Insuline et Insulinothérapie
I – Introduction
La découverte de l'insuline à l'Université de Toronto par l’équipe du jeune chirurgien Frederick Grant Banting
remonte à 1921, lui valant le prix Nobel de Médecine en 1923.
L'insulinothérapie représente le traitement principal et vital chez les diabétiques de type 1 (DT1). Elle est
de plus en plus introduite précocement chez les diabétiques de type 2 (DT2).
II – Structure de l’insuline
L’insuline est une hormone hypoglycémiante, de nature polypeptidique, produite par les cellules bêta des
îlots de Langerhans du pancréas à partir de la pro-insuline. Celle-ci est scindée (fractionner) en peptide C
composé de 31 acides aminés (AA) et insuline qui est formée de 2 chaînes reliées par des ponts disulfures:
La chaine A et La chaine B
III - Les types d’insulines
Les insulines disponibles dans le commerce sont produites par une méthode de génie génétique qui consiste
à insérer le gène codant pour l’insuline dans l’ADN d’une bactérie ou d’une levure. On distingue plusieurs
types d’insulines selon leurs durées d’actions après injection sous cutanée :
Insuline ultrarapide : analogues rapides de l’insuline
Insuline d’action rapide ou brève appelée aussi insuline ordinaire
Insuline d’action intermédiaire ou semi-lente ou semi retard = NPH
Insuline d’action lente ou retard : analogue lents de l’insuline
Mélange en proportion fixe d’une insuline d’action rapide ou ultrarapide et d’une insuline d’action
intermédiaire.
Les analogues rapides de l’insuline : Ils se présentent sous forme monomérique. La modification porte sur
l’extrémité distale de la chaîne B. Pour l’insuline lispro (Humalog®), les deux AA situés en B28 et B29 sont
dans une position inversée par rapport à celle qui est rencontrée dans l’insuline normale. Pour l’insuline
Aspart (NovoRapid®), l’AA en B28 est remplacée par un autre et la mm chose pour (Apidra®), position B29
Les analogues lents de l’insuline : 2 principales molécules : Détémir et Glargine
La Détémir (Levemir®):
Pour couvrir les besoins insuliniques de base, il faut en général faire 2 injections d’insuline détémir par
jour. Cependant, elle semble avoir une variabilité d’action plus faible que l’insuline glargine.
La Glargine (Lantus®)
Insulines intermédiaires NPH : Ce sont les premières insulines à action prolongée qui ont été produites.
Le principe consiste à introduire dans la préparation d'insuline une protéine, la protamine .
Mélange d’une proportion fixe d’une insuline d’action rapide ou ultrarapide et d’une insuline
d’action intermédiaire « Premix »
Le terme « Premix » est une dénomination générale utilisée pour désigner des préparations insuliniques dans
lesquelles sont pré-mélangés, dans un rapport fixe, deux composants insuliniques. Le premier est un analogue
rapide (lispro ou asparte), le deuxième est l'insuline NPH. Ces préparations sont commercialisées sous
différentes dénominations : Humalog Mix 25®, Humalog Mix 50®, Novo Mix 30®, 50® et 70®. Dans chaque cas,
le chiffre indiqué représente le pourcentage d'analogue rapide
Tableau 1 : Caractéristiques cinétiques des insulines disponibles en Algérie
Type d’insuline Début d’action Pic d’action Durée d’action
Analogue rapide: 5-10 min 30-90 min 4-6 h
Lispro : Humalog®
Aspart : Novorapid®
Glulisine : Apidra®
Insuline Rapide ou ordinaire: 30-60 min 2-3 h 5-8 h
Actrapid®
Insuman® Rapid
Insudal® Rapid
Insuline intermédiaire : 2-4 h 4-10 10-16
Insulatard®
Umuline® NPH
Insuman® Basal
Insudal® Basal
Analogues lents :
Glargine : Lantus® 2-4 h Pas de pic 20-24h
Detemir : Levemir® 3-4 h 6-8 h 12-20h
Mélange rapide et intermédiaire : 30-60 min 2-3h 10-16 h
Mixtard® 30
Insudal Comb® 25
Mélange analogue rapide et intermédiaire : 5-10 min 1-4 h Jusqu’à 24 h
Novomix® 30
Humalog® Mix 25 et 50
IV – Modalités pratiques de l’insulinothérapie
IV – 1 Concentration de l’insuline : La concentration de l’insuline est de 100 U/ml. Il existe des flacons à 10
ml et les cartouches pour stylos de 3ml.
IV – 2 Matériel d’administration : on utilise :
la seringue : de moins en moins utilisée,
les stylos auto-injecteurs, dispositif qui utilise de l’insuline en cartouche, permettant une meilleure
acceptation des schémas d’insulinothérapie par multi-injections,
la pompe à insuline qui est la plus efficace que les multi-injections. Elle peut être
portable ou implantable sous la peau.
IV – 3 Les voies d’administration de l’insuline:
La voie intraveineuse : elle n’est utilisée qu’en milieu hospitalier et seulement les insulines à action
rapides et ultrarapides qui peuvent être administrées par cette voie.
La voie intramusculaire : cette voie est utile pour juguler une cétose légère en absence de
déshydratation. De même, c’est avec les insulines rapides et ultrarapides qu’on peut utiliser cette
voie.
La voie sous cutanée : c’est la voie la plus utilisée en pratique courante avec tous les types d’insuline.
La voie intrapéritonéale : elle est réservée avant tout aux pompes implantables, aux diabétiques
insuffisants rénaux épurés par dialyse péritonéale chronique ambulatoire (DPCA). L’intérêt de cette
voie réside dans la cinétique de l’insuline qui est superposable à celle de la sécrétion physiologique
(voie portale).
La voie inhalée: la première commercialisation de l’insuline sous cette forme inhalée concernait
l’Exubera®, qui a été retirée du marché en 2008 devant les cas de cancers du poumon chez les
personnes utilisant cette molécule. Récemment, en 2014, l'Agence américaine des produits
alimentaires et médicamenteux (Food and Drug Administration, FDA) a approuvé une nouvelle
molécule appelée Afrezza®. A noter que la cinétique de ces formes ressemble à celle des analogues
rapides.
IV – 4 Les horaires des injections : ils dépendent de la pharmacocinétique de l’insuline utilisée:
Juste avant le repas, au moment ou à la fin du repas pour les analogues rapides de l’insuline, et les
mélanges d’analogue rapides et intermédiaire (ou prémix)
15 à 30mn avant les repas pour les insulines d’action rapide et les insulines biphasiques utilisant les
insulines rapides et intermédiaires.
45mn à 1h avant les repas pour les insulines intermédiaires monophasiques employées seules.
IV – 5 la technique d’injection :
Le site d’injection doit être préalablement désinfecté par de l’alcool chirurgical.
L’injection sous cutanée se fait en enfonçant l’aiguille de la seringue perpendiculairement après
avoir pincé la peau entre les doigts, ou en oblique à la base d’un pli
Les aiguilles de 8 mm le plus souvent utilisée, 12 mm souvent trop longues, les 5 mm sont utilisées
en cas de faibles panicules adipeux.
Tenir le pli pendant l’injection et compter à 10 après la fin avant de retirer l’aiguille pour éviter la
fuite
IV – 6 Les sites d’injection : les plus courants sont : l’épaule (deltoïdes, fosses sus épineuses), l’abdomen
(région sous ombilicale de part et d’autre de la ligne blanche), les cuisses (face antérieure et face interne),
haut des fesses et la région lombaire.
La vitesse d’absorption dépend de la région, les sites du plus rapide au plus lent sont : Abdomen, Bras,
Cuisse, Fesses.
Afin d’éviter les lipodystrophies, il faut varier les points d’injection et les espacer de 1cm au moins.
IV – 7 Conservation de l’insuline : L’insuline se conserve plusieurs années au réfrigérateur entre 2 et 8°c ou
à défaut dans un endroit frais à l’abri de la lumière et de la chaleur. Elle se dénature en cas de congélation
et si elle est exposée trop longtemps à des températures élevées supérieures à 30°. Un flacon entamé peut
être laissé 20 à 30 jours à la température ambiante si elle n’excède pas 25-30°c et à l’abri de la lumière et de
la chaleur.
V – Les Indication de l’insulinothérapie
L’insulinothérapie est définitive en cas de DT1 et DT2 en échec ou contre-indication aux antidiabétiques
oraux .
Elle est instaurée de manière transitoire chez les DT2 en cas de :
décompensation métabolique aiguë (acidocétose ; hyperosmolarité) ;
grossesse ;
pathologies intercurrentes déséquilibrants le diabète : infection sévère, intervention chirurgicale,
corticothérapie, IDM ,AVC....
Neuropathie hyperalgique
VI - Les schémas d’insulinothérapie : L’insulinothérapie idéale est celle qui reproduit fidèlement
l’insulinosécrétion physiologique. Elle doit assurer un débit basal pour couvrir les besoins entre les repas et
délivrer des bolus chaque fois que la glycémie s’élève, en particulier après les repas.
Les 3 principaux schémas sont:
insulinothérapie optimisée ou basal- bolus
Insulinothérapie à objectif limité
Insulinothérapie de survie
L’initiation d’une insulinothérapie doit se faire en milieu hospitalier et ce, afin de trouver la dose d’équilibre
adaptée à chaque malade et entreprendre une éducation diabétique (éducation aux injections, auto
surveillance, adaptation des doses…) et diététique.
– 1 L’insulinothérapie optimalisée
L’objectif de ce schéma est d’obtenir au long cours une quasi normalisation glycémique avec : des glycémies
à jeûn (GAJ) et préprandiales entre 0,70 et 1,10g /l, des glycémies post prandiales (GPP) < 1,40g/l, et une
HbA1c≤6.5 et ce, afin de prévenir les complications dégénératives du DS en particulier microangiopathiques.
Les indications de ce type de schéma:
DT1 parfaitement éduqué et motivé.
DT2 en échec au traitement oral surtout s’ils sont motivés et ayant une grande espérance de vie.
De façon transitoire en cas de grossesse(insuline passe dans le lait mais degradé dans le TD du bébé
en contaire de ADO), d’infection sévère, de préparation à une intervention chirurgicale majeure,
neuropathie hyperalgique.
Les modalités :
1er modèle : Une injection d'un analogue lent de l'insuline (Lantus, Levemir) le soir (avant le dîner ou avant
le coucher), + 3 injections d'un analogue rapide de l'insuline avant chaque repas. ( 4 injec /24h)
2ème Modèle : 2 injections d'analogues lents par jour, l'une avant le petit déjeuner, l'autre le soir (avant le
dîner ou au coucher) + 3 injections d'un analogue rapide de l'insuline avant chaque repas. Ce schéma est
indiqué quand l'analogue prolongé n'est pas suffisamment long pour assurer la couverture des besoins
insuliniques de base sur 24 heures.(5 injec/24h)
3ème Modèle : Dans certains cas, l'analogue rapide injecté avant le déjeuner n'assure pas la couverture
des besoins insuliniques dans la deuxième partie de l'après-midi. Ceci se traduit par une élévation des
glycémies en fin d'après-midi alors que les glycémies post déjeuner sont correctes. Chez ces malades,
on peut remplacer l'analogue rapide de midi par une insuline biphasique (Premix apportant 50, 30, ou
25 % d'analogue rapide, le pourcentage restant étant sous forme d'insuline NPH).
Par ailleurs, la posologie initiale d’insuline à injecter est aux alentours de 0.5 UI/kg/j répartie comme
suit:
50% d’analogue lent
50% d’analogue rapide : 1/3 pour chaque repas.
– 2 L’insulinothérapie à objectif limité :
Objectif :
GAJ < 1,60g et des GPP aux alentours de 2 g/l, HbA1c < 9%,
éviter à la fois les accidents hypoglycémiques et les complications métaboliques aiguës,
assurer au malade des conditions de vie sans symptômes liées à l’hyperglycémie (asthénie,
syndrome polyuro-polydipsique…)
Les indications :
Diabétiques dont l’espérance de vie est courte, inférieure à 10 ans (sujets âgés ou porteurs
déjà de complications dégénératives évoluées…).
sujets non motivés, refusant les contraintes des multi injections et de l’autosurveillance de
l’insulinothérapie optimalisée. Ceci est souvent le cas du DT1 du sujet jeune en phase de refus
de sa maladie.
Les modalités : deux injections de prémix avant le petit déjeuner et le diner.
– 3 L’insulinothérapie de survie :
Objectifs :
Glycémie autour de 3g/l,
éviter au malade les complications métaboliques aiguës
assurer une survie plus ou moins confortable.
Les indications : sont très limitées:
sujets âgés dont l’espérance de vie est très courte,
personnes présentant un handicap physique ou psychique rendant impossible ou
dangereuse, une insulinothérapie plus agressive.
certains adolescents en dénie de la maladie, mais en général à titre transitoire,
Les modalités : ne nécessite qu’une seule injection d’une insuline lente. Dans bien des cas, le malade
n’étant pas autonome, l’injection et la surveillance seront réalisées par une tierce personne (infirmière
ou membre de la famille).
VII - Incidents et accidents de l’insulinotherapie: « effets secndr »
– 1 Les hypoglycémies :
L’hypoglycémie est l’accident le plus redouté par les diabétiques traités par l’insuline. Elle est la rançon
quasi obligatoire d’un équilibre glycémique parfait et même considérée comme un des critères du bon
contrôle métabolique.
– 2 Les réactions allergiques à l’insuline : Exceptionnelle avec les insulines humaines
– 3 Les lipodystrophies:
Les lipoatrophies ou Les lipohypertrophie.
VII - Surveillance de l’insulinothérapie
Le diabétique doit surveiller quotidiennement son équilibre glycémique afin d’adapter les doses
d’insuline de chaque injection : c’est l’autosurveillance.
– 1 Glycémie capillaire: grâce aux lecteurs de glycémies, un cycle glycémique peut être réalisé : une
glycémie le matin à jeûn, deux glycémies pré prandiales : avant le repas de midi et du soir, deux
glycémies post prandiales : 1h30 à 2h après le repas de midi et du soir, et une glycémie au coucher.
Ce cycle sera réalisé au moins deux fois par semaine.
De même, le malade évaluera sa glycémie lors d’un malaise hypoglycémique et avant, pendant et après
un exercice physique.
Tout diabétique sous insuline doit disposer d’un carnet de surveillance où seront notés
quotidiennement : les doses d’insuline de chaque injection, les résultats des cycles glycémiques, la
chimie des urines, les malaises hypoglycémiques (heure et cause probable), les écarts diététiques...
Ce carnet est présenté au médecin traitant à chaque consultation.
– 2 Bandelette urinaire: Depuis la généralisation des bandelettes des glycémies capillaires, la
surveillance urinaire a perdu de son importance. Elle reste utile pour dépister les corps cétoniques chez
tous les diabétiques en phase de déséquilibre.
– 3 Le dosage des protéines glyquées :
HbA1c (anciennement appelée hémoglobine glycosylée) : Renseigne sur l’équilibre glycémique
des trois mois précédant son dosage. L’équilibre glycémique est jugé satisfaisant si l’HbA1c est
< 6,5 %.
-4- Les fructosamines : c’est l’ensemble des protéines glycosylées qui renseignent sur l’état de
l’équilibre glycémique à court terme (15 jours). Leurs intérêt est surtout en cas de non fiabilité du
dosage de l’HbA1c (anémie sévère par exemple), durant la grossesse et lors de changements récents
de thérapeutique.