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Villesettribusdu 01 Missuoft

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MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC

ailles et Tribus du Maroc


DOCUMENTS ET RENSEIGNEMENTS
PUBLFES SOUS LES AUSPICES DE LA RESIDENCE GENERALE

CASABLANCA
Et LES

CHÀOUÏA
TOME I

PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE (Vl e )

191S
Villes et Tribus du Maroc

VOLUME PREMIER

CASABLANCA
CHAOUÏA
MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC

[les et Tribus du Maroc


i-j. 1 3
DOCUMENTS ET RENSEIGNEMENTS
PUBLIÉS SOUS LES AUSPICES DE LA RESIDENCE GENERALE

CASABLANCA
ET LES

CHÀOUÏA
TOME I

PARIS
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
28, RUE BONAPARTE (VI e )

191
Échelle : 1/25.000. ooo\ — Bureau topographique du Maroc occidental.
Le pavs des Châouïa et le Maroc.
- !..-i Vil

iClichcdc la i
CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

INTRODUCTION

Par arrêté du Résident général de France au Maroc,


en date du 18 octobre ig i3, la Mission scientifique du
Maroc a été « chargée de préparation d'une collection
la
documentaire publiée sous les auspices de la Résidence
générale ». L'article premier fixe l'objet et le but de cette
publication, par l'ênumération des documents dont la Mis-
sioji doit recevoir communication. Ce sont « les notices

établies dans les différentes régions sur la condition ethno-


graphique, historique, sociologique, économique et admi-
nistrative des Villes et Tribus du Maroc, et les autres tra-
vaux des agents du Protectorat sur la sociologie ou la
politique indigènes ».

Ces dispositions faisaient suite à des échanges de vues


entre M. le général Lyautey, Résident général de France
au Maroc, et M. A. Le Chalelier, professeur au Collège
de France, délégué général de la Mission scientifique.
Comment doter le Maroc français d'une publication où les
agents civils et militaires du Protectorat, appelés à s'oc-
cuper des affaires indigènes, pussent trouver un ensemble
IV CASABLANCA KT LES CHAOUÏA

détaillé d'informations locales? La solution adoptée fut


celle du recueil qui s'ouvre par deux volumes sur Casa-
blanca et les Chàouïa.
En se reportant aux Pièces annexes qui suivent celte
introduction, on se rendra compte du nombre considérable
de rapports et mémoires mis à la disposition de la Mis-
sion, pour l'établissement de ces deux volumes. Avec les

« observations » et les « réponses », provoquées au cours


du travail, on se trouve en présence d'un dossier de plus
de cent numéros. Ce relevé, accompagné de la liste des
officiers et des membres du Contrôle civil attachés aux
Affaires indigènes, pour Casablanca et les Chàouïa, jus-
qu'au commencement de 19 14, témoigne fortement de
notre activité administrative au Maroc.
Au moment d'utiliser ces documents, on dut recon-
naître que, correspondant à des stades successifs de l'occu-
pation, ils ne fournissaient pas tous les éléments d'une
publication coordonnée. De là, dans l'exécution, une mé-
thode, commandée par l'enchaînement des faits, 7nais qui
ne restera sans doute pas celle de l'avenir.
Son développement s'est fait par étapes ;
i° Envoi par le Service des renseignements, à la Mis-

sion scientifique, à Paris, à partir de juin igi3, d'une


première série de rapports, notices, tableaux de comman-
dement, etc. Ces études qui présentaient un réel intérêt
et dont quelques-unes constituaient de véritables mono-
graphies, ont servi de base à l'établissement d'un plan
analytique.
2" Sur ce plan, à l'aide de nouveaux documents envoyés
de Rabat, et avec quelques informations recueillies sur les

lieuxpar M. Mispoulet,, un de ses membres, la Mission


rédigea à Tanger un premier texte dont la partie histo-
rique représentait sa contribution particulière.
3° Remanié à Paris, au point de vue du groupement, et
révisé partiellement, ce travail préparatoire formait près-
[NTROD1

que un volume. Imprime à titre provisoire dès la fin de


iqi3, il fut envoyé, en épreuves, aux différents services
du Protectorat en vue des corrections, observations et dé-
veloppements qu'ils jugeraient utiles, l 'n questionnaire de
plus de soixante articles, préparé par la Mission et dis-
tribué par le Service des renseignements, compléta, peu
après, ces demandes de précision.
4" Pour unifier cette préparation,
il restait à envoyer

un membre de Mission en pays Châouïa. Désigné avec


la

l'approbation de M. le Résident général, M. Graulle.


adjoint au chef de Mission, partit au mois de février igi4,
et M. Michaux-Bellaire, chef de Mission, le rejoignit en

mai à Rabat.
5" Les réponses au Questionnaire de la Mission avaient
été concentrées à Casablanca pour les circonscriptions de
Contrôle pour le Territoire militaire rat-
civil, et à Settal
taché depuis au Contrôle civil). Après les avoir dépouil-
lées, M. Graulle consacra trois mois à parcourir les tribus

pour réunir les renseignements qui manquaient encore, et


prendre connaissance dans les Postes des documents d'ar-
chives que la Mission n'avait pas reçus.
6° M. Michaux-Bellaire et M. Graulle repartirent en
mai pour Paris, avec tous les matériaux accumulés, afin
de les mettre en œuvre, en forme définitive. Ce travail,
suivi par le Délégué général, était terminé le io juil-
let 10 1 4.
7" Commencée de suite, la nouvelle impression fui arrê-
tée à la fin du mois par la guerre. Elle a été reprise en
mars rgi5.

Les indications qui précèdent montrent que la prépara-


tion des deux volumes Casablanca et les Châouïa a été
rapide. Cette rapidité sera une excuse pour les fautes
VILLES ET THII-.l S. — I. fl
VI CASABLANCA ET LES CHA0U1A

ou les omissions inévitables dans une œuvre de point de


départ.
Les remaniements successifs de la rédaction nonl pas
permis de citer régulièrement les textes utilisés, en dehors
des extraits proprement dits. On se rend facilement compte
à la lecture de ce que seraient les attributions s'il avait
paru indispensable de disjoindre les provenances dans une
publication collective.
D'une manière générale, presque tout ce qui ressort des
points de vue administratif, économique et politique, pro-
vient des documents communiqués, les apports de la Mis-
sion étant plutôt d'ordre historique et sociologique.

A. L. C.
PIECES ANNEXES

tdence Générale de France

U." MAROC

BIPEAL' POLITIQUE

V 104 A P.

Le général de division Lyautey, Commissaire-Résident général de la

République française au Maroc,

Arrête :

Article premier. —
Les notices établies dans les différentes régions
sur la condition ethnographique, historique, sociologique, économique

et administrative des villes et tribus du Maroc, et les autres travaux


des agents du Protectorat, sur la sociologie, ou la politique indigène,
seront mis à la disposition de Mission scientifique du Maroc, char-
la

gée spécialement de la préparation d'une collection documentaire, pu-


bliée sous les auspices de la Résidence générale.

Art. II. — Les communications seront faites à la Mission scienli-


fique par le Service politique de la Résidence.

Art. III. — La mise au point sera assurée par la Mission scienti-


fique, conformément aux décisions de la Résidence.

IV. — La publication de la documentation ainsi constituée,


sera faite par la Mission sans subvention du Protectorat.

Fait à Rabat, le 18 octobre iqi3.

Signé : L'Y votey.


LE SI I
RENSEIGNEMENTS DE LA CHAOUIA»
DE 1908 à 191 3.

M RÉE
A PPBOÏI M A T I V£
des séjours

MAI. Cuinct Chefdebataillor. de [908 à 1909


Simon 1909 1911
Dessigny 1909 1913
Huot Capitaine 1907
deTorqualdelaCarlerie 1908
Blondont 1908 1909
Tribalet 1908 1911
Marc 1908 1912
Henry 1908 1910
Dincher 1909 1 9 1

Nancy 1909 191


Chesneau 1
10g 1911
Chenin 1909 19 12
Seignobosc . . . .
1909 1912
Laumonier . . . .
1 909 1911
Cottencst [910 1913
Capperon 1910 1913
Verlet-Hanus. . . . 1910 1912
Flye Ste-Marie . . . MMM 1912
Boulle HIIO 1 1

Lapasset 11)1 1 I9l3


Cimetière I9I [ <
9 l3
Loretle iql I igi3
Robin ...... I9I I 1912
Cauvin 191 I 1912
du Pré de St-Maur . I9I I 191
Vvart igi I 1912
Donafort 1912 1
g 1

Rousseau 1912 1913


Bastien 1 9 1 1
g 1

Quéré 1912 1912


PIECES ANNEXES

DURÉE
APPROXIMATIVE
des séjours

MM. Debacker Capitaine de 1912 à 1 gi


Maîtrat igi3 ce jour
Britsch Lieutenant 1908 1 q 1

Simon 1908 1012


Mordacq 1908 I9I2
f Cuny,tuéàl'ennemi(Fès,
17 avril 191 2 ;• 1908 191 1

Y Marchand, tué à l'enne-


mi (Zaers, 14 janvier 101 1 [908 nui
Chardon 1908 1 g 1

Lucas 1908 1 1 >

de la Pradellc. . . . 1908 m 10
Mougin 1908 1909
Ilcnnequin .
1908 1909
Brouaux 1908
Bordet
Logeroi
Goulon 1908
Van-Ackère . . . . 1908 1910
Le François des Courtis IQ08 101 1

Bénazet 1908 1912


Lombard .
1909 iqi3
Leclerc. 1909 1912
Désevaux 1909 nui
Gueytat 1909 1 9 1

Rouzade 1909 1
g 1

de Coatgoureden . .
191
de Vaucresson . . .
1 9 1

Y Mêaux, tué à l'ennemi


i/.acrs. 17 lévrier 1910I .
1909 1910
Bauger 1909
Rigot 1910 1912
de Mazerat . . . . 1910 1912
Y \rnaud. tué à l'ennemi,
(Immouzer, 20 juillet
""- 1910 1912
Marrot . . .
1910 1912
CASABLANCA ET LES ClIAOtlA

DURÉE
NOMS GRADES APPROXIMATIVE
des séjours

MM. Mazel Lieutenant de 1910 à 191a


Besse .
— 1910 [911
Fouque . .
— 191 1 igta
Noël . . .
— 1 9 1 1 1 9 1

Charrier . .
— 1908 191

Bouix . un 1 19 1

Deleuze . .
— 191 I K)l3
Bourgoin . . IQII 1 9 1

Delhomme .
1
9 1 1 1 9 1

Jacquet. . . 191 1 191


Renaud — mu 1913
Chastanet .
— 1911 191J
Garand . . .
— IQII 1912
Brissaud . . igll 1912
Brostra. . . 1
1
1 I 1912
Carret . . . igl I K)I2
Lahure. . . 1 g 1 1 1912
Maitrot — 191 1 1912
fde Montclin, tué à l'en-
nemi iZaers.2sept.1912). — 1 91 1 1 9 1

Basly - IQII I912


de Surgères . . . .
— igll 1912
Durand - IQII
de Féraudy . . . .
— IQII I9I2
f Chamand.tuéà l'ennemi
(DarEI-Qàdhi, 17 sep-
tembre 1912) .
— igi I IQI2
Lafforgue . .
— igll
Ract-Brancaz. — 1 I 2 I9l3
Coustillières .
1 912 1913
Rousseau . . 1912 igi3
Riand . . .
— 1912 1 g i3
Foiret . . . I Q 2 1 1 9 1

Kmmanuelli .
— 1912 igi3
Bertrand . .
— 1 9 2 1 1 9 1

Gary . . .
1
9 2 1 1913
1
PIECES ANNEXES

DUREE
APPROXIMATIVE
des séjours

MM. Clerdouet Lieutenant de 912 a 1


9 1

Cégarra — 912 191 3


Villiet 912 191 3
Astraud |
912 191 3
Charles 912 1 91 3

Fourny. ... — 9i3 à ce jour


Balazuc g 3 à ce jour
1

Laurent, dit de Faget 9i3 à ce jour


Boucly oi3 à ce jour
Marc Officier interpr. 1912
Caldéraro .... 908 IQ I 3
Ollier 909 1913
Lecavelier. . . 908 1909
Sumian .... 1
g 1 3

Sicard 909
Baudin ,,„, [910
Martin 909
Marty 909
Carlotti 910 igi3
Trenga 910 1 9 1

Denoun 910 1912


Pons 'Adrien i . . .
910 1912
Pons (David). . . .1
— 911 191
Margot — 912 1913
Neigel 912 191
Pozzo di Borgo . . . 912 1913
Bouzat 907 191
Rodé — ()I2

Stackler . .
— 9i3 à ce jour
Blot Interpr. stag. 911 1912
Martel — 912 191 3
Tabti g 3 à ce jour
Isner i
Lieutenant 9i3 à ce jour
XII CASABLANCA ET LES CHA0U1A

CONTROLE CIVIL DES CHÂOUÏA


er
(l SEMESTRE I<)l-) I

MM. Klepper, contrôleur en chef.


Champion, contrôleur de Casablanca-Banlieue.
Rousseai', contrôleur de Ber-Rechid.
Noi i lieutenant faisant fonctions de contrôleur
. civil au camp
Boulhaut.
Isner, lieutenant faisant fonctions de contrôleur civil au camp du
Boucheron.

ADMINISTRATION CIVILE DE CASABLANCA

MM. de Cazanove.
Cou .m
[>[

DOCUMENTS DU SERVICE DES RENSEIGNEMENTS

PREMIÈRE LISTE

i° Notice sur la ville de Casablanca.


2° — Médiouna (Capitaine Cimetière).
tribu des
Oulâd Harîz (Croquis (Lieutenant Rousseai
i ).

4° —
5° — Zenata.
6° — Oulâd Ziyan (Capitaine Cimetière).
7° les Mzâb et A'chàch.
les tribus du territoire de Settat.
Oulàd Saïd.
10° Carte des tribus dépendant de l'annexe de Boulhaut.
i!" Notices sur la tribu des Mouâlin El-Ghâba, Eeddalat, Mouàlin El-

Oula et BeniOuraf4) (Lieutenant Brostra).


12° Renseignements agricoles et commerciaux du territoire du Bou-
cheron (Capitaine Bastien).

14 Notice !>ur les tribus administrées par le Bureau des renseigne-


ments du Boucheron (tableau de commandement) iCapitaine Quèrê).
l5° Tableau de commandement du territoire des Oulâd Saïd Cap -
taine Dr Pué de Saint-Mai r).
iô° Tableau de commandement du territoire de Settat (Capitaine
Rousseau).
17 Tableau de commandement des tribus Mzâb-A'châch (Capitaine
Lapasset).
[8° Notice sur lesChiadma et lesChtouka (Lieutenant Mazi i
-

19° Renseignements géologiques sur la région Châouïa (ig 3). 1

DEUXIÈME LISTE

NOTICES GÉNÉRAL! s

i" Historique de l'origine du soulèvement de la Châouïa et d'après

les renseignements recueillis dans les tribus des Ziyaïda et des Zenata.
2° Les terres agricoles en Châouïa.
\l\ CASABLANCA ET LES CHA0U1A

3" Rapport sur la Mission forestière en Chàouïa, de M. Dupont,


inspecteur adjoint des Forêts en Algérie.
4° Extrait d'une étude sur les forêts de la Chàouïa (M. Dupont).
:csur les plantations d'arbres (M. Dupont).
G Le droit coutumicr de la Chàouïa, par M. Marty, officier inter-

prète.
7" Renseignements statistiques agricoles sur le territoire de la

iïa, recueillis du Service des renseignements.


par les officiers
8° L'apiculture en Chàouïa, par M. Sicard, officier interprète.

9° La « Rimaya » (Société marocaine de tir et d'équitation pour la


préparation à la Guerre sainte), par M. Martin, officier interprète.
[0° ^rganier, huile d'argan et tourteau d'argan, par M. Moreau,

pharmacien major.
r' La flore de la Chàouïa. par M. Moreau, pharmacien major.
i

12° Les eaux d'alimentation de Casablanca et de la Chàouïa, par

MM. Gauthier et Moreau, pharmaciens majors.


i?' Régime immobilier au Maroc. Questionnaire n°
1
relatif à l'état i

de la propriété foncière.
14 Régime immobilier au Maroc. Questionnaire n" 2 relatif à l'état
de la propriété foncière.
i5° Sectes religieuses de la Chàouïa militaire.

i" Notice sur les Selamna, par le lieutenant Brostra.


2" Notice sur la tribu des Rehamna, par le lieutenant Brostra.

3° Historique sommaire et renseignements essentiels sur le terri-


toire de Boulhaut.
BOUCHERON

i° Enquête économique sur la Chàouïa (Mdhakra et Oulâd 'Ali, par


le capitaine Nancy.
a '
Ktude sur la « Chasse sur le territoire de Fort-Curgens », parle
lieutenant Reste, de la 5" Compagnie Sénégalaise.
3° Notice sur les tribus administrées par le Bureau des renseigne-
ments du Boucheron, par le capitaine Quéré.
Note sur la région forestière limitrophe des territoires des
I

Mdakra, des A'chàch et des Zaers, par le capitaine Voiriot, du 3° Ti-


railleurs algériens.

QAÇBAT BF.\ AHMED

i° Notice politique sur Qaçbat ben Ahmed.


PIECES ANNEXES \ '•

2° Notice monographique économique sur le territoire de Qaçba:


ben Ahmed.

Renseignements sur l'importance et le développement des inté-


rêts allemands sur le territoire de Settat depuis l'occupation française,


par le capitaine Rousseau.
2° Settat. Ses caïds. Ses origines, par le lieutenant Delhomme.
3° De quelques données pouvant servir à l'amélioration de la race

chevaline en Chàouïa, par le lieutenant des Courtis.


4° Rapport du lieutenant de Mazerat, sur l'amélioration de la race
chevaline au Maroc.
5° Renseignements économiques sur le territoire de Settat, par le ca-
pitaine Rousseau.
6° Renseignements sur le territoire dépendant du bureau de Settat,
par le capitaine Rousseau.
7° Rapport sur les ressources géologiques du territoire de Settat,
par le lieutenant Delhomme.
8° Plantations faites sur le territoire de Settat, par le capitaine Roi s-

moutons, par le capitaine Roussi \i


'.luestionnaire sur les .

io° Rapport sur le Tertib de l'année 1912, par le capitaine Roi rssi v .

m 1
Rapport sur la reconnaissance d'un gisement de gypse aux
Ou lad Bou-Ziri.
12° Situation agricole, par le capitaine Rousseau.
1
3° Notice sur Settat et la région de Settat, par le lieutenant
Delhomme.
14' Étude sur l'hydrographie des plateaux de la région de Settat, par
le lieutenant Tarrit.

! I SAÏD

1 Notice donnant les renseignements essentiels politiques du terri-


toire des Oulàd Saïd.
2' Historique sommaire, organisation, fonctionnement, moyens
d'exécution.
marabouts.
3" Cultes, zâouïas,

Rapport économique et politique, par le capitaine du Pré de


4"
Saint-Mai p.
5" Notice économique, parle capitaine Donafort.
6" Rapport sur l'élevage des chevaux, par le lieutenant Carret.
7° Rapport sur les ruines présentant un intérêt archéologique, si-
XV] CASABLANCA ET LES CHAOUIA

tuées sur le territoire des Oulâd Saïd, par le capitaine m Pré de Saint-

8° Renseignements sur le bétail des Oulâd Saïd, par le capitaine


DONAFORT.
moutons, par le capitaine Donafort.
9° Questionnaire sur les
Étude géologique du territoire des Oulâd Saïd, par le capitaine
io'
j

1 IN UORT.
li

ii" Rapport sur la situation économique de l'élevage, par le capitaine


Donafort.
n
i2 Renseignements statistiques concernant la colonisation et l'éta-
blissement de l'impôt.

TROISIÈME LISTE

Réponses au questionnaire. 12 janvier 1914. Lieutenant Isner, Camp


du Boucheron.
— 17 février 1914. Lieutenant Isner, Camp du Boucheron.
— 14 février 1914. Lieutenant faisant fonction de contrôleur civil au
Camp Boulhaut (Signature illisible).
— 3o mars 1914. Casablanca-Banlieue. Anonyme.
— sans date. Settat. Anonyme.
— 22 janvier. Lieutenant Jaquet. Qaçbat Ben Ahmed.
— 11 février 1914. Capitaine Rousseau.
Notice sur les Oulâd Saïd, 25 janvier. Capitaine Lapasset, Settat.
Arbre généalogique de Si El Ghazi, 20 mai. Capitaine Maitrat,
Settat.
Modifications proposées aux Épreuves imprimées relatives à la tribu
des Oulâd Harîz. 23 décembre gi3. Lieutenant Rousseau, contrôleur
1

civil.

Modifications aux Épreuves imprimées relatives aux


proposées
tribus des Mdhakra
Oulâd 'Ali, 6 janvier 1914. Capitaine Lorette,
et

chargé du contrôle civil du Boucheron.


Modifications proposées aux* Épreuves imprimées relatives aux
tribus des Mzamza, Oulâd Bou-Ziri et Oulâd Sidi ben Dâoud, 11 jan-
vier 19 14. Capitaine Maitrat, contrôleur civil.
Les Écoles de la Châouïa, i3 mai 1914. Direction de l'Enseigne-
ment.
La Pèche maritime au Maroc, sans date. Anonyme.
Note sur les biens makhzen, sans date. De Chavigny.
La Siba en Châouïa sous Moulay Abdelaziz, sans date. Docteur
Wi SGERBER.
PIECES ANNEXES XVII

Étude géologique de la région de Casablanca-Banlieue, sans date.


Anonyme.
Notice sur la propriété foncière. Cercle de Ber-Rechid. Bureau de
Cisablanca-Banlieue, sans date. Anonyme.
La tribu des Mediouna avant l'occupation française, 3o novembre
1908. Lieutenant Rousseau.
Renseignements statistiques agricoles sur le territoire de la (.
;
-

Résidence générale. Anonyme.


1010. 1911, iqi3.
IV

BIBLIOGRAPHIE

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P. Didot, Paris, 1814.
E. Aubin. — Le Maroc d'aujourd'hui, in-8; A. Colin, 1904.
P. Azan. — Souvenirs de Casablanca, in-8; Hachette et Cie, ign.
— Le Combat de Rfakha, in-8; Chapelot et Cie, 1909.
R. Basset. — Les Berghawdta (Encyclopédie de l'Islam).
Beaunier. —
Roitdh El-Kartas, Histoire des souverains du Ma-
ghreb. Traduction, in-8 Imprimerie Impériale, Paris, 1860.
;

El-Bekri. — Description de l'Afrique Septentrionale. Traduction


De Slane. Journal Asiatique, i858, 1859. Édition revue et corrigée:
Geuthner, Paris, gi 3. 1

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1

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Géographie ancienne du Maroc (Mauritanie Tingi-
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Paris, 1904.
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1*09.
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The Moors, 3 vol. in-8, 1899- 1902.
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prenta de la Seccion de Hidrografia, Madrid, 1908.
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Castries (Comte Henri de). —
Les Sources inédites de l'Histoire du
Maroc: i
rc
série. Archives et Bibliothèques des Pays-Bas, t. I— II, 1906-
rc'
1907; i série, Archives et Bibliothèques de France, t. I— 1 1— III, 190?,
1909, 191 1 , in-8; E. Leroux, Paris.
mer. — Recherches historiques sur les Maures, 3 vol. in-8;
Paris, 1787.
Lieutenant Delhomme. — Notice sur Scttat et la Région de Settat.
Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie de la Province
d'Oran, in-8; Oran, iyi3.
PIECES ANNEXES XIX

E. Doutté — Marrakech, in-8. Publication du Comité du Maroc.


Paris, igo5.
Edbisi. — Description de l'Afrique et de l'Espagne. Traduction par
R. Dozy et J. de Goeje, in-8 ; Brill-Leyde, 1866.
L. Gentil. — Le Maroc physique, in-8 ; Alcan, Paris, 1912.
L. Godard. — Description et histoire du Maroc, 2 vol. in-8 : Tanera,
Paris, 1860.
Graberg de Hemso. —
Specchio di Marocos, in-8; Tipografîa Pellas,
Genova, 1834.
Commandant Grasset. —
A travers la Cliàou'ia, in-8; Hachette,
Paris, 191 1.

Ibn Haucai.. — Description de l'Afrique. Trad. De Slane. Journal


Asiatique, 1842.
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LE PAYS

VILLES ET TRIBUS. — I.
Bure lu topographique du Maroc occidental.
LE PAYS

Le terme Châouïa » ne désigne pas un territoire


« : il

s'applique à un groupement de tribus — les Châouïa —


dont le pays comprend une grande partie de l'ancienne Ta-
mesna.
La région occupée actuellement par les Châouïa, en ar-
riéredu littoral atlantique de Casablanca, présente une su-
if d'environ 11.000 kilomètres carres.
Elle bornée: au N.-O. par l'océan Atlantique, sur
est
•ngueur de ioo kilomètres environ, entre le marabout
de Sidi Sahri du côté S. et l'Oued Cherrât du côté N.
La limite commence entre les embouchures de l'Oued
Cherrât de l'Oued Bou Zniqa. Elle longe ensuite le cours
et

de l'< >ued Cherrât et atteint les rochers de Sokhrat El-Djadja


aux sources de l'Oued Zemrân. L'Oued Cherrât sépare les
Châouïa des tribus des 'Arab, des Zaers et des Reni Khi
ran.
Au S. les Châouïa sont voisins des Ourdigha et des
Béni Meskîn.
A PO., leur territoire est borné par l'Oumm Er-Rebf
jusqu'au confluent de l'Oued Tiouriret et. de là, par une
CASABLANCA ET LES CHAOl 1A

ligne qui s'écarte del'Oumm Er-Rebî'pouraboutir à l'Océan,


près du marabout deSidi Sahri (i).

La côte. Le littoral du pays des Châouïa est tout entier battu par
la grande houle de l'Atlantique. Les fonds s'abaissent en
effet assez rapidement, avec uniformité. A 2 milles de terre,
ils atteignent 3o à 35 mètres, et 180 mètres à 3o milles. Des
relèvements de différente nature interrompent la pente
générale. Au nord de Casablanca, en face de Bou Zniqa,
il existe un banc recouvert de 20 mètres d'eau seulement
et sur lequel la mer est très dure, au large d'une passe
plus profonde. Au sud de Casablanca, des bancs de schistes,
qui apparaissent le long de la côte à marée basse, se pro-
longent au loin sous les eaux, en formant des brisants.
Cette côte inhospitalière présente dans sa partie centrale
la rade de Casablanca, spacieuse, mais très insuffisamment
abritée, et que la grande houle balaye jusqu'à terre. Sa
baie est limitée à l'E. par la presqu'île rocheuse d'Oukacha,
et promontoire d'El-'Anq, dont la base se con-
à l'O. par le
tinue vers nord par des écueils dangereux.
le

Au N. de Casablanca, une baie peu accentuée, celle de


Fedhala «se creuse entre le relief qui s'avance dans la mer
à droite de l'embouchure du Neffifikh et un îlot rocheux,
relié à la terre par une langue de sable, à l'E. de l'embou-
chure de l'Oued El-Qantara, appeléà Fedhala, Oued Melah ».
Le mouillage de Fedhala est accessible aux bâtiments de
petit tonnage, quand le vent régnant n'amène pas de houle.
Il est plus praticable que la petite crique d'embouchure de

l'Oued des Oulâd Djerràr, au sud de Casablanca, où les em-


barcations de plus faible tonnage peuvent mouiller par beau
temps.
Partout ailleurs, le littoral est exposé aux moindres

(i)Cf. Le Territoire des Châouïa, par le docteur Weisgerbir, B. C.A. F.,


1907.
R«h«»»Cipde Fttjhola

Promofttein d'tl M«n

A* dêlaNlK

Aztmçnour

Le littoral des Châouïa.


Il II \\ '.
ET 1-IÏS CIlAOriA

houles. « Relativement bas, il est bordé de récifs et de fa-


laisespeu élevées, ou de dunes et de places sablonneuses.
Les rochers dominent: entre Rabat et Casablanca, les sables
entre Casablanca etAzemmoue (i). »

(.intérieur. Le territoire des Châouïa est une région de plaines et de


Relief. plateaux. >n 3 dislingue trois zones, ou plutôt trois gradins
<

successifs qui s'étagenl depuis l'Océan jusqu'aux derniers


contreforts de l'Atlas. La première zone ou plateau infé-
rieur est large d'une cinquantaine de kilomètres. Elle
comprend deux parties bien distinctes le Sàhel et VOuta 2). :

Le Sâlwl. bande de terrain qui longe l'Atlantique sur


une largeur d'une vingtaine de kilomètres, se compose de
plusieurs rides parallèles séparées par des dépressions
et qui s'élèvent de [60 à 180 mètres dans la partie la plus
éloignée de la mer. Ensuite vient VOntà ou plaine littorale,
large d'une trentaine de kilomètres. Elle s'étend du Sâhel
à la deuxième zone, celle du plateau moyen. Le ressaut du
plateau moyen est très net et donne l'impression d'un
véritable balcon.
Cette deuxième zone est limitée au sud-ouest par la vallée

de l'Oumm Er-Rebî' et se rattache vers le sud-est aux


plaines des Ourdighâ et du Tadla. Elle est moins unie que
la première et présente même, par endroits, l'aspect d'un
pavs de montagnes, avec les érosions de ses cours d'eau,
entre des reliefs de 3oo à 600 mètres. On y rencontre

même un massif rocheux, isolé, d'une altitude de 677 mètres,


Territoire des Châouïa, par te docteur Weisgerber, B. C.A.F., 1907.
kel (Jj&Lv), 1 :
ôtière.

Outd t.-lL-j

Uoua ijj- 1
plateau.

; 1 bA*?i, terrain plat; ce terme est emplo ri unes régions


pour designer particulièrement des terres de parcours.
le Mqartou, sur la rive gauche de l'Oued El-Melah et à
60 kilomètres de son embouchure. Le nivellement moyen
s'élève insensiblement de i5o à 25o m.
La troisième zone ou plateau supérieur, 'Alaua des in-
digènes, est un haut plateau plus accidenté que le précédent,

Échelle: 1 2.5oo.oog\ — Bureau topographique du Maroc occidental.


Le pays: le relief.

et coupé de vallons. Il occupe la partie méridionale des


Chàouïa. jusqu'aux montagnes des Mdakra et des Achàch
à l'Est. Vers l'Oued Oumm Er-Rebi', ses pentes s'inclinent
doucement en devenant la Ga'da, L'altitude moyenne
s'élève à 5 ou 600 mètres avec des altitudes de 8 à u" -mètres.

La région des Châouïa et les régions voisines constituent Structure,


ce que l'on appelle la Meseta marocaine, a cause de leur
de tructure avec le plateau central ;spagm
S CASABLANCA ET LES i:il.\OUlA

Meseta ibérique. Cette Meseta marocaine, dit M. L. Gen-


til(i) laisse affleurer les terrains primaires partout où sa
'

couverture secondaire ou tertiaire a été enlevée.


Le substratum de terrains primaires, très plies et relevés,
supporte des couches horizontales appartenant à diverses
époques plus récentes. Ces dépôts horizontaux, usés par
l'eau et par le vent, ont laissé reparaître en certains
endroits les roches anciennes sous-jacentes.
Les terrains primaires « atteignent le littoral en plusieurs
points, entre autres dans la rade de Casablanca, où leurs
strates redressées et arasées font à la côte une frange ro-
cheuse, large de ioo à i5o mètres à marée basse et en
grande partie recouverte par la pleine mer. Aux deux extré-
mités de la rade, ils s'avancent dans la mer sous forme de
récifs et d'écueils (2) ».
Ces « schistes gréseux très durs »,« sont recouverts par
des grès coquilliers, à peu près horizontaux, qui n'at-
teignent auprès de la ville que de faibles altitudes et ont été
déposés à une époque récente, tertiaire ou même qua-
ternaire. Au-dessus, encore, se montrent des sables repré-
sentant une dune ancienne, actuellement fixées 3», notam-
ment à El-' Anq.
Entre Fedhala et Casablanca on a signalé des quartzites
et des schistes gris. Dans la région de Bouzniqa, on
rencontre des schistes lustrés, traversés de filons de quartz.
Au-dessus, apparaît le pliocène, formé de poudingues et de
molasse coquillère. A Qaçba Mançoûriya le pliocène n'est
plus représenté que par les poudingues de la base.
Les affleurements de schistes et de quartzites, nombreux
dans forment des îlots rocheux incultes,
l'intérieur, «
arasés au niveau de la plaine, ou des arêtes déchiquetées,
émergeant des bancs horizontaux des sédiments tertiaires.

(1) Le Maroc physique, par L. Gentil.


(2) Cf. Weisgerber, Inc. cit.
(3) Dans le lilcd lis Siba, par L. Gentil, p. 55.
(Les affleurements s >nt surtout nombreux dans la partie
occidentale du plateau inférieur (i) ».

La terminologie indigène caractérise exactement le

squelette rocheux de ces Sokhrat et des autres saillies des


roches primitives, en leur appliquant le nom de el-a'dâm,
les os. quand les schistes et les quartzites sont à nu.
La carapace recouvre le squelette est le
calcaire qui
Mqart. Quand jonché de débris de pierres, ou de
le sol est

cailloux et de graviers provenant de la décomposition des


pmidingues, on l'appelle Blad Harcha.
Là où il Mqart. ni Blad Harcha les cuvettes,
n'v a ni
bas-fonds compris entre les « a'dàm » appar-
et plaines
tiennent en général, soit au Rmel, soit au Tirs.
Le Rmel est le sable calcaire blanc ou rougeâtre, qui
dans le Sahel couvre de vastes espaces, avec parfois une
croûte calcaire de Mqart. C'est le cas au sortir de Casa-
blanca. On y rencontre un plateau sableux dont le Mqart
est ires développé. La formation de cette croûte est due à
l'évaporation des eaux du sous-sol, qui, amenées à la sur-
face par capillarité, déposent le calcaire tenu en dissolution.
11 se produit Jonc à la surface des terrains sablonneux de
cette région une calcification intense, que les pluies de
l'hiver sont impuissantes à combattre, et qui rappelle à
quelques égards l'aspect des Sabkhas d'Algérie.
On trouve aussi, ça et la. des dépôts de terre glaise [den-
doûn et de terre à foulon ghaçoûl). Mais la caractéris-

tique dominante du pavs. comme importance, sinon


comme étendue, est le Tirs.

Les fameuses « terres noires »Touares, au sini;. Tirs . Le sol.


auxquelles est due l'admirable du pays de Châouïa,
fertilité

dans les années pluvieuses, se retrouvent tout le long de

h ysique, par !.. Gentil.


I Ils t. Il \l)l l A

l'Atlantique, depuis Tanger, jusqu'à une altitude de


nètres et jusqu'à i5o kilomètres de la côte. Elles se
ont sur une longueur de 3oo kilomètres entre l'Oued
Bou Regre^ ci l'Oued Tensift. La région la plus intéres-
sante, au point de vue du Tirs, est la plaine située entre le
Boucheron et les Oulad Saïd, au Sud de Ber-Rechîd.
Le Tirs proprement dit comprend « les terres à céréales,
grises, brunes ou noires ». Le Hamri, « reconnaissable à
uleur rouge, est un sol léger, sablonneux et fréquem-
ment caillouteux, qui correspond généralement aux affleu-
rements des grés et des poudingues ». Quand il contient
une forte proportion d'argile et se rapproche du Tirs, le
llamri devint le Mtîrsa. S'il est sableux et peu propre à la
culture, c'est le Mremla. L'épaisseur de la couche de
Tirs est ordinairement de 40 à 5o centimètres dans les
plaines, mais elle peut atteindre jusqu'à mètre. 1

Les terres noires existent dans des milieux géologiques


différents et présentent des teneurs très dissemblables
d'éléments siliceux Des analyses citées par
et calcaires.

M. Brives, donnent pour un Tirs du Gharb: 270 éléments


siliceux pour 2i5 éléments calcaires, les proportions deve-
nant pour un Tirs des Châouïa 55o et i5. :

En constatant d'autre part que les Touares offrent par-


tout une horizontalité caractéristique, on est tenté de se
rallier pour leur origine controversée aux vues de
M. Brives. « Après une période d'érosion qui a amené la
formation de cuvettes ou de dépressions importantes, il

s'est établi, sur celles de ces dépressions qui atteignaient un

niveau imperméable, un régime de marais plus ou moins


étendus. Le comblement a alors commencé, aidé peut-être
|
ar les érosions d'un régime torrentiel (1). ^>

Les géologues ne sont d'ailleurs pas d'accord sur L'ori-


gine de ces terres noires. Le géologue allemand Théo-

Voya :c.v au Maroc, igo • t goj \ Igei .


bald Fischer leur attribue une origine éolienne. D'après
M. L. Gentil, ces sols auraient été produits «par la désagré-
gation et la décalcification des terrains calcariteres, les
-
éléments élastiques insolubles quai './, feldspath, etc.) de
nentaires s'accumulant sur place avec les

.8/5.000'. — Bureau topographique d:i Maroc occidental


Terres de cultures et de parcours: forêts.

produits de décomposition des végétaux de la flore herba-


cée annuelle, qui croît sous le climat humide de la zone-
littorale atlantique ».
La fertilité du Tirs, si remarquable quand la terre se
trouve convenablement humidifiée, tient sans
grande quantité d'azote de ce sol. Elle est en rai
I 2 I
ISAB1 ANCA I 1 LES CHAOI IA

de l'irrigation et, parsuite, incomparable pendant les années


pluvieuses, mais nulle pendant les années de sécheresse.
Peut-être en élevant l'eau du sous-sol à la surface, pourra-
i-mi suppléer à l'absence de pluies. Mais, en dehors de la
partie centrale du plateau intérieur, où les puits, nom-
breux, ont rarement 10 mètres, la nappe aquifère offre une
profondeur minima de 14 à i5 mètres.
Elle est peu abondante quoique d'un débit constant. On
trouve même, dans plusieurs régions, des puits profonds:
celui de Dar el-Meskîni, donne une épaisseur de 3o mètres
à la couche perméable.
Les Tirs absorbent très rapidement l'eau et se changent
en une bouillie noire où la végétation fermente comme
dans un humus équatorial mais ils se dessèchent aussi
;

vite en formant une poussière non moins noire, complète-


ment improductive. Pas d'eau, pas de récoltes. Il en est de
même pour le hamri.
Ce régime fait de « la Chàouïa », quand il pleut, un pays
de cocagne pour les indigènes, car ilsont, avec un minimum
de frais, des récoltes merveilleuses, 'âm eç-çaba, qui peu-
vent compenser celles des années mauvaises, 'âm el-ghela.
Les résultats sont autres avec l'exploitation européenne.
De trop grands frais risqueraient d'absorber, pendant les
années de disette, les bénéfices des années productives.

Régime Au point de vue géographique les cours d'eau du pays des


des eaux. Chàouïa se répartissent en deux catégories ceux qui appor- :

tent dans la région des eaux recueillies, au moins en partie,


en dehors de son territoire, et ceux qui ne recueillent que
les eaux du territoire.

Le plus important de tous, est l'Oued Ou Er-Rebî*, mm


qui sert de limite aux Chàouïa du Sud. C'est un des prin-
cipaux cours d'eau du Maroc. Il vient du Djebel Aïan, au
delà du Tadla.
Dans le pays des Chàouïa il touche d'abord au territoire
Chutes
(Clichr .le .\4. I
.jl.lanca.)
des Oulàd Bou puis à partir de Mechra' Ech-Chaïr
Ziri,

coule en canon. descend du haut plateau en rapide et, en


Il

aval de Sidi Saïd ben Mâchou, coule dans une vallée si-
nueuse plus élargie jusqu'à son embouchure, près d'Azem-
mour.
Il reçoit chez les Oulâd Bou Ziri, un grand affluent, èga*

Échelle : i/2.5oo.ooo\ — Bureau topographique du Maroc occidental.

lement encaissé et torrentueux. l'Oued Kheiban, ou Guiser,


qui vient du plateau supérieur en passant chez les Mzab et

lesOulàd Sidi Ben Dàoud, Chàouïa également.


Trois petits fleuves beaucoup moins importants que
1Oumm Er-Rebi' et qui se jettent dans l'Atlantique vers la
partie septentrionale de la côte des Chàouïa prennent aussi
naissance en dehors des limites de la région. Ce sont l'Oued
El-Melah, l'Oued Neffifikh et l'Oued Cherrai. Tous trois
sortentdu plateau supérieur ou de ses abords, à des eues re-
14 H VOUÏA

lativement élevées. Oueds de montagnes à l'origine, ils dé-


tient bientôt dans la région inférieure par des lits plus

ou I et encaissés.
Les autres cours d'eau de la région sont insignifiants
comme longueur Je parcours et comme débit, au point de
iphique. lis sont intéressants au point de vue hy-
drographique, comme se rattachant uniquement au régime
local.
Vers l'intérieur on trouve une serre de petits oueds,
venus des premiers plateaux, et qui se perdent dans la
plaine littorale. par exemple le Tamdrost, l'Oued
Mzem, l'Oued Ziou, etc.
Une carte à petite échelle donne presque l'impression que
lesoueds littoraux comme l'Oued Djerràr, l'Oued Bou Skoura
et >ued El-Fouwârat, représentent des thalwegs correspon-
l l

dants. Il n'en est rien. En réalité, les nappes aquifères du pla-


teau moyen et de la plaine absorbent l'eau des oueds supé-
rieurs; elles alimentent à leur naissance les oueds inférieurs.

Climat. Des stations météorologiques ont été établies dans tous


les postes des Châou-ïa et à Casablanca depuis 1909.
Le climat est tempéré. Assez faibles dans la zone du
littoral, les variations de température sont plus accusées

dans l'intérieur des terres. La température minima extrême


constatée à Ber-Rechîd en 1912 a été de + i°, 1. La tem-
pérature maxima extrême relevée la même année à Mechra'
Ben Ai bou était de -f- 39°,9. La plus basse moyenne obser-
vée à Ber-Rechîd a été de + 7", 6 et la plus haute moyenne
-f-
2(N", 8, à Mechra' Ben Abbou.

ations montrent que le thermomètre ne descend


guère en Chàouïa au-dessous de o°, sauf dans la montagne
du plateau supérieur, où il y a des gelées blanches, rares
d'ailleurs. — Le sirocco, rhî el-marrâkchi, souffle quel-
quefois, mais le plus souvent l'atmosphère est rafraîchie
par les vents du nord-ouest, bahri, chargés d'humidité.
L'atmosphère esi très humide à Casablanca surtout pen-
dant l'été. La moyenne hygrométrique minima constatée
en [912 a été de 79 p. 100. D'où une températun
variations très accusées. Pour l'année elle est en moyenne
'.
avec un minimum moyen de i3" en janvi
un maximum moyen de 23° en juillet. Les nuits les

plus fraîches de l'hiver présentent un minimum de 5°

et les journées les plus chaudes de l'été, un maximum de


3o°.
La saison des pluies, chitd. va d'octobre à mai avec de
le beaux jours. Elles sont;
généralement bien réparties, saut' quelques pluies torren-
Jues aux orages. Ln 1912, la quantité d'eau recueil-
lie à Ber-Rechid a été de 7X0 millimètres.

Ce sont les vents du sud-ouest, peu fréquents en été, qui


amènent la pluie. Ils alternent en hiver avec les alizés
du nord-est qui dominent pour l'ensemble de l'année. En
été. le Charqi souffle parfois en vent d'ouragan, avec des

tourmentes de sables et de poussières. Les orages d'hiver


amènent de la prèle, mais la neige ne parait pas.

- « La végétation varie considérablement suivant les

conditions climatériques et la nature du sol. qui produi-


sent tantôt des steppes, tantôt des maquis ou des furets.

dont la composition et l'aspect diffèrent sensiblement aux


divers étages de la région 1 . »

Dans les steppes du plateau inférieur, le doûm, palmier


nain; le skoûm, asperge sauvage;
berouag, asphodèle; le

liliya, lupin; le drias, thapsia, etc.. de nombreuses


graminées et fleurs, forment la flore spontanée.
Le Tirs a ses végétaux particuliers, tels le klakh, dont
les tiges atteignent 2 à 3 mètres: les chardons, pari'

(1) Docteur Weisoeruer, loc. cit.


I('i i
v. VB] \
s -<
\ El LES CH VI 11 V

quels le kherchoûf artichaut sauvage), et la %râga, petite


plante bleue qui ne disparaît pas pendant l'été.

Au voisinage de l'étage supérieur, la plaine littorale

se recouvre d'un lapis de fleurs éclatant, au printemps.


Yam er-RebV, tandis que vers le sud, le pays devient
désertique, avec la petite végétation arborescente caracté-
ristique : sder jujubier sauvage) ; llah (gommier) et les

plantes basses [chih, guetta/, etc.).

Près des cours d'eau, des fourrés; dans le sahel domi-


nent le tarfa, tamarin, le dejla, laurier-rose, ou le drou,
lentisque ; le rtem, grand genêt à Heurs blanches dans
les parties sablonneuses ;
puis l'a^aç, laurier; le rihân,
myrte, etc.

Ces mêmes essences forment avec le palmier nain et le

jujubier, la ghâba littorale du territoire des Souâlem.


Dans les maquis de l'intérieur, le gommier et le jujubier
remplacent le lentisque et le genêt. Enfin chez les A'chàch

et les Mdhakra, les forêts remplacent les maquis.


On v trouve le genévrier (arar) un pin (snoûber) des ; ;

chênes <laclita, belloûl, fernân), des lentisques et des


myrtes.

La faune sauvage comprend dans des cha- les steppes,


cals, des renards, des lièvres, des hérissons,des poules de
Carthage, des perdrix rouges, des cailles; les savanes delà
gada sont parcourues par la gazelle, en grands troupeaux,
l'outarde, le francolin. Enfin, les régions boisées sont peu-

plées de sangliers, de lièvres, de renards avec quelques


mangoustes; dans les grandes forêts de l'intérieur on
rencontre les chats sauvages.
Les marais et « dayas » abondent en oiseaux d'eau, cigo-
gnes, grues, hérons, sarcelles. Beaucoup d'oiseaux par-
tout: aiglons, vautours et faucons corbeaux et pies; merles
;

et geais, et beaucoup de variétés de ramiers et pigeons.


II. PAYS 17

Au point de vue de
L'agriculture et de l'élevage, on
peut diviser pays des Châouïa en deux parties: le Bldii
le

el-khâlia, zone non cultivée des parcours, des steppes


et savanes, et le Tilâd el-m'amra, qui est la zone agri-

cole.
Axant l'occupation française, l'élevage l'emportait dans
l'économie indigène, sur l'agriculture. Suivant les régions,
il se spécialisait dans les bovidés ou dans le mouton. Chez
les Oulâd Saïd, les Zivaïda et dans les hauts plateaux, au
voisinage des cours d'eau, on trouve surtout des bœufs.
Ailleurs le mouton est en majorité ou constitue même tous
les troupeaux.
Les Châouïa ont aussi des chevaux de la race des Abda,
des ânes, des mulets de bât ou de selle et des chameaux.
Ceux-ci s>nt nombreux et jouent un grand rôle dans les

transports agricoles et commerciaux sur les routes.


En région cultivée, le blé domine dans la plaine litto-

rale et les « Tirs »; l'orge l'emporte dans les hauts pla-

teaux et les « Hamri». Le maïs, les fèves, les pois chiches,


les lentilles, le lin. le chanvre et le fenugrec sont aussi
cultivés.
Comme arbres à fruits, peu de palmiers: beaucoup de
figuiers, de grenadiers, d'orangers, de citronniers, d'abri-
cotiers,quelques oliviers et de la vigne dans les plantations
des Les cultures maraîchères comprennent les
centres.
variétés indigènes des légumes usuels. Enfin, les figuiers
de Barbarie des haies et clôtures contribuent aussi à l'ali-
mentation

La population indigène est formée d'éléments arabes et L'Habitat.


berbères, comme origines. En dehors des centres elle est

groupée en tribus, auxquelles s'applique le nom général de


Châouïa.

(1 Cf. Weisgerbep, hic. cit.

VILLES ET TPIRt S. — I. 2
I S CASABLANI S CHÂOUÏA

Pasteurs, comme leur nom l'indique, les Chàouïa con-


servent encore la tente du nomade, mais ils tendent de
plus en plus à se fixer. Les agglomérations et les groupes
dj gourbis ou de huttes se développaient déjà, avant l'occu-
pation française, en mène temps que les cultures, avec des
« centres de cristallisation » : la ville de Casablanca, port
unique de toute la région, les qaçbas, les ^doutas et les gota's.
« Les qaçbas sont des enceintes fortifiées simples rec- :

tangles de murailles en pisé, ou vrais châteaux forts, sui-


vant leur destination. » Dans les qaçbas de ce type, les dé-
pendances qui logent toute la clientèle des gouverneurs
deviennent parfois assez importantes pour comprendre
même une mosquée et il existe autour des principales qaç-
bas, des agglomérations formant de véritables bourgs (i).
Sans être très considérables, plusieurs ^doitïas présen-
taient également des agglomérations de centaines d'indi-
vidus (2).
Enfin domaine ou fief exploité en métayage par
le gota ,

la du tenancier, maître ou occupant, et toujours


clientèle
personnage de quelque influence, a aussi une agglomération
de tentes et huttes des açhâb autour de la maison du maître.

1 Population des principales qaçbas avant la conquête, d'après Weisg,


Settat (Mzâmza) 3.000 habitants.
Dar Ber-Rechîd (Oulâd Hariz) 2.000 —
Dai Si Bou fiaïb Bel-Hâdj Oulâd Saïd).
1 ... — —
liar Ben Ahmed fMzâb] 1.000 —
Da Ben Khamlich (Mzâb) — —
Dai !\' D toudi lui Id Si Ben Dâoud]
(< — —
Q. Mediouna quelques centaines.
bar Si >ulâ Ziyân : — —
ala Zenata) — —
DarO W Ib — —
Dar Ould El-Hâdj Çalàh (Oulâd Bou Ziri) ... — —
•uld Tounsa (Oulâd Bon Ziri) — —
1 -i Zâ iuïa Sidi l ladjâdj

;

En-Nouâçer;
— SidiChentouf;
— Sidi Mohammed ben 'Amer
— Sidi Saïd ben Ma'chou.
Leur nombre s'est considérablement augmenté avec les
progrès de la protection agricole (i).

Autour de tous ces centres et en dehors d'eux, les gros


douars sont nombreux certains comptent de 8oà ioo tentes
:

rangées en cercle. Le milieu du cercle s'appelle le Merâh.


C'est là que l'on rassemble le bétail chaque soir; quant
aux hommes, ils se réunissent dans le pourtour ou rîf.
Les tentes (khaïma) sont, ou en poil de chameau, ou en
flidj, c'est-à-dire en libres de palmiers nains doûm). Les
libres d'asphodèles, ou haidelli, servent aussi à la confection
des tentes. Les indigènes qui abandonnent la vie nomade
pour la vie sédentaire, vivent le plus souvent dans des
nouâla, sortes de huttes qui ressemblent à celles des nègres.
Ces huttes sont faites de grands roseaux plantés en terre et
dont on réunit les extrémités supérieures. On entrelace géné-
ralement ces roseaux avec du rtem ; puis on les recouvre
de chaume, broumi, et on obtient ainsi une habitation dé-
forme cylindro-conique. Chaque famille entoure ses nouâla
d'une haie de branchages ou \er\ba. On rencontre ce genre
d'habitations surtout dans le sud de Casablanca, chez les
Oulàd Saïd. les Mzâmza, les Oulâd Bou Ziri et lesOulâd Sidi
Ben Dàoud, ainsi que chez les riverains de l'Oued Oumm-
Er-Rebi". Quelquefois, au lieu de roseaux, on construit
de vraies maisons en pisé ou en pierres brutes que l'on
recouvre de chaume. <>n a ainsi une habitation intermé-
diaire entre la hutte et la maison indigène de la ville, ou
dàr, cube de maçonnerie blanchie à la chaux.

Avant la conquête, on évaluait la population des Châouïa Population.


à 3oo.ooo habitants, dont 25.000 pour Casablanca et
6.000 Juifs. Dans ce total étaient compris les nègres,
esclaves ou affranchis, peu nombreux dans les campagne^.
mais en nombre appréciable dans les centres.

( 1 1 Wkisgerber, toc. cit.


20 CASABLANCA ET LES CilAOUIA

La population actuelle, complètement arabisée de langage


et de coutumes, se répartit en treize tribus :

Mediouna. —
Zenata. —
Oulâd Ziyân. —
Ziyaïda.
Oulâd — Mdhakra. — Oulâd Hariz. — Mzàmza.
Ali.

Oulâd Saïd. — Oulâd Bou — Oulàd Sidi Ben Dâoud.


Ziri.

Mzàb. — A'châch.
Plusieurs des anciennes agglomérations ont disparu ou
ont été remplacées par d'autres. Sur la côte, en dehors de

Casablanca qui est grand centre urbain et


actuellement le

dont l'importance comme port de commerce grandit chaque


jour, un seul centre se développe Fedhala, situé à 22 kilo-
:

mètres de Casablanca près de l'embouchure de l'Oued


El-Qantara. Dans l'intérieur, la petite ville de Settat, située
chez les Mzamza, est également en voie d'accroissement
comme population indigène et européenne. Le gros bourg
de Ber-Rechîd, dans la tribu des Oulàd Harîz, ne se déve-
loppe, au contraire, que comme centre européen. Le \il
lage du Boucheron, El-Gara, chez les Mdakra; le village
du camp Boulhaut, Sidi Ben Slimàn, chez les Zivaïda, et
Dàr Ben Ahmed chez les Mzâb, sont à citer pour mémoire.
CASABLANCA
CASABLANCA

HISTOIRE

sablanca, Dar el-Béïdâ, a remplace une ville très


ancienne. An/a, dont les origines sont des plus obscures.
Si Ton consulte les rares travaux consacrés à cette ques-
tion, on constate que trois hypothèses ont été émises : l'an-

tique cité d'An l'a aurait été fondée soit par les Berbères.
soit par les Phéniciens, soit par les Romains.
On relè\e l'hypothèse d'une fondation berbère dans la

description géographique du Maroc d'Ez-Zayâni où l'on


trouve de longs détails sur l'établissement des Berbères au
Maroc. L'auteur, après avoir rapporté le récit légendaire
des relations d'Alexandre le Grec, avec les descendants de
Japhet qui, d'après lui. occupèrent primitivement le Magh-
reb, en vient à parler de l'envahissement du Maroc par
les Berbères, sans nous dire naturellement d'où ils
venaient. « Les Zenata, ajoute-t-il, s'établirent à Tamesna
et Tadla, Çanhadja en Doukkàla. Les émirs des Zenata
les
bâtirent la ville d'Anfa dans le Tamesna et la ville de
Dày dans le Tadla. » 11 n'v a, bien entendu, dans le texte,
aucune indication chronologique qui précise l'époque de la
fondation de ces villes. Cette hypothèse d'une foni
de la ville d'Anfa. par les Berbères, a également été men-
24 CASABLANCA ET LES 2HAOUÏA

tionnée de nos jours par un historien espagnol, le P. Cas-


tellanos, dans son Historia de Marruecos.
Marmol, dans sa description de l'Afrique, rapporte la
seconde hypothèse, celle d'après laquelle Anfa serait d'ori-
gine phénicienne et aurait été bâtie par Hannon, sur un
ordre venu du Sénat de Carthage.
Mais, il reprend ensuite l'opinion émise par Léon l'Afri-
cain et d'après laquelle Anfa aurait été fondée par les
Romains. Elle aurait même joui d'une certaine prospérité,
pendant la période de la domination romaine sur le
Maghreb. La plupart des historiens ou géographes posté-
rieurs ont adopté cette dernière manière de voir.
Ce ne sont là que de simples suppositions que rien ne
permet de transformer en certitudes. Aucun historien ou
chroniqueur de l'antiquité n'a fait la moindre allusion à
une ville ou localité que l'on puisse réellement identifier
avec la cité médiévale d'Anfa.
Dans le tableau comparatif de la nomenclature de la

Mauritanie Tingitane, dressé par Tissot d'après Hannon,


Scylax, Polybe, Strabon, Mêla, Pline et Ptolémée, aucune

ville n'estmentionnée entre Salé et Mazagan. On peut faire


la même constatation en parcourant l'ouvrage de Vivien de

Saint-Martin sur l'Afrique romaine et des travaux plus


récenu, où la ville d'Anfa ne figure ni dans les listes
des stations phéniciennes, ni dans celles des stations ro-
maines (i).
On peut conclure de ce qui précède qu'il est encore impos-
sible à l'heure actuelle de déterminer quels furent les fonda-
teurs de la ville d'Anfa et de préciser l'époque de sa fonda-
tion.

i le nom d'Anfa serait d'origine hébraïque.


D'après M. Slousch,
On trouve dans le Lexicon de Gesenius DS3N Andphâh,* nomen avis im-
purae, cui plûtes tribuuntur species ». et ^ZN Anaph, face, figure, que l'on
peut rapprocher de l'arabe ( ej\ anf, nez, bec, promontoire.
CASABLANCA — HISTOIRE 25

C'est seulement au douzième siècle de notre ère que


l'existence de la ville d'Anfa nous est révélée par deux géo-
graphes arabes qui connaissaient personnellement le Ma-
roc, El-Fazari et El-Idrîsi. D'après ce dernier. Anfa est un
port situé à 40 milles de Kedhala, et visité par des vaisseaux
marchands qui viennent v chercher de l'orge et du blé.
La plupart des portulans chrétiens du quatorzième et du
quinzième siècle mentionnent la ville d'Anfa, mais le nom
est déformé. Elle ligure sur la carte pisane(i3oo) et sur la
carte de Petrus Vesconte (i3i et i3i8 sous le nom de Niffe,
1 .

et sur les cartes catalanes (carie de Dulcert, i33y: carte de

Charles V, 1
375 ; carte de Mecia Viladestes, 1457: carte de
F. Seleri, 1475), sous celui d'Anifa.
Tous ces portulans sont des portulans commerciaux.
Ceux qui furent dressés à la même époque par dus géo-
graphes de cabinet sont beaucoup plus incomplets et la plu-
part, telsque celui de Seb. Munster par exemple (1 541 ne .

mentionnent pas la ville d'Anfa.


A cette époque cependant l'ouvrage de Léon l'Africain
étaitimprimé. Marmol allait en tirer parti et l'augmenter
de ses renseignements personnels ( 5 7 3 Mais les indica-
1 1 .

tions trop sommaires contenues dans Léon, Marmol. Ibn


Khaldoûn et El-Oufrani No^/ial El-Iladi) ne permettent
pas de tenter la moindre esquisse historique de la ville

d'Anfa avant la conquête portugaise. Le seul renseigne-


ment historique intéressant est donné par le Rond h l'.l-

Qartâs, où il est rapporté qu'en l'année 658 (J.-C. i25g la


ville d'Anfa fut prise par le sultan mérinide Ya'qoûb ben

Abd El-llaqq. Ce sultan conclut en cette ville un traité de


paix avec l'émir du Maroc El-Mourtadhi.

Au moment de la décadence de la dynastie mérinide. la La conquête


cité d'Anfa se rendit indépendante et forma une sorte de portugaise.
petite république de pirates. La ville était alors très floris-
sante et son commerce de produits agricoles irès pros-
I
iSABl WCA i: r LES CHA0U1A

père. Elle approvisionnait Fès de concombres et de melons.


Elle eut bientôt des relations commerciales avec l'Angle-
terre et le Portugal. Malheureusement ses corsaires se mon-
traient souvent sur les côteseuropéennes de l'Atlantique
et notamment à l'embouchure du Tage. L'infant Don Fer-
dinand, frère d'Alphonse V, voulant contribuer aux con-
quêtes du Portugal sur les .Maures et châtier l'audace des
pirates marocains, équipa une llottede 5o navires
« chargés
d'une bonne quantité d'artillerie et de gens très experts à
combattre », et lit voile avec 10.000 hommes contre Anfa
(i (.68). Très effrayés à l'approche de la Hotte portugaise, les

habitants d'Anfa s'enfuirent dans la direction de Rabat.


Don Ferdinand, qui Ignorait cette retraite, avait disposé
son armée pour donner l'assaut à la ville. 11 s'aperçut bientôt
de la disparition de l'ennemi, et fitson entrée dans la place
sans coup férir. Anfa fut pillée, mise à sac et détruite de
fond en comble. Les murailles furent rasées, les maisons
saccagées et la ville transformée en un monceau de ruines.

Quand ils eurent achevé leur œuvre de destruction, les


Portugais constatèrent que la position d'Anfa ne pouvait
être conservée que difficilement et à grands frais; ils l'aban-
donnèrent.
Ils réoccupèrent Anfa vers 1
5 y5 . Mais les attaques conti-
nuelles des indigènes des environs et les dommages causés
par un tremblement de terre obligèrent les Portugais à
abandonner de nouveau la ville vers le milieu du dix-hui-
tième siècle. On ne connaît pas la date exacte de cet
abandon.
Il ne reste aujourd'hui que peu de vestiges de 1\ ccupa-
tion d'Anfa par les Portugais. Toutefois, Chénier mentionne
les ruines d'une citerne comme ouvrage des Portugais (i).
Uanos, dans sou Hisloria Je Marruecos, parle des

le cette cil i-i ibles : elles se trouvent au


sud-est de la ville, i i fort Proi
CASABLANCA — HISTOIRE ^~

ruines d'un monument adossé au rempart qui donne sur


la mer. en l'attribuant aussi aux Portugais.
Ce monument existe encore il est composé de trois
:

voûtes d'environ 4 m. 5o de hauteur, soutenues par deux


rangées de colonnes; l'entrée se trouve dans la face inté-
rieure des vieux remparts c'est aujourd'hui un atelier de
;

fabricants de nattes.
Pendant plusieurs années Anfa lut. pour ainsi dire, aban-
donnée et réduite aux proportions d'un simple douar des
Chàouïa.
La ville ne commença à reprendre vie que sous le règne
du Sultan Sidi .Mohammed bon Abdallah '1747- 1789) qui y
bâtitune mosquée, une medersa et un établissement de bains.
et y installa des batteries. C'est vers cette époque qu'elle

prit le nom de Dar El-Beidà ou Casablanca.

la tradition indigène, Sidi Mohammed ben Ab-


D'après
dallah,pour repeupler Anfa et en faire une ville, y amena
deux idâlas, l'une de Chleuhs des Iaha, l'autre de Bouâkhar
I

de Mekinès. Les Bouâkhar ont, par la suite, été envi


autre part, et il n'est resté que les Chleuhs des i Iaha ;
pos-
térieurement Casablanca a reçu des gens de plusieurs pro-
venances, principalement des Doukkàla et des Châouïa. La
tradition ajoute que Sidi Mohammed lit construire les murs
d'Anfa par les tribus des Chàouïa voisines d'Anfa. D'après
les ordres du Sultan les ouvriers eux-mêmes devaient être
fournis par les mais les Qaïds préférèrent trans-
tribus,
former cette corvéeen un impôt qu'ils prélevèrent sur leurs
tribus et qui servit à payer les ouvriers.

En 1794. le gouverneur de la province des Châouïa, Mou- Dar-Kl-Beïda.


lay 'Abd El-Malek ben Idrîs ben El-Mountasir, établit sa
résidence àCasablanca. Ce Moulay 'Abd El-.Malek ben Idrîs
était le cousin et le beau-frère du Sultan Moulay Slimàn ;

ilavait été élevé au rang de gouverneur sur les instances


des tribus d raient se mettre en
2S CASABLANCA El LES CHAOUÏA

termes avec le sultan, craignant d'être châtiées de leurs


succès contre son frère Moulay Et-Tayyeb. 'Abd El-Malek
s'installa donc à Casablanca et s'attribua les revenus du
port. Il en distribua une partie aux notables Chàouïa qui
vivaient dans son entourage, pensant les soumettre à son
autorité gagner au service du sultan. Ceux-ci cher-
et les

chèrent à obtenir davantage et Moulay 'Abd El-Malek con-

sentit à leur céder la moitié des revenus du port. Quand le


Sultan Moulay Slimàn en fut informé, il envoya à 'Abd El-
Malek. une lettre de reproches et se décida bientôt à pénétrer
dans le territoire des Chàouïa. Au reçu de la lettre du Sul-
tan, Abd El-Malek demanda conseil aux gens de son entou-
rage, qui lui proposèrent d'engager la lutte contre le Sultan
et luiprêtèrent serment.
Le Sultan avait envoyé en avant son frère et khalifa
Moulay Et-Tayyeb, à la tête d'un corps de cavalerie. Il
suivait lui-même à quelque distance. C'est en arrivant à
Qantarat el-Djelah qu'il apprit la proclamation de Moulay
Abd El-Malek ben Idrîs. Celui-ci de son côté avait été
informé que le Sultan passait la nuit à El-Qantara.
Effrayé, il prit la fuite avec les notables Chàouïa qui
l'entouraient. Les habitants de Casablanca redoutaient
d'être compromis. Ils s'empressèrent d'avertir le Sultan
de la fuite d"Abd El-Malek, avec force détails sur l'événe-
ment.
Le Sultan se montra bienveillant à leur égard et les
renvoya avec un certain nombre de cavaliers qui devaient
résider dans la ville. S'avançant lui-même avec son armée
jusqu'à la Qaçba de Ali ben El-Hasan, il attaqua les
campements des tribus des Mediounaet des Zenata qu'il mit
au pillage, et les troupes revinrent chargées de butin. Pen-
dant ce temps, Moulay 'Abd El-Malek fuyait dans la direc-
tion de l'Oumm Er-Rebî'. Le Sultan revint à Rabat victo-
rieux et triomphant. 11 transporta dans cette ville les
négociants chrétiens qui étaient à Casablanca et ferma au
CASABLANCA — HISTOIKI. .>i)

commerce le port, qui ne fut rendu aux transactions que


sous le règne du sultan Moulay Abd Er-Rahmân hen
Hichâm.

L'histoire administrative de Casablanca est celle de


toutes les principales villes marocaines. Un corps de
troupes noires Abids ou Bouâkhar) y tut établi par le
îles

sultan Moulay Dar El-Beïdà prend dès lors une cer-


Ismaïl.
taine importance au point de vue du Makhzen. Il v existe, à
la tin du dix-huitième siècle, une « Caisse publique » (BU

el-Mâl Le sultan Moulay El-Yézîd ben Mohammed hen


.

Abdallah ben Ismaïl la t'ait ouvrir pour y prendre deux


millions iZayâni ne dit pas s'il s'agissait de douros ou de
mitsqàls « régulièrement inscrits sur les registres ». Ils
servent a compléter les paiements que le Sultan tait aux
Berbères du Doudjâl M'hàouch. contre lesquels il axait
déjà ramené à Meknès les Abids des ports.
Au dix-neuvième siècle, la ville était gouvernée par des
qaïds institués par dahirs du Sultan.
En i863, d'après Castellanos. les tribus des Zenata et des
Mediouna se révoltèrent contre le « Qaïd Ben Mescid »
(Mechich ou Medjid?) qui était alors gouverneur de Casa-
blanca. Après s'être rendu insupportable à ses adminis-
trés en les accablant d'impôts de toute sorte, il tit enlever
la femme Mediouna, ce qui provoqua
d'un Cheikh des
aussitôt une révolte. Les Zenata se joignirent aux Me-
diouna et plusieurs combats sanglants furent livrés par
les gens de ces tribus aux partisans de « Ben Mechid ».

Quand on s'aperçut que ce Qaïd était impuissant à maî-


triser l'insurrection, les vice-consuls européens d'Espagne.
d'Angleterre et de Portugal intervinrent. La paix se fit
entre les rebelles et le gouvernement de Casablanca, qui
promit une amnistie pleine et entière pour les insurgés, en
les exemptant d'impjts pendant six mois. L'intervention

des vice-consuls européens était appuyée par la frégate espa-


3o I ASABLANCA ET LES Cil MU ÏA

gnole Berenguela, le vapeur anglais Trident et la corvette


portugaise Sàda Bandeira.
Peu à peu, au dix-neuvième siècle, l'organisme adminis-
tratif s'estcompliqué à mesure que l'importance de la
Avant l'occupation française, Casablanca
ville grandissait.
possédait comme les autres villes du Maroc un qaïd ou gou-
verneur, un khalîfa du qaïd, des mkhâznis, un qadi, des
'adoul, un mohtaseb et des oumanâ. Moulay 'Abd El-'Aziz
finit même par envoyer son oncle Moulay El-Amîn comme

khalîfa, pour apaiser les troubles de la région.


La création des Oumana al-Mostafàd ou receveurs des
contributions indirectes, remonte à l'époque où les impôts
indirects se sont développés, c'est-à-dire au règne du Sul-
tan Sidi Mohamed ben Abd Er-Rahman, après la guerre
de 1860 avec l'Espagne.
C'est ce Sultan qui fit construire à Casablanca la grande
mosquée du marché près de la Qaçba cette construction ;

fut payée sur les habous de l'ancienne mosquée. Il fit cons-


truire également aux frais du Trésor les bains appelés
aujourd'hui Hammam El-Qedîm. — Le Qaïd Abou 'Abdallah
ben Idrîs ben Hoummân El-Djerrâri, alors gouverneur de
la ville, l'était encore en 1293 (J.-C. 1876), d'après le Kitâb

El-Istiqçâ.
Voici le texte du Dhàhir délivré par le Sultan Moulay El-
Hassan ben Mohammed ben 'Abd Er-Rahman à ce gouver-
neur :

Louange à Dieu seul


Notre présente (Que Dieu l'exalte; qu'il glorifie l'ordre qu'elle
lettre

contient, et la compte, pliée ou dépliée, au nombre des bonnes œuvres)


doit rester entre les mains de son bénéficiaire notre digne serviteur le
Tâleb Mohammed ben ldris Kl-Djerràri, pour faire connaître que, grâce à
la puissance et à la force de Dieu, nous lui avons concédé le rang dont

il a joui lui-même, comme avant lui son père, auprès de nos ancêtres
généreux. Nous jetons sur lui, sur ses enfants et ses frères, un regard
de considération et d'estime. Ils ne verront que du bien de la part de
3i

s mne élevée în Dieu, parce qu'ils sont nos serviteurs et appar-


tiennent à une famille fidèle et dévouée. Nous ne les abandonner
ne les oublierons et nous ne leur ferons pas perdre le fruit de leurs ser-
vices passés. Nous ne leur enlèverons rien de li considération d
jouissent avec l'aide et la puissance de Dieu. Salut.
Notre ordre glorilié en Dieu à ce sujet a été édicté le 9 Ra'.n" Il de
l'année

Quelques jours après cej ît, le 23 Rabî' II, le Sultan

retirale gouvernement de Casablancàau Qaïd Abou Abdal-

lah Mohammed ben Idrîs El-Djerrâri et le confia au Hadj


Abdallah ben Ghânem Hassar Es-Slâoui. Il donna au
EI-Djerrari le gouvernement de la ville d'El-Djedîda.

Tandis qu'il était à Casablanca, le Sultan Moulay El-


Hasan ben Mohammed ben Abi Er-Rahman inspecta les
abords de la ville ei ordonna aux artilleurs de placer sur la
mer des cibles, les Qribiyyat, sur lesquelles ils devaient
tirer en sa présence. Peut-être tira-t-il aussi lui-même.
Quand ces exercices de tir eurent pris fin, le Sultan passa
par Bàb El-Marsâ et visita le lieu où sont débarquées les
marchandises des négociants. Il en Ht un examen attentif
comme il l'avait fait à El-Djedîda et promit d'améliorer le
môle du bord de la mer, dont l'état rendait particulière-
ment fatigant pour les marins l'embarquement et le di
quement des marchandises. 11 passa ainsi deux jours à
Casablanca. Sa Mhalla était installée à l'extérieur de la ville.
Les négociants chrétiens, juifs et musulmans lui offrirent

un cadeau et les chrétiens pavoisèrent leurs maisons. Ils

tirèrent même des feux d'artifices Le Sultan se montra très


bienveillant pour eux et donna à quelques-uns des che-
vaux en retour de leurs présents. « Ces cadeaux les rem-
plirent de joie. »

Lvs premiers établissements européens importants de Établissements


Casablanca remontent au rè^ne du Sultan SiJi Moham- européens.

1 Kitdb El-htiqçd, trad. Fumey. Archives marocaines, t. \


32 CASABLANCA ET LES CHAOUIA

med ben Abdallah qui accorda, en 1782, à une compa-


gnie decommerce espagnole, la Compagnie Campana,
«
Riso et Patron » de Cadix, le monopole exclusif du com-
merce de ce port. Il s'agissait d'une simple convention
particulière.Cependant, en 1788, le Sultan Sidi Moham-
med informa les consuls européens de Tanger que le
gouvernement espagnol n'avait jamais eu connaissance de
ces conventions commerciales, donnant ainsi à entendre
que quelques Espagnols profitaient seuls d'avantages
accordés en réalité à tous leurs compatriotes. Ces insinua-
tions provoquèrent de véhémentes protestations de la part
de l'Espagne et de son représentant à Casablanca. Fina-
lement Sidi Mohammed se réconcilia avec l'Espagne.
En 1789, on le voit accorder les mêmes privilèges à une
autre compagnie espagnole, beaucoup plus importante, la

«Compana deCinco Gremios Mayores» de Madrid, qui


lus
avait pour représentant à Casablanca le sieur Benito Pa-
tron. Cette compagnie eut le monopole du commerce non
seulement à Casablanca, mais aussi à Fedhala. Les opéra-
tions commerciales concernaient les grains, le bétail, les
pois chiches, le sel, les Le Sultan défendit
planches.
rigoureusement qu'aucun commerçant d'une autre natio-
nalité fit des affaires à Casablanca et il obligea les négo-
ciants établis dans ce port à se retirer. L'Espagne eutaussi
le privilège de l'exportation des blés de Casablanca. Elle
ne paya que huit onces par fanègue (1) au lieu de dix que
l'on pavait alors à Mogador: « Cet avantage accordé à
l'Espagne, dit Thomassy, à cause de l'énorme quantité
de blé qu'elle tirait du Maroc, lui valut aussi des contra-
riétés, chaque fois que Sidi Mohammed ne lui trouvait pas

assez de condescendance ou savait que ses mauvaises ré-


coltes lui taisaient un besoin urgent de cet objet de première

|i) La fanègue mit' équivaut à .=14 litres 800 ou à 56 litres 39 et la fanègue


comble équivaut à 7a litres 68.
CASABLANCA HISTOIRE 33

nécessité. Année moyenne, l'Espagne en tirait 5oo.ooo fa-


- chacune de 7 à 8 francs l'une, ren-
qui. évaluées
due à bord, faisaient un total de 4.285.714 livres tournois.»
En 1790, les tribus environnai! ces décidèrent d'atta
quer Casablanca pour la rançonner ou la piller. La ville
en effet n'était défendue que par une garde nègre de
i5o hommes. Elle ne fut sauvée que grâce aux commer-
çants espagnols de la Compagnie de « Los Cinco Gremios»
qui tirèrent sur les assiégeants avec un vieux canon sans
affût, mis en batterie avec beaucoup de peine. Grâce à
ce canon, la première attaque fut repoussée. Les révoltés
esquissèrent une seconde attaque, mais elle n'eut pas plus
de succès grâce, cette fois, à la présence, dans le port de
Casablanca, de deux petits bateaux de guerre qui disper-
sèrent les rebelles à coups de canon.
Les commerçants espagnols axaient ainsi rendu un si-
gnalé service au Sultan qui leur accorda en retour de nou-
veaux avantages.
Plusieurs historiens placent à tort l'attaque de Casablanca
sous le règne de Sidi Mohammed. Cet événement se passait
quelques mois après l'avènement de son fils et successeur,
Moulav Yazid. Il doit se confondre avec le soulèvement
des Berbères du Doudjàl. auquel le Sultan versa lecontenu
de la caisse de Casablanca.
Pendant toute cette période, l'Espagne bénéficia de privi-
lèges c nmerciaux très importants, mais il ne s'agissait
>

encore que de conventions particulières. Aussi tous les


efforts de l'Espagne vont-ils tendre à donner à ces contrats
un caractère officiel. C'est le gouvernement espagnol lui-
même qui fit les premiers pas dans cette voie en effet, :

en 1796, une ordonnance de S. M. le roi d'Espagne et du


Conseil concéda pour une durée de huit années à la Com-
pagnie des Cinco Gremios Mayores de Madrid le privilège
du transport, en Espagne, des grains et autres produits du
Maroc embarqués dans les ports.
VILLES ET TBIBl S. I.
34 CASABl WîC \ ET LES Cil kOUÏA

Le Sultan Moulay Slimân acheva de donner à cette con-


vention commerciale la consécration officielle, par l'ar-

So du traité conclu avec l'Espagne le r mars


1

1799.
Voici le texte de cet article:

La Compagnie de Los Cinco Gremios Mayores de Madrid conti-


tinuera à jouir comme jusqu'à ce jour du privilège exclusif de l'exporta-
tion des grains par le port de Casablanca à raison de 6 réaux la fanègue 1

de blé et de S réaux la fanègue d'orge, les accords conclus antérieu-


rement à ce sujet par S. M. le Sultan gardant toute leur force et
toute leur valeur. Cependant S. M. Catholique pourra étendre à quel-
ques-uns ou à tous ses sujets ledit privilège quand elle le jugera con-
venable. Mais S. M. iViarocaine a déclaré qu'elle concédait ce port,
d'une manière exclusive, non seulement eu égard à la susdite Compa-
gnie, mais aussi par déférence pour le roi d'Espagne. Le privilège
détenu par la Maison Benito Patron, du commerce de Cadix, pour le
port de Mazagan, est soumis aux mêmes règles et conditions, sans
que les droits exigibles puissent être supérieurs à ceux de 16 réaux la
fanègue de blé et de 8 réaux la fanègue d'orge (1).

Ce texte prouve qu'en 1799, le privilège avait été retiré


pour le port de Fedhala, mais qu'il subsistait pour Casa-
blanca et Mazagan.
Plus tard, l'Espagne obtint d'autres privilèges pour ses
relations commerciales avec le Maroc et avec Casablanca
en particulier. C'est ainsi qu'après la paix de Tétouan,

Ain. 3o. La Companîa de « Los Cinco Gremios Mayores » de Madrid


(1)
disfrutara corne hasta aqut del privilegio exclusivo de extraer granos por
el puerto Je Dafbeyda, pagando i5 reaies vellon por cada l'anega de trigo y
S por la cebada, quedando igual mente por su fuerza y valor los convenios
que relativamente al propiofin se han celebrado de antemano con S. M. Mar
roqui. Pero S. M. Catolica podia extender a beneficio de algunos o de todos
suos vasallos dicho privilegio cuando la juzgue conveniente pues declarara ;

iid Marroqui, que concède aquel puerto, exclusivo, no por respeto


a la chada compaùia y si en obsequio al Rey de Espana. Por la misma
régla y circum tai serei on.du.cira el privilegio que la Casa de D. Benito
tel comercio de Cadiz, tiene en el puerto de Mazagan sin que se
exijan mas derechos que los de 16 reaies por fanega de trigo y 8 por la de
cebada.
Tratados entre Espana y Marrueccos, p. 3i. —
Telegpama del Rif,
Melilla 1904.
CASABLANCA — HISTOIRE 35

en 1860, les Espagnols eurent le droit de mettre des doua-

niers nationaux à côté des douaniers marocains dans les


différents ports. Ils percevaient la moitié des taxes doua-
nières en paiement de l'indemnité de guerre. Ces taxes
étaient en 1860 de 10 p. 100 sur les importations et les
exportations. Elles furent encore augmentées dans la suite.
En i83o le Sultan Abd Er-Rahman rouvrit au commerce
européen le port de Casablanca qui avait été fermé par
Mouiav Slimân. Il fit bâtir des magasins de douanes, con-
céda des terrains aux négociants et accorda des privilèges
au commerce. Les transactions opérées à Casablanca se
faisaient à cette époque sur l'huile d'olive, les amandes et
les laines en suint. C'est par Casablanca que s'exportait

la plus fine laine en suint du Maroc. En 1860 la population

européenne de Casablanca était encore peu nombreuse, mais


on y trouvait déjà une petite colonie de marchands français
bientôt prospère.
11 en fut ainsi jusqu'en 1875, époque à laquelle arrivèrent
les Anglais, qui conquirent bientôt la première place. L'Al-

lemagne vint ensuite et prit également une situation com-


merciale importante.
'est seulement en
1
885, sous le règne du Sultan Mouiav
1

El-Hasan, que la ville acquit un réel développement com-


mercial, appelé à suivre une progression sensible. Ln 1900,
l'Angleterre, la France. l'Allemagne et la Belgique étaient
en tête pour l'importation. Mais, pour l'exportation la
France occupait le premier rang. En 1002. l'Angleterre
passe devant pour les importations et les exportations, sui-
vie de près par la France. C'est en 1906 seulement que
l'acte d'Algésiras permit l'exportation du froment et de

A cette date, le commerce de Casablanca importa- 1

tion et exportation réunies) atteignait déjà la somme de


.472 francs, dépassant celui de Tanger. Le plus gros
chiffre dans les échanges appartenait à la France.
36 CASABLANCA ET LES CHAOUIA

La conquête Noire intervention fut provoquée à Casablanca par la


française. révoltedu 3o juillet 1907, au cours de laquelle un certain
nombre d'ouvriers de l'entreprise française chargée des tra-
vaux du port avaient été massacrés. Les causes de cette
révolte sont y eut d'abord la création de
multiples. Il

fonctionnaires français chargés de contrôler les douanes


chérifîennes, conformément aux stipulations de l'emprunt
de 11)04. Quand le Sultan 'Abd El-'Azîz voulut exécuter ces
stipulations, une grande effervescence se manifesta dans les

tribus Châouïa, surexcitées par leurs qaïds et par les fonc-


tionnaires du Alakhzen, auxquels la douane valait des pro-
fits clandestins de toute sorte. La défiance des indigènes
augmenta lorsqu'ils virent circuler un petit chemin de fer
à voie étroite qui servaitau transport des matériaux néces-
saires à la construction du port. Tous ces faits servirent
de prétextes aux fanatiques contre la pénétration euro-
péenne qui leur paraissait chaque jour plus menaçante.
Une intrigue ourdie par le qaïd des Oulàd Harîz, El-
Hâdj El-Hasan, devint le signal de la révolte. Irrité de
n'avoir pas succédé à son père comme gouverneur de
Casablanca, ce personnage faisait tous ses efforts pour sus-
citer des troubles au sein des tribus en encourageant leurs
sentiments xénophobes, aiin de créer des embarras au gou-
verneur qui lui avait été préféré et d'indisposer contre lui
le Sultan, par des complications. Pour s'opposer aux me-

nées d'El-Hâdj El-Hasan, riche et influent, il n'y avait


qu'un vieillard de 70 ans, Moulay El-Amîn, oncle du
Sultan.
D'autre part, l'état d'esprit de la population des Châouïa
était favorable aux projets d'El-Hâdj El-Hasan. Rebelles
au Makhzen depuis longtemps, et ne payant pas l'impôt,
leurs tribus étaient bien armées et approvisionnées en mu-
nitions. Elles étaient aussi travaillées et fanatisées par des
émissaires de Ma El-Aïnîn Ech-Chenguiti, qui comptait à
la cour de Fès un grand nombre de partisans et dont le
CASABLANCA — HISTOIRE 3j

Sultan AbJ El-Aziz lui-même fut peut-être, jusqu'à un cer-


tain point, le complice.
Le 29 une trentaine d'indigènes appartenant aux
juillet,

tribus des Oulàd Ziyàn et des Mediouna se présentèrent

à Moulay El-Amîn, qui commandait la petite mehalla


campée depuis quelques semaines sous les murs de Casa-
blanca pour protéger la ville. Ils lui demandèrent, au nom
des tribus, de sommer le pacha de Casablanca, Sidi Abou
Bekr. de taire arrêter les travaux du port et de supprimer
les contrôleurs français de la douane. Moulay El-Amîn
répondit qu'il en référerait au Sultan et les renvoya au
lendemain. Exaspérés, les indigènes résolurent d'envahir la
ville, de massacrer les Européens et de piller le quartier

juif.

Le 3o juillet, la députation indigène ne se rendit pas au


rendez-vous fixé par Moulay El-Amîn mais une vingtaine :

d'individus des Mouâlîn Deroua, des Oulàd Mouladjiya et


des Oulàd Bou Azîz se répandirent dans Casablanca, et
firent annoncer par un crieur public des Oulàd Harîz
qu'il était interdit sous peine de mort aux populations de
la banlieue, d'approvisionner la ville qu'on allait piller

deux jours plus tard. Les domestiques indigènes au ser-


vice d'Européens auraient à abandonner leurs maîtres pour
rejoindre leurs tribus respectives; Les ouvriers du port
devaient être massacrés.
Quelques protestations timides se firent entendre. Un
indigène des Mediouna eut, paraît-il, la barbe coupée (1), et

la bande hurlante se précipita dans la direction du chemin


de fer.

Un jeune Portugais qui s'était permis de hausser les

épaules au passage du crieur public reçut un coup de cou-


teau. De là une réclamation collective immédiate du corps

(1) la barbe coupée est pour un Marocain un affront sanglant. Autre


Avoir
l'ois Sjltans, pour punir un fonctionnaire indigne, lui faisaient couper la
les
barbe en public au son des Tebbals et des Ghaïlas.
38 CASABLANCA M LES CU ÎOl l.\

auprès du gouverneur, qui fut invité à assurer


ulaire
l'ordre dans la ville. Pendant cette discussion chez le
Pacha, des indigènes qui se promenaient dans les car-
rières où l'on extrayait la pierre employée pour la cons-
truction de la jetée, se mirent tout à coup à accumuler des
blocs sur les rails pour arrêter la circulation du train. Un
ouvrier européen s'étant approché pour les en empêcher
fut assommé à coups de pierres et lardé de coups de cou-
teau.
11 faut signaler la conduite digne d'éloges de trois Qaïds

desZiyaïdaqui demandèrent le nombre de fusils nécessaires


pour arrêter les émeutiers. Plus tard, impuissants à répri-
mer l'émeute, ils chargèrent en croupe trois Européens au
péril de leur vie, sans réussir d'ailleurs à sauver ces malheu-
reux, qu'ils durent abandonner à la Qoubbade Sidi Bellioût,
où ils furent massacrés.
A ce moment le train descendait vers le port, et devant
l'amas de pierres disposé sur la voie, le mécanicien dut
arrêter sa machine. Entouré immédiatement par les indi-
gènes, il fut frappé par son propre chauffeur, un Maro-
cain, qui le jeta en bas de la machine pour montrer qu'il
se solidarisait avec ses coreligionnaires. Lapidé et criblé de
coups de poignards, le mécanicien succomba aussitôt.
Tous les ouvriers et contremaîtres qui tentaient de fuir,
furent bientôt rejoints par les indigènes et massacrés les
uns après les autres. L'un d'eux s'était jeté à la mer
pour essayer d'atteindre un des paquebots en rade. Un
indigène à cheval le rattrapa et lui fracassa la tète d'un
coup de sabre.
Le docteur Merle, médecin attaché au consulat de France,
avait assisté à cette horrible scène du haut de sa terrasse.
11 dépêcha un émissaire au corps consulaire en conférence

chez le pacha. Aux protestations véhémentes des consuls, le


pacha répondit qu'il ne pouvait pas organiser la défense de
la ville faute de cartouches, les munitions étant enfermées
CASABLANCA — HISTOIRE 39

à la douane. Cependant, devant l'insistance des consuls, il

envoya chercher des cartouches et arma ses hommes.


Le vice-consul de France avait demande de plus que
les corps des victimes fussent ramenés dans l'enceinte de
la ville. Après avoir essayé de s'y opposer, le pacha se
décida adonner satisfaction à ce vœu. Chargé de pn
aux constatations d'usage sur la plage, le docteur Merle s'v
rendit avec une dizaine de Français, et une escorte de
10 soldats donnée par le pacha. Devant l'atïreu.x spectacle,
un des Français ne put réprimer un geste d'indignation.
Aussitôt, les soldats de l'escorte se joignent à la fouie des
assassins et mettent en joue la petite troupe des Fran-
çais. Reculant en bon ordre sous une grêle de projectiles,
ceux-ci furent sauvés par l'intervention de quelques indi-
gènes amis. Ils réussirent à se sauver au Consulat.
Pendant que ces événements se déroulaient sur la |

ies i^ens des tribus se précipitaient à l'intérieur de la ville

par les portes de Bâb es-Soùq et de Marrakech. Tous les


Européens se réfugièrent dans leurs consulats respectifs,
mais un certain nombre de révoltés se jetèrent sur le
Mellah pour le piller. Comme la situation s'aggravait
d'heure en heure, le docteur Merle s'embarqua non sans
sur le Mogador qui était en rade, pour aller exposer la
:

situation à la légation de France à Tanger. La c


française avait réussi d'autre part à se réfugier en ma-
jeure partie sur un cargo-boat.
Des que le chargé d'affaires de France à Tanger eut été
informé des événements par le docteur Merle, le Galilée,
en station à Tanger, reçut l'ordre d'appareiller pour Casa-
blanca er août
1 Le corps consulaire n'autorisa pas tout
.

d'ab >rd débarquement, craignant qu'il ne fût le signal


le

d'un massacre général, mais on convint que le Galilée


bombarderait la ville à la première alerte. En apprena
dispositions éner^ique^, le pacha se résolut à agir lui-
même et les Européens commencèrent à se rassurer. Dans
40 iBI.ANCA ET l.KS CHA0U1A

l'intervalle, dix matelots du Galilée étaient descendus à


terre, en secret, sur la demande du vice-consul de France,
pour garder le Consulat.
Le premier moment de mauvais vouloir passé, les auto-
rités locales indigènes avaient pris leurs dispositions pour
mettre Casablanca à l'abri d'un coup de main de l'extérieur
e1 assurer la sécurité des Européens. Les portes de la ville
et des dillerents Consulats furent gardées par des postes de
soldats de la Mehalla, et par des Abda que commandait
le frère de leur Qaïd Si Aïssâ.
Des tribus ne s'en concentrèrent pas moins sous les
murs de Casablanca le 4 ou le 5 août, jour du bombarde-
ment de la ville. On n'a pas pu établir de façon certaine
l'origine de ce mouvement. Nul doute que les massacres
des Européens, racontés et commentés dans les différentes
tribus et en particulier au marché hebdomadaire desZiyaïda
du 3i juillet, n'aient eu pour conséquence une recrudes-
cence de fanatisme. Dès cette date, des agitateurs, des
émissaires des Oulâd Bou Res^q parcouraient les tribus,

donnaient comme possible une intervention armée des


chrétiens, poussant par la parole les indigènes à la résis-
tance et à la guerre sainte.
Le mouvement ne tarda pas à s'étendre à toutes les tri-
bus des Châouïa. D'après les renseignements locaux, les
Oulad Bou Rezq, qui sont les plus éloignés de Casablanca,
seraient arrivés les premiers, suivis de près par les Me-
diouna, les Mzâb, les Oulâd Harîz, les Oulâd Çabbâh, les
Zenata, et par quelques douars de Zivaïda, entre autres les
Fedhala(Mouâlîn El-Outâ)etlesAsasna(MouâIîn El Ghâba).
Le 5 août, arrivée du Du-Charla. Le débarquement
décidé, on prévint le khalifa du Sultan, Moulay El-Amin,
qu'au premier coup de feu, la ville serait bombardée. Les
indigènes n'en tentèrent pas moins de s'opposer à l'entrée
des marins français, ce qui amena une première collision.
L'ordre de bombardement avait été donné dès les premiers
CASABLANCA — HISTOIRE 41

coups de fusils. Le Galilée d'abord, le Du-Chayla ensuite,


ouvrirent le feu avec des obus à lamélinite pour protéger les
troupes de renfort qui débarquaient. Le même jour arri-
vèrent canonnière espagnole Alvaro de Bas^an et le croi-
la

seur français Forbin. Pendant la journée du 6 août le bom-


bardement redoubla d'intensité sans que les pillards et les
indigènes cessassent de dévaster la ville, mise au pillage.
Enfin, le 7 août, au matin, l'escadre française apparut
en rade, avec les troupes envoyées d'Algérie. Les forces
navales se composaient de 4 croiseurs cuirassés la Gloire. :

le Gueydon, le Dupetit-Thouars et le Condé, et les troupes

de débarquement de 2.000 hommes d'infanterie, de cava-


lerie et d'artillerie, sous les ordres du général Drude.
De son côté le gouvernement espagnol envoyades navires
de guerre et des troupes, conformément à l'acte d'Algésiras.

Pendant les journées qui suivirent le débarquement des


troupes françaises et les combats sous Casablanca, les

Ziyaïda Zenata prirent partà tous les engagements, du


et les

7 au 10 août. Ils n'avaient pas encore achevé leur concen-


tration, autour de la ville.
Le premier rassemblement de quelque importance eut
lieu vers le 10 août, à Taddert, où les Oulâd Bou Rezq
arrivèrent les premiers. Taddert devint dès lors le centre
de l'agitation et de la propagande.
Des lettres appelant les tribus à la résistance avaient
déjà été envoyées aux différentes tribus. En voici une,
texte et traduction :
4^ \i:i AMA I. I LES CHAOl'ÏA

^'^bryp*^ 6^)è^>

?j^~y*)]h~-j?>>L^u*i) i.

'<=?
TRADUCTION

Louanges à Dieu seul; que Dieu répande ses bénédictions sur notre
Seigneur Mohammed et sur sa famille.
A tous nos frères de tribu des Oulâd Hariz que Dieu vous pro-
la

tège etc., (et ensuite) :vous n'ignorez pas que nous sommes au courant
de ce qui s'est passé à Casablanca et au port de cette villerelativement à
l'installation du « Babour el-Bcr » (chemin de fer) et de l'arrivée des
« Roumi ». Dieu avant décidé l'accomplissement d'un fait qui devaitêtre
CASABLANCA — HISTOIRE .)?

exécuté par les Musulmans, les employés des « Babour » ont été tués

au nombre de neuf; le« Babour » a été entièrement détruit et l'in-


ridèle qui s'était installé au port, l'a quitté ainsi que toute la dâïra
française.
Tous les Châouïa présents se sont réunis et ont conclu une alliance,
pour la protection de Casablanca, des routes des Châouïa et des voya-
geurs.
Il est utile que vous soyez avertis afin que vous puissiez prendre les
mesures nécessaires. Vous vous verrez les uns et les autres et vous
préviendrez vos voisins et vos frères des Oulàd Bou Rezq afin qu'ils
it de même. Vous vous rendrez à la Djemd'a qui se réunira
lundi prochain dans la matinée et où sera conclue une alliance
entre les tribus. Vous ferez faire des publications sur les marchés ci
vous prendrez les précautions utiles, de façon à ce que, si quelque
chose survenait du côté de la mer, nous soyons tous unis en un seul
bloc.
Si un crime ou un délit se produit sur un territoire, les douars de
ce territoire seront incendiés. Et le salut. 20 Djoumada 2. 1 325 (3i juil-
let 1907). Signé : les notables de toute la tribu des Châouïa.
En marge : Envoyez cette lettre elle-même à nos frères des Oulâd
Bou Rezq.

Les troupes françaises, débarquées rapidement sous la

protection des croiseurs, établirent leur camp à 400 mètres


des murs, sur la route de Marrakech. Ce camp en arc de
cercle autour de la ville avait un front de trois kilomètres.
Désigné comme gouverneur de la place, le commandant
Mangin mit en relations avec Si Ben Abbou. délégué
se
chérifïen. avec Moulay El-Amîn, oncle du Sultan et avec
différents notables, et peu à peu la ville reprit son aspect
normal. Mais si la sécurité était rétablie à Casablanca, le

camp eut à repousser les attaques incessantes, de jour et

de nuit, du 7 au 18 août.
11 y eut le <S et le 10 Djoumada 2 325 (3i juillet deux 1 .

engagements importants avec les cavaliers marocains qui


s'avançaient à portée du camp ensuite, les 11. 12 et i3 ;

toute une série d'escarmouches.


44 CASABLANCA II LES CHA0U1A

Le 14 août, 400 hommes de troupes espagnoles débar-


quèrent et s'établirent à l'intérieur de la ville. Cependant
les tribus révoltées encerclaient toujours Casablanca. Le
18 août, 60 spahis envoyés en reconnaissance à 3 heures du

matin, se trouvent en face de 3. 000 Marocains. Ils chargent.


Des tirailleurs et des chasseurs d'Afrique arrivent en toute
hâte et Marocains sont en déroute. Ce petit
bientôt les
combat deux journées calmes. Mais pendant ce
fut suivi de
temps, les Marocains qui avaient reculé leur camp à plus de
10 kilomètres de la ville recevaient de nouveaux contin-
gents des tribus.
Cédant aux sollicitations de quelques agitateurs des
Oulàd Ahmed, les Ziyaïda décidèrent, le 21 août, de se con-
centrer à Tit-Mellil, et ce fut fait accompli le 24 août.
Entre temps, et pour les mêmes raisons, les Zenata s'étaient
réunis à l'Oued El-Ilarar. Le combat de Sidi Moumen, du
3 septembre, dispersa tous ces rassemblements hostiles qui
se reformèrent quelques jours plus tard dans la région
de Sidi Hadjaj;les Qaïds des Zenata et des Ziyaïda, qui
rendus à Rabat, en avaient rapporté deux lettres
s'étaient
du Sultan, exhortant les Châouïa à cesser les hostilités.
Ils soumission et ne prirent plus part
firent bientôt leur
activeaux opérations contre nos troupes. Les Zenata aban-
donnèrent définitivement la lutte. De leur côté, les Ziyaïda
regagnèrent leurs terrains de culture, après le combat du
21 septembre, à part quelques individus, abandonnèrent la
lutte, et ne reparurent plus en nombre qu'au combat de Ber-
Rabah, les 16 et 17 février 1908.

Les combats avaient recommencé dans la nuit du 20 au


21 août, et pendant les journées des 21 et 22. Le 22 août
eut lieu la première marche olfensive de nos troupes et
l'ennemi recula. Puis, le 23 août une nouvelle reconnais-
sance dispersa encore les groupes hostiles campés à l'est de
la ville. Mais le 28 août Casablanca se trouva cernée par
CASABLANCA — HISTOIRE [5

troismehallas et, dans la nuit du 28 au 29, 6.000 Marocains


donnaient l'assaut au camp français. Ils furent vite re-
s, grâce à l'artillerie de campagne appuyée par le feu
de la Gloire.
Ces attaques répétées firent décider le 3 septembre une
reconnaissance dans la direction de Sidi Moumen, à huit
kilomètres du camp. Là nos troupes se trouvèrent bientôt
entourées par 10.000 Marocains, et eurent à soutenir une
lutte très vive marquée notamment par la mort du com-
mandant Provost.
Après une sorte d'armistice conclu jusqu'au 9 septembre,
le général Drude reprit les opérations le 10.

Il avait à ce moment à sa disposition 5. 100 combattants,


14 pièces d'artillerie dont 8 à tir rapide et io mitrailleuses.
Un ballon dirigeable militaire servit à repérer la position
du camp ennemi installe à Taddert et, le au matin, la 1 1

colonne s'approcha rapidement de Taddert, après avoir


enlevé la ferme Alvarez. Les Marocains prirent la fuite sous
le feu de l'artillerie. Leur camp fut occupé et incendié. 11

était formé par une agglomération de 600 tentes dont un

certain nombre appartenant au modèle en service dans la


mahalla du Makhzen. Ce succès ayant produit une forte
impression sur les tribus voisines de Casablanca, la paix
de la ville et de la banlieue semblait désormais certaine,
comme marque une visite immédiate du gouverneur
le

Moulay El-Amin.au général Drude, le septembre. 1 (

Dès les premiers jours de leur débarquement, nos troupes


avaient eu à lutter contre les assaillants qui venaient les

attaquer presque dans leur campement sous les murs de


Casablanca. Les premiers contingents ennemis compre-
naient alors principalement des Oulâd Bou Re/.q. des Me-
diouna, des Oulâd H a riz et des Ziyaïda. Saut celle des Me-
diouna qui entoure la ville, ces quatre tribus, ne sont pas
parmi les plus rapprochées de Casablanca. Les Zenata et les
] ANCA ET LES CHAOUÏA

Oulâd Ziyân se joignirent à elles au bout de quelques


jours, et, le 20 août, les Mzâb leur envoyèrent également
des contingents.
Les tribus plus rapprochées, et qui recevaient les pre-
miers coups, ne purent pas faire leur soumission aussi rapi-
dement qu'elles l'eussent souhaité. Elles avaient à craindre
d'être razziées par celles qui se trouvaient derrière elles.

D'autre part les troupes françaises, assez nombreuses pour


soumettre les tribus qui entouraient directement Casa-
blanca, ne l'étaient pas assez pour les protéger efficace-
ment.
C'est ainsi qu'après la destruction de Taddert, le 6 sep-
tembre, et on voit, dès le 22 septembre,
celledeTitmellil le 21 ,

les Zenata, Ziyaïda et Oulàd Ziyân venir traiter de leur sou-

mission et remettre, le 25, des otages en garantie, alors que


les Médiouna, qui sont immédiatement voisins de Casablanca,
ne viennent parlementer que le 25 septembre. Encore ne

le font-ils qu'accompagnés des Oulàd Harîz. Promoteurs

du mouvement, et placés immédiatement derrière les Mé-


diouna, les Oulàd Harîz seraient tombés sur ces derniers,
si ceux-ci avaient fait leur soumission sans leur consente-

ment et ouvert ainsi à nos colonnes la route de leur terri-


toire.
Unfait nouveau avait d'ailleurs modifié l'état des choses

et donné un certain corps à la résistance qui manqua


d'abordd'organisationetde direction. Moulay'AbdEl-Halid,
frère de Moulay 'Abd El-'Aziz, et son khalîfa à Marrakech,

y avait été proclamé Sultan le 16 août 1907.


A l'arrivée, vers la fin de septembre 1907, d'une mahalla
envoyée de Marrakech par Moulay 'Abd El-Hafîd et com
mandée par son cousin, un fils de Moulav Er-Rachid, kha-
lifa du Tafilet, ainsi que par le Qaïd Bou Rial El-Yemmouri,

les Mzâb, les Mdhakra et les Oulàd Saïd arrêtèrent les


pourparlers qu'ils avaient engagés. Ce n'était pas encore
tout à lait la guerre sainte, mais déjà plus qu'un simple
I
VS VBLANCA 47

mouvement de quelques tribus. LesOulâd Harîz et les Me-


diouna, qui avaient fait leur soumission le i" octobre,
ainsi que les Oulàd Ziyân et les Zivaïda. qui s'étaient sou-
mis le a5 septembre, rompirent dans le courant de no-

vembre les Casablanca en faisant de nou-


relations avec
veau cause commune avec les dissidents seuls les Zenata :

restèrent fidèles à leurs engagements. On était donc


revenu en novembre, à peu près au même point qu'au
mois d'août, malgré les soumissii
Pendant ce temps, Moulav 'Abd El-'Azîz quittant Fès le
m septembre, était arrivé !e 23 à Rabat d'où il de\
diriger sur Marrakech. D'autre part, Si Mohammed ben Er-
Rechîd, campé avec ses troupes dans la région de Settat,
c'est-à-dire chez les Oulàd Bon Re/.q. à une soixantaine de
kilomètres deCasablanca. manifestait l'intention de marcher
directement sur Rabat.
Les troupes envoyées par Moulav 'Abd El-Hafîd ne sem-
blaient pas hostiles. Maiscette mehalla, composée d'environ
2.000 réguliers, avait été grossie d'un certain nombre de
cavaliers des Rehamma et des Seraghna et de quelques
contingents des tribus dissidentes des Châouïa. Ces bandes
formaient plusieurs petites mehallas, pouvant se dépla-
cer rapidement. Sans se rapprocher suflisammeni
s'attaquer à nos troupes, elles coupaient les routes et empê-
chaient les indigènes de se rendre à Casablanca.
Pour en finir, nos troupes se mirent en marche sous les
ordres du général Drude dans la direction du camp de
Sidi Brahim, le 21 septembre, à 3 heures du matin. Les
tins y subirent encore une déroute complète, et une
dernière reconnaissance dans la direction de Taddert, le
2\ septembre, acheva la pacification définitive de Casa-
blanca et de ses abords.

L'administration de la ville fut alors réorganisée avec un


nouveau Khàhfa du Sultan, Si 'Allai ben Abbou. et les
|S CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

autorités françaises commencèrent à collaborer avec les


fonctionnaires chérifiens. On divisa Casablanca en cinq
quartiers dont chacun eut son moqaddem. Des tirailleurs
faisaient fonction d'agents de police. Un despremiers soins
du commandement français avait été de s'occuper de l'as-

sainissement de la ville. On déblaya les rues si étroites, en


les élargissant. Des plaques donnèrent les
indicatrices
noms en français et en arabe. Les maisons furent numéro-
tées on procéda au pavage des chaussées en grès, et au
;

nettoyage des canalisations, sous la surveillance des mo-


qaddems chargés du service de la voirie. Quant aux tra-
vaux du port, point de départ de l'occupation, ils n'avan-
cèrent que lentement à cause de la violence de la houle.
La jetée ne dépassa 3oo mètres qu'en igi3. Fin mai ig 14
le petit port était terminé. La jetée N.-O. ne dépassait pas

3oo mètres au commencement de 191 3. Elle atteignait


35o mètres sur i.55o au milieu de 1914. La jetée trans-
versale qui n'était pas commencée à ce moment, doit
avoir un développement de 1.800 mètres.
Peu à peu, l'ancien bourg d'Anfa, comptoir commer-
cial espagnol au dix-huitième siècle, va prendre rang
parmi les grandes villes modernes. Cette importance sans
cesse grandissante, par l'action civilisatrice de la France,
s'explique non seulement par l'importance de Casablanca
comme centre politique de notre établissement, mais aussi
par sa situation au point d'intersection des grandes voies
commerciales vers le sud et vers le nord. Elles en font
un centre économique de premier ordre.
LA VILLE

« La ville de Casablanca s'étend le long do la Côte; elle


a la forme d'un polvgone irrégulier d'environ t.ooo mètres
dans sa plus grande longueur et de 5oo mètres de largeur
moyenne ; la superficie de terrain qu'elle occupe est d'en-
viron 60 hectares. Elle est entourée d'une enceinte fortifiée
composée d'une épaisse muraille crénelée, bâtie en pierres
et mortier de 8 à 10 mètres de hauteur et flanquée d'un
certain nombre de tours, placées de distance en distance;
sur certains points du front de mer les maisons sonl
appuvées sur cette fortification.
« L'enceinte est percée de huit portes, dont trois sur le

front de mer : Bàb El-Mersâ, ou porte du port. Bab El-


Qedîm Bàb El-'Arsa, ouverte en 1909. vers l'extrémité
et
ouest de ville;
la —
deux sur le Iront Est Bàb Er-Rha, :

appelée aussi Bàb El-Djedîd et Bàb Es-Soùq deux sur le ;



front Sud: Bàb Marrakech et Bàb El- 'Afia, ouverte en nu 1.
— et une sur le front Ouest Bàb Es-Sour El-Djedid.
:

« En 1908, une seconde porte fut ouverte à Bâb Es-Soûq,


près de l'ancienne, pour faciliter la circulation, très dense
par suite de l'existence des marchés qui se tiennent a l'ex-
térieur, contre les murs de la ville, et du camp des troupes
françaises situé à proximité.
VILLES ET TRIBUS. — I.
4
5o CASABLANCA ET IJ:s CH \'H 1A

« La ville proprement dite est prolongée vers le Nord-


Ouest par une enceinte fortifiée plus récente, appelée « Sour

Kchelle : i/25.ooos — Bureau topographique du Marne occidental.

I M »jedîd » ; cette enceinte entoure un terrain de forme tra-


pézoïdale ayant en moyenne 41.0 mètres de longueur sur
3oo mètres de largeur et une superficie de 14 à i5 hectares;
elle avait été construite vers i883 pour recevoir des ins-
Échelle : i/25.ooc. — Buri phique du Maroc occidental.
52 CASABLANCA I I LES CHAOUÏA

tallations européennes, mais resta inoccupée; elle servait


de lieu de campement aux mehallas chériliennes qui se
trouvaient à Casablanca (i). » Depuis 191 1, de nouveaux
quartiers se sont créés: le quartier de la Liberté; du Fort-
Provost; des Roches-Noires Télégraphie sans fil
et de la ;

Bel-Air, du côté du fort Provost. comptaient déjà en


Ils

1914 plus de cinq cents maisons disséminées le long des


artères qui y conduisent. 11 y a également un quartier Fer-
rieu, habité plus spécialement par des indigènes.

Population. En 1907, avant l'occupation, Casablanca avait environ


25.ooo habitants, dontun millier d'Européens et 5. 000 Juifs.
La population européenne se composait du personnel des
consulats ou des agences consulaires, et des maisons de
commerce, avec un assez grand nombre d'Espagnols, petits
débitants, ouvriers et maraîchers.
La population indigène formait les quatre cinquièmes de
la population totale. Des fonctionnaires du makhzen
étrangers à la ville; des négociants, des nègres esclaves ou
affranchis, venus du Soudan ou nés dans le pays; des
Chleuh de l'Atlas, des Drâoua du Sud, puisatiers en général,
constituaient une fraction du milieu indigène, recruté en
majeure partie dans les tribus voisines. Chameliers, porte-
faix, bateliers, ouvriers du port, artisans, manœuvres,
petits commerçants, les Châouïa venaient s'établir à Casa-
blanca pour se soustraire aux exactions des Qaïds, ou pour
gagner leur vie. Beaucoup avaient une double habitation,
en ville et dans leur village. —
Casablanca était ainsi ce
qu'on appelle au Maroc une ville bedouïa, de campagnards,
en opposition à la ville hadiriya, de citadins.

L'occupation française ralentit d'abord les affaires, en

(1) Notice économique et administrative sur Casablanca, parle Comman-


dant Dessigny, chargé des services municipaux à Casablanca (191 1).
CASABLANCA — LA VILLE 53

arrêtant les transactions avec l'intérieur. Il y eut même des


protestations du commerce anglais et allemand. Les Juifs,
durement éprouvés pendant la révolte et le pillage de la
ville, souffrirent plus encore. Mais une fois Casablanca

dégagée par la marche du général Drude sur la Qaçba de


Mediouna, les affaires reprirent au point que beaucoup
d'Européens virent leur situation commerciale se trans-
former et grandir jusqu'à de véritables fortunes.
Depuis, la population européenne et surtout française

n'a cessé de s'accroître. Une statistique du service des ren-


seignements donnait 5o.i58 habitants en 1 9 1 3, dont près
de 10.000 Juifs et 3o.ooo indigènes. Déjà, pour les quatre
premiers mois de 191 2, les relevés de la Police du Port
fournissaient un chiffre total d'arrivées de i.3i8 Européens,
dont 1.009 Français, '4^ Espagnols, 77 Italiens, 21 Anglais,
16 Allemands et 5o divers.
Les Français lîgurent dans l'ensemble pour 76 p. 100,
proportion qui ne représente pas l'importance vraie car
beaucoup arrivent avec des capitaux importants, tandis que
les Italiens et Espagnols, qui viennent ensuite, comme
nombre, sont surtout des artisans ou des ouvriers. D'autre
part les indigènes algériens et tunisiens ne sont pas comptés
parmi les Français, et ils en renforcent la masse, à laquelle
il faut ajouter aussi un nombre appréciable de militaires
libérés, gradés et soldats.

Origines. —
Tétouan, Rabat et Fus EI-Bâli sont les seules Les Indigènes.
villes marocaines considérées comme réellement hadiriya,
c'est-à-dire où se trouve une véritable bourgeoisie de cita-
dins n'avant pas une origine campagnarde connue. A Té-
touan cette bourgeoisie compte un ^rand nombre de
familles d'Andalousie et d'Algérie. Rabat également a beau-
coup d'Andalous; à Fès El-Bàli, on trouve dans la bour-
geoisie des descendants d'Andalous. d'Algériens, surtout
de Tlemcen. enfin des familles de négociants dont un
M U H V

grand nombre d'origine juive. Fès El-Djedid est surtout


une ville du Makhzen, une ville Guich ; Mekinès égale-
ment et ses habitants sont pour la plupart Bouâkhar ou
( )udaia.

De formation récente, Casablanca se compose, comme


milieu indigène, d'une population hétérogène formée sur-
tout de gens des tribus voisines, c'est-à-dire d'un mélange
d'Arabes et de Berbères; les familles qui sont venues y
demeurer remontent à des origines aussi incertaines ou
diverses que celles des tribus elles-mêmes.
On a vu plus haut les hvpothèses relatives au passé
d'Anfa. Quel qu'en ait été le peuplement primitif, des ap-
ports successifs en ont modifié maintes fois le fond anté-

rieur. L'ouverture du port de Casablanca au commerce a


attiré des commerçants des différentes tribus des Châouïa,
des Doukkâla et du Tadla. Des négociants de Rabat et de
Fès sont venus également s'y établir. Mais la majeure par-
tie de la population indigène actuelle ne se compose que
de gens des Châouïa, des Doukkâla du Tadla et du Soùs.
Toute cette population parle uniquement l'arabe, sauf
les Souasa qui parlent entre eux le dialecte berbère du Soûs.

Les Juifs. Autrefois, les Juifs de Casablanca qui descendaient les


uns des Juifs établis au Maroc dès le neuvième siècle, et les
autres des Juifs expulsés d'Espagne et de Portugal au quin-
zième siècle, vivaient enfermés dans un Mellah situé au nord-
est de la ville, entre Bàb Marrakech et Bàb es-Soùq. Ils

avaient déjà commencé à en sortir, avant l'occupation,


ma s la plupart de leurs maisons s'v trouvaient encore ren-
fermées, lorsque le 3o juillet 1907, la foule soulevée se jeta

sur leur quartier, après avoir pillé les autres.


Les excitations répandues en 1906, lors du passage de
Ma el-Aïnîn, n'ont probablement pas été étrangères au
massacre qui dévasta le Mollah. Ces pillages des quar-
CASABLANCA — LA VILLE 55

tiers juifs ont d'ailleurs été fréquents au Maroc, dans les


révoltes locales et les envahissements des villes par les

tribus.
Après l'occupation, Casablanca devint au contraire le

centre de ralliement des Juifs du Maroc occidental, jusqu'à


l'établissement du Protectorat. On s'v réfugiait même de
Fès et de Marrakech. La population juive de la grande ville

atlantique, a ainsi doublé en quelques années. Elle n'a pas


seulement compensé les pertes du massacre; elle est passée
de 5.OO0 à 10.000 habitants, parmi lesquels la plupart des
anciens Mellàhdu Maroc se trouvent représentés. Les Juifs
habitent, bien entendu, où bon leur semble. Le Mellàh n'est
plus qu'un quartier dont le nom n'implique aucune obli-
gation.
A Casablanca, comme partout, les Juifs ont été les pre-
miers intermédiaires, indispensables, entre le colon euro-
péen et l'indigène. Celui-ci préférait traiter avec eux, parce
que tributaires. Aujourd'hui encore, malgré les change-
ments survenus il n'est pas une grosse maison de com-
merce européenne qui n'ait à son service, au moins un
Juif pour préparer, triturer et faire aboutir les affaires avec
les indigènes. Non seulement au point de vue commercial,

mais même pour les spéculations immobilières, l'intermé-


diaire du Juif marocain reste, pour ainsi dire, de première
nécessité.
La situation de l'élément juif s'est déjà modifiée dans bien
des cas particuliers. De méprisables et méprisés, sous la
domination du Makh/.en. certains Juifs sont devenus des
personnages notables, sous le régime du Protectorat. Ils ne
sont plus seulement pour les Européens, des emplo
des serviteurs, mais souvent des associés qui apportent par-
fois la plus grosse part dans l'association cinq ans après
:

l'occupation il existait déjà des fortunes juives, d'origine


immobilière.
1

56 CASABLANI \ Il LES CH V0U1A

Protégés Comme tous les ports du littoral où la pénétration euro-


et Censaux. péenne s'exerçait dans le domaine de l'agriculture et du
commerce, Casablanca était devenu le centre d'un mouve-
ment important de protection commerciale et d'association
agricole, avant la conquête :

Le principe du droit de protection remonte à l'article 1

du traité du 28 mai 1767, signé entre Sidi Mohammed ben


'Abdallah et le comte de Breugnon, ambassadeur de Louis XV.
Ce n'était pas, à proprement parler, un droit de protec-
tion, mais une exemption d'impôts et de toutes charges
pour les courtiers (censaux) (1) des consuls et des négo-
ciants européens. Petit à petit, ce droit, mal défini, s'est
étendu, surtout depuis la bataille d'isly et le bombarde-

ment de Mogador et de Tanger en 1844, plus encore depuis


la guerre de Tétouan en i85q-i86o; ces deux événements

ayant considérablement diminué le prestige du Makhzen,


les indigènes comprirent qu'ils pouvaient trouver auprès
des Européens un appui efficace contre la tyrannie des
fonctionnaires du Sultan. Bien des abus résultèrent natu-
rellement de cet état de choses. Une première réforme,
connue sous le nom de Convention Béclard, intervint en
i8G3 sur demande du Makhzen. Convenue avec la France,
la

elle fut acceptée par les autres Puissances. Une des clauses
de cette convention stipulait « que les indigènes employés
par des Français à des exploitations agricoles n'étaient
pas protégés v. Un censal français habitant la ville, lorsque
la protection lui fut accordée, voulut dans la suite habiter
la tribu dont il mais après la convention
était originaire;
de 1 863, il fut mis en demeure de revenir en ville sous peine
de perdre la protection française.
Les choses changèrent dans la suite, les conventions
ne suffisant pas à arrêter le mouvement de pénétration
qui s'accomplissait par la protection. Le Makhzen per-

11 Mot formé sur l'arabe j!— •> courtier ».


Il ANCA 5?

dant chaque jour de nouveaux administrés, le Sultan Mou-


lav El-Hasan voulut enrayer le mouvement. Il provoqua
dans ce but. en 1880, la réunion de la Conférence de Ma-
drid qui reconnut aux Européens le droit d'acquérir des
propriétés, en fixant le principe d'un impôt agricole et du
« Droit des Portes». Elle réglait, d'autre part, la situation
des indigènes des campagnes employés à des exploitations
européennes sous le nom de Moukhâlat ou associés agri-

coles.
Avant l'occupation française, l'association agricole pro-
prement dite, pratiquée par les commerçants ou les pe-
tits colons pour l'élevage ou pour les labours, n'était
pas répandue dans la région de Casablanca comme dans
le Gharb. Elle constituait l'exception en raison de l'in-

sécurité du pays qui rendait naturellement ce genre d'opé-


rations assez aléatoire. D'autre part, l'organisation admi-
nistrative du pays et l'éloignement des qaïds ruraux du
centre consulaire, leur permettaient de pressurer ceux de
leurs administrés qui étaient associés à des Européens et

d'ajourner indéfiniment la solution des réclamations. Elles


ne se réglaient, le plus souvent, que lorsque le ministre
de l'Européen intéressé allait en ambassade auprès du
Sultan.

Les négociants de Casablanca opèrent encore, dans l'inté-

rieur du pays, par l'intermédiaire des censaux ou parfois des


associés agricoles. Ces intermédiaires habitent tantôt la
campagne, tantôt la ville où quelques-uns ont une instal-
lation permanente.
Les censaux se chargent principalement des achats de
bétail, laines, grains, peaux, pour le compte des maisons

de commerce auxquelles ils sont attaches, et faciliter aussi

le mouvement d'échanges auquel donnent lieu les produits

d'Europe. Beaucoup de Juifs de Casablanca travail lent comme


58 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

courtiers et rendent de grands services aux maisons de


commerce ( i).

nsaux et associés agricoles habitant Casablanca en igi3.


Censaux allemands 5o
Associes agricoles allemands 100
Indigènes employés au Consulat allemand 6
— — à la Poste allemande 5
Censal portugais i

Associés agricoles portugais 25


Indigènes employés au Consulat portugais 6
anglais il

associés agricoles anglais 7


Indigènes employés au Consulat anglais 4
— — à la Poste anglaise 8
Censaux hollandais 6
Associés agricoles hollandais y
Indigènes employés au Consulat hollandais 4
Censaux italiens 3
agricoles italiens i5
Indigènes employés au Consulat d'Italie 3
Associes agricoles suédois 4
Indigènes employés au Consulat de Suède 5
Associés agricoles belges 4
Indigènes employés au Consulat belge 6
Indigènes employés au Consulat de Danemark ... 5

Total des Censaux 71


— des associés agricoles 234
— des indigènes employés dans les Consulats .
3g
— des indigènes employés dans les Postes ... i3

Les censaux et associés agricoles et assimilés français, espagnols et améri-


cains ne figurent pas sur ce relevé, parce que les puissances n'ont pas remis
leurs listes à l'Amel.

[Communiqué en arabe par M. l'ofjicier interprète Neigel.)


LES INDIGENES

Depuis la mort du Chérit" El-llàdj .Mohammed El-'M'râni, Personnalités


décédé le 17 août gi 3 il n'existe plus de Khàlifa du
1 . indigènes.
Sultan àCasablanca. Cette fonctionaétésupprimée parordre
de Moula) Yoûsef ; elle avait été exercée pour la première
lois sous le règne de Moulay Abd EI-'A/i/. par Moulay El-

Amîn, prédécesseur immédiat d'El-M'ràni.


Le Pacha actuel de la ville est Moulay Id ris El-M'rani,
neveu du khalifa défunt; il a succédé à Si Mohammed
Guebbàs. fils de l'ancien représentant du suhan nâïb à
Tanger, aujourd'hui grand vizir. Il a comme khalifas
Si Mohammed ben Kiràn EJ-Fâsi et Moulay Ahmed ben
Mançoûr Er-Rabati.
Si Mohammedben El-Mahdi El-'Irâqi, Fâsi d'origine.
remplit charge de qàdhi. Si Idrîs El-Filàli, celle de
la

Nadir des Habous, Si EI-'Arbi ben kiràn El-Fàsi, celle


d'Amin El-Moustafâd, El-Hâdj Abd El-Kerîm ben kiràn.
celle de Mohtaseb; en lin la fonction d'( )ukîl El-Ghoyyâb est
confiée à Si MohammedEl-Lebbàr El-Fàsi (1914).
Parmi les principales familles de Casablanca on peut
citer celles des Oulàd Ftihal. des Oulâd Bouâlem et des
Oulàd Ben Msik. celle d'El-Amrâni ben khiràn. originaire
de Taza, et celle du qàdhi El-'Irâqi ces deux dernières fa-
:
60 CASABLANCA ET LES CHÀOIÏA

milles ont surtout leurs attaches à Fès. La famille des


chorfa Hoseinites'Irâqiyîn vit à Fès; c'est tout dernièrement
que Sidi Mohammed El-'Irâqi, ancien qâdhi de Fès El-Dja-
did a été nommé qâdhi de Casablanca. faut mentionner
11

encore la famille du Qâïd de Mediouna, Si Ahmed ben El-

Arbi, celles des Yaqoubyin (descendants de Sidi Yaqoub,


enterré à Tlemcen), des Kittanyin (descendants de Sidi
Yahia ben Id ris, enterré à Fès), des Hadjdjâma (descen-
dants de Sidi Ali El-Hadjdjàmi, enterré à Casablanca), des
Oulâd Haddou (descendants de Sidi Mès'oud El-Haddaoui,
enterré dans la banlieue de Casablanca), et des Qdamra
(descendants de Sidi 'Omar El-Qadmiri, enterré également
dans la banlieue).
Comme Chorfa on compte les Yaqoubyin, les Kitta-
:

nyin, Hadjâdjma, les Oulâd Haddou, les Qdamra et les


les

'Amranvin; ces derniers appartiennent aux chérifs du Dje-


pouraïeul Si Qaddoùr El-'Alami,
bel 'Alain et reconnaissent
poète musicien enterré à Mékinès.
et

Les principaux notables de Casablanca sont Si Bou :

Châïb ben El-Mâti El-Hadjdjàm, El-Hàdj Bou Cha'îb ben


Cheyeb, Si Mohammed ben Ibrahim, Et-Tahami ben Ech-
Chafaï El-Harthi, Si Mohammed Ez-Zivâdi, Si Abd El-
iCerîm ben Messik, El-Hâdj Et-Touhâmi Ould Ech-Cheikh
Et-Tayyibi,El-Hadj Djilàliben El-Khattâb, tous originaires
de la tribu des Mediouna; El-Hadj Omar Et-Tazi El-Fâsi,
Si Qâsem Ed-Doukkâli, El-Hâdj 'Abd El-Qâder ben Ham-

mou, originaires des Doukkâla; EI-Hàdj Mohammed ben


Derbât et Si Mohammed ben Ahmed Anakouf, tous deux
Sousis.

Mosquées. Casablanca possède de nombreuses mosquées.


'- a grande mosquée (Djâma' El-Kebîr), située au Dar El-
«Horm».
Makhzen, a été construite sur l'ordre du Sultan Sidi Mo-
hammed ben Abdallah à la lin du dix-huitième siècle la :

première prière solennelle du vendredi v fut récitée en sa


CASABLANCA — LES INDIGENES 6|

présence. Elle possède de nombreux habous et est lieu de


horm asile .

Une mosquée plus récente, Djâma' Es-Souq. s'élève sur


l'emplacement d'un ancien café maure appartenant à la
dame Anàïa ben M'barek Ed-Dràoui, qui l'a constitué en
habous. Bâtie par le Makhzen il y a une soixantaine d'an-
nées, elle possède également des biens habous et constitue
un lieu de horm; elle ne renferme pas d'école.
La mosquée d'Ould El-Hamra, qui ne possède ni école
ni horm peu de habous. a été construite en partie par
et

un indigène de ce nom et achevée sous le règne de Mou-


lav El-Hasan.
Dans le quartier des Chleuh s'élève la mosquée du même
nom Djâma Ech-Chleuhj ; elle a été construite en 3 7 de
1
1

l'hégire par Si Mohammed Eç-Cinhâdji, chelh d'origine


(c'est-à-dire originaire du Sous). Elle est peu riche en ha-
bous, mais possède une école qoranique; elle n'a pas de
horm.
Ces quatre mosquées sont affectées à la récitation de-s
cinq prières et au prône (Khotba) prononcé le vendredi par

l'Imâm.
Une autre mosquée dans laquelle on récite les cinq
prières mais où il n'est point fait de Khotba, se trouve dans
la Zanqa Bin El-Djouàma' elle a été bâtie pour les Chleuh
;

il une quarantaine d'années environ. Elle porte le nom


v a
de Djâma' Eç-Coum'at El-Me i;uerredja. la Mosquée au mi-
c

naret décapité. Cette appellation lui vient de ce que le mi-


naret en était resté longtemps inachevé, sur l'ordre du
gouverneur des Mzàmza, El-Hàdj El-Ma'ti la maison de ;

ce gouverneur était voisine de la mosquée et, s'il avait été


terminé, le minaret auraitpermis au muezzin de voir dans
l'intérieur.
Medlrsa. —
Casablanca possède une école franco-arabe:
elle est situéeDar El-Hadj El-Ma'ti, dans la Zanqa Bin
à
El-Djouâma' et compte environ cent vin^t élèves indi-
62 lii.ANCA ET LES CHAOUÏA

gènes, qui viennent y apprendre la langue française. Le

personnel enseignant comprend un directeur, Si 'Omar,


venu de Constantine, et quatre professeurs. Une école [me-
\h/ est jointe à la .Medersa pour l'enseignement du Qoràn.

Habous. — Dans le chapitre des Mosquées il a été ques-

tion de leurs habous; ceux des Zâouïas sont mentionnés


plus loin.
Voici pour Casablanca le résultat général des travaux
d'une commission de recensement des biens habous insti-
tuée par un dhahir chérifïen en date du 11 décembre iqi2.

1" Habous El-Koubrâ (Mosquées.) — Cent quarante-


quatre immeubles estimés à 3.908.260 pesetas hasani, pour
un loyer mensuel de8. 968 p. h'.
lesquels les nadirs percevaient
La Commission de recensement estime la valeur locative
mensuelle de ces immeubles à 3 3a p. h'. 1 . 1

2" Habous de Sidi Bellioùl. — Cinquante-trois immeu-


bles estimés à 346.750 p. h. pour lesquels les nadirs perce-
vaient un loyer mensuel de 438 p. h'.
Estimation de la valeur locative mensuelle de la Commis-
sion, 3 . 1 1 5 p. h'.

3" Habous de Sidi 'Allai El-Qairaouâni. Douze im- —


meubles estimés à 25.000 p. h', pour lesquels les nadirs
percevaient un loyer mensuel de 128 h'. Estimation de la
Commission, 175 p. h de lover mensuel. 1

Zâouïas. 1 Confréries. — i" Zâouï'a des Derqaoua (Moulay El-'Arbi


Ed-Derqâoui), située sur la place de Sidi El-Qàiraouani; les

fidèles viennent y réciter les cinq prières de la journée ; elle


jouit de quelques habous et possède uneécole qoranique.

2» Zàouïa El-Harràqiya, occupée également par des Der-


CASABLANCA — LES INDIGÈNES 63

qaoua; elle est située dans la rue du Consulat d'Angle-


terre. Comme la précédente elle possède une école et quel-
ques habous: de plus elle constitue un lieu de horm
réputé.

3" Zàouïa des Qâdiriya, dont le patron est Moulay 'Abu


1

El-Qâder El-Djîlâni; elle est située dans la rue du Con-


sulat d'Angleterre un y tait les cinq prières quotidiennes
:

et le prône du vendredi elle possède des biens habous et


;

constitue un horm.

\" Zàouïa des Kittâniya, située dans la rue Centrale

Zanqat El-Oustaniya) elle ne possède ni horm ni ha-


;

bous; ses adeptes s'} réunissent pour réciter le ouerd.

5° Zâouia des Nâçiriya, située dans la rue du même


nom :elle possède un horm et des habous; on y tait les

cinq prières quotidiennes.

6" Zàouïa des Tidjâniya, située dans la rue des Nâçi-


riya elle possède un horm et l'on y fait les cinq prières;
;

les adeptes s'y réunissent la nuit pour la récitation de leur


hi^b.

7° et 8° Zàouïas des llamùdcha Sidi 'Ali ben Hamdoûch,


enterré à Zarhoûn) et des 'Aïsaoua Sidi Mohammed ben
Aïsa. enterré à Méknès , situées en face l'une de l'autre
dans la rue de Fes. Les membres de ces deux confréries
ont lladra dans leurs Zàouïas respectives dans la nuit du
vendredi au samedi; ils s'y livrent aux danses et chants
du Les jours de tète musulmane ils font un pèleri-
rituel.
nage à Sidi Bellioût, bannières déployées, en accompli
de loin en loin leurs excentricités habituelles; les llamâd-
cha se frappent la tète avec des hachettes. A la sortie de
Bàb Es-Soùq et chemin faisant, dans la direction de Sidi
1

fi.j. i
\.\m.ANCA KT LES CHÀOUÏA

Bellioût, lesAïsaoua reçoivent deux ou trois moutons, que


lus la Confrérie leur jettent vivants!
indigènes étrangers à
du haut des remparts; ils les dévorent sur-le-champ, après
les avoir dépecés avec les doigts.

A côté des confréries des Derqaoua, des Qâdiriya, des


Kittàniva, des Nâçiriya, des Tidjâniya, des Hamâdcha et

des 'Aïsaoua il faut Guenaoua. Cette confrérie


citer les

comprend des nègres qui passent pour avoir des relations


avec les génies, ou Djenoûn elle ne possède ni Zâouïa ni
;

lieu de pèlerinage propre. Les adeptes se réunissent dans


la Zerîba (i), quartier particulier situé près de la Porte de

Marrakech, dans la rue des Guenaoua. Outre les hommes


de couleur la Zerîba réunit d'autres indigènes sans dis-
tinction de sexe. Ces derniers ne s'affilient à la Confré-
rie que lorsqu'ils se prétendent possédés des démons. A

cette occasion le possédé se rend à la Zerîba ou reçoit la


visite des nègres Guenaoua. On égorge un bouc ou des
poulets, qu'on met ensuite à bouillir sans sel; les esprits ne
mangent que des mets non assaisonnés et ont horreur des
autres; une partie du bouillon sert à asperger les murs et le
sol comme exorcisme quant à la viande, elle est mangée
;

par tous les assistants, y compris le possédé. La séance est


précédée de danses au son de la grosse caisse ( Tebbal El-Gue-
naoua) et des castagnettes de fer (qrâqab,au sing. qarqaba).

Les Saints. Sidi Bellioût. — ^j^S!i\y\ ^^ patron de la ville. Son tom-


beau se trouve en dehors des remparts. « Le patron de
Casablanca, aujourd'hui si vénéré, était presque inconnu
au milieu du siècle dernier. Son sanctuaire, qui n'était
alors qu'une pauvre maisonnette, était gardé par un nom-
mé Bel-Miknàsi qui s'en était fait le Moqaddem. Vers 88 1

(i) Dans la plupart des villes du Maroc, les groupements de nègres ha-
bitent un quartier spécial composé de noudïl, cabanes de roseaux, appelé
Zeribat el Guenaoua: enclos des Guenaoua, de zaraba, entourer.
CASABLANCA — LES INDIGENES 65

seulement on put recueillir une somme assez importante


pour faire construire la Qoubba actuelle. On raconte que
Sidi Bellioût était Regragui et qu'il s'appelait Ahmed ;

la légende donne le don d'ubiquité. Des pèlerins de


lui

Fès avant de partir pour la Mekke vinrent une fois lui


demander sa bénédiction. Quelle ne fut pas leur stupé-
faction, en arrivant dans la ville sainte, d'y retrouver
Sidi Bellioût, qu'ils avaient laissé si loin! L'eau qui tombe
à Casablanca et en particulier dans la Qoubba de Sidi Bel-
lioût jouit de propriétés merveilleuses; quiconque en a bu
reviendra fatalement à DarEl-Baïdà, quand bien même la
destinée l'aurait entraîné aux confins du monde. Sidi Bel-
lioût possédait aussi le don de fasciner les animaux. Il se
promenait entouré de lions, d'où son nom de Sidi Bellioût,
qui n'est autre que l'altération de l'arabe régulier «Aboûl-
Louvoùt» c'est-à-dire «l'homme aux lions » (Doutté, Mar-
rakech, pp. 14- 1 5).
Les indigènes prononcent nettement le nom du saint
personnage comme s'il se terminait par la lettre i> (Belliôt)

et non la lettre ^> (Bellioùth) ;


mais il s'écrit avec la

lettre 1>, ce qui corrobore la version citée par M. Doutté.


Le don d'ubiquité reconnu à Sidi Bellioût par des pèle-
rins de Fès lui valut dans cette ville et dans la région une
grande notoriété et beaucoup de visites de pèlerins.
Aussi les gens de Fès lui avaient-ils construit une mos-
quée appelée Djâma El-Houdjadj, la mosquée des pèle-
rins, dont il ne reste plus aujourd'hui que quelques ves-
tiges à peine visibles.
De son vivant, Sidi Bellioût aimait à se retirer dans une
forêt, oùtrouve aujourd'hui son tombeau, près d'une
se
source appelée Aïn Mâzi, dont le peuple a fait Ain Madi.

Sidi 'Allai El-Qairaouâni. —


C'est l'ancien patron de Ca-
sablanca. Son tombeau se trouve sur la place qui porte
son nom on vient y faire les cinq prières quotidiennes, à
;

VILLES ET TRIBIS. — T. 5
66 CASABI \M'\ ET LES CHA0U1A

l'exclusion des autres des habous sont affectés au sanc-


;

tuaire qui est un horm respecté on y trouve une école qo-


;

ranique pour les petits enfants.


D'après la tradition, Sidi 'Allai serait venu de Qairouan
chez les Chàouïa vers l'an i35o, lors de la reprise d'Anfa
par le Sultan Mérinide Aboul-Hasan Ali, enterré à Chella.
On ne sait rien de précis sur la vie de Sidi Allai et on

ne connaît pas la date de sa mort. Sa qoubba a été cons-

truite moins d'un siècle sur l'emplacement d'un


il y a
simple haouch qui recouvrait son tombeau. On ignore
aussi la date de la construction de la mosquée de Sidi
'Allai El-Qairaouâni.
Sidi Fâtah, dans la rue des Kheddama. Le sanctuaire ne
possède ni habous, ni horm, ni école.
Lalla Tadja. —
Le mausolée de cette sainte est contigu
au Consulat d'Allemagne; comme le précédent il ne pos-
sède ni habous, ni horm, ni école. Il est ouvert quelque-
fois la nuit, mais pas le jour.
Sidi Moubârek Moûl El-Kharrouba, à l'intérieur de
Zanqat El-Hammâm il ne possède pas de habous. On y
;

remarque un cimetière où l'on enterre encore.


Sidi Moubârek Ed-Driouich, près de Zanqat El-Farràn.
11 ne lui est point affecté de habous.
Sidi Doit Smara, situé dans la rue du même nom. Il n'y
a ni habous, ni école, ni horm.

Coutumes Chaque année des réjouissances publiques s'organi-


w
articulières. sent du er
au 10 de Moharrem. On voit des balan-
i

çoires et des chevaux de bois installés sur les places,


pour la plus grande joie des enfants. Le g du même mois
toutes les familles font une provision de fruits secs (fa-
qia) : noix, amandes, raisins, etc. La nuit suivante, entre
le 9 et le 10, on allume un petit brasier dans chaque mai-
son, et toutes les personnes de la maison tournent autour,
en frappant un tambourin (larîdja), dont elles sont toutes
CASABLANCA — LES INDIGÈNES ( "-

munies. Quelques unes sautent par-dessus le brasier. Les


familles qui possèdent encore des lanières de viande séchée
au soleil (qaddid) et provenant des animaux égorgés à l"Aïd
El-kebir les font rôtir sur le brasier; chaque membre de
en manger un peu la part des enfants à la
la famille doit ;

mamelle est remise à la nourrice, qui la mange elle-même


pour porter bonheur au nourrisson. Quant aux fruits, on
les distribue aux assistants.
Le 10 Moharrem les femmes visitent les cimetières et les
tombeaux des saints: elles revêtent pour la circonstance
leurs pius beaux habits.
Une coutume assez curieuse veut que le dernier jour
de r.Vi'd EI-Kebîr, les habitants d'une même maison s'as-
pergent entre eux en se lançant le contenu d'un récipient
d'eau.
Le i3 janvier, i" Julienne (nhâr
janvier de l'année
el-hagouq), on prépare, dans toutes les familles, un
le soir,
plat de kouskous ou un autre plat, dans la composition
duquel on fait entrer sept sortes de légumes frais en ;

général des fèves, des pois chiches. des navets, des pommes
de terre, des choux, des carottes et des lentilles. Cette
pratique symbolise l'espoir d'une année fertile et abon-
dante.
Le jour d'El-'Ançera ï^^Jl/-^. hommes et femmes vont
se baigner dans la mer: ceux qui ne peuvent sortir se
baignent chez eux. Les femmes préparent pour leurs
maris ou leurs amants un philtre qui inspire ou fait durer
l'amour: il se mélange aux aliments ou a la boisson du jour.
Les trois grandes fêtes musulmanes. Mouloûd, 'Aïd EI-
Kebîr et 'Aïd Eç-Çaghir. n'offrent à Casablanca aucune
particularité digne d'être signalée.

Pèlerinage. — Autrefois la fête de Sidi Bellioùt était


célébrée en grande pompe et réunissait pendant sept jours
tous les cavaliers des Ghàouïa. Depuis une vingtaine
68 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

d'années, c'est-à-dire à dater de l'anarchie générale, les

indigènes étrangers à la ville s'abstiennent et la fête garde


un caractère local.
Tous les tombeaux de saints sont des lieux de pèleri-
nage. Les fidèles s'y rendent en général les jours de tète,
mais sans date fixe pour aucun.
Indépendamment de ces pèlerinages locaux, les fidèles
vont parfois faire une visite à la Zâouïa de Boûl-Dja'd, dans
leTadla, et au tombeau de Moulay Boû 'Azza, dans le
Djebel Zayân le mousem dure sept jours.
;

Le pèlerinage à la Mekke n'offre rien de particulier : il

a lieu pendant le mois de Dhoùl-Hidjdja.

Rapports avec les centres musulmans extérieurs. —


Les Zâouïas du Maroc conservent des rapports entre elles,
d'une région à l'autre, au moins en souvenir des com-
munautés d'origine. C'est le cas pour les confréries de
Casablanca. Elles entretiennent des relations assez suivies
avec celles des tribus les visites aux Zàouïas les plus en
:

renom, comme celle de Boùl-Dja'd, contribuent à main-


tenir une certaine solidarité par contact. .

Des dépendances existent aussi dans certains cas. Ainsi


les Nâçiriya de Casablanca reconnaissent l'autorité des

Chaikhsde Tamegrout; les Cherqaoua, celle de la Zâouïa de


Boùl-Dja'd; les 'Aïsaoua, celle des descendants de Sidi
Mohammed ben 'A.'sa à Meknès les Hamàdcha celle de ;

Zarhoùn. Les Tidjania se réclament de la Zâouïa mère, de


Fès. Quant aux Kittânyin ils sont dévoués à la famille des
Kittânyin de Fès. Ces derniers ont des adhérents partout et
jouissent d'une haute influence ils n'avaient pas craint de
;

se mettre ouvertement en révolte contre Moulay Hafid,mais


sans succès. Incarcéré à Fès, le Cheikh Mohammed El-Kebîr
K.l-Kitlâni mourut des mauvais traitements qu'on lui fit

endurer, et laZâouïa de Casablanca fut fermée, comme


les autres Zâouïas des Kittânyin dans tout le Maroc.
CASABLANCA — LES INDIGÈNES 69

Les indigènes de Casablanca se montrent stimulés par Mouvement


l'activitédébordante qui se manifeste autour d'eux. Lespro- d'idées.
priétaires d'immeubles commencent à restaurer leurs mai-
sons un peu à l'européenne ils les rehaussent d'un étage, et
;

construisent des magasins appropriés aux besoins du com-


merce moderne. Ceux qui édifient de nouveaux immeubles
s'inspirent des plans et de la façon de faire des Européens.
Les indigènes de la classe pauvre usent couramment
comme moyen de transport, des voitures publiques, auto-
mobiles ou à traction animale, et les gens plus aisés des
voitures de place et des automobiles de location.
Ces modes de locomotion sont très appréciés des indi-
gènes. Quelques propriétaires ruraux possèdent des voi-
tures particulières, qu'ils conduisent eux-mêmes.
Quoique les spéculations immobilières, qui ont atteint à
Casablanca des proportions extraordinaires, n'aient pas
profité particulièrement aux indigènes, elles leur ont
apporté cependant des disponibilités d'argent qu'ils igno-
raient auparavant, en modifiant profondément le genre
d'existence de beaucoup.
On ne peut pas dire évidemment qu'il en résulte à pro-
prement parler une tendance au progrès. C'est plutôt un
entraînement automatique lié à l'intensité de la vie am-
biante créée à Casablanca par la poussée formidable des
affaires, et pardéveloppement presque instantané d'in
le

térêts considérables basés sur la plus-value du sol.


Il serait sans doute exagéré de dire que les indigènes de

Casablanca voient avec plaisir les Européens occuper leur


ville; mais, d'autre part, leur intérêt à eux-mêmes est main-
tenant solidaire du développement de la ville j et, tout en
regrettant peut-être la ne peuvent faire autrement
cause, ils

que de souhaiter le développement des effets, dont ils se


rendent bien compte qu'ils tireront eux-mêmes profit (i).

(1) D'après le Commandant Dessigni et M. Neigel.


7° i
AS \ 1:1 V.l'N F.I LES ( H \011A

Administraiion Les rouages administratifs antérieurs au Protectorat


des indigènes. dépendaient du Pacha, et de l'Amin chargé des fonctions
île Mohtaseb. C'est lui qui avait la charge des corporations

d'artisans et de commerçants. La création de services mu-


nicipaux en a ruiné l'organisation.
11 n'existe pas à proprement parler de lois ni de règle-

ments sur l'indigénat à Casablanca. Un régime spécial se


trouve cependant appliqué aux indigènes du Protectorat:
il est défini par une circulaire de la Résidence générale du

8 janvier 191 3.
Toutes les contraventions et les délits n'entraînant pas-
une peine supérieure à un an de prison et une amende
de plus de mille pesetas sont jugés par le tribunal du Pacha
(ou par le Qaïd dans les tribus), sous le contrôle des auto-
rités locales françaises.
Quant aux crimes, contraventions et délits entraînant
une peine supérieure à un an de prison et une amende de plus
de mille pesetas, ils sont jugés par le Sultan, sous le Con-
trôle du Résident Général, sur le vu d'un rapport d'en-
quête motivé, établi par les autorités locales et adressé
au grand vizir, par l'intermédiaire du secrétaire général
du gouvernement chériflen.
Les questions immobilières entre indigènes ou entre in-

digènes et Européens sont de la compétence du qâdhi.


Jusqu'à ces derniers temps, les appels des jugements des
qâdhis en matièreimmobilièredevaient êtreinterjetés devant
! Dar iïn-Nirâba de Tanger, conformément à l'article 2 de
!

la Convention de Madrid et à l'article 5o de l'Acte d'Algésiras.


Une décision chérifienne a modifié cet état de choses.
Les appels en matière immobilière ont été interjetés devant
le ministre des Affaires étrangères du Sultan conformément

à de la Convention de .Madrid. Mais, l'installation


la lettre

à Casablanca, le i5 octobre q 3 d'un tribunal civil et 1 1 ,

d'une justice de paix entraînera un jour ou l'autre une


transformation de ce régime.
CASABLANCA — LES INDIGENES J>

Le tribunal se compose d'un president.de deux juges


suppléants, d'un juge d'instruction et d'un procureur. 1.1

devra juger au Civil.au Commercial, au Correctionnel et


au Criminel, avec, suivant le cas, des assesseurs européens,
ou indigènes européens. La justice de paix doit compren-
et

dre un juge
deux suppléants.
et
L'appel des jugements rendus par le Tribunal de Casa-
blanca, pourra être interjeté devant la Cour de Rabat.

L'instruction publique indigène se donne dans les écoles Instruction


qoraniques installées dans les Zâouïas ou auprès des mos- publique.
quées, et dans la Médersa; on a déjà vu où se trouvent ces
divers établissements. D'autres établissements sont ouverts
à la fois aux Européens et aux indigènes.
Une école primaire est installée au Camp, près du quar-
tier général ; elle comprend douze six pour
classes, dont
les garçons et les autres pour les filles elle est fréquen- ;

tée par plus de 5oo élèves. Deux écoles primaires mixtes se


trouvent, l'une au Camp des Sénégalais avec 180 élèves, et
l'autre dans le Quartier neuf, rue de la Liberté, avec quatre
classes et 23o élèves.
Une école maternelle, sise rue des Oulàd-Harîz, compte
60 élèves.
Le nombre total des élèves fréquentant ces divers éta-
blissements dépassait 1.450 le i5 octobre 191 3.
Il faut citer encore l'École de l'Alliance Israélite dont le

siège est sur la Place centrale pour les garçons, et dans


la rue d'Eç-Çalib El-Ahmar (rue de la Croix-Rouge, pour
les filles.

Avant l'occupation française les indigènes étaient en ma- Impôts.


tière d'impôts, comme dans toutes les villes de Nâïba, sou-
mis à tous les caprices des Qaïds.
Ils devaient acquitter des taxes de toutes sortes et le

Qaïd ne se faisait point scrupule de profiter des cire


72 CASABLANCA ET LES CHAOUIA

tances les plus diverses pour pressurer ses administrés : la

farda un prétexte commode pour arra-


était entre autres
cher sans cesse de l'argent aux contribuables. L'arbi-
traire régnait en maître absolu. On prélevait une taxe
sur les filles de mauvaise conduite. Tout homme dont la
richesse apparente excitait des convoitises se voyait empri-
sonné au moindre écart de conduite et ne recouvrait la

liberté qu'au prix d'un rachat onéreux.

Les impôts à verser par les contribuables comprennent :

la taxe sur les marchés, le droit des portes, la taxe urbaine


et une taxe spéciale ces deux derniers impôts sont régis
;

par les articles 61 et 66 de la Conférence d'Algésiras.

Droits de Marché (1).

Bœufs P. H., payée par moitié par l'acheteur et le vendeur


: i ;

Moutons o, P. H., 25 e payés par moitié par l'acheteur et le vendeur;


:

Chameaux, mulets 5 p. ioo du prix de vente, payés par moitié par


:

l'acheteur et le vendeur;
Poulains, ânes : 5 p. ioo du prix de vente, payés par moitié par
l'acheteur et le vendeur;
Peaux de tous animaux : le droit consacré par l'usage dans chaque
localité, payé par moitié par l'acheteur vendeur et le ;

Tapis, draps, vêtements et toutes étoffes neuves vendues 5 p. îoo :

du prix de vente, payés par moitié par l'acheteur et le vendeur;


Même étoffes et objets vendus à la criée sur la voie publique :

10 p. ioo du prix de vente, payés par moitié par l'acheteur et le ven-


deur;
Œufs (le cent) : 2 P. II.;
Henné, fruits frais, sauf le raisin ; fruits secs, 10 p. 100 du prix de
vente (2);

(1) Pour les impôts en général, cf. Revue du Monde Musulman, dé-
cembre 1912. Vol. XXI. «Les Protectorats et les Revenus Marocains», p. 74
à 85.
(2) D'après le règlement de 1896. Les étrangers et les protégés sont
CASABLANCA — LES INDIGÈNES j3

Raisins frais P. H. le chouari (i : i |.

Denrées ou marchandises non indiquées ci-dessus, exposées et mises


en vente sur les marchés ou la voie publique 1/2 peseta hasani par :

mètre carré.
La perception de ces taxes est, provisoirement, faite en régie; elles
on! produit,pendant l'année 1908, la somme de 60. 858 pesatas ha-
sani; en 1909: S6. 047 pesetas hasani; en 1910: 108.474 pesetas ha-
sani.
« Cette recette a donc toujours été en augmentation, par suite des
aménagements qui ont été apportés aux marchés et aussi en raison du
calme et de la sécurité qui n'ont cessé de régner dans les tribus des
Chàouïa, et qui permettent aux indigènes de circuler librement pour
faire leur commerce.
« également perçu à Casablanca un droit de portes (hafer) pour
Il est
toutes les denrées et marchandises ci-après, qui entrent ou sortent de
la ville.

« Ce droit, auquel sont assujettis les étrangers, les protégés et les


associés agricoles, conformément à la Convention de Madrid du
3 juillet 1880, du règlement du 3o mars 1S81 et du règlement de 1896,
est ainsi fixé :

a) A l'entrée de la ville :

Marchandises de toutes sortes et produits de la campagne, sauf


celles énoncées aux paragraphes 2 et 3 ci-après: par charge de cha-


meau: 4 billiouns; par charge de cheva' ou mulet: 2 billiouns; par
charge d'âne : 1 billioun.
2° Céréales, quelles qu'elles soient, jonc, bois et charbon : par charge
de chameau : 2 billiouns: par charge de cheval ou mulet: 1 billioun;
par charge d'âne : 1 2 billioun ;

3° Alfa, paille de palmier nain, fruits frais et légumes: par charge de


chameau : 3/4 de billioun, par charge de cheval ou mulet 1/2 billioun;
:

par charge d'àne :


1/4 de billioun.
La paille, l'herbe et les racines de palmier pour les fours de la ville

ne paient aucun droit à l'entrée.

A la sortie de la ville
b) :

Marchandises de toutes sortes : par charge de chameau : 6 billiouns;


par charge de cheval ou mulet : 4 billiouns ; par charge d'àne : 2 bil-

liouns.

exempts des impôts sur le cuir tanné, les haïks, les babouches, les légumes,
les poutres et le charbon de bois.
(1) Cet impôt n'est pas prévu par les règlements
approuvés par les conven-
tions diplomatiques.
74 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Les grains destinés aux ensemencements ne paient aucun droit à la

sortie:
« Pendant l'année 1908 le produit du hafer s'est élevé à la somme de
77.334 pesetas hasani; en 1909, il a été de 132.629 pesetas hasani, et
en 1910 de 189.315 pesetas hasani. Les frais de la perception, qui est
faite en ont été de 11.000 pesetas hasani en 1908, de 17.978 pe-
régie,
setas hasani en 1909 et de 19.987 pesetas hasani en 1910, soit respec-
tivement pour les trois années ci-dessus un produit net de 66.334 pe-
setas hasani, 114.641 pesetas hasani et 169.328 pesetas hasani.
« Pour les mêmes raisons que pour les marchés, le produit du hafer
s'est également toujours maintenu en progression. »
L'ADMINISTRATION

L'administration de Casablanca était semblable à celle Le Makhzen.


de toutes du Maroc elle comprenait et comprend
les villes :

encore au point de vue administratif: un qaïd que l'on


'

appelle par courtoisie dmel ou pacha ; un khalifa lieute-


nant du qaïd); un mechaouri huissier introducteur des :

mokhâspiiya, soldats chargés d'exécuter les ordres. Au point


de vue judiciaire, un qddhi et ses 'adoul, avec les 'aouns,
sortes d'huissiers audienciers, l'amîn du bit el-mâl ou
aboul-maouârit, chargé de recueillir les droits de succes-
sion et qui est en même temps ouqil el-ghouvydb. repré-
sentants des absents aux successions etadministrateurs des
successions vacantes. Le mohtaseb, déchu à Casablanca
comme partout de ses anciennes fonctions, qui consistaient
en toute chose à « ordonner le bien et à défendre le mal »,
n'est plus chargé que de fixer la mercuriale de
viande la
et du pain, de surveiller les poids et mesures, et d'admi-

nistrer les corps de métiers. Un nadir a l'administra-


tion des biens habous et un amîn el-moustafâd perçoit
les marché et tous les meks; il est également
droits de
conservateur des Biens domaniaux dont il était le gérant
avant l'intervention de l'administration du Contrôle de la
Dette.
76 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

Comme tous les ports, Casablanca possède trois oinnanâ


des douanes chargés de la perception des droits d'importa-
tion et d'exportation ;
ils opèrent aujourd'hui avec le con-
cours et sous la surveillance des agents du Contrôle de la

Dette. Vamln el-mostafâd leur versait autrefois le mon-


tant de ses recettes dont ils étaient responsables vis-à-vis
du Sultan. Ces fonds sont aujourd'hui versés directement
à l'administration du Contrôle de la Dette.
Un khalifa du Sidlan, envoyé avec quelques troupes
pour réprimer un soulèvement des Châouïa, est entré à
Casablanca au moment des événements de 1907; il y était
resté depuis pour entretenir au nom du Sultan des rela-
tions avec le commandant des troupes de débarquement.
On l'avait ensuite maintenu. Le dernier titulaire, Sidi
Mohammed El-Mrâni, mort l'année dernière, n'a pas été
remplacé.

Régime Pendant longtemps le Maroc a été partagé pour la France


consulaire, en deux circonscriptions consulaires Tanger et Mogador. :

Casablanca, alors simple agence consulaire, faisait partie


de lapremière circonscription, qui comprenait toute la
partie du Maroc située au nord de l'oued Tensift. Plus tard
l'agence consulaire de Casablanca fut érigée en agence de
vice-consulat, puis en vice-consulat. Casablanca et Rabat
ont été administrées par un seul agent pendant plusieurs
années. Enfin, le consulat de Casablanca, créé il y a une
vingtaine d'années, a été pourvu un peu plus tard d'une
juridiction consulaire qui s'étendait de l'embouchure de
l'oued Cherrat au cap Cantin. Elle comprenait par consé-
quent les Châouïa et les Doukkàla. Le vice-consulat de

Mazagan relevait du Consulat de Casablanca.


Le régime des capitulations et l'exterritorialité qui en
résultepour tous les Français habitant le Maroc, donnent
aux fonctions consulaires dans le Levant et dans la Bar-
barie des attributions administratives et même judiciaires.
CASABLANCA — L ADMINISTRATION 77

Pourvue d'une juridiction, Casablanca devint le siège


d'un tribunal consulaire français présidé par le consul.
Le régime de la protection augmentait les administrés du
consulat de tous les protégés français et des associés agri-
coles des Français de la région. Afin d'empêcher dans la
mesure du possible l'ingérence des consuls dans l'admi-
nistration du pays et de diminuer L'efficacité de leur inter-
vention, le gouvernement marocain chargeait généralement
du gouvernement des ports, un qaïd dont l'autorité dépas-
sait à peine les murs de la ville. Chaque tribu a son qaïd

particulier. Les consuls n'étant accrédités qu'auprès des


qaïds de la ville de leur résidence, se trouvaient sans au-
cune communication directe avec les qaïds des tribus. Ils
devaient, pour les réclamations qui leur étaient faites
relativement aux agissements de ces qaïds ruraux, s'adres-
ser au qaïd de la ville qui transmettait leurs réclamations.
Les qaïds des tribus, administrativement indépendants du
qaïd de la ville, ne tenaient forcément aucun compte de

leurs observations et le qaïd de la ville pouvait ainsi op-


poser aux consuls un perpétuel non possumus. La consé-
quence naturelle de cet état de choses a été l'obligation où
se sont trouvés le plus souvent les commerçants européens
de traiter leurs affaires directement avec les qaïds de la

campagne.
Tout cela s'est le débarquement
transformé aussitôt
des troupes françaises, en Le service de la police
kjvj.
municipale a été confié à un commissaire de police détaché
au Consulat de France, quoique les services militaires mu-
nicipaux et la police municipale de la ville de Casablanca
et de sa banlieue immédiate relevassent comme autorité du
général de division commandant les troupes débarquées
au Maroc. Depuis, l'établissement du Protectorat a modifié
les attributions consulaires.
;s CASABLANCA LT LES CHA0U1A

Contrôle Un premier emprunt, dès 1904, avait engagé 60 p. 100


de la Dette- du revenu des douanes marocaines. A Casablanca comme
Douanes. dans les autres ports, un agent de la Dette recueillait tous
les soirs la part revenant aux porteurs de Titres sur les re-

venus de la journée. Cette perception n'étant accompagnée


d'aucun contrôle, les anciens errements des oumana maro-
cains pouvaient encore subsister.
En 1910, un deuxième emprunt absorba comme garantie
i° les 40 p. 100 disponibles des revenus des douanes: 2" les

produits du monopole du tabac et du kif ;


Meks (droits
3 U les

des portes, droits de marché )


;
4" les revenus des biens doma-
niaux dans un ravon de dix kilomètres autour des ports;
5° unepart de la taxe urbaine 6" en cas d'insuffisance toutes
;

les ressources de l'Empire et spécialement la vente des biens

domaniaux. Peu après, de simples percepteurs qu'ils étaient


d'abord, les agents du Contrôle de la Dette dans les douanes
devinrent de véritables contrôleurs, et le produit des douanes
augmenta de ce fait dans des proportions considérables.
L'Administration du Contrôle de la Dette est représentée
à Casablanca par des contrôleurs placés auprès desOumanà,
pour les revenus des douanes, et auprès de l'Amîn el-Mous-
tafàd pour la gestion des Biens Domaniaux. Un fonction-
naire supérieur du Contrôle de laDette à Tanger détaché à
Casablanca v centralisait les services. Cette sous-direction
a aujourd'hui son siège à Rabat.
Depuis le i5 mai nji3 les services de l'aconage et du
magasinage, qui ne pouvaient constituer des gages d'em-
prunts, sont assurés par les soins du Protectorat.
En 1912 le commerce total s'est élevé à 63.266. 1 32 francs,
soit 40. 1 «S 1 .781 à l'importation et 2-3. 084.338 à l'exportation,
en augmentation sur 191 1 de 2i.35o.oy5, dont 18. 017. 812 à
l'importation et 3.332.263 à l'exportation.
La même année les recettes douanières ont été:
A l'importation, de 4.216. 140 fr. 44.
A l'exportation, de 4.353.876 fr. 5g.
CASABLAN'CA — L ADMINISTRATION 7'.'

Depuis plus de vingt ans, la France, l'Angleterre, l'Es- Postes


pagne et l'Allemagne ont des bureaux de poste à Casa- européennes.
blanca.
En février 1912, le makhzen reprit un projet ébauché par
Moulay El-Hasan peu avant sa mort et fonda un service
postal marocain, sous le nom de Poste chérifienne. Avant
l'établissement du Protectorat, cette poste faisait le service
de Tanger à Fès et de Fès à Rabat et à Casablanca; elle éta-
blit ensuite des bureaux à El-Qçar, Arbàoua, au poste du

Sebou, à l'Arbâa de Sidi Aïsa (Gharb), etc., etc. Depuis le


i
or octobre 191 3, il n'y a plus de « poste française » au
Maroc, sauf à Tanger et dans la zone espagnole. Elle est
remplacée par la poste chérilienne à côté de laquelle sub-
sistent une poste allemande, une poste anglaise et une poste
espagnole. Par contre, depuis la même date, les timbres ché-
rïfiens sont supprimés et remplacés par des timbres français,
sauf dans la zone internationale et dans la zone espagnole,
OÙ les timbres chéritiens sont maintenus.
La poste chérilienne de Casablanca envoie ses courriers
à Rabat par chemin de fer; à Mazagan et sur la côte par
piétons raqqâç) ; à Marrakech et à Settat par automobiles.
Dos bureaux militaires sont ouverts à Mechra bcn Abbou,
au camp du Boucheron, au camp Boulhaut, à Qaçbat Ben
Ahmed et à Qaçbat Ber-Rechîd. De Rabat à Fès, les courriers
prennent le chemin de fer militaire, par Qenitra. Quand
le terminus était encore à Dar Bel-Hamri, ils continuaient

par raqqàç sur Mékinès et Fès.


De Dar Bel-Hamri d'autres rakkas allaient à Sidi Qâsem
Moul'Héri (Petit-Jean), Bel-Qcîri (Sebou), Arba' de Sidi
'Aïsa, Gharb, etc.. et revenaient en sens inverse de
Tanger.

C'est à Casablanca que fut établi, en octobre 1907, le Télégraphes.


premier poste de télégraphie sans til du Maroc. Deux py-
lônes de 5o mètres se dressaient à 5oo mètres de l'enceinte,
8o CASABLANCA ET LES CHAOI IA

en dehors du « Sour El-Djedid ». L'entreprise était per-


sonnelle à M. Popp, seul devant les difficultés d'ordre
;

diplomatique qui contrecarraient ses projets, il chercha en


vain à constituer une société internationale et finit fin jan-

vier 1908 par vendre son affaire au Sultan, en en conser-


vant la Direction.
L'administration des Télégraphes chéiifiens était ratta-
chée au ministère des Finances du Maroc. Le service fut
ouvert au public le 14 février 1908. Le mot coûtait alors
o fr. 5o, prix qui descendit à o fr. 25 à partir du r jan- r

vier 1913. Les difficultés de transmission par fil dans la


zone espagnole imposèrent ensuite une taxe triple, o fr. y5
par mot.
A la fin de 1908, M. Popp avait racheté pour le compte
du gouvernement marocain, tous les fils établis par le génie
militaire dans le pays des Châouïa. Aujourd'hui, la com-
munication est établie entre Casablanca, Rabat et Fès, par
.Mékinès d'une part ;

Casablanca, Sidi Qâsem (Petit-Jean), Bel-Qcîri et le Sebou


i;Had Oulâd Djeloùl) de l'autre.
Le service télégraphique n'employait que quatre télégra-
phistes en 1908. Il en compte aujourd'hui plus de vingt. Dans
le courant de 1914,1e service des télégraphes chérifiens a été
rattaché aux postes chérifiennes d'administration française,
et le petit tronçon qui permettait de rejoindre par fil
Tanger à la zone française a été terminé dans la zone
espagnole.

Organisation En même temps que l'organisation des régions, un arrêté


municipale résidentiel du 4 mai 1913 a modifié les organisations mu-
et consulaire, nicipales et consulaires.
Casablanca est devenu le centre d'une circonscription
administrative et d'une circonscription consulaire.
La circonscription consulaire comprend l'ancienne juri-
;

CASABLANCA — L ADMINISTRATION 8 1

diction du consulat de Casablanca, les Châouïa et le Tadla,


le vice-consulat de Mazagan et les Doukkâla.
Chef de l'administration municipale, le consul de France
a pour adjoint un officier des renseignements.
Conformément au statut municipal pour les villes du lit-
toral, institué par Dhâhir du 2 avril 191 3 B. O. n° 33), Ca-
sablanca est doté d'une commission municipale créée par
arrêté viziriel du 18 avril igi3.
Cette commission se compose :

i° Du Pacha ou qâïd de la ville en qualité de prési-


dent;
2" Du consul de France, administrateur, chef des services
municipaux, vice-président :

3" D'un agent de contrôle de la Dette;

4 De l'agent local de la Direction générale des services


financiers, faisant foncti m de receveur municipal ;

5" De l'agent local de la direction générale des Travaux


publics chargé des travaux de la ville;
6" De l'agent local du service d'hygiène et de la Santé
publique;
7 Du premier vice-président de la Chambre de com-
merce;
8° Du Mohtaseb;
9 De l'Amin El-Moustafâd
10" De huit notables français, six notables musulmans
et deux notables Israélites.
La commission municipale délibère sur toutes les ma-
tières qui du jour fixé par le président.
figurent à l'ordre
Les délibérations sont rendues exécutoires par arrêté du
grand vizir.
Le Pacha président esl chargé de l'administration de la
ville. Le grand vizir peut déléguer, temporairement ou

définitivement, tout ou partie des attributions du Pacha


président, au vice-président. Ces délégations sont trans-
crites sur le registre spécial des arrêtés. Les arrêtés, deci-
VILLES FT TPIF11 S. I. 6
82 CASABLANCA ET LES CHAOl'ÏA

sions et autres actes du Pacha, ne sont exécutoires qu'après


avoir été contresignés par le vice-président ou par son
délégué.
Le président est chargé, sous le contrôle de la Commis-
sion municipale, de :

i
" conserver et d'administrer les biens de la ville ;

2° passer les contrats intéressant la ville;


3° surveiller le fonctionnement des services municipaux;
4° représenter la commune en justice;
5" préparer, proposer et exécuter lebudget; de liquider
et ordonnancer les dépenses et d'établir les comptes;
6° exécuter les délibérations de la Commission municipale.
La police municipale, mise à la disposition du président
ou de son délégué, a pour mission d'assurer le bon ordre,
la sûreté et la salubrité publiques.
La
police municipale, qui était dirigée à Casablanca par
un fonctionnaire civil, chef des Services municipaux, l'est
depuis quelques mois (juin 914) par un officier supérieur.1

Il exerce ses attributions sous le contrôle du Consul de

France, devenu le représentant local du gouvernement du


Protectorat.

Taxe La taxe urbaine est une création de la Conférence d'Algé-


Urbaine. siras article 61 ) ; elle est perçue sur les constructions et sert

à accroître les ressources du Makhzen; mais, une partie de


rendement est affectée à la voirie et à l'hygiène muni-
cipale ainsi qu'aux dépenses d'entretien et d'amélioration
de la ville. La taxe est due par le propriétaire marocain
ou étrange! sans distinction. Le taux en est fixé d'un
commun accord entre le gouvernement chérifien et le
corps diplomatique de Tanger il en est de même des ;

:S de perception et d'application, comme aussi de l'éta-


blissement de la quotité affectée aux dépenses d'améliora-
tion et d'entretien de la ville. A Casablanca cette quotité est

tixécà8p. 100 de la valeur locative.


INCA — L ADMINISTRATION 83

L'article 66 do l'Acte d'Algésiras a établi une autre taxe


spéciale dont voici la teneur : « A titre temporaire, les

marchandises d'origine étrangère seront frappées à leur


entrée au Marne d'une taxe spéciale s'elevant à 2 12 p. [00
ad valorem. Le produit intégral de celte taxe tonnera un
fonds spécial qui sera affecté aux dépenses et à l'exécution
de travaux publics destinés au développement de la navi-
gation et du commerce en général dans l'Empire Chéri-
tien. Les fonds de !a caisse spéciale seront déposés à la

Banque d'Etat du Maroc, qui en tiendra la comptabilité.»

Budget municipal de Casablanca en 1912 et ;

Recettes : 168.539 fr. o3


Dépenses : 204.924 fr. 44
1913 Recettes : 100.1 : :

cr
(jusqu'au i octobre) Dépenses : 240.465 fr. 70

Par arrêté résidentiel du 4 mai 191 3, la Direction du Ser- Affaires


vice des Renseignements du Maroc occidental, qui se trou- indigènes
vait à Casablanca, a été supprimée et transférée à la rési- et

dence générale à Rabat. Il a été créé auprès du général Contrôle civil.

commandant à Casablanca un Bureau de Renseignements


de 1" classe.
A Casablanca, réside également le commandant de la
Région des Chàouïa, assisté d'un chef d'Etat-Major et d'un
chef de Bureau régional des Renseignements. La Région des
Chàouïa comprend les cercles de Ber-Rechîd et de Settat et
l'annexe d'El-Boroûdj. Réglementé par des Instructions du
résident général, en date du ig août 1912, le régime des
Régions s'étend à tout le Maroc français, oriental et occi-
dental.Au point de vue militaire les régions dépendent du
général commandant les troupes d'occupation. La direction
politique appartient exclusivement au général commandant
en chef. Résident général.
84 CASABLANCA I. I LES CHAOIIA

Par arrêté du 22 mars 1913, le territoire des tribus des


Zenata, Mediouna, Oulâd Ziyàn et Oulàd Harîz a été cons-
titué en Région civile. Un contrôleur en chef est placé à
la tête deux contrôleurs, sous ses
de cette circonscription ;

ordres, sont chargés respectivement i° Des tribus des Ze- :

nata, Mediouna et Oulâd Ziyân, qui forment l'annexe de


Casablanca-Banlieue; 2°Des Oulâd Harîz, qui forment l'an-
nexe de Ber-Rechîd. Ces contrôleurs résident à Casablanca,
sauf celui des Oulâd Harîz, qui réside à Ber-Rechîd.

Un autre arrêté du 26 juillet 1914 a rattaché au terri-


toire civil des Châouïa la ville de Settat, les tribus des
Mzamza, Oulâd Bou Ziri, Oulâd Sidi ben Dâoud, Guedana
etOulâd Saïd; le Centre de ben Ahmed et les tribus des
M'zab et A'châch. Enfin, par arrêté du 12 septembre, l'an-
nexe d'El-Boroûdj a été également rattachée à Settat.

Écoles. Avant l'occupation française, l'enseignement public n'était


représenté à Casablanca, en dehors des écoles qoraniques,
que par les écoles des Pères Franciscains espagnols et par
l'Alliance Israélite. Les Israélites avaient seuls une véri-
table organisation scolaire. En 1908, leur école de garçons
comprenait 3oo élèves et leur école de filles 100.
L'occupation fut bientôt suivie de l'ouverture d'une école
française de garçons, créée avec succès par M. Blaché,
instituteur d'une autre école française mixte tenue par
Mme Peterman, et d'une école franco-arabe de garçons.
Puis, on organisa des cours secondaires pour garçons (jus-
qu'à la 3 mc classique) dans des abris de fortune, en atten-
dant la construction d'un collège. Une école de jeunes filles
dirigée par des religieuses franciscaines françaises s'était
également fondée de suite.

Sans attendre les solutions définitives, le Résident géné-


ral prescrivit, dès le mois d'août 1912, la construction à
CASABLANCA — 1. ADMINISTRATION 85

Casablanca de trois grands baraquements, destinés à rece-


voir les enfants des colonies françaises et étrangères. Puis,
en octobre, il procéda à la création d'un service d-e l'Ensei-
gnement pour donner satisfaction immédiate aux besoins
lesplus urgents et préparer un programme de développe-
ments ultérieurs, en tenant compte du mouvement d'im-
migration et des demandes de plusieurs collectivités indi-
gènes, désireuses qu'on mît leurs enfants à même d'ap-
prendre la langue française et de recevoir une éducation
professionnelle.
Les bâtiments destinés au « groupe scolaire », ont été
terminés en juillet 191 3. Après avoir reçu à la rentrée de
l'année scolaire 1912-1913, 450 élèves, les écoles françaises
étaient en mesure d'en recevoir de 3. 000 à 3.5oo, à la ren-

trée de 191 3-1914.

Une enquête faite au mois d'octobre 191 3 aboutit à la


construction de nouveaux baraquements pour loger dans
de meilleures conditions les enfants de l'école française
mixte et séparer les services avec le concours d'une direc-
trice.

Le r janvier 1914, 35o enfants des deux sexes trouvaient


r

abridans ce groupe scolaire improvisé. Le succès ne tarda


pas à dépasser toutes Quand le Résident
les espérances.
général put venir, inaugurer ces bâtiments,
le 19 février,
il eut l'heureuse surprise de se trouver en présence de
925 élèves. Le 3o avril, le mouvement d'accroissement ne
s'était pas ralenti, et plus de onze cents enfants étaient

inscrits sur le registre de présence. A la fin du mois de juin,


lors de la distribution des prix, on en comptait quatorze
cents.
Il devenait nécessaire de préparer pour la rentrée d'oc-
tobre une organisation plus complète pour donner satisfac-
tion aux besoins d'une population européennedont l'accrois-
sement dépassait toute prévision.
CASABLANCA ET LES OIlÀOUÏA

On décida que les élèves désireux de suivre les cours


secondaires seraient seuls maintenus dans les locaux de
l'avenue du Gànêral-d'Amade, agrandis et aménagés pour
contenir les classes principales d'un lycée de garçons et
une école secondaire de jeunes filles. Près de six cents
élèves des deux sexes sont déjà réunis dans cet établisse-
ment.
Son enseignement est orienté de manière à donner satisfac-
tion aux parents qui désirent pour leurs enfants l'éducation
générale des lycées de France et à ceux qui préfèrent un en-
seignement primaire supérieur. Enfin, des dispositions sont
prises pour qu'une troisième section constitue une véritable
école d'arabe et de berbère, préparatoire à l'École supé-
rieure de Rabat.
La clientèle des institutions primaires élémentaires se
répartit entre un certain nombre d'écoles de quartiers,
rapidement aménagées, concours des autorités
soit avec le

militaires, soit avec l'aide de généreux donateurs, soit


enfin en utilisant des terrains ou des édifices makhzen :
école Gauthier, école de la rue des Oulàd-Harîz, écoles
du Camp (filles et garçons), écoles de la rue de la Liberté
(filles et garçons), école des Roches-Noires. En tout, trente
classes nouvelles. Plus de dix-huit cents élèves de six à
treizeou quatorze ans, en majorité français, peuvent rece-
éléments de l'instruction. Leur nom-
voir ainsi les premiers
bre augmente à tel point que l'on peut en prévoir deux mille
à deux mille cinq cents avant le or janvier g 5. i i 1

L'insuffisance de ces installations est évidente. Il faudrait


des bâtiments en pierre, du matériel et de nombreux maîtres.
Indépendamment d'une école secondaire et d'une école mo-
derne, à construire en 1914, on envisageait dès le com-
mencement de l'année la construction d'un Lycée. Cela se
conçoit, puisque le 3i mars 1914, les écoles françaises de
Casablanca comptaient 2.198 élèves, les écoles franco-
arabes,
CASABLANCA — 1. ADMIN1STHATK N 87

Casablanca n'avait pas d'hôpital avant l'occupation. Hôpitaux.


Après le débarquement on installa des hôpitaux militaires
de campagne dans l'enceinte du Soûr EI-Djadîd, avant de
construire l'hôpital militaire, qui a été créé à proximité
de la mer et pourvu de tous les perfectionnements mo-
dernes.
Un dispensaire avec hôpital français, placé sous la direc-

tion d'un médecin militaire, a été d'autre part installé par


les soins du Consulat de France, et le docteur H. de Roth-
schild v a fondé une infirmerie de huit lits pour ses core-
ligionnaires. Enfin la construction d'un hôpital civil près
du camp espagnol figure dans les dépenses prévues sur les
fonds de l'emprunt de 1914.
En attendant, le Protectorat a fait édifier sur les terrains
de l'hôpital militaire trois pavillons destinés à recevoir les

malades de la ville, l'ne salle spéciale, de douze lits, est


affectée aux accouchements.
Au point de vue de l'hygiène publique, le conseil sani-
taire fonctionne sous la présidence d'un membre du corps
consulaire remplacé chaque semestre. Le médecin du Dis-
pensaire français est attaché à ce Conseil. Il existe en outre
un bureau d'hygiène, présidé par Consul de France et
le

dont les membres sont le médecin


: du Dispensaire, le
Directeur du service de santé militaire, un Délégué du
Makhzen et un notable indigène.

Un conseil de guerre, siégeant à Casablanca, connaît des Justice.


crimes, délits ou fautes disciplinaires, commis par des mili-
taires et deceux ayant pour auteurs des indigènes habitant
relevant de Casablanca.
les territoires

\'n tribunal civil de première instance et une justice de


paix, ont été récemment créés par le gouvernement fran-
çais. Les tribunaux consulaires des différentes nationalités
subsistent.
88 CASABLANCA ET LES CHA0L1A

Service topo- Le service topographique de l'armée mérite une men-


graphique. tion spéciale. En débarquant, nos troupes n'avaient que
des cartes insuffisantes, malgré tous les progrès réalisés, de-
puis la première esquisse d'une carte au 5oo.ooo°, préparée
dès 1891 au Dépôt de la Guerre, sur l'initiative de M. A. Le
.

Chatelier.
Réunissant les données dont il disposait, le service géo-
graphique de l'armée avait publié en janvier 1908 une
carte provisoire au 200.000 e qui rendit les plus grands
services. On établit ensuite une petite carte d'ensemble au
5oo.ooo u et une carte des étapes.
La création d'un Bureau topographique central à Casa-
blanca, pour coordonner les itinéraires et les reconnais-
sances des colonnes expéditionnaires, a permis d'aborder
l'exécution d'un levé au ioo.ooo '.
1

Dès juillet 1909, le service géographique livrait les pre-


mières feuilles en trois couleurs, d'une carte avant pour
cadre l'Oued Oumm Er-Rebî', le méridien 10" et le parallèle
36°. La cartographie du Maroc se poursuit avec activité.

Casablanca a été dotée en 1909 d'une station météorolo-


gique dont les observations sont télégraphiées chaque jour
à Alger pour la centralisation de l'Afrique du Nord.
MOUVEMENT ÉCONOMIQUE

Casablanca est devenue, naturellement, la capitale éco- Le Port.


nomique du Maroc atlantique, et le grand entrepôt du
commerce français. Le commerce du port, qui était de
ioà i5 millions avant l'occupation, a atteint 24 millions
dès 1910, pour passer à 42 millions en 191 1 et à 63 mil-
lions en 1912, année où, malgré l'insuffisance des pluies,
l'exportation des céréales a représenté près de 1 1 millions.
L'expansion de la ville a été immédiate dès le lendemain
de l'occupation, et la création de son Port en fera le ter-

minus littoral de la voie de jonction avec l'Algérie.


L'adjudication des travaux du Porta été faite le 23 mars
191 3 à MM.Schneider et O
et à la Compagnie Marocaine

solidairement. Ils comportent la création d'un petit port


intérieur et de deux grandes jetées appelées à protéger le
grand port.
Le petit port intérieur, avec quais et terre-pleins, est limité
d'un côté, par une jetée Ouest, dite Épi, déjà achevée, qui
mesure 220 mètres, et prend naissance sur la grande jetée du
large, en face des dernières maisons de la ville, du côté du
Jardin public de l'autre côté, par une jetée Est de 3yo mè-
;

tres, qui se rattacheau terre-plein nouvellement créé de Sidi-

Belioùth, et dont la construction est en cours d'exécution.


90 CASABLANCA ET LES CHA0U1A

On a mis à profit les deux anfractuosités ménagées par


la nature dans le plateau de roches à fleur d'eau, qui cons-

titue devant la ville une série de brise-lames naturels, sur


une largeur de 400 à 5oo mètres. Elles sont utilisées, grâce
au calme relatif de la mer, pour les opérations de débarque-
ment.

--°A_ CASA_B.L AN-'C


"''"*. '
A
,
- Table d'Oukacha \

.-*"'
Promoni': » ,'

'

Bureau topographique du Maroc occidental.

Le port intérieur constitue un abri suffisant pour les

petits bateaux, le matériel d'aconage, le matériel de l'en-


treprise et les besoinsimmédiats du commerce.
Le grand port sera constitué par deux grandes jetées :

l'une, en construction, Nord-Ouest, sur laquelle


la jetée

s'enracine l'Épi, et qui se développera du côté du large par


1.900 mètres de longeur; l'autre, dite jetée transversale,
mesurant i.55o mètres, part de la plage en face de la gare de
Rabat et ménagera une passe de 25o mètres, à la rencontre
de la première. Le port compris entre les deux jetées mesu-
rera 140 hectares. Même par basse mer, son mouillage aura
de 10 à 18 mètres de profondeur sur une grande étendue.
CASABLANCA — MOUVEMENT ECONOME gi

Des engins de quai, des docks, des magasins en cons-


truction doivent compléter ces travaux. Le chantier des
blocs artificiels, dont l'emplacement est conquis sur la mer,
mesure à lui seul près de 9 hectares et est protégé par une
digue de 800 mètres. Il est prévu pour contenir à la fois
1.700 blocs de 5o et 100 tonnes chacun.
L'usine génératrice d'électricité peut fournir i.25o che-
vaux. Elle assure l'éclairage des chantiers pendant le tra-
vail de nuit, et actionne la plupart des engins puissants
mis en œuvre pour l'édification du Port.
Deux bardeurs de 5o et 110 tonnes, pour le transport
des blocs, trois titans, dont deux de 110 tonnes (l'un mû
électriquement) et un ponton-màture de 5o tonnes, sont
employés à la construction des jetées.
Deux carrières fournissent de la pierre. La première,
située à 3 kilomètres E. de Casablanca, près des Roches-
Noires, comprend les installations d'extraction et de prépa-
ration du sable provenant du broyage de roches calcaires,
avec pelle à vapeur, excavateur, etc.
L'autre, à 8 kilomètres à l'ouest, non loin du Champ
d'Aviation, sur le plateau de Maarif, fournit aux chantiers
la pierre dure cassée nécessaire à la fabrication du béton.
sur le pied de près de i.5oo tonnes par jour, et des moel-
lons pour les maçonneries, à raison d'environ 400 tonnes
quotidiennement.
Tous les chantiers sont reliés par des voies ferrées que
parcourent des trains de plus en plus nombreux, au fur et
à mesure du développement des travaux qui occupent en
permanence deux mille ouvriers.

En 1907, toute la ville était comprise dans les limites de Terrains et


son enceinte fortifiée. Mais elle comprenait déjà de nom- Constructions.
breuses maisons construites à l'européenne, et voisinant
dans certains quartiers aveedes Nouâla, cabanes de roseaux,
ou des gourbis aux toits de chaume posés sur des murs en
<|_ CASABLANCA ET LES CHA0U1A

pisé. Depuis l'occupation, la ville a considérablement dé-


bordé ses murs de trois côtés. Elle se développe avec une
rapidité surprenante. Au point de vue de l'activité fiévreuse,
de l'àpreté dans la lutte et de l'épanouissement subit, on
pourrait presque comparer la nouvelle cité aux villes amé-
ricaines du Far- West. Le signal de ce mouvement a été

donné par la construction du héri, grand entrepôt pour les

marchandises des caravanes.


Aucun plan d'ensemble n'avait d'abord présidé aux cons-
tructions; les maisons s'élevaient.au hasard selon le caprice
des propriétaires. La contusion qui en résultait, a provo-
qué l'élaboration d'un plan d'extension, approuvé par les
services municipaux. La ville nouvelle, dont les rues sont
tracées, doit s'étendre vers le fort Provost, sensiblement
au sud-est.
Sur les grandes artères, le prix des terrains oscillait en
191 3, dans la partie la plus rapprochée de la vieille ville,
entre 5o et 100 francs le mètre carré. Autour des remparts,
le mètre se payait de i5o à 25o francs en atteignant jus-

qu'à 400 francs. La valeur du terrain dans la ville indigène,


dans l'ancienne ville, est presque aussi élevée.
Deux grands boulevards sont en voie de construction :

Le boulevard Circulaire, qui, partant de la gare, doit


décrire un demi-cercle pour rejoindre la route de Mazagan,
et le boulevard de l'Horloge qui part de la grande porte. La

tour surmontée d'une horloge, qui s'élève au delà de la


porte, a donné son nom à cette nouvelle artère, qui doit
contourner le cimetière de Sidi-Belioûth; elle est parallèle à
la plage et à l'avenue du Général- Drude. Le mètre s'est
pavé jusqu'à 400 francs en bordure de ce nouveau boule-
vard.
Le nombre des constructions qui s'élèvent de tous côtés,
jusqu'à trois kilomètres des remparts, n'a pas encore in-
flué sur le prix des loyers, dont le taux est très élevé. Le
petits logements se louent couramment i5o francs par mois;
CASABLANCA — MOUVEMENT ÉCONOMIQUE o3

et quelques pièces, jusqu'à 5oo francs et au-dessus. La spé-


culation sévit en effet avec intensité, et l'afflux des nou-
veaux arrivants rend probables des prix encore plus éle-

vés.

Les matériaux de construction se trouvent en grande


partie sur place : calcaire gréseux, qui durcit à l'air, pierre
à chaux, sable, etc. La pierre de taille brute, vaut 40 francs
le mètre cube et lemoellon à pied-d'œuvre 4 francs.
Les autres matériaux, en grande partie importes, se
paient :

Sable de mer lavé à l'eau douce . . . . 5 l'r. » le mètre cube


Gravier 7
Pierre cassée 5
Briques pleines et à 3 ou 6 trous . 60 à 65 fr. » le mille
Madriers de sapin rouge o,23 x 0,073. . 1 fr. 80 le m. courant
— 0,75 x 0,075. . o 90 —
Chevrons 0,70 x 0,075. . o 62 —
Planches 0,18 x 0,04 . . 3 l'r. le m. carré
— 0,22 x 0,02,7 . 2 75 —
Carreaux et carrelages en ciment . . . 16 le cent.

La main-d'œuvre, assurée notamment par de nombreux


ouvriers italiens, est chère : la journée de maçon coûte en
movenne 10 francs; le salaire des charpentiers varie de 12 à
i5 francs. Dans l'ensemble cependant, la construction est

moins coûteuse qu'à Rabat ou à Tanger.

Casablanca est devenu le siège de nombreuses banques et Banques et

agences financières. Parmi les plus importantes, on compte : sociétés.


I
s Agences de la Banque d'État du Marne et celle de la
Compagnie Algérienne et du Crédit foncier et agricole
d'Algérie et de Tunisie, succursales des agences Je Tan-
ger; la Société marocaine de travaux,:1a Société immobi-
i.| CASABLANCA ET LES CHA0U1A

Hère du Maroc, la Société financière marocaine, la Com-


pagnie générale du Maroc, etc.
On peut citer également la Société d'Etudes et de
:

Commerce au Maroc, dont le siège est à Marseille; l'agence


de la Compagnie Marocaine, dont la Direction générale
est à Paris et qui a été déclarée coadjudicataire du futur
grand port de Casablanca. C'est la même société qui avait
obtenu, avant la conférence d'Algésiras, la concession du
petit port-abri de Casablanca, dont les travaux furent le
prétexte des massacres de juillet 1907. Ce petit port qui de-
vait coûter environ deux millions n'a pas été terminé, les
projets primitifs, objet de la concession, avant été modifiés
parla suite.
L'industrie européenne se développe. En 1912, le seul
établissement important était celui qu'avait fondé le doc-
teur Veyre. Il comprenait une distillerie d'eau de mer,
une fabrique de glace artificielle, une usine électrique, une
scierie mécanique et une minoterie, bien adaptée aux condi-
tions locales. Le blé indigène est souvent plein d'impuretés :

d'orge, de Zoual (millet), graviers, etc. La minoterie en


nettoyait 200 sacs par jour.
Cet établissement a été racheté par la Société anonyme
S. U. M. I. C. A. {Société Universelle de Mines, Industrie,
Commerce et Agriculture). A citer également avant 1914
une fabrique de pâtes alimentaires; l'Imprimerie Rapide
et une teinturerie. Depuis sont nées les industries énumé-
ur
rées dans le tableau ci-contre, qui s'arrête au i semestre
191 |.

Industrie Dans l'ordre social il y a lieu de mentionner, comme


indigène. organisations collectives, la Société française de Bien-
faisance, la Société des amis des arbres, le Comité de

Défense des intérêts de Casablanca, le Syndicat Com-


mercial.
CASABLANCA — MOUVEMENT ECONOMIQUE 95

RAISON SOCIALE SIÈGE CiPl ru smi D'EmoruTioii

1.700 000 Minoterie, fabrique de


glace.
AvenueduG&l-Drude 1.800 terie.

Fabrique des Roches-Noires. Rcches-Noircs 1.500 000 Matériaux deconstruc-


tions, cliaux et ciment.
Comptoir métallurgique . .
oco Entrepôt de machines.

Usine Magnier et C'* EI-Hank 800 000 Briqueterie.

Près iiu Camp 500 000 Briqueterie.


d'aviation
Prés de la rue de 500 prise générale de
l'Horloge travaux publics.
Usine de Mers Sultan Quartier Fcrnau 300 000 Entreprise générale de
bâtiments e't charpente
Magasins généraux, docks et
entrepots du Maroc 300 000 Entrepôt de marchan-
dises.
Usine Franco-Marocaine . . . Quartier Fcrnau 350 000 Biscuiterie.

000 Fabrique mécanique


d'agglomérés et ci-
ments.
: La Casaraba Koute J'Aîn Séba 000 Fabrique de chaux et
ciments.

Les indigènes de Casablanca fabriquent des tapis et des


tissus de lained'une qualité inférieure à celle de Rabat. L'in-
fériorité de cette fabrication provient principalement de
l'emploi de teintures chimiques pour les laines, au lieu de
teintures végétales : le même défaut commence d'ailleurs à se
remarquer depuis quelques années dans la fabrication des
tapis de Rabat. De plus, le tissu des tapis de Casablanca est
moins serré. L'industrie de la laine n'en occupe pas moins
un grand nombre de familles. Lavée, peignée et filée, la
laine est ensuite teinte, puis séchée, et enfin tissée par les
femmes sur des métiers de bois primitifs.
On trouve également quelques selliers et fabricants de bâts,
musulmans et juifs; des cordonniers et quelques brodeurs
CASABLANCA F.T LES CIIÀOIÏA

juifs qui brodent en soie ou en or les étoffes et les cuirs

destinés aux babouches d'intérieur pour femmes (Char-


bil). Des ouvriers juifs fabriquent des bijoux indigènes en or
et en argent; il v a aussi un assez grand nombre de fer-
blantiers juifs.
Il ne faut pas oublier les charpentiers indigènes musul-
mans, employés par le service de l'aconage à la fabrication
des grandes barcasses du port. Tous
marocains
les ports
avaient autrefois des chantiers de construction pour les
barcasses et leurs ouvriers savaient fabriquer le genre de
barcasses nécessité par les difficultés particulières de l'aco-
nage local.
Dans le Mellâh, il existe quelques pressoirs primitifs
(mâacera) servant à préparer pour l'exportation les rayons
de cire apportés par les indigènes de la campagne. Quand
ce miel a été exprimé au pressoir, on fond la cire dont les
impuretés remontent à la surface, puis on la coule en
pains ronds et plats (goursat). La falsification à la stéa-
rine est assez usuelle pour motiver une importation de stéa-
rine en vue de cet usage.

Commerce. Il faut distinguer le commerce entre indigènes et le com-


merce (>ntre Européens ou entre indigènes et Européens.
Le commerce indigène se fait dans les boutiques ou les
fondaqs, et sur les souqs, dans le marché aux grains
Raliba). Il est le même que celui de toutes les villes de la
côte cl n'offre aucune particularité. Les épiciers indigènes
[baqqâl) sont pour la plupart, comme sur toute la côte et
à Tanger, originaires du Sous on peut les comparer aux
:

mozabites d'Algérie.
Le commerce français d'alimentation de luxe, comprend
des charcutierset des pâtissiers. Le prix de la vie alimen-

taire diminue progressivement à Casablanca, grâce à la


concurrence des autres ports marocains. Les cafés, débits et

guinguettes pullulent. L'industrie hôtelière, représentée


,

CASABLANCA — MOUVEMENT ÉCONOMIQUE >)J

par une quinzaine d'hôtels, sans compter les auberges et


restaurants, est très prospère et a peine à satisfaire à des
demandes de jour en jour plus nombreuses. Une chambre
d'hôtel se pave jusqu'à dix francs et souvent il faut la rete-
nir d'avance.

Casablanca doit son im portance économique à sa situation Activité

au point de raccordement des grandes voies commerciales, économique


vers le nord et vers le sud. Son port dessert un hinter-
land déjà très riche au point de vue agricole et appelé
au plus grand avenir, le territoire des Châouïa et celui du
Tadla.
Le commerce total de Casablanca qui, avant l'occupation
française, ne dépassait guère une dizaine de millions, a
atteint en 19 12 le chiffre de 63 millions, dont 29.200.000 fr.
soit 46 p. 100 pour la France. De 1907 a 1912, le commerce
de l'Angleterre a passé de 2.400.000 francs à 15.900.000
et celui de l'Allemagne de 2 millions à 8.200.000 francs.
Les produits de toute nature exportés par Casablanca,
dans l'intérieur, comprennent beurre, fromages, lait con-
:

centré, graisse, huile d'olive et de coton, vinaigre, viandes


salées, eaux minérales, légumes, vins, bière, savon, sucre,
café, thé, les épices, la bougie, le pétrole, la farine, les

semoules, etc., etc., les bois de construction, les meubles, la

quincaillerie, les articles de ménage, etc., etc.


Les importations de l'intérieur, dans la ville, se compo-
sent de blé, orge, fèves, pois chiches, alpiste, coriandre, fenu-
grec, graine de lin, peaux, laine, bétail, cire, œufs, volailles,
os, etc.
Les sucres, farines, semoules et les boissons proviennent
en presque totalité de France. Les tissus de coton, les
bougies, le thé viennent d'Angleterre où s'expédie d'autre
part la plus grande partie des céréales.
La monnaie française est de plus en plus employée dans
les transactions; la monnaie marocaine, ou hasani, dont le
MLLES ET TRIBIS. — I.
7
gS CASABLANCA ET LES C11A0U1A

change csi variable et qui perd actuellement 25 p. ioo


environ sur la monnaie française (juin 1914), est employée
pour toutes les transactions avec les indigènes, ainsi que
pour l'achat du tabac et des timbres-poste. Les droits de
douane sont également acquittés en monnaie hasani, il
en sera de même pour l'impôt du tertib lorsqu'il sera ap-
pliqué aux Européens.

Exportations.

En 1906, les principaux produits exportés par Casablanca


se répartissaient par nationalités comme ordre d'impor-
tance, ainsi que le montre le tableau suivant :

Pois chiches .... Espagne, France, Angleterre, Portugal.


Graine de lin. . . . Angleterre, Allemagne, France, Espagne.
Œufs Angleterre, Espagne.
Laines brûles et lavées. Allemagne, Angleterre, France.
Fèves Angleterre, Espagne, France, Portugal.
Peaux de moutons. . Allemagne. France, Espagne, Angleterre.
— de bœufs . . . Espagne, France, Allemagne.
— de chèvres . . France, États-Unis.
Maïs Espagne, Angleterre, Portugal.
Fenugrec Allemagne, Angleterre, France, Portugal.
Cire Allemagne, France, Angleterre.
Coriandre Allemagne, Angleterre, France.
Alpiste Allemagne, Angleterre.
Céréales Angleterre, Allemagne, France.

Importations.

La même comparaison donne pour les importations les

résultats suivants :

Sucre France, Belgique, Autriche.


Cotonnades .... Angleterre, France, Espagne, Allemagne.
Thé Angleterre, Allemagne, France.
Quincaillerie .... Angleterre, Allemagne. France, Belgique.
Bougies Angleterre, Belgique. France.
Epices Angleterre, France.
Fer Belgique, Allemagne, Angleterre, France.
Draps Allemagne, Angleterre, France.
CASABLANCA — MOUVEMENT ECONOMIQUE QQ

En 1906 les exportations de Casablanca s'étaient élevées


à 7./55. 181 francs :

France 3.883.325 francs.


Angleterre 1.341. 52 1 —
Allemagne 1.653. 711 —
Italie 3g5.3i7 —
Espagne 501.431 —
Le surplus à divers.

La même année les importations atteignaient :

9.840.408 francs.

France 5.676.998 francs.


Angleterre 3 .2 1 1 .38i —
Allemagne 414.951 —
Espagne 297.610 —
Belgique 91.089 —
Italie 89.407 —
Le surplus à divers.

Des modifications considérables sont survenues depuis


upation française. En 1912, la France seule a une
part de près de 3o millions dans le commerce général de
la place.

L'importation porte sur beaucoup d'articles nouveaux :

automobiles, machines agricoles,


etc. L'exportation, de son

s'est développée pour les marchandises ou déniées


dont le Makhzen prohibait ou suspendait la sortie, comme
les céréales, lesbœufs. les boyaux, etc.
Les échanges par caravanes, entre Casablanca et les
tribus des Chàouïa Tadla, se sont aussi beaucoup dévelop-
pés. Les caravanes apportent les produits indigènes dans
les grands entrepôts européens qui jalonnent particulière-

ment la route de Mediouna', el remportent dans l'intérieur


les produits ou objets manufacturés d'Europe.

Indépendamment de l'amélioration des i utes. Casablanca


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Tapis
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Peaux

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CASABLANCA — MOUVEMENT ECONOMIQUE 101

est en relations quotidiennes avec Rabat, par un petit


chemin de de o m. 60 qui fait le trajet
fer militaire à voie
en huit heures. Un autre (voie de même nature) assure
les transports militaires sur les postes de Ber-Rechîd et de
Settat. Les voitures à traction animale et les automobiles
mettent Casablanca en relations continuelles avec l'inté-
rieur ou avec les autres localités de la côte, Mazagan, Fe-
dhala, etc. Le voyage de Marrakech, en automobile, s'ac-
complit en une journée.
Il y a également une circulation très active entre Casa-
blanca et la ville de Boul-Dja'd en Tadla, qui vend aux in-
digènes des tissus de laine de fabrication locale, fort

estimés.
Chambre de Commerce. — Un arrêté résidentiel du
1 1 juillet iqi3 a institué des Chambres de Commerce, d'In-
dustrie et d'Agriculture, dont la création contribua aux
progrès si rapides de la colonisation.
RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS

Recensement de 191a.
En 1912 la population de Casablanca s'élevait à 47.000 âmes; elle
atteint le chiffre 5g. i58 en 1914 d'après le recensement du Service des
renseignements.

Français 12.000
Espagnols 4.000
Italiens 3.5oo
Anglais et Maltais 3oo
Allemands 1 56
Grecs i3o
Portugais 40
Belges 12

Divers 20
Indigènes musulmans 3o.ooo
— Israélites 9.000
5g.i 58
Fonctionnaires marocains.
Un pacha et son khalifa; le qâdhi et ses "adoul ; le mohtaseb; le nadir;
l'amîn cl-moustafâd; l'oukil du Bit el-Mâl ; les oumanà de la Douane.

Corps consulaire.
Consulat de France. — 1 consul; 1 consul suppléant; 4 élèves
vice-consuls; 1 interprète.
Consulat d'Angleterre. — 1 consul ; 1 vice-consul ; 1 vice-consul
honoraire; i secrétaire-interprète.
CASABLANCA — RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS loi

Consulat d'Espagne. — i consul: i chancelier; i greffier.


i vice-consul honoraire de Suède.
i consul d'Italie.

i vice-consul de Belgique.
i vice-consul honoraire de Hollande.
i consul général de Portugal.
i vice-consul honoraire de Danemark.

Contrôle de la Dette.
Douanes. — Personnel français : i inspecteur des Douanes; 2 contrô-
leurs; 2 contrôleurs-adjoints; 10 vérificateurs et vérificateurs-adjoints;
1 lieutenant des douanes: 1 brigadier; 5 sous-brigadiers; i3 commis;
8 interprètes et 40 préposés; 3 encaisseurs;
mokhazni. 1

Personnel indigène: 4 oumanâ; 3 'adoul; caissier et 2 aides-cais- 1

siers: ii tolba;6 peseurs; 5 compteurs; chef gardien, sous-chef et 1 1

5o préposés.
Service de surveillance des douanes: lieutenant des douanes; 1

1 brigadier, 1 sous-brigadier, 2 préposés chefs; 2 matelois-chefs.


Personnel indigène : 12 cavaliers; 4 fantassins; 8 marins.
Domaines. —
Un contrôleur; 2 commis; faqih. 1

Aconage.
1 inspecteur chef de service; 2 chefs de bureau; 2 sous-chefs; 1 ré-
dacteur; 9 contrôleurs et du personnel subalterne.

Taxe urbaine.
Commission de recensement : 3 notables européens ; 3 notables sup-
pléants; 3 notables indigènes ; 1 délégué du Conseil sanitaire; 1 con-
trôleur du Makhzen; contrôleur de 1 la Banque d'État.
Bureau : directeur chérifien
1 ; 1 membre du corps consulaire ;

1 officier des renseignements chet de bureau.

Travaux publics.
1 sous-ingénieur des ponts et chaussées chef de service; 3 conduc-
teurs des ponts et chaussées; 3 commis principaux; 1 conducteur adjoint.

Administration des télégraphes chérifiens.


1 receveur; 1 chef de poste ; 1 mécanicien; 3 employés; 3 télégra-
phistes; personnel subalterne.

Postes.
Poste Française (aujourd'hui chérifienne) : 1 receveur; 2 commis;
personnel subalterne.
104 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Poste Anglaise : Le consul, receveur.


Poste Espagnole : i receveur, i commis auxiliaire.

Monopole des tabacs.


L"n entreposeur.

Commissariat de police.

L'n commissaire central ayant sous ses ordres :

Deux commissaires de police d'arrondissement.


Le Service de sûreté.
Le Service anthropométrique.
Le commissaire aux délégations judiciaires.
Un interprète auxiliaire.

Enseignement public.
Cours secondaire français; i directeur; 3 professeurs.
Groupe scolaire.
École franco-arabe.
École de l'Alliance Israélite. Un directeur et une directrice; 2 profes-
seurs.
École de la Mission catholique espagnole.
École de filles tenue par des Espagnoles.

Service de santé.
Un dispensaire et un hôpital français;
Deux médecins et plusieurs infirmiers.

Cultes.
Catholique : cinq franciscains dont 2 français.
Protestant :un aumônier.
Israélite : un rabbin et plusieurs officiants.

Armée (Mémoire).

Recettes et dépenses municipales.


Pendant l'exercice 1912, les seules recettes municipales de Casablanca
ont été les suivantes :

Taxes d'égorgcment des animaux . . . 44.000 P. H.


Fourrière publique 1.200 —
Amendes infligées aux indigènes. . . . i5.ooo —
Taxes sur les fêtes de nuit des indigènes . 4.500 —
Total . . 64.700 P. H.
CASABLANCA — RENSEIGNEMENTS ADMINISTRATIFS Iû5

Des taxes sont également perçues pour la visite sanitaire des filles
soumises, mais le produit en est absorbé par un dispensaire et par le
service médical; il est d'ailleurs insuffisant pour couvrir ces dépenses.
La moitié de la taxe urbaine (produisant) doit être affectée aux be-
soins de l'hygiène et dela voirie de la ville; aucune perception n'a en-

core été faite sur revenu par les services municipaux.


le

Les dépenses ordinaires occasionnées parle fonctionnement normal


des services municipaux, frais de bureaux, personnel, voirie, éclairage,
etc., se sont élevées pour 1912 à2oo.ooo P. H. Elles sont donc d'environ
P. H. supérieures aux recettes (1914).

Communication avec l'Europe.


i° Casablanca-Marseille et Marseille-Casablanca : Compagnie de
Navigation Paquet et Cie.
2" Casablanca-Bordeaux Compagnie Transatlantique.
:

3* Casablanca-Oran Compagnie Paquet; Compagnie Transatlan-


:

tique; Compagnie Mazella.


4' langer-Casablanca: Compagnie Paquet; Compagnie Transatlan-
tique et Compagnie Mazella.
5° Casablanca, Ma\agan, Safi, Mogador : Compagnie Paquet The ;

Royal Steam Packet and C° Servizio Italo-Spagnuolo Vapores Cor-


; ;

reo de Africa.
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LES CHAOUIA
LES CHAOUIA

FORMATION ETHNIQUE

La région occupée par les tribus Châouïa faisait ancien- Le Territoire.


nement partie du territoire plus vaste de la Tamesna. Cette
dernière contrée s'étendait le long de la cùte et dans l'inté-

rieur, du Bou Regrag à l'Oum Er-Rebî' du côté du sud-est.


;

ses limites imprécises atteignaient vraisemblablement les


premiers contreforts de l'Atlas.
L'appellation de Tamesna se retrouve encore, bien que
rarement, chez les auteurs marocains récents ; elle n'est
plus employée dans le langage courant. Elle avait donné-
lieu à l'ethnique El-Mesndoui, usuelle dans l'histoire des
derniers siècles. Les habitants qui occupent de nos jours
l'ancienne Tamesna, n'en portent plus individuellement le
nom ethnique. On ne dit plus El-Mesndoui, l'homme ori-
ginaire de la Tamesna. On dit au contraire Ech-Châoui,
l'homme issu des tribus Châouïa, pour la région qu'elles
occupent.

Depuis la conquête, le mot Châouïa est devenu dans le Les habitants.


langage courant un nom de territoire, en se francisant
comme féminin singulier. Nous disons couramment « la
I IO CASABLANCA ET LES CHAOUA

Châôuïa », suivant en cela l'expression des Portugais qui,


au seizième siècle, appelaient la province Enxouia.
Pour les Marocains, au contraire, « Chàouïa », pluriel de
« Châoui » désigne les habitants du pays. Châoiti est
dérivé de chat, brebis, mais VIstiqçâ semble élargir l'idée
du troupeau de moutons, aux bœufs et aux chameaux (i).
Par Châouïa, il faut entendre, comme signification origi-
nelle, les « Possesseurs de troupeaux », les « Pasteurs »,
ou peut-être simplement les « Pâtres ». Le terme a pris
ensuite la valeur d'un nom ethnique.
A en une explication locale, les indigènes durent
croire
autrefois évacuer le pays pendant une famine. Ils emme-
nèrent chacun une brebis, en se disant les uns aux autres:
Chat ou Hiyâ (L*j SU), « Une brebis et venez ». Ils se

rendirent ainsi dans les plaines du Gharb, dont les habi-


tants leur donnèrent le nom de Chàouïa.
Endiscutant l'étvmologie, M. Doutté (2) rappelle que
la dénomination de Châouïa s'applique à d'autres popu-
lations de l'Afrique du Nord. Au Maroc même, il v a
les Châouïa du Sous: en Algérie, dans la province d'Oran,

les Châouïa des larrâr, ceux des Douaïr Flitta de l'Hillil,


1

et des Oulad Sidi Bou Cha'ïb de Remchi dans la province ;

d'Alger, les Châouïa des Béni Menna, de la commune


mixte de Ténès et surtout, dans le sud de la province de
;

Gmstantine, les Châouïa de l'Aurès.


Dans son ouvrage sur les Migrations des tribus algé-
riennes, Carette a montré que les populations qu'on
désigne dans l'Afrique du Nord sous le nom de Châouïa,
sont un mélange de Zenâta et de Howâra. On sait que ces
derniers, après avoir été longtemps cantonnés à la limite
Je l'Ifrikiya et du pays de Tripoli, se sont répandus dans
mte l'Afrique du Nord. Il n'existe peut-être pas dans toute
ia région de peuple plus dispersé. Comme les Zenata.

l-Ittiqçâ, t. Il, p. [36. — (2) Merrâkech, par E. Doutté, p. 3 et seq.


LES CHA0U1A — FORMATION ETHNIQUE I I I

ils étaient plus ou moins arabisés et menaient exclusive-


ment la vie pastorale, au point qu'ils étaient parfois pris
pour des Arabes. En de nombreux endroits ils étaient
mélangés aux Zenata, dont ils semblent avoir partagé les
destinées et auxquels les unissaient les liens de vasse-
lage(i) ». C'est à ce milieu primitif que se rattachent les
Chàouïa du Maroc occidental, par une migration venue de
la Tripolitaine, s'il faut en croire Cheikh Zemmoùri, qui

en lait des hérétiques originaires de Barka.


On demandé si la dénomination arabe de Chàouïa.
s'est

appliquée à ces Berbères arabisés, n'avait pas d'abord été


péjorative, avec « une nuance de mépris. Les habitants
de l'Aurès ne l'acceptent pas et ne s'en servent pas pour se
désigner eux-mêmes (2) ».
Tel n'est pas le cas chez lesChàouïa .Marocains. Les
Mcrinides delà fin du quatorzième siècle faisaient entre-
tenir leurs chameaux par les « peuples pasteurs ». chez
lesquels ces animaux se trouvaient éparpillés dans diverses
tribus (3). Peut-être la tradition de cette charge a-'.-elle con-
tribué à la transformation de « Chàouïa» en nom ethnique.
L'évolution ne semble pas encore accomplie, à l'époque
d'Ibn Khaldoùn. Elle l'est déjà au temps de Marmol avec

ses Xauios. Au quinzième siècle le nom ethnique est devenu


officiel pour ainsi dire. L'htiqçâ nous fait connaître que le
Sultan Moulav Abd Er-Rahman s'adressait par lettre «aux
Chàouïa » pour la levée des contingents de leurs tribus.

Malgré leur origine Berbère, les populations Chàouïa de Peuplement


l'Afrique du Nord sont en majeure partie arabisées. C'est le berbère.
cas de celles de l'ancienne Tamesna. Son peuplement
comprend deux éléments principaux r'des Berbères, pour :

la plupart Zenata. et qui étaient en partie juifs, aux débuts

(1 E. Doctté, op. cit.. p. 4. —


(2 Ibid., p. 5. — >'<, Histoire des llcrbèrcs,
par Ibn Khaldoùn, trad.de Slanc. T. IV, p. 421.
] I 2 CASABLANCA ET LES CHAOUIA

de l'histoire musulmane; 2° des Arabes. Aujourd'hui, —


les éléments berbères sont à peine aussi répandus que les
éléments arabes, et ceux qui ont pu se maintenir ethnique-
quement jusqu'à nos jours ont oublié leur langue primi-
tive. Ils se sont presque entièrement arabisés.
On distingue généralement les Berbères des Zcnata. Cette
distinction a pu revêtir une certaine importance dans les

premiers temps de l'histoire berbère. Elle rappelle la

diversité des origines berbères. Mais les distinctions primi-


tives s'étaient déjà atténuées à l'époque où se confectionnè-
rent les généalogies de l'histoire arabe. Berbères et Zenata
remontent à la même souche théorique; ils descendent de
Madghis El-Abter (Berbères Botr) ou de Bernés (Berbères
Beranès), tous deux fils de Berr.

Dans l'histoire berbère, la plus ancienne des tribus qui


ont occupé la région actuelle des Châouïa est celle des
Berghouata. Elle remonte à une origine des plus reculées
et appartient à la famille des Maçmouda. Elle s'est main-
tenue jusqu'au douzième siècle de notre ère.
A côté des Berghouata vinrent dans la suite s'établir les Bé-

ni Hassan Ghomara, Maçmouda commeeux, de mêmeque,


au début du huitième siècle, les Mediouna Zenata. Dans
la première moitié du onzième siècle d'autres Zenata, re-

présentés par les Béni Ifren,se maintinrent pendant quelque


temps sur le territoire même des Berghouata ils ont ac- ;

tuellement disparu de la région. A leur tour les Berbères


Cinhâdja s'étaient montrés au dixième siècle.
A la fin du douzième siècle et au milieu du treizième siècle
apparaissent les Arabes Hilaliens Djochem et Zoghba,
:

implantés les premiers par les Almohades et les seconds


par les Mérinides, qui amenèrent également les Berbères
Houara. II faut placer sans doute à la même époque la
venue d'Arabes Solaïm et celle d'Arabes Ma'qil.
Il est actuellement difficile de fixer des limites entre les
LES CIIA0U1A FORMATION liTH

tribus arabes et les tribus berbères. A chaque immigration


nouvelle peuples vaincus ont dû se plier aux exigences
les

des vainqueurs; des mélanges se sont produits et voici aussi


approximativement que possible ce qui en est résulté.

Berbères V. >i i;

1\ Arabes

Échelle: i 1.875.000°. — Bureau topographique du Maroc occidental.


Schéma des Origines arabes et berbères des tribus des Chàouïa.

Les Oulàd llarî/., les Oulàd Saïd, les Oulâd Ziyân se rat-
tachent par leurs origines primitives aux Arabes Hilaliens,
ainsi que quelques fractions des autres tribus. Les Ma'qil
sont peut-être encore représentés par les Çabbàh, les Ahlàl"

et les Oulàd 'Ali, et les Soleïm par les A'chàch.

Les Zenata, les Mediouna et les Mzâb semblent être des


descendants des anciensZenata. Les.Mellila accusent encore
VILLES ET TRIBl-S. — I.
114 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

une origine Houara. Les Cinhàdja ont vraisemblablement


formé les tribus des Ziyaïda, des Oulàd Bou Ziri et des
Oulâd Sidi Ben Dàoud. Enfin, on croit retrouver dans les
Mzamza actuels, venus d'Amizmiz, des descendants des
Maçmouda d'après une légende locaie les Oulàd Çalâh, des
:

Oulad Harîz et des Mdhakra seraient les derniers vestiges


des Berghouata (i).
En envisageant les rapports de ces groupements de
peuples, on remarque que les Zoghba et les Djochem qui
peuplaient autrefois toute la Tamesna ont beaucoup perdu
de leur importance et qu'une constatation analogue s'impose
pour les anciens éléments berbères. Les derniers restes de
ces premières tribus ont été refoulés vers le Nord-Ouest
sous la poussée de peuples nouveaux, formés eux-mêmes en
majeure partie de Berbères. Ces nouveaux venus sont
arrivés à la fois par le Sud et par l'Est et se sont arrêtés sur
les pentes occidentales du Tadla, d'où ils dominaient la

plaine, et sur les bords de l'Oumm Er-Rebî'. Mais la grande


poussée s'est produite de l'Est à l'Ouest.
Les plaines fertiles de la Tamesna suscitèrent toujours
l'envie des voisins; les tribus les plus favorisées de la
nature au point de vue du territoire durent subir l'assaut
de celles qui l'étaient moins. Des luttes sans fin s'ensui-
virent avec les nouveaux occupants au cours desquelles les
divers peuples finirent insensiblement par se mélanger. A
l'encontre d'autres régions, telles que le Gharb et la vallée

du Lekkous où des tribus entières, les Béni .Malek, les

Sofian et les Khlot, ont réussi à se maintenir dans presque


toute leur pureté, la Tamesna ne compta plus qu'un mé-
lange de peuples de toutes races.
Comme il fallait maintenir contre de nouveaux usurpa-
teurs l'intégrité du territoire occupé, des groupements se

[i] En écartant intentionnellement les tableaux de filiations, trop précis,


on est certainement plus prés de la vérité qu'en prétendant déterminer ri-
goureusement des origines qu'il n'est guère possible d'authentifier.
LES CHÀOLÏA — FORMATION ETHNIQUE 1 I 5

formèrent au gré des circonstances. On vit ce phénomène


anormal en pays de tribus des peuples arabes s'allier à des
:

peuples berbères, des Berbères aux Zenata et des tronçons


de tribus diverses se réunir pour constituer un même grou-
pement les Mzab, Zenata, s'unirent aux A'châch, Soleïm;
:

les Ahlàf et les Çabbàh, Ma'qil, s'allièrent aux Mellila,


Houara, pour former la tribu des Mdhakra, qui purent vivre
à côté des Oulâd Ali, Ma'qil comme les premiers.
Il s'établit à la longue une sorte de gradation entre les

tribus faibles ou pacifiques et les tribus fortes ou guerrières ;

les unes, nouvellement venues, s'établirent sur les confins


du Tadla, les autres, plus anciennes, sur les bords de
l'Atlantique. Entre ces tribus prirent place des tribus tam-
pon, de moins en moins redoutables à mesure que l'on

avançait de l'Est à l'Ouest.


De cet état de choses il est résulté une situation générale

assez stable ; mais les groupements nourrissent dans leur


sein des haines et des divisions intestines parce qu'ils ont un
caractère hétérogène et qu'ils sont le fait de circonstances et

non de causes normales.


L'idée de Tribu n'a pas fait place à l'idée de Province ou
de Région. Malgré leur attachement extrême au sol qu'ils oc-
cupent, les indigènes ne se considèrent pas comme les enfants
du pavs : ce fait a pu se produire chez, d'autres peuples que
ceux de laTamesna, tels que les Rifains ou les Sousis à qui
le imposé leur nom
territoire a il n'en est pas de même
:

chez Chàouïa. Le nom des ancêtres s'est conservé le


les ;

souvenir de la Tribu, c'est-à-dire de la famille patriarcale,


a survécu à toutes les tourmentes et s'est maintenu vivace.
Le morcellement général des tribus compliquant l'orga-
nisation administrative, le Makh/.en n'eût pas pu constituer
chaque tribu, en en rassemblant les tronçons épars, sans
un bouleversement complet. Il ne fut donc pas tenu compte
des affinités de race, mais seulement des contingences
locales. D'où les groupements artificiels, administratils.de
I 1 6 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

l'époque Makhzen, dont voici un exemple par la réparti-


tion desChâouïa en quatre groupes principaux :

i° Chehaouna, comprenant les Médiouna. les Oulâd


Ziyân, les Ziyaïda et les Béni Oura.
2° Oulâd Bou Res{q, comprenant les Oulâd Saïd, les

Mzamza, les Oulâd Bou Ziri, les Oulâd Sidi Ben Dâoud et
les Zenata.
Oulâd Bou 'Atiya, comprenant les Oulâd Hariz, les

Mdhakra et les Oulâd "Ali.


4° M^âb, comprenant les Oulâd Merah, les A'châch et les
Allai.
HISTOIRE

LES BERGHOUATA

Les Berghouata sont les premiers habitants connus du Début


pays des Châouïa. Leur nom rappelle vaguement ceux des de l'Islam.
peuplades de l'antiquité grecque et latine Bacuataï, Ba-
:

cavates, ou mieux Bacuates de l'itinéraire d'Antonin, et


Mauri Bacautes de l'anonyme de Vérone.
Ibn Khaldoùn nous apprend qu'ils étaient Maçmouda
et nous voyons prendre part au grand mouvement
les
Au com-
Kharidjite, qui entraîna les tribus de cette souche.
mencement du second siècle de l'Hégire, ils combattent
avec chef d'une de ces tribus, et l'aident en 122 à s'em-
le

parer de Tanger, d'où il pousse jusqu'au Sous pour en


chasser les Arabes.
Les Berghouata étaient-ils déjà musulmans, au moins
en partie ? Cela semble assez probable, puisqu'ils combat-
tent avec les Kharidjites. Cependant, leur chef, à l'attaque
I I 8 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

de Tanger, porte un nom juif Tarif ibn Chamaoun ibn


:

Yakoub ibn Ishaq. D'autre part le Roudh el-Qariâs nous


assure que cinquante ans plus tard, quand Mouley Idris el
Kebir, se rendit en Tamesna (172 H.), il n'y trouva que
peu de musulmans au milieu de beaucoup de chrétiens et
de juifs (1).

A
aspect des choses, il convient d'opposer le fait
cet
qu'Ibn Khaldoûn nous montre Tarif installé dans la Ta-
mesna, en 125 H. et y soutenant la cause Kharidjite. Il
aurait commencé dès lors à prophétiser ou à prêcher à ses
gens un Islam plus ou moins déformé. Après lui, son fils
Salih devient tout à fait Mahdi. Salih avait probablement
été en Espagne, puis en Orient, et c'est à son retour qu'il
serait devenu le prophète des Berghouata.
On voudrait pouvoir rattacher par un point de repère
l'époque de son apostolat et celle de l'expédition de Mouley
Idris dans la Tamesna. Les deux faits semblent contem-
porains puisque, d'une part, Moulay Idrîs serait venu en
Tamesna cinquante ans après la prise de Tanger, pendant
que, d'autre part, Salih ibn Tarif aurait gouverné les Ber-
ghouata pendant 47 ans après la mort de son père, qui vi-
vait encore en 125 H.
Mais le lien historique n'apparaît pas. 11 semble seule-
ment que l'indépendance politique et religieuse des Ber-
ghouata ne date que du troisième siècle de l'Hégire. Les
descendants de Çalàh paraissent avoir reconnu pendant un
certain temps la souveraineté des Idrisites. C'est en 222 H.
seulement que leur chef Yoûnous benElyâs ben Çalàh ben
Tarif se rend indépendant du jeune 'Ali El-Haïdara ben
Mohammed ben Idrîs.
A ce moment l'Islam qui dominait à Fès était, politi-

(1) traditions locales, Moulay Idrîs aurait levé un djlck de Ma-


D'après les
çmouda pour convertir à l'Islam les gens de la Tamesna. On montre encore
à Ai'n Ll-Baîda, le haouch de Sidi EI-'Arbi El-Maçmoudi, un des chefs de ce
djich, qui aurait été tué dans un combat livré à cet endroit.
LES CHAOUÏA — HISTOIRE lit)

quement au moins, un Islam Imamien et Alide. Quel était


l'Islam des Berghouata?
Nous ne pouvons nous en faire une idée que d'après les

on-dit rapportés de Cordoue par El-Bekri en 352 H. Les


renseignements que nous lui devons lui auraient été donnés
en berbère par le « chef de prières » du souverain des Ber-
ghouata. Ils font de Çalâh, un Mahdi, d'abord, un Pro-
phète ensuite, auteur d'un faux Qoran, et fondateur d'un
faux Islam, vaguement imprégné de judaïsme.
On ne s'écarterait peut-être pas beaucoup de la vérité, en
se souvenant à ce propos que les musulmans sunnites attri-
buent volontiers les inspirations les plus fantaisistes aux
sectes Chiites et Ibadhites. Il n'est pas impossible que Çalâh
ibn Tarif ait donné aux Berghouata un Islam berbérisé et
fort hérétique. On ne devrait cependant pas s'étonner
outre mesure que les Berghouata soient simplement restés
plus ou moins Kharidjites, en se rendant indépendants po-
litiquement de leurs voisins Idrisiteset Ommeyades.
Younous ibn Elvas est encore assez musulman pour avoir
fait le pèlerinage de la .Mecque, et son second successeur,
Aboul-Ansar Abdallah, qui mourut en 341 H., eut les meil-

leurs rapports avec les souverains musulmans; c'est son


fils Abou Mahdi Isa ibn Aboul-Ançâ qui avait envoyé
son Imamau Khalife de Cordoue.
Faut-il, dans ces conditions, considérer les Berghouata,
maîtres d'une bonne partie du Maroc occidental, comme
aussi peu musulmans que le prétendirent les Almoravides,
puis les Almohades? Cela semble excessif malgré les affir-
mations unilatérales d'El-Bekri.
Ce qui n'est pas douteux, c'est que les territoires soumis
à l'autorité des Berghouata s'étendirent, au moins pendant
un certain temps, jusqu'à l'Atlas du sud: Aboul-Ançâ 'Ab-
dallah, leur chef, fut enterré à Tameçlouht en 341 H. La
Qasbat El-Mahdi, au nord du Fazaz, semble aussi leur avoir
appartenu. Il ne paraît pas douteux enfin que beaucoup
CASABLANCA ET LES CHAOIMA

de tribus berbères de l'intérieur, vers le Tadla, et le pays

de Meknès, peut-être même au delà, jusque chez les Brâber


actuels du Nord, aient compté parmi leurs vassaux, leurs
sujets ou leurs alliés. A certains indices, on peut même se
demander si les Ghomara du Nord, également Maçmouda,
n'ont pas fait leff avec les Berghouata de la Tamesna.
C'est un peu plus tard, au quatrième siècle de l'Hégire, que
ces Ghomara devinrent, au moins en partie, les soutiens
dévoués des derniers Idrisites qui, fuyant devant le Zénète
Moûsa Ibn Aboul-'Afiya El-Miknâsi, s'étaient réfugiés au
milieu d'eux à Hadjrat En-Nàcer. D'autre part, l'indépen-
dance politique et religieuse des Berghouata dans la Ta-
mesna semble correspondre avec la chute des Idrisites de
Fès. Cependant, au sixième siècle de l'hégire, sous le règne
du premier Almohade, Abd El-Moumen ben Ali, il semble
que les Ghomara du Nord Marocain s'étaient de nouveau
rattachés au leff Berghouati.
Les données historiques, précises et désintéressées, man-
quent absolument sur cette période de l'histoire du Maroc,
comme d'ailleurs sur beaucoup d'autres; ce qui est certain,
c'estque l'histoire primitive, confuse et obscure des Ber-
ghouata nous met en présence d'une vaste confédération, ou
d'un état berbère, autonome, dans la Tamesna, dès le com-
mencement du troisième siècle de l'Hégire. Il atteint son
plus grand développement dans la seconde moitié du qua-
trième siècle.
A époque, sa position vis-à-vis de l'Islam environ-
cette
nant que tous ses voisins se mettent à lui faire
est telle,
la guerre sainte. Ce sont d'abord les Ommevades d'Espagne.
Leur gouverneur du Maghreb, établi à Baçra, se trouvant
supplanté par son frère, occupe ses loisirs au Djihad contre
les Berghouata (366 H.). Un peu plus tard, en 372 H., les

Cinhâdja de Boullouguin ibn Ziri en font autant, et ramènent


un certain nombre de prisonniers àQairouan. Puis en 382,
les Musulmans d'Espagne reviennent encore à la rescousse.
LES CHA0U1A — HISTOIRE 12 1

Enlin les Zénètes Béni Yfren,qui s'étaient installés à Chella

etoccupaient un territoire d'une certaine étendue, expédi-


tionnentà leur tour contre les Berghouata, qui se trouvent
ainsi fortement entamés dans le Nord, à la fin du qua-
trième siècle.
Au cinquième siècle, les Almoravides entrent en scène
du côté du Sud et cette guerre sainte est assez urgente à leurs
yeux pour que Ibn Yasin, le convertisseur des Cinhâdja,
vienne lui-même diriger les opérations, après les insuccès
de l'Émir des Lemtouna. Blessé mortellement, Ibn Yasin
recommandeà ses cheikhs de continuer la lutte. Pour venir
à bout des Berghouata, il fallut un effort soutenu d'Abou
Beker ibn Omar, le chef des Lemtouna, resté seul à la tête
des Almoravides.
Écrasés, les Berghouata cependant pas
ne disparurent
encore. Un demi-siècle plus tard, les cite parmi
Edrîsi
les tribus de la Tamesna. D'ailleurs, Yoûsouf ibn Tachiîn
eut encore à s'occuper d'eux. Quand en 470 H., il s'em-
para de Tanger et de Ceuta, c"est un Berghouati qui com-
mandait cette ville.
D'après Léon l'Africain, l'Almoravide Yoûsouf ben
Tachfîn aurait complètement dévasté la Tamesna, qui
serait restée inhabitée pendant cent quatre-vingts ans, jus-
qu'à l'époque où Ya'qoûb El-Mançoûr l'Almohade y amena
« un certain peuple arabesque », c'est-à-dire les Béni Hilal.
En réalité la destruction des Berghouata par Yoûsouf
ben Tachfin n'avait pas été aussi complète que le laisse
supposer Léon l'Africain. Ils sont devenus de moins en
moins nombreux et puissants. Mais, en 540 H., ils se
révoltent avec les Doukkâla, pour le compte d'un préten-
dant Almoravide. En 542 et en 544, on les voit se soulever
encore et le silence ne se fait sur leur nom qu'après cette
dernière révolte, celle d'Abou Tamerkid, qui tint cam-
pagne pendant un certain temps contre les Almohades, avec
un grand nombre de Berbères.
122 CASABLANCA ET LES CHAOUIA

La du nom de Berghouala n'implique d'ail-


disparition
leurs pas que les populations qui portaient ce nom aient
elles-mêmes disparu effectivement. On pourrait citer de fré-
quents exemples de la disparition de certains noms devenus
un objet de mépris ou de haine, le plus souvent pour des rai-
sons d'origine religieuse. Le nom de Kouiami, de la tribu
berbère des Kotuama, où naquirent plusieurs hérésies, est
considéré comme une véritable injure. Il ne reste plus au
Maroc qu'un seul dchar des Ehl Serif portant le nom de
« El-Koutama ». Toute la région était cependant occupée
par des gens de cette tribu, dont les descendants existent
certainement au même endroit, et la ville d'El-Qçar El-Ke-
bîr, fondée ou, plus exactement, reconstruite par Abdelke-
rim EI-Koutami, s'appelait autrefois Qçar El-Koutama.
Le meurtre du Qotb d'Occident Moulay 'Abd Es-Salâm ben
Mechich par Abou El-Touadjin El-Koutami, au commen-
cement du septième siècle de l'Hégire a encore contribué à
rendre plus odieux le nom de Koutama, dans tout le Nord-
Ouest marocain.
Les Berghouata vaincus, désorganisés, sans force, leur
nom devait devenir synonyme d'hérétiques, de faux musul-
mans et bientôt de juifs,
d'infidèles. Contraints à suivre l'Is-
lam orthodoxe, descendants des Berghouata se débarras-
les
sèrent certainement d'un nom auquel s'attachaitun véritable
opprobre et qu'il pouvait même être dangereux de porter.
Les destructions totales de populations, les transforma-
tions de pays en déserts, sont des événements historiques
peu vraisemblables. Il est plus logique d'envisager la dispa-
rition d'un ethnique devenu insultant que celle d'une tribu
tout entière. Il doit être plus conforme à l'exacte vérité, de
penser que les Hilaliens en arrivant en Tamesna à la fin du
sixième siècle de l'Hégire y trouvèrent, diminuées et affai-
blies sans doute, mais encore existantes, des populations
Berghouata, sous un autre nom.
Cette probabilité trouve une sorte de preuve dans une
LES CHAOU1A — HISTOIRE 12 C

légende locale qui se raconte encore aujourd'hui chez les


Chàouïa.
D'après cette légende, qui sera rapportée tout au long
dans le chapitre suivant « Les Juifs», les Oulàd Çalàh des
Oulàd Hariz et des Mdhakra, seraient des descendants de
Juifs. Là encore, on retrouve une confusion voulue entre les
Juifs et les Berghouata; en effet, d'une part, d'après la légende,
les Oulâd Çalàh juifs étaient descendants de Çalàh ben
Ishaq ben Ya'qoùb ben Tarif El-Tounsi El-Meghiouiti ;
d'autre part, le fondateur des Berghouata s'appelait Çalàh
ben Tarif Ben Chema'oùn ben Ya'qoûb ben Ishaq, d'après
le Roudh El-Qartas. Il semble donc bien qu'il s'agisse
effectivement du même personnage et que le nom de El-
Meghiouïti ne soit qu'une déformation d'El-Beghiouiti,
diminutif méprisant de Beghouati. Les Oulâd Çalàh, con-
sidérés dans les Chàouïa comme descendants de Juifs, pour-
raient donc fort bien être tout simplement des descendants
des Berghouata. Ils auraient pris comme nom d'origine ce-
lui du fondateur de la confédération, en forme ne rappe-

lant que de loin leur hérésie et leur indépendance passées.


Que les Berghouata aient plus ou moins mérité d'être
classés par les autres Musulmans comme sectateurs d'un
faux Prophète et adeptes d'un faux Qoran, c'est là, au point
de vue du Maroc moderne, une question très secondaire.
On peut indifféremment prendre au pied de la lettre la tra-
dition rapportée de Cordoue par El-Bekri ou la suspecter.
Mais, le fait même de l'indépendance d'un important
groupement de tribus berbères dans la Tamesna, du neu-
vième au douzième siècle de notre ère, est considérable pour
l'histoire de la formation définitive du Maroc. En le notant
on est très naturellement conduit à se souvenir que du côté
de l'Atlas, où s'étendait la domination des Berbères de la
Tamesna, un fover important de résistance et d'expansion
du milieu berbère, s'est maintenu jusqu'au dix-neuvième
siècle.
I2 4 CASABLANCA ET LES CHA0U1A

Les Béni A côté des Maçmouda Berghouata il faut mentionner,


Hassan dans le peuplement de la Tamesna, les Maçmouda Béni
(Ghomara). Hassan, de la tribu des Ghomara. On ne saurait préciser
la date de leur apparition. Toujours est-il qu'à l'époque

d'Ibn Khaldoùn, ils se trouvaient établis « sur les côtes de


l'Océan depuis Azghar et Asîla (Arzila) jusqu'à Anfa, où
leur territoire touchait au pays des Berghouata et des
Doukkala ».

Les Béni Hassan ont à leur tour disparu de la région,


mais en y laissant vraisemblablement quelques familles.
Les Béni Hassan Ghomara se retrouvent aujourd'hui à
l'état de tribu dans les montagnes au sud-est de Tétouan,

au nord-ouest de la tribu des Akhmas.


Les Juifs, qui ne forment de nos jours qu'un élément peu
important chez les Chàouïa, semblent avoir joué un rôle
plus considérable dans l'histoire de la région. Il faut dis-
tinguer des soi-disant Juifs islamisés, les Oulàd Çalàh, et
les Juifs actuels de Settat et de la tribu des Mzâb. Les

renseignements que nous possédons sur eux ne sont pour la


plupart que de source indigène; ils autorisent à penser que
les premiers, au moins, remontent à une origine aussi loin-
taine que celle des Berghouata.
D'après une note manuscrite de M. Slousch, « les Chàouïa
auraient eu une population judéo-berbère; on ne trouve
pas chez eux trace de Juifs venus d'Espagne et il est cer-
tain que les Juifs actuels des Mzâb et de Settat descendent
des anciens Juifs autochtones ».

Cette opinion se trouve confirmée par les légendes indi-


gènes musulmanes.
Le> Oulàd Çalàh constituent un grand douar de la tribu
des Oulàd Ilariz et une fraction des Mellila dans la tribu

des Mdhakra.
('ne légende musulmane des Mdhakra fait remonter
126 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

leur origine à Çalàh ben Ya'qoûb ben Ishaq ben Tarif El-
Tounsi El-Merghouiti El-Madjoùsi.
« Ce personnage appartenait à la religion juive et était
originaire de Tunis. Il avait deux enfants: une fille d'une
merveilleuse beauté et un fils. Ce dernier étant venu à
s'éprendre d'amour pour sa sœur la demanda en mariage
à son père, qui lui dit « :mon fils, je ne puis écouter
« ta demande : mon amour pour ta sœur est plus fort que
« le tien. Mais prends patience elle est enceinte de mes
;

« œuvres ! Après sa délivrance je m'imposerai le très ^rand


« sacrifice de te la donner en mariage, car je t'aime beau-
« coup !
^>

« Le fils sentit monter le feu de son amour. En fin de


compte, il se rendit auprès du marabout Sidi 'Abd Es-Selàm
MoulEl-Mdhal Ech-Cherqaoui, venu du Tadla en tournée
de Ziàra. Il égorgea un mouton devant sa tente et pria le
saint d'intercéder pour lui auprès de son père. Sidi 'Abd Es-
Selàm crut tout d'abord avoir affaire à un homme ivre
(sekrâiV il promit néanmoins de s'intéresser à lui. Mais
;

Çalâh ben Ya'qoûb fit au marabout la réponse qu'il avait


déjà faite à son fils.

« Sidi 'Abd Es-Selâm partit sans mot dire, et s'étant


rendu dans ses tribus, il en ramena une forte harka. Les
Juifs abandonnèrent aussitôt leurs demeures et se retirèrent
du côté des Oulâd Harîz. Là, les deux troupes en vinrent
aux mains. Les Oulâd Çalâh furent complètement battus
et s'enfuirent en désordre du côté d'Anfa; afin détromper

la poursuite de leurs ennemis ils prirent, en cours de route,

la précaution de ferrer leurs chevaux à rebours. Le mas-

sacre avait été tel, que les cadavres des Juifs remplirent sept
cimetières (Seba rouadhi) (i).

« Les familles juives restées chez les Oulâd Harîz s'y dé-
veloppèrent et formèrent bientôt un grand douar, celui des

[i) Les Seba* rouadhi se retrouvent encore chez les Oulâd Harîz.
LES CHA0U1A — HISTOIRE \-_~

Oulâd Çalàh, qu'on remarque encore de nos jours. Elles


furent converties à la foi islamique par Sidi 'Abd Es-Selàm
Moul El-Mhdal Ech-Cherqaoui.
« Un jour il advint que les Oulâd Çalàh avant, à l'occa-
sion d'une fête, acheté et égorgé une vache, répartirent la
viande entre eux. Quelques-uns furent oubliés dans le par-
tage; mécontents, ils crurent à une perfidie, déclarèrent ne
pas vouloir vivre avec de faux frères et vinrent s'installer
à l'endroit appelé Qaçbat El-Magous (la Qaçba des Mages
ou Adorateurs du feu). Ce seraient les ancêtres des Oulâd
Çalàh des Mellila, dans la tribu des Mdhakra. »
On retrouve encore à Magous les ruines de l'ancienne
ville, un hammam, une synagogue, etc. Les musulmans

de la région font parfois allusion à la défaite des Oulâd


Çalâh aux Seba' rouadhi leur insulte la plus forte à leur
:

égard est celle de « Fils de ceux qui ont ferré leurs che-
:

vaux à rebours » !

De cette légende on peut retenir qu'un élément juif s'est


trouvé en lutte avec l'élément musulman à une époque
relativement ancienne et qu'il a été submergé par lui. Au-
cune présomption historique n'indique que le marabout Je
Boul-Dja'd soit venu expéditionner contre les Oulâd Çalàh.
ni qu'il ait converti les Juifs de la Tamesna. Mais il n'est
point de légende musulmane sans anachronismes. S'écar-
terait-on beaucoup du point de départ de celle-ci en se de-
mandant s'il ne s'agit pas de la conversion de la Tamesna
idrisite sous les espèces d'un apostolat plus récent ?

11 compte en outre que le nom d'El-Meghiouïti


faut tenir
donné à Çalàh ben Ya'qoûb semble être une corrupti n
d'El-Beghiouiti (le petit Beghouati Le souvenir de* .

ben Tarif ben Chema'oûn ben Ya'qoùb ben Ishaq en donne


bien l'impression. D'autre part, les musulmans attribuent
facilement la qualité de juifs à tous ceux qui se sont écar-
tés du dogme musulman orthodoxe. Aussi est-on tenté
de croire que les Oulâd Çalàh descendent des adhérents.
128 CASABLANCA ET LES CHÀOLÏA

islamisés ou non, du parti Kharedjite, c'est-à-dire des Ber-


ghouata.
Aujourd'hui, à de rares exceptions près, on ne trouve
plus de Juifs Châouïa que dans les villes.
D'après les rabbins du vieux Mellâh de Settat, ses habi-
tants se rattacheraient à une origine palestinienne directe;
ils réclament des tribus de Juda, de Lévi et de Nephtali.
se
Ils auraient été chassés d'Israël d'abord par l'empereur

Hadrien, ensuite par le Khalife orthodoxe 'Ali (655-66o),


quatrième successeur du Prophète. Certains se rendirent
en Espagne, d'autres errèrent dans le Nord Africain et vin-
rent s'installer dans le Maghreb El-Aqçà (le Maroc).
Les traditions des Juifs de Settat les portent à s'attribuer
une place considérable dans l'histoire de la région. Leurs
ancêtres auraient eu part à la création de villes importantes
à Dad, près de l'Oued Khaïban et de 'Aïn Bel-Mesk, dans
la Touama, de la tribu des Oulâd Bou Zirî,
fraction des
et à Oumm Okhima, à l'entrée nord du col de Settat, dans
la boucle décrite par l'Oued Ben Mousa. En fait, il existe
encore de nos jours à Dad un vaste cimetière où les Juifs
viennent même de Mazagan, de Mogador et de Fès prier
sur les tombes des rabbins Braham Lorio et Aaroun Kohen.
Mais les sépultures les plus anciennes ne remonteraient,
d'après les lettrés juifs, qu'au premier des Mérinides. Le
nom môme de Dad n'est peut-être qu'une réminiscence de
la légende de Cheddâd ben 'Adad.
Rien donc de bien précis dans l'histoire des Juifs de Set-
tat jusqu'à l'époque de Moulay Ismaïl. Ce Sultan fait cons-
truire la Qaçba de Settat en même temps que celles de
Boul-'Aouân, des .Mediouna, de Fedhala, des Maarif et du
Tadla. Les Juifs dispersés se rassemblèrent en groupements
parfois assez importants, autour de ces qaçbas, où ils sont
souvent attirés par des qaïds comme artisans et commer-
çants.
Ces groupements suivirent la fortune des maîtres des
LES CHAOUÏA — HISTOIRE I 2Q

qaçbas. Certains disparurent pour se reformer à Mils(Mzâb


et àEl-Medjni (Oulâd Saïd? dans les qaçbas du qaïdAbbou
Ould Moul Et-Taba. Cette qaçba fut détruite en 1279 de
l'Hégire; le qàïd s'enfuit à Boul-Dja'd et les Juifs à Settat.
La population juive du vieux Mellàh a donc des ori-
gines diverses. Elle a mené au cours de ces deux derniers
siècles une existence des plus misérables, constamment
« mangée » par les qâïds et les tribus.

D'autres Juifs sont à Seitat dans le Mellàh


installes
Chleuh. Ils sont venus de Demnat, en deux exodes, et au
nombre de 120 familles. Réduits par des départs successifs
vers Casablanca et les autres villes de la côte, ils ne comp-
tent plus que 40 familles.
Les Juifs de Demnat vivaientdans ur.e tranquillité rela-
tive sousdépendance de leurs seyyîds, auxquels ils con-
la

sentaient à titre gracieux des prêts en argent ou en nature


et auxquels ils faisaient seulement un cadeau à l"Aïd El-

Kebir. Ils n'avaient pas de Mellàh mais leur situation 1 .

était moins misérable que ne l'indique Quedenfelt (2).


Au cours de la siba qui suivit la mort de Moulay El-Ha-
san, les tribus se ruèrent à l'assaut de la forteresse du qàïd
El-Hàdj Djilali Ed-Demnati. qui périt assassiné. Les Se-
gharna de Dahan Eç-Çinhadji, les Rehamna de Tâhar ben
Slimân 3 pillent -les souqs et massacrent les juifs. Les
Zemran.les Oultanaet les Ftouaga accourent à la curée. La
plus grande partie des survivants s'enfuit par petits groupes
entièrement dépouillés : ils sont recueillis par leurs coreli-
gionnaires de Settat.
Installés au Fondaq El-Djedîd par le qàïd El-Hàdj El-
M a'ti, ils construisent des nouàlas.des huttes, et débordent
au Mellàh Chleuh. près de la piste de Qaçbat ben Ahmed.
En 1908, après le combat de Sidi-Djibli. les Juifs de

1 'E Foi c
II i.r. p. 77.
[2 traduction H. Simon, p. 63.
3| Cf. i>oi tté, Marrakech, p. 3<ô.

VILLES ET TRIRI'S. — I. Q
l3o CASABLANCA ET LES CHAOl ÏA

Settat se présentèrent au général d'Amade; une centaine,


craignant d'être égorgés au départ de la Mehalla, deman-
dèrent au général l'autorisation de gagner Casablanca sous
la protection des troupes françaises. Les autres se sauvèrent

dans les tribus. Dans la nuit, les cavaliers marocains pénè-


trent dans la ville et pillent les boutiques. Le qàïd El-Hâdj
El-Ma'ti avait quitté la ville son khalifa, El-Hadj Abd Es-
;

Selâm, impuissant à maintenir l'ordre, l'avait abandonnée


à son tour. Les djouâks délivrent les prisonniers; bouti-
ques et Mellâh sont de nouveau livrés au pillage; les indi-
gènes chargent leurs animaux des dépouilles des Juifs et
remplissent jusqu'à leurs djellabas. Ces événements se pas-
sèrent du 2 au 6 avril 1908.
Les boutiques ne recommencèrent à s'ouvrir, et le com-
merce à renaître que du 18 au 22 avril après l'organisation
de Settat par le général commandant les troupes fran-
çaises.
Enfin de nombreux Juifs sont installés dans la tribu des
Mzâb depuis une époque reculée. Partagés en deux groupes,
ilsont formé le Mellâh de Mils et celui des Oulâd Ben 'Arif.
vénèrent un lieu sacré, constitué par des quartiers de
Ils

roc émergeant à peine du sol.


III

LES BERBERES Cil M II 1A

Les Zenata.

Les Maçmouda n'ont pas été les seuls occupants de la


Tamesna au temps de l'histoire des Berghouata. Dès le

huitième siècle de notre ère les Zenata. représentés par les


Mediouna, étaient venus leur disputer une partie de leur
territoire.

C'est en vain, semble-t-il, qu'on voudrait établir une Les


corrélation entre venue des Zenata dans la Tamesna et
la Mediouna
l'arrivée au pouvoir, à Fès, de la dynastie du même nom :

les Mediouna étaient établis dans la région qui nous occupe

bien avant ce dernier événement.


Ils constituent une fraction de la tribu zénète des Béni

Faten et formaient autrefois une tribu juive dans laquelle le


Christianisme avait commencé à s'implanter. Établis du
coté de Tlemcen. ils furent surpris par la conquête musul-
mane, et durent se convertir en masse à l'Islam, vers
Leurs qualités guerrières furent mises à profit parles vain-
queurs, et, lors de la première invasion de l'Espagne, en
I 32 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

711 (J.-C.) une grande partie des Mediouna passa dans ce


pa\s, où ils devinrent très puissants.
Une autre fraction s'établit au sud de Salé, et quelques-
uns se iixèrent sans doute plus au nord. Il existe encore de
nos jours un village peuplé par des Mediouna musulmans
et qui porte ce nom.
une dizaine de kilomètres à l'ouest
à
de Tanger. D'autres Mediouna enfin étaient restés dans le
Maghreb central. Trop faibles pour résister aux tribus
également zénètes des Béni Toudjin et des Béni Râched,
encore judaïsants, ils furent expulsés et se dispersèrent un
peu partout. C'est vraisemblablement alors qu'un de leurs
groupes vint s'établir dans la région de la Tamesna, où se
trouvaient déjà de leurs frères.
Les Mediouna dela Tamesna formèrent bientôt une popu-

lation nombreuse qui comprenait des éléments juifs et chré-


tiens. Ils se mirent cependant d'abord du côté des Idrisites.
Mais leur dévouement ne devait pas être récompensé. Devenu
assez fort, Idrîs I se retourna contre ses anciens partisans,
et, eny88, passa au lil de l'épée tous ceux qui ne voulurent
pas s'islamiser. Ils restèrent ensuite longtemps dans un état
d'infériorité. On les trouve au nombre des tribus berbères
desquelles les Mérinides exigeaient le paiement du kharadj.

Les Vinrent ensuite les Béni Ifren. La plupart des peuples


Béni Ifren. de cette grande tribu étaient passés en Espagne. Ceux qui
restaient dans Maghreb
central, c'est-à-dire en Algérie,
le

pénétrèrent dans Maroc, où ils entreprirent de lutter


le

contre les Maghraoua de Fès. Vaincus, ils se jetèrent sur


Challa et y fondèrent un royaume. C'était aux alentours
de l'année io3o.
De Challa, les Béni Ifren dirigèrent de fréquentes expé-
ditions contre les Berghouata de la Tamesna. Ils finirent
par les battre et par s'emparer de leur territoire, où ils ins-
tallèrent un gouverneur. Vaincus à leur tour, ils durent,
vers la fin du onzième siècle, céder la place aux Almo-
LES CHÂOUÏA — HISTOIRE |33

ravides et leur nom disparut de la centrée comme un


peu plus tard celui des Berghouata.

Maçmouda Berghouata, Maçmouda Ghomara des Béni Les Çinhâdja.


Hassan, Zenata Béni Faten des Mediouna, Zenata Béni llren.
les Berbères de « la Chàouïa » appartiennent comme tond

originel à deux souches principales dont la première s'ef-


face en tant que nom, à partir de la conquête Almoravide.
Nul doute que, sous les Almoravides, les Çinhâdja inter-
vinrent aussi, au moins comme représentants de la domi-
nation qui l'emportait. Leur passage a laissé des traces
historiques qu'on retrouverait ethniquement dans les tribus
actuelles en fouillant suffisamment les hérédités des partis
locaux.
En étudiant de près les origines des tribus on peut rat-
tacher aux anciens Çinhâdja les Oulàd Bou Ziri, les Oulâd

Sidi Ben Dâoud et, probablement, les Ziyaïda.


Le cheikh Abd El-Adhîm Ez-Zemmoûri parle, dans son
Opuscule, des « Oulâd Bou Zir », qui occupent le centre du
Maroc; il leur attribue une origine berbère et déclare que
leur ancêtre était l'aïeul des Zenata D'après Ahmed Es- i .

Salawi, les «Oulâd Ben Ziri» descendent de Ziri ben


Manàd et sont des Berbères Çinhâdja et non Zenata 2
Cette dernière version est celle qui semble devoir être
adoptée Ahmed Es-Salawi est un auteur moderne et ses
:

données concordent avec celles d'Ibn K.haldoûn.


Quant aux Oulâd Sidi Ben Dâoud, ils doivent leur nom
à un marabout célèbre, mort entre 524 et 533, enterré dans 1 1

le Tadla près de Ghorm El-Alem, et dont le tombeau est

très vénéré. Suivant le Moumattï El-Asmâ' (3), ce person-


nage était des Oulàd Bou Ziri. Cette assertion d'un auteur
qui fait autorité donne à penser que les Oulâd Sidi Ben

(1) Archives marocaines, t. II. p.


(2) Isligça, t. I. p. 3i.
P. 49.
I
34 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

Dâoud ne formaient à l'origine qu'une traction des Oulâd


Bou Ziri. Ils appartiendraient comme eux aux Çinhàdja.
Il semble enfin qu'on puisse considérer les Ziyaïda comme
issus des Çinhàdja, leur nom rappelant celui des Benî Ziyâd,
tribu qui appartient au groupe çinhâdjien.
A cette branche se rattachent encore les Akhamlich,
grande famille Çinhâdjiya du Rif, dont on retrouve des
représentants parmi les Châouïa.
On voit là un nouvel exemple de l'impossibilité de suivre
exactement les évolutions d'une famille à travers ses étapes
successives. Les Akhamlich sont notoirement Çinhàdja.
Dans le Rif on les considère comme Chorfa. Ils ont égale-
ment uneZaouïa chez les Havaïna; d'autres vivent à Fès, à
Zouqaq Er-Roummàn enfin ceux des Châouïa sont établis
;

dans la tribu des Mzab (Zenata). 11 ne semble pas qu'il


s'agisse là de descendants des premiers Çinhàdja almora-
vides qui ont conquis la Tamesna, mais plutôt ceux de la
lignée d'un Cheikh Djazoulite ou d'un Moudjâhid.
Ces différentes provenances ont vraisemblablement com-
mencé à se fondre, à s'unifier, par l'arabisation consécutive,
dès l'implantation des tribus arabes, à l'époque almohade.
Il est logique de concevoir que, pendant la période de pré-

pondérance du peuplement arabe, les populations berbères,


malmenées et pillées parles nouveaux venus, commencèrent
à perdre leur individualité.
Mais, postérieurement, l'établissement dans le pays des

Zenata et Houàra(i), des Béni Merin, gouverneurs, chefs de


tribus et clients ou guerriers, modifia le sens et le carac-
tère de l'arabisation, en la complétant. « La fusion fut
facile, dit M. E. Doutté, entre ces nouveaux venus, Ber-
bèrfis à mœurs presque arabes, et leurs prédécesseurs qu'ils
durent submerger complètement, pour devenir les Châouïa

(1) Le nom d'EI-Houàn est fréquent dans certaines tribus châouïa, notam-
ment chez lesMdhakra; les Mellila, fraction de cette dernière tribu, appar-
tiennent à une descendance de llouâra.
LES CHÂOUÏA - HISTOIRE 1 35

que nous voyons aujourd'hui, maîtres du pays après tant


de bouleversements ( ). » Cette mainmise acheva de donner
i

la prépondérance, dans les origines berbères avouées, à la

souche des Zenata.

Telles sont ies données de détail fournies parles annalistes Késumé.


arabes du Maroc musulman sur les divers éléments des
races primitives qui ont occupé ou ont laissé des traces
dans pays actuel des Châouïa. On peut, pour les Ber-
le

ghouata, en retenir l'idée générale de populations berbères,


présentant à l'origine des éléments juifs et chrétiens, isla-
misés en partie par la première conquête arabe. Elles pas-
sèrent ensuite au Kharedjisme, puis subirent plus ou moins
profondément pendant un certain temps une réislamisa-
tion orthodoxe, à l'époque idrisite. Mais en même temps
leur Kharedjisme avait évolué pour aboutir à une religion
imitée du Mahométisme, indépendante et hostile, avec Pro-
phète et Qoran berbères. C'est du moins ce que nous pou-
vons supposer en nous reportant aux dires d'El-Bakri, d'Ibn
Khaldoùn.et d"Abd El-Halim. On serait peut-être tout aussi
près de la vérité, en se demandant si les Berghouata ne sont
pas restés simplement Kharedjites ou l'équivalent malgré
une légende complémentaire, imaginée par les orthodoxes,
suivant un usage fréquent dans l'Islam.
Le Schisme religieux passe en tout cas au second plan,
devant le fait du développement d'un état autonome dont
la puissance se maintient pendant trois siècles. Ce chiffre

seul dispense d'insister sur l'importance des Berghouata


dans la formation du Maroc.
Comme on l'a déjà dit plus haut, un rapprochement
s'impose entre cette situation politique et qu'un foyer
le fait

de résistance et de « patriotisme berbère ». ainsique l'ap-


pelle l'auteur du Kitâb El-Istiqçâ, s'est maintenu jusqu'à

1 1 1 E. Doi itê, loc. cit. p. 6.


I 36 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

ces dernières années du côté de l'Atlas où dominait l'in-


fluence des Berbères de la Tamesna.
D'autres Berbères s'étaient superposés, au moins locale-
ment et temporairement, aux Maçmouda Berghouata : les

Béni Yfren Zenata, les Mediouna Zenata, et les Çinhàdja


Almoravides. L'élément primitif, amoindri et fractionné,
subsistait encore dans son pays dévasté, quand arrivèrent
les Arabes.
Ceux-ci furent amenés au Maghreb El-Aqçâ par les sou-
verains Almohades, qui voulaient à la fois les diviser, con-
tenir les Berbères de l'Atlas, repeupler les régions dont les
luttes intestines et les guerres d'Andalousie avaient fortement
diminué la population, puis enfin constituer un « guich »
arabe pour défendre leur pouvoir.
LES ARABES

Sans vouloir refaire ici l'histoire des Béni Hilâl et des Les Hilaliens
Soleim depuis leur exode de l'Arabie jusqu"au moment où
une partie d'entre eux fut transportée au Maghreb El-Aqça,
on peut rappeler en quelques mots leurs pérégrinations a
travers l'Afrique du Nord.
C'est vers la fin du quatrième siècle de l'Hégire que le

Khalife Fatimite El-Azîz ben El-Mo'izz transporta dans le

Saïd, en haute Egypte, les Hilaliens et les Soleim qui


avaient pris part au soulèvement des Qar mates, en Arabie.
Au cinquième siècle, El-Yazouri. vizir d'El-Moustancir,
khalife Falimide d'Egypte, se débarrassa de ces bandes
toujours agitées, en les jetant sur lesÇinhàdja de l'Ifriqiya,
dont l'Émir El-Mo'izz tendait à se déclarer indépendant.
Après des années passées en alternatives d'alliances et de
luttes avec les Çinhàdja et les Zenata, les Arabes commen-
cèrent à s'établir dans l'Ifriqiya etdans le.Maghreb El-Ouàsit.

Au moment de la lutte des Almohades contre les Béni


Ghaniya Almoravides, plusieurs tribus arabes prirent parti
pour ces derniers. Afin de les diviser et de les utiliser.
l'Émir Almohade Yaqoub El-Mançour transporta au Ma-
1 38 •
VSABLANCA ET LES CHAOUÏA

ghrebEl-Aqçà d'importantes fractions deces tribus et les éta-


blit en partie dans la Tamesna, en partie dans le Habt et
dans l'Azghar.
Ces deux dernières régions furent affectées aux Riyâh,
dont il n'y a pas lieu de s'occuper ici ils furent d'ailleurs
:

en partie détruits sous le règne des premiers Mérinides.


Ainsi qu'on Le verra plus loin, les premières attributions ter-
ritoriales faites aux tribus arabes par Ya'qoùb El-Mançoûr
se modifièrent avec le temps. Les tribus hilaliennes aban-
donnèrent en partie laTamesna, ets'établirentau nord-ouest
dans les régions primitivement occupées par les Riah.
Dans toutes leurs pérégrinations, les Hilaliens transpor-
taient pieusement la légende de Djazya bent Serhan. Elle
a donné lieu dans les différentes régions qu'ils traversèrent,
et jusqu'au Maroc, à des chansons de geste, que chantent

encore aujourd'hui de vieux conteurs. D'après la version


marocaine de cette légende, les arbres de la forêt de Ma-
mora ne seraient que les piquets revivifiés des tentes des
tribus hilaliennes, remontant de la Tamesna vers le Nord
sous la conduite de Djazya.
Avec l'arrivée des Arabes, l'apparition du nom deChâouïa
n'allait pas tarder. Il se produisit de suite beaucoup de chan-
gements dans l'ancien peuplement berbère et certains ca-
Châouïa se fixèrent rapidement.
ractères des futures tribus
Les Châouïa appartiennent en majeure partie au groupe
des Hilaliens. Quelques-uns font partie des Djochem, mais
la plupart sont des Zoghba.

Les Djochem. du douzième siècle de notre ère, vers l'an-


C'est à la lin
née i
190, Arabes Djochem Sofiyan, Béni Djâber et
que les

Khlot, et les Athbedj (Acem et Béni Moqaddem), amenés


par Ya'qoûb El-Mançoûr, commencèrent à arabiser la Ta-
mesna.
C'est peut-être avec les Béni Djâber que vint au Maroc
l'ancêtre des Cherqaoua delà Zàouïa de Boul-Dja'd, dans le
LES CHÀOUÏA — HISTOIRE l3û'

Tadla. On retrouve en effet le surnom ethnique de El-Dja-


bri parmi ceux de Sidi Mohammed Ech-Cherqi, considéré
comme descendant du Khalife Omar et fondateur de la
Zaouïa de Boul-Dja'd.
D'autre part, lors du transport des tribus hilaliennes au
Maroc, en 5go 194), par l'Almohade Ya'qoùb El-Mançoùr.
1

les Djochem Béni Djàber allèrent s'établir auprès des mon-

tagnes du Tadla. Constitués sous le nom Chàouïa. ils on1


toujours été serviteurs (khoddam) de la Zaouïa de Boul-
Dja'd, qui est restée le centre religieux le plus important
de la région.
Ibn khaldoûn nous apprend que les Sorvan avaient été
établis dans la région de Casablanca et tout le long de la

côte, tandis que les Khlot occupaient les plaines de la

Tamesna.
Dans son récent ouvrage Les Arabes en Berbérie du
XI" au XIV* siècle, Georges Marrais donne la note exacte de
ce que devait être la Tamesna au moment de l'arrivée des tri-
bus Hilaliennes et groupe de précieux renseignements sur
l'établissement de ces tribus dans les plaines atlantiques du
Maghreb.
Les populations de la Tamesna qui avaient dû être no-
toirement diminuées par les « djihâds » des Béni Ifrenetdes
Almoravides contre les Berghouata, n'avaient certaine-
ment pas complètement disparu à la fin du sixième siècle
de l'Hégire XI siècle J.-C). D'une façon générale on peut
I

se rendre compte que les récits de destructions complètes de


tribus, laits par les historiens arabes, sont toujours entachés
d'une forte exagération. Nous axons vu qu'on retrouve
parmi les Châouïa des Oulàd Çalâh établis chez, les Ou lad
Hariz et chez les Mdhakra. Considérés par les indigènes
comme descendants deJuifs islamisés, ils peuvent, d'après la
légende qui les concerne, être classés comme derniers re-
présentants des Berghouata. Ibn Khaldoûn rapporte égale-
ment l'anéantissement complet des Khlot, oui constituent
140 CASABLANCA i. : LES CMA0U1A

cependant encore aujourd'hui une importante tribu établie


dans la vallée du Lekkoûs.
Quoi qu'il en soit, il y avait encore des habitants berbères
dans les plaines de la Tamesna au moment de l'installation
des tribus arabes. « Quelle fut la situation de ces premiers
occupants, quand les nouveaux venus se furent installés
dans les terres que le Khalife, peu respectueux des droits
acquis, leur avait désignées ? Nous en sommes àce sujet ré-
duits aux conjectures. D'aucuns allèrent sans doute aug-
menter les populations des montagnes...
« ... 11 est probable que la plupart ne s'éloignèrent pas
beaucoup et que bon nombre même ne disparut pas de la
Tamesna (1). »
dans celte région comme dans un fief militaire,
Installés
les Arabes Djochem, loin de tirer parti de la fertilité du
sol qui leur était échu, rançonnèrent et exploitèrent le pays
pendant près d'un siècle, comme ils le firent aussi dans
leurs établissements du Nord, ne cessant leurs brigandages
que de temps à autre, lorsque les Sultans intervenaient. Ils
pillèrent les Berbères et razzièrent sur les routes jusqu'au
moment où ils quittèrent le pays devant ia conquête méri-
nide.
« Le transfert des Béni Hilal sur ces terres lointaines,
imposait à ces Arabes un changement durable d'existence
et devait entraîner pour eux une profonde décadence éco-

nomique. Il les plaçait également dans une situation poli-


tique tout autre que celle qu'ils avaient jusqu'alors connue
et créait entre eux et les princes de Berbérie des rapports
bien différents de ceux que devaient entretenir avec les
maîtres de l'Ifriqiya les frères qu'ils y avaient laissés (2). »
Au cours des luttes entre les derniers Almohades et les

premiers souverains de la dynastie nouvelle, ces derniers

|i) Georges Mabçais, Les Arabes en Berbérie du XI' au XII' siècle,


p. 533.
(2) GeOBCES MaRÇAIS, <i[1. cit., p. 20t.
LES CHAOUM - IIISTOIHK 1
+ i

s'étaient appuyés sur leurs frères de race, les Mediouna,


Béni Faten Zanata, anciens adversaires des Berghouata, et
qui s'étaient maintenus sur leur territoire.
LaTamesna fut rapidement soumise parla dynastie mé-
rinide. Dès 037 [23g l'émir mérinide Othmân le Borgne,
,

tils d"Abd El-Haqq, imposa son autorité à cette région

comme à tout le Maghreb central. Il la soumit au paiement


du kharadj eapitation foncière pour infidèles soumis en
sus des impôts ordinaires.
En 658 1260), l'émir Ya'qoùb ben "Abd El-Haqq El-
Merini dut refaire la conquête de la Tamesna et de la ville
d'Anfa. Mais un traité intervint entre lui et l'émir almo-
hade Ahou Hafç Omar El-Mourtadhi, souverain de Marra-
kech. La limite entre les états des deux émirs était fixée à
l'Oued Oumm er-Rebî', le Nord restant aux Mérinides et
le Sud aux Almohades. Ce traité fut d'ailleurs violé peu de

temps après par Ya'qoùb ben 'Abd El-Haqq, qui s'empara


de Marrakech en 668 1269 .

En 678 ,1279) le même Ya'qoùb ben Abd El-Haqq


expéditionne contre les Sofyan de la Tamesna et, pour
châtier la révolte de leur chef Mes 'oud. extermine presque
entièrement une des fractions de cette tribu, les Ilàrith. A
la suite de ces combats, l'élément berbère, mélangé à un

nouvel élément arabe amené par les Mérinides, redevint


plus puissant dans la Tamesna que l'ancien élément hila-
lien de Ya'qoùb El-Mançoûr l'AImohade.
Pendant la dernière période de la lutte entre les Almo-
hades et les Mérinides, Hassan ben Abi Saïd Eç-Coubaïhi
avait suivi de Punis à Tendjedâ, près de Marrakech, le
chef des Beni-Goumi Abd-el-Ouadites, Abdallah ben
Guendouz. Celui-ci était venu rejoindre Ya'qoùb ben Abd
El-Haqq devant Marrakech et l'avait aidé à s'emparer de
la ville 1267-68) et à ruiner définitivement la puissance
almohade. Après sa victoire, nous dit Ibn Khakloùn, le
sultan mérinide récompensa 'Abdallah ben Guendouz en lui
142 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

donnant en fief une région voisine de Marrakech, à charge


pour lui de s'occuper des troupeaux que « le Sultan faisait
entretenir par les peuples pasteurs du Maghreb ». 'Abdallah
ben Guendouz rassembla ces troupeaux, dispersés dons di-
verses tribus, et les confia à la garde de ses propres pas-
teurs.
Hassan le Çoubaïhi était, avec son frère Mousa, le chef
de ces pasteurs. Il devint peu à peu un personnage impor-
tant; il avait avec lui non seulement les troupeaux du
sultan, mais les tentes de 'Abdallah ben Guendouz, et se
déplaçait jusqu'au Sous. Chef de tous les pasteurs Chàouïa,
il finit par obtenir le gouvernement de la Tamesna. Il
approchait maintenant le Sultan et gagnait sa confiance,
en même temps qu'il s'enrichissait. Ses fils, Ali, Yaqoub et

Talha, « furent élevés à la cour, au milieu des grandeurs,


et possédèrent ensuite diverses charges, tout en conservant
la garde des troupeaux du Sultan. Jusqu"à nos jours, ajoute

Ibn Khaldoûn, les membres de cette famille se sont partagés


le même emploi comme un héritage. Leurs descendants

exercent encore la surintendance des tribus pasteurs, comme


leurs ancêtres, et conservent toujours le droit de garder les
chameaux dont le Sultan se sert pour le transport de ses
bagages ».
Les Arabes Çoubaïh, des Zoghba, qui devinrent ainsi
gouverneurs des Châouïa et restèrent les maîtres du pays,
de la fin du treizième siècle au commencement du quin-
zième, avaient supplanté les Mediouna. De même souche
originelle que les Béni Merin, ceux-ci s'étaient prononcés
dès la première heure pour le parti mérinide et le Sultan
'Abd El-Haqq leur avait, en 1245, attribué la Tamesna. De
là, sans doute, un renouveau momentané des influences

berbères pendant la période d'arabisation.


Postérieurement, ces Arabes ont renoncé à la vie nomade;
ils ont pris un habitat fixe et sesont peu à peu fondus dans

le milieu berbère arabise. >n en retrouve peu de traces à


(
LES CHÀOXJÏA — HISTOIRE 1^3

l'état pur, quoique De Foucault ait signalé une fraction de


K.hlot chez les Oulàd Mhammed.

Aux Djochem, amenés par Almohades, succédèrent


les Les Zoghba.
en partie un demi-siècle plus tard les Zoghba, amenés par

les Mérinides. Cet événement se produisit au milieu du

treizième siècle, sous le règne de Ya'qoûb ben 'Abd El-


Maqq.
Les Zoghba, ou plus exactement une de leurs fractions,
les Souaid, étaient alliés avec les Zenata 'Abd El-Ouad de
Tlemcen, dont ils constituaient le Makhzen.
On trouvera dans l'ouvrage de M.Georges Marçais, Les
Arabes en Berbérie, les étapes successives des Zoghba en
Afrique; l'histoire de leur alliance avec les Oulad 'Abd El-
Ouad, des difficultés qui les en ont séparés et de leur
entrée au service des Mérinides.
Les Zoghba actuels sont les descendants de Hassan ben
Abi Saïd Eç-Çoubaïhî, ethnique afférent aux Çoubaïh, frac-
tion des Souaïd, de la tribu hilalienne des Béni Malek ben
Zoghba.
Dès le gouvernement des Oulâd Hassan Eç-Coubaïhi, les
gens de la Tamesna avaient achevé d'oublier le nom de
Berghouata en le remplaçant par celui deChàouïa. En même
temps le pays commença à s'arabiser de langue et d'habi-
tudes, malgré l'émigration plus au Nord des premiers Ilila-
liens. Ce sont les Zoghba, et avec eux les Solaïm de l'époque
Almohade qui, restés parmi les Châouïa en formant la tribu
des A'chàch, donnèrent le branle au mouvement d'arabisa-
tion des tribus berbères.
C'est à partir du commencement du huitième siècle que
les tribus hilaliennes de la Tamesna avaient commencé à
remonter vers le Nord et à s'établir dans les plaines du
Habt et de l'Azghar, en remplacement des Rivàh disperses et
presque complètement détruits par l'émir mérinide Abou
Thàliit Amr ben Abdallah en 707 H. (1307).
144 ASAB1 INCA ET LES CHAOUÏA

On est ainsi conduit à concevoir toute cette période


comme présentant un premier stade de domination semi-
indépendante des Arabes Djochem, dévoués au parti almo-
hade. Il y a ensuite retour à la prédominance des Berbères
Mediouna, puis un second stade de l'arabisation avec les
Zoghha Çoubaïh amenés par les Mérinides pendant l'affais-
sement progressif des Djochem.
L'évolution achève de se dessiner au commencement du
quatorzième siècle. Mais, malgré la prépondérance poli-
tique des Arabes, la population arabisée de langue berbère
conserve l'empreinte de son origine berbère.

Les Solaïm. Les tribus hilaliennes ne sont pas les seules tribus arabes
Les Ma'qil. dont on trouve des descendants parmi les populations
Les Qorra Châouïa on v voit également des Solaïm, des .Ma'qil, des
:

et les Riyâh. Qorra et des Rivàh.


Le principal établissement de la tribu des Béni Solaïm
était en Ifriqiva. où ils avaient une situation considérable

sous les Hafsides; ils semblaient ne s'être pas avancés da-


vantage vers l'Ouest. Un groupe de cette tribu, les A'châch,
S2 retrouve cependant parmi les Châouïa. On ne connaît
pas l'époque exacte de l'arrivée au Maghreb El-Aqça des
fractions de Solaïm qui s'y trouvent aujourd'hui. Peut-être
s'étaient-elles jointes aux Hilaliens transportés en Tamesna
au sixième siècle de l'Hégire par Ya'qoûb El-Mançoùr l'Al-
mohade, ou à ceux qu'amena l'émir mérinide Ya'qoûb ben
Abdelhaq. L'existence d'Arabes Solaïm dans la Tamesna
est conlirmée par Mohammed El-Qadiri dans le Nachr
El-Mathâni 1
1).

Les Ma'qil, dont l'arrivée au Maghreb ne correspond pas


à l'époque des grandes invasions arabes, sont également
représentés dans les Châouïa. Ils étaient établis surtout
dans le Sous, et au sud de Marrakech (Douï Hassan, Che-

i Cf. Archives marocaines, vol. XXI, p. 206.


LES CHAOUÏA — HISTOIRE I4.S

banat, etc.), et quelques-uns de leurs groupes sont remontes


vers le Nord à une époque qu'il est impossible de préciser.

Les Arabes Ma'qil des Châouïa sont représentés aujour-


d'hui par les Ahlât" et les Oulâd Çabbâh des Mdhakra, et
sans doute également par les Oulâd Ali. Un autre groupe
d'Ahlàf se trouve dans le Nord-Est du Maroc, aux environs
d'Oud|da
Ces derniers, qui se trouvaient à Sidjilmasa au qua-
torzième siècle, remontèrent sur Oudjda à la même époque ;

il donc probable que


est c'est de qu'une fraction d'entre

eux fut transportée dans les Châouïa soit par les Saadiens,
soit parles Filàla.
A côté des Djochem et des Zoghba, il faut placer les

Qorra qui forment une sous-fraction des Mdhakra.


D'après Mercier (i), l'origine des £)orra est indécise, mais
ils étaient alliésaux Solaïm. Ils étaient établis à Barca sous
lerègne du Fatimite El-Hàkim. L'un d'eux, El-Oualid ben
Hichâm, se disant prédestiné à la souveraineté, et suivi par
des.Mezata,desZenata et des Louata, qu'entraînaient ses pré-
dications émaillées de sentences qoraniques, il se proclama

khalife en l'an Vainqueur d'abord des troupes


ioo5de J.-C.
d'El-Hàkim, vaincu ensuite, il fut emmené au Caire et mis
à mort. Les Qorra s'avancèrent alors vers L'Ouest des Zogh-
ba, des Riyâh et des Athbedj.
Les Riyâh, Hilaliens comme les Zoghba et les Djochem.
mais d'une autre branche., avaient été établis, au sixième
siècle de l'Hégire, dans le Habtet dans l'Azghar, par Ya'qoûb
El-Mançoûr. Restés fidèles à la dynastie Almohade, ils furent
décimés au commencement du huitième siècle, par le Mé-
rinide AbouThabit. On ne les retrouve plus sur leur ancien
territoire que dans quelques villages, mais chez les Châouïa
ils forment encore une assez importante sous-fraction des
Béni Djâber, fraction des Oulâd Harîz.

<i) Histoire de l'Afrique septentrionale, t. 11. p. 10.

VILLES ET TRIBUS. — I. 11
146 CASABLANCA Kl LES CHÀOUÏA

On voit enfin chez les Châouïa quelques descendants des


Khlot, restés là, sans doute, au moment de l'émigration de
la tribu vers le Nord, où elle s'établit dans la vallée du Lek-

koûs.
Au quatorzième siècle de notre ère, Léon l'Africain, qui
visita la région, constate que les Arabes ont à peu près
complètement disparu. D'après lui, la nouvelle population
berbère comprenait 200.000 tentes et possédait 60.000 che-
vaux, chiffres que l'actualité montre bien exagérés.
A partir de cette époque l'arabisation se poursuit, en même
temps que la constitution ethnique des Châouïa, par l'ac-
tion concordante des gouverneurs Çoubaïh ou des Zenata
et des Houàra Mérinides.

Au moment où l'Imamat des Chérifs se substitue à


l'anarchie des Sultanats^nérinides, au début du seizième
siècle, la transformation est accomplie les Berbères : et les

Arabes de la Tamesna sont devenus les Châouïa.


[V

I. EPOQUE MERINIDE

L'histoire esta peu près silencieuse sur le pavsdeTamesna


ou des Chàouïa pendant les huitième, neuvième et dixième
siècles de l'Hégire (quatorzième, quinzième et seizième de
l'ère grégorienne^. Cette période correspond au règne de la
dynastie mérinide et au commencement de celle des Saa-
diens.
Les éléments arabes implantés dans la Tamesna ne com-
prenaient, en majeure partie, que des gens de rapine et des
brigands dont la principale occupation était de couper les

routes et de piller les tribus voisines. Ils furent sévèrement


châtiés en i3o8 par le sultan mérinide Aboù Thabit. Tra-

versant la Tamesna au cours d'un voyage de Marrakech à


Rabat, celui-ci fit appeler les chefs des Arabes Djochem
(khlot. 'Acem, Béni Djàber
1

;
et les emmena à Anfa : soixante
furent jetés en prison et trente crucifiés i i.

Cette période des Mérinidescorrespondàunedécadenccgé-


nérale de la litérature arabe à laquelle les auteurs modernes
'ni donné le nom de Zamân El-Khafdha et qui s'étend

.'\rtàs. op. cit., p. 55î : Histoire des Berbères (J'Ibn

KHALuorv. op. cit.. t. IV. pp. 17.S-176.


I^,S CASAB1 INCA II I ES CHAOUÏA

du septième siècle au douzième treizième au dix-huitième


deJ.-C.). Une première période, le Zamân En-Naqdha (ou
encore Zamân El-Yaqdha) embrasserait les siècles précé-
dents et serait l'âge d'orde la littérature: elle n'aurait pro-
duit que des auteurs originaux. Dans la seconde, au con-
traire, les auteurs n'auraient fait qu'étudier ou commen-
ter leurs prédécesseurs sans rechercher l'originalité.
Il semble qu'il faille chercher en des causes plus fondées
la raison du silence de l'histoire sur l'époque, ou du moins
sur la région qui nous occupe.
Les quatorzième, quinzième et seizième siècles ont vu se
produire des événements d'une portée considérable. Après
une série de guerres ininterrompues, l'Empire, le Moulk
du Maroc avait étendu ses frontières : au Nord jusqu'aux
Pyrénées; à l'Est, jusqu'au delà delà Tripolitaine. Dans
cette vaste étendue de terres, le pays des Châouïa n'était
qu'un point ; il ne pouvait retenir spécialement l'attention
des historiens; leur histoire ne se sépare pas de l'histoire
générale du pavs. On peut dire néanmoins que, comme
toutes les tribus du Maroc, les Châouïa participèrent au
double mouvement qui, sans discontinuer, jette les Ber-
bères et les Arabes en Espagne contre la chrétienté, et, en
Afrique, contre les souverains de Tlemcen et de Tunis. La
guerre sainte au Nord, les guerres dynastiques à l'Est, relé-
guèrent au dernier plan la vie intérieure du milieu maro-
cain. Les levées de contingents étaient incessantes. Guich
des Mérinides, les Arabes Châouïa y prirent constamment
part.
En 1291 les armées marocaines débarquent en Espagne:
de 1299 à i3oy elles font le siège de Tlemcen. capitale des
'Abd El-Ouadites en 1327 un nouveau débarquement a
;

lieu péninsule; en i33i. i3qo et 35g, on voit des


dans la 1

envois continuels de renforts; en 338, c'est le siège et la 1

prise de Tlemcen en 13.17-1348 le Mérinide Aboul-Hasan


;

conduit du Maroc jusqu'en Tunisie une grande expédition


LES ( .11 \0l I A 140

qui aboutit au désastre de en 358 la lutte Qairouan ; 1

reprend entre les Mérinides 'Abd El-Ouadites, et, de et les

même, quelquesanneesplus tard. entre 13/0 et 384 en i35o 1 :

et 35
1 a lieu une nouvelle expédition à Tunis. Enfin une
1

rupture entre le roi de Grenade et le sultan de Fès occa-


sionne en 1370 et 1084 d'autres guerres civiles au Maroc
même, où le roi deGrenade suscite des prétendants contre
les Mérinides.

Malgré i*obscuriié que cette succession de guerres étend


sur l'histoire intérieure des Châouïa, on retrouve les traces
des Arabes Djochem en i35i. au moment où de retour de
Qairouan, le sultan mérinide Aboul-Hasan arrive à Sidjil-
masa. 11 était accompagné d'Arabes Soueid, apparentés a\ ec
les Xoghba de la Tamesna et, avec eux, met le siège devant

Marrakech. Les Arabes Djochem sont les premiers à lui


promettre leur concours pour l'aidera remonter sur son
tnme perdu. Aboul-llasan est battu, et contraint d'abdi-
quer en faveur de son fils Ahou Inàn. mais obtient ii

l'amnistie pour ses partisans.


Quarante ans plus tard le Maroc tombe en pleine anar-
chie; de 1394 a 1458 il use toutes ses forcesen luttes intes-
tines et se fractionne en trois: Fès, Marrakech et Sidjil-

masa. Il serait intéressant de savoir le parti qu'embrassè-


rent les Châouïa, mais le manque complet de renseigne-
ments interdit les hvpothèses.
La fin du quinzième siècle voit, avec la chute de Gre-
nade en 1402, l'écroulement du royaume musulman d'Es-
pagne.
Au commencement du seizième siècle, en i3o2, les der-
niersMusulmans qui avaient pu se maintenir dans ce
pays doivent l'abandonner ; leur exode avait été précédé de
celui des Juifs, qui, chassés par l'Inquisition, vinrent en
1493 s'établir en partie dans les villes côtières du Maroc.
A la lin du quinzième et au commencement du seizième
siècle il Maghreb, aucune unité dans l'autorité.
n'v a pius. au
.

l5o CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

On n'y retrouve ni Almoravides. ni Almohades, ni Méri-


nides, m A'txi El Ouadites, ni Hafsides. Les Chrétiens vien-
nent d'apparaître au milieu de l'anarchie générale, les Por-
tugais s'emparent des ports du Maroc et se montrent sur le
de la Tamesna comme sur le reste de
littoral la côte, pen-
dant que les Espagnols débarquent à Mellila 1496-97), à
Mers El Lebir i5obi et à Oran (i5og) (1).
|

Les Portugais. 11 n'est pas possible de se rendre compte de la situation


des Châouïa pendant l'occupation portugaise.
Les Portugais ne semblent pas avoir réussi à pénétrer
très avant dans Tamesna, ni sur le territoire des Douk-
la

kâla et des Abda manquaient vraisemblablement de ca-


: ils

valerie et ne pouvaient s'aventurer dans la plaine. An fa


(Casablanca) est le seul point de la côte où ils aient pc
débarquer.
La future capitale européenne qu'un douar n'était alors
des Châouïa, établi au bord mer. C'était un repaire
de la

de pirates qui envoyaient leurs bâtiments jusqu'à l'em-


bouchure du Tage. En 1468, l'infant Fernand de Portugal
arriva devant le rade avec 5o navires et près de 10.000 hom-
mes et s'empara d'Anfa. Les Portugais ne devaient la gar-
der que peu de temps. Devant les attaques continuelles des
populations de l'intérieur, ils abandonnèrent la position
après l'avoir complètement détruite et reprirent la mer.
En un autre débarquement
1487, les Portugais opérèrent
sur la non loin d'Anfa. Après des enga-
côte des Châouïa.
gements très vifs ils se rembarquèrent en emportant un
butin considérable. Chénier, qui rapporte cet événement
ajoute que « le roi maure lit remercier celui du Portugal
de l'armement qu'il avait fait et de la leçon qu'il avait

lu Toute cette partie relative aux Mérinides a été tii eure partie
de Histoire de l'Afrique Septentrionale de Mercier
l' et de {'Histoire des
lierbères d'Inv kn - ;
LES CHÂOUÏA — HISTOIRE l5l

donnée aux Châouïa qu'il ne pouvait maintenir lui-même


dans sa subordination ».

D'après Vlstiqçâ (i) les Portugais revinrent une troi-


sième fois à Anfa vers 1614; ils reconstruisirent entière
ment la ville et l'occupèrent jusqu'aux environs de 1741
(H. 1141', sous le règne deMoulay Abdallah ben Ismaïl.
La ville n'a certainement pas été reprise de force par les
Musulmans. On peut supposer qu'elle fut détruite en 1755
par le tremblement de terre qui dévasta Lisbonne, et que
ses habitants durent l'abandonner.
Quant au territoire même des Châouïa, il semble n'avoir
pas été compris dans le partage du Maroc de 940 534 1

entre le dernier mérinide Ahmed ben Mohammed et les


deux iils d'El-Qàïm bi-Amr Allah. Es-Sa'di, Ahmed El-Aa-
radj, et Mohammed Ech Cheikh.
D'après ce partage, les Saadiens restaient maîtres du pays
du Tadla au Sous et les Mérinides de ceux du Tadla au
Maghrib El-Uuàsit. Cet arrangement ne mentionne pas la
Tamesna, ni les Châouïa qui se trouvent au nord-ouest du
Tadla. Cette région était-elle considérée comme indépen-
dante, ou comme faisant partie du territoire de guerre
Bilàd El-Harb),ou comme territoire de guerre sainte! Bilâd
El-Djihâd ? On ne saurait le préciser.
îl semble bien que si les Portugais n'ont pas occupé
effectivement les Châouïa, ils ont essayé d'y entretenir des
relationset d'y nouer des intrigues avec quelques Cheikhs,
ainsi qu'en fait foi la lettre suivante, extraite des l'exlos em
Aljamia Portuguesa, publiée par M. David Lopes.

(1) Tome II. page ijg.


C\SABLANCA ET LES CHA0U1A

Nome de Deus misericordioso, e louvoreus ao seu Deus.


Carta a vos mui alto rei de Portugal, do Xeque Jahia ben Bulisbé

servidor de vossa alteza, e que faço a saber que a causa que ahi houve
de me nâo vir corn o capitao, pera o que cumpre a vosso serviço, foi
a nova que temos delrei de Fez que vem assim senhor vos faço a
;

saber que eu devo algumas pagas, polo que peço a vossa alteza que
me faça mercê cento onças de prata, e duas marlotas de grâ, e outras
duas marlotas de veludo, assim isto senhor vos aprouver mandar-mas
poi Juçafe Adibe, e eu fico senhor de vossa alteza em tudo em que
mandar da Enxovia.

Au nom de Dieu miséricordieux et louanges à son Dieu. Lettre


à vous, très haut roi de Portugal de la part du cheikh Yahya
i:HÀOl ïa — HISTOIRE I 53

bcn Bulisbé, serviteur de Votre Altesse, et je lui fais savoir que


la raison qui fait que je ne viens pas avec le capitaine, quoique
je sois toujours à votre service, est la nouvelle de l'arrivée du
roi de Fès.
De plus, Seigneur, je vous fais savoir que je dois quelques
payements, en conséquence, je prie Votre Altesse de daigner m'ac-
corder cent onces d'argent et deux manteaux d'écarlate et deux
autres de velours de soie et qu'il vous plaise de m'envover 'ce
qui précède) par lousef Adibe. et je reste Seigneur de Votre
Altesse, (le serviteur) en tout ce qu'il lui plaira d'ordonner en
Châouïa i i .

Cette lettre n'est malheureusement pas datée, mais elle

suffîtpour établir que les Sultans de Fès avaient conservé


une certaine autorité en Châouïa: en effet, le cheikh Yahya
ben Bulisbé veut bien entretenir des relations avec le roi
de Portugal et même se faire faire par lui des cadeaux, mais
il n'accompagne pas le capitaine portugais, qui était allé
le chercher. « par crainte du roi de Fès qui doit venir ».

lit également, plus tard, le Sultan saadien Abou Me-


i

rouàn Abd El-.Malek, fils du Sultan Mohamed Ech-Cheikh.


occuper la Tamesna avant la bataille de l'Oued El Makha-
/in, en 986 578 et y réunir des moudjahids contre son
1

neveu Moulay M'hammed ben Abdallah qui avait demandé


le secours des Portugais contre lui mais ces événements se :

rapportent à la période de la dynastie saadienne, qui sera


examinée plus loin.

rextos de Aljamia Portuguesa. Documentes para —


Histoi .1

mimo l'ortu^ués cm Salim, extrahidos dos originaes d -


["ombo,
por David Lopes S.S.G.L. Lisboa Nacional, 1897, pp. 48-49. Trad, I-
LA RENAISSANCE RELIGIEUSE

Le La mainmise des chrétiens sur une du sol musul-


partie
Djazoulisme. nian fut à la lin du quinzième siècle et au commencement
du seizième, le signal d'un mouvement religieux formi-
dable; les Mérinides, qui n'avaient pas su garder l'Espagne
et avaient laissé s'effriter l'empire du Maghreb, tombèrent
devant la poussée des marabouts prêchant la guerre sainte :

les dynasties berbères firent place aux dynasties chérifiennes.


Ce grand mouvement eut pour promoteur dans le Maroc
occidendal, le « Cheikh», le « Chérif Semlali », 1' « Imam »
Sidi Abou 'Abdallah Mohammed ben Slimàn El-Djazoùli,
d'où la dénomination générale de Djazouhsme.
Cette poussée, qui avait eu son point de départ au Soùs,
développée à Marrakech, associa l'apostolat mili-
et s'était

tant de ben Slimàn El-Djazoûli aux ambitions des Saadiens.


Son but était de chasser les chrétiens du Maroc. Il semble
cependant qu'au début du seizième siècle, elle se soit ar-
rêtée sur les bords de l'Oumm Er-Rebi'.
Les Portugais occupaient une partie du Soùs et les ports
de Mazagan, d'Azemmour, etc. On a vu plus haut qu'ils ne
se maintenaient qu'avec peine et par intermittence à Anfa.
I.E.s CHÀOUÏA — HISTOIRE |55

Tiraillés entre deux partis, les Béni Ouattàs (Mérinides au


nord Saadiens au sud. les Chàouïa ne se déclarèrent
et les

ouvertement ni pour l'un ni pour l'autre. Comme d'autre


part ils n'avaient pas à défendre leur territoire contre les
chrétiens ils se contentèrent de garder l'expectative, prêts à
reconnaître la dynastie nouvelle qui grandissait rapide-
ment.
Les Djazoulites de .Marrakech et du Soûs donnèrent en
masse contre les Portugais d'Azemmour en 5 3. La Daouhai 1 1

En-Nâchir mentionne des personnages religieux qui prirent


part à cette affaire. On n'y voit pas de Chàouïa i .

Nul doute cependant sur l'extension du Djazoulisme chez


les Chàouïa. Elle fut d'autant plus facile que les Djazouli tes

avaient pris la suite des affaires, des Regraga, de Chi-


chaoua dans la région de Mogador, et que les Regraga
avaient déjà pied eux-mêmes parmi les Chàouïa. Person-
nages un peu légendaires, et probablement simples Mou-
djahids berbères, sanctifiés et pourvus d'un pouvoir miracu-
leux aux yeux de la foule, ils occupaient avec les Chorfa de
Tit des Ribal de guerre sainte, tout le long de la côte de

Sari àRabat; quand Ben Slimàn El-Djazoûli se mit à la tête


desprédicateurs de Djihad, ses adeptes remplacèrent les Re-
graga dans le mouvement de guerre sainte.
De même que plusieurs tombeaux et vestiges de Ribat rap-
pellent le Regraga chez les Chàouïa, on vit
rôle local des
bientôt les Cheikhs djazoulites prendre une grande auto-
rité dans ces tribus. En i528 on signale la mort du cheikh

djazoulite El -Ghazouani qui, commémoré de nos jours chez


les Chàouïa, par de nombreuses Qoubbas, était un adversaire

redouté des Mérinides. Il avait contribue à l'avènement des


Saadiens à l'imamat de Fès. On cite parmi ses disciples.

Sn-hal El-Hadi, page 189, traduction O. Hoiu.is. — Cf. La biogra


phie deAbJ Allah ben Sasiet celle de Abd Allah l£l Kouch dans l.i Daouhai
An Ndchir de lbn Askar archives Maro* iimes, vol. XIX, p.
: 189. Ne pa.-;

confondre Abdallah El-KLouch, avec Rahhal El-Kouch ici". ibid.,p.


l5G CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

Aboul-Masan Ali ben 'Othmàn Ech-Châoui, tué en Dji-


hâddevant Azilà en 533, et surtout le fameux Moudjàhid
1

Moulay Boucheta El-Khammâr des Fichtala (i), Châoui,


lui aussi, et l'un des plus populaires parmi les saints des

Châouïa. Les Djazoulites Châouïa n'eurent cependant pas


l'occasion de déployer chez eux leur zèle pour la guerre
sainte, parce que la conquête portugaise n'y avait pas pé-
nétré. Leur activité extérieure n'en est que plus remar-
quable elle donne l'impression que les tribus Châouïa
;

lurent, au seizième siècle, une pépinière de Moudjàhids.


On a vu déjà que le sultan 'Abd El-Malek. s'était rendu en
Tamesna pour y réunir des combattants contre le roi Sé-
bastien de Portugal.
Deux grandes familles de Moudjàhids djazoulites du
Gharb, Ôulâd El-Miçbâh et les Mâachat, vinrent à la
les

même époque des pays Châouïa. Un membre des Oulàd


El-Miçbâh joua un rôle en vue dans les luttes entre Méri-
nides et Saadiens. D'autres Cheikhs Djazoulites, de Fès et
des Djebala, morts vers la fin du siècle, viennent également
de la Tamesna. Mais le plus important de tous, au point
de vue local, est le patron des Oulâd Sidi ben Dâoud de
la région de Settat Abou 'Abdallah ben Dâoud Ech-Châoui,
:

«auteur d'une foule de prodiges et de plusieurs miracles


célèbres ». Son tombeau se trouve à la vérité dans le Tadla,
mais la tribu ou fraction de tribu qui porte son nom, ap-
partient aux Châouïa.
Les Zaouïas, les Horms, les Qoubbas des saints Djazou-
lites et de toutes les filiales du Djazoulisme, se multiplient
pendant ce siècle, à la lin duquel on peut considérer la

renaissance religieuse comme accomplie. Le mouvement


politique qui en découlait commence à faire place à l'his-
toire administrative avec les Saadiens.

ii s.>n vrai nom était Mohammed ben Moûsa Ech-Châoui. Il est enterré à
Amergo chez les Fichtala, où son tombeau si connu est l'objet d'importants
pèlerinages.
VI

LES DYNASTIES CHERIFIENNES

Une des premières mesures décrétées par Mohammed Les Saadiens.


Ech-Cheikh Es-Sa'di, fut la destruction de ces mêmes
amené sa famille au pouvoir.
zaouïas dont l'influence avait
Les Saadiens voulaient bien protiter du mouvement de
renaissance religieuse qui, devant l'invasion portugaise.
avait renversé les Mérinides à leur profit, mais ils se refu-
saient à partager l'autorité avec les zaouïas que ce mouve-
ment avait multipliées.
C'est au commencement du seizième siècle que le chérit
saadien Abou Abdallah El-Qâïm bi-Amr Allah, fut pro-
clamé dans le Soûs; mais ce n'est qu'en 534 que la sou-
1

veraineté des Saadiens fut réellement reconnue lors du


partage du Maroc entre eux et les Mérinides. On a vu dans
le chapitre relatif à la domination portugaise, que dans ce

partage les Mérinides avaient reçu toute la région s'éten-


dant du Tadla au Maghrib El-Oucîsit, avec la ville de Fès
et les Saadiens, le pays depuis le Tadla jusqu'au Sous,

avec Marrakech. Les pavs des Chàouïa, qui se trouve au


nord-ouest du Tadla, n'est pas compris dans cette répar-
tition ; on ne peut donc pas savoir si à ce moment il faisait
partie de la région gouvernée par les Saadiens.
(58 VBLANCA ET LES Cil UUÏA

Ce partage de i53.| fut d'ailleurs éphémère; la puissance


des Mérinides était arrivée à son terme en 1549, le Saadien
et

Mohammed Ech-Cheikh entrait une première fois à Fès ;

chassé de cette ville par Abou Hassoûn El-Ouattâsi, en 1 554,


il y rentrait la même année.
semble que le plus grand effort de Mohammed Ech-
11

Cheikh, après avoir établi son pouvoir à Fès, ait été dirigé
sur Est, pour lutter contre les tentatives d'envahissement
1

des Turcs, et qu'il ne se soit pas occupé beaucoup de la


région de l'Ouest.
Son successeur, le Sultan 'Abdallah El-Ghàlib Billah, eut
la même 558, que
préoccupation. C'est sous son règne, en 1

lesTurcs qui s'étaient emparés de Badis, dans les Ghomara


du Rif, marchèrent sur Fès, commandés par El-Hoseïn, fils
de KheïrEd-Din. Moulay Abdallah les battit sur l'Oued El-
Leben,à peu de distance de Fès. Quoi qu'il en soit, lorsque
Mohammed ben 'Abdallah appela à son aide le roi Sébastien
de Portugal contre son oncle 'Abd El-Malek qui, changeant
la direction de la politique de son frère, s'était appuyé sur

les Turcs pour conquérir le pouvoir, le pays des Chàouïa


était certainement soumis à l'autorité des Saadiens.
En effet, 'Abd El-Malek se rendit lui-même dans la région
et y réunit des combattants pour faire la guerre sainte

contre les Portugais amenés par son neveu Mohammed. Les


Moudjdhids des Châouïa prirent donc part à la fameuse
bataille de l'Oued El-Makhazin en 1578.
Lessuccesseursd"Abd El-Malek ont certainement continué
à exercer sur les Châouïa une autorité effective. C'est dans
la Tamesna, qu'en 1584, Ahmed El-Mançoûr faisait prêter

serment par ses cousins et par les hauts personnages, à


son fils Mohammed Ech-Cheikh El-Mamoûn, celui qui en
1610 donna Larache à l'Espagne pour obtenir l'appui de
Philippe III.

Plus tard, l'autorité des Saadiens paraît avoir été com-


battue et en partie remplacée chez les Châouïa par celle de
LES CUÂOUÏA — HISTOIRE i5g

la grande zàouïa berbère de Dila. Cette zàouïa avait été


fondée au dixième siècle de l'I [égire, sous
Fègne des Méri-le

nides, par Abou Bekr Ed-Dilaï, qui appartenait à l'élément


berbère des Çinhàdja. Quoique l'on n'ait aucune certitude
sur l'endroit de son emplacement, certaines indications
permettent de croire qu'elle se trouvait dans la tribu ber-
bère des Aït Ishaq, entre lesZaiyân etleTadla. Simple centre
religieux dans les commencements, la Zàouïa de Dila acquit
progressivement une véritable importance politique et son
influence s'étendit bien au delà des montagnes de l'Atlas.

Avec le petit-fils de son fondateur, Mohammed El-Hadj


ben Mohammed ben Abou Bekr, le territoire dépendantde la
Zàouïa de Dila constituait un véritable royaume, compre-
nant au nord, Fès, El-Qçar, Tétouan à l'ouest la Tames- ;

na. et s'étendant jusqu'à la Moulouïa à l'est, en s'avançant


au sud-est vers la région de Sidjlamassa.
Le souvenir de la domination de la Zàouïa de Dila sur la
Tamesna. se retrouve dans l'ethnique El-Masnaoui porté
par plusieurs descendants de Mohammed El-Hâdj.
Les derniers sultans Saadiens eurent à lutter contre de
nombreux prétendants et ces luttes rendirent forcément
leur pouvoir assez précaire.
De 1610 à Zidàn. fils d'Ahmed El-Mançoûr, dut
1 6 3
1 ,

combattre Ahmed Abou


Mahalli. qui, après avoir soulevé le
Soûs et être entré à Sidjlamassa, s'était emparé de Marra-
kech où il fut tué par le Cheikh Vahya ben 'Abdallah El-
llihi. que Zidàn avait appelé à son secours.

Les gens de la Zàouïa de Dila se soulevèrent ensuite


entre Mohammed Ech-Cheikh El-Açghar ben Zidàn.
« Sous le règne de ce prince, dit El-'Oufrani, la puis-
sance des Dilaïtes lit de grands progrès, et leur influence
se répandit dans tout le Maghrib (1). »
En [637, Mohammed Ech-Cheikh leur écrivait pour leur

n \u-htjt El-Hadi. Trad. Houdas, p. 408.


.

ifiO CASABLANCA II LES CHAOUÏA

reprocher d'avoir violé le serment de fidélité qu'ils avaient


fait à son frère le Sultan El-Ouàlid « Vous vous êtes lais- :

sés gorger de tributs d'or et d'argent, leur dit-il, vous vous


êtes laissés enivrer par les faveurs des femmes des Chàouïa,
qu'elles fussent routes comme le vin ou blanches comme
l'argent pur <
i)... »
Les Dilaïtes eux-mêmes n'exerçaient pas paisiblement
leur autorité sur le territoire des Chàouïa.
Le fameux Moudjâhid Mohammed El-Ayàchi El-Malki,
alliéd'abord avec les Dilaïtes, entra en conflit avec eux
relativement aux Andalous de Salé, qu'il voulait punir de
leur trahison et qui avaient demandé l'appui de la zàouïa.
11 avait été proclamé Emir de Djihad et dominait depuis
Azemmour jusqu'à Salé, sur la Tamesna et sur toutes les

tribus arabes du Gharb (2).


Lorsque Mohammed El-Avâchi, qui avait battu les gens
de la Zàouïa de Dila dans une première rencontre, fut battu

par eux à son tour, et assassiné par les Khlot à 'Aïn El-
Qçab, en 1641, les territoires qu'il gouvernait, y compris
la Tamesna, retombèrent momentanément sous l'autorité

de la zàouïa
Au milieu de ces conflits et de ces déchirements, la dy-
nastie saadienne s'approchait de plus en plus de son dé-
clin. Elle avait déjà dû abandonner Fès, puis établir à Mar-
rakech le siège de sa faible autorité.
Pendant ce temps, Mohammed El-Hadj Ed-Dilaï régnait
effectivement à Fès. Les Chorfa de Sidjlamasa qui depuis
plusieurs années étaient en lutte contre les Dilaïtes, gran-
dissaient chaque jour.
En 1649. Moulay M'hammed ben Ech-Chérif El-Filàli
entrait à Fès, mais il en était chassé la même année par
Mohammed EI-Hàdj Ed-Dilaï.

[hal El-Hadi. Op. cit., p. 412.


(2) Vo^hat El-Hadi. Op. cit.. p. 448.
LES CHÀOUÏA — HISTOIRE 1<M

Les Saadicns n'existaient plus. Mohammed Ech-Cheikh


El-Açghar était mort en 1654; son fils Ahmed El-'Abbâs

luisuccéda, mais il fut assassiné en 658 par les Chebanat 1

;
Arabes Ma'qil), qui proclamèrent un des leurs, 'Abd El-
Kerîm ben Abou Bekr, dit Kroum El-Hâdj. Celui-ci mourut
en 1668 et fut remplacé par son fils Abou Bekr.
Moulay M'hammed ayant été tué dans un combat contre
son frère Moulay Er-Rechîd, celui-ci s'empara à son tour
de Fès en 1666, détruisit la Zâouïa de Dila en 1668, puis
marcha sur Marrakech où régnait Abou Bekr. tilsde K.roum
El-Hâdj Ech-Chebâni.
En arrivant à Marrakech, peu de temps après, Moulay Er
Rechid lit tuer Abou Bekr Ech-Chebani avec un grand
nombre de ses parents, et réduisit tous les Chebanat à
l'obéissance.
Établie à la fois à Fès et à Marrakech, la dynastie des Fi-
làla était fondée.

Malgré quelques révoltes, on peut dire que la région des Les Filâla.
Chàouïa a été constamment soumise à cette dynastie. C'est
d'ailleurs de cette époque que date la formation adminis-
trative du Maroc actuel, qui s'est accomplie progressive-
ment et non sans difficultés, en plus de deux siècles, de
Moulay Ismaïl à Moulay El-Ilasan.
En 1079(1668), le Sultan Moulav Er-Rechîd El-Filàli
entreprit une première campagne contre les Chàouïa et fit
contre eux une seconde expédition l'année suivante.
Moulay Ismaïl envoya également plusieurs expéditions
contre cette province qui était constamment en révolte.
Lorsqu'en 1089. il forma la garde noire, connue sous le
nom de Bouâkhar, il obligea les tribus de laTamesnaà lui
amener les 'Abîds du Makhzen qui se trouvaient chez elles.
Les gens de laTamesna envovèrenttous les esclaves qu'ils
purent découvrir, en achetèrent d'autres, les équipèrent et
leur fournirent des chevaux. Ces esclaves formèrent un
Vll.l.Cfi ET TRIBIS. — I. II
Itrj CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

corps de 2.000 Abids établis par Moulay Ismaïl à la Zâouïa


de Dila.
C'est Moulay Ismaïl qui construisit la Qaçba de Settat.
D'après certains renseignements recueillis dans le pays, la
division des Châouïa en Oulâd Bou Rezq, Oulâd Bou 'Atiya
et Chehaouna, daterait de son règne. Au point de vue de
l'impôt, lesOulâd Bou Rezq comptaient pour la moitié, les
deux autres fractions chacune pour un quart. D'autres —
prétendent que cette classification date de Moulay Stiman.
En 17 16, Moulay 'Abdallah établit à Rabat le gouverne-
ment des Béni Ahsen et des Châouïa, et le confia à son lils
Moulay Ahmed, qui s'installa dans la qaçba de cette ville.
Cependant les routes des Châouïa étaient toujours infes-
tées de brigands qui pillaient les caravanes. Aussi en 1170
(1757), le Sultan Sidi Mohammed résolut-il de les châtier.
Il organisa contre les tribus deTamesna une importante
la

expédition qui dévasta la région, tua beaucoup de monde


et revint à Marrakech avec un grand nombre de prisonniers
chargés de chaînes. Ce châtiment n'empêcha pas les actes de
brigandage de se reproduire; Sidi Mohammed revint donc
dans la Tamesna en 1 175, et livra le pavs au pillage. Il tua
un certain nombre d'habitants et fit beaucoup de prison-
niers.
L'année suivante vit la mort d'un personnage considé-
rable, Abou 'Abdallah Mohammed ben Haddou Ed-Douk-
kâli. D'abord gouverneur du pays des Doukkâla, il l'avait

été ensuite de la Tamesna et du Tadla. Cette même an-


née, Sidi Mohammed razzia encore une tribu des Châouïa,
la Ghedda. Parmi les qâïds qui se succédèrent
tribu des
alors augouvernement de la région, il faut citer le qâïd Ould
El-Mejjatiya qui, s'étant rendu indépendant sous le règne
du Sultan Moulay 'Abdallah, fut poursuivi et destitué parle
Sultan Sidi Mohammed en 1 180. En 1 188, le qâïd Moham-
med ben Ahmed EI-Bouziràri, gouverneur des tribus de
Tamesna. du Tadla et des régions voisines, perdit le gou-
LES CHÀOUÏA HISTOIRE 1 63

rernement de ces provinces et ne conserva que le comman-


dement des Doukkâla.

Moulay Slimàn donna en 1207, à son frère Moulav Et- Fin du


Tayyeb, le commandement de 10.000 cavaliers qui devaient XVIII" siècle.
opérer dans les Chàouïa, sous les ordres d'un certain nom-
bre de qâïds du Guich. Lorsque Moulav Et-Tavveb arriva,
des rivalités éclatèrent entre les différents qâïds. chacun se
croyant appelé à exercer le commandement. Le plus entre-
prenant de tous était le qàïd El-Ghanimi. Ancien qâïd de
Moulay El-Yazîd, avait su s'attirerégalement les faveurs de
i 1

Moulay Slimân, qui en fit l'auxiliaire du Khalîfa Moulav Et-

Tavveb. Mais les autres qâïds refusèrent de lui obéir et aban-


donnèrent à l'ennemi les tentes et les bagages. Le Khalîfa se
vit dans l'obligation de retourner à Fès pour renouveler

son matériel de guerre.


Craignant d'être châtiées pour la défaite infligéeà Moula)
Et-Tavveb, les tribus de la Tamesna tirent tous leurs efforts
pourse mettre en bons termes avec le Sultan, qui leur donna
alors comme gouverneur son beau-frère Moulay 'Abd El-
Malek ben Idrîs ben El-Montasir; celui-ci se révolta avec les
chefs Chàouïa dont il s'était entouré. 11 dut prendre la fuite
devant l'armée du Sultan, et, au commencement de 1210.
Moulay Slimân entreprit une expédition contre ceux des
Chàouïa qui lui avaient donné refuge, c'est-à-dire les Oulâd
Bou 'Ativa et les Oulâd Hariz. A son approche, les Chàouïa
tentèrent d'attaquer l'armée à l'improviste en se jetant sur
le camp, qu'ils réussirent à déborder. Mais Moulay Slimân
tit mettre son artillerie en batterie et les assaillants se dis-
persèrent après quelques coups de canons chargés de boulets
rames. Beaucoup restèrent sur le terrain, car il y eut plus de

cinq cents tètes coupées. Obligés de s'enfuir jusqu'à l'embou-


chure du fleuve Ouram Er-Rebî", les Chàouïa demandèrent
l'aman, que le Sultan leur accorda. Quant à Abd El-Malek,
il s'enfuit au Soûs auprès de ses oncles et y resta jusqu'au
164 '
VSABLANCA ET LES CHÂOUÏA

moment où, sur les prières du frère du Sultan, Moulay


'Abd Es-Selâm ben Mohammed, et de sa sœur Lalla Safia,
femme d"Abd El-Malek, Moulay Slimàn lui pardonna. Il
revint alors à Fès et le gouvernement des Châouïa échut
à El-Ghâzi ben El-Madani avec lequel l'ordre se rétablit.
C'est sous le gouvernement de ce qàïd que la ville de
Settat commença de prendre son véritable développement.
La famille du qàïd El-Ghàzi ben El-Madani a conservé son
importance même après sa mort, et le sultan Moulay
'Abd El-Harîd est fils d'El-Alia, petite-fille d'El-Ghazi, qui
avait été épousée par Moulay El-Hasan.

XIX' siècle. En i23o 11814), les tribus de la Tamesna avaient pour


gouverneur le qâïd Griran Ei-Harîzi. Elles se révoltèrent,
prétendant qu'il voulait les tyranniser. Le qâïd fit alors
appel à Moulay Slimân qui marcha une fois encore contre
les rebelles. Il les fit attaquer par derrière, par les tribus
voisines en les attaquant lui-même de front. Tout que ce
possédaient les Châouïa fut pillé et le Sultan s'empara de
beaucoup de femmes et d'enfants. Il y eut de plus une
grande noyade de fuyards dans l'Oumm Er-Rebî' alors en
crue.
En Griran accompagna Moulay Slimân dans une
18 18,
expédition contre les Zayân à la suite de la défaite du sul-
;

tan par les Chleuh à Azouaraï, Griran se sauva dans le


Tadla, à Boul-Djà'd, où il fut assassiné.
Deux ponts remontent au règne de Moulay Slimàn, ceux
de l'Oued Hassar et de l'Oumm Er-Rebî'.
Avant de mourir, Moulay Slimân désigna pour lui suc-
céder son neveu "Abd Er-Rahman ben Hicham, de préfé-
rence à ses fils. Moulay 'Abd Er-Rahman se trouvait à Fès
quand le sultan mourut à Marrakech en 1822. Aprèsavoir

fait un premier voyagea Rabat, il partit pour Marrakech, en


repassant par Rabat, et traversa les Châouïa. Cette région
était complètement soumise; le nouveau sultan s'y arrêta
LES CHÂOUÏA — HISTOIRE 1 65

cependant pour régler quelques affaires. Il rit, entre autres,


exécuter El-Hàchemi hen 'Abbàs Ez-Ziyâni qui avait tué
par ruse un qàïd des Chàouïa, Abou Ishaq Ibrahim El-
Ouraoui. Ayant invité celui-ci à chasser et s'étant trouvé
seul avec lui à Taddârt près de Mediouna, le meurtrier
l'avait tué d'un coup de fusil. Moulav 'Abd Er-Rahman lit
couper la tête à El-Hàchemi à l'endroit même du meurtre.
Moulav 'Abd Er-Rahman qui résidait à Marrakech en
1824, donna à son cousin le chérif Sidi Mohammed ben
Et-Tayveb ben Mohammed ben Abdallah, gouverneur de
Fès, le commandement des tribus de la Tamesna et des
Doukkàla. Sidi Mohammed était violent et dur. En arrivant
dans la Tamesna, il infligea une terrible répression aux
Oulâd Harîz, dont près de deux cents furent décapités, et
détruisit la qaçba du qàïd Griran El-Harizi, Merdjana i |.

C'est depuis cette époque que les Oulàd Ber-Rechîd, qui


habitent la qaçba de Ber-Rechîd, sont de père en fils qâïds
des Oulâd Harîz.

Quoique actuellement fractions des Hechtouka et des


les

Chiadma du gouvernement des Doukkàla.


fassent partie
elles ont été rattachées aux Chàouïa assez souvent pour
qu'il soit intéressant de rappeler que ces deux tractions
pillèrent, en 1828, la caravane des pèlerins de la Mecque. Il
était alorsd'usage au Maroc que les caravanes de pèlerins
venant de toutes les régions de l'Empire allassent se con-
centrer à Fès, d'où le rikâb partait avec le cérémonial
d'usage. C'est ainsi que les pèlerins venant du Soûs et des
autres régions du Sud avaient été pillés et dévalisés en
traversant les Chiadma et les Hechtouka. Le Sultan Moulay

(1) Les ruines de la qaçba de Merdjana existent encore, prés de


la terme
actuelle de laJaçma, sur les terres d'une famille des llalalfa.
La qaçba de Ber-Rechîd a été construite après la destruction de la qaçba
de Griran.
[66 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Abd Er-Rahman rencontra dans les Châouïa les débris de la

caravane en se rendant à Marrakech et les pèlerins se plai-


gnirent à lui de l'attaque dont ils avaient été l'objet. Irrité
de cette profanation, il marcha contre les fractions des
Chiadmaet des Hechtouka et leur fit subir à Ferqala, dans
le gouvernement d'Azemmour, une répression si sanglante,

que les fuyards se jetaient dans la mer pour échapper à


la mort. Le Sultan fit couper la tète des survivants, et les

soldats s'emparèrent des tentes et des troupeaux.

En i832, les Oudaïa, révoltés contre Moulay 'Abd Er-


Rahman, voulurent proclamer son cousin Sidi Mohammed
ben Et-Tayyeb; mais toutes les tribus du Maghrib étaient
prévenues contre le Chérif, depuisque, gouverneur de laTa-
mesna et des Doukkala, il en avait maltraité les habitants.
Le mouvement des Oudaïa échoua et ils firent leur sou-
mission au Sultan ainsi que Sidi Mohammed ben Et-Tayyeb
lui-même. Moulay 'Abd Er-Rahman leur accorda l'aman.
Pendant le règne du Sultan Si Mohammed ben 'Abd Er-
Rahman, Si Mohammed Ber-Rechîd, l'oncle du qâïd actuel
des Oulâd Hariz, a commandé les Mzâb, les Mediouna, les
Mdhakra, les Oulâd Ziyân et les Oulâd Harîz. Aucun autre
événement saillant ne s'est passé chez les Châouïa pen-
dant le règne de ce Sultan.
Son fils et sucesseur Moulay El-Hasan traversait les
Châouïa en venant de Marrakech en 1290 (1873), lorsqu'il
apprit la nouvelle de la révolution qui avait éclaté à Fès;
c'est là également qu'il fut informé de la révolte des gens
d'Azemmour qui avaient tué le khalifa de leur Pacha.
Trois ans plus tard, Moulay El-Hasan envoya de Casa-
blanca une ambassade dans les différents pays d'Europe. Il
incorpora dans son armée les contingents des tribus naïbâ
de la Tamesna, puis, en repartant pour Rabat, razzia sur
sa route la tribu des Ziyaïda.
En 1294, Moulay El-Hasan avant décidé de se rendre à
LES CHÀOl ÏA — HISTOIRE 1 67

Marrakech, son oncle Moulay El-Amîn ben 'Abd Er-Rahman


fut chargé de réunir les contingents des tribus des Douk-
kala. de laTamesna et du Gharb pour l'accompagner.
En 1299, le Sultan organisa une expédition au Soùs. en
grande partie à cause de l'insistance des Espagnols à se faire
mettre en possession du port de Santa Cruz de Mar Pe-
queiïa. Cette cession était stipulée dans le traité conclu
avec l'Espagne en 1261, mais personne ne savait où se trou-
vait Santa Cruz. Le Sultan résolut d'aller voir lui-même
la région. Pour cette expédition, les tribus des Doukkàla et

des Chàouïa eurent à transporter du blé, de l'orge et de la


paille jusqu'aux ports de Ma/.agan et de Casablanca, d'où
devaient embarquer les approvisionnements à destina-
tion de la côte du Soùs.

En résumé, après leur soulèvement en faveur de Moulay


Abd El-Malek à la fin du dix-huitième siècle et leur écra-
sementau commencement du dix-neuvième siècle par Sidi
Mohammed les Chàouïa ont été réduits à
ben Et-Tavveb,
l'état de Naïbas. Ils absolument soumis au Makh-
étaient
zen. C'est alors que beaucoup cherchèrent à échapper aux
exactions de leurs gouverneurs en se mettant sous la pro-
tection des négociants européens de Casablanca.

Après l'avènement de Moulay 'Abd El-' Aziz, plusieurs tri- La Sibâ.


bus, notamment les Mzàb, se soulevèrent à nouveau, refu-
sèrent les impôts et chassèrent leurs qâïds. Lesqaçbasde Ben
Ahmed, de Si Ech Cherqi, de Si Mohammed El-Fkek, de
Si Ahmed Bou Azzouz, furent pillées et détruites. Une
harka, conduite par le jeune Sultan en personne, ou plu-
tôt par son Grand Vizir Si Ahmed ben Mousa, rentra du
Tadla à Marrakech en passant par les Chàouïa, au prin-
temps de 1898; les Mzàb furent « mangés » et tout rentra
dans l'ordre.
Quand le Grand Vizir Si Ahmed fut mort, en rgoo, Mou-
1 68 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA

la) 'Abd El-Azîz se livra aux innovations si funestes à sont


autorité, qui finirent par lui coûter le trône. C'est ainsi que
les anciens impôts coraniques furent supprimés, sans être
remplacés aussitôt par des contributions nouvelles les ;

tribus, avant moins à se plaindre des exactions de leurs


qàïds, restèrent calmes momentanément.
.Maison 1904, le trésor chérifien se trouvant complètement
épuisé, le Makhzen finit par décider que impôts nou-
les

veaux, dont la légalité venait d'être reconnue par le Corps

diplomatique, seraient appliqués, et des oumanâ spéciaux


allèrentdans les tribus pour y percevoir le Tertîb.
La riposte des Chàouïa ne se .lit pas attendre. Ce fut le

sac de Settat, puis celui de Dar Ber-Rechîd. Ce soulève-


ment leur fut d'autant plus facile que le commencement
d'aisance créé par l'interruption dans la perception des
impôts, leur avait permis de s'armer. Les actes de brigan-
dage se multiplièrent et des bandes de roi an (1) parcou-
rurent le pays, pillant qaçbas et gottas, razziant les trou-
peaux, vidant les silos, enlevant les caravanes, paralysant
répandant partout l'insécurité et la terreur. Le
le trafic et

Makhzen, à bout de ressources, ne pouvant plus entretenir


son armée, fut hors d'état de remédier à cette situation, et
l'anarchie devint générale.
A la suite des troubles causés dans la région de Fès par
Bou Amara, le Sultan fait appel à la fidélité de ses qàïds
de Chàouïa qui lèsent une harka et se rendent près de
la

lui. Mais les nombreux revers que les troupes du Sultan

éprouvent dans cette campagne, décident les gens de la


harka des Chàouïa à déserter et à rentrer dans leurs tribus.

(1) On donne au Maroc le nom de roïan à celte partie de la population des


campagnes qui correspond à peu près à nos Jacques d'autrefois. Le singu-
lier est rai, pâtre, berger, le pluriel régulier est rouai; on dit couram-
ment roïan pour désigner non pas des bergers, mais des jeunes gens pauvres,
sans instruction, tels que le sont le plus souvent des bergers, de mauvais
sujets n'ayant rien à perdre, qui ne demandent que le désordre et l'anarchie,
pour pouvoir piller.
LIS Cil \0I l\ I
69

A ce moment Bou 'Azzaouï, marabout originaire des Mzàb.


parti avec la harka, rentrait aussi en Chàouïa. Il parcou-
rut tout pays, déclarant partout qu'il n'y avait plus de
le

Sultan prêchant la Siba. Les qàïds étant tous absents,


et

les tribus se réunirent en Djouka comme pour se délivrer

de l'oppression des agents du Makhzen. Tous les Chàouïa


avaient abandonné 'Abd El-' Aziz à la voix de Bou 'Azzaouï.
La Siba déclarée à son instigation, les chefs de traction
se mirent d'accord sur les points suivants :

i° Les tribus ne se battront pas entre elles :

2" Les qaçbas seront détruites et pillées;

3°Les gens riches seront rançonnés;


4 Chaque chef sera chargé de faire respecter l'ordre dans
sa fraction.
Pendant la Siba, les assemblées des tribus en Djouka
décidaient de la paix ou de la guerre. « Miad » est syno-
nyme de Djouka, mais
c'est ce terme qui s'emploie de pré-
férence quand de préparer des coups de main.
il s'agit
Bou 'Azzaouï organisa les Dj'ouakades tribus et les parta-
gea par groupes de dix à trente cavaliers, placés chacun
sous les ordres d'un chef. Il était entendu que le jour où il

y aurait une qaçba à détruire, tout le monde marcherait


au pillage. Les chefs devaient rester en liaison constante
avec Bou 'Azzaouï qui donnait les ordres. Après la razzia
ils étaient chargés du partage.

Les deux qaçbas des Oulàd Bou-Ziri furent détruites les


premières automne i32o); celle des Oulàd Saïd au mois de
janvier i32i, puis, trois jours après, celle de Settat. La
qaçba de Ber-Rechid resta debout jusqu'en i322.
Les qaçbas détruites, les Djouaka volaient la nuit, et dans
la journée rançonnaient les voyageurs. Le pays n'offrant

plus aucune sécurité, les gens paisibles se réfugièrent tous


à l'extérieur du territoire, surtout à Azemmour et à Boul-
Dja'd, auprès du Marabout de cette zàouïa.
Pendant ce temps 'El-Awàchi, qâïd des >ulâd Saïd. ren- 1
iyO CASABLANCA ET LES CHAOU1A

trait à Casablanca parTazaet Oran. Nommé qàïd de Ca-


sablanca, il ne resta en fonction que trois mois et se ren-
dit à Azemmour. Appelé par ses fidèles des Hamadat
(Oulâd-'Arif), il rentra dans la qaçba des Oulàd Saïd dont
il ne restait guère que les murs. Mais il fut expulsé de
nouveau à la suite d'un violent combat, où les Oulàd Bou-
Ziri et les GVlana se montrèrent les plus acharnés contre
lui. Obligé de fuir, il se réfugia de nouveau à Azemmour.

Dès lors le pays se trouva livré aux bandes armées. Tout-


puissant, Bou 'Azzaouï fait construire une qaçba, près de
celle des Oulàd Saïd. 11 nomme deux qàïds, El-Arbi Ould
El-Hadj Hafian pour les Oulàd Saïd et les Oulàd Arif, Hadj
Mohamed ben Oreîb pour les Oulàd Abbou et les Hadami,
et suggère aux tribus de faire confirmer cette nomination
en envoyant des députations au Sultan. Mais dès que les
qàïds sont confirmés, les tribus refusent de leur obéir.
Bou 'Azzaouï invite alors les qàïds à donner un grand mou-
sem à Soùq El-Arba' pour fêter leur investiture. 11 s'y rend
lui-même et prêche la guerre sainte en excitant les gens à
marcher sur Casablanca, peuplée, dit-il, d'infidèles.
Les tribus se rassemblent à Sidi Aïsa, à 10 kilomètres S.
de Mediouna, et marchent en effet sur Casablanca; mais
elles avaient été devancées par les Mediouna le sac de la ;

ville leur rapporta peu. Délogées de leur camp de Tedders,


elles se joignirent à la harka de Moulay Haiîd, en prenant
part à tous les combats contre nous. Aussitôt les troupes
françaises aux Oulàd Saïd, surtout après la défaite de Bou
Nouala (i5 mars tribus demandèrent l'aman.
1908), les
D'abord campaient presque toutes dans
fort craintives, elles
les ravins à pic sur les bords de l'oued Oumra Er-Rebî',

en se bornant à ramener quelques tentes sur leurs empla-


cements pour faire croire à leur rentrée. ue cl ues mois '

plus tard, la confiance leur étant revenue, elles reprirent


leurs campements habituels (octobre rgo8 .

En 1906, la paix fut troublée, à Casablanca même, parle


LES CHAOUÏA — HISTOIRE I
7 I

passage de Ma El-'Aïnîn et de ses fameux hommes bleus.


En avril 1907, les tribus des environs de Casablanca me-
nacèrent la ville et ne consentirent à se retirer qu'après
avoir obtenu une rançon. Un Israélite, protégé portugais,
fut Le corps consulaire réclama la destitution
assassiné.
du qâïd Bou Beker, gouverneur de la ville, et le Lalande
vint mouiller en rade de Casablanca.
Grâce à la présence de ce croiseur et à l'arrivée d'une
petite mehalla commandée par Moulav El-Amîn,mais sur-
tout grâce aux travaux agricoles qui occupaient alors les
tribus, le calme se rétablit. Le 2 mai les travaux du port
commençaient le Lalande repartit. Rien ne permettait
;

de prévoir l'explosion de fanatisme qui devait bientôt se

produire.
PENETRATION EUROPÉENNE

Avant Jusqu'au dix-neuvième siècle, les rapports des Européens


la conquête avec les tribus Châouïa restent à peu près nuls. Ils se bor-
française. nent à des relations momentanées entre les indigènes et les

voyageurs qui visitèrent la région. Mais à mesure que le


commerce européen se développait dans les ports du litto-
ral, Casablanca et Fedala, les négociants qui possédaient des
comptoirs dans ces villes entraient en affaires avec les indi-
gènes de l'intérieur. Un intérêt réciproque les amena à
demander pour leurs agents et leurs courtiers les avantages
du régime de la protection. Ce régime dont les courtiers de
commerce pouvaient seuls bénéficier, ne fut toléré que très
tard à l'intérieur. En 863 un négociant de Casablanca ne
1 ,

voulant pas renoncer à la protection d'un de ses censaux


établi à la campagne, dut, sur l'ordre de son ministre, le

taire résider en ville.

Les indigènes employés par les Européens dans les exploi-


tations rurales, ne jouissaient pas du privilège de la protec-
tion. C'étaient de simples associés agricoles. Ni leur per-
sonne, ni leurs familles n'étaient protégées, mais les biens
qui leur étaient contiés lestaient sauvegardés, à l'abri des
atteintes de l'Etat ou des particuliers marocains.
LES CHÀOI IÏA — PÉNÉTRATION EUROPÉENNE I
y3

Le régime de l'association agricole, très développé chez


lesChàouïa, devint la base des rapports entre les Euro-
péens et les indigènes de l'intérieur. Un exemple suffit pour
montrer le mécanisme de cette institution.
Un négociant européen faisant le commerce des laines,
confie, à des indigènes de l'intérieur, la garde de ses trou-
peaux. Deux régimes de conditions sont en usage [° Un :

troupeau décent moutons doit fournir chaque année cent


toisons; les déchets de mortalité ne sont pas àla charge du

propriétaire, mais il ne bénéficie de l'accroissement du


troupeau que dans une proportion très restreinte, dis
agneaux par an, par exemple: —
2" L'Européen vend à

l'indigène la moitié des cent bêtes, payable en quatre ou


cinq ans. A l'expiration du terme fixé, les deux associés
se partagent le troupeau, tel qu'il subsiste, augmenté des
naissances et diminué de la mortalité.
Il arrive souvent qu'avant l'époque de la tonte, l'associé
agricole a besoin d'argent; le négociant européen lui fait

des avances remboursables en toisons à livrer au moment


de la tonte. Ces opérations ont donné lieu à bien des abus.
( >n a vu souvent des indigènes vendre par anticipation à des
Européens des toisons de moutons qui ne leur appartenaient
pas. 11 n'en subsiste pas moins que, grâce à la protection

et à l'association agricole, des relations de plus en plus


étroites s'étaient établies entre commerçants européens
les

de la côte et les indigènes des tribus Châouïa. Ce fut avant


la conquête française, le point de départ de la pénétration
européenne. Les transactions augmentèrent en nombre et
en importance, à mesure que le port de Casablanca pre-
nait plus d'extension.
La pénétration europénnc ne se manifestait pas cepen-
dant par des entreprises à l'intérieur. L'insécurité et l'anar-
chie de cette région d'agriculture et d'élevage la rendirent
inaccessible, |usqu'à la conquête française.
I
74 '
ISABLANCA ET LES CHAOUIA

La conquête Pendant les trois mois qui suivirent L'occupation de


française. Casablanca les troupes débarquées restèrent sur la défen
sive. Des reconnaissances sortaient de temps en temps
sans dépasser les environs de la ville.
L'inefficacité de ces promenades était évidente, et peu à
peu des groupes de rebelles vinrent se réinstaller dans la
banlieue, à la ferme Alvarez et à la ferme Atalava, à une
demi-heure de Casablanca.
Au mois d'octobre, le Chérif de Boul-Dja'd en Tadla, Sidi
El-Hâdj Mohammed ben Dàoud Ech-Cherqaouï, était bien
venu à Casablanca faire sa soumission et offrir ses bons
offices pour pacifier les régions environnantes. Mais d'autre
part, les bandes des tribus dissidentes, augmentées des
cavaliers Rehamna et Seraghna de la mehalla du fils de
Moulay Er-Rechîd, opéraient de plus en plus près de Casa-
blanca le 18 octobre, un jeune Français, M. Kunzer, qui
;

se promenait près de la ville, fut enlevé et massacré.


Une reconnaissance, commandée par le colonel du Fre-
tav, alla jusqu'à Taddert. Elle provoqua un groupement
général de toutes les mehallas ennemies, y compris celle du
fils de Moulay Er-Rechîd qui s'était progressivement rap-

prochée de Casablanca. Le 19 octobre, vers midi, le déta-


chement du colonel du Fretay était presque entouré par
5.ooo cavaliers marocains. Il fallut, pour le dégager, l'ar-
rivée du général Drude avec de l'artillerie. Les négocia-
tions avec le chérif de Boul-Dja'd, alors interrompues par
les événements, reprirent, et le général Drude se servit de

ce personnage pour inviter les bandes marocaines et la


mehalla du fils de Moulay Er-Rechîd à se retirer, dans un
délai de deux jours, sous peine d'être attaquées.
Les tribus s'éloignèrent, mais pour revenir peu après. De
plus, le mouvement hafidiste s'accentuait dans les Chàouïa
et la défaite de la mehalla aziziste commandée par Moham-
med ben Bouchta bel-Baghdadi, du 23 au 25 novembre, aug-
menta encore la confiance des Chàouïa dans le Sultan de
LES CHÂOUÏA — PÉNÉTRATION EUROPEENN1 17?

Marrakech et en eux-mêmes. La mehalla de Mohammed


ben Bouchta bel-Baghdadi avait été battue en effet par les
gens des Châouïa de la tribu des Zivaïda, qui, après l'avoir
laissé pénétrer dans leur territoire, s'étaient retournés contre
elle, lui tuant et lui blessant près de 400 hommes. Le

cercle se resserrait de nouveau autour de Casablanca.


Une centaine de fantassins et d'artilleurs de Sidi Moham-
med ben Er-Rechîd qui tenaient garnison à la Qaçbat Me-
diouna, contribuaient à l'insécurité en mettant toutes les
régions voisines de Casablanca en coupe réglée. Vers la
fin de décembre 1907, la situation était devenue intolérable.
C'est à ce moment que le général Drude dut quitter le

Maroc pour raisons de santé et fut remplacé par le général


d'Amade.
Avant de quitter le Maroc, le général Drude s'était porté
le er janvier
i au matin sur Mediouna, avec 5. 000 hommes.
A midi la qaçba était prise. Les tribus n'avaient opposé
qu'une faible résistance et s'étaient retirées vers Ber-Rechîd.
Une partie de la colonne, un millier d'hommes environ,
resta à Mediouna sous les ordres du commandant Servos.
Le l'ennemi jusqu'au marabout de Sidi
reste poursuivit
Aïssa et ramena une forte razzia, prise sur les Oulàd Hariz.
Le 4 janvier, un premier convoi de ravitaillement ouvrait les
relations entre Casablanca et Mediouna.
Débarqué le 5, le général d'Amade prit aussitôt le com-
mandant des troupes pendant que le général Drude s'em-
barquait le 6. Une nouvelle période d'oil'ensive allait com-
mencer. Elle débute les 10 et 11 janvier par l'envoi d'une
colonne de 2.000 hommes pour occuper les qaçbas de Fe-
dala et de Bouznika. situées respectivement à 22 et 52 kilo-
mètres de Casablanca.
L'organisation de cette colonne, mise en route sur des
ordres venus de Paris, retarda l'offensive du général d'Amade.
De plus, les moyens de transports manquaient ou n'étaient
pas appropriés à une campagne du genre de celle qui
f/Ù CASABLANCA El LLS CHÀOL'ÏA

allait commencer. Le corps d'occupation n'avait en effet


à sa disposition que 65 arabas, i5o mulets de bât et un petit
nombre de chameaux. Il fallut utiliser toutes les ressources.
On employa les mulets haut le pied du service de santé, et
l'artillerie de campagne passa au train tous ses chevaux

disponibles. Des approvisionnements partaient sans inter-


ruption pour Ber-Rechid, en convois qui nécessitèrent
2.000 chameaux. Enfin, au mois de mars, le train des équi-
pages se trouva en mesure d'assurer les transports dont dé-
pendait le succès de la campagne.

Moulay Moulay 'Abd El-Hafîd, qui avait quitté Marrakech le


AbdEI-Hafîd. 28 novembre et était campé sur l'Oued Tiçaout, avait été
proclamé à Fès le 3 janvier 1908.
La Châouïa était alors la suivante
situation générale des :

sauf les Mediouna


Oulâd Ziyân, toutes les tribus
et les

nous étaient encore hostiles et les soumissions antérieures


se trouvaient remises en question. Le mouvement de Mou-
lay 'Abd El-Hafîd qui, en principe, ne devait pas être dirigé
contre nous, maiscontre Moulay Abd El-'Azîz, s'était, par la
force des choses, tourné contre nous et confondu avec l'hos-
tilité des tribus Châouïa. Si Moulay 'Abd El-Hafîd cherchait

encore à traiter avec nous, force lui était d'autre part, pour
établir sa situation dans les tribus, de proclamer officielle-
ment la guerre sainte contre nous. De son camp d'El-
Qal'a en Seraghna, envoya le 3 de Hidjdja i325 (7 jan-
il

vier 1908) à la tribu des Ourdigha, entre les Châouïa et le


Tadla, une lettre qui se terminait ainsi « Nous vous or- :

donnons la guerre dans la voie de Dieu (El-Djihâd fi sabîl


Allah) pour la plus grande gloire de son nom et nous
vous prescrivons de venir avec tous vos cavaliers et vos
tireurs dans la tribu des Châouïa, pour la satisfaction de
1 >ieu | 1). »

(1) Revue du Monde Musulman, t. VI, décembre 190S. p. 711.


LES CHA0U1A — PENETRATION EUROPE] 1
77

Arrivé à Tiçouat, le Sultan de Marrakech adressait plu-

sieurs exemplaires d'une autre lettre aux qâïds des Gue-


rouan, au Chérit" de Boul-Dja'd, au gouverneur de Mekinès
et aux qâïds des Ait Youssi. Dans cette lettre écrite le

g Hidjdja 1 3a5 i3 janvier kjoS . Moulay 'Abd El-Hafîd disait


entre autre choses : « Nous vous ordonnons de venir re-

joindre notre majesté chérifienne, avec notre serviteur


dévoué le pacha, le qàïd El-Hâdj ben 'Aïsa ben Hammo
(gouverneur de .Mekinès, dans le pays des Châouïa, pour
rencontrer l'ennemi infidèle El-'adou, el-kâfir que —
Dieu l'anéantisse (i » |
!

D'autres lettres, envoyées également aux Châouïa, avaient


contribué à maintenir l'agitation chez eux.
Enfin ces tribus recevaient de sérieux renforts la me- :

halla deMoulay Hafid. commandée par son neveu Moulav


Er-Rechid et composée de 4 à 5.000 réguliers avec quelques
canons KLrùpp.
Il fallait marcher au plus tôt sur Ber-Rechid, point stra-
tégique important, et sur Settat où campait la mehalla ha-
tidiste. Le 12 janvier le générald'Amade prit la route du
Sud à la tête d'une forte colonne et campa le soir à 'Aïn-
Djema, d'où la marche reprit le lendemain vers Ber-Rechîd.
Une autre colonne, commandée par le général Brulard, se
dirigeait en même temps sur celte qaçba, qui reçut garni-
son le 14 janvier. On apprit à ce moment que El-Hâdj
1 lammou, celui-là même qui avait fomenté les troubles de
Casablanca, s'était réfugié dans sa propre qaçba, à quatre
kilomètres ouest de Ber-Rechîd. Il fut cerné et capturé avec-
un autre agitateur des environs.
Le même jour, à heures du soir, commença la marche
1 1

sur Settat, où se trouvaient Moulay Er-Rechîd et les tribus


rebelles. A l'aube, la colonne arrivait à Settat et l'action
s'engagea aussitôt. Le régiment mixte du lieutenant-colonel

l) Cl. /(..)•:;(' Ju Monde Musulman, l. V, juin iooJ<, ;

VILLES ET TRIBUS I. I-
178 ISABLANCA ET LES CHAOUIA

ird par un l'eu violent en arrivant sur le


fut accueilli
plateau. Nos troupes cependant réussirent à enlever la posi-
tion à la baïonnette; mais, en raison des instructions don-
nées par le Gouvernement, elles ne restèrent qu'une demi-
heure à l'intérieur des murs et se replièrent sur Ber-Rechîd.
Tandis que ces événements se déroulaient à Settat, le gé-
néral d'Amade, resté avec cinq compagnies à l'entrée de la
vallée de l'oued Moùsa, reçut les notables Mzamza qui s'en-
gagèrent à ne pas entraver sa marche. Mais, à peine en route,
le détachement fut accueilli par une vive fusillade engagée

par les gens de la tribu des Mdhakra. La petite colonne,


qui se trouva un moment dans une situation assez critique,
fut efficacement secourue par le détachement du colonel
Passard, à son retour de Settat. L'artillerie fit de grands ra-
vages parmi les Marocains, qui durent bientôt reculer, et le
retour à Ber-Rechîd put se faire dans la nuit. Ces opérations
nous avaient donné la tribu des Oulâd Hariz qui fit sa
soumission.

Les Colonnes Le surlendemain, 17 janvier, le général d'Amade était à


du Littoral Mediouna. Après avoir laissé six compagnies à Ber-Rechîd
et du Tirs, et une garnison à Mediouna, il retourna à Casablanca et

divisa le reste de ses troupes en deux colonnes la « Co- :

lonne du Littoral » sous ses ordres directs, et la « Colonne


du Tirs » sous les ordres du colonel Boutegourd, avec base
d'opérations à Ber-Rechîd. La Colonne du Littoral, partie
de Bouznika, devait rejoindre la Colonne du Tirs venant
de Mediouna dans les environs de l'oued El-Melah.
Le général d'Amade partit le 21 janvier pour Fedhala et
iloiiznika avec sa colonne forte de 1.100 hommes d'infan-
terie, deux escadrons, une batterie de campagne. La co-
lonne arriva à Bouznika le 22 janvier, après avoir traversé
à gué l'oued Neflifikh et. renforcée de quatre compagnies de
tirailleurs de la garnison de Casablanca, elle traversa, le

23 janvier, le territoire des Zivaïda qui nous étaient hostiles,


LES CHAOL'IA — PENETRATION EUROPEENNE '79

mais n'engagèrent point le combat. Après une halte au


marabout de Sidi Ben Slimàn, la colonne campa le soir à
Ber-Rabah.
Le lendemain 24 janvier, la marche vers le Sud recom-
mença. Pendant ce temps la Colonne du Tirs, partie la
veille de Mediouna, s'était dirigée vers la vallée de l'oued

El-.Melah. près de son confluent avec l'oued Mkoum pour


faire sa jonction avec la Colonne du Littoral. Celle-ci avait
pris le contact de l'ennemi et lutta toute la matinée avec les
Mdhakra, qui turent finalement repousst-s.
Bien que la Colonne du Littoral n'avançât que pénible-
ment dans un terrain accidenté, la jonction des Jeux colonnes
se lit dans l'après-midi. Le combat livré par la Colonne
du Tirs avait été acharné et quand nos troupes rentrèrent
;

à Casablanca, le 26 janvier, elles étaient harassées de fati-


gue, ayant dû fournir un gros effort à travers les brous-
sailles et les « terres noires ».
La résistance était concentrée plus particulièrement au-
tour de Settat, au sud-ouest, et au nord-est. chez les Ziyaïda

de la confédération desChehaouna.
Les deux autres tribus de cette confédération,
les Medi-
ouna lesOulâd Ziyân, avaient fait leur soumission défi-
et
nitive, ainsi que les Oulàd Harîz du groupement des Oulàd
Bou Ativa. Les .Mdhakra, et les Oulàd Ali du même grou-
pement continuaient la lutte. Nous avions de plus contre
nous tous les Oulàd Bou Rezq, autour de Settat, c'est-à-dire
les Mzamza, les Oulàd Saïd, les Oulàd Bou Ziri et lesOulâd

Ben Daoud. et les M/.ab, autour de Qaçbat ben Ahmed.


Le parti hafidiste trouvait à Settat et dans les tribus en-
vironnantes un appui facilité par la parenté de Moulay
Abd El-Hafid avec une des familles les plus puissantes de
Settat du côté de sa mère. Cette famille descend du qàïd
El-Ghàzi bel-Madani qui, sous le règne de^Moulay Sliman,
était gouverneur, non seulement des Châouïa, mais de Ra-

battes Chtouka et du Tadla.La mère de Moulay Abd El-


lSo I VSABLANCA ET LES CHÂOUÏA

llatid, Aliya Es-Settatya, était la petite-fille du qàïd El-


Ghàzi. Cette parenté donnait au parti de Moulay 'Abd El-
Hafïd une influence incontestable; mais, dans cette région des
Châouïa, celle du qàïd actuel de Settat, 'Ali Ould El-Hâdj El-
Ma'ti El-Mzamzi, dévoué à Abd El-Azîz, la contrebalançait.

La Zâuuïa Le 2 février, une reconnaissance du colonel Boutegourd,


d'EI-Mekki. partie la veille au soir de Ber-Rechîd, fut attaquée inopiné-
ment par des contingents de dissidents, appelés à la guerre
sainte par le qâïd hafidiste Sektani, qui avait groupé autour
de lui les débris de la mehalla de Moulay Er-Rechîd, des
cavaliers des Béni Meskîn et des Rehamna. Le but de la
reconnaissance était de s'emparer de la zâouïa d'EI-Mekki
située à quinze kilomètres de Ber-Rechid. La zâouïa fut en
effetoccupée sans coup férir et on s'empara sans difficulté
d'un troupeau de 2.000 têtes de bétail, qui s'y trouvait. Le
colonel Boutegourd poussa alors jusqu'au Dàr Qsibat, à 10 ki-
lomètres plus au sud, et bombarda ce village; puis il se replia
vers la zâouïa d'EI-Mekki. Mais, à peine avait-il commencé
ce mouvement, qu'il se trouva enveloppé de tous côtés pardes
forces supérieures.Au cours du combat meurtrier qui sui-
vit, letroupeau capturé retomba entre les mains des indi-
gènes. Notre artillerie réussit néanmoins à occuper une
position favorable grâce à son action, la colonne put
;

tenir jusqu'à l'arrivéedu lieutenant-colonel Brulard, qui,


averti de la situation, s'étaitimmédiatement porté à son
secours avec un bataillon de la légion et une batterie de 75.
La colonne put alors se dégager et disperser les groupes
hostiles.
Dans ce combat, l'un des plus meurtriers de la campagne,
nous avions eu tués et 41 blessés, au nombre desquels
1 1

le lieutenant-colonel Passard. La colonne était de retour à

Ber-Rechîd dans la soirée.

Dès que le général d'Amade apprit le combat d'EI-Mekki.


LES CHAOUÏA — PENETRATION LtROPEENNE |S[

ilréorganisa la Colonne du Littoral et se porta le 3 février de


Casablanca sur Ber-Rechîd avec 5. ooo homn.es. Après avoir
campé le Hammou, cette force impor-
4 février à Ll-IIàdj
tante rejoignit dès lendemain celle du colonel Boutegourd
le

et. ainsi renforcée, la colonne se dirigea de nouveau sur la

zâouïa d'EI-Mekki. Attaquées à leur arrivée sur ce point


par l'artillerie marocaine, les troupes prirent vigoureuse-
ment l'offensive et forcèrent les Marocains à battre en
retraite.

Le général d'Amade jugea nécessaire d'intliger aux tribus


une leçon sérieuse. Les deux colonnes reçurent vers neuf
heures l'ordre de se tenir prêtes à partira minuit et demi.
A 4 heures du matin, elles étaient en marche dans la

direction du sud et vers 6 heures, se formèrent en un


seul carré de dimensions considérables. A peine ce dispo-
sitif était-il pris qu'un petit obus vint tomber brusque-

ment à quelques pas du général et de son état-major et,


au lever du soleil, on vit dans la plaine près de 10.000 ca-
valiers ennemis. Pendant 3 heures le combat lit rage. Nos
troupes, pour désorienter l'adversaire, se dirigèrent d'abord
vers l'est, alors que leur objectif était Settat, puis se rabat-
tirent brusquement au sud. A 10 heures enfin, la résistance
des Marocains commençait à faiblir et bientôt ils battirent
en retraite. L'artillerie se mit alors en batterie pour pro-
téger les mouvements de l'infanterie qui, gravissant les
hauteurs de Sidi Djebli. se dirigeait sur Settat. La qaçba de
Settat fut détruite et les troupes reçurent l'ordre de retour-
ner à la zàouïa d'EI-Mekki. On recueillit les femmes et les

enfants des fuyards, ainsi que les Juifs qui se trouvaient à


Settat. Ces défaites des tribus produisirent un effet consi-
dérable dans toute la région, et la rnehalla de Moulay Er-

Rechîd se replia sur l'Oumm Er-Rebî'.


Après deux jours de repos, le général d'Amade marcha
contre les Oulàd Saïd qu'il châtia, pour avoir pris part à
l'engagement du 2 contre la colonne Boutegourd. Au cours
182 CASABLANCA ET LES CHÂOl ï.\

de cette marche, un troupeau de 2.000 bêtes fut même


razzié par nos troupes, qui campèrent quelques jours sur le
territoire des Oulâd Saïd. ("esta ce moment que M. Houel.
correspondant du Malin, vint se présenter au général
d'Amade, comme parlementaire de Moulay Hafîd. Le général
conseilla à M. Houel d'aller faire part de sa mission au
représentant de la France à Tanger, en lui déclarant qu'il ne
pouvait reconnaître en lui le mandataire d'un personnage
avec lequel il n'avait pas charge de traiter. Sans donc tenir
compte des assurances pacifiques transmises, dans ces con-
ditions, il somma la mehalla hafidiste de camper à Mechra'
Ech-Cliaïr et de repasser l'Oumm Er-Rebî" avant le lever du
soleil. La mehalla obéit, et le lendemain 2 février, les co-

lonnes reprenaient la route de Ber-Rechid pour v arriver


le i3.

Le Oulâd Saïd se trouvait momentanément


territoire des
pacifié. Après avoir inauguré à la zàouïa d'El-Mekki un
monument à la mémoire des tués du 2 février, le général
d'Amade résolut de porter un coup décisif chez les Mdhakra
et les Zivaïda, qui se montraient hostiles. Les Colonnes du

Tirs et du Littoral prendraient les Mdhakra à revers par


le sud, tandis que le colonel Taupin, venant de Bouznika,

les rejoindrait sur l'oued et que le colonel Brulard opére-

rait de son côté dans la même région. Il s'agissait d'enve-

lopper l'ennemi et de l'écraser entre les éléments conver-


gents.
Le colonel Taupin partit de Bouznika le 16 février, avec
tnns étapes à accomplir, vers le sud; le colonel Brulard ne
quitta Ber-Rechid que dans la nuit du 17 au 18 et prit la
direction de l'est. Quant au général d'Amade, il quitta Ber-
Rechîd le t6, exécuta une feinte vers Settat, puis' revint vers
le nord-est le 17, pour gagner le lendemain le marabout
de Sidi Abd El-Kerîm, point de ralliement des différentes
Ci I' mnes.
LES CHAOl'lA — PENETRATION EUROP1 iS?

Malheureusement la colonne Taupin, partie de Bouznika, Les Mdhakra..


tenta vainement de rejoindre la colonne Brulard. Conti-
nuellement harcelée par l'ennemi, elle dut se replier sur
Fedhala, après avoir livré un combat acharné dans les envi-
rons de BerrRebah. De son côté, la Colonne Brulard réussit
bien à opérer sa jonction avec les colonnes du Tirs et du
Littoral, mais après un violent combat. Elle fut en effet
arrêtée près de Sidi 'Abd El-Qàderpar un parti de Mdhakra,
que soutenait une fraction importante de la mehalla hafi-
dienne. La colonne Brulard eut quelque peine à résister au
choc des assaillants, qui ne se dispersèrent qu'à l'arrivée
des colonnes commandées par le général d'Amade. Le plan
de pacification n'avait réussi qu'à moitié, sauf dans le S. O.,
où les tribus avaient été châtiées vigoureusement.

Dans le S.-E. et à TE. de Casablanca, de nouvelles opé-


rations restaient nécessaires. Les pertes sensibles subies
au cours des derniers combats montraient avec évidence
l'insuffisance de nos effectifs. Un envoi de renforts deve-
nait urgent. C'est à ce moment que M. Regnault et le
général Lyautey furent envoyés en mission à Casablanca,
pour examiner les voies et moyens de l'occupation des
Châouïa au point de vue militaire et diplomatique.
Sans attendre, le générai d'Amade avait groupé toutes
sesforces disponiblesets'était mis en marche le 27 février, de
Mediouna vers l'oued El-Melah, pour s'arrêter sur le plateau
élevé qui domine le confluent de l'oued Zemran et de l'oued
Aceïla. La colonne Brulard fut détachée en surveillance sur
la rive droite de l'oued Aceïla pour protéger les opérations

de ravitaillement, tandis que trois escadrons de chasseurs


se dirigeaient sur une crête dominant la plaine ondulée des
Rfakha et d'où on a une vue étendue. A peine nos chas-
seurs d'Afrique étaient-ils urri\és sur la crête qu'ils furent
attaqués par de nombreux cavaliers marocains; après avoir
tenu l'ennemi en respect jusqu'au moment où les car-
1X4 CASAB1 VNCA Kl 1.1 s Cl! \< n |\

touches commencèrent à s'épuiser, ils lurent obligés de


charger pour se dégager et ne redevinrent maîtres de la
situation qu'au moment où le général, prévenu, put leur
envoyer en renfort un bataillon de tirailleurs. L'ennemi se
dispersa rapidement.
Après ce violent combat, les Colonnes du Tirs et du Litto-
ral traversèrent de long en large le territoire de la tribu
des Ziyaïda, campèrent le r mars près de la zâouïa de Sidi
r

Ben Slimàn, puis reprirent la direction de Casablanca.


Elles en repartaient le 6 mars et pénétraient en suivant
l'oued El-Melah dans le Mdhakra. Le 8, les
territoire des
troupes du général d'Amade remportaient une brillante vic-
toire près de l'oued Aceï'la, à 20 kilomètres au sud de Souq
et-Tnin.
Les tribus Mdhakra subirent une déroute complète et nos
troupes se lancèrent a la poursuite des contingents Mzâb

qui étaient venus à leur secours. Les Mdhakra se rendirent


presque sans résistance et la colonne occupa la Qaçba Ben
Ahmed. De la elle gagna Sidi El-'Aïdi. Le général d'Amade
ramena ensuite ses troupes à Settat, chez les Oulâd Saïd et
chez les Mzamza, puis près de Ber-Rechîd, à Dâr Ould-Fà-
tima. Son intention était d'en finir avec un agitateur sur-
nommé Bou Nouâla qui rassemblait les débris des diffé-
rentes tribus et dont les partisans grossissaient chaque jour.
Ce marabout résidait à la zâouïa El-Ourimi, où un violent
combat livré le i5 mars valut aux rebelles une sanglante
défaite.

Bou Nouâla. Suivant une tradition locale, qui n'est pas la seule en
circulation, Mohammed Bou Nouâla, était
ben Zerouâl, dit
né aux Ghanimvin, sous-fraction des Hadami, fraction de
la tribu des Oulâd Saïd. On lui attribue naturellement une

origine chérih'enne et on prétend que son ancêtre, descen-


dant de Moulay Idris, serait venu des 'Abda, il v a deux
cent vingt ans, avec' Abd El-'Azîz, ancêtre des Ghanimyîn, et
LES CHAOUÏA — PENETRATION EUROPÉENNE 1 85

fondateur de la fraction. Bou Nouâla était l'aîné de quatre


garçons. Dans sa jeunesse il ne se livrait à aucun travail,
hors la du Qoran, et passait pour un illuminé.
lecture
Pendant la il ne se mêla pas au mouvement et se con-
Siba,
tenta de donner des avis à ceux qui venaient le consulter.
A notre arrivée, il avait environ vingt-cinq ans. Sans se
mettre lui-même en avant, il laissa son père et ses frères
prêcher la guerre sainte en son nom et réunir des partisans
des Mzamza. des Oulâd Hariz, des Oulâd Saïd et des
Chiadrna. Après la journée du i5 mars 1908 et l'incendie
des douars, Bou Nouàla s'enfuit resta trois jours caché
; il

dans un jardin et alla se réfugier d'abord à Sidi Moham-


med El-Bahloûl, chez les Mzàb, puis au sanctuaire de Mou-
Iay Bou 'Azza des Zaers. Il gagna ensuite Fès, d'où il serait
allé à Tanger afin de s'embarquer pour la Mecque, où il
serait mort en 1910. Son père, Zeroual ben BouChaïb, et ses
frères, Abdelmalek, Abdelqader et El-Ghenimi, sont restés
dans la fraction du Cheikh Rhallouq, aux Ghanimyîn; ils
n'ont plus fait parler d'eux.
D'après le qàdhi des Oulâd Saïd, Bou Nouàla se serait
donné comme Mahdi. mais son père était espion Kho-
bardji du Makhzen, et son grand-père faussaire {Zaouâr .

Le qàdhi de Settat prétend qu'un des ascendants de Bou


Nouâla avait déjà voulu jouer le rôle de Mahdi.
Après la fuite de Bou Xouàla, les troupes se reposèrent
près de Ber-Rechid pendant que le général d'Amade allait
à Casablanca pour recevoir M. Regnault et le général Lvau-
tey débarqués le 17 mars. Pendant que M. Regnault enquê-
tait sur la situation politique, le général Lyautey inspectait

les points occupés par nos troupes. 11 préconisa l'installa-


tion de postes fixes à Settat,Mediouna, Ber-Rechîd et Bouz-
nika, ainsi que l'occupation provisoire de Dàr-Bou 'Azza, Ben
Slimàn, Dâr Ould Sebâh, Souq el-K.hemis.
De nouveaux renforts arrivant, on concentra 8. 000 hommes
sur l'oued Avata. a 25 kilomètres de Ber-Rechîd. Lc^
(
Si) CASABI VNCA II LES CHÀOOÏA

lonnes prirent le ig mars un com-


la direction du sud-est, et
bat qui dura quatorze heures s'engagea à Soùq El-K.hemîs.
('.'est au cours de ce combat qu'une reconnaissance, tombée

dans une embuscade, eut neuf hommes tués, dont deux


officiers. Apres un nouveau combat le lendemain, le géné-
ral d'Amade, laissant une partie de ses troupes pour sur-

veiller les mouvements des Mdhakra, alla réoccuper Settat


pour v installer une garnison permanente. La réoccupation
de la petite ville se lit le 7 avril sans un coup de fusil et
provoqua la fuite précipitée des contingents hafidistes, qui
se repasser l'Oumm Er-Rebî' et à revenir
disposaient à
chez Châouïa. Les bandes hatidistes des Mdhakra et des
les

Oulâd Bou Ziri attaquèrent cependant nos avant-postes au-


tour de Settat, dans la nuit du 7 au 8, mais elles furent
repoussées dans la direction de l'oued Oumm er-Rebi'.

Bou Azzaoui. Cette attaque était commandée par le fameux Cheikh


Mohammed ben Et-Tayyeb El-Bou 'Azzaoui (1) qui avait fait

m C'est la tribu des Mzàb qui, suivant l'opinion générale, aurait donné
naissance au Chérit' Bou 'Azzaoui, de son vrai nom Mohammed ben Et-Taïbi.
Ce personnage, d'origine très modeste, serait venu tout enfant dans la frac-
tion des Mbarkyi'n Oulàd M'hammed, des Oulàd Hariz: il prétendait appar-
tenir aux Chorfa Oulàd Moulay lïou 'Azza, des Zaers.
Simple khammas pour commencer, il réussit à prendre une certaine auto-
rité morale et à se constituer une fortune. En l'espace de vingtannées il sut
avec l'argent deses fidèles acquérir de nombreux hectares de terrains chez
les Oulàd llariz, les Mdhakra, les Mzàb, les Mzamza, les Oulàd Bou Ziri et les
Oulàd Saïd. 11 vendit lui-même en 1907, au moment du débarquement, à un
d'origine, fixé dans la tribu, sa propriété des Oulâd Hariz.
11

Complice d'El-Hâdj Mohammed ould El-Hâdj Hammou.Bou 'Azzaoui sou-


leva l'arrière-pays par ses prédications mais ses belles paroles ne se réali-
;

sant pas, quelques-uns de ses adeptes exigèrent sa venue sur la ligne de feu.
On l'y vit pour la première octobre 1907, au deuxième combat de
fois le 19
Taddert; puis il disparut du pays et se rendit à Fès auprès de Moulay 'Abd
El-Halîd. Quatre mois après, on le retrouvait chez les Mdhakra, le 8 mars 190S.
Le s avril de la même année année, Bou 'Azzaoui joua encore un rôle actif à
l'attaque de Settat, et, vaincu, alla se réfugier à Fès, puis, en 1909, à Marrâ
kech.
Ce personnage, qui avait une cinquantaine d'années, a toujours été accusé
de faire de la antifrançaise chez les Châouïa, où il compte de
nombreux adhérents. Il demanda l'aman au général Moinier àla lin de 1911,

lors de l'occupation de Fès, di Mékinès et de Rabat, et l'obtint sous condi-


LES CHÂOUÏA - PÉNÉTRATION EUROPÉENNE [87

construire une zàouïa chez les Oulàd Saïd. La défaite de ses


partisans décida Moulay 'Abd El-Hafîd à renoncer à péné-
trer chez les Chàouïa. Il remonta l'Oumm Er-Rebi sur la .

rive gauche, tandis que son armée la remontait sur la rive


droite. Après avoir passé deux jours près de Mechra El-
Qnidlat, il traversa à ce gué l'oued Er-Rebî', le jour de la

fête du Mouloûd et rejoignit son armée à Dàr Ech-Chafaï


chez les Béni Meskîn de là il se mit en marche pour Fès,
:

où il arriva le 7 juin 1908.


L'éloignement de Moulay 'Abd El-Haiîd du centre de nos
opérations contribua, avec l'activité du général d'Amade, à
hâter la soumission des Chàouïa.

Grâce aux dernières opérations, la région comprise entre Pacification.

Casablanca et Settat se trouvait complètement pacifiée. 11


restait à y établir des postes pour rayonner à l'intérieur du
pays. Les principaux points déconcentration, Ber-Rechîd,
Settat et le camp du Boucheron, exerçaient leur surveil-
lance sur les Oulàd Harîz, les Mzamza et les Mdhakra,
Mediouna maintenant le contact entre ces trois pestes et la

mer. L'occupation des qaçbas de Fedhala et de Bouznika


assura, en même temps, les communications entre Casa-
blanca et Rabat. Enfin un poste, établi à la Qaçba Ben
Ahmed vers la lin du mois d'avril, surveillait les A'chàch.
Des colonnes volantes parties de ces différents centres
pénétrèrent dans l'arrière-pays des Chàouïa et parvinrent
à débarrasser la région des mehallas hafidistes qui nous
étaient toujours hostiles. Le 1 1 mai une colonne se dirigea

tions. Mais quelque temps après, il sollicitait la protection allemande et se la


voyait accorder malgré les protestations de la Résidence générale.
Mohammed ben Et-Taïbi El-Bou 'Azzaouï est mort à .Marrakech à la fin
de 1913. Il a été célèbre un moment par ses contre logiques
écrites avec le fameux Chérif Mohammed bel-K.ebir El-Kittani que Mou-
lay 'Abd El-Hafîd a fait mourirsous le bâton peu après son entrée a les. Bon
'Azzaoui et Kittàni avaient appartenu tous les deux à la confrérie des Der
qaoua, dpnt ils s'étaient séparés pour fonder chacun une taïfa particulière.
I 88 CASABLANCA F.T LES CHÀOUÏA

vers l'oued Zemrân et après un petit engagement, continua


sa marche incident jusqu'au mont Mgartou,
le 12 sans
d'où lendemain elle revint au camp du Boucheron.
le

Les renseignements recueillis au cours de cette opération,


sur la topographie du pays, amenèrent le général d'Amade
à envoyer une seconde reconnaissance contre les Mdhakra.
Une forte colonne franchit de nouveau l'oued Zemràn le
i5 mai pour détruire le camp des Mdhakra et saccager leurs
douars. Cette leçon les décida à faire leur soumission. Ce
fut le dernier épisode important de la campagne qui tou-
chait à sa fin. luit tribus avaient maintenant fait leur com-
I

plète soumission Zenata, Oulàd Hariz, Mzamza, Oulâd


:

Saïd, Mzâb et Oulàd Bou Ziri, Oulâd Ben Dàoud, Mediouna


et Oulâd Zayan, les Oulàd 'Ali ne tardèrent pas à se sou-

mettre également. L'installation d'un poste à la Qaçba Ben


Slimân suffit pour amener la soumission des Zivaïda, en-
core en dissidence.

La période des opérations de guerre était maintenant


terminée.
Une agitation sourde subsistait cependant encore du fait

de la co-existence des deux sultans, l'un à Fès, l'autre à


Rabat. Maintenant une certaine anxiété provenait de l'in-

certitude de la solution du conflit. Cependant les parti-


sans d"Abd El-'Aziz devenaient, de jour en jour, plus nom-
breux et on commençait à escompter son triomphe défini-
tif, quand, le i() août, sa mehalla fut mise en déroute par

les tribus, à deux étapes de Marrakech. Le sultan dut s'en-


fuir vers le nord, et il arriva à Settat le 20 août, dans un
état lamentable. Moulay Abd El-Hafîd, proclamé déjà dans
plusieurs villes de l'Empire, l'ut proclamé à Tanger le
23 août et, en décembre hjo8, il était reconnu par l'Europe

comme le seul sultan du Maroc. Sa situation de sultan de


guerre sainte disparaissait, puisqu'il avait accepté tous les
conventions passées avec l'Europe par ses
traités et toutes les
LES CHÂOUÏA PÉNÉTRATION EUROPEENNE |X()

prédécesseurs. Il devenait un sultan régulier et protoco-


laire.

Les dernières espérances que quelques irréductibles pou-


vaient encore conserver chez, les Châouïa étaient détruites.
Tout le pavs accepta l'occupation française comme un fait

accompli.
LA TRIBU

La Tribu. La 'Tribu est un assemblage de familles et d'individus


réunis sous un vocable commun ; ce vocable est le plus
souvent celui qui appartenait au noyau primitif autour
duquel les autres éléments se sont groupés.
La Tribu se divise en plusieurs fractions elles sont :

elles-mêmes constituées soit par des descendances de la


famille nominale, soit par des éléments étrangers, fondus
avec les autres dans la constitution de la Tribu, mais eth-
niquement distincts. Tels sont les Oulàd Çalâh, les Oulâd
Djâber et les Riyâh, des Oulâd Harîz.
A cet ensemble composite, le sentiment patriarcal a appli-
qué la notion figurative d'une descendance unique. Mais la
liction qui consiste à faire de la Tribu un ensemble de fa-
milles descendant d'un ancêtre commun ne peut plus avoir
qu'une valeur tigurative.
Au point de vue de l'organisation administrative, les tri-
bus du Bled El-Makh^en diffèrent de celles du Bled Es-
Siba. 11 n'existe pas cependant de frontières délinies entre
ces deux grandes divisions. Les tribus Torfa, intermé-
diaires, sont tantôt en état de soumission complète, tantôt
dans un état voisin de la Siba, suivant le degré d'autorité
du gouvernement central.
J.ES CH \Olï\ - LA TRIB1 igi

La Tribu du Bled Es-Siba est celle qui reconnaît envers


le sultan les obligations religieuses mais non les obligations
administratives. Quant à la Tribu du Bled El-Makhzen,
elle reconnaît envers lui toutes les obligations spirituelles
et temporelles.
Elle se subdivise en deux catégories : les tribus guîch et
les tribus naiba. Les premières sont exemptes de l'impôt
de nâïba, mais doivent par contre au Makhzen le « service
militaire»; les secondes payent la nâïba et, de plus, four-
nissent la harka. C'est à cette dernière catégorie qu'appar-
tiennent les Chàouïa.
La Tribu guich est commandée par un qàïd nommé par
le sultan et appelé quelquefois bâcha. Elle comprend plu-
sieurs rahâ troupe), chacune de cinq cents chevaux en
principe et sous les ordres d'un qâïd er-rahâ. La rahà se
divise en cinq mira (centaines commandée chacune par ,

un qâïdel-miya. La miya comporte elle-même diverses divi-


sions, ayant chacune à la tète un moqaddem il y a 10 mo-
qaddems Le qàïd Je la Tribu a un ou plusieurs khalîfas,
.

de même que le qâïd er-rahà le qàïd el-miya n'en a qu'un.


:

Chaque qâïd er-rahà possède un étendard rouge.


Comme la Tribu ^uich, la Tribu de ndïba est placée
sous les ordres d'un qàïd nommé par le sultan; c'est le cas
des Tribus Chàouïa. Lors de sa nomination, le qâïd reçoit
du sultan un sceau (taba*) en argent sur lequel est gravée
la formule Khâdim el-maqdm el-'dlî billah
suivante :

Foulân ben Foulân El... ethnique du qàïd. Il reçoit en


outre un che\al sellé, une qoubba tente ronde) et autant
de lerrada 'étendards de cavalerie, au propre « lances >^ .

qu'il a de tribus sous ses ordres.


>n ne saurait confondre les lerradas officielles avec les
1

a'iâm des marabouts et des confréries; les premières sont


portées à cheval avec le qàïd, les secondes sont à pied. La
Tribu de nâïba n'a qu'un seul étendard, de couleur quel-
conque.
;

CASABLANCA ET LKS CHAOl'IA

Chaque qàïd de Tribu de nàïba a un ou plusieurs kha-


lîfas,un inechaouri (huissier introducteur}, un ou plusieurs
kâtib (secrétaires) et des mokhasçnia.
La fraction est commandée par un cheikh ; elle peut en
avoir plusieurs si ou si elle contient plu-
elle est dispersée,
sieurs sous-fractions. A côté du cheikh sont préposés des
djâri (coureurs), dont le rôle consiste surtout à recueillir
la farda.

Divisions Les Châouïa constituent un ensemble de tribus nâiba.


de La tribu. du Bled El-Makhzen, qui comportent chacune les divi-
sions organiques suivantes en partant de l'échelon le plus
bas :

La qariya, groupe de quelques tentes ;

La fakhda ou fakhid, groupe de qariyas :

Les chouoùb, groupe de plusieurs fakhids;


La qebîla, ou tribu, ensemble des chou'oûb.
Cette division est celle des lettrés. D'autres, en usai;e
dans le peuple, présentent une certaine confusion. En voici
les principaux types :

a) La khima (ou la nouâla), les oulâd


Le douâr:
La fakhda, la qesma, le djàneb :

La qebîla.

b) La khi ma ;

Le douâr, le djaneb, la fakhda, la qesma :

Lefariq (Oulâd Harîz) :

La qebîla.

c) La khima ;

La fakhda ; I ., ., . . .

. , > Mzab et A , ,

chach.
Le douar ;

La qebîla.
LES CHAOUÏA — LA TRIBU IÇ)3

d) Une autre division employée plus particulièrement


dans la région de Settat comprend :

i) La khima ou tente ;

Îçeghîra, ou groupe de plusieurs khima


ou nouâla;
kebira, ou groupe de plusieurs fakhda
çeghîra.
Au de fakhda on dit aussi, plus rarement, douâr
lieu
ou ferqa pour désigner la fraction commandée par un
cheikh, assisté d'un djdri.
3) La qebîla, commandée par un qàïd, assisté d'un khalîfa.

LES HABIT AN 1 S

Le Chàoui est avant tout paysan et agriculteur et il affec- Les différentes


tionne la terre qui consent difficilement à
le fait vivre. Il classer
l'aliéner et ne le fait qu'en cas d'absolue nécessité. On peut
partager la population des Chàouïa en plusieurs classes.
Le propriétaire, celui qui possède quelques charrues
de terres [Zouâidj El-Hart) du cheptel (EUMâchiya) ne
et
travaille pas. Il surveille ses cultures et fréquente les mar-
chés. Sa got'a, sa maison sont connues. C'est un petit per-
sonnage, heureux de la quasi-oisiveté dans laquelle il se
complaît.
Ne travaillant pas lui-même, il a recours à des khammàs
pour labourer ses terres. Il fournit la terre, les animaux
de labour et semences et donne au khammàs, pour
les
sceller leur contrat, une petite somme variable, le refed,
qui tend à augmenter, car le khammàs devient de plus en
plus difficile à trouver. On lui fait en outre des avances.
le plus souvent en grains, au fur et à mesure de ses besoins.
Il ne supporte aucun des frais occasionnés par les labours.
VILLES ET TRIIUS. — I. l3
1Q4 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Un cinquième de la récolte lui revient pour sa part, en


rémunération du travail fourni. 11 s'enrichit rarement et
il est assez rare qu'il atteigne le moment de la récolte
sans avoir déjà absorbé ce qui lui revient ou même davan-
tage. Cela permet au propriétaire de s'attacher obligatoire-
ment ce travailleur, pour une nouvelle année, en le ren-
dant son débiteur.
Dans un autre type d'association (cherka), une des par-
ties fournit la terre et la seconde le travail. Chacune
donne un animal dans l'attelage et la moitié des semences.
La récolte se partage en deux parties égales.
Quelques-uns encore louent simplement leurs terres (bel-
khob^a, moyennant une part dans le rendement, ou un
chiffre de moudds de grains fixé à l'avance.

Les bergers sont engagés moyennant une somme annuelle


qui varie selon leur âge, de quatre à quinze douros; ils
reçoivent également une djellaba de bou nedaf et un hâïk
par an ; de plus ils sont nourris.
Les Doukkâla se louent souvent comme bergers (rouai) ;

ouvriers agricoles en métayage (hhammâs) et comme mois-


sonneurs (haççâda).
Propriétaires, pâtres et laboureurs forment la majorité
de la il y a aussi du com-
population des campagnes; mais
merce quelques petites industries locales.
et
On voit dans les soûqs le m'allem es-semmâr ou maré-
chal ferrant, autour duquel on se bouscule pour faire repla-
cer le fer de sa monture le savetier (terrâf), accroupi en
;

tailleur, qui répareune sangle ou place une pièce à une


babouche; le marchand de goudron (qitran, populairement
latoukh) qui vend sa marchandise en vessies. On s'en sert
pour soigner les chameaux ou les moutons galeux et pour
enduire les outres (guerba) les femmes en mettent dans
;

leurs cheveux.
Le douas, ou marchand ambulant, débite des épices
en même temps que de la mercerie commune, des miroirs
LES CHÀOLÏA — LA ! RIBU ! |5

et de la cotonnade; le boucher étale sa viande; le fruitier


des oranges, des figues, du raisin ou des grenades, suivant
la saison, et quelques couffins de noix, de raisins secs ou
de dattes. Tous ces petits commerçants ne font pas d'im-
portants bénéfices, mais ilsfréquentent les différents mar-
chés et vivent de leur négoce.

Les spéculateurs indigènes achètent des bœufs, des mou-


tons ou des chevaux, de la laine même, et les revendent
en ville avec des profits sérieux. Des marchands de grains
[habatà] spéculent également sur le blé, l'orge, les fèves, etc.
Enfin certains propriétaires se sont fait une spécialité de
louer leursanimaux de bât. Ils traitent à forfait pour le trans-
port des marchandises d'un point à un autre, opération
dont l'importance s'accroît depuis l'occupation française.
Quelques-uns opèrent plus directement. Ils se rendent
au loin, à .Marrakech ou dans d'autres localités, pour ache-
ter des produits locaux et placer en même temps des articles
manufacturés ou non qu'ils emportent avec eux. L'opéra-
tion est doublement fructueuse.
la proximité de la ville offre des débouchés
D'autre part,
aux journaliers qui veulent s'employer à des travaux de
terrassements, car la main d'oeuvre fait défaut et renchérit
de plus en plus.
Casablanca attire aussi tous les marchands de combus-
tible, bois et charbons, qui viennent même d'assez loin,
et chaque matin on les voit arriver, poussant leurs cha-
meaux et leurs ânes surchargés.
Les femmes v vendent des poules, des œufs et du beurre ;

les jeteuses de sorts vendent des herbes aux


(sâhirdt)
vertus magiques, pour quelques flous, concurremment
avec les tolbas vendeurs de talismans (hadjab) et révéla-
teurs de l'avenir dharràbin el-khall .

En résumé, l'aisance est générale chez, les Châouïa il y :

a des pauvres, sans doute, mais la véritable misère est


rare, sauf dans les années de sécheresse et de mauvaises
ig6 CASABLANCA ET LEi CI1\0LÏA

récoltes. La famine oblige souvent alors les habitants pau-


vres à émigrer.

I- HABITAT

Les Les Chàouïa vivent le plus souvent groupés en villages


Habitations, (douâr, pi. douâonar).

Comme le nom l'indique (dâr, idoûr tourner), les =


douars avaient, à l'origine, une forme circulaire et ne com-
prenaient que des tentes [khiyam). La nuit on ramenait le
bétail à l'intérieur du cercle {gara). Telle était et est encore
l'habitation des nomades (rahala). La khima est faite de
flîdj, bandes tissées à la main avec des poils de chèvre
mêlés à un peu de laine (khima ^erqa); il existe également
des flidj de lif, racine du doum, et de berouag ou de ha'i-
delli (asphodèle) dans la khima hamra ; la petite tente des
pauvres est en lif et porte le nom de acha.
La substitution de la vie sédentaire à la vie nomade
a modifié peu à peu l'habitation primitive les douars à ;

forme circulaire sont devenus plus rares, quoiqu'on en


retrouve encore chez les Mdhakra, les Mzàb, etc.

Beaucoup d'indigènes abandonnent la khima pour la


nouâla ou la qabousa; les riches construisent même des
bioût chambres en maçonnerie recouvertes de chaume)
et des maisons en pierre, tout en conservant la khima tra-
ditionnelle, à côté de l'habitation nouvelle. La nouâla est
une hutte de forme rectangulaire, à ossature de roseaux
qçeb) et de branchages, et recouverte de chaume : c'est le

dhahar el-hamar (i). La qabousa diffère de la nouâla par


sa forme conique; elle est recouverte en chaume et sa mu-

(i) Littéralement le dus d'à'::.


LES < Il \0l 1 \

raille circulaire est tantôt en roseaux, tantôt en maçonne-


rie ; le toit en forme de cône s'appelle mqebb.
Quant à la maison (dàr) elle comprend plusieurs bioût.
On y remarque parfois un setouân, ou vestibule, où l'on
reçoit les hôtes; une qoubba avec porte et fenêtre et sans
aucune communication avec les autres pièces de la maison ;

le terme qoubba (coupole) n'implique pas, dans ce cas.


Fidée d'une pièce avec coupole, mais est pris dans le sens
de bit; la qoubba est en général orientée vers l'est et est
habitée par le maître de la maison (inoùl ed-dâr). Certaines
maisons comportent un min^ah, étage formé de plusieurs
bioût, ou simplement une seule pièce, meçriya.
Il v a deux tvpes de constructions. Dans l'une, analogue

à celle des villes, pour l'assemblage des matériaux, on se


sert du mortier (beghli\ de chaux [djîr). L'autre, rurale,
emploie le mortier de terre. Dans le premier cas, la maison
est recouverte en terrasse (setâh) dans le second, les mu- ;

railles ne résisteraient pas à la pluie on recouvre la mai- :

son d'un toit en chaume (broumi) qui descend assez bas


pour protéger la maçonnerie.
Dans l'intérieur des tribus, les khimas, noualas, qabou-
sas et bioût voisinent, entourés d'un fossé {sas ou hafir

et d'une levée de terre ou d'un mur \ c'est la got'a (*>das).

Ce terme, dont le morceau de


sens général serait «
terre», désigne l'ensemble du fossé (hafir) dont les déblais
sont rejetés à l'intérieur et à l'extérieur, et du terrain de
forme carrée, dénommé oustel-got'a ou mrâh {rjj*), qu'en-
toure le fossé. C'est là que se trouvent les habitations. Le
talus intérieur est ordinairement soutenu par un mur en
pierres sèches (selâriyat el-hadjar) ^j>&*>\ CjU«). Le mrâh
ou oust el-got'a s'étend autour des habitations et c'est là quo
stationnent les animaux. On désigne également sousce nom
le terrain libre, au milieu des douars, affecté aux animaux.

Dans certaines tribus, comme celle des Oulàd Sidi Ben


I r>8 i
ISABI VNi ET LES CHÂOUÏA

Daoud, les douars sont entourés d'un ou de plusieurs murs


en pierres sèches (setârai el-hadjar y^>J ISjIl-,).

L'enceinte de protection, faite de broussailles et de


jujubier sauvage (cedra), porte le nom de ^erîba <<*>„jj Ce
terme s'applique aussi bien à l'enclos des tentes qu'à celui
des animaux {^eribat en-nahal : l'enclos où sont enfermées
les abeilles).

On donne le nom de haouîta à l'enceinte, en pierres


sèches également, qui entoure une ou plusieurs tentes d'une
même famille.
Anciennement la goVa était le domaine exploité par un
indigène influent, sur le territoire de son douar avec l'aide
d'un certain nombre de khammâs. Le terme a dévié par la
suite. Actuellement, les got'a, construites ou restaurées par
le Makhzen, servent de refuse (n^dla, pi. ns(âïl) pendant la
nuit, aux gens de passage et aux caravanes guefla, pi. gue- i

foûl), moyennant le pavement d'une somme modique.


Les droits de perception des nzâlas sont mis en adjudi-
cation sur la base suivante :

i guirch (o P. H., a5) par chameau :

par âne
o P. H., o5 r )
—^L'uirch
. ,
c A
„ IT r par 5 têtes,
o P. H., o5 par mouton )

Les nzâlas donnaient lieu à de fréquents abus, tantôt


lorsque l'autorité du qâïd était insuffisante, tantôt d'accord
avec lui. Il arrivait en effet que les gens des nzâlas (mouâ-
lîn en -ne {d'il) exigeaient une redevance, non seulement des
gens qui couchaient à la nzàla, mais des caravanes qui
passaient devant elle pendant le jour le droit de rv(âîa :

se trouvait transformé en un véritable droit de ^ettdla.


Qaçbas. —
Demeures des qâïds, les qaçbas sont des for-
teresses comprenant un mur d'enceinte, le plus souvent de
forme rectangulaire et en pisé, à l'abri duquel se trouvent
LES CHAOUIA LA TRIBL 110

les habitations. Elles ont été construites par les sultans ou


par les qàïds.
On trouvera plus loin quelques renseignements sur les
qaçbas des différentes tribus.
Plusieurs ont eu des dépendances suffisantes pour lo-
ger toute la clientèle des chefs indigènes; elles devenaient
même parfois assez importantes pour comprendre jusqu'à
une mosquée (Ber-Rechîd\ Autour des principales qaçbas
se formaient desagglomérations atteignant quelquefois les
proportions d'un gros bourg ou d'une petite ville. C'est
ainsi que M. Weisgerber a pu évaluer la population des
qaçbas avant la conquête aux chiffres suivants :

Settat (Mzamza 3.ooo habitants.


Ber-Rechîd (Oulàd ilari/ .... 2.000
Qaçba d'El-' Avachi ou de Si Bou
Chaïb Bel-Hâdj Oulàd SaïdV .

Qaçba Ben Ahmed 'Mzàb) . . . r.000
Qaçba d'El-Khamlichi (Mzât 1.000 .

Qaçba Ed-Dâoudi (Oulàd Sidi Ben


Dâoud)
Qaçba Mediouna quelques centaines.
QaçbaSiEl-Hasan 'Oulàd Zi\ an — —
Qaçba Fedhala (Zenata). . .

Qaçba d'Ould El-Hadjâdj (Mzâb)


Dar Ould El-Hâdj Çàlah (Ou-
làd Bou Ziri)
Qaçba du qâïd Et-Toûnsi ^Ou-
lâd Bou Ziri)
La plupart de ces qaçbas ont été démolies pendant la

Siba, sous le règne de Moulay 'Abd El-'Azîz.


'
WUîI.ANCA ET LES 0HAOU1A

LA VIE INTERIEURE : LES MŒURS.

Les ustensiles Mobilier. — Il n'y a pas de mobilier dans la khima. Les


usagers. seuls objets qui puissent en tenir lieu sont le çendoûq ou
:

kofri, jn^aoud et la rahala.


le

Le çendoûq est une grande caisse, peinte quelquefois


extérieurement, et dans laquelle sont placés le plus souvent
les vêtements (houâïdj) de l'homme et quelquefois les vête-
ments de fête de la femme; le çendoûq est fermé par un
cadenas (qfel) ou par une serrure (louba), qui est quelque-
fois à sonnerie; la clef (saroat) en est toujours dans la
chkâra (sacoche) du maître de la tente {moûl el- khima).
Quant au m^aoud, c'est une peau d'agneau ou de che-
vreau conservée intacte et dont les ouvertures naturelles
sont fermées avec des lisières de drap. Il constitue une
sorte de sac, en forme de guerba (outre), dans lequel les
femmes enferment leurs bijoux, leurs objets de toilette
(fard, peigne, etc.), et même des vêtements légers.
La rahala est un filet accroché entre les deux montants
de la khima et dans lequel les habitants de la tente jettent
leurs vêtements toutes les fois qu'ils se couchent.
Parfois une natte (haçîra) ou un tapis grossier (tellis)
recouvrent le sol.

Tel est le mobilier de la khima; il est le même pour les


nouâlas comme pour les qabousas.
Celui des bioût et des maisons (diyâr), n'est pas beaucoup
plus complet. Il comporte de plus un serir, sorte de ban-
quette occupant toute la largeur de la pièce et fixée dans
le mur, à 70 centimètres ou plus du sol; au-dessous sont

placés les çendoûqs, le plateau (siniya), la théière, etc. Au-


LES CHA0U1A — LA TRIBU 201

dessus se trouve un matelas [mdherba) de laine {çoûfj ou


de paille (achilifà).
Sur le sol, on peut voir, suivant le degré de fortune du
maître de maison un tsarah, natte longue en jonc, ou une
haçira oudifa, natte ronde tressée en palmier nain [doûm .

— une haçirai ech-cherît, natte rectangulaire ou carrée en


doûm, — une \erbiya, tapis de haute laine, — un hanbel ou
tellis, tapis de laine rase avec des rayures de couleur, etc.
Chez les indigènes riches on remarque sur les murs une
tenture appelée Haïti et, le long du mur, des matelas avec

des stourmbia ou stourmia (coussin en cuir), ou des ousada


(coussins en étoffe) ainsi qu'un tliq (ou doukana), ban-
quette en maçonnerie près des portes oudans les vestibules.
L'éclairage se fait le plus souvent à la bougie, chema ,

placée dans une haska, chandelier; miçbâh, veilleuse, la

est également d'un usage courant, de même que le qandîl,


lampe à huile en fer blanc ou en cuivre, et à une ou plu-
sieurs mèches (ftîla), mais sans mécanisme.
Les indigènes riches possèdent quelquefois une tria,
lustre.
Quant aux ustensiles de ménage, mouaan (sing. mâ'oûn ,

ils se composent delà table ronde à pieds très courts, mania,


ou de la safra, rond en cuir tanné uni ou avec dessins du ;

medjmar, réchaud à braise, tantôt en fer, tantôt en cuivre,


et tantôt en terre cuite; du râboù^;, soufflet; du babor,
samovar; du boqrâdj ou sakhân, bouilloire; du berrâd,
théière; de lasiniya, plateau à thé (ce terme est employé pour
désigner tout le service — « djib es-sima » apporte pla- : le

teau avec les tasses et la théière) — on entend par 'amâra


;

l'ensemble des soucoupes et des verres, kisân ou seqn iat, sans


la théière (berrâd), ni les boîtes à thé faounbil ou ^enbel).
ni la boite à sucre (djebbâniya desoukar).
A ces ustensiles divers, il faut ajouter la mebkhra, brûle-
parfums; la mrachcha, flacon à long col qui sert à asperger
les invités avec de l'eau de rose, ma el-ouard, ou de fleurs
202 CASABLANCA ET LES CHA0U1A

d'oranger, ma e%-\ahar : le ^if, essuie-mains ; le tâs ou


idouh, littéralement « le bassinet sa main »; le terme tâs
désigne le bassin au-dessus duquel on se lave les mains et
la bouche et dans lequel se trouve un porte-savon ; idouh
représente l'aiguière avec laquelle on verse l"eau sur les
mains.
L'appareil à faire le kouskous se compose de trois usten-
siles: i° le medjmar ou réchaud ;
2° la khedîma oubourma,
marmite dans laquelle on met des légumes, de la viande
et de l'eau 3" le keskas, récipient de forme tronquée con-
;

tenant le kouskous et dont le fond est percé de trous la :

vapeur s'échappe de la khedîma en passant par les trous


du keskas emboîté sur cette dernière et vient cuire le kous-
kous.
Les autres ustensiles de cuisine sont les suivants : le

iâdjin (pi. louâdjen), plat en terre à couvercle (reta), qui


désigne également contenu (ragoût de viande et de lé-
le

gumes). Les touâdjen les plus réputés viennent de Rabat.


Le tâdjin est placé le plus souvent à l'intérieur d'un lebaq
en sparterie avec couvercle également en sparterie, ou d'une
matdouna en bois, à pieds bas, à rebord élevé et à couvercle
[mqebb). Viennent ensuite gueçaa, grand plat générale-
: la
ment en bois, le m akhfiya, grand plat en poterie la ^elâfa, ;

bol en terre, en faïence et quelquefois en fer émail lé; la taoua


ou le tobsil. assiette; la m'alleqa, mgharfa ou âchek, cuillère
en bois, corne ou métal ; le khoudmi ou mous, couteau.
Aces ustensiles divers, il convient d'ajouter: la khabiya,
jarre pour l'eau et quelquefois pour l'huile, la sella, réci-
pient en cuivre pour l'eau et le bouillon ; la qoulla, vase en
forme de gargoulette servant à contenir le beurre la goun- ;

boura (ou kellouch), plus petite que la qoulla; le houâr,


petite marmite servante préparer la harîra (soupe;; le
fcrràn, plat en terre servant à faire cuire le pain la rehâ, ;

moulin: le gharbel, tamis; le mahres(, mortier; la rétama,


pilon, etc.
LES CHÀOlï.V — LA TRIBU 2û3

ï^a nourriture. —
La nourriture de la masse des indi-
gènes est simple et frugale: elle se compose généralement
d'un pain assez lourd (khoub%), d'olives [qaïtoun), de beurre
rance smen) et d'un kouskous grossier cuit à l'eau et mé-
langé de lait caillé :ce mélange est connu sous le nom de
saïqouq. Comme boisson, la plupart des indigènes ne boi-
vent que de l'eau après le repas; les indigènes aisés boivent
du thé. Le café est très rare.

Les vêtements (Haouàïdj F.l-Lebâs) des Chàouïa ne pré- Le vêtement


sentent aucune particularité. Ce sont les mêmes que ceux
des autres indigènes du .Maroc occidental.
L'homme est vêtu d'un tchâmir, ou kemedja, ou man-
çoùria, longue chemise en cotonnade; d'une bedaya, gilet
long souvent brodé; d'un qaftân, sorte de robe en drap
et
ouverte sur le devant et à manches; le tout est serré à la

taille par une ceinture en étoffe et quelquefois en cuir

[kour-iva ou mdhamma Le serouâl est un pantalon court


.

et bouffant maintenu à la taille par une bande d'étoffe


1

touka, entrant dans une coulisse, ou par une petite lanière


de cuir. Les indigènes aisés revêtent en outre, suivant leur
degré de fortune, \a.faradjiya, sorte de robe en étoffe fine.
très ample et avec manches, ouverte jusqu'à la ceinture et

qui recouvre qaftân.le

Comme chaussure, les indigènes portent des belâghi


(sing. belgha), babouches en cuir jaune sans talon ni bro-
derie.
La coiffure est un morceau de mousseline roulé autour
de la tète et qui portele nom de chedd ou de re^a.

Comme vêtement d'extérieur, les indigènes portent la


djellaba (ou djellâbiya), longue blouse en laine avec man-
ches et capuchon, ou le hâïk, très longue pièce de laine ou
de soie qui recouvre tout le corps et la tête. Le selhâm ou

haddoun, sorte de burnous, se porte surtout à cheval. Du


vêtement d'extérieur fait partie le chkâra, sacoche en cuir,
204 CASABLANCA ET LES CHA0U1A

suspendue à l'épaule par un cordon (khit ou medjdoûl), et


la koumiya, poignard à bout recourbé, suspendu à l'épaule

de la même manière.

Quant au vêtement de la femme, il est à peu près ana-


logue à celui de l'homme; il ne comporte pas le serouâl
(pantalon), que la femme honnête porte très rarement.
La femme de campagne ne porte que la chemise (tchâ-
la

7nir) et par-dessus une longue pièce d'étoffe en cotonnade


appelée isçâr et quelquefois cheqqa, dont elle s'enroule tout
le corps ;
parfois même Yis{âr est l'unique vêtement de la

femme.
Dans les milieux aisés, la femme revêt leqaftân par-des-
sus la chemise une robe en mousseline, en tulle broché
et

ou soie légère, appelée dejïn, defina ou talsiya. Le tout est


souvent serré à la taille par uae ceinture très large en soie
appelée ha^am. Au-dessus du qaftân la femme revêt quel-
quefois une foûqiya, longue chemise à manches très courtes
et ouverte jusqu'à la ceinture. Parfois les femmes serrent
les manches de leur vêtement avec une hammâla, cordon
de soie qui passe sur la nuque.
La coiffure est faite d'un foulard qui couvre la cheve-
lure, sebniaou qdhib. Pour la chaussure, quand elle existe,
des babouches, cherâbel (sing. cherbil) ou mchâya brodées,
jaunes, rouges ou bleues, et sans talon.
Le vêtement d'extérieur comporte le hâ'ik en laine, mais
dans les villes seulement; le hâïk est extrêmement rare
dans la campagne.

Parure. Parure. — Le l'homme est une bague en


seul bijou de
argent, khâtem. La femme
campagne porte en géné-
de la
ral des bagues en argent analogues à celle de l'homme des ;

boucles d'oreille également en argent, douâh; des bracelets


sans fermeture, dbâledj ; des anneaux de pied, khlâkhal.
A Settat et à Casablanca, de même que chez les qàïds et
LES CHA0U1A 205

indigènes aisés, la parure de la femme est plus recherchée,


surtout pendant les jours de fête et les cérémonies de fa-
mille (mariage, naissance, circoncision, etc.); elle est faite
le plus souvent de bijoux en argent.
Sejîfacollier en pièces de monnaie d'argent, serrant
:

la tète etentourant le front.


Khorça : boucles d'oreille en or et corail ou en argent
doré et pierres fausses.
Kebch : boucles d'oreille en or ou en argent sans corail,
plus grande que les précédentes.
Khit el-djouhar : rang de perles vraies, mais de qualité
médiocre.
Ketfiya : broches en argent ou en cuivre se plaçant de
chaque côté de la poitrine pour retenir l'i^ar; elles sont
réunies par une chaînette de même métal, sensela pour
selsela).
Nebàïl : bracelets en argent avec fermeture plus larges
que les dbàledj.
Fakroûn : boucle de ceinture en argent.
Khâtem : bague en argent, rarement en or.
Khemîsa ou Khamsa : breloque représentant une main.
Loûh : breloque en argent ou en or avec pierres incrus-
tées ou non.
Ilajida: analogue à la précédente, mais plus petite.

Les tribus des Châouïa sont particulièrement réputées Tatouages


pour la finesse et l'art de leurs tatouages; c'est ainsi que (Ouchâm).
l'on dit il
: n'y a de belles filles qu'en 'Abda et de fins et
beaux tatouages qu'en Châouïa.
Les tatouages ont pour but d'éloigner ou de guérir cer-
taines maladies, ou encore d'écarter des menaces de mau-
vais sort;ils servent aussi de parure à la femme. Les

hommes en portent en général très peu; quelques-uns en


ont cependant aux bras ou aux jambes. Les joueurs de
kamindja et de guembri sont le plus souvent tatoués à
îo6 CASABLANCA ET LES CHA0C1A

l'épaule, aux doigts ou à la naissance du bras. Ces tatouages


sont formés de quelques traits ou de quelques croix entre-
lacées. Le tatouage à l'épaule, rekla, affecte la forme sui-
vante :
|
j~T.
Les tatouages de la femme sont nombreux :

Le markab, au milieu du front (Mdhakra).


La khema\a (Settat), entre les deux sourcils et au-dessus
du nez; il a la forme ), ou encore celle de croix ou de
(

points (Oulàd Saïd .

La sirâla, tatouage vertical qui commence au milieu de


ta lèvre inférieure, suit la gorge et arrive parfois jusqu'aux

seins ; il affecte la forme m et la forme x . Les femmes


1

x
mariées continuent quelquefois ce tatouage jusqu'au bas-
ventre (siyâla kebîra).
L'oitchdm er-redjlin, tatouage des pieds; ce tatouage
entoure la cheville comme un bracelet et a la forme sui-

Uouclidm
>>• el-idîn ou adjadja, tatouage des poignets ;

ce tatouage entoure le poignet comme un bracelet et a la


forme "|| | | | | | | | | f.
Uadjana kebîra et Vadjana çeghîra, tatouages sur le

dos de main. la

La khedâda, tatouage de la joue il a la forme d'un ;

petit rond O- :

Les tatouages ne comportent presque pas de variantes


dans les diverses tribus des Châouïa. Plus en honneur pour
la femme que pour l'homme, ils sont surtout très usités

par la prostituée, qui s'en couvre tout le corps. La femme


honnête n'en a, en général, qu'un petit nombre.

Amulettes Les amulettes ne sont pas d'une pratique très suivie. Le


et sorcellerie. Marocain semble moins superstitieux, en ce qui les concerne,
que son coreligionnaire d'Algérie et de Tunisie, où les in-
LES CHA0U1A — LA TRIBU

A A A

SIALA ÇEGHIRA SIALA ÇEGHlRA

a x k
x<
/
ADjana KE8IRA AOJANA ÇEGHiRA
20.S CASABLANCA ET I.tS CHA0U1A

digènes portent de nombreuses amulettes attachées à un


cordon de cuir ou de soie en sautoir. D'ailleurs, le sorcier
marocain ne semble pas avoir une grande confiance dans la
vertu de ce talisman ; il a soin de s'en cacher à ses coreli-
gionnaires pour ne pas voir faiblir son prestige; mais il
est évident qu'il n'a pas d'illusions sur son exploitation de
la crédulité publique.
L'amulette (her^) est un petit morceau de papier sur le-

quel on écrit une formule qoranique, ou autre, douée de


certaines vertus. Elle est délivrée par un tâleb. Le tâleb se
transporte sur les soûqs y dresse sa tente, surmontée
; il

d'un roseau, à l'extrémité duquel flotte une bannière


blanche ou rouge, qui lui sert d'enseigne. Le tâleb fait à
la fois office d'écrivain public et de fabricant d'amulettes ;

de là le nom de kettâb, sous lequel on désigne souvent le


her^. C'est dans la tente que le tâleb rédige séance te-
nante, en se tenant face à l'orient, les talismans qui doi-
vent préserver des génies malfaisants (haouâïch) ou guérir
les maux de tète, la colique, la fièvre, etc., etc.
Certains tolba, dont la réputation est mieux établie, re-
çoivent leurs clients chez eux sans fréquenter les soûqs.
L'amulette se place dans un petit sachet en cuir ou en
étoffe. Suivant sa destination et les indications du tâleb,
elle se porte en écharpe ou en collier autour du cou, du bras
ou du ventre, sur le côté droit de la tête... Il est rare que
ces instructions ne soient pas suivies à la lettre.
A côté des amulettes qui emploient des formules qora-
niques, il en est de toutes sortes. La terre des tombes de
certains marabouts passe pour avoir des vertus spéciales :

tel marabout est réputé pour guérir une maladie, tel autre
pour une autre. Dans l'espoir de se guérir, les malades se
rendent à la tombe et enduisent de terre la partie malade ;

ils en remplissent un sachet qu'ils portent sur eux, de pré-

férence sur l'organe atteint. Quelquefois même ils avalent


un peu de terre dans un verre d'eau.
LES CHAOUIA — LA TRIBU 20()

Les griffes de panthère et la peau d'hyène passent pour


préserver du mauvais œil, du moins dans certaines tribus
(Mdhakra).
[ne autre pratique qui pour but de préserver du mau-
a
vais oeil, consiste à porterun sachet contenant sept grains
d'anis, un fragment de tissu de tamis comprenant sept
trous exactement, un fil de trame, sept grains de liarmel
et sept grains de hesbour (coriandre:. De plus, on porte

sur la peau, séparés les uns des autres, un morceau d'alun


troué, une pierre de sel, l'oeil gauche d'un loup ou d'un
renard, une balle de plomb tirée le dernier mercredi du
mois; cette balle doit être aplatie et former une plaque
dans laquelle on perce sept trous (Mdhakra .

Certaines amulettes comportent une main surmontée


d'un lézard.
La sorcellerie proprement dite n'est en honneur que chez
les femmes, surtout chez les prostituées, qui ont recours à
ses pratiques pour se faire aimer et pour se venger d'un
abandon, ou jeter un mauvais sort sur l'amant d'une autre
femme, etc. Les femmes exécutent aveuglément les pres-
criptions de la sorcière, sâhira, qui est le plus souvent
une vieille méi
La sorcière, à qui une femme s'adresse pour ramener son
mari volage, va, dit-on, puiser de l'eau à sept sources dilîc-
rentes. Elle brûle du benjoin et du coriandre dans un pé-
trin neuf, préalablement mouillé de cette eau, puis, va au
hammam pour se purifier. Revêtue de vêtements blancs.
elle se rend ensuite dans un cimetière, au milieu de la

nuit, seule et sans prononcer une parole. Là, elle déterre


le corps d'une personne morte la veille, ouvre le linceul.

idavredevant elle, les bras levés, et lui pose sur


les genoux le pétrin rempli de semoule, de miel et d'eau
des sent sources. Avec les mains du mort elle roule le kous-
kous en prononçant ces mots <. De même que l'abeille
:

vient de loin quand elle sent l'odeur du miel, je veux qu'Un


VU LES ET TRIBUS.— I. '4
ojo CASABLANCA ET LES CHA0U1A

Tel, d'Un Tel, vienne à Une Telle, fille d'Un Tel. »


fils

Puis recouche le mort dans la tombe, le recouvre du


elle
linceul, et revient chez elle en emportant le kouskous.
Ce kouskous est alors remis à la femme, qui le donne à
manger au mari infidèle.
D'autres procédés sont plus usuels.
Pour s'attacher leurs maris, les femmes n'ont qu'à pré-
parer une cervelle d'hyène avec du poivre, de l'alun, des
clous de girofle et autres épices, et à en faire un sachet
qu'on porte sur soi. Il faut alors que le mari mange une
langue d'àne, cuite, mais coupée sur un animal vivant.
Dès lors, il tremblera devant sa femme comme l'âne devant
la hyène.

Pour se faire préférer à ses co-épouses (cherîkât), la femme


jette ses linges intimes dans une marmite neuve, qu'elle
place sur un réchaud après l'avoir fermée hermétiquement.
L'amour de son mari se prolongera aussi longtemps que
la marmite restera sur le réchaud.
Onpeut citer encore une pratique applicable aux indivi-
dus qui ont le mauvais œil et se mêlent aux réunions de
fête. On allume un réchaud, et dès que le personnage sus-

pect paraît, un des assistants saisit un charbon allumé et


le jette dans l'eau en disant : « Que
les yeux d'Un Tel

s'éteignent comme s'éteint ce charbon Que ses paroles re-


!

tombent sur lui ! »


On retrouve dans la région de Settat le souvenir d'une
ancienne pratique magique relative à la guérison de l'or-
gelet. Le malade édifie sur un chemin un petit tas de pierres
placées en équilibre et sous lesquelles il dépose sept grains
d'orge. Celui qui fait tomber la pyramide doit prendre l'or-
gelet et le malade guérit, paraît-il, au même instant.
Dans la région de Settat également des devins pratiquent
leDharbel-khatt, ou bonne aventure. Le devin, khattât,
trace sur la main du client qui désire connaître des choses
cachées, un djedoûl, sorte de carré représenté par des lignes
LES CHA0U1A — LA TRIBU

d'écriture et au milieu duquel il dépose une goutte de gou-

dron, guet r an. Le patient place alors sa main au-dessus


d'un réchaud, medjmar, rempli de braise et où se consu-
ment des aromates, bakhoûr. La fumée produite par les
aromates, produit des figures en rencontrant la main. Le
khattât recommande au patient d'oublier tout ce qui se
passe autour de lui et de lui signaler, au fur et à mesure
qu'elles se produisent, les figures qu'il voit ou croit voir,
et les lui explique aussitôt. Cette pratique de Dharb el-khatt
a été apportée du Soùs.

Prostitution. — La prostitution s'exerce partout dans les

tribus des Châouïa, chez les Arabes comme chez les Juifs.
parmi les femmes mariées aussi bien que chez les autres
et parmi les jeunes gens. La débauche de la femme, favo-
risée souvent par le proxénétisme du mari, s'exerce dans
une large mesure non seulement dans les centres de Casa-
blanca et de Settat, mais encore dans les douars de l'inté-
rieur, en pleine campagne.
Certaines fractions de tribus sont réputées particulière-
ment pour fournir des chanteuses, cheikhdt. et des dan-
seuses, chettâhâi : telles sont les fractions des Djemenha et

des Oulàd Fàrès de la tribu des Mzàb. Mais ce sont les

Béni Agrîn des Oulàd Bou Ziri, actuellement aux Oulâd Sidi
Ben Dàoud, qui passent pour fournir les plus belles chéikhâl
ou chettâhât elles sont réputées pour la finesse de leurs
:

traits et la blancheur de leur teint.


Les Zaers,au contraire, ne fournissent que peu de prosti-
tuées aux Châouïa.
Les cheikhdt circulent dans toutes les tribus des Châouïa
et dans les tribus limitrophes, donnant des concerts agré-
mentés de danses, chelîh ; elles jouent de la ta'ridja. tam-
bourin sans grelots. Elles sont accompagnées souvent de
joueurs de kamindja violon venus des Doukkâla.
.
CASABLANCA ET LES CIIA0U1A

VIE ECONOMIQUE

Instruments Les Chàouïa sont avant tout des laboureurs; leurs ins-
aratoires. truments aratoires sont assez restreints et peu perfectionnés.
Il faut citer d'abord le mahrath, charrue en bois, à soc
de icv (sekka) et pointe en acier; il est tiré par une paire
de bœufs, d'ânes, de mulets, parfois par un âne et un
il. un chameau et un mulet, etc., souvent par un seul

animal.
Le joug, qeljîya, affecte presque toujours la forme d'un
collier et se compose d'une sorte de boyau bourré de paille;
sous le ventre de l'animal passe une pièce de bois, tiloûlt,
nu toummoun, qui maintient les traits à l'écartement voulu :

elle est reliée d'une part au joug, de l'autre à la charrue à

l'aide de traits appelés touâref.


Autres-ustensiles agricoles :

Lefâs, pioche la atla, houe le gadoûm, binette ou pe-


; ;

tite houe pour sarcler le mendjel, faucille


;
la medrâ, ;

fourche de bois; le loûh, pelle de bois servant à vanner le ;

châqoûr, hache.
La charrette est inconnue des indigènes et tous les trans-
ports se font à dos de chameau, de mulet ou d'âne dans
des chouâris, des filets cliebak, djeraf, ou des iellis placés
sur un bât (bat-,

Divisions De nombreuses expressions sont emplovées pour dési-


du champ. gner le terrain à labourer.
Le champ porte le nom de feddan : il se divise en plu-
sieurs mtayar (sing. mtîra). La mtîra est l'espace de terrain
limité par un sillon de charrue, une sorte de quadrilatère
que le fellah trace et ensemence avant de labourer une ;
LES CHAOUÏA — LA TRIBU 21 3

paire de bœufs laboure en général six mtayar par jour:


l'ensemble de trois ou quatre mtâyar constitue la merdja,
qui désigne également un sillon double, ou aller et retour de
la charrue (ne pas confondre avec merdja, marais. (Le

feddàn contient plusieurs merdja.)


On désigne sous le nom de ^oudja (charrue de labour)
l'étendue de terrain qu'une paire d'animaux peut labourer en
une saison elle varieavecla naturedu terrain etles animaux
;

employés et peut être évaluée à une movennededix hectares.


Divers autres termes sont usités pour désigner les terres :

bahtra, jardin maraîcher arrosé par l'eau d'une saqiya ou


d'un puits, bir ; bahîrat el-bour, petit jardin non irrigué
au milieu d'un champ cultivé; ouldja, terrain situé dans
une dépression et où l'eau ne séjourne pas comme dans la

dâia ; Y ouldja désigne parfois (Oulâd Saïd) un terrain dé-


pourvu d'herbe et longeant généralement un oued sablon-
neux; le terme ouldja s'emploie concurremment dans la
région de Settat avec houdh etfaïdha, qui ont à peu près
le même sens.

Pour connaître l'époque propice à l'ensemencement des Coutumes


cultures diverses, les indigènes se basent sur les signes du agricoles.

zodiaque et les mansions de la lune, d'après le calendrier Calendrier


Julien. Ils ont comme en Europe un calendrier agricole, agricole,

connu seulement des lettrés auprès desquels chacun peut


se renseigner; mais les cultures étant peu nombreuses et
peu variées, les fellah connaissent en général les époques
qui sont propices à chacune.
Les saisons sont désignées dans l'ordre suivant :

Ech-cheloua, l'hiver;
Er-rebï , le printemps ;

Eç-çîf, L'été ;

El-kherîf, l'automne.

Quant aux cultures, elles se divisent en deux catégories,


|
ISABLA.NCA ET LES CHADTJ1A

les cultures précoces et les cultures tardives, suivant


i'époque à laquelle elles sont faites.
i° Les cultures précoces, ou bekriya, ainsi dénommées

parce qu'elles sont faites au commencement de l'hiver et


dès les premières pluies. Elles comprennent : l'orge, chair ;

le blé, guemh; le lin, kiltân ; les fèves, foûl ; le fenugrec,


lielba ; la coriandre, qeçbour ; le mil, ^ouân.
Les cultures tardives, ou ma^ou^iya, ainsi dénommées

parce qu'elles sont semées après les premières pluies et


après les cultures bekriya. Elles comprennent: le maïs,
dra el-hamra ; les lentilles, cades ; les pois chiches, homeç;
le sorgho, bechna et dra el-bdidhâ.
Ces dernières cultures sont désignées encore sous le nom
de qatniya.
D'autres expressions spéciales caractérisent en outre cer-
taines époques de l'année. C'est ainsi que les premiersjours
du mois d'octobre sont appelés halan e^-^erî'a; le moment
de la semence des fèves, ech-chaoula ; celui de la semence
des pois chiches et du maïs, el-haoul ; le mois de mars, ou
moment de la plantation des arbres, el-betan.
Les deux grandes époques des travaux agricoles sont :

leOuaqi el-harth, pendant l'automne, et le Uuaql el-


ma%ou%iya, au printemps.
Mois agricoles. — Ce sont les suivants :

Yenndir Janvier. Yeli%ou Youliou Juillet.


Ibrdir Février. Ghoucht Août.
Mars Mars. Chtember Septembre.
Ibril Avril. Kiouber Octobre.
Maïou Mai. Nouember Novembre.
Youniou Juin. Dijenber Décembre |
i

i) Voici pour compléter la terminologie agricole quelques renseigne-


ments sur le régime saisonnier :

Vents.

Les termes « Rih » -ru j et « Berd » jy sont employés, mais le premier


LES CHAOL'IA — LA TRIBU 213

On appelle touïza l'exécution collective des travaux de La touïza.


culture pour le compte d'un tiers. La touïza est obligatoire
ou volontaire.
La touïza obligatoire est une corvée des attelées de la tribu
ou de la fraction se réunissant pour labourer les terres du
qàïd ou du cheikh. Bénévole au début, elle est devenue
d'obligation celui qui s'y dérobe est passible d'une amende
:

et peut même voir confisquer ses animaux de labour.


La touïza volontaire forme, à défaut d'un autre paye-
ment, le salaire dufaqth de la mosquée. Les habitants du
douar travaillent chacun un ou deux jours sur la terre
qu'on lui affecte. On fait également des touï-;as en faveur
dechorfa ou de personnages influents.

Les Chàouïa emmagasinent leur grain dans des silos [ma- Les silos.

plus couramment, le second étant pris en mauvaise part, et ayant une si-
gnification spéciale.
Les diverses sortes de vents sont :

El-Bahri, vent du N.-O.


Ech-Cherqi, vent du N. (Casablanca).
El-Qabli, vent du S.-E. (Marrakech).
Ech-Chetoui, vent du N.-O. (ou de l'E.) qui amène la pluie.
El-'Ajjàdj, vent violent soulevant des tourbillons de poussière.
Er-Rifi ou Chuum. vent chaud soufflant en été.
Ri/i Gdsî. vent froid, bise hivernale.
Sahdb, nuage.
.\, '^t,i, gros nuage blanc ou noir isolé dans le ciel.
Deb<.'\ nuage chargé d'humidité roulant au ras du sol.
Ildl.i>. "? bech-chetâ, temps couver;.
'

Msahhab, 'emps nuageux.


Smer, froic ,'iquant.
Orientation.

Qibla : E. ou directlin de la Mekke. C'est le point vers lequel on se


tourne pour l'ure la prière.
Yamtn : S. Direction donnée par la main droite (iamîn) quand on fait face
à la Qibla.
GhouroûV. O. Point où le soleil disparait à l'horizon.
Chemal N. Direction donnée par la main gauche [chemâl] quand on fait

face à la Qibla.
Dans l'intérieur, les indigènes se s ent aussi des termes fiahran, di-
:

rectio.i de la mer, pour désigner le N., et de Chetoui pour désigner l'O.,


d'o\ vient le vent de la pluie, Clic!.:.
2lG .
VS Mii VNI \ E I LES ClUOUIA

tâmar, sing. matmord). Ils l'en retirent au fur et à me-


sure de leurs besoins; les indigènes qui habitent une mai-
son le versent dans le coin d'une chambre ou le mettent
dans une soulla, sorte de grand panier, dans des tellis et
parfois même dans des sacs il en est de même des indi-;

gènes qui ne possèdent que la nouâla ou la khima.


Chaque tente a généralement son silo. On en trouve
qui sont isolés dans les champs. Les indigènes riches ont
plusieurs silos, dont les groupes sont désignés sous le nom
de mers. Dans les tribus où la culture est très développée,
les silos sont très nombreux presque tous se trouvent
;

près des douars importants, dans l'habitation des chefs


indigènes ou à côté de cette habitation.
Dans le cas où un douar possède une mers, il n'y a
cependant qu'un seul propriétaire par silo. El-Matmora
ou El-Mra ma itcherkoûch, disent les indigènes « le silo :

et la femme ne se possèdent pas en association. »


Les silos isolés et situés près des habitations ne sont gé-
néralement pas gardés. Les autres sont confiés à la garde
d'un merràs. Celui-ci est payé en nature selon le
nombre des silos dont il a la garde mais son salaire varie ;

suivant les saisons et les récoltes. Il reçoit annuellement


3 ou 4 moudds de grain environ par silo gardé. Il est res-
ponsable des vols qui pourraient se commettre.
Les indigènes emmagasinent la paille dans des souter-
rains ou galeries appelés *o»/n. Elle est également mise en
meules, nouâder (sing. nâder) et-teben.

Le bétail ;
Les Chàouïa possèdent de nombreux troupeaux de mou-
ses marques, tons, de chèvres et de on trouvera plus loin dans
bœufs ;

l'étude dechaque tribu les particularités relatives à la com-


position du troupeau et à sa nourriture.
Pour reconnaître son bétail l'indigène a des marques dis-
tinctives et qu'il serait long et difficile d'énumérer; en géné-
ral les bœufs, les ânes et les chevaux ne sont pas marqués.
LES CHAOUIA — LA TRIBU 2 1
7

Le procédé le plus courant est celui qui consiste à fendre


tchereq)le bout d'une oreille, à la percer d'un trou dans
lequel on fait quelquefois passer un anneau en métal, à
couper (guertef) ou à rayer un bout de l'oreille (arqeb).

Parfois l'oreille est marquée à l'extérieur à l'aide d'un fer


rouge avant la forme d'un S renversé S ou représen- : —
tant une lettre ou une figure quelconque.
Les colons marquent presque tous leur bétail.
Moutons et chèvres empreinte d'une marque chaude sur
:

l'oreille, marque également employée par les indigènes.

Bovins empreinte d'une marque chaude aux cornes, aux


:

oreilles et aux fesses.


Chevaux empreinte d'une marque chaude aux fesses,
:

aux sabots ou à l'encolure.


Chameaux marque au cou et aux fesses.
:

Porcs aux oreilles, soit un bout coupé, soit une fente ou


:

un trou.
Enfin les femmes marquent les volailles elles leur cou- ;

pent l'ongle soit au petit doigt, soit à l'ergot. Une poule


avant l'ongle du petit doigt coupé est dite nesîm men el- :

aouel;ex celle qui a l'ongle de l'ergot coupé nesîm menel- :

guedem iSettat).
En certains endroits, comme chez les Oulâd Saïd. les

femmes emploient différents procédés. Elles fendent la

palme entre deux ou coupent le bout


griffes déterminées,
d'une griffe déterminée elles passent un bout de fil sous
;

l'aile, à la naissance d'une plume; ou bien encore, elles

arrachent un petit balai de plumes à un endroit déterminé.


Enfin de Settat marquent leur volaille en pas-
les Juifs
sant un fil en arrachant quelques plumes à un
sous l'aile,

endroit donné ou en teignant d'une couleur une place dé-


terminée.

Les marchés ou soûqs sont des emplacements situés en Soûqs.


pleine campagne. Ils se tiennent alternativement dans
8

21 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

chaque fraction de la tribu et prennent le nom du jour


de la semaine où ils se tiennent Soûq El-Had, marché
:

du dimanche Soûq Et-Tnîn, marché du lundi Soûq Ei-


; ;

Tldta, marché du mardi, et ainsi de suite.


Le soûq comprend plusieurs quartiers (haoum, sing.
haouma) le quartier des bouchers, le quartier des mar-
:

chands de légumes, le quartier des maréchaux ferrants, le


quartier de la laine, etc. Le quartier des marchands am-
bulants est celui où se vendent les produits étrangers à la
tribu et chaque tente y constitue une boutique. Des empla-
cements spéciaux sont réservés au bétail.
Sur le soûq se pratique la vente des fruits, des légumes,
des grains, des cotonnades, du thé, du sucre, de l'huile, etc.
Le trafic du bétail y occupe une place importante.
C'est encore au soûq qu'on achète la viande de bou-
cherie les moutons, bœufs, etc., sont égorgés sur place.
:

Le marché se tient toute la journée; il bat son plein de


10 heures à midi. A 3 heures il est à peu près vide ven- ;

deurs et acheteurs se dispersent et repartent pour leurs


douars.

Fêtes nombre de deux


Elles sont au le Hagous (ou Had-
:

ngricoles. jou^) YAncera.


Ql
La première correspond chez les Musulmans, au cr jan- i

vier de l'année julienne et au 14 janvier de l'année grégo-


rienne elle a pour but la célébration delà nouvelleannée.
;

Le jour du Hagous est l'occasion d'une ^erda (repas co-


pieux) les gens aisés égorgent autant de poulets qu'il y a
;

d'habitants sous la tente ou dans la maison chacun doit


:

manger un poulet tout entier pour fêter le début du


nouvel an d'une manière favorable. Dans les familles
pauvres on se contente d'un seul poulet.

L'Anccra est la fête des éléments.


Elle est célébrée le 24 juin de l'année julienne, 6 juillet
LES CHAOUIA — LA TRIBl" 2 I ij

de l'année grégorienne, et semble dénoter lesouvenird'unc


fête païenne.

Elle débute par un festin ;erda), composé de pois chi-


ches, de fèves, et quelquefois de viande.
On allume des feux de paille ou de bois, dont la fumée
doit appeler la baraka sur les assistants: dans certaines
tribus, comme celle des Ziyaïda, oa amène les troupeaux
devant le bûcher pour leur fumée qui les
faire respirer la
préservera des maladies. Un proverbe veut qu'une denrée
valant alors une peseta, en vaudra deux dans le courant
de l'année. Les femmes vont prier dans les qoubbas et y
distribuer de la nourriture aux pauvres.
Le jour de l'Ancera, lorsqu'une femme ne veut pas que
son mari prenne une autre épouse, elle attelle deux
chats à une petite charrue qu'elle a fabriquée elle-même :

puis elle sème du sel dans un petit carré de terre et fait le


simulacre de labourer ce sel avec la charrue traînée parles
chats en prononçant ces mots « Le sel ne poussera pas et
:

mon mari ne se mariera pas. » Un ciel nuageux le jour


de l'Ancera est pour les indigènes présage de bon augure
pour la fin de l'année.

11 n'y a strictement que deux fêtes religieuses, Aïad; ce Les fêtes


sont : V Aid Eç-Cegliïr ou petitepour célébrer la rup-
fête, religieuses.
ture du jeûne du Ramadhan, le r jour de Choual; {"Aid r

FA-Kebir, la grande fête, la fête des sacrifices, ou fêtes du


mouton, que l'on appelle quelquefois 'Aïd El-Kebch parce
que chaque famille immole un mouton.
Plus tard s'est ajoutée la fête du Mouloûd, pour célébrer
l'anniversaire de la naissance du Prophète, le 12 du mois
de RebV el-Aoual, ou RebV En-Nabaoui.
Enfin l'Achour, ou Achoûra musulman, quoique évo-
quant le souvenir d'une fête antéislamique, est générale-

ment considéré aujourd'hui comme une fête musulmane,


qui tombe le 10 de Moharrem, premier mois de l'année.
220 CASABLANCA ET LES CHA0U1A

Voici comment cette tète est célébrée en Châouïa.


La au coucher du soleil, les indigènes allument des
veille,
feux de paille et de broussaille, et les enfants dansent autour
en poussant des cris de joie et en jouant de la ia'ridja.
Le lendemain, alors même que ce n'est pas jour de soûq,
les vendeurs se réunissent et tout le monde achète de quoi
faire un repas meilleur que de coutume. —
On fait des
aumônes et on revêt les habits des grands jours. Le jour
même de la fête, et avec l'aube, les indigènes vont visiter
les cimetières et arroser les tombes, en souvenir des asper-
sions qui se font au puits de Zem^em dont l'eau a pour
effet d'amener la « baraka ».
Le 9 e et le io°jour, les gens religieux jeûnent.
Ouelques jours avant F'Achoûra, les gens doivent ache-
ter du henné et des fruits secs (dattes, raisins, figues,
noix). Les plus riches immolent des moutons gras ou des
bœufs.
La veille de l"Achoùra, les femmes se teignent les mains
et les pieds au henné. Le lendemain, on distribue des fruits

secs (faqiya) aux pauvres qui n'ont pas pu en acheter.


Les petites filles célèbrent la fête autrement. Elles
habillent avec des chiffons un bout de roseau qui repré-
sente, en la circonstance, l'année écoulée, et commencent à
pleurer la « mort de l'année ». Ce jeu rappelle celui de « Bou
Ghoundja » en Algérie, avec cette différence que les en-
fants habillent une louche en bois, au lieu d'un roseau.
Le jour de F'Achoûra se tient une Souiqa ou soûq extra-
ordinaire. Les filles guettent les passants sur le chemin du
soûq et leur souhaitent la bonne année. Ces derniers leur
laissent tomber quelques sous.
LES CHA0U1A — L\ I RIBI

LA VIE RKLiniEl'SK

La vie religieuse des Châouïa se présente sous plusieurs


formes que l'on peut préciser en disant qu'il y a, pour ainsi
dire, deux cultes, celui de l'Islam normal, représenté par
les mosquées : celui des Saints, représenté par les confré-
rie--, les Zâouïas et les Marabouts.

Outre les mosquées de Casablanca, on trouvait dans les Les mosquées.


centres urbains de moindre importance, des mosquées
bâties, avec quelquefois des minarets e I
m habi-
tuelle du culte musulman imâm, kh
: II, moued-
den, etc., ou tout au moins une partie de ce personnel.
:t en effet, dans les petites localités et dans les qaç-
bas. le même personnage remplit plusieurs fonctions reli-
gieuses.
Depuis la destruction des qaçbas pendant la Siba qui
a terminé le règne de Moulay 'Abd EI-'Azîz, il ne reste plus
guère que les mosquées de Settat; on en compte cinq dont
une de hholba, celle de la qaçba.
La mosquée de Ber-Rechid a été rasée ainsi que toutes
les habitations de celte qaçba. Le personnel se composait

d'un imâm, de trois mouedden et d'un qarrâï, lecteur.


in et les mouedden étaient rétribués par le qâïd, a ;

:i>i

que cela se pratique pour les mosquées de qaçbas qui n'uni


pas de habous.
Mais à défaut de mosquées proprement dites, c'est-à-dire
de bâtiments construits pour v fairela prière, la mosquée,

on retrouve la Djâmci dans tous les douars, sous la forme


d'une cabane de roseaux, noua la, ou d'une simple terne,
khe'ima.
222 1 VNCA ET LES CHA001A

Le faqîh Pour modeste, cette manifestation du culte normal


être

El-Moucharrit. n'en pas moins son importance. La Djâma' n'est pas


a
seulement l'église. C'est aussi l'école, et tout son personnel
se compose du seul faqîh el-moucharrit, le tâleb, souvent
étranger au village et même à la tribu, qui à certaines
conditions, chouroût, est engagé, généralement à l'année,
pour enseigner le Qoran aux enfants du village. En même
temps que maître d'école, ce faqih est imâm de la mos-
quée et mouedden ; il n'y a dans les mosquées du village

ni khatîb, ni moûqit.
Les conditions auxquelles est engagé le faqîh el-mou-
charrit sont des plus modestes outre la nourriture, qui,
:

s'il est célibataire, cas fréquent, lui est envoyée à la mos-

quée, par les différents chefs de tentes du village, à tour de


rôle, il reçoit une certaine quantité de moud d s de blé (me-
sure qui varie de 3o à 60 litres suivant les régions). De plus,
le village fait tous les ans pour le faqih une tou'i^a, c'est-

à-dire une corvée volontaire de labour : les notables du


village fournissent l'un la terre, d'autres les semences, les

animaux de labour et les charrues; les khammâs partici-


pent à cette bonne œuvre (ma'roûf) en apportant à tour
de rôle leur travail, et on constitue ainsi au faqih un petit
champ. De même, au moment de la tonte de la laine, quel-
ques toisons lui sont données par chaque propriétaire afin
qu'il s'en fasse tisser ses vêtements [qachchâba, haik, djel-
laba).
Il dans le contrat passé entre
n'est pas question d'argent
le faqîh et la mais il est d'usage que
Djâma du village,
les écoliers lui apportent quelques sous chacun, un cer-
tain jour de la semaine, en général le mercredi ces petites :

sommes sont remises aux enfants par leurs mères. De plus,


quand un élève sait par cœur un des soixantes hi^bs du
Qoran, ce qui constitue une khitma eç-çeghîra, ses parents
donnent une petite somme d'argent au faqih cette somme :

est plus importante lorsqu'il s'agit de la khitma el-kebîra,


LES Cl 223

cœur les soixante hi^bs,


c'est-à-dire lorsqu'un élève sait par
le Qoran tout entier.
La khitmael-kebîra est d'ailleurs assez rare, surtout dans
les campagnes; le plus souvent les enfants abandonnent
leurs études pour les travaux des champs avant d'v par-
venir.
La Djdma', mosquée, sert aussi de maison commune
pour les réunions des notables aïan) du village. Ils s'as-
semblent devant la Nouâla ou la Khâima qui sert de mos-
quée, pour prendre leurs décisions, qu'il s'agisse de parta-
ger les charges de la farda ou de prendre parti dans un
soulèvement (ghaoura) contre le qâïd. C'est également à la
Djâma' que sont reçus ou plutôt admis les étrangers de
passage qui ne connaissent personne dans le douar ils y :

trouvent un abri pendant la nuit et un peu de nourriture,


envoyé au dhaif Allah, à l'hôte de Dieu. Dans la région
des Djebala, la Djdma' a un horm et des babous dans les :

pavs de plaines, soumis au Makhzen, elle n'a ni l'un ni


l'autre : elle ne constitue pas un lieu de refuge et ne pos-
sède rien.

Le culte des saints se célèbre aux tombeaux des Oualis. Culte

Le Ouali (pi. Aouliyd) n'est souvent ni chérif, ni mémo des Saints.

cheikh d'une Voie; il est quelquefois disciple d'un cheikh.


mais le plus souvent il n'appartient à aucune Taïfa petit
nombre, d'où idée d'une élite et ne se rattache à aucune
chaîne mystique. Il ne doit la vénération dont son tombeau
est entouré, qu'à sa baraka personnelle et aux miracles
[karâmât) qu'il a faits lui-même pendant sa vie ou qui se
sont accomplis sur sa tombe et par reflet de son invocation.
Le Ouali isolé n'a ni ouerd, ni dikr, ni hi%b.
Le tombeau d'un Ouali est quelquefois recouvert d'une
qoubba blanchie à la chaux et les qoubbas sont nombreuses
dans les Châouïa, mais souvent sa tombe ne se compose
que d'une cabane recouverte en chaume nouâla) ou d'un
224 BLANCA ET LES CHAOl I1A

petit mur quadrangulaire [haouch ou haouïta), ou même


d'un simple entassement de pierres (qerqour).
Ces différents monuments funéraires ne sont d'ailleurs
pas toujours de véritables tombeaux, mais de simples mo-
numents commémoratifs quelquefois ils servent
;
à attirer
la baraka du (Juali dont ils portent
sur un village le nom.
quelquefois également ils sont élevés à l'endroit où un saint
personnage s'est arrêté. Dans ce dernier cas, les endroits
ainsi signalés à la piété des fidèles, porte le nom de M^âra,
c'est-à-dire endroits où l'on fait des visites de dévotion,
des pèlerinages.
Tous les tombeaux des saints locaux sont l'objet de fré-
quents pèlerinages des hommes et surtout des femmes du
voisinage. Si les femmes, en effet, fréquentent peu les mos-
quées et ne sont pas admises à la prière en commun, elles
pratiquent plus encore que les hommes le culte du Saint.
'Testa vont demander l'affection de leur mari ou
lui qu'elles

la maternité choses qui, dans tous les pays, com-


et les mille
posent l'existence d'une femme; elles accrochent à la porte
du tombeau, ou à des roseaux qu'elles plantent sur ses
murs, des chiffons provenant de leurs vêtements, des che-
veux, etc. elles allument des bougies et brûlent des gommes
;

odorantes quelquefois, dans les circonstances graves, elles


;

sacrifient ou, plus exactement, font sacrifier par un homme


une poule ou un coq regorgement ne saurait en effet être
;

pratiqué par une femme et l'animal égorgé par elle est


éré comme impur; enfin, elles ramassent un peu de
ferre de la tombe et la portent sur elle comme une amu-
lette, dans un petit sac de cuir ou dans un simple bout de

linge. S'il y a une veilleuse dans la qoubba, elles


y pren-
nent de l'huile pour se frotter le corps en cas de maladies.
Les hommes vont également demander la baraka du
Ouali; mais, quand ils se rendent à son tombeau, c'est le
plus souvent pour prêter serment dans quelque litige.
Les pratiques de cette religion maraboutique ne sont
LES CHA0U1A

d'ailleurs pas spéciales aux Châouïa; on les trouve par-


tout en pays musulmans et même ailleurs.

Outre les pèlerinages particuliers, les tombeaux des saints Pèlerinages


sont l'objet de pèlerinages en masse, où on vient de plus ou et mousems.
moins loin, suivant leur importance et la réputation de leur
baraka. Les pèlerinages, qui ne réunissent que les gens des
villages les plus voisins, s'appellent mousems foule qui
afflue à une solennité); ce sont des fêtes locales; on dit le :

mousem de Sidi Vn Tel. Lorsque ces pèlerinages réunissent


les gens de plusieurs tribus et donnent lieu à des réjouissances

qui durent plusieurs jours, c'est toujours un moïisem, mais


on en précise le caractère par le nom d"Amâra (fréquen-
tation, séjour). Il se forme alors autour du sanctuaire un
soûq, une véritable foire où viennent les marchands des
villes voisines. Aux 'Amâras les plusconsidérables, il venait
même des marchands de Fès et Marrakech.
Ces grandes réunions ne subsistent plus guère: elle^ ont
diminué progressivement et presque complètement disparu
pendant les troubles qui ont accompagné la période de Siba
vers la tin du règne de Moulay 'Abd El-'Azîz et pendant la
conquête: quelques années de tranquillité et quelques bon nés
récoltes permettront de les reprendre.

Le nom de Zâouïa, pris au sens le plus habituel en Iran- Les Zâouïas.


çais, ne devrait être donné qu'aux établissements religieux
appartenant à une « confrérie ». mais il s'applique souvent
à un simple tombeau de saint, auprès duquel se trouve une
nouâla où destolba du voisinage viennent réciter le Qoran.
D'autres Zâouïas sont constituées par le groupement des
descendants d'un saint à proximité de la qoubba de leur
ancêtre, même si le ouali enterré à cet endroit n'est pas
descendant d'un cheikh et n'était pas cheikh lui-même.
La Zâouïa a toujours le caractère d'un centre religieux,
mais elle ne dépend pas plus nécessairement d'un sanc-
VILLES ET TRIMS. — I. I S
•>>6 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

tuaire que d'une confrérie ou d'une famille de saint. L'ha-

bitation particulière d'un simple fidèle qui se distingue par


une piété agissante devient une Zàouïa dès que quelques
voisins ou disciples s'y réunissent dans un but de dévotion
ou d'enseignement.

L'énumération suivante des principales Zâouïas des tri-


bus Châouïa donne une idée de leur rôle dans la vie reli-
gieuse du pays.
Les plus influentes avant la conquête dépendaient des
Cherqaoua de Boul-Dja'd en Tadla et des Nàceriya de Ta-
megrout au Draa. A côté de leurs serviteurs religieux, il y a
également dans les tribus non locales, comme représen-
tants des principales confréries, des Tidjaniya, des Qâde-
riva, des 'Aïssaoua et des Hamadcha en petit nombre.

Cherqaoua. — Ni Zàouïa des Cherqaoua, ni celle des


la

Nàceriya, ne sont chérifiennes,quoique tous les Cher-


qaoua et tous les Oulàd ben Nàcer soient considérés comme
chorfa. Les Cherqaoua prétendent descendre du Khalife
'Omar, les Nàceriya, de Sidi Moqdad, un des compagnons
du Prophète Çahaba) ou du khalife Abou Beker.
L'influence des Cherqaoua a beaucoup diminué, ils ont
encore trois Zâouïas secondaires chez les Châouïa: une
avec qoubba, chez les Oulâd Bou Ziri une plus importante
;

chez les Oulâd Saïd; et la Zàouïa du Hàdj Taghi, qui était


disciple de Si El-'Arbi ben El-Ma'ti, de Boul-Dja'd.
La Zàouïa du Hàdj Taghi est encore une des plus impor-
tantes des Châouïa; ce n'est pas seulement un centre reli-
gieux, mais également un centre d'enseignement. Il y vient
des élèves pour suivre des cours sur les commentaires de
Sidi Khalîl et d'Ibn 'Acim. Dans tout le territoire des
Châouïa, les Cherqaoua de Boul-Dja'd ne comptent plus
aujourd hui que 400 à 5oo adeptes groupés pour la plupart
dans la région voisine du Tadla.
I ES GHAOUIA 227

Xàceriya. —
Les Xàcerivaou Nouàcer, dont la Zàouïa prin-
cipale est à Tamegrout, ont, chez les Chàouïa, quelques cen-
tres. Le principal est la Zàouïa En-Nouàcer, chez les Oulâd
Hariz, à quelques kilomètres de Ber-Rechîd. Cette Zàouïa en
comporte, à vrai dire, deux à 4 kilomètres Tune de l'autre :

la Zàouïat El-Kebtra, et la Zâouiat Eç-ÇegMra, la Petite

Zàouïa. Comme la Zàouïa Cherqaouïa du Hâdj Taghi, ia


Zàouïa Ben Nàcer des Oulâd Hariz est un centre d'ensei-
gnement, mais qui a perdu de son importance: on nV vient
plus comme autrefois de Fès et de .Marrakech pour suivre
les cours.
Les Nàceriya ont une cinquantaine de Khouan dans la
région de Settat avec une Zàouïa dirigée par le Moqad-
dem El-Hàdj Ahmed En-Xàceri, et i5 qoubbas. dont 9 à
Settat. Parmi les principales de ces qoubbas, il faut citer
celles de Sidi Mohammed ben Ahmed Moûl Et-Tara^a
(l'homme au chapeau), et de Sidi Mesemmar Tarha celui
qui cloue solidement). Un groupe de trois qoubbas qui se
trouve chez les Oulàd Cebbah forme la Zàouïa des Oulàd

Cebbâh.
Dans la fraction des Oulàd Abbou. des Oulàd Saïd, la
qoubba de Sidi Ez-Zemzami constitue également une sorte
de zàouïa qui relève du Moqaddem En-.\aciri de Settat et
qui compte environ i5o Khouan.
Enfin, on trouve approximativement 25o Khouan dans
le territoire de Qaçba Ben Ahmed et 25 dans la tribu des
Oulâd 'Ali avec Mohammed ould Mer\em pour moqaddem.

Rimaya. —
La confrérie militaire des Rimaya, des tireurs,
est, pour ainsi dire, une filiale de celle des Nàceriya, avec
laquelle elle estd'ailleurs souvent confondue. La majorité des
Marocains ne connaissent pas Si Mohammed ben Nàcer, le
fondateur de la Zàouïa de Tamegrout: ils ne connaissent que
Sidi Ahmed ben Xàcerqui a une Zàouïa à l'es, dans le quar-
228 CASABLANCA Kl l.F.S CHÂOUÏA

lier de Zerbtana (prèsde Souiqet ben Sali el de la Zàouïa des

< lulâd Baqqâl)et Sidi 'Ali ben Nàcer, le patron des Rimaya;
selon toutes les probabilités, Ahmed et 'Ali ben Nàcer étaient
les fils de M'hammed, à moins qu'Ali n'ait été son frère,
comme on le dit quelquefois.
Placés sous l'invocation du Khalife Ali, gendre du Pro-
phète, les confréries marocaines ont d'autres
militaires
patrons que Sidi 'Ali ben Nàcer, entre autres Sidi Bou Abid
Ech-Cherqi de la Zàouïa de Boul-Dja'd; Moulay Boucheta,
le saint de la tribu des Fichtala;Sidi 'Allai El-Hâdj El-Baq-

qâl,dont le tombeau et la Zàouïa se trouvent à El-Haraïaq,


chez les Ghezaoua-Sidi Abdallah El-Miçbahi Moulagla, dans
le Khlot, au sud de Larache; enfin Moulay Bou Selhâm,

sur le canal qui fait communiquer la Merdja Ez-Zerga


dans le Gharb avec la mer, etc. On voit que chacune des
régions qui ont eu à faire la guerre sainte, a son patron des
confréries militaires locales. Les Châouïa ont, à ce point
de vue, le double patronage des Oulâd Ben Nâceret de la
Zàouïa de Boul-Dja'd.
Chaque société de tir est dirigée par un moqaddem.
D'après lemianuel d'un moqaddem, les devoirs des adeptes
envers leur chef, énumérés par Ali ben Nàcer lui-même,
sont les suivants ils lui fournissent des corvées pour le
:

labour et la moisson; à chaque fête, ils lui achètent une


livre de savon et reçoivent en échange une livre de poudre,
quarante balles et dix silex; enfin, lors de la Fête des Sacri-
fices, ils lui achètent encore un mouton. Le moqaddem

doit en retour enseigner aux affiliés les règles de conduite


des Rimaya, maintenir entre eux la concorde, ne pas les
traiter avec dureté, n'en réprimer aucun en présence des
autres; il doit s'abstenir lui-même du mensonge, du vol, de
la sodomie, de l'adultère, de tout ce qui est interdit aux

musulmans.
Les Rimaya comptent de nombreux membres dans la ré-
gion qui nous occupe; ils sontmême si nombreux qu'on
LES CHAOUU — LA TRIISI' 229

voit des fractions de tribu former elles-mèmas des groupes


avec des moqaddems.
Avant l'occupation française, un personnage très connu.
Ould El-Hàdj Hammou, était grand moqadden des Ri maya
des Oulâd Harîz il aurait été depuis son incarcération
;

remplacé par Si Mohammed ben 'Abd Es-Selàm. Les Mdha-


kra reconnaissaient la même qualité à un marabout appar-
tenant au Cherqaoua de Boul-Dja'd et installé à la Qaçba
de Maggous, Si El-.Mekki ben Bou Retala Si El-Mekki ;

s'est réfugié à Boul-Dja'd et sa fonction paraît vacante. Les


Ziaïda reconnaissaient Ahmed El-Djemaoui, mais l'influence
de ce dernier était contrebalancée par celles de deux autres
moqaddems : le Cheikh Mohammed ben Adlani et le Cheikh
Mohammed ben Ràched.
Les Zenata obéissent à Moulav Ragouba tandis que les
Mediounaet les Ouiàd Ziyan n'ont qu'un grand moqaddem
commun, El-Habîb ben Ghandour El-Mediouni. Quant aux
Mzamza, Us attribuent la même qualité à Mohammed ben
Madani El-'Aroûsi. Chez les Oulàd Saïd, la fonction de
moqaddem est reconnue au cheikh Ez-Zemmoûri, des
Oulâd Abbou ce chef est assisté d'un second, Abdallah
;

Es-Slimâni on cite encore El-Ghezaoui ben Moham-


;

med, cherqaoui d'origine et résidant a la Zàouïa de Chan-


touf.
Les deux moqaddems principaux des Oulàd Sidi Ben
Dàoud et des Oulàd Bou Ziri sont morts sous les balles fran-

çaises c'étaient le qàïd El-Qourchi Ed-Daoudi et Ali ben


:

El-Hamri Ez-Zraoui (les Chiadma et les Chtouka obéissent


aux convocations du cheikh Mohammed Ould IlarharEch-
Chiadmi .

Chez les Mzàb. les >ulàd Mohammed et les A'chàch, la


<

même fonction appartient à Mohammed Ould Bou 'Abid,


personnage très remuant, très influent et très connu; au-
dessous de lui. le deuxième rang parait divisé entre plusieurs
moqaddems parmi lesquels on cite le cheikh Mohammed
23o tSABLANCA ET LES CHÀOUÏA

ben Ber^ui. Mohammed Ould Rahhàl, El-Djilâli El-Mek-


kahali cheikh 'Abdallah Ould Mohammed.
et le

A Casablanca même, on connaît le moqaddem Ould El-


Fqîh, qui a une petite Zâouïa où se réunissent une ving-
taine d'étudiants.

Bou 'Azzaouïa ou Ahmadia. — Cette confrérie, de fon-


dation récente, était la seule qui eût sa zâouïa principale,
Zaouïat Ech-Cheikh, chez les Châouïa.
Son fondateur, le fameux cheikh El-Hâdj Mohammed
ben Et-Taïbi El-Bou 'Azzaouï, se prétendait chérif, comme
descendant de Moulav Bou 'Azza.dont le tombeau se trouve
chez les Zayan il v a également un sanctuaire de Moulav
;

Bou 'Azzachez les Zaers.


Le cheikh El-Bou Azzaouï, ainsi que son adversaire le
chérif Mohammed bel-kebîr El-Kittâni, procédaient tous les
deux de la confrérie des Derqaoua, à laquelle ils avaient
appartenu, et dont ils s'étaient séparés pourfonder chacun
une Voie particulière.
Bou 'Azzaouï prétendait ne dépendre d'aucun autre cheikh.
11 avait à Settat deux Zàouïas la Zâouïa
: principale, sa
propre Zâouïa, et une Zâouïa secondaire elles ont été toutes
;

les deux détruites en 1908.

Le cheikh El-Bou 'Azzaouï axait réuni un grand nombre


de fidèles. A Settat, la seule tribu des Oulâd Sidi Ben Dâoud
en comptait environ 2.000. Sa confrérie était connue pour
ses menées antifrançaises. Les adeptes paraissent aujour-
d'hui résignés, mais il reste utile de les surveiller. Ils se
réunissent généralement par douâr sous une tente ou dans
la maison de l'un d'eux.

Le bureau de Settat a constaté la présence de 2.5oo affi-


liés, sans moqaddem local, mais relevant de trois moqad-

dem s des Oulâd Saïd :

'AbdEs-Selàmi hild Bel-Ma'ti, Oulâd Aïch idesMouâlîn El-


liofra ;El-'Abbâs Ould Bou Wsriva.des Oulâd Djemîl, des
LES CHAOUÏA LA TBI1U 2JU

Mouàlîn El-Hofra: Ould El-Hadj 'Amor El-Hasnaoui, des


Oulàd Ould El-Hasan, des Oulàd Arif. Ils ont 3oo Khouan
aux Oulàd Saïd.
11 y avait une Zàouïa aux Oulàd Attou elle n'existe
:

plus. Ce qui reste des bâtiments est en très mauvais état et


sous séquestre depuis 1912 un gardien en défend l'entrée.
;

El-Boroûdj n'a que deux affiliés.


Ben Ahmed en compte mille.
Pas un seul au Camp Boulhaut.
Neuf cent quatre-vingts au Camp du Boucheron avec les
moqaddems suivants Tribu des Oulàd Ali: 'Abd El-Qâder
:

ben Mohammed Dersi, des Oulàd Ghalem Sàber Er-Reh-


;

menri, des Oulad Ghalem; Ma'ti ben El-Khetîb, des Re-


dadna. — Tribu des Ahlâf: Bou Chaïb ben Ma'ti, des Ou-
làd Zid; Ben Larbi ben El-Feqîh, des Chaïbet; El-Hachemi
ben 'Abd Es-Selàm, des Torch. —Tribu des Oulàd Seb-
bàh :Hàd\ Ahmed ben k.hatîb, des Atamna.

Le cheikh Mohammed ben Et-Taïbi El-Bou 'Azzaouï est


mort il v a quelques mois à Marrakech où il s'était retiré ,

il était protégé allemand. Il parait probable que ses nom-


breux disciples et khouan des Châouïa se rattacheront aux
Derqaoua dont la Voie se rapproche de celle de Bou 'Az-
zaouï, et qui semble, par le purisme affecté de ses principes
musulmans, grouper tous ceux qui protestent en silence
contre les événements actuels.

Derqaoua, DebbaghyÎn kt Kittanvîn. —


Ces trois grou-
pements ont plusieurs points de ressemblance et se ratta-
chent un peu les uns aux autres. Les DebbaghyÎn et les
Kittanvîn sont, pour ainsi dire, dérivés des Derqaoua. La
grande influence dans les Châouïa du cheikh El-Bou 'Az-
zaoui. qui avait lui-même été Derqaoui, a certainement
nui dans la région qu'il habitait aux confréries rivales.

Cette rivalité était même devenue un véritable antagonisme


^32 I SSMSI.WCA KT LES CHÀOUÏA

avec la confrérie des Kittanyîn ;


cependant, on trouve un
certain nombre de Derqaoua chez les Châouïa.
Ceux de Settat prétendent relever de la Zàouïa de
Medaghra qui est, après celle de Bouberrih chez les Béni
Zerouàl, la principale Zàouïa Derqaouïa au Maroc; ils n'ont
pas de Zàouïa, mais seulement une qoubba près de Mechra'
Ben Abbou ils n'ont pas de moqaddem et ne comptent
;

que dix affiliés. Ils gardent une attitude correcte à l'égard


des autorités et se montrent habiles dans l'art de recueillir
les Ziaras.

Tidjanyîn. — Le tombeau du fondateur de la Tarika,


Si Ahmed El-Tidjani El-Fasi (i 772-1815), est à Lès, mais
les Zâouïas principales sont l'une à 'Aïn .Mahdi (Laghouat),
où vivent les héritiers directs du saint; l'autre à Temacin
(Touggourt); celle-ci est dirigée par les héritiers de Sid El-
Hàdj 'Ali, successeur spirituel du fondateur.
Cet ordre a quelques petites zàouïas chez les Châouïa :

Z de Settat, construite en 1909, moqaddem Sid Ahmed


.

El-Filâli; nâïb Si Ahmed El-Merini; Z. de Talouit (Set-


tat), moqaddem Bouchaïb ben 'Azouz. Ces deux Zâouïas

comptent 60 membres environ. Ils correspondent avec le


Chérif Moulay M'hammed En-Noùr, chef de la Zàouïa im-
portante de Marrakech et ont des relations avec la Zàouïa
d'Ain Mahdi. Le Bureau des Renseignements de Settat
constate le passage de nombreux Tidjaniya.

La région des Oulâd Saïd ne signale officiellement ni


zàouia secondaire, ni sanctuaire sur son territoire. Elle a
pourtant un moqaddem, l"adel Si El-Hachmi, avec une
centained'affiliés qui correspondent avec le moqaddem de
Marrakech. Ils désirent créer une Zàouïa aux Oulàd Saïd.
El-Boroûdj n'aurait que deux adeptes et Qaçba Ben Ah-
med une cinquantaine, dirigés par le moqaddem Abdallah
Soussi ; enfin Camp Boulhaut et Camp du Boucheron ne
relèvent l'existence d'aucun membre de cet ordre religieux.
LES CM VOUA 233

Qâderiya. —
Cette Tarîqa porte le nom de Sidi Mahi
Ed-Din Abou Mohammed 'Abd El-QàderEl-Djîlàni(47i-56i :

1079-1 166 désigné plus simplement sous le nom de 'Abd


.

CampBoulhaut

K'clArb.'Ouldel M«tj

oK'BerfWiid oCampdu B OU ch t ron À

"\ Z!yBah,|-
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8 V
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KÎKfTouiui

Guisser '•. ,'

Hureau topographique du Maroc occidental.

El-Qàder El-Djîlàni. Djllâni vient de Djil ou Djilân, prés de


Bagdad, lieu de naissance du saint. Les Oulàd Saïd comp-
teraient 5o Khouan Qàderiya qui relèvent du moqaddem
Ould Mohammed Tahar résidant a Azemmour.
On en trouve 85 à El-Boroùdj et 212 au Camp du
•j34 '
VSABLANCA ET LES CHÀOUÏA

cheron. Ces derniers ont trois moqaddems : Cherqi ben


Mohammed, aux Chaïbet Mohammed ben ; Ahmed, aux
Zegharna, dans la tribu des Ahlaf, et Ali ben Ahmed
'A/oùzi, aux Oulâd Ghalem, fraction des Oulâd 'Ali.
Settat. Ben Ahmed et Camp Boulhaut n'en auraient pas.

Mokhtariya. —Deux confréries issues des Qâderiya: les


Mokhtariva et les Maoulaniva ou Fâdheliya) ont également
des adeptes chez les Chàouïa.
Les membres de la famille princière des Oulâd Mokhtâr
El-Kounti formaient une sorte de corporation marabou-
tique, dont les membres sont unis par les liens du sang
et par les liens religieux. La prépondérance que cette fa-
mille a su acquérir dans le district d'Azouad, au nord de
Tombouctou, l'a fait appeler indifféremment confrérie :

des Mokhtariva, des Azaouadiya ou Bakkaiva, du nom de


son fondateur, Omar El-Bakkai.
Le bureau de Settat signale 40 affiliés sans moqaddem,
ni qoubba ni Zàouïa. Les adeptes de Settat étaient autrefois
groupés autour d'un moqaddem qui a presque toujours
été pris parmi les ascendants du qàdhi Si Mohammed ben
Bi >u '.heta, mais à la mort du père de ce qâdhi, on a négligé
<

de nommer un successeur au moqaddem. Secte très peu


religieuse, correcte dans ses rapports avec l'autorité.
A El-Boroûdj, on trouve 43 Mokhtariya et pas un seul
dans les autres bureaux de renseignements des Châouïa.

Maoulanii \ ou Fâdheliya). —
Cette confrérie tire son
nom du cheikh Ma El-'Aïnin ben El-Fàdhel El-Qalqami.
Avant lui on disait les Fâdheliya, du nom de son père. Ma El-
Aïnin mourut en 191 et lut remplacé par sonlils El-Hiba,
1

qui continua l'œuvre de son père en soulevant des difficultés


de toutes parts. 11 tient toujours la campagne contre les

troupes chérifiennes et ne cesse de leur livrer combat sans


que ses nombreux échecs parviennent à le décourager.
LES CHÂOUÎA LA TRIBU 235

Le cercle de Settat n'a trouvé que deux affiliés des Maou-


liniya.Pas un seul aux Oulâd Saïd, ni à Qaçba ben Ahmed,
Camp Boulhaut et Camp du Boucheron. Enfin il y en a
un à El-Boroudj. Il relève de la Zâouïa d"Aïn Blal dont le
moqaddem est Si Ahmed ben Elarbi.

Oulàd Sidi Dàoud. — Le poste du Camp Boulhaut si-

gnale les serviteurs religieux de SidiDaoud, qui seraient


au nombre de i5o et auraient une qoubba à 'Aïn El-Khe-
mîs de Qaçba Ben Ahmed.

Guedmara. — Ils vénèrent Sidi 'Amar Ould Bel-Lah-


san Ould Moulay aux Aït Tseg-
Idrîs. Ils ont des Zàouïas
herouchen, Ait Yousi, Béni Metir et une sur le territoire
du Camp Boulhaut aux Mouâlîn El-Ghàba dirigée par le
moqaddem Si Mohammed ben Bou'Azza Ez-Zivaïdi ce mo- ;

qaddem a 400 affiliés répartis en 70 tentes aux Mouâlîn El-


Ghâba et 6 tentes aux Mouâlîn El-Ouia.

Sidi 'Aliben Bràhîm. —


Petite confrérie du Tadla. ins-
talée à Taghmest. Le moqaddem Ilâdj Mohammed ben
Abbou dirige la Zâouïa de Sidi 'Allai chez les Haousa, aux
1
lulâd 'Arif des Oulâd Saïd. Il a 5o Khouan.

Oulàd ben Slimàn. —


Le moqaddem actuel est Si Abbàs
avec 200 Khouan. C'est un groupement local de 5o tentes
groupées autour de la qoubba de Sidi Mohammed ben
Slimàn, leur ancêtre, enterré au Camp Boulhaut. C'est son
mausolée qui a donné son nom à la région de Ben Slimàn.
La qoubba de Sidi M'hamed ben Slimàn se trouve entre
deux palmiers. Les habous de Sidi M'hamed ben Slimàn
sont considérables et se composent de plusieurs milliers
d'hectares.
236 CASABLANCA ET LES OHÂOIÏA

Ghanimyîn. — Ils ont au Camp Boulhaut troisqoubbas et


175 affiliés répartis en 35 tentes. Les trois qoubbas sont
celles de : Sidi Mohammed Bou Raqouba; Sidi Sellâm ;

Moulav Tahar.
APPENDICES
APPENDICES

LES EAL'X [)ALIMENTATION DE CASABLANCA


ET DE LA CHÂOUÏA I

Les eaux de Casablanca.

L'n juillet 1907, au moment du débarquement de nos troupes, Casa-


blanca était alimentée par des eaux de citerne, des eaux de puits et des
eaux de source, captées aux environs de la ville et amenées par des
canalisations à ciel ouvert.
Les Européens et les riches indigènes se servaient d*eau de citerne
recueilliependant la saison des pluies sur des terrasses bien entrete-
nues, blanchies fréquemment à la chaux, et collectée dans des citernes
cimentées et voûtées situées sous le patio de la maison et souvent très
grandes. Celle de l'hôpital de campagne installée au début dans la
maison d'un qàïd, renfermait 21 mètres cubes d'une eau excellente.
Les Marocains et les Juifs utilisaient l'eau de puits de 2 à 3 mètres
de profondeur situés dans l'enclos de leurs nouàlas et de leurs gourbis,
où ils voisinaient avec la fosse d'aisance. Ces puits, larges de mètre 1

à 1 m. 5o, étaient recouverts de pierres plates au ras du sol, quelques-


uns étaient surmontés d'un bâti conique en maçonnerie. Ils contenaient
5oo à 600 litres d'eau qui, épuisée, se renouvelait en l'espace de douze
heures.
Les eaux de source étaient fournies par deux fontaines publiques
de Marrakech, l'autre près de la batterie maro-
situées, l'une à la porte

(1) Cet appendice est formé d'extraits des mémoires de MM. Gai ruiEB, phar-
macien major de 1" classe, et P.-L. Moreau, pharmacien major de s classe.
2J.0 l VSABLANCA ET LES CHAOUÏA

vainc, elles servaient ;i la consommation des habitants du quartier, qui


venaient aussi y faire boire leurs animaux.
Nos troupes, dès leur arrivée, avaient établi leur camp en dehors et à
l'ouest des murs de la ville. Pendant deux mois, en attendant l'installa-
tion par la marine des appareils distillatoires destinés à fournir de l'eau
distillée garnison, elles utilisèrent l'eau d'une source située à l'in-
;'i la

tersection de la route de Marrakech et de l'Oued Bou-Skoura, sur la


-
meune dizaine de mètres de l'Oued. Une excavation creusée
et à

dans le deux mètres environ au-dessus du niveau de la rivière,


sol, à
constituait un réservoir dont le trop-plein s'écoulait dans l'Oued par
une rigole.
A un kilomètre environ de la mosquée de Sidi Belioûth et à 200 mè-
tres de la plage, sur la piste de Rabat, se trouve une des sources les
plus renommées de Casablanca 'Ain Mazzi. Elle émerge par deux
:

canaux en pierre dans un bassin naturel qui sert à la fois d'abreuvoir


pour les animaux et de lavoir pour les indigènes c'est aussi dans ce ;

même réservoir que les porteurs d'eau viennent remplir leurs peaux
de bouc.
Enfin, à quatre kilomètres environ au sud-est de Casablanca, dans
la petite vallée de l'Oued Kouréa, en arrière de la première crête que
domine maintenant le fort Provost, se trouve la source d"Aïn Kouhas-
set, flanquée à droite et à gauche, à une distance de 400 mètres environ,
de deux autres sources que nous désignerons sous les noms de source

de l'Est et source de l'Ouest. La source d"Aïn Kouhasset, qui jadis


alimentait Casablanca, conserve les vestiges d'une captation ancienne ;

elle émerge aux deux extrémités d'un bassin rectangulaire de 2 m. 5o


de longueur sur m. 5o de largeur, recouvert d'une voûte en maçon-
1

nerie et s'écoule par une canalisation en pierres conservée à peu près


intacte sur une distance d'une vingtaine de mètres; les eaux se perdent
ensuite dans le sol marécageux de la vallée. Les deux autres sources
n'ont conservé d'autres vestiges de captation que les bassins presque
naturels où elles sourdent pour se perdre dans la vallée. Les eaux de
ces trois sources se réunissent et grossissent l'Oued Fiouréa, affluent
de l'Oued Bou-Skoura qui sert à l'irrigation des jardins de Casablanca
et se jette dans la mer près de la mosquée de Sidi Belioûth.

Toutes les eaux de Casablanca ont une composition très voisine dont
les limites extrêmes sont indiquées dans le tableau suivant.

Ces eaux, très médiocres au point de vue de la valeur alimentaire et


de l'appropriation aux usages domestiques en raison de leur minérali-
sation très élevée, doivent être tenues comme très suspectes au point
de vue hygiénique, car elles renferment une proportion élevée de ma-
tières organiques.
ANALYSE DES EAUX DE CASABLANCA

I. Caractères organoleptiques :

Limpidité . . parfaite.
Odeur nulle.
Conservation bonne.
Couleur . . nulle.
Saveur. . fade, saumâtrë.

RÉSULTATS
II. Recherches générales :
en milligrammes
par litre J eau
MATIÈRE ORGANIQUE

a) Évaluée en y En solution alcaline


oxygène absorbé ( En solution acide .

b) Évaluée en ^ En solution alcaline


acide oxalique ) En solution acide .

Ammoniaque libre et sels ammoniacaux


Ammoniaque albuminoïde . . .

3
Nitrites en acide azoteux Az 2 .

Nitrates en acide azotique Az0 3 H .

Chlore en chlorure de sodium NaCI


Acide phosphorique ....
III. Hydrotimétrie :

Degré hydroti métrique total. . .

— — permanent S2"

[V. Analyse minérale :

Réaction neutre neutre


Résidu sec à ioo° 3 060 24011

Résidu après calcination au rouge sombre et


reprise par le carbonate d'ammoniaque . . .
2 i85 1990
Perte au rouge 57 5 4i5
Acide sulfurique (en SO't
Chaux en CaO) 270 [70
Magnésie 'en MgO) <97
Silice traces

VILLES ET TB1BI S. — I.
J4'2 '
iSABLANCA El LES CHAOUÏA

Les eaux de la Châouïa.

lâouïa forme une partie des grandes plaines subatlantiques qui


s'étendent depuis la crête jusqu'au pied des contreforts de l'Atlas.
De Rabat à Azemmour,
côte est peu accidentée et la région litto-
la

rale relativement basse est bordée de récifs ou de dunes


et de plages

sablonneuses elle se continue


;
dans l'intérieur par des plaines sépa-
u des dépressions peu profondes constituant une série d'ondu-
lations.
Les cours d'eau sont très nombreux : on en compte dix entre le Bou-
Regreg qui sépare Rabat de Salé et I'Oumm Er-Rebî' qui limite la Châouïa
près d' Azemmour.
Au point de vue géologique, la Châouïa est constituée par un sub-
stralum de terrains supportant des couches
primaires très plissés
horizontales appartenant à diverses époques plus récentes. Les terrains
primaires sont à nu dans la plupart des vallées: dans la rade de Casa-
blanca, leurs strates redressées forment une frange de dangereux récifs
large de i5o mètres, recouverte mer. Dans l'intérieur,
par la pleine
notamment dans la région de Titmellil du Camp Boulhaut, on ren-
et

contre de nombreux affleurements de schistes et de quartzites ou ro.


chers incultes, tantôt arasés au niveau du sol, tantôt formant des arêtes
déchiquetées.
Dans la zone littorale, le pliocène, formé, de bas en haut, de pou-
dingues, de marnes et de calcaires gréseux, recouvre les schistes et les

quartzites primaires.
C'est dans la zone littorale que l'on trouve le tirs, cette terre noire
d'une prodigieuse fertilité, dont l'origine a été tant discutée. De forma-
tion éolienne pour Fischer, d'origine lacustre pour Brives, les tirs

résulteraient, pour Gentil, de la décalcification des calcaires et des grès


calcifères pliocènes sous l'influence d'une végétation puissante. Quoi
qu'il en soit, le tirs, toujours très argileux, riche en humus, doit à sa
composition la propriété de s'imprégner des eaux de pluie et de retenir
pendant longtemps l'humidité emmagasinée, qualités précieuses qui lui
conservent sa fertilité même pendant les années de sécheresse.
A partir du 1
er
janvier 1908, date de l'occupation de la Qaçba de
Mediouna, nos troupes, poursuivant leur marche à travers la Châouïa,
la sillonnaient dans tous les sens et le général d'Amade, voulant enser-

rer le pays dans un vaste réseau rendant impossible tout soulèvement,


établissait de nombreux postes disséminés sur toute l'étendue du terri-
CASABLANCA — APPENDICES 243

toire.L'alimentation en eau potable de ces différents postes fut la pré-


occupation constante des directeurs du Service de santé qui se succédè-
rent au corps de débarquement, et l'analyse de toutes les eaux de boisson
était exécutée périodiquement au laboratoire de la Pharmacie de Réserve.
Trois postes seulement, ceux de la Qaçba Ben Ahmed, du Camp
Boulhaut et de Settat avaient de l'eau de source, tous les autres étaient
exclusivement alimentés par des puits dont la profondeur, très variable,
allait de 3 à 70 mètres. Ces puits, de construction arabe, étaient, pour
ia plupart, en très mauvais état, exposés à toutes les pollutions cl aux
infiltrations du voisinage toujours souillé par lesdéjections des animaux
qui venaient s'y abreuver.
Nous donnons, dans le tableau qui termine ce travailla composition
moyenne des eaux d'alimentation de chaque poste; les chiffres indi-
quant la matière organique, l'ammoniaque libre, l'ammoniaque albu-
minoîde et les nitrites sont ceux fournis par les analyses qui précédèrent
tes travaux de nettoyage, d'aménagement et de protection des sources

et des puits. Depuis lors, le taux des matières organiques s'est consi-
dérablement abaissé et les nitrites ont presque complètement disparu.
La lecture de ce tableau permet de classer toutes les eaux de la
l'.hàouïa en deux catégories parfaitement distinctes au point de vue de
leur composition chimique :

1" La première catégorie renfermant les eaux désignées sous les


numéros 1, 2. 3, 4, 5, 6, 7, 8 comprend des eaux très fortement miné-
ralisées et très chargées en chlorure de sodium, impropres à l'alimen-
tation et à tous les usages domestiques.
2° La deuxième catégorie, ne comprenant que les eaux numéros 9
et 10 (Camp Boulhaut et Titmellil), est caractérisée par une minéralisa-
tion moyenne ces eaux contiennent peu de chlorure de sodium et
:

constituent des eaux potables excellentes.


Les différences si tranchées dans la composition minérale de ces deux
catégories trouvent leur explication dans des considérations d'ordre
géologique. Alors que les eaux de la première catégorie traversent des
terrains tertiaires, les eaux du Camp Boulhaut et de Titmellil émergent
entre les failles des terrains primaires qui, nous le disions plus haut,
affleurent ces points.
Les sources de Titmellil, situées seulement à 14 kilomètres en ligne
droite de Casablanca, ont un débit constant de 3. 000 mètres cubes par
jour. Des travaux d'adduction entrepris par l'autorité militaire sont
actuellement en cours et bientôt Casablanca sera largement dotée en

eau potable.
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LES TERRES AGRICOLES DE LA CHÀOUÏA (l)

La Châouïa constitue un vaste quadrilatère assez régulier de


i5.ooo kilomètres carrés de superficie que limitent l'Atlantique de Rabat
à Azemmour, l'Oumm Er-Rebî' de son embouchure à Mechra' Ben Rhal-
lou et une complétant le quadrilatère
ligne brisée et qui irait de ce der-
nier point à l'embouchure du Bou Regreg.
M . A. Brives a donné la géologie de cette contrée. En deux mots, elle

consiste en un substratum de schistes et quartzites primaires très plissés


et relevés supportant des dépôts plus récents surtout pliocènes. Dans
beaucoup de vallées l'érosion a fortement entamé ce revêtement et les
roches primaires sont à nu. De la côte à ses limites sud-est et est, le
pavs Châouïa se relève progressivement, ctageant assez obscurément
d'ailleurs trois plateaux dits inférieur, moyen et supérieur.

Les terres cultivées ont leur partie minérale constituée par le produit
de la désagrégation par l'intempérisme, les pluies ou la végétation du
revêtement dont il vient d'être question. Les poudingues, grès et cal-
caires pliocènes du plateau inférieur, ont particulièrement donné nais-
sance aux terres très fertiles dénommées tirs par les indigènes.
L'importance de cette dernière formation est telle, tant au point de
vue fertilité qu'à celui de son origine, qu'il est intéressant de rapporter
ici ce qui a été dit à leur sujet en y joignant quelques observations

personnelles.

i Par M. Moreau, pharmacien major.


24b CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

ETUDE SUR LES « TIRS »

On appelle tirs, des terres très fertiles disposées en plages dans tout
le Maroc occidental et qui sont caractérisées en Chàouïa tout au—
moins —
par une forte proportion d'argile. Elles frappent au premier
abord par leur couleur noire ou même noire-bleue.
Elles sont réparties dans le Gharb, la Châouïa, les Doukkâla, les 'Abda.
Brives les retrouve dans le Soûs aux environs de Tiznit, en bordure de
l'Anti-Atlas.
Leur origine a donné lieu à plusieurs interprétations. Brives a élucidé
complètement la question.remarqué que les tirs reposaient
Il a
toujours sur un substratum peu profond imperméable, dans le fond
d'une cuvette plus ou moins bien délimitée. La couverture géolo-
gique de ce substratum (primaire en Chàouïa) est variable grès néo- :

gènes dans le Gharb et au sud de Tiznit, pliocène en Châouïa, miocène


ou éocène en d'autres points. C'est la désagrégation de ces roches par
'es causes habituelles formatrices des terrains de transport et l'accumu-
lation des produits de cette désagrégation dans les cuvettes précitées à
fond imperméable, qui a constitué la partie minérale des tirs. Quant à
la partie organique dont l'abondance est cause de leur énorme fertilité,

elle s'explique par l'amoncellement séculaire de tous les restes d'une

végétation puissante entretenue par l'humidité — marécage en certains


points — due au bas-fond imperméable.
Les marais de la route de Fedhala nous montrent sur le vif du tirs
en voie de formation. Qui n'a remarqué en effet la poussière noire qui
s'élève l'été de ces marais desséchés ? Quand la désagrégation des cal-
caires pliocènes environnants aura apporté la chaux, l'argile et les
autres principes minéraux, le tirs sera constitué avec sa coloration ca-
ractéristique et son humus déjà préformé. Le substratum imperméable
est ici roches siluriennes qu'on retrouve tout le long de la cote.
les

Dans des conditions apparemment semblables de formation, le tirs


ne s'est pas formé là ou le sous-sol était perméable (environs de Boul-
'Aouan avec sous-sols de quartzites dévoniens perméables, cité par
Brives).
La diversité des roches donnant naissance par leur désagrégation à
la partie minérale du tirs expliquera la diversité de composition chi-
mique qu'on trouvera dans les analyses rapportées plus haut; mais si
CASABLANCA — APPENDICES 247

le tirs doii se définir en partie par sa fertilité proverbiale, l'argile en


forte proportion ne fera jamais défaut, car la présence de celle-ci est un
facteur indispensable de fertilité par sa propriété de rester longtemps
humide, qualité indispensable dans un pays qui reste longtemps sans
une goutte d'eau. D'ailleurs la ténacité de la terre « tirs » dans les cas
où l'argile sera moins abondante, trouvera son explication dans la pré-
sence de la grande quantité d'humus.
Tirs de la Châouïa. —
Dans la Châouïa en particulier, le tirs doit
son origine à la désagrégation des grès pliocènes calcaires. Le sous-sol_
imperméable est partout formé de schistes primaires dont les îlots
émergent en quelques points.
L'épaisseur de la couche fertile est très variable, celle-ci épousant
nécessairement le profil du substralum. Atteignant plusieurs mètres en
certains points, elle n'a plus que quelque dix centimètres en d'autres.
Les tirs occupent en Châouïa une superficie de 1.200 à i.5oo kilo-
mètres carrés. Ils sont répartis chez les Mediouna, les Oulàd Harîz, les
Mdhakra, les Oulàd Ziyân, les Zenata, les Oulàd Saïd. Leur fertilité est
proverbiale. Rappelons qu'ils doivent celte fertilité autant à leur com-
position chimique qu'à leurs propriétés physiques (terres fortes), qui

leur permet de retenir longtemps une forte proportion d'eau. 11 n'esi

pas douteux qu'une forte diminution dans la hauteur annuelle de pluie


ferait courir de grands risques à la continuité de cette fertilité. On ne
saurait donc trop, dans cet ordre d'idées, conserver au Maroc ses belles
forêts et stimuler le reboisement, tous facteurs de précipitations atmos-
phériques.
quand elle est possible, ne saurait remplacer
D'autre part l'irrigation,
l'eau des pluies, qu'employée avec circonspection. L'analyse chimique
montre en effet que la plupart des sources et oueds de la Châouïa con-
tiennent une forte proportion de sels marins (jusqu'à 2 grammes par
litre).Des irrigations répétées suivies d'évaporation amèneraient dans
le sol des doses de chlorure de sodium qui, à partir de moins de p. 100 1

du poids de la terre, rendraient celle-ci stérile.


Une irrigation ou des pluies trop abondantes seraient aussi très pré-
ludiciables à toute culture dans les tirs, en transformant ceux-ci en
marécages permanents.
Le drainage serait à conseiller dans ce cas.
Étude critique des analyses de terres de la Châouïa. Les ana- —
'yses rapportées plus loin sont le fruit des quelques moments de loisir
que nous laissèrent nos nombreuses occupations à la Pharmacie de
Réserve de Casablanca, durant les années 1910-1911 (jusqu'en mai).
C'est sur les conseils du colonel Berguin qu'elles furent entreprises.
Les échantillons furent envoyés par les différents bureaux de renseigne-
2_)8 i
*SAB! INI AMI ES i
II \Ol ÏA

ments, en exécution des prescriptions de la Note de service n° 476 du


a
-
février 1911 du Général commandant le corps de débarquement.
Quoique lé nombre des échantillons envoyés soit restreint, une tren-
taine, les résultats permettent d'éclairer scientiliquement la valeur
agricole de la plupart des points cultivés.
Les n os
8, 1 , 2, 3, 4 et 5, 9-10 correspondent à des terres « tirs ». La
compacité qu'amène la forte proportion d'argile que contiennent certains
échantillons est corrigée par l'abondance de l'humus. C'est le terrain
de prédilection des céréales et des plantes racines (Setlat en partie,

Ber-Rechîd, Mediouna, Camp Boulhauti.


Les terres rouges dites « hamri » (n° 11) sont moins fertiles, elles
contiennent moins d'argile, se dessèchent rapidement et l'humus y est
assez peu abondant. Elles demandent à être irriguées.
Les n" s 2, 6. 12 correspondent à des terres franches. Toutes cultures
peuvent y être essayées.
Des terres de la côte i.Fedhala-Sidi-'Ali) celles de Mechra' Ben 'Abbou
représentent le type de terres légères à élément sableux, tantôt calcaire
tantôt siliceux. La vigne, les pommes de terre, les betteraves y donne-
ront de bons résultats.
Certains tirs incomplètement formés où subsiste plus ou moins le
marais initial (Tit-Mellil, Camp Boulhaut, etc.) conviendront aux prai-
ries naturelles.

Dar Chafaï est caractérisé par l'abondance du calcaire — abondance


qui nuira à beaucoup de cultures. L'abondance des cailloux calcaires ou
05
siliceux sera dans certains points un obstacle sérieux (n 3, 4, 12 bis).

Dans toutes ces terres, d'ailleurs, il faudra considérer en dehors de la

constitution phvsique, la composition chimique qui renseignera sur


l'engrais apporter le cas échéant.
ii

La chaux est à peine suffisante dans certains « tirs» qui. en leur qua-
lité de terres fortes, demandent au moins 60 p. 100 de carbonate de

chaux, pour donner de bons résultats. On y fera un marnage calcaire


(n oa 1, 2, 7, S, 22 1.

L'azote, très abondant dans le tirs, souvent plus de gr. 5 p. 100, 1

l'est beaucoup moins dans certaines autres terres et notoirement insuf-

fisant dans quelques-unes (n"» 18, 19, 20, 21, 29). Des fumures, des
lachères repétées, des nitrates ou des sels ammoniacaux modifieront
ces points mal partagés. D'ailleurs, il ne faudrait pas croire que la fer-
tilité du « tirs » durera toujours, si on n'y avise. Actuellement, ceux-ci

sont en voie d'épuisement qui ne sont plus en rapport avec des marais
dispensateurs de l'humus.
L'acide phosphorique est généralement assez abondant, quoique
faible. Cenains points (Mediouna, .Mechra' Ben 'Abbou) demanderaient
CASABLANCA — APPENDICES 249

un engrais phosphaté. Guiser présente une teneur excessive (voir plus


loin à ce sujet).
La potasse est variable, suffisante, sauf sur la cote, en certains points.
L'épaisseur de la terre cultivable du sol arable proprement dit, a été
donnée à chaque analyse. Il faut attacher la plus grande importance à
cette donnée, en se rappelant que deux terres d'inégale fertilité, différent
souvent plus par leur épaisseur que par leur composition. Aussi l'ana-
lyse du sous-sol donnée pour presque tous les échantillons sera-t-elle
d'un grand secours. Elle permettra de voir que, dans certains cas, il
n'y aura pas intérêt —
bien au contraire —
à ramener à la surface par
des labours profonds un sous-sol dont la constitution physique ou les
éléments fertilisants trop peu abondants ne sauraient que nuire au sol
cultivé.

NOTE MINÉRALOGIQUE

ai Les cailloux du sol et du sous-sol de deux échantillons de terre-

envoyés de Guiser (Oulâd Bou Ziri et Oulâd Ben Dâoud) sont consti-
tués pour plus de la moitié de leur poids par un minéral à allure de
calcaire ordinaire.
L'examen de la cassure de ce caillou le montre constitué par de
petits nodules de la grosseur d'une tête d'épingle encastrés au milieu
d'une pâte compacte plus grise, de nature siliceuse. Ces nodules sont
formés de phosphate de chaux pur.
Des nodules semblables, mais plus gros et au milieu d'une roche
calcaire, constituent les phosphates de la Somme. La théorie de la for-
mation de ces derniers, qu'a donnée Stanislas Meunier, s'applique aussi
aux premiers.
Quoi qu'il en soit, la présence de phosphate ealcique à la surface du
sol est à retenir, cette présence pouvant être indicatrice de l'existence

de dépôts de phosphate non inclus dont l'importance économique


n'échappera pas.
b) La terre de deux des échantillons du Camp Boulhaut (Keraci et
ferme Mannesman) est noirâtre et semble constituée, à premier examen,
d'un mélange de petites masses terreuses de la grosseur d'une tête
d'épingle à celle d'une cerise. Ces petites masses, en réalité, sont de
nature pierreuse. Un lavage de la terre sur un crible entraine environ
5o p. 100 de terre fine proprement dite et ne désagrège pas ces petites
masses qui restent sur le crible. La cassure de ces petites sphères noires
montre qu'ils sont constitués par des couches alternativement jaune
rougeàtreet brun rougeâtre, la première d'argile ferrugineuse, la seconde
250 CASABLANCA ET LES CUAOUÏA

de sesquioxyde de fer Fe La teneur en ce produit est de 72 p. 100.


'•"' :i
.

Ce minerai constitue typiquement le minerai de fer dit pisalilhique ou


oolithique. C'est le minerai de la Lorraine, de la Franche-Comté, du
Berry, etc., qui donne un fer très apprécié.
Le Camp Boulhaut a fait parvenir aussi à la Pharmacie de Réserve de
beaux échantillons de limonite et de fer magnétique exploitable. Il
semble qu'on ait en ce point un centre ferrugineux d'un certain
avenir.
La Châouïa ne semble pas posséder d'autres minéraux intéressants.
De nombreux échantillons envoyés de tous les postes n'ont jamais rien
donné.
Par contre, la ligne d'étapes Rabat-Fez et d'autres points ont fait

parvenir :

(j) De Rabat un échantillon de réal\ac, sulfure d'arsenic.


:

b) De Fort Petit-Jean un échantillon de naphte analogue


: à celui de
Russie.
c) De chez les Zaers un échantillon de cassitérite (bio.xyde d'clain
:

dont l'origine n'est pas douteuse, ayant été rapporté par un officier.
L'importance de cette découverte est extrême en raison de la valeur
économique du produit.
d) Du Camp Marchand un échantillon d'ocre de première qualité.
:

e) Des montagnes nord-est de Fès un échantillon de plomb argen- :

tifère.

/) Du Zerhoûn un échantillon
: de naphte.
g) Du Soûs des échantillons
: de minerai de cuivre (azurite), très

riches.
h) Du Soûs: un lingot de 7 kilos d'or apporté à Casablanca par les
Cheikhs du pays. Ce lingot provenait de la fonte de paillettes récoltées
par les indigènes.
Il donnait à l'analyse :

Or 52 p. 100
Argent 12 —
Cuivre 28 —
Antimoine 1 —
Étain et autres 6 —
Ces quelques exemples permettent donc de belles espérances au point
de vue de la valeur minière du Maroc.

Le Pharmacien Major,
Signé : M.0REA1 .

Casablanca, le 17 avril [91:


CASABLANCA APPENDICES 23 I

RESULTATS D'UNE ANALYSE DE TERRES prélevées à Qaçba


Ben Ahmed, faite par un ingénieur agronome du Laboratoire de
chimie spéciale de l'Institut national agronomique.

anai.ï si

Sol. Sous-sol.

Cailloux —
i j( . i i5,35
Terre fine

Par kilog. de terre fine sèche.


Sous-soi

)tC 2,01 2.-~>

P-o acide phosphorique ,8g


i

Ko' ipotasse) 4,21 3,68


CaO .chaux) i36,3 125,8

Analyse pliysique du sol pour ioo gr. de terre fine.


Calcaire. Non calcaire.
Total. Siliceux. Co 3
Ca. non siliceux

Sable grossier . . 23,55 '5,75 5, 07 i!,;3


Sable fin ... .
49, 5, 00
Argile 25,
Humus
îoogr. 43,3q 23, 5i

Analyse physique du sous-sol.

Non siliceux,
Total. Siliceux Calcaire. non calcaire.

Sable grossier . .
24,1g i5,85 5,2g 3,o5
Sable lin ... . 62,52
Argile 12, 5i
0,78
100 gr. 56,22 21,68 8,81

RI MARQ1 1 S

Terres plutôt fortes silico-calcaires moyennement argileuses.


Très riches au point de vue chimique.
Terres qui, arrosées, doivent être extrêmement fertiles (céréales).
Les cailloux 14 •/• environ) allègent la terre qui ne contient pas asse? de
sable grossier.
S
1

BKR-RECHID MEDIOl NA

ol s sol sol s. sol ol s sol sol s. /sol sol s. /sol

calcaire 12 10 38o 790 35o 25o


Terre cailloux |
l .

j
siliceux o o i3 21
scellée '
calcaire o 201 450
\
I92 1 1

a l'air graviers
,

/ siliceux 10 o 6 r3
938 97» q 1 00
1 q3o 266 960 628

Humidité 5o 5y 70 42 1,4
4g
calcaire 108 3i3 23o 196 218
o i tin .
\

32? 25
/ siliceux 378 1 3o 40 40 46 46
Terre calcaire 5o 64 [65 206 120 120
\ 90 92
fine siliceux 200 332 210 3o igo
I

Débris organiques .
10 16 S 'o
Argile 671 5o6 36o 440 36o
Humus i .
8g i3,6 3,i i3

Azote total ni A/. . . . 1,81 2,1 o,3o ,01 0,40 ,70 1,10 1 1

Acide phosphoriquc P*0 6 1,10 1,25 0,91 o 70 ,60 o,65 0,8l O,80 ,
1

Potasse (en Ko 2 ). . . . 3,io 3,25 3,o5 3 2,60 2,01 2,01 :,8o 2,60
Terre Chaux (CaO) 180 216 220
40 5i 170 10 270 2tX> 1

ne
li
Magnésie (en MgO) q 18 9,i 9 [O
......
. .

KerfFei. 25 3. 2s m 10
Acide sulfurique SO'H-'. o,3o 0,39 0,61 o,36 0,40 1

Chlore (en Cl i . . . . 0,25 0,2g 0,16 0,70 0,28 1

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1 1 1 100 55 83 7 7 265 3o5 3-o 353 n) i65 g 31 Il 67
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992 89 041 99 3 1 ..
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98 fio 61 73 41 5j
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6 27
71
91 104 80 70 1211 161 [38 10g 1 5o 205 18 10g
144 128 118 101 1S1 53 180 io5 06
i 1 1 21.4 [81 mi 1 3
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29 93 '71 191
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Les cailloux dits
siliceux de ces deux
sont parse-
Tirs Terre més de nodule
Terre maréca- trop cal- phosphate trical-
Tirs Ham ri geux caire
DAR Cil. MAI FEDIIAI.A

sol s. sol sol s. /sol sol s. /sol sol s. /sol sol s sol

calcaire 16 26
siliceux o o
éi <
calcaire 7I .,2 40 6 4
à l'air i
graviers .

siliceux ' - '7 18 10 12


Terre fine 900 915 932 926 984 984

Humidité 3q 42 i5 iq
\
calcaire 27? 340 48 35 '4 ib
<u l fin .

\
siliceux 102 igi 670 612 210 3o5 804 840
Terre calcaire 101 2o5 46 10 ii
\ 3 40 101 1
fine-
) siliceux 81 120 160 io5 297 200 qi 80
Débris organiques ,
4 o 10 2 »
Argile 71 120 230 i5 12
Humus 6 0,6 ,10

Azote total (en Az). . . 0,87 34 o,3o 0,10 0,26 o,i3 0,08 traces
Acide phosphorique P'-O 5 1,2 000 ,b 2,1 1 2,70 2,91 0,97 1,10 0,91 ,75
Potasse (en Ko'-). . . . 0,48 0,40 3,21 3,4 0,92 i,i5 i5 0,90 ,21
1 , 1 I • 4'
Terre Chaux (CaO) 304 36o 211 23 1 il 70 70 101 12 [b
fine
Magnésie (en MgOl . .
14,1 14./ ili. 1 8,2 IO 1)

Fer (Fe) » » 8 3i 35 32 6 »
Acide sulfurique SO'IP .
0,71 0,23 o,b 0,91
Chlore (en Cl) ... . 0,41 0,46 0,57 0,09 0,40 » 0,42 0,21 0,12 »

\ 20

D.00 .

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2 E.

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Terre
brûlante Terre Terres lé

trop sableuse Terre rrigueretl


calcaire siliceuse légère du côté d
1 - -1 ~ - . .

jfcSABLANCA SIDI 'ALI Ml CHRA BLN-. VBBOl'

— —— — —
sol sol sol ..il sol sol .sol sol sol SOI SOI
sol

— sol s./sol
s s S.

^-— — —
ol s. ; ,

—— .^-- . ^ . — -^^r~ . ..- - ,.-

10 » II Jl 1

14 10 46 3i 206 190 6 .7 20; o 1

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8,2 6 20 16 20 70 22 9 793 1 3
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» 984 954 973 894 9.3 746 :u 1 001 »

52 » 58 19 24 46 5i 29 3i 3g 28 3i
80 91 » 32 61 40 38 101 i5i '44
» 101 » 40 » 600 5oo 5oi 569 3io 208 [86 ,,
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90 201 80 1 1
79 129 102 10O 80 20fi 203 l63 » •i5o 240'
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Les prélèvements furer t effectues sur 1-
3 13 <"
des points distants de quelque 1 i
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Terre de
prairie
à humus Terre
ei peu azoté forte Terres léger -calcaires !j gères si iccuses
1

256 CASABLANCA ET LKS CHAOLUA

Résultat d'une analyse de terres tirs donnant leur richesse en a\ote.

i
i3,85 2 ,47 4,58 1,46
Taddert .

i '7,85 o,83 4,58 2

Ber-Rebah 46,08 o,5o i,i3 1,26


Bcr-Rechîd 26 0,75 0,91 0,92
Mediouna . 143,60 i,3o 2,42 2,32
id. 77,60 0,89 o,74 1,65
Fedhala 18,40 0,91 [,90 [,5i

Chàouïa Ben Slimân 1 5 1,60 4,53 3,io 1 ,62

SidiAmar. 59,60 1,16 2,74 3,78


Gurgens . [5.2m i,3; 4,54 2,2
Settai . . 55,20 0,87 2,1 1 ',99
khemisset. i5o,40 i,85 2,83 i,i5
El-'Aouàdj 1 1 3,6o i,35 1,95 r,5 7

Youlas . . 84.40 1,62 3,97 3,o8


Guiser . . 56o,8o 6,82 2,25 i,65
II]

REGIONS FORESTIERES DES CHAOUÏA (I)

i) Boulhaul-Boucheron et Qacba Ben Ahmed.

Il est difficile de déterminer, même approximativement, la superficie


des forêts de la région ; il conviendrait d'ailleurs d'établir une distinction
entre les forêts proprement dites et les terrains simplement parsemés
d'arbres.
A titre de simple indication on peut évaluer les étendues des princi-
paux centres forestiers aux chiffres suivants :

Forêt de Boulhaut 10.000 hectares


Forêt de Romamha et Solamna 12.000 —
Plateau du Tala Rkia (entre l"Aïn El-K.heï'1 et K.eraci). (i.000 —
Vallée du K.orifla jusqu'au Mermouch 3.000
Massif des Oulad Daho (entre l'Oued Bou-Drader et
l'Oued El-Atach) 1.000 —
Massil des Mdhakra (de f'Aïn El-Kheil,à Sidi Behilil . 5. 000

Massif du Jibara et des Rouhalem 4.000


Haute Bou-Drader
vallée de l'Oued 4.000 —
Massif du Diebel Qçar et du Djebel llalloùf jusqu'à
l'Oued El-Atach r.000 —
Khatouat El-Alched 2.000 —
Totai 48.000 hectares

(1) Extrait du Rapport sur une mission forestière en Châouïa, par


M. Dupont, inspecteur-adjoint des Forêts en Algérie.
VILLES tT TRIBUS. — I.
258 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

Description générale. —
La zone forestière des territoires de Boul-
haul, du Boucheron etde Qaçba Ben Ahmed est limitée :

Vu nord par une ligne idéale pariant de l'Oued Neffifikh, passant


par le Djebel Iloudïa cote 205), le marabout de Sidi Yahya. et aboutis-
sant à l'Oued K.orilla.

A l'est par le koritl.i, les Djebels Jibara, kiar et khaloua et une


ligne reliant ce piton à l'Oued Zemran au point dit El-kheneg, cote 789,
par les marabouts de Si Hammou Chérif, Sidi Mokhfi, Sidi Sliman.
puis par Takesbiet (cote 845) et le Nouiga (cote 827).
le

Au sud par une ligne allant d'El-kheneg aux environs de la Dechra


des Oulâd-Yahya.
A l'ouest par le M'qarto, la ligne des forts de Youlas et de Gurgens,
de Mechra FCerac'i, de Camp-Boulhaut et de l'Oued Neffifikh.
développe donc sur une longueur (nord-sud) de yo kilomètres
Elle se
et moyenne de 45 environ.
sur une largeur
Cette zone englobe la partie supérieure du bassin de l'Oued Mellah
formé de l'Oued Zemran et de l'Oued El-Atach, les parties supérieures
et moyennes du bassin de l'Oued Neffifikh, puis de l'Oued Cherrât et
de son principal affluent l'Oued Tifsassin, enfin de l'Oued Ikem et de
l'Oued K.orifla, tributaire de l'Oued Bou Regreg.
Au point de vue géographique l'allure générale de cette région est
celled'un vaste plan incliné, s'appuyant sur la Sahrat El-Djadja pour
descendre vers l'océan Atlantique, le maximum d'altitude atteignant
845 mètres au Takesbiet (Djebel Si Bou Chrera).
Le relief est beaucoup plus tourmenté dans la partie sud, c'est-à-
dire dans les territoires de la Qaçba Ben Ahmed et du Boucheron, jus-
qu'à la latitude de la Qaçba Merchoûch.
On peut se le figurer en concevant une série de troncs de cônes
juxtaposés pèle-mèle, séparés les uns des autres par de profondes val-
lées flanquées d'éperons secondaires plus ou moins infléchis en forme

de cols. Les ravins qui sillonnent les vallées principales ont des bassins
de réception disposés en éventail et leur cours est tellement sinueux
qu'il est souvent difficile de se rendre compte dans certains tron-
çons, du sens d'écoulement des eaux.
On remarque de sensibles différences d'altitudes entre les thalwegs
et le niveau des berges qui les dominent.
Au nord du parallèlela Qaçba Merchoûch, ce relief
passant par
tourmenté ne se retrouve plus que dans les vallées des ravins décou-
pés dans les plateaux légèrement inclinés vers la mer et d'autant plus
larges que l'on approche du littoral. De ces plateaux émergent de loin en
loin quelques arêtes rocheuses et des mamelons en forme de dômes
peu élevés.
CASABLANCA — APPENDICES iSg

Essences forestières. — Le chêne-liège est incontestablement l'es-


sence forestière la plus importante et la plus intéressante de la zone
que nous avons parcourue.
Il peuple à lui seul la forêt du Boulhaut et le plateau qui sépare
FOued Cherrât de l'Oued Roritla depuis Taddert jusqu'à Fouzer. Il est
encore à l'état presque pur dans les Sibara et le plateau des Rouslem
jusqu'à Hachchour Chérit".
Il se partage le terrain avecle thuya [Calletris quadrivalvis) dans les
vallées des divers ravins (Oued Neffitikh, Oued Cherrât et Oued Korifla)
où on le rencontre surtout aux expositions fraîches, c'est-à-dire au Nord
et à l'Est.

A thuva tend à occuper l'ouest et le sud-ouest


partir de keraci, le
de zone forestière, laissant à son concurrent les plateaux et les ver-
la

sants nord (Tala Rokia et Er-Rouida, Sedcr El-Hanout).


Le chêne vert se trouve seul ou en mélange avec le thuya, le chêne-
liège et le pistachier au-dessous d'une ligne passant par le Mqartou. Sidi
Bobihl, El-Abribi.
Le pistachier de l'Atlas (Pistacia Atlantica habite le fond des ravins
dans la partie nord et mélangé aux autres essences à mesure que l'on
descend vers le sud. 11 ne se forme de petits bouquets isolés qu'à la
limite extrême de la zone forestière, c'est-à-dire qu'au sud de la Qaçba
Zeriouil et de l'arête rocheuse partant du Takesbiet pour rejoindre
l'Oued Zouran.
Enfin l'olivier sauvage s'associe aux autres espèces, ne formant qu'ex-
ceptionnellement des peuplements.
Les autres arbres que l'on remarque dans cette zone sont tous par
pieds isolés et en général au bord des ravins.

2.) Vallée de VOumm Er-Rebï et \ane littorale.

Vallée de iOumm Er-RebV. — De Settat à Mechra' Ben Abbou on


ne voit en fait d'arbres que quelques figuiers, cactus, aganes, de rares
liers, amandiers, oliviers greffés et poiriers. A l'altitude de
Tes environ on rencontre les premiers contreforts descendant
I imm Er-Rebi' parsemés de \\i)ubieTS,t&lhas{Accaciagummifera
et d'asperges sauvages.
Au bord du Meuve, d'une profondeur de 10 mètres sur certains points,
et en face de Mechra' Ben Abbou, on remarque quelques vestiges de
>

.1 CASABLANCA ET LES CHAOU1A

tamatix, sur droite


la rive sur la rive gauche, en amont du bac, se
;

trouve un bouquet d'arbres.


joli

Kn remontant la rive droite, on passe sous des pistachiers, prés d'un


marabout. En laissant au nord le piton de Lalla Mimouna (3 7 m 1
.

pour gagner le Douar krakra, on aperçoit un bouquet d'oliviers, qui


autrefois s'étendait dans la vallée et dont les charbonniers détruisent
les derniers arbres. Quelques oliviers et accacias gummifera subsistent
encore sur le K.ef El-Rhohoua formé de bancs calcaires.
Prés du Bir Douidia se trouvent encore quelques oliviers et pista-
chiers. On en remarque quelques-uns prés de l'Ain Bel-Mesk, autour
duquel sont des escarpements très curieux dominant un verger de
figuiers, grenadiers, abricotiers et cactus.
Enfin, en venant vers Ben Abbou on traverse un superbe bosquet
de pistachiers autour du marabout de Sidi Saïd. De Ben Abbou à la
Mechra' Boul-'Aouan, par EI-'Aouedj El-K.horisset, il existe quelques
souches de tamaris, des thalas, jujubiers, aubépines, et de rares palmiers.
Les affluents de l'Oumm Er-Rebî' coulent dans des berges nues. En
approchant de Boul-'Aouan le fleuve serpente dansune vallée resserrée
formée par des schistes dévoniens avec affleurements miocènes avec
pudding et grès coquilliers Brives).
La vallée s'élargit de la Mechra' Sasafa et l'on remarque sur les ver-

sants de nombreux glissements de terrain très friaole. Nous descen-


dons dans la vallée, où sont installés des douars. Quelques figuiers,
cactus et thalas représentent la végétation embarrassante, mais nulle
part la moindre trace de foré'..

Au bord de l'eau poussent des jujubiers, thalas, ricins, lauriers-roses

et jujubiers. Le fleuve décrit de nombreuses sinuosités et entre ces


boucles sont des champs cultivés.
Les ravins de la rive droite sont, comme dans le Korifla, profondé-
ment découpés entre les assises tubulaires du plateau.
Sur la rive gauche du fleuve se trouvent quelques escarpements
tapissés de cactus. Plus près du littoral, le thala buissonnant fait place
au genêt, les berges du Meuve s'abaissent, surtout sur la rive droite.
En résumé, si l'on trouve quelques vestiges de boisement en amont
de .Mechra' Ben-'Abbou, il n'y a plus trace de forêt et même de bois de
te à Sidi Ali : peut-être même n'y en a-t-il jamais existé dans le

cours inférieur de l'Oumm Er-Rebi'.


Zone littorale. —
En venant de Sidi 'Ali à Casablanca, on traverse
une zone broussailleuse qui était probablement boisée jadis. On y voit
encore quelques lentisques dépassant la taille d'un homme et un cer-
tain nombre d'oliviers et de thuvas sur genêts, daphnés, etc..
Dans cette région où le bois fait défaut, les indigènes ont détruit les
CASABLANCA APPENDl'.IS

broussailles pour en faire du charbon. Les cultures avancent de plus


en plus dans ce maquis et les troupeaux rongent ce qui reste.

Rapports des indigènes avec les forets.

Ces rapports se manifestent par l'exploitation directe des produits


du sol forestier et aussi par l'exploitation des ressources qu'il peut
offrir directement, le plus souvent au détriment de son existence.
Produits principaux. — Ils comprennent le bois et les écorces.
Le principal emploi que l'on fait actuellement du b lis pris dans les

forêts est le chauffage.


La matière ligneuse estconsommée directement ou préalablement
convertie en charbon. Aucune coupe n'étant régulièrement assise, les
indigènes prennent au plus près ce qui est nécessaire à leurs besoins
et cequ'ils comptent vendre. Si les populations forestières n'avaient qu'à
subvenir à leurs besoins, le mal serait moins grave, mais depuis
l'établissement de ladéveloppement de la population,
sécurité et le
l'exploitation du aucun contrôle et suivant
bois de chauffage, faite sans
des errements barbares, tendait de plus en plus à devenir une cause de
destruction.
On rencontrait parfois dans les forêts de chênes-lièges des équipes de
charbonniers installés avec leurs chameaux et qui rasaient des cantons
entiers; les souches étaient hachées avec des instruments par trop pri-
mitifs et les charbonnières établies sans aucune précaution communi-
quaient aux peuplements voisins.
le feu
Les peuplements de chênes verts étaient également dévastés pour le

ehaurfage. Les thuyas, oliviers, pistachiers et essences secondaires (phy-


laria, lentisque) fournissaient leur appoint à la production, principale-
ment dans sud de la zone et à l'ouest de Casablanca.
la partie
Bois d'oeuvre. —
Le chêne-liège est utilisé de préférence pour la fabri-
cation des charrues. Certains agriculteurs vont couper eux-mêmes en
forêt les arbres qui leur sont nécessaires, les autres ont recours à des
intermédiaires qui leur vendent les instruments aratoires tout confec-
tionnés.
Les uns et les autres entament fréquemment plusieurs pieds avant
de choisir celui qui leur convient. Ils coupent souvent le tronc à mètre i

du sol et abandonnenthouppier sur le soi.


le

Le thuya sert à fabriquer des piquets de tentes, des poutres Kcn-


tras) de 4 m. 5o de long sur 20 centimètres d'équarrissage, et enfin des
Jl>2 BLANCA ET LES CHÀOUÏA

broumis ou perchettes de 2 m. 60 de long sur o m. 08 de diamètre. Ces


broumis servent à la construction des plafonds dans les maisons indi-
gènes couvertes en terrasses.
La confection des broumis, choisis sans discernement parmi les
brins de thuya, est une des causes de l'appauvrissement des massifs de
cette essence.
Ecorce à tan. — L'extraction de l'écorce à tan semble être la cause
principale de la destruction de certains massifs de chênes-lièges. Cette
exploitation entraîne fatalement la mort de l'arbre, dont elle enlève la
zone reproductrice des tissus. L'importance du commerce des cuirs à
Rabat et ailleurs favorise la vente du tanin et on pouvait voir d'impor-
tants chantiers d'écorceurs saccageant des cantons entiers.

Les forets de la région des Châouïa ont souffert de nombreux facteurs


de destruction qui les ravageaient et dont les moindres étaient les

déprédations du bétail paissant en liberté et la mutilation des arbres par


les indigènes qui donnaient
le feuillage en nourriture aux troupeaux
et découpaient branchages; la fabrication du charbon, le déboise-
les

ment par le feu, dont les indigènes n'hésitaient pas à user pour la mise
en culture temporaire du sol, et les incendies provoqués par l'incinéra-
tion des chaumes entre deux récoltes étaient des facteurs de destruction
beaucoup plus actifs.
La combinaison de ces causes principales a eu pour résultat de
brûler presque toutes les forêts de chênes-lièges et beaucoup de boise-
ments d'autres essences. C'est ainsi que dans la forêt du Boulhaut en
particulier presque tous les arbres portent des traces de brûlures et
beaucoup sont entièrement consumés.
Le chêne-liège, grâce à sa carapace de liège, résiste mieux au feu
que les autres essences, mais il n'en est pas moins vrai que les incen-
dies répétés et suivis de pâturages, contribuaient pour une large part à
la disparition des forêts.
L APICULTURE I

Les miels les plus appréciés des Châouïa sont ceux des tribus des Mzâb,
des Oulàd Bou Ziri, des Oulâd Sidi Ben Dàoud, des Oulàd Ziyân, des

Zîyaïda et des Mdhakra ensuite viennent ceux des Mzamza et des Oulàd
;

Saïd.
Les indigènes emploient le miel pour leur consommation person-
nelle et vendent le surplus, ils l'utilisent aussi comme dépuratif et

comme pour les plaies, les blessures et les furoncles.


siccatif
Dans les années d'abondance, le miel se vend de 5 à 1(3 douros le 1

quintal, soit 5o fr. 68 à 54 fr. o5, et dans les autres années, de 20 à


25 douros, 67 fr. 5/ à 84 fr. 46.
Cire. — La employée par les Marocains qui, lorsqu'ils
cire n'est pas
en ont une quantité suffisante, la vendent sur les marchés.
Le commerce en est monopolisé pour l'exportation par des Juifs de
Casablanca qui l'achètent aux indigènes de l'intérieur de 5 à 20 douros 1

(5o fr. 68 à 67 fr. 57; en moyenne, pour la revendre jusqu'à 5o douros


(168 fr. 92).

A Casablanca, l'exportation de la cire, en ces dernières années, a


atteint les chiffres suivants :

En 1904, de n 3. 000 francs.


En 1905, de 67.500
En 1906, de 87.000 —
En 1907, de 47.700 —
En 1908, de 39.000 —
En 1909, de 49.000 —
Extraction de la cire. Il existe —
à Casablanca, dans l'intérieur
d'une maison juive, un pressoir [macéra) destiné à compléter l'écrase-

1 Par M. Sicard, ofticier-interprète.


264 '
kSABI \M A ET LES CHÀOUÏA

ment des cires achetées aux indigènes et à les purifier, pour les rendre
propres au commerce d'exportation.
L'appareil très primitif consiste en un énorme pivot vertical main-
tenu en haut par une traverse. Dans le bas, une autre traverse, assu-
jettie entre deux montants, pèse sur une sorte de billot encastré dans

un cvlindre en bois contenant, sur des plats en alfa superposés, la cire


préalablement cuite. Le pivot mis en mouvement à l'aide de quatre
hommes, au moyen d'un engrenage à manivelle, descend en faisant
pression sur le tout; la cire liquide s'échappe par des trous percés dans
les parois latérales du cylindre et gagne un récipient en terre enfoui
dans le sol et communiquant par un tuyau avec un autre récipient de
même nature. La cire surnage et on la laisse refroidir après l'avoir débar-
rassée du liquide dont les Juifs font de l'eau-de-vie.
Ce liquide, mis en ébullition, est vaporisé et distillé à l'aide d'un
alambic très grossier.
Depuis une douzaine d'années, des pressoirs modernes, d'origine
européenne, sont employés à Casablanca par les industriels israéliles.
Cette ville en compte quatre actuellement.
Rucher. —
Le rucher est disposé dans une ^eriba (enclos >.

Dans la campagne, les ruches sont alignées à des intervalles de 25 cen-


timètres environ les unes des autres et quelque peu surélevées au-dessus
du sol, placées qu'elles sont sur une couche de bois ou de pierres. En
sont posées sur les terrasses, exposées au soleil.
ville, elles

Les ruches sont recouvertes de paillassons ou d'une couche d'herbe


sèche ou de palmier nain, cette couvertureétant destinée à les protéger
contre le froid.
Certains ruchers possèdent 100 et même jusqu'à 5oo ruches, mais
c'est l'exception.
Les moins importants en contiennent une quinzaine.
La ruche alleclc la forme de cylindres de chêne-liège dans les pays de
forêts ;
partout ailleurs, elle est faite en terre ou en bois de fenouil. A
Marrakech, elle est fabriquée en roseaux.
Sa longueur est en général de 80 centimètres de long sur 25 à3o de haut.
Chaque extrémité est fermée par une porte (roggala) de chêne-liège,
de raquette de cactus, d'herbage, etc. La ruche est orientée vers l'Est,

exposée aux rayons du soleil levant.

La porte qui fait un ou deux trous, de la


face à l'Est est percée de
grosseur d'une pièce de aménagés pour la sortie des abeilles.
1 franc,
L'orifice opposé sert à l'éleveur pour la récolte etlesvisites périodiques.
Le prix marchand d'une ruche varie entre une peseta (o fr. 60) et
2 pesetas 5o (1 fr. 69), suivant qu'elle se vend longtemps ou immédiate-
ment avant la période de la ponte.
HYDROGRAPHIE DES PLATEAUX DE LA REGION DE SETTA1 (1

Pendant l'année 1909, il est tombé 339 mm. 3 de pluie qui s'éche-
lonnent sur 60 jours, soit 1/6 de l'année, d'après les indications du
tableau ci-contre.
Ce tableau montre que l'on peut partager l'année en deux saisons :

une très pluvieuse de novembre à mars: l'autre, juin, juillet et août,


très sèche. On passe de l'hiver à l'été par un printemps de deux mois

peu arrosé, et un automne agréable (septembre-octobre) à peine zébré


de quelques averses, conduit de la sécheresse à la saison pluvieuse
Cette dernière connaît parfois, comme cette année, ce qu'en Algérie on
appelle la « petite saison sèche». Elle s'étend delà deuxième quinzaine
de janvier à février.
La quantité d'eau tombée sur les plateaux de Settal est intérieure à
celle des régions les moins favorisées de la France, bien que le nombre
de jours de pluie y soit égal ou supérieur.

Nimes 0.942 53 jours.


Nice o,75o 67 —
Montpellier 0.762 67

Une journée de pluie à .Settat, représente en moyenne 4 mm. 9; elle


en représente il à Montpellier.
Des rosées fréquentesct abondantes, accompagnées souventdc brumes
matinales intenses, qui mouillent comme la pluie, augmentent encore.
d'octobre à mai. l'action bienfaisante des eaux atmosphériques et entre-

tiennent l'humidité du sol.

H) Extrait d'une notice intitulée Elude sur l'hydrographie des plateaux


:

de la région de Settat, par le lieutenant I'arrit.


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CASABLANCA — APPENDICES 2Ô7

Les nuits sont fraîches et tempèrent l'action évaporatrice du soleil.

Moyenne de l'année io°,3o,


Moyenne minima en janvier
Moyenne maxima en août i~".7>

L'humidité relative de l'air oscille entre 5i,o5 en juillet et 83,45 en


février correspondant à des températures moyennes de 25,68 et 9°,46,
soit pour l'année une humidité relative moyenne de 69,15 correspon-
dant à une moyenne annuelle de température 17", 10. :

Sinous comparons ces moyennes de températures à celles d


et de quelques coins privilégiés de la côte méditerranéenne, nous
constatons que:

Alger 20°
Setlat 1

Menton i6°,3
Nice i6°,i5
Perpignan 1

L'évaporation due à l'action solaire n'y est ni plus ni moins intense


et tient le milieu entre le pouvoir vaporisateur du soleil sur la Côte
d'Azur et son action siccative sur le sol des environs d'Alger.
Le sous-sol. — D'un côté et de l'autre de l'arête médiane des plateaux
de Settat le sous-sol se présente sous la forme suivante :

Sous une couche de terre végétale variable, les tlancs des plateaux
montrent à intervalles réguliers et distantsde25 à 3o métrés, des strati-
fications d'un calcaire dur à apparence graisseuse qui réagit aux acides.
Elles s'étendent en assises horizontales ou légèrement inclinées peu
épaisses (om.40 à o m.
En dessousalternentles stratifications folia-
5o).
marnes diversement colorées, générale-
cées d'un calcaire friable avec des
ment en rouge brique. Cette couche épaisse d'environ o m. 40, recouvre
de larges dalles decalcaire conchylien aux coquilles serrées etminuscules
ayant la forme de petites clovisses d'un demi-centimètre. Après elle,
on rencontre les beaux blocs d'un calcaire bien classique, d'une cou-
leur jaune crème, parsemés de fossiles uniformes (Bivalves aplatis et

disposés en strates épaisses deom.70aom.80. Il fournit une excellente


pierre a bâtir.
Celle couche calcaire est fort importante et atteint, à certains endroits,
1 2 à 5 mètres d'épaisseur. Elle recouvre des argiles et des marnes avec
1

lesquelles elle alterne quelquefois.


Ces caractères, la présence d'anciennes mines de minerai de fer chez
les Ben Dàoud, d'affleurements de ce même minerai dans la vallée du
2Ô8 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Kaïbal, l'existence de gouffres tels qu'F.I-Banoum, les grottes ei


de r.Vin Bel-Mesk, nous feraient ranger ces plateaux dans la catégorie
des terrains secondaires si nous avions à formuler une opinion. (A si-
gnaler également la présence aux environs de Settat, de calcaire voli-
thique, des terrains jurassiques, calcaires exclusivement composés de
petits grains agglomérés, creux à l'intérieur et ayant la couleur et l'as-

pect de grains de mil.)


(Voir la tigure ci-contre: Coupe des terrains aux environs de Settat.)
Près de l'Oumm Kr-Rebi', les terrains changent d'aspect. Des schistes
forment la base des collines, le sol est rouge. L'argile comme chez les
Beni-Meskin, semble dominer à la surface. Les flancs sont creusés.
ravinés et le sol des vallées couvert d'un cailloutis assez volumineux,
dur, d'aspect noirâtre ou brun fort désagréable au pied des chevaux.
Les bords immédiats de l'Oued sont encombrés d'énormes dépôts allu-
viaux puddings, collines de galets, limons d'autres fois par des monti-
: ;

cules rocheux montrant les stratifications verticales et renversées d'un


grès vert et gris très solide et veiné de blanc (i ;.

Somme toute, dans la partie qui nous occupe, par suite de leur
nature stratifiée, des fissures ou diaclases qui séparent les roches, les

terrainsdu sous-sol immédiat sont essentiellement perméables.


Ainsi s'explique qu'aucun cours d'eau important, aucun ruisseau ne
coule à leur surface.
Même grandes pluies, Icï ruisseaux principaux, l'Oued Bou-
après les

Moùsa, l'Oued l'Oued Tamdrost, n'ont pas un cours continu,


ICaïbal,
lis se perdent à peu de distance des sources qui leur ont donné nais-

sance et si, dans l'Oued Laïhal, coule en hiver un filet d'eau ininter-
rompu, il ledoit au nombreuses sources qui se relaient pour l'alimenter
aux différentes étapes de son trajet.
Nous pouvons donc conclure sans crainte qu'une grande partie de
l'eau de pluie est absorbée par le sous-sol perméable où elle forme, à
hauteur des couches marneuses ou argileuses, des nappes souterraines.
Quantité d'eau absorbée par le sous-sol. —
Pendant l'année 190g, il
est tombé 33g millimètres d'eau, ce qui, pour une superficie de 1.465 kilo-
mètres carrés, représente un volume d'eau de 497.g7-i.500 mètres cubes.
Le sous-sol de calcaire diaclassique qui constitue, sous la terre végé-
tale, lespremières assises du plateau, est essentiellement perméable.
Quant à la couche de terre arable, terre noire ou rouge dans les vallées
hamri sur les plateaux, son aptitude à se laisser pénétrer est variable.

11Caractéristiques des terrains primaires :

Terrains siluriens ardoise et schiste (Environs d'El-Qantara). Terrains


:

dévoniens roches très tourmentées, gres rouge et marbre noir ou blanc [El-
:

Qantara). Grés gris vert à Mechra" Ben 'Abbou.


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27O CASABLANCA ET LES CHAOUIA

La composition qu'en donne M. Doutté (1). prouve que les tirs renfer-

mant 41 p. 100 d'argile sont plus longs à s'imprégner que les hamri.
Or, dans la région, les terrains hamri dominent. On trouve de beaux
tirs noirs sur le plateau Bou Ziri entre 'Ali Moumen et Khemiset. La
proportion d'argile purqu'ils renferment (10 p. 100 en chiffres ronds),
les classe dans la catégorie des perméables, c'est-à-dire de celles dont

la déperdition par évaporation n'est pas considérable.


Volume d'eau débitée par les sources. —
Cette eau constitue à l'in-
du plateau, des nappes superposées, où s'alimentent
térieur stratifié
comme aux étages successifs d'un énorme château d'eau, sources et puits.
Cette réserve aquifère semble intarissable. En voici un exemple :

Le bassin géographique de l'Oued Bou Moûsa et de ses affluents


couvre une superficie de i5o kilomètres carrés. Pendant l'année 1909
il a emmagasiné d'après nos calculs précédents: o.33g.

o.33q x. i5o.ooo.ooo x 25
-
100
.
=
12.71 2. 5oo mètres cubes.
,

Or, ce bassin comprend 10 sources d'un débit journalier moyen de


2.679 ni 3 680 environ
,
:

'Aïn Sarifa 57.600


'Aïn Zouk.cn 95.040
'Aïn El-Baïda 95.040
'Aïn Halilifa 54.000
Settat (sources) 1.224.000
'Aïn Mokrima 172.000
'Aïn Djenân 10.000
'Aïn Zouïrka 180.000
'Aïn Nezarh 576.000
'Aïn 'Ali Moumen 216.000
Total. . . . 2.679.680

Ce qui, pour une année, représente un débit moyen de :

978,083 m3 , 200

C'est-à-dire un peu moins de 1/12 de la quantité d'eau théorique-


ment absorbée par le sous-sol. Aussi toutes ces sources sont-elles pe-
rennes. Leur débit peut être influencé parles grandes pluies, les séche-

resses ne les complètement. Elles continuent à couler


tarissent point
moins abondamment. Le niveau des puits de la région est soumis
comme le débit des sources aux influences atmosphériques mais ;

même après les mois de sécheresse de l'été, leur étiage n'accuse pas
de différences énormes. Ils ne sont jamais à sec.

(1) Cf. : loc. cit., Merrâkech.


5

CASABLANCA APPENDICES 27I

Le sous-sol du plateau donc abondamment pourvu en eau. C'est


est
l'affaire des ingénieurs hydrologues que de l'amener à la surface. Les

indigènes s'y sont essayés, nous verrons plus loin qu'ils ont parfait. 1

ment réussi.

EMPLACEMENT DES SOURCES

Un simple coup d'œil jeté sur la carte d'état-major de la Châouïa


permet de s'assurer de l'existence de trois gradins Ces trois lieux de :

sources sont parfaitement jalonnés et définis, aucune source ne s'en


écarte.
Le plus élevé est situé entre 490 et 5io mètres. Il réunit en allant du
nord au sud par l'ouest, les sources suivantes :

SOURCES Température SOURCES Température

'Ain Zouïrka. 2I o 'Ain Tillernert 20°


. . . . . .

'Ain Zouckh . . . l8",5 'Aïn Guiser .... 21°


Ain Sdmya . . . . «7° 'Aïounet El-Dieb .
18°
Bir Tamourirht. . . i8°,5 'Aïounet M'nimat . .
18°

'Aïn Talouït. . 18°, 5 'Aïn Guetlara . . . i8°,5

Enfilant la courbe 400, nous trouvons le deuxième lieu

SOURI Température SOURCES Température

Oued Tamdrost . . » 'Aïn Temacin . . . 21°,


'Aïn Moukhara . . » 'Aïn Faghoi . . . . 19°

'Aïn Hascïba . . . » 'Aïn Rechraïch. . .


21°
'Aïn Nczarh . . . . 22" 'Aïn Rhtatcr . . .
21"

'Aïn Halilifa. . . . 22° 'Aïn N'eqhlet . . . 2I°,5


20°
'Ain Kl-Baïda . . I
9 \5 Kas-el-'Aïn du Kaïbal.
'Aïn Ali Moumen . . 21°,5 'Aïn Mataekh . . . »
5

272 CASABLANCA KT LES CHAOI IA

Aux environs de la courbe 3oo, enfin, nous trouverons trace du


nie :

SOURCES Température SOUK' ES Température

\m Mokrima . . 20", Rktara de Sidi I)|ehli. »


! 'Aïn Djenàn .... 18", 5 'Aïn El-Mesk . . . »

j
Sources de Setiat . . 20«,5 'Aïn el Fki du Haïbal.

REPARTITION DES BASSINS

On peut compter trois bassins dans la région :

i° Au nord, le bassin de l'Oued Bou Moûsa ;

Le versant ÈChemiset Oulàd Saïd à l'ouest


2
U
;

Le bassin du K.aïbal, affluent de l'Oumm Er-Rebî' au sud.


(Nous ne mentionnerons pas l'Oued Temdrost qui appartient aux


Mzàb sur une grande partie de son cours, bien que son thalweg vienne
faire sa jonction avec celui de l'Oued Bou Mou sa à 6 kilomètres au
nord du défilé de Settat.)
Ces bassins sont séparés les uns des autres par des plateaux dont la
ligne départage des eaux leur sert de limite. Du nord au sud, c'est la
longue crête qui, par la cote 8o5 Sidi Çinhadji, Sidi 'Ah ben 'Aïsa, Sidi
'Abd El-Qâder, atteint la ligne de faite du plateau, séparant ainsi les
vallées de l'Oued Bou Moûsa et de l'Oued Temdrost.
De l'est à l'ouest, la ligne de faite du plateau El-Graïrat. El-Bahirat,
Sidi Mohammed
Hamcïda, Bou Cedra. La Qoudiyat Chabiya et les hau-
teurs de Soûq Et-Tnîn des Bou Ziri, sert elle-même de démarcation
entre les bassins du K.aïbal et de l'Oued Bou Moûsa.
Enfin, s'élançant vers le nord-ouest du plateau d'El-Bahirat qui semble
le nœud de ce système orographique, une longue croupe, tantôt
étranglée entre des vallées adossées, tantôt large et épanouie comme
lorsqu'elle forme le plateau des Oulâd 'Allai, sépare les vallées tribu-
taires de l'Oued Bou Moûsa des plaines fertiles des Oulâd Saïd et de
K. h c mi set.

1" Les vallées el les .sources. — La vallée de l'Oued Ben Moûsa. —


Cette rivière part du pied du plateau des Bahirat et semble prendre sa
source aux Biar khamlacha.
i
ISABLANCA — APPENDICES 2/3

Cette vallée, sinueuse et fertile se resserre comme un défilé après avoir


reçu l'Oued Baïdha, à Dâr Ben 'A/ou/. Settat se trouve au milieu de
cette passe au confluent du vallon d"Ali Moumen. L'Oued Ben Moûsa
se perd ensuite dans la plaine du tirs, à Dâr El-Kebir El-Hammâmi;
d'un faible débit, il suffit à arroser les jardins de Settat. Plusieurs ponts,
rendus nécessaires par des crues assez rares, le traversent en amont
de Settat.
Sur la rive droite les vallées d"Aïn Zouïckla et d"Aïn Nezarh, sur la
gauche celles de l'Oued Baïdha et d"Ali Moumen, aboutissent à la vallée
de l'Oued Ben Moûsa. Les principaux puits et sources de cette vallée
sont Bir Gaïdi près du plateaud'El-Bahirat, sur lequel se voit une sorte
:

de gouffre appelé El-Banoun, qui mesure de 45 à 5o mètres de longueur,


25 à 3o mètres de large et 1 5 à 16 mètres de profondeur.
Les puits des khamlacha, les cinq puits d'Oulâd Yahya, le Bir
Es-Saniva, .reste d'une noria qui arrosait des jardins aujourd'hui dis-
parus.
La Qettâra d"Aïn Beïdha, à moitié comblée, et dont la source a été
autrefois construite. Non loin un marais est drainé par un petit ruis-
seau qui arrose les jardins delà qaçba ruinée de Si Ahmed ben 'Azoûz.

Derrière cette qaçba, deux ou trois puits munis de bassinsd'arrosage et


une çaniya.
La source d"Aïn Halilfa à 5 kilomètres à peine au Sud de Settat, sur
la route de Guicer.
Bir y Dour, entre Settat et 'Aïn Halilfa.
'Aïn EH
làdi El-Ma'ti. C'est la principale source de Settat. Cinq autres
sources de moindre importance, se trouvent à peu de distance. On voit
encore dans la même vallée l"Aïn Mokrima, les six puits de la Zàouïa
de Sidi Moùl Ed-Drouna et les sources 'A'ioun D/'endn dans les jardins

de la même Zàouïa.
Quelques puits se trouvent dans les petites vallées adroite et à gauche
de celle de l'Oued Ben Moûsa.
Dans thalweg de l'Oued, immédiatement après la source, on a foré
le

des puits de 5 mètres de profondeur, qui en une nuit se remplissent de

3 mètres d'eau. Il y a donc à Settat non seulement des eaux de source,

mais le sous-sol est abondamment pourvu d'eaux phréatiques.

2" Ouest du plateau. —


Versant des Ouldd Sa'id et de Khemiset.
A descend en pente douce sur POumm Er-Hebi" et
l'ouest, le plateau
s'épanouit pour former les plaines des Oulâd Saïd et de Khemiset.
De chaque côté de laSakhrat Ben 'Ali deux vastes dépressions, enca-
drant le pays Guedana, drainent les eaux de la région.
VILLES ET rHIBUS. — I.
VSABLANCA I l LES i
H V.OUÏA

Au nord le thalweg qui passe par Sidi Moûl El-Fhâl, la Qaçba El-
Ayyâchi, 'Aïn El-Baïdha, 'Aïn Sbeïh, 'Aïn Terga, marque le fond delà
première.
, I
\..iu'] Bouidat, laSeguia, jalonnent la ligne de plus
grande pente de la seconde.
mes appartiennent les Biar Tanourhirt, au
second, l'Aïn Tillermet et l'Ain Talouit.
Les uns et les autres sont situés à 5oo mètres d'altitude et de part
et d'autre de la large croupe de Sidi Bou Kerkouba.

illéede l'Oued Kaïral. — La vallée de l'Oued Kaïral est un long


ji> kilomètres qui, du Nord- Est au Sud-Ouest, sépare les plateaux
des Oulàd Sidi Ben Dâoud et Bou Ziri aux plateaux Béni Meski'n ; le

i"ssé draine les eaux des uns et de l'autre et sous des noms divers,
Oued Reflet, Oued Raïb, Oued Zouar, les conduit à l'Oumm Er-Rebi'.
Son cours peut se partager en trois parties d'aspects différents et qui
correspondent à peu près aux dénominations successives de l'Oued.
Le bassin de l'Oued Reflet est en plein pays Dàoudi, ses vallées sont
peu profondes. Les mouvements de terrain qu'elles enserrent sont
comme aux environs de Guicer, l'aspect de plateaux calcaires et pier-
reux présentant des excavations naturelles, des dayas ou encore des
croupes largement arrondies et bien cultivées comme au nord de Dar

Ed-Dâoudi.
La partie médiane qui porte le nom de Kaibal, commence au Ras El-
'Aïn El-Raïbal pour se terminer au Khenag El-Kaïbal.
.'est une région tourmentée, déchiquetée, sillonnée de ravins pro-

fonds.
L'Oued traverse parfois de véritables canons aux murailles à pic. Le
sol aun aspect rougeàtre. aride, dénudé, sauf au printemps où il se
couvre de pâturages, et en certains endroits, une brousse arborescente
pousse entre les joints des pierres et en dissimule les aspérités ru-
gueus
La teneur de ce terrain en minerai de fer est certainement importante
notamment aux environs de Sakhrat El-Hamàm au sud d'Aïn Faghsi.
Le fond de l'Oued au contraire est très riche. C'est, tout le long de
son cours, une succession ininterrompue de jardins, d'arbres fruitiers,
de potagers et de vignes en treilles. Les oliviers, les caroubiers et les pal-
miers y sont très beaux.
\ excessivement pittoresque.
allée est
VOued Keffet est formé
par la réunion de six vallées secondaires
dont la plus large s'enfonce jusqu'à la ligne de partage des eaux à
\-> kilomètres au nord.
CASABLANCA — A.PPENDH 2j5

Depuis le Bir El-Djedîd des Bou Ziri où elle commence et toutle'long


de son thalweg, de nombreux puits le Bir Mesnaiet. 7 à 8 mètres, abon-
:

dant; les BiarÇânyia situés dans une région riche bien cultivée.
\u.\ environs de la cote 5oo vient effleurer sous une stratification
calcaire visible, épaisse, qui fait le tour du vallon comme une corniche,
une nappe aquifère: l'Aïn Guettera, l"Aïounet M'nimat et P'Aïounet
Et-Dieb s'y alimentent.
Oued Kaibal. Ras Et-'Aïn. — Ras EI-'Aïn, d'après les indigènes, est
la une source artificielle en ce sens
vraie source de l'Oued Kaibal. C'est
que les hommes ont dû creuser dans le flanc de la vallée pour atteindre
la nappe souterraine, dont une humidité superficielle décelait seule la

présence. Toutes les sources du Kaibal sont sur ce modèle. Les indi-
gènes leur donnent le nom d"Aïn Rektara ou Rektara. Elles consistent
soit en tranchées continues de 2 ou 3 mètres de profondeur aux parois
taillées à pic. soit en chaînes de puits reliés les uns aux autres par un
canal souterrain. Tout autour de Ras El-' Ain on remarque de ces
anciens aqueducs. Ils se sont obstrués pour une cause quelconque et
on a trouvé plus simple d'en creuser de nouveaux que de les remettre
en état.
Les tranchées par où s'écoule l'eau de la fontaine actuelle soni
récentes. Elles ont 3 mètres de profondeur sur o m. go de large et

s'enfoncent de 23 mètres dans la montagne sous une stratification cal-

caire en plein tuf.


Leur débit est d'environ 160 litres à la minute. L'eau est excellente,
20°, poissonneuse. Le ruisseau qu'elles forment irrigue une succession
de jardins fruitiers et potagers qui épousent le cours de l'Oued.

L"j4ïn Neghlet est plus connu sous le nom de Sidi Zouitini qui
appartient en propre à une Qoubbah située à 3 kilomètres au nord-est.
Elle continue le ruisseau du Kaïbal. Comme la précédente, c'est une
source artificielle. Deux chacune vont chercher sur
rektara de 3 puits
la rive droite de l'Oued nappe aquifère peu profonde (2 mètres envi-
la

ron au puits de tète). La plus importante débouche derrière un gros


bouquet de palmiers.
Oued Mathar. Ain Faghsi. —
L'Aïn Faghsi s'ouvre au pied d'un
bouquet de palmiers dans un vallon profond. Des stratifications cal-
caires 1resapparentes viennent affleurer au-dessus de la source, sa
température est de 18», son eau s'écoule par un ruisselet qui va se

perdre dans un petit jardin fruitier en aval. La Qaçba du qâïd .Mes'oûd


est plantée sur la rive droite, le site esl

"Aïn Mathar, que l'on rencontre un peu plus bas, crée le joli coin
I.

de verdure de Sidi Bràhïm. Elle s'y confine d'ailleurs, ses eaux n'en
sortent pas. Aux environs du bir des Oulâd Sidi Bràhïm, G m. 5o de
2 -f, CASAB1 VNCA ET LES CHÂOUÏA

profondeur, o m. 5o d'eau, on remarque une assez forte agglomération


de douars dont les habitants exercent la profession du potier. L'ar-
gile est en effet abondante dans cette région. Le thalweg de l'Oued a
l'aspect d'un lit de torrent ;
pierres roulées, ravinées prouvent que les

eaux de pluie doivent y passer rapidement et n'y point séjourner.


Près de la Sakhrat EI-Youdi, l'Oued Mathar fait sa jonction avec
l'Oued Temacin dont il n'était plus séparé que par une longue croupe.
Oued Temacin. 'Ain Temacin. — L'Oued Temacin est un ravin
profond dont la tète est occupée par une très belle source et le thalweg
par une succession ininterrompue de jardins. Les grenadiers y domi-
nent, mais on y trouve aussi des figuiers, des palmiers, des cognas-
siers, des bigues dont les troncs énormes grimpent aux arbres.
Oued Zouar. — Après l'Erneg M'tah El-Kaïbal, l'Oued K.aïbal prend
le nom d'Oued Zouar, sa vallée s'élargit, elle est encadrée de collines
peu élevées à l'aspect rougeàtre. Les unes sont bizarrement dressées en
pain de sucre, les autres allongées en croupe aux pentes raides dont les
stratifications schisteuses renversées apparaissent à nu.

Les Rektater.

Le chef-d'œuvre de l'art marocain est la rektara. On


fontainier
appelle ainsi un aqueduc souterrain destinéà conduire après captation

les eaux d'une vallée ou d'un bas-fond éloigné en un endroit que l'on
veut irriguer. Aussi débouchent-elles toutes dans des jardins.
La rektara se compose de puits successifs à ciel ouvert distants les
uns des autres de 5 à 6 mètres. La section du puits est rectangulaire
(o m. 80 x o m. bo\, les parois sont à pic. Un couloir où l'on peut se
tenir debout est taillé à même le calcaire tendre du sous-sol, qui rend
inutile boisage et revêtements. On rejette les terres de déblai tout autour
du regard, aussi ces rektater ont-elles à la surface, l'apparence d'un
chapelet de grosses taupinières.
Lorsque la solidité ou l'épaisseur du terrain ne sont plus suffisantes
pour pouvoir être percées en tunnel sans éboulement, la rektara se
termine en tranchée à ciel ouvert.
C'est le cas de toutes les rektater de l'Oued K.aïbal et de l"Aïn Kl-
Baïdha dans la vallée de l'Oued Bou Moûsa.
Settat possédait un merveilleux réseau de rektater. On en fait re-
monter la construction au grand-père du qâïd actuel, il y a environ
5o ans. Inutile de dire qu'elles ne sont plus en état. Depuis la dernière
Siba, l'eau ne circule plus (Voirie Plan).
CASABLVNCA — APPENDICES 277

Deux branches principales drainaient respectivement les eaux des


vallées de l'Oued Bou Moûsa et de l'Oued 'Ali Moumen.
Rektara-de l'Oued Bou Moùsa.
i° —
La première commence un peu
plus loin que le Bir Idour, à proximité de l'endroit où la route de
Guicer franchit pour la deuxième fois le thalweg de l'Oued Bou Moùsa
et aboutit à la harsa du qàïd située à 800 mètres au sud de Settat. Un
tronçon partant de cette harsa recueillait les eaux d'infiltration du
jardin et prolongeait la rektara précédente qui venait aboutir dans la
Qaçba.

RyJll Profil du. Ca

Près du Bir Idour, forme une sorte de cuvette.


la vallée s'élargit et

Cette circonstance échappé aux fontainiers constructeurs,


n'avait pas
qui ont greffé sur la branche principale deux rektater secondaires.
Elles forment avec la principale, une patte d'oie qui draine tout le
sous-sol de la vallée. Le Bir Idour est la tête de l'une d'elles. Il a
10 m. 5o de profondeur et contient mètre d'eau. La cote du fond est
1

352 mètres. Celle du point où aboutit la première partie de la rektara


est à 1 km. 900 en aval de la cote 348,?, ce qui donne une pente de
2 millimèlres par mètre environ.
La branche dela vallée d"Ali Moumen commence à km. 700 de
1

Settat au Bir Idouda situé au pied de la Got'a du cheikh Ben Daho et


vient aboutir au Dâr Rhalifa. Sa structure est la même que la précé-
dente.
278 I VSAB] VNCA H II s CHÂOUÏA

Le puits de tète a 14 mètres de profondeur, contenant mètre d'eau. 1

La cote du fond est 344 14 —


33o mètres =
celle de la bouche ;

d'arrivée 325, ce qui pour une longueur de km. 709 donne une pente
1

de 2 millimètres par mètre. A 5oo mètres du puits de tète s'embranche


sur cette rcktara une canalisation oblique qui va rejoindre celle de la

route de Guicer en passant sous thalweg de l'Oued Bou Moûsa. Un


le

système d'écluses devait permettre de faire passer l'eau à volonté dans


le canal du Dàr Khalîfa.
Irrigations. — A leur arrivée dans les jardins, ces eaux étaient
recueillies par un bassin qui les distribuait entre les plates-bandes soit
au moyen de conduits en terre cuite comme au Dàr Khalîfa, soit au
moyen de simples de cette dernière manière d'ailleurs que
rigoles. C'est
les indigènes arrosent, irriguent leurs jardins fruitiers et potagers. Le

terrain est divisé en petits carrés dans lesquels on l'ait successivement


arriver l'eau d'une rigole centrale. La quantité d'eau ainsi gaspillée est
considérable d'autant que la rigole centrale est creusée à même la terre,

sans qu'un travail préparatoire rendue imperméable. Son cours,


l'ait

d'ailleurs, est varié selon le caprice du propriétaire.


Seguia d"Aïn Ne^arh. — C'est de cette façon sommaire qu'a été
creusée la seguia qui détourne l'eau de la belle fontaine d"Aïn Nezarh
au profit de la vallée de Settat, plus exactement du jardin du qâïd.
L'idée est excellente file la courbe avec une exactitude rigou
: la seguia
reusc, mais le mal exécuté.
travail a été
Restaurée dernièrement de cette façon rudimentaire, il fallut plus
d'un mois à l'eau pour parcourir 2 kilomètres et demi qui séparent la
source du large réservoir où elle vient aboutir. Que d'eau perdue en
route Les chiffres sont éloquents le débit de la seguia.au moment où
! ;

elle sort vasque de la source, est de 400 litres à la minute.il n'est


de la

plus que de i5o au moment où elle choit dans le bassin. Ce dernier a


une contenance de 864 mètres cubes et il faut 5 jours pour le remplir.
Du réservoir part une seguia qui va arroser la 'arsa du qàïd située à
800 mètres plus en aval. Une noria à sec existe tout à côté ainsi qu'un
puits à demi comblé. La situation de ce bassin à 5oo mètres des pre-
miers arbres et de cette noria, prouve qu'autrefois tout ce fond d'oued
dut être occupé de jardins détruits probablement au cours des Jacque-
ries successives qui ont dévasté ce pauvie pays.

Aux environs de Settat, on trouve d'autres traces de travaux d'ad-


duction d'eau.
C'est la rektara qui amenait l'eau à T'A'in El-Baïdha et servait à Tar-
ies jardins du Dâi Ahmed ben 'Azoûe et celle qui drainait, au

bénéfice des propriétés du qâïd El-Hâdj El-Ma'ti, les nombreu)


du vallon de Sidi Djibli.
CASABLANCA — APPENDICES

Codification .Vu régime des eaux.

Il nous reste, pour terminer, à dire quelques mots de la codification

du régime des eaux. Le Makhzen au Maroc est le t^rand maître des


eaux. A lui appartiennent les sources, les ruisseaux et les fleuves. Il
est le dispensateur des faveurs hydrauliques et régit le service des irri-
gations.
A Sellât. « l'Amîn » des jardins, personnage officiel et représentant
du qâïd, règle le tour d'arrosage des propriétés. Malheureusement, les

qâïds ont souvent confondu leur intérêt particulier avec celui de la

chose publique ; s'ils ont capté des sources, détourné des ruisseaux,
c'est uniquement pour s'en réserver la jouissance.
Aussi aux jours de Siba et de Jacquerie, les populations révoltées
n'eurent rien de plus pressé que de détruire lesouvrages d'art.
« Le qàïd nous volait notre eau pour la conduire dans ses pro-
priétés, nous expliquait un brave homme du vallon de Sidi Djibli,
nous ne pouvions plus abreuver nos troupeaux, nous avons démoli
sa rektara. »
L'Administration française, s'inspirant du bien général et non de la

satisfaction des appétits particuliers, ne connaîtra jamais, nous l'espé-


rons, de pareils actes de sabotage.
VI

NOTE COMPLÉMENTAIRE SIR L'HYDROGRAPHIE

Par le lieutenant Tabrit.

Les principaux cours d'eau sont, du nord au sud :

L'Oued Cherrai, qui sert de limite entre le territoire des Zaer et celui
des Ziyaïda, et est formé par la jonction de l'Oued Houija et de l'Oued

Tifsasin, au sud de Djebel Charf. Il reçoit à gauche un affluent qui


descend de l'Aïn El-Krenb, source située au bord de la route du Boul-
haut, à 'Ain Sebbàh. Ses affluents de droite sont l'Oued Ahlou, l'Oued
Bou Khoubza et l'Oued Taddert. Il se jette dans l'Océan entre Bou-
Zniqa et Sidi 'Ali, en formant une petite lagune.
L'Oued Bou-Zniqa, dont l'embouchure est à 3 kilomètres de la ri-
vière précédente, coule à travers le territoire des Ziyaïda.
On rencontre ensuite une série de ruisseaux dont le plus important
estl'Oued Mançoùriya, qui passe au pied de la qaçba du même nom.
L'Oued Neffifikk, dont la source est située dans un massif monta-
gneux des Béni Khiran, et qui vient aboutir à la mer après un par-
cours de 70 à 80 kilomètres. Son embouchure se trouve à 60 kilo-
mètres de Rabat et à 28 kilomètres de Casablanca. Il coule à travers une
vallée profonde et resserrée et reçoit plusieurs affluents dont les plus
importants sont l'Oued Kl-Foqra, l'Oued Qoubbib et l'Oued Tafrou.
L'Oued Melah, qui vient aboutir à la mer à 2 kilomètres de Fedhala
après un parcours d'environ 120 kilomètres, prend également sa source
dans le massif montagneux des Béni K.hiran à 900 mètres d'altitude.
On peut identifier ce fleuve avec
le Duos ou Aouoj -ot<x;.ioî dont parle

Ptolémée. Ce lleuveprend successivement les noms d'Oued Nedja,


d'Oued Zemran, d'Oued Kl-Oantara. Son cours contourne les rochers
CASABLANCA — APPENDICES 28 1

de Sakhrat EI-Djaja. longe les montagnes des A'châch et traverse une


vallée très encaissée avant d'arriver à la mer.
L'Oued Melah nombreux affluents dont les plus impor-
reçoit de
tants sont l'Oued El-Atach, et à gauche l'Oued Bou-Aceïla grossi
:

lui-même de l'Oued El-Aoucha. et l'Oued El-Haçar. « Ce dernier, dit


le docteur Weisgerber, suit à un niveau plus élevé une direction paral-

lèle à celle de l'Oued El-Qantara, puis, se précipitant d'une hauteur

d'une vingtaine de mètres à la chute d'EI-Mizab, décrit un crochet pour


se réunir à l'Oued El-Qantara à 7 ou S kilomètres de son embou-
chure (t » .

L'Oued Ddr El-Baïdha, connu sous le nom d'Oued Bou-Zqoura,


aboutit à la mer dans une petite anse rocheuse à l'est de Casablanca
après un cours de 16 kilomètres. Il reçoit un petit affluent, l'Oued
Guerea, à quelques kilomètres au sud de la ville.

L'Oued? El-Djerrâr est un ruisseau qui se jette à la mer à 12 kilomètres


du précédent. Il s'appelle aussi Ouad Merzeg et, d'après Tissot, il faut
l'identifier avec le Ivùaa -ot^u/J; de Ptolémée.
L'Oued El-Haouya est un peu plus important sa longueur est de :

i5 prend sa source au lieu dit Ain Oukouaka.


kilomètres ; il

L'Oued Oumm Er-Rebï, VAsama (Aoâua) de Ptolémée, VAnatis de


Polybe, VAsana de Pline, est un des plus grands fleuves du Maroc. Il
prend sa source dans le Moyen Atlas, au Djebel 'Ayan. Sa longueur
totale est de 35o kilomètres. Le docteur Weisgerber divise son cours en
deux sections le cours supérieur, de 200 kilomètres environ depuis sa
:

source, jusqu'au point où le fleuve pénètre dans la région des plateaux


suballantiques, et le cours inférieur, d'environ i5o kilomètres, depuis
ce point jusqu'à la mer.
L'Oumm Er-Rebi' parcourt d'abord la région des Zayan ; après avoir
passé à Mechra' Ben khallou, où sa largeur atteint déjà 70 mètres, il
coupe la route de Rabat à Marrakech et arrive dans le territoire des
Oulâd Bou puis à Mechra' ech-Chaïr. L'Oumm Er-Rebî' coule en
Ziri,
aval de ce point dans un véritable canon, avec un courant très violent.
Il passe ensuite à Mechra' Boul-'Aouân, descend du haut plateau en
rapides, franchit Mechra' el-kelba et, après Si d Saïd ben Ma'chou, i

vers le nord dans une vallée sinueuse plus élargie, pour arriver
à la mer à 4 kilomètres d'Azemmour. Les gués sont nombreux, mais
ment praticables. De là l'usage général, pour passer d'une rive à
l'autre, du radeau d'outrés gonflées, la Ma'diya.
Les principaux affluents de l'Oued Oumm Er-Rebi' sont l'Oued Gui-
ser, l'Oued Bris, qui draine les eaux de 'Ain Terga.ct l'Oued Tiouriret.

1 Loc. cil.
v\l. LANÇA ET LES CllÀOIÏA

Nous devons ajouter à cette liste tous les oueds qui ont un débit
trop faible pour arriver jusqu'à la mer. Les principaux sont dans le :

territoire des Oulâd Saïd, l'Oued Bhar, l'Oued Sidi 'Amar et l'Oued
Bou- Ahmed qui se dirigent versl'Oumm Er-Rebî'; dans celui des
Mzâb et des A'cnâch, l'Oued Mzer, l'Oued Ziou. Il faut encore citei
l'Oued Tamdrost, qui prend sa source vers Ras EI-'Aïn et traverse la

irihu des Mzamza pour aller se perdre chez les Oulàd llarîz.
VII

NOTE COMPLEMENTAIRE SUR LA (,1 '

La pénéplaine produite par l'arasement de la chaîne hercynienne a


subi quelques modifications tectoniques, suite de dislocations ou de
simples gauchissements postérieurs à sa formation ; partout ailleurs la

pénéplaine s'étend avec uniformité sous la couverture secondaire et


Seuls des bancs de roches dures émergent de la surface géné-
tertiaire.
ralement schisteuse, nivelée par l'érosion après l'ablation de la chaîne
carbonifère. Il en est résulté des saillies de quarlzites très durs, ordo-
viciens ou dévonien il des alignements réguliers au-dessus
de la plaine environnante, partout <>ù le socle paléozoïque est décapé
des sédiments qui l'avaient recouvert. Les arêtes rocheuses ainsi for-
mées, désignées par les indigènes sous le nom de Sokhrat, sont caracté-
ristiques chez les Oulàd Saïd et dans la région de Ben Slimân. Elles
appartiennent le plus souvent à des flancs de plis, plus rarement à des

axes d'anticlinaux ; elles atteignent généralement plusieurs centaines de


mètres.
Des Gour, isolés au milieu des plaines et constitués par des Dykdes
énormes ou porphyres pétrosiliceux (i) complètent les témoins en sail-
lie des puissants phénomènes d'érosion, qui se manifestent cà et là

dans les grés par des marmites de géants.


D'une façon générale, «les différents cours d'eau qui descendent du
plateau crétacé de Settat ou de la pénéplaine des Zaer et des Mdhakra
ont atfouillé les terrains néogènes créant des vallées épigéniques remar-
quables. Telles sont les vallées inférieures de l'Oum Hr-Rebi', de

1 1 Bv
284 ' VSABLANCA Kl LES CHÀOUÏA

l'Oued Meiah, de l'Oued Neffifikh, de l'Oued Cherrât, etc. Ailleurs le


ruissellement a complètement déblayé la pénéplaine primaire de sa
couverture meuble, miocène OU pliocène, et c'est ainsi que les Sakhrat
des Oulàd Said émergent des dépots sableux pliocènes, traçant si net-
tement la direction des plis carbonifères du horst marocain ». 1 1 1

La structure qui résulte de ces régimes est non pas uniforme mais
générale.
Lntre Fedhala et Casablanca, le pliocène forme en bordure de la
mer un plateau légèrement incliné, en arrière duquel les schistes af
fleurent dans une dépression recouverte par le «Tirs». Les schistes de
Casablanca se montrent tout le long de la côte jusqu'au cap situé à
l'ouest de la ville.
Dans la dépression de l'Oued Bou Zqoura qui entame le plateau plio-
cène, les schistes primaires affleurent sous les marécages et à la bor-
dure des rdirs. Ils sont inclinés à l'ouest et sont recouverts par du
«Tirs-». Cette disposition se continue jusqu'à Dàr Kl-Hàdj Semaïn où
les grès forment au-dessus du schiste un escarpement au pied duquel
sort une source importante qui alimente un peu au nord-est un i;h'dîr
au milieu du Tirs. Jusque chez les Oulâd Saïd on trouve ainsi une
suite de mamelons gréseux, séparés par des dépressions peu profondes,
plus ou moins larges, où les schistes affleurent, et où le «Tirs» est
bien développé.
Du côté de Settat et au sud de Souq Djem'a le sol se relève brusque-
ment et passe de 200 à 3oo mètres. Le gradin indépendant
l'altitude
est constitué des mêmes schistes que l'inférieur auxquels se joignent
des grès calcarifères en gros bancs. Ces couches appartiennent au mio-
cène moyen. Le gradin supérieur s'étale jusqu'au pied du massif des
Beni-Meskin, le long de l'Oumm Kr-Bebî'près duquel la falaise de Sidi
Said ben Ma'chou, situé plus bas, et qui domine le fleuve de 100 mè-
montre une stratification particulièrement apparente. Les affleu-
tres,

rements de schistes et de quartzites sont surtout nombreux dans la


partie occidentale du plateau inférieur. On y trouve une série d'arêtes

rocheuses ires saillantes, débris d'un même anticlinal de la chaîne pri-


maire, qui se succèdent dans une ligne partant d'un point de la côte
prés de l'embouchure de l'Oued Djerrâr et se dirigeant vers Boul-'Aouân.
« Dans la partie orientale du plateau inférieur, dit M. \Vcisgerber(2)

nous avons trouvé des affleurements de formations anciennes, placés


sur une ligne à peu près parallèle à la précédente et allant du versant
ouest du petit massif de Mqartou, vers un point situé entre l'embou-

11 L. Gentil, Le Maroc physique.


21 Loc. cit.
CASABLANCA — APPENDICES 285

chure du Cherràt et la Qaçba de Sikrat. C'est dans cette sorte de


cuvette très plate, limitée à l'est et a l'ouest par des anticlinaux de la

chaîne ancienne, au nord par les hauteurs du Sâhel, au sud par le


talus du plateau moyen, encadrée de terrains primaires et tapissé..' de
dépôts pliocènes épais, que l'on trouve principalement le tirs, cette
terre noire tant discutée, dont nous avons été les premiers à signaler
la fertilité exceptionnelle. *
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VILLES ET TR1B1 S
IX

NOTE PALETHNOLOGIQUE

Par M. Pallary.

« La Châouïa n'a été encore qu'imparfaitement explorée au point de


vue palethnologique.
« Ce n'est guère qu'en 1906-1907 que nous avons relevé quelques
stations à Casablanca (1).
« Lors des fouilles effectuées à Tit Mellil pour le captage des sources
qui alimentent aujourd'hui Casablanca, on a mis à jour des pièces très
intéressantes au point de vue de l'industrie et de la faune primitives de
la Châouïa. Mais à part une petite série soigneusement recueillie par le

docteur Delmas et M. Moreau,nous pouvons considérer comme perdue


la majeure partie des documents de cette provenance.

« Enfin, l'adjudant Icard a signalé dans le Bulletin archéologique


plusieurs stations en Châouïa (2).
« Voici maintenant quelques renseignements sur ces diverses sta-
tions nous énumérerons d'abord celles du littoral, puis celles de l'in-
:

térieur.

Casablanca.

« Les environs de la ville sont riches en débris de l'âge de la pierre.

On y trouve également des amandes acheuléennes de beau style et

(1) Pallary, Rech. paleth. sur le litt. du Maroc en 1906 et en 1907, in


L Anthropologie, pp. 3oi-3i4et 167-181.
(2) Icard, Stations de silex taillés du Maroc, in Bull, archéol. 191 1,

pp. 88-90.
CASABLANCA — APPENDICES 20!

d'autres plus grossières, de gros disques et des galets à éclats alter-


natifs.
« M. Gentil a découvert à El-Onck une station d'âge plus récent :

l'industrie comprend surtout des éclats de quartzite blanc empâtés dans


un limon rouge durci.

Tit Mgltii.

« N'ayant pas vu ce gisement au moment des fouilles pratiquées pour


l'aménagement de la prise d'eau, je ne peux donner que très peu d'indi-
cations que je tiens d'ailleurs du docteur Delmas et de M. Moreau,
ancien pharmacien en chef de l'Hôpital militaire de Casablanca.
« Dans les tranchées on (i) a trouvé des ossements appartenant à de
grands vertébrés éléphant, rhinocéros, hippopotame, associés à des
:

outils en pierre de facture acheuléenne et d'autres d'époque plus


récente puisqu'il y a des flèches.
« Tous ces outils sont admirablement lustrés par le sable entraîné par
les sources.

Settat.

« M. Icard signale à Settat l'existence d'une importante station. Le


sol des monticules dominant la source, dit-il, est jonché de silex taillés :

couteaux, grattoirs, etc.

Ain ï^foumcn.

« Le même observateur signale à Aïn Moumen, à :o kilomètres au

sud de Settat, de nombreux silex taillés et des vestiges de murs ber-


bères.

Ain Gtficer.

« A 3o kilomètres au sud de Settat. Autour de la ville détruite nom-


breux silex taillés.
« Cette station, comme les deux précédentes et les suivantes, a été
signalée par l'adjudant Icard.

(i) Je suis obligé de me servir de ce pronom impersonnel, car j'ignore le

nom du gradé du génie qui dirigeait ces travaux et qui a emporté la

majeure partie des pièces exhumées.


2g2 CASABLANCA ET LES CHAOUÏA

Aïn Guettara.

«A3 kilomètres à l'est 5 à 8 mè-


de Guicer. Enceintes circulaires de
tres de diamètre. m'ont donné aucun objet,
J'en ai fouillé dix qui ne
ni silex. Ces murs d'enceinte devaient protéger les huttes rondesques

que construisent encore les Marocains dans leurs douars. Dans les
environs de la source, quelques silex taillés.

Bir Metloul.

« A 6 kilomètres à l'est d'Aïn Guettara. Nombreux silex taillés :

haches, pointes de flèches, grattoirs, etc. Petite grotte transformée en


marabout.

Aoulelli.

« Station située à 20 kilomètres à l'est de Bir Metloul, près des


ruines d'une qaçba récemment détruite du qâïd Toumi. Nombreux
silex.

Sokra.

« Pic rocheux très escarpé à 3 kilomètres à l'est d'Aoulelli. Abri sous


roche dont le sol est jonché de beaux silex : haches, grattoirs, pointes
de flèches, poinçons, etc.

Mechra ben Abbou.

« Nombreux silex taillés sur les pentes des monticules le long de


l'oued.

Aïn Igli.

« A 80 kilomètres au sud-est de Guicer, vers le Tadla. Nombreux


silex taillés autour de la source. »

P, Pallary,
LES BERGHOUATA

Les données qui suivent résument simplement les renseignements his-


toriques dispersés dans les divers auteurs, elles sont destinées à faci-
liter les recherches ultérieures sur cette partie incertaine de l'histoire
locale.

Les Berghouata apparaissent dans l'histoire à l'occasion de la cam- T"rif


pagne des kharedjites Sofrites, à laquelle ils prennent part sous les
ordres de leur chef Târîf. Celui-ci avait près de lui pendant cette cam-
pagne, son fils Çalâh, tout jeune encore, semble-t-il, et que quelques
écrivains arabes font naître en Espagne. Çalàh y étudia probablement ;

il alla aussi en Orient, et vint ensuite dans la Tamesna, « où il trouva

une population de Berbères ignorants (Djouhalâ) aux yeux desquels


il fit briller l'Islamisme, en leur prêchant la continence et la piété ».
D'après le Roudh el-Qartâs, qui s'exprime en ces termessympathiques,
eette prédication daterait de 25 H., trois ans après la prise de Tanger
1

par les K.haredjites Sofrites. Çalàh ibn Tarif eût été bien jeune. On
pourrait s'étonner aussi de le voir apprécié si favorablement, malgré
son kharedjisme, par l'historien des Idrisites. Son épopée religieuse
débute par une lacune. D'autres subsistent pour la suite (i).

Ibn Khaldoûn donne Tarif pour prédécesseur à son fils dans la voie Çalâh.
du Prophétisme. « Lors de la chute de Maisara et de la ruine de son
parti, Tàrîf resta dans la Tamesna et y soutint encore la cause de ses

iprès Al-Bayano'l-Mogrib, trad. Fagnan, t. I, p. 325, Tarif profes-


sait la religion musulmane et la presqu'île de Tarifa tire son nom de lui. Son
fils Çalàh serait né en no H. (72X :
20, ^ CASABLANCA ET LES CHA0U1A

sectaires. On rapporte même qu'il se donna pour prophète et qu'il pro-


mulga un code de lois à l'usage de son peuple. » Quoi qu'il en soit,
Çalàh prétendit ôtre le Çaldh al-Mouminîn mentionné dans le Qoran
(LXVI, 4) et on lui attribua une première apparition au commencement
de l'Islam. Du Mahdisme il passa au Prophétisme et constitua un véri-
table code de lois religieuses, s'il faut en croire El-Bekri, qui tenait ses
renseignements du << Chef de la prière » Zemmin Ibn Çâlih b. Moûsa
b. Hichâm, envoyé en mission, en Chaoual 352 (oct.-nov. 963), auprès
du Khalife de Cordoue, Al-Hakim Al-Mostancir, par le roi des Berghou-
ata, Abou Mahdi 'Isa b. Abî'l-Ançâr. Ces renseignements donnés en ber-
bère, furent traduits en arabe par Ibn Moûsa 'Isa b. Abi'l-Ançâr (1).
Du K.haredjisme, l'Islam des Berghouata évolua jusqu'à la religion d'un
nouveau Qoran.

L'hérésie. « Cette hérésie, dit le Roudh


(1), instituée par Çalâh ben
el-Qartâs
Tarif, consistait à le reconnaîtrepour prophète, à jeûner pendant le
mois de Radjab et à manger pendant le Ramadhan, à faire dix prières,
dont cinq pendant la nuit et cinq pendant le jour. Chaque sectateur de
cette religion était tenu de faire un sacrifice le 21 de Moharrem il leur ;

prescrivait dans les ablutions de se laver le nombril et les hanches; de

prier en remuant la tête seulement, sans se prosterner le front contre


la terre, excepté dans la dernière Req'a pendant laquelle ils devaient
se prosterner cinq fois de dire en commençant à manger ou à boire
;
:

Bism Yakeis, prétendant que cela voulait dire Bism Allah (Au nom
de Dieu) ; de payer la dîme de tous les fruits. Il leur permettait
d'épouser autant de femmes qu'ils voulaient, à l'exception de leurs
cousines, avec lesquelles il leur défendait de se marier; ils pouvaient
répudier et reprendre leurs femmes mille fois par jour si bon leur
semblait, leurs femmes n'étant jamais défendues leur ordonnait de ; il

tuer le voleur partout où ils le trouveraient, prétendant que le sabre

seul pouvait le purifier de sa faute il leur permit de payer le prix du


;

sang avec des boeufs ; il leur défendit la tète de toute espèce d'ani-
maux et les volailles, comme répugnantes. Quant
des choses sales et
aux coqs, comme ils indiquaient les heures de prières, il était défendu
de les tuer et d'en manger sous peine de rendre la liberté à un esclave ;
il leur prescrivait encore de lécher la salive de leurs gouverneurs en
guise de bénédiction, et, en effet, lorsqu'il crachait dans la paume de

leurs mains ils léchaient religieusement ces crachats ou ils les empor-
taient soigneusement à leurs malades pouramener laguérison. 11 leur
fit un Qoran pour lire leurs prières dans leurs mosquées, prétendant

(1) Traduction Beaumier, page 180.


CASABLANCA — APPENDICES 29?"

que ce Qoran lui avait été envoyé par Dieu Très-Haut. Celui qui
mettait en doute un de ces préceptes était infidèle. Le Qoran
seul
d'Ibn Tarif avait 80 chapitres qui se nommaient pour la plupart des
noms de prophètes ; il contenait les chapitres suivants: Adam. Noê,
Job, Moïse, Aaron, Asbath, les Douze Tribus, Pharaon, les Fils d'Is-
raël, le Coq. la Perdrix, la Sauterelle, le Chameau, Harout et Marout.
Iblis, la Résurrection, les Merveilles du monde. »

Le nouveau Prophète avait gouverné les Berghouata pendant 47 ans,


puis entrepris un voyage en Orient en leur promettant derevenir parmi
eux lors du règne de son septième successeur. A son fils Elyâs qui lui
succéda, il avait conseillé de propager sa religion, mais de grouper un
grand nombre d'adeptes avant de la professer ouvertement. Elyàs se
donna donc tous les dehors d'un musulman austère et pieux. Son
règne dura cinquante années, si l'on s'en tient à l'histoire directe des
Berghouata, mais l'aspect des choses se modifia si on rattache l'his-
toire des Berghouata à celle des Idrisites. II n'est plus question d'Elyàs
comme chef indépendant des adeptes du Prophète Çalâh.
En parlant de l'expédition de Moulay Idrîs le Grand au Tamesna en
172 H., le Roudh el-Qartàs ne dit pas qu'il y ait rencontré des héré-
tiques Berghouata. Cette anomalie apparente peut s'expliquer par le
fait,que les Berghouata dissimulèrent leur hérésie sous les formes
orthodoxes de l'Islam, de façon à échapper aux persécutions. Lorsque
Moulay Idrîs fit son expédition dans le pays de Tamesna, Çalâh ben
Tarif, qui régna 47 ans, s'y trouvait encore on peut même remarquer
;

la coïncidence de l'expédition de Moulay Idrîs et du départ de Çalâh

ben Tarif pour l'Orient.


Les populations chrétiennes et juives du pays Tamesna, que Moulay
Idrîs aurait islamisées, furent très certainement entraînées ensuite, en
grande partie, dans l'hérésie de Çalâh ben Tarif en effet, à la fin du
;

règne d'Elyâs qui dura cinquante ans, son fils et successeur Yoûnous
professe ouvertement la religion nouvelle, et l'impose à tous les Ber-
ghouata. C'est donc environ vers 322 de l'hégire, sous le règne d"Ali
El-Haïdara ben Mohammed ben Idrîs, que l'hérésie des Berghouata l'em-
porte dans la région gouvernée pardescendants de Çalâh ben Târîf.
les

Un mouvement religieux qui met un siècle à se transformer en domi-


nation politique malgré les guerres saintes et les conversions à main
armée, est un mouvement à base solide et étendue. Il n'y a donc pas à
s'étonner que l'autorité des Idrisites et celle des successeurs de Çalâh
ben Tarif aient coexisté dans la Tamesna, avant l'exclusion de l'Idri-
sisme. La Tamesna s'étendait d'ailleurs de la latitude de Salé à celle
d'Azemmour sur la côte, avec l'Atlas pour limite dans l'intérieur.
Une partie pouvait être Idrisite et l'autre non Idrisitc.
296 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

En rapprochant les dates, on voit que '.Visa ben IdrîsetElyâs ben Çalàh
berj Tarif exerçaient à la même époque une autorité dans la Tamesna.
C'était sans aucun doute chacun de son côté.
D'après le Rond h el-Qartds, après la mort d'Idrîs ben Idrîs, en 2i3
de l'hégire, 'Aïsa qui commandait à la ville de Challa et au pays de
Tamesna, se révolta contre l'Imâm Monammed son frère, avec l'inten-
tion manifeste de s'emparer du pouvoir. L'Imâm Mohammed écrivit à
son autre frère Qàsem, gouverneur de Tanger, d'aller soumettre ie
rebelle. Mais Qàsem ne répondit pas et Mohammed s'adressa encore à
un autre de ses frères, Omar, qui était à Tiguensas dans le pays des
Ghomara. Omar se mit en campagne avec des contingents de Berbères
Ghomara, Ouaraba, Cinhadja, etc. Il mit 'Aïsa en déroute; l'Imâm Mo-
hammed lui confia le gouvernement du pays qu'il venait de soumettre.
On peut conclure de ces événements que les descendants de Çalâh ben
Tarif reconnurent pendant un certain temps la souveraineté des Idri-
sites. C'est un peu plus tard seulement, en 222 de l'hégire, que profi-

tant de lajeunesse d"Ali, fils et successeur de l'Imâm Mohammed, ils se

proclamèrent indépendants avec Yoûnous ben Elyâs ben Çalâh ben Tarif.
A partir de cette époque, les Berghouata semblent maîtres incontes-
tés de la Tamesna jusqu'à l'intervention des Zenata.

L'indépendance. Yoûnous, fils et successeur d'EIvâs, professa enfin ouvertement la reli-

gion nouvelle et obligea ses sujets à se convertir sous peine de mort. Tous
les villages des non-convertis furent détruits et leurs habitants massa-
crés. Yoûnous cependant fit le pèlerinage de la Mecque. Il régna 44 ans

et à sa mort gouvernement des Berghouata échut à Ghofaïr Moham-


le

med, fils de Moâd, fils d'Elyâs, fils de Çalâh, fils de Tarif. Sous son
règne, l'empire des Berghouata atteignit une grande puissance. 11
mourut vers la fin du troisième siècle, après un règne de 29 ans, et fut
remplacé par son fils Aboul-Ançâr 'Abdallah, prince doux et respecté
des souverains contemporains. On recherchait son amitié en lui en-
voyant de riches présents. 11 n'admettait pour se vêtir que des vête-
ments sans couture et ne refusait jamais les secours qu'on lui deman-
dait. 11 mourut en l'année 341 (g52-953) et fut enterré à Tameslobt.
Son fils Abou Mançoùr'A'isa n'avait que vingt-deux ans en arrivant au
pouvoir. Son influence s'étendit beaucoup. D'autres tribus du Maghreb
lui obéissaient et il disposait de forces imposantes.
Mais, les Berghouata se développaient au détriment de l'Islamisme.
Tous les princes musulmans d'Espagne et d'Afrique, les Idrisites, les

Ommeyades et les Fatimides organisèrent contre eux des expéditions


de guerre sainte.
CASABLANCA APPENDICES 2(,J

En l'année 366 (976-977) Dja'far ben 'Ali El-Andalousi, nommé gou-


verneur du Maghreb, s'établit à Basra. Supplanté par son frère, il réso-
lut alors de faire la guerre sainte aux Berghouata et les attaqua avec
des troupes andalouses et maghrébines. Complètement défait, il ne
parvint qu'à grand'peine à rassembler les débris de son armée pour
retourner auprès de son frère, auquel il abandonna définitivement le
gouvernement du Maghreb.
Peu de temps après, les Berghouata eurent à lutter contre la grande
tribu berbère des Cinhadja, qui avaient envahi Maghreb sous
le les

ordres de Bologguin Ibn Ziri. Ils rassemblèrent leur armée sous les

ordres d'Abou Mançoûr d'Aboul-Ansar. Elle fut mise en


'Aïsa, fils

déroute par les troupes de Bologguinla plupart des Berghouata qui


;

la composaient périrent les autres furent faits prisonniers et envoyés


;

à Qairouan. Encouragé par ce premier succès, Bologguin continua la


lutte avec les Berghouata jusqu'en 372 (982-983).
En 389, un affranchi d'El-Mançoûr, Ibn Abi 'Amer, gouvernait le
Maghreb. Avec l'aide des émirs des tribus soumises à son autorité, il
organisa une expédition contre les Berghouata et leur fit subir de
grandes perles dans différents combats.
Plus tard, les Berghouata durent combattre les Béni Ifren. Ceux-ci.
sous le règne de Temîm Ibn Ziri, s'étaient installés à Challa et de là
dirigeaient de fréquentes attaques contre leurs voisins du Sud. A par-
tir de l'année 3go, Temîm Ibn Ziri redoubla d'efforts et s'empara d'une

partie de leur territoire qui fut alors gouverné en son nom.


Cependant, après la mort deTemîm, les Berghouata retrouvèrent un
peu de leur puissance jusqu'à l'arrivéedes Almoravides. Ceux-ci avaient
d'abord occupé nombre de places fortes du Maghreb, notamment dans
le et dans les montagnes des Maçmouda. Ils décidèrent
Soûs El-Aqça
laguerre sainte contre les Berghouata. Le chef almoravide Abou Bekr
Ibn 'Omar, émir desLemtouna, livra plusieurs batailles aux hérétiques :

ceux-ci résistèrent vigoureusement. Dans l'un de ces combats 1

45o(io58), Ibn Yàsîn. le convertisseur des Cinhadja. fut entouré pai


un groupe de Berghouata et criblé de blessures. On put néanmoins
le ramener au camp où, avant de mourir, il recommanda aux cheikhs

des Cinhadja de continuer l'œuvre entreprise. On l'enterra au lieu dit


Korifia et une mosquée s'éleva sur son tombeau. Les Almoravides lui
donnèrent pour successeur Solaïmân Ibn Addou, qui périt également
un an après de même, en combattant les Berghouaita
Resté seul chef des Almoravides, Abou Bekr ben Omar continua la
lutte. Les Berghouata avaient alors pour chef un nommé Abou Hafç
"Abdallah, descendant d'Abou Mançoûr 'Aïsa, fils d'Abou Ançàr 'Abdal-
lah, fils d'Abou Ghofaïr Mohammed, riis d'Elyâs, fils de Tarif. Une
298 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA

bataille décisive eut lieu sur les bords du Bou Regrâg. La défaite des
Berghouata fut complète et leur chef mourut sur le champ de bataille.
Les survivants de ce désastre se dispersèrent dans les autres tribus,
mais l'extermination n'était pas complète, puisqu'un demi-siècle plus
tard, le voyageur arabe Edrisi mentionne encore les Berghouata parmi
les tribus de la Tamesna. Le successeur d'Abou Bekr ben 'Omar, Yoù-

souf ben Tachfîn, eut encore à lutter contre eux. En 470 de l'hégire
I1077), cet émir almoravide envoya son général Çalàh ben 'Amràn pour
s'emparer de Tanger, où commandait le Hàdjib Serqout El-Berghouati,
maître également de Ceuta. Serqout, qui était âgé de 86 ans, fut vaincu
et tué et les Almoravides s'emparèrent de Tanger; ils occupèrent Ceuta
en 477 (1084).
La domination des Berghouata n'était pas restreinte, on le voit, au
seul pays de Tamesna. Dans le Nord du Maroc elle s'étendait jusque
dans la région de Ghomara.
Ainsi peut s'expliquer le passage de Léon l'Africain qui dit qu'en
l'an 323 de l'hégire (1) la Tamesna se révolta à la voix d'un prédicateur
hérétique, répondant au nom de Chemin, fils de Mennal ; il s'agit évi-
demment de Hamim Abou Mohammed, fils d'Abou Khalef Men Allah,
fils de Harir, fils de 'Amar, fils de Rahfou, fils d'Azeroual, fils de Med-

jekça. Cet imposteur est cité dans Ibn Khaldoûn comme s'étant produit
en 3 3 de l'hégire et dans le Roudh el-Qartàs en 325. Les deux ouvrages
1

disent qu'il apparut chez les Ghomara, tandis que Léon le place dans
le pays de Tamesna, sur lequel, dit-il « il régna l'espace de trente ans

et à la fin laissa les siens héritiers de son domaine qui le maintinrent


et en jouirent paisiblement environ cent ans ». Léon l'Africain parle

ensuite des guerres de Yoûsouf ben Tachfîn contre les gens du pays de
Tamesna, de ses cruautés et de la destruction de ce peuple. Il ajoute
que le pays de Tamesna resta inhabité pendant cent quatre-vingts ans
jusqu'à l'époque où Ya'qoûb El-Mançoûr l'Almohade y amena « un
certain peuple arabesque », c'est-à-dire les Béni Hilal.
Nous verrons plus loin que la destruction des gens de Tamesna par
Yoûsouf ben Tachfîn n'avait pas été aussi complète. La confusion faite
par Léon entre l'hérésie de Hamim chez les Ghomara et celle de Çalâh
ben Târîf dans le pays de Tamesna permet de supposer qu'il y avait
certains rapports entre les deux hérésies issues l'une et l'autre politi-
quement du K.haredjisme. Ces deux hérésies n'étaient pas des mouve-

1 L'édition Schefer, t. Il, p. 4, dit neuf cens vingt et troys, ce qui est
évidemment une erreur, ainsi que le fait remarquer la note de la page 5
1

du même ouvrage. L'édition elzévir de Lcyde de i632, dit « Anno Hegirae


:

trecentesimo vigesimo tertio ».


CASABLANCA — APPENDICES 299

ments isolés et indépendants les uns des autres, mais des épisodes du
soulèvement général des Berbères contre l'étranger, mouvement dé-
tourné de son véritable but et exploité à leur profit particulier par
Çalah lbn Târîf, par Hamim et par d'autres envoyés.

Plusieurs expéditions furent encore envoyées contre les Berghouata,


au milieu du sixième siècle de l'hégire, par le premier sultan almohade
'Abd El-Moumen ben 'Ali.
En 541 (11 47). son général Abou Hafç 'Omar leur infligea une pre-
mière fois un châtiment sévère. Puis, après avoir battu et tué l'impos-
teur lbn Hoùd, qui se prétendait le Mahdi et qui avait rallié à ses doc-
trines les habitants de Sidjlamasa, du Draa, ainsi que les tribus des
Doukkala, des Regraga, de la Tamesna et des Haouara, il entreprit
une nouvelle campagne contre eux, mais cette fois il se fit battre.
A l'instigation du qàdhi 'Ayâd, les habitants de Ceuta venaient de
massacrer leur gouverneur Yoûsouf ben Makhloûf, de Timmelel. ainsi
que tous les Almohades qui se trouvaient avec lui. Craignant la ven-
geance d"Abd El-Moumen, le qâdhi 'Ayâd s'enfuit en Andalousie et
rencontra à Algésiras Yahya ben 'Ali lbn Ghaniya, qui gouvernait le pays.
Il lui demanda un gouverneur pour Ceuta et lbn Ghaniya le renvoya en

Afrique avec Yahya ben Abi Bekr Eç-Çoukhaoui, partisan des Almora-
vides, réfugié également auprès de lui, après s'être enfui de Fès lors de
la prise de la ville par 'Abd El-Moumen ben 'Ali en 340 (1 146). En appre-
nant le retour d'Eç-Çoukhaoui, les Berghouata, les Doukkâla et d'autres
tribus qui venaient de se révolter contre les Almohades à la suite de la

défaite d'Abou Hafç, l'appelèrent à leur aide.


En 542 de l'hégire 'Abd El-Moumen marcha en personne contre
(1 148),
les Berghouata et alliés. 11 pénétra dans leur pays, brisa leur
contre leurs
puissance, les força à la soumission et les obligea à rompre avec Eç-
Çoukhaoui. La puissance des Berghouata était donc loin d'être détruite
un siècle après l'expédition des Almoravides. Au commencement de
l'ère almohade, en effet, ils s'alliaient contre le pouvoir central aux

tribus voisines et étendaient encore leurs alliances jusqu'à Ceuta et aux


régions du Nord du Maroc.
Deux ans plus tard, en 544 de l'hégire (u5o les Berghouata se sou- ,

levaient encore une fois et ils proclamaient un homme de Tamesna


appelé Abou Tamerkid, qui, à la tête d'un grand nombre de Berbères,
fit la guerre aux Almohades jusqu'au jour où il fut tué. Sa tête fut
envoyée à Marrakech et beaucoup de Berbères périrent avec lui. C'est
la dernière fois que l'on trouve dans l'histoire du Maroc le nom de
Berghouata.
Les auteurs arabes s'accordent à dire que la race des Berghouata fut
3(30 CASABLANCA ET LES CHÀOt'ÏA

anéantie. est plus vraisemblable d'admettre que leur nom seul dis-
Il

parut ;
Berghouata formaient en effet une tribu des plus peuplées,
les

qui avait pu conserver une indépendance complète pendant plusieurs


siècles et qui ne pouvait disparaître tout entière pour échapper aux
;

persécutions et à la ruine ils se hâtèrent de ne plus revendiquer un


nom qui rappelait aux Musulmans une hérésie, et ils se fondirent sans
doute avec les autres tribus.
Les luttes continuelles qu'ils avaient eu à subir pendant près d'un
siècle les avaient épuisés et leur territoire de la Tamesna était en grande
partie désert. 11 ne fut repeuplé que quelques années plus tard, en 590
de l'hégire(n88), lorsque le puissant sultan Ya'qoûb El-Mançoûr y eut
introduit une partie des tribus arabes de la famille hilalienne.
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES

Introduction . .

Pièces annexes
Arrêté du Résident général
Le Service des renseignements de ta Chdouta vin
Contrôle civil xn
Documents du Service des renseignements xm
Bibliographie xvm
Le pays
La côte 4
L'intérieur. Relief 6
Structure 7
Le sol 9
Régime des eaux 12
Climat 14
Végétation et animaux |5
Agriculture. Élevage 17
L'habitat 17
Population 19

Histoire 23

Anfa. Origines préislamiques 23


Histoire musulmane 25
La conquête portugaise . 25
Dar-El-Beïda 27
Établissements européens. .
3i
La conquête française 36

La ville 49
Population 52
Les indigènes 53
Les Juifs 54
Protégés et Censaux 56
1

304 CASABLANCA ET LES CHÂOUÏA


Pages.
Les indigènes 59
Personnalités indigènes 59
Mosquées. Horms 60
Zûouïas 62
Les Saints 64
Coutumes particulières 66
Mouvement d'idées 69
Administration des indigènes 70
Instruction publique 71
Impôts 71
Droits de marche 72

L'administration 75
Le Maklizen 75
Régime consulaire 76
Contrôle de la Dette. Douanes 78
Postes européennes 79
Télégraphes 79
Organisation municipale et consulaire 80
Taxe urbaine 82
Affaires indigènes et contrôle civil 83
Écoles . . 84
Hôpitaux 87
Justice 88
Service topographiqut 88

Mouvement économique 89
Le port 89
Terrains constructions
et 91
Banques et Sociétés q3
Industries indigènes 95
Commerce 96
Activité économique 97
Renseignements administratifs 102
Mouvement de la navigation 106

Les Châouïa 107

Formation ethnique 109


Le territoire 109
Les habitants 109
Peuplement berbère m
Histoire 117

Les Berghouata 117


Début de l'Islam 117
Les Béni Hassan (Ghomara) 124

Les Juifs 125

Les Berbères Châouïa : Zenata 1 3

Mediouna J i3i
Béni llren ,3 2
TABLE DES MATIÈRES 3û5
Pages.
Çinhâdja i33
Résume 1 35

Les Arabes 137


Hilaliens iîj
Djochem 1 38
Zoghba .. 143
Soleim, Ma'qil. Qorra et Riyàh 144
L'époque mèrinide 147
Les Portugais i5o

La Renaissance religieuse 154


Le Djazoulisme 1
54
Les Dynasties chérifiennes 157
Les Saadiens 157
Les Filàla 161
Fin du dix-huitième siècle i63
Dix-neuvième siècle 164
La Siba 167

PÉNÉTRATION EUROPÉENNE I72

Avant la conquête française 172


La conquête française 174
Moulay Abd El-Hafid 176
Les colonnes du Littoral et du Tirs 178
La Zàouïa d'El-Mekki 180
Les Mdhakra i83
Bou Nouala 184
Bou 'Azzaoui 186
Pacification . . . .'
187

La tribu 190
La tribu 190
Divisions de la tribu 192

Les habitants ig3

Les différentes classes 193

L'habitat 196
Les habitations 196

La me intérieure : les mœurs 200


Ustensiles usagers 200
Le vêtement 2o3
Parure 204
Tatouages Ouchàmi 205
Amulettes et sorcellerie 206

I.A VIF. ECONOMIQUE 212

Instruments aratoires 212


Divisions du champ 212
Coutumes agricoles. Calendrier agricole 2i3
La touïza 2i5

VILLES ET TRIBUS. — I. 20
3o6 CASABLANCA ET LES CHÀOUÏA
Pages.

Les silos 2i5


Le bétail; ses marques 216
Soùqs 217
Fctes agricoles 218
Fêtes religieuses 219

La vie religieuse 221

Les mosquées 221


Le faqih El-Moucharrit 222
Culte des Saints 223
Pèlerinages et Mouscms 225
Zàouïas 2»6

Appendices 237
Les eaux d'alimentation de Casablanca et de la Chàouïa .... 239
Les terres agricoles de la Chàouïa 245
Régions forestières des Chàouïa 257
Apiculture . . . .
2 63

Hydrographie des plateaux de la région de Settat 265


Note complémentaire sur l'hydrographie 280
Note complémentaire sur la géologie 283
Observations météorologiques 286
Note palethnologique 290
Les Berghouata 2 9$

Table des matières 3oi

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