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DR Abdelhak Bouazza, Le Passé Simple de Chraïbi Soubassements D'une Révolte Précoce

Dr Abdelhak Bouazza : "Le passé simple" de Chraïbi, soubassements d’une révolte précoce, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 20, Septembre 2020, pp. 19-37.

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DR Abdelhak Bouazza, Le Passé Simple de Chraïbi Soubassements D'une Révolte Précoce

Dr Abdelhak Bouazza : "Le passé simple" de Chraïbi, soubassements d’une révolte précoce, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 20, Septembre 2020, pp. 19-37.

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‫ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث‬

Revue Annales du Patrimoine


P-ISSN 1112-5020 / E-ISSN 2602-6945

"Le passé simple" de Chraïbi


soubassements d’une révolte précoce
"Le passé simple" of Chraïbi 
Foundations of an early revolt

Dr Abdelhak Bouazza
Université de Fès, Maroc
[email protected]

Reçu le : 31/5/2020 - Accepté le : 23/6/2020

20
2020

Pour citer l'article :


 Dr Abdelhak Bouazza : "Le passé simple" de Chraïbi, soubassements d’une
révolte précoce, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem,
N° 20, Septembre 2020, pp. 19-37.

http://annales.univ-mosta.dz

***

Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria


N° 20, September 2020
Revue Annales du patrimoine, N° 20, 2020, pp. 19 - 37
P-ISSN 1112-5020 / E-ISSN 2602-6945

"Le passé simple" de Chraïbi


soubassements d’une révolte précoce

Dr Abdelhak Bouazza
Université de Fès, Maroc
Résumé :
Le présent article est une tentative de s’arrêter de près sur les facteurs
objectifs et subjectifs qui ont concouru à l’écriture du "Passé simple", roman
de dissidence par excellence écrit en 1954 par l’écrivain marocain Driss
Chraïbi. C’est une étude contextuelle et biographique qui cherche en amont
du texte, les éléments extratextuels pertinents susceptibles d’éclairer le
parcours de l’élaboration d’un roman considérée aux dires de son auteur,
comme une bombe lancée à une société hypocrite et rétrograde. Il revient de
prospecter, en étudiant notamment à la manière de Taine, le moment et le
milieu de cette élaboration. Des éléments biographiques à la manière de
Sainte-Beuve sont également appelés pour compléter le tableau d’une révolte
à un moment où les marocains ne s’attendaient jamais que des flèches les plus
meurtrières soient décochées par un des leur.
Mots-clés :
révolte, contexte, société rétrograde, civilisation, critique sociétale.
o
"Le passé simple" of Chraïbi
Foundations of an early revolt
Dr Abdelhak Bouazza
University of Fez, Morocco
Abstract:
This article is an attempt to look closely at the objective and subjective
factors that contributed to the writing of "Le passé simple", a dissident novel
written in 1954 by the Moroccan writer Driss Chraïbi. It is a contextual and
biographical study which seeks upstream of the text, the relevant extratextual
elements likely to shed light on the development of a novel considered
according to its author, like a bomb launched at a hypocritical society and
retrograde. It comes down to prospecting, studying in particular in Taine's way
the time and the environment of this elaboration. Biographical elements in the
manner of Sainte-Beuve are also called to complete the picture of a revolt at a
time when Moroccans never expected that the deadliest arrows would be shot
by one of their own.

Reçu le : 31/5/2020 - Accepté le : 23/6/2020


[email protected]
© Université de Mostaganem, Algérie 2020
Dr Abdelhak Bouazza

Keywords:
revolt, context, retrograde society, civilization, societal criticism.
o
Introduction :
Parmi les œuvres les plus lues et les plus étudiées dans tout
le concert de la littérature maghrébine de langue française se
trouve en tête "Le passé simple" de Driss Chraïbi, roman d’une
révolte systématique écrit en 1954(1). Cartésien d’esprit ainsi que
d’une volonté en puissance extraordinaire, le jeune Chraïbi
affiche son anticonformisme et ne cache pas son aversion à la
religion, au père et à toutes les manifestations rétrogrades de la
société marocaine des années 40 et 50. C’est une société
masochiste qui se rattrape essentiellement sur la femme pour en
faire un être soumis, effacé et parfois inexistant. Le passé simple
peut se lire comme un procès ouvert contre toute une société
hypocrite et sclérosée. Visionnaire, analyste, courageux ou tout
simplement réfractaire à l’injustice, il faut dire que ce jeune
ingénieur chimiste était très en avance sur son époque à un
moment où ces sujets n’étaient en aucun cas à l’ordre du jour,
du moins dans un pays aussi conservateur que le Maroc. L’on se
demande comment ces idées révolutionnaires ont pu être
conçues dans la tête d’un jeune qui se montre en opposition
totale avec les hommes de sa tribu, au point d’en être la brebis
galeuse. L’origine de cette révolte chez Driss Chraïbi était-elle
imputable à la lecture, une lecture qui avait façonné
précocement le lycéen sur les bancs de l’école française ? Encore
faut-il se demander sur le genre de lecture auquel revient cette
révolte fondatrice imitée juste après par d’autres écrivains(2).
Est-ce que c’est le choc de culture qu’il a subi et sa réalisation
du grand écart entre deux mondes, deux réalités tout à fait
distantes et contradictoires qui l’avaient poussé à vilipender sa
société ? Etait-il ainsi un droit-de-l'hommiste avant la lettre au
Maroc pour se ranger du côté des faibles ?

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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

L’objet de cet article marque un retour sur "Le Passé


simple" pour s’interroger sur les fondements sociaux, intellectuel
et idéologique de cette révolte de Driss Chraïbi l’élève,
l’étudiant et puis le jeune écrivain plus tard. Il y sera question
d’une quête qui traque le parcours intellectuel d’un réfractaire
qui se détache complètement de l’imaginaire collectif des
écrivains marocains de l’époque. Par la force des choses, l’étude
que nous menons ici s’apparente à une investigation qui prend la
couleur d’une étude sociologique et biographique à la Taine qui
cherche les causes des faits qui précèdent l’événement. Il sera
ainsi question des contextes proche et lointain de l’élaboration
de cette œuvre.
1 - Le contexte d’une révolte :
Toujours d’actualité, Le passé simple fait encore du bruit ne
serait-ce que par ces débats sur la religion, la condition de la
femme, la pédophilie et la remise en cause des traditions qui
continuent à faire des remous jusqu’à nos jours. Autant d’idées,
en fait, dont Chraïbi était le précurseur incontesté. Les débats
actuels sur ces sujets, parait-il, n’en sont qu’un enchainement et
qui font la part belle à un auteur visionnaire. Le passé simple se
confirme également comme un texte fertile et profond qui est en
train de consacrer finalement sa trans-historicité. Jusqu’à
maintenant, des études foncières de tout poil sont toujours à
l’œuvre, et qui ne viendraient jamais à bout d’une œuvre aussi
consistante. Il faut dire que ces études qui se relayent trouvent
leur raison non seulement dans sa qualité littéraire, mais
également dans son actualité.
Si Driss Chraïbi avait craché sa fureur contre une société
rétrograde, était-il le premier à le faire ? D’où vient ce
détachement hors pair de la mémoire collective marocaine, dont
le respect et l’observation des traditions et les préceptes de la
religion étaient plus que respectées ? A cet égard, il se pourrait,
d’ailleurs, que les idées débattues ici ne concernent l’œuvre que
du côté de l’auteur qui se confond bien avec son personnage
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

auquel il a prêté son nom. La réponse à cette question nous


conduira directement à chercher dans le contexte, aussi bien
immédiat que large, ce qui a alimenté l’élaboration de l’œuvre.
Par conséquent, qu’on le veuille ou non, on se trouve engagé
dans le déterminisme du milieu et du moment de Gustave
Lanson, aussi bien que dans un biographisme à la méthode de
Taine. Une recherche du côté de l’écrivain notamment ses
préférences, ses goûts, ses fréquentations, son influence et ses
lectures sera inévitable.
Si nous émettons l’hypothèse du contexte marocain comme
facteur incontournable qui a alimenté l’imagination de l’auteur
du Passé simple, pour peu que soit sa contribution dans
l’élaboration de l’œuvre, on se voit vite frustré. Pays
conservateur, foncièrement religieux, chauviniste et pétri
jusqu’à l’inconscient de sa propre personnalité sont autant de
facteurs objectifs qui écartent toute velléité de révolte de
quelque nature que soit. On ne cessait de répéter pourtant que le
romancier, le dramaturge ou le poète, bref l’écrivain, transmet
quelque chose ayant toujours une relation avec la culture de son
époque, autrement dit le milieu. Celui-ci n’est autre que
l’ensemble des circonstances qui concourent à la production d’un
fait. Or, la référence au contexte culturel, politique, social et
idéologique ne peut éclairer l’élaboration du Passé simple. Ce
roman reflète certes la réalité marocaine, mais la transcende
largement ce qui amène à dire que Driss Chraïbi était impliqué et
non impliqué à la fois dans sa propre société. C’est une histoire
d’attirance et de répulsion. D’une part, l’implication de l’auteur
du Passé simple se concrétise dans cette thématique dont le
Maroc était le théâtre ; son pays natal où se passe tout
l’événementiel romanesque. D’ailleurs, il n’en a jamais tourné le
dos jusqu’à son dernier souffle. D’autre part, il n’était pas
impliqué dans cette société "rétrograde", parce qu’il n’a été ému
par aucun problème de ses problèmes de l’époque.
Curieusement, la déportation du roi qui avait entièrement
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

bouleversé tous les marocains ne l’avait aucunement impacté, du


moins en apparence.
Dire, sur ces entrefaites, que Le passé simple était
conditionné par le milieu de l’écrivain et/ou le moment de
l’élaboration de l’œuvre serait peu valide. En termes de Taine,
et contrairement à ce qu’il prêchait, le moment et le milieu
n’ont ni "enveloppé", ni "façonnée" Chraïbi(3). Car pour écrire un
genre dûment codifié, les Marocains n’avaient ni la tradition de
manier un genre romanesque importé dont une élite minime
venait d’en faire l’étrenne, ni même l’idée de vilipender aussi
sévèrement leur société. Pourtant, Driss Chraïbi ne manqua pas
d’air pour s’écarter de l’imaginaire collectif marocain et
démentit quelque part cette conception romantique qui
considérait l’auteur comme une caisse résonnante de la société
dans laquelle il se voit naître(4). Faisait-il l’exception ! En fait,
l’ingénieur chimiste déjoue avec malice les analyses critiques de
l’époque qui prêchaient encore que l’écrivain est le guide de la
communauté selon la vision romantique. Victor Hugo disait que le
poète "doit marcher devant les peuples comme une lumière et
leur montrer le chemin"(5). Dans cet ordre d’idées, Jung avance
que l’œuvre d’art en général, n’importe où et n’importe quand,
est considérée non pas comme une "création personnelle", mais
plutôt comme une "production personnelle". La "production" qui
diffère de la "création" échappe ainsi à son créateur pour
s’inscrire dans le mouvement plus vaste de l’inconscient collectif
qui est conditionné par ce qu’il appelle "archétype". L’archétype,
qui désigne les éléments qui structurent l’inconscient collectif ou
les constantes de l’imagination, surgit dans l’œuvre et finit par
traduire une crise de la conscience collective de toute une
société :
"L’art anticipe les grandes variations de l’inconscient d’un
peuple, c’est pourquoi l’artiste peut être défini comme un
homme collectif, qui porte et exprime l’âme inconsciente et
active de l’humanité"(6).
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

Le passé simple s’avère une "création personnelle" beaucoup


plus qu’une "production personnelle". C’est une création
complexe qui pousse finalement à chercher sa genèse non du
côté de l’imaginaire collectif, mais plutôt du côté de l’imaginaire
personnel qui nageait à contre-courant des sentiers battus. C’est
un imaginaire sans entraves qui a pour unique territoire la
liberté. L’imaginaire personnel témoigne de la subjectivité de
tout un chacun ; il traduit une façon propre, individuelle et
singulière de sentir et d’interpréter le réel loin du
conditionnement communautaire. Autrement dit, c’est le moi qui
n’agit efficacement que dans le détachement et la liberté totale
comme le dit Sartre :
"Pour qu’une conscience puisse imaginer, il faut qu’elle
échappe au monde par sa nature même, il faut qu’elle puisse
tirer d’elle-même une position de recul par rapport au monde. En
un mot, il faut qu’elle soit libre"(7).
Par la force des choses, il s’avère que le recours à ses
données contextuelles n’est d’aucun secours pour expliquer la
genèse du Passé simple à moins qu’on ne l’élargisse pour scruter
ses horizons les plus vastes. Kerbrat-Orecchioni a souligné deux
sortes de contextes : contexte linguistique et contexte non
linguistique qu’elle qualifie respectivement de "contexte étroit"
ou micro-contexte et "contexte large "ou macro-contexte. Le
macro-contexte, explique-t-elle, transcende le texte pour
embrasser le monde ambiant de la création du discours :
"Relève du contexte large (niveau macro) l’ensemble du
contexte institutionnel, le contexte se présentant alors comme
une série sans fin d’emboitements : de même le cadre physique
ultime, c’est l’ensemble du monde physique, de même le cadre
institutionnel ultime, c’est l’ensemble du monde social"(8).
Si le contexte large englobe toutes les circonstances qui
concourent de loin à la production d’un fait quelconque, il parait
que le paradigme de Chraïbi est d’un autre type d’influence.
C’est un paradigme éthique qui relève de sa sincérité, car il
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

voulait lire et se lire dans toute sa transparence sans jamais


recourir aux fards. En effet, Esprit d’écart pour ne pas écrire
comme ses contemporains maghrébins, Chraïbi s’exhibe dans une
évidence qui a choqué autant les Marocains que les Français. Il
abhorrait cette écriture ethnographique gratuite de la société
comme celle de Sefrioui ou Feraoun. L’auteur -dit Chraïbi- est
serein et notre monde actuel est loin de l’être(9). Faisant ses
études secondaires à Casablanca dans le lycée Lyautey qui
dispensait un type d’enseignement moderne, Chraïbi l’élève,
avec bien d’autres, a fait la connaissance des écrivains, des
poètes et de leurs idées philosophiques. C’est à travers la langue
française et ses écrivains que ces élèves ont découvert les idées
nouvelles et révolutionnaires ainsi que les instruments de leur
réfraction. Mais la rage et la fureur contre une société rétrograde
ne s’est concrétise davantage que lorsque Chraïbi part en
Métropole en 1945. C’est un nouveau monde qui bouleverse ses
représentations et ses perceptions déjà imprécises et
chancelantes. A deux mois de l’obtention de son doctorat en
sciences, il change de cap et refuse de soutenir sa thèse de
doctorat en sciences, étant convaincu que la science est "la
faillite de l’humanité" et qu’"elle entraîne la perte de toute
spiritualité"(10). Chraïbi entre dans l’ère du grand changement et
de grandes questions commencent à se poser d’abord sur soi puis
sur le monde, l’Autre et la relation entre l’Orient et l’Occident.
Loin des siens, loin du père féodal, "ce Seigneur" qui se confond
avec tout représentant de la théocratie musulmane, il commence
à écrire pour leur renvoyer la quintessence de ses écrivains
préférés comme Hugo, Descartes, Mauriac et autres.
2 - La "Fitna" et la révolte :
Le passé simple nous renseigne déjà sur sa propre genèse. Il
nous en fournit les matériaux ne serait-ce qu’en dévoilant des
informations précieuses sur le héros du roman. Driss Ferdi est un
héros désespéré de sa propre société, mais il est dans le même
temps ébloui par la civilisation française. C’est un héros ébranlé
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

dans ses convictions depuis son jeune âge :


"Le héros du Passé simple s’appelle Driss Ferdi. C’est peut-
être moi. En tout cas, son désespoir est le mien. Désespoir d’une
foi. Cet Islam en quoi il croyait, qui parlait d’égalité des règnes,
de la part de Dieu en chaque individu de la création, de
tolérance, de liberté et d’amour, il le voyait, adolescent ardent
formé dans les écoles françaises, réduit au pharisaïsme, système
social et arme de propagande… si j’ai choisi de vivre en France…
je continue à participer à ce monde de mon enfance et à cet
Islam en lequel je crois de plus en plus"(11).
Entre Driss Chraïbi l’homme et Driss Ferdi le personnage, la
similitude est saisissante. Si le roman, en tant que fiction, suscite
un narrateur pour raconter une histoire, c’est bien l’auteur qui le
choisit. L’identité des noms entre le personnage et l’auteur (Driss
Ferdi et Driss Chraïbi) a certainement pour objectif d’écarter
toute fiction, sinon du moins la tempérer. Le personnage qui est
un être fictif est d'abord caractérisé par sa désignation (Driss
Ferdi) à travers un prénom et un nom à charge sémantique très
significative. Si Driss est le nom du narrateur et de l’auteur, Ferdi
-qui signifie revolver en arabe dialectal- réfère à la révolte pour
tirer à bout portant sur une société sans distinction aucune. Ce
personnage est l’élément principal du roman ; il est le
protagoniste à travers lequel le lecteur est plongé dans le roman.
Mais il est également le vecteur principal à travers lequel Driss
Chraïbi transmet et expose, implicitement ou explicitement, sa
propre vision du monde. Ferdi signifie la menace et la tuerie pour
que Chraïbi marque d’emblée et clairement son intention de
règlement de compte. Selon l’expression de Barthes, le nom du
personnage est "le prince des signifiants". Son identité est
complétée par une situation familiale et sociale, l'environnement
puis une caractérisation psychologique. La démarche réaliste du
roman s’est donnée pour ambition de soutenir cette vision du
monde portée par le personnage central qui est Driss Ferdi. Dans
Le Passé simple, ce que reflète le personnage est en accord avec
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

ce que souhaite l’auteur comme il l’a bien clarifié dans ses


interviews. De plus, il faut préciser que le meilleur outil de
l’auteur pour apporter quelque chose aux lecteurs est son
personnage. Grâce à celui-ci l’écrivain expose ce qu’il désire.
En effet, Driss Ferdi est l’indigène typiquement
occidentalisé. Son père en est déjà conscient, notamment des
dangers qui le guettent :
"Et toi, toi que nous espérions notre gloire, qui es-tu ? va
pour le couteau, va pour le Ramadan, mais ton rêve ? Il est de
nous quitter et de nous oublier tous, bien, vite et totalement,
dès que tu seras parti... de nous haïr, de haïr tout ce qui est
musulman, tout ce qui est arabe, sais-tu pas ce qu’il est devenu
d’Abdejlil, ton ancien professeur à l’école Guessous ? Il est à
Paris, il est devenu catholique et même prêtre... tâche de faire
mieux ; Dieu t’assiste ! tu seras peut-être pape".
Qui est-ce Abdejlil cité par le père comme l’exemple de
dévoyé ? Tout d’abord, il faut dire que le père du narrateur
s’adresse à son fils par antiphrase, une figure de style qui signifie
communément le contraire de ce que l’on pense. C’est une
remontrance voire une dénonciation sous-entendue d’un
comportement aussi déviant aux yeux du père. Si Abdejlil est
donné comme exemple, il est ainsi la figure de proue de l’écart
et de l’extrémisme, bref de l’hérésie pour avoir troqué sa
religion contre une autre. Pour comprendre "le phénomène
Abdejlil", il faut revenir au contexte de sa christianisation. Si le
contexte - dit Michèle Archambault - ne diffuse pas
d’informations au sens où un essai ou un documentaire peut le
faire, il transmet bien quelque chose qui nourrit, construit le
lecteur, alimente sa réflexion, enrichit sa pensée(12). En effet,
originaire de Fès, ancien élève de l’école musulmane de sa ville
natale, puis ancien élève de l’école de Foucault de Rabat,
Mohammed Ben Abdel Jalil est issu d’une famille de notables
fassis éduquée dans la tradition musulmane. Il fut le premier
personnage marocain converti au christianisme en 1928 pour
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

prendre le nom de Jean et accéder plus tard à la plus haute


fonction du clergé au Vatican. Resté longtemps attaché au
général Lyautey qui l‘affectionnait beaucoup, celui-ci ne cacha
pas son enthousiasme quand il apprit son baptême. "Tant mieux,
disait-il, c’est un bon coup à..."(13). La christianisation de
Mohammed Ben Abdel Jalil a créé un tollé au Maroc. Quand il se
fit baptiser, les étudiants marocains à Paris ont envoyé un
télégramme d’alarme dans l’urgence au palais du sultan en disant
qu’Abdel Jalil est atteint de folie. Il est victime du prosélytisme,
disait-on à l’époque. C’est un acte d’apostasie, un renoncement
public de sa foi. Ses parents s’étaient affolés, et son frère partit
à la hâte de Rabat à Paris afin de prêter main forte à son frère
qu’il croyait effectivement fou(14).
Si Chraïbi en fait la mention dans son roman, c’est que la
mémoire collective marocaine en est restée blessée pendant
longtemps. Mohammed Ben Abdel Jalil n’était pas le seul à avoir
changé de religion, car la christianisation des populations passées
sous domination est aussi vieille que la colonisation. Tout un
arsenal de moyens humains a été employé, surtout par les pères
blancs, pour convertir les gens dont primordialement les
missionnaires, le dispensaire, l’hôpital et l’école(15). Pour ce
faire, on faisait connaitre également la religion chrétienne par
les œuvres de charité à travers des missions caritatives et
humanitaires. C’est un prosélytisme qui consiste bel et bien en
une violence symbolique dont l’objectif est non pas la
christianisation en soi, mais plutôt la domination par la voie de
l’adhésion et de l’obéissance. Dans les pays colonisés, et
contrairement à la métropole, la laïcité n’était pas d’actualité
dans les territoires occupés(16). La "mission civilisatrice" qui
stipule la supériorité de la civilisation française sur toutes les
autres civilisations assigne aux Français la tâche d’amener ces
"civilisations inférieures" au niveau de la civilisation française.
C’est une manière courante de justifier l’expansion coloniale
depuis le XIXe siècle. Cette violence symbolique est d’autant plus
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

efficace dans la mesure où elle est subtile et invisible ; elle vise


plus précisément à engendrer la participation des dominés à leur
propre soumission. La violence symbolique, écrit Pierre Bourdieu,
est : "Cette coercition qui ne s’institue que par l’intermédiaire de
l’adhésion que le dominé ne peut manquer d’accorder au dominant
(donc à la domination) lorsqu’il ne dispose, pour le penser et pour se
penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d’instruments
qu’il a en commun avec lui"(17).
Peut-on dire d’ores et déjà que la révolte de Chraïbi est le
résultat d’une violence symbolique de la modernité qu’il a déjà
subie à l’école française ? Il faut dire que la supériorité
intellectuelle de l’Occident sur les autres nations, au Maroc en
l’occurrence, a été vécue comme l’a bien dit Khatibi tel un
trouble, une "fitna"(18). L’intrusion étrangère avait pour séquelles
des pertes et des ruptures, une mutilation de l’être, une
désunion de la famille suite à un changement forcé dans le mode
de vie et de penser. Face à l’intrusion étrangère, le maghrébin
fait état d’un double sentiment, celui d’une grande admiration,
car-selon l’expression de Khatibi, l’Occident habite notre être en
tant que pôle civilisé ; mais dans le même temps il est l’objet
d’une haine puisqu’il est à l’origine de la subversion d’une
harmonie séculaire de la société. Néanmoins, ce bouleversement
sociétal a au moins obligé l’écrivain maghrébin à émerger dans sa
personnalité. Le "je" individuel qui n’avait quasiment d’existence
devant ce "nous" collectif, resurgit pour faire entendre sa voix
tout d’abord face aux siens puis face aux autres pour se faire
sujet et non pas objet comme le note Abdellah Laroui :
"Le sujet par excellence du roman est de dévoiler une
structure sociale à travers une expérience individuelle, ses
succès, ses échecs directs ou indirects. Ce sujet n’avait aucune
base objective dans la société arabe"(19).
Chraïbi n’était pas la seule voix dissidente à l’époque. Bien
avant lui, des plumes subversives avaient vécu cette expérience
de la rencontre avec l’Occident pour oser remettre en cause le

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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

traditionalisme de leurs sociétés, comme notamment les


égyptiens Qasim Amin (1865-1908) et Taha Hussein (1889-1973).
Leur séjour en France, en tant qu’étudiants, était suffisant pour
qu’ils soient influencés par toutes les idées des penseurs
européens de l’époque, notamment Charles Darwin et Herbert
Spencer. Leurs révoltes quant à la condition de la femme, la
religion et l’autorité leur avaient valu les courroux de la société
et du pouvoir. Comme l’écrit Lawrence Stone, "il n’y a pas de
vraie révolution sans idées pour l’alimenter"(20).
Développant un esprit révolutionnaire sur les bans de l’école
française, Driss Chraïbi le retourne contre sa propre société
traditionnelle. La dédicace de l’œuvre à François Mauriac n’est
certainement pas gratuite, et elle est à comprendre dans ce sens.
En lui soulignant "Il y avait alors la révolte et l'espoir", l’auteur
fait mention à cette révolte - croyons-nous - qui est intervenue
dans la vie de Mauriac peinte dans Thérèse Desqueyroux, roman,
quelque part, autobiographique. Femme libre et émancipée,
Thérèse contrevient aux us et conventions de son milieu par
l’usage de tabac par exemple. Jean, c’est quelque part Mauriac
jeune qui découvre la liberté des études parisiennes et se montre
irresponsable et inconscient. Il peut s’agir également de sa
position en faveur de l'indépendance des pays maghrébins tout en
condamnant ouvertement lors d’une conférence prononcée le 15
novembre 1954 intitulée L’imitation des bourreaux de Jésus
Christ où il condamne ouvertement l’usage de la torture par
l'armée et la police françaises en Algérie(21). Toujours est-il que
quelque vingt années plus tard, interrogé par Kacem Basfao en
septembre au sujet de ses rapports avec Mauriac et de la
fameuse dédicace, l'écrivain persiste dans ses rancœurs et
affirme : "J'ai dédié ce livre à François Mauriac pour me foutre de
lui, parce que c'était soi-disant le représentant, le défenseur du
Maroc".
Avec Catherine, sa première femme alsacienne, Chraïbi
découvre en France les grands auteurs anticonformistes
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

américains comme Erskine Caldwell, James Baldwin, Faulkner et


John Steinbeck ainsi que le franco-italien Louis Calaferte.
Scandaleux et grossiers, ces écrivains qui font la peinture
grotesque et sans complaisance d’une certaine Amérique sudiste
et misérable ont eu raison de Driss Chraïbi qui jette son dévolu
de façon similaire sur la réalité marocaine de l’époque.
3 - Chraïbi droit de l'hommiste :
S’inscrivant dans l’humour et le dévoilement de la dure
réalité du vécu, l’œuvre de Chraïbi prend la couleur d’une étude
sociologique qui n’épargne aucune vérité crue, aucune cruauté,
aucun tabou. Parler de la dimension sociologique dans son
œuvre, cela se comprend, car elle a été colorée d’un souffle de
la condition humaine. Mais parler des droits de l’homme et du
respect de la dignité humaine dans son œuvre est aussi
surprenant qu’inattendu. En fait, la question des droits de
l’homme n’a jamais été l’apanage des pouvoirs en place ou des
instances internationales. L’œuvre littéraire, elle aussi, en a
toujours porté l’empreinte au sens contemporain du terme.
En effet, la maltraitance et l’exploitation des enfants, la
condition de la femme, les droits des minorités ethniques, bref la
misère sociale et morale ont toujours existé dans les littératures
du monde. Dickens, Zola, Victor Hugo et Jean-Paul Sartre, pour
n’en citer que ceux-ci, s’étaient toujours ralliés du côté des
faibles et des opprimés sur terre. Les écrivains Marocains n’en
ont pas fait l’exception au point d’avoir été exposés aux dures
représailles du système en place(22). Si Sefrioui célèbre le passé
dans La boite à merveilles, Chraïbi quant à lui condamne et
dénonce le présent marocain dans son Passé simple. La majorité
de son œuvre semble répondre au diktat du pape de
l’existentialisme qui conçoit la fonction de la littérature comme
la relation des convulsions de l’Histoire. Chraïbi a prêté sa voix
aux plus démunis sur terre dans un engagement patent tel que l’a
bien tracé Sartre :
"Alors, l’écrivain se lancera dans l’inconnu : il parlera, dans
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

le noir, à des gens qu’il ignore, à qui l’on n’a jamais parlé sauf
pour leur mentir il prêtera sa voix à leurs colères et à leurs soucis
par lui, des hommes qui n’ont jamais été reflétés par aucun
miroir et qui ont appris à sourire et à pleurer comme des
aveugles, sans se voir, se trouveront tout à coup en face de leur
image"(23).
Des œuvres comme "Le passé simple", "L’Ane", "Les Boucs",
"La Mère du printemps" ou "Naissance à l’aube" se situent entre la
dénonciation des oppressions ordinaires dans une société
marocaine machiste, despotique et fossilisée par des mœurs
immuables et un dévoilement de la condition défavorable du juif
et de l’immigré. Cette compassion avec les faibles traduit un
certain humanisme de Chraïbi qui a été toujours sensible aux
malheurs des autres : "J'étais un adolescent qui ne connaissais
que deux mondes restreints : celui de la maison (pas de
fréquentations, commandait le père), et le monde du lycée. Mais
voici : j'ai toujours été animé par quatre passions : le besoin
d'amour, la soif de la connaissance lucide et directe, la passion
de la liberté, pour moi-même et pour les autres ; et enfin la
participation à la souffrance d'autrui... Quand je rentrais du
lycée, je voyais des gens assis, des gosses abandonnés à eux-
mêmes, des gens qui attendaient, on ne sait quoi… C'est de cette
époque que date ma révolte. Elle a été souterraine pendant des
années… La révolte qui couvait en moi était dirigée contre tout :
contre le Protectorat, contre l'injustice sociale, contre notre
immobilisme politique, culturel, social. Et puis, il y avait autre
chose : ma mère. Rendez-vous compte : je lisais du Lamartine,
du Hugo, du Musset. La femme, dans les livres, dans l'autre
monde, celui des Européens, était chantée, admirée, sublimée.
Je rentrais chez moi et j'avais sous les yeux et dans ma sensibilité
une autre femme, ma mère, qui pleurait jour et nuit, tant mon
père lui faisait la vie dure. Je vous certifie que pendant 33 ans,
elle n'est jamais sortie de chez elle. Je vous certifie qu'un enfant,
moi, était son seul confident, son seul soutien"(24).
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

Il n’y a pas plus claire que cette déclaration de Chraïbi


quant à l’origine de son engagement qui est doublement
conditionné. Son monde immédiat, celui de la misère des petites
gens qui l’entouraient et sa révélation très tôt sur des idées à
coloration sociale des écrivains, Hugo en l’occurrence.
L’engagement aux valeurs universelles de l’auteur des Misérables
l’avaient certainement influencé. L’engagement de Hugo va faire
de lui la voix des faibles et des exclus revêtant ainsi un caractère
particulier. Ni l’art pour l’art, ni l’art pour la politique mais l’art
pour l’égalité pour le bien de l’humanité. "La moitié de l’espèce
humaine -dit Hugo- est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer :
donner un contre-poids au droit de l’homme le droit de la
femme"(25). Driss Chraïbi était un défenseur et un commenceur ;
défenseur des droits inaltérables de l’homme abstraction de sa
couleur ou son appartenance ethnique et commenceur d’une
forme de contestation qui allait être imitée par des écrivains
maghrébins. Il faut dire que, c’est durant cette période que
débute la naissance d’une génération de poètes et romanciers
très audacieux voire jusqu’auboutistes. C’est une génération qui
s’inscrit d’emblée dans la contestation déjà inaugurée par Le
passé simple ; une contestation contre l’injustice, l’exploitation
et la forfaiture. A la veille comme au lendemain de
l’indépendance du Maroc, la misère et l’injustice sociale étaient
trop visibles pour que l’écrivain marocain reste impassible face à
l’arbitraire.
Le fondateur de la revue Souffles, Abdellatif Laabi, ne
saurait concevoir la littérature sans engagement. D’obédience
littéraire à ses débuts, la revue n’avait pas tardé à s’octroyer une
couleur politique pour démystifier le système en place en
embrassant la souffrance de la masse populaire. Dès le début,
elle s’attaque aux violations des droits de l’Homme et refuse tout
enfermement dans la sphère littéraire et culturelle pour servir de
plate-forme à des prises de position politiques(26). Laabi n’a
jamais failli à ces principes même s’il a purgé une peine de huit
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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

ans pour cause de militantisme politique :


"La littérature engagée ? Comment la littérature peut être
désengagée, alors qu'elle opère sans cesse sur le vif, se situe au
cœur de "l'être ou ne pas être", brûle de la brûlure des
interrogations, alors que l'écrivain a choisi face au terrible sphinx
humain de mettre sa tête dans la balance"(27).
Pour les écrivains de la revue Souffles, Driss Chraïbi y était
pour beaucoup. Il a ouvert la voie à une création libre qui marque
une rupture avec une écriture sourde et complaisante qualifiée
"d’excroissance malodorante". Aux pas de Chraïbi, ils ont
réhabilité toute sorte d’expression artistique dénigrée jusqu’alors
comme la littérature populaire ou encore la langue et la culture
amazighs qui n’avaient pas de place dans le concert littéraire
maghrébin. Driss Chraïbi a encore ouvert la voie à des écrivains
réfractaires et acharnés comme notamment Khair Eddine, Laâbi
et Nissaboury qui joignent l’esthétique au combat politique.
Conclusion :
La publication du "Passé simple" par Driss Chraïbi reste une
date fatidique non seulement dans l’histoire de la littérature
marocaine mais aussi maghrébine. Les Marocains n’auraient
jamais pensé lire un roman aussi violent écrit très tôt par un
marocain qui dénonce ouvertement sa propre société. Ceci étant,
le contexte de la naissance du "Passé simple" était une naissance
difficile, gouvernée notamment par des circonstances d’ordre
social et politique. Par ailleurs, l’influence et l’admiration de
l’écrivain vis-à-vis de l’Occident était tranchante ; ce fut un
trouble auquel il était difficile de résister. Des lectures d’ordre
littéraire et philosophique ainsi que l’influence par des idées
progressistes et révolutionnaires avait bien impacté le jeune
étudiant qu’il était. Ayant créé un tollé au sein d’une bonne
partie de l’intelligentsia marocaine, les thèmes abordés par le
roman étaient pourtant le fruit du vécu de l’époque. C’est un
réquisitoire ouvert d’une société rétrograde, encore attachée à
des valeurs obsolètes.
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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

Notes :
1 - Roman longtemps réprouvé au Maroc jusqu’à l’avènement de la revue
Souffles qui l’a réhabilité dans son premier numéro en 1967. Abdellatif Laâbi
l’a fait connaitre auprès d’une intelligentsia marocaine moins préoccupée de
combattre un Occident envahissant, que de lutter contre le conservatisme
étouffant d’une dictature en train de s’installer.
2 - Nous pensons exclusivement à cette influence subie par Mohammed Khair
Eddine dans ses œuvres romanesque et poétique ainsi qu’à Rachid Boudjedra
et Tahar Benjelloun et bien plus tard Abdelhak Serhane.
3 - Hyppolite Taine : Philosophie de l'art, Quatrième partie, La sculpture en
Grèce, La race (chap. I), Fayard, Paris 1985, pp. 273-287.
4 - Voir Paul Benichou : Le Sacre de l'écrivain, Essai sur l'avènement d'un
pouvoir spirituel laïc dans la France moderne, Corti, Paris 1973.
5 - Victor Hugo : Préface des Nouvelles Odes, Œuvres complètes, Club français
du livre, T.II, p. 475.
6 - Christian Chelebourg : L’imaginaire littéraire. Des archétypes à la poétique
du sujet, Armand Colin, Ed. Nathan, Paris 2000, p. 29.
7 - Jean-Paul Sartre : L’Imaginaire, Gallimard, Coll. Idées, Paris 1979, p. 19.
8 - Cité in Anne-Marie Chabrolle-Cerretini : "Le contexte (du linguistique au
littéraire), une notion à géométrie variable", Pratiques, 2006, pp. 89-97.
9 - Jean Déjeux : Littérature maghrébine de langue française, Editions
Naaman, Québec 1980, p. 277.
10 - Ibid., p. 279.
11 - Voir la Préface de son roman l’Ane, Editions Denoël, 1956.
12 - Michèle Archambault : "Culture littéraire et culture informationnelle. A
l'heure du numérique, la reconnaissance d'un domaine info-littéraire", Les
Cahiers du numérique, Vol. 5, N° 3, 2009, pp. 115-130.
13 - Voir Louis Rouanai : "Le premier prêtre algérien", L’Effort algérien du 20
septembre 1935, N° 371. https://gallica.bnf.fr/ark/
14 - Voir Abdelhadi Boutaleb : Souvenirs témoignages et figures, Vol. 1,
Entreprise Saoudienne de Recherches et d’Edition, Rabat 1992, pp. 163-166.
15 - Louis Althusser parle des Appareils idéologique de l’Etat (AIE). Ce sont des
institutions comme l'AIE religieux (le système des différentes Eglises) ; l'AIE
scolaire (le système des différentes "Ecoles", publiques et privées) ; l'AIE
familial ; l'AIE juridique ; l'AIE politique (le système politique, dont les
différents Partis), l'AIE syndical ; l'AIE de l'information (presse, radio-télé,
etc.) ; l'AIE culturel (Lettres, Beaux-Arts, sports, etc.). Voir Louis Althusser :
Positions, Les éditions sociales, Paris 1976.
16 - Jean-Louis Triaud : "Une laïcité coloniale. L'administration française et
l'islam en Afrique de l’ouest", Politique, religion et laïcité, P. U. de Provence,

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N° 20, Septembre 2020
Dr Abdelhak Bouazza

Aix-en-Provence 2009, pp. 121-143.


17 - Pierre Bourdieu : Méditations pascaliennes, Seuil, Paris 1997, p. 204.
18 - Le mot arabe "fitna" date depuis la fin de la première moitié du premier
siècle de l’hégire pour référer à la guerre civile ayant suivi l’assassinat du
calife Uthman en 656 après J.-C. C’était une guerre civile pour que le mot ait
pour synonyme révolte, sédition ou émeute. Le mot "fitna" signifie également
le grand amour qui fait perdre la raison et la lucidité. Le mot qui lui est
équivalent en langue française est le mot trouble qui réfère à son tour à deux
acceptions dont l’une est le corollaire de l’autre. Le trouble signifie le
désordre, l’émeute, la confusion, l’effervescence et l’égarement. Mais il
signifie aussi "l’émotion tendre, le désir amoureux, l’émoi", Le Robert.
19 - Abdellah Laroui : L’idéologie arabe contemporaine, Maspero, Paris 1967,
p. 23.
20 - Cité par Gérard Mauger : "Les origines intellectuelles de Mai 68", Lectures
militantes du XXe siècle", Revue du centre d’Histoire, N° 29, 2009, pp. 109-
122.
21 - François Mauriac : L’imitation des bourreaux de Jésus-Christ, Desclée de
Browers, Paris 1984.
22 - Laâbi a purgé une peine de huit ans d’emprisonnement pour avoir osé
critiquer le système de Hassan II.
23 - Jean-Paul Sartre : Qu’est-ce que la littérature ?, Gallimard, Coll. Folio
essais, Paris 1986, p. 267.
24 - Abdellatif Laâbi : "Driss et nous", Souffles, N° 5, Premier trimestre, 1967,
pp. 5-10. http://clicnet.swarthmore.edu/souffles/s5/2.html
25 - Victor Hugo : Actes et paroles, vol. IV, p. 55.
26 - Voir Marguerite Rollinde : Le mouvement marocain des droits de
l’Homme. Entre consensus national et engagement citoyen, Karthala,
Paris 2002, p. 153.
27 - Abdellatif Laâbi : "Droits de l'Homme et littérature engagée au Maroc", in
Horizons Maghrébins, Le droit à la mémoire, Ecritures maghrébines et
identités, N° 11, 1987, pp. 50-52.

Références :
1 - Althusser, Louis : Positions, Les éditions sociales, Paris 1976.
2 - Archambault, Michèle : "Culture littéraire et culture informationnelle. A
l'heure du numérique", Les Cahiers du numérique, Vol. 5, N° 3, 2009.
3 - Benichou, Paul : Le Sacre de l'écrivain, Essai sur l'avènement d'un pouvoir
spirituel laïc dans la France moderne, Corti, Paris 1973.
4 - Bourdieu, Pierre : Méditations pascaliennes, Seuil, Paris 1997.
5 - Boutaleb, Abdelhadi : Souvenirs témoignages et figures, Vol. 1, Entreprise

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Revue Annales du patrimoine
Le passé simple de Chraïbi soubassements d’une révolte précoce

Saoudienne de Recherches et d’Edition, Rabat 1992.


6 - Chabrolle-Cerretini, Anne-Marie : "Le contexte (du linguistique au
littéraire), une notion à géométrie variable", Pratiques, 2006.
7 - Chelebourg, Christian : L’imaginaire littéraire. Des archétypes à la
poétique du sujet, Armand Colin, Ed. Nathan, Paris 2000.
8 - Chraïbi, Driss : L’Ane, Editions Denoël, 1956.
9 - Déjeux, Jean : Littérature maghrébine de langue française, Editions
Naaman, Québec 1980.
10 - Hugo, Victor : Œuvres complètes, Club français du livre.
11 - Laâbi, Abdellatif : "Driss et nous", Souffles, N° 5, Premier trimestre, 1967.
12 - Laâbi, Abdellatif : "Droits de l'Homme et littérature engagée au Maroc", in
Horizons Maghrébins, N° 11, 1987.
13 - Laroui, Abdellah : L’idéologie arabe contemporaine, Maspero, Paris 1967.
14 - Mauger, Gérard : "Les origines intellectuelles de Mai 68", Lectures
militantes du XXe siècle", Revue du centre d’Histoire, N° 29, 2009.
15 - Mauriac, François : L’imitation des bourreaux de Jésus-Christ, Desclée de
Browers, Paris 1984.
16 - Rollinde, Marguerite : Le mouvement marocain des droits de l’Homme.
Entre consensus national et engagement citoyen, Karthala, Paris 2002.
17 - Rouanai, Louis : "Le premier prêtre algérien", L’Effort algérien du 20
septembre 1935, N° 371.
18 - Sartre, Jean-Paul : L’Imaginaire, Gallimard, Coll. Idées, Paris 1979.
19 - Sartre, Jean-Paul : Qu’est-ce que la littérature ?, Gallimard, Coll. Folio
essais, Paris 1986.
20 - Taine, Hyppolite : Philosophie de l'art, Quatrième partie, La sculpture en
Grèce, La race (chap. I), Fayard, Paris 1985.
21 - Triaud, Jean-Louis : "Une laïcité coloniale. L'administration française et
l'islam en Afrique de l’ouest", Politique, religion et laïcité, P. U. de Provence,
Aix-en-Provence 2009.
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