L E CANON DU NOUVEAU TESTAMENT
L’Église primitive reçut des Juifs la croyance en une règle écrite concernant la foi. Christ lui-
même confirma cette croyance, en invoquant l’Ancien Testament comme parole écrite de
Dieu (Jn 5:37-47 ; Mt 5:17,18 ; Mr 12:36,37 ; Lu 16:31) ; en l’employant pour instruire ses
disciples (Lu 24:45). Les apôtres s’en réfèrent fréquemment à l’autorité de l’Ancien Testament
(Ro 3:2,21 ; 1Co 4:6 ; Ro 15:4 ; 2Ti 3:15-17 ; 2P 1:21). Les apôtres revendiquèrent ensuite pour
leur propre enseignement, oral et écrit, la même autorité que celle de l’Ancien Testament
(1Co 2:7-13; 14:37 ; 1Th 2:13 ; Ap 1:3) ; ils ordonnèrent la lecture publique de leurs épîtres
(1Th 5:27 ; Col 4:16,17 ; 2Th 2:15 ; 2P 1:15; 3:1,2) ; les révélations données à l’Église par le
moyen des prophètes inspirés étaient regardées comme constituant, avec l’enseignement des
apôtres, la base de l’Église (Ep 2:20). Il était donc normal et juste que la littérature du
Nouveau Testament s’ajoutât à celle de l’Ancien et que le canon de la foi établi jusque-là s’en
trouvât agrandi. Le Nouveau Testament lui-même nous permet de remarquer le début de ces
adjonctions (1Ti 5:18 ; 2P 3:1,2,16). Dans les générations postérieures aux apôtres, les écrits
connus comme présentant l’autorité apostolique, se rassemblèrent peu à peu, formèrent la
seconde moitié du canon de l’Église et enfin s’appelèrent Nouveau Testament. Dès le début,
l’apostolicité fut la preuve qu’un livre avait le droit de figurer dans le canon ; cela signifie
que les apôtres avaient ratifié sa transmission à l’Église, le livre ayant été écrit par l’un d’eux,
ou ayant été couvert de son autorité. C’était la doctrine apostolique. Nous avons de
nombreuses preuves qu’aux IIe et IIIe siècles, on a réuni selon ce principe les livres du
Nouveau Testament ; cependant, pour diverses raisons, le recueil complet ne se constitua
que peu à peu. Tout d’abord quelques Églises seulement reconnurent l’apostolicité de
certains livres. Ce ne fut que lorsque l’ensemble des croyants de l’empire romain eut pris
conscience de son unité ecclésiastique, que la totalité des livres approuvés comme
apostoliques dans diverses fractions de l’Église, fut universellement admise. Le processus de
rassemblement n’avait pas été d’emblée stimulé par le flot, survenu plus tard, d’hérésies et
d’écrits apocryphes s’attribuant faussement l’autorité apostolique. Mais, tandis que cette
coordination se faisait lentement, n’importe quelle Église n’admettait un livre dans le canon
que si elle le croyait apostolique. La doctrine des apôtres était la norme de la foi. C’étaient
leurs écrits qui se lisaient pendant le culte public. Nous découvrons qu’au début du IIe siècle,
on les appelait, sans ambages, « les Écritures » (Épître de Polycarpe 12 ; Épître de Barnabas
4) ; on admit les écrits de Marc et de Luc parce que l’autorité de Pierre et celle de Paul les
étayait ; on se mit à écrire des commentaires sur ces livres, dont les affirmations et la
phraséologie remplissent la littérature de l’époque postérieure à celle des apôtres. Les faits
suivants, dignes de la plus grande attention montrent à quel rythme la collection se forma.
Dès le début du IIe siècle les 4 évangiles étaient reçus partout, tandis que, selon 2P 3:16 les
lecteurs de cette épître connaissaient déjà un recueil de lettres de Paul. Très tôt déjà, les
termes d’« évangiles », et d’« apôtres », s’employaient pour désigner les 2 parties du
nouveau recueil. La canonicité des Actes est reconnue aussi à la première moitié du IIe siècle
Il est vrai que certaines fractions de l’Église discutaient quelques livres, mais cela montre
bien que leur admission finale, dans le canon a été basée sur des preuves suffisantes. L’Église
syrienne, au IIe siècle avait admis notre Nouveau Testament, excepté l’Apocalypse, Jude, la
2e épître de Pierre, les 2e et 3e de Jean. L’Église de Rome reconnaissait le Nouveau Testament
excepté l’épître aux Hébreux, les épîtres de Pierre, Jacques, la 3e de Jean. L’Église du nord de
l’Afrique avait aussi admis le Nouveau Testament, sauf l’épître aux Hébreux, la 2e de Pierre
et peut-être Jacques. Ces recueils ne contenaient cependant que les livres officiellement
acceptés dans les Églises respectives, ce qui ne prouve pas que d’autres écrits apostoliques
aient été inconnus. Pour le reste, l’unanimité se fit au cours du IIIe siècle à quelques
exceptions près. Enfin, dans l’est de l’empire romain en 367, Athanase reconnaît dans sa 39e
lettre pascale, les 27 livres comme canoniques. En 393, dans l’ouest de l’empire, le Concile
d’Hippone a également reconnu les mêmes 27 livres. Désormais on constate que le problème
est réglé, les chrétiens partout acceptent les 27 livres canoniques comme constituant la
« Nouvelle Alliance », ou, le Nouveau Testament.
À la lumière de ces faits, notons :
1. Malgré la lente coordination des écrits du Nouveau Testament en un seul volume, la
croyance en une norme écrite de la foi était celle de l’Église primitive et des apôtres. Il ne
faudrait pas croire, à cause de l’histoire de la formation du canon, qu’on a revêtu d’autorité
une règle écrite de la foi. Cette histoire ne révèle que les étapes parcourues pour reconnaître
et rassembler les livres appartenant à juste titre au canon.
2. Écrivains et Églises, même au IIe siècle, diffèrent d’opinion et de pratique quant au choix
des livres canoniques et au degré d’authenticité justifiant l’entrée d’un écrit dans le canon. Ce
fait souligne seulement, de nouveau, les étapes qu’il fallut parcourir pour faire admettre peu
à peu à l’Église tout entière la canonicité des livres. Il montre aussi que les chrétiens de
l’Église primitive n’ont accepté des livres comme apostoliques qu’après les avoir examinés
avec circonspection. De même, on révisa en temps opportun l’admission occasionnelle
d’apocryphes.
3. Le témoignage de l’histoire nous apporte aussi une preuve que les divers livres du
Nouveau Testament sont canoniques. L’Église primitive a été convaincue que les 27 livres de
notre Nouveau Testament sont apostoliques. Cette conviction mérite que nous la partagions
joyeusement, car nul ne peut prouver qu’elle est erronée. Il est clair cependant que nous
n’admettons pas ces 27 livres seulement parce que des Conciles les ont décrétés canoniques
et que nous avons en leur faveur le témoignage de l’histoire. Leur contenu, visiblement
inspiré par Dieu, contient une preuve interne à laquelle notre âme est sensible lorsqu’elle se
laisse éclairer et convaincre par Lui. Par le témoignage intérieur du Saint-Esprit, cher aux
Réformateurs, elle reçoit la ferme assurance de la foi. Elle sait, avec l’Église des apôtres et des
siècles écoulés, que Dieu a opéré un double miracle en nous donnant sa révélation écrite. Il a
inspiré toute l’Écriture et chacun des écrivains sacrés (2Ti 3:16) : puis il a donné à l’Église
primitive le discernement surnaturel dont elle avait besoin pour reconnaître les écrits
apostoliques et écarter tous les autres. Cette œuvre s’est faite lentement, avec des
tâtonnements et des retards, mais Dieu a su la conduire à la perfection et à l’unanimité.
Maintenant, le Canon des Écritures est achevé, et la Bible déclare qu’on ne peut rien y ajouter
ni retrancher (Ap 22:18-19).
4. Une dernière remarque : le mot « canon » ne fut pas décerné au recueil des livres sacrés
avant le IVe siècle Mais si ce terme, aujourd’hui universel, n’a pas été employé d’emblée,
l’idée qu’il représente — que les livres sacrés sont la norme de la foi — était, comme nous
l’avons vu, une doctrine des apôtres.
La conception de la formation du Canon que nous venons d’exposer s’allie évidemment à
la foi évangélique confirmée par la science positive qui nous fait accepter les livres de la Bible
à cause de leur inspiration divine, comme ayant été d’emblée appelés à faire autorité et à
trouver place dans ce Canon. Il en est tout autrement pour ceux qui doutent de l’authenticité
et de la vérité de ces livres. Selon eux, Moïse n’aurait pas écrit ses livres ; les « prophéties »
(celles de Daniel ou de la fin d’Ésaïe par exemple) auraient vu le jour des siècles après
l’époque de ces grands hommes de Dieu, parfois très peu de temps avant Jésus-Christ. On
comprend facilement que les partisans de telles théories abandonnent les idées
traditionnelles de la Synagogue juive et de l’Église chrétienne concernant la formation du
canon, idées qui reposent pourtant, comme nous l’avons vu sur une base dont la solidité n’a
pas été ébranlée.