La patience
Je vais vous parler de la patience, sa définition, les vices qui s’opposent à la patience, puis je fini-
rai par des conseils pour grandir dans la patience.
Définition de la patience
Il s’agit d’une vertu qui a toujours été reconnue par les hommes, bien avant le christianisme.
Elle est liée aux épreuves de la vie, elle nous procure une force intérieure qui nous permet de
tenir ; le sage qui est vraiment patient est devenu invulnérable par rapport aux accidents de la vie.
Les stoïciens ont pour leur part, beaucoup insisté sur la patience, car ils la considèrent comme
la soumission et l’adhésion à l’ordre du monde. Sénèque a dit : « toute chose est nécessaire ! » Si
c’est arrivé, c’est que cela devait arriver ! Cette « fatalité acceptée » est partagée encore par beau-
coup de penseurs contemporains.
Précisons par contre que cette pensée n’est pas tout à fait chrétienne !
Dans l’Ancien Testament, la patience est également présente, et peut être définie par deux
mots : tout d’abord comme étant un attribut de Dieu, car Il est patient avec les pécheurs et
envers son peuple, lent à la colère.
Mais cette patience est parfois attribuée à l’homme dans le proverbe Pv 16,32 :
« L’homme patient vaut mieux que le héros,
mieux vaut maîtriser son humeur que prendre une ville ! »
Ainsi donc celui qui est patient a une puissance intérieure qui ressemble à celle de Dieu. La
patience a une grande force !
Le deuxième mot qui définit la patience est l’espérance, à tel point que les traducteurs tra-
duisent très souvent le mot patience par le mot espérance ! Dans la bible, on retrouve souvent ce
lien entre la patience et l’espérance : « je patiente parce que j’espère que Dieu va réaliser ses pro-
messes ! »
Il ne s’agit pas d’une pensée païenne, mais juive : « je patiente, car j’ai confiance que Dieu va
accomplir ce qu’il a promis et donc je peux attendre en souffrant, car de toute façon, ce qui est
bon va arriver ! » Cette joie de l’espérance prédomine donc sur la souffrance endurée.
Dans le Nouveau Testament, on retrouve la patience de Dieu envers les pécheurs en attendant
qu’ils se convertissent : dans sa deuxième lettre, St Pierre écrit : « le Seigneur ne tarde pas à tenir
sa promesse, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre. »
De même, on retrouve la patience liée à l’espérance, le chrétien est quelqu’un qui patiente, car
il espère le bonheur éternel. « C’est de patience, en effet que vous avez besoin pour accomplir la
volonté de Dieu, et obtenir ainsi la réalisation de la promesse » Hébreux 10,36
. La patience est également la vertu nécessaire pour endurer les souffrances, surtout celles
qui sont dues à la fidélité au Seigneur Jésus. Par ex : « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom,
mais celui qui tiendra jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé. » : d’où la nécessité d’être patient dans
l’épreuve pour rester fidèle.
« Courons avec endurance (= patience en grec) l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés
sur Jésus, méditez l’exemple de celui qui a enduré de la part des pécheurs une telle hostilité et
vous ne serez pas accablés par le découragement. » Quand on n’a pas de patience, on se décou-
rage.
Dans le Nouveau Testament, la patience est également liée à l’amour ! Il s’agit même de la pre-
mière caractéristique de l’amour chrétien : « l’amour prend patience, il rend service, il endure
tout. » (Hymne à l’Amour ; 1 Co 13)
La patience est ensuite nécessaire à la vie commune (en communauté ou en famille !) : « avec
humilité et douceur, avec patience, supportez-vous les uns les autres. » (Ep 4)
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Pour y voir un peu plus clair, j’ai relu St Thomas d’Aquin sur la patience, car il aime bien tout
clarifier ! Il a ainsi organisé la vie humaine autour des quatre vertus cardinales qui sont :
— la prudence qui nous fait prendre les bonnes décisions au bon moment ;
— la justice qui règle les rapports avec autrui ;
— la tempérance qui nous permet de gérer les plaisirs du corps ;
— le courage ou la force qui permet de régler ce qui en nous a trait à l’agressivité.
Le courage a pour but de nous empêcher de tomber dans l’abattement ou le découragement, si
on n’a pas assez d’agressivité ; et si au contraire, nous avons trop d’agressivité, il nous permet de
modérer un peu l’audace ! L’agressivité est nécessaire à la vie ! Celui qui n’a aucune agressivité ne
pourra pas affronter les difficultés de la vie ni ne pourra se défendre. Celui qui a du « niac », de la
combativité se débrouillera dans la vie, mais il aura aussi les qualités pour devenir un saint !
Dans l’éducation, il est extrêmement important d’aider les enfants à affronter les difficultés de
la vie et de leur apprendre à se débrouiller, et en quelque sorte, à susciter leur agressivité ! S’ils
sont constamment protégés de tout, ils seront désarmés à l’âge adulte.
Il y a quelques années, j’avais lu un article du cardinal Danneels de Bruxelles. Il avait été très
attristé de la défection de plusieurs prêtres qu’il avait ordonnés récemment, deux ou trois ans
auparavant ! Après s’être renseigné et avoir beaucoup réfléchi, il s’était rendu compte que ces
prêtres avaient été surprotégés durant leur enfance… Avec toutes les meilleures intentions du
monde, leurs parents les avaient protégés de beaucoup de difficultés dans leur vie. Ces jeunes
n’avaient pas eu d’occasions de faire face à diverses difficultés et par conséquent, ils n’avaient pas
développé d’agressivité adéquate pour tenir. Par conséquent, en tant que prêtres, ils n’avaient pas la
force intérieure pour porter la croix.
Avoir de l’agressivité, c’est positif, mais il faut savoir la canaliser ! Si on laisse un enfant extério-
riser toute son agressivité, il va devenir un petit tyran ! !
C’est toujours une histoire d’équilibre dans l’éducation, et c’est donc la vertu de courage qui
modère l’agressivité. Donc par moment il faut susciter l’agressivité et par d’autres, il faut la canali-
ser !
Quand elle est positive, St Thomas y voit deux volets :
1. La magnanimité
Dans le courage, il voit d’abord la capacité de se lancer dans une entreprise difficile.
Il y a une vingtaine d’années, j’avais des amis belges francophones qui avaient une fille âgée de
douze ans qui ne parlait que le français, mais elle voulait apprendre le néerlandais. En effet, elle
s’était rendu compte que dans son pays, il était préférable de savoir parler les deux principales
langues. Donc à douze ans, elle a demandé à ses parents l’autorisation d’aller dans une école néer-
landophone et apprendre ainsi le flamand ; elle savait que ce serait dur, surtout devant une certaine
animosité des Flamands avec les Wallons ! Elle s’attendait à être stigmatisée au départ, mais comme
c’est une jeune fille intelligente et dotée d’une bonne agressivité, ses parents ont su l’accompagner
dans ce projet. Elle a été inscrite dans cette école et à la fin de l’année, elle parlait parfaitement le
flamand. Voici un bel exemple de l’importance de l’agressivité positive.
C’est important dans la vie, d’avoir de grands projets : il s’agit de la magnanimité. Il faut oser
parfois se lancer de grandes choses et ce n’est pas contre l’humilité. Le Seigneur a besoin de per-
sonnes magnanimes, capables de se lancer dans des projets importants. Et il faut du courage pour
se lancer ! Je pense au frère Oliveto qui a écrit « confession d’un jeune moine », il fallait oser !
Les enfants ont dans l’éducation besoin d’être prémunis de l’orgueil, mais ce n’est pas le besoin
le plus important. C’est beaucoup plus fécond de leur faire connaître leur qualité que de leur dire
sans arrêt : « ne sois pas orgueilleux ! »
En fait, on peut couper la magnanimité d’une personne, c’est facile, en lui répétant sans cesse :
« tu n’y arriveras jamais ! »
La magnanimité permet de se lancer ! Après, il faut durer !!
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Qu’est ce qui est le plus difficile ? Se lancer ou durer ? C’est durer, et c’est là qu’intervient la
vertu de patience.
2. La patience
Donc le courage comprend deux aspects : la magnanimité et la patience.
Il faut du courage-magnanimité pour s’inscrire dans un marathon de 42 km, et il faut du cou-
rage-patience pour tenir jusqu’au bout, et c’est plus dur de courir ; la patience est une vertu de
résistance ; force de résistance qui pousse à tenir malgré les coups de l’adversité, malgré la
tristesse du quotidien.
Très souvent, la patience se heurte le plus dans le manque d’éclat : lors de l’inscription au mara-
thon, on est tout excité. Mais au bout de 23 km, on est tout essoufflé et fatigué devant le nombre
de km qui reste à parcourir. Ainsi, le manque d’éclat, la souffrance physique, les épreuves intérieures
nous conduisent très souvent à un certain découragement. Alors doit intervenir la patience, car
sinon, on s’arrête !
Quand la magnanimité est une vertu, on est doté d’une confiance en soi, mais elle doit se fon -
der sur la réalité : on se lance alors dans une grande aventure, mais avec une bonne préparation au
préalable.
Donc « la patience préserve du découragement et sait supporter les maux de cette vie,
d’une âme égale ». Un critère de patience ? Être toujours d’une humeur égale. Quelqu’un de vrai-
ment patient est toujours bien disposé. Heureusement, on peut grandir dans la patience ! Étymolo-
giquement, le mot patience vient de pâtir, c’est-à-dire souffrir. La patience signifie donc souffrir des
difficultés, supporter les difficultés qui proviennent des événements ou des autres. Être dans la
patience nous pousse à accepter des maux parce qu’on aime davantage le bien qu’on espère, plus
que le mal qu’on endure.
Ex. : je cours le marathon, c’est vraiment dur, mais j’espère avoir la récompense à l’arrivée !
Donc j’aime davantage la récompense que je déteste le mal que je subis pour l’instant.
La patience comporte trois éléments essentiels :
1- Elle est sous-tendue par l’espérance.
Je patiente parce que j’espère, en tolérant momentanément un mal. Par contre, l’espérance
chrétienne va jusqu’au bout : on accepte les épreuves en ce monde parce qu’on espère la vie éter-
nelle et le bonheur éternel.
2- Elle est un choix lucide.
Je choisis de patienter. Ce n’est pas une attitude de quelqu’un amorphe qui ne dit rien, qui n’a
pas d’imagination pour changer les situations, qui laisse faire. Cela, ce n’est pas de la vertu, mais de
la mollesse. Quand la patience est un choix, cela donne une certaine sérénité pour patienter.
3- Elle donne la force de résister aux agressions extérieures, c’est-à-dire de rester fidèle à
son projet initial. Elle nous préserve de devenir une girouette, orientée par la mode ou par
l’opinion. En effet étant donné que l’opinion des autres a un impact sur nous, si on n’a pas
de patience, on est incapable de résister. Il s’agit vraiment de la vertu de la résistance et qui
libère du découragement.
Quels sont les vices opposés à la patience ?
Vous savez que face à chaque vertu sont opposés deux vices ; Le premier qui n’est pas une ver-
tu mais qui y ressemble et le second qui est carrément à l’opposé.
Pour l’humilité, vous avez l’orgueil et le mépris de soi ; le mépris de soi ressemble à l’humilité,
mais ce n’est pas de l’humilité.
Pour la patience, vous avez d’un côté la colère et de l’autre la mollesse.
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1. Trop de patience ?
Il existe un vice qui ressemble à la patience mais qui n’en est pas. Il y ressemble, car il ne fait
aucun éclat, il ne s’emporte pas, il reste toujours calme. La mollesse est cet excès de patience, qui
ne résiste à rien. Dès la moindre pression, le mou se laisse entraîner dans le sens de la pression ;
comme une pâte molle, il n’a aucune résistance intérieure. Il change de projet dès la première diffi-
culté, il est le jouet des événements extérieurs. Il n’a pas de colonne vertébrale pour se tenir
debout ; comme il ne se met jamais en colère, il semble être très patient ! En fait, il n’est pas
patient, il est juste mou !
La patience pour le mal
Il existe un autre vice qui ressemble à la patience que mentionne Saint-Augustin : « Combien de
peines et de douleurs, les hommes supportent pour des choses que leurs vices leur font aimer ! »
Ex. : le paparazzi qui avait pris en photo le président Hollande allant chez sa maîtresse en scoo-
ter. Il a dû souffrir, patienter énormément dans des conditions peu agréables, rester éveillé long-
temps pour assister à la sortie du président… Toute cette patience n’a pas servi à faire du bien,
mais à servir son intérêt personnel, pour espionner, mettre au grand jour les faits du président, et
gagner beaucoup d’argent grâce à une seule photo compromettante. En fait, il a été plus avide que
patient !
Certaines personnes semblent montrer beaucoup de patience alors qu’il s’agit d’un vice. La
vraie patience se pratique pour de bonnes actions. C’est une véritable force intérieure
.Un individu qui a l’intention de braquer une banque doit faire preuve de beaucoup de
patience ! À commencer par les gros efforts d’observation des locaux, des agents de sécurité, de
longues préparations… Mais ce n’est pas de la patience !
2. La colère
Le vice ouvertement contraire à la patience est la colère.
Quand on dit qu’on a été impatient, habituellement, on pense à la colère plutôt qu’à la mol-
lesse.
La patience donne la force de durer malgré les difficultés. Lorsqu’un mal contrarie, si j’ai de la
patience, je continue à faire ce que j’ai à faire, mais si je manque de patience, je tente d’anéantir ce
mal et voilà la colère et toute sa violence.
Nous avons tous à lutter contre la colère, mais tout dépend des tempéraments. Selon la classifi-
cation de Le Senne, entre actif/non actif, émotif/non émotif, primaire/secondaire, le trio actif-émo-
tif-primaire est nommé « colérique », ou plus positivement : « actif exubérant ».
Quelqu’un qui est actif a toujours besoin de faire quelque chose, s’il est aussi émotif, il ressent
tout fortement, et s’il est primaire, il réagit dans l’instant, il sera donc forcément colérique. Il n’y
peut rien ! C’est comme ça ! Ceux qui ont un tel tempérament auront beaucoup de mal à apaiser
leurs colères, mais ils peuvent y arriver, avec la grâce de Dieu.
Certains sont par contre « actifs, non-émotifs et secondaires » : ceux-là sont des flegmatiques.
Ils ne parviennent pas à se mettre en colère, ou alors avec beaucoup de difficultés !
Apprendre ces différences de tempérament est une lumière extraordinaire pour la vie en com-
munauté, pour parvenir à comprendre les autres.
Il y a 25 ans de cela, un frère était extrêmement colérique ! Et à présent, il maîtrise cette ten-
dance. Je suis très admiratif envers lui.
Par contre, pour d’autres, on peut leur dire n’importe quoi ils ne réagiront pas. Ce sont des
flegmatiques ! On peut les envier. Mais dans tous les caractères, on trouve des avantages et des
inconvénients ! Le flegmatique a une apparence un peu froide, il met du temps à entrer dans un
mouvement de grande émotion communautaire où tout le monde laisse éclater sa joie !
Tout cela pour dire qu’il est impossible de juger quelqu’un qui se met en colère.
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Reste que la colère est souvent néfaste, elle fait du mal (gestes, paroles qui dépassent la pensée)
et peut blesser durablement.
Cependant, il existe de saintes colères, comme Jésus au temple de Jérusalem : alors qu’il vient
prier son Père dans le Temple, un mal l’agresse (la présence des marchands), il estime que ce mal
ne doit pas être toléré, alors il choisit de se mettre en colère.
Quand on se laisse aller à la colère, on fait des dégâts terribles, contrairement à la colère choi-
sie. Vis-à-vis des enfants, il est nécessaire parfois d’adopter une attitude de colère pour qu’ils com-
prennent la gravité des choses. Mais une fois qu’on a décidé de se mettre en colère, il ne faut pas
alors se laisser dominer par elle !
Que pouvons-faire pour grandir en patience ?
La patience est une vertu qui s’exerce dans de très nombreux domaines.
Dès qu’on fait des efforts et qu’on a de petites victoires sur un domaine, cela rejaillit forcément
sur tous les autres domaines ; c’est très agréable à savoir. On peut ainsi faire des efforts sur de
petits domaines : s’arrêter de se mettre en colère devant des enfants qui sont insupportables, je
comprends tout à fait que c’est très difficile ! Par contre on peut faire des efforts dans un autre
domaine et des répercussions se sentiront là-dessus.
Dans la patience, il y a deux aspects qui sont à prendre en compte : le temps et le mal infligé
(au sens d’épreuve qui offre de la résistance à un projet initial).
1— l’impact du temps
La notion de temps est importante quand on souffre. On se projette toujours dans le temps :
« combien de temps, cela va-t-il durer ? », « combien de temps encore !! ». Nous nous projetons
dans le temps et nous nous imaginons que ça va durer très longtemps ! Or, cette durée n’est que
le produit de notre imagination. Ce ne sera pas forcément la réalité ; les paroles de Jésus sur les
soucis peuvent nous être d’un grand secours : « Ne vous faites pas de soucis pour demain, demain
aura soucis de lui-même. À chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6)
Ainsi ce n’est pas bénéfique de s’imaginer la peine de demain.
Chanter avec quelqu’un qui chante faux, si cet inconvénient ne dure que dix minutes, est sup-
portable. C’est imaginer que cela va durer des années qui rend la chose insupportable.
Je vous cite sainte Thérèse de Lisieux qui a réfléchi sur cette question dans « Mon chant d’au-
jourd’hui » :
« Que m’importe Seigneur si l’avenir est sombre,
Te prier pour demain, oh non, je ne le puis.
Conserve mon cœur pur,
Couvre-moi de ton ombre
rien que pour aujourd’hui.
Si je songe à demain, je crains mon inconstance,
Je sens naître en mon cœur, la tristesse et l’ennui,
Mais je veux bien, oh mon Dieu, l’épreuve et la souffrance,
rien que pour aujourd’hui. » (PN 5)
Elle choisit de souffrir rien que pour aujourd’hui, elle accepte la souffrance qui lui est donnée
aujourd’hui.
Tout, tout de suite !
La culture du « tout, tout de suite » ne favorise pas la patience, or la vie est souvent faite d’at-
tentes ; bien des gens aujourd’hui, n’ont plus une minute de patience que ce soit dans une file d’at-
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tente ou dans un embouteillage, et pourtant ce sont des lieux particulièrement favorables pour
nous apprendre la patience !
St Ignace de Loyola nous dit quand on a un défaut, il faut essayer de lutter contre. Donc, si vous
sentez en vous de l’impatience, et que vous êtes bloqué dans un embouteillage, et bien vous pou-
vez choisir d’attendre. Et pour mieux vous entraîner, vous pouvez même laisser passer une voi-
ture ! Vous avez choisi ainsi d’attendre un petit peu plus, voilà ce qui nous fait grandir dans la
patience ! Je ne subis plus, car je choisis d’attendre ;
« Patience et longueur de temps, font plus que force ni que rage » Jean de la Fontaine
À propos de la conduite en voiture, la patience nous manque aussi quand on roule. Surtout
quand on est tout seul dans sa voiture, on peut insulter les autres de tous les noms, il s’agit d’une
attitude très courante, mais c’est de l’impatience en acte. On s’entraîne ainsi sans s’en rendre
compte à notre impatience, même si la voiture d’à côté n’entend pas. Et en moi, je me fais du mal !
Donc, il faut nous interdire de vociférer sur les autres quand on conduit.
L’idéal, c’est de trouver des circonstances atténuantes à la conduite des autres, qui ne sont que
des suppositions de notre part, mais qui nous aident à les excuser et ainsi nous parvenons à
garder notre calme.
Durer dans la prière
Un autre lieu tout à fait propice à l’apprentissage de la patience est la prière. Durer dans la
prière fait beaucoup grandir en patience. Effectivement, on peut s’ennuyer dans la prière. Dieu nous
donne des désolations pour la purifier ; et par conséquent, quand on persévère dans la prière, on
grandit beaucoup dans la patience. Pour deux raisons : — parce qu’on fait un acte de patience, et –
parce que Dieu agit dans notre âme lors de nos prières et il déverse en nous de la patience, sans
même que nous fassions d’efforts !
Avoir de la patience envers soi, face au peu de progrès que nous pouvons constater en
nous, plutôt que s’attrister !
2— Avoir de la patience dans les événements extérieurs
S’entraîner à accepter les contrariétés comme venant de la douce main de Dieu ; nous sommes
entre les mains d’un Père tout puissant, qui nous aime ; quand on le prie et qu’on cherche à lui être
fidèle, il intervient dans notre vie ; tout ce qui arrive dans notre vie est pour notre bien et notre
sanctification ; tous les saints ont vécu ainsi.
Voici un texte de Sainte Claude la Colombière : « Mon Dieu, je suis si persuadée que tu veilles
sur ceux qui espèrent en Toi et qu’on ne peut manquer de rien quand on attend de Toi toute
chose, que j’ai résolu de vivre désormais sans aucun souci, et de me décharger sur Toi de toutes
mes inquiétudes. »
L’abandon à Dieu nous fait grandir en patience ; mais l’abandon à Dieu ne signifie pas rester
sans rien faire et tout attendre de lui sans se bouger. L’abandon intègre le fait d’obéir à ce que l’on
sait de ce qu’attend Dieu de nous. Par conséquent, les grands saints très enclins à l’abandon à Dieu
étaient aussi très magnanimes et avaient de grands projets jugés conformes au désir de Dieu. Si des
oppositions apparaissent, on les accepte, car on sait que Dieu s’en occupe aussi, ce qui ne nous
empêche pas de lutter contre en même temps.
Les résultats de mes impatiences
Les vertus ont pour rôle de faire descendre dans les émotions la lumière de l’intelligence, et
donc il est bon de réfléchir parfois au résultat de nos impatiences, qu’est-ce que mes colères ont
déjà produit de bon ? La colère avec les enfants leur a permis de prendre conscience d’un mal
qu’ils ont évité, c’est un bien ; avec les adultes, sur qui nous n’avons pas (normalement !) de projets
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éducatifs (même pas sur son mari !), il n’est pas vraiment sûr que les colères soient fructueuses !
En effet, nos colères sont généralement pour nous (parce qu’on est gêné quelque part) et non
pour l’autre, pas forcément pour son bien.
Que de fois dans ma longue carrière, j’ai dû me persuader de cette
grande vérité : il est toujours plus facile de s’irriter que de patienter,
de menacer un enfant que de le persuader ! Je dirai même qu’il est plus
facile, pour notre impatience et pour notre orgueil, de châtier les récal-
citrants que de les corriger, en les supportant avec fermeté et douceur.
Écartez tous ce qui pourrait faire croire qu’on agit sous l’effet de la
passion. Il est difficile, quand on punit, de conserver le calme néces-
saire pour qu’on ne s’imagine pas que nous agissons pour montrer notre
autorité ou pour décharger notre emportement. Saint Jean Bosco
On peut également se mettre en colère contre les objets inanimés.
Un enfant qui se cogne contre une table va se retourner en la tapant et en criant : « méchante
table ! » Ce sont des colères qui n’ont strictement aucun intérêt, des énervements qui ne donnent
aucun fruit ! Il est donc bon d’y réfléchir pour que la lumière de notre intelligence descende dans
nos émotions. Surtout qu’une accumulation d’énergies négatives va rejaillir ailleurs ! Or quand on
plonge une torche allumée dans de l’eau, elle s’éteint, mais quand on la plonge dans de l’essence,
elle explose ! Nous à l’intérieur, nous sommes parfois de l’eau, parfois de l’essence. Et ce n’est pas
la torche la responsable ! Une parole blessante reçue n’aura pas d’impact sur moi quand je suis
plein d’eau, que j’ai entretenu une paix intérieure. Mais si par contre, je suis un réservoir plein d’es-
sence, que je me suis déjà énervé contre le robinet qui coule, mes chaussures abîmées et d’autres
événements contrariants, j’exploserai devant cette même parole !
Avec les personnes proches :
Accepter que les personnes proches soient différentes de ce que j’en attends ! Ce serait effec-
tivement triste que tous mes frères ressemblent à ce que je veux qu’ils soient, à mes souhaits sur
eux.
Et si les autres avaient besoin de patience envers moi ?
Texte de l’imitation de Jésus Christ (I, 16, 2-4.)
« Appliquez-vous à supporter patiemment les défauts et infirmités des autres, quels qu’ils
soient, parce qu’il y a aussi bien des choses en vous que les autres ont à supporter.
Si vous ne pouvez vous rendre tel que vous voudriez, comment pourrez-vous faire que les
autres soient selon votre gré. Nous aimons que les autres soient exempts de défauts, et nous ne
corrigeons point les nôtres. Nous voulons qu’on reprenne les autres sévèrement, et nous ne vou-
lons pas être repris nous-mêmes ; Nous sommes choqués qu’on leur laisse une trop grande liberté,
et nous ne voulons pas qu’on ne nous refuse rien. Nous voulons qu’on les retienne par des règle-
ments, et nous ne souffrons pas qu’on nous contraigne dans la moindre chose. Par là, on voit claire-
ment combien il est rare que nous usions de la même mesure pour nous et pour les autres. Si tous
étaient parfaits, qu’aurions-nous de leur part à souffrir pour Dieu ? Or Dieu l’a ainsi ordonné afin
que nous apprenions à porter le fardeau les uns des autres ; car chacun a son fardeau, personne
n’est sans défauts, nul ne se suffit à soi-même, nul n’est assez sage pour se conduire seul, mais il
faut nous supporter, nous consoler, nous aider, nous instruire, nous avertir mutuellement. C’est
dans l’adversité que l’on voit le mieux ce que chacun a de vertus, car les occasions ne rendent pas
l’homme fragile, mais elles montrent ce qu’il est. »
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Chercher la paix
Je connais un couple qui vient se confesser de temps en temps, tous les deux sont des actifs,
émotifs, primaires ! Donc deux colériques qui connaissent des explosions tous les jours dans leur
vie commune. Cet état de fait était admis par tous, même les enfants et cela faisait partie de la rou-
tine. Mais un jour lors d’un échange après une confession, à mon grand étonnement, l’épouse
déclare ne plus connaître de disputes ! « Quand il me dit quelque chose qui me blesse, ou avec
quoi je ne suis pas du tout d’accord, je ne dis plus rien, pour le bien de la paix ; la vie est telle-
ment plus agréable comme cela ! » Ils se sont toujours aimés, même s’ils se disputaient tous les
jours, mais l’Esprit Saint lui a suggéré une solution qui fonctionne puisque le mari face au silence n’a
plus de prise pour alimenter une dispute.
Pour le bien de la paix, dans la patience, on a quelque chose qu’on aime qui a plus de prix que
ce qui nous fait souffrir maintenant ; le bien de la paix, ça vaut tellement plus que le mal que je
peux souffrir des paroles de l’autre. Pour garder la paix, je me tais. Mais cette attitude nécessite un
travail au préalable : faire attention à ne pas ruminer les défauts des autres !
Sainte-Thérèse de Lisieux : « Lorsque le démon essaie de me mettre devant les yeux des
défauts de telle ou telle sœur qui m’est moins sympathique, je m’empresse de chercher ses vertus,
ses bons désirs, je me dis que si je l’ai vue tomber une fois, elle peut bien avoir remporté un grand
nombre de victoires qu’elle cache par humilité » (Ms C 12)
Chercher le bien chez les autres, s’entraîner à penser du bien à leur égard. Nous sommes com-
plètement tributaires de nos pensées et donc écarter ces ruminations malgré la difficulté de cet
effort. C’est effectivement très dur de chasser nos « vidéos » intérieures qui reviennent sans arrêt.
Il est important alors d’adopter des pensées chaleureuses, qui nous font plus de biens, tels de bons
souvenirs. De même s’entraîner à voir le bien chez les autres, mais pour cela, bien prendre le
temps de s’arrêter pour y réfléchir, car ce n’est pas évident, contrairement aux défauts !
La patience dans les persécutions.
On peut également être confronté à des personnes qui nous veulent du mal, et qui nous calom-
nient par-derrière… Je vous cite alors St Thomas a Kempis, l’auteur probable de « L’imitation de
Jésus christ » :
« Placé dans les tribulations, souviens-toi que c’est le chemin des saints par lequel on passe au
royaume des Cieux »
.Être persécuté nous demande beaucoup plus de patience. Des Saints ont été critiqués, on a dit
du mal d’eux, ils ont eu des procès d’intention, c’est terrible les procès d’intention : « vous avez fait
cela par orgueil, c’est toujours pour briller… » Or, comme tout n’est pas pur en nous, on se remet
en cause, même si on est injustement accusé ! Il faut alors penser que cela fait partie de la vie
chrétienne à l’exemple de Jésus. Dans la vie des Saints, on retrouve les souffrances intérieures
ou/et extérieures du Christ. Il est alors important pour nous de savoir que nous sommes sur le
chemin du Christ, que nous le suivons en acceptant de patienter lors des injustices.
Dans 1 Pierre 2,19 :
« C’est une grâce que de supporter par motif de conscience devant Dieu, des peines que l’on
souffre injustement. En effet, si vous supportez des coups pour avoir commis une faute, quel hon-
neur en attendre ? Mais si vous supportez la souffrance pour avoir fait du bien, c’est une grâce aux
yeux de Dieu ; c’est bien à cela que vous avez été appelés. C’est pour vous que le Christ, lui aussi a
souffert, il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces. »
Les souffrances rédemptrices du Christ lors de la Passion sont aussi un modèle de patience
pour nous, on peut essayer de s’en souvenir en ce temps de Pâques.
Frère Benoît, Abbaye de Maylis, avril 2018