées. » Journal officiel, Sénat, 9 février 1912, p. 195.
3. Art. 4 de la Convention franco-allemande.
4. Art. 6, al. 1 de la Convention franco-allemande.
5. Art. 1, al. 3 de la Convention franco-allemande.
6. Art. 4, al. 3 de la Convention franco-allemande.
La composition de la commission et du comité va se trouver
modifiée, puisque la Banque d'Etat doit désormais conférer à tour
de rôle, aux membres de sa direction à Tanger, les postes de
délégué dont cette Banque dispose.
commission générale des adjudications et mar-
chés 1 et comité spécial des travaux publics 2.
Sont virtuellement abrogées :
1° La disposition qui affirmait le principe de la
souveraineté et de l'indépendance du Sultan 3.
2° La disposition qui affirmait le principe de
l'intégrité des Etats du Sultan 1.
3° La disposition qui imposait le principe de
l'adjudication pour les concessions relatives à
l'exploitation des grandes entreprises 5 : ports,
chemins de fer, télégraphes, etc. 6
4° Les dispositions qui conféraient au corps
diplomatique le droit d'élaborer des règlements

1. Art. 6, al. 4 de la Convention franco-allemande.


Même observation.
2. Art. 6, al. 5 de la Convention franco-allemande.
La composition de ce comité va se trouver modifiée, puisque le
gouvernement marocain doit désormais confier à un ressortissant
d'une des puissances représentées au Maroc, un des trois postes
de délégué chérifien.
3. Art. 1 et 3 de la Convention franco-allemande.
4. Art. 2 de la Convention franco-allemande.
5. L'article 6, § 3 de la Convention franco-allemande réserve
à l'Etat marocain l'exploitation des grandes entreprises et lui
permet de la concéder librement à des tiers ; il abroge ainsi
virtuellement l'article 107 de l'Acte d'Algéciras qui subordonnait
au principe de l'adjudication les concessions ayant pour objet
l'exploitation des services publics.
6. Comme l'émunération de l'article 6, § 3 de la Convention
franco-allemande n'a rien de limitatif, il faut décider que l'exploi-
tation du service postal est réservée à l'Etat marocain qui peut la
concéder librement. Cela doit entraîner la suppression des postes
allemandes, anglaises ou espagnoles établies au Maroc.
Discours prononcé par M. Poincaré au Sénat, dans la séance du
10 février 1912. Journal officiel, 11 février 1912, Sénat, p. 225.
Cette thèse a été combattue par M. de Kiderlen devant la Com-
mission des affaires étrangères du Reichstag ; il a dit, le 16 no-
vembre 1911, que rien ne s'opposait au maintien des postes
allemandes.
généraux, relativement au magasinage en douane,
à la police des ports, à la taxe urbaine, au com-
merce des armes de chasse et de luxe, à l'impor-
tation des explosifs nécessaires à l'industrie, aux
travaux publics, aux adjudications et à l'expro-
priation1
Les réserves concernant certaines dispositions
de la convention de Madrid et de l'acte d'Algéci-
ras, comme aussi les prescriptions rigoureuses
concernant l'exportation du minerai de fer 2 et
l'adjudication des chemins de fer 3 sont de nature
à rendre le fonctionnement du protectorat plus
difficile et moins avantageux pour la France.
Cette délicate question fut soulevée devant la
Chambre des députés.
Au moment où l'on discuta la convention

1. L'article 1 de la Convention franco-allemande du 4 novem-


bre 1911 abroge implicitement le pouvoir réglementaire conféré
au Corps diplomatique par l'Acte d'Algéciras.
Dans la lettre explicative qu'il écrivait à M. Jules Cambon,
ambassadeur, M. de Kiderlen s'exprimait de la façon suivante :
« L'adhésion du gouvernement allemand, accordée d'une manière
« générale au gouvernement français par l'article 1er de la dite
« Convention, s'applique naturellement à toutes les questions
« donnant matière à réglementation et visées dans l'Acte d'Al-
« géciras. »
Discours prononcé à la Chambre par M. Caillaux, dans la
séance du 18 décembre 1911. Journal officiel, 19 décembre 1911,
Chambre des députés, p. 4066.
2. D'après l'article 5 de la Convention, aucun droit d'exporta-
tion ne peut être perçu sur le minerai de fer exporté des ports
marocains.
3. D'après les lettres explicatives annexées à la Convention,
la mise en adjudication du chemin de fer de Tanger à Fez ne
peut être primée par la mise en adjudication de tout autre che-
min de fer marocain.
franco-allemande relative à l'Afrique équatoriale 1,
M. Albert de Mun et M. Denys Cochin laissèrent
voir quelques appréhensions au sujet de l'exer-
cice des droits de protectorat qui nous étaient re-
connus2. Ils dirent qu'ils ne comprenaient pas bien
comment pourrait « se combiner la souveraineté
« de la puissance protectrice avec le maintien de
« la direction internationale dans l'administration
« du Maroc ».
Le rapporteur, M. Long, leur répondit de la
façon suivante : « Quant à ces hypothèques et à
« ces servitudes qui grèvent encore notre domaine,
« je ne les nie point ; mais elles ne m'apparaissent
« point comme de nature à empêcher ce domaine
« de vivre et de se développer. Ces entraves à notre
« liberté d'action, ce sera l'oeuvre du gouverne-
« ment français de réaliser, peu à peu, et sans
« heurts, l'intégralité de notre protectorat au Ma-
« roc comme il l'a fait en Tunisie 3. »
Cette réponse n'était pas bien convaincante4 ;

1. Cette Convention fut soumise à l'approbation des Chambres,


tandis que la Convention réglant le statut du Maroc leur fut sim-
plement communiquée.
2. Discours prononcés à la Chambre par M. de Mun et M. Denys
Cochin, dans les séances du 14 et du 16 décembre 1911. Journal
officiel, 15 et 17 décembre 1911, Chambre des députés, p. 3972
et 4051.
3. Discours prononcé à la Chambre par M. Long, dans la séance
du 18 décembre 1911. Journal officiel, 19 décembre 1911, Cham-
bre des députés, p. 4063.
4. En Tunisie, le gouvernement français n'a pas eu à subir
un régime international analogue à celui que l'accord franco-

3
néanmoins, elle fut jugée satisfaisante, parce que
l'on désirait voter promptement le projet de loi
approuvant la Convention franco-allemande.

allemand lui à imposé pour le Maroc. Il a rencontré seulement


quelques difficultés de la part de l'Italie quand il a voulu
supprimer le droit de juridiction et le droit de protection exercés
par les consuls italiens.
On peut consulter à ce sujet notre ouvrage : La France et les
autres nations latines en Afrique, p. 22 et suiv.
CHAPITRE II

Traité conclu, le 30 mars 1912, entre la France


et le Maroc

§ I. — Historique de ce traité

Au lendemain de l'accord franco-marocain du


4 mars 19101, le Maghzen négocia avec la Banque
d'Etat un emprunt de 90 millions pour liquider
ses dettes antérieures 2 et demanda au gouverne-
ment français des instructeurs pour reconstituer
ses mehallas désorganisées 3.

1. Voir notre ouvrage : Documents diplomatiques pour servir à


l'étude de la question marocaine, p. 48 et suiv.
2. Arrangement financier, conclu le 21 mars 1910, entre la
France et le Maghzen.
Contrat passé le 17 mai 1910 entre El-Mokri, ministre des
finances de S. M. Chérifienne, et M. Demachy, représentant de
la Banque d'Etat du Maroc.
Ces deux actes ont été intégralement reproduits à la suite
du rapport fait par M. Long, sur la Convention franco-allemande
du 4 novembre 1911.
Annexe n° 1413, Chambre des députés, session extraordinaire
de 1911, p. 94 et suiv.
3. Dépêches de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Stephen
Pichon, ministre des affaires étrangères, en date des 9 et 15 no-
vembre 1910.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n°s 14 et 17.
Malgré cela, la situation politique et finan-
cière du gouvernement chérifien, au lieu de s'amé-
liorer, devint de plus en plus précaire.
Le sultan Mouley Hafid ne parvint pas à rele-
ver son prestige et à consolider son autorité.
Ayant abandonné la direction des affaires au
grand vizir El Glaoui, il souleva contre lui les
tribus de la région de Fez, exaspérées par les
exactions et les violences des caïds 1.
Comprenant qu'il était impuissant à rétablir
l'ordre dans son empire, Mouley Hafid sollicita
l'assistance du gouvernement français. Celui-ci
se déclara prêt à donner au Maghzen ses conseils
et son appui en vue d'accomplir les réformes
projetées.
Pour constater l'entente des deux gouverne-
ments, des lettres furent échangées, les 13 et 16
mars 19112, entre M. Cruppi, ministre des affaires
étrangères, et El Mokri, ambassadeur chérifien 3.
Sur ces entrefaites, des troubles très graves
éclatèrent aux portes mêmes de Fez.

1. Le mouvement qui commença chez les Cherarda, gagna


bientôt les Beni-M'tir, Beni-Hassen, les Aït-Youssi, les Oulad-
Djama, les Cheraga, les Hayaïna et les Beni-Ouaraïn.
Rapport sur l'insurrection des tribus de la région de Fez, par
M. Gaillard, consul de France.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, sup., p. 257.
2. Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n°s 106 et 121.
3. En même temps que ces lettres étaient échangées, un projet
d'accord financier était signé ad référendum par El Mokri, le
14 mars 1911.
Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, à
M. Paul Cambon, ambassadeur, en date du 16 mars 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 122
Plan de la Ville de Fez
Les tribus rebelles qui avaient eu de nombreux
engagements avec la mehalla du commandant
Brémond réussirent à investir d'une façon com-
plète la capitale dont elles empêchèrent le ravitail-
lement 1
A la nouvelle de ces graves événements, le gou-
vernement français crut devoir prendre les mesures
que réclamaient les circonstances. Il décida l'envoi
de forces suffisantes « pour venir au secours des
« colonies étrangères, des officiers instructeurs ainsi

« que des troupes chérifiennes2».


Une colonne légère, formée à proximité de la
frontière de la Chaouïa, reçut, le 24 avril, l'ordre
de se porter au-delà du Bou-Regreg 3. S'étant mise
en mouvement, elle parvint le 30 avril a la Kasbah
d'El-Knitra où elle stationna pendant plusieurs
jours.
Sur un ordre ministériel qui lui prescrivait « de
« presser
sa marche sans aucun arrêt4», elle se mit
en mouvement le 11 mai au matin. Après avoir
subi une attaque assez violente à Sidi-Ayach, elle

1. Rapport du commandant Brémond sur le siège de Fez.


Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 318 et suiv.
2. Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères,
République française, en
aux représentants diplomatiques de la
date du 25 avril 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 219.
3. Dépêches de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, à
M. de Billy, chargé d'affaires à Tanger, en date du 24 avril 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, nos 215 et 216.
4. Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, aux
représentants de la République française, en date du 14 mai 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 284.
parvint le 12 mai au marabout de Lalla-Ito. De
là, elle poursuivit sa route par Dar Zerari, Sidi-
Gueddar, Hadjar-el-Ouaguef et Aïn-Moka 1. Ayant
franchi l'Oued Mikkès, elle arriva, le 21 mai, sous
les murs de Fez : elle installa son camp dans les
jardins de Dar-el-Debibagh2, mais elle n'entra pas
dans la ville et n'y fit pas acte d'occupation 3.
La ville de Fez étant débloquée, le général
Moinier, commandant en chef du corps expédi-
tionnaire, entreprit, sur la demande du Sultan,
diverses opérations ayant pour but d'amener la
soumission des tribus révoltées : Beni-M'Tir, Aït-
Youssi, Beni-Ahmar, Cheraga et Zemmour 4.
Ces opérations se terminèrent le 9 juillet 19115.
Pendant ce temps, survenait l'incident d'Aga-
dir 6. Des pourparlers s'engagèrent alors entre le
Cabinet de Paris et le Cabinet de Berlin, mais,
comme nous l'avons dit, ils n'aboutirent à une
entente définitive qu'après plusieurs mois 7.

1. Sur la marche de la colonne de secours, on peut consulter :


Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 179 ; — L'Il-
lustration, n° du 27 mai 1911.
2. Palais d'été du Sultan, à trois kilomètres de Fez.
3. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi,
ministre des affaires étrangères, en date du 30 mai 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n# 322.
4. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi,
ministre des affaires étrangères, en date du 8 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 368.
5. Sur ces opérations, on peut consulter :
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 211 et 269 ; —
Général DE TORCY, Les opérations du général Moinier. Paris, 1911.
6. Au sujet de cet incident, voir ce que nous disons au Cha-
pitre Ier, p. 6 et suiv.
7. A ce sujet, voir ce qui est dit p. 11 et suiv.
Les 11 et 14 octobre, M. Jules Cambon, ambas-
sadeur à Berlin, et M. de Kiderlen paraphèrent ne
varietur la convention relative au Maroc ainsi que
les lettres explicatives 1.
Aussitôt après l'apposition des signatures, M.
de Selves, ministre des affaires étrangères, jugea
opportun de communiquer au Sultan le texte de
l'accord par lequel le gouvernement allemand
reconnaissait au gouvernement français la faculté
d'introduire des réformes dans l'empire chérifien,
d'y procéder à des occupations militaires et d'y
prendre la direction des relations diplomatiques.
Le 17 octobre, il adressa à Mouley Hafid une
lettre ainsi conçue : « La situation troublée de l'Em-
« pire
chérifien, au cours de ces derniers mois, et
« les événements
politiques qui en ont été la
« conséquence ont amené
les Gouvernements fran-
«
çais et allemand à examiner les conditions dans
« lesquelles
devrait se produire l'oeuvre de paci-
«
fication et de progrès prévue par l'Acte d'Algé-
«
ciras
«
Ainsi que le verra Votre Majesté, une clause
« du présent accord vise
l'éventualité où le Gou-
«
vernement chérifien confierait aux agents fran-
« çais à l'étranger le soin de protéger ses
sujets et
« ses intérêts, en même temps
qu'il prendrait le
« représentant de la France au
Maroc pour inter-

1. Dépêches de M. Jules Cambon, ambassadeur de la Répu-


blique à Berlin, à M. de Selves, ministre des affaires étrangères,
en date des 11 et 14 octobre 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, 1910-1912, p. 580 et 588.
— 30 —

« médiaire dans ses relations avec les autres léga-


« tions.
« Le Maghzen pensera sans doute que cette
« procédure est de nature à faciliter la discussion

« et le règlement des difficultés auxquelles il a été


« exposé jusqu'ici. Si, comme j'ai lieu de croire, il

« reconnaît les avantages que lui offre notre propo-


« sition, il voudra bien l'accepter dès maintenant et
« nous informer officiellement de son adhésion aux
« principes formulés dans l'article 31 ».
Mouley Hafid répondit à la demande de M. de
Selves par une lettre datée du 6 novembre 1911.
Dans cette lettre, après les compliments d'usage,
le Sultan déclarait qu'il ratifiait, dans l'ensemble,
« le dispositif de l'accord franco-allemand, parce
«
qu'il était un sûr garant de prospérité pour l'Em-
« pire », mais il ajoutait que, « toutefois, en ce qui

« concernait l'article 3, il avait décidé de différer


« son
adhésion jusqu'au moment où il aurait pu
«
l'étudier de plus près et le discuter avec le taleb
« ben
Ghabrit, car son objet était des plus impor-
« tants 2 ».
Sur ce dernier point, le Sultan ne disait pas
toute la vérité. S'il retardait son adhésion à l'ar-
ticle 3, ce n'était pas pour mieux s'éclairer sur la

1. Lettre de M. de Selves, ministre des affaires étrangères, à


S. M. Mouley Hafid, Sultan du Maroc, en date du 17 octobre 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 592.
2. Lettre de Sa Majesté Mouley Hafid à Son Excellence M. de
Selves, ministre des affaires étrangères, en date du 6 novembre
1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 657.
portée de cet article, c'était pour un tout autre
motif.
Précédemment, il avait, par l'intermédiaire de
son ambassadeur El-Mokri, formulé plusieurs
demandes au sujet de sa situation personnelle
et de celle de son héritier. Or, il avait bien reçu
du gouvernement français une réponse, mais il
ne l'avait pas jugée suffisante. Il voulait qu'on
répondit de nouveau à chacun des articles de son
mémoire d'une façon plus complète et plus pré-
cise, et, pour obtenir satisfaction à cet égard,
il estimait que le meilleur moyen était de retarder
l'adhésion au principal article de l'accord franco-
allemand.
Son calcul était exact.
Dès le 7 novembre, M. de Selves, ministre des
affaires étrangères, mis au courant de la situation
par un télégramme de Ben Ghabrit, envoyait au
Consulat de France à Fez, une note qui devait être
transmise au Sultan et qui répondait favorable-
ment à ses observations 1
Mouley Hafid, ayant pris connaisance de cette
note, s'empressa d'écrire à M. de Selves la lettre
suivante, datée du 9 novembre 1911 : « Nous avons
« l'honneur de vous annoncer que nous avons décidé
« de ratifier l'article 3 de l'Accord franco-allemand
« et de nous conformer à sa teneur, parce que nous
« avons pu nous pénétrer
des bonnes dispositions

1. Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu entre la


France et le Maroc le 30 mars 1912.
Annexe, n° 1994, Chambre des députés, session 1912, p. 102.
« de votre Gouvernement en ce qui concerne Notre
« Majesté et son
Empire fortuné, tant à cause des
«
explications que nous a fournies le taleb estimé,
« Abd-el-Kader
ben Ghabrit, que par suite d'autres
« indices
qui nous ont confirmé dans les convictions
« où nous sommes à votre sujet. Nous avons consi-

« déré, en outre, que l'article 3 de cet Accord


offrait
« le
moyen de mettre un terme aux difficultés ac-
« tuelles. Nous sommes persuadé
qu'il en résultera
« tout ce que nous souhaitons au
point de vue de
« la défense des
intérêts de notre Empire chérifien,
« et
que ce sera la meilleure ligne de conduite à
« tenir à l'égard de toutes les puissances respec-

« tées 1
».
M. de Selves, accusant réception des deux lettres,
écrivit, le 11 décembre, au Sultan Mouley Hafid :
« Nous avons reçu avec une vive satisfaction les
«
lettres que Votre Majesté nous a écrites les 14 et
«
17 Doul Kaada 1329 pour nous faire connaître
« son
adhésion complète à l'Accord franco-allemand
«
du 4 novembre 1911.
«
Nous savions que Votre Majesté, en étudiant
«
les termes de cet Accord, se rendrait facilement
« compte
des bonnes dispositions dont notre gou-
« vernement est animé à l'égard du Gouvernement
«
chérifien et qu'Elle y verrait la preuve du désir
«
sincère que nous avons d'instaurer la paix et le

1. Lettre de Sa Majesté le Sultan Mouley Hafid à Son Excel-


lence M. de Selves, ministre des affaires étrangères, en date du
9 novembre 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 663.
« progrès dans l'Empire, en mettant un terme aux
«
difficultés actuelles ,».
1
Bien que Mouley Hafid eût adhéré officielle-
ment et sans réserve à l'accord franco-allemand, le
gouvernement français estima que, pour instituer
le protectorat, une convention spéciale devait,
d'après les principes du droit international, inter-
venir entre l'Etat protecteur et l'Etat protégé 2. En
conséquence, dès le début du mois de mars 1912,
il envoya à Fez une mission pour négocier et con-
clure directement avec le Sultan un traité fixant
les principales bases du protectorat.
Cette mission, dirigée par M. Regnault, ministre
de France au Maroc 3, partit de Tanger le 16 mars
et arriva à Fez le 24 du même mois.
Le 26 mars, eut lieu la réception solennelle par
le Sultan 4.

1. Rapport fait par M. Pierre Baudin, sénateur, sur le traité


conclu entre la France et le Maroc, le 30 mars 1912.
Annexe n° 268, Sénat, session de 1912, p. 60.
2. Dans une consultation qu'il avait donnée au gouvernement,
M. Louis Renault, professeur à la Faculté de droit de Paris, avait
dit que, au point de vue juridique, un traité entre la puissance
protectrice et la puissance protégée était absolument nécessaire.
Cette thèse soutenue devant le Sénat par M. Baudin, rappor-
teur, et par M. Ribot, président de la commission, fut combattue
à la Chambre des députés par M. Barthou, président de la Com-
mission des affaires extérieures, dans la séance du 1er juillet 1912.
Journal officiel, 2 juillet 1912, Chambre des députés, p. 1851.
3. M. Regnault était accompagné de M. Boulogne, directeur
des travaux publics du gouvernement de l'Algérie, de MM. Ber-
trand et Choublier, consuls de France, de M. Martin, attaché à
la légation, de MM. Blanc et Peretié, drogmans.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 83.
4. Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 130.
Dans les discours qui y furent prononcés,
M. Regnault et Mouley Hafid reconnurent et af-
firmèrent la nécessité d'introduire les réformes
propres au rétablissement et au maintien de l'or-
dre dans l'Empire chérifien1.
Dès le lendemain de cette réception aussi bril-
lante que cordiale, commencèrent les négocia-
tions diplomatiques.
Le ministre de France et le Sultan eurent trois
entretiens successifs au cours desquels furent exa-
minées et discutées les diverses questions relatives
à la situation personnelle du Sultan, à sa famille,
ses propriétés privées, à sa liste civile, à son ab-
dication éventuelle et à la désignation de son
successeur 2.

1. Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu entre la


France et le Maroc, le 30 mars 1912.
Annexe, n° 1994, Chambre des députés, session 1912, p. 15.
2. Mouley Hafid, qui depuis le 17 octobre 1911 avait manifesté
l'intention de renoncer à l'exercice du pouvoir, abdiqua le 12
août 1912 et s'embarqua pour la France.
Le lendemain, 13 août, les chorfas, les oulémas et les notables
de la ville de Rabat, s'étant réunis au Dar-el-Maghzen, procla-
mèrent comme Sultan du Maroc Mouley-Youssef, frère et khalifa
de Mouley Hafid.
Bulletin officiel du Protectorat du 1er novembre 1912.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 178, 215,
319, 347, et sup., p. 237.
3. Le Sultan exprima le désir que la signature du traité fut
tenue secrète pendant quelques jours, afin de pouvoir préparer
la population de Fez et les tribus du Bled-el-Maghzen à une
compréhension plus exacte du protectorat.
M. Regnault transmit la demande du Sultan au gouvernement
français qui la trouva très justifiée.
Mais une indiscrétion fut commise : les journaux annoncèrent
le traité instituant et organisant le protectorat
français dans l'Empire chérifien.

II. — Analyse de ce traité


§

Ce traité 1 contient plusieurs articles empruntés


aux conventions franco-tunisiennes: Traité signé à
Kassar-Saïd, le 12 mai 1881, et convention signée
à la Marsa, le 8 juin 18832.
Il a pour objet :

immédiatement en France et à l'étranger la conclusion du traité


dont ils firent connaître les grandes lignes.
Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu, le 30 mars
1912 entre la France et le Maroc.
Annexe, n° 1994, Chambre des députés, session de 1912, p. 15.
1. Sur le traité conclu entre la France et le Maroc, le 30 mars
1912, consulter :
P. CHASTAND, Le Protectorat français au Maroc, 1913 ; — RE-
VILLIOD, L'organisation des pays de protectorat. Son application
au Maroc ; — FALLOT, Les bases du protectorat marocain. Ques-
tions diplomatiques et coloniales, n° du 16 juin 1912, p. 705 et
suiv.; — E. GODEFROY, Les bases de notre protectorat français au
Maroc. Le Correspondant, n° du 10 mai 1912 ; — R. MILLET, La
Conquête du Maroc, p. 147 et suiv.
2. Au sujet de ces conventions, on peut consulter notre ou-
vrage : Traités de protectorat conclus par la France en Afrique,
1870-1895, p. 11 et suiv.
3. La Convention franco-allemande du 4 novembre 1911 ne
mentionnait pas les réformes scolaires dans l'énumération des
réformes que le Sultan devait accomplir avec l'assistance de la
France.
Les auteurs du traité franco-marocain, en introduisant le mot
« scolaires », ont voulu ainsi marquer qu'ils attachaient une
grande importance à l'oeuvre éducatrice de la France dans l'Afrique
du Nord.
Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu entre 1
France et le Maroc, le 30 mars 1912.
Annexe, n° 1994, Chambre, session de 1912, p. 53 et suiv.
économiques, financières et militaires jugées par
lui nécessaires et, notamment, la réforme du
maghzen chérifien1.
b) De permettre au gouvernement français d'ef-
fectuer les occupations militaires jugées nécessaires
au maintien de l'ordre et d'exercer toute action
de police tant sur terre que dans les eaux maro-
caines 2.
c) D'obliger le gouvernement français à sauve-
garder la situation religieuse, le respect et le pres-
tige traditionnel du Sultan ainsi que l'exercice de
la religion musulmane et le fonctionnement des
institutions religieuses 3.
d) D'obliger le gouvernement français à prêter
un constant appui au Sultan ou à son successeur

1. Article 1er du traité franco-marocain.


2. Article 2 du traité franco-marocain.
Pour pacifier le Maroc, le général Lyautey a dû, après l'éta-
blissement du protectorat français, procéder à des opérations
militaires qui ont abouti à l'occupation de nombreux points
stratégiques.
C'est ainsi que Marrakech a été occupée le 7 septembre 1912.
Sur ces opérations militaires, on peut consulter :
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 214, 267,
316, 330, 389, 450, 475, et 1913, p. 18, 69,116, 141, 193, 217, 275,
299, 335, 358 et 392.
3. La réorganisation des habous a fait l'objet de plusieurs
dahirs :
Dahir du 11 décembre 1912, concernant la reconnaissance et
l'évaluation des biens habous.
Dahir du 13 juillet 1913, fixant les attributions de la direction
générale des habous.
Dahir du 21 juillet 1913, fixant la mise en valeur des habous
publics.
Bulletin officiel du Protectorat, du 31 janvier 1913 et du 19 sep-
tembre 1913.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 360.
contre tout danger menaçant sa personne ou son
trône ou compromettant la tranquillité de ses
Etats 1.
e) De donner au gouvernement français l'ini-
tiative des règlements nécessités par le régime
du protectorat et devant être édictés par le
Sultan 2.
f) D'instituer un commissaire résident géné-
ral pour représenter le gouvernement français
auprès de Sa Majesté chérifienne et pour veiller
à l'exécution du traité 3.
g) De charger le commissaire résident général
d'être l'intermédiaire du Sultan auprès des repré-
sentants des puissances étrangères 4.
h) De conférer au commissaire résident général
le pouvoir d'approuver et de promulguer, au nom
du gouvernement français, tous les décrets (dahirs)
rendus par Sa Majesté chérifienne 5.
i) De confier aux agents diplomatiques et con-
sulaires de la France la représentation et la pro-
tection des sujets et des intérêts marocains à
l'étranger 6.
j) D'obliger le Sultan à ne conclure aucun acte

1. Article 3 du traité franco-marocain.


2. Articles 1er § 1, 4 et 5 § 3 du traité franco-marocain.
Quand il s'agira d'introduire une réforme, le Sultan, sur la
proposition du gouvernement français, donnera un dahir qui
sera ensuite approuvé et promulgué par le représentant de ce
gouvernement.
3. Article 5 § 1 du traité franco-marocain.
4. Article 5 § 2 du traité franco-marocain.
5. Article 5 § 3 du traité franco-marocain.
6. Article 6 § 1 du traité franco-marocain.

4
ayant un caractère international sans l'assenti-
ment du gouvernement français 1.
k) D'interdire au Sultan de contracter à l'ave-
nir aucun emprunt et d'accorder aucune conces-
sion sans l'autorisation du gouvernement français 2.
l) De déterminer les conditions d'une réorga-
nisation financière devant être opérée d'un com-
mun accord par le gouvernement français et le
gouvernement marocain 3.
m) De régler plusieurs questions relatives à la
personne du Sultan, à sa famille, à sa liste civile,
à ses propriétés privées, à son abdication éven-
tuelle et à la désignation de son successeur 4.
n) De faire une réserve relativement à la négo-
ciation prochaine d'un traité franco-espagnol 5 et à
l'organisation d'un régime spécial pour Tanger 6 :

En résumé, le traité franco-marocain du 30

1. Article 6 § 2 du traité franco-marocain.


2. Article 8 du traité franco-marocain.
3. Article 7 du traité franco-marocain.
4. Note adressée, le 18 octobre 1911, par M. de Selves, minis-
tre des affaires étrangères, à El-Mokri, ambassadeur de Sa Ma-
jesté Chérifienne.
Note adressée, le 7 novembre 1911, par M. de Selves, au
gérant du consulat de France à Fez, et remise par ce gérant au
Sultan.
Lettres écrites, le 30 mars 1912, par M. Regnault, ministre de
France, au Sultan Mouley Hafid.
Rapport de M. Long, député, sur le traité conclu le 30 mars
1912, entre la France et le Maroc.
Annexe, n° 1994, Chambre des députés, session de 1912, p. 96
et suiv.
5. Article 1er, § 3, du traité franco-marocain.
Il s'agit de la convention conclue le 27 novembre 1912.
6. Article 1er, § 4. Il s'agit du statut international élaboré par
les représentants de la France, de l'Espagne et de l'Angleterre.
mars 1912, notifié aux puissances signataires de
l'acte d'Algéciras 1, apporte des restrictions nota-
bles à la souveraineté du Sultan et institue au
profit de la France un véritable protectorat 2.
Mais, le fonctionnement de ce protectorat doit
être gêné par diverses dispositions qui ont été
insérées dans la Convention franco-allemande du
4 novembre 19113.
En effet, d'après ces dispositions, la France se
trouve tenue de plusieurs obligations très lourdes
et très préjudiciables :
1° Elle doit maintenir certains organes interna-
tionaux créés par l'acte d'Algéciras : la banque
d'Etat du Maroc, la commission des valeurs doua-
nières, le comité permanent des douanes, la com-
mission générale des adjudications et marchés, le
comité spécial des travaux publics 4.
2° Elle doit oberver certains principes d'ordre
économique et commercial : principe de liberté
commerciale, principe d'égalité économique entre

1. La plupart de ces puissances ont adhéré promptement à ce


traité. Quelques-unes ont retardé leur adhésion pour des raisons
d'ordre constitutionnel.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 74.
2. Le mot de protectorat figure seulement dans l'article 4 du
traité et encore d'une manière incidente.
3. Le gouvernement allemand a fait parvenir, le 18 janvier
1913, au gouvernement français son adhésion au traité du 30 mars
1912, établissant le protectorat de la France sur le Maroc.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 74.
4. Articles 1er § 3, 4 § 3, et 6 § 4 de la Convention franco-
allemande du 4 novembre 1911.
les nations, principe de l'adjudication publique
pour les travaux et fournitures des chemins de
fer, routes, ports
3° Elle doit laisser subsister, momentanément
du moins, le régime des capitulations 2 : juridiction
consulaire 3 et protection diplomatique 4.
4° Elle doit empêcher la perception de certains
droits de douane et l'établissement de certains
impôts 5.
5° Elle doit subir certaines règles étroites pour
la mise en adjudication des chemins de fer ma-
rocains et pour l'exploitation de ces chemins de
fer 6.

1. Articles 1er § 2, 4 § 1, 6 § 1 de la Convention franco-alle-


mande du 4 novembre 1911.
2. Par des déclarations échangées le 15/28 janvier 1914, la
Russie a abandonné le régime des Capitulations.
3. Des tribunaux français ont été institués sur le territoire du
Maroc par le Dahir du 12 août 1913 et installés à la date du
15 octobre 1913.
Ces tribunaux, nous l'avons vu, ne pourront remplacer les
tribunaux consulaires des puissances étrangères qu'après une
entente du gouvernement français avec ces puissances.
Cela résulte de l'article 9 § 2 de la Convention franco-allemande
du 4 novembre 1911.
Toutefois, d'après l'article 24 de la Convention franco-espagnole
du 27 novembre 1912, les Espagnols, dans la zone française, doi-
vent être immédiatement soumis à la juridiction des tribunaux
français.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 338, 360
et 392.
4. La Convention franco-allemandedu 4 novembre 1911 et les
lettres annexées à cette Convention prévoient la modification et
même l'abrogation de la Convention de Madrid en ce qui con-
cerne les protégés et associés agricoles, mais elles n'indiquent
aucun délai fixe pour cette modification ou cette abrogation.
5. Défense de percevoir un droit d'exportation sur le minerai
de fer et d'établir sur la production de ce minerai aucun impôt
spécial.
Art. 5 de la Convention franco-allemande du 4 novembre 1911.
6. Impossibilité de mettre en adjudication les travaux d'un
autre chemin de fer marocain avant la mise en adjudication de la
Toutes ces obligations 1 sont certainement de
nature à entraver l'action de la France envisagée
comme puissance protectrice 2.

Le protectorat établi par le traité du 30 mars


1912 a pu être assez rapidement organisé malgré
les événements qui ont ensanglanté Fez la révolte
:
des Askris 3 et l'attaque des Berbères 4.
Voici les grandes lignes de cette organisation.
Un commissaire résident général qui relève du
ministre des affaires étrangères représente la Ré-
publique française au Maroc.
Ses attributions sont définies par le décret du

ligne Tanger-Fez et nécessité de présenter un rapport annuel sur


l'exploitation de tous les chemins de fer marocains.
Art. 8 de la Convention franco-allemande du 4 novembre 1911
et lettres explicatives annexées à cette convention.
1. Nous avons vu que la Convention franco-allemande du
4 novembre 1911 n'abolit pas expressément les postes particu-
lières organisées par diverses puissances.
2. Voir à ce sujet ce que nous disons au Chapitre I, p. 22 et suiv.
3. Cette révolte eut lieu du 17 au 19 avril 1912.
D'après l'enquête officielle, les askris se seraient révoltés
parce qu'ils ne voulaient pas subir un prélèvement sur la solde
et le port du havre-sac.
En réalité, la cause principale de l'émeute fut l'inertie pro-
longée du gouvernement français
au Maroc.
HUBERT-JACQUES, Les journées sanglantes de Fez.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 160, 163 et
172.
4. Cette attaque eut lieu du 25 au 28 avril 1912. La harka
com-
prenait des Hayaïna, des Oulad-el-Hadj, des Cherarda, des
Rhiata, des Beni-Ouaraïn, des Tsoul et des Djebala.
Bulletin du Comité l'Afrique française, 1912, p. 214 et 267.
11 juin 1912 1. Il approuve et promulgue, au nom
du gouvernement français, les décrets ou dahirs
rendus par Sa Majesté chérifienne2. Il dirige tous
les services administratifs : il a le commandement
en chef des forces de terre et la disposition des
forces navales.
Il est le seul intermédiaire du Sultan auprès des
représentants des puissances étrangères.
En cas d'absence ou d'empêchement, il est rem-
placé par le délégué à la résidence générale 3.
Près du commissaire résident général est ins-
titué un secrétaire général du protectorat 1 : il
centralise les affaires civiles et administratives, et
exerce, au nom et sous l'autorité du résident
général, la direction et le contrôle général de
l'administration civile du protectorat 5.

1. Le général de division Lyautey a été nommé commissaire


résident général, par décret du 28 avril 1912.
Journal officiel du 29 avril 1912 ; — Bulletin officiel du Protec-
torat du 1er novembre 1912.
2. Décret du 11 juin 1912 fixant les attributions et les pouvoirs
du commissaire résident général au Maroc.
Journal officiel du 12 juin 1912 ; — Bulletin officiel du Protec-
torat du 1er novembre 1912.
3. Décret du 11 juin 1912, déjà cité, article 4.
M. de Saint-Aulaire, ministre plénipotentiaire, a été nommé
délégué à la résidence générale par un décret du 7 mai 1912.
Bulletin officiel du Protectorat du 1er novembre 1912.
4. Décret du 15 janvier 1913, portant organisation du secré-
tariat général du protectorat du Maroc.
Journal officiel du 22 janvier 1913 ; — Bulletin officiel du Pro-
tectorat du 2 janvier 1913.
M. Paul Tirard, maître des requêtes au Conseil d'Etat, a été
nommé secrétaire général du protectorat par un décret du même
jour.
5. Décret du 15 janvier 1913, déjà cité, article 1er.
Le fonctionnement régulier du gouvernement
marocain 1 se trouve assuré d'une façon pratique.
De hauts fonctionnaires français, nommés par
le Sultan sur la proposition du résident général,
doivent, en effet, assister les ministres chérifiens 2.
Ces fonctionnaires sont :
Le secrétaire général du gouvernement chérifien8
chargé des questions indigènes d'assistance et
d'enseignement ;
Le directeur général des finances, chargé du
contrôle des services financiers;
Le directeur général des travaux publics, chargé
du contrôle des travaux, des questions agricoles et
domaniales 4.
Enfin, pour rendre effectif son protectorat, le
gouvernement français a, sur le territoire de l'em-

1. Firman de Sa Majesté chérifienne, du 31 octobre 1912, con-


cernant l'organisation du ministère maghzen.
Bulletin officiel du Protectorat, du 15 novembre 1912.
2. Ces ministres sont : le grand-vizir, le ministre de la justice
et le ministre des finances. Il existe, en outre, un sous-secrétaire
de la guerre.
Le résident général exerce les fonctions de ministre des affaires
étrangères et de ministre de la guerre du Sultan. Il est président
du Conseil des ministres.
3. M. Gaillard, consul de Fez, qui avait été nommé, par un
décret du 28 avril 1912, secrétaire général près du commissaire
résident général, a pris ensuite la dénomination de secrétaire
général du gouvernement chérifien.
Décret du 15 janvier 1913, déjà cité, article 2.
4. Dahir du 18 avril 1913 portant nomination du personnel de
l'administration civile de l'empire chérifien.
Bulletin officiel du Protectorat du 22 avril 1913.
pire chérifien, institué un corps du contrôle civil 1
et organisé des tribunaux français 2.

1. Décret du 31 juillet 1913, instituant le contrôle civil au


Maroc.
Journal officiel 5 août 1913 ; — Bulletin officiel du Protectorat
du 5 septembre 1913.
Un arrêté du résident général du 13 décembre 1913 à supprimé
le commandement militaire de la Chaouïa dont les territoires
ont été rattachés au contrôle civil précédemment établi.
Bulletin officiel du Protectorat du 19 décembre 1913.
2. Dahir du 12 août 1913, relatif à l'organisation judiciaire du
protectorat français du Maroc, promulgué le 12 août 1913 et mis
en vigueur le 15 octobre 1913.
Journal officiel, du 9 septembre 1913, — Bulletin officiel du
Protectorat du 12 septembre 1913.
Cette organisation judiciaire comprend :
Une Cour d'appel à Rabat ;
Des tribunaux de première instance à Casablanca et à Oudjda ;
Des tribunaux de paix à Rabat, Oudjda, Saffi et Fez.
CHAPITRE III

Déclaration signée le 28 octobre 1912


entre la France et l'Italie

§ Ier. — Historique de cette déclaration


Lorsqu'à la fin du dernier siècle leurs relations
devinrent meilleures, le gouvernement français et
le gouvernement italien se préoccupèrent de sau-
vegarder pour l'avenir les intérêts éventuels des
deux nations dans la Méditerranée 1.
Ils furent ainsi amenés à conclure deux accords
secrets : l'un en décembre 1900 et l'autre en
novembre 1902, le second confirmant d'ailleurs le
premier.
Par ces accords, dont la portée générale fut
bientôt connue, « nous marquions notre inten-
« tion de ne pas dépasser les frontières fixées par
« la convention franco-anglaise de 1899, c'est-à-

« dire, que nous déclarions nous désintéresser de la


« Tripolitaine proprement dite et que, de son côté,

1. Voir à ce sujet notre ouvrage : Documents diplomatiques


pour servir à l'étude de la question marocaine, p. 60.
« l'Italie reconnaissait nos intérêts supérieurs au
« Maroc 1 ».
C'était, comme l'a dit justement M. Tardieu,
un protocole de désintéressement mutuel 2.
Depuis la conclusion de cette entente, la France
et l'Italie ont réalisé les projets qu'elles avaient
formés : elles ont réussi, au prix de grands sacri-
fices, à se rendre maîtresses de territoires très
étendus sur la côte africaine de la Méditerranée :
la première, par le traité de Fez du 30 mars 1912,
a établi son protectorat sur l'Empire chérifien3,
et la seconde, par le traité de Lausanne du 18
octobre 1912 4, a définitivement opéré l'annexion
de la Lybie 5.
L'acquisition de ces possessions devait entraîner
des relations nouvelles entre les deux pays.
Se rendant compte de cette situation, le gouver-
nement français et le gouvernement italien jugè-
rent nécessaire de préciser le sens et la portée

1. Discours prononcé au Sénat, par M. Poincaré, président du


Conseil, dans la séance du 10 février 1912. Journal officiel,
11 février 1912, Sénat, p. 221.
2. A. TARDIEU, La Conférence d'Algésiras, p. 61.
3. Voir ce qui est dit à propos de ce traité dans le chapitre II,
p. 35 et suiv.
4. Au sujet de ce traité, on peut consulter :
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 29, 102
et 404.
5. Avant le traité italo-turc du 18 octobre 1912, la Lybie ne
pouvait être considérée comme étant juridiquement annexée à
l'Italie. En effet, le décret du 5 novembre 1911 et la loi du 25 fé-
vrier 1912 qui avaient placé la Tripolitaine et la Cyrénaïque sous
la souveraineté pleine et entière du royaume d'Italie, étaient, au
point de vue international, dépourvus de valeur juridique.
COQUET, Italie et Turquie, Revue générale de droit international
public, 1913, p. 605.
des accords antérieurs, « afin de pouvoir aisément
« poursuivre, dans un sentiment de parfaite amitié,
« le règlement identique entre l'Italie et
nous, des
« diverses questions administratives, économiques
« et judiciaires qui intéressent le Maroc et la

« Lybie 1 ».
Dans ce but, une déclaration fut signée à Paris,
le 28 octobre 1912, par M. Poincaré, président du
Conseil, et M. Tittoni, ambassadeur d'Italie.

§ II. — Analyse de cette déclaration

La déclaration, qui vise expressément les accords


antérieurs 2, a pour objet :
a) D'obliger les deux gouvernements à n'ap-
porter réciproquement aucun obstacle à la réali-
sation de toutes les mesures pouvant être édictées
par la France au Maroc et par l'Italie en Lybie.
b) D'obliger les deux gouvernements à assurer
le traitement de la nation la plus favorisée réci-
proquement à la France en Lybie et à l'Italie au
Maroc, en ce qui concerne les nationaux, les pro-
duits, les établissements et les entreprises de l'un
de l'autre sans exception 3.

1. Discours prononcé à Nantes, par M. Poincaré, président du


Conseil, le 27 octobre 1912. Journal officiel, 28 octobre 1912,
p. 9148.
2. La déclaration vise les accords de 1902. En réalité, il y a eu
deux accords successifs : l'un en décembre 1900, et l'autre en
novembre 1902, qui ont été conclus par M. Delcassé, d'une part,
et, par MM. Visconti-Venosta et Prinetti, d'autre part.
3. La Convention franco-allemande du 4 novembre 1911, à
laquelle l'Italie a donné son adhésion, impose au gouvernement
Comme on le voit, le gouvernement italien
s'est engagé par avance à ne pas susciter des
difficultés diplomatiques pour le cas où le gou-
vernement français, voulant faciliter le fonction-
nement de son protectorat, poursuivrait au Maroc
l'abrogation du régime des capitulations, c'est-
à-dire, la suppression de la juridiction consulaire
et de la protection diplomatique 1.

français l'obligation de faire observer au Maroc les principes de


liberté commerciale et d'égalité économique, établis déjà par
déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904 et par l'Acte d'Algé-
ciras du 7 avril 1906.
1. Voir à ce sujet ce que nous avons dit dans le Chapitre Ier et
dans le Chapitre II.
CHAPITRE IV

Convention conclue, le 27 novembre 1912,


entre la France et l'Espagne

§ Ier. — Historique de cette Convention

La déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904 1


prévoyait que des négociations seraient prochai-
nement entamées par la France avec l'Espagne,
qu'elles seraient conduites dans un esprit sincè-
rement amical et qu'elles seraient soumises au
contrôle du gouvernement britannique 2.
L'une des clauses secrètes de cette déclaration
déterminait d'une façon précise l'étendue des con-
cessions que la France serait tenue de faire à
l'Espagne : elle portait « qu'une certaine quantité
« de territoire marocain adjacente à Mellila, Ceuta
« et autres présides, devrait, le jour où le Sultan
« cesserait d'exercer son autorité, tomber dans la

1. Voir à ce sujet notre ouvrage : Documents diplomatiques


pour servir à l'étude de la question marocaine, p. 62.
2. Article 8 de la déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904.
Par suite de cette stipulation, l'ambassadeur d'Angleterre, Sir
M. de Bunsen, a pu surveiller les négociations poursuivies de
1911 à 1912, entre M. Garcia Prieto, ministre d'Etat, et M. Geof-
fray, ambassadeur de France.
« sphère d'influence espagnole et que l'adminis-
« tration de la côte, depuis Melilla jusqu'aux
« hauteurs de la rive droite du Sebou exclusive-
« ment, serait confiée à l'Espagne1».
En exécution des engagements qu'il avait ainsi
contractés, le gouvernement français, six mois
plus tard, négociait et concluait avec le gouver-
nement espagnol la Convention du 3 octobre 1904.
Cet arrangement secret 2, qui laissait à la ville
de Tanger son caractère international 3, attribuait
à l'Espagne deux zones d'influence distinctes :
l'une au Nord et l'autre au Sud du Maroc.
Dans le Nord du Maroc, la zone espagnole était
délimitée par une ligne de démarcation qui, par-
tant de l'embouchure de la Moulouya dans la
mer Méditerranée, remontait le thalweg de ce
fleuve, suivait la ligne de faîte séparant les bassins
de l'oued Inaouen et de l'oued Sebou des bassins
de l'oued Kert et de l'oued Ouergha, gagnait le
Djebel Moulaï-Bou-Chta, remontait ensuite vers
le Nord jusqu'à la rencontre de l'oued Loukkos,
descendait jusqu'à un certain point le thalweg de
cette rivière et gagnait enfin le rivage de l'Océan
Atlantique au-dessus de la lagune Ez-Zerga 4.
Dans le Sud du Maroc, au-delà des possessions

1. Article 3 des clauses secrètes annexées à la déclaration


franco-anglaise du 8 avril 1904.
2. Cet arrangement, qui est resté longtemps secret, a été pu-
blié dans le Matin du 8 novembre 1911.
3. Article 9 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
4. Article 2 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
du Rio de Oro 1, la zone espagnole était délimi-
tée par une ligne de démarcation qui, à partir du
méridien 14'20 ouest de Paris, suivait vers l'est
le 26e degré de latitude nord, remontait succes-
sivement le méridien 11° ouest de Paris, le thal-
weg de l'oued Drâa, le méridien 10° ouest de
Paris, suivait dans la direction de l'ouest la ligne
de faîte entre les bassins de l'oued Drâa et de
l'oued Sous, pour atteindre finalement le rivage
de l'Océan à l'embouchure de l'oued Mesa 2.
L'Espagne s'engageait à n'aliéner ni à céder sous
aucune forme, même à titre temporaire, tout ou
partie des territoires compris dans ces deux zones 3.
Dans la zone du Nord, elle s'interdisait, pen-
dant une période maxima de quinze ans, d'exercer
son action sans un accord préalable avec la France 4.
Elle était autorisée, toutefois, à y exercer librement
son action dans le cas où l'une des éventualités
suivantes viendrait à se réaliser :
Si l'état politique du Maroc et le gouvernement
chérifien ne pouvaient plus subsister.
Si le maintien du statu quo devenait impossible

1. Ces possessions espagnoles avaient été précédemment déli-


mitées par la Convention du 27 juin 1900.
Voir à ce sujet notre ouvrage : La France et les nations latines
en Afrique, p. 119 et suiv.
2. Article 4 et 5 de la Convention du 3 octobre 1904.
Dans l'article 4, il était dit que l'établissement de Santa-Cruz
de Mar-Pequena, concédé à l'Espagne par le traité du 26 avril
1860, ne pourrait dépasser le cours de l'oued Tazeroualt et de
l'oued Mesa.
3. Article 7 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre
1904.
4. Article 2 de la Convention franco-espagnoledu 3 octobre 1904.
par la faiblesse du gouvernement chérifien et par
son impuissance persistante à assurer la sécurité
et l'ordre public.
Si l'impossibilité de maintenir le statu quo sur-
venait pour tout autre cause à constater d'un
commun accord 1.
En outre de ces clauses d'ordre politique, la
convention contenait des clauses d'ordre écono-
mique ou social. Il était stipulé que des associa-
tions d'intérêts pourraient se constituer entre les
ressortissants des deux pays pour certaines entre-
prises 2; que les écoles ou autres établissements
espagnols seraient maintenues au Maroc et que
la monnaie espagnole continuerait à y circuler
librement 3.
Après la conclusion de la Convention du 3 octo-
bre 1904, les deux gouvernements adoptèrent une
politique de collaboration qui se manifesta dans
diverses circonstances.
Au mois de septembre 1905, un peu avant la
réunion de la conférence d'Algéciras4, ils préci-
sèrent certaines questions 5 pour régler leur
attitude à cette conférence et, au mois d'août
1907, après le massacre des ouvriers du port de

1. Article 3 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.


2. Art. 10 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
3. Art. 11 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
4. La conférence d'Algéciras se réunit le 15 janvier 1906.
5. Des lettres furent échangées à ce propos entre M. Montero
Rios, ministre d'Etat, et M. Jules Cambon, ambassadeur de
France, à la date du 1er septembre 1905.
Ces lettres demeurèrent secrètes jusqu'au mois de novembre
1911.
Casablanca 1, ils envoyèrent des contingents mi-
litaires pour rétablir l'ordre dans cette ville. Ils
se mirent aussi d'accord pour assurer l'exécution
de l'Acte d'Algéciras en ce qui concernait l'orga-
nisation de la police des ports 2 et la surveillance
de la contrebande des armes 3.
Leur intention de suivre pour l'avenir la même
ligne de conduite fut affirmée dans un acte
diplomatique.
Par des déclarations échangées entre eux le 17
mai 1907 4, ils affirmèrent que, « jugeant nécessaire
« le maintien du statu quo territorial dans la Mé-

« diterranée et sur les côtes de l'Atlantique, ils

«
étaient résolus l'un et l'autre à conserver intacts
« les droits
qu'ils avaient sur leurs possessions
«
insulaires et maritimes situées dans les dites
«
régions ; et que dans le cas où se produiraient de

1. Le 30 juillet 1907, neuf ouvriers européens dont trois fran-


çais, furent assassinés par des indigènes.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1907, p. 284.
2. Un arrangement, relatif aux instructeurs de la police de
Tanger et de Casablanca, fut signé le 23 février 1907, par M. Ste-
phen Pichon, ministre des affaires étrangères, et par M. de Léon
y Castillo, ambassadeur d'Espagne.
Cet arrangement demeura secret jusqu'au mois de novembre
1911.
3. Au mois de décembre 1907, la France et l'Espagne obtin-
rent du Sultan un mandat pour exercer, en son nom, la sur-
veillance et la répression de la contrebande des armes.
Ce mandat fut notifié aux puissances signataires de l'Acte
d'Algéciras qui donnèrent leur assentiment.
Dépêche de M. Stephen Pichon, ministre des affaires étran-
gères, aux représentants diplomatiques de la République fran-
çaise, en date du 27 décembre 1907.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, IV, 1907-1908, n° 70.
4. Voir à ce sujet notre ouvrage : Documents diplomatiques
pour servir à l'étude de la question marocaine, p. 74 et suiv.
«
nouvelles circonstances susceptibles de modifier
« ou de contribuer à modifier le statu quo territo-
«
rial actuel, ils seraient disposés à se concerter
« sur les mesures à
prendre en commun ».
Malgré cette solennelle affirmation, la collabo-
ration effective des deux gouvernements ne devait
pas se continuer pendant longtemps : le jour était
proche, en effet, où elle allait prendre fin par suite
de la défiance et de la jalousie de l'un d'eux.
Lorsqu'au début de l'année 1908, nos troupes,
passant résolument à l'offensive 1, s'avancèrent sur
le territoire des tribus Chaouia 2 et occupèrent
successivement plusieurs points stratégiques 3, le
Cabinet de Madrid vit avec un grand déplaisir
cette prise de possession qui venait s'ajouter à
l'occupation récente de la ville d'Oudjda 4 et du
pays des Beni-Snassen 5. Il estima que les Espa-
gnols ne pouvaient se laisser ainsi devancer par
les Français et qu'ils devaient intervenir dans
leur zone d'influence 6. En conséquence, il donna
l'ordre au gouverneur militaire de Melilla d'en-

1. A la fin de décembre 1907, le général d'Amade fut désigné


pour remplacer le général Drude qui, le 1er janvier 1908, c'est-à-
dire cinq jours avant son départ, fit enlever et occuper la Kasbah
de Mediouna.
2. Sur les opérations militaires qui aboutirent à la pacification
de la Chaouïa en mars 1908, on peut consulter : Bulletin du
Comité de l'Afrique française, 1908, p. 37, 64, 100, 134, 165, 223
et 249.
3. Mediouna, Fedalah, Bou-Znika, Ber-Rechid, Settat.
4. Cette occupation fut effectuée le 29 mars 1907.
5. Cette occupation fut accomplie le 1er janvier 1908.
6. A. BERNARD, Le Maroc, 2e édition, P. 346.
voyer des troupes pour occuper le poste de la
Restinga 1 et le Cap de l'Eau 2.
D'ailleurs, pour expliquer sa détermination, il
ne chercha pas à s'appuyer sur l'article 3 de la
Convention franco-espagnole du 3 octobre 19043 ;
il prétendit simplement que le Sultan avait violé
l'article 4 du traité hispano-marocain du 5 mars
1894, en ne maintenant pas aux alentours du
camp de Melilla un caïd avec un détachement de
400 maures 4.
Le Cabinet de Paris crut devoir faire à ce pro-
pos quelques réserves et une certaine tension se
produisit alors dans les rapports des deux pays.
Les choses restèrent en cet état jusqu'au mo-
ment où l'investissement de Fez rendit néces-
saire l'intervention française 5.
Notre gouvernement, ayant décidé d'envoyer
une colonne pour débloquer la capitale chéri-
fienne, fit savoir aux diverses Chancelleries « que
« le mouvement en avant opéré par
les troupes
«
françaises n'avait nullement pour but d'occuper
«
de nouveaux territoires, mais uniquement de
«
servir d'appui à la harka chérifienne, de venir au

1. Cette occupation eut lieu le 14 février 1908.


Ce poste est situé sur le bord de la Mar-Chica à l'Est de Melilla.
2. Cette occupation eut lieu le 11 mars.
Le Cap de l'Eau est situé en face des îles Zaffarines et à l'Ouest
de l'embouchure de la Moulouya.
3. Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1908, p. 115
et 226.
4. Voir à ce sujet notre ouvrage : Les relations de l'Espagne et
du Maroc pendant les XVIIIe et XIXe siècles, p. 158 et suiv.
5. Voir à ce sujet ce qui est dit au chapitre II, p. 26 et suiv.
« secours des colonies étrangères menacées et de
«
rétablir l'ordre sous l'autorité du Sultan, en
«
s'opposant aux violences et aux désordres 1 ».

En réponse à cette communication, le Cabinet


de Madrid crut devoir « définir nettement la situa-
tion et en dégager les conséquences2».
Son ambassadeur à Paris, M. Perez Caballero
fut chargé de faire à M. Cruppi, ministre des affai-
res étrangères, une déclaration qui pouvait se
résumer de la façon suivante :
La deuxième éventualité prévue par l'article
3 de l'accord du 3 octobre 1904 : « Si par la
«
faiblesse du gouvernement chérifien ou par son
« impuissance persistante à assurer la sécurité et

«
l'ordre public, le maintien du statu quo devenait
« impossible », pouvait être considérée comme plei-
nement réalisée. En effet, les mesures que la France
avait cru devoir prendre pour rétablir l'ordre,
étaient la preuve éclatante de la faiblesse du Magh-
zen et de son impuissance persistante. Par consé-
quent, l'Espagne, était fondée à exercer libre-
ment son action dans la zone à elle réservée et
même, si les circonstances l'exigeaient à inter-
venir militairement sur certains points de cette
zone, notamment dans les villes de Tetouan, La-
rache et El-Ksar.

1. Dépêche adressée par M. Cruppi, ministre des affaires étran-


gères, aux représentants diplomatiques de la République fran-
çaise, en date du 25 avril 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 219.
2. Dépêche de M. Geoffray, ambassadeurà Madrid, à M. Cruppi,
ministre des affaires étrangères, en date du 29 avril 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 242.
Notre ministre des affaires étrangères ne par-
tagea pas cette manière de voir et s'empressa de
formuler certaines objections.
En ce qui touchait l'application de l'article 3
de l'accord secret, il répondit qu'on ne pouvait
qualifier d'anarchie l'état actuel, déterminé au
Maroc par la rébellion de certaines tribus. Quant
aux intérêts et aux droits que l'Espagne se prépa-
rait à faire valoir dans sa zone, il fit amicalement
observer, d'une part que, à sa connaissance,
aucune agitation ne semblait s'être manifestée
soit à Tetouan, soit à Larache, soit à El-Ksar ;
d'autre part, que si des faits nouveaux venaient
à se produire, la France serait disposée à se con-
certer avec l'Espagne 1.
Malgré ces amicales observations, le Cabinet de
Madrid ne crut pas devoir renoncer au projet
d'intervenir militairement 2.
Voyant que les troupes françaises s'approchaient
de Fez, il résolut de brusquer les événements afin
de nous placer en présence de faits accomplis.
Dans le courant du mois de mai 1911, à la suite
de rixes insignifiantes entre Espagnols et indigènes,
le général Alfau, gouverneur militaire de Ceuta, fit
créer un poste à Dchar-ès-Sfaya 3 et renforcer la

1. Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, à


M. Geoffray, ambassadeur à Madrid, en date du 29 avril 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 241.
2. A. ROUGIER, La question du Maroc depuis la Conférence
d'Algéciras. VI, Les occupations espagnoles. Revue générale de
droit international public, 1913, p. 171.
3. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi, mi-
nistre des affaires étrangères, en date du 12 mai 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, n° 276.
position de Monte Negro, à seize kilomètres de
Tetouan 1.
Le mois suivant, quelques incidents survenus
dans le Gharb et amplifiés par les autorités espa-
gnoles servirent de prétexte pour occuper Lara-
che et El-Ksar.
Le 5 juin, le croiseur Cataluna et le transport
Almirante Lobo, ayant à bord des troupes d'in-
fanterie de marine, furent envoyés dans le port de
Larache.
Les troupes espagnoles qui se trouvaient sur
ces navires ne devaient être débarquées que si
le Consul d'Espagne le jugeait indispensable pour
remplacer le tabor de police envoyé à El-Ksar 2.
Le 8 juin, M. Zugasti, réunit les membres du
corps consulaire : il annonça qu'à la marée du soir
aurait lieu le débarquement des troupes espa-
gnoles 3.
Essayant de justifier cette opération, il rappela
l'agression commise pendant la nuit précédente
par un groupe de cavaliers d'origine inconnue 4

1. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires de la République


à Tanger, à M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, en date
du 23 mai 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 310.
On peut aussi consulter à ce sujet :
Le Temps, nos du 27 mai et du 4 juin 1911 ; — Bulletin du Co-
mité de l'Afrique française, 1911, p. 217.
2. Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 217 et suiv.
3. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi,
ministre des affaires étrangères, en date du 9 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 354.
4. On sut par la suite que les agresseurs étaient des gens de
Remiqui, protégé espagnol.
qui avaient pénétré dans les rues d'El-Ksar et
qui avaient échangé des coups de fusil avec les
gardes de cette ville 1
A 11 heures du soir, 600 hommes débarquèrent
à Larache. Le lendemain 9, dès la première heure, le
capitaine Ovilo, ayant pris avec lui 350 soldats
d'infanterie de marine et 100 hommes du tabor,
se dirigea vers El-Ksar qu'il occupa sans aucune
difficulté 2.
Au moment où les troupes espagnoles avaient
occupé Larache et El-Ksar, le gouvernement fran-
çais avait cru devoir énergiquement protester.
Dès le 9 juin, M. Cruppi, ministre des affaires
étrangères, avait prescrit à M. Geoffray de présen-
ter des observations au gouvernement espagnol 3.
Deux jours plus tard, il adressait à notre
ambassadeur à Madrid, la dépêche suivante :
« Je vous prie de dire au Ministre d'Etat, en
« termes amicaux, mais de la façon la plus nette,

« que les mesures prises par


le gouvernement royal
« ne sauraient avoir notre assentiment. En effet,
« elles n'ont fait l'objet d'aucun accord préalable

1. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi,


ministre des affaires étrangères, en date du 8 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 347.
2. Dépêche de M. de Billy, chargé d'affaires, à M. Cruppi, mi-
nistre des affaires étrangères, en date du 10 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1911, n° 362.
3. Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, à
M. Geoffray, ambassadeur, en date du 9 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 356.
Cette dépêche faisait allusion à une précédente dépêche datée
du 8 juin 1913.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, 1910-1912, VI, n° 351.
« entre nous, elles n'ont été portées à notre con-
« naissance
qu'à l'heure même où elles étaient
« réalisées ou en cours d'exécution. L'Espagne,
en
« les accomplissant, prend des responsabilités qu'il

« lui appartient de définir et de préciser1».

Le Cabinet de Madrid ne tint aucun compte


de ces protestations 2. Bien plus, il s'efforça de
donner à son occupation l'allure d'une prise de
possession définitive 3, en construisant des caser-
nements et d'autres ouvrages à Larache et à
El-Ksar 4.
L'installation des troupes espagnoles dans ces
deux villes donna bientôt lieu à des incidents re-
grettables. M. Boisset, agent consulaire de France,
et le lieutenant Thiriet, instructeur d'une mehalla

1. Dépêche de M. Cruppi, ministre des affaires étrangères, à


M. Geoffray, ambassadeur, en date du 11 juin 1911.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, VI, 1910-1912, n° 364.
2. Le 9 novembre 1911, à la Commission des affaires exté-
rieures de la Chambre, M. de Selves, ministre des affaires étran-
gères, répondant à une question de M. Ribière, déclara que son
prédécesseur « n'avait ni protesté ni fait de réserves lors de l'oc-
« cupation de Larache et d'El-Ksar par l'Espagne ».
Mais, le lendemain, M. de Selves vint spontanément déclarer
à la même commission, qu'ayant fait procéder à des recherches,
il avait trouvé dans un dossier trois dépêches adressées par le
précédent ministre des affaires étrangères à M. Geoffray, notre
ambassadeur à Madrid.
Le Temps du 11 novembre 1911.
3. A la date du 28 octobre 1900, M. Canalejas, président du
Conseil, faisait aux journalistes la déclaration suivante : « Le
« droit de l'Espagne sur Larache et El-Ksar est nettement reconnu
« par le traité franco-espagnol de 1904. Vouloir nous enlever
« l'une ou l'autre de ces deux villes, ce serait porter atteinte à
« notre droit. »
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 446 ; — Le
Temps, n° du 30 octobre 1911.
4. Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 374.
chérifienne, furent gravement molestés et même
arbitrairement arrêtés par des soldats de la gar-
nison d'El-Ksar 1.
Afin d'éviter le retour de pareils incidents, M.
Geoffray, ambassadeur de France, et M. Garcia
Prieto, ministre d'Etat, eurent à Saint-Sébastien
plusieurs conférences. Le 26 juillet 1911, ils arrê-
tèrent les termes d'un modus vivendi pour la
région d'El-Ksar 2.
Ce modus vivendi était établi sur les bases sui-
vantes :
Les officiers et soldats de la mehalla chérifienne
ne franchiraient pas le Loukkos et resteraient sur
la rive gauche, et, de leur côté, les officiers et
soldats espagnols ne franchiraient pas l'oued et
resteraient sur la rive droite.
L'autorité militaire espagnole n'enrôlerait plus
de déserteurs provenant des méhallas chérifiennes.
Les Français venant de Tanger, Fez et Larache
pourraient passer librement par El-Ksar, mais ils
devraient être munis d'une attestation de leur
représentant diplomatique ou consulaire consta-
tant leur identité.
Malgré l'adoption du modus vivendi relatif à la
région d'El-Ksar, les droits respectifs que la France

1. Sur ces incidents, on peut consulter :


Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 268 et 297 ;
— Le Temps, nos des 19, 20, 21, 23 et 24 juillet 1911 ; — L'Illustra-
tion, n° du 29 juillet 1911.
2. Sur ce modus vivendi, on peut consulter :
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 298 ;
— Le
Temps, n° du 28 juillet 1911.
et l'Espagne prétendaient avoir vis-à-vis de l'Em-
pire chérifien, restaient imparfaitement détermi-
nés par suite d'une mauvaise rédaction de la Con-
vention secrète du 3 octobre 19041.
Cette situation se prolongea jusqu'à la fin de la
crise franco-allemande, c'est-à-dire jusqu'à la
signature de la Convention du 4 novembre 1911.
Par cet accord 2 que nous avons analysé plus
haut, l'Allemagne « reconnaissait à la France des
adroits de protection sur l'Empire chérifien3».
Mais comment ces droits, portant sur tout le
Maroc 4, pouvaient-ils se concilier avec les droits
particuliers que l'Espagne prétendait vouloir exer-
cer dans les zones d'influence à elle réservées par
la Convention du 3 octobre 1904 5 ?
Les deux puissances intéressées comprirent
qu'elles devaient aborder et résoudre sans retard
cette délicate et complexe question, si elles vou-
laient prévenir des conflits préjudiciables à leurs
bonnes relations.
Dès le 6 décembre 1911, les négociations s'ou-

1. Au Sénat, dans la séance du 9 février 1912, M. Ribot disait :


« En 1904, un traité a été fait, traité
qui était obscur, mal rédigé,
« tout le monde en convient. »
Journal officiel du 10 février 1912, Sénat, p. 204.
2. Voir au Chapitre I, p. 13 et suiv.
3. Préambule de la Convention franco-allemande du 4 novem-
bre 1911, relative au Congo.
4. Dans les lettres échangées le 4 novembre 1911 entre M. de
Kiderlen-Waechter et M. Jules Cambon, il était dit que « le
« Maroc comprenait toute la partie de l'Afrique du Nord s'éten-
« dant entre l'Algérie, l'Afrique occidentale française et la colo-
« nie espagnole de Rio-de-Oro ».
5. Sur ces zones d'influence, voir ce qui a été dit p. 50 et suiv.
vrirent à Madrid, entre M. Garcia Prieto, ministre
d'Etat, et M. Geoffray, ambassadeur de France,
sous le contrôle de sir Morris de Bunsen, ambas-
sadeur d'Angleterre 1. Elles allaient être « laborieu-
ses et souvent pénibles 2 », car les deux parties
entre lesquelles devait se poursuivre la conver-
sation ne se plaçaient pas au même point de vue.
Le Cabinet de Paris estimait que l'Espagne nous
devait une légitime compensation parce que, grâce
aux sacrifices consentis par nous en Afrique équa-
toriale, nous avions réussi à lever, dans l'intérêt
commun, l'hypothèque allemande pesant sur le
Maroc 3.
Au contraire, le Cabinet de Madrid estimait que

1. Cet ambassadeur a pu suivre les négociations franco-espa-


gnoles en vertu de l'article 8 de la déclaration franco-anglaise du
8 avril 1904.
2. Discours prononcé à Nantes, le 27 octobre 1912, par M. Poin-
caré, président du Conseil.
Journal officiel, 28 octobre 1912.
3. Cette thèse a été développée dans le journal le Temps, n°s
des 10 et 27 novembre 1911.
Elle a été aussi soutenue, devant la Chambre des députés, par
deux présidents du Conseil, M. Caillaux et M. Poincaré.
Dans la séance du 18 décembre 1911, M. Caillaux disait :
« Nous croyons équitable de demander à
l'Espagne en toute
« amitié une légitime compensation au
bénéfice que les efforts
« de notre diplomatie et les sacrifices que nous avons
consentis
« permettent à d'autres de réaliser. »
Journal officiel du 19 décembre 1911, Chambre des députés,
p. 4068.
Dans la séance du 15 mars 1912, M. Poincaré tenait à peu près
le même langage : « Le gouvernement de la République ne peut
« perdre de vue que le traité du 4
novembre 1911 procure indi-
« rectement à l'Espagne des avantages appréciables, et la
« France, qui les a assurés, a droit à une
légitime compen-
« sation. »
Journal officiel du 16 mars 1912, Chambre des députés, p. 757.
l'Espagne ne nous devait aucune compensation
parce qu'elle était restée complètement étran-
gère à l'élaboration et à la conclusion de la Con-
vention franco-allemande.
Cette divergence de vues se manifesta surtout
à propos de la délimitation des sphères d'influence
respectives.
Le gouvernement français réclama, à titre de
compensation 1, la cession du Cap de l'Eau 2,
du bassin supérieur de l'Ouergha 3, de la rive
gauche du Loukkos jusqu'à 10 kilomètres de Lara-
che ainsi que la rétrocession de toute la zone
méridionale à partir du 27'40 de latitude Nord,
sauf le territoire autour d'Ifni 4.
Le gouvernement espagnol opposa un refus caté-
gorique à ces diverses réclamations jugées trop
contraires à la Convention du 3 octobre 1904 : il
se borna à nous offrir sur quelques points des rec-
tifications tout à fait insignifiantes.
Par suite de l'écart entre les demandes fran-
çaises et les contre-propositions espagnoles, on put

1. Consulter à ce sujet la Revue hebdomadaire, n° du 13 avril


1912, p. 282.
2. Les Espagnols, qui étaient déjà maîtres des îles Zaffarines
depuis 1848, ont occupé le Cap de l'Eau à la date du 11 mars 1908.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1908, p. 116.
3. Le gouvernement français soutenait qu'il ne pourrait assurer
le maintien de l'ordre dans notre zone, entre Fez et Taza, si ce
bassin de l'Ouergha ne lui était pas cédé jusqu'à la ligne extrême
de faîte. Le Temps, 23 février 1912.
4. Le 31 août 1911, le gouvernement espagnol avait décidé
d'occuper définitivement Ifni, mais l'exécution de ce projet fut
ajournée.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1911, p. 344.
croire à un moment que les deux gouvernements
ne pourraient arriver à se mettre d'accord et
qu'ils seraient forcés d'interrompre la conversa-
tion.
Cependant, grâce aux bons offices de l'ambassa-
deur d'Angleterre, les négociateurs finirent par
trouver les bases d'une transaction qui d'ailleurs
était assez peu avantageuse pour nous 1
L'Espagne conservait : le Cap de l'Eau, tout
le territoire des Beni-bou-Yahi sur la rive gauche
de la Moulouya et tout le Loukkos au-dessus du
parallèle 35° de latitude nord 2.
Elle consentait cependant à abandonner : dans
le nord, les deux rives de l'Ouergha 9 et, dans
le sud, le territoire entre l'oued Draa et l'oued
Mesa, sauf l'enclave d'Ifni.
En même temps que l'entente se faisait au
sujet des questions territoriales, on se mettait
aussi d'accord au sujet des questions adminis-
tratives, financières et économiques.
Le 27 novembre 1912, M. Garcia Prieto et M.
Geoffray signèrent définitivement une convention
précisant la situation respective des deux pays
à l'égard de l'Empire chérifien, et aussi un pro-

1. A la Chambre espagnole, un député, M. Burell, appréciait


les concessions qui nous avaient été faites de la façon suivante :
« Nous avons tout conservé dans la zone nord et nous n'avons
« pas tout perdu dans la zone sud ». Séance du 12 décembre 1912.
2. Par conséquent, les deux rives du Loukkos sont comprises
dans la zone espagnole entre Larache et El-Ksar.
3. La zone française se trouve ainsi augmentée d'un territoire
qui a 130 kilomètres de longueur.
tocole concernant le chemin de fer de Tanger à
Fez.

II. — Analyse de cette Convention


§

Cette Convention qui rectifie et complète la


Convention du 3 octobre 1904, a pour objet 1 :
a) De délimiter au Nord et au Sud du Maroc la
zone d'influence espagnole suivant un tracé tan-
tôt défini par la Convention de 1904 et tantôt
déterminé par la Convention de 1912 2.
b) De déterminer l'étendue territoriale de l'éta-
blissement d'Ifni 3.
c) De régler la composition et les travaux de la
comission technique chargée d'établir sur les lieux
le tracé de délimitation 4.

1. Sur la Convention franco-espagnole du 27 novembre 1912


on peut consulter :
André TARDIEU, France et Espagne, 1902-1912. Revue des Deux-
Mondes, n° du 1ER décembre 1912 ; — Robert DE CAIX, Le traité du
27 novembre 1912. Bulletin du Comité de l'Afrique française,
1913, p. 12 ; — Auguste BERNARD, Le Maroc, 2e édit., p. 359 ; —
René MILLET, La conquête du Maroc, p. 127 et suiv. ; — G. JARY,
Les accords franco-espagnols de 1902 à 1912. Revue des sciences
politiques, n° de janvier-février 1913, p. 90.
2. L'article 2 de la Convention du 27 novembre 1912 confirme,
sur certains points, le tracé défini par les articles 2 et 5 de la
Convention du 3 octobre 1904.
Voir à ce sujet notre ouvrage : Traités de délimitation concer-
nant l'Afrique française, supplément, 1910-1913, p. 71 et suiv.
3. L'établissement d'Ifni n'est autre que l'établissement de
Santa-Cruz de Mar-Pequeña concédé par le Sultan à l'Espagne, en
vertu de l'article 8 du traité du 26 avril 1860.
4. En exécution de l'article 4 de la Convention, une commission
mixte de délimitation a été chargée de déterminer sur les lieux
le tracé exact de la frontière entre l'océan Atlantique et le
Loukkos. Elle a commencé ses travaux le 28 avril et les a ter-
minés le 8 juillet 1913.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 148 et 309.
Zone-nord reconnue à l' Espagne
d) D'interdire à l'Espagne l'aliénation et la
cession, sous une forme quelconque, des droits à
elle reconnus dans tout ou partie du territoire
constituant sa zone d'influence.
e) De reconnaître à l'Espagne, en ce qui con-
cerne sa zone, le droit de prendre les mesures né-
cessaires pour le maintien de l'ordre et d'exercer
son contrôle sur toutes les branches de l'admi-
nistration marocaine.
f) De déterminer le mode de nomination et
l'étendue des pouvoirs du Khalifa, chargé d'admi-
nistrer la zone espagnole sous le contrôle d'un
haut commissaire espagnol 1.
g) D'obliger le gouvernement espagnol à res-
pecter et à faire respecter, dans sa zone, les clauses
économiques et commerciales insérées dans l'ac-
cord franco-allemand du 4 novembre 19112, et de
le déclarer seul responsable de l'inexécution de
cette obligation à l'égard de l'Allemagne et des
autres puissances 3.

1. Mouley Mahdi a été nommé khalifa du Sultan dans la zone


espagnole : il a pris possession de son poste au mois d'avril 1913.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 196 et 207.
2. Il s'agit de clauses qui dérivent du double principe de liberté
commerciale et d'égalité économique entre nations, notamment
de celles qui « ont trait à l'interdiction de tout traitement diffé-
« rentiel ou inégal entre les nationaux des
diverses puissances
« pour les impôts, les droits de douane,
les tarifs de transport,
« les adjudications de travaux et de
fournitures ».
3. La France décline à cet égard toute responsabilité vis-à-vis
des puissances signataires de l'Acte d'Algéciras.
Du reste, l'Espagne ne sera définitivement responsable dans sa
zone à l'égard de ces puissances que lorsqu'elle aura été juridi¬
h) De dégager de toute responsabilité le gou-
vernement chérifien à l'occasion des faits accom-
plis sous l'administration du Khalifa dans la
zone espagnole et de rendre l'Espagne seule res-
responsable à raison de ces faits envers les puis-
sances étrangères
i) De placer à l'étranger, les sujets marocains
originaires de la zône espagnole sous la protection
des agents diplomatiques et consulaires de l'Es-
pagne 2.
j) De subordonner au consentement préalable
du roi d'Espagne l'extension à la zone espagnole
des traités conclus à l'avenir par Sa Majesté
chérifienne 3.
k) D'inviter le gouvernement espagnol à faire
disparaître dans la zone française, les privilèges

quement substituée à la France par leur adhésion à la Conven-


tion franco-espagnole.
C'est ce que M. Noulens a très bien indiqué dans son rapport
sur la convention conclue le 27 novembre 1912 entre la France et
l'Espagne. Annexe, n° 2559, Chambre des députés, session de
1913, p. 18 et suiv.
1. Du moment qu'elles auront adhéré à la Convention du 27
novembre 1912, les Puissances signataires de l'Acte d'Algéciras
ne pourront plus imputer aucune responsabilité à la France pour
les faits qui viendront à se produire dans la zone d'influence es-
pagnole. A leur égard, l'Espagne se trouvera, par l'effet de cette
adhésion, substituée juridiquement à la France et sera, dès lors,
complètement responsable.
Rapport fait par M. Noulens, déjà cité.
Voir aussi à ce propos les explications données par M. Jon-
nart à la Commission des affaires extérieures.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 72.
2. C'est là une exception à la règle que le gouvernement fran-
çais a le monopole des relations extérieures du Sultan avec les
gouvernements étrangers.
3. C'est une nouvelle exception à la même règle.
religieux exercés actuellement par le clergé régu-
lier et séculier espagnol 1, comme aussi, dans cette
même zone, à laisser affecter des religieux de na-
tionalité française aux établissements conservés
par les missions espagnoles 2.
l) D'obliger les deux gouvernements à garantir,
dans leurs zones respectives : la liberté et la prati-
que extérieure de tout culte existant au Maroc.
m) D'obliger les deux gouvernements à laisser
subsister, dans leurs zones respectives les consu-
lats, les écoles et tous les établissements français
ou espagnols actuellement existants au Maroc.
n) D'obliger les deux gouvernements à s'em-
ployer auprès du Sultan ou de son Khalifa pour
faire déférer à un arbitre ad hoc les plaintes portées
par les ressortissants étrangers contre les auto-

1. Des bulles du pape ont donné l'apostolat du Maroc aux


Franciscains espagnols qui, depuis le début du XIIIe siècle, ont
sans cesse entretenu des missions dans ce pays.
De plus, le traité de paix, signé à Tétouan le 26 avril 1860,
contient un article 10 ainsi conçu : « Les missionnaires espagnols
« pourront, dans toutes les parties de l'Empire marocain où ils se
« trouvent ou s'établissent, se livrer librement à l'exercice de
« leur saint ministère, et leurs personnes, maisons et hospices
« jouiront de toute la sécurité et protection nécessaires. »
Une disposition analogue se rencontrait déjà dans l'article 12
du traité de paix signé à Meknès, le 1er mars 1799.
2. Les nouveaux établissements que les missions espagnoles
voudraient fonder seront confiés à des religieux français aux ter-
mes mêmes de la convention. Sur ce point, « notre gouvernement,
« investi de prérogatives d'ordre public, aura le pouvoir d'assurer
« par lui-même l'application du traité ».
Rapport fait au nom de la Commission des affaires extérieures
par M. Noulens. Annexe, n° 2559, Chambre des députés, session
de 1913, p. 17 et suiv.
rités marocaines et non réglées par l'entremise des
consuls intéressés
o) D'obliger les deux gouvernements à provo-
quer, d'accord avec les autres puissances, la révi-
sion des listes des protégés étrangers et des asso-
ciés agricoles 2 et même, le moment venu, à pour-
suivre auprès des puissances signataires la modi-
fication ou l'abrogation de la Convention de Ma-
drid relativement à ces protégés ou associés 3.
p) D'obliger les deux gouvernements à prêter
leur entier concours aux autorités marocaines
pour la surveillance et la répression de la contre-
bande des armes et des munitions de guerre 4.
q) D'obliger les autorités des zones française et

1. Ce mode de procéder, indiqué par l'article 23, a pour but


d'éviter autant que possible les réclamations diplomatiques.
Une disposition analogue se trouve dans l'article 9 de la Con-
vention franco-allemande du 4 novembre 1911.
2. A la suite de nombreux abus qui se sont produits dans la
pratique, le gouvernement chérifien a demandé aux diverses
puissances la revision de ces listes.
Voir ce qui a été dit à la page 18, note 1.
3. Cette Convention, relative à l'exercice du droit de protection,
a été signée à Madrid le 3 juillet 1880.
Elle est reproduite intégralement dans notre ouvrage : Docu-
ments pour servir à l'étude de la question marocaine, p. 89 et suiv.
4. L'Acte d'Algéciras contenait un règlement au sujet de la
surveillance et de la répression de la contrebande des armes.
Au mois de décembre 1907, le Sultan Abd-el-Aziz avait donné à
la France et à l'Espagne un mandat en vue d'empêcher la contre-
bande des armes de guerre sur les côtes de l'Empire chérifien.
Ce mandat fut renouvelé dans les années suivantes : il fut
même étendu aux ports non ouverts.
Dépêches de M. Stephen Pichon, ministre des affaires étrangè-
res, aux représentants diplomatiques de la République française,
en date des 8 janvier 1909 et 4 février 1910.
Livre Jaune, Affaires du Maroc, V, 1908-1910, n° 84 et n° 375.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1910, supplément,
p. 11.
espagnole à ne pas entraver le passage des con-
vois de ravitaillement du Maghzen et le voyage des
fonctionnaires chérifiens, jusqu'à la construction
du chemin de fer Tanger-Fez.
r) De réserver aux deux gouvernements la
faculté d'établir, dans leurs zones respectives, les
organisations judiciaires inspirées de leurs législa-
tions et de les obliger à soumettre aux nouveaux
tribunaux ainsi organisés leurs nationaux et pro-
tégés respectifs 1.
s) De ne pas laisser élever de fortifications et
d'ouvrages stratégiques quelconques 2 sur la par-
tie de la côte marocaine s'étendant du Sud-Est
de Melilla jusqu'à la rive droite du Sebou 3.
t) De définir la zone comprenant la ville de
Tanger et sa banlieue, dotées d'un régime spécial 4.
u) De régler diverses questions financières, no-
tamment : la répartition des ressources et des dé-
penses entre les deux zones, la répartition de la
charge des emprunts entre les deux zones 5, la liqui-

1. Cette disposition prévoit l'abolition de la juridiction consu-


laire fonctionnant sous le régime des capitulations.
Voir ce qui est dit à la page 18, note 4.
2. Cette interdiction a pour but d'assurer le libre passage du
détroit de Gibraltar : elle était déjà insérée dans l'article 7 de la
déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904, et dans l'article 14 de
la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
3. Cette partie de la côte marocaine a été déterminée par la
déclaration franco-anglaise du 8 avril 1904 et par la Convention
franco-espagnole du 3 octobre 1904 : elle commence à 30 kilo-
mètres au Sud-Est de Melilla et se termine aux hauteurs domi-
nant la rive droite du Sebou.
4. L'article 7 de la Convention du 27 octobre 1912 se rapporte
à l'article 9 de la Convention franco-espagnole du 3 octobre 1904.
5. Il s'agit ici des emprunts du 12 juin 1904 et du 17 mai 1910.
dation du passif actuel du Maghzen 1, le maintien
des garanties pour les porteurs des titres des em-
prunts 2, le fonctionnement de la Banque d'Etat 3,
l'exploitation du monopole des tabacs par la so-
ciété internationale de régie co-intéressée 4, la
désignation des délégués chérifiens dans les co-
mités internationaux 5, la modification éventuelle
des droits de douane et l'unification des tarifs
postaux dans l'intérieur de l'Empire.
v) De rendre applicable le traité permanent
d'arbitrage du 26 février 19046, et la Convention
de La Haye du 18 octobre 19077, aux différends nés
entre les parties contractantes au sujet de la pré-

1. Le gouvernement du protectorat marocain a été autorisé,


en 1914, à contracter un emprunt de 170.250.000 francs pour
exécution de travaux publics et remboursement du passif du
Maghzen.
2. Il s'agit des porteurs de titres des emprunts de 1904 et 1910.
3. La Banque d'Etat du Maroc a été constituée par les articles
31 et suiv. de l'Apte d'Algéciras.
4. Conformément aux articles 73 et 74 de l'Acte d'Algéciras, le
gouvernement marocain a concédé, par voie d'adjudication, à
une société fermière le monopole de la fabrication et de la vente
des tabacs.
Ce monopole a été concédé, le 3 décembre 1910, à la Société
de régie co-intéressée, pour une durée de 40 ans et avec possi-
bilité de rachat après 20 ans.
Exposé de motifs présenté par M. Poincaré, président du Con-
seil, à l'appui du projet de loi concernant la Convention conclue,
le 27 novembre 1912, entre la France et l'Espagne.
Annexe, n° 2347, Chambre des députés, session extraordinaire
de 1913, p. 23.
5. Il s'agit de la Commission des valeurs douanières, du Comité
spécial des travaux publics, de la Commission générale des
adjudications, institués par l'Acte général d'Algéciras.
6. Ce traité a été renouvelé le 3 février 1909.
7. Convention signée à La Haye, le 18 octobre 1907.
Zone de Tanger-et-banlieue
sente Convention et non réglés par la voie diplo-
matique.

Des stipulations nombreuses et obscures que


nous venons d'analyser 1, on peut dégager la situa-
tion juridique suivante :
Au point de vue intérieur, la France et l'Espagne
doivent, l'une et l'autre, être considérées comme
puissances protectrices dans leurs zones respec-
tives 2. D'ailleurs, aucune d'elles ne peut indivi-
duellement exercer son droit de protection dans
la zone tangéroise qui est internationalisée et
soumise à un régime spécial 3.
Au point de vue extérieur, la France doit seule
être considérée comme puissance protectrice. Elle
a le monopole des relations diplomatiques du Sul-

1. Nous n'avons pas cru devoir analyser le protocole, annexé


à la Convention, relatif au chemin de fer de Tanger à Fez.
Ce protocole a pour objet de déterminer les conditions pour la
construction et l'exploitation du chemin de fer, de fixer la répar-
tition du capital de la compagnie concessionnaire entre les deux
puissances contractantes, de régler la composition du conseil
d'administration de cette compagnie, et, enfin, de réserver à cha-
cun des deux gouvernements la faculté de racheter la section de
la ligne située sur le territoire de sa zone.
Une commission franco-espagnole s'est réunie, pendant l'année
1913, pour déterminer le tracé et le mode de concession de
ce chemin de fer.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1913, p. 77, 133 et
196.
2. Article 25 de la Convention franco-espagnoledu 27 novem-
bre 1912.
Cet article mentionne l'existence du gouvernement protecteur
de chaque zone.
3. Article 9 de la Convention franco-espagnole du 27 novem-
bre 1912,
tan avec les gouvernements étrangers 1. Toutefois,
cela n'est vrai que sous les deux réserves suivantes :
En premier lieu, les sujets marocains de la zone
espagnole ne sont pas placés à l'étranger sous la
protection des agents diplomatiques et consulaires
de la France 2;
En second lieu, les traités diplomatiques conclus
par le sultan avec l'assentiment du gouvernement
français ne sont pas de plein droit applicables à
la zone espagnole 3.

1. Lettres explicatives annexées à la Convention franco-espa-


gnole du 27 novembre 1912.
2. Article 22 de la Convention franco-espagnole du 27 novem-
bre 1912.
3. Article 26 de la Convention franco-espagnole du 27 novem-
bre 1912.
APPENDICE

DOCUMENT n° 1

Convention conclue à Berlin, le 4 novembre 1911,


entre la France et l'Allemagne
au sujet du Maroc 1

Le Gouvernement de la République française et le Gou-


vernement de Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, à la
suite des troubles qui se sont produits au Maroc et qui ont
démontré la nécessité de poursuivre dans l'intérêt général,
l'oeuvre de pacification et de progrès prévue par l'Acte
d'Algésiras, ayant jugé nécessaire de préciser et de complé-
ter l'accord franco-allemand du 9 février 1909, ont résolu
de conclure une Convention à cet effet. En conséquence,
M. Jules Cambon, ambassadeur extraordinaire de la Répu-
blique française auprès de Sa Majesté l'Empereur d'Alle-
magne et M. de Kiderlen-Waechter. secrétaire d'Etat des
affaires étrangères de l'Empire d'Allemagne, après s'être
communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due
forme, sont convenus des dispositions suivantes :
ARTICLE PREMIER.
— Le Gouvernement impérial alle-
mand déclare que, ne poursuivant au Maroc que des inté-
rêts économiques, il n'entravera pas l'action de la France

1. Cette Convention n'a pas été soumise à l'approbation des Cham-


bres; elle a été promulguée par un décret du 13 mars 1912. Journal
Officiel, 15 mars 1012, p. 2158.
en vue de prêter son assistance au Gouvernementmarocain
pour l'introduction de toutes les réformes administratives,
judiciaires, économiques, financières et militaires dont
il a besoin pour le bon gouvernement de l'Empire, comme
aussi pour tous les règlements nouveaux et les modifica-
tions aux règlements existants que ces réformes compor-
tent. En conséquence, il donne son adhésion aux mesures
de réorganisation, de contrôle et de garantie financière
que, après accord avec le Gouvernement marocain, le Gou-
vernement français croira devoir prendre à cet effet, sous
la réserve que l'action de la France sauvegardera au Maroc
l'égalité économique entre les nations.
Au cas où la France serait amenée à préciser et à étendre
son contrôle et sa protection, le Gouvernement impérial
allemand, reconnaissant pleine liberté d'action à la France
et sous la réserve que la liberté commerciale, prévue par les
traités antérieurs, sera maintenue n'y apportera aucun
obstacle.
Il est entendu qu'il ne sera porté aucune entrave aux
droits et actions de la Banque d'Etat du Maroc, tels qu'ils
sont définis par l'Acte d'Algésiras.
1 ART. 2. — Dans cet ordre d'idées, il est entendu que le
Gouvernement impérial ne fera pas obstacle à ce que la
France, après accord avec le Gouvernement marocain,
procède aux occupations militaires du territoire marocain
qu'elle jugerait nécessaires au maintien de l'ordre et de
la sécurité des transactions commerciales, et à ce qu'elle
exerce toute action de police sur terre et dans les eaux
marocaines.
ART. 3. —Dès à présent, si Sa Majesté le Sultan du Maroc
venait à confier aux agents diplomatiques et consulaires
de la France la représentation et la protection des sujets
et des intérêts marocains à l'étranger, le Gouvernement
impérial déclare qu'il n'y fera pas d'objection.
Si d'autre part Sa Majesté le Sultan du Maroc confiait
au représentant de la France près du Gouvernement
marocain le soin d'être son intermédiaire auprès des repré-
sentants étrangers, le Gouvernement allemand n'y ferait
pas d'objection.
ART. 4. — Le Gouvernement français déclare que, ferme-
ment attaché au principe de la liberté commerciale au
Maroc, il ne se prêtera à aucune inégalité pas plus dans
l'établissement des droits de douane, impôts et autres
taxes que dans l'établissement des tarifs de transport
par voie ferrée, voie de navigation fluviale ou toute autre
voie, et notamment dans toutes les questions de transit.
Le Gouvernement français s'emploiera également auprès
du Gouvernement marocain afin d'empêcher tout traite-
ment différentiel entre les ressortissants des différentes
puissances ; il s'opposera notamment à toute mesure, par
exemple à la promulgation d'ordonnances administratives
sur les poids et mesures, le jaugeage, le poinçonnage, etc.,
qui pourraient mettre en état d'infériorité les marchandises
d'une puissance.
Le Gouvernement français s'engage à user de son influence
sur la Banque d'Etat pour que celle-ci confère à tour de
de rôle aux membres de sa direction à Tanger les postes
de délégué dont elle dispose à la Commission des valeurs
douanières et au Comité permanent des douanes.
ART. 5. — Le Gouvernement français veillera à ce qu'il
ne soit perçu au Maroc aucun droit d'exportation sur le
minerai de fer exporté des ports marocains. Les exploita-
tions de minerai de fer ne subiront sur leur production ou
sur leurs moyens de travail aucun impôt spécial. Elles ne
supporteront, en dehors des impôts généraux, qu'une rede-
vance fixe, calculée par hectare et par an, et une redevance
proportionnée au produit brut de l'extraction. Ces rede-
vances, qui seront assises conformément aux articles 35
et 49 du projet de règlement minier annexé au protocole
de la conférence de Paris du 7 juin 1910, seront également
supportées par toutes les entreprises minières.
Le Gouvernement français veillera à ce que les taxes
minières soient régulièrement perçues sans que des re-
mises individuelles du total ou d'une partie de ces taxes
puissent être consenties sous quelque prétexte que ce soit.
ART. 6. Le Gouvernement de la République française

s'engage à veiller à ce que les travaux, fournitures néces-
sités par les constructions éventuelles de routes, chemins
de fer, ports, télégraphes, etc., soient octroyés par le gou-
vernement marocain suivant les règles de l'adjudication.
Il s'engage également à veiller à ce que les conditions
des adjudications, particulièrement en ce qui concerne les
fournitures de matériel et les délais impartis pour soumis-
sionner, ne placent les ressortissants d'aucune puissance
dans une situation d'infériorité.
L'exploitation des grandes entreprises mentionnées ci-
dessus sera réservée à l'Etat marocain ou librement con-
cédée par lui à des tiers qui pourront être chargés de fournir
les fonds nécessaires à cet effet. Le Gouvernement français
veillera à ce que, dans l'exploitation des chemins de fer et
autres moyens de transport comme dans l'application des
règlements destinés à assurer celle-ci, aucune différence
de traitement ne soit faite entre les ressortissants des di-
verses puissances, qui useraient de ces moyens de trans-
port.
Le Gouvernement de la République usera de son influence
sur la Banque d'Etat afin que celle-ci confère à tour de
rôle aux membres de sa direction à Tanger le poste dont elle
dispose de délégué à la Commission générale des adjudica-
tions et marchés.
De même, le Gouvernement français s'emploiera auprès
du Gouvernement marocain pour que, durant la période où
restera en vigueur l'article 66 de l'Acte d'Algésiras, il
confie à un ressortissant d'une des Puissances représentées
au Maroc un des trois postes de délégué chérifien au Comité
spécial des travaux publics.
ART. 7. — Le Gouvernement français s'emploiera auprès
du Gouvernement marocain pour que les propriétaires de
mines et d'autres exploitations industrielles ou agricoles
sans distinction de nationalité, et en conformité des règle-
ments qui seront édictés en s'inspirant de la législation
française sur la matière, puissent être autorisés à créer
des chemins de fer d'exploitation destinés à relier leurs
centres de production aux lignes d'intérêt général ou aux
ports.
ART. 8. — Il sera présenté tous les ans un rapport sur
l'exploitation des chemins de fer au Maroc, qui sera établi
dans les mêmes formes et conditions que les rapports pré-
sentés aux assemblées d'actionnaires des sociétés de che-
mins de fer françaises.
Le Gouvernement de la République chargera un des
administrateurs de la Banque d'Etat de l'établissement
de ce rapport qui sera, avec les éléments qui en seront la
base, communiqué aux censeurs, puis rendu public avec,
s'il y a lieu, les observations que ces derniers croiront
devoir y joindre d'après leurs propres renseignements.
ART. 9.
— Pour éviter autant que possible les réclama-
tions diplomatiques, le Gouvernement français s'emploiera
auprès du Gouvernement marocain, afin que celui-ci défère
à un arbitres désigné ad hoc pour chaque affaire d'un com-
mun accord par le Consul de France et par celui de la puis-
sance intéressée ou, à leur défaut, par les deux Gouverne-
ments de ces Consuls, les plaintes portées par des ressortis-
sants étrangers contre les autorités marocaines, ou les
agents en tant qu'autorités marocaines, et qui n'auraient
pu être réglées par l'intermédiaire du consul français et du
consul du Gouvernement intéressé.
Cette procédure restera en vigueur jusqu'au jour où aura
été institué un régime judiciaire inspiré des règles judi-
ciaires 1 de législation des Puissances intéressées et destiné à
remplacer, après entente avec elles, les tribunaux consu-
laires.
ART. 10. — Le Gouvernement français veillera à ce que
les ressortissants étrangers continuent à jouir du droit de
pêche dans les eaux et ports marocains.
ART. 11. — Le Gouvernement français s'emploiera
auprès du Gouvernementmarocain pour que celui-ci ouvre
au commerce étranger de nouveaux ports au fur et à mesure
des besoins de ce commerce.
ART. 12. —Pour répondre à une demande du Gouverne-
ment marocain, les deux Gouvernements s'engagent à pro-
voquer la revision, d'accord avec les autres puissances et
sur la base de la Convention de Madrid, des listes et de la

1. D'après une note rectificative, le mot « judiciaires » doit être


remplacé par le mot « générales ».
Voir à ce sujet la note annexée à la Convention du 4 novembre
1911. Document n° 1.
situation des protégés étrangers et des associés agricoles
au Maroc dont parlent les articles 8 et 16 de cette Con-
vention.
Ils conviennent également de poursuivre auprès des
puissances signataires toutes modifications de la Conven-
tion de Madrid que comporterait, le moment venu, le
changement du régime des protégés et associés agricoles.
ART. 13. — Toutes clauses d'accord, convention, traité
ou règlement qui seraient contraires aux précédentes
stipulations sont et demeurent abrogées.
ART. 14. — Le présent Accord sera communiqué aux au-
tres puissances signataires de l'Acte d'Algésiras, près des-
quelles les deux gouvernements s'engagent à se prêter
mutuellement appui pour obtenir leur adhésion.
ART. 15. — La présente Convention sera ratifiée et les
ratifications seront échangées à Paris aussitôt que faire se
pourra1
.

LETTRES EXPLICATIVES

I
M. de Kiderlen-Waechter, Secrétaire d'Etat pour les Affaires
étrangères,
A M. Jules Cambon, Ambassadeur de la République française
à Berlin
Berlin, le 4 novembre 1911.
MON CHER AMBASSADEUR,
Pour bien préciser l'accord du 4 novembre 1911 relatif
au Maroc et en définir la portée, j'ai l'honneur de faire
connaître à Votre Excellence que dans l'hypothèse où le
Gouvernement français croirait devoir assumer le protec-
torat du Maroc, le Gouvernement impérial n'y apporterait
aucun obstacle.
L'adhésion du Gouvernement allemand, accordée d'une
manière générale au Gouvernement français par l'article
premier de ladite Convention, s'applique naturellement à

1. Les ratifications ont été échangées à Paris, le 12 mars 1912.


toutes les questions donnant matière à réglementation
visées dans l'Acte d'Algésiras.
Vous avez bien voulu me faire connaître d'autre part
que, dans le cas où l'Allemagne désirerait acquérir de l'Es-
pagne la Guinée espagnole, l'île Corisco et les îles Elobey,
la France serait disposée à renoncer en sa faveur à exercer
le droit de préférence qu'elle tient du traité du 27 juin 1900
entre la France et l'Espagne. Je suis heureux de prendre
acte de cette assurance et d'ajouter que l'Allemagne
restera étrangère aux accords particuliers que la France
et l'Espagne croiront devoir faire entre elles au sujet du
Maroc, étant convenu que le Maroc comprend toute la
partie de l'Afrique du Nord, s'étendant entre l'Algérie,
l'Afrique occidentale française et la colonie espagnole du
Rio de Oro 1.
Le Gouvernement allemand, en renonçant à demander
la détermination préalable de parts à faire à l'industrie
allemande dans la construction des chemins de fer, compte
que le Gouvernement français sera toujours heureux de
voir des associations d'intérêt se produire entre les ressor-
tissants des deux pays pour les affaires dont ils pourront
respectivement obtenir l'entreprise.
Il compte également que la mise en adjudication du
chemin de fer de Tanger à Fez, qui intéresse toutes les
nations, ne sera primée par la mise en adjudication des
travaux d'aucun autre chemin de fer marocain, et que le
Gouvernement français proposera au Gouvernement maro-
cain l'ouverture du port d'Agadir au commerce interna-
tional.
Enfin, lorsque le réseau des voies ferrées d'intérêt
général sera mis à l'étude, le Gouvernement allemand
demandera au Gouvernement français de veiller à ce que
l'administration marocaine ait le plus réel souci des intérêts
économiques du Maroc, et à ce que, notamment, la déter-

1. Le gouvernement français fit distribuer, le 24 novembre 1911, à


la Chambre des députés, un texte rectifié des lettres interprétatives
annexées aux accords franco-allemands du 4 novembre 1911.
La dernière phrase et la précédente ne figuraient pas dans le texte
primitif.
Annexe n° 1267 (rectifiée) Chambre des députés, session extraordi-
naire de 1911.
mination du tracé des lignes d'intérêt général facilite dans
la mesure du possible la jonction des régions minières avec
les lignes d'intérêt général ou avec les ports appelés à
les desservir.
Votre Excellence a bien voulu m'assurer que le jour où
aura été institué le régime judiciaire prévu par l'article 9
de la Convention précitée, et où les tribunaux consulaires
auront été remplacés, le Gouvernement français aura soin
que les ressortissants allemands soient placés sous la juri-
diction nouvelle exactement dans les mêmes conditions
que les ressortissants français. Je suis heureux d'en pren-
dre acte et de faire connaître en même temps à Votre Excel-
lence qu'au jour de l'entrée en vigueur de ce régime judi-
ciaire, après entente avec les puissances, le Gouvernement
allemand consentira à la suppression, en même temps
que pour les autres puissances, de ses tribunaux consulaires.
J'ajoute que, dans ma pensée, l'expression « les change-
ments du régime des protégés », portée à l'article 12 de la
Convention du 4 novembre 1911 relative au Maroc, impli-
que l'abrogation, si elle est jugée nécessaire, de la partie
de la Convention de Madrid qui concerne les protégés et
les associés agricoles.
Enfin, désireux de donner à ladite Convention le
caractère d'un acte destiné non seulement à écarter
toute cause de conflit entre nos deux pays, mais encore
aider à leurs bons rapports, nous sommes d'accord pour
déclarer que les différends qui viendraient à s'élever entre
les parties contractantes au sujet de l'interprétation
et de l'application des dispositions de la Convention du
4 novembre, et qui n'auraient pas été réglés par la voie
diplomatique, seront soumis à un tribunal arbitral constitué
dans les termes de la Convention de la Haye du 18 octo-
bre 1907. Un compromis devra être dressé, et il sera pro-
cédé suivant les règles de la même Convention, en tant
qu'il n'y serait pas dérogé par un accord exprès au moment
du litige.
Veuillez agréer, mon cher ambassadeur, les assurances
de ma haute considération.
Signé : DE KIDERLEN.
II

M. Jules Cambon, Ambassadeur de la Républiquefrançaise


à Berlin
A M. de Kiderlen-Waechler, Secrétaire d'Etat pour les
Affaires étrangères

Berlin, le 4 novembre 1911.


MON CHER SECRÉTAIRE D'ÉTAT,
J'ai l'honneur de prendre acte de la déclaration que Votre
Excellence a bien voulu me faire que, dans l'hypothèse où
le Gouvernement français croirait devoir assumer le protec-
torat du Maroc, le Gouvernement impérial n'y apporterait
aucun obstacle, et que l'adhésion du Gouvernement alle-
mand, accordée d'une manière générale au Gouvernement
français par l'article premier de l'accord du 4 novembre 1911
relatif au Maroc s'applique naturellement à toutes les
questions donnant matière à réglementation visées dans
l'Acte d'Algésiras.
D'autre part, j'ai l'honneur de vous confirmer que, dans le
le cas où l'Allemagne désirerait acquérir de l'Espagne la
Guinée espagnole, l'île Corisco et les îles Elobey, la France
est disposée à renoncer en sa faveur à exercer les droits de
préférence qu'elle tient traité du 27 juin 1900, entre la
France et l'Espagne. Je suis heureux par ailleurs de rece-
voir l'assurance que l'Allemagne restera étrangère aux
accords particuliers que la France et l'Espagne croiront
devoir faire entre elles au sujet du Maroc, étant convenu
que le Maroc comprend toute la partie de l'Afrique du Nord
s'étendant entre l'Algérie, l'Afrique Occidentale française
et la colonie espagnole du Rio de Oro.
Je me plais aussi à vous informer que, le Gouvernement
allemand renonçant à demander la détermination préala-
ble de parts à faire à l'industrie allemande dans la construc-
tion des chemins de fer, le Gouvernement français sera
toujours heureux de voir des associations d'intérêt se pro-
duire entre les ressortissants des deux pays, pour les affai¬
res dont ils pourront respectivement obtenir l'entremise.
Vous pouvez également tenir pour certain que la mise en
adjudication du chemin de fer de Tanger à Fez, qui intéresse
toutes les nations, ne sera primée par la mise en adjudica-
tion des travaux d'aucun autre chemin de fer marocain et
que le Gouvernement français proposera au Gouvernement
marocain l'ouverture du port d'Agadir au commerce inter-
national.
Enfin, lorsque le réseau des voies ferrées d'intérêts géné-
ral sera mis à l'étude, le gouvernement français veillera à ce
que l'administration marocaine ait le plus réel souci des
intérêts économiques du Maroc et à ce que, notamment,
la détermination du tracé des lignes d'intérêt général
facilite dans la mesure du possible la jonction des régions
minières avec les lignes d'intérêt général ou avec les ports
appelés à les desservir. Votre Excellence peut également
compter que le jour où aura été institué le régime judiciaire
prévu par l'article 9 de la Convention du 4 novemebre 1911
relative au Maroc, et où les tribunaux consulaires auront
été remplacés, le Gouvernement français aura soin que les
ressortissants allemands soient placés sous la juridiction
nouvelle exactement dans les mêmes conditions que les
resortissants français.
Je suis heureux d'autre part de prendre acte qu'au jour
de l'entrée en vigueur du nouveau régime judiciaire,
après entente avec les puissances, le Gouvernement alle-
mand consentira à la suppression, en même temps que pour
les autres puissances, de ses tribunaux consulaires.Je prends
acte également que dans la pensée de Votre Excellence l'ex-
pression : « le changement du régime des protégés » portée
à l'article 12 de la Convention précitée implique l'abroga-
tion, si elle est jugée nécessaire, de la partie de la Conven-
tion de Madrid qui concerne les protégés agricoles.
Enfin, désireux de donner à la Convention du 4 novem-
bre 1911 relative au Maroc le caractère d'un acte destiné
non seulement à écarter toute cause de conflit entre nos deux
pays, mais encore à aider à leurs bons rapports, nous som-
mes d'accord pour déclarer que les différends qui viendraient
à s'élever entre les parties contractantes au sujet de l'in-
terprétation et de l'application des dispositions de ladite
Convention et qui n'auraient pu être réglés par la voie
diplomatique, seront soumis à un tribunal arbitral consti-
tué dans les termes de la Convention de La Haye, du 18
octobre 1907.
Un compromis devra être dressé et il sera procédé sui-
vant les règles de la même Convention, en tant qu'il n'y
serait pas dérogé par un accord exprès au moment du
litige.
Veuillez, etc...
Signé : Jules CAMBON.

Note annexée à la Convention du 4 novembre 1911

Les soussignés signataires de la Convention relative au


Maroc, passée le 4 novembre 1911 entre la France et l'Alle-
magne constatent qu'une erreur de copie s'est glissée dans
le texte de cette Convention, déclarent que le deuxième
paragraphe de l'article IX est ainsi rédigé : « Cette procé-
dure restera en vigueur jusqu'au jour où aura été institué
«
un régime judiciaire inspiré des règles générales de légis-
«
lation des puissances intéressées, et destiné à remplacer,
«
après entente avec elles, les tribunaux consulaires ».
«
Signé : Jules CAMBON.
KIDERLEN.
DOCUMENT n° 2

Traité conclu à Fez, le 30 mars 1912,


entré la France et le Maroc
pour l'organisation du protectorat français dans l'empire
chérifien 1

Le Gouvernement de la République française et le Gou-


vernement de Sa Majesté chérifienne, soucieux d'établir au
Maroc un régime régulier, fondé sur l'ordre intérieur et la
sécurité générale, qui permette l'introduction des réformes
et assure le développement économique du pays, sont
convenus des dispositions suivantes 2 :
ARTICLE PREMIER. — Le gouvernement de la Républi-
que française et Sa Majesté le Sultan sont d'accord pour
instituer au Maroc un nouveau régime comportant les
réformes administratives, judiciaires, scolaires, économi-
ques, financières et militaires, que le Gouvernement fran-
çais jugera utile d'introduire sur le territoire marocain.
Ce régime sauvegardera la situation religieuse, le res-
pect et le prestige traditionnel du Sultan, l'exercice de la
religion musulmane et des institutions religieuses, notam-
ment de celle des habous. Il comportera l'organisation d'un
Maghzen chéri fien réformé.
Le Gouvernement de la République se concertera avec le
Gouvernement espagnol au sujet des intérêts que ce gou-

1. Ce traité a été promulgué par un décret du 20 juillet 1912.


Journal officiel, 27 juillet 1912, p. 6771.
2 Plusieurs dispositions reproduisent les principaux articles des
traités et décrets qui ont établi et organisé le protectorat français sur
la Tunisie.
Traité conclu à Kassar-Saïd, le 12 mai 1881.
Convention conclue à la Marsa, le 8 juin 1883.
Décrets du Président de la République du 10 novembre 1884 et du 23
juin 1885.
vernement tient de sa position géographique et de ses pos-
sessions territoriales sur la côte marocaine.
De même, la ville de Tanger gardera le caractère spécial
qui lui a été reconnu et qui déterminera son organisation
municipale 1.
ART. 2. — Sa Majesté le Sultan admet dès maintenant
que le Gouvernement français procède, après avoir préve-
nu le Maghzen, aux occupations militaires du territoire
marocain qu'il jugerait nécessaires au maintien de l'ordre
et de la sécurité des transactions commerciales et à ce
qu'il exerce toute action de police sur terre et dans les eaux
marocaines 2.
ART. 3. — Le Gouvernement de la République prend l'en-
gagement de prêter un constant appui à Sa Majesté ché-
ri fienne contre tout danger qui menacerait Sa personne
ou Son trône ou qui compromettrait la tranquillité de ses
Etats. Le même appui sera prêté à l'héritier du trône et à
ses successeurs 3.
ART. 4. — Les mesures que nécessitera le nouveau régime
de protectorat seront édictées, sur la proposition du Gou-
vernement français, par Sa Majesté chéri fienne ou par
les autorités auxquelles elle en aura délégué le pouvoir.
Il en sera de même des règlements nouveaux et des modi-
fications aux règlements existants 4.
ART. 5. — Le Gouvernement français sera représenté
auprès de Sa Majesté chérifienne par un commissaire
résident général, dépositaire de tous les pouvoirs de la
République au Maroc, qui veillera à l'exécution du présent
accord 5.
Le Commissairerésident général sera le seul intermédiai-

1. Ce paragraphe reproduit l'article 9 de la Convention franco-espa-


gnole du 3 octobre 1904.
2. Cet article reproduit l'article 2 du traité de Kassar-Saïd du 12 mai
1881.
3. Cet article reproduit l'article 3 du traité de Kassar-Saïd du 12
mai 1881.
4. Cet article correspond à l'article 1 de la Convention franco-alle-
mande du 4 novembre 1911.
5. Ce paragraphe reproduit l'article 5 du traité de Kassar-Saïd du
12 mai 1881.
re du Sultan auprès des représentants étrangers et dans les
rapports que ces représentants entretiennent avec le Gou-
vernement marocain. Il sera, notamment chargé, de toutes
les questions intéressant les étrangers dans l'empire ché-
ri fien.
Il aura le pouvoir d'approuver et de promulguer, au
nom du Gouvernement français, tous les décrets rendus par
Sa Majesté chérifienne 1.
ART. 6. — Les agents diplomatiques et consulaires de la
France seront chargés de la représentation et de la protec-
tion des sujets et des intérêts marocains, à l'étranger.
Sa Majesté le Sultan s'engage à ne conclure aucun acte
ayant un caractère international sans l'assentiment préa-
lable du Gouvernement de la République française 2.
ART. 7.— Le Gouvernement de la République française
et le gouvernement de Sa Majesté chérifienne se réservent de
fixer d'un commun accord les bases d'une réorganisation
financière qui, en respectant les droits conférés aux por-
teurs des titres des emprunts publics marocains, permette
de garantir les engagements du trésor chérifien et de per-
cevoir régulièrement les revenus de l'empire 3.
ART. 8. —Sa Majesté chérifienne s'interdit de contracter
à l'avenir, directement ou indirectement, aucun emprunt
public ou privé et d'accorder, sous une forme quelconque,
aucune concession sans l'autorisation du Gouvernement
français 4.
ART. 9. — La présente Convention sera soumise à la
ratification du gouvernement de la République française
et l'instrument de ladite ratification sera remis à Sa Ma-
jesté le Sultan dans le plus bref délai possible 5.

1. Cet article reproduit l'article 1er du décret du 10 novembre 1884.


2. Cet article reproduit l'article 6 du Traité de Kassar-Saïd du 12
mai 1881.
3. Cet article reproduit l'article 7 du Traité de Kassar-Saïd du 12
mai 1881.
4. Cet article reproduit l'article 2 de la Convention de la Marsa du 8
juin 1883.
5. Le Traité de protectorat du 30 mars 1912, ayant été signé par le
Sultan lui-même, la ratification du gouvernement français était seule
nécessaire.
En foi de quoi, les soussignés ont dressé le présent acte
et l'ont revêtu de leurs cachets.
Fait à Fez, le 30 mars 1912 (11 rebiah 1330),
Signé : REGNAULT.
Signé : MOULAY ABD-EL-HAFID.

LETTRES EXPLICATIVES

M. Regnault, Ministre de France au Maroc, en mission à Fez,


à Sa Majesté Moulay Hafid, Sultan du Maroc

Fez, le 30 mars 1912.


Conformément à l'entretien que j'ai eu avec Votre Majes-
té, le 27 mars, j'ai l'honneur de lui déclarer que le traité de
protectorat n'infirme, sous aucun point, les stipulations
contenues dans la note du gouvernement français en date du
8 novembre 1911 (16 Doul-Kaada 1329)1.
De même, il n'est apporté aucune modification à la
lettre du Ministre des Affaires étrangères, en date du 19
décembre 1911, tant en ce qui touche les immeubles
énumérés dans ladite lettre, dont la propriété a été
reconnue personnellement à Votre Majesté, qu'en ce qui
concerne l'emploi par Elle des fonds formant sa liste civile :
Dans notre entretien du 27 mars, il a été en outre con-
venu ce qui suit :
1° Une somme de 500.000 francs est, dès à présent, dé-
posée à la Banque d'Etat du Maroc au compte de Votre
Majesté, conformément aux stipulations du paragraphe 18
de la note précitée du Gouvernement français.
2° Une seconde somme de 500.000 francs sera versée

1. Cette note, expédiée de Paris le 7 novembre 1911, fut remise au


Sultan, le 9 novembre 1911 par le gérant d Consulat de France à
Fez.
également à Votre Majesté chérifienne pour les mêmes
objets.
Le Gouvernement français ne voit pas d'inconvénients
à ce que ces deux sommes soient inscrites dans le compte
de liquidation des dettes du Maghzen.
3° Les trois propriétés Aïn-Essikh, au Djebel Tseghat,
près de Fez ; El-Mamounia, à Marrakech ; Oughatim, aux
environs de ladite ville, seront également reconnues à Votre
Majesté, suivant les limites connues comme étant des pro-
priétés privées.
4° La liste civile de Votre Majesté comprendra une somme
de 2.800.000 P. H. qui sera affectée à ses dépenses personnel-
les, à celles de son harem particulier, ainsi qu'aux dépen-
ses de la famille chérifienne vivant dans les palais chéri-
fiens de Fez, Méquinez, Rabat et Marrakech : cette somme,
aux termes de la lettre du 19 décembre 1911, ne fera l'objet
d'aucun contrôle de la part du Gouvernement de la Ré-
publique.
5° Un crédit de 500.000 P. H. sera affecté aux Chorfa
composant la famille chérifienne habitant en dehors des
dits palais.
6° Un crédit de 400.000 P. H. sera ouvert pour l'entretien
et les réparations du palais de Fez, Méquinez, Rabat et
Marrakech et des différents Dar El-Makhzen dans les
autres villes du Maroc.
7° Un crédit de 100.000 P. H. sera mis en réserve pour
les dépense imprévues.
Les crédits inscrits aux numéros 5, 6, 7 et 8 seront ré-
partis conformément aux dispositions concertées entre le
Grand-Vizir de Votre Majesté et le représentant de la
France au Maroc, ainsi qu'il a été indiqué dans la lettre
du Ministre des Affaires étrangères du 19 décembre 1911.
II

M. Regnault, Ministre de France au Maroc, en mission à Fez


A Sa Majesté Moulay Hafid, Sultan du Maroc

Fez, le 30 mars 1912.

Pour faire suite à l'entretien que j'ai eu hier avec Votre


Majesté et pour déférer au désir qu'Elle m'en a exprimé,
j'ai l'honneur de Lui confirmer ce qui suit :
1° Votre Majesté recevra du Gouvernement de la Répu-
blique une protection spéciale pour Elle, ainsi que pour Sa
famille personnelle.
2° Le jour où Votre Majesté viendrait, pour une raison
quelconque, à renoncer à l'exercice du pouvoir 1, une pen-
sion honorable Lui serait allouée par le gouvernement de
la République.
3° Votre Majesté pourra, si Elle le juge à propos, dési-
gner l'un de ses fils comme héritier présomptif du trône
chérifien. Une entente s'établira avec le Gouvernement de
la République à ce sujet 2.
4° En ce qui concerne le voyage que Votre Majesté
projette d'accomplir à Rabat 3, j'ai pris bonne note de ses
intentions et je déférerai à l'invitation qu'elle m'a adressée.
5° Ainsi que Votre Majesté en a exprimé le désir, je ne
manquerai pas de signaler au Gouvernement de la Répu-
blique les raisons pour lesquelles il y a lieu de conserver

1. Le 12 août 1912, Mouley Hafid a signé son abdication et s'est


embarqué pour la France.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 347.
2. Le 13 août 1912, Mouley Youssef, frère de Mouley Hafid, a été
proclamé Sultan.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 347.
3. Mouley Hafid quitta Fez le 6 juin 1912 et arriva à Rabat le 13 juin.
Le 12 août 1912, après avoir abdiqué, il s'embarqua pour la France,
où il visita Paris et quelques autres villes.
Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1912, p. 217, 302, 319
347 et 369.
à la signature du traité, pendant quelques jours, un carac-
tère confidentiel ; la même attitude sera observée par le
gouvernement marocain.
6° Enfin, M. le Consul de France à Fez a reçu dès à pré-
sent, l'instruction de procéder sans retard au règlement de
la question de Daiet Gouchtan, dont la propriété a été
reconnue précédemment, à Votre Majesté par une lettre
du Ministre des Affaires étrangères 1.

1. Terrain de labour dit Daiet Gouchtam situé dans la tribu des


Beni-M'tir.
DOCUMENT n° 3

Déclaration signée à Paris, le 28 octobre 1912,


entre la France et l'Italie
au sujet du Maroc et de la Lybie

Le Gouvernement de la République française et le


Gouvernement royal d'Italie, désireux d'exécuter dans
l'esprit le plus amical leurs accords de 19021, confirment
leur mutuelle intention de n'apporter réciproquement
aucun obstacle à la réalisation de toutes les mesures qu'ils
jugeront opportun d'édicter, la France au Maroc et l'Ita-
lie en Libye.
Ils conviennent de même que le traitement de la nation
la plus favorisée sera réciproquement assuré à la France
en Libye et à l'Italie au Maroc ; ledit traitement devant
s'appliquer de la manière la plus large aux nationaux, aux
produits, aux établissements et aux entreprises de l'un et
l'autre Etats sans exception.
Fait en double exemplaire à Paris, le 28 octobre 1912.
Signé : POINCARÉ.
Signé : TITTONI.
DOCUMENT n° 4

Convention conclue à Madrid, le 27 novembre 1912,


entre la France et l'Espagne
en vue de préciser la situation respective des deux pays
à l'égard de l'Empire chérifien 1

Le Président de la République française et S. M. le Roi


d'Espagne,
Désireux de préciser la situation respective de la France
et de l'Espagne à l'égard de l'Empire chérifien,
Considérant, d'autre part que la présente Convention leur
offre une occasion propice d'affirmer leurs sentiments
d'amitié réciproque et leur volonté de mettre en harmonie
leurs intérêts au Maroc,
Ont nommé, à cet effet, pour leurs plénipotentiaires,
savoir :
Le Président de la République française,
S. Excellence Monsieur Geoffray, Léon, Marcel, Isidore,
Ambassadeur extraordinaire et Plénipotentiaire près de Sa
Majesté le Roi d'Espagne, Commandeur de l'Ordre national
de la Légion d'honneur, etc., et
Sa Majesté le Roi d'Espagne,
S. Excellence Don Manuel Garcia Prieto, Marquis de
Alhucemas, Sénateur à vie, Ministre d'Etat, Chevalier
Grand-croix de l'Ordre civil d'Alphonse XII, décoré de la
médaille d'or d'Alphonse XIII, etc.
Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs
respectifs, trouvés en bonne et due forme, ont arrêté et
signé les articles suivants :
ARTICLE PREMIER. —Le Gouvernement de la République
française reconnaît que, dans la zone d'influence espagnole,

1.Cette Convention a été promulguée par décret du 3 avril 1913.


Journal officiel, 5 avril 1913, p. 3049.
il appartient à l'Espagne de veiller à la tranquillité de ladite
zone et de prêter son assistance au Gouvernement maro-
cain pour l'introduction de toutes les réformes adminis-
tratives, économiques, financières, judiciaires et militaires
dont il a besoin 1 comme aussi pour tous les règlements
nouveaux et les modifications aux règlements existants
que ces réformes comportent conformément à la déclara-
tion franco-anglaise du 8 avril 1904 et à l'accord franco-
allemand du 4 novembre 1911.
Les régions comprises dans la zone d'influence détermi-
née à l'article 2 resteront placées sous l'autorité civile et
religieuse du Sultan, suivant les conditions du présent
accord.
Ces régions seront administrées, sous le contrôle d'un
Haut-commissaire espagnol, par un khalifa choisi par le
Sultan sur une liste de deux candidats présentés par le
Gouvernement espagnol. Les fonctions du khalifa ne seront
maintenues ou retirées au titulaire qu'avec le consente-
ment du Gouvernement espagnol.
Le khalifa résidera dans la zone d'influence espagnole
et habituellement à Tétouan ; il sera pourvu d'une délé-
gation générale du Sultan, en vertu de laquelle il exercera
les droits appartenant à celui-ci.
Cette délégation aura un caractère permanent. En cas
de vacance, les fonctions de khalifa seront, provisoirement,
et d'office remplies par le pacha de Tétouan.
Les actes de l'autorité marocaine dans la zone d'influence
espagnole, seront contrôlés par le Haut-commissaire espa-
gnol et ses agents. Le Haut-commissaire sera le seul inter-
médiaire dans les rapports que le khalifa, en qualité de
délégué de l'autorité impériale dans la zone espagnole,
aura à entretenir avec les agents officiels étrangers, étant
donné d'ailleurs qu'il ne sera pas dérogé à l'article 5 du
traité franco-chérifien du 30 mars 1912.
Le Gouvernement de Sa Majesté le roi d'Espagne veillera
à l'observation des traités et spécialement des clauses éco-

1. Ceparagraphe reproduit le paragraphe 1er du traité franco-alle-


mand du 4 novembre 1911.
nomiques et commerciales insérées dans l'accord franco-
allemand du 4 novembre 1911.
Aucune responsabilité ne pourra être imputée au Gouver-
nement chérifien du chef de réclamations motivées par
des faits qui se seraient produits sous l'administration du
khalifa dans la zone d'influence espagnole.
ART. 2.— Au nord du Maroc, la frontière séparative des
zones d'influence française et espagnole partira de l'em-
bouchure de la Moulouya et remontera le thalweg de ce
fleuve jusqu'à 1 kilomètre en aval de Mechra-Mila. De ce
point, la ligne de démarcation suivra jusqu'au djebel
Beni-Hassen le tracé fixé par l'article 2 de la Convention
du 3 octobre 1904.
Dans le cas où la Commission mixte de délimitation
visée au paragraphe 1er de l'article 4 ci-dessous constaterait
que le marabout de Sidi-Maarouf se trouve dépendre de la
fraction sud des Beni-Bouyahi, ce point serait attribué
à la zone française. Toutefois, la ligne de démarcation des
deux zones, après avoir englobé ledit marabout, n'en pas-
serait pas à plus de kilomètre au nord et à plus de 2 kilo-
mètres à l'ouest pour rejoindre la ligne de démarcation
telle qu'elle est déterminée au paragraphe précédent.
Du Djebel Beni-Hassen, la frontière rejoindra l'oued
Ouergha au nord de la Djema des Cheurfa-Tafraout, en
amont du coude formé par la rivière. De là, se dirigeant vers
l'ouest, elle suivra la ligne des hauteurs dominant la rive
droite de l'oued Ouergha jusqu'à son intersection avec la
ligne nord-sud définie par l'article 2 de la Convention de
1904. Dans ce parcours, la frontière contournera le plus
étroitement possible la limite nord des tribus riveraines
de l'Ouergha et la limite sud de celles qui ne sont pas
riveraines, en assurant une communication militaire non
interrompue entre les différentes régions de la zone espa-
gnole.
Elle remontera ensuite vers le nord en se tenant à une
distance d'au moins 25 kilomètres à l'est de la route de
Fez à El-Ksar-el-Kebir par Ouezzan, jusqu'à la rencontre
de l'oued Loukkos, dont elle descendra le thalweg jus-
qu'à la limite entre les tribus Sarsar et Tlig. De ce point,
elle contournera le djebel Ghani, laissant cette montagne
dans la zone espagnole, sous réserve qu'il n'y sera pas cons-
truit de fortifications permanentes. Enfin, la frontière re-
joindra le parallèle 35e de latitude nord entre le douar
Mgarya et la Marya de Sidi-Slama, et suivra ce parallèle
jusqu'à la mer.
Au sud du Maroc, la frontière des zones française et
espagnole sera définie par le thalweg de l'oued Draa, qu'elle
remontera depuis la mer jusqu'à sa rencontre avec le méri-
dien 11° ouest de Paris ; elle suivra ce méridien vers le sud
jusqu'à sa rencontre avec le parallèle 27°40' de latitude uord.
Au sud de ce parallèle, les articles 5 et 6 de la Convention
du 3 octobre 1904 resteront applicables. Les régions ma-
rocaines situées au nord et à l'est de la délimitation visée
dans le présent paragraphe appartiendront à la zone fran-
çaise.
ART. 3. — Le Gouvernement marocain ayant, par l'ar-
ticle 8 du traité du 26 avril 1860, concédé à l'Espagne un
établissement à Santa-Cruz-de-Mar-Pequena (Ifni), il
est entendu que le territoire de cet établissement aura les
limites suivantes : au nord, l'oued Bou-Sedra, depuis son
embouchure ; au sud, l'oued Noun, depuis son embouchure ;
à l'est, une ligne distante approximativement de 25 kilo-
mètres de la côte.
ART. 4. — Une Commission technique, dont les membres
seront désignés en nombre égal par les Gouvernements
français et espagnol, fixera le tracé exact des délimitations
spécifiées aux articles précédents. Dans son travail, la
Commission pourra tenir compte non seulement des acci-
dents topographiques, mais encore des contingences
locales.
Les procès-verbaux de la Commission n'auront valeur
exécutive qu'après ratification des deux Gouvernements.
Toutefois les travaux de la Commission ci-dessus prévue
ne seront pas un obstacle à la prise de possession immédiate
par l'Espagne de son établissement d'Ifni.
ART. 6. — Afind'assurer le libre passage du détroit de
Gibraltar, les deux Gouvernements conviennent de ne pas
laisser élever de fortifications ou d'ouvrages stratégiques
quelconques sur la partie de la côte marocaine visée par
l'article 7 de la déclaration franco-anglaise du 8 avril
1904 et par l'article 14 de la Convention franco-espagnole
du 3 octobre de la même année, et comprise dans les sphères
d'influence respectives.
ART. 7. — La ville de Tanger et sa banlieue seront
dotées d'un régime spécial qui sera déterminé ultérieure-
ment 1 ; elles formeront une zone comprise dans les limites
décrites ci-après :
Partant de Punta-Altares sur la côte sud du détroit de
Gibraltar, la frontière se dirigera en ligne droite sur la
crête du djebel Beni-Meyimel, laissant à l'ouest le village
appelé Dxar-ez-Zeitun, et suivra ensuite la ligne des limites
entre le Fahs d'un côté et les tribus de l'Anjera et de Oued-
Ras de l'autre côté jusqu'à la rencontre de l'oued Es-
Seghir. De là, la frontière suivra le thalweg de l'oued Es-
Seghir puis ceux des oueds M'harhar et Tzahadartz jus-
qu'à la mer.
Le tout conformément au tracé indiqué sur la carte de
l'état-major espagnol, qui a pour titre : « Croquis del
Imperio de Marruecos » à l'échelle de 1 /100000, édition de
1906.
ART. 8. — Les consulats, les écoles et tous les établisse-
ments français et espagnols actuellement existants au
Maroc seront maintenus 2 .
Les deux Gouvernements s'engagent à faire respecter
la liberté et la pratique extérieure de tout culte existant au
Maroc.
Le Gouvernement de S. M. le roi d'Espagne, en ce qui
le concerne, fera en sorte que les privilèges religieux exer-
cés actuellement par le clergé régulier et séculier espagnol

1 Ce paragraphe reproduit à peu près l'article 9 de la Convention


franco-espagnole du 3 octobre 1904.
2. Ce paragraphe reproduit à peu près l'article 11 de la Convention
franco-espagnole du 3 octobre 1904.
ne subsistent plus dans la zone française. Toutefois, dans
cette zone, les missions espagnoles conserveront leurs éta-
blissements et propriétés actuels, mais le Gouvernement
de S. M. le roi d'Espagne ne s'opposera pas à ce que des
religieux de nationalité française y soient affectés. Les nou-
veaux établissements que ces missions fonderaient seront
confiés à des religieux français.
ART. 9. — Aussi longtemps que le chemin de fer Tanger-
Fez ne sera pas construit, il ne sera apporté aucune entra-
ve au passage des convois de ravitaillement destinés au
maghzen, ni aux voyages des fonctionnaires chérifiens ou
étrangers entre Fez et Tanger et inversement, non plus
qu'au passage de leur escorte, de leurs armes et bagages,
étant entendu que les autorités de la zone traversée auront
été préalablement avisées. Aucune taxe ou aucun droit
spécial de transit ne pourra être perçu pour ce passage 1.
Après la construction du chemin de fer Tanger-Fez,
celui-ci pourra être utilisé pour ces transports.
ART. 10. — Les impôts et ressources de toutes sortes
dans la zone espagnole seront affectés aux dépenses de
ladite zone.
ART. 11. — Le gouvernement chérifien ne pourra être
appelé à participer à aucun titre aux dépenses de la zone es-
pagnole.
ART. 12. — Le gouvernement de S. M. le Roi d'Espagne
ne portera pas atteinte aux droits, prérogatives et privilè-
ges des porteurs de titres des emprunts 1904 et 1910 dans
sa zone d'influence.
En vue de mettre l'exercice de ces droits en harmonie
avec la nouvelle situation, le Gouvernement de la Républi-
que usera de son influence sur le représentant des porteurs
pour que le fonctionnement des garanties dans ladite zone
s'accorde avec les dispositions suivantes :
La zone d'influence espagnole contribuera aux charges
des emprunts 1904 et 1910 suivant la proportion que les

1. Ce paragraphe est l'application du principe posé dans le modus


vivendi franco-espagnol,conclu le 26 juillet 1911.
ports de ladite zone, déduction faite des 500.000 p. h. dont
il sera parlé plus loin, fournissent à l'ensemble des recettes
douanières des ports ouverts au commerce.
Cette contribution est fixée provisoirement à 7,95 p. 100,
chiffre basé sur les résultats de l'année 1911. Elle sera ré-
visable tous les ans à la demande de l'une ou de l'autre des
parties.
La revision prévue devra intervenir avant le 15 mai
suivant l'exercice qui lui servira de base. Il sera tenu compte
de ses résultats dans le versement à effectuer par le Gouver-
nement espagnol le 1er juin, ainsi qu'il est dit ci-après.
Le Gouvernement de S. M. le Roi d'Espagne constituera
chaque année, à la date du 1er mars, pour le service de l'em-
prunt 1910, et à la date du 1er juin, pour le service de l'em-
prunt 1904, entre les mains du représentant des porteurs
des titres de ces deux emprunts, le montant des annuités
fixées au paragraphe précédent. En conséquence, l'encais-
sement au titre des emprunts sera suspendu dans la zone
espagnole par application des articles 20 du contrat du 12
juin 19041 et 19 du contrat du 17 mai 1910 2.
Le contrôle des porteurs et les droits s'y rapportant, dont
l'exercice aura été suspendu en raison des versements
du Gouvernement espagnol, seront rétablis tels qu'ils
existent actuellement dans le cas où le représentant des
porteurs aurait à reprendre l'encaissement direct confor-
mément aux contrats.
ART. 13. — D'autre part, il y a lieu d'assurer à la zone
française et à la zone espagnole le produit revenant à cha-
cune d'elles sur les droits de douane perçus à l'importation.
Les deux Gouvernements conviennent :
1° Que, balance faite des recettes douanières que chacune
des deux administrations zonières encaissera sur les pro-

1. Le contrat du 12 juin 1904 figure parmi les pièces du Livre Jaune,


Affaires du Maroc, 1901-1905, n° 170.
2. Le contrat du 17 mai 1910 figure à la suite des rapports présentés
par M. Long à la Chambre des députés et par M. Baudin au Sénat,
à propos du projet de loi portant approbation de la Convention
franco-allemande du 4 novembre 1911
Annexe X au rapport de M. Long, et Annexe XV au rapport de
de M. Baudin.
duits introduits par ses douanes à destination de l'autre
zone, il reviendra à la zone française, une somme totale
de 500,000 pesetas hassani se décomposant ainsi :
a) Une somme forfaitaire de 300.000 pesetas hassani ap-
plicable aux recettes des ports de l'Ouest ;
b) Une somme de 200,000 pesetas hassani, applicable
aux recettes de la côte méditerranéenne, sujette à revision
lorsque le fonctionnement des chemins de fer fournira des
éléments exacts de calcul. Cette revision éventuelle pour-
rait s'appliquer aux versements antérieurement effectués,
si le montant de ceux-ci était supérieur, à celui des verse-
ments à réaliser dans l'avenir ; toutefois, les reversements
dont il s'agit ne porteraient que sur le capital et ne donne-
raient pas lieu à un calcul d'intérêts.
Si la revision ainsi opérée donne lieu à une réduction
des recettes françaises relatives aux produits douaniers
des ports de la Méditerranée, elle entraînera ipso facto le
relèvement de la contribution espagnole aux charges des
emprunts susmentionnés ;
2° Que les recettes douanières encaissées par le bureau
de Tanger devront être réparties entre la zone internatio-
nalisée et les deux autres zones, au prorata de la destina-
tion finale des marchandises. En attendant que le fonction-
nement des chemins de fer permette une exacte répartition
des sommes dues à la zone française et à la zone espagnole,
le service des douanes versera en dépôt à la Banque d'Etat
l'excédent de ces recettes, payement fait de la part de
Tanger.
Les Administrations douanières des deux zones s'enten-
dront par l'entremise de représentants, qui se réuniront
périodiquement à Tanger, sur les mesures propres à assurer
l'unité d'application des tarifs. Ces délégués se communi-
queront à toutes fins utiles les informations qu'ils auront
pu recueillir tant sur la contrebande que sur les opérations
irrégulières éventuellement effectuées dans les bureaux
des douanes.
Les deux Gouvernements s'efforceront de mettre en vi-
gueur à la date du 1er mars 1913 les mesures visées sous le
présent article.
ART. 14. — Les gages affectés en zone espagnole à la
créance française, en vertu de l'accord franco-marocaindu
21 mars 19101, seront transférés au profit de la créance
espagnole, et, réciproquement les gages affectés en zone
française à la créance espagnole, en vertu du traité hispa-
no-marocain du 16 novembre 1910 2, seront transférés au
profit de la créance française. En vue de réserver à chaque
zone le produit des redevances minières qui doivent natu-
rellement lui revenir, il est entendu que les redevances
proportionnelles d'extraction appartiendront à la zone où
la mine située, lors même qu'elles seraient recouvrées à la
sortie par une douane de l'autre zone.
ART. 15. — En ce qui concerne les avances faites par la
Banque d'Etat sur le 5 p. 100 des douanes, il a paru équi-
table de faire supporter par les deux zones non seulement
le remboursement desdites avances, mais d'une manière
générale les charges de la liquidation du passif actuel du
Maghzen.
Dans le cas où cette liquidation se ferait au moyen d'un
emprunt à court ou à long terme, chacune des deux zones
contribuerait au payement des annuités de cet emprunt
(intérêts et amortissement) dans une proportion égale à
celle qui a été fixée pour la répartition entre chaque zone
des charges des emprunts de 1904 et 1910.
Le taux de l'intérêt, les délais d'amortissement et de
conversion, les conditions de l'émission et, s'il y a lieu,
les garanties de l'emprunt seront arrêtés après entente en-
tre les deux Gouvernements.
Les dettes contractées après la signature du présent ac-
cord seront exclues de cette liquidation.

1. Arrangement financier, conclu le 21 mars 1910, entre la France


et le Maghzen.
Cet arrangement est reproduit dans les annexes aux rapports de
M. Long et de M. Baudin, déjà cités.
Annexe IX au rapport de M. Long, et annexe XIV au rapport de
M. Baudin.
2. Accord conclu, le 17 novembre 1910, entre l'Espagne et le Maroc.
Cet accord est reproduit à la suite des rapports de M. Long et de
M. Baudin, déjà cités.
Annexe XI au rapport de M. Long, et annexe XVI au rapport de
M. Baudin.
Voir aussi le Bulletin du Comité de l'Afrique française, 1910,
supplémentp. 410.
Le montant total du passif à liquider comprend notam-
ment : 1° les avances de la Banque d'Etat gagées sur le
5 p. 100 du produit des douanes ; 2° les dettes liquidées
par la commission instituée en vertu du règlement du corps
diplomatique de Tanger en date du 29 mai 1910. Les deux
Gouvernements se réservent d'examiner conjointement les
créances autres que celles visées ci-dessus sous les numé-
ros 1 et 2, de vérifier leur légitimité, et, au cas où le total
du passif dépasserait sensiblement la somme de 25 millions
de francs, de les comprendre ou non dans la liquidation
envisagée.
ART. 16. — L'autonomie administrative des zones
d'influence française et espagnole dans l'empire chérifien
ne pouvant porter atteinte aux droits, prérogatives et
privilèges concédés, conformément à l'Acte d'Algésiras
à la Banque d'Etat du Maroc, pour tout le territoire de
l'Empire, par le gouvernement marocain, la Banque d'Etat
du Maroc continuera de jouir dans chacune des deux zones
de tous les droits qu'elle tient des actes qui la régissent,
sans diminution ni réserve. L'autonomie des deux zones ne
pourra pas faire obstacle à son action et les deux gouver-
nements faciliteront à la Banque d'Etat le libre et complet
exercice de ses droits.
La Banque d'Etat du Maroc pourra, d'accord avec les
deux puissances intéressées, modifier les conditions de
son fonctionnement en vue de les mettre en harmonie avec
l'organisation territoriale de chaque zone.
Les deux Gouvernements recommanderont à la Banque
d'Etat l'étude d'une modification de ses statuts permet-
tant :
1° De créer un second Haut-commissaire marocain qui
serait nommé par l'Administration de la zone d'influence
espagnole, après entente avec le conseil d'administration
de la Banque ;
2° De conférer à ce second Haut-commissaire, pour
sauvegarder les intérêts légitimes de l'administration de la
zone espagnole, sans porter atteinte au fonctionnement
normal de la Banque, des attributions autant que possible
identiques à celles qu'exerce le Haut-commissaire actuel.
Toutes les démarches utiles seront faites par les deux
Gouvernements pour parvenir à la revision régulière,
dans le sens indiqué ci-dessus, des statuts de la Banque
d'Etat et du règlement de ses rapports avec le Gouverne-
ment marocain.
Afin de préciser et de compléter l'entente intervenue
entre les deux gouvernements et constatée par la lettre
adressée le 23 février 1907 par le Ministre des Affaires étran-
gères de la République à l'ambassadeur de Sa Majesté le Roi
d'Espagne à Paris, le Gouvernement français s'engage,
en ce qui concerne la zone espagnole, sous réserve des
droits de la Banque : 1° à n'appuyer aucune candidature au-
près de la Banque d'Etat ; 2°à faire connaître à la Banque
son désir de voir prendre en considération, pour les emplois
de ladite zone, les candidatures de nationalité espagnole.
Réciproquement, le Gouvernement espagnol s'engage,
en ce qui concerne la zone française, sous réserve des droits
de la Banque : 1° à n'appuyer aucune candidature auprès
de la Banque d'Etat ; 2° à faire connaître à la Banque son
désir de voir prendre en considération, pour les emplois
de ladite zone, les candidatures de nationalité française.
En ce qui concerne : 1° les actions de la Banque qui
pourraient appartenir au Maghzen ; 2° les bénéfices reve-
nant au Maghzen sur les opérations de frappe et de refonte
de monnaies, ainsi que sur toutes les autres opérations mo-
nétaires (art. 37 de l'Acte d'Algésiras), il est entendu qu'il
sera attribué à l'Administration de la zone espagnole
une part calculée d'après le même pourcentage que pour
la redevance et les bénéfices du monopole des tabacs.
ART. 17. — L'autonomie administrative des zones d'in-
fluence française et espagnole dans l'Empire chérifien ne
pouvant porter atteinte aux droits, prérogatives et privi-
lèges concédés, conformément à l'Acte général d'Algésiras,
pour tout le territoire de l'Empire, par le Gouvernement
marocain, à la Société internationale de régie co-intéressée
des tabacs au Maroc, ladite Société continuera de jouir,
dans chacune des deux zones, de tous les droits qu'elle
tient des actes qui la régissent, sans diminution ni réserve.
L'autonomie des deux zones ne pourra pas faire obs-
tacle à son action et les deux Gouvernements lui facilite-
ront le libre et complet exercice de ses droits.
Les conditions actuelles de l'exploitation du monopole,
et en particulier le tarif des prix de vente, ne pourront
être modifiés que d'accord entre les deux Gouvernements.
Le Gouvernement français ne fera pas obstacle à ce que
le Gouvernement royal se concerte avec la régie soit en vue
d'obtenir de cette Société la rétrocession à des tiers de l'inté-
gralité de ses droits et privilèges, soit en vue de lui rache-
ter à l'amiable, par anticipation, lesdits droits et privilè-
ges. Dans le cas où, comme conséquence du rachat anticipé,
le Gouvernement espagnol désirerait modifier dans sa zone
les conditions générales de l'exploitation du monopole,
et, par exemple, s'il voulait réduire les prix de vente, un
accord devra intervenir entre les deux Gouvernements
dans le but exclusif de sauvegarder les intérêts de la zone
d'influence française.
Les stipulations qui précèdent s'appliqueront récipro-
quement dans le cas où le Gouvernement français désirerait
faire usage des facultés reconnues ci-dessus au Gouverne-
ment espagnol.
La régie pouvant faire objection à un rachat partiel
les deux Gouvernements s'engagent dès maintenant à faire
exercer dans l'une et l'autre zone, aussitôt que possible
(c'est-à-dire, le 1er janvier 1933, en prévenant la régie
avant le 1er janvier 1931), le droit de rachat prévu à l'ar-
ticle 24 du cahier des charges. A partir du 1er janvier 1933,
chacune des deux zones deviendra libre d'établir, selon ses
convenances, les impôts qui font l'objet du monopole.
Les deux Gouvernements se mettront d'accord pour
obtenir, en respectant le cahier des charges :
a) La création d'un second commissaire nommé par l'ad-
ministration de la zone d'influence espagnole ;
b) La définition des attributions qui seraient nécessaires
à ce second commissaire pour sauvergarder les intérêts lé-
gitimes de l'administration de la zone espagnole, sans
porter atteinte au fonctionnement normal de la régie;
c) La répartition, par moitié, entre les deux commissaires
de la somme de 5,000 riais makhzani argent versé annuel-
ement par la régie pour le traitement du commissaire.
Afin de maintenir pendant la durée du monopole l'iden-
tité du tarif des prix de vente dans les deux zones, les deux
Gouvernements prennent l'engagement de ne pas assujettir
la régie ou ses ayants-droit à des impôts nouveaux sans
s'être préalablement entendus.
Le produit des amendes prononcées contre la régie
pour inexécution du cahier des charges ou abus (art. 31
du cahier des charges) sera attribué au Trésor de la zone
dans laquelle les infractions ou abus auront été commis.
Pour le partage de la redevance fixe annuelle et des béné-
fices (art. 20 à 23 du cahier des charges), on appliquera un
pourcentage qui sera déterminé par la puissance de con-
sommation de la zone espagnole, comparativement à la
puissance de consommation totale de l'Empire. Cette puis-
sance de consommation sera évaluée d'après les perceptions
douanières restant effectivement entre les mains de l'ad-
ministration de la zone espagnole, compte tenu du reverse-
ment prévu à l'article 13 ci-dessus.
ART. 18. — En ce qui concerne le Comité des valeurs
douanières, le Comité spécial des travaux publics et la
Commission générale des adjudications, durant la période
où ces comités resteront en vigueur, il sera réservé à la
désignation du khalifa de la zone espagnole un des sièges
de délégué chérifien dans chacun des ces trois comités.
Les deux Gouvernements sont d'accord pour réserver
à chaque zone et affecter à ses travaux publics le produit
de la taxe spéciale perçue dans ses ports en vertu de l'arti-
cle 66 de l'Acte d'Algésiras.
Les services respectifs seront autonomes.
Sous condition de réciprocité, les délégués de l'Adminis-
tration de la zone français voteront avec les délégués du
khalifa dans les questions intéressant la zone espagnole et
notamment pour tout ce qui concerne la détermination des
travaux à exécuter sur les fonds de la taxe spéciale, leur
exécution et la désignation du personnel que cette exécution
comporte.
ART. 19. — Le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de Sa Majesté Catholique se concerte-
ront en vue de :
1° Toutes les modifications qui devraient être apportées
dans l'avenir aux droits de douane ;
2° L'unification des tarifs postaux et télégraphiques
dans l'intérieur de l'Empire.
ART. 20. — La ligne de chemin de fer Tanger-Fez sera
construite et exploitée dans les conditions déterminées
par le protocole annexé à la présente Convention 1.
ART. 21. — Le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de Sa Majesté Catholique s'engagent à
provoquer la revision, d'accord avec les autres puissances
et sur la base de la Convention de Madrid, des listes et
de la situtaion des protégés étrangers et des associés agri-
coles visés par les articles 8 et 16 de cette Convention.
Ils conviennent également de poursuivre auprès des puis-
sances signataires toute modification de la Convention de
Madrid que comporteraient, le moment venu, le change-
ment du régime des protégés et associés agricoles, et éven-
tuellement l'abrogation de la partie de ladite Convention
concernant les protégés et associés agricoles 2.
ART. 22. — Les sujets marocains originaires de la zone
d'influence espagnole seront placés à l'étranger sous la
protection des agents diplomatiques et consulaires de
l'Espagne.
ART. 23. — Pour éviter autant que possible les réclama-
tions diplomatiques, les Gouvernements français et espa-
gnol s'emploieront respectivement auprès du Sultan et de
son khalifa pour que les plaintes portées par les ressortis-
sants étrangers contre les autorités marocaines ou les per-
sonnes agissant en tant qu'autorités marocaines, et qui
n'auraient pu être réglées par l'entremise du consul français
ou espagnol et du consul du gouvernement intéressé, soient
déférées à un arbitre ad hoc pour chaque affaire, désigné
d'un commun accord par le consul de France ou celui d'Es-
pagne et par celui de la puissance intéressée ou, à leur
défaut, par les deux Gouvernements de ces consuls 3.

1. Voir le document n° 5.
2. Cet article reproduit l'article 12 de l'accord franco-allemand du
4 novembre 1911.
3. Cet article reproduit l'article 9 § Ier de l'accord fanco-allemand
du 4 novembre 1911
ART. 24. — Le Gouvernement de la République fran-
çaise et le Gouvernement de Sa Majesté Catholique se réser-
vent la faculté de procéder à l'établissement, dans leurs
zones respectives, d'organisations judiciaires inspirées de
leurs législations. Une fois ces organisations établies et les
nationaux et protégés de chaque pays soumis, dans la
zone de celui-ci, à la juridiction de ces tribunaux, le Gou-
vernement de la République française, dans la zone d'in-
fluence espagnole, et le Gouvernement de S. M. le roi d'Es-
bagne, dans la zone d'influence française, soumettront
également à cette juridiction locale leurs nationaux et
protégés respectifs.
Tant que le paragraphe 3 de l'article 11 de la Conven-
tion de Madrid du 3 juin 1880 sera en vigueur 1, la faculté
qui appartient au ministre des affaires étrangères de Sa
Majesté Chérifienne de connaître en appel des questions
de propriété immobilière des étrangers fera partie, pour ce
qui concerne la zone espagnole, de l'ensemble des pouvoirs
délégués au khalifa.
ART. 25. — Les Puissances signataires s'engagent à
prêter dès maintenant, dans leurs possessions d'Afrique,
leur entier concours aux autorités marocaines pour la
surveillance et la répression de la contrebande des armes
et des munitions de guerre.
La surveillance dans les eaux territoriales des zones
respectives française et espagnole sera exercée par les forces
organisées par l'autorité locale ou celles du Gouvernement
protecteur de ladite zone.
Les deux Gouvernements se concerteront pour unifier
la réglementation du droit de visite 2.
ART. 26. — Les accords internationaux conclus à l'ave-
nir par Sa Majesté Chérifienne ne s'étendront à la zone
d'influence espagnole qu'avec le consentement préalable
du Gouvernement de Sa Majesté le Roi d'Espagne.

1. La Convention de Madrid a été signée le 3 juillet 1880.


2. Cet article reproduit l'article 13 de la Convention franco-espa-
gnole du 3 octobre 1904 et le paragraphe II du protocole franco-
espagnol du 1er septembre 1905.
ART. 27. —La Convention du 26 février 1904, renouvelée
le 3 février 19091, ainsi que la Convention générale de la
Haye du 18 octobre 1907, s'appliqueront aux différends
qui viendraient à s'élever entre les parties contractantes
au sujet de l'interprétation et de l'application des dispo-
sitions de la présente Convention et qui n'auraient pas été
réglées par la voie diplomatique ; un compromis devra
être dressé et il sera procédé suivant les règles des mêmes
conventions en tant qu'il n'y serait pas dérogé par un ac-
cord exprès au moment du litige 2.
ART. 28. — Toutes clauses des traités, conventions et
accords antérieurs, qui seraient contraires aux stipulations
qui précèdent sont abrogées 3.
ART. 29. — La présente Convention sera notifiée aux Gou-
vernements signataires de l'acte général de la conférence
internationale d'Algésiras.
ART. 30. — La présente Convention sera ratifiée et les
ratifications en seront échangées, à Madrid, dans le plus
bref délai 4.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé
le présent traité et y ont apposé leurs cachets.
Fait en double expédition à Madrid, le 27 novembre
1912.
(L. S.) Signé : GEOFFRAY.
(L. S.) — MANUEL GARCIA PRIETO.

LETTRES EXPLICATIVES

I
L'Ambassadeur de France au Ministre d'Etat
Madrid, le 27 novembre 1912.
Pour bien préciser la portée des dispositions de la Con-
vention signée aujourd'hui, qui ont trait à la nomination

1. Convention d'arbitrage signée à Paris le 26 février 1904.


De Clercq, Recueil des Traités de la France, t. XXII, p. 466.
2. Cet article reproduit une disposition des lettres explicatives
annexées à l'accord franco-allemand du 4 novembre 1911.
3. Cet article reproduit l'article 13 de l'accord franco-allemand du
4 novembre 1911.
4. Les ratifications ont été échangées à Paris le 2 avril 1913.
du khalifa et aux rapports de celui-ci avec les agents
étrangers, Votre Excellence me permettra de lui rappeler
qu'elle a bien voulu me déclarer que :
En ce qui concerne le premier de ces points, la désigna
tion du khalifa de la zone espagnole pourra être utilement
préparée par des pourparlers confidentiels entre les deux
Gouvernements, dans le but de s'assurer que le choix du
Sultan se portera sur celui des deux candidats visés à l'ar-
ticle 1er de ladite Convention qui aura les préférences du
Gouvernementroyal. Il est toutefois entendu que, quels que
soient les avantages de cette façon de procéder, chacune
des deux Puissances est libre d'y renoncer dans des cas
particuliers et de s'en tenir strictement aux clauses de la
présente Convention qui, d'un côté, oblige l'Espagne à la
présentation d'une liste de deux candidats, et, d'un autre
côté, stipule que le choix de Sa Majesté chérifienne aura
à se porter sur l'un de ces deux candidats. Il va enfin de
soi que ceux-ci devront être des personnalités de marque.
En ce qui touche les rapports que le khalifa en tant que
délégué de l'autorité impériale dans la zone espagnole,
aura à entretenir avec les agents officiels étrangers, il est
entendu que lors de la rédaction du traité le mot « offi-
ciels » a été substitué au mot « consulaires » en vue d'éviter
suivant l'expression de Votre Excellence, des difficultés
dans la pratique ; ces difficultés pourraient surgir du fait
que, certaines puissances, n'ayant au Maroc d'agent
consulaire de carrière que dans la zone française, ne pour-
raient suivre directement avec l'Administration de la zone
espagnole les affaires afférentes à cette zone et que, seule,
ladite administration a qualité pour trancher aux termes
de cette convention d'aujourd'hui. Pour les relations di-
plomatiques des gouvernements étrangers avec le Sultan,
il est bien entendu en effet que la mention faite dans la
présente Convention de l'article 5 du traité franco-chéri-
fien du 30 mars 1912 en réserve à la France le monopole.
Agréez, etc.
Signé : GEOFFRAY.
II

Le Minisire d'Etat à l'Ambassadeur de France

Madrid, le 27 novembre 1912.


Pour bien préciser la portée des dispositions de la Con-
vention signée aujourd'hui, qui ont trait à la nomination
du khalifa et aux rapports de celui-ci avec les agents étran-
gers, je me permettrai de rappeler à Votre Excellence
qu'elle a bien voulu me déclarer que :
En ce qui concerne le premier de ces points, la désigna-
tion du khalifa de la zone espagnole pourra être utilement
préparée par des conversations confidentielles entre les
deux Gouvernements, en vue de s'assurer que le Sultan
choisira celui des deux candidats, auquel se réfère l'article
1er de ladite Convention, qui sera préféré par le Gouverne-
ment de Sa Majesté.
Il reste toutefois entendu que, quels que soient les avan-
tages de cette procédure, chacune des deux puissances
sera libre d'y renoncer dans des cas particuliers et de s'en
tenir strictement aux clauses de la future Convention qui
d'une part, oblige l'Espagne à présenter une liste de deux
candidats et, d'autre part, stipule que le choix de Sa Ma-
jesté chérifienne devra porter sur l'un de ces deux candidats.
Il est évident enfin que ceux-ci devront être des personnes
de distinction.
Pour ce qui regarde les relations que le khalifa, en qualité
de délégué de l'autorité impériale, dans la zone espagnole,
aura à entretenir avec les agents officiels étrangers, il reste
entendu que, lors de la rédaction du traité, le terme « offi-
ciels » a été substitué au mot « consulaires » en vue d'éviter
selon mon expression, des difficultés dans la pratique. Ces
difficultés pourraient surgir du fait que certaines puissances,
n'ayant au Maroc d'agents consulaires de carrière que dans
la zone française, ne pourraient traiter directement avec
l'administration de la zone espagnole les questions relatives
à cette zone et qui ne peuvent être résolues que par cette
administration, selon les termes de notre Convention
d'aujourd'hui. Quant aux relations diplomatiques entre
les gouvernements étrangers et le Sultan, il demeure, en
effet, bien entendu, que la mention faite, dans la présente
Convention, de l'article 5 du traité franco-chérifien du 30
mars 1912, en réserve le monopole à la France.
Je saisis cette occasion, etc.
Signé : M. GARCIA PRIETO.
DOCUMENT n° 5

Protocole conclu à Madrid, le 27 novembre 1912


entre la France et l'Espagne
concernant le chemin de fer Tanger-Fez

ARTICLE PREMIER. — Dans un délai de trois mois à


compter de la signature de la présente Convention — res-
tant d'ailleurs entendu que c'est seulement après la rati-
fication de celle-ci qu'il sera procédé à la concession défi-
nie par les articles 2 et suivants — les deux Gouvernements
de France et d'Espagne détermineront dans leurs zones
respectives, le tracé général de la ligne et ses stations prin-
cipales. Ils arrêteront d'un commun accord, dans ce même
délai, d'une part le point où ladite ligne devra traverser les
limites nord et sud de la zone espagnole, de l'autre, après
consultation des autorités tangéroises qualifiées à cet
effet, le tracé de la section comprise entre la limite nord de
la zone espagnole et Tanger.
ART. 2. — La ligne tout entière sera concédée à une com-
pagnie unique, chargée à la fois de ses études définitives
de sa construction et de son exploitation.
La concession sera prononcée, savoir :
Pour la section située dans la zone française, par le Sul-
tan, sous l'autorité et avec la garantie de la France ;
Pour la section située dans la zone espagnole par le Khali-
fa sous l'autorité et avec la garantie de l'Espagne ;
Et enfin, pour la section comprise entre la limite nord de
de la zone espagnole et Tanger, par les autorités qualifiées
à cet effet et sous la garantie de ces autorités.
Toutefois, dans le cas où les susdites autorités ne seraient
pas définitivement constituées 1 au moment où pourront
être prononcées les concessions française et espagnole, les

1. Cela fait allusion au Statut international de Tanger.


deux Gouvernements contractants conviennent que la
concession du tronçon Tanger et banlieue sera prononcée
sous leur garantie commune et après entente entre les deux
Cabinets, par le Sultan, pour être repassée ensuite, avec
les droits et obligations qu'elle comporte, à l'autorité
tangéroise.
ART. 3.— La susdite compagnie ne pourra être concess-
sionnaire d'aucune autre ligne, soit complètement indépen-
dante de la précédente, soit se reliant à celle-ci, exception
étant faite, toutefois, pour les voies de quai destinées à
desservir le port de Tanger.
Par contre, elle ne pourra se refuser à laisser pénétrer
dans ses gares les lignes dont l'établissement viendrait
à être décidé par l'un ou l'autre des deux Gouvernements
ni à assurer dans lesdites gares le service commun, que ces
lignes soient construites et exploitées directement par les
deux Gouvernements ou concédées par eux à d'autres
compagnies.
Elle aura les même sobligations en ce qui concerne les
embranchements particuliers autorisés par la France ou
l'Espagne au profit, soit de leurs nationaux, soit de natio-
naux étrangers, en conformité de l'article 7 du traité
franco-allemand du 4 novembre 19111.
Il est entendu, d'ailleurs, que resteront à la charge
des Etats, compagnies ou particuliers intéressés, les dé-
penses des installations nouvelles ainsi rendues nécessaires
de leur fait et les frais supplémentaires d'exploitation aux
quels les lignes et embranchements sus visés donneront
lieu.
ART. 4. — Le capital, tant actions qu'obligations de la
compagnie concessionnaire, sera pour 60 p. 100 français et
pour 40 p. 100 espagnol.
Toutefois, la France et l'Espagne se réservent la faculté
de faire d'un commun accord, s'il y avait lieu, une part aux
capitaux de nationalité étrangère, étant d'ores et déjà
spécifié que cette part ne pourra, en aucun cas, excéder

1. Cet article est relatif aux chemins de fer industrielsdont la créa-


tion pourra être autorisée par le gouvernement marocain.
8 p. 100 et qu'elle sera prélevée par moitié sur chacune de
celles de 60 p. 100 et de 40 p. 100 ci-dessus.
Chacun des deux Gouvernements se réserve le droit de
désigner tel établissement ou sociétés de crédit, ou tel grou-
pe d'établissements ou sociétés de crédit de sa nationalité
qu'il jugera convenable, pour réaliser et souscrire la part
de capital à lui réservée.
Si l'un d'entre eux ne croyait pas devoir réaliser cette
part tout entière, l'autre se substituerait à lui de plein
droit pour la parfaire.
ART. 5. — Le Conseil d'administration de la compagnie
concessionnaire sera composé de quinze membres, dont
neuf Français et six Espagnols, nommés respectivement
par des porteurs d'actions françaises et espagnoles.
A ces quinze membres pourra, si la France et l'Espagne
le jugent utile d'un commun accord, en être adjoint un
seizième d'une tierce nationalité.
Les décisions du Conseil d'administration ne pourront
être prises qu'à une majorité représentant au moins les deux
tiers des votes exprimés en ce qui concerne les questions
intéressant exclusivement, soit la section française, soit
la section espagnole; elles le seront à la majorité simple
pour toutes les autres questions.
La Compagnie aura un directeur général français et un
directeur adjoint espagnol. Le haut personnel, tant de la
construction que de l'exploitation, devra être pour 60 p.
100 français et pour 40 p. 100 espagnol. La nomination du
directeur général et du haut personnel français sera sou-
mise à l'agrément de la France ; celle du directeur adjoint
et du haut personnel espagnol à l'agrément de l'Espagne.
En dehors du directeur général, du directeur adjoint et
du haut personnel visé ci-dessus, les agents employés aux
études et à la construction devront être autant que possi-
ble français dans la section française et espagnols dans la
section espagnole.
Quant aux agents d'exploitation, ils devront être exclu-
sivement français sur la section française, exclusivement
espagnols, sur la section espagnole, pour moitié français
et pour moitié espagnols sur la section Tanger-et-banlieue.
Toutefois, sur cette dernière section et notamment à la
gare terminus de Tanger, un certain nombre d'emplois
pourront, d'accord entre les deux gouvernements, être
confiés à des agents d'une tierce nationalité, la répartition
par moitié entre la France et l'Espagne s'opérant alors
sur les emplois restants.
ART. 6. — Les études de la ligne préalablement divisée
en lots d'une longueur de 20 à 30 kilomètres seront entre-
prises simultanément par l'extrémité Tanger et l'extrémité
Fez et poussées avec une activité égale des deux côtés.
Les projets des divers lots seront présentés par la compa-
gnie au fur et à mesure de leur achèvement ; l'acte de con-
cession fixera les dates de ces présentations successives et
stipulera pour chacune d'elles une prime par jour d'avance
et une pénalité financière par jour de retard, ces pénalités
et primes étant les mêmes pour tous les lots, exception
faite du dernier pour lequel elles seront doublées.
ART. 7. — Les projets seront approuvés :
Pour la section française, par le Gouvernement français ;
Pour la section espagnole, par le Gouvernementespagnol ;
Et, pour la section Tanger-et-banlieue, par l'autorité
tangéroise qualifiée à cet effet ;
Etant entendu, toutefois :
Qu'au préalable, les projets de la section française seront
communiqués au Gouvernement espagnol et ceux de la sec-
tion espagnole au Gouvernement français, chacun de ces
deux Gouvernements tenant tel compte qu'il jugera con-
venable des observations présentées par l'autre, et l'absence
de réponse, dans un délai de quinze jours à partir de la
communication ainsi faite, étant tenue pour une adhé-
sion pure et simple ;
Que les projets de la section Tanger-et-banlieue seront
communiqués à la fois au Gouvernement français et au
Gouvernement espagnol et ne pourront être approuvés
qu'après avis conforme de ces derniers, l'absence de toute
protestation dans un délai de quinze jours équivalant
d'ailleurs, ici encore, à une acceptation pure et simple.
Chacun des deux Gouvernements s'engage à statuer
dans un délai maximum de deux mois à compter du jour
de sa présentation, sur chaque projet à lui soumis, soit en
l'approuvant, soit en y prescrivant les modifications et re-
maniements qu'il jugerait utiles. Il fixerait, dans ce dernier
cas, la date extrême à laquelle devrait lui être présenté à
nouveau le projet modifié et remanié, et statuerait au sujet
de celui-ci dans un délai maximum d'un mois après cette
présentation nouvelle.
Chacun des projets susvisés fera, aussitôt définitivement
approuvé, l'objet d'une adjudication au rabais sur série de
prix, pour laquelle devront être observées les règles que
stipule l'article 6, paragraphe I et 2 du traité franco-
allemand du 4 novembre 19111.
Les fournitures de matériel fixe et de matériel roulant
seront, pour chacune des trois sections de la ligne, adju-
gées dans les mêmes formes.
Les adjudications seront poursuivies et prononcées,
pour chacune des trois sections, par l'autorité dont aura
émané la concession.
ART. 8. — Chacune des trois sections de la ligne donnera
lieu à des comptes annuels distincts en ce qui concerne,
d'une part, le premier établissement ; d'autre part,
les travaux complémentaires, et enfin l'exploitation.
Les règles à suivre pour la répartition des recettes et des
dépenses entre les trois sections et, dans chacune d'elles,
entre les trois comptes ci-dessus, seront fixées par l'acte
de concession.
La vérification des susdits comptes sera opérée, pour
chaque section, par les services chargés du contrôle de la
construction et de l'exploitation en vertu des articles 9 et
10 ci-dessous ; l'homologation n'en sera toutefois prononcée
qu'après qu'ils auront été communiqués aux services des
autres sections, lesquels auront un délai d'un mois pour
présenter à leur sujet telles observations qu'ils jugeraient
utiles.
ART. 9. — Le contrôle de la construction sera exercé, la

1. Cela fait allusion aux conditions suivant lesquelles doit avoir


lieu l'adjudication pour les travaux et fournitures des chemins de fer.
réception des ouvrages prononcée et leur mise en service
autorisée :
Sur les sections française et espagnole respectivement par
les ingénieurs de l'Etat français et de l'Etat espagnol ;
Sur la section Tanger et banlieue par le service de la
taxe spéciale, et, au cas où ce dernier viendrait à dispa-
raître, par celui auquel seraient transférées ses attribu-
tions actuelles.
ART. 10. — L'exploitation sera assurée sur la ligne en-
tière en observant les règles établies par l'article 6, paragra-
phe 3, du traité franco-allemand du 4 novembre 1911 1.
La police en sera faite, en conformité des lois et règle-
ments français et espagnol sur leurs sections respectives
et par l'autorité qualifiée à cet effet sur la section Tanger et
banlieue.
Le contrôle en sera assuré, sur chaque section, par le
même service que celui de la construction, étant entendu
que le contrôle tangérois devra, notamment à la gare ter-
minus de Tanger, prescrire telles mesures qui seraient
reconnues utiles à la bonne exploitation de la ligne prise
dans son ensemble et veiller à leur exécution.
ART. 11. — Le Gouvernement français, le Gouvernement
espagnol et l'autorité tangéroise qualifiée à cet effet homo-
logueront respectivement les tarifs intéressant exclusive-
ment la section française, la section espagnole et la section
Tanger-et-banlieue; les tarifs intéressant à la fois deux
des sections de la ligne ou les trois sections de celle-ci
devront être homologués par chacune des administrations
zonières intéressées.
ART. 12. — Au cas où la compagnie concessionnaire,
soit pendant la période de construction, soit après l'ouver-
ture de l'exploitation, ne satisferait pas à l'une des obliga-
tions essentielles de son contrat, elle serait mise en demeure
de prendre, dans un délai déterminé, lequel ne pourra être
inférieur à un mois, ni supérieur à trois, telles mesures que

1. Cela fait allusion au principe de l'égalité entre les nations qui


doit être observé dans l'exploitation des chemins de fer.
de droit. A défaut par elle de déférer à cette mise en demeu-
re, elle sera déclarée déchue.
La mise en demeure pourra être notifiée et la déchéance
prononcée par chacun des Gouvernements français et espa-
gnol, pour la section de ligne située sur son territoire sous
réserve d'en donner avis à l'autre.
Si la déchéance était prononcée à la fois pour la section
française et pour la section espagnole, elle le serait ipso
facto et de plein droit pour la section Tanger-et-banlieue.
ART. 13. — Chacun des deux Gouvernements français et
espagnol se réserve le droit de procéder, à une date quel-
conque après la mise en exploitation de la ligne entière,
au rachat de la section de ladite ligne située sur son terri-
toire, le prix du rachat étant calculé sur les bases qui seront
fixées par l'acte de concession.
Il devra, dans ce cas, prévenir trois mois à l'avance de
ses intentions tant l'autre Gouvernement que l'autorité
tangéroise, de façon que puissent être arrêtées de concert
les mesures intéressant à la fois les exploitations ainsi de-
venues distinctes des sections rachetées et non rachetées
de la ligne.
Celui des deux Gouvernements qui aura usé de son droit
de rachat devra, ou exploiter lui-même en régie la section
rachetée, ou n'en rétrocéder la concession qu'à une société
de sa nationalité.
ART. 14. —La France et l'Espagne s'engagent à faire tou-
tes démarches utiles pour que la concession de la section
Tanger-et-banlieue soit, ou prononcée par l'autorité tan-
géroise en même temps que les concessions française et
espagnole si ladite autorité est à ce moment constituée;
ou acceptée par cette même autorité immédiatement après
sa constitution si elle avait dû être, en attendant celle-
ci, prononcée par les deux Gouvernements en conformité du
dernier alinéa de l'article
Fait à Madrid, novembre
le27 1912.
GEOFFRAY
GARCIA PRIETO.
DES MATIÈRES

Pages
AVANT-PROPOS v

CHAPITRE I
CONVENTION CONCLUE, LE 4 NOVEMBRE 1911,
ENTRE LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE

§ I. — Historique de cette Convention 1


§ II. — Analyse de cette Convention 13

CHAPITRE II
TRAITÉ CONCLU, LE 30 MARS 1912, ENTRE LA FRANCE
ET LE MAROC

§ I. — Historique de ce traité 25
§ II. — Analyse de ce traité 35

CHAPITRE III
DÉCLARATION SIGNÉE, LE 28 OCTOBRE 1912,
ENTRE LA FRANCE ET L'ITALIE

§ I. — Historique de cette déclaration 45


§ II. — Analyse de cette déclaration 47

CHAPITRE IV
CONVENTION CONCLUE, LE 27 NOVEMBRE 1912,
ENTRE LA FRANCE ET L'ESPAGNE

§ I. — Historique de cette Convention 49


§ II. — Analyse de cette Convention 66
APPENDICE

DOCUMENT N° 1
Pages
Convention relative au Maroc signée à Berlin, le 4 novembre
1911, entre la France et l'Allemagne au sujet du Maroc 75
Lettres explicatives : I. — M. de Kiderlen-Waechter, secrétaire
d'Etat pour les Affaires étrangères à M. Jules Cambon,
ambassadeur de la République française à Berlin 80
II. — M. Jules Cambon, ambassadeur de la République fran-
çaise à Berlin, à M. de Kiderlen-Waechter, secrétaire d'Etat
pour les Affaires étrangères 83

DOCUMENT N° 2

Traité conclu à Fez, le 30 mars 1912, entre la France et le Maroc,


pour l'organisation du protectorat français dans l'empire
chérifien 86
Lettres explicatives : I. — M. Regnault, ministre de France au
Maroc, en mission à Fez, à S. M. Moulay-Hafld, Sultan du
Maroc 89
II. — M. Regnault, Ministre de France au Maroc, en mission à
Fez, à S. M. Moulay-Hafld, Sultan du Maroc

DOCUMENT N° 3

Déclaration signée à Paris, le 28 octobre 1912, entre la France


et l'Italie par M. Poincaré, président du conseil, ministre des
affaires étrangères et M. Tittoni, ambassadeur d'Italie....

DOCUMENT N° 4

Convention conclue à Madrid, le 27 novembre 1912, entre la


France et l'Espagne en vue de préciser la situation respec-
tive des deux pays à l'égard de l'Empire chériflen 94
Lettres explicatives : I. — L'Ambassadeur de France au Mi-
nistre d'Etat 109
II. — Le Ministre d'Etat à l'Ambassadeur de France 111

DOCUMENT n° 5

Protocole conclu à Madrid, le 27 novembre 1912, entre la


France et l'Espagne, concernant le chemin de fer de Tanger-
Fez 113
CARTES
Pages
Port d'Agadir 7
Plan de la ville de Fez 27

Limoges. — Imprimerie Ducourtieux et Goût, 7, rue des Arènes.

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