Flaubert, Gustave (1821-1880), romancier français.
Fils d'un chirurgien,
Gustave Flaubert naquit à Rouen le 21 décembre 1821. Il connut dès
l'enfance l'ennui de la province —il s'en souviendra lorsqu'il écrira Madame
Bovary (1857) et le Dictionnaire des idées reçues (1911), qu'il tenta de
tromper en s'adonnant très tôt à la littérature. Pendant ses classiques
études de droit, ce jeune homme déjà enclin à la mélancolie fut frappé par
plusieurs deuils familiaux, qui lui enlevèrent notamment sa sœur et sa
mère. Il fut lui-même atteint d'une maladie nerveuse aux environs de
l'année 1844, maladie qui, tout en le confortant dans son désir de se
consacrer exclusivement à la littérature, fit de lui un rentier précoce. Il
vécut dès lors retiré à Croisset, petite localité proche de Rouen. À partir
de cette retraite littéraire, la légende a fait de Flaubert une sorte d'ermite
ou de bénédictin de la littérature, connu pour sa grande culture, son
incroyable capacité de travail et ses exigences esthétiques rigoureuses. Il
est vrai qu'il ne quitta plus Croisset que pour quelques voyages en Orient
(1849-1851), en Algérie et en Tunisie (1858), et quelques séjours à Paris.
Cet isolement ne l'empêchait pas d'être un ami fidèle, ce dont atteste sa
correspondance avec Louise Colet, qu'il rencontra en 1846 et qui fut sa
maîtresse jusqu'en 1854, mais aussi avec George Sand, Théophile Gautier
ou Maupassant. Dans la carrière de Flaubert, les échecs de librairie n'ont
pas manqué, puisque ni l'Éducation sentimentale, ni la Tentation de saint
Antoine, ni le Candidat ne trouvèrent leur public. Flaubert eut cependant
un succès de scandale avec Madame Bovary ; Salammbô, son récit
carthaginois, reçut également un bon accueil de la part du public mais fut
systématiquement dénigré par la majorité des critiques. Gustave Flaubert
s'éteignit à Croisset le 8 mai 1880.
A moins d'être un crétin, on meurt toujours dans l'incertitude de
sa propre valeur et de celle de ses oeuvres.
A un certain âge, les deux bras d'un fauteuil vous attirent plus
que les deux bras d'une femme.
Ah! La faim! La faim! Ce mot-là, ou plutôt cette chose-là, a fait
des révolutions; elle en fera bien d'autres!
Bien des choses s'éclaireraient si nous connaissions notre propre
généalogie.
Chacun de nous a dans le coeur une chambre royale; je l'ai
murée, mais elle n'est pas détruite.
Dans l'adolescence on aime les autres femmes parce qu'elles
ressemblent plus ou moins à la première; plus tard on les aime
parce qu'elles diffèrent entre elles.
Egoïsme: Se plaindre de celui des autres, et ne pas s'apercevoir
du sien.
Il faut que les endroits faibles d'un livre soient mieux écrits que
les autres.
Il faut une vanité peu commune pour qu'on ne s'aperçoive pas
que vous en avez.
Il faut être assez fort pour se griser avec un verre d'eau et
résister à une bouteille de rhum.
Il ne faut jamais penser au bonheur; cela attire le diable, car c'est
lui qui a inventé cette idée-là pour faire enrager le genre humain.
Il y a des hommes n'ayant pour mission parmi les autres que de
servir d'intermédiaires; on les franchit comme des ponts, et l'on
va plus loin.
Il y a des outrages qui vous vengent de tous les triomphes, des
sifflets qui sont plus doux pour l'orgueil que des bravos.
Imbéciles: Ceux qui ne pensent pas comme nous.
J'ai toujours tâché de vivre dans une tour d'ivoire; mais une
marée de merde en bat les murs, à la faire crouler...
Je dors comme un caillou, je mange comme un ogre et je bois
comme une éponge.
L'art est la recherche de l'inutile; il est dans la spéculation ce
qu'est l'héroïsme dans la morale.
Liste des auteurs
L'artiste doit s'arranger de façon à faire croire à la postérité qu'il
n'a pas vécu.
L'auteur dans son oeuvre doit être comme Dieu dans l'univers,
présent partout et visible nulle part.
L'égalité, c'est l'esclavage. Voilà pourquoi j'aime l'art. C'est que
là, au moins, tout est liberté dans ce monde des fictions.
La Critique est la dixième Muse et la Beauté la quatrième Grâce.
La censure, quelle qu'elle soit, me paraît une monstruosité, une
chose pire que l'homicide; l'attentat contre la pensée est un crime
de lèse-âme. La mort de Socrate pèse encore sur le genre
humain.
La colère n'a pas de force, c'est un colosse dont les genoux
chancellent et qui se blesse lui-même encore plus que les autres.
La courtisane est un mythe. Jamais une femme n'a inventé une
débauche.
La manière la plus profonde de sentir quelque chose est d'en
souffrir.
La mort n'a peut être pas plus de secrets à nous révéler que la
vie?
La parole est un laminoir qui allonge toujours les sentiments.
Le comble de l'orgueil, c'est de se mépriser soi-même.
Le crétin diffère moins de l'homme ordinaire que celui-ci ne diffère
de l'homme de génie.
Le meilleur (des gouvernements) pour moi, c'est celui qui
agonise, parce qu'il va faire place à un autre.
Le meilleur de la vie se passe à dire «il est trop tôt», puis «il est
trop tard».
Le mot ne manque jamais quand on possède l'idée.
Le souvenir est l'espérance renversée. On regarde le fond du puits
comme on a regardé le sommet de la tour.
Le style est autant sous les mots que dans les mots.
Les affections profondes ressemblent aux honnêtes femmes; elles
ont peur d'être découvertes, et passent dans la vie les yeux
baissés.
Les coeurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret,
pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres.
Que nous sommes sots de toujours nous plaindre. Et d'ailleurs
c'est si commun que ceux qui se piquent de quelque distinction
devraient s'en abstenir.
Rien n'est humiliant comme de voir les sots réussir dans les
entreprises où l'on échoue.
Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de m...
qu'il est temps de n'en plus avoir du tout.
Tout amuse quand on y met de la persévérance: l'homme qui
apprendrait par coeur un dictionnaire finirait par y trouver du
plaisir.
Vieillard: A propos d'une inondation, d'un orage, etc., les vieillards
du pays ne se rappellent jamais en avoir vu un semblable.