50 Clés Pour Comprendre L'astronomie - Dunod
50 Clés Pour Comprendre L'astronomie - Dunod
ASTRONOMIE
JOANNE
BAKER
introduction
L’astronomie est l’une des sciences les plus anciennes et les plus profondes. Depuis la
traque du mouvement du Soleil et des étoiles par nos ancêtres, les connaissances que
nous avons acquises ont radicalement modifié la perception de la place de l’Homme
dans l’Univers. Chaque avancée a eu des répercussions sociales. Au xviie siècle, Galilée
fut arrêté pour avoir affirmé que la Terre tournait autour du Soleil. Les preuves du
fait que notre système solaire est éloigné du centre de la Voie lactée ont provoqué
pareils sursauts d’incrédulité. Et Edwin Hubble, dans les années 1920, a clos le débat
en découvrant que la Voie lactée n’est qu’une des milliards de galaxies dispersées
dans un vaste univers en expansion, vieux de 14 milliards d’années.
01 L es planètes
Combien de planètes compte le système solaire ? Il y a quelques années,
chacun pouvait facilement répondre : neuf. Ce n’est plus si simple !
Les astronomes ont tout chamboulé en découvrant dans la froideur
glacée des confins du système solaire des corps rocheux soutenant
la comparaison avec Pluton ainsi que des centaines de planètes tournant
autour d’étoiles lointaines. Contraints d’en redéfinir le concept,
ils préconisent désormais de décompter dans notre système solaire huit
planètes dignes de ce nom et quelques planètes naines comme Pluton.
Les planètes – nous le savons depuis la Préhistoire – sont différentes des étoiles.
Leur nom vient du Grec « errant » : elles se déplacent dans le ciel nocturne
tandis que les étoiles en forment l’immuable toile de fond. Nuit après nuit, les
étoiles constituent les mêmes motifs : leurs constellations tournent ensemble
lentement autour des pôles Nord et Sud, chaque étoile gravant son cercle
dans le firmament. Mais les positions des planètes par rapport aux étoiles se
déplacent légèrement chaque jour, poursuivant à travers ciel une trajectoire
inclinée dans un plan appelé écliptique. Tandis que les planètes tournent
autour du Soleil, leur mouvement se fait dans le même plan dont la projection
dans le ciel forme un trait.
Les principales planètes autres que la Terre sont connues depuis des millé-
naires : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. On peut facilement les voir
à l’œil nu. Elles occultent souvent les étoiles voisines et leurs mouvements
contraires leur confèrent un statut mythique, encore grandi par l’arrivée des
télescopes au xviie siècle : Saturne est entourée d’élégants anneaux, Jupiter
s’enorgueillit d’une ribambelle de lunes tandis que la surface de Mars est striée
de canaux sombres.
chronologie
350 av. J.-C. 1543 1610 1781
Aristote établit Copernic publie Galilée observe William Herschel
que la Terre sa théorie à la lunette découvre Uranus
est ronde héliocentrique les satellites
de Jupiter
Les planètes 5
Puis, en 1930, ce fut l’existence de Pluton qui fut corroborée. Comme pour
Neptune, de petits écarts dans les mouvements attendus des planètes périphé-
riques suggéraient la présence d’un corps situé au-delà – on l’appela la pla-
nète X. Aux États-Unis, Clyde Tombaugh, du Lowell Observatory, le repéra
en comparant des photographies du ciel prises à différents moments : c’est
par son mouvement que la planète s’est révélée. Mais c’est à une écolière qu’il
appartint de lui donner un nom. Venetia Burney, d’Oxford au Royaume-Uni,
remporta le concours lancé à cette fin en proposant un nom d’inspiration clas-
«
sique : Pluton, le dieu des Enfers. La planète Pluton a joué un grand rôle dans
l’imagerie populaire, depuis le chien de
la bande dessinée (Pluton se dit Pluto en Comme les continents,
anglais) jusqu’au récent plutonium. les planètes sont davantage
Pluton déchue Notre système solaire
définies par notre façon
de les voir que par une
»
à neuf planètes a tenu bon 75 ans, jusqu’à
ce que Michael Brown et son équipe du assertion énoncée
Caltech découvrent que Pluton n’était après coup.
pas seule. Aux confins glacés du système
solaire, ils ont trouvé quelques objets Michael Brown, 2006
d’assez belle taille, l’un d’entre eux étant même plus gros que Pluton lui-même.
Ils l’ont appelé Éris. Une question se posait à la communauté scientifique : la
découverte de Brown devait-elle être considérée comme une dixième planète ?
Et que dire des autres corps glacés proches de Pluton et Éris ? Le statut de
planète de Pluton était remis en cause. Les confins du système solaire étaient
jonchés d’objets recouverts de glace, Pluton et Éris n’en étant que les plus gros.
De plus, on connaissait ailleurs des astéroïdes rocheux de taille semblable, dont
Cérès, un astéroïde de 950 kilomètres de diamètre découvert en 1801 entre
Mars et Jupiter pendant la traque de Neptune.
»
conserver son statut à Pluton considérant
qu’il était d’ordre culturel. est-il l’enfer d’une autre
Selon eux, Éris devrait aussi être consi- planète.
dérée comme une planète. Pour les autres Aldous Huxley
participants, tous les corps glacés au-delà
de Neptune n’étaient pas de vraies planètes. Cela fit l’objet d’un vote lors
d’une assemblée générale en 2006. On décida d’une nouvelle définition d’une
planète. Jusque-là, il ne s’agissait pas d’un concept précis. Certains étaient
perplexes, estimant que c’était comme demander, par exemple, la définition
précise d’un continent : si l’Australie en est un, pourquoi pas le Groënland ?
Où l’Europe finit-elle et où l’Asie commence-t-elle ? Mais les astrophysiciens
ont fini par convenir d’un ensemble de règles.
Une planète est définie comme un corps céleste en orbite autour du Soleil,
de masse suffisante pour que sa gravité lui donne une forme sphérique et le
rende capable d’éliminer les corps voisins. D’après ces règles, Pluton n’est pas
une planète parce qu’elle ne remplit pas la dernière condition. Pluton et Éris
furent qualifiées de planètes naines, de même que Cérès. Les corps plus petits,
en dehors des satellites, restèrent non définis.
Une autre définition, celle d’une étoile, a elle aussi fini par être remise en cause.
Les étoiles sont des boules de gaz, tel le Soleil, suffisamment grosses pour que,
dans leur cœur, se soit enclenchée la fusion nucléaire. C’est là l’énergie qui fait
briller les étoiles. Mais il n’est pas évident de distinguer les boules de gaz de
taille planétaire, comme Jupiter, des étoiles les plus petites et les plus sombres,
les naines brunes. L’espace est peut-être peuplé d’étoiles qui ne se sont pas
allumées, voire de planètes à la dérive.
l’idée clé
Les planètes sont des objets
hors du commun
8 50 clés pour comprendre l’astronomie
02 Héliocentrisme
Nous savons aujourd’hui que la Terre et les planètes tournent autour du
Soleil mais il fallut que les preuves s’accumulent au xviie siècle pour que
cela finisse par être admis. Notre vision du monde en a été bouleversée :
les êtres humains n’étaient pas au centre de l’Univers, ce qui s’opposait aux
philosophies et religions dominantes de l’époque. Le débat se poursuit sur
la place de l’Homme dans le cosmos avec des arguments semblables, depuis
les dogmes créationnistes jusqu’aux aspects rationnels de la cosmologie.
chronologie
270 av. J.-C. IIe siècle
Les Grecs de l’Antiquité proposent Ptolémée ajoute des épicycles pour expliquer
un modèle héliocentrique le mouvement rétrograde
des planètes
Héliocentrisme 9
Cette idée d’épicycles s’installa. Elle fut affinée par la suite. Les philosophes
étaient séduits par l’idée que la nature mettait en œuvre de parfaites figures
géométriques. Mais, à mesure que la précision des mesures astronomiques aug-
mentait, les savantes combinaisons mathématiques parvenaient de moins en
moins à les expliquer : les données s’étoffaient, les contradictions aussi…
Même s’il était désormais sous le coup d’un interdit, Galilée restait convaincu
que son explication héliocentrique était la bonne. Le pape Urbain VIII lui
demanda de rédiger un compte rendu équilibré des deux points de vue : dans
son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, Galilée irrita le pontife en
manifestant sa préférence pour son propre point de vue par rapport à celui de
l’Église. Le Vatican le convoqua une nouvelle fois à Rome et le mit en accu-
sation pour avoir bravé l’interdit auquel il était soumis. Galilée fut assigné à
résidence jusqu’à la fin de sa vie, en 1642. Ce n’est que quatre siècles plus tard,
à l’occasion de l’anniversaire de la publication de l’ouvrage contesté, que le
Vatican fit des excuses formelles.
L’idée fait son chemin Les preuves que l’héliocentrisme était la bonne
façon de voir le système solaire se sont peu à peu accumulées au fil des siècles.
On vit que les lois de Kepler sur les orbites tenaient bon et elles influencèrent la
théorie de la gravitation de Newton. Des planètes plus lointaines furent décou-
vertes et le fait qu’elles tournaient autour du Soleil paraissait évident. Mettre
l’Homme au centre de tout n’était plus tenable.
l’idée clé
Au centre, le Soleil
12 50 clés pour comprendre l’astronomie
Dans leur mouvement autour du Soleil, les planètes les plus proches de lui se
déplacent plus rapidement que celles qui en sont plus éloignées. Mercure ne
fait le tour du Soleil qu’en 80 jours terrestres. À la même vitesse, il ne faudrait à
Jupiter que 3,5 années terrestres pour parcourir son orbite, alors qu’il lui en faut
douze en réalité. Dans leur ballet, les planètes passent les unes devant les autres
et, pour un observateur terrestre, certaines semblent parfois rebrousser chemin.
Du temps de Kepler, ces mouvements « rétrogrades » constituaient une grande
énigme. C’est en la résolvant que vinrent à Kepler les idées qui le conduisirent
à établir ses trois lois du mouvement des planètes.
Les travaux de Kepler vinrent presque un siècle après que l’astronome polonais
Nicolas Copernic eut avancé que le Soleil se trouvait au centre de l’Univers
chronologie
Vers 580 av. J.-C. Vers 150 ap. J.-C. 1543
Pythagore énonce Ptolémée invente les épicycles Copernic propose un
que les planètes pour expliquer le mouvement système où les planètes
sont en orbite sur des sphères rétrograde des planètes tournent autour du Soleil
cristallines parfaite
Les lois de Kepler 13
Kepler s’essaya à modeler des orbites de planètes étayant ses idées géométriques
et, pour cela, il utilisa les données les plus précises disponibles : les tables com-
plexes des mouvements planétaires dans notre ciel méticuleusement établies
par Tycho Brahé. C’est dans ces colonnes de nombres que Kepler discerna des
motifs qui lui firent réviser son jugement et lui suggérèrent ses trois lois.
«
récentes.
La troisième loi va encore plus loin en expliquant comment les périodes orbi-
tales varient selon la taille des ellipses en suivant toute l’échelle des distances
des planètes au Soleil. Elle énonce que le carré de la période orbitale est propor-
tionnel au cube de la longueur du grand axe de l’ellipse de l’orbite. Plus grande
est l’ellipse, plus longue est la période, c’est-à-dire plus il faut de temps pour
parcourir l’orbite. Les planètes les plus éloignées se déplacent plus lentement
que les plus proches. Il faut près de 2 années terrestres à Mars pour opérer une
révolution, 29 à Saturne et 165 à Neptune.
«
Nous ne sommes qu’une race avancée
de singes sur une planète mineure tournant autour
d’une étoile très moyenne. Mais nous sommes capables
de comprendre l’Univers, ce qui fait de nous
quelque chose de tout à fait à part.
Stephen Hawking
»
Les lois de Kepler 15
Kepler parvint à unifier les principes en des lois géométriques dont il ignorait
la cause. Il pensait qu’elles provenaient de configurations géométriques sous-
jacentes de la nature. Il revint à Newton de les fondre dans une théorie de la
gravitation universelle.
l’idée clé
La loi des mondes
16 50 clés pour comprendre l’astronomie
04 L a gravitation
de Newton
Newton fit un pas de géant en rapprochant les trajectoires des boulets
de canon de celles de planètes, reliant ainsi la Terre et les cieux. Ses lois
de la gravitation demeurent parmi les concepts les plus féconds de
la physique, fournissant la clé des mouvements aussi bien sur Terre
qu’ailleurs dans l’Univers. Newton avança que tous les corps s’attirent
entre eux grâce à la force gravitationnelle, dont l’intensité décroît en
raison du carré de la distance.
On dit que c’est la chute d’une pomme depuis un arbre qui donna à Newton
l’idée de gravité. Quoi qu’il en soit, il fallut à Newton un gros effort d’imagina-
tion pour mettre au point des lois valides pour les mouvements tant terrestres
que célestes. Il comprit que les objets étaient attirés au sol par quelque force qui
les accélérait. Les pommes tombent des arbres mais que se passerait-il si ces der-
niers étaient encore plus hauts ? S’ils atteignaient la Lune ? Pourquoi celle-ci ne
tombe-t-elle pas sur la Terre comme le fait une pomme ? Autant de questions…
chronologie
350 av. J.-C. 1609
Aristote traite de la chute Kepler énonce les lois qui
des corps régissent les orbites des
planètes
La gravitation de Newton 17
»
dictions. Après des échanges épis-
tolaires avec son contemporain habitude dont il est difficile
Robert Hooke, il montra que la gra- de se débarrasser.
vité suit une loi en carré inverse :
Terry Pratchett
l’idée clé
Les masses s’attirent
20 50 clés pour comprendre l’astronomie
05 L’optique
de Newton
Les propriétés physiques de la lumière permettent aux astronomes de
révéler bien des secrets de l’Univers. Isaac Newton fut l’un des premiers
à tenter d’en percer la nature. En faisant passer de la lumière blanche
à travers un prisme, il découvrit qu’elle se décomposait dans toutes les
nuances de l’arc-en-ciel et montra que ces couleurs étaient contenues
dans la lumière blanche et non produites par le prisme. Nous savons
aujourd’hui que la lumière visible n’est qu’une partie du spectre des ondes
électromagnétiques, qui s’étend des ondes radio aux rayons gamma.
Dans les années 1660, Newton se livra chez lui à des expériences et démontra,
à l’aide de faisceaux lumineux et de prismes, que les nombreuses couleurs de la
lumière pouvaient être combinées pour restituer de la lumière blanche. Les cou-
leurs n’étaient pas le résultat de mélanges, pas plus qu’elles n’étaient produites
par le prisme lui-même comme on le croyait, mais constituaient les éléments
de base. Newton isola des faisceaux de lumière rouge et bleue et montra que
le passage à travers d’autres prismes ne pouvait plus les décomposer, prouvant
ainsi leur caractère élémentaire.
chronologie
1672 1678
Newton explique les Publication d’une théorie
arcs-en-ciel ondulatoire de la lumière par
Christiaan Huygens
L’optique de Newton 21
« La lumière nous
Les vagues sont des mouvements à grande échelle
»
d’invisibles molécules d’eau. Aussi Newton pen-
donne des nouvelles sait-il que les ondes lumineuses étaient, en fin de
de l’Univers. compte, les rides formées par de minuscules par-
ticules de lumière, les « corpuscules », qui étaient
Sir William Bragg même plus petits que les atomes.
Ce que Newton ne savait pas et qui ne fut découvert que des siècles plus tard,
c’est que les ondes lumineuses sont des ondes électromagnétiques – les ondes
de champs électriques et magnétiques couplés – et non la vibration de parti-
cules solides. Lorsqu’on découvrit le caractère ondulatoire de la lumière, les
idées corpusculaires de Newton furent abandonnées. Mais elles ressurgirent
sous une nouvelle forme quand Albert Einstein montra que la lumière pouvait
parfois se comporter comme un faisceau de particules transportant de l’énergie
mais n’ayant pas de masse.
infrarouge visible
À travers le spectre ultraviolet
micro-ondes
Les différentes couleurs de rayons X
la lumière sont la manifes- radio
tation du fait que ces ondes
rayons γ
électromagnétiques ont des
longueurs d’ondes diffé-
rentes. La longueur d’onde longueur d’onde
fréquence
est la distance entre deux
crêtes consécutives d’une
onde. Lorsqu’elle traverse un prisme, la lumière blanche se scinde en de nom-
breuses couleurs, chacune déviée par le verre selon un angle différent en fonc-
tion de sa longueur d’onde, la lumière rouge l’étant le moins et la bleue le plus.
Le spectre de la lumière visible apparaît alors dans l’ordre des longueurs d’onde,
depuis celle du rouge, la plus grande, jusqu’à celle du bleu, la plus petite, en
passant par toutes les autres couleurs de l’arc-en-ciel.
Qu’y a-t-il aux extrémités de l’arc-en-ciel ? La lumière visible n’est qu’une partie
du spectre électromagnétique. Elle a pour nous une grande importance du fait
que nos yeux se sont développés pour être sensibles à cette partie du spectre.
Les longueurs d’onde de la lumière visible sont, en gros, à la même échelle
qu’atomes et molécules – quelques centaines de millionièmes de millimètres.
Aussi les interactions entre lumière visible et atomes sont-elles importantes. Nos
yeux ont évolué pour s’adapter à la lumière visible parce qu’elle est très sensible
Ondes de matière
En 1924, Louis-Victor de Broglie a suggéré tons et même, il y a peu, des molécules, y
l’idée inverse que les particules de matière compris ces microscopiques molécules de
puissent aussi se comporter comme des carbone en forme de ballons de football
ondes. Il avança que tout corps possédait de carbone nommées « footballènes ». Les
une longueur d’onde associée, et donc que la objets plus gros ont de minuscules longueurs
dualité onde-particule était universelle. Trois d’onde, trop petites pour être vues, ce qui
ans plus tard, le concept d’onde de matière fait que nous ne pouvons pas remarquer
fut confirmé lorsqu’on observa des électrons leur comportement ondulatoire. Une balle
diffracter et interférer exactement comme la de tennis traversant un court a une lon-
lumière. Aujourd’hui, les physiciens ont aussi gueur d’onde de 10-34 mètre, ce qui est bien
vu des particules plus grosses se comportant plus petit que le diamètre d’un proton
comme des ondes – des neutrons, des pro- (10-15 mètre).
L’optique de Newton 23
En 1905, Einstein présenta une explication géniale. C’est davantage cela que
la Relativité qui lui valut le prix Nobel en 1921. Plutôt que décrire un métal
plongé dans un bain d’ondes lumineuses continues, il avança que l’effet pho-
toélectrique était produit par des billes individuelles de lumière qui percutaient
les électrons et les mettaient en mouvement. Chaque photon transportant une
certaine énergie, en rapport avec sa propre fréquence, celle de l’électron percuté
est aussi en rapport avec la fréquence de la lumière.
Un photon de lumière rouge (avec une basse fréquence) ne transporte pas suffi-
samment d’énergie pour déloger un électron mais un photon de lumière bleue
(une lumière de plus haute fréquence) en possède davantage et peut le mettre
en mouvement. Un photon ultraviolet possède davantage d’énergie et peut
culbuter un électron et lui conférer une vitesse plus grande encore. Augmenter
l’intensité de la lumière ne change rien : à quoi sert d’avoir davantage de pho-
tons rouges si aucun d’entre eux n’est capable de déplacer un électron ? C’est
un peu comme bombarder un lourd 4 × 4 avec des balles de ping-pong. Cette
idée d’Einstein de quanta de lumière a tout d’abord été impopulaire mais les
choses changèrent quand des expériences montrèrent que sa théorie farfelue
était vraie. Elles confirmèrent que l’énergie des électrons libérés augmentait
proportionnellement à la fréquence de la lumière.
l’idée clé
Au-delà de l’arc-en-ciel
24 50 clés pour comprendre l’astronomie
06 Lunette
et télescope
C’est avec l’invention, au xviie siècle, de la lunette astronomique que
commença l’astronomie moderne. Le système solaire s’offrit à nous,
révélant les anneaux de Saturne et permettant la découverte des planètes
extérieures. Les observations à la lunette ou au télescope furent décisives
pour confirmer que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil. En fin de
compte, ces instruments nous ont donné accès à tout l’univers visible.
Galilée est célèbre pour avoir réalisé des observations à l’aide d’une lunette
astronomique, découvrant en 1610, grâce à son pouvoir grossissant, quatre
satellites de Jupiter, les phases de Vénus et les cratères de la Lune. Mais il ne
faisait que suivre le courant.
chronologie
1609 1668
Galilée réalise des observations Newton construit un télescope
astronomiques à l’aide d’une lunette
Lunette et télescope 25
»
appelée réfraction. La lumière se déplace
plus lentement dans les matériaux plus
au microscope et ton âme
denses – et le verre l’est plus que l’air. Cela au télescope.
explique le mirage de la flaque d’eau sur Victor Hugo
une route chaude. La vitesse de la lumière
est modifiée dans la couche d’air qui se trouve juste au-dessus de l’asphalte sur-
chauffé et les rayons provenant du ciel s’inclinent pour ricocher sur la surface
de la route. L’air est moins dense chaud que froid aussi les rayons lumineux
s’inclinent-ils par rapport à la verticale : nous voyons alors le reflet du ciel sur
le macadam, ce qui donne l’illusion d’une flaque d’eau.
L’angle de la déviation d’un rayon est lié à la vitesse relative de son déplace-
ment à travers les deux matériaux – précisément, le rapport des vitesses est égal
au rapport des sinus des angles, mesurés par rapport à la verticale, des rayons
incidents. Ainsi, un rayon passant de l’air au verre, ou toute autre substance
dense, est dévié vers l’intérieur et son chemin devient plus escarpé.
1937 1990
Construction du premier radiotélescope Lancement du télescope spatial Hubble
26 50 clés pour comprendre l’astronomie
Il est difficile de construire de très grands miroirs : ils se déforment sous l’effet
de leur propre poids quand le télescope est incliné pour sonder le ciel. Il faut
trouver des astuces pour les rendre le plus légers possible. Certains sont fabri-
qués avec une multitude de pièces. Pour d’autres, on veille à ce qu’ils soient
Lunette et télescope 27
»
« optique adaptative », est de cor-
riger sans cesse la forme du miroir tout de suite des mondes
à l’aide d’un réseau de minuscules nouveaux.
pistons repoussant par derrière la
surface lorsqu’elle s’affaisse. Henry David Thoreau
Scintillement d’étoiles Au-delà des instruments eux-mêmes, la clarté
des images astronomiques est altérée par les turbulences de notre atmosphère.
Même par la nuit la plus claire, les étoiles scintillent, celles qui sont près de
l’horizon plus que celles qui sont au-dessus, à cause des poches d’air qui se
déplacent devant elles. Les astronomes appellent ce flou le « seeing ». La taille
des composants optiques de la lunette ou du télescope impose une autre limite
absolue à la collecte de la lumière provenant d’une étoile due à un autre aspect
du comportement de la lumière, la diffraction – la déviation des rayons lumi-
neux au voisinage des bords d’une lentille, d’une ouverture ou d’un miroir.
Pour obtenir les images les plus nettes des étoiles et des planètes, les astro-
nomes choisissent où placer leurs télescopes. Sur Terre, ils préfèrent des sites
en altitude, là où la couche d’air est mince – les montagnes – et l’écoulement
d’air régulier – près des côtes. Parmi les meilleurs endroits, les Andes chiliennes
et les pics volcaniques d’Hawaï. Les images les plus lointaines jamais prises de
l’Univers ont été réalisées par le télescope spatial en orbite Hubble.
l’idée clé
Agrandir en inclinant
les rayons
28 50 clés pour comprendre l’astronomie
07 Raies
de Fraunhofer
Dans le spectre de la lumière provenant des étoiles gît une empreinte
chimique. Des raies sombres ou brillantes révèlent les longueurs d’onde
spécifiques qui sont absorbées ou émises par les gaz brûlants de
l’atmosphère d’une étoile. Tout d’abord remarqués dans la lumière du
Soleil, ces marqueurs atomiques sont un outil puissant pour les enquêteurs-
astronomes. Ils révèlent la composition chimique des étoiles et des galaxies
aussi bien que le mouvement des corps célestes ou l’expansion de l’Univers.
Bien que repérées par l’astronome anglais William Hyde Wollaston en 1802,
ce n’est qu’en 1814 que les raies d’absorption du spectre solaire furent étudiées
en détail par Joseph von Fraunhofer – de là leur nom. Il réussit à en décompter
plus de 500. Avec un équipement moderne, on peut en trouver plusieurs mil-
liers.
chronologie
1802 1814
Wollaston repère des raies sombres Fraunhofer dénombre des
dans le spectre du Soleil centaines de raies
Raies de Fraunhofer 29
»
convoie aussi ses empreintes au-dessus de nos têtes,
chimiques. L’étude de ces
spectres chimiques, la spec-
qui règlent nos destinées.
troscopie, est une technique William Shakespeare
particulièrement efficace en
astronomie parce qu’elle nous livre la composition des étoiles mais aussi des
nébuleuses, de l’atmosphère des planètes et des galaxies lointaines. Les astro-
nomes ne peuvent pas faire entrer étoiles et galaxies dans leurs laboratoires
ni se transporter vers elles. Aussi doivent-ils avoir recours à des observations
lointaines et à des astuces techniques.
Il arrive que les raies soient brillantes et non sombres : il s’agit de raies d’émis-
sion. Des sources très brillantes, comme les étoiles les plus chaudes et les
quasars lumineux, possèdent une énergie telle que leurs gaz ne peuvent que
refroidir en laissant s’échapper des photons à ces longueurs d’onde caractéris-
tiques plutôt que de les absorber. La lumière fluorescente émet aussi une série
de raies brillantes qui correspondent aux longueurs d’onde des atomes excités
dans le gaz d’un tube, comme le néon.
Les fentes multiples assemblent la lumière plus loin du fait d’une autre pro-
priété, l’interférence – quand les crêtes et les creux des ondes lumineuses se
renforcent ou, au contraire, s’annulent les uns les autres, créant par superpo-
sition un motif de franges claires et sombres. Dans chacune de ces franges,
la lumière est divisée de manière plus fine encore ; toujours en suivant les
longueurs d’onde mais, cette fois, de façon inversement proportionnelle à la
distance qui sépare les fentes. En jouant sur le nombre de fentes, la distance
entre elles et leur largeur, les astronomes peuvent contrôler la façon dont la
lumière est dispersée et le niveau de détails avec lequel ils vont rechercher les
raies d’absorption et d’émission. Les réseaux sont donc bien plus efficaces et
polyvalents que les prismes.
Un réseau simple peut être fabriqué à partir d’une diapositive sur laquelle on a
gravé des fentes. On en vend parfois dans les boutiques des musées de science.
Si vous en placez un devant un tube de néon, vous verrez le code-barres des
longueurs d’onde du gaz chaud dispersées devant votre œil.
Diagnostics Les raies spectrales sont plus que des indicateurs chimiques.
Chaque raie correspond à un état atomique spécifique : les expériences menées
en laboratoire nous ont donc permis de bien connaître leurs longueurs d’onde.
L’énergie caractéristique de chaque raie provient de la structure de l’atome.
Du fait qu’elles trouvent leur origine dans la physique fondamentale, les raies
spectrales sont sensibles à bien des propriétés physiques des gaz. La tempéra-
ture d’un gaz peut être déduite de l’élargissement des raies, un gaz plus chaud
en produisant de plus larges. Les rapports des intensités des raies spectrales
fournissent des informations supplémentaires, comme le degré d’ionisation
du gaz.
On utilise aussi les raies spectrales pour mesurer le mouvement des corps
célestes. La longueur d’onde d’une raie bien précise est parfaitement connue : le
moindre petit décalage de cette raie traduit donc un mouvement de la source.
Si une étoile s’éloigne de nous, son spectre est décalé vers le rouge : c’est l’effet
Doppler (voir chapitre suivant). Si elle s’approche, le décalage se fait vers le
bleu. On peut mesurer le décalage en observant les raies spectrales. À grande
échelle, ce « décalage vers le rouge » a révélé l’expansion de l’Univers.
l’idée clé
Codes-barres dans les étoiles
32 50 clés pour comprendre l’astronomie
08 L ’effet Doppler
Il nous est arrivé à tous d’entendre le hurlement de la sirène d’une
ambulance baisser de ton quand elle nous dépasse à toute allure.
Les ondes en provenance d’une source qui s’approche parviennent
comprimées et apparaissent ainsi comme ayant une fréquence plus élevée.
De même, les ondes sont étirées, et nous atteignent donc plus lentement,
quand elles proviennent d’une source qui s’éloigne. C’est ce qu’on appelle
l’effet Doppler, utilisé pour mesurer la vitesse des voitures, le flux sanguin
et – c’est là qu’on retrouve le décalage vers le rouge – les mouvements des
étoiles et des galaxies dans l’Univers.
L’effet Doppler fut pour la première fois mis en évidence en 1842 par un mathé-
maticien et astronome autrichien, Christian Doppler. Il se produit du fait du
mouvement du véhicule par rapport à l’observateur. Pendant son approche, les
ondes sonores s’entassent, la distance entre les fronts d’onde s’amenuise et le
son devient plus élevé. Quand il s’éloigne, les fronts d’onde prennent régulière-
ment plus de temps à nous atteindre, les intervalles s’allongent et le ton baisse.
chronologie
1842
Parution de l’article de Doppler sur les décalages des couleurs dans
la lumière des étoiles
L’effet Doppler 33
Exoplanètes
On a découvert des milliers de planètes en laquelle elles gravitent, mais leur masse per-
orbite autour d’autres étoiles que le Soleil. La turbe un peu le mouvement de l’étoile et ce
plupart sont des géantes gazeuses semblables roulis peut se signaler comme un décalage
à Jupiter bien que sur des orbites beau- de fréquence dû à l’effet Doppler dans un
coup plus rapprochées que la sienne. Mais trait caractéristique du spectre de l’étoile.
quelques-unes sont peut-être des planètes Les premières planètes extrasolaires ont été
rocheuses de taille semblable à celle de notre détectées autour d’un pulsar en 1992, autour
Terre. Environ une étoile sur dix est entourée d’une étoile ordinaire en 1995. Leur repérage
de planètes et cela a alimenté les spéculations est désormais chose banale mais les astro-
sur le fait que certaines pourraient même nomes recherchent toujours des systèmes
abriter des formes de vie. La grande majo- solaires semblables au nôtre et combien il
rité des premières exoplanètes a été décou- existe de configurations planétaires. On doit
verte par la petite attraction gravitationnelle au télescope Kepler, lancée par la NASA en
qu’elles exercent sur leur étoile. Les planètes 2009, la découverte de nombreuses exopla-
sont petites comparées à l’étoile autour de nètes dont plusieurs, semblables à la Terre.
lanceur se tenait sur une plateforme immobile. En tant que moyen de mesurer
des vitesses, l’effet Doppler a de nombreuses applications : il est utilisé aussi
bien en médecine pour mesurer le flux sanguin que dans les radars placés le
long des routes pour prendre sur le fait les coupables d’excès de vitesse.
Les décalages vers le rouge n’apparaissent pas seulement dans les mouvements
orbitaux des planètes mais aussi du fait de l’expansion de l’Univers – on parle
alors de décalage cosmologique vers le rouge : si la distance qui nous sépare
d’une galaxie lointaine augmente au fur et à mesure de l’expansion de l’Univers,
cela équivaut à dire que la galaxie s’éloigne de nous avec une certaine vitesse.
De la même façon, deux points situés sur un ballon qu’on gonfle paraissent
s’éloigner l’un de l’autre. Par suite, la lumière provenant de la galaxie est
décalée vers de plus basses fréquences parce que les ondes lumineuses doivent
effectuer un trajet de plus en plus long avant de nous atteindre. Voilà pourquoi
les galaxies lointaines paraissent plus rouges que celles qui sont plus proches.
À strictement parler, il ne s’agit pas là d’un véritable effet Doppler : la galaxie
qui fuit n’est pas en mouvement par rapport aux objets de son voisinage ; c’est,
en fin de compte, l’espace intermédiaire qui s’étire.
L’effet Doppler 35
l’idée clé
Étirement
36 50 clés pour comprendre l’astronomie
09 Parallaxe
À quelle distance se trouvent les étoiles ? La méthode de la parallaxe s’appuie
sur le fait que les objets les plus voisins semblent, vus depuis la Terre en
mouvement, filer plus vite que les plus lointains. Le léger décalage des
positions qui en résulte nous apprend que la distance à la Terre des étoiles
les plus proches est de plus d’un million de fois celle séparant la Terre du
Soleil. La plupart se trouvent à l’intérieur d’un disque qui constitue notre
propre galaxie et qui nous apparaît en projection sur le ciel comme une
traînée que nous nommons Voie lactée.
Une fois qu’on eut compris que les étoiles n’étaient pas des piqûres d’épingles
dans des sphères de verre mais des myriades de soleils lointains, on commença
à se demander à quelle distance de nous elles se situaient. Les motifs qu’elles
forment, les constellations, ont été appelés Orion, la Grande Ourse, la Croix du
Sud. Mais il fallut des siècles pour déterminer leur distribution dans l’espace.
Tout d’abord, les étoiles ne sont pas réparties uniformément dans le ciel, la plu-
part se trouvant dans la traînée blafarde que nous nommons Voie lactée. C’est
dans l’hémisphère Sud qu’elle est le plus brillante, tout particulièrement près
de la constellation du Sagittaire, où la vue immémoriale est criblée de nuages
noirs avec des taches brillantes et floues qu’on appelle nébuleuses. Nous savons
aujourd’hui que la traînée de la Voie lactée est faite de milliards d’étoiles luisant
faiblement et que notre regard confond en un tout. Si nous en relevons les posi-
tions plus en détail, les étoiles apparaissent regroupées dans des bras spiraux.
Comme de la mousse savonneuse tournoyant autour de la bonde d’un lavabo,
les étoiles de la Voie lactée, attirées par la gravité, s’enroulent autour du centre
de notre galaxie. Le Soleil se trouve sur l’un de ces bras spiraux, dans une tran-
quille banlieue galactique. Mais comment a-t-on compris tout cela ?
La Voie lactée Via lactica en latin, la Voie lactée intriguait les Anciens. Les
philosophes grecs, y compris Aristote et Anaxagore, se demandaient si elle était
vraiment une mer d’étoiles lumineuses lointaines. Mais ils ne disposaient d’aucun
moyen d’en savoir plus. Ce ne fut qu’en 1610, quand Galilée utilisa sa lunette,
chronologie
1573 1674
Digges propose la méthode de Hooke détecte un décalage dans la
la parallaxe position de γ-Draconis
Parallaxe 37
Très loin On avait pensé tout d’abord que toutes les étoiles se trouvaient
à peu près à la même distance de la Terre. Mais les astronomes se rendirent
compte peu à peu que c’était improbable. À l’évidence, elles étaient réparties de
façon inégale. La théorie de la gravité de Newton impliquait que, si elles étaient
massives, elles s’attireraient les unes les autres, exactement comme les planètes
sont attirées par le Soleil. Mais, comme elles ne formaient pas une seule gerbe,
cette attraction devait être faible. Il s’ensuit que les étoiles doivent être très éloi-
gnées les unes des autres. Raisonnant ainsi, Newton fut l’un des premiers à se
rendre compte à quel point les étoiles étaient en réalité éloignées.
Les astronomes cherchèrent des méthodes pour déterminer la distance d’une étoile.
L’une d’elle se fondait sur sa luminosité : si une étoile est aussi brillante que le Soleil,
sa luminosité doit décliner selon le carré de sa distance. S’appuyant sur cette hypo-
thèse, le physicien néerlandais Christiaan Huygens (1629-1695) détermina la dis-
tance de l’étoile la plus brillante de notre ciel nocturne, Sirius. En ajustant la taille
d’un trou minuscule dans un écran, il parvint à faire passer exactement la même
quantité de lumière que l’étoile. Après des calculs réalisés en comparant la taille
du trou et du Soleil, il parvint à la conclusion que Sirius devait se trouver des
dizaines de milliers de fois plus loin que ce dernier. Plus tard, Newton repoussa
Les astronomes ont vite cherché à détecter ces déplacements annuels dans la
position des étoiles, à la fois pour déterminer à quelle distance elles se trouvent
et pour confirmer le modèle héliocentrique du système solaire. Ce faisant, ils
ont découvert quelque chose d’autre. En 1674, Robert Hooke publia un article
sur un déport de ce type dans la position de γ-Draconis,
une étoile très brillante qui passe au-dessus des têtes à la
latitude de Londres, ce qui lui avait permis de faire des
observations précises à travers un trou spécialement fait
dans son toit. En 1680, Jean Picard signala que Polaris,
l’Étoile polaire, se déplaçait chaque année sur pas moins
de 40 secondes d’arc, ce que John Flamsteed confirma en
1689.
»
prit que, de la même façon qu’une girouette
accrochée au mât d’un navire tourne quand c’est que j’étais juché sur
le bateau change de direction, combinant les les épaules de géants.
directions du bateau et du vent, le mouve-
ment de la Terre se modifie tandis que nous Isaac Newton
observons les étoiles : toutes ondulent légè-
rement pendant que nous tournons autour du Soleil. Cette découverte surpre-
nante, appelée aberration stellaire, confirme en outre la rotation de la Terre
autour du Soleil.
l’idée clé
En vedette,
le déplacement des étoiles
40 50 clés pour comprendre l’astronomie
10 L e Grand Débat
En 1920, la rencontre de deux esprits planta le décor du plus grand
bouleversement dans la vision qu’a l’Homme de l’Univers : l’idée que
notre galaxie n’en est qu’une parmi bien d’autres qui parsèment l’espace.
Changement de paradigme aussi important que celui qui a fait tourner la
Terre autour du Soleil ou celui qui a fait du Soleil l’une des nombreuses
étoiles, le Grand Débat clarifia ce qui était à vérifier pour démontrer qu’il
existe des galaxies bien au-delà de la Voie lactée.
Mais la Voie lactée est plus qu’un ensemble d’étoiles. Elle contient de nom-
breux nuages flous, les nébuleuses, comme la tache qui se trouve dans la cein-
ture de la constellation d’Orion, connue sous le nom de nébuleuse de la Tête
de cheval en raison de la forme du nuage noir qu’elle contient. La plupart de
ces nébuleuses ont des formes irrégulières mais une partie d’entre elles sont
elliptiques avec des superpositions de motifs spiraux. Un exemple fameux en
est donné par la nébuleuse d’Andromède dans la constellation du même nom.
Au sein de la Voie lactée, on trouve aussi des amas d’étoiles, comme les Pléiades,
un groupe d’étoiles bleues, enchâssées dans les fils d’un duvet, visibles à l’œil
nu. Des amas d’étoiles plus denses parsèment aussi le ciel – dont les amas glo-
bulaires, qui sont des boules compactes comprenant des centaines de milliers
d’étoiles. On connaît environ 150 amas globulaires dans la Voie lactée.
chronologie
1665 1784
Les amas globulaires sont Découverte des étoiles variables,
découverts par l’astronome amateur les céphéides
allemand Abraham Ihle
Le Grand Débat 41
Shapley avait déterminé la distance d’amas globulaires. Il les avait trouvés bien
plus éloignés qu’il ne l’avait pensé, ce qui impliquait que notre galaxie était
dix fois plus grande qu’on ne
le croyait : quelque 300 000
années-lumière de diamètre. La galaxie d’Andromède
Il remarqua aussi qu’il y avait
plus d’amas globulaires dans
une moitié du ciel que dans
l’autre, ce qui signifiait que le
Soleil était loin du centre – il
l’estimait décalé de 60 000
années-lumière ou à peu près à
mi-chemin. Une telle descrip-
tion avait quelque chose de
choquant : le Soleil était une
étoile moyenne, loin d’être au
centre des choses…
«Les progrès
de la connaissance
scientifique
nature des nébuleuses spirales. Les caractéristiques
particulières de ces structures nuageuses lui suggé-
raient, ainsi qu’à d’autres, qu’il y avait une caté-
gorie d’objets se trouvant au-delà des bords de la
ne semblent pas Voie lactée. Ce qui concordait avec le petit rayon
enlever une once alors estimé de la Voie lactée.
de mystère à notre
L’opposition entre les résultats des deux astro-
univers pas plus qu’à
»
nomes montrait qu’il y avait un sérieux problème à
notre vie intérieure résoudre ! Les nouvelles mesures de Shapley avaient
en son sein. agrandi la Voie lactée dans de telles proportions
que la possibilité que les nébuleuses de Curtis se
J.B.S. Haldane trouvent en dehors d’elle était remise en question.
Néanmoins, ces nébuleuses particulières ne ressem-
blaient à rien d’autre au sein de la Voie lactée. À l’évidence, il fallait y regarder
de plus près.
Les arguments Les deux astronomes étayaient leurs idées sur des don-
nées. Shapley s’appuyait sur ses mesures de la distance des amas globulaires,
concluant que la Voie lactée était tellement grande que tout ce qu’on voyait
dans le ciel nocturne devait y être inclus. Sa technique utilisait une catégorie
précise d’étoiles variables dont la période des éclats révélait sa luminosité – il
s’agit des étoiles variables céphéides, nommées d’après leur prototype Delta
Cephei. Fondamentalement, ces étoiles variables lumineuses se comportent
comme des ampoules de lumière de puissance connue et leur distance peut
donc être établie.
Curtis était plus prudent. Il répliqua que la Voie lactée ne pouvait pas être aussi
grande – les distances des céphéides étaient peut-être erronées. Et les propriétés
des nébuleuses spirales étaient telles qu’elles devaient se trouver en dehors
d’elle. Les nébuleuses spirales se comportaient comme des versions minia-
tures de notre propre galaxie. Tout comme la Voie lactée, elles contiennent
des étoiles en train d’exploser en semblables quantités, elles tournent de façon
semblable à la nôtre, elles ont approximativement la même taille et certaines
Années-lumière
L’année-lumière est la distance parcourue par la lumière en un an. La lumière se déplace à
environ 300 000 km par seconde. Ainsi, en un an, elle parcourt 10 000 milliards de kilomètres.
La Voie lactée a un diamètre d’à peu près 150 000 années-lumière ; la galaxie d’Andromède
est à 2,3 millions d’années-lumière.
Le Grand Débat 43
Unités astronomiques
Les astronomes utilisent aussi une unité de distance, appelée unité astronomique (UA).
Historiquement basée sur la distance Terre-Soleil, l’unité astronomique a été définie en 2012
par l’Union astronomique Internationale comme valant exactement 149 597 870,700 km.
possèdent une ligne sombre le long de leur axe le plus grand, ce qui suggère
une forme de disque. Elles paraissent être d’autres galaxies, ce qui implique que
la nôtre n’est pas la seule.
Qui avait raison ? Le débat se soldait par un match nul, sans vainqueur claire-
ment désigné. D’un certain point de vue, tous deux avaient raison… Et tort en
fonction d’autres critères. Chacun avait raison en ce qui concerne sa spécialité.
Les distances calculées par Shapley étaient en gros correctes. Et le Soleil se
trouve bien loin du centre. Mais, plus important, Curtis avait fondamentale-
ment raison en ce que les nébuleuses se trouvent en dehors de notre galaxie :
ce sont des « univers-îles ». Cela fut démontré en 1924 par Edwin Hubble qui
associa les deux ensembles de preuves. Il mesura à quelle distance se trouvait
la nébuleuse d’Andromède – une de nos plus proches galaxies voisines – en se
servant, comme Shapley, de céphéides et il découvrit qu’elle se trouvait bien
plus loin encore que les amas globulaires. On était vraiment au-delà de la Voie
lactée.
Conséquences Bien que le débat ait plus été un échange d’arguments qu’un
match de boxe avec une victoire bien nette, il mit en place les questions que les
astronomes devaient vérifier. Il fut ainsi un moment clé de la transformation
de nos façons de voir les échelles dans l’Univers.
l’idée clé
Le royaume des galaxies
44 50 clés pour comprendre l’astronomie
11 L e paradoxe
d’Olbers
Pourquoi le ciel nocturne est-il noir ? Si l’Univers était infini et avait existé
depuis toujours, il devrait alors être aussi brillant que le Soleil – ce qu’il
n’est pas. En scrutant le ciel nocturne, vous avez sous les yeux l’histoire de
l’Univers tout entière. Le nombre d’étoiles est fini ce qui a pour conséquence
que l’Univers est lui-même fini, de même que son âge. Le paradoxe d’Olbers
a ouvert la voie à la cosmologie moderne et au modèle du Big Bang.
chronologie
1610
Kepler s’interroge sur le fait que le ciel
nocturne est sombre
Le paradoxe d’Olbers 45
Une autre explication possible pourrait être que les étoiles les plus lointaines
sont moins nombreuses et ne s’ajoutent donc pas pour fournir autant de
lumière. La lumière se déplaçant à une vitesse précise, celle provenant d’étoiles
lointaines met plus de temps à nous atteindre que celle des étoiles plus proches.
La lumière du Soleil met huit minutes à nous parvenir, mais il faut quatre ans
à celle d’Alpha du Centaure, l’étoile la plus proche de nous et pas moins de
100 000 ans pour la lumière des étoiles situées de l’autre côté de notre propre
galaxie. La lumière qui nous vient de la galaxie la plus proche, Andromède, met
deux millions d’années à nous atteindre : c’est l’objet le plus lointain que nous
pouvons voir à l’œil nu. Aussi, quand nous nous efforçons de voir toujours
plus loin dans l’Univers, nous regardons vers le passé et les étoiles lointaines
1832 1912
Olbers formule le paradoxe qui Vesto Slipher mesure le décalage vers
porte son nom le rouge des galaxies
46 50 clés pour comprendre l’astronomie
Obscurité
La beauté de la nuit noire devient d’accès qui a inspiré des générations avant la nôtre est
difficile à cause du halo de lumière de nos en train de s’obscurcir. Les lampes au sodium
villes. Par une nuit claire, partout, les peuples des réverbères sont les principales coupables,
anciens ont pu lever les yeux sur une épine particulièrement celles qui gaspillent la lumière
dorsale lumineuse d’étoiles, étirée à travers en brillant tant vers le haut que vers le bas.
les cieux. Même dans les grandes villes, il y Partout dans le monde, des groupes, telle l’In-
a 50 ans, il était possible de voir les étoiles ternational Dark-Sky Association, dans laquelle
les plus brillantes et la traînée de la Voie on trouve des astronomes, font maintenant
lactée. Mais, aujourd’hui, il n’y a pratique- campagne pour mettre un frein à la pollution
ment aucune étoile qui soit visible en ville et, lumineuse afin de préserver la vue que nous
même à la campagne, le spectacle des cieux avons sur l’Univers.
est délavé par un smog jaune. Le spectacle
nous apparaissent plus jeunes que celles qui nous sont proches : leur lumière a
voyagé plus longtemps avant de nous atteindre. Cela pourrait nous être d’un
certain secours avec le paradoxe d’Olbers si ces étoiles plus jeunes sont aussi
plus rares que celles de notre voisinage. Les étoiles semblables au Soleil vivent
environ 10 milliards d’années (les plus grosses vivent moins longtemps, les
moins grosses plus longtemps) et le fait que les étoiles aient une durée de vie
finie pourrait expliquer le paradoxe. Il n’y a pas d’étoiles dans l’Univers primitif
parce qu’elles n’ont pas eu le temps de naître. Les étoiles n’ont donc pas existé
depuis toujours.
Les étoiles distantes peuvent aussi luire plus faiblement que le Soleil à cause
du décalage vers le rouge. L’expansion de l’Univers étire les longueurs d’onde
rendant plus rouge la lumière qui provient des étoiles lointaines. Ces dernières
apparaîtront donc un peu plus froides que nos voisines. Cela peut aussi limiter
la quantité de lumière qui nous arrive des confins de l’Univers.
Des idées plus farfelues ont été aussi mises en avant, comme la lumière loin-
taine arrêtée par la suie produite par des civilisations extraterrestres, ou par
des aiguilles d’acier, ou encore une étrange poussière grise. Mais toute lumière
absorbée aurait été réémise sous forme de chaleur et aurait donc été décou-
verte ailleurs dans le spectre. Les astronomes ont traqué la lumière dans le ciel
nocturne à toutes les longueurs d’onde, depuis les fréquences radio jusqu’aux
rayons gamma, et ils n’ont rien repéré qui indique que la lumière visible des
étoiles est arrêtée.
Le paradoxe d’Olbers 47
La cosmologie moderne s’appuie sur ces idées. Les étoiles les plus anciennes que
nous voyons ont environ 13 milliards d’années, ce qui signifie que l’Univers
doit s’être formé auparavant. Le paradoxe d’Olbers suggère que ce ne doit pas
être bien avant sinon nous devrions nous attendre à voir de nombreuses géné-
rations d’étoiles antérieures, ce qui n’est pas le cas.
Les galaxies lointaines sont vraiment plus rouges que les plus proches à cause
du décalage vers le rouge, ce qui les rend plus difficiles à voir avec des téles-
copes optiques et qui confirme que l’Univers est en expansion. Les galaxies
les plus lointaines connues aujourd’hui sont si rouges qu’elles sont devenues
invisibles et ne peuvent être dénichées qu’aux longueurs d’onde infrarouges.
En exprimant son paradoxe, Olbers ne savait pas qu’il posait exactement les
questions qui occupent les cosmologues d’aujourd’hui . Et tous ces arguments
appuient l’idée du Big Bang, la théorie qui dit que l’Univers est né d’une énorme
explosion il y a quelque 14 milliards d’années.
l’idée clé
L’Univers est fini
48 50 clés pour comprendre l’astronomie
12 L a loi de Hubble
L’astronome américain Edwin Hubble fut le premier à se rendre compte
que les autres galaxies s’écartent toutes de la nôtre. Plus elles sont
éloignées, plus vite elles s’éloignent, en suivant la loi de Hubble. Cette
diaspora galactique a constitué la preuve première de l’expansion de
l’Univers, une découverte ahurissante qui modifia notre façon de voir
ce dernier et d’appréhender son destin.
Hubble releva les distances des autres galaxies et leurs vitesses relatives par
rapport à notre Voie lactée et découvrit qu’elles nous fuyaient à toute vitesse.
Nous étions tellement « cosmiquement » impopulaires que seules quelques voi-
sines se dirigeaient tout doucement vers nous. Plus lointaine était une galaxie,
plus vite elle nous fuyait, avec une vitesse proportionnelle à sa distance (loi de
Hubble). Le rapport de la vitesse à la distance est toujours le même : c’est la
constante de Hubble. Les mesures actuelles des astronomes donnent une valeur
proche de 72 km par seconde et par mégaparsec (1 mégaparsec vaut 1 million
de parsecs et équivaut à 3 262 000 années-lumière ou 3 × 1 022 m). Les galaxies
s’écartent de nous en permanence à cette vitesse.
chronologie
1912 1920
Vesto Slipher mesure le Débat entre Shapley et Curtis sur
décalage vers le rouge la taille de la Voie lactée
des galaxies
La loi de Hubble 49
Hubble utilisa le télescope de 2,50 mètres du Mont Wilson pour faire des
mesures sur des étoiles variables de la nébuleuse d’Andromède – dont nous
savons aujourd’hui qu’elle est une galaxie spirale très semblable à la Voie lactée
et notre sœur dans le groupe de galaxies auxquelles nous sommes liés. Ces
étoiles variables, nommées céphéides, sont, aujourd’hui encore, d’inestimables
sondes pour les distances : l’intensité des éclats et leur fréquence sont liées à la
luminosité intrinsèque de l’étoile si bien qu’une fois connues les variations de
ses éclats on connaît sa luminosité et, partant, sa distance puisque la luminosité
diminue avec elle. Hubble a ainsi mesuré la distance de la galaxie d’Andromède.
Celle-ci se trouvait bien plus loin que la taille de la
Voie lactée et devait donc être en dehors de notre
galaxie. Cela mettait un terme au débat : d’autres
galaxies existaient au-delà
de la nôtre.
la distance. Le décalage vers le rouge est semblable à l’effet Doppler d’un objet
en mouvement (voir page 32). Le fait que des fréquences connues de lumière,
y compris les raies spectrales, apparaissent toutes plus rouges que ce qu’on est
en droit d’attendre signifie que ces galaxies s’éloignent de nous, comme de
nombreuses ambulances dont le ton de la sirène baisse quand elles s’éloignent.
Il était étrange de constater que toutes les galaxies s’éloignaient quand seul un
petit nombre parmi les proches se rapprochaient. Qui plus est, plus on regardait
loin, plus vite elles fuyaient.
l’idée clé
L’Univers est en expansion
52 50 clés pour comprendre l’astronomie
13 é chelle
des distances
cosmiques
Les mesures de différentes distances astronomiques ont conduit à de grands
changements de paradigme en astronomie. Nous nous sentons tout petits
devant les distances qui nous séparent des étoiles. Le calcul de la taille de la
Voie lactée et de l’éloignement des nébuleuses les plus proches nous a ouvert
le monde des galaxies. Les échelles sont si vastes qu’aucune méthode ne
suffit pour tout l’Univers. L’échelle des distances cosmiques est un patchwork
obtenu en mettant bout à bout toute une série de techniques.
L’Univers est si grand que mesurer des distances d’un bout à l’autre est un défi.
Une règle-étalon adaptée à notre galaxie ne pourrait pas servir aux confins du
cosmos. On a donc fait un paquet des différentes techniques, chacune s’appli-
quant à une échelle différente. Là où les méthodes se chevauchent, celles qui
sont adjacentes peuvent être regroupées pour former les barreaux de ce qu’on
appelle l’« échelle des distances cosmiques ». Ces barreaux crèvent toutes les
frontières à travers l’Univers, permettant de laisser le voisinage de notre sys-
tème solaire pour aller vers les étoiles les plus proches, de cheminer à travers
la Voie lactée vers les autres galaxies, les amas galactiques et les confins de
l’univers connu.
Le premier barreau est le plus solide. Les étoiles proches peuvent être localisées
avec précision en utilisant les calculs trigonométriques de la parallaxe. Tout
comme un randonneur repère un sommet lointain sur sa carte en relevant
plusieurs fois sa position pendant sa marche, un astronome installé sur la Terre
en mouvement peut s’orienter sur une étoile en mesurant ses changements
de position par rapport à l’arrière-plan d’étoiles plus lointaines ; le niveau du
chronologie
1784 1918
Découverte des étoiles Calcul d’une échelle de distance à
variables, les céphéides l’aide des céphéides
échelle des distances cosmiques 53
décalage informe l’astronome sur la distance de l’étoile : celles qui sont plus
proches se déplacent plus vite que celles qui sont au loin. Mais la distance des
étoiles est si grande – la plus proche se trouve à quatre années-lumière – que
les décalages sont minuscules et difficiles à mesurer. La parallaxe peut seule-
ment s’appliquer à une partie de la Voie lactée. Pour aller plus loin, il faut de
nouvelles méthodes.
Les étoiles variables, les céphéides, sont des chandelles standard très com-
modes. Le « nombre de watts » de l’étoile-ampoule, sa luminosité intrinsèque,
est donné par le rythme avec lequel elle faiblit. Il suffit alors de comparer
la luminosité intrinsèque avec la luminosité apparente dans notre ciel pour
connaître la distance où elle se trouve. Les céphéides sont suffisamment
Poussière cosmique
Un des problèmes rencontrés dans l’utilisation sement des traceurs de suie cosmique. Un signe
des chandelles standard pour de grandes dis- évident est qu’elle change la couleur des étoiles
tances est que leur lumière peut être tamisée alentour, les révélant plus rouges, comme les
par de la matière interposée. Les galaxies sont couchers de Soleil spectaculaires consécutifs
pleines de saletés – de nuages de gaz et de à la saturation en poussières de l’atmosphère
suie. Pour peu qu’une étoile ou une supernova terrestre qui a suivi l’éruption volcanique, en
se retrouve derrière un nuage bien polluant, 1991, du Pinatubo. Si les astronomes repèrent
elle peut très bien apparaître plus pâle qu’elle les indicateurs de poussière, ils peuvent en
ne l’est réellement. Les astronomes tentent de conséquence effectuer les corrections néces-
contourner la difficulté en examinant soigneu- saires dans les mesures de luminosité.
rillantes pour qu’on puisse les voir dans toute la Voie lactée et même au-delà,
b
dans d’autres galaxies. Voilà pourquoi on peut se servir d’elles pour scruter le
voisinage de notre galaxie.
Supernovae Pour aller plus loin, il faut des chandelles standards encore plus
brillantes. Les plus brillantes des étoiles sont les supernovae, soleils agonisant
dans une explosion effroyable. Une classe particulière, désignée comme étant
de type 1a, est particulièrement intéressante et peut être décelée sur d’assez
grandes étendues de l’Univers. La luminosité exacte d’une supernova de type
1a peut être déterminée par le rythme de son explosion – elle flamboie avant
de s’éteindre.
Une supernova est un événement rare – à peu près une tous les cinquante ans
pour une galaxie de la taille de la Voie lactée –, aussi est-ce à des distances cos-
miques qu’on utilise le plus de tels phénomènes : on y trouve de nombreuses
galaxies, ce qui augmente les chances d’en voir une pendant une carrière d’as-
tronome. Les supernovae des galaxies lointaines ont montré que l’expansion
de l’Univers est affectée par un composant mystérieux appelé énergie noire
– une sorte de terme anti-gravité dans les équations de la Relativité générale
(voir page 92).
Amas
Galaxies galactiques
voisines
Voie
Étoiles lactée
proches
Système
Énergie radar
Parallaxe Naines blanches
utilisable à moins
utilisable à Supernovae Loi de Hubble
d’1 année-lumière Position sur
moins de la séquence Céphéides utilisable au-delà
100 parsecs principale utilisables à Critères de distance de 150 millions
(pc) utilisable à moins moins de 15 utilisables à moins de pc
de 10 000 pc millions de pc de 200 millions de pc
échelle des distances cosmiques 55
Les méthodes statistiques donnent aussi des résultats. On connaît bien les
cycles de vie des étoiles et certaines phases peuvent donc être utilisées comme
indicateurs. De la même manière qu’une céphéide révèle une distance par sa
luminosité et sa période, faire des moyennes statistiques peut permettre de
pointer des changements clés dans la luminosité et la couleur de populations
de milliers d’étoiles. Une autre technique utilisée pour déterminer la distance
des galaxies revient à observer à quel point elles paraissent floues : une galaxie
faite de milliards d’étoiles semble granulaire vue de près et plus lisse vue de
loin, le grain des étoiles individuelles s’estompant.
L’échelle des distances cosmiques repose sur des bases solides mais devient
plus bancale à mesure que l’on s’éloigne dans l’espace. Mais l’immensité de
l’espace fait que cela n’a pas une trop grande importance. Des étoiles les plus
proches situées à quelques années-lumière aux confins de la Voie lactée, à
100 000 années-lumière, les distances sont bien connues. L’expansion cos-
mique met tout par terre au-delà de notre groupe local de galaxies, à plus
de 10 millions d’années-lumière, et les distances deviennent plus difficiles à
interpréter. Cependant, les chandelles standards ont permis non seulement de
confirmer que notre univers est en expansion mais de montrer l’existence de
l’énergie noire et ont mis l’ensemble en relation avec la physique fondamentale
de l’Univers primitif. En fin de compte, tout cela n’est pas forcément si bancal !
l’idée clé
Un patchwork d’échelles
56 50 clés pour comprendre l’astronomie
14 L e Big Bang
La naissance de l’Univers s’est produite dans une explosion phénoménale
qui a créé tout à la fois l’espace, la matière et le temps tels que nous les
connaissons. Prédit par les mathématiques de la Relativité générale, le
Big Bang est confirmé par la fuite précipitée des galaxies, les quantités
d’éléments légers présents dans l’Univers et la lueur diffuse aux fréquences
des micro-ondes qui emplit tout le ciel.
chronologie
1927 1929
Friedmann et Lemaître Hubble découvre l’expansion de
conçoivent la théorie du l’Univers
Big Bang
Le Big Bang 57
»
base du succès du modèle du Big Bang.
La première est celle qu’a faite Edwin bien que je ne sache
Hubble dans les années 1920 : la plupart pas où il mène.
des galaxies fuient la nôtre. Vues de loin,
toutes les galaxies se fuient les unes les
Fred Hoyle
autres comme si la fabrique de l’espace-
temps était en train de gonfler et de s’étirer selon la loi de Hubble. Une consé-
quence de cet étirement est que la lumière met légèrement plus longtemps à
nous atteindre en traversant notre univers que si, dans ce dernier, les distances
étaient fixes. Cet effet se traduit par un décalage dans la fréquence de la lumière
appelé « décalage vers le rouge » du fait que la lumière reçue est plus rouge que
lorsqu’elle a été émise par une étoile lointaine ou une galaxie. De ces décalages,
on peut déduire les distances astronomiques.
Dans les années 1940, Ralph Alpher et George Gamow calculèrent les propor-
tions d’éléments légers produits par le Big Bang et ce tableau a été confirmé
dans ses grandes lignes, y compris par les plus récentes mesures faites sur les
étoiles à combustion lente et les nuages de gaz primitifs de notre Voie lactée.
Dans la théorie du Big Bang, l’existence de ce fond diffus avait été prédite
en 1948 par George Gamow, Ralph Alpher et Robert Hermann. Bien que les
noyaux aient été synthétisés pendant les trois premières minutes, les atomes
ne se sont pas formés avant 400 000 ans. En fin de compte, des électrons de
charge négative s’associèrent avec les noyaux de charge positive pour former
les atomes d’hydrogène et les éléments légers. Le dégagement des particules
chargées, qui dispersent la lumière et font obstacle à son cheminement, a dis-
sipé le brouillard et rendu l’Univers transparent. De là, la lumière a pu circuler
librement, nous autorisant à regarder en arrière aussi loin. Bien que le brouil-
lard originel fût, à l’origine, chaud – quelque 3 000 K (3 000 degrés au-dessus
du zéro absolu) –, l’expansion de l’Univers a décalé vers le rouge sa lueur dont
la température nous paraît aujourd’hui être inférieure à 3 K, ce que Penzias et
Wilson avaient trouvé.
Les trois principaux piliers de la théorie du Big Bang ont résisté jusqu’à
aujourd’hui. Voilà pourquoi cette dernière est aujourd’hui largement acceptée
par la plupart des astrophysiciens. Une poignée en reste toujours à la théorie de
l’Univers stationnaire qui avait séduit Fred Hoyle mais il est difficile d’intégrer
toutes ces observations dans tout autre modèle.
Destin et passé Qu’y avait-il avant le Big Bang ? L’espace-temps étant une
conséquence du Big Bang, la question n’est pas très pertinente – un peu comme
si l’on demandait : « Où la Terre commence-t-elle ? » ou « Qu’y a-t-il au nord
du Pôle Nord ? » Cependant, les spécialistes de physique mathématique tentent
de se figurer le déclenchement du Big Bang dans un espace multidimensionnel
(souvent à 11 dimensions) à travers les mathématiques de la théorie M et de
la théorie des cordes. Ils étudient la physique et les énergies des cordes et des
membranes dans cet espace en y incorporant des concepts venant de la phy-
sique des particules et de la mécanique quantique pour essayer de comprendre
comment un tel événement a pu se déclencher. En faisant des parallèles avec
des idées de physique quantique, certains cosmologistes supputent aussi l’exis-
tence d’univers parallèles.
Le Big Bang 59
l’idée clé
L’explosion primordiale
60 50 clés pour comprendre l’astronomie
15 F ond diffus
cosmologique
La découverte du fond diffus cosmologique a consolidé la théorie du Big
Bang. Née dans la chaleur de l’Univers primordial, cette mer de faible
rayonnement électromagnétique a pour origine les photons libérés
il y a plus de 13 milliards d’années, quand l’espace devint transparent
au moment de la formation des atomes d’hydrogène.
En 1965, Arno Penzias et Robert Wilson découvrirent une lueur chaude inat-
tendue dans le ciel. Alors qu’ils travaillaient aux laboratoires Bell, dans le New
Jersey, sur une antenne radio dans le domaine des micro-ondes, ils enregis-
trèrent un signal faible provenant de toutes les directions et dont ils ne parve-
naient pas à se débarrasser. Ils crurent d’abord qu’il s’agissait de quelque chose
de banal – peut-être dû à de la fiente de pigeons obstruant le capteur.
chronologie
1901 1948
Max Planck explique le La théorie de Ralph Alpher et Robert
rayonnement de corps noir Herman prédit un fond cosmique à la
à l’aide des quanta température de 5 K
Fond diffus cosmologique 61
Rides Ces rides du fond diffus cosmologique sont apparues quand l’Univers
était extrêmement chaud. Après le Big Bang, le cosmos se dilata et refroidit ;
photons, particules subatomiques et, en fin de compte, protons et électrons se
formèrent. Les noyaux des premiers éléments légers – hydrogène et de petites
quantités d’hélium et de lithium – furent créés pendant les trois premières
minutes. À ce moment-là, l’Univers était une soupe de protons et d’électrons
filant dans tous les sens. Ces particules étaient ionisées, les protons possédant
une charge positive et les électrons une charge négative. Les photons rebondis-
saient sur les particules chargées : l’Univers très jeune était un brouillard épais.
Une fois les particules chargées résorbées, les photons purent circuler libre-
ment : la vue se dégagea d’un seul coup. Ce sont précisément ces photons,
encore plus refroidis, qui composent le fond diffus cosmologique. À ce
L’échelle caractéristique des points chauds est aussi parlante. La taille la plus
répandue se situe autour d’un degré dans le ciel, deux fois le diamètre de la
pleine Lune. C’est exactement ce que la théorie avait prédit en observant la
répartition de la matière aujourd’hui et en effectuant une projection dans le
passé en tenant compte de l’expansion de l’Univers. Ce jeu pratiquement égal
entre échelles prévues et observées implique que la lumière doit voyager en
ligne droite à travers l’Univers : les astronomes disent que l’Univers est « plat »
parce que les rayons ne doivent pas s’incliner ou se courber à cause de distor-
sions de l’espace-temps.
l’idée clé
Le bain chaud
de photons de l’Univers
64 50 clés pour comprendre l’astronomie
16 B
ig Bang
et nucléosynthèse
Durant ses premières minutes, l’Univers jeune et chaud a créé les éléments
les plus légers dans des proportions qui confirment les prédictions de la
théorie du Big Bang. Les quantités d’hélium, de lithium et de deutérium
détectées aujourd’hui dans les régions primitives de l’espace sont, en gros,
celles prévues – ce qui explique pourquoi ces éléments sont, de manière
surprenante, si répandus dans les étoiles. Mais la faible quantité de
deutérium montre que l’Univers est rempli de formes exotiques de matière.
Une observation fondamentale qui étaye la théorie du Big Bang est l’abondance
d’éléments légers dans l’Univers. Les réactions nucléaires qui se sont déroulées
dans la phase brûlante du Big Bang ont mijoté les quelques noyaux atomiques
initiaux dans des proportions précises. Les noyaux plus lourds se sont formés
plus tard, en brûlant ces combustibles initiaux au cœur des étoiles.
chronologie
1920
Arthur Eddington suggère que les étoiles sont
le siège de réactions de fusion
Big Bang et nucléosynthèse 65
«
térium à un de tritium.
»
pour servir d’ingrédients à cette cuisine
cosmique, on peut prédire les proportions le gaz le plus léger
de chaque élément à partir des recettes connu de l’homme.
de réactions nucléaires. Environ un quart
de la masse de la matière originelle pour
Jimi Hendrix
former de l’hélium, seulement 0,01 %
pour le deutérium et encore moins pour le lithium. Le reste de l’hydrogène a
subsisté en tant que tel. Et, en effet, ces proportions sont bien celles que nous
voyons aujourd’hui, ce qui constitue un renfort de poids pour le modèle du
Big Bang.
Deuterium Tritium
Casse-tête élémentaires La théorie de la
nucléosynthèse, mise au point par les physiciens
Ralph Alpher, Hans Bethe et George Gamow dans
les années 1940, a fait plus qu’étayer le Big Bang. Elle
a résolu les problèmes qui avaient surgi en compa-
rant les quantités d’éléments légers présents dans les
étoiles telles qu’elles étaient prévues par la théorie et
telles qu’elles étaient mesurées. On savait depuis des
années qu’on trouvait davantage d’hélium et, sur-
tout, de deutérium que ne pouvaient l’expliquer les
modèles stellaires de ce temps. Les éléments lourds
Hélium sont fabriqués progressivement dans les étoiles par
fusion nucléaire. L’hydrogène brûle pour former de
Neutron l’hélium et d’autres réactions en chaîne fournissent
du carbone, de l’azote, de l’oxygène et toute une
gamme d’autres éléments. Mais l’hélium n’est créé que lentement et il faut
une grande partie de la vie d’une étoile pour en produire une quantité notable.
Quant au deutérium, il ne peut pas résulter du processus normal de fusion dans
les étoiles : il ne peut qu’être détruit dans l’atmosphère stellaire. Mais, en ajou-
tant les quantités supplémentaires créées par le Big Bang, mathématiquement,
ça tombait juste.
l’idée clé
Les premiers éléments légers
68 50 clés pour comprendre l’astronomie
17 Antimatière
Les vaisseaux spatiaux de la science-fiction sont souvent propulsés à
l’antimatière. Mais l’antimatière existe bel et bien et elle a été produite
artificiellement sur Terre. Image en miroir de la matière dotée d’une énergie
négative, l’antimatière ne peut pas longtemps coexister avec la matière – si
elles entrent en contact, elles s’annihilent dans un éclair d’énergie. Le fait
que l’Univers est plein de matière implique que l’antimatière est rare et
renvoie à un déséquilibre pendant le Big Bang.
chronologie
1928 1932
Dirac prédit l’existence d’antimatière Anderson détecte le positron
Antimatière 69
Sur Terre, les physiciens peuvent créer de l’antimatière dans des accélérateurs
de particules, comme celui du CERN, en Suisse, ou le Fermilab, près de Chicago.
Lorsque particules et antiparticules se rencontrent, elles s’annihilent mutuel-
lement dans un éclair d’énergie pure. La masse est convertie en énergie selon
l’équation d’Einstein E = mc2. Voilà pourquoi, si vous rencontriez votre jumeau
d’antimatière, ce ne serait pas une très bonne idée de le prendre dans vos bras !
«
matière que d’antimatière.
Comme les images en miroir, particules et antiparticules sont liées par diffé-
rentes sortes de symétries. L’une est le temps. Du fait de leur énergie négative,
les antiparticules sont l’équivalent mathématique de particules normales mais
se déplaçant en arrière dans le temps : un positron peut donc être vu comme
un électron allant du futur vers le passé. La symétrie suivante met en jeu les
charges et autres propriétés quantiques qui sont inversées. Une troisième symé-
trie a trait au mouvement dans l’espace. Les mouvements ne sont en général
pas affectés par un changement de repère de l’espace. Une particule qui se
déplace de la gauche vers la droite est semblable à la même particule se dépla-
çant de la droite vers la gauche ou si, au lieu de tourner dans le sens des aiguilles
d’une montre, elle tourne en sens contraire. Cette symétrie « de parité » est
«
vraie pour la plupart des particules mais il en
existe un petit nombre pour lesquelles ce n’est
pas toujours le cas. Les neutrinos n’existent que
Le contraire d’une sous une seule forme, leur hélicité est gauche,
affirmation vraie est ils ne tournent que dans une seule direction ;
une affirmation fausse. un neutrino à hélicité droite n’existe pas. C’est
Mais le contraire d’une l’inverse qui est vrai pour les antineutrinos, qui
vérité profonde peut sont tous à hélicité droite. La symétrie de parité
»
peut donc être parfois violée bien qu’une com-
très bien être une autre binaison d’inversion de charge et de parité soit
vérité profonde. conservée, appelée symétrie charge-parité.
Niels Bohr
Antimatière 71
Les particules qui peuvent avoir été mises en jeu par cette asymétrie, appelées
bosons X, n’ont toujours pas été trouvées. Ces particules massives se désa-
grègent d’une façon déséquilibrée d’où résulte une légère surproduction de
matière. Les bosons X peuvent aussi interagir avec les protons et les faire se
désagréger, ce qui serait une mauvaise nouvelle car cela signifierait que toute
la matière finirait par disparaître dans un brouillard de particules encore plus
subtiles. Mais la bonne nouvelle est que cela ne se produirait pas avant très
longtemps. Nous sommes là et le fait que personne n’ait jamais vu un proton se
désagréger signifie que les protons sont très stables et doivent avoir une durée
de vie d’au moins 1 017 à 1 035 ans, soit des milliards de milliards de milliards
d’années, durée monstrueusement plus longue que la durée de vie de l’Univers
jusqu’ici. Mais cela laisse la possibilité que, si l’Univers devenait vraiment très
vieux, alors même la matière normale pourrait bien disparaître un jour.
l’idée clé
Matière en miroir
72 50 clés pour comprendre l’astronomie
18 M
atière noire
90 % de la matière de l’Univers ne luit pas : elle est sombre. On peut détecter
cette matière noire par ses effets gravitationnels mais elle n’interagit presque
pas avec les ondes lumineuses ou la matière. Les scientifiques croient qu’elle
pourrait prendre la forme de MACHO, étoiles avortées ou planètes gazeuses,
ou de WIMP, exotiques particules subatomiques (WIMP : mauviette en
anglais). La chasse à la matière noire se déroule à l’orée de contrées sauvages
de la physique.
Matière noire : cela fait exotique, cela pourrait même l’être. Sa définition est
cependant banale. Pour l’essentiel, ce que nous voyons dans l’Univers luit par
émission ou réflexion de lumière. Les étoiles brillent par production massive
de photons tandis que les planètes réfléchissent la lumière du Soleil. Sans cette
lumière, nous ne les verrions tout simplement pas : quand la Lune passe dans
l’ombre de la Terre, elle est sombre ; quand les étoiles s’épuisent, ce qui en
reste scintille trop faiblement pour être vu ; même une planète aussi grosse que
Jupiter serait invisible si elle dérivait librement, loin du Soleil. Il n’est donc, a
priori, pas trop surprenant que la majeure partie de ce qui constitue l’Univers
ne brille pas. C’est la matière noire.
Côté obscur Nous ne pouvons pas voir directement la matière noire mais
nous pouvons détecter sa masse par l’attraction gravitationnelle qu’elle exerce
sur d’autres objets astronomiques et les rayons lumineux. Si nous ignorions la
présence de la Lune, nous pourrions tout de même déduire son existence du
fait que sa gravité tire et décale légèrement l’orbite terrestre. Ce sont d’ailleurs
de telles oscillations qui nous ont permis de découvrir des planètes autour
d’étoiles lointaines.
Dans les années 1930, l’astronome suisse Fritz Zwicky se rendit compte qu’un
amas géant de galaxies situé dans notre voisinage se comportait d’une façon
telle que sa masse devait être beaucoup plus grande que celle de toutes les étoiles
qui composaient ses galaxies. Il en déduisit qu’une matière sombre inconnue
représentait 400 fois celle qui était visible – étoiles brillantes et gaz chaud – dans
chronologie
1933 1975
Zwicky évalue la quantité de matière noire Vera Rubin montre que la rotation des
présente dans l’amas de Coma galaxies est affectée par la matière
noire
Matière noire 73
1998 2000
On parvient à la conclusion que les neutrinos Détection de MACHO dans la Voie lactée
sont dotés d’une petite masse
74 50 clés pour comprendre l’astronomie
Bilan énergétique
Nous pouvons dire aujourd’hui qu’il n’y a que 4 % de la matière de l’Uni-
vers qui est faite de baryons (la matière normale faite de protons et de neu-
trons). 23 % constituent la matière noire exotique. Nous sommes certains
qu’elle n’est pas faite de baryons mais il est plus difficile de dire de quoi
elle est faite, peut-être de particules comme les WIMP. Le reste du bilan
énergétique de l’Univers est fait de quelque chose de tout autre : l’énergie
noire (voir page 82).
Les astronomes ont découvert des MACHO errant dans notre propre galaxie.
Du fait que les MACHO sont grands, comme l’est notre planète Jupiter, on
peut les repérer individuellement par les effets gravitationnels qu’ils créent : si
une grande planète gazeuse ou une étoile avortée passe devant une étoile, sa
gravité incurve les rayons de lumière tout autour d’elle, et l’étoile apparaît bien
plus lumineuse pendant la durée de son passage. On parle alors de « lentilles
gravitationnelles ».
Dans le langage de la théorie de Les environs d’une galaxie spirale tournent plus
la Relativité, une planète MACHO vite à cause de la matière noire
déforme l’espace-temps, comme
une balle appuyant sur une pièce en
caoutchouc, ce qui recourbe le front
d’ondes lumineuses devant elle (voir
page 93). Les astronomes ont traqué
ces flamboiements au passage d’une
MACHO parmi des millions d’étoiles.
Ils n’en ont trouvé que peu, trop peu Observé
pour expliquer toute la masse man-
quante de la Voie lactée.
Vitesse de rotation
Les MACHO sont faits de matière
normale (comme les protons, les neu- Attendu
trons et les électrons). L’estimation la
plus serrée de la quantité de baryons
présents dans l’Univers est recher-
chée à partir de l’isotope lourd de
l’hydrogène, le deutérium. Ce dernier
ne se forme pas dans les étoiles – bien Distance du centre de la galaxie
que celles-ci puissent le brûler – et il a donc été produit seulement par le Big
Bang. Or, le mécanisme de la production de deutérium est parfaitement connu.
C’est pourquoi la mesure de la quantité de deutérium présente dans l’espace
dans des nuages primitifs de gaz permet aux astronomes d’estimer la quantité
totale de protons et de neutrons fabriqués par le Big Bang. Il ne s’agit que de
quelques pourcent de la masse totale de l’Univers. Le reste doit donc être pré-
sent sous une forme totalement différente, comme les WIMP.
La quête des WIMP est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Leur faible
interaction avec les particules connues les rend intrinsèquement difficiles à
détecter. Un candidat est le neutrino. Au cours des dix dernières années, les
physiciens ont mesuré sa masse qui est très faible mais non nulle. Les neutrinos
contribuent pour une part à la masse de l’Univers mais cela ne suffit toujours
pas. Il reste donc de la place pour d’autres particules exotiques qui restent à
découvrir, quelques-unes nouvelles venues en physique comme les axions et
les photinos. Comprendre de quoi est faite la matière noire pourrait bien illu-
miner le monde de la physique.
l’idée clé
La face obscure de l’Univers
76 50 clés pour comprendre l’astronomie
19 L’inflation
cosmique
Pourquoi l’Univers a-t-il la même apparence dans toutes les directions ?
Et pourquoi, en traversant l’espace, des rayons lumineux parallèles le restent-
ils, ce qui nous permet de différencier des étoiles distinctes ? Nous pensons
que la réponse est dans l’inflation cosmique, cette idée que le bébé univers a
enflé si vite en une fraction de seconde que ses plis se sont défroissés et que
l’expansion qui en a résulté a compensé exactement la gravitation.
L’Univers dans lequel nous vivons a quelque chose de particulier. Quand nous
levons les yeux, nous avons la vision claire de myriades d’étoiles et de loin-
taines galaxies sans aucune déformation. Mais il s’en fallait de peu que ce fût
autrement. La Relativité générale d’Einstein donne de la gravité l’image d’une
surface déformée de l’espace et du temps sur laquelle les rayons lumineux se
déplacent en suivant des chemins incurvés (voir page 93). Il aurait donc été
tout à fait envisageable que ces rayons se mêlent, donnant de l’Univers une
image distordue comme celle que l’on a dans une galerie des glaces. Mais, glo-
balement, en dehors de la déviation occasionnelle qu’ils subissent en contour-
nant une galaxie, les rayons lumineux se déplacent plus ou moins en ligne
droite à travers l’Univers : notre vue reste dégagée aussi loin qu’elle porte.
chronologie
1981
Guss avance l’hypothèse de l’inflation cosmique
L’inflation cosmique 77
«
d’assez de temps pour aller d’un bord à l’autre. Comment un bord pourrait-il
Géométrie de l’Univers
Les physiciens ont pu déterminer la forme de fréquences des micro-ondes du ciel avec celle
l’espace-temps dans tout l’Univers à partir des prévue par la théorie du Big Bang montre que
dernières observations du fond diffus cosmo- l’Univers est « plat ». Mêmes s’ils ont voyagé
logique, comme celles qu’a réalisées le satel- pendant des milliards d’années à travers l’Uni-
lite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy vers entier, des rayons lumineux initialement
Probe) en 2003 et 2006. La comparaison de parallèles le restent.
la taille des parties chaudes et froides dans les
savoir à quoi ressemble l’autre ? Ce problème est connu sous le nom de « pro-
blème de l’horizon », où l’horizon est la distance la plus grande parcourue par
la lumière depuis la naissance de l’Univers, délimitant une sphère lumineuse. Il
y a des régions de l’espace que nous ne pouvons pas voir et ne verrons jamais :
la lumière qui en provient n’a pas eu assez de temps pour voyager jusqu’à nous.
Premières galaxies
(nucléosynthèse)
Premières étoiles
Premiers atomes
éléments légers
Formation des
Soupe de
quarks
Big
Inflation
Bang
0 10–32 secondes 3 minutes 380 000 ans 200 millions d’années 1 milliard d’années
Âge de l’Univers
l’idée clé
La croissance cosmique
s’emballe
80 50 clés pour comprendre l’astronomie
20 L a constante
cosmologique
Albert Einstein était convaincu qu’ajouter une constante cosmologique aux
équations de la Relativité générale avait été sa plus grosse erreur. Ce terme
tenait compte de la variation du rythme de l’expansion de l’Univers pour
compenser la gravitation. Einstein n’en avait pas besoin et l’abandonna.
Mais, dans les années 1990, il fallut la réintroduire : les astronomes avaient
découvert qu’une mystérieuse énergie noire provoquait une accélération de
l’expansion de l’Univers, appelant une refonte de la cosmologie moderne.
Einstein pensait que nous vivions dans un univers stationnaire plutôt qu’issu
d’un Big Bang. En essayant de transcrire cette situation en équations, il ren-
contra une difficulté : s’il n’y avait que la gravitation, tout dans l’Univers
devrait finir par s’effondrer en un point, par exemple un trou noir. Il était
évident que l’Univers ne se comportait pas ainsi et Einstein rajouta un terme
pour compenser la gravitation, une sorte de facteur « anti-gravitationnel ».
Cette introduction n’était faite que pour rendre correctes les équations et pas
parce qu’il avait rencontré une telle force. Mais cette formulation posa immé-
diatement des problèmes.
chronologie
1915
Einstein publie la théorie de la Relativité générale
La constante cosmologique 81
1929 1998
Hubble démontre que l’espace est en expansion et Des données sur les supernovae montrent la
Einstein abandonne sa constante nécessité de la constante cosmologique
82 50 clés pour comprendre l’astronomie
«
Pendant 70 ans,
nous avons essayé
de déterminer le ryhtme
Les résultats obtenus avec les supernovae
s’accordaient bien avec les équations d’Eins-
tein mais seulement une fois qu’on y eût
ajouté un terme négatif en faisant passer la
du ralentissement constante cosmologique de 0 à 0,7 environ.
de l’expansion Ces résultats, joints à d’autres données cos-
de l’Univers. Et, quand mologiques telle la carte du fond diffus,
nous y parvenons, montraient la nécessité d’une nouvelle force
»
c’est pour nous rendre répulsive compensant la gravité. Mais il s’agis-
sait d’une force relativement faible, la raison
compte qu’il accélère ! de cette faiblesse restant un mystère : il n’y a
Michael S. Turner pas de raison particulière pour que sa valeur
ne soit pas beaucoup plus grande jusqu’à être
le facteur dominant de l’espace, plus que la gravité. Au lieu de quoi, elle est très
proche de cette dernière en intensité et affecte l’espace-temps d’une façon sub-
tile, comme nous pouvons le voir aujourd’hui. Ce terme d’énergie négative est
désigné sous le nom d’« énergie noire ».
Énergie noire Il est difficile de dire d’où elle vient. Tout ce que nous en
savons est qu’il s’agit d’une forme d’énergie associée au vide de l’espace, qui
engendre une pression négative dans des régions dépourvues de matière, créant
de l’attraction gravitationnelle et provoquant l’inflation des régions vides de
l’espace. L’observation des supernovae fournit une évaluation grossière de son
intensité, mais nous n’en savons guère plus. Nous ne savons pas si c’est réelle-
ment une constante : sa valeur est-elle toujours la même à travers l’Univers et à
s toute époque (comme
Grand c’est le cas pour la
Déchirement constante de gravita-
(Big Rip) Constante tion ou la vitesse de
d’énergie la lumière) ou bien sa
noire
Échelle de l’Univers
valeur change-t-elle
en fonction du temps,
avec des valeurs dif-
Grand férentes juste après le
Effondrement Big Bang, de nos jours
(Big Crunch) ou dans le futur ? Dans
sa forme plus géné-
rale, on parle aussi de
« quintessence » ou
de cinquième force,
s
Mais les mystérieuses propriétés de l’énergie noire sont telles que, même en connais-
sant la masse totale de l’Univers, son évolution est difficile à prédire : tout dépend
du fait que l’influence de l’énergie noire augmente ou non dans le futur. En cas
d’accélération de l’expansion, alors nous sommes à un moment où l’énergie noire
est seulement aussi importante que la gravitation. Mais le temps arriverait où l’ac-
célération l’emporterait et où l’expansion plus rapide dominerait la gravitation. Le
destin de l’Univers pourrait bien être une expansion éternelle de plus en plus rapide.
Des scénarios catastrophe ont été élaborés : une fois la gravité passée au second
plan, les structures massives les moins liées se désagrégeront : en fin de compte,
les galaxies elles-mêmes éclateront et les étoiles elles-mêmes s’évaporeront en une
poussière d’atomes. La pression négative pourrait finalement démanteler les atomes
eux-mêmes, ne laissant subsister qu’un sinistre océan de particules subatomiques.
Néanmoins, bien que les pièces du puzzle commencent à s’ajuster les unes aux autres
et que nous ayons une bien meilleure connaissance de la géométrie de l’Univers,
d’importantes questions restent sans réponse. Nous ne savons pas de quoi est consti-
tuée 95 % de la matière de l’Univers, pas plus que nous ne savons en quoi consiste
exactement cette nouvelle force, la quintessence. Il n’est pas encore temps de nous
reposer sur nos lauriers : l’Univers garde son mystère !
l’idée clé
La cinquième force
84 50 clés pour comprendre l’astronomie
21 L e principe
de Mach
Dans l’Univers, la gravitation fait que tout objet attire et est attiré par tout
autre objet. Ernst Mach, physicien et philosophe autrichien, se pencha sur
les raisons qui font que des objets distants influencent le mouvement et la
rotation d’objets proches – comment les lointaines étoiles peuvent-elles tirer
vers l’extérieur un enfant sur un manège. Son principe – qui dit que « les
masses là-bas jouent sur l’inertie ici » – est né de la question : comment dire
si une chose est en mouvement ou non ?
Quiconque a déjà été assis dans un train en gare et a observé par la fenêtre un
autre train s’éloignant du sien sait combien il peut être difficile de dire si c’est
votre train qui part ou l’autre qui arrive. (C’est la même chose qui nous a amenés
à penser, de façon erronée, que le Soleil tourne autour de la Terre.) Peut-on savoir
de façon certaine quel est celui des deux trains qui est en mouvement ?
Mach s’est débattu avec cette question au xixe siècle. Il marchait sur les pas de
Newton qui, contrairement à lui, croyait que l’espace était un repère absolu.
L’espace de Newton était comme du papier quadrillé : il contenait, comme
en filigrane, un ensemble complet de coordonnées par rapport auquel tout
mouvement pouvait être décrit. Mais Mach ne partageait pas ce point de vue
et avançait au contraire que la notion de mouvement n’avait de sens que par
rapport à un autre objet et non par rapport au repère : que signifie se déplacer
si ce n’est par rapport à autre chose ?
De ce point de vue, Mach – influencé par les idées plus anciennes du rival
de Newton, Gottfried Leibniz – préfigurait Albert Einstein en affirmant que
seule a du sens l’idée que les mouvements sont relatifs. Mach expliquait que,
puisqu’une balle roule de la même manière en France ou en Australie, l’espace
repère absolu n’est pas un concept pertinent. La seule chose dont on puisse
dire qu’elle affecte la façon dont elle roule est la gravité. Sans doute roule-t-elle
chronologie
Vers 335 av. J.-C. 1640
Pour Aristote, le mouvement des Galilée énonce le principe
objets est dû à l’action de forces d’inertie
Le principe de Mach 85
de l’arbre sur le sol parce qu’elle est attirée par la masse de la Terre ; mais,
de la même façon, la Terre est attirée par la masse de la pomme, même si
nous aurions du mal à mesurer son minuscule déplacement en direction de la
pomme.
Des siècles plus tard, Mach revint sur ce raisonnement. Que se passerait-il si le
seau rempli d’eau était la seule chose existant dans l’Univers ? Comment savoir
si le seau tourne ? Ne pourrait-on pas aussi bien dire que c’est l’eau qui tourne
par rapport au seau ? Pour que cela ait un sens, il faudrait ajouter un autre
objet dans l’univers du seau, par exemple les murs d’une pièce ou même une
étoile lointaine. Ce n’est qu’alors qu’on pourrait dire que le seau tourne autour
Pour Mach, et aussi pour Leibniz, le concept de mouvement, pour qu’il ait un
sens, exige la référence à des objets extérieurs. En conséquence, celui d’inertie
ne veut rien dire dans un univers réduit à un seul objet. Si l’Univers avait été
dépourvu d’étoiles, nous n’aurions jamais su que la Terre tourne. Les étoiles
nous apprennent que nous tournons autour d’elles.
Cela fait des milliers d’années que la nature de l’espace intrigue les savants.
De nos jours, les théoriciens de la physique des particules pensent que l’espace
est un chaudron en ébullition de particules subatomiques sans cesse créées et
détruites. Masse, inertie, forces et mouvement pourraient bien être, in fine, la
façon dont se manifeste une bouillonnante soupe quantique.
l’idée clé
La masse pèse sur
le mouvement
88 50 clés pour comprendre l’astronomie
22 L a Relativité
restreinte
En étudiant les mouvements relatifs, Albert Einstein montra, en 1905, que
d’étranges effets apparaissent à de très grandes vitesses. En observant un
objet dont la vitesse approcherait celle de la lumière, on le verrait devenir
plus lourd, plus court et vieillir plus lentement. Rien ne pouvant aller plus
vite que la lumière, le temps et l’espace compensent cette situation en se
déformant à l’approche de cette limite universelle.
Il est vrai que « dans l’espace, personne ne vous entendra crier » : les ondes
sonores résonnent dans l’air, mais leurs vibrations ne peuvent traverser le vide
parce qu’il ne contient aucun atome. Par contre, la lumière peut circuler dans
le vide comme la vue du Soleil et des étoiles nous le confirme. L’espace est-il
rempli d’un substrat particulier, une sorte d’air électrique, à travers lequel
se propageraient les ondes électromagnétiques ? Les physiciens de la fin du
xixe siècle le pensaient, croyant que l’espace baignait dans un gaz, « l’éther »,
dans lequel la lumière pouvait vibrer.
chronologie
1887 1893
Michelson et Morley ne Mach publie La Mécanique
parviennent pas à vérifier
l’existence de l’éther
La Relativité restreinte 89
«
L’introduction d’un éther se révèlera inutile dans
la mesure où (…) aucun espace au repos doté de propriétés
particulières ne sera introduit pas plus qu’un vecteur-vitesse
ne sera associé à un point du vide qui serait le siège
d’un processus électromagnétique.
Albert Einstein
»
revinrent à leur point de départ exactement au même instant. Quelle que
fût la direction de la lumière et de quelque façon que la Terre se déplaçât, la
vitesse de la lumière demeurait inchangée : elle était insensible au mouvement.
L’expérience prouvait que l’éther n’existait pas… mais ce fut Einstein qui s’en
rendit compte.
Cela allait dans le même sens que le principe de Mach (voir page 84) : cela
signifiait qu’il n’y avait pas de coordonnées fixées en arrière-plan par rapport
auxquelles les objets seraient en mouvement. Contrairement aux vagues ou
aux ondes sonores, la lumière semblait se déplacer toujours à la même vitesse.
C’était étrange et assez différent de ce qu’enseigne le sens commun pour lequel
les vitesses s’ajoutent : si vous êtes en train de conduire à 50 km/h et qu’un
véhicule roulant à 65 km/h vous dépasse, tout se passe comme si vous étiez
immobile et que l’autre vous doublait en roulant à 15 km/h. Mais, quand bien
même vous vous déplacez à plusieurs centaines de km/h, la lumière se dépla-
cerait toujours à la même vitesse : 300 000 kilomètres par seconde, que vous
allumiez une lampe assis dans un avion à réaction ou sur une bicyclette.
vitesse de la lumière ne change pas, il faut bien qu’il y ait autre chose qui le fasse,
en compensation.
Espace et temps Dans la lignée des idées développées par Hendrik Lorenz,
George Fitzgerald et Henri Poincaré, Einstein montra que l’espace et le temps
doivent se déformer pour que soient cohérents les différents points de vue d’ob-
servateurs se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière. Les trois
dimensions de l’espace et celle du temps forment un monde quadridimensionnel
dans lequel Einstein put donner libre cours à son imagination débordante. La
vitesse est une distance divisée par une durée. Aussi, pour que la vitesse de la
lumière ne soit pas dépassée, il faut, en compensation, une contraction des dis-
tances et un ralentissement du temps : une fusée qui s’éloignerait à la vitesse de
la lumière vous paraîtrait plus ramassée et son temps s’écoulerait plus lentement.
Einstein précisa la façon dont il faudrait réécrire les lois du mouvement pour des
observateurs se déplaçant à des vitesses différentes. Il écarta tout repère absolu,
tel l’éther, et affirma que tout mouvement est relatif, sans point de vue privi-
légié. En regardant un train tout en étant assis dans un autre, vous ne pouvez pas
savoir lequel est en train de s’éloigner. Mais il y a plus : même si vous pouvez voir
que votre train est immobile par rapport au quai, vous ne pouvez pas en déduire
que vous êtes immobile mais seulement que vous n’êtes pas en mouvement par
rapport au quai. Nous ne ressentons pas le mouvement de la Terre autour du
Soleil, pas plus que le chemin suivi par ce dernier à travers notre galaxie ou, plus
loin encore, le déplacement de la Voie lactée en direction du superamas de la
Vierge. Nous ne ressentons que les mouvements relatifs – nous par rapport au
quai, la Terre par rapport aux étoiles.
Einstein baptisa ces différents points de vue référentiels d’inertie. Il s’agit d’es-
paces en mouvement les uns par rapport aux autres à vitesse constante, sans
subir d’accélération, ou de force. Si vous êtes assis dans une voiture circulant
à 50 km/h, vous vous trouvez dans un référentiel d’inertie et vous ressentez
les mêmes choses que dans un train lancé à 100 km/h – un autre référentiel
d’inertie – ou dans un avion à réaction filant à 500 km/h – un autre encore.
Einstein affirma que les lois de la physique sont les mêmes dans tous les réfé-
rentiels d’inertie : votre stylo tomberait de la même manière dans la voiture, le
train ou l’avion.
Plus lent, plus lourd Quant aux mouvements relatifs à des vitesses proches
de celle de la lumière, Einstein prédit que leur temps serait ralenti. La dilatation
du temps exprime le fait que des horloges dans des référentiels d’inertie diffé-
rents battraient à des rythmes différents. On le prouva en 1971 : quatre horloges
atomiques identiques furent embarquées chacune sur un avion devant faire deux
fois le tour de la Terre, deux allant vers l’Est et deux vers l’Ouest. La comparaison
avec une horloge synchronisée restée au sol, aux États-Unis, montra que les
horloges embarquées avaient perdu une fraction de seconde par rapport à cette
dernière, conformément aux prédictions de la Relativité restreinte d’Einstein.
l’idée clé
Le mouvement est relatif
92 50 clés pour comprendre l’astronomie
23 L a Relativité
générale
La théorie de la Relativité générale d’Einstein, en intégrant la gravitation à sa
théorie de la Relativité restreinte, bouleversa notre vision de l’espace et du
temps. Dépassant les lois de Newton, il nous a fait pénétrer dans un univers
de trous noirs, de trous de ver et de lentilles gravitationnelles.
Pendant les années qui ont suivi, Einstein en explora les conséquences. Il dis-
cuta de ces idées avec des collègues proches de lui et utilisa les formalismes
mathématiques les plus avancées pour les exprimer : c’est ainsi qu’il élabora
une théorie complète de la gravitation qu’il appela Relativité générale. Il publia
son travail en 1915, année qui s’avéra particulièrement riche puisqu’il le révisa
chronologie
1687 1905 1915
Théorie de la gravitation de Théorie de la Relativité Théorie de la Relativité
Newton restreinte d’Einstein générale d’Einstein
La Relativité Générale 93
Ondes gravitationnelles
Un autre aspect de la Relativité générale est pour la première fois en septembre 2015,
que des ondes peuvent apparaître à la sur- résultat annoncé par une conférence de
face de l’espace-temps, se propageant par- presse tenue par les membres d’une équipe
ticulièrement à partir d’un système double internationale de chercheurs le 11 février
d’astres denses et compacts (trous noirs, pul- 2016, simultanément aux États-Unis à
sars), en orbite l’un autour de l’autre. Dans Washington, en France à Paris et en Italie à
certains couples de pulsars, les astronomes Cascina. Deux détecteurs LIGO distants de
ont remarqué que la vitesse orbitale du sys- 3 000 kilomètres ont enregistré des signaux
tème décroît et ils s’attendent donc à ce émis lors de la fusion de deux trous noirs,
que l’énergie perdue ait été transformée en d’une trentaine de masses solaires chacun,
ondes gravitationnelles. Les physiciens ont situés à plus d’un milliard d’années-lumière
construit sur Terre des détecteurs géants qui de la Terre. La détection des ondes gravi-
utilisent des rayons laser qui se réfléchissent tationnelles a ainsi eu lieu un siècle après
sur des miroirs placés à des kilomètres les leur prédiction par Einstein, ce qui constitue
uns des autres pour détecter le passage de un nouveau succès pour sa théorie de la
ces ondes. Ces ondes ont été observées Relativité générale.
comme un paysage avec ses collines, ses vallées, ses trous et ses bosses. Jusqu’à
maintenant, la Relativité générale a passé avec succès tous les tests expéri-
mentaux. Les zones de test sont parmi celles où la gravité est particulièrement
grande, ou au contraire très faible.
Les trous noirs (voir page 96) sont des puits très profonds de l’espace-temps.
Ils sont si profonds et escarpés que tout ce qui s’en approche suffisamment
y tombe, y compris la lumière. Ils forment des trous – des singularités – de
l’espace-temps. Ce dernier peut aussi se tordre en trous de ver, ou tubes, mais
cela n’a encore jamais été observé.
À l’autre bout de l’échelle, là où la gravité est très faible, il est possible qu’elle
finisse par se morceler en minuscules quanta, comme la lumière est faite de
blocs formés par les photons individuels. Mais personne n’a jamais vu un quel-
conque « grain » de gravité. Des théories quantiques de la gravité ont été éla-
borées mais, en l’absence de preuves pour les étayer, l’unification de la théorie
quantique et de la gravitation est insaisissable. Jusqu’à la fin, Einstein caressa
l’espoir d’y parvenir mais même lui échoua. Le défi tient toujours !
l’idée clé
Courbures de l’espace-temps
96 50 clés pour comprendre l’astronomie
24 T rous noirs
Tomber dans un trou noir ne serait pas agréable : vous seriez écartelés tandis
que tout ce que verraient vos amis est que vous êtes figé dans le temps alors
même que vous tombez. Les trous noirs ont d’abord été vus comme des
étoiles gelées dont la vitesse de libération dépasserait celle de la lumière.
Aujourd’hui, on considère que ce sont des trous – des « singularités » – dans
la toile de l’espace-temps d’Einstein. Loin d’être le fruit de notre imagination,
des trous noirs géants occupent le centre des galaxies, y compris la nôtre,
tandis que de plus petits parsèment l’espace – fantômes d’étoiles mortes.
Une balle lancée en l’air atteint une certaine hauteur avant de retomber. Plus
la vitesse initiale sera grande, plus haut elle montera. Avec une vitesse suf-
fisante, elle pourra même échapper à l’attraction de la Terre et dériver dans
l’espace. La vitesse nécessaire pour cela est appelée « vitesse de libération » ;
elle est de 11 km/s. C’est donc la vitesse qu’il faut communiquer à une fusée
pour qu’elle puisse quitter la Terre. La vitesse de libération est plus petite sur la
Lune : 2,4 km/s. Mais, sur une planète plus massive, elle augmente. Si elle est
suffisamment massive, la vitesse de libération peut atteindre, voire dépasser,
celle de la lumière : même elle ne peut pas s’en échapper. Un tel objet si massif
et si dense que même la lumière y reste piégée est appelé trou noir.
chronologie
1784 Années 1930
Michell prévoit la possibilité Prédiction de l’existence
d’étoiles noires d’étoiles figées
Trous noirs 97
Étoiles figées L’expression « trou noir » fut forgée en 1967 par John Wheeler
comme façon plus parlante de décrire les « frozen stars », les étoiles figées. Leur
existence avait été prédite par les théories d’Einstein et Schwarzschild dans
les années 1930. Le comportement de l’espace et du temps à proximité de
l’horizon des événements est étrange : un objet émettant de la lumière qui
s’en approcherait donnerait l’impression de ralentir car les ondes lumineuses
qu’il émet mettraient de plus en plus de temps à atteindre un observateur exté-
évaporation
Aussi étrange que cela puisse paraître, les trous tandis que l’autre retombe. Vu de l’extérieur,
noirs finissent par s’évaporer. Dans les années le trou noir émet des particules : on appelle
1970, Stephen Hawking avança qu’ils ne sont cela le rayonnement de Hawking. C’est cette
pas complètement noirs mais rayonnent des énergie émise qui provoque le rétrécissement
particules à cause d’effets quantiques. C’est du trou noir. Ce concept demeure théorique
ainsi que, peu à peu, leur masse diminue et et personne ne sait vraiment ce qu’il advient
que le trou noir rétrécit jusqu’à disparaître. d’un trou noir. Le fait qu’on en détecte beau-
L’énergie du trou noir crée en permanence coup laisse penser que ce processus d’évapo-
des paires particule/antiparticule. Si cela se ration est très long : en attendant, les trous
produit près de l’horizon des événements, il noirs tiennent bon !
peut se faire qu’une des particules s’échappe
Puisque les trous noirs aspirent la lumière, comment les observer ? Il existe
deux manières. Tout d’abord, nous pouvons les repérer par leur attraction sur
les autres corps. Ensuite, quand un gaz tombe dedans, il s’échauffe et luit avant
de disparaître. On a utilisé la première méthode pour identifier le trou noir
tapi au centre de notre propre galaxie : les étoiles qui passent près de lui sont
comme fouettées et se retrouvent rejetées sur des orbites allongées. La masse du
trou noir au centre de notre Voie lactée est de 3 millions de fois celle du Soleil,
concentrée dans une région dont le rayon n’est que d’environ 10 millions de
kilomètres (30 secondes-lumière). Les trous noirs qui se trouvent au centre des
galaxies sont qualifiés de « supermassifs ». Nous ne savons pas comment ils se
sont formés. Mais ils semblent influencer la façon dont croissent les galaxies et
pourraient donc avoir été présents dès le début. Ou peut-être proviennent-ils
de l’effondrement en un même point de millions d’étoiles.
La deuxième façon de voir un trou noir provient de la lumière émise par le gaz
dont la température s’élève à mesure qu’il tombe. Les quasars, les objets les plus
lumineux de l’Univers, brillent à cause du gaz qui est aspiré par les trous noirs
supermassifs situés au centre de galaxies lointaines. Des trous noirs plus petits,
de quelques masses solaires, peuvent aussi être identifiés par les rayons X émis
par le gaz qui y tombe.
Trous de ver Qu’y a-t-il au fond d’un trou noir dans le tissu de l’espace-
temps ? On suppose qu’ils se terminent par une pointe acérée, ou peut-être
sont-ils vraiment des trous, déchirures du tissu. Mais certains théoriciens se
sont demandé ce qui pourrait se produire s’ils rejoignaient un autre trou. On
peut imaginer deux trous noirs voisins comme de longs tubes pendant sous le
tissu de l’espace-temps. Si ces tubes se rencontraient, un trou de ver pourrait
se former reliant les entrées des deux trous noirs. Muni de votre « ceinture de
survie », vous pourriez sauter dans un trou noir et ressurgir dans l’autre. Cette
idée a fait les choux gras de la science-fiction pour les voyages à travers le temps
et l’espace. Mais peut-être un trou de ver conduit-il à un univers entièrement
différent ? Les possibilités de réinventer l’Univers sont sans fin – mais n’oubliez
pas votre ceinture de survie !
l’idée clé
Pièges à lumière
100 50 clés pour comprendre l’astronomie
25 Astrophysique
des particules
L’espace est rempli de particules que des champs magnétiques cosmiques
accélèrent jusqu’à des énergies colossales. Les physiciens tentent, sur Terre,
de reproduire cela avec leurs modestes machines. La détection des rayons
cosmiques, neutrinos et autres particules exotiques nous sera d’un grand
secours pour comprendre de quoi l’Univers est fait.
Depuis l’Antiquité grecque, nous pensons que les atomes sont les briques élémen-
taires de l’Univers. Aujourd’hui, nous en savons davantage. Nous savons dissé-
quer les atomes qui sont faits d’électrons légers chargés négativement tournant
autour d’un noyau positif lui-même fait de protons et de neutrons. Mais ces parti-
cules elles-mêmes peuvent être décomposées : la physique moderne nous a ouvert
les portes d’un véritable zoo de particules fondamentales créées dans le Big Bang
et qui ont formé l’Univers.
chronologie
400 av. J-C. 1887 1909
Démocrite avance le Thomson découvre Rutherford réalise
concept d’atome l’électron l’expérience de la feuille
d’or
Astrophysique des particules 101
Le noyau est minuscule. Cent mille fois plus petit que l’atome, soit seulement
quelques femtomètres (10–15 mètres, un millième de milliardième de millimètre)
de diamètre. Si l’on rapportait l’atome aux dimensions de la Terre, le noyau ne
ferait que 10 kilomètres de large, à peu près Paris du nord au sud.
ϒ plus lourds que les électrons, les tauons 3 700 fois. Les leptons ont tous
une seule charge négative. Chaque lepton a un neutrino associé qui ne
photon porte pas de charge : les neutrinos électronique, muonique et tauonique.
Les neutrinos ont une masse très faible et interagissent très peu avec quoi
W
Vecteurs de force
que ce soit. Ils peuvent traverser la Terre entière sans qu’on les détecte et
boson W sont donc difficiles à piéger.
»
chargées sont déviées, positives d’un côté, néga-
tives de l’autre. La masse des particules intervient tout le reste n’est
aussi, déterminant à quelle vitesse elles percutent qu’opinion.
le détecteur et l’ampleur de la déviation créée
par le champ magnétique. C’est ainsi que, fon-
Démocrite
damentalement, les particules légères voient leur
trajectoire incurvée tandis que les plus lourdes peuvent tracer des boucles. En rele-
vant leurs caractéristiques grâce aux détecteurs et en les comparant avec leurs pré-
visions théoriques, les physiciens sont capables de reconnaître chaque particule.
Rayons cosmiques Dans l’espace, les particules sont produites selon des
processus analogues à ceux que nous mettons en œuvre dans nos accélérateurs.
Partout où l’on trouve de puissants champs magnétiques – comme au milieu de
notre galaxie, dans l’explosion d’une supernova ou dans les jets de matière accé-
lérée au voisinage des trous noirs hyper massifs –, les particules peuvent atteindre
des niveaux d’énergie extraordinaires, se déplaçant parfois à des vitesses proches
de celle de la lumière. Des antiparticules peuvent aussi être créées, ce qui ouvre
la possibilité d’observer leur annihilation quand elles entrent en contact avec de
la matière ordinaire.
Les rayons cosmiques sont des particules nées dans l’espace et qui s’écrasent sur
notre atmosphère. Lors de leur collision avec les molécules de l’air, elles se fra-
cassent et il s’ensuit une pluie de particules plus petites dont certaines atteignent
le sol. L’analyse des caractéristiques énergétiques des rayons cosmiques et de leur
trajectoire nous fait espérer en comprendre plus sur leur origine.
Les neutrinos sont aussi recherchés avec une certaine fébrilité : on présume qu’ils
contribuent au bilan de la matière noire de l’Univers. Mais ils n’interagissent
presque pas et sont donc très difficiles à détecter. Pour y parvenir, les physiciens
ont vu grand : ils utilisent la Terre entière comme détecteur. Occasionnellement,
en traversant la Terre, les neutrinos peuvent être ralentis : de grands ensembles de
détecteurs veillent, y compris les nouveaux implantés dans les glaces de l’Antarc-
tique et ceux de Méditerranée. D’autres expériences souterraines profondément
enfouies dans des mines sont destinées à piéger différents types de particules. Avec
des moyens aussi inventifs, il se pourrait bien que les astronomes découvrent dans
les prochaines décennies de quoi l’Univers est fait.
l’idée clé
Accélérateur cosmique
104 50 clés pour comprendre l’astronomie
26 L a « particule
de Dieu »
En 1964, alors qu’il se promenait dans les Highlands, en Écosse, le physicien
Peter Higgs imagina une façon de conférer leur masse aux particules.
Il appela cela sa « véritable grande idée ». Les particules paraissent avoir
une masse parce qu’elles sont ralenties par un champ de forces, nommé
depuis « champ de Higgs ». Le vecteur transportant la masse est le boson
de Higgs, particule que le prix Nobel Leon Lederman a appelée « particule
de Dieu » et dont l’existence a été confirmée expérimentalement au LHC
en 2012. Le prix Nobel de physique a été attribué en 2013 à Peter Higgs
conjointement avec le physicien belge François Englert.
Pourquoi les objets ont-ils une masse ? Un camion est lourd des atomes qui le
constituent. L’acier contient des atomes de fer qui se trouvent assez bas dans la
classification périodique. Mais qu’est-ce qui rend lourd un atome ? Après tout,
il est essentiellement fait de vide ! Pourquoi un proton est-il plus massif qu’un
électron, un neutrino, un photon ?
Les quatre interactions fondamentales étaient bien connues dans les années 1960.
Elles se transmettent via des vecteurs de nature assez différente. Ce sont les pho-
tons qui se chargent de véhiculer l’information dans les interactions électroma-
gnétiques, les gluons qui lient les quarks dans l’interaction nucléaire forte tandis
que ceux qu’on appelle les bosons W et Z sont les médiateurs de l’interaction
nucléaire faible. Mais les photons n’ont pas de masse alors que les bosons W et Z
sont des particules très lourdes, des centaines de fois plus que le proton. Pourquoi
tant de différences ? La contradiction était d’autant plus aiguë que les forces élec-
tromagnétiques et nucléaires faibles avaient pu être combinées dans la théorie
des forces électrofaibles. Mais cette dernière ne fournissait aucune explication
au fait que les bosons W et Z étaient très massifs. Ils auraient dû ne pas posséder
chronologie
1687
Dans ses Principia, Newton pose les équations de la masse
La « particule de Dieu » 105
Le champ de Higgs, lui, confère leur masse aux autres bosons. Mais le boson de
Higgs a lui-même une masse. Les expériences réalisées au LHC ont permis de la
déterminer.
Cela peut paraître difficile à imaginer mais, en fait, c’est assez simple. C’est l’ins-
tant où la symétrie d’un système est ôtée par un seul événement. Prenons une
table ronde dressée avec couverts et serviettes. Elle possède une symétrie en ce
sens que peu importe la place où vous vous asseyez, la table reste identique. Mais
si quelqu’un prend sa serviette, la symétrie est brisée : vous pouvez préciser quelle
position vous occupez par rapport à cette place. Il y a eu brisure de symétrie. Il
se peut que cet unique événement ait déclenché une série d’effets : par exemple,
chacun prendra la serviette qui se trouve à sa gauche comme l’a fait la première
personne. Mais si cette dernière avait pris sa serviette de l’autre côté, c’est le
contraire qui se serait produit. Le motif qui en ressort dépend de l’événement
aléatoire qui lui a donné naissance. De la même manière, pendant que l’Univers
refroidissait, des événements ont séparé les forces, une à une.
l’idée clé
Nager à contre-courant
108 50 clés pour comprendre l’astronomie
27 L a théorie
des cordes
Alors que le modèle standard n’est ni confirmé ni infirmé, certains scientifiques
recherchent une autre façon de décrire la matière dont est fait l’Univers.
Un groupe de physiciens tente d’expliquer les structures des particules
fondamentales en les considérant non comme des billes dures mais comme
des ondes sur une corde. C’est cette idée qu’on désigne par théorie des cordes.
Les théoriciens des cordes ne se satisfont pas du fait que les particules élémen-
taires, tels les quarks, les électrons ou les photons, sont des parcelles indivi-
sibles de matière ou d’énergie. Les structures qui leur confèrent une masse, une
charge ou la quantité d’énergie associée suggèrent l’existence d’un autre niveau
d’organisation. Ces scientifiques considèrent que ces structures révèlent de pro-
fondes harmonies. Chaque masse ou quantum d’énergie représente une har-
monique de la vibration de cordes minuscules. Les particules doivent donc être
regardées non comme des gouttes solides mais comme des bandes vibrantes ou
des boucles de corde. D’une certaine façon, cela redonne vie au penchant de
Kepler pour les formes géométriques idéales. Ce serait comme si les particules
formaient un motif musical suggérant un ensemble d’harmoniques jouées sur
une seule corde.
chronologie
1921 1970
La théorie de Yoishiro Nambu réalise une
Kaluza-Klein unifie description de l’interaction
l’électromagnétisme et nucléaire forte en utilisant des
la gravitation cordes quantiques
La théorie des cordes 109
Les cordes peuvent avoir des extrémités libres ou se présenter en boucles fermées
mais, en dehors de cela, elles sont identiques. C’est pourquoi les différences
entre les particules élémentaires proviennent uniquement de la configuration
des vibrations des cordes – leurs harmoniques – et non du matériau dont les
cordes sont faites.
Une théorie du tout En essayant de faire entrer tout le zoo des particules
et interactions dans un cadre unique, la théorie des cordes espère s’approcher
d’une « théorie du tout », une seule théorie qui unifierait les quatre interactions
La théorie des cordes se révéla comme une théorie originale du fait de la beauté
de ses mathématiques. Dans les années 1920, Theodor Kaluza employa les har-
moniques comme approche alternative pour décrire certaines propriétés inha-
bituelles des particules. Les physiciens se rendirent compte que ces mêmes
mathématiques pouvaient aussi décrire certains phénomènes quantiques.
Fondamentalement, l’analyse harmonique fonctionne aussi bien en mécanique
La théorie M
Les cordes sont, pour l’essentiel, des lignes.
Mais, dans un espace à dimensions mul-
tiples, elles constituent un cas limite de géo-
métries qui pourraient contenir des surfaces
et d’autres formes multidimensionnelles.
Cette théorie générale est appelée « théorie
M », où le M ne représente pas un seul mot
mais pourrait être mis pour membrane, ou
mystère. Une particule se déplaçant dans
l’espace gribouille une ligne : si la particule
ponctuelle était trempée dans l’encre, nous
verrions une trajectoire linéaire appelée
ligne d’univers. Une corde, par exemple
une boucle, dessinerait un cylindre – nous
parlerons de sa surface d’univers. À l’inter-
section de ces surfaces, là où les cordes se
rompent et forment de nouvelles combinai-
sons, il y a des interactions. En réalité, la
théorie M est l’étude des formes de toutes
ces surfaces d’un espace à 11 dimensions
La théorie des cordes 111
La théorie – il faudrait dire les théories – des cordes est toujours en perpétuel
devenir. Aucune théorie stable n’a encore émergé. Cela pourrait prendre encore
un certain temps, la physique étant devenue si complexe qu’il faut y incorporer
énormément de choses. Voir l’Univers comme la vibration de nombreuses har-
monies a du charme mais les partisans de ce point de vue en tiennent parfois
pour des positions stériles, restant englués dans des détails subtils et dépréciant
la signification des structures de plus grande échelle. C’est pourquoi il est bien
possible que les théoriciens des cordes restent marginaux jusqu’à ce qu’une
vision plus puissante apparaisse. Mais, étant donné la nature de la science, c’est
une bonne chose qu’ils cherchent en dehors des sentiers battus.
l’idée clé
Harmonies universelles
112 50 clés pour comprendre l’astronomie
28 L e principe
anthropique
Le principe anthropique stipule que l’Univers est ce qu’il est parce que,
s’il était différent, nous ne serions pas là pour en parler. C’est une explication
de la raison pour laquelle chaque paramètre de la physique prend telle valeur
et non une autre, depuis la portée des forces nucléaires jusqu’à l’énergie
noire et la masse de l’électron. Si l’un de ces paramètres venait à varier
même légèrement, l’Univers ne serait plus habitable.
De la même façon, même si les atomes existaient et que l’Univers avait évolué
jusqu’à créer toutes les structures que nous connaissons aujourd’hui, il suffirait
que l’énergie noire soit un peu plus forte pour que galaxies et étoiles aient déjà
été démantelées. De minuscules modifications de la valeur des constantes phy-
siques, de l’intensité des forces ou de la masse des particules pourraient ainsi pro-
duire des catastrophes. Dit autrement, l’Univers apparaît comme très bien réglé :
les forces sont juste « comme il faut » pour que l’humanité ait pu se développer.
Est-ce le fruit du hasard si nous vivons dans un univers vieux de 14 milliards
d’années, où l’énergie noire et la gravitation s’équilibrent mutuellement et où les
particules subatomiques ont la forme que nous leur connaissons ?
Parfait Plutôt que donner une place toute particulière à l’humanité et penser
que l’Univers tout entier a été fait spécialement pour nous – ce qui serait peut-
être un point de vue un peu présomptueux – le principe anthropique explique
qu’il n’y a rien de surprenant. Si l’une quelconque des forces avait été légère-
chronologie
1904
Alfred Wallace traite de la place de l’Homme dans
l’Univers
Le principe anthropique 113
Bien qu’il se fût agi de quelque chose dont les philosophes étaient familiers,
le principe anthropique a été utilisé comme argument en physique et en cos-
mologie par Robert Dicke et Brandon Carter. Une formulation – le principe
anthropique faible – affirme que nous ne serions pas là si les paramètres étaient
différents, le fait que nous existions restreignant les propriétés des univers phy-
siques habitables où nous pourrions exister. Une autre version, plus forte, donne
davantage d’importance à notre propre existence comme l’idée que la vie doit
nécessairement apparaître pour que l’Univers existe lui-même. Par exemple, il
faut la présence d’observateurs pour que la réalité de l’Univers prenne corps du
fait même qu’il est observé. John Barrow et Franck Tipler ont déjà suggéré une
autre version où le traitement de l’information est un but fondamental de l’Uni-
vers et donc que son existence devait produire des créatures capables de traiter
l’information.
Des mondes nombreux Pour que des êtres humains aient pu être produits,
il faut un univers suffisamment vieux pour que le carbone ait pu être fabriqué
par d’anciennes générations d’étoiles et les interactions nucléaires faible et forte
doivent être « parfaites » pour autoriser la physique nucléaire et la chimie. La
gravitation et l’énergie noire doivent aussi s’équilibrer pour pouvoir former les
étoiles plutôt que mettre en pièces l’Univers. En allant plus loin, il faut que les
étoiles soient durables, pour que les planètes puissent se former, et suffisamment
grandes pour que nous puissions nous retrouver sur une planète située dans une
1957 1973
Robert Dicke écrit que l’Univers est contraint par Brandon Carter examine le principe anthropique
des facteurs biologiques
114 50 clés pour comprendre l’astronomie
Bulles anthropiques
Nous pouvons éviter le
dilemme anthropique si
nous admettons l’existence
de nombreux univers paral- Interaction forte
Vie sans trop faible : pas
lèles, les univers-bulles, qui intelligence de fusion
côtoient celui où nous Pas de
vivons. Dans chaque uni- Vie intelligente matière
vers-bulle, les paramètres
de la physique peuvent Pas de Interaction
liaisons nucléaire faible
être légèrement différents. atomiques trop forte :
Ces derniers déterminent la trop de
Forte gravité : radioactivité
façon dont chaque univers
que des
évolue et le fait que, dans Gravité faible trous noirs
un univers donné, puisse se : absence de
planètes Pas de
développer un cadre propice lumière
à la vie. Pour autant que nous
le sachions, la vie est quelque
chose de complexe et cela ne
se produira que dans un petit nombre d’univers. Mais, du moment qu’il y a de nombreux univers-
bulles, c’est possible et notre existence n’est donc pas si improbable !
Les physiciens peuvent imaginer des univers où ces quantités sont différentes
et certains ont donc suggéré que semblables univers pourraient être créés tout
aussi facilement qu’un univers du genre du nôtre. Ils pourraient exister en tant
qu’univers parallèles, ou multivers, et nous n’existerions que dans une seule
réalisation. L’idée d’univers parallèles s’intègre au principe anthropique en ce
qu’elle autorise d’autres univers où nous ne pourrions pas exister.
l’idée clé
Un univers juste comme il faut
116 50 clés pour comprendre l’astronomie
29 L a séquence
de Hubble
Les galaxies se présentent sous deux formes : elliptique et spirale.
Les astronomes soupçonnent depuis longtemps que similitudes et différences
– comme le bulbe central qu’on trouve dans les deux, et la présence
ou l’absence d’un disque aplati d’étoiles – étaient le signe d’une évolution.
La preuve que les collisions galactiques sont responsables de cette
« séquence de Hubble » nous est fournie par les images du ciel les plus
profondes qu’on ait prises.
Lorsqu’il fut de plus en plus admis, dans les années 1920, que les nébuleuses
floues qui éclaboussent les cieux étaient des galaxies situées au-delà de la nôtre,
les astronomes ont cherché à les classifier. Il y en a deux grandes catégories :
certaines sont lisses et de forme ellipsoïdale, les autres superposent clairement
des motifs spiraux. Elles sont respectivement qualifiées d’elliptiques et spirales.
Edwin Hubble – l’astronome américain qui, le premier, prouva que des nébu-
leuses existent loin au-delà de la Voie lactée – avança l’idée qu’il y avait matière
à classification et donna des noms aux diverses catégories. Sa « séquence » galac-
tique est toujours en usage. Les galaxies elliptiques sont désignées par la lettre
E suivie d’un nombre qui augmente (de 0 à 7) en fonction de l’élongation de la
galaxie : une galaxie de type E0 est en gros circulaire ; une galaxie de type E7 a
davantage la forme d’un cigare. Vues dans les trois dimensions de l’espace, les
galaxies elliptiques ressemblent à un ballon de rugby.
Dans le schéma de Hubble, les galaxies spirales sont désignées par la lettre S
suivie d’une autre (a, b ou c) selon que l’enroulement des bras spiraux est plus
ou moins resserré : une galaxie Sa est une spirale serrée ; une galaxie de classe
Sc présente une spirale lâche. Vue en trois dimensions, les galaxies spirales sont
chronologie
1920 1926
Le Grand Débat pose la question de Diagramme en diapason de Hubble
l’existence de nébuleuses au-delà de la
Voie lactée
La séquence de Hubble 117
aplaties comme un frisbee ou une lentille. Une difficulté vient de ce que certaines
galaxies spirales ont une « barre » à travers la région centrale : on dit qu’elles
sont « spirales barrées » et on les désigne par les lettres SB plutôt que S. Il y a des
galaxies qui ne rentrent dans aucune de ces catégories, parmi lesquelles celles
qui ont une forme irrégulière – d’où leur nom d’« irrégulières » – ou celles qui se
situent quelque part entre les elliptiques et les spirales – qu’on désigne par S0.
galaxies spirales
normales
Sb
Sc
galaxies elliptiques Sa
SO
E0 E3 E7 SBa SBb
SBc
galaxies spirales
barrées
1975 1995
Vera Rubin découvre la matière noire dans des Observation du champ profond de Hubble
galaxies spirales
118 50 clés pour comprendre l’astronomie
Hubble (voir page 117) – ce dernier exprimait cette idée forte que les galaxies
elliptiques pourraient voir leur disque grandir et finir par devenir spirales. Mais
nous n’avons pas de preuve de semblables transformations. De nombreux cher-
cheurs ont depuis consacré leur carrière tout entière à tenter de comprendre
comment pouvait se faire l’évolution des galaxies d’un type vers un autre.
Ce champ a été choisi car il était dégagé de toutes les étoiles au premier plan et à
peu près la totalité des 3 000 objets observés dans ce cadre sont donc des galaxies
éloignées, en majorité elliptiques et spirales. Ces deux types sont donc apparus
il y a longtemps. On y trouve cependant davantage de galaxies bleues, petites et
irrégulières, que dans l’univers proche. On y voit aussi que le rythme de forma-
tion des étoiles était dix fois plus rapide il y a 8 à 10 milliards d’années qu’au-
jourd’hui. Ces deux facteurs laissent entendre que des collisions plus fréquentes
sont responsables de la croissance rapide des galaxies dans le jeune univers.
l’idée clé
Transformateurs galactiques
120 50 clés pour comprendre l’astronomie
30 A
mas galactiques
Les galaxies se regroupent pour former des amas – les plus gros objets
de l’Univers qui soient liés par la gravité. Ensembles massifs de milliers de
galaxies, les amas regroupent aussi des réservoirs de gaz très chauds et de la
matière noire qui sont éparpillés entre les membres de l’amas.
Au xviiie siècle, les astronomes se sont rendu compte que les nébuleuses n’étaient
pas régulièrement réparties. Tout comme les étoiles, elles constituent des groupes
ou des amas. L’astronome français Charles Messier fut l’un des premiers à étu-
dier les nébuleuses les plus brillantes et à en dresser une liste qui comprend ce
que nous savons aujourd’hui être non seulement des galaxies mais aussi des
nébuleuses diffuses et des nébuleuses planétaires, des amas d’étoiles et des amas
globulaires. La première version de son catalogue a été publiée en 1774 dans le
journal de l’Académie des sciences ; il ne recensait que 45 des taches les plus
spectaculaires. Une version ultérieure, parue en 1781, en dénombrait plus de
cent. Les astronomes continuent à parler des objets de Messier, les désignant
par la lettre M suivie d’une référence : par exemple, la galaxie d’Andromède est
désignée par M 31. Le catalogue de Messier comprend quelques-uns des objets
les plus étudiés en détail dans leur catégorie.
Un catalogue beaucoup plus vaste des objets situés plus profondément dans le
ciel – le New General Catalogue, le nouveau catalogue général – a été dressé et
publié dans les années 1880. Johann Dreyer y a recensé presque 8 000 corps
célestes dont presque un tiers vient des observations de William Herschel. On
distingua divers types d’objets de différentes classes, depuis les nébuleuses bril-
lantes jusqu’aux vagues amas d’étoiles. L’avènement de la photographie permit
de trouver bien plus de corps et le catalogue fut étendu en 1905 avec l’addition
de deux Catalogues Index comprenant plus de 5 000 objets. Ces corps célestes
sont toujours désignés par NGC ou IC selon le catalogue où ils ont figuré. La
galaxie d’Andromède, par exemple, est aussi NGC 224.
chronologie
1781 1924
Messier repère l’amas de la Vierge Hubble mesure la distance de
la galaxie d’Andromède
Amas galactiques 121
Andromède et la Voie lactée sont très voisines par la taille et le type. Andromède
est elle aussi une grande galaxie spirale – que nous ne voyons que sur le côté,
avec une inclinaison d’environ
45°. Les autres galaxies du Amas de la
groupe sont bien plus petites. Vierge
Nos deux voisins les plus
Lion 1
proches sont le Grand et le Petit
Nuage de Magellan, à quelque Groupe M 66
65
1933 1966
Zwicky évalue la matière noire dans Détection de rayons X en provenance de
l’amas de Coma l’amas de la Vierge
122 50 clés pour comprendre l’astronomie
C’est la gravité qui assure la cohésion des amas galactiques. De même que les
étoiles parcourent des orbites à l’intérieur des galaxies, de même les galaxies
suivent leur route autour du centre de masse de l’amas. Un grand amas galac-
tique standard pèse en tout 1 015 (un million de milliards) masses solaires. De
plus, tant de matière concentrée dans un petit espace provoque une distorsion de
l’espace-temps. Dans l’analogie du morceau de caoutchouc, le poids des galaxies
crée une dépression où toutes les galaxies sont logées. Mais, en plus des galaxies,
du gaz vient aussi s’accumuler dans cette cavité de l’espace-temps.
Gaz intra-amas Les amas galactiques sont donc pleins de gaz brûlants. Ces
océans de gaz sont si chauds – des millions de degrés Celsius – qu’ils brillent suffi-
samment pour émettre des rayons X que des satellites peuvent détecter. On parle
de ce gaz chaud comme de gaz intra-amas. De la même façon, la matière noire
s’accumule aussi dans le puits gravitationnel des amas. Les astronomes caressent
l’espoir de voir la matière noire dans un nouvel environnement, en dehors des
galaxies proprement dites : aussi scrutent-ils l’intérieur des amas pour tenter d’y
On peut, de façon peu flatteuse, comparer les amas à des tas de détritus du
cosmos parce qu’ils sont tellement gros que tout y tombe. Par suite, ce sont des
hauts lieux d’investigation pour l’archéologie cosmique. Qui plus est, ce sont
les plus grands objets gravitationnellement bornés et, à ce titre, ils devraient
contenir de la matière normale et noire dans des proportions représentatives de
l’Univers dans son ensemble. Si nous pouvions compter et peser tous les amas,
cela nous donnerait une valeur approximative de la masse totale de l’Univers.
Si nous pouvions en outre pister la façon dont ils grossissent au fil du temps, en
repérant des amas très éloignés qui pourraient être observés au moment de leur
formation, nous pourrions comprendre comment s’est développée la structure
de l’Univers depuis le Big Bang.
l’idée clé
Là où tout se rassemble
124 50 clés pour comprendre l’astronomie
31 S tructure à
grande échelle
Les galaxies sont éparpillées dans tout l’Univers en structures semblables
à de la mousse. Les amas se trouvent à l’intersection de filaments et de
feuilles enveloppant des régions vides. Ce réseau cosmique vient de milliards
d’années d’action de la gravité, les galaxies s’attirant mutuellement.
Dans les années 1980, les instruments des astronomes étaient devenus si sophis-
tiqués qu’on put mesurer simultanément les décalages vers le rouge de nom-
breuses galaxies en enregistrant les spectres multiples des caractéristiques des
rayons lumineux qui en proviennent. Un groupe d’astronomes du Harvard
Center for Astrophysics (CfA) décida de relever systématiquement tous les déca-
lages vers le rouge de centaines de galaxies pour tenter de reconstituer leurs posi-
tions dans l’espace à trois dimensions. Les résultats de leur étude, le CfA Redshift
Survey, dévoila un nouveau paysage cosmique.
chronologie
1977 1985
Début du CfA (Center for Astrophysic) Découverte du Grand Mur de
Redshift Survey galaxies
Structure à grande échelle 125
Ségrégation galactique L’étude Sloan nous a donné une vue parfaite des
structures galactiques de l’Univers. Les galaxies se regroupent en réseaux sem-
blables à une toile à toutes les échelles. L’étude recueille à la fois des spectres et
des images. Les astronomes peuvent donc distinguer différents types de galaxies.
Les elliptiques ont tendance à être relativement rouges avec un spectre semblable
à celui d’étoiles anciennes. Les spirales sont plus bleues et leur spectre révèle des
étoiles plus jeunes qui se forment au sein de leur disque riche en gaz.
L’étude Sloan montre que les différents types de galaxies s’assemblent de diffé-
rentes façons. Les galaxies elliptiques préfèrent les amas et les régions denses de
l’espace. Les spirales sont réparties plus largement et évitent les riches centres
des amas. Bien que, par définition, ils ne contiennent à peu près rien, les vides
peuvent receler une poignée de galaxies, généralement spirales. Cette ségrégation
montre que les galaxies appréhendent leur environnement.
2000 2015
Début du Sloan Digital Sky Survey Début de la construction du Large Synoptic
Survey Telescope
126 50 clés pour comprendre l’astronomie
Raies d’absorption des quasars Il est facile de pister les galaxies lumi-
neuses mais on en sait moins sur la matière noire et les gaz éparpillés dans
l’espace. On peut repérer des nuages de gaz quand ils absorbent la lumière prove-
nant d’objets derrière eux. Les quasars sont des objets très brillants qu’on trouve
généralement très loin et sont donc d’excellents « phares ». Comme l’hydrogène
gazeux crée des raies spectrales de Fraunhofer (voir page 28) lorsqu’il absorbe la
lumière solaire, sa signature est reconnaissable dans le spectre lumineux des qua-
sars. Ainsi, les nuages d’hydrogène peuvent être repérés par les raies d’absorption
qu’ils produisent. On peut aussi détecter les traces d’autres éléments à l’intérieur
des nuages bien que ces raies d’absorption soient souvent ténues et plus difficiles
à repérer.
études à venir
On espère que les études de demain pourront réaliser un « film » de l’ensemble du ciel dans
diverses longueurs d’onde. Le Large Synoptic Survey Telescope, en construction au Chili, aura
un diamètre de 8,4 mètres avec une caméra numérique de 3 milliards de pixels. Capable de
couvrir en une seule prise une étendue de 49 fois l’aire de la Lune, il sera en état de fournir une
image du ciel chaque semaine à partir de 2015. De tels télescopes permettront les investigations
sur le mystère de la matière et de l’énergie noires et seront capables de détecter les objets qui
se transforment ou se déplacent, comme les supernovae et les astéroïdes.
Structure à grande échelle 127
Même ainsi, la réponse n’est pas simple. Les choses sont très différentes selon la
nature de la matière noire et, de cette nature, nous n’avons strictement aucune
idée ! Les modèles avec une matière noire de type « froid » – mouvements lents
de particules exotiques – conduisent à des mouvements de regroupements à
large échelle plus importants qu’ils ne le sont. Par contre, avec des particules de
matière noire se déplaçant rapidement – autrement dit avec une matière noire
« brûlante » ou « chaude » –, on devrait voir davantage de structures à petite
échelle qu’il n’y en a en réalité. Les données de regroupements des galaxies
laissent donc entrevoir que la matière noire se situe quelque part entre ces deux
schémas. De même, trop d’énergie noire neutraliserait la gravité et ralentirait
l’accumulation de galaxies. Mieux vaut miser sur un compromis !
l’idée clé
Réseau cosmique
128 50 clés pour comprendre l’astronomie
32 Radioastronomie
Les ondes radio révèlent un univers de violences. Produites par des
explosions d’étoiles et des jets de matière à proximité des trous noirs,
elles permettent de reconnaître des particules se déplaçant rapidement
dans de puissants champs magnétiques. L’exemple le plus démesuré est
celui des radiogalaxies où des jets jumeaux alimentent des lobes en forme
de bulles, bien au-delà des étoiles de la galaxie. Enfin, la répartition des
radiogalaxies conforte le modèle du Big Bang.
En 1933, Jansky découvrit que les parasites provenaient de la Voie lactée, pour
l’essentiel de la constellation du Sagittaire, au centre de notre galaxie. Comme
aucun ne provenait du Soleil, ils ne devaient pas non plus être émis par des
étoiles mais plutôt par les gaz et les poussières interstellaires. Même si Jansky ne
poursuivit pas ses travaux, il est considéré comme le père de la radioastronomie
et une unité d’intensité des signaux radio (la densité de flux) a été appelée le
jansky (Jy) en son honneur.
chronologie
1933 1937
Jansky détecte la Voie lactée dans Reber construit le premier
les fréquences radio radiotélescope
Radioastronomie 129
«
Une nouvelle trace d’activité
radio au centre de la Voie lactée (…)
Aucune preuve de transmission interstellaire.
New York Times, 1933
»
radio cosmiques. Ces signaux électroniques étaient ensuite transmis à un traceur
et enregistrés.
1953 1959
Découverte du fait que Cygnus A est une Publication du relevé radio 3C
radiosource double
130 50 clés pour comprendre l’astronomie
Quelle est la nature des radiosources ? C’est ce qu’on se demanda alors et l’on
rechercha des spectres optiques. Mais la position des radiosources n’était connue
que grossièrement et il s’est avéré difficile de déterminer quelle étoile ou galaxie
en était responsable. Les sources finirent par livrer leurs secrets. À l’écart du
centre de la Voie lactée, quelques-unes des sources les plus brillantes sont des
objets insolites. Par exemple, Cassiopée A et la nébuleuse du Crabe sont des
rémanents de supernovae, coquilles de gaz éjectés par l’explosion cataclysmique
d’une étoile en fin de vie, la seconde possédant un pulsar en son centre.
Radiogalaxies Les autres sources sont d’une tout autre dimension. La source
brillante dans la constellation du Cygne – Cygnus A –, est une galaxie loin-
taine. Elle fut découverte par Reber en 1939 et l’on montra, en 1953, qu’il s’agis-
sait d’une source double. De telles sources sont caractéristiques de nombreuses
galaxies émettant des ondes radio. Chaque extrémité de la galaxie est constituée
d’un « lobe » diffus, vaste bulle gonflée par de fins jets de particules de haute
énergie émises au centre de la galaxie. La symétrie des deux lobes – en général,
Radioastronomie 131
Mais Ryle avait découvert des preuves que les radiosources n’étaient pas uni-
formément réparties : il y a moins de radiosources brillantes qu’il y en aurait
dans une distribution aléatoire. Il faut donc, disait-il, que l’Univers soit fini et le
modèle du Big Bang exact. La découverte du fond diffus cosmologique confirma
les dires de Ryle, ce qui n’empêcha pas les deux grands astronomes de continuer
à se chamailler. L’histoire de ces hostilités a fait que, aujourd’hui encore, les deux
groupes de chercheurs travaillent de façon farouchement indépendante.
l’idée clé
Paysage radio
132 50 clés pour comprendre l’astronomie
33 Quasars
Les quasars sont parmi les objets les plus lointains et les plus lumineux de
l’Univers. S’ils brillent intensément, c’est que de la matière s’effondre en
direction d’un trou noir à l’intérieur d’une galaxie. Leur géométrie leur
confère une apparence très différente selon la direction d’où on les observe
et ils peuvent avoir l’air de « galaxies actives » hors normes avec leurs étroites
raies d’émission. Toutes les galaxies peuvent connaître une phase quasar,
qui joue peut-être un rôle important dans leur création.
Au cours des années 1960, une catégorie d’étoiles étranges a intrigué les astro-
nomes. Leur spectre singulier montrait des raies d’émission brillantes mais qui
ne semblaient pas correspondre à une longueur d’onde connue. De quoi s’agis-
sait-il ? En 1965, un astronome hollandais, Maarten Schmidt, s’est rendu compte
que ces raies correspondaient bien à des éléments connus, y compris la séquence
caractéristique de l’hydrogène, mais considérablement décalées vers le rouge.
chronologie
1965 1979
Schmidt identifie les quasars Premier objet observé par effet de
lentille gravitationnelle : le quasar
jumeau
Quasars 133
«
Si une voiture était aussi performante
énergétiquement que ces trous noirs,
elle pourrait théoriquement parcourir plus d’un milliard
de kilomètres avec deux litres de carburant.
Christopher Reynolds
»
QSO émettent aussi des ondes radio : ce sont les quasi-stellar radio sources, quasars
en abrégé, radiosources quasi stellaires. Mais c’est souvent à toute la catégorie
qu’on se réfère en évoquant les quasars.
1989 2000
Peter Barthel propose les modèles unifiés Détection de quasars lointains par le Sloan Digital
Sky Survey
134 50 clés pour comprendre l’astronomie
juste derrière le disque peuvent être illuminés, les raies spectrales de leur lueur
révélant leur composition chimique. Le trou noir central étant très proche, ces
nuages se déplacent très rapidement ce qui élargit leurs raies d’émission à cause
de l’effet Doppler. Les raies d’émission des quasars sont plus larges que celles de
n’importe quelle autre sorte de galaxies où elles sont, d’ordinaires, étroites.
Galaxies actives Les quasars sont les exemples les plus démesurés d’une
catégorie de galaxies possédant un trou noir qui grossit, les galaxies à noyau
actif, AGN pour Active Galactic Nuclei. La présence d’un trou noir est révélée
par les raies d’émission caractéristiques montrant un état d’excitation difficile
à atteindre sauf dans le gaz fortement ionisé qui apparaît aux températures éle-
vées engendrées par la proximité du trou noir. Les raies larges nous sont visibles
seulement si nous pouvons observer directement les régions proches du trou
noir. Dans d’autres sortes d’AGN, les régions intérieures peuvent être cachées
par des nuages denses de gaz et de poussières en forme de tore – comme une
sorte de beignet – et, par suite, les raies larges sont occultées. Même si seules les
raies étroites demeurent, leurs niveaux élevés d’ionisation révèlent la présence
du monstre tapi au cœur de l’AGN.
»
que ce sont les directions sous
lesquelles les AGN se présentent Brille, brille, quasi-étoile
à nous qui nous font en distin- Sur qui tu es, lève le voile.
guer plusieurs types est connue
sous le nom de « modèle unifié ». George Gamow
Cela cadre assez bien avec les
propriétés à grande échelle – émission radio, luminosité – des quasars et autres
galaxies actives. Mais il y a de nombreuses variantes d’AGN. La luminosité intrin-
sèque de l’AGN, à cause de la taille de son trou noir, joue probablement sur la
façon dont la vue sur le centre est dégagée. Le centre des AGN les plus faibles
peut être occulté davantage que celui des AGN plus puissantes. De jeunes AGN
dont le trou noir central ne s’est constitué que récemment pourraient être bien
moins visibles que de plus anciennes qui ont eu le temps d’évacuer la matière
opaque. La présence ou l’absence de radio-émissions reste aussi inexpliquée –
certains astronomes pensent que les jets d’émissions radio proviennent de trous
noirs en rotation ou sont consécutifs à certains types de collision galactique, par
exemple entre deux galaxies elliptiques massives.
l’idée clé
Thermostats galactiques
136 50 clés pour comprendre l’astronomie
34 F ond cosmique
de rayons X
Les rayons X sont les messagers de la physique de l’extrême et les télescopes
à rayons X qui évoluent dans l’espace révèlent des zones de violence, depuis
le voisinage des trous noirs jusqu’aux gaz portés à un million de degrés dans
les amas galactiques. De tels objets créent une faible lueur X dans tout le ciel,
le fond cosmique de rayons X.
Les progrès en astronomie viennent souvent d’une nouvelle ouverture sur l’Uni-
vers : Galilée observa le ciel à la lunette astronomique ; les radioastronomes
découvrirent de nouveaux phénomènes, dont les trous noirs, grâce à l’usage de
récepteurs radio pour recueillir les signaux du cosmos. À l’autre extrémité du
spectre électromagnétique, il y a les rayons X. Des décennies après les débuts de
la radioastronomie est née l’astronomie en rayons X.
chronologie
1895
Röntgen découvre les rayons X en laboratoire
Fond cosmique de rayons X 137
Fond cosmique de rayons X Bien qu’ils surgissent tous deux à des dis-
tances cosmiques, le fond cosmique de rayons X et fond diffus cosmologique
sont différents. Le premier provient essentiellement de nombreuses étoiles indi-
viduelles et de galaxies, dont les images se mêlent de la même façon que celle
de la Voie lactée qui, bien que faite de nombreuses étoiles, apparaît comme une
traînée floue à l’œil nu. Le fond diffus cosmologique, lui, est dû au rayonnement
fossile qui emplit l’espace et n’est pas associé à des galaxies précises.
1962 1999
Giacconi lance un télescope spatial à Lancement du télescope spatial à
rayons X rayons X Chandra
138 50 clés pour comprendre l’astronomie
isséquer le fond de rayons X. Les astronomes ont découvert plus de 80 % des
d
sources qui contribuent au fond cosmique de rayons X. Ils pensent que ce qui
reste est produit de la même façon mais n’ont pas encore pu discerner les corps
qui en sont à l’origine. Quarante ans après le travail de pionnier de Giacconi,
plus de 100 000 sources X ont été détectées ; la plus lointaine est à 13 milliards
d’années-lumière de la Terre.
Physique de l’extrême Une gamme de corps émet des rayons X qui sont
produits dans des gaz chauffés à des millions de degrés, dans des régions où
règnent des champs magnétiques et gravitationnels intenses ou bien lors d’ex-
plosions. Parmi les plus gros, on trouve des amas galactiques : les gaz brûlants
qui y sont répandus s’étendent sur des millions d’années-lumière et peuvent
atteindre 1015 masses solaires. Les trous noirs émettent des rayons X : les quasars
et les galaxies actives sont des sources très lumineuses qu’on trouve dans tout
l’Univers. En réalité, la présence d’une source X quasi ponctuelle au centre d’une
galaxie trahit la présence d’un trou noir.
Certains types d’étoiles irradient aussi des rayons X. Les explosions d’étoiles et
les vestiges de supernovae sont des sources puissantes, de même que les étoiles
en train de s’effondrer – lorsque leurs réactions nucléaires faiblissent, les étoiles
Fond cosmique de rayons X 139
»
Dans des cas extrêmes, l’effon-
drement de l’étoile fera naître de nouveau, qu’on n’avait
un trou noir – des rayons X ont jamais décrit.
été détectés à des distances aussi
proches que 90 km de l’horizon Wilhelm Konrad Röntgen
des événements d’un trou noir
stellaire.
Les jeunes étoiles, plus chaudes, diffusent davantage de rayons X que notre Soleil.
Mais les couches externes du Soleil en émettent aussi, tout particulièrement sa
couronne qui est très chaude et maillée par de puissants champs magnétiques.
L’imagerie en rayons X est très utile pour observer les turbulences mais aussi
l’échauffement des étoiles ainsi que les changements de comportement à mesure
qu’elles vieillissent. Quelques-unes des plus puissantes sources X de notre galaxie
sont proches des systèmes binaires – des paires d’étoiles – dont une étoile, voire
les deux, est le résultat d’un effondrement. L’étoile compacte aspire souvent le
gaz de l’autre, rendant ces systèmes très actifs.
l’idée clé
Ouverture sur
un univers violent
140 50 clés pour comprendre l’astronomie
35 T rous noirs
supermassifs
Tapi au centre des galaxies, se cache un monstre. Des millions ou des
milliards de fois plus massif que le Soleil et tassé dans une région de la
taille d’un système solaire, un trou noir supermassif détermine la croissance
de la galaxie qui l’accueille. Sa taille est liée à celle du bulbe galactique, il est
donc probable qu’il soit un composant indispensable. Il peut être source
d’une débauche d’énergie s’il est activé pendant une collision galactique.
Depuis la découverte des quasars et des galaxies actives dans les années 1960,
les astronomes savent que des trous noirs géants – des millions ou des milliards
de fois plus massifs qu’une étoile – peuvent exister au centre des galaxies. Ces
dix dernières années, il est apparu clairement que toutes les galaxies pourraient
abriter des trous noirs. Dans la plupart des cas, ils sont en sommeil ; dans cer-
taines circonstances, quand de la matière est canalisée vers eux, ils s’échauffent.
C’est ce qui se passe quand nous les voyons comme des quasars.
Les astronomes ont découvert que les étoiles situées tout au centre de la plupart
des galaxies se déplacent trop vite pour qu’étoiles, gaz et matière noire suffisent
chronologie
1933 1965
Jansky détecte le centre de Découverte des quasars
la Voie lactée par radio
Trous noirs supermassifs 141
Relation bulbe – masse On pensait, avant 2000, que la présence dans les
galaxies de trous noirs supermassifs était l’exception. Il était clair qu’ils étaient
présents dans les galaxies actives ; on en trouvait dans quelques autres galaxies
plus calmes mais on ne voyait pas en eux des éléments clés. Cela changea rapi-
dement lorsque l’observation du centre des galaxies est devenue plus aisée grâce
aux nouveaux télescopes et à des instruments capables de mesurer la vitesse des
étoiles proches du centre : toutes les galaxies semblent abriter des trous noirs.
De plus, leur masse est proportionnelle à la masse du bulbe de la galaxie-hôte :
telle a été la conclusion d’une étude portant sur des centaines de galaxies pour
1993 2000
Les masers H20 révèlent la présence d’un trou Découverte de la corrélation entre les
noir dans la galaxie NGC 4258 masses du bulbe et du trou noir
142 50 clés pour comprendre l’astronomie
lesquelles les astronomes ont mesuré les vitesses des étoiles du centre galactique
– ce qui fournit la masse du centre – puis reporté ces valeurs sur un graphique
en fonction de la masse du bulbe : on obtint un rapport proche de un pour un.
Cette tendance est une surprise. Elle fait fi du type de galaxies, s’applique aussi
bien aux elliptiques qu’aux spirales, ce qui est source de questions nouvelles sur
les relations entre les différentes catégories de galaxies telles que décrites dans
le diapason de la séquence de Hubble. La couleur et l’âge de leurs étoiles ne
sont pas la seule chose que les bulbes galactiques et les galaxies elliptiques ont
en commun : cette nouvelle corrélation laisse penser que ces structures se sont
formées dans des conditions semblables. En fait, les disques sont peut-être des
attributs supplémentaires développés ou détruits ensuite, selon le destin de la
galaxie, à l’occasion de ses interactions avec d’autres.
La question qui vient ensuite est : comment la taille des trous noirs s’accroît-elle ?
Les astronomes pensent que les galaxies grandissent par fusion, en cannibalisant
les plus petites et en s’effondrant en de plus grosses. Mais il y a peu de galaxies
pour lesquelles il est évident qu’elles abritent deux trous noirs ou davantage,
même quand une fusion pourrait avoir eu lieu récemment. On peut penser que
les trous noirs centraux fusionnent très vite – mais mathématiques et simula-
tions nous disent autre chose : les trous noirs sont si denses qu’ils se comportent
davantage comme des boules de billard que comme de la pâte à modeler ; lancés
les uns contre les autres, ils rebondissent plutôt qu’ils ne s’agglutinent. Cet écart
entre la théorie des trous noirs et l’observation reste un grand mystère.
Les astronomes le pensent. Ils soupçonnent que les trous noirs suivent des cycles
d’activation dans le sillage des collisions de galaxie. Les fusions nourrissent les
trous noirs en leur apportant de nouvelles réserves de gaz en provenance de
l’autre galaxie. Le monstre se réveille, brillant et féroce aux longueurs d’onde des
rayons X, recrachant des explosions de chaleur et de particules. L’accumulation
de gaz déclenche aussi la formation de nouvelles étoiles et la galaxie passe par
une phase de changements considérables. À la fin, la provision de gaz s’épuise
et le trou noir, affamé, s’éteint. La galaxie redevient tranquille, jusqu’à la pro-
chaine fusion. En fin de compte, les trous noirs supermassifs pourraient être les
thermostats qui régulent la croissance des galaxies.
l’idée clé
Perle noire galactique
144 50 clés pour comprendre l’astronomie
36 é volution
galactique
L’idée que les galaxies évoluent d’un type vers un autre était déjà présente
dans la classification de Hubble où figurent à la fois les galaxies spirales et
elliptiques. Mais on ne sait toujours pas comment cela se fait. Les astronomes
ont caractérisé les différentes sortes de galaxies et dressé la carte de la
distribution de millions d’entre elles dans l’Univers. Ils lancent désormais de
grandes simulations informatiques afin de comprendre la façon dont elles se
constituent et à quel point leurs caractéristiques dépendent étroitement des
ingrédients élémentaires de l’Univers.
Pour comprendre l’évolution des galaxies, il faut partir du fond diffus cosmolo-
gique qui est la première image disponible de l’Univers bébé. Les points chauds
et froids qui parsèment sa surface indiquent les fluctuations de densité de la
matière, 400 000 ans après le Big Bang, résultant de minuscules irrégularités. Ces
racines ont poussé sous l’effet de la gravité. Des nuages d’hydrogène gazeux se
sont attirés pour former les premières étoiles et galaxies.
L’information suivante de l’Univers dont nous disposons est son important déca-
lage vers le rouge. Il faut du temps à la lumière pour parvenir jusqu’à nous ;
aussi voyons-nous les galaxies les plus lointaines telles qu’elles étaient il y a
des milliards d’années. Les astronomes peuvent littéralement voir le passé en
recherchant des objets plus loin encore. Les galaxies et quasars les plus lointains
que nous avons repérés nous envoient l’image de ce qu’ils étaient il y a 13 mil-
liards d’années. Nous savons donc que des galaxies s’étaient formées un mil-
liard d’années après le Big Bang (l’Univers est vieux de 13,7 milliards d’années).
Cela signifie que les galaxies se sont formées très rapidement, en bien moins de
temps que la durée de vie d’une étoile moyenne comme le Soleil qui se chiffre
en milliards d’années.
chronologie
1926 1965
Diapason de Hubble Découvertes des quasars et du fond
diffus cosmologique
évolution galactique 145
absorbée s’il y a beaucoup d’hydrogène devant la source. Malgré tout, les astro-
nomes pensent qu’ils pourraient bien avoir vu une poignée de quasars à la limite
de l’époque de réionisation, là où l’absorption est incomplète.
Les astronomes espèrent trouver, dans la prochaine décennie, bien plus d’objets
datant de l’âge sombre. L’hydrogène gazeux absorbe aussi les ondes radio à des
longueurs d’onde caractéristiques : la raie spectrale en émission de longueur
d’onde égale à 21 cm est très importante ; elle est décalée vers le rouge à des lon-
gueurs d’onde plus importantes selon la distance de l’objet. La construction d’un
nouveau radiotélescope laisse espérer l’ouverture de fenêtres sur cette nouvelle
vue de l’univers lointain en basse fréquence. Un projet international essentiel, le
Square Kilometre Array, comprendra de nombreuses petites antennes radio répar-
ties sur un domaine d’un kilomètre carré. Il aura une sensibilité jamais atteinte
jusque-là et sera suffisamment puissant pour cartographier les structures d’hy-
drogène neutre dans l’univers lointain afin de localiser les premières galaxies.
Relevés Des centaines de galaxies lointaines ont été découvertes grâce à leurs
couleurs rouges caractéristiques. Certains types de galaxies apparaissent plus
que d’autres : les galaxies elliptiques et celles riches en hydrogène brillent rela-
tivement faiblement dans le bleu et l’ultraviolet, ce qui crée un « saut » dans
leur luminosité quand elles sont photographiées à travers une série de filtres de
couleurs attenantes. Les galaxies qui présentent une rupture prononcée (due à
l’absorption par l’hydrogène) sont appelées galaxies à discontinuité de Lyman.
Pour les décalages vers le rouge moins importants, les relevés comme le Sloan
Digital Sky Survey ont cartographié l’essentiel de l’univers proche. Nous avons
donc une assez bonne perspective sur la dernière moitié de l’histoire de l’Univers,
une vue plus sommaire dans les décalages vers le rouge plus importants, un trou
dans notre savoir concernant l’âge sombre et enfin un cliché de l’univers jeune
grâce au fond diffus cosmologique.
»
essayent de reconstituer la façon dont les fonctionne bien dans un
galaxies et les structures de grande échelle
se forment. À l’aide de superordinateurs,
environnement stable.
ils mettent au point de grands programmes Mary Douglas
capables de faire croître les galaxies à partir
des premières graines de la gravitation. Les
éléments qu’ils y introduisent comprennent des gaz et différentes sortes de
matière noire, les contraintes provenant des fluctuations initiales de densité
détectées dans le fond diffus et dans les groupements de galaxies qui en sont
proches.
Modèles hiérarchiques Le modèle actuellement le plus admis avance que
se sont formées en premier de petites galaxies qui, au fil du temps, sont entrées
en collision entre elles et ont fusionné pour donner de plus grandes galaxies.
C’est ce qu’on appelle le modèle hiérarchique. Aujourd’hui, chaque galaxie a
son arbre généalogique fait de nombreuses galaxies plus petites englouties. Les
collisions galactiques peuvent être terribles ; elles peuvent facilement dérégler
une galaxie au point d’en modifier la nature. Deux galaxies spirales peuvent
se pénétrer l’une l’autre, ne laissant qu’un désordre qui se stabilise en galaxie
elliptique. Puis cette dernière peut, ultérieurement, dérober un disque à une
voisine riche en gaz. Des règles simples d’épousailles peuvent donner naissance
à de nombreux types de galaxies. Mais, globalement, dans ce modèle, la taille
des galaxies s’accroît.
Les galaxies ne sont pas qu’étoiles et gaz : il y a aussi la matière noire dispersée
dans un « halo » sphérique. La nature de cette matière noire influe sur la façon
dont les galaxies entrent en collision et s’assemblent. Pour ajuster tout cela aux
galaxies que nous voyons aujourd’hui, les simulations nous disent que la matière
noire ne devrait pas être trop bourrée d’énergie : une matière noire « froide » en
déplacements lents serait plus adaptée que son équivalent « chaud » filant à toute
vitesse, ce qui empêcherait les galaxies de se coller entre elles. Outre la matière
noire, il y a aussi l’énergie noire – une force qui agit à l’inverse de la gravité aux
grandes échelles. Les meilleurs résultats sont obtenus avec des modèles utilisant
une matière noire froide et une quantité modeste d’énergie noire.
l’idée clé
Petite galaxie
deviendra grande
148 50 clés pour comprendre l’astronomie
37 Lentilles
gravitationnelles
Il y a lentille gravitationnelle quand un objet massif fait converger la lumière
provenant de sources situées derrière lui. Considérées comme les télescopes
de la nature, les lentilles gravitationnelles amplifient la lumière des quasars,
des galaxies et des étoiles qui se trouvent derrière elles, produisant des
images démultipliées, des arcs et, à l’occasion, des anneaux. Il s’agit là d’un
outil puissant pour l’astronomie : on peut l’utiliser pour rechercher la trace
de matériaux sombres à travers l’Univers, en particulier la matière noire.
chronologie
1915 1919
Théorie de la Relativité Eddington confirme la Relativité grâce à
générale d’Einstein une observation lors d’une éclipse solaire
Lentilles gravitationnelles 149
«
Tout corps persévère dans son état de repos ou
de mouvement rectiligne uniforme, sauf cas contraire.
»
Arthur Eddington
Étirement en arcs par une lentille gravitationnelle des galaxies d’un amas lointain
Par suite, les rayons lumineux provenant d’un objet à travers une lentille gravi-
tationnelle nous parviennent légèrement décalés dans le temps : ils suivent des
chemins différents. Si le quasar situé à l’arrière de la lentille connaît des embra-
sements fugitifs, l’image résultant du chemin le plus long s’enflammera avec un
léger décalage qui, si la géométrie de la lentille est bien connue, peut servir à la
détermination de la constante de Hubble, c’est-à-dire du rythme d’expansion de
l’Univers.
Si l’objet situé à l’arrière est une galaxie, qui est étendue et n’apparaît pas comme
ponctuelle comme c’est le cas d’un quasar, chaque partie de la galaxie forme
une image à travers la lentille et l’ensemble apparaît étalé et plus brillant. Les
galaxies lointaines sont d’habitude très pâles ; aussi les lentilles gravitationnelles
représentent-elles un outil puissant pour révéler l’univers primitif. Les galaxies
dont l’image est amplifiée par des amas très massifs sont particulièrement inté-
ressantes. Dans ce cas, il y a souvent des arcs brillants, chacun indiquant qu’à
l’arrière il y a une galaxie dont l’image est étalée par la masse de l’amas. La géo-
métrie de ces arcs permet aux astronomes non seulement de déterminer cette
masse mais aussi d’analyser les caractéristiques de ces galaxies lointaines.
»
en suivant une tangente d’un en train de faire
cercle, un contour qui clô-
ture la masse. Ainsi, pour un
nous ne savons quoi.
amas circulaire, les galaxies Arthur Eddington
sont statistiquement étirées
en sorte qu’elles tendent à
former un anneau autour de lui.
l’idée clé
Les télescopes de la nature
152 50 clés pour comprendre l’astronomie
38 C
lasser les étoiles
La couleur d’une étoile nous livre les secrets de sa température et de sa
composition chimique, toutes choses liées, en fin de compte, à sa masse.
Au début du xxe siècle, les astronomes ont classé les étoiles selon la nuance
de leur couleur et leur spectre : ils ont découvert des structures qui faisaient
penser à une physique sous-jacente. La classification des étoiles a été l’œuvre
d’un groupe remarquable de femmes astronomes qui travaillèrent à Harvard
dans les années 1920.
En y regardant de près, vous pourrez remarquer que les étoiles se montrent sous
de nombreuses couleurs différentes. Notre Soleil est jaune, mais Bételgeuse est
rouge, Arcturus jaune aussi et Véga bleu-blanc. L’astronome William Herschel a
nommé un amas d’étoiles de l’hémisphère sud « La boîte à bijoux » parce qu’« il
brillait comme un coffret de pierres précieuses de différentes couleurs » à travers
son télescope.
Que nous disent les couleurs ? C’est la température qui est la cause
principale des nuances. Les étoiles les plus chaudes apparaissent en bleu et leur
surface peut atteindre la température de 40 000 K ; les étoiles les plus froides
luisent en rouge et ne font que quelques milliers de kelvins. Entre les deux, en
allant vers des atmosphères de plus en plus froides, la couleur d’une étoile tend
vers le blanc, le jaune, l’orange.
Cette suite de couleurs reflète le rayonnement de corps noir des corps qui sont
émetteurs et récepteurs tout prêts de chaleur. De l’acier en fusion au charbon des
barbecues, la couleur dominante du rayonnement – la fréquence maximale des
ondes électromagnétiques émises – suit la température. Les étoiles aussi émettent
dans une gamme étroite de fréquences avec, en gros, un maximum du même ordre
bien que leur température soit de loin supérieure à celle des morceaux de charbon.
chronologie
1880
Pickering embauche des femmes à Harvard pour
répertorier les étoiles
Classer les étoiles 153
taines longueurs d’onde – les raies de Fraunhofer –, celui des étoiles est strié de
raies sombres correspondant à l’absorption de leur lumière par les gaz chauds qui
les entourent. L’enveloppe extérieure, plus froide, absorbe la lumière produite
par l’intérieur, plus chaud.
L’hydrogène est l’élément le plus abondant dans les étoiles : ses raies d’absorp-
tion sont donc facilement visibles dans leur spectre. Les longueurs d’onde absor-
bées traduisent les niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène. Ces fréquences
produisent des photons possédant l’exacte quantité d’énergie nécessaire pour
permettre à l’électron périphérique de l’atome de passer d’un échelon à un autre.
Les niveaux d’énergie sont, comme les frettes d’une guitare, plus rapprochés dans
les hautes fréquences ; aussi les raies d’absorption qui en résultent – qui corres-
pondent aux écarts entre les frettes – forment-elles une suite caractéristique.
Magnitudes
L’éventail des luminosités des étoiles est très etc. Le facteur multiplicatif est d’environ 2,5.
étendu et, en astronomie, on les mesure sur Si les distances sont connues, la « magnitude
une échelle logarithmique. On a attribué absolue » d’une étoile peut être trouvée : il
à l’étoile brillante Véga la magnitude 0 ; s’agit de sa luminosité à une distance fixée,
l’étoile la plus brillante, Sirius, a une magni- généralement 10 parsecs (32,6 années-
tude de – 1,5. Les étoiles moins brillantes ont lumière).
des magnitudes qui vont croissant : 1 puis 2,
Classer les étoiles 155
»
chaudes, à presque 40 000
K, aux plus froides, à 2 000 de l’évolution des étoiles qui
K, les étoiles sont réparties ignorerait la spectroscopie.
dans des catégories nommées
par les lettres OBAFGKM. J.B.S. Haldane
Les étoiles de classe O sont
chaudes et bleues ; celles de classe M sont froides et rouges. Le Soleil est une
étoile de classe G, avec une température de surface d’environ 6 000 K. Cette suite
apparemment aléatoire de lettres s’est imposée pour des raisons historiques, en
remettant ensemble d’anciennes catégories spectrales qui avaient été nommées
soit par types d’étoiles soit par ordre alphabétique. Les astronomes se rappellent
cette suite de lettres à l’aide de moyens mnémotechniques, le plus connu étant :
« Oh be a fine girl/guy kiss me ». Le système a depuis été affiné : des sous-catégo-
ries ont été créées, numérotées de 0 à 10 : une étoile de classe B5 est donc à mi-
chemin entre une étoile de classe B et une de classe A. Le Soleil est de classe G2.
La plupart des étoiles trouvent leur place dans le système OBAFGKM mais
quelques-unes non. En 1906, l’astronome danois Ejnar Hertzsprung a remarqué
que les étoiles les plus rouges ont des formes démesurées : les géantes rouges,
comme Bételgeuse, brillent davantage que le Soleil et ont des rayons des cen-
taines de fois plus grands que le sien ; les naines rouges sont bien plus petites
et moins brillantes que le Soleil. D’autres catégories d’étoiles ont suivi, dont les
naines blanches chaudes, les étoiles froides au lithium, les étoiles carbonées, les
naines brunes. On a aussi identifié des étoiles bleues chaudes à raies d’émission
et des étoiles Wolf-Rayet – des étoiles chaudes avec une puissante éjection de
matière et que l’on voit dans des raies d’absorption étendues. Les catégories
d’étoiles forment un véritable zoo, ce qui suggère l’existence de lois expliquant
les étoiles aussi bien que leurs caractéristiques. Les astronomes ont dû déterminer
leur évolution, c’est-à-dire comment elles passent d’un type à un autre au fil de
leur combustion.
l’idée clé
Les espèces d’étoiles
156 50 clés pour comprendre l’astronomie
39 é volution stellaire
Les durées de vie des étoiles sont comprises entre quelques millions et des
dizaines de milliards d’années. Le lien entre couleur et luminosité montre
qu’elles ont une évolution similaire déterminée par leur masse. Leurs
caractéristiques sont dues aux réactions de fusion nucléaire qui se déroulent
en leur cœur. Tous les éléments qui nous entourent, comme ceux de
notre corps, ont été produits par les étoiles. Nous sommes vraiment de la
poussière d’étoiles !
La couleur des étoiles indique en général leur température : les étoiles bleues
sont chaudes, les rouges froides. Mais la luminosité caractéristique d’une étoile
varie aussi avec sa couleur. Les étoiles chaudes et bleues ont tendance à être plus
brillantes que celles qui sont froides et rouges. Deux astronomes, le Danois Ejnar
Hertzsprung en 1905 et l’Américain Henry Norris Russell en 1913, remarquèrent
indépendamment l’un de l’autre ces liens entre couleur et luminosité dans les
étoiles. Le nom des deux astronomes est aujourd’hui accolé pour désigner un
diagramme qui représente la luminosité des étoiles en fonction de leur couleur :
le diagramme de Hertzsprung-Russell – diagramme HR en abrégé.
chronologie
1905-1913
Publication par Hertzsprung et Russel d’un classement des
étoiles par couleur et luminosité
Évolution stellaire 157
Réaliser la fusion d’éléments, même les plus légers comme l’hydrogène, néces-
site des températures et des pressions gigantesques. Pour que deux noyaux
fusionnent, il faut triompher des forces qui assurent la cohésion de chacun
d’eux. Les noyaux sont faits de protons et de neutrons liés ensemble par l’inte-
raction nucléaire forte. Cette dernière, qui n’agit qu’à l’échelle minuscule des
noyaux, est la glu qui surclasse les forces électriques de répulsion entre protons
chargés positivement. L’interaction nucléaire forte n’ayant qu’une faible portée,
les petits noyaux sont davantage soudés que les plus gros. Le bilan final est
que, dans la fusion des noyaux, l’énergie moyenne nécessaire par nucléon croît
avec le poids atomique jusqu’au nickel et au fer, qui sont très stables, et décroît
ensuite pour les noyaux plus gros. Ces derniers sont plus facilement brisés par
un choc peu important.
La barrière énergétique à franchir pour la fusion la plus petite est celle des iso-
topes de l’hydrogène, qui ne contiennent qu’un seul proton. La réaction de
fusion la plus simple se fait entre deux atomes d’hydrogène (un proton), ce qui
donne du deutérium (un proton et un neutron), avec émission d’un positron et
d’un neutrino isolé. Mais, pour amorcer ne serait-ce que cette réaction, il ne faut
pas moins de 10 millions de kelvins !
Spica
103
Séquence
et deux neutrons). Des particules
principale Capella Aldébaran supplémentaires (positrons et neu-
102 Véga Arcturus trinos) sont impliquées dans la
Sirius A Pollux transformation en sorte que deux
10
Altaïr Procyon A
protons de départ sont transformés
en neutrons dans le processus. La
1
Soleil fabrication d’éléments plus lourds
se produit ensuite par étapes dans la
10–1
cuisine nucléaire, mettant en œuvre
Naines des recettes explicitées en 1957 dans
10–2 blanches un important article de Geoffrey
Sirius B Burbidge, Margaret Burbidge,
10–3
Procyon B William Fowler et Fred Hoyle, connu
40,000 20,000 10,000 6,000 4,000 3,000 2,000 sous le nom de B2FH.
Température de surface des étoiles (K)
Les noyaux plus gros se forment en
fusionnant d’abord l’hydrogène, puis l’hélium, puis d’autres éléments plus légers
que le fer et, dans quelques cas, des éléments plus lourds que le fer. Les étoiles
telles que notre Soleil brillent parce qu’elles transforment par fusion essentiel-
lement de l’hydrogène en hélium et cela se fait suffisamment lentement pour
que les éléments lourds ne soient produits qu’en faible quantité. Dans les étoiles
plus grosses, la réaction est accélérée par l’implication du carbone, de l’azote et
de l’oxygène dans des réactions apparaissant plus tardivement. Plus d’éléments
lourds sont alors produits plus vite. Une fois que l’hélium est présent, le car-
bone est fabriqué à partir de lui (trois atomes d’hélium-4 fusionnent, en passant
par l’instable béryllium-8). Une fois qu’une certaine quantité de carbone s’est
formée, il peut fusionner avec l’hydrogène pour former de l’oxygène, du néon et
du magnésium. Ces transformations lentes se font pendant la plus grande partie
de la vie de l’étoile.
Pas de panique !
Même si les réactions nucléaires au cœur du Soleil s’interrompaient aujourd’hui, comme il faut
un million d’années aux photons produits pour atteindre la surface, nous ne remarquerions rien
pendant un certain temps. Cela dit, il y a de nombreuses preuves historiques montrant que la
puissance du Soleil reste pratiquement constante.
Les caractéristiques d’une étoile sont ensuite gouvernées par sa structure. Les
étoiles doivent équilibrer trois forces : l’effondrement gravitationnel sous l’effet
de leur propre masse ; la pression interne due aux gaz et au rayonnement qui a
tendance à les faire gonfler ; et les moyens par lesquels la chaleur est transportée
à travers les couches de gaz. Les deux premiers facteurs contrôlent la structure
de l’étoile, une série de couches, comme dans un oignon, dont la densité décroît
avec la distance au centre. Les réactions de fusion se produisent profondément
enfouies à l’intérieur de l’étoile, là où la pression est la plus élevée. La chaleur
produite doit alors traverser l’étoile pour s’échapper à sa surface. Cette chaleur
peut être évacuée de deux façons : par rayonnement, comme pour la lumière
solaire, ou par mouvements de convections, comme dans l’eau bouillante.
Durée de vie La durée de vie d’une étoile de la séquence principale est déter-
minée par le rythme des réactions de fusion dont elle est le siège et par sa masse.
La vitesse de réaction est très sensible à la température et à la densité du cœur
de l’étoile, nécessitant des températures dépassant 10 millions de degrés et des
densités supérieures à 10 kg par cm3. Les étoiles massives ont des cœurs plus
chauds et plus denses et épuisent leur carburant plus vite que les étoiles qui le
sont moins. Une étoile semblable à notre Soleil vit sur la séquence principale
environ 10 milliards d’années. Une étoile 10 fois plus lourde sera des milliers de
fois plus brillante mais ne tiendra que 20 millions d’années. Une étoile ayant une
masse dix fois plus petite que celle du Soleil peut être des milliers de fois moins
brillante mais subsistera pendant environ 1 000 milliards d’années. Ce qui est
beaucoup plus long que l’âge actuel de l’Univers… Nous ne sommes pas prêts de
voir les plus petites étoiles mourir !
l’idée clé
Le carburant des étoiles
160 50 clés pour comprendre l’astronomie
40 Naissances
d’étoiles
Les étoiles naissent lorsque des nuages de gaz sont comprimés par la gravité
en boules compactes. Pendant l’effondrement, la pression et la température
du gaz augmentent jusqu’à devenir suffisantes pour soutenir l’étoile et
empêcher son effondrement ultérieur. Si la masse de la boule de gaz est
suffisamment grande, la pression au centre peut enclencher les réactions
de fusion : l’étoile s’allume.
chronologie
1780 1902
William Herschel observe des Publication par James Jeans de la théorie
étoiles binaires de la formation de sphère par effondrement
gravitationnel
Naissances d’étoiles 161
Une fois qu’un nuage de gaz de taille suffisante est formé, la gravité entre en
scène et s’occupe de la suite. La boule se concentre, sa pression augmente, sa
chaleur aussi. L’énergie potentielle gravitationnelle est alors libérée, comme
lorsqu’une balle accélère pendant qu’elle roule au bas d’une pente. Les deux
actions – chaleur et pression – s’opposent à l’attraction gravitationnelle et s’ef-
forcent d’arrêter l’effondrement de la sphère en la gonflant. La masse critique qui
définit l’équilibre entre ces deux ensembles de forces est appelée masse de Jeans,
d’après le nom du physicien James Jeans. Les nuages qui la dépassent continuent
à évoluer, les autres non.
étoiles doubles
Les étoiles doubles peuvent être identifiées de différentes façons : visuel-
lement, en les recherchant avec un télescope ; par analyse spectrale, en
observant les décalages Doppler dans les raies qui montrent qu’elles sont
en orbite l’une autour de l’autre ; en observant les éclipses, quand l’une des
étoiles occulte l’autre en passant devant elle ; enfin par astrométrie : quand
une étoile paraît osciller légèrement, cela indique la présence d’une étoile
compagnon. William Herschel, dans les années 1870, fut l’un des premiers à
observer des paires d’étoiles, en recensant des centaines dans un catalogue.
1994 2009
Le télescope spatial Hubble permet la découverte de Lancement de l’observatoire spatial
disques autour d’étoiles en formation dans la nébuleuse Herschel
d’Orion
162 50 clés pour comprendre l’astronomie
Par gravité, la zone peut attirer davantage de matière provenant de son voisi-
nage qui, en tombant vers elle, peut lui permettre de s’effondrer encore plus.
Pendant que le nuage rétrécit, il s’échauffe et commence à luire. Quand sa tem-
pérature atteint environ 2 000 K, elle est suffisante pour briser les molécules
d’hydrogène et ioniser les atomes dans le nuage hôte. Une nouvelle façon de
libérer l’énergie thermique s’étant présentée, l’étoile s’effondre encore davantage
jusqu’à atteindre le point où elle n’est plus soutenue que par sa propre pression
interne. On parle alors de protoétoile.
l’idée clé
Une étoile est née
164 50 clés pour comprendre l’astronomie
41 M
orts d’étoiles
Quand les étoiles ont épuisé leur combustible nucléaire, elles s’éteignent.
L’équilibre entre gravité et pression qui les a fait vivre pendant des millions
ou des milliards d’années est rompu. Pendant que leur moteur de fusion
défaille, elles enflent et se dépouillent de leurs couches externes. Leur cœur
s’effondre en une boule compacte, abandonnant une étoile à neutrons, une
naine blanche ou un trou noir. Il arrive que l’étoile soit tellement déstabilisée
qu’elle explose en supernova.
La majorité des étoiles brillent pendant la plus grande partie de leur vie en réa-
lisant la fusion de noyaux d’hydrogène en noyaux d’hélium. Ce faisant, elles
acquièrent couleur et luminosité caractéristiques de leur masse. Une étoile du
type du Soleil brille en jaune et se tient au milieu de la séquence principale,
une relation entre luminosité et nuance adoptée par la plupart des étoiles. Elles
restent ainsi pendant des millions d’années, brillant et ne gonflant qu’un peu
avec l’âge.
Mais elles finissent par épuiser la réserve d’hydrogène de leur cœur. Contrairement
à ce que suggère l’intuition, ce sont les étoiles les plus massives à qui cela arrive
en premier ; leur cœur subit des pressions et des températures bien plus grandes,
aussi brillent-elles si vivement que les réactions nucléaires qui les font vivre se
déroulent à un rythme rapide : elles transforment leur hydrogène en millions
d’années. Au contraire, les étoiles de masse moindre brûlent bien plus lentement
et il leur faut des milliards d’années pour consommer leur carburant primaire.
chronologie
1572 1604
Supernova de Tycho Supernova de Kepler
Morts d’étoiles 165
La supernova de Tycho
Début novembre 1572, une nouvelle étoile des progrès dans la précision de la mesure de la
apparut dans le ciel boréal, dans la constella- position des objets astronomiques. La coquille
tion de Cassiopée. Surveillée par l’astronome résiduelle de la supernova ne fut découverte
de la cour du Danemark Tycho Brahé et par qu’en 1952 et sa contrepartie optique dans les
bien d’autres, ce fut une des plus importantes années 1960. En 2004, une étoile compagnon
observations de l’histoire de l’astronomie : elle de celle qui avait explosé a été discernée.
montra que le ciel évoluait. Elle mena aussi à
Pour les étoiles les plus légères – de moins de huit masses solaires –, les choses
s’interrompent lorsque l’hydrogène est épuisé. Pendant que le cœur se contracte,
il y a toujours des réactions impliquant hydrogène et hélium dans les couches du
dessus, ce qui apporte provisoirement du carburant au cœur de l’étoile. L’étoile
passe par une série de flashs brillants à chaque fois que la fusion s’enclenche
ou s’interrompt. Pendant que de l’hélium est déposé au centre, les couches
externes se distendent puis se détachent. En s’étendant, le gaz qu’elles conte-
naient refroidit et ne peut pas être le siège de réactions de fusion. L’étoile com-
mence ainsi à être ensevelie sous des couches de gaz diffuses. Ces bulles sont
connues sous le nom de nébuleuses planétaires parce qu’avec la distance leurs
voiles circulaires furent pris pour des planètes. Mais les nébuleuses planétaires
ne subsistent pas bien longtemps : elles se dissipent en à peu près 2 000 ans. On
en connaît quelque 1 500 dans notre galaxie.
Supernovae Quand des étoiles très massives – des dizaines de fois la taille
du Soleil – meurent, elles peuvent exploser : ce sont les supernovae. Après avoir
brûlé hydrogène et hélium, ces étoiles peuvent traverser une série de phases de
réactions de fusion, passant d’un élément à un élément plus lourd jusqu’à finir
par produire du fer. Le noyau de ce dernier a ceci de particulier qu’il est le plus
stable de toute la classification périodique. C’est pourquoi, quand il est atteint, la
fusion ne peut continuer à évacuer son énergie en construisant des éléments plus
lourds. À ce stade, l’énergie est absorbée plutôt qu’émise et le cœur de l’étoile
implose, passant par l’étape d’une naine blanche maintenue par la pression
électronique pour finir comme étoile à neutrons. Mais les couches externes, en
tombant sur ce noyau dur, rebondissent en une explosion de particules (des
neutrinos) et de lumière.
Morts d’étoiles 167
Les supernovae sont surtout de deux sortes, de types I et II. Les étoiles massives
sont à l’origine des supernovae de type II. On les trouve généralement dans les
bras des galaxies spirales, apparaissant à un rythme moyen d’une tous les 25 à
50 ans. Elles présentent de fortes raies d’émission de l’hydrogène du fait de la
perte des couches externes de gaz. La dernière étoile à avoir fini ainsi dans notre
galaxie a été observée par Kepler en 1604. Les supernovae de type I ne présentent
pas de raies d’émission de l’hydrogène et on les rencontre dans les galaxies ellip-
tiques comme spirales. On pense leur origine différente : elles viendraient d’ex-
plosions thermonucléaires dans des systèmes binaires qui se produiraient quand
une naine blanche franchit la limite de Chandrasekhar de 1,4 masse solaire en
agrégeant de la matière provenant de son compagnon.
Les supernovae de type I ont une sous-classe très importante, dites de type Ia,
dont la luminosité est prévisible à partir de leur explosion. De la façon dont
elles s’illuminent puis s’éteignent on peut déduire leur luminosité intrinsèque,
ce qui en fait des jalons commodes dans les mesures de distances (voir page 54).
Comme elles éclipsent tout le reste de leur galaxie hôte, on peut les repérer dans
tout l’Univers jusqu’à d’importants décalages vers le rouge. Les supernovae ont
été utilisées pour établir la présence d’énergie noire.
Dans la mort des étoiles massives, des noyaux de fer sont mis en pièces et de
nombreux neutrons sont produits. Ils peuvent servir à fabriquer d’autres élé-
ments, plus lourds que le fer, comme le plomb, l’or et l’uranium. Tous ces élé-
ments présents sur Terre ont donc pour origine des supernovae. En dehors des
produits synthétiques, le tableau périodique est l’œuvre de ce qui se passe dans
les étoiles.
l’idée clé
Bouquet final
168 50 clés pour comprendre l’astronomie
42 Pulsars
Les pulsars sont des étoiles à neutrons en rotation qui émettent des faisceaux
d’ondes radio. Ce sont les rémanents compacts et denses d’étoiles massives
qui tournent très vite : une révolution en quelques secondes. Leurs signaux
réguliers – dont on a pu penser qu’il s’agissait d’un code Morse extraterrestre
– en font des horloges précises qui jouent un rôle important dans les
vérifications de la Relativité générale et la détection d’ondes gravitationnelles.
chronologie
1967
Relevé du premier signal en provenance d’un pulsar
Pulsars 169
1974 1982
Découverte d’un pulsar binaire Découverte d’un pulsar milliseconde
170 50 clés pour comprendre l’astronomie
Carte extraterrestre
Bien que les signaux en provenance des pul- indiquent la présence d’une vie intelligente
sars n’aient pas été envoyés par des extra- sur Terre à d’éventuelles civilisations galac-
terrestres, les pulsars ont été mis en vedette tiques qui pourraient les trouver un jour, la
sur les deux plaques fixées aux vaisseaux spa- position de la Terre est repérée par rapport à
tiaux Pioneer et sur le Voyager Golden Record 14 pulsars.
des sondes Voyager. Sur ces artefacts, qui
Pulsars 171
Tremblements d’étoiles
Quand la croûte d’une étoile à neutrons très par des baisses soudaines – des pannes – dans
dense se craquèle brusquement, un « trem- la vitesse de rotation des pulsars. Les grands
blement d’étoile » s’ensuit, l’analogue de nos tremblements d’étoiles peuvent aussi déclen-
tremblements de terre. Sous l’effet des violents cher des jaillissements de rayons gamma
réarrangements de sa croûte rigide, la vitesse depuis les pulsars qui peuvent être captés par
de rotation de l’étoile à neutrons varie bruta- nos satellites, en particulier le télescope Fermi
lement. On a remarqué de tels tremblements de la NASA.
l’idée clé
Les phares du cosmos
172 50 clés pour comprendre l’astronomie
43 S ursauts gamma
Les sursauts de rayons gamma sont de brefs jaillissements de photons de
haute énergie qui se produisent tous les jours dans le ciel. D’abord repérés
par des satellites militaires, la plupart de ces sursauts indiquent les derniers
soubresauts de l’agonie d’étoiles massives dans des galaxies lointaines.
De loin plus brillants qu’une étoile normale située à des milliards d’années-
lumière, les sursauts gamma sont parmi les phénomènes les plus violents
de l’Univers.
Les pulsars et les quasars ne sont pas les seuls objets exotiques découverts dans
les années 1960. Des sursauts de rayons gamma non identifiés – la forme la plus
énergétique de rayonnement électromagnétique – ont été repérés en 1967 par
des satellites de surveillance de l’armée américaine. Contrôlant le respect par
l’Union soviétique du Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires de 1963,
qui proscrivait les essais nucléaires atmosphériques, les satellites Vela étaient
équipés de capteurs destinés à détecter les rayons gamma produits par les explo-
sions nucléaires. Mais les flashs repérés ne ressemblaient pas à ceux des essais
atomiques. Les données sur ces sursauts ont été déclassifiées en 1973 et publiées
dans un article universitaire sur Les Rayons gamma d’origine cosmique.
Les énormes flashs de rayons gamma détectés par les satellites proviennent de
toutes les directions. Cela se produit tous les jours et dure de quelques fractions
de secondes à plusieurs minutes. Ces sursauts de rayons gamma sont des cen-
taines de fois plus lumineux qu’une supernova et des millions de fois plus que le
Soleil. Qu’est-ce qui engendre une telle débauche d’énergie ?
Il a fallu des décennies pour trouver d’où viennent les sursauts gamma. Le lance-
ment, en 1991, du satellite Compton Gamma-Ray Observatory a permis quelques
progrès en détectant et localisant grossièrement des milliers de sursauts. Une
représentation graphique de leurs positions dans le ciel montrait qu’ils étaient
régulièrement répartis (propriété d’isotropie). Ils ne provenaient pas particuliè-
chronologie
1967 1991
Premier sursaut de rayons gamma Lancement de l’observatoire spatial en
détecté par le satellite Vela rayons gamma Compton
Sursauts gamma 173
Cette uniforme répartition dans le ciel suggérait que les rayons gamma prove-
naient de sources ou bien très proches ou, au contraire, très éloignées. Ils ne sont
pas créés par des étoiles explosant dans notre galaxie : dans ce cas, ils seraient
concentrés dans son disque. Ils pourraient avoir été créés dans un voisinage très
proche mais il paraissait plus probable que cela se soit fait au-delà de la Voie
lactée. Mais le fait qu’ils n’étaient pas concentrés près de zones de fortes densités
galactiques laissait penser qu’ils venaient de très loin. Ce qui en faisait les phé-
nomènes les plus énergétiques de l’Univers. Le mystère ne faisait que s’épaissir !
Les sursauts gamma sont de deux types : de longue et de courte durées. Les sur-
sauts longs durent habituellement quelques dizaines de secondes et les courts
une fraction de seconde. Le fait qu’il y ait deux catégories distinctes laisse à
penser qu’ils sont initiés par des processus différents. Mais, même aujourd’hui,
les astronomes ne font qu’entrevoir ces derniers.
de phénomènes allant avec les sursauts gamma. Des télescopes automatisés ont
aussi été employés, réagissant immédiatement aux alertes gamma. Il est clair
que ces sursauts gamma proviennent de galaxies lointaines très peu lumineuses
situées à des milliards d’années-lumière. L’association entre un sursaut et le flam-
boiement d’une supernova implique que les sursauts gamma longs sont étroite-
ment liés à l’agonie des étoiles massives.
Émission d’ondes Les astronomes pensent que les rayons gamma sont pro-
duits par un jet d’ondes créé lorsque le cœur de l’étoile achève son effondrement
par la formation d’un trou noir. L’explosion qui s’ensuit éjecte une onde qui
se déplace presque à la vitesse de la lumière, traverse le gaz résiduel autour de
l’étoile, créant des rayons gamma au-devant du front de choc. Dans l’émission
d’ondes, d’autres formes de rayonnement électromagnétique sont formées et
produisent la queue de rayonnement qui peut persister pendant des jours ou
des semaines.
»
disparu avant qu’un télescope ait
pu être pointé dans sa direction. suffit à l’établissement
Cependant, depuis 2005, nous dis- d’une loi.
posons de quelques observations
de phénomènes associés aux sur- émile Durkheim
sauts courts. Mais ces observations
ont été faites dans des régions pauvres en étoiles en formation, en particulier
dans des galaxies elliptiques, ce qui suggère que les sursauts courts ne sont
pas dus à la mort d’étoiles massives mais ont pour origine des phénomènes
physiques différents. On ne sait pas exactement lesquels mais on pense qu’ils
pourraient se produire lors de la fusion d’étoiles à neutrons ou dans d’autres
systèmes de haute énergie. Les sursauts de rayons gamma sont dans l’en-
semble des événements hors-série : ils ne se répètent que très rarement.
Étant donné que les sursauts gamma se produisent à des milliards d’années-
lumière mais semblent aussi lumineux qu’une étoile proche, nous avons de
la chance qu’ils soient si rares. S’il s’en produisait dans notre voisinage, cela
pourrait bien faire frire la Terre !
l’idée clé
Des flashs géants
176 50 clés pour comprendre l’astronomie
44 Variabilité
Les astronomes sont en train de pratiquer de nouvelles ouvertures sur
l’Univers en observant la façon dont un objet varie dans le temps. La plupart
des étoiles luisent de façon constante. Mais il y en a d’autres – les étoiles
variables – qui subissent des modifications physiques qui font varier leur
luminosité. La manière dont se font ces fluctuations peut révéler beaucoup
de choses sur l’étoile. Ça change dans le cosmos !
Malgré les visites impromptues des comètes et autres supernovae qui prirent
au long des siècles les peuples par surprise, le ciel nocturne a généralement été
considéré comme immuable. Ce caractère inaltérable a été remis en cause en
1638 par la découverte de Johannes Holwarda des pulsations de l’étoile Mira, qui
brille et s’estompe sur un cycle de onze mois. À la fin du xviiie siècle, on connais-
sait un petit nombre d’étoiles variables, en particulier Algol. Dans la seconde
moitié du xixe siècle, ce nombre augmenta rapidement, la photographie ayant
beaucoup facilité la surveillance d’un grand nombre d’étoiles. Aujourd’hui, nous
connaissons plus de 50 000 étoiles variables. La majorité se trouve dans notre
galaxie mais beaucoup ont été repérées dans d’autres.
chronologie
1638 1784
Première observation d’une étoile variable Découverte des céphéides
Variabilité 177
Les céphéides Une telle structure explique les pulsations des céphéides, une
classe importante d’étoiles variables utilisées comme jalons dans le calcul des
distances. Les cycles des céphéides sont en particulier régis par des modifications
dans l’ionisation de l’hélium. L’hélium doublement ionisé est plus opaque que
l’hélium simplement ionisé : les oscillations de la luminosité et de la température
en résultent. La période de ces cycles est en relation étroite avec la luminosité
de l’étoile.
Les céphéides ont été découvertes en 1784 et ont été ainsi appelées d’après leur
prototype, l’étoile Delta Cephei. Un exemple mieux connu est Polaris, l’étoile
polaire. La relation entre période et luminosité a été découverte en 1908 par
Henrietta Swan Leavitt, une astronome de Harvard, qui s’était appuyée sur les
observations des céphéides dans les nuages de Magellan. Les céphéides furent
une pièce maîtresse du puzzle qu’a représenté la recherche de la taille de la Voie
lactée et des distances aux galaxies au-delà de la nôtre. En 1924, Edwin Hubble
les a utilisées pour déterminer la distance de la galaxie d’Andromède, ce qui
montra clairement qu’elle se situait en dehors de la Voie lactée. Elles ont aussi
joué un rôle clé dans les mesures du rythme d’expansion de l’Univers à travers
la loi de Hubble.
Films du ciel
L’observation de la variabilité en astronomie prévu pour être pleinement opérationnel en
va devenir routinière dans le futur. Celle du 2022. Avec un miroir de 8,4 m de diamètre
ciel se fera par film plutôt que par des séries et un large champ de vision, il réalisera une
de photos instantanées. Les télescopes de la observation complète du ciel deux fois par
prochaine génération seront à la fois optiques semaine, prenant 800 clichés par nuit. En
et radio et conçus pour fournir un contrôle 10 ans, chaque recoin du ciel aura été visité
continu du ciel, recherchant de nouvelles 1 000 fois. Plusieurs milliards d’étoiles et
catégories possibles d’objets variables – et de galaxies seront photographiées. Étoiles
nous réservant, espérons-le, de nombreuses variables, quasars aussi bien que supernovae
surprises ! Un de ces télescopes est le Large auront été repérés en nombre et nous pour-
Synoptic Survey Telescope dont la construc- rons faire des estimations sur l’énergie noire.
tion a commencé au Chili en 2015 et qui est
l’idée clé
Tout le ciel filmé
180 50 clés pour comprendre l’astronomie
45 L e Soleil
L’étoile la plus proche de nous, le Soleil, ne nous a pas livré tous ses
secrets. Alors qu’il nous a dévoilé une grande partie du processus de fusion
nucléaire et de la structure des étoiles, sa météo magnétique peut se
révéler imprévisible. Le Soleil suit un cycle de 11 ans d’activités ; il est sujet
à des embrasements erratiques et des émissions de vent solaire. Cela peut
créer de splendides aurores boréales sur Terre, perturber nos systèmes
de communications électroniques et affecter notre climat.
Les Grecs de l’Antiquité savaient que le Soleil était une gigantesque boule de feu
située loin de la Terre. Mais ce n’est qu’aux xvie et xviie siècles qu’on a démontré
que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil et non le contraire. L’arrivée de
la lunette astronomique au xviie siècle a révélé des taches sombres se déplaçant
à la surface du Soleil. Galilée les observa et se rendit compte qu’il s’agissait de
tempêtes en surface et non de nuages ayant surgi. Au xixe siècle, on a établi la
composition chimique du Soleil en identifiant les raies d’absorption sombres
de son spectre – les raies de Fraunhofer. Mais ce n’est qu’au xxe siècle, quand la
physique atomique a été développée, qu’on a compris ce qui fait fonctionner le
Soleil : les réactions de fusion nucléaire.
Le Soleil contient l’essentiel de la masse du système solaire (99,9 %) dans une
boule dont le diamètre fait à peu près 100 fois celui de la Terre. Il est éloigné
de nous d’environ 150 millions de kilomètres et sa lumière met huit minutes à
nous parvenir. Approximativement, les trois quarts de sa masse sont constitués
d’hydrogène, le reste d’hélium avec de petites quantités d’éléments plus lourds :
oxygène, carbone, néon et fer. Son énergie provient de la fusion en son cœur
de l’hydrogène en hélium. Avec une température en surface de 5 800 K, le Soleil
est une étoile jaune de classe G2, de luminosité moyenne pour une étoile de la
séquence principale. Il est enfin à peu près à mi-chemin des 10 milliards d’années
de sa durée de vie.
La structure du Soleil C’est un peu celle d’un oignon. Son cœur, dont le
rayon est le quart du rayon solaire, est brûlant et dense. C’est là que se produit la
fusion, libérant à chaque seconde une énergie équivalant à la consommation de
quatre millions de tonnes de gaz ; ou à l’explosion, toujours à chaque seconde,
chronologie
1610 1890 1920
Publication par Galilée Joseph Lockyer découvre Arthur Eddington avance que
d’observations à la lunette de l’hélium dans le spectre l’énergie du Soleil lui vient de
astronomique solaire réactions de fusion nucléaires
Le Soleil 181
Genesis
Seules les couches externes du Soleil absorbent la lumière : la chimie de l’intérieur est donc
à peine connue. Une capsule spatiale, Genesis, a collecté des particules du vent solaire pour
en déterminer la composition. En 2004, elle revint sur Terre avec, à son bord, les échantillons
prélevés. Son parachute n’a pas fonctionné et la capsule s’est écrasée dans le désert du Nevada.
Malgré cela, les astronomes ont pu assembler les débris de ses capteurs et analyser les particules
provenant du Soleil.
Le Soleil 183
»
des neutrinos solaires man-
la grande et la petite lumière
quants. La fusion nucléaire
de l’hydrogène en hélium a qui brûlent le jour et la nuit.
pour sous-produit des par- William Shakespeare
ticules appelées neutrinos.
Le Soleil devrait en créer en
très grand nombre mais les physiciens ne pouvaient en voir que moins de la
moitié du nombre attendu. Où était donc le reste ? Les neutrinos sont difficiles
à détecter parce qu’ils interagissent très peu avec la matière. En 2001, le Sudbury
Neutrino Observatory, au Canada, a fourni la réponse : la raison de cette insuf-
fisance de neutrinos est qu’ils se transforment en d’autres types de neutrinos
pendant leur voyage depuis le Soleil. Les physiciens ont détecté ces autres types
de neutrinos (les neutrinos tau et mu) et ont démontré que les neutrinos « oscil-
laient » entre ces types ; ils ont aussi montré que, pour petite qu’elle soit, ils ont
une masse – on pensait au contraire jusque-là qu’ils en étaient dépourvus. Le
problème du manque de neutrinos était résolu.
Un deuxième mystère solaire subsiste : le mécanisme par lequel la couronne
solaire est chauffée à des millions de degrés. La photosphère n’est qu’à 5 800 K
et la couronne n’est donc pas chauffée par des rayonnements provenant de la
surface. La meilleure hypothèse jusqu’ici est que l’énergie magnétique envahit
le plasma de la couronne. Cela se produit quand les lignes du champ magné-
tique se cassent net par l’intermédiaire d’éruptions et d’ondes magnétiques qui
traversent le gaz.
Le destin du Soleil Le Soleil est vieux d’environ 4,5 milliards d’années et
est à peu près à la moitié de sa vie. Dans 5 milliards d’années, tout l’hydrogène
présent dans son cœur, son combustible, aura été épuisé. Il gonflera pour devenir
une géante rouge. Ses couches externes boursouflées parviendront au-delà de
l’orbite de la Terre : son rayon sera 250 fois plus grand que l’actuel. Même si le
Soleil, en perdant une partie de sa masse, relâchera son étreinte sur les planètes
qui pourront dériver vers des orbites plus lointaines, la Terre ne sera pas épar-
gnée. L’eau des océans se sera évaporée et notre atmosphère se sera envolée.
Même maintenant, le Soleil gagne en luminosité : environ 10 % par milliard
d’années. La vie sur Terre pourrait donc s’éteindre d’ici un milliard d’années.
Le Soleil finira ses jours comme naine blanche, après avoir perdu ses couches
de gaz, pour apparaître quelque temps comme une nébuleuse planétaire. Seul
le cœur restera.
l’idée clé
L’étoile la plus proche de nous
184 50 clés pour comprendre l’astronomie
46 Exoplanètes
Nous connaissons désormais des centaines de planètes gravitant autour
d’autres étoiles que le Soleil. Jusqu’à maintenant, la majorité sont des
géantes gazeuses comme Jupiter – on les a découvertes par l’oscillation
apparaissant à l’analyse spectroscopique de leur étoile. Les missions spatiales
recherchent des planètes rocheuses plus petites pouvant être les analogues
habitables de notre Terre. Une vingtaine de planètes telluriques confirmées
situées dans la zone habitable de leur étoile ont été recensées à ce jour,
certaines autour d’étoiles semblables à notre Soleil.
chronologie
1609 1687 1781
Publication par Kepler Newton explique les lois de Découverte d’Uranus par
de la théorie des orbites Kepler à partir de la gravité William Herschel
elliptiques
Exoplanètes 185
Les premières exoplanètes identifiées ont été trouvées par la méthode Doppler.
En théorie, nous pourrions chercher directement l’oscillation par le petit chan-
gement de sa position. Mais la précision des mesures qui seraient nécessaires
est très difficile à atteindre parce que les étoiles sont situées très loin. Une autre
méthode consiste à rechercher une diminution régulière de la luminosité de
l’étoile due au transit d’une planète devant elle. Une planète de la taille de la
Terre retiendrait une minuscule fraction, 0,01 %, de la lumière de l’étoile pen-
dant plusieurs heures par jour. Pour que la détection soit attestée, cette baisse
doit se répéter de façon fiable sur un cycle qui peut durer des jours, des mois ou
des années. Une fois la période orbitale ainsi mesurée, la masse de la planète peut
être déduite de la troisième loi de Kepler. Jusqu’ici, seules quelques planètes ont
été trouvées de cette manière.
Ces dernières sont définies comme étant des corps en orbite possédant une masse
trop faible pour que s’amorce la fusion du deutérium : elles ne sont pas assez
grosses pour s’allumer et devenir des étoiles. En pratique, la taille la plus grande
est environ 13 fois celle de Jupiter. Les boules de gaz plus grandes que cette limite
de fusion et cependant inactives sont appelées naines brunes. Il n’y a pas de
limite de masse inférieure autre que l’échelle ordinaire des planètes de notre sys-
tème solaire. Les exoplanètes peuvent être des géantes gazeuses comme Jupiter
et Saturne, ou des planètes telluriques comme la Terre et Mars.
Les astronomes ont vraiment beaucoup appris sur les planètes au cours des
vingt dernières années. Nous avons beaucoup progressé dans la quête d’une
planète analogue à la Terre autour d’une étoile lointaine. La technologie
évolue, les observations sont de plus en plus précises et nous avons déjà obtenu
des résultats significatifs. Cartographier un nombre toujours plus grand de sys-
tèmes d’exoplanètes, parmi lesquelles de proches parentes de la Terre, n’est
qu’une question de temps.
l’idée clé
D’autres mondes
188 50 clés pour comprendre l’astronomie
47 F ormation du
système solaire
Le Soleil s’est constitué à partir d’un nuage gazeux géant il y a 4,5 milliards
d’années. Comme d’autres étoiles qui se forment par condensation à partir
de nuages moléculaires, le Soleil est issu d’un effondrement gravitationnel
d’une mer d’hydrogène, d’hélium et de traces d’autres éléments. Les
planètes viennent des débris abandonnés. Agrégats et collisions ont fixé
taille et position dans un jeu de billard cosmique.
Quand le modèle héliocentrique a fini par être reconnu au xviiie siècle, les ques-
tions sur l’origine du système solaire ont commencé à se poser. L’idée que le
Soleil et les planètes formaient un nuage de gaz géant – l’hypothèse de la nébu-
leuse – a été mise en avant par Emanuel Swedenborg en 1734, puis développée
par Emmanuel Kant et Pierre-Simon de Laplace. Quoique vraie dans ses grandes
lignes, l’hypothèse a été largement développée depuis lors. Comme d’autres
étoiles se sont formées à partir de nuages moléculaires, telle la nébuleuse d’Orion,
le Soleil a dû se condenser à partir d’un nuage riche en hydrogène, en hélium et
avec des traces d’autres éléments.
Le Soleil se développa peu à peu dans une région de surdensité du nuage créée
par la gravité. Il mit 100 000 ans à devenir une protoétoile – une boule de gaz
chronologie
1704
L’expression « système solaire » est utilisée pour la
première fois
Formation du système solaire 189
chaude et dense mais où la fusion ne s’est pas enclenchée. Il était entouré d’un
disque circumstellaire de gaz et de poussières étendu sur plusieurs centaines de
fois la distance de la Terre au Soleil. Après environ 50 millions d’années, la fusion
s’enclencha et le Soleil devint une étoile de la séquence principale.
Les géantes gazeuses – Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune – se sont formées plus
loin, après la « ceinture de glace », là où les composés volatils restaient gelés. Ces
planètes étaient assez grandes pour s’entourer d’une atmosphère d’hydrogène et
d’hélium. À elles quatre, elles représentent 99 % de la masse de matière en orbite
autour du Soleil. 10 millions d’années après, le jeune Soleil souffla le gaz résiduel
du disque et les planètes cessèrent de croître.
1734 1994
Swedenborg avance l’hypothèse de Une comète s’écrase sur Jupiter
la nébuleuse
190 50 clés pour comprendre l’astronomie
Jupiter et les autres planètes extérieures se sont beaucoup déplacées au cours des
dernières étapes de leur formation. Le disque protoplanétaire aurait été trop froid
et trop diffus à la distance où se trouvent les planètes extérieures pour que se
forment des objets suffisamment gros. Uranus, Neptune, les objets de la ceinture
de Kuiper, en particulier Pluton et les comètes, ont dû se former plus près du
Soleil et avoir été éjectés plus loin par des interactions gravitationnelles. Il se peut
même que Neptune se soit formée à l’intérieur de l’orbite d’Uranus avant d’avoir
Formation du système solaire 191
Météorites
Les météorites sont faits de débris cosmiques, rochers sombres contiennent des isotopes
en particulier de la matière abandonnée par dont les quantités peuvent servir d’horloges
le système solaire primitif et les débris des cosmiques en calculant l’époque où ils se
planètes. Il y en a essentiellement de trois sont formés à partir du taux de leurs résidus
sortes. Celles riches en fer proviennent du radioactifs. En mettant toutes ces informa-
cœur d’astéroïdes brisés ; les météorites pier- tions bout à bout, on peut établir la façon
reuses sont surtout composées de silicates ; dont les constituants du système solaire se
enfin les météorites métallo-pierreuses sont sont distribués et regroupés.
un mélange des deux. Les minerais de ces
»
que Saturne la sienne, des phénomènes
de marée engendrant des vibrations de mais cinq milliards d’années
résonance qui ont retenti dans tout le pour faire l’Homme !
système solaire : Neptune a été repoussée George Gamow
et les petits corps glacés éparpillés dans la
ceinture de Kuiper.
l’idée clé
Billards cosmiques
192 50 clés pour comprendre l’astronomie
48 Lunes
En dehors de Mercure et Vénus, toutes les planètes du système solaire ont
une ou plusieurs lunes. La beauté de la nôtre a inspiré plus d’un poète mais
imaginez l’intensité de la scène si nous voyions plus de cinquante globes
dans nos cieux, comme c’est le cas sur Saturne ou Jupiter ! Les lunes peuvent
s’installer de trois façons : in situ, à partir d’un disque de gaz et de débris
entourant une planète ; par la capture d’un astéroïde qui passait non loin ;
ou arraché à la planète à l’occasion d’un impact violent avec un autre corps.
Il se peut que notre Lune ait été formée à travers une telle collision.
Les planètes extérieures géantes sont si grandes qu’elles retiennent en orbite les
débris : Jupiter, Uranus et Neptune ont toutes des anneaux ; mais ceux de Saturne
sont de loin les plus grands et ont été sondés depuis le xviie siècle, quand Galilée
les a observés attentivement à la lunette. Des milliers d’anneaux entourent
Saturne, à environ 300 000 km de la planète, tous dans un mince plan de seule-
ment 1 km d’épaisseur. Les anneaux sont faits de milliards de morceaux de glace,
allant de la taille d’un morceau de sucre à celle d’une maison.
Saturne possède plus de 50 lunes et chacune d’elle est unique. Titan, la plus
grande, a été découverte en 1655 par l’astronome hollandais Christiaan Huygens.
Elle possède une épaisse atmosphère orangée essentiellement composée d’azote.
Japet paraît brillante d’un côté et sombre de l’autre, de la glace recouvrant la
partie qui fait face à la matière des anneaux quand elle la traverse ; Mimas pré-
sente un énorme cratère sur une face, résultat d’une collision ancienne ; enfin
Encelade est actif sous sa surface, éjectant des colonnes de vapeur d’eau depuis
ses volcans de glace. Des dizaines de lunes plus petites ont été détectées, beau-
coup ayant taillé des trous dans le système d’anneaux alors qu’elles se formaient
par accrétion d’éclats de glace.
Les planètes intérieures sont trop petites pour avoir permis la formation de lunes
à partir de débris d’anneaux : elles les ont capturées. On pense que les lunes de
chronologie
1655 1969
Découverte de Titan par Les premiers pas de l’Homme sur la Lune
Huygens grâce au programme Apollo
Lunes 193
Mars – Déimos et Phobos – sont des astéroïdes capturés. Dans le cas de la Terre,
la création de la Lune a été plus violente. On pense que, dans le système solaire
primitif, alors que de nombreux objets suffisamment
grands s’écrasaient sur des embryons planétaires en
formation, un astéroïde s’est directement écrasé sur
la Terre. La Lune serait le résultat de ce choc.
«
la Lune pour déceler les signaux d’une
activité sismique et des faisceaux laser
pour déterminer avec précision sa dis- Ici, des hommes
tance à la Terre. Ils ont découvert que la
Lune s’éloigne de la Terre à la vitesse de
de la planète Terre posèrent
38 mm par an et qu’elle a un cœur par- le pied sur la Lune en
juillet 1969 de notre ère.
»
tiellement en fusion. La composition de
la croûte lunaire est très similaire à celle Nous sommes venus en paix
des complexes ignés rocheux de la Terre. au nom de l’Humanité.
Pendant longtemps, les scientifiques ont Plaque laissée sur la Lune, 1969
cru que la Lune s’était formée en même
temps que la Terre à partir d’une gouttelette de magma en fusion. Mais la petite
taille du cœur de la Lune – 20 % de son rayon, à comparer avec les 50 % de celui
de la Terre – laissait penser qu’il fallait trouver une autre explication : si la Lune
s’était formée en même temps que la Terre, son cœur aurait dû être beaucoup
plus gros. En 1975, William Hartmann et Donald Davis développèrent une autre
hypothèse : un autre corps aurait été impliqué dans la création de la Lune à tra-
vers un impact quasi catastrophique.
Un astre de la taille de Mars, Théia, serait entré en collision avec la Terre à peu
près 50 millions d’années après la formation du système solaire, il y a environ
4,5 milliards d’années. L’impact aurait été si violent qu’il aurait quasiment fra-
cassé la toute jeune Terre, la chaleur dégagée provoquant la fusion des couches
supérieures des deux corps. Le lourd cœur en fer de Théia aurait rejoint celui de la
Terre, le manteau et la croûte plus légère de la Terre étant projetés dans l’espace.
C’est ce matériau qui s’assembla pour former la Lune.
L’hypothèse de l’impact géant explique pourquoi la Lune est si grande par rap-
port à la Terre tout en ayant un cœur si petit. La densité moyenne de la Lune
plus basse (3,3 g/cm3) comparée à celle de la Terre (5,5 g/cm3) vient de ce que
la Lune a perdu, avec le fer, quelque chose de lourd. Les roches de la Lune ont
exactement les mêmes taux des différents isotopes de l’oxygène (des versions
radioactives plus lourdes de l’oxygène) que celles de la Terre, ce qui implique
qu’elles se sont formées dans le même voisinage. Les roches martiennes ont été
formées dans d’autres parties du système solaire et elles ont, au contraire, une
composition très différente. Les simulations informatiques sur la mécanique de
l’impact confirment que ce scénario est plausible.
Entre les deux, il y a le manteau, qui déclenche des tremblements de lune tandis
qu’il est déformé par les forces de marée. Nous pensons qu’il et aujourd’hui
solide mais, au cours de la vie de la Lune, il a été en fusion, engendrant un volca-
nisme jusqu’il y a un milliard d’années. La surface de la Lune porte les cicatrices
de nombreux cratères d’impact qui ont dispersé pierres et poussières à sa surface,
sur une couche appelée régolithe.
De nombreux satellites ont scruté la surface de la Lune avec des résultats mitigés.
Les satellites Clementine et Lunar Prospector ont repéré, à la fin des années
1990, de l’eau gelée aux pôles mais les observations radio depuis la Terre n’ont
pas réussi à le confirmer. Des missions récentes – la LCROSS (Lunar Crater
Observation and Sensing Satellite) de la NASA, qui a lancé un projectile à la sur-
face tandis que les instruments de bord analysaient la lumière issue de la matière
projetée par l’impact ; ou la mission indienne Chandrayaan – ont affirmé avoir
trouvé de l’eau dans l’ombre des cratères. Ainsi, les astronautes du futur pourront
trouver de quoi boire à la surface desséchée de la Lune !
l’idée clé
Un petit pas
196 50 clés pour comprendre l’astronomie
49 Exobiologie
Cela fait longtemps que nous pensons que la vie existe au-delà de notre
planète – depuis les canaux de Mars aux annonces d’observation de créatures
volantes sur la Lune. Mais plus nous explorons notre système solaire,
plus notre voisinage paraît être stérile. Pour robuste qu’elle soit, la vie a,
semble-t-il, besoin de conditions particulières pour éclore. L’exobiologie
tente de répondre à la question de savoir comment et où la vie apparaît
dans le cosmos.
La vie est apparue sur Terre très tôt après la formation de la planète, il y a 4,5 mil-
liards d’années. Les stromatolites fossiles – des tapis organiques en forme de
dôme – montrent que des cyanobactéries existaient il y a 3,5 milliards d’années.
La photosynthèse – le processus chimique utilisant la lumière solaire pour trans-
former des produits chimiques en énergie – était en bonne voie. Les roches sédi-
mentaires les plus anciennes connues, identifiées au Groenland, datent d’il y
a 3,85 milliards d’années. La vie s’est donc élancée d’une étroite fenêtre de tir.
Les théories sur l’origine de la vie sont anciennes et aussi variées que les espèces.
Les micro-organismes comme les bactéries ou les protozoaires ont été identifiés
au xviie siècle, quand le microscope a été inventé. La simplicité apparente des
bactéries a fait croire aux spécialistes que ces gouttes sont sorties spontanément
de la matière inanimée. On les voyait ensuite se répliquer, ce qui laissait entendre
que la vie provenait d’une génération spontanée. Louis Pasteur échoua dans sa
tentative de créer des bactéries à partir d’un bouillon nutritif stérile. La construc-
tion des premiers organismes vivants était un problème.
En 1871, Charles Darwin écrivit au botaniste Joseph Hooker sur cette question de
l’origine de la vie qu’elle aurait pu naître dans un « petit étang chaud contenant
toutes sortes de sels d’ammoniaque et de phosphore, de la lumière, de la chaleur,
de l’électricité, etc., en sorte qu’un composé protéinique soit chimiquement pré-
paré à déclencher des changements plus complexes encore ».
chronologie
1861 1871
Louis Pasteur échoue à Charles Darwin évoque un
créer la vie à partir d’un « petit étang chaud »
bouillon nutritif
Exobiologie 197
Les conditions qui prévalaient sur la Terre primitive étaient infernales, comme
l’atteste le nom donné à cette période géologique, l’Hadéen. Apparus très tôt,
200 millions d’années après la formation de la Terre, les océans étaient initiale-
ment bouillants et acides. Le grand bombardement tardif était encore à venir :
des astéroïdes ont dû s’écraser souvent à la surface de la planète. Celle-ci était
inhospitalière : climat chaotique, éclairs et déluges. Pourtant, ces conditions se
sont avérées favorables à la vie. Les organismes qui grouillent autour des évents
hydrothermaux des mers profondes prouvent que l’eau bouillante et l’obscurité
ne sont pas des barrières, pourvu qu’il y ait suffisamment d’éléments nutritifs.
Cela dit, il a bien fallu que, d’une façon ou d’une autre, les premiers organismes
se développent à partir de molécules complexes.
La sonde Huygens
La sonde spatiale Huygens a atterri à la sur- qu’elle descendait à travers l’atmosphère avant
face de Titan le 14 janvier 2005, après un d’atterrir sur une plaine de glaces. Titan est un
voyage de sept ans. Placée à l’intérieur d’une monde étrange dont l’atmosphère et la surface
coquille protectrice de quelques mètres, elle baignent dans le méthane liquide. Huygens est
transportait une série d’expériences destinées le premier engin spatial à avoir atterri sur un
à mesurer vents, pression atmosphérique, tem- astre du système solaire extérieur.
pérature et composition de la surface à mesure
Panspermie Une autre possibilité est que les molécules complexes, voire des
organismes biologiques simples, soient venus de l’espace. À peu près à la même
époque que l’expérience de Miller et Urey, l’astronome Fred Hoyle avançait l’idée
de « panspermie » : la Terre aurait été ensemencée par des impacts de météorites
et de comètes. Cela peut paraître tiré par les cheveux mais il est avéré que l’espace
est plein de molécules, dont certaines sont complexes. De l’acide amino-acétique
a été détecté en 2009 dans de la matière provenant de la comète Wild 2 dont la
sonde de la NASA Starburst a recueilli un échantillon qu’elle a rapporté sur Terre.
Pour en savoir davantage sur les conditions ayant pu permettre les premières
formes de vie et la façon dont les molécules se sont disséminées, les exobiolo-
gistes sont impatients d’explorer des endroits clés de notre système solaire. La
première cible est Mars. Sa surface actuelle est sèche mais on pense qu’il en a été
autrement dans le passé. Il y a toujours de l’eau glacée à ses pôles et les images
transmises par Mars Exploration Rover ont apporté la preuve qu’il y a eu pré-
sence d’eau à l’état liquide en surface, peut-être sous forme de petits cours d’eau
ou due aux fluctuations de nappes souterraines. On a trouvé du méthane dans
l’atmosphère de la planète rouge, ce qui laisse supposer une origine géologique,
voire biologique.
Une autre des lunes de Saturne, Encelade, est une destination exobiologiste en
vogue. Alors que la sonde Cassini dépassait ce satellite couvert de glaces, elle
repéra une éjection de vapeur d’eau provenant de crevasses situées près de son
pôle sud. Un point chaud situé en dessous laisse s’échapper de la vapeur à travers
des évents : la proximité de Saturne provoque des effets de marée qui déforment
la lune et créent ces fractures. Il est possible qu’il y ait des formes de vie sous la
surface, là où l’eau est liquide.
l’idée clé
Suivez l’eau
200 50 clés pour comprendre l’astronomie
50 L e paradoxe
de Fermi
La détection de la vie ailleurs dans l’Univers serait la plus grande découverte
de tous les temps. Le professeur de physique Enrico Fermi se demanda
pourquoi, étant donnés l’âge et la taille de l’Univers, des milliards d’étoiles
et de planètes existent depuis des milliards d’années sans que nous ayons été
contactés par quelque civilisation extraterrestre. C’est bien d’un paradoxe
qu’il s’agit.
En bavardant à table avec des collègues en 1950, Fermi demanda, paraît-il : « Où
sont-ils ? » Notre propre galaxie contient des milliards d’étoiles et il y a des mil-
liards de galaxies dans l’Univers – et donc des milliards de milliards d’étoiles. Si
une partie seulement héberge des planètes, cela fait beaucoup de planètes. Si une
partie seulement de ces planètes abritent la vie, il devrait y avoir des millions
de civilisations. Pourquoi donc ne les avons-nous pas rencontrées ? Pourquoi ne
nous ont-ils pas contactés ?
Plus d’un demi-siècle après que Fermi eut posé la question, nous n’avons tou-
jours rien entendu. En dépit de nos systèmes de communication, personne n’a
appelé. Plus nous explorons notre environnement, plus nous paraissons être
seuls. Aucun signe concret d’une vie quelconque, pas même la plus simple bac-
térie, n’a été découvert sur la Lune, Mars les astéroïdes ou sur les planètes et
chronologie
1950 1961
Fermi lance la question de l’absence de Drake met au point son équation
contacts extraterrestres
Le paradoxe de Fermi 201
les lunes du système solaire extérieur. Aucune interférence dans la lumière des
étoiles qui pourrait indiquer la présence de gigantesques machines en orbite
recueillant leur énergie. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché. Étant donnés les
enjeux, nous sommes extrêmement attentifs à la recherche d’intelligence extra-
terrestre.
Mais les microbes ne vont pas nous passer un coup de fil. Qu’en est-il d’animaux
ou de plantes plus sophistiqués ? Maintenant que des planètes ont été détectées
autour d’étoiles lointaines, les astronomes se préparent à analyser la lumière
qui en provient pour traquer des signes chimiques de vie. Les indices spectraux
de l’ozone ou de la chlorophylle pourraient être découverts, mais cela néces-
sitera des observations précises, de celles qui seront rendues possibles par les
prochaines générations de missions spatiales comme le Terrestrial Planet Finder
de la NASA. Ces missions pourraient découvrir une sœur à notre Terre. Mais, si
La Terre envoie une multitude de signaux pour peu que vous ayez une antenne
pour les capter. D’autres civilisations avancées n’en feraient-elles pas de même ?
Les radioastronomes scrutent les étoiles proches à la recherche de signaux artifi-
ciels. Le spectre radio est vaste aussi se concentrent-ils sur les fréquences proches
des transitions naturelles clés comme celles de l’hydrogène qui devraient être les
mêmes partout dans l’Univers. Ils recherchent des signaux réguliers ou structurés
mais qui ne peuvent être produits par aucun type d’astres connu.
L’équation de Drake
N = N* × fp × ne × fl × fi × fc ×fL
où :
N est le nombre de civilisations de la Voie lactée dont les émissions électromagnétiques sont
détectables ;
N* est le nombre d’étoiles de la galaxie ;
fp est la fraction de ces étoiles possédant un système planétaire ;
ne est le nombre de planètes par système solaire avec un environnement favorable à la vie :
fl est la fraction de ces planètes vivables où il y a aujourd’hui une vie effective ;
fi est la fraction de ces planètes abritant la vie où une vie intelligente a émergé ;
fc est la fraction de civilisations développant une technologie capable d’émettre des signes
de leur activité qui soient détectables ;
fL est la fraction de la durée de vie d’une planète où de telles civilisations émettent des
signaux détectables dans l’espace (pour la Terre, elle est jusqu’ici très petite).
Le paradoxe de Fermi 203
Partis sans laisser d’adresse Étant donné que nous pouvons penser à de
nombreuses façons de communiquer et de détecter des signes de vie, pourquoi
donc ne se trouve-t-il aucune civilisation pour nous répondre ou pour émettre
ses propres signaux ? Pourquoi le paradoxe de Fermi tient-il toujours ? Il y a de
nombreuses possibilités. Peut-être la vie n’existe-t-elle dans un état développé
rendant la communication possible que pour une durée très brève. Pourquoi
en serait-il ainsi ? Peut-être la vie intelligente s’élimine-t-elle toujours très vite
elle-même. Peut-être est-elle autodestructrice, incapable de survivre longtemps :
les chances d’être capables de communiquer et d’avoir quelqu’un d’assez proche
pour le faire en retour seraient alors très faibles. Il y a aussi les scénarios plus
paranoïaques : les extraterrestres ne veulent peut-être tout simplement pas entrer
en contact avec nous et c’est délibérément que nous sommes laissés isolés. Ou
alors ils sont trop occupés et ne s’y sont pas encore intéressés !
l’idée clé
Y a-t-il quelqu’un ?
204 Glossaire
Glossaire
Accélération Variation Diffraction Étalement Étoile Boule de gaz dont Gaz Nuage d’atomes ou
de la vitesse d’un corps des ondes au passage le centre est le siège de de molécules non liés.
en un temps donné. d’un bord acéré ou d’une réactions de fusion.
fente. Gravité Interaction
Âge de l’Univers Exoplanète Planète fondamentale par
Environ 14 milliards Dualité onde- en orbite autour d’une laquelle les objets
d’années ; déterminé par corpuscule étoile autre que le Soleil. s’attirent mutuellement.
le rythme d’expansion Comportement de ce
de l’Univers. qui se manifeste tantôt Fission Éclatement Inertie Voir Masse
comme onde et tantôt de noyaux lourds en
Atome La plus petite noyaux plus légers. Inflation Gonflement
comme particule ; c’est
brique élémentaire de très rapide de l’Univers
tout particulièrement le
matière qui puisse exister Fond diffus durant les toutes
cas de la lumière.
de façon autonome. cosmologique Faible premières fractions de
Éléments légers Les lueur aux fréquences des seconde.
Baryons Catégories de quelques éléments micro-ondes arrivant de
particules formées de tout le ciel et provenant Interférence
formés pendant le
trois quarks, comme les du Big Bang. Superposition d’ondes
Big Bang : hydrogène,
protons et les neutrons. de différentes fréquences
hélium, lithium.
Force Attraction ou et qui peuvent se
Céphéide Étoile poussée modifiant le renforcer ou s’annuler.
Énergie noire Forme
variable dont la période mouvement d’un corps.
d’énergie du vide de
est en relation avec la Ion Atome présentant
l’espace qui tend vers
luminosité. Fréquence Nombre de une charge électrique
une expansion de
crêtes d’une onde passant du fait de la perte ou du
Champ Cadre l’espace-temps.
par un point donné par gain d’électrons.
dans lequel peut se unité de temps.
Énergie Quantité qui
transmettre une force Isotope Forme d’un
détermine le potentiel de
à distance. Il peut être Fusion Réunion de élément différent des
transformation en étant
électrique, magnétique, noyaux légers pour en autres par sa masse
échangée.
gravitationnel. former de plus lourds. atomique du fait de la
Espace-temps Fusion présence d’un nombre
Constante de Hubble Galaxie Assemblage différent de neutrons.
de l’espace géométrique
Rythme l’expansion de d’étoiles et de gaz
et du temps dans la
l’Univers. enchâssé dans un halo Isotropie Propriété de
Relativité.
de matière noire, comme distribution uniforme,
Constellation Motifs
Étoile à neutrons notre Voie lactée. régulièrement répartie.
reconnaissables formés
Ce qui reste après
par les étoiles dans le ciel. Galaxie active Une Lentille
l’effondrement d’une
galaxie qui montre gravitationnelle
Décalage vers le étoile éteinte et est
des processus de haute Déviation des rayons
rouge Baisse de la maintenu par la pression
énergie en son centre lumineux quand ils
fréquence d’un objet quantique.
déterminés par un trou passent à proximité d’un
qui s’éloigne du fait de
noir supermassif. objet massif.
l’expansion de l’Univers.
Glossaire 205
Index
Aberration stellaire 39 communications énergie 204 Herschel, William 4, 6,
accélération 16, 18, 91, extraterrestres 168 énergie négative 68 37, 120
92, 204 constante cosmologique énergie noire 55, 59, 82, Hewish, Tony 168
âge de l’univers 204 80-3 168, 204 Higgs, boson de 106-7
âge sombre 47, 145 constante de Hubble 204 épicycle 9 Higgs, champ de 105
Alpher, Ralph 57, 65 constellations 36 espace multidimensionnel Higgs, Peter 104
amas galactiques 120-3 convexion 159, 204 58 Holwarda, Johannes 176
amas globulaires 40 Copernic, Nicolas 9, 10 espace-temps 58, 74, 76, Hooke, Robert 17, 38, 39
Anderson, Carl 68 cordes, théorie des 58, 90, 93-4, 204 horizon des événements
année-lumière 42 108-11 éther 88 96
antimatière 68-71 corpusculaires, idées 21 étoile 204 Hoyle, Fred 56, 131, 169
antiparticules 68-9, 103 cosmique étoiles à neutrons 166, 204 Hubble
antiproton 69 chuchotement 130 étoiles binaires 161, 163 champ profond de 119
Aristarque de Samos 8 corde 106 étoiles figées 97-8 constante de 51, 150
astéroïdes, ceinture d’190 inflation 76-9 étoiles variables 176-7 diapason de 117, 118
astronomie en rayon rayon 103 étoiles Wolf-Rayet 155 Edwin 43, 48, 57, 116
gamma 174 rayons X 137 étoiles, scintillement d’27 loi de 48-51, 54, 57,
astrophysique des réseaux 124 évolution galactique 144-7 82, 178
particules 100-3 couronne 181, 183 évolution stellaire 156-9 séquence galactique de
atomes 100, 204 Curtis, Heber 41, 42, 49 exobiologie 196-9 116-19
Backer, Don 171 Darwin, Charles 196 exoplanètes 33,184-7, 204 télescope spatial de 27,
Balmer, série de 154 Davis, Donald 193 Fermi, paradoxe de 200-3 50, 94, 119
Barrow, John 113 décalage vers le bleu 35 fission 101, 204 Hulse, Russell 170
baryons 75, 102, 204 décalages vers le rouge 35, flash d’hélium 154 Huygens, Christiaan 38,
Bell, Jocelyn 168, 203 121, 204 fond diffus cosmologique 192
Bethe, Hans 67, 158 densité de flux 128 57-8, 60-3, 82, 204 Huygens, sonde spatiale
Big Bang 47, 56-9, 64-7 deutérium 57, 66 forces 16, 109, 204 198
Big Chill 59 diagramme de Hertzprung- Fraunhofer, Joseph von 30 hydrogène 64, 66
Big Crunch 59, 73 Russell 156 fréquence 204 raie d’absorption 28, 153
bombardement tardif, Dicke, Robert 113 fusion 101, 157, 181, 204 Inertie 85, 204
grand 191 diffraction 27, 204 Galaxie 41, 55, 116-20, inflation 78-9, 204
bosons (W, X ou Z) 71, Digges, Thomas 38 125-6, 204 infrarouge 22
102, 104 dioxyde de titane 154 interférences 30, 204
galaxie active 204
Brahé, Tycho 13, 165 Dirac, Paul, 68, 70 interférométrie radio 129
Galilée 10, 11, 85
Broglie, Louis-Victor de 22 disque d’accrétion 133 ion 204
Gamow, George 57, 65
Carter, Brandon 113 distances cosmiques, ionisation 31
gaz 204
céphéides 42, 49, 50, 53, échelle des 52-5, 121 isotopes 101, 204
gaz intra-amas 122
121, 177-9, 204 Doppler, Christian 34 isotropies 204
géantes gazeuses 190
Chadwick, James 101 Drake, équation de 200- Giacconi, Riccardo 137 Jansky, Carl 128
chaleur 159 1, 202 Jeans, masse de 161
gluons 102
champ 204 Drayer, Johann 120 Jupiters chaudes 186
gravité 16, 17-8, 73, 84,
chandelle standard 53 dualité onde-copuscule 204 85-6, 161, 204 Kaluza, Theodor 110
Chandra, télescope 138 Eau 190, 195 groupe local 121 Kant, Emmanuel 37
Chandrasekhar, limite de Eddington, Arthur 148 Guth, Alan 78 Kepler, Johannes 11, 12-5,
166-7 effet photoélectrique 23 Hartmann, William 193 18, 45
Chandrasekhar, Einstein, Albert 21, 23, 80, Hawking, rayonnement Laplace, Pierre-Simon 96
Subrahmanyan 98 89, 90, 148 de 98 Large Hadron Collider
chromosphère 181 Einstein, anneau d’ 94 Hawking, Stefen 98 (LHC) 106
chute libre 92 électrons 100, 102 héliocentrisme 8-11 le Grand Mur 125
classification stellaire 152-5 éléments 28, 57, 62, 158 héliopause 182 lentilles 24
COBE 61 éléments légers 62, 66, hélium 64, 165 lentille gravitationnelle 205
comètes 189 204 leptons 102
éléments lourds 154 Lipperhey, Hans 24
Index 207
Une précédente version a été publiée en 2011 sous le titre « Juste assez d’astronomie pour briller en société »