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REVUE DE LITTERATURE SUR LA DIFFERENCE HEMISPHERIQUE

Cerveau droit, cerveau gauche : le mythe

C'est plus qu'un mythe ce qui s'est développé autour de l'asymétrie du cerveau. C'est une véritable croyance.
L'hémisphère gauche du cerveau est supposée être le siège de la logique froide, du verbal, côté dominant,
tandis que l'hémisphère droit est sensé être le côté de l'imagination, des émotions, de la conscience de l'espace
mais côté refoulé, l'idée que le cerveau gauche est celui de la raison et le cerveau droit celui du désir, des
passions et des affects. Deux personnalités dans une tête en quelque sorte, tel le Yin et le Yang, le héros et le
méchant.

Pour la plupart des neuroscientifiques ces notions sont considérées comme au mieux simplistes, au pire
stupides. Ainsi, ce fut dans une satisfaction générale qu'il y a quelques années, un simple scanner du cerveau
révéla la véritable histoire d'une des plus grandes énigmes de la neurologie : quelle est véritablement la
différence entre les deux côtés du cerveau ? Heureusement, ou malheureusement, cela dépend des théories
que vous affectionnez le plus, la belle image révélée par ce travail s'est avérée beaucoup moins romantique que
la théorie en vigueur, curieusement complexe et difficile à prouver.

Les personnes à l'origine du test au scanner, les neurologues cliniques Gereon Fink de l'Université de
Düsseldorf en Allemagne, et John Marshall de l'Hôpital Radcliffe d'Oxford, persistaient dans l'idée selon laquelle
la différence entre les deux hémisphères du cerveau se trouvait dans leur mode de fonctionnement. Le cerveau
gauche, estimaient-ils, se concentre sur les détails. Ce qui en ferait le siège naturel de l'habileté mentale, nous
aidant à réagir devant la série des perceptions fragmentaires continues de ce que nous voyons, habileté telle
que celle de reconnaître le visage d'un ami au milieu de la foule, ou d'aligner des mots pour en faire une
phrase. Le cerveau droit quant à lui se concentre sur un plan plus vaste, plus large, plus général. Les
chercheurs pensent qu'il a une vue panoramique lui permettant d'avoir une bonne vision générale des
connexions, cet hémisphère est plus apte à se représenter la position des objets dans l'espace et à traiter des
aspects plus émotionnels et métaphoriques du langage. Pour faire plus bref et condensé : un côté du cerveau
pense et voit dans un angle large pendant que l'autre zoom plutôt sur les détails.

Pour vérifier cette idée, ils travaillèrent en équipe avec le laboratoire de l'Institut de Neurologie de Londres et
scannèrent des cerveaux de personnes qui regardaient une série d'images, appelées lettres Navon, ce sont des
images dans lesquelles une grande lettre comme un S est réalisée à partir de plusieurs petites lettres - comme
une série de F (voir image ci-dessous). Les chercheurs demandaient aux sujets de dire s'ils voyaient l'image
globale (le gros S) ou les éléments le constituant (les petits F) pendant qu'un produit chimique injecté dans leur
sang révélait quel côté du cerveau travaillait le plus lors de chaque compte-rendu.

Les résultats semblaient admirablement clairs. Quand les sujets se concentraient sur les
petites lettres, la région du côté gauche s'agitait, quand ils devaient regarder pour voir la
forme globale, le côté droit s'échauffait. Quelques mois plus tard, en Août 1996, Fink,
Marshall et leurs collègues publièrent un papier dans Nature (vol 382, p 626). D'autres
travaux paraissaient converger vers une conclusion identique, ce qui aida sans doute les
travaux de l'article à se voir rapidement acceptés. En fait, le mythe populaire à propos des
hémisphères grandissait en grande partie à partir des recherches sur le "cerveau divisé" (split

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brain) des années 1960, comme celles qui permirent à Roger Sperry de Caltech de remporter un prix Nobel.
Lors d'un traitement draconien de l'épilepsie, les chirurgiens ont opéré des patients en leur coupant la solive du
cerveau (le corps calleux), le gros paquet de nerfs qui forme la principale connexion entre les hémisphères
cérébraux, rendant indépendants leurs fonctionnements respectifs. L'opération chirurgicale révéla ce que Sperry
décrivait comme "deux sphères de la conscience" verrouillées dans la tête de chacun : le côté gauche contenant
le langage, le mode rationnel et intellectuel alors que le côté droit pourvoit aux capacités spatiales.

Par exemple, lors d'un test dans lequel des patients au "cerveau divisé" avaient à mettre ensemble une série
d'objets domestiques, le cerveau gauche les réunirait par fonction et le cerveau droit par leur apparence. Donc,
lorsqu'ils voient un gâteau sur une assiette, le cerveau gauche ferait une liaison avec la fourchette et une
cuillère tandis que le cerveau droit sélectionnerait plutôt l'image d'un chapeau. Cet élément semblait conforter
l'idée d'un cerveau hautement modulaire dans lequel, par exemple, penser logiquement était une fonction du
seul hémisphère gauche alors que l'imagerie mentale et la conscience spatiale étaient réservées au côté droit.

Mais, dit Joseph Hellige, psychologue de l'University of Southern California, cette image simpliste changea dès
lors que des expériences, dans lesquelles des scanographies de cerveaux en action furent réalisées, qui
commencèrent à montrer que les deux côtés du cerveau jouaient un rôle tout aussi actif lors de tels processus.
Plutôt, il semblait même que ce fut les modes de traitement qui permettaient de discerner les deux moitiés
l'une de l'autre. Sous le scanner, le langage était en fait représenté des deux côtés du cerveau, dans des
régions reliées du cortex. Les régions de gauche avaient affaire avec les aspects centraux du langage comme la
grammaire et la production de mots, alors que des aspects comme l'intonation et l'accentuation agitaient le
côté droit. De la même manière, le cerveau droit se montra très habile quand il travaillait avec un sens "global"
de l'espace, tandis que les régions équivalentes du cerveau gauche s'enflammèrent quand quelqu'un pensait à
des objets localisés précisément.

Des expériences sur les temps de réaction semblaient aussi appuyer la notion que les deux hémisphères
différaient totalement dans leurs modes de traitement.

Un des trucs utilisés par les chercheurs pour s'assurer qu'une image passait par un hémisphère en premier
avant de traverser via la solive du cerveau, est de flasher une "forme Navon" soit à l'extrême gauche soit à
l'extrême droite du champ visuel, d'où il passe en premier lieu jusqu'au côté opposé du cerveau. Si la nature du
stimulus et la préférence de l'hémisphère sont compatibles, alors la personne peut répondre légèrement plus
rapidement et plus précisément dans l'identification de la lettre locale ou globale. Plus étonnant encore, les
chercheurs découvrirent qu'il en était de même chez les chimpanzés et peut-être même chez d'autres primates.
L'hypothèse a toujours été que l'usage de la main et l'asymétrie du cerveau étaient propres à l'homme, en tant
que partie de la grande réorganisation du cerveau qui permit à nos ancêtres d'utiliser des outils, de parler et
peut-être même de penser rationnellement. Mais l'usage de la main est de nos jours attesté chez les primates
et même les oiseaux, batraciens et baleines. Ces dernières années, des psychologues comme William Hopkins
du Berry College de Georgie ont testé des chimpanzés et des babouins avec des stimuli du type Navon qui
suggérèrent que leurs hémisphères différaient aussi dans leur mode de fonctionnement.

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Naissance d'un mythe

L'idée que les hémisphères ne sont pas équivalents et que chacun a sa spécialisation est ancienne,
mais la "théorie des deux cerveaux" lancée dans les années 70 par trois neurologues de l'Université
Harvard, Geschwind, Levitsky et Galaburda, l'a largement popularisée. Selon cette approche, chaque
hémisphère cérébral joue un rôle particulier : on parle de "latéralisation" du cerveau. L'hémisphère
gauche est considéré comme le spécialiste du langage et de la pensée rationnelle. De son côté,
l'hémisphère droit est vu comme le siège de la représentation de l'espace et des émotions. Cette
conception s'est d'abord fondée sur des observations anciennes réalisées chez des patients porteurs de
lésions cérébrales. Paul Broca, notamment, en 1861, avait repéré dans l'hémisphère gauche une zone
systématiquement endommagée chez des sujets ayant perdu la capacité de parler (aphasie). (Cette
zone importante pour le langage fut d'ailleurs nommée "aire de Broca"). D'autres corrélations ont
suivi, permettant de relier région lésée et perte de fonction. Une lésion survenant dans l'hémisphère
droit induit généralement une altération des capacités à percevoir les formes et à s'orienter. De proche
en proche, une cartographie du cerveau a pu être établie, avec des aires nécessaires à la vision,
l'audition, la motricité, le langage, etc.

Ces observations ont été très importantes à l'époque pour la compréhension du fonctionnement du
cerveau, dont l'étude commençait à peine. Cependant, il faut garder à l'esprit que les effets de lésions
cérébrales doivent être interprétées avec prudence. Car le fait d'observer un trouble fonctionnel suite à
la lésion d'une région n'implique pas obligatoirement que cette région soit le siège de la fonction. Par
exemple si la parole disparaît, cela signifie que la zone touchée est nécessaire à l'expression verbale,
mais elle n'est pas forcément suffisante. Le déficit induit par une lésion ne dit pas tout d'une fonction.

Malgré des bases expérimentales manifestement peu étayées, la théorie des deux cerveaux a séduit
beaucoup de monde car elle est simple et cristallise une représentation bipolaire du monde. On ne
s'étonnera pas que cette théorie soit devenue le creuset de toutes sortes de spéculations plus ou
moins mystiques. Dans les années 70, à l'heure où le mouvement hippy recherchait des méthodes
d'épanouissement, de nouveaux gourous ont exploité le filon symbolique des deux cerveaux, présentés
comme le yin et le yang. A gauche le langage, la raison, l'esprit d'entreprise et tout ce qui représente
les valeurs de l'Occident. A droite, la perception de l'espace, l'affectivité, la contemplation et les
valeurs de l'Orient et de l'Asie. Nombres d'ouvrages et de stage "d'initiation" proposaient des
méthodes pour "penser équilibré". Et le filon n'est toujours pas épuisé ! Ces arguments sont toujours
utilisés dans une certaine presse grand public.

Extrait tiré de Cerveau, sexe et pouvoir. de C Vidal, D Benoit-Browaeys

Hopkins réalisa des tests similaires à ceux réalisés sur des humains, mais en utilisant des modèles de formes
géométriques, comme des carrés, constituant une forme plus grosse telle qu'un cercle, différence locale contre
globale que les chimpanzés pourraient reconnaître. Les chimpanzés eurent à choisir entre la forme globale ou la
forme locale dans une sélection de symboles présentés après chaque épreuve. Il admit que ses résultats
n'étaient pas aussi clairs et précis que ceux avec des humains, il ne put démontrer qu'un avantage du cerveau
gauche pour le stimuli local, mais il y avait bien un certain degré de latéralisation.

Il essaya ensuite avec des chimpanzés qui avaient appris à communiquer dans un langage à base d'images. Il
flasha des symboles d'un côté du champ visuel ou de l'autre et mesura encore le temps de réaction. Bien que le
langage des chimpanzés était rudimentaire, il sembla que ce fut le cerveau gauche qui prit la responsabilité de
la tâche "locale" de déchiffrement les symboles significatifs de ceux qui ne l'étaient pas, disait Hopkins (Journal
of Experimental Psychology: General, vol 120, p 45). La conclusion étonnante de cette étude est qu'une division
du travail entre les deux côtés du cerveau semble bien avoir déjà été avant que l'homme n'apparaisse.

Muni de toutes ces données, Hellige déclara que les chercheurs en étaient enfin venus à voir la réelle
distinction entre les deux hémisphères comme un processus subtil, chaque faculté mentale étant répartie de
part et d'autre du cerveau, chaque côté contribuant de manière complémentaire et non pas, comme on le
croyait auparavant, de manière exclusive. Un cerveau brillant et alerte étant un cerveau qui saisit

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simultanément à la fois le "premier plan" et "l'arrière plan" du moment.

Le problème ensuite était de trouver comment exactement le cerveau arrivait à produire ces deux styles
contrastant. Selon Hellige, lui et plusieurs autres chercheurs cherchaient l'explication dans une simple
différence de "câblage" dans le cerveau. Cette théorie stipulait que les neurones dans le cortex gauche
pouvaient avoir des connexions minces, clairsemées et courtes avec leurs voisins, tandis que les cellules de
l'autre côté devaient être connectées plus richement et plus généreusement. Le résultat de tout cela devait être
que la représentation des sensations, de la mémoire et même des plans moteurs serait limitée à des aires
relativement petites et discrètes dans l'hémisphère gauche, alors que les mêmes éléments correspondraient à
une région du côté droit dont l'activité serait étendue.

Les supporters de cette idée affirmaient que ces différences structurelles expliqueraient pourquoi les régions
dédiées au langage du cerveau gauche sont si douées dans les représentations de mots et de chaînes de mots,
tandis que le cerveau droit semble fournir la vaste conscience du contexte et de la signification. Une découverte
remarquable, venant de personnes qui souffrent de lésions du cerveau droit, est celle montrant qu'ils étaient
capables de comprendre le sens littéral des phrases, leur cerveau gauche étant toujours en mesure de décoder
les mots, mais qu'ils ne pouvaient pas bien saisir le sens des blagues ou des allusions. Lorsqu'on leur
demandait d'expliquer ne serait-ce qu'un simple proverbe commun, tel que "qui paye ses dettes s'enrichit", ils
ne pouvaient que répondre que cela avait un rapport avec l'argent. Un cerveau droit intact se révélant
nécessaire pour ces connexions plus "joueuses".

Bien que cette théorie n'ait pas de support anatomique (seulement un comptage des connexions neurales sous
microscope), les simulations par ordinateur en font une hypothèse suffisamment convenable. Par exemple, des
chercheurs comprenant Robert Jacobs de l'Université de Rochester de New York, montrèrent que changer la
richesse et la distance des interconnexions entre des neurones dans un réseau neural artificiel modifie les
performances du réseau. Ce qui peut faire la différence quand il s'agit de reconnaître des formes spécifiques ou
pour les regrouper en général.

Mais les différences de câblage ne sont pas les seuls concurrents à vouloir rendre compte de l'origine des
prédispositions des hémisphères du cerveau. Une des principales raisons pour lesquelles le papier de Fink et
Marshall dans Nature attirait tant l'attention venait du fait qu'il semblait soutenir une toute autre théorie : celle
que ces prédispositions étaient orchestrées par de "hautes" régions du cortex.

La perception visuelle semble émerger dans le cerveau à travers un processus hiérarchique dans lequel les
régions "inférieures" du cerveau envoient des signaux lorsqu'elles décèlent les simples aspects de l'image
tombée sur la rétine, comme des lignes verticales ou horizontales, ou des mouvements dans différentes
directions. Ces signaux sont alors transformés en scènes significatives par les régions "supérieures". Mais il ne
s'agit pas d'un processus passif. Les régions du niveau supérieur peuvent dire aux régions inférieures ce sur
quoi elles doivent se concentrer ("Wild Minds", New Scientist, 13 December 1997, p 26). Ce système de feed-
back peut supprimer l'activité de certaines cellules et augmenter la sensibilité d'autres. Le résultat est que le

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cerveau peut mettre en valeur ce qu'il veut voir.

Les expériences de Fink et de Marshall semblèrent le confirmer. Fink dit que les régions tout autour des aires
de haut niveau connues pour être cruciales pour diriger l'attention du cerveau, (le cortex pariétal inférieur et sa
jonction avec le cortex temporal) s'échauffaient chaque fois que l'attention passait des caractéristiques locales
aux globales (des détails au général).

Mais ils trouvèrent aussi une activité florissante dans les "bas" niveaux du cortex visuel, régions connues sous
le nom de V2 et V3. Ces régions du côté droit rayonnaient lorsqu'elles faisaient l'effort de percevoir l'image
dans sa globalité, et son équivalent dans le côté gauche s'échauffait quand on demandait aux sujets de se
concentrer sur les formes locales. Alors que l'image du scanner du cerveau montrait que seules ces régions
étaient actives, mais n'expliquait pas pourquoi, les résultats collaient parfaitement bien à l'idée que le cerveau
pouvait diriger son attention localement ou globalement, disait Fink.

Il planifia d'explorer cette idée en ayant recours au système de la magneto-encephalographie (MEG) de


l'Université de Düsseldorf qui peut enregistrer les petits champs magnétiques générés par les neurones actifs,
et sera donc capable de suive le chemin des enchaînements en temps et en heure. Ce qui pourrait montrer si
les régions de "haut niveau" conduisent vraiment celles du "bas niveau". Mais rien, à propos du cerveau, n'est
jamais acquis. Alors que tout devenait plus clair, Marshall brouilla les cartes. Il ne put résister à la tentation de
refaire l'expérience en la modifiant. Cette fois-ci, il utilisa l'image d'un objet dans laquelle une large forme,
comme une ancre, est faite à partir de petites formes comme des tasses. Naturellement, l'équipe s'attendait à
obtenir les mêmes résultats qu'auparavant.

Marshall se souvient du jour où les résultats furent dévoilés et Fink les lui donna silencieusement, attendant
de voir sa réaction. "Tout était piriforme", dit Marshall. Le modèle de l'activité était complètement renversé. Les
scanners montrèrent une activation du cerveau gauche lors du processus de visualisation de l'image globale et
une activation du côté droit pour les éléments locaux.

Les résultats avaient tellement changé que Marshall plaisantait en déclarant que les sujets avaient dû se
mettre sur le ventre au lieu d'être sur le dos. Puis, plus sérieusement, il se demanda si le logiciel d'analyse de
l'image n'avait pas tourné à l'envers. Mais il n'y avait aucune erreur. L'équipe, déçue, fut obligé de publier un
papier faisant état de résultats à l'opposé de ceux publiés dans leur précédent et fameux papier
de Nature (Proceedings of the Royal Society B, vol 264, p 487, 1997). Ensuite, il durent chercher ce qui avait
donné la précédente et fausse conclusion. Pourquoi, lorsqu'on utilise un objet au lieu d'une lettre, cela
renverse-t-il le côté du cerveau en activité ?

Fink et Marshall devaient maintenant trouver une réponse. Ils ont réalisé un certain nombre d'expériences.
Dans l'une d'elles non publiée, ils ont fait l'hypothèse d'une différence dans les mouvements des yeux comme
possible explication. Pendant un moment ils pensaient que les sujets avaient pu regarder uniquement d'un côté
quand ils choisissaient de regarder les petites figures et c'est ce qui aurait causé une activité excessive sur un
côté. Mais contrôler cette hypothèse ne fit aucune différence. Fink avait le sentiment que ce résultat capricieux
et surprenant avait quelque chose à voir avec le fait que dans les objets navon, les éléments locaux sont très
petits, plus petits que les lettres du test précédent. Il se pourrait donc que la difficulté de discerner de telles
petites formes changeât la nature du travail. Au lieu que le cerveau n'augmente la sensibilité du chemin local, il
se serait affairé à interdire la concentration sur la forme globale, créant apparemment un point métabolique
chaud dans le "mauvais" hémisphère. Il ne s'agit là bien évidemment que de spéculation, et l'équipe projetait
de faire de plus amples tests dès qu'ils auront trouvé comment faire concorder l'état de changement de
concentration entre les détails et le global, aussi bien des lettres que des objets. Ce qui pourrait signifier
changer les tailles relatives des éléments et peut-être même utiliser plus de formes géométriques.

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Pour certains, la situation était désordonnée et confuse. Les résultats tant attendus étaient atteints pour mieux
être chamboulés l'année suivante, la belle histoire de la latéralisation du cerveau s'éloignait à jamais. Mais Fink
croyait que le message était tout autre. En général, la masse de preuves suggère toujours que le cerveau
gauche est prédisposé au détail et que le droit est incliné vers plus de globalité. Mais il ajouta que les effets sur
l'activité du cerveau dépendent plutôt de la nature de la tâche réalisée. Même si l'attention dirige le cerveau
dans la manière vers laquelle il choisit de traduire un signal, cela ne veut pas dire que la théorie du câblage
neural est morte, dit Fink. Il peut toujours y avoir une prédisposition due au câblage, se formant quand le
cerveau se développe, qui réaliserait une sorte de classification grossière de l'information entrant dans le
cerveau. L'attention amplifierait l'effet lorsque l'appel se focalise dans une direction particulière.

Une telle complexité, et une telle impatience, au sujet du cerveau signifient bien que la recherche récente sur
les hémisphères n'en est qu'à ses balbutiements. En tout cas, cet épisode, qui continue de nos jours, ne semble
pas troubler les partisans de la vieille caricature au sujet des hémisphères cérébraux dans l'idée que le cerveau
gauche est celui de la raison et le cerveau droit celui du désir, des passions et des affects, ni des bouquins
exhortant les gens à "libérer leur cerveau droit et à éviter la sous-occupation ou le sous-développement du côté
gauche", "à déterminer si vous êtes plus orienté vers le cerveau gauche ou droit, ou si vous utilisez la totalité
du cerveau". Les stages de "développement personnel" et de management, qui ne développent en fait que le
compte en banque de leurs promoteurs en ayant recours aux vieux poncifs du partage des hémisphères.
Comme Fink le dit "quelle que soit l'histoire à propos de la latéralisation, une simple dichotomie des
hémisphères est totalement hors sujet. Ce qui compte, c'est comment les deux côtés du cerveau se complètent
et s'associent". Les vieilles théories, récupérées parfois par la "philosophie" new-age, feront encore sûrement
parler d'elles, en ce sens qu'il faut bien meubler les stages "comportementaux", en ayant recours, si besoin, à
une simplification qui frise la ringardise.

Pour aller plus loin :


- Cerveau droit-cerveau gauche, Lucien Israël
- Cerveau, sexe et pouvoir. C Vidal, D Benoit-Browaeys
- Comprendre notre cerveau, J.-M. Robert
- L'homme neuronal, J.-P. Changeux
- Biologie de la conscience, Gerard M. Edelman

A visiter :
- La kinésiologie
- Le cerveau fainéant

Références :
- Human brain : left-right asymmetries in temporal speech region. N. Geschwind, W Levitsky. Science 1968
- Evaluating the empirical support for the Geschind-Behan-Galaburda model of cerebral lateraltisation. M.P. Bryden et al. Brai & Cognition 1994

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