À l’attention des victimes
«Il y a deux sortes d’individus sur Terre:
ceux qui remplissent votre tasse et ceux qui la vident.»
Joe Navarro
Note de l’auteur
C e livre vise à informer ou à confirmer ce que le lecteur pourrait avoir
vu ou vécu. Il ne prétend pas être un guide clinique et ne saurait
remplacer les services d’un spécialiste formé ou agréé.
Chaque fois que je m’entretiens avec des victimes, je suis extrêmement
attentif à leurs souffrances et à la nécessité de préserver leur dignité et leur
intimité. C’est pourquoi j’ai changé le nom de toutes les victimes que j’ai
interrogées. Pour encore mieux les protéger, sachant qu’il est désormais
possible d’explorer certains rapports de police et demandes de divorce à
l’aide de mots clés ou groupes de mots clés précis, j’ai légèrement modifié
les détails, date, heure et lieu des événements. Bref, j’ai fait de mon mieux
pour protéger les victimes sans occulter ni le caractère ou les modalités de
l’agression, ni ce qu’elles ont subi.
Préface du Dr Leonard Territo
U ne fois terminée la première version de cet ouvrage, mon excellent
collègue et ami Joe Navarro m’a demandé de relire le manuscrit et d’y
apporter, s’il y avait lieu, des commentaires constructifs. Dès que j’eus pris
le livre en main et commencé sa lecture, plus moyen de le lâcher. C’est
assurément l’un des documents les plus intéressants, les plus utiles et les
plus abordables que je connaisse sur le sujet. Les personnalités dangereuses
ont fait l’objet de nombreuses études universitaires mais, pour ne pas
alourdir ce livre, Joe a délibérément évité le jargon des sciences sociales et
les savantes analyses statistiques. En revanche, il montre clairement au
lecteur que ses développements et ses conclusions sur ces individus sont
fondés: ils reposent sur sa longue expérience de profileur et d’agent spécial
du FBI.
Qui trouvera ce livre à la fois utile et intéressant? Telle est l’une des
principales questions que je me suis posées à sa lecture. Ma conclusion tient
en trois mots: tout le monde. Tous en effet, à un moment ou à un autre de
notre vie, nous croiserons très certainement une ou plusieurs de ces
personnalités dangereuses. Ce seront parfois des familiers, des gens que
nous fréquentons ou même des fiancé(e)s, des amis plus ou moins proches,
des collègues. Ou bien de complets étrangers.
Ce livre est précieux car il aidera les lecteurs à comprendre que, s’ils ont
affaire à l’un de ces individus dangereux, même occasionnellement, ils
risquent fort d’en être les victimes. Ces gens sont si pervers et si durs qu’ils
parviennent à nous faire croire que nous sommes responsables des maux
qu’ils causent, alors qu’eux-mêmes ne tenteront jamais de modifier ni de
faire évoluer leur comportement toxique.
Lu attentivement, ce livre contribuera grandement à réaliser plusieurs
objectifs. Premièrement, il aidera les lecteurs à reconnaître les individus
dangereux et à les empêcher de s’immiscer dans leur vie. Deuxièmement, il
apportera des suggestions précises sur la manière la plus efficace de se
comporter avec eux, si nécessaire. Troisièmement et surtout, il contient des
conseils qui peuvent sauver des vies ou, du moins, prévenir des atteintes
psychologiques, physiques ou financières graves.
Ancien détective spécialiste des homicides et criminologiste toujours en
activité, j’ai été personnellement témoin des dommages infligés par ces
individus à des victimes innocentes, souvent choisies au hasard. Ils tuent,
violent, brutalisent, volent, persécutent et exploitent quiconque tombe dans
leur sphère d’influence et de pouvoir. Ce sont des opportunistes rusés et
manipulateurs. Mes nombreuses années d’expérience du maintien de la loi
et mes recherches approfondies en criminologie me permettent d’affirmer
qu’il y a des risques qu’un individu dangereux s’immisce dans votre vie ou
dans celle de quelqu’un que vous aimez. La vigilance est utile, mais pour
rester en sécurité, il vaut mieux y ajouter la connaissance. J’affirme sans
hésiter que le livre remarquable de Joe Navarro répond à cet objectif.
Dr Leonard Territo
Professeur éminent de droit pénal
Justice Saint Leo University
Saint Leo, Floride
Professeur émérite, département de criminologie
University of South Florida
Introduction
Pourquoi j’ai écrit ce livre et comment l’utiliser
Le 27 juin 1975, une jeune fille dénommée Susan «Sue» Curtis a disparu
d’un campus universitaire habituellement très sûr. Elle avait 15 ans et
participait à un congrès de jeunes à Brigham Young University, dans la ville
américaine de Provo (Utah) où je faisais mes débuts de policier.
J’ai mené les premières investigations sur sa disparition. À la recherche
d’indices, nous avons interrogé ses amis et sa famille. Ils nous ont dit
qu’elle était retournée à sa chambre pour nettoyer son nouvel appareil
dentaire. Or, en fouillant sa chambre, j’ai constaté que sa brosse à dents
était sèche. Sue n’était pas rentrée chez elle.
Nous sommes parvenus à reconstituer certains de ses faits et gestes (son
ticket de repas avait été utilisé), sans pouvoir aller bien loin – c’était avant
que les caméras se multiplient sur les campus et que nous soyons tous
connectés à notre téléphone portable.
Nous avons parlé à ses parents. Je me rappelle encore leur douleur et leur
désespoir insondables. Ils étaient terriblement atteints et d’une tristesse
infinie.
Nous avons eu beau explorer à fond toutes les pistes raisonnables, Sue
n’a jamais été retrouvée. Mais le mystère de sa disparition reste une
blessure pour moi, car j’étais de service cette nuit-là, j’avais parcouru le
campus et, quelque part, je me sentais en partie responsable. J’ai conservé
une copie du dossier qui contenait une grande photo d’elle et, pendant des
années, j’ai observé des foules à la recherche d’un visage qui aurait
ressemblé au sien, même vaguement. J’ai gardé ce dossier, aussi, pour me
rappeler que je n’avais pas été capable de protéger cette âme innocente.
Des années ont passé. Je suis entré au FBI. Puis, un jour, j’ai reçu un
appel d’un enquêteur de Salt Lake City. «Voici quelque chose qui devrait
vous intéresser, m’a-t-il dit. Nous n’avons pas retrouvé Sue Curtis. Mais
nous savons qui l’a enlevée.» Il m’a raconté que cette nuit-là, un jeune
homme avenant avait sillonné le campus au volant d’une Volkswagen à la
recherche d’une proie. L’individu avait fini par avouer avoir enlevé et
assassiné Sue Curtis. Il s’appelait Theodore «Ted» Bundy et allait confesser
le meurtre de trente-cinq jeunes femmes dans quatre États différents.
Il m’est encore pénible de penser à la jeune fille aux yeux en amande et
aux longs cheveux dont j’ai scruté la photo jour après jour… dont j’ai lu le
journal intime… dont j’ai humé les vêtements comme s’ils pouvaient
m’indiquer où elle se trouvait… dont j’ai tâté les chaussures à la recherche
d’une humidité ou d’une poussière dans ma quête anxieuse d’un indice
quelconque. J’ai très bien pu croiser son assassin cette nuit-là sur le
campus. J’aurais regardé sa voiture à deux fois, car elle ne portait pas
l’autocollant des étudiants et des enseignants de BYU – mais beaucoup n’en
portaient pas ce jour-là, car les visiteurs étaient nombreux. Aucun acte
illégal n’avait été vu ou signalé. C’était un jour comme les autres, sauf que
ce jour-là, il y avait sur le campus un individu dangereux, un prédateur, un
tueur en série, qui allait encore assassiner plusieurs personnes.
BYU est l’un des campus les plus sûrs des États-Unis. Pourtant, un
enlèvement et un meurtre y avaient été commis. Comment cela avait-il pu
se produire, qui en était l’auteur? Il était glaçant de se dire qu’une personne
pouvait à elle seule faire tant de mal, non seulement aux victimes mais à
leurs proches. Jeune policier en uniforme, je n’avais que 22 ans quand je
compris vraiment pour la première fois qu’il y a des individus dangereux
sur cette planète, et qu’à cause d’eux, nous ne sommes jamais totalement en
sécurité. Je frissonne à l’idée de ce que Sue Curtis, à 15 ans seulement, a eu
à découvrir cette nuit-là, seule en compagnie d’un prédateur, avant de
succomber.
Je suis convaincu que ce seul événement m’a poussé des années plus tard
à devenir profileur criminel dans la division de Tampa du FBI, puis au sein
de l’élitiste programme d’analyse comportementale de la division de la
sécurité nationale du même FBI. Je ressens un besoin impérieux de
comprendre les comportements criminels et anormaux; cet objectif a
dominé l’essentiel de ma carrière policière. Sue Curtis a disparu alors que
j’étais de garde. Le rapport d’enquête portait mon nom et mes initiales. De
cet événement tragique est venue ma passion pour la recherche de réponses
auprès de ceux qui les connaissaient le mieux: les criminels eux-mêmes,
ainsi que leurs victimes.
Ce que j’ai appris auprès d’eux, en une quarantaine d’années, c’est que
certains individus font plus de mal que d’autres. Encore et toujours, ils sont
responsables de crimes, de tourments, de souffrances, de pertes financières
et de meurtres. Ce livre est consacré à ces individus dangereux, auteurs de
tant de douleur et de souffrance. Ce que j’ai appris sur les criminels, les
comportements anormaux et les individus dangereux, je dois vous le
partager aussi: cela pourrait vous sauver la vie.
La réalité des individus dangereux
Aujourd’hui, nous ne connaissons que trop bien ces gros titres: un tueur
solitaire s’introduit dans une entreprise, une salle de classe, un terrain de
camping, etc., et, sans raison apparente, ouvre le feu avec un fusil d’assaut
ou quelque autre arme, tuant ou estropiant une foule de victimes innocentes.
Et après chacun de ces événements, une fois l’agitation retombée et les
victimes enterrées ou recousues (assurément traumatisées à vie, et leurs
familles aussi), la même question se pose: Qui a pu commettre ce genre
d’acte, et aurait-on pu l’éviter?
Ces événements violents, quand ils se produisent, dominent l’actualité et
nous préoccupent pendant des mois (on songera aux massacres de Virginia
Tech, du lycée de Columbine, de l’école primaire Sandy Hook ou d’Oslo en
Norvège, pour n’en citer que quelques-uns). Hélas, ces abominables
meurtres de masse ne sont que trop fréquents. Rien qu’aux États-Unis, on
en compte en moyenne 18 à 20 chaque année. Leur répétition quasi
métronomique – plus d’un par mois – provoque une sorte
d’engourdissement. «Combien de victimes cette fois-ci?» se demande-t-on,
incrédule: 8, 16, 26, 77 (comme à Utaya, en Norvège, le 22 juillet 2011, lors
du massacre commis par un extrémiste de droite narcissique et xénophobe,
Anders Behring Breivik).
Pourtant, aussi consternants que soient ces événements violents, ils ne
donnent pas un vrai portrait de ceux qui font le plus de victimes. La triste
vérité est que pour chaque tueur de masse, des centaines d’autres tuent à
l’unité – un enfant, une petite amie, un conjoint – et qu’il n’en est pas
question avant la page 6 des journaux. Les crimes, les tortures et les
souffrances dont beaucoup d’entre nous risquent le plus d’être victimes sont
ceux qui n’apparaissent pas sur l’écran radar, dont la presse nationale ne
parle pas.
Les individus dangereux qui se trouvent parmi nous agissent derrière une
porte fermée, chez eux, à l’église, à l’école, au bureau, ils s’en prennent en
secret à des gens confiants ou sans méfiance – et le plus souvent, personne
ne s’en aperçoit avant qu’il ne soit trop tard. Ils ne font les gros titres de la
presse que dans les rares occasions où on les attrape. Ils sont responsables
chaque année aux États-Unis de presque 15 000 homicides, 4,8 millions de
violences domestiques, 2,2 millions de cambriolages, 354 000 vols à main
armée et 230 000 agressions sexuelles, dont beaucoup restent ignorés ou
impunis. Ou bien ils détournent pendant des années l’argent de personnes
âgées ou même de leurs amis, à l’instar de Bernie Madoff (qui a sévi à une
telle échelle qu’il a compromis la santé financière de milliers de personnes).
Agissant parfois pendant des décennies sans être dérangés, ils détruisent des
vies comme l’a fait le violeur pédophile Jerry Sandusky à Pennsylvania
State University.
Songez aux fois où, dans votre propre vie, quelqu’un vous a volé quelque
chose ou a profité de vous. Peut-être votre maison a-t-elle été cambriolée ou
votre voiture, visitée. Peut-être avez-vous fréquenté une personne qui s’est
avérée toxique, peut-être vous a-t-on harcelé à l’école ou au travail. Peut-
être vous a-t-on agressé, frappé ou violé sans que vous portiez plainte ou
sans que votre plainte n’aboutisse à quoi que ce soit. Beaucoup de méfaits
sont commis autour de nous sans jamais être signalés ou, s’ils le sont, il est
rare que les responsables soient incarcérés. Depuis soixante ans, les
criminologues savent que moins de 1 % des délinquants vont en prison à
cause de leurs méfaits.
Ce qui signifie pour nous que la plupart des gens qui peuvent nous faire
du mal – ces individus dangereux – échapperont à toute enquête officielle,
bouleverseront notre vie sans se faire prendre ou séviront des années durant
avant qu’on ne les arrête. Et cela pour les seules atteintes physiques. Or, les
blessures ne sont pas toutes matérielles. Bon nombre des gens qui nous font
du mal nous blessent aussi émotionnellement, psychologiquement ou
financièrement. Ils sont, eux aussi, des individus dangereux, car ils nous
mettent en danger à leur manière.
Comment quatre personnalités dangereuses se sont imposées
Du temps où je travaillais comme profileur au FBI, j’ai commencé à
distinguer des caractéristiques communes aux types de personnalités qui
semblaient nous occuper le plus. Il s’agissait d’individus qui s’en prenaient
constamment à autrui, qui enfreignaient la loi, qui manifestaient des
comportements à risque, qui profitaient ou abusaient d’autrui et qui, d’une
manière générale, causaient des douleurs et des souffrances – pas une fois
ou deux, mais de manière répétée.
Par moi-même et conseillé par d’autres, j’ai appris qu’il existait des
individus qui seront toujours méchants, qui trompent et manipulent, qui
éprouvent du plaisir à profiter des autres et qui ne respectent ni les gens ni
les lois. Psychologiquement épuisants, ils peuvent être cruels, durs et
exploiteurs. Et ils renouvelleront ce comportement indéfiniment, sans se
préoccuper des dégâts physiques ou psychologiques qu’ils infligent à autrui.
À force de rechercher, d’arrêter et d’interroger violeurs, assassins,
kidnappeurs, voleurs de banque, délinquants en col blanc, pédophiles et
terroristes, j’ai appris, à mes dépens parfois, que les individus dangereux
peuvent être très trompeurs. Leur apparence et leurs actes peuvent sembler
tout à fait normaux en surface. Il arrive même qu’ils soient intelligents,
intéressants, charmants et séduisants. Mais ils sont toujours dangereux.
J’ai rencontré Kelly Therese Warren pour la première fois en 1995. Âgée
de 30 ans, elle habitait Warner Robins, en Géorgie, avec son mari et sa fille.
Elle avait servi dans l’armée comme secrétaire et avait accompli
honorablement son temps sous les drapeaux en Allemagne. Son mari
travaillait dans une scierie et elle effectuait divers petits travaux comme
garde d’enfants ou comme employée dans une épicerie de quartier.
Kelly, toujours souriante à mon égard, m’accueillait les bras ouverts. Elle
partageait volontiers son repas et veillait à ce que mon verre de thé glacé
soit toujours plein. Nous avons bavardé plus d’une douzaine de fois cet été-
là, et jamais elle ne s’est départie de son sourire.
Kelly m’a décrit quelle avait été sa vie de femme soldat de l’US Army
casernée en Allemagne et sa vie d’enfant pauvre dans le sud des États-Unis.
Elle était gaie et drôle, et toujours prête à répondre à mes questions et à
combler les blancs. Pendant près d’une année, elle nous a fourni, à moi et à
mes collègues du FBI, des informations à l’aide desquelles nous avons pisté
un délinquant – et pas n’importe lequel: un espion de l’ex-bloc soviétique.
Pendant une année, nous avons observé à la lettre ce qu’elle nous disait.
Nous avons exploité la moindre des informations qu’elle nous offrait avec
enthousiasme.
Mais quelque chose ne collait pas. Rien de ce que Kelly nous disait ne
donnait de résultat. Il nous a fallu beaucoup de temps pour le comprendre,
car la plupart des pistes se situaient en Europe et non aux États-Unis. Enfin,
il nous a été possible de la confronter aux faits. Alors, nous avons appris
non seulement qu’elle avait menti, mais que c’était elle qui avait fait courir
un danger au pays. C’était elle qui, avant même la trentaine, au plus fort de
la guerre froide, avait mis en danger toute l’Europe centrale en vendant au
bloc soviétique les plans militaires ultra-secrets qu’elle avait
dactylographiés.
Kelly, avec son bon sourire et son thé glacé, n’était qu’un exemple parmi
bien d’autres de ces personnes charmantes, drôles et intéressantes, mais
aussi capables de mettre en danger un pays entier – ou même, dans son cas,
plusieurs pays. Kelly purge actuellement une peine de vingt-cinq ans de
prison pour espionnage.
Ces individus sont perturbés, non seulement dans leur personnalité, mais
aussi dans leur caractère – c’est-à-dire dans leur moralité et leur éthique.
Foncièrement, vous ne pouvez vous fier à eux pour vous dire la vérité,
s’occuper de vous, vous protéger ou vous défendre. Et à cause de leurs
travers, invariablement, leur comportement laisse derrière eux un sillage de
souffrance humaine.
Avec le temps, j’en suis venu à réaliser que quatre types de personnalités
étaient responsables de la plupart des dommages constatés. Ces quatre types
d’individus dangereux font chaque jour peser sur nous des dangers
financiers, psychologiques ou physiques, et c’est sur eux que nous nous
concentrerons dans ce livre:
la personnalité narcissique;
la personnalité émotionnellement instable;
la personnalité paranoïaque;
le prédateur.
Note sur la terminologie
Certains lecteurs se demanderont peut-être pourquoi j’emploie des termes non cliniques comme
prédateur ou émotionnellement instable pour décrire deux des types de personnalités
dangereuses. La question est légitime.
J’ai voulu employer des termes facilement compréhensibles par les profanes et aisément
transposables d’une culture à une autre. Il aurait été tentant (et peut-être bénéfique pour les ventes
de ce livre, m’ont fait observer des amis) de désigner le prédateur par le mot psychopathe. Hélas,
ce terme est si galvaudé que même certains professionnels l’emploient à tort et à travers, alors
que des gens plus exigeants vous diraient que trouble du comportement, sociopathe, personnalité
antisociale ou, comme le préfère l’Organisation mondiale de la santé, trouble de la personnalité
dyssociale, seraient plus exacts ou plus précis (Walsh & Wu 2008). La littérature médicale et sur
la santé mentale distingue clairement psychopathe, sociopathe, individu atteint d’un trouble de la
personnalité antisociale et individu atteint d’un trouble du comportement. Pour qualifier une
personne à l’aide de ces expressions particulières, il faut bien connaître les critères précis définis
par la profession de la santé mentale ou par des chercheurs comme Robert Hare.
Si complexe que soit la question pour les spécialistes, elle l’est plus encore pour le lecteur
profane. C’est pourquoi j’ai décidé d’utiliser le terme prédateur. Celui-ci signifie qu’on a affaire
à des individus qui considèrent les autres comme des proies, profitent d’eux et se soucient peu des
règles ou des droits et de la respectabilité d’autrui.
De même, des termes comme personnalité borderline, histrionique, trouble du comportement ou
trouble bipolaire sont un mystère pour la plupart des gens peu familiers de leur pleine
signification clinique. J’utilise donc l’expression émotionnellement instable pour désigner
l’essence de cette personnalité afin qu’elle soit compréhensible par un individu moyen, y compris
moi-même.
Je suis aussi conscient que certains termes psychologiques, comme borderline ou histrionique,
sont aujourd’hui si chargés de significations et de connotations négatives qu’ils stigmatisent ou
sont utilisés péjorativement tout en n’éclairant guère le sujet. Je les évite donc.
En revanche, j’ai utilisé les termes narcissique et paranoïaque car ils sont largement compris
grâce à leur longue présence dans la mythologie et la littérature.
Mon intention
Avec Détecter les personnalités dangereuses, je tente de partager avec vous
ce que je sais de ceux qui vous feront du mal. Les individus dangereux
rôdent autour de nous. Ils peuvent être vos voisins, vos amis, votre patron,
votre conjoint, vos proches ou vos parents. Ils peuvent être des
personnalités locales ou des professionnels responsables de votre éducation,
de votre santé ou de votre sécurité – et c’est pourquoi nous devons rester
particulièrement sur nos gardes.
Le mal, le crime ou les souffrances viennent à nous de multiples façons,
et il est rare qu’un drapeau ou un coup de sifflet nous en avertisse:
«Attention, me voilà!» En fait, d’après ma propre expérience d’agent
spécial du FBI, je sais que les délinquants sont incroyablement doués pour
se rapprocher de leurs victimes afin d’en profiter. Dennis Rader, alias le
tueur BTK (pour «bind, torture, kill»: ligoter, torturer, tuer), a vécu au grand
jour pendant trente ans. Installé à Park City, près de Wichita dans le Kansas,
il animait un conseil paroissial et travaillait comme employé de fourrière et
médiateur communal. C’était aussi un tueur en série qui a assassiné au
moins dix personnes après les avoir ligotées et torturées, préservant son
secret pendant trois décennies de sa femme et ses enfants, les fonctionnaires
municipaux et son église. David Russell Williams, colonel de l’armée
canadienne, décoré, a aussi caché à sa femme et à ses collègues qu’il était
un violeur et un meurtrier en série. Que dire aussi des nombreux prêtres
catholiques qui ont abusé d’enfants pendant des dizaines d’années, protégés
par leur soutane?
Ce sont des cas comme ceux-là qui nous font nous demander à qui l’on
peut faire confiance. Comment détecter et éviter le mal avant qu’il ne se
produise? En fin de compte, on doit s’en remettre à sa propre capacité innée
à sentir le danger, à ses pouvoirs d’observation et au comportement d’autrui
qui nous alerte quand quelque chose ne tourne pas rond.
Parfois, une seule personne fera les observations capitales qui pourront
vous sauver: vous-même. Vous qui côtoyez cette personne bizarre ou mal
lunée, au bureau ou chez vous derrière une porte fermée. Considérez le cas
d’Ariel Castro (2013) qui a détenu, torturé et violé trois jeunes filles dans sa
maison pendant plus d’une décennie (imaginez cela: plus de 3600 jours).
Dans les heures suivant son arrestation, ses voisins ont fait part de leur
stupéfaction aux journalistes: Castro était «connu comme un brave homme,
quelqu’un qui était bon avec les enfants». «Je me sens un peu coupable,
j’aurais dû le savoir», disait un voisin qui habitait deux maisons plus loin et
le connaissait depuis vingt-deux ans.
Et si ses voisins, les membres de sa famille ou ses collègues musiciens
(Castro chantait et jouait de la guitare) avaient été plus observateurs? La
plupart des gens, hélas, ne cherchent pas à en savoir plus. En fait, la société
n’aime pas qu’on se mêle des affaires des autres et, pour être franc, la
majorité des gens ne savent tout simplement pas quoi observer.
L’aveuglement social est malheureusement la norme et non l’exception.
Je ne veux pas que vous deveniez une victime. Je ne veux pas que vous
subissiez ce dont j’ai été témoin et que tant d’autres ont eu à souffrir. Je
veux que vous meniez une vie heureuse et épanouissante. Mais je sais qu’il
existe autour de nous des individus dangereux, prêts à vous faire du mal ou
à vous ôter ce à quoi vous tenez. Si vous avez le moindre doute, lisez le
journal et vous saurez pourquoi vous devez vous tenir prêt.
Invariablement, celui qui a été victime se demande plus tard: «Comment
cela a-t-il pu m’arriver? Pourquoi n’ai-je pas vu les signes?» Nous avons
tous connu cela, moi compris. On a 20 sur 20 de vision quand on regarde en
arrière, on est presque aveugle quand on scrute l’avenir. Personne ne nous a
enseigné quoi observer. Ceux qui travaillent sur des enquêtes pénales savent
qu’il existe presque toujours des traits de caractère ou des indices
comportementaux qui disent, à la personne impliquée: «Il y a quelque chose
qui ne va pas, fais attention, méfie-toi ou prends le large» – mais ces indices
n’ont pas été décelés ou bien on a préféré les ignorer.
C’est là qu’intervient cet ouvrage. Je voudrais vous aider à prendre les
devants quand quelqu’un s’apprête à profiter de vous ou à vous faire du
mal. On est responsable de sa propre sécurité. On ne peut pas la déléguer, et
l’on sera déçu si l’on essaie de le faire. Les services de police sont
notoirement surchargés, les cliniques psychiatriques sont submergées, les
tribunaux laissent trop de gens en liberté et, comme on l’a dit plus tôt, la
majorité des malfaiteurs sont rarement arrêtés. C’est pourquoi votre sécurité
est entre vos mains.
Qu’il serait bien de pouvoir tenir ces individus à l’écart de notre vie aussi
aisément qu’on le fait pour le spam ou les annonces «pop up» de l’Internet
– d’un seul clic! Mais pas moyen. Il faut donc rester sur ses gardes. Je
voudrais vous livrer ces informations, car on n’a pas en permanence à ses
côtés un expert à qui demander: «Qu’en pensez-vous, est-il dangereux?»,
«Cette personne est-elle recommandable?», «Puis-je lui confier mon
enfant?», «Puis-je lui confier mes économies?», «Puis-je l’accepter comme
colocataire?», «Ce cadre serait-il susceptible de ruiner mon entreprise?»,
«Dois-je l’inviter à passer la nuit chez moi?» Ces décisions sont de notre
responsabilité, et pourtant peu d’entre nous sont préparés à évaluer les
autres assez bien pour répondre aux questions précédentes. Ne pas savoir y
répondre aujourd’hui, c’est risquer une triste réponse à la une du journal de
demain.
Désormais, vous pouvez jouer un rôle actif dans votre protection.
Détecter les personnalités dangereuses vous livre des conseils experts
d’une manière simple et pratique, pour que vous puissiez prendre votre vie
en main. Je voudrais vous aider à apprendre à rechercher chez autrui les
défauts de caractère ou de personnalité et réduire ainsi le risque qu’on abuse
de vous émotionnellement, psychologiquement, financièrement ou
physiquement. Comme l’a très bien dit Benjamin Franklin:
«L’investissement dans la connaissance est celui qui rapporte les meilleurs
intérêts.» J’ajouterai seulement qu’un investissement dans ce genre de
connaissance peut vous sauver la vie.
Les listes de contrôle des individus dangereux
Dans le monde où j’ai travaillé, le temps est un luxe: nous n’avions jamais
plusieurs jours ou plusieurs semaines pour faire le point sur une personne. Il
fallait choisir vite qui étudier, cibler, filer, interroger, confronter, inculper ou
arrêter. Quand vous négociez avec un kidnappeur, pas question de lui dire:
«Patientez une minute, nous devons demander à un comité d’experts de
déterminer votre vraie personnalité afin de savoir comment traiter avec
vous.» Les choses ne fonctionnent pas ainsi. La vie réelle se déroule en
temps réel et les décisions doivent être prises dans l’instant.
Dans les situations de crise, notre connaissance générale du
comportement humain jouait un rôle capital, tout comme les informations
spécifiques que nous obtenions peu à peu sur le comportement de ces
individus dangereux. Progressivement, à force de discuter avec ces
personnes, ainsi qu’avec des experts et des victimes, leurs principales
caractéristiques se sont formalisées en listes de contrôle (check-lists) qui
m’aidaient à les évaluer en temps réel dans les situations périlleuses que
nous rencontrions tous les jours au FBI.
Ce que seuls des profileurs criminels du FBI triés sur le volet savaient
jusqu’à présent, et ce que j’ai moi-même utilisé à de nombreuses reprises et
affiné au fil du temps, je vais à présent le partager avec vous.
Chapitre par chapitre, je décrirai les traits distinctifs de chacune des
quatre personnalités, la manière dont elles se comportent, ce qu’on ressent à
leur égard ainsi que les lieux et circonstances où l’on peut les rencontrer,
avec des exemples tirés de la vie courante, de mes propres fichiers et des
titres de la presse. Chaque chapitre s’achèvera par une liste propre au type
d’individu dangereux examiné et décrivant en langage de tous les jours des
signaux d’alarme essentiels. Les listes de contrôle comprennent un système
de notation pratique et simple d’emploi qui vous aidera à situer ces
individus sur un spectre allant de «léger» à «grave» en passant par
«modéré» – autrement dit de l’agaçant au dangereux, en passant par le
toxique.
Ces listes vous aideront à comprendre:
les comportements et traits de personnalité les plus courants qui vous
disent: «Attention!»;
les traits, comportements ou événements qui paraissent normaux,
mais qui signalent en fait un danger;
ce à quoi vous pouvez vous attendre de la part de la personne
considérée;
le degré auquel cette personne pourrait être menaçante pour vous et
votre entourage.
Les listes sont toutes très spécifiques et hautement détaillées – bien plus
détaillées en fait que celles utilisées par les professionnels de la santé
mentale pour diagnostiquer des troubles de la personnalité. Vous vous
demanderez peut-être pourquoi elles sont si longues. La raison est simple:
évaluer des personnalités dangereuses est souvent une tâche complexe et
délicate. Les listes de contrôle sont longues parce qu’elles doivent l’être.
Leur caractère détaillé est un gage de précision et évite de passer à côté de
comportements significatifs ou plus nuancés que des profanes risqueraient
de négliger, alors qu’ils sont importants dans la détection de tel ou tel
individu dangereux. Quand il s’agit de sauver des vies ou de mettre autrui
en sécurité, je dois considérer ce qui est utile au lectorat le plus large, et
aussi ce qui est nécessaire. De même qu’un pilote expérimenté pointe une
longue liste de contrôle avant le décollage et l’atterrissage pour assurer une
sécurité maximale à tous ceux qui se trouvent à bord de son avion, on doit
utiliser des listes complètes pour être aussi soigneux et précis que possible.
En ce qui concerne les individus dangereux, les détails et l’exactitude sont
préférables à la brièveté et à l’ambiguïté.
En lisant ce livre et en utilisant ses listes de contrôle, vous remarquerez
que, contrairement à la plupart des ouvrages sur le sujet, les statistiques y
sont très peu nombreuses. Et la raison me paraît valable: quand on dit que
tel ou tel type de personnalité représente 1, ou 6, ou 2,8 % de la population,
on rend à mon avis un mauvais service au lecteur en l’invitant à surveiller
les probabilités (statistiques) plutôt que les comportements. Le risque est
que quelqu’un dise: «Eh bien! puisque nous avons 96 % de chances d’être
en sécurité, inutile de nous soucier de ce genre de personnes.» Bien des
fumeurs se bercent d’illusions en s’attachant aux statistiques relatives à
ceux qui n’ont pas de cancer du poumon plutôt qu’aux comportements et au
style de vie qui favorisent le cancer du poumon. Cet état d’esprit est
précisément celui que nous voudrions éviter. Une seule rencontre avec un
seul individu dangereux – dans la rue, au travail, dans votre voiture, dans
votre logement, dans votre chambre – peut suffire à ruiner votre vie. C’est
pourquoi ce livre est centré sur les comportements, et non sur les
statistiques ou les probabilités.
Je sais aussi que, si l’on en croit les chercheurs (on trouvera davantage
d’informations dans la cinquième édition du Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders, alias DSM-5), certains troubles sont
diagnostiqués plus souvent chez l’un ou l’autre sexe: le trouble de la
personnalité antisociale, par exemple, se rencontre plus souvent chez les
hommes, alors que le trouble de la personnalité borderline est plus fréquent
chez les femmes. Ces deux troubles présentent de nombreux traits de
comportement respectivement du prédateur et de la personnalité
émotionnellement instable décrits dans ce livre. De même qu’il ne serait pas
bon de trop s’attacher aux statistiques, on aurait tort d’associer un trouble
ou un type de personnalité à tel ou tel sexe. Notre objectif est de nous
intéresser aux comportements. Ce sont eux qui, plus que tout, définissent le
type de personnalité dangereuse.
Avertissement important
En lisant ce livre, gardez à l’esprit que je ne suis pas un spécialiste de la
santé mentale et que cet ouvrage n’a aucun but diagnostique. Le diagnostic
clinique est réservé aux cliniciens qui ont passé des années à se former à
l’art et à la science du diagnostic à l’aide de critères spécifiques établis par
leur profession (représentée aux États-Unis par l’American Psychiatric
Association). Bien que les spécialistes puissent trouver utiles les
informations réunies dans ce livre, ce dernier n’est pas destiné à être utilisé
à des fins de diagnostic.
Les listes de contrôle ont été conçues comme un outil d’évaluation à
l’intention de ceux qui veulent détecter des individus dangereux ou des
comportements révélateurs. De même qu’on évalue prudemment qui laisser
entrer chez soi ou qui embaucher, ces listes de contrôle nous aident à
évaluer autrui de manière plus approfondie. C’est aussi un livre sur la
manière de vous protéger et de protéger vos proches.
Il existe de nombreux ouvrages et documents excellents sur la maladie
mentale, la psychologie déviante et les troubles de la personnalité, ainsi que
sur leurs causes et traitements possibles. Ce livre n’en fait pas partie; si tel
est l’objet de votre recherche, consultez plutôt les documents en question.
J’ai écrit cet ouvrage uniquement à partir de ma perspective d’ancien agent
spécial du FBI qui a souvent eu affaire à ces types d’individus dangereux,
que ce soit en confrontation directe, comme cible d’une enquête ou en
consultation. Ma démarche n’est donc pas celle des arts guérisseurs – je
laisse cela aux professionnels de la santé mentale.
On trouvera à la fin de ce livre des références et une bibliographie qui
proposent un choix de ressources précieuses provenant des soins médicaux,
des centres de crise, de la criminologie, de la police et des enquêtes
judiciaires, ainsi que des informations fournies par les victimes elles-
mêmes. J’espère que vous explorerez ces ressources supplémentaires et
continuerez à vous former longtemps après avoir refermé ce livre. Je crois
sincèrement qu’il vaut mieux prendre en compte les propos de nombreux
auteurs que ceux d’un seul.
De nombreux autres ouvrages se penchent sur le pourquoi de ces
personnalités. Rien de tel ici. Et pour une bonne raison: si quelqu’un prend
plaisir à vous humilier quotidiennement, vide votre compte en banque,
brutalise votre enfant ou vous frappe à coups de ceinturon, est-il vraiment
important de savoir pourquoi il agit ainsi? La seule chose qui compte, pour
vous qui n’êtes ni clinicien ni chercheur, c’est votre sécurité et le bien-être
de ceux que vous aimez.
Au cours de mes nombreuses années dans la police, plus nous en savions
sur la personnalité d’un suspect, plus nous avions de chances de
l’appréhender ou de prévenir de nouveaux méfaits. En cas de prise d’otage,
par exemple, savoir si celui à qui nous avions affaire était principalement un
paranoïaque, un prédateur, un narcissique ou un grand instable pouvait faire
toute la différence dans notre manière de communiquer avec lui, dans
la fréquence de nos contacts et dans les moyens utilisés. Cela nous aidait
aussi à déterminer quelles actions envisager pour sauver l’otage. Connaître
le type de personnalité de l’individu nous donnait une idée de l’évolution
probable de la situation, car la personnalité indique souvent une trajectoire
potentielle. C’est pourquoi l’analyse comportementale dit: «Ce qui prédit le
mieux un comportement futur est le comportement passé.» Ou, pour citer
un penseur légendaire sur la nature humaine:
Nous sommes ce que nous avons
l’habitude de faire.
ARISTOTE
Donc, si vous cherchez à connaître le «pourquoi» des personnalités
dangereuses, ce livre n’est pas fait pour vous. Mais si vous voulez savoir
comment ces gens pensent et se comportent, si vous voulez vous prémunir
et protéger les gens que vous aimez ou votre entreprise, alors il constitue un
bon point de départ.
Dernière remarque avant de commencer
Même si ma formation et ma philosophie personnelle me disent que toute
personne mérite d’être traitée de manière éthique et avec respect, je crois
aussi que personne n’a l’obligation sociale de devenir victime. Permettez-
moi de me répéter: personne n’a l’obligation sociale de devenir victime.
C’est pourquoi j’écris ce livre. Ma seule préoccupation est votre sécurité et
votre bien-être. Je voudrais éviter que vous-même, vos enfants, vos parents
ou vos grands-parents ne deveniez des victimes.
Mon but n’est pas de vous faire peur, mais de mettre votre destin entre
vos mains. Je voudrais vous sensibiliser à ces personnalités afin que vous
puissiez les repérer avant qu’elles n’aient l’occasion de s’en prendre à vous
ou à ceux que vous aimez, afin aussi de vous aider à prendre vos distances
si elles vous font du mal. Je voudrais vous aider à développer votre «radar
de sécurité» afin de détecter les comportements qui vous disent attention!
sois prudent avec cette personne, vas-y doucement, méfie-toi.
Plus nous parvenons à agir ainsi sur le plan individuel, mieux nous
serons protégés collectivement. Peut-être alors le terrible gâchis que causent
les individus extrêmement dangereux que nous côtoyons pourra-t-il être
évité longtemps avant de faire les gros titres.
Si ce livre vous aide à détecter quelqu’un qui aurait pu vous atteindre
physiquement, émotionnellement, psychologiquement ou financièrement, et
à vous en protéger, alors j’aurai atteint mon but.
CHAPITRE 1
«Il n’y a que moi qui compte»: la personnalité
narcissique
P armi toutes les étiquettes qui circulent et qu’on colle à tort et à travers à
tel ou tel individu, celle de narcissique est probablement l’une des plus
répandues et des moins comprises. C’est un terme courant qui remonte à
l’Antiquité (au mythe grec de Narcisse, jeune homme tombé amoureux de
son reflet dans l’eau), mais dont la véritable signification peut être difficile
à saisir.
La plupart des gens pensent qu’un narcissique est quelqu’un qui donne
son nom à une chaîne d’hôtels ou qui veut toujours être sous le feu des
projecteurs – un candidat de télé-réalité, par exemple. Certes, le vedettariat
en fait rêver plus d’un. Mais le type de narcissique que nous évoquons dans
ce livre va bien au-delà de l’individu qui aime se faire valoir. Le véritable
narcissique est nuisible et dangereux. Désormais, j’emploierai
indifféremment les termes de narcissique et de personnalité narcissique.
Les personnalités narcissiques se soucient uniquement d’elles-mêmes, de
leurs besoins et de leurs priorités. Si vous et moi apprécions l’attention dont
nous faisons l’objet, le narcissique en a un besoin maladif, n’hésitant pas à
manipuler les autres et à manœuvrer pour l’obtenir. Si vous et moi
travaillons dur pour atteindre une certaine réussite professionnelle, la
personnalité narcissique peut intriguer, tromper, mentir ou embellir la vérité
pour occuper le devant de la scène sans se soucier le moins du monde des
conséquences de ses actes.
Les narcissiques se rencontrent à tous les échelons de la société,
jusqu’aux plus élevés où ils sont représentés par des personnages tristement
célèbres qui n’ont eu aucun scrupule à déclarer la guerre et à exterminer des
populations entières. Mais, plus simplement, il peut s’agir de la personne
assise sur un tabouret de bar à côté de vous, d’un collègue, d’un coéquipier,
de votre partenaire, d’un membre de votre famille, d’un camarade d’études,
et même d’un membre de votre communauté spirituelle.
Cendrillon, ce célèbre conte de fées qui met en scène une jeune fille
persécutée par sa marâtre et ses demi-sœurs qui ne pensent qu’à elles,
illustre à merveille le narcissisme et sa tendance à exploiter autrui. La belle-
mère et les demi-sœurs de Cendrillon font partie de ces personnes qui
vivent égoïstement aux dépens des autres. La version la plus célèbre du
conte est celle de Walt Disney, mais il en existe plus de 300. Apparemment,
de nombreuses cultures ont jugé bon de nous avertir des dangers que
représente cette personnalité, et elles ont eu raison.
À l’instar de la belle-mère et des demi-sœurs de Cendrillon, les
narcissiques ne sont guère enclins à voir leurs propres défauts et considèrent
que les personnes qui ne les estiment pas autant qu’ils s’estiment eux-
mêmes sont juste bonnes à être dénigrées, tourmentées, harcelées. Et si la
Cendrillon de Walt Disney connaît une issue heureuse, dans la réalité il n’y
a pas de bonne fée ni de prince charmant pour nous arracher aux griffes de
ces tyrans. Lorsque nous avons affaire à des narcissiques, c’est à nous de
nous protéger.
Comment la personnalité narcissique agit-elle?
Le narcissisme n’est pas la confiance en soi. Une véritable confiance en soi
traduit une force de caractère admirable. L’assurance du narcissique n’est
que de l’arrogance – un défaut qui engendre des idées de grandeur et la
poursuite incessante de désirs égoïstes, souvent aux dépens des autres.
Certaines «grandes» idées peuvent faire avancer la société. Prenez les
progrès nés de l’invention de l’électricité et de la mission spatiale Apollo
qui permit à l’homme de marcher sur la Lune, pour n’en citer que deux.
Walt Disney, lui aussi, a eu une idée grandiose, celle d’un endroit magique
voué à divertir petits et grands, et qui allait devenir réalité au sein de
Disneyland, Disney World et Epcot[1].
L’ambition du narcissique est de la mégalomanie, ce qui est très
différent. Considérez Jim Jones (1931-1978), un pasteur américain qui, en
fondant une communauté dans un village à son nom, au Guyana, en
Amérique du Sud, s’est transformé en gourou vénéré comme un Être
suprême. Le prix de votre admission dans la communauté? Vos économies
de toute une vie et votre libre arbitre. Vous deviez aussi être prêt à tuer vos
propres enfants et à vous suicider en ingérant du cyanure de potassium avec
900 autres membres de la communauté[2].
Dans l’exemple de Walt Disney, une idée ambitieuse engendre la création
d’un lieu où nous pouvons réaliser nos rêves d’enfants. Dans l’exemple de
Jim Jones, ce sont nos cauchemars qui sont réalisés. La différence entre ces
deux hommes n’est pas dans l’envergure de leurs idées, mais dans leur type
de personnalité – déviant dans le cas de Jim Jones. L’un recherche le
bonheur pour tous. L’autre recherche l’adoration et le bonheur pour lui seul.
C’est pourquoi mon objectif est de vous alerter sur la personnalité
narcissique en vous décrivant ses traits de caractère et de comportement.
Le narcissique est égocentrique
Tous les enfants traversent une phase de leur développement où ils se
sentent le centre du monde et où ils croient que tout leur est permis. Au
fond, les narcissiques n’ont jamais dépassé ce stade. L’enfant en eux
réclame une attention constante qui les amène à tout faire, aussi ridicule et
impensable que cela puisse paraître, pour être le point de mire ou parvenir à
leurs fins.
Ils vont arriver en retard à une réunion, une soirée ou un événement
familial, obligeant les autres à attendre, voire à faire des sacrifices en leur
nom. Ils sont capables de pénétrer dans une pièce comme un ouragan ou de
faire des entrées spectaculaires, juste pour attirer l’attention. Ils n’hésitent
pas à vous faire savoir qu’ils sont la personne la plus intelligente, la plus
brillante de l’assemblée. À les entendre, ils connaissent tout le monde, se
vantant d’avoir déjeuné avec telle personne, d’entretenir des liens
privilégiés avec telle autre, voulant à tout prix que vous sachiez qu’ils
fréquentent des gens importants.
Faire bonne impression, voilà leur leitmotiv. On pourrait dire que chez
les narcissiques, l’habit fait le moine. Vous les voyez sans cesse se regarder,
se pomponner devant la glace. Ils sont très conscients de leur apparence
physique (ce qui peut les pousser à devenir des fanatiques des clubs de
fitness ou de la chirurgie esthétique) et utilisent leur présence pour exercer
un impact sur les autres, qu’il s’agisse de vérifier que tous les regards sont
tournés vers eux à une soirée ou que tout le monde voit qu’ils possèdent ce
qui se fait de meilleur, de plus beau, de plus grand ou de plus cher.
Certains narcissiques se présentent comme des individus très accomplis,
alors qu’en réalité ils n’ont pas accompli grand-chose – ce qui ne les
empêche pas de se croire supérieurs aux autres et de se considérer comme
de grands inventeurs, de grands artistes, de grands musiciens, de grands
penseurs ou de grands leaders. Quand les choses ne vont pas comme ils
veulent, ils accusent tout le monde – sauf eux. Ils ont pu commettre des
erreurs, se montrer incompétents ou ils ne sont tout simplement pas très
appréciés dans leur entourage, mais vous ne les entendrez jamais dire qu’ils
se sont trompés, qu’ils ne possèdent pas les compétences nécessaires ou
qu’ils ne plaisent pas à tout le monde. Non, c’est le système, la société, leur
patron, leur professeur, l’électorat, le monde entier, qui leur est hostile et ne
reconnaît pas leurs qualités exceptionnelles.
Lorsque leur entourage ne les traite pas comme ils le mériteraient, ils
boudent, ils pleurent ou ils entrent dans une rage infantile qui peut aller
jusqu’à la violence. Ils peuvent lui faire des reproches et l’accuser en toute
impunité, se montrer rancuniers et vindicatifs – c’est dans leur nature.
Le narcissique se survalorise et dévalorise les autres
Parce qu’ils se considèrent comme des êtres uniques et exceptionnels, les
narcissiques ont tendance à juger les autres insignifiants ou inférieurs. Ils
sont passés maîtres dans l’art de les dénigrer, de les rabaisser dans le seul
but de se sentir, eux, supérieurs. Ils sont les persécuteurs, les tyrans, les rois
des brimades. Leona Helmsley (1920-2007), la richissime femme d’affaires
américaine à la tête du fleuron de l’hôtellerie new-yorkaise, s’était vu
surnommer la «reine des garces» par les médias après avoir déclaré que
«seules les petites gens paient des impôts». Mais elle n’était pas seulement
réputée pour son avarice et sa mesquinerie. D’après les témoignages
recueillis, elle tyrannisait toutes les personnes de son entourage qu’elle
jugeait inférieures à elle – le même type de persécutions que celles dont on
entend parler aujourd’hui en milieu scolaire.
Ce n’est pas un hasard si les violences physiques et psychologiques
semblent être en augmentation et si leurs conséquences (absentéisme,
dépression, anxiété et suicide) sont de plus en plus terribles. Selon de
nombreux cliniciens, le narcissisme dans la population générale et les
persécutions suivent une évolution parallèle, ce qui est assez logique
puisque les comportements tyranniques sont l’une des caractéristiques les
plus répandues chez les personnalités narcissiques.
Aujourd’hui, les narcissiques n’ont même plus besoin d’être dans votre
entourage réel pour vous déprécier et vous mettre le moral à zéro. Le
9 septembre 2013, une jeune Américaine de 12 ans, Rebecca Sedwick, s’est
suicidée en se jetant du haut d’une cimenterie désaffectée à Polk County, en
Floride, après avoir été harcelée en ligne (ce qu’on appelle la
cyberpersécution). C’est le cas extrême qui peut se produire quand vous
êtes victime d’individus qui se survalorisent et vous dévalorisent
constamment.
Les personnalités narcissiques ont une étrange capacité à identifier la
faiblesse ou l’insécurité psychologique chez les autres et à l’utiliser pour les
dénigrer ou se mettre davantage en valeur. Par exemple, elles peuvent
remarquer votre nouvelle montre et attirer votre attention sur la leur,
beaucoup plus belle et beaucoup plus onéreuse. Lors d’un dîner, elles sont
du style à dire suffisamment fort pour que tous vos invités entendent: «Les
vins de cette région ne sont pas terribles», histoire de vous mettre mal à
l’aise. Elles n’ont que faire de ce que vous pouvez ressentir; elles ont
simplement besoin de vous rabaisser pour se sentir mieux.
C’est le genre de personne qui, sentant que vous avez le trac avant de
prendre la parole en public, va vous dire: «Cela doit être difficile de passer
après un grand orateur, je ne voudrais pas être à ta place.» Je le sais, car
c’est ce qui m’est arrivé juste avant de tenir un discours à La Nouvelle-
Orléans.
Parfois, les narcissiques montrent leur vrai visage en faisant des
reproches à leur conjoint ou à leurs enfants devant tout le monde. S’ils
osent faire cela en public, vous imaginez de quoi ils sont capables en privé
avec leurs proches.
Les narcissiques peuvent aussi faire des commentaires méprisants, avec
une froideur terriblement caustique, sur une personne qu’ils jugent stupide
ou incompétente. Ils vocifèrent des ordres contre un serveur qui passe, puis
se tournent vers vous avec un grand sourire comme si rien ne s’était passé.
Il y a quelques années, j’assistais à une série de conférences dans un hôtel
de Las Vegas. L’un des conférenciers a aboyé après le personnel de l’hôtel
devant 150 personnes présentes à cause d’une panne de micro. «Je ne suis
pas venu ici pour me ridiculiser devant tout le monde! Réparez-moi ça!»
L’auditoire est resté bouche bée. De tels comportements sont des signes
révélateurs: vous pouvez être sûr que vous êtes face à une personnalité
narcissique.
Le narcissique n’est pas empathique, mais arrogant et se croit tout permis
Un individu qui se sent supérieur aux autres n’est guère porté à l’empathie.
Alors que la plupart d’entre nous apprennent dès leur plus jeune âge à
comprendre les émotions et les sentiments d’autrui, ainsi que les
conséquences de leurs actes, les narcissiques ont une compréhension
limitée, voire inexistante de votre situation et de votre ressenti, et sont
rarement dans la compassion. Vous pouvez traverser une crise grave, mais
vous ne serez jamais le centre d’intérêt d’un narcissique. Pourquoi? Parce
que rien ne doit le détourner de ses besoins et de ses désirs. Vous pouvez
avoir à vous occuper d’un enfant malade, il voudra que vous l’emmeniez
faire des emplettes au centre commercial. En réalité, les personnalités
narcissiques voient dans l’aveu des besoins, des erreurs ou des maladies des
autres des faiblesses qui confirment leur supériorité et justifient leur attitude
dénigrante.
Certains narcissiques affichent ouvertement leur arrogance et leur
mépris, palpables dans leur façon de parler, de réagir et même de se tenir.
D’autres reconnaissent la nécessité d’avoir l’air empathiques. Toutefois, ne
vous y prenez pas: leur empathie est intéressée. Par exemple, votre patron
vous appelle chez vous lorsque vous êtes malade pour vous demander
comment vous allez, mais en réalité sa seule préoccupation est de savoir
quand vous comptez revenir travailler. Vous avez l’impression qu’il se
soucie de vous jusqu’à ce que vous découvriez à quel point son intérêt à
l’égard de votre vie et de votre bien-être est superficiel et épisodique – sauf
s’il est directement concerné.
D’autres encore ne montrent leur ego surdimensionné qu’en cas de crise.
Leur point de vue égocentrique sur le monde filtre alors à la surface.
Le 20 avril 2010, la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de BP
explosait dans le golfe du Mexique, tuant 11 employés et provoquant la plus
grande marée noire de l’histoire de l’industrie pétrolière (ou de la planète,
en réalité). Le 30 mai, Anthony «Tony» Hayward, le directeur général de
BP, s’exprimait au micro d’un reporter au sujet de la catastrophe et de ses
conséquences en ces termes: «Nous sommes désolés de cet événement
tragique. Il n’y a personne qui souhaite plus que moi que toute cette histoire
se termine. J’aimerais que rien ne se soit passé et retrouver ma vie d’avant.»
Stupéfiant, non? Il est question d’une catastrophe environnementale
d’ampleur historique et de la mort de 11 personnes, et ce monsieur veut
«retrouver sa vie d’avant». Il faut parfois une situation de crise pour que les
narcissiques montrent leur vrai visage qui signifie: «Rien n’est plus
important pour moi que moi.»
Plus vous parlez à des narcissiques, plus vous êtes conforté dans l’idée
qu’ils se moquent de vous comme de l’an quarante! Ils n’éprouvent pas
vraiment de curiosité à votre égard. Ce qu’ils veulent, c’est que vous prêtiez
attention à eux, à leurs besoins et à leurs envies, et que vous fassiez leurs
quatre volontés. Mais parce qu’ils sont hyperconscients de l’image qu’ils
donnent, ils peuvent souvent moduler et modérer leur comportement pour
contrôler la manière dont ils sont perçus. En général, tout cela ne dure
qu’un temps et leurs véritables sentiments finissent par se révéler au grand
jour.
Si les narcissiques commettent des actions louables, c’est pour parvenir à
leurs fins et non pour exprimer un véritable intérêt à l’égard d’autrui. Dans
le film Les affranchis réalisé par Martin Scorsese en 1990, Henry Hill (joué
par Ray Liotta), qui fait ses premières armes dans le métier de gangster, fait
la cour à Karen, sa future femme, en se montrant aux petits soins pour elle:
il l’emmène dans de grands restaurants, lui réserve les premières places aux
spectacles, lui fait déguster les mets les plus fins et les meilleurs vins, lui
évite de faire la queue, etc. Elle fait l’objet de toutes ses attentions. Mais
une fois qu’il l’épouse, changement de décor. Le narcissique ayant obtenu
ce qu’il voulait, il n’hésite pas à rentrer soûl, imprégné du parfum d’autres
femmes. Ce que souhaite son épouse? Il n’en a cure. La seule chose qui lui
importe, c’est de sentir que tout lui est permis. Il a utilisé l’attention portée
à l’autre pour prendre sa future belle dans ses filets, mais il ne s’en soucie
guère, en réalité.
Nous ne sommes plus au cinéma, mais dans la vraie vie où l’homme
d’affaires Bernard Madoff a fait jouer ses relations et ses amitiés pour
berner les investisseurs qui avaient toute confiance dans sa chaîne de Ponzi,
une forme d’escroquerie fondée sur un système pyramidal où les intérêts
des premiers investisseurs sont payés avec le capital déposé par les
suivants. La grande différence entre ce à quoi ces investisseurs s’attendaient
et ce qu’ils ont obtenu tient à la réalité des liens tissés avec une personnalité
narcissique. Vous vous attendez à être traité comme un égal, comme un ami,
mais le narcissique n’a pas d’égal. Pour lui, les amis sont fonctionnels et ne
servent qu’un seul objectif: celui de satisfaire ses besoins ou ses désirs.
Les plus dangereux sont ceux dont l’absence totale d’empathie et la
mégalomanie frôlent la psychopathie, à savoir la capacité à nuire sans le
moindre remords. Ces individus n’ont aucune conscience morale et
exploitent les autres émotionnellement, financièrement et parfois
physiquement. Si vous leur faites plaisir, vous leur êtes commode; si vous
les mécontentez, vous êtes la personne à rabaisser, voire à détruire. Lorsque
nous apprenons dans les journaux qu’un parent a enfermé, abandonné ou
tué son bébé pour se donner du bon temps et faire la fête, nul doute que
nous sommes face à une personnalité narcissique qui a une très haute idée
d’elle-même mais n’accorde aucune valeur à l’autre, le traitant avec une
indifférence reptilienne.
Cette indifférence se traduit par un phénomène qui sème la terreur dans
les grandes villes des États-Unis, à savoir les «knockout assaults» ou le
«knockout game», jeu qui consiste à donner un coup de poing violent à des
passants sans défense (y compris des personnes âgées, et essentiellement
des femmes), juste pour voir s’ils peuvent être mis K.-O. en une seule
frappe (et, en général, la personne est victime d’une commotion cérébrale).
Pour se comporter avec une telle dureté, il faut mépriser complètement
l’autre, ce qui est le cas des narcissiques.
Le narcissique prend des raccourcis, détourne les lois et enfreint les limites
Avec leur sentiment de toute-puissance, les personnalités narcissiques
peuvent se croire dispensées de travailler aussi dur que les autres, autorisées
à prendre des raccourcis pour parvenir à leurs fins, ou se croire au-dessus
des lois. C’est ainsi que certains politiques ont des aventures
extraconjugales, font des enfants à leur maîtresse et nient leur paternité
(comme l’ancien sénateur américain John Edwards); que d’autres
détournent des fonds publics à leur propre compte (comme l’ancien
représentant américain Jesse Jackson); ou que d’autres encore sont prêts à
vendre à bon prix des faveurs politiques (comme l’ancien gouverneur de
l’Illinois Rod Blagojevich).
Le PDG d’une entreprise m’a raconté qu’il avait embauché un
gestionnaire très compétent, mais qui s’est brusquement mis à flirter avec
ses collègues féminines. C’était comme s’il ne pouvait pas s’empêcher de
faire des avances sexuelles à des femmes. Tous les employés savaient qu’un
tel comportement était intolérable, mais lorsque cet homme fut mis devant
les faits, il entra dans une violente colère, soutenant que rien, dans son
comportement, ne violait les termes de son contrat et qu’il se montrait
simplement amical avec ses collègues féminines. Rappelez-vous: les
narcissiques ne reconnaissent jamais leurs fautes, ils se croient toujours
dans leur bon droit. Et ils se mettent en colère lorsque quelqu’un pointe du
doigt leur comportement inadmissible.
Certains inventent des histoires sur eux pour alimenter leur besoin de
reconnaissance. Par exemple, ils vont vous dire qu’ils font partie du
commando de la marine américaine, alors qu’ils n’ont même jamais servi
dans les forces armées – et, bien sûr, ils ne peuvent jamais en apporter la
preuve parce que leurs missions sont «secrètes». Si c’est déjà très grave
d’entendre quelqu’un prétendre être un héros militaire – un affront à l’égard
de tous ceux qui ont servi dans l’armée –, cela l’est encore plus s’il se fait
passer pour un médecin, un pilote ou un autre professionnel. Savoir que de
nombreuses personnes mettent leur santé, leur vie ou leurs économies entre
vos mains alors que vous êtes un imposteur me semble constituer la
trahison suprême de la confiance et de l’éthique. De telles violations des
lois et des principes moraux ébranlent les fondements de la société et,
d’après mon expérience, sont principalement commises par des
personnalités narcissiques.
Les narcissiques sont très doués pour embobiner et arnaquer les autres.
C’est le cas de Christian Karl Gerhartsreiter, alias Clark Rockefeller, un
Allemand qui a émigré aux États-Unis dans les années 1970 et s’est fait
passer pour un membre de la célèbre famille Rockefeller. Il a épousé Sandra
Boss, une jolie femme d’affaires, et lui a donné une fille. Lorsque la jeune
femme a découvert que son époux n’était qu’un imposteur et qu’elle a
demandé le divorce, Karl a kidnappé sa propre fille. Qui pouvait commettre
un tel acte? Une personnalité narcissique qui cherche désespérément la
reconnaissance.
Je me souviens de Sara, une veuve qui a sollicité les services du FBI. Je
devais l’interroger sur une possible affaire de fraude. Sara venait de finir de
payer les études de son troisième et dernier enfant et, disposant de
davantage de temps libre, elle s’est intéressée à un pasteur charismatique
qui venait de s’établir en ville. Elle était fascinée par sa dévotion, «ses
connaissances si étendues» et sa facilité à se faire des amis. Elle a fini par
participer financièrement à ses «travaux spirituels» et par lui faire don de
près de 30 000 dollars pour qu’il puisse construire sa propre église. Mais
après avoir empoché l’argent, le pasteur s’est envolé dans la nature.
J’ai parlé à Sara trois ans après l’affaire et elle subissait encore les
terribles conséquences de cette perte financière. Elle avait perdu presque
toutes ses économies et ses enfants se demandaient comment elle avait pu
faire confiance à cet escroc, comme d’autres veuves. Mais ce qui m’a peiné
tout autant, c’est de l’entendre dire qu’elle avait perdu toute spiritualité et
toute confiance en l’autre.
Avec leur ego surdimensionné et envahissant, les narcissiques n’ont pas
de limites clairement établies, que ce soit avec leurs semblables, les lois, les
règles ou les normes sociales. Marionnettistes habiles, passés maîtres dans
l’art de tirer les fils de la société, ils considèrent les autres comme des
prolongements d’eux-mêmes, leur donnant des ordres, les dirigeant, les
manipulant et les utilisant pour satisfaire leurs désirs. Par exemple,
lorsqu’un narcissique flirte avec une femme qu’il vient de rencontrer,
l’embrasse et la caresse, il sait qu’il va coucher avec elle. Certes, la femme
peut refuser d’aller plus loin, mais le narcissique s’arroge tous les droits, et
notamment celui de faire ce qu’il veut, alors pour lui les mots «non» ou
«stop» n’ont aucun sens. Ces mots sont des ralentisseurs, pas des panneaux
«ARRÊT». C’est ce que nous voulons dire quand nous affirmons que les
narcissiques n’ont pas de limites.
Chaque fois que vous entendez parler d’un PDG qui ment sur la valeur
financière de sa société et qui met en danger ses propres salariés, vous êtes
face à une personnalité narcissique. Jeffrey K. Skilling et Kenneth Lay ont
été responsables de l’effondrement d’Enron, le géant américain de l’énergie,
en 2001 – à l’époque, la plus grande faillite d’entreprise de toute l’histoire
des États-Unis. Ils ont été reconnus coupables de complot et de fraude, mais
c’était une maigre consolation pour les actionnaires qui s’étaient fait rouler
dans la farine et les 20 000 salariés de l’entreprise qui avaient été
encouragés à investir dans une société au bord de la faillite, et qui ont perdu
leur emploi et toutes leurs économies. Il faut avoir un sentiment de toute-
puissance, une mégalomanie et un manque d’empathie quasi inimaginables
pour être capable de tels agissements, et c’est le cas de la personnalité
narcissique.
Lorsque nous apprenons par les médias qu’un prêtre, un moniteur ou un
entraîneur a violé un enfant, nous pouvons nous dire que nous avons affaire
à un narcissique qui ne respecte pas les droits de l’homme. Et vous avez
certainement remarqué que lorsqu’ils sont arrêtés, ces individus ne
s’excusent même pas. Pourquoi? Tout simplement parce qu’ils se croyaient
en droit de violer des enfants. Lorsque je vois Jerry Sandusky, l’ancien
entraîneur adjoint de l’équipe de football américain de l’université de l’État
de Pennsylvanie reconnu coupable de nombreux abus sexuels sur des
mineurs, je vois une personnalité narcissique et un être humain odieux qui
utilisait les enfants comme un parc à thème. Jamais une seule excuse n’est
sortie de sa bouche. Il mérite le mépris et de passer le restant de ses jours en
prison. Il a peut-être été un bon entraîneur, mais il ne valait rien en tant
qu’individu. C’est souvent le cas chez les narcissiques.
Le narcissique a besoin de tout contrôler
Certaines personnes plaisantent parfois en disant qu’elles veulent tout
régenter, mais si vous avez déjà eu un patron ou un partenaire de ce type,
vous savez que ce n’est pas une blague. Une femme qui s’appelait Matilda
est tombée amoureuse d’un bel homme originaire, comme elle, d’Amérique
latine. Elle restait à la maison, lui travaillait et gérait le budget du ménage.
Tout fonctionnait à merveille au début, mais au bout d’un moment, son
besoin de contrôle est devenu étouffant. Elle ne supportait plus de devoir lui
demander de l’argent pour les courses alimentaires, pour renouveler sa
garde-robe ou pour acheter des cadeaux de Noël. Lorsqu’elle lui a fait part
de ce problème, il lui a répondu: «Est-ce que je ne prends pas soin de toi?
Est-ce que je ne t’ai pas toujours tout donné? Ne t’inquiète pas pour
l’argent.»
Il l’a récemment quittée pour une autre femme. Cet homme, qui semblait
pourtant si généreux, gardait tellement Matilda sous sa coupe qu’elle ne
savait même pas combien d’argent il y avait à la banque, ni même où était
l’argent. Aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années, elle fait plusieurs
petits boulots. Elle n’a pas d’argent en banque, pas de biens, pas
d’économies et monsieur ignore ses appels au secours. Son estime d’elle-
même est aussi basse que sa valeur financière. Elle me dit, en larmes: «Je
n’ai rien et je lui ai tout donné.» Voilà une femme qui a placé sa confiance
dans un homme qui lui a volé sa liberté et sa dignité. Comment a-t-elle pu
en arriver là? En plongeant peu à peu au fond du gouffre de la vie avec un
narcissique.
Les narcissiques recherchent souvent des postes qui leur permettent de
contrôler les autres. C’est pourquoi vous les rencontrez souvent dans des
professions liées au droit, à la médecine et à la politique, ou à des postes de
direction où ils peuvent utiliser leur position au sommet de la hiérarchie
pour satisfaire leurs propres désirs et ne s’occuper que d’eux. Je me rappelle
un candidat à un poste au FBI qui me disait: «Une fois que j’aurai cet
insigne, plus personne ne m’embêtera!» Inutile de vous dire que sa
candidature a été rejetée dès qu’il a quitté la pièce! Il arrive fréquemment
que des narcissiques recherchent des postes où ils peuvent exercer leur
pouvoir et leur autorité sur les autres pour les contrôler au lieu de les aider.
À vrai dire, quel que soit le niveau hiérarchique ou le titre auquel il
accède, le narcissique l’utilisera toujours à son propre profit. Lorsque vous
entendez parler du fait que le membre d’un club, d’une organisation ou
d’une association est un tyran de la pire espèce ou quelqu’un qui détourne
des fonds depuis des années, pensez tout de suite à la personnalité
narcissique.
Des mots pour décrire le narcissique
Au fil des années, j’ai recueilli les mots de celles et ceux qui ont vécu ou travaillé avec des
personnalités dangereuses, ou qui ont subi leurs persécutions. Ce sont les mots des personnes que
j’ai interrogées, qui ont appelé le FBI ou m’ont contacté personnellement, parce qu’elles avaient
besoin d’être aidées. Lorsqu’on demande à ces gens de décrire ces individus dangereux, leurs
propos ne sont pas toujours «politiquement corrects», et ils ignorent souvent les termes cliniques
ou médicaux, mais ils parlent avec leur cœur, leurs traumatismes, leurs blessures, leur souffrance
ou leur peur. Ce sont leurs mots, pas les miens, et je ne les ai pas censurés. Certains vous
paraîtront peut-être familiers parce qu’ils vous feront penser à quelqu’un que vous connaissez.
Toujours est-il qu’ils sont instructifs et vous disent «attention, danger!»:
acteur, agaçant, agressif, amoral, antipathique, arrogant, bonimenteur, calculateur, caméléon,
capricieux, captivant, changeant, charismatique, charmant, comploteur, criminel, cruel,
dangereux, décevant, déconneur, déloyal, déshumanisé, désinvolte, distrait, dominateur, doué
pour la mise en scène, dur, égocentrique, enfreint la loi, escroc, exploiteur, fait le paon, fait son
numéro, fantasque, fascinant, faussaire, fourbe, fraudeur, froid, hostile, hypocrite, immoral,
imposteur, incapable d’aimer, indélicat, indifférent, infidèle, injurieux, innocent, insensible,
intelligent, intense, intéressant, intimidant, intrépide, intrigant, irresponsable, irritable, joueur,
lamentable, lèche-bottes, machiavélique, malfaisant, malhonnête, malin, manipulateur, méchant,
mégalo, menteur, méprisant, mesquin, mielleux, narcissique, nazi, ne s’excuse pas, nocif,
nuisible, obsessionnel, odieux, parasite, pédophile, perturbateur, peu fiable, plein d’esprit,
prédateur, prend des risques, rayonnant, rusé, s’exprime bien, sans scrupules, sarcastique,
séducteur, séduisant, serpent, serpent à sonnette, simulateur, sournois, souverain, superficiel,
théâtral, toxique, tricheur, tyrannique, vil, vindicatif
L’effet que le narcissique produit sur vous
Les narcissiques peuvent être difficiles à identifier au départ parce qu’ils
sont souvent intelligents, aimables et intéressants, et dotés d’un fort
charisme. Ils peuvent se montrer charmants envers les personnes
susceptibles de les aider, mais ils ne tardent pas à montrer leur vrai visage.
Parfois, vous remarquez leur arrogance, leur morgue ou leur haute idée
d’eux-mêmes, autant d’indices qui vous mettent sur la voie et peuvent vous
donner à penser que quelque chose ne tourne pas rond chez eux. À d’autres
moments, ils peuvent se montrer distants et condescendants, ce qui vous
laisse une impression assez désagréable. Il leur arrive aussi de refuser de
vous manifester leur affection, de vous aider ou de tenir leurs engagements.
Quoi qu’ils fassent, l’effet est toujours le même: vous êtes perplexe,
insatisfait, préoccupé ou tourmenté.
Les narcissiques sont également capables d’une cruauté subtile. Ils vont
faire exprès de ne pas approuver quelque chose d’important que vous avez
accompli ou de ne pas reconnaître le chagrin ou la souffrance que vous
éprouvez. Par leur indifférence délibérée, ils vous laissent à votre victoire
solitaire ou à votre douleur, refusant de vous porter le moindre intérêt. S’ils
prêtaient attention à vous, ils iraient dans le sens de votre satisfaction ou de
votre bien-être, et ce n’est pas du tout ce qu’ils souhaitent.
Leur capacité d’empathie est si limitée qu’ils sont comme une moitié
d’individu qui cherche quelqu’un pour lui donner sa complétude. Mais
quand ils trouvent leur moitié, la situation se dégrade parce que personne ne
peut vraiment les satisfaire et eux sont incapables de satisfaire vraiment
quelqu’un. Essayer tant bien que mal de faire fonctionner une relation avec
un narcissique est très éprouvant, aussi bien émotionnellement que
psychologiquement, et même physiquement.
En effet, les individus narcissiques vous usent, et c’est là leur principal
effet sur autrui. Ils ne voient vos besoins et vos désirs que comme des
exigences qui les détournent des leurs ou des obstacles aux leurs. Que vous
soyez gêné, mécontent, frustré ou stressé, ce n’est pas leur problème. Mais
s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, vous voyez leur réaction: ils roulent
des yeux féroces, ils affichent leur mépris, ils font la moue, ils montrent leur
impatience, ils sont de mauvaise humeur, ils vocifèrent ou ils se contentent
de tourner les talons. Ce sont des enfants dans des corps d’adultes.
Tantôt nous éprouvons instantanément la douleur d’être avec un
narcissique, tantôt nous ressentons comme un coup de poignard en différé.
Nous pouvons être réveillés à 2 heures du matin par notre inconscient qui
nous alerte sur une parole blessante ou un acte douloureux. Ou leur
comportement nous fait dire qu’il y a quelque chose qui ne colle pas.
Certaines personnes se sentent désorientées ou sont prises de troubles
physiques. Elles ont mal au cœur, par exemple, ou sentent le stress monter.
Elles m’ont dit: «Lorsque j’ai affaire à cette personne narcissique, je ne
prends pas de petit déjeuner parce que j’ai l’impression que je vais le
vomir.»
Si vous avez ces sensations négatives, prêtez-y attention. On nous a
plutôt appris à pardonner et à oublier, notamment au sein du cercle familial
et amical. Et la personnalité narcissique compte sur vous pour lui pardonner
et pour oublier. Lorsqu’elle vous blesse et que vous en restez interloqué,
sans voix ou complètement abattu, elle se sent supérieure et satisfaite. Ces
attaques émotionnelles vont vous épuiser jusqu’à ce que vous baissiez les
bras et deveniez un jouet entre ses mains; ou que vous soyez obligé de
prendre un congé maladie, comme c’est souvent le cas, parce que c’est une
question de survie.
Le narcissisme pathologique peut aboutir à des extrêmes, là où les lois
nous laissent souvent démunis. Une femme est venue un jour dans les
bureaux du FBI pour un problème conjugal. Malheureusement, nous ne
pouvions pas faire autrement que de la renvoyer vers les services sociaux.
Elle nous a raconté que, depuis des années, son mari la faisait asseoir par
terre, avec ses enfants, chaque fois qu’il souhaitait les réunir pour leur faire
de terribles reproches et les réprimander sur telle ou telle de leurs
défaillances. Lui s’asseyait sur une chaise comme sur un trône, prêt à rendre
sa sentence.
Cette femme a finalement réussi, avec ses enfants, à se sortir de cette
situation intolérable, mais au prix de grands sacrifices financiers et d’une
souffrance psychologique énorme. Son mari était un narcissique typique qui
avait besoin d’avilir sa famille pour se sentir supérieur. Les policiers voient
ce genre d’histoires tous les jours – les détails changent, mais l’intention
reste la même: la glorification d’un individu aux dépens des autres.
Lorsqu’ils ne vous dénigrent pas, les narcissiques se contentent d’être
méchants avec vous. Comme le racontait Claire à propos de son patron: «Il
passait devant mon bureau et me jetait le travail sur ma table, comme à un
chien, avec une mauvaise humeur non dissimulée. Les dossiers volaient
partout, le café se renversait. Il se moquait de ce que j’étais en train de faire
et prenait mon bureau pour un dépotoir. Je ne vous dis pas le nombre
d’employées qu’il a fait pleurer. Comment peut-on être capable d’autant de
méchanceté gratuite?»
Chaque fois que j’entends parler d’une femme ou d’un enfant
régulièrement réprimandé en public, battu ou soumis à une forme
quelconque de violence domestique, la première chose qui me vient à
l’esprit, c’est qu’il y a un narcissique au sein du ménage qui se plaît à
rabaisser constamment sa partenaire ou ses enfants et qui se sent supérieur
au point de frapper ou de battre un membre de sa famille.
Le cas de la New-Yorkaise Hedda Nussbaum et de sa fille Lisa nous
rappelle ce que peut être la vie avec un narcissique qui se livre à des
violences conjugales dès la porte de l’appartement refermée. Hedda
Nussbaum travaillait dans l’édition de livres pour enfants lorsqu’elle a
rencontré Joël Steinberg, un avocat d’affaires en vue, en 1975. Au départ,
elle le considérait comme un dieu vivant et suivait aveuglément ses conseils
professionnels, mais sa vie avec lui était loin d’être idyllique. Il avait
l’habitude de la critiquer et de la rabaisser, au point de la faire ramper à
terre comme un animal. Il la battait presque tous les jours, si violemment
qu’il l’a défigurée. Le 4 novembre 1987, dans un accès de rage, il a battu à
mort leur fille adoptive, Lisa, alors âgée de six ans. Cette histoire est un
exemple tragique de la capacité des personnalités narcissiques à faire de
l’autre, en l’occurrence leur partenaire, un être complètement dépendant et
inerte, un jouet entre leurs mains. Aux yeux de la justice, il était évident
qu’Hedda avait été elle-même si brutalisée par Steinberg qu’elle n’avait pas
la force de prendre la défense d’une enfant innocente ni d’aller chercher une
aide médicale pour sa fille. Elle personnifiait ce qu’on allait appeler le
syndrome de la femme battue. Plus de trente ans après les faits, le sort
tragique d’Hedda et de Lisa reste douloureux à évoquer.
Certes, toutes les personnes qui côtoient un narcissique ne vont pas
connaître le même sort. Mais sachez que toutes celles avec lesquelles j’ai
parlé m’ont dit la même chose: d’une manière ou d’une autre, il leur était
interdit de s’épanouir et d’être heureuses. Comment se sentaient-elles?
Selon leurs propres mots: «petites, insignifiantes, inférieures». Il n’y a rien
à ajouter.
Le narcissique dans l’intimité
Les narcissiques sont incapables d’exprimer de l’amour au sens où nous
l’entendons. Pour eux, l’amour est assorti de conditions; autrement dit: «Je
vais faire cela pour toi, mais j’attends certaines choses de toi en retour.»
L’amour est donc affaire de contrepartie et n’a rien d’altruiste. «Si je te
donne, tu me donnes.»
Les personnes qui ont vécu une histoire d’amour avec un narcissique me
disent souvent qu’au départ elles étaient fascinées par son charme, son
intelligence, sa prévenance et sa générosité – le comportement de Henry
Hill lorsqu’il faisait la cour à Karen dans le film Les affranchis. Qui ne
serait pas sensible au charisme et au charme d’un narcissique? Mais dès que
l’amoureuse s’engage, le charme de son partenaire s’évanouit rapidement et
elle devient incapable de retrouver l’homme séduisant qu’elle a connu dans
l’individu indifférent et manipulateur qu’il est devenu.
Dans la sphère domestique, les personnalités narcissiques exigent que le
monde s’arrête de tourner dès qu’elles franchissent le pas de la porte. Si
vous êtes femme au foyer, votre existence entière doit être tournée vers la
satisfaction des besoins de monsieur. Et quoi que vous fassiez, ce n’est
jamais assez.
Un partenaire narcissique n’est jamais satisfait de votre apparence, de
vos vêtements, de vos goûts, de vos activités et de vos capacités. Son esprit
critique peut aller de «ce regard» de désapprobation à des remarques
incessantes, voire à des insultes en privé ou en public. J’ai demandé à une
femme la fréquence avec laquelle son époux la critiquait. Sa réponse laisse
dubitatif: «Tous les jours. Chaque jour de ma vie avec lui. Je n’ai jamais
rien fait de bien à ses yeux, et il a habitué nos enfants à me critiquer et à se
moquer de moi eux aussi.»
Un ami à moi (aujourd’hui divorcé) m’a raconté un jour qu’il avait passé
des heures à chercher le cadeau qui allait faire plaisir à son épouse.
Lorsqu’il le lui a offert, elle l’a balancé sur la table en lui disant «merci»
comme s’il lui avait donné un verre d’eau. Elle ne l’a même pas déballé.
Cela peut paraître insignifiant, mais elle s’était comportée si souvent de
cette manière que tout montrait qu’elle ne s’intéressait pas à lui mais –
comme il a fini par le découvrir – uniquement à ce qu’il pouvait lui
apporter, en l’occurrence lui servir de marchepied pour la faire progresser
dans sa carrière. Ce type de négation de l’autre est constant chez le
narcissique. Vous voulez que votre partenaire se sente nul? Dépréciez ses
efforts, ne reconnaissez pas sa bonne volonté, ne vous intéressez pas à lui.
C’est ce que fait la personnalité narcissique, et ça fait mal.
Le besoin maladif du narcissique de donner bonne impression à tout prix
peut avoir des conséquences désastreuses sur les autres. C’est ce qui est
arrivé à Myriam, qui a sollicité l’aide du FBI parce que son mari était parti
à l’étranger sans lui laisser le moindre sou. Elle souhaitait que nous
retrouvions sa trace afin qu’elle puisse récupérer l’argent qu’il avait retiré
de leur compte joint. Selon Myriam, son époux était obsédé par les signes
extérieurs de richesse; il voulait des maisons toujours plus grandes dans de
meilleurs quartiers, des voitures toujours plus luxueuses et des bijoux
toujours plus précieux. De plus, il tenait absolument à faire partie des clubs
locaux les plus prestigieux. Elle a commencé à sentir que quelque chose ne
tournait pas rond lorsqu’il lui a demandé de rogner sur les sorties, les
congés estivaux, les vêtements pour les enfants et les dépenses alimentaires.
C’était le comble! Il continuait de dépenser près de 3000 dollars par mois
en cotisations dans les clubs les plus chics et osait exiger de son épouse
qu’elle se débrouille pour faire des économies. Elle a fini par lui demander
des explications puisqu’elle ne travaillait pas et souhaitait savoir ce qu’il en
était de leur situation financière. Il s’est tourné vers elle et lui a dit avec
désinvolture: «Nous sommes ruinés.» Leur compte bancaire était vide.
Même s’il avait des dettes de plusieurs millions, son besoin narcissique
de garder intacte son image publique le poussait à continuer d’aller chez le
coiffeur et la manucure toutes les semaines et à rester affilié à ses clubs,
tandis que Myriam s’efforçait d’économiser le moindre cent sur les
dépenses alimentaires et que cette situation anxiogène lui provoquait des
crises de panique. Il a fini par se volatiliser, quittant le pays et la laissant
sans nouvelles, sans le sou, avec tout sur les bras, y compris certains prêts
qu’elle avait cosignés. L’inhumanité de cet homme était à peine imaginable,
comme elle le découvrait à chaque nouveau coup de fil d’un agent de
recouvrement de créances ou d’un avocat. Lorsqu’elle a fini par retrouver
sa trace à l’étranger grâce à nos services, il lui a répondu: «Je ne te dois
rien. Tu as eu la belle vie, grâce à moi, pendant des années. Tu as vécu dans
un quartier riche. Tu devrais me remercier.»
L’histoire de Kim est tout aussi triste, quoique différente. Elle est venue
me voir après une conférence et m’a demandé si elle pouvait me parler
d’une affaire personnelle. Elle avait épousé un homme de neuf ans son aîné,
un homme qui avait des grands projets plein la tête et qui l’a courtisée avec
un tel empressement qu’elle et ses parents ont fini par céder, charmés par
son enthousiasme et sa persévérance, ainsi que par sa vision ambitieuse de
la vie de couple.
Mais, une fois mariés, rien de ce qu’elle faisait ne lui plaisait. D’abord, il
l’insultait en privé, la traitant d’«ignorante», de «stupide» et d’«idiote»,
puis il s’est mis à la traiter de tous les noms en public, la mettant très mal à
l’aise. Il l’accusait de ses échecs politiques, alors qu’il était juste bon,
comme elle et ses parents s’en sont aperçus plus tard, à brasser du vent,
incapable d’accomplir tout ce qu’il voulait entreprendre.
Les amis de Kim ont disparu les uns après les autres puisque monsieur ne
voulait pas avoir autour de lui des gens qui n’étaient pas «à la hauteur»;
d’ailleurs, il faisait tout pour qu’ils gardent de leurs venues un mauvais
souvenir. Kim n’a pas reçu la visite d’un seul ami pendant plus de dix ans et
sortait rarement pour éviter d’exposer les autres à son ignoble mari et à leur
relation exécrable.
À mesure que les enfants grandissaient, ils étaient régulièrement punis
par leur père et elle n’osait pas intervenir, sauf lorsqu’il leur donnait des
fessées vraiment trop fortes. La plupart du temps, elle préférait ignorer ses
pluies d’injures parce que, comme elle me disait, traiter avec lui était
extrêmement éprouvant et, à ses yeux, le jeu n’en valait pas la chandelle.
Elle n’avait plus la force de se battre et de se défendre.
Kim avait été battue, non pas avec les poings de son mari ou avec un
bâton, mais avec des critiques vitriolées et des humiliations incessantes.
Des photos d’elle vingt ans plus tôt montrent une jeune femme belle,
heureuse, pleine de vie et rayonnante. Mais lorsque j’ai fait sa
connaissance, elle approchait de la cinquantaine et s’était étiolée,
émotionnellement et physiquement, son visage reflétant la triste vie qui était
la sienne avec cet homme narcissique. La défaite se lisait dans son
expression. Kim et Myriam m’ont dit la même chose: «Si seulement j’avais
su ce qui m’attendait.»
En tant que parents, les narcissiques n’ont pas une palette des sentiments
et des émotions suffisamment large pour faire preuve de générosité envers
leurs enfants. Ayant tendance à s’illusionner sur eux-mêmes en se voyant
beaucoup mieux qu’ils le sont, ils exigent d’avoir des enfants parfaits qu’ils
poussent à être les meilleurs, même dans des domaines qu’ils n’aiment pas
et dans lesquels ils ne sont pas bons (malgré de gros efforts pour gagner
l’approbation du parent narcissique), et pour lesquels ils mettent la barre
toujours plus haut («Pourquoi n’as-tu pas obtenu un 19 sur 20?», ou «Avec
ces notes, tu n’entreras jamais dans la meilleure université du pays!», ou
encore «Je sais que tu peux faire beaucoup mieux que ça»). Imaginez un
père déchaîné qui encourage son fils à se dépasser à un match de foot de
l’école ou une mère qui ne supporte pas l’échec scolaire de sa fille, ce qui la
renvoie à ses propres échecs.
Ces parents peuvent utiliser leurs enfants comme des faire-valoir, de
simples outils destinés à leur apporter gloire et richesse. Par exemple, en
poussant leurs enfants à remporter des concours de beauté ou des
compétitions sportives, à passer à la télé ou à participer à des événements
publics ou particulièrement lucratifs. Ils vont vous jurer qu’ils font cela
pour leurs enfants, incapables d’admettre le plaisir narcissique que leur
procure cette célébrité par procuration. Pour les personnalités narcissiques,
la lumière doit toujours finir par briller sur elles, même si elle doit passer
par leur progéniture – mais elle ne doit jamais s’éteindre.
Une jeune femme qui assistait à l’un de mes séminaires
comportementaux me disait avoir tellement souffert dans son enfance d’une
mère narcissique qui la poussait constamment à enchaîner les compétitions
sportives qu’à l’âge adulte, elle a coupé les ponts avec elle. Son sentiment
d’avoir été exploitée a créé un gouffre émotionnel entre sa mère et elle.
Si son enfant n’est pas le plus beau, le plus intelligent, le plus courageux
ou le plus obéissant, le parent narcissique commence à se détacher de lui, à
s’en désintéresser. Et l’enfant finit par être considéré davantage comme un
fardeau que comme une source de plaisir.
Certains parents narcissiques voient dans leurs enfants une main-d’œuvre
utile, toujours à leur disposition. Caroline est l’une de ces mères. Un
monstre d’égoïsme. À la cinquantaine, elle s’est mise à adopter des enfants
issus des «classes inférieures» (selon ses propres mots), les formant aux
différentes tâches ménagères. Elle leur disait, même en présence
d’étrangers, combien ils allaient devoir prendre soin d’elle lorsqu’elle
vieillirait parce qu’elle les avait sauvés et qu’ils avaient une dette envers
elle. Finalement, selon le clinicien qui a travaillé sur le cas de Caroline, les
enfants adoptés ont réussi à s’affranchir de leur marâtre. Mais au prix de
quelles souffrances? Comme le faisait si justement remarquer l’un d’entre
eux: «Même à l’orphelinat, la vie était plus agréable – je n’y recevais pas
d’amour, mais au moins, je n’avais pas l’impression d’être un esclave.»
Et vous pensiez que Cendrillon n’était qu’un conte de fées?
Il y a encore pire. On ne compte plus les cas d’enfants qui n’ont même
pas de quoi manger ni le droit d’être soignés quand ils sont malades parce
que leurs parents narcissiques ne veulent pas être embêtés et ne supportent
pas la moindre contrainte. Ces pauvres enfants sont retrouvés attachés à leur
lit ou enfermés à clé dans une pièce, lorsqu’ils ne sont pas donnés en
adoption ou même tués.
C’est déchirant de voir comme ces enfants continuent désespérément de
rechercher l’attention de leur parent narcissique même lorsqu’ils sont
brimés, même lorsque le temps qui leur est consacré est constamment
rationné; ils ne comprennent pas que ce parent ne peut pas les aimer comme
ils rêvent d’être aimés. En grandissant, ils se rendent compte du peu qu’ils
ont reçu et, encore, à quel prix. Leur parent narcissique se montrait
complètement indifférent à leurs problèmes ou leur répondait par «Tu n’en
mourras pas!», ou «Ce n’est pas si grave!», ou bien «Arrête de pleurer tout
le temps, ce n’est rien comparé à ce que j’ai vécu».
Amanda porte encore les cicatrices émotionnelles d’avoir grandi avec
une mère narcissique. Elle m’a écrit pour me demander conseil après avoir
lu plusieurs de mes livres. Si vous l’interrogez, elle vous répondra aussitôt
qu’elle ne s’est jamais sentie aimée dans son enfance. Jamais. Aussi terrible
que cela puisse être. Elle avait l’impression de ne rien faire de bien, que
tout ce qu’elle faisait ne plaisait jamais à sa mère, qui n’arrêtait pas de
remettre en question ses moindres faits et gestes, ses moindres paroles, et de
lui donner des ordres; en aucune façon elle ne lui demandait ce qu’elle
désirait, elle ne manifestait le moindre intérêt à l’égard de ses besoins.
Amanda se demande pourquoi elle se sent si vide. Je lui réponds que c’est
parce que sa mère la traitait comme si elle n’était rien.
Les blessures de son enfance se rouvrent régulièrement: quoi offrir
comme cadeau à une mère qui vous critiquait constamment? Qu’écrivez-
vous sur votre carte d’anniversaire à un père qui ne s’intéressait pas à vous?
Si vous déménagez, selon quelle fréquence irez-vous rendre visite à une
personne qui ne vous a pas respecté ni manifesté d’amour? Vous occuperez-
vous d’elle lorsqu’elle vieillira? Que direz-vous et que ferez-vous à
l’enterrement de ce parent? Irez-vous même à son enterrement?
Il arrive que des parents qui ne connaissent pas les limites élèvent un
enfant qui n’en a pas non plus, lui passant tous ses caprices, exactement
comme eux satisfont tous les leurs. L’enfant intériorise ainsi le narcissisme
des parents et les tendances narcissiques se transmettent de génération en
génération. Oui, des parents peuvent apprendre l’indifférence à leurs
enfants qui grandissent alors sans aucune compassion, aucune indulgence,
aucun respect à l’égard des autres. Vous pouvez apprendre à un enfant à être
méchant, à dénigrer ses petits camarades et à se croire tout permis. Et ne
soyez pas surpris si, à l’adolescence ou à l’âge adulte, cet individu
persécute et terrorise les autres. Il ne faut pas vous attendre à voir pousser
de belles fleurs si vous avez planté et arrosé des mauvaises herbes.
Le narcissique dans le monde extérieur
Qu’ils vous barrent la route pour une promotion, qu’ils vous rabaissent lors
d’une réunion ou qu’ils passent devant tout le monde à la caisse, les
narcissiques ne se demandent pas s’ils vous dérangent, vous intimident ou
vous rendent furieux, tellement préoccupés qu’ils sont de leur propre
personne.
À chaque fois que j’entends parler d’un patron, d’un directeur, d’un
coach, d’un enseignant ou d’un collègue qui rembarre les personnes de son
entourage, qui leur hurle dessus, qui leur jette des objets à la figure ou qui
les persécute, je sais qu’il s’agit d’une personnalité narcissique. Ces
comportements sont inexcusables, et honte à l’entreprise qui ne se
débarrasse pas de tels individus. Les adultes qui se comportent comme des
enfants sont terriblement nuisibles et plus ils détiennent d’autorité, plus leur
influence est dévastatrice.
Les narcissiques possédant un ego surdimensionné, ils ont également un
sens exagéré de ce qui leur appartient. J’ai eu le cas d’un fournisseur de
l’État qui travaillait avec du matériel hautement sensible et «top secret». Il
sollicitait les services du FBI parce que le responsable des systèmes
informatiques s’était approprié l’ordinateur de l’entreprise. L’écoute des
communications avec ses supérieurs révèle que cet homme n’arrêtait pas de
se faire mousser, de se vanter de son importance au sein de l’entreprise, de
dire qu’il avait fait ceci et cela. Il répétait souvent dans ses phrases «mes
systèmes», «mon réseau», «mes codes», «mes protocoles». Bien sûr que ce
n’étaient pas les siens! Il n’était qu’un salarié de l’entreprise, mais son
narcissisme était manifeste dans les courriers qu’il écrivait. Finalement, des
experts indépendants ont dû venir sur place pour récupérer le système. C’est
tout le problème avec les employés narcissiques. Ce peut être votre
entreprise, vos biens ou votre poste qui sont en jeu, mais ils les considèrent
comme les leurs et prennent des risques à vos dépens. Au bout du compte,
c’est vous qui payez le prix – physique, psychologique ou financier – de
leurs excès.
Mais le narcissisme peut dépasser la possessivité et aller jusqu’à la
violence – une violence rarement dénoncée. Que dire du patron qui lance
des objets à la tête d’un employé, lui agrippe le bras ou bloque l’embrasure
de la porte et le repousse jusqu’au fond de son bureau pour l’empêcher de
sortir? Le plus terrible, c’est que l’employé n’a jamais osé dénoncer son
supérieur. Ce n’était pas la première fois que cela arrivait, ni la dernière, et
ce patron s’en prenait aussi à d’autres employés, mais comme l’expliquait
la victime: «Nous nous étions habitués à ses persécutions.»
Les individus victimes de tels comportements préfèrent souvent les
ignorer et se dire que ce n’est pas si grave, que cela ne se reproduira plus,
que leur patron n’est pas si mauvais que ça, finalement, etc. Alors ils se
laissent persécuter et écraser, les problèmes sont étouffés, les bonnes idées
ne sont pas exprimées parce que personne ne veut risquer de s’en prendre
plein la gueule, si vous me permettez cette expression. Résultat: les salariés
les plus compétents et les plus talentueux finissent par en avoir ras le bol et
démissionnent. Parfois, le dysfonctionnement des narcissiques fait tellement
partie du paysage que les autres les couvrent, mettent du sens sur leurs
comportements pourtant inadmissibles ou les excusent parce qu’ils sont
brillants ou fonctionnent correctement la plupart du temps.
Non, non et non! Ces comportements odieux doivent être dénoncés. La
DRH doit en être avisée le plus rapidement possible. Si, pour quelque
raison que ce soit, vous ne pouvez pas en informer aussitôt la DRH, notez
les faits dans votre agenda, dans un e-mail envoyé à d’autres personnes ou à
vous-même, dans votre téléphone portable, peu importe – l’important est de
pouvoir garder trace de ce qui s’est passé exactement, de ce qui a été dit,
quand et où. Pourquoi? Parce que les narcissiques ne changent pas. Si les
choses s’aggravent et si l’affaire est entendue ou portée en justice, sachez
que c’est celui qui est capable de relater les événements avec une précision
et une exactitude maximales qui gagne. Les narcissiques ne vont pas noter
«J’ai harcelé Untel aujourd’hui» ou «J’ai traité ma collègue de tous les
noms hier». Ils ne voient rien de mal à leurs comportements. Mais vous,
vous devez en prendre note et partager vos informations avec les autres.
Pour connaître les stratégies qui marchent avec les personnalités
narcissiques, reportez-vous au chapitre 6.
À la fin d’une conférence que j’ai donnée en Virginie sur les
personnalités dangereuses, un cadre supérieur s’est approché de moi et m’a
demandé si je pouvais appeler son patron qui n’avait pas pu y assister. L’un
de leurs employés correspondait aux critères de définition d’une
personnalité dangereuse et ce cadre souhaitait que je puisse m’entretenir
avec son PDG. J’ai été à la fois bouleversé et scandalisé par la conversation
que j’ai eue avec ce PDG dans le taxi qui me conduisait à l’aéroport. Le
comportement de l’employé en question était devenu si incontrôlable qu’il
menaçait la solvabilité de l’entreprise. Le PDG me racontait des histoires
abominables d’abus de confiance de la part de cet individu qui avait violé la
confidentialité des données personnelles de la clientèle, des coordonnées
bancaires des clients et de certains de ses collègues, ainsi que des
informations stratégiques vitales concernant les projets de l’entreprise.
Comme si cela ne suffisait pas, cet employé menaçait le PDG et d’autres
responsables d’utiliser ces données s’il ne parvenait pas à ses fins.
Le PDG avait tout essayé pour calmer l’employé et travaillé avec la DRH
sur les protocoles en vigueur, mais ils n’allaient nulle part. Leurs multiples
efforts pour aboutir ne faisaient d’ailleurs que renforcer le sentiment
d’importance et de pouvoir de l’employé narcissique. Le PDG était tombé
malade au point d’avoir besoin de l’aide de son médecin de famille et d’un
psychologue pour gérer l’anxiété que cet employé lui causait. L’employé
narcissique, lui, se portait comme un charme.
Le PDG m’a expliqué que la situation durait depuis environ dix-huit
mois. Je lui ai demandé: «Il est votre employé, il perturbe tout le monde, il
vous déstabilise et vous rend malade, et il vous menace d’utiliser des
données confidentielles, n’est-ce pas?
– Oui, me répond-il.
– Mais alors, pourquoi le gardez-vous dans vos effectifs?
– Parce que je pensais que les choses allaient s’arranger.»
La réponse typique de ceux qui ne comprennent pas la personnalité
narcissique. En toute innocence – et ignorance –, ils pensent que la situation
va s’améliorer. À tort.
De hauts responsables m’ont raconté qu’ils avaient refusé des
partenariats financiers avec certains interlocuteurs qu’ils sentaient si
toxiques, si narcissiques, qu’ils ne supportaient pas d’être dans la même
pièce qu’eux, ou même au téléphone avec eux. Chaque fois, ils croyaient
que leurs rapports allaient s’améliorer. En vain. D’ailleurs, la situation est
parfois si insoutenable que certains tombent malades physiquement d’avoir
à traiter avec ces individus. Comme me le disait le propriétaire d’une
compagnie de navigation: «Joe, aucune négociation ne mérite de
compromettre la santé de mes meilleurs gestionnaires et mon propre
équilibre psychologique si je dois sans cesse me tourmenter en me
demandant si je peux faire confiance à cet individu. Je me suis retiré de la
négociation, et je m’en réjouis.»
Les narcissiques accèdent souvent à des postes prestigieux où la
confiance est une valeur essentielle, mais où les transgressions et les abus
de pouvoir peuvent avoir des conséquences désastreuses. Lorsque vous
vous retrouvez face à un policier qui ment, trompe et vole, à un
professionnel de santé qui se croit détenteur d’un pouvoir de vie et de mort
sur ses patients ou à un entraîneur sportif qui commet des abus sexuels sur
des enfants qui lui font entièrement confiance, le potentiel destructeur
augmente de façon exponentielle.
Prenez le cas de Rita Crundwell, chargée de gérer les finances de la
petite ville de Dixon, dans l’Illinois, qui a plaidé coupable en 2012 pour
avoir détourné 53 millions de dollars pendant vingt-deux ans. C’est une
somme d’argent colossale qu’elle a utilisée en partie pour financer un
élevage de chevaux de course. Son poste de confiance lui donnait libre
accès aux fonds municipaux qu’elle utilisait comme chéquier personnel.
C’est tous les jours que nous entendons parler de corruption par des
fonctionnaires de l’État, mais les narcissiques se cachent partout.
Quiconque rejoint une secte religieuse dont le chef est une personnalité
narcissique peut être assuré de mener une vie où, dit familièrement, c’est
tout pour le gourou et rien pour ses adeptes. Je n’en ai jamais vu une seule
qui n’était pas dirigée par un individu au narcissisme pathologique. Jim
Jones (fondateur de Jonestown et de la secte du Temple du Peuple, dans le
Guyana), David Koresh (leader du groupe des Davidiens), Charles Manson
(leader de La Famille, une communauté hippie), Shoko Asahara (fondateur
de la secte japonaise Aum Shinrikyo), Joseph Di Mambro (fondateur de
l’Ordre du Temple Solaire), Marshall Herff Applewhite (leader de la secte
Heaven’s Gate), Bhagwan Shree Rajneesh, également appelé Osho
(fondateur du rajneeshisme) et Warren Steed Jeffs (chef d’une secte
polygame et coupable de nombreuses agressions sexuelles sur mineurs)
étaient ou sont tous des narcissiques de premier ordre, ne supportant pas la
moindre critique, atteints de la folie des grandeurs et se croyant au-dessus
des lois et du commun des mortels. Ces mégalomanes vous vendent des
rêves que vous payez très cher.
En novembre 1998, un an après le suicide collectif de la secte Heaven’s
Gate en Californie et vingt ans après le massacre de Jonestown dans le
Guyana, un petit groupe de profileurs du FBI s’est réuni à la FBI Academy
de Quantico, en Virginie, pour étudier les événements qui entouraient Jim
Jones et sa secte. Cette journée m’a fait beaucoup réfléchir, car même si
j’étais au courant de l’affaire, avoir sous les yeux les photos de la scène du
massacre, voir tous ces cadavres d’enfants et de bébés jusqu’à la nausée,
m’a donné une perspective nouvelle sur l’événement, sur le révérend Jim
Jones et sa personnalité narcissique.
Il ressort du rapport du FBI et des nombreux livres écrits sur Jim Jones et
le Temple du Peuple quelques constatations essentielles:
De très nombreuses personnes peuvent être encouragées à mettre leur
vie entre les mains d’un seul individu.
Sous le manteau de la religion, une personnalité dangereuse peut agir
comme bon lui semble pendant de longues années sans aucun
contrôle extérieur.
Les leaders de sectes peuvent exercer un contrôle total sur les vies de
leurs adeptes et gouverner comme au sein d’un régime totalitaire.
Des violences physiques et psychologiques répétées peuvent être
exercées pour entraver les efforts des membres qui souhaitent quitter
la secte.
Ceux qui craignent pour la vie de leurs proches ou d’amis devenus
membres de la secte se voient constamment contrariés dans leurs
efforts pour les aider ou les sauver des griffes de leur gourou.
La personnalité narcissique d’un gourou est palpable – les paroles et
les écrits de Jim Jones étaient révélateurs et auraient dû servir de
signaux d’avertissement aux futurs membres de la secte.
Seule une poignée d’adeptes est capable de voir le vrai visage du
gourou. Seuls quelques membres du Temple du Peuple ont considéré
Jim Jones comme une personnalité narcissique toxique et
dangereuse.
Une fois qu’ils étaient entièrement dévoués à leur chef, les membres
de la secte refusaient de voir le danger qui menaçait ou de résister
aux exhortations de la personnalité narcissique, même si la vie de
leurs enfants était aussi en danger.
Les conclusions des profileurs qui ont examiné en détail le massacre de
Jonestown ont été particulièrement éclairantes. En effet, l’étude des gourous
(par exemple Charles Manson, David Koresh et Marshall Herff Applewhite
fils) leur a permis de savoir précisément ce qu’on peut attendre d’une
personnalité narcissique et de comprendre le danger qu’elle représente pour
des personnes prêtes à croire tout et n’importe quoi:
Les chefs de sectes vont continuer d’attirer des individus qui refusent
de voir – ou sont incapables de se rendre compte – qu’ils sont
manipulés ou exploités.
Les sectes obtiennent la soumission de leurs membres et les
empêchent de partir par des pressions psychologiques, sociales ou
physiques dont les séquelles sont durables, même des années plus
tard.
L’isolement de la secte permet à la personnalité narcissique
d’échapper aux critiques, aux moqueries et à tout contrôle extérieur –
mais aussi d’avoir la mainmise sur ses membres.
La personnalité narcissique s’épanouit en adoptant une position de
leader au sein d’une secte et se montre prête à tout, ou presque, pour
rester le chef, y compris à écarter ou à abattre ses opposants.
La personnalité narcissique à la tête d’une secte agit en toute
impunité dans tous les cas, ou presque, s’autorisant des privilèges
plus importants (voyages, vêtements, objets de luxe, sexe) que les
membres de la secte.
La personnalité narcissique à la tête d’une secte prétend avoir toutes
les réponses et détenir tous les secrets d’une vie meilleure, et prend
toutes les décisions.
En raison des protections constitutionnelles concernant la religion et
les associations bénévoles aux États-Unis, la loi ne peut pas faire
grand-chose contre les sectes, à moins d’une violation manifeste de
la loi fédérale ou en vigueur dans l’État concerné[3]. Dans la plupart
des cas, la nature secrète d’un groupement de type secte complique
les interventions, comme en témoigne l’affaire Warren Jeffs,
prophète de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours, située dans le sud de l’Utah, en 2006 (rapports
sexuels avec des mineures), ou les rend trop tardives, comme dans le
cas du massacre de Jonestown où la police est arrivée sur les lieux
après le drame.
Telles ont été nos observations sur les sectes, mais à bien y réfléchir, la
plupart de ces caractéristiques (secret et isolement, violences
psychologiques et/ou physiques pour affaiblir la volonté, pouvoir absolu
entre les mains d’un seul individu) se retrouvent aussi dans des
environnements professionnels ou des organisations toxiques, au sein de
ménages dirigés par des tyrans, voire dans des États-nations.
L’Histoire garde en mémoire les terribles souffrances provoquées par un
narcissisme pathologique. Adolf Hitler, Joseph Staline et Pol Pot illustrent à
merveille la personnalité narcissique capable d’exterminer des millions de
personnes parce que possédée par ses délires mégalomaniaques et sa
conviction de détenir la vérité absolue. Nous en reparlerons aux prochains
chapitres.
Mais pour vous donner un aperçu du fonctionnement mental d’un
individu narcissique, voici un exemple qui pourrait prêter à sourire s’il
n’était aussi lamentable. La cruauté extrême de Staline n’avait d’égale que
sa soif narcissique de reconnaissance, comme en témoignent les nombreux
titres officiels et honorifiques qu’il se donnait: Généralissime de l’Union
soviétique, Commandant en Chef Suprême, Président du Comité d’État à la
Défense, Secrétaire Général du Comité central du Parti communiste
bolchevique, Secrétaire Général du Comité central du Parti communiste,
Président du Conseil des commissaires du peuple de l’URSS, Grand
Coryphée des Sciences et des Arts, Père de la Nation et Brillant Génie de
l’Humanité, pour n’en citer que quelques-uns. Tout cela pour masquer ses
débuts modestes en tant que Iossif Vissarionovitch Djougachvili, un nom
géorgien plébéien qu’il a abandonné pour prendre le pseudonyme de Joseph
Staline. Nul doute que ce pseudo, qui signifie littéralement «homme
d’acier» (stal signifie «acier» en russe), reflète mieux l’image qu’il avait de
lui-même.
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités narcissiques
Les signaux d’alarme qui révèlent le narcissique
Comme je l’ai indiqué dans l’introduction, j’ai mis au point de nombreuses
listes comportementales durant ma carrière pour m’aider à identifier les
personnalités dangereuses. La liste ci-dessous va vous aider à déterminer si
telle ou telle personne de votre entourage présente les caractéristiques de la
personnalité narcissique et où elle se situe dans son degré de narcissisme
(arrogante, détestable, indifférente, dure, brutale ou carrément dangereuse).
Cela vous permettra d’évaluer son niveau de toxicité, de mieux savoir
comment vous comporter envers elle et de déterminer dans quelle mesure
elle peut constituer une menace pour vous ou pour autrui.
Cette liste de contrôle, comme les autres figurant dans ce livre, a été
conçue pour être utilisée au quotidien, par vous et moi, c’est-à-dire par des
gens qui ne sont ni des scientifiques ni des professionnels de la santé
mentale. Il ne s’agit pas d’un outil de diagnostic clinique. Son seul but est
d’éduquer, d’informer ou de valider ce que vous avez vu ou vécu.
Lisez attentivement chacune des 130 phrases de la liste qui suit et cochez
les cases qui correspondent à l’attitude ou au comportement de l’individu
auquel vous pensez et que vous soupçonnez d’être narcissique. Soyez
honnête; pensez à ce que vous avez entendu de la bouche de cet individu, à
ce que vous l’avez vu faire ou à ce que d’autres vous ont dit de lui. De toute
évidence, la meilleure preuve est ce que vous avez observé vous-même et
ce que vous ressentez en présence de cette personne ou lors de vos contacts
avec elle.
Ne cochez que les phrases pertinentes, celles qui ne font aucun doute
pour vous. Ne faites pas de suppositions et, si vous n’êtes pas sûr, ne cochez
pas la case. Certaines affirmations ont l’air de se répéter ou de se recouvrir
– je l’ai fait délibérément pour saisir toutes les nuances du comportement
narcissique en fonction des descriptions ou des expériences de celles et
ceux qui ont côtoyé ce type de personnes.
Il est très important d’aller jusqu’au bout de la liste telle qu’elle a été
conçue afin d’obtenir une conclusion plus fiable. En effet, toutes les listes
de contrôle de ce livre couvrent des aspects très subtils mais significatifs
qui ne vous seraient peut-être jamais venus à l’esprit. Certaines affirmations
peuvent vous aider à vous remémorer des événements que vous auriez
oubliés. Veuillez lire tous les énoncés, même si vous avez l’impression
d’avoir fait le tour de la question avec les premiers ou que ceux-ci ne vous
semblent pas pertinents.
Le pronom «il» est ici utilisé comme un neutre et peut aussi bien
signifier «elle». En effet, chaque énoncé peut s’appliquer indifféremment à
un homme ou à une femme.
Nous calculerons le résultat quand vous aurez fini, mais pour le moment,
cochez chacune des affirmations qui correspondent au profil de l’individu
en question.
1. Il manifeste un orgueil qui semble disproportionné ou injustifié par
rapport à la position qu’il occupe, son expérience ou ce qu’il a
accompli.
2. Il a une haute idée de lui-même et de ce qu’il peut accomplir.
3. Il parle souvent de son besoin de diriger, de commander, d’exercer un
pouvoir ou d’obtenir une réussite immédiate.
4. Il est convaincu qu’il doit s’associer uniquement avec d’autres
individus «exceptionnels», «qui réussissent» ou «qui jouissent d’un
certain prestige».
5. Il réclame une admiration excessive de la part des autres.
6. Il pense que tout, ou presque, lui est permis, s’attendant à ce que les
autres le traitent comme quelqu’un d’exceptionnel ou lui donnent
systématiquement la priorité.
7. Il exploite les autres et cherche à en tirer profit pour son propre
compte.
8. Il manque d’empathie et se montre incapable de reconnaître les
besoins ou les souffrances des autres.
9. Il est souvent envieux des autres ou croit que les autres l’envient.
10. Il est arrogant et hautain dans son attitude ou son comportement.
11. Il a tendance à considérer qu’il est le seul à avoir des problèmes et que
ses problèmes sont plus importants que ceux des autres.
12. Il se croit privilégié et donc autorisé à enfreindre les lois et à faire des
entorses aux règlements.
13. Il est extrêmement égocentrique, au point de s’attirer l’hostilité des
autres en disant toujours «moi, je».
14. Il est hypersensible à l’image qu’il donne.
15. Il vous a régulièrement agacé, contrarié ou vexé, et vous n’êtes pas le
seul.
16. Il passe un temps excessif à s’arranger et se pomponner pour faire
bonne impression.
17. Il a tendance à se surévaluer et à surévaluer ses capacités dans tous les
domaines, ou presque.
18. Il a dénigré les autres, les jugeant inférieurs, incapables ou nuls.
19. Il n’a guère manifesté de compassion ou d’empathie à l’égard des
autres; toutefois, il attend des autres qu’ils lui manifestent compassion
et empathie.
20. À de multiples occasions, il a ignoré les besoins des autres, qu’ils
soient biologiques (nourriture, eau), physiques (logement, vêtements),
émotionnels (amour, gestes d’affection) ou financiers.
21. Il est mécontent quand les autres réussissent ou sont reconnus.
22. Les autres le considèrent comme un tyran dans ses paroles ou ses
actes.
23. Avec vous, ce n’est pas un dialogue, mais un monologue, car il ne
parle que de lui.
24. Il a besoin d’être le centre de l’attention et fait tout pour être remarqué
(arrive en retard, porte des vêtements voyants, emploie un langage
emphatique ou fait des entrées théâtrales partout où il est invité).
25. Lorsqu’il communique avec vous, vous avez l’impression qu’il envoie
des messages mais n’en reçoit pas. La communication est à sens
unique.
26. Il pense que les autres l’estiment autant qu’il s’estime et il est choqué
d’apprendre que ce n’est pas le cas.
27. Il veut absolument le nec plus ultra de tout ce qui existe (maison,
voiture, électronique, bijoux, vêtements), même s’il n’a pas les moyens
de se l’offrir.
28. Il semble avoir du mal à comprendre les émotions profondes. Il paraît
détaché émotionnellement à des moments qui, justement,
réclameraient la manifestation d’émotions sincères.
29. Il a besoin de contrôler les autres et exige une loyauté totale en toutes
circonstances.
30. Il se comporte comme si les êtres humains étaient des objets à utiliser,
exploiter ou manipuler.
31. Il a plusieurs fois franchi les limites de la confidentialité, du respect à
la vie privée et des convenances sociales.
32. Il ne voit que ses propres problèmes et ignore presque toujours les
difficultés des autres.
33. Il semble manquer d’altruisme – il fait tout égoïstement, œuvrant
rarement en faveur des autres.
34. Même sans n’avoir jamais rien accompli d’extraordinaire, il fait
l’homme important ou qui a réussi.
35. Il a besoin d’exagérer ses réalisations ou ses expériences personnelles.
36. Lorsque les autres évoquent leurs réussites, il se vante de ses propres
succès ou oriente la conversation de sorte que ses réussites soient aussi
reconnues.
37. Il est prêt à tout pour obtenir le succès, la gloire, la fortune ou des
faveurs sexuelles, et n’a aucun sens de ce qui est juste, moral ou
éthique.
38. Au travail, il est généralement en rivalité avec ses collègues pour
attirer l’attention et les compliments, et il n’hésite pas à les rabaisser
pour obtenir les faveurs de ses supérieurs.
39. Lorsqu’on le critique, il se sent mal à l’aise et fustige ses interlocuteurs
en retour.
40. Il s’est montré parfois autoritaire, ne cherchant pas à savoir ce que les
autres pensent, ce qu’ils ont prévu ou ce qui les préoccupe.
41. Il se croit tout-puissant ou a agi comme s’il l’était, refusant de voir ses
propres faiblesses et fragilités.
42. Il est superficiellement charmant ou intéressant.
43. Il s’est fait passer pour quelqu’un qu’il n’est pas (imposteur) – un
médecin, un officier militaire, un astronaute ou un membre du
commando de la marine américaine, par exemple.
44. Au départ, il vous paraît très intéressant et vous appréciez de l’avoir
dans votre entourage, mais au bout d’un moment, il vous sape votre
énergie et vous éclipse.
45. Il vous a fait sentir que sa tasse doit toujours être remplie alors que la
vôtre est vide.
46. Il vous a rabaissé ou a dévalorisé votre travail, et vous a fait sentir que
vous étiez nul sans aucun égard pour ce que vous pouviez éprouver.
47. Il s’intéresse à la manière dont les autres ont réussi et se montre
curieux à leur égard, mais il n’est pas disposé à fournir le moindre
effort pour y parvenir lui-même.
48. Il nourrit de grands rêves de réussite (vise une haute fonction politique,
par exemple) qu’il ne concrétise pas.
49. Il ambitionne une réussite sociale ou politique, et par tous les moyens.
50. Il a souvent acheté des produits coûteux ou de valeur pour lui-même,
mais refuse de le faire pour des membres de sa famille.
51. Il sous-estime constamment les capacités et le potentiel de réussite des
autres.
52. Il se juge supérieur aux autres par son intelligence ou son apparence
physique.
53. Il aime à rabaisser les autres pour se sentir mieux.
54. Il a publiquement dénigré ceux qui ne répondent pas à ses attentes, y
compris ses propres enfants.
55. En savoir davantage sur vous ne l’intéresse pas et il est anormalement
peu curieux des autres.
56. Il lui arrive d’afficher une certaine froideur, une distance qui vous rend
mal à l’aise – qui est-il vraiment et le connaissez-vous si bien,
finalement?
57. Dans ses échanges avec les autres, il perçoit des gestes anodins – se
tourner, vérifier ses messages téléphoniques, regarder sa montre,
changer de position – comme du désintérêt à son égard et se vexe ou
s’irrite inutilement.
58. Il traite avec mépris et arrogance ceux qu’il juge inférieurs à lui.
59. Il n’apprécie que les gens qui peuvent faire quelque chose pour lui.
60. Son ego et son style grandiloquent semblent toujours nuire à ses
relations interpersonnelles.
61. Il se voit comme quelqu’un qui possède un savoir unique ou une
compréhension des choses exceptionnelle, et il parle de lui de cette
façon.
62. Il a une personnalité qui vous «pompe» votre énergie et vous éteint peu
à peu, ou vous le trouvez agaçant.
63. Il se vante de ce qu’il a accompli dans la vie, alors qu’il n’a pas
accompli grand-chose, en réalité.
64. Dans une conversation, il dit «moi, je» à tout bout de champ. Il ne se
rend même pas compte qu’il ramène toujours tout à lui.
65. Il apparaît comme satisfait de lui-même et n’ayant de compte à rendre
à personne.
66. Il a réussi en se servant largement des autres, ce qu’il ne veut pas
reconnaître.
67. Il a dit d’un individu ou d’un groupe qu’il était «inférieur» ou «bon à
rien».
68. Il fait usage de cocaïne pour se sentir encore plus génial.
69. Il prétend être un amant ou un séducteur exceptionnel. Il se vante de
ses nombreuses conquêtes.
70. Il déteste se sentir gêné ou échouer publiquement.
71. Il ne semble même pas se sentir coupable de ses erreurs et il ne
s’excuse jamais.
72. Il croit dur comme fer avoir la réponse et la solution à la plupart des
problèmes, aussi complexes soient-ils.
73. Il est convaincu d’avoir toujours raison et que les autres ont tort.
74. Il considère les individus qui ne sont pas d’accord avec lui comme des
«ennemis».
75. Il a eu recours à la tromperie, aux belles paroles, à l’escroquerie, à la
machination, à la fraude ou à d’autres crimes en col blanc pour réussir.
76. Il est souvent rigide, inflexible et insensible.
77. Il tente de contrôler ce que les autres font ou pensent.
78. Il a tendance à se montrer possessif envers les membres de sa famille
ou les êtres chers et à entraver leur liberté – il n’aime pas qu’on vienne
leur rendre visite.
79. Quand il se montre empathique, c’est à court terme, superficiel ou pour
servir ses propres intérêts.
80. On sent qu’il veut détruire ou ruiner la réussite des personnes qu’il
envie ou avec lesquelles il est en concurrence.
81. Il a refusé de considérer ou de reconnaître l’une de vos réussites ou il
est incapable de reconnaître la douleur et la souffrance des autres.
82. Il réagit souvent à la critique par la vengeance, la calomnie, la contre-
attaque, la colère ou la dureté.
83. Il n’a pas le courage de travailler, prétendant que cela l’empêcherait de
«penser», de «faire des projets», de «se faire des contacts», d’«étudier»
ou de «se préparer».
84. Il est devenu membre d’un club (de golf, par exemple) ou d’une
organisation juste pour être vu au bon endroit avec les bonnes
personnes, alors qu’il peut difficilement se le permettre
financièrement.
85. Il voit sans cesse des défauts chez les autres, mais aucun chez lui.
86. Il n’aime pas être critiqué, même s’il s’agit de critiques constructives.
87. Il voit les problèmes personnels des autres comme un signe de
faiblesse, d’infériorité ou de mauvais contrôle de leurs impulsions.
88. Il n’arrête pas de se vanter d’achats onéreux (bijoux, gadgets high-
tech, biens immobiliers, voitures, etc.).
89. Au travail, il amplifie sa valeur et grossit ses contributions devant ses
supérieurs.
90. Il perçoit très vite les points faibles des autres et ne tarde pas à les
exploiter.
91. Dans ses relations, il a une tendance au parasitisme ou à l’exploitation,
n’hésitant pas à tirer profit des autres financièrement (il refuse de
travailler et d’apporter sa contribution, même s’il en est tout à fait
capable).
92. Il a dit au moins une fois que depuis son plus jeune âge, il se sent
«promis à un grand destin».
93. Il semble très dépendant du regard valorisant des autres et recherche
leurs compliments.
94. Il n’est pas très doué pour écouter les autres, ou ne les écoute que s’il
pense qu’ils vont lui faire des compliments.
95. Il exige que les autres changent pour mieux répondre à ses propres
besoins, mais au détriment des leurs.
96. Il est rusé et manipulateur, cherchant toujours à avoir la plus grosse
part du gâteau.
97. Si les autres lui manifestent de l’attention, de la gratitude ou de la
gentillesse, il n’est pas porté à en faire autant et ne connaît pas la
réciprocité dans ces domaines.
98. Il utilise les insultes pour établir sa supériorité, sa domination ou son
contrôle.
99. Il a menti sur ses diplômes ou sa formation (par exemple, il a prétendu
avoir un doctorat).
100. Désireux de sauver les apparences, il continue à mener grand train
alors que sa situation financière est fragile ou qu’il est ruiné.
101. Il ne réussit pas à se mettre à la place des autres; il manque d’une
compréhension empathique de leurs besoins ou de leurs désirs.
102. Il aime être entouré de gens connus pour briller par procuration ou
émailler sa conversation de noms de gens connus.
103. Il pense que tout le monde ne mérite pas de faire partie de son cercle
relationnel.
104. Il manque de profondeur émotionnelle et déteste quand les autres
viennent lui parler de leurs problèmes émotionnels «insignifiants» et
«futiles».
105. Il peut être timide et solitaire, mais il se montre arrogant envers les
autres et convaincu d’être une personne supérieure ou d’exception.
106. Il a menti sur son passé, sur ses réalisations ou pour dissimuler des
entorses à la loi ou à l’éthique.
107. Il s’indigne quand les autres ne lui montrent pas une loyauté absolue.
108. Il vous a délibérément fait attendre, vous ou d’autres, ou a prolongé
des réunions ou des conversations, dérangeant tout le monde.
109. Il n’est jamais satisfait de sa rémunération ou de ses avantages annexes
dans son travail, même s’ils sont généreux.
110. Il n’hésite pas à embêter les autres en leur racontant des choses sans
intérêt, même lorsqu’ils sont occupés ou pris par des tâches plus
importantes.
111. Il veut rester jeune à tout prix et, par conséquent, fréquente assidûment
les salles de gym et de musculation, réalise des prouesses physiques et
recourt aux cosmétiques ou à la chirurgie esthétique.
112. Il semble vouloir se prouver quelque chose à lui-même, et notamment
qu’il est un homme, en multipliant les aventures extraconjugales.
113. Il aime par-dessus tout recevoir les compliments et les félicitations des
autres.
114. Il a pris plaisir à tromper les autres, y compris des parents, des amis et
des associés.
115. Au lieu d’être heureux du succès des autres, il en est jaloux et envieux.
116. Il brise une relation amoureuse ou une amitié dès qu’il ne peut plus en
tirer profit socialement ou financièrement.
117. Il a recherché activement une partenaire ou une épouse à exhiber
comme signe extérieur de réussite pour servir ses ambitions
professionnelles ou politiques.
118. Il organise des événements dans le but d’attirer l’attention et les
félicitations.
119. Il est incapable d’identifier les besoins, les désirs, les sentiments et les
émotions des personnes les plus proches de lui.
120. Il est impatient avec les autres.
121. Il parle sans cesse de lui ou de ses aspirations.
122. Il a tendance à parler de ses problèmes personnels en multipliant les
détails inutiles, sans penser que les autres ont peut-être autre chose à
faire que de l’écouter.
123. Il a souvent des paroles blessantes envers les autres, mais jamais de
remords.
124. L’un de ces adjectifs s’applique à lui: snob, dédaigneux, arrogant,
condescendant.
125. Il critique ceux qui obéissent aux règles ou font patiemment la queue.
126. Il semble ne pas connaître la tristesse, la nostalgie ou la mélancolie.
127. La seule chose qu’il redoute, c’est d’être surpris, pris sur le fait ou
couvert de honte en public.
128. Même au bout de nombreuses années, vous avez l’impression de ne
pas le connaître vraiment.
129. Il a utilisé sa famille ou ses amis pour le couvrir.
130. Il ne veut pas reconnaître ses erreurs, ses méfaits, ses mauvaises idées
ou ses actions périlleuses.
Résultats
Comptez le nombre de phrases applicables à l’individu examiné en
fonction des critères évoqués au début de cette liste.
Si vous arrivez à un résultat compris entre 15 et 25, l’individu en
question va parfois nuire aux autres sur le plan psycho-émotionnel;
de plus, il peut être difficile de vivre ou de travailler avec lui.
Un résultat compris entre 26 et 65 indique que cet individu présente
toutes les caractéristiques de la personnalité narcissique et manifeste
un comportement narcissique. Il a tendance à faire de la vie de ses
proches un enfer et a besoin d’être aidé.
Si le résultat est supérieur à 65, cet individu possède toutes les
caractéristiques d’une personnalité narcissique dangereuse. Il
présente un danger émotionnel, psychologique, financier ou physique
pour vous et les autres.
Agir aussitôt
Ce résultat a peut-être confirmé vos soupçons: vous êtes bel et bien dans
une relation professionnelle ou personnelle avec quelqu’un qui répond à
tous les critères du narcissique. Dans ce cas, vous avez sans doute été
harcelé, tourmenté ou victime de persécutions. Ce résultat vous éclaire et
vous donne la motivation nécessaire pour apprendre à gérer plus
efficacement l’individu en question, chercher de l’aide ou changer la donne.
Que faire maintenant? Tout dépend de votre situation et du résultat ci-
dessus. Si vous pouvez ignorer cet individu au travail, tant mieux. Si vous
devez vivre à ses côtés, tout dépend du résultat obtenu; certes, il peut être
agaçant, mais si le nombre de cases cochées est faible, sa présence peut être
supportable. En revanche, si vous avez coché de très nombreuses cases, cet
individu peut vous harceler, vous dénigrer, voire vous causer des dommages
psychologiques importants. C’est à vous de décider des mesures que vous
souhaitez prendre, mais sachez à présent que vous avez des éléments
concrets avec lesquels travailler, que vous demandiez l’aide d’amis, de la
DRH, de votre patron, d’un professionnel de la santé mentale, des services
sociaux ou de la police.
Quoi qu’il en soit, votre première responsabilité est de vous protéger,
vous-même et vos proches. Ne laissez personne vous dire que vous devez
rester dans une relation ou une organisation où vous êtes harcelé, persécuté
ou tyrannisé. Faites ce que vous avez à faire pour vous mettre à l’abri.
Essayez de prendre vos distances par rapport à cet individu. Je sais que,
parfois, cela n’est pas facile à faire pour de multiples raisons, toutes aussi
valables les unes que les autres, et que j’ai toutes entendues. Dans ce cas,
essayez de fixer des limites par rapport à ce qui est acceptable pour vous,
mais ne soyez pas surpris si vos limites sont ignorées et si les
comportements nuisibles se poursuivent.
La vérité peut être dure à entendre. Peut-être avez-vous besoin de cet
individu, peut-être n’êtes-vous pas capable de vous éloigner de lui, peut-
être est-il un membre de votre famille, un partenaire, un conjoint ou votre
employeur. Je comprends. Mais n’oubliez pas cela: la personnalité
narcissique va vous écraser, vous avoir à l’usure, et vous allez souffrir
émotionnellement, psychologiquement, physiquement ou financièrement.
Plus vous avez coché de caractéristiques lui correspondant, pire sera votre
situation. D’après mon expérience, la distance est souvent la meilleure
solution avec ces individus. Si vous souhaitez connaître d’autres stratégies
pour gérer la personnalité narcissique, consultez le chapitre 6 intitulé
«Comment se protéger des personnalités dangereuses».
[1] Epcot est l’un des quatre parcs thématiques du Walt Disney World Resort (situé à Orlando, en
Floride). Ses attractions et divertissements portent essentiellement sur les avancées technologiques et
l’innovation, N.D.T.
[2] La communauté établie par Jim Jones connut une fin tragique le 18 novembre 1978, date à
laquelle 908 personnes périrent dans le cadre d’un suicide collectif, N.D.T.
[3] Il n’y a pas en droit français de définition juridique de la secte. Respectueux de toutes les
croyances et fidèle au principe de laïcité, le législateur s’est toujours refusé à définir la notion de
secte afin de ne pas heurter les libertés de conscience, d’opinion et de religion garanties par les textes
fondamentaux de la République. Pour autant, tout n’est pas permis au nom de la liberté de conscience
ou de religion. En effet, l’absence de définition de la secte n’efface pas la réalité de l’existence de
victimes de dérives de certains mouvements sectaires. La loi fixe donc des bornes qui sanctionnent
les abus de ces libertés, sous le contrôle du juge. Le dispositif juridique français est à la fois
pragmatique et textuellement encadré: il vise à la prévention et à la répression, non des sectes elles-
mêmes, mais des dérives sectaires. Pour plus d’informations, consultez le site www.derives-
sectes.gouv.fr (N.D.T.).
CHAPITRE 2
«Attachez vos ceintures…»: la personnalité
émotionnellement instable
É tudier les personnalités émotionnellement instables et parler avec des
individus dont elles ont bouleversé la vie devraient nous concerner
tous. Tandis que la société et le monde du travail reconnaissent plus
facilement les ravages causés par d’autres personnalités dangereuses, tel le
prédateur (voir chapitre 4), le chaos provoqué par la personnalité
émotionnellement instable est rarement estimé à sa juste valeur. Les dégâts
se rapportant davantage aux relations interpersonnelles, le système
judiciaire a tendance à les négliger, et pourtant nous vivons ou travaillons
souvent avec des personnes à l’instabilité émotionnelle destructrice.
L’instabilité émotionnelle envahissante de cette personnalité se
caractérise par des comportements qui affectent son bien-être, ses relations
et ses interactions avec les autres. Aussi changeante, mais nettement moins
prévisible, que le temps qu’il fait, elle passe d’un extrême à l’autre sur le
spectre émotionnel, se sentant toute-puissante, reine du monde à un instant
donné, et complètement démunie, impuissante l’instant d’après.
Les personnalités émotionnellement instables peuvent être talentueuses,
charmantes, séduisantes et particulièrement attirantes, puis se montrer
soudainement hostiles, impulsives ou irrationnelles. Elles sont versatiles et
lunatiques par essence.
Elles ont énormément besoin d’être aimées et protégées, de se sentir en
sécurité, mais ne sont guère capables de cultiver des relations saines. Vous
êtes près d’elles, et elles se sentent étouffées; vous leur donnez de l’espace,
et elles se sentent abandonnées. Elles poursuivent une stabilité cahin-caha,
mais leur quête trop chaotique finit par leur nuire et nuire aux autres.
Lorsque j’entends encore parler d’une star qui divorce pour la cinquième,
la sixième, la septième ou (comme dans le cas d’Elizabeth Taylor) la
huitième fois, je me pose légitimement la question: cette personne est-elle
émotionnellement instable? Fait-elle vraiment n’importe quoi? Richard
Burton, qui s’est remarié avec Elizabeth Taylor après avoir divorcé d’elle
une première fois, pensait-il que les choses allaient s’améliorer? Peut-être,
mais ce ne fut pas le cas – et, en général, ce n’est jamais le cas.
Nous pouvons être attirés par l’intelligence, le dynamisme, le charme ou
la beauté des personnalités émotionnellement instables, considérant leurs
qualités comme autant de gages d’une relation épanouissante. Mais dès que
nous grattons un peu le vernis pour regarder derrière le personnage public,
derrière le «masque social», nous découvrons le vrai moi, instable et fragile.
Dans la sphère privée, au bureau ou en société, ces personnes brillantes et
intenses perturbent, dérangent ou deviennent ingérables et créent autour
d’elles une ambiance délétère. Toutes les biographies que vous pouvez lire
sur Marilyn Monroe témoignent de sa personnalité émotionnellement
instable – une personnalité qui lui a autant nui à elle qu’à son entourage
professionnel.
Comme les personnalités narcissiques, les personnalités
émotionnellement instables exigent que leurs moindres désirs soient
satisfaits. Elles repoussent les limites, enfreignent les règles et ont besoin
d’être le centre de l’attention. Mais tandis que les narcissiques se
comportent ainsi parce qu’ils croient être parfaits et que tout leur est permis,
les personnes instables émotionnellement le font par besoin d’un soutien
constant, même de la part d’enfants, pour avoir une bonne image d’elles-
mêmes. Le regard encourageant des autres leur est indispensable. En
manque d’affection, elles s’accrochent, tels des tentacules, aux individus
susceptibles de satisfaire leurs besoins et de supporter leur comportement.
Malheureusement, même l’individu le plus généreux ne pourra pas combler
leur vide intérieur et leur fragilité psychique extrême.
Si vous côtoyez régulièrement une personnalité émotionnellement
instable, préparez-vous aux montagnes russes émotionnelles, car elle va
vous exaspérer et vous épuiser. Certes, les dégâts qu’elle provoque sont plus
ou moins importants selon son degré d’instabilité. Certaines sont moins
impulsives, moins hostiles et plus gérables que d’autres qui ont tendance à
s’autodétruire fortement et sont très toxiques pour leur entourage
professionnel, voire leurs propres enfants. Dans le meilleur des cas, elles
sont agaçantes et querelleuses; dans le pire des cas, elles vous font subir des
traumatismes émotionnels profonds, quand ce ne sont pas des violences.
Comme me l’expliquait un psychologue qui éprouvait un stress
épouvantable lorsqu’il devait traiter ce type de personnalité: «Elles ne vous
tuent pas toujours. Mais c’est comme si elles avaient constamment un doigt
dans votre œil.»
Le comportement des personnalités émotionnellement instables peut
s’expliquer par de nombreux facteurs: facteurs neurologiques ou
biologiques, traumatismes passés, prise de drogues, mauvais traitements
(notamment sévices sexuels) ou indifférence parentale. Même s’il n’y a
aucune certitude, tous ces facteurs doivent jouer, y compris les facteurs
héréditaires.
Ce que nous savons, ce qu’on m’a rapporté et ce que l’expérience m’a
enseigné, c’est que ces individus finissent par vider les autres de leur
patience, de leur compréhension et de leur compassion, bref par les mettre à
bout. Avec leur instabilité émotionnelle, ils poussent leurs relations avec
leurs proches, leurs amis, leurs collègues et leurs supérieurs jusqu’au point
de rupture.
Résultat: leur entourage baisse les bras, vidé de sa substance, car il n’a
plus rien à donner. Certaines personnes sont si éprouvées émotionnellement
par ces personnalités qu’elles deviennent incapables d’empathie ou
d’amour. Comme me le confiait un homme marié depuis de nombreuses
années à une femme émotionnellement instable: «J’ai tout essayé. Je
l’aimais, mais vivre avec elle était un enfer. J’ai même songé à me suicider.
Je roulais à vide, je n’en pouvais plus. Je voulais me supprimer. Juste à
cause d’elle.» J’ai entendu ce genre de propos je ne sais combien de fois au
cours de mes trente-cinq ans de carrière, d’abord comme agent spécial du
FBI, puis comme spécialiste du comportement humain. De la bouche de
mon défunt mentor également, le Dr Phil Quinn. Prêtre catholique et
psychologue, il avait été très surpris de constater au début de sa pratique
que des individus qui n’avaient jamais voulu de mal à personne en
arrivaient à vouloir se faire du mal ou faire du mal aux autres, poussés à
bout par une personnalité émotionnellement instable dans leur entourage
proche.
Bouleversant, n’est-ce pas? Ce qui montre bien à quel point la vie avec
une personnalité émotionnellement instable peut être douloureuse et
destructrice. Après avoir lu l’un de mes billets sur les personnalités
dangereuses sur mon blogue Psychology Today, une lectrice m’a écrit
personnellement. Elle me disait ceci: «Je veux juste voir ma mère mourir.
Elle m’a volé ma jeunesse et ma sécurité intérieure. Je veux que la seule
personne qui ne m’a jamais défendue finisse par mourir pour que je trouve
enfin le repos. Pour que je puisse enfin lever la garde.» J’ai été choqué de
lire ce message – jusqu’à ce que je comprenne ce que sa mère avait fait et
les tourments que cette jeune femme avait endurés.
Au début de ma carrière, des policiers plus âgés m’ont parlé de ces
individus poussés à faire du mal aux autres à cause de ce qu’ils avaient subi
– un phénomène désolant, et pourtant très répandu dans les nombreux
appels privés qu’ils traitaient. Une terrible réalité lorsque vous avez affaire
à la forme la plus aiguë de personnalité émotionnellement instable. Son
comportement extrême provoque des réactions extrêmes. Une personne
saine de corps et d’esprit finit par avoir des pensées et des actes criminels.
Et même si c’est compréhensible, se faire du mal à soi-même et faire du
mal aux autres n’est jamais justifiable ni excusable. Ces individus instables
ont autant besoin d’aide que ceux qu’ils font souffrir.
Comment la personnalité émotionnellement instable agit-elle?
Il existe des attitudes et des comportements si différents et si variés chez les
personnalités émotionnellement instables qu’elles sont souvent difficiles à
identifier ou à reconnaître. Certaines vivent dans une souffrance et un
désespoir silencieux. D’autres cherchent querelle à tout le monde,
notamment à leur partenaire qu’elles tourmentent et harcèlent, parfois
violemment. Je pense aussi à la séductrice insatiable, sexuellement très
attirante, mais si exigeante que sa dépendance à l’autre finit par devenir
rebutante. Et entre ces extrêmes, toutes les nuances sont possibles.
Indépendamment de la manière dont l’instabilité se manifeste, les hauts
et les bas émotionnels sont la marque de fabrique de ces personnes. Tandis
que nous pouvons tous être de mauvaise humeur, irritables ou anxieux à
certains moments, les personnalités émotionnellement instables en font leur
quotidien, ou presque. Elles peuvent se comporter normalement pendant des
jours, des semaines, voire des mois. Mais globalement, sur le long terme,
leur mode de réaction privilégié se caractérise par de l’instabilité
émotionnelle et des accès de mauvaise humeur, de colère ou de violence.
Cela n’aurait pas d’importance si elles vivaient seules dans une cabane
au fond des bois, mais elles ont généralement des proches qui pâtissent de
leur comportement – que ce soit un parent, un frère ou une sœur, un amant,
un conjoint, un enfant ou un collègue de travail. Et voilà le hic! L’instabilité
fondamentale de ces personnes déstabilise les autres sur les plans
psychologique, émotionnel et physique. Si les adolescents peuvent être de
mauvais poil et avoir des comportements à risque, ils finissent par sortir de
l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte. Alors que la personnalité
émotionnellement instable demeure fondamentalement instable, ce qui sape
toutes ses relations.
Même si beaucoup sont souvent conscientes des douloureux problèmes
du passé qui contribuent à leur comportement imprévisible, elles se sentent
impuissantes à maîtriser leurs émotions. Et les thérapeutes avouent avoir du
mal à les gérer. Vous essayez de les aider du mieux que vous pouvez, mais
ce n’est jamais assez bien à leurs yeux. Toute relation avec ces personnes
ressemble aux montagnes russes: vous êtes leur formidable héros à
l’instant X et du chewing-gum sous la semelle de leur chaussure à l’instant
Y. Ceux qui ont à subir leur versatilité pathologique m’ont dit éprouver à la
fois de l’incrédulité et du désespoir. Ils s’interrogent: «D’où cela est-il
venu?», «Était-ce vraiment nécessaire?», «Quand cela va-t-il se
reproduire?»
L’enfant qui a un parent émotionnellement instable apprend rapidement à
évaluer à chaque instant l’humeur de ce dernier. «Comment est ma mère
aujourd’hui?» se demande-t-il. Cela m’attriste de voir que ces enfants
doivent très tôt apprendre à marcher sur des œufs parce qu’ils savent qu’un
jour ils peuvent avoir affaire à un saint ou à une sainte et le lendemain à un
monstre déchaîné. Lorsque nous entendons parler d’enfants qui veulent
quitter leurs parents (et beaucoup l’ont fait) ou s’émanciper de bonne heure
(avant l’âge de 18 ans), c’est souvent parce qu’ils ont atteint la limite de ce
qu’ils pouvaient supporter d’une personnalité émotionnellement instable.
Cette démarche radicale est tout ce qu’ils ont trouvé pour préserver leur
bien-être psychologique.
Dans la sphère professionnelle, nous adoptons l’attitude de l’enfant
évoquée plus haut: nous faisons tout pour éviter de froisser une personnalité
émotionnellement instable. «Mon patron est-il de bonne humeur
aujourd’hui ou va-t-il crier ou envoyer balader des objets comme hier?»
Nous avons tendance à nous cacher ou à appeler pour dire que nous
sommes malades dans le seul but d’échapper à ces individus. Leurs effets
sur une organisation peuvent être démoralisants, ce qui explique pourquoi
les entreprises deviennent de moins en moins tolérantes à l’égard des
personnalités émotionnellement instables. Certaines organisations sont
même allées jusqu’à faire appliquer le fameux objectif «zéro sale con» de
Sutton, à savoir créer un environnement de travail dépourvu de sales cons.
Comme le fait si justement remarquer Robert Sutton dans son best-seller
Objectif zéro sale con: petit guide de survie face aux connards, despotes,
enflures, harceleurs, trous-du-cul et autres personnes nuisibles qui sévissent
au travail, ces individus font plus de mal que de bien et il est préférable de
s’en débarrasser avant qu’ils deviennent destructeurs pour l’entreprise.
Pour la personnalité émotionnellement instable, une relation amoureuse
ne peut être qu’intense. C’est souvent l’escalade jusqu’à des disputes
houleuses suivies de rapports sexuels de rabibochage particulièrement
enragés. Il est étonnant de voir avec quelle rapidité les personnes instables
émotionnellement peuvent passer de violentes querelles à du sexe torride.
Ce n’est pas un problème pour elles. Mais pour la majorité d’entre nous, les
montagnes russes finissent par perdre de leur charme et plus nous voyons
cette hargne chez la personnalité émotionnellement instable, moins nous
avons envie de contact et d’intimité avec elle, ce qui sonne le glas de notre
relation amoureuse.
La personnalité émotionnellement instable est hypersensible
La personnalité émotionnellement instable prend mal les critiques à son
égard, se montre très sensible aux affronts réels ou perçus et peut s’en
prendre à vous lorsqu’elle se sent insultée. Elle se sent vite persécutée, ce
qui la pousse à réagir au quart de tour en diabolisant les autres ou en les
accusant de déloyauté en vertu de soupçons infondés. J’ai le cas d’une mère
qui a banni ses trois filles devenues adultes pendant des mois parce qu’elles
allaient au cinéma sans elle. Elle les accusait de «conspirer» pour la mettre
à l’écart et de dire du mal d’elle derrière son dos au sujet de l’éducation
qu’elle leur avait donnée. Ce sont des rôles typiquement joués par les
personnes émotionnellement instables et qui reflètent les fluctuations de
leur état émotionnel – soit elles se sentent comme les maîtres de l’univers
(désirant être vénérées par le monde entier), soit elles ont le sentiment
d’être de pauvres victimes ou parias («Personne ne veut jouer avec moi,
tout le monde m’en veut»).
Ces trois sœurs se sont mises en quatre pour rassurer leur mère en lui
disant qu’elles n’avaient aucune intention de lui faire du mal en allant au
cinéma sans elle, mais en vain. Elle a boudé et joué la pauvre femme
blessée pendant des semaines, refusant de leur parler. Pourtant, son
comportement était loin d’être une surprise: cette mère s’était toujours
montrée très susceptible, hypersensible à ce qu’elle percevait comme un
manque d’égards, et c’est bien là le problème. L’hypersensibilité est le
réglage par défaut de la personnalité émotionnellement instable, et c’est un
comportement manipulateur et épuisant, terriblement éprouvant
psychiquement.
Mais il y a encore pire: les personnalités émotionnellement instables
«collectionnent» les blessures, si l’on peut dire. Elles sont constamment sur
le qui-vive émotionnel, à l’affût du moindre affront, du moindre mauvais
traitement, de la moindre étourderie ou du moindre faux pas des autres,
stockant ces blessures au fond d’elles pour les ressortir plus tard et décocher
des flèches empoisonnées destinées à blesser. Elles ont tendance à faire
ressurgir régulièrement des événements du passé, même lointains, évoquant
parfois des histoires qui remontent à plusieurs dizaines d’années. Elles vous
ressortent des choses que vous avez faites, oubliées ou dites et qui, à juste
titre ou pas, les ont blessées. Et parce qu’elles sont fragiles, la liste de leurs
griefs peut être très longue et particulièrement mesquine, car il faut savoir
qu’elles n’oublient jamais vos petites faiblesses. Elles sont en quelque sorte,
comme le dit si bien le célèbre criminologue Leonard Territo, des «victimes
en quête d’un oppresseur».
La personnalité émotionnellement instable est terriblement exigeante et en
manque cruel d’affection
Dire qu’elle est une voiture qui réclame «beaucoup d’entretien», le terme
est faible. La personnalité émotionnellement instable est comme un enfant
qui a un besoin maladif de se sentir le centre du monde, d’apparaître
comme un être unique et exceptionnel. Elle veut que tous les yeux soient
tournés vers elle (pensez au défilé des actrices sur le tapis rouge) ou que
vous lui accordiez une attention exclusive, qu’il s’agisse de votre client,
votre patiente, votre supérieur, votre amie ou votre amant. Elle est même
prête à diviser pour mieux régner, à semer la zizanie autour de vous pour
capter votre attention. Avec un savoir-faire incomparable.
Elle a tellement besoin de vous qu’elle ne cesse de vous flatter, de vous
complimenter, de vous idolâtrer de manière infantile – à ses yeux, vous êtes
le meilleur compagnon du monde, le meilleur médecin de la Terre, le
professionnel le plus talentueux qui puisse exister ou l’ami le plus parfait.
Mais si, par malheur, vous la décevez, si vous vous désintéressez d’elle, si
vous êtes distrait par autre chose ou si elle finit par vous lasser, elle va sortir
son venin et vous diaboliser sur-le-champ. Elle peut passer de l’idolâtrie la
plus excessive à la froideur la plus totale, ignorant tous les aspects positifs
de votre relation et se focalisant uniquement sur ses besoins, sur ce que
vous n’avez pas dit ou pas fait, sur le moindre affront qu’elle a perçu en
vous.
Souvent, la personnalité émotionnellement instable finit par s’aliéner les
individus dont elle recherche désespérément l’amour en violant les limites,
en se montrant trop intrusive, trop exigeante, trop égocentrique, trop
pressante, trop en mal d’affection. Dans la sphère privée ou professionnelle,
si vous cédez à tous ses caprices, elle va vous envahir complètement,
exigeant toujours plus de votre temps et de votre attention, réclamant un
traitement de faveur, vous poussant à faire une entorse au règlement pour
elle, rien que pour elle. Si vous refusez de vous laisser prendre à son jeu,
elle vous accuse d’être méchant, dur et déloyal. D’une certaine manière,
elle réagit comme les jeunes enfants qui vous lancent brusquement: «Je ne
t’aime plus!» quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent.
Pour cette personnalité, les limites et les conventions sociales n’existent
pas vraiment. Redoutant d’être abandonnée, elle a besoin de vous à la
seconde près, dès qu’elle se sent en manque d’affection. Elle exige que vous
l’appeliez ou lui envoyiez des courriels ou des SMS sans se préoccuper le
moins du monde de votre emploi du temps, de vos disponibilités et de vos
désirs à vous, sans se demander une seule seconde si vous n’avez pas autre
chose à faire. Bon courage si, par malheur, elle arrive à obtenir votre
numéro de portable ou la ligne directe de votre travail!
Les médecins me disent que les personnes instables émotionnellement se
pointent à leur cabinet sans rendez-vous, exigeant qu’on les reçoive sans
attendre. Lorsqu’ils leur répondent que ce n’est pas comme cela que les
choses se passent, elles s’indignent et se répandent en invectives contre eux
et leur secrétaire. On m’a rapporté un cas où une patiente avait claqué la
porte si violemment que les tableaux de la salle d’attente s’étaient
décrochés du mur devant les autres patients qui attendaient, médusés. Les
personnalités émotionnellement instables peuvent passer de l’amour à la
haine en une fraction de seconde.
Pour tester la loyauté et la fidélité de leur amante, de leur époux, et
même de leurs enfants, certains sont même allés jusqu’à les faire suivre, les
surveiller, lire leur courrier, écouter leurs conversations privées et les
surprendre inopinément. Ces gens sont capables de parcourir de grandes
distances pour suivre un amant qui a déménagé ou pour épier les moindres
faits et gestes de leur bien-aimée entre son domicile et son bureau avec une
détermination qui fait froid dans le dos. En ce sens, ils ressemblent un peu à
des criminels qui suivent leurs victimes à la trace ou à des saboteurs.
Les personnalités émotionnellement instables sont connues pour avoir
commis des actes de vandalisme sur des voitures ou dans des logements,
avec des dégâts s’élevant à des milliers de dollars. Il leur arrive de
débarquer en trombe dans un bureau pour en découdre avec un ex-amant ou
de laisser des messages particulièrement cinglants et méchants sur le
tableau de bord de la voiture ou la messagerie vocale. Aujourd’hui, avec les
médias sociaux, ces personnes peuvent être encore plus destructrices et
diffamatrices. Quand elles se sentent blessées, elles sont capables de tout et
n’ont aucune limite. Même la loi ne les arrête pas.
En avril 2000, la police de Floride m’a demandé de l’aider sur un cas très
particulier. Une femme – que j’appellerai Patricia – prétendait avoir été
violée trois fois en cinq ans, chaque fois par un complet inconnu, alors
qu’elle entrait dans sa voiture. Le détective chargé de cette affaire souhaitait
que j’étudie le dossier de plus près et, notamment, que j’établisse un profil
psychologique de la victime – car trois viols en cinq ans sur la même
femme lui semblaient improbables dans une ville où le nombre de viols est
statistiquement faible.
Je n’ai pas pu répondre à la première question qu’il m’a posée, à savoir:
«Cette femme mentait-elle?» Comme je l’ai expliqué au détective, le
mensonge est très difficile à détecter, mais nous pouvons poser certaines
questions pour nous aider à connaître la vérité.
Après avoir examiné les trois cas de viol, j’ai remarqué que les
allégations se produisaient toujours fin juillet ou début août. Chaque fois,
les médecins des urgences avaient été incapables de trouver la moindre
trace de sperme à analyser. Chaque fois, la femme en question avait décrit
en détail son violeur et un message avait été envoyé à toutes les patrouilles,
ce qui avait conduit à l’arrestation de nombreux individus dont le profil et la
voiture correspondaient à sa description. Mais, chaque fois, les recherches
étaient restées infructueuses.
Lorsque ce fut mon tour de parler à cette femme, je n’avais pas grand-
chose de plus à lui demander, alors je lui ai dit: «Allons au garage de la
police où vous pourrez me montrer avec votre propre voiture comment les
choses se sont exactement passées avec votre violeur.» C’est là que j’ai
commencé à avoir des doutes. Son histoire était crédible à entendre, mais
lorsque je lui ai demandé de me montrer où elle se tenait par rapport à son
violeur à tel ou tel moment, elle n’a pas su trop quoi me dire, me donnant
des détails contradictoires ou s’embrouillant dans ses explications. Par
exemple, elle m’a dit qu’à un moment donné, le suspect, qui tenait un
couteau, l’a relâchée, a fait tout le tour de la voiture, puis a ouvert la porte
du passager. Il aurait suffi à cette femme d’appuyer sur le bouton de
verrouillage des portes pour lui échapper.
Lorsque je lui ai fait remarquer toutes ses incohérences, elle s’est mise à
sangloter et a fini par admettre qu’elle avait menti – elle n’avait jamais été
violée.
Pourquoi avait-elle fait gaspiller à sa ville des dizaines de milliers de
dollars et un temps précieux? Pourquoi, par sa faute, des centaines
d’individus avaient-ils été arrêtés, interrogés et considérés comme des
violeurs potentiels? Parce qu’elle possédait une personnalité
émotionnellement instable – ce qui m’a été confirmé ultérieurement par ses
collègues de travail, ses amis et sa famille. En plein cœur de l’été, à
l’époque des grandes vacances (elle était enseignante), elle avait besoin
d’attention. Chaque fois qu’elle appelait la police, un officier lui répondait
au bout du fil et une auxiliaire médicale l’écoutait attentivement. Une
avocate était envoyée à son domicile, toute sa famille et ses amis la
soutenaient. Dans la salle des urgences, elle faisait l’objet de toutes les
attentions et un détective était désigné pour travailler avec elle en cas
d’arrestation et de poursuites judiciaires. Un seul coup de téléphone la
«nourrissait» affectivement pendant des semaines.
Un médecin-conseil a demandé aux autorités municipales de ne pas la
poursuivre en justice si elle acceptait de quitter son poste d’enseignante et
de déménager; après tout, elle aurait pu être poursuivie pour ses allégations
mensongères. Voilà encore un bon exemple de ce à quoi vous pouvez vous
attendre avec une personnalité émotionnellement instable, en manque
d’affection et pas toujours portée à la vérité.
La personnalité émotionnellement instable est manipulatrice
Cette personnalité pleure, s’emporte, vous culpabilise, feint la maladie,
séduit, retourne sa veste, fait volte-face ou s’engage dans des
comportements risqués pour obtenir votre amour, votre attention ou l’objet
de son désir. Pour elle, un «non» est toujours négociable – surtout si elle
sait qu’en insistant (parfois en tapant du pied comme un enfant), ce «non»
pourra devenir un «peut-être», puis un «oui».
Elle peut mentir et être malhonnête pour attirer l’attention (par exemple,
elle peut dire à son petit ami qu’elle est enceinte alors qu’elle ne l’est pas
pour s’accrocher à une relation moribonde ou prétendre avoir couché avec
quelqu’un d’autre dans l’espoir pervers de raviver la flamme chez son
partenaire en le rendant jaloux). Sa capacité à tromper et manipuler est
impressionnante.
Et dans le domaine de la manipulation, elle n’a rien trouvé de plus
efficace que la menace de suicide. La personnalité émotionnellement
instable peut être extrêmement dangereuse pour elle-même, notamment
lorsqu’elle menace de s’automutiler ou tente de le faire. Ses idées
suicidaires sont à leur comble lorsqu’elle traverse une période de désespoir,
qu’elle se sent seule ou qu’elle pressent que l’autre va l’abandonner.
Les menaces de suicide sont toujours délicates à gérer, mais la meilleure
chose à faire est de garder son calme. Votre première réaction doit être de
dire à la personne émotionnellement instable que vous allez appeler les
urgences, la police ou les pompiers et de joindre le geste à la parole, sans
hésiter. Que son intention de se suicider soit feinte ou réelle, elle dépasse
largement votre sphère de compétences et réclame l’aide de professionnels.
De toute façon, ce type de personnalité ne vous laisse pas le choix.
D’après mon expérience, une fois que vous avez composé le numéro, la
personne change souvent de comportement. Ou dès que vous êtes sur le
point de composer le numéro, elle fait marche arrière. Mais ne commettez
pas l’erreur de croire que ses menaces de suicide ou d’automutilation sont
forcément bidons; ce genre de comportement doit toujours être pris au
sérieux. Vous n’êtes pas psychothérapeute, alors prenez contact avec un
spécialiste, car les personnes instables peuvent se faire – et s’être fait – du
mal. En sollicitant l’aide d’un professionnel, vous agissez correctement sur
le plan éthique et vous ne vous laissez pas manipuler. Vous n’êtes pas une
marionnette et aucun être humain ne mérite d’être manipulé par un autre
être humain, même si votre partenaire, votre ami ou votre collègue est en
grande souffrance.
Un homme avec lequel j’ai discuté lors d’une conférence m’a dit que sa
femme l’avait menacé de se suicider ou de s’automutiler si elle ne parvenait
pas à obtenir gain de cause à chacune de leurs «grosses disputes». Selon lui,
elle avait menacé de se suicider environ deux douzaines de fois au cours de
leur mariage douloureux. Il n’a pas songé une seule fois à appeler les
secours, pensant chaque fois que ce serait la dernière et ne souhaitant pas
attirer l’attention sur lui et sa famille. Cela vous surprend? Cela ne devrait
pas. Si vous êtes trop tolérant par souci de bienveillance ou par naïveté,
comme cet homme, les personnalités émotionnellement instables vont faire
fonctionner ce levier pour vous contrôler. Pourquoi? Parce que c’est trop
facile pour elles. Parce qu’elles n’ont aucune limite et que seuls des
professionnels qualifiés peuvent les aider – à condition qu’elles l’acceptent.
Si ces personnes échouent à parvenir à leurs fins et ont essayé la
manipulation sans succès, elles sont capables de tuer ce qu’elles ne peuvent
pas avoir. Certaines du moins. Rappelez-vous qu’il y a celles qui sont juste
détestables à vivre et celles qui peuvent se montrer brutales, voire se
transformer en meurtrières si elles n’obtiennent pas ce qu’elles veulent.
Vous n’avez qu’à lire les journaux qui regorgent d’histoires où les orages
continuels mais grandissants au sein d’un ménage conduisent
inexorablement à une escalade de l’instabilité, du chaos et de la violence –
et, trop souvent, à la mort.
La mort tragique du comédien canadien Phil Hartman en 1998 nous
rappelle le danger de vivre avec une personnalité émotionnellement
instable. Son épouse, Brynn, l’a tué par balles avant de se donner la mort.
Pendant des années, leurs amis avaient été témoins de l’instabilité
émotionnelle de Brynn et du tumulte que son état causait au sein de leur
couple – une ambiance délétère que leurs deux enfants, qui ont survécu,
n’oublieront jamais. Malheureusement, les exemples sont nombreux.
La personnalité émotionnellement instable est irrationnelle et, avec elle,
c’est tout ou rien
Ne vous attendez pas à ce que des personnalités émotionnellement instables
réagissent sur le mode logique lorsqu’elles sont perturbées ou passent à
l’acte. Stressées ou critiquées, elles ont tendance à être dans l’émotion et à
oublier toute logique. Leur pensée est binaire: c’est tout ou rien, bon ou
mauvais, bien ou mal, noir ou blanc; les nuances de gris n’existent pas pour
elles. Vous êtes soit avec elles, soit contre elles. Ennemi ou ami. Et,
malheureusement, les enfants aussi.
Elles vont publiquement tester votre loyauté devant les autres en posant
des questions du style: «Es-tu avec moi ou avec elle? Dans quel camp te
positionnes-tu?» Ces comportements manipulateurs sont agaçants et
embarrassants, orchestrés pour mettre à l’épreuve votre allégeance, comme
si vous retourniez à l’école. Oui, c’est leur façon à elles d’exprimer leur
manque d’affection.
Leur comportement est aussi imprévisible que leur pensée. Vous ne
pouvez jamais savoir ce qu’elles vont faire. Un père me racontait qu’il avait
emmené sa femme et ses enfants en voiture pour un week-end prolongé et,
qu’au bout d’environ 150 kilomètres, son épouse, aux émotions très labiles,
s’est mise dans tous ses états pour un incident insignifiant. Le ton montait
dans la voiture. Sentant que ses enfants prenaient le parti de leur père, elle a
commencé à les traiter de tous les noms. Ce qui s’est passé ensuite a
complètement stupéfait cet homme alors qu’il était pourtant habitué aux
explosions de colère de sa femme. Dans un accès de rage, elle a hurlé: «Fais
demi-tour avec cette fichue voiture ou je me jette par la portière!» En disant
cela, elle a ouvert la portière et s’est penchée au-dehors. Les enfants
criaient, affolés. Encore des vacances gâchées, des enfants traumatisés, des
arrhes d’hôtel perdues – tout cela parce que monsieur avait oublié
d’emporter la crème solaire favorite de madame. Il n’y a pas d’excuse
possible pour ce type de comportement. Les êtres humains n’ont pas de
bouton «Effacer» et des enfants témoins d’événements aussi violents restent
traumatisés toute leur vie. Un lourd prix à payer pour vivre aux côtés d’une
personnalité émotionnellement instable.
Certaines personnes émotionnellement instables peuvent être crédules et
sujettes à des engouements passagers. Beaucoup sont à la recherche de
gourous capables de leur fournir un système de croyances rigide. Les sectes
attirent les personnalités émotionnellement instables. Pourquoi? Parce
qu’elles y reçoivent l’attention de tous les membres, une acceptation
inconditionnelle de ce qu’elles sont, des liens affectifs très forts au sein de
la collectivité, ainsi que la structure dont elles ont besoin et qu’elles ont du
mal à trouver dans la société «normale». Toutefois, leur attirance pour les
sectes et les gourous les rend vulnérables à toute forme d’exploitation et
entraîne souvent des conflits avec les proches qui voient dans leur nouveau
style de vie une perte de temps, d’argent et d’autonomie. Pensez quelques
instants au type de personnes que le chef de secte et criminel récidiviste
Charles Manson attirait, et vous avez un tableau très clair: des individus
émotionnellement instables, naïfs et suggestibles (et notamment des
femmes désespérées), qui voyaient un dieu en lui.
La personnalité émotionnellement instable est impétueuse, impulsive et en
mal de sensations
Que ce soit pour se sentir plus vivantes ou échapper à leur mal-être, ces
personnalités sont souvent impulsives, téméraires et imprudentes, capables
de décider sur un coup de tête d’adopter un comportement qui les met, elles
ou autrui, en danger, capables de dire et de faire des choses incongrues ou
choquantes pour séduire et attirer l’attention. Elles peuvent être perçues
comme provocatrices, comédiennes, débridées ou allumeuses; elles se font
parfois traiter de «salopes» et ont besoin de se livrer à des prouesses
sexuelles pour attirer l’attention.
Au décès d’Anna Nicole Smith, ancienne playmate du magazine Playboy
et héroïne d’une émission de télé-réalité, de nombreux hommes ont
revendiqué la paternité de sa fille et, apparemment, tous avaient eu des
rapports sexuels avec elle. Les personnalités émotionnellement instables
considèrent souvent le sexe comme un élixir fantastique et peuvent se
lancer dans des comportements sexuels aux conséquences dangereuses.
Elles collectionnent les amants, et parfois les pathologies qui vont avec,
dont les maladies vénériennes, les jalousies, les grossesses non désirées et la
violence; mais où est l’amour dans tout ça? À la recherche de Mr Goodbar,
un film sorti en 1978, raconte l’histoire de Theresa Dunn, jouée par Diane
Keaton, une femme qui tente de combler son vide intérieur par des
expériences sexuelles débridées et sans lendemain, mais sort encore plus
insatisfaite de chaque nouvelle aventure d’un soir.
Ces personnes sont portées aux mauvaises fréquentations et tentées par la
compagnie de toutes sortes de «bad boys». Pour un parent, il n’y a rien de
pire que de voir sa fille devenue une jeune adulte brûler la vie par les deux
bouts et faire n’importe quoi de son corps. La femme émotionnellement
instable aime à graviter autour d’un prédateur qui transgresse les lois:
rappelez-vous Bonnie Parker qui a fait les quatre cents coups avec Clyde
Barrow – un duo de criminels entré dans la légende. Bonnie était
émotionnellement instable, cela se voyait dans son comportement, et sa
mort tragique en témoigne.
Ces personnes peuvent aussi recourir à l’alcool et à la drogue pour gérer
leurs difficultés existentielles ou leur stress, ce qui obscurcit et fausse leur
jugement, les conduit à de mauvaises décisions et compromet leur santé.
Certaines développent des comportements impulsifs, pathologiques ou
destructeurs qui, en apparence, ne semblent pas si terribles, mais on sait
pertinemment que les vols à l’étalage en série, les échappées folles, la
dépendance aux jeux d’argent, la boulimie et les comportements à risque au
volant, pour n’en citer que quelques-uns, ont des effets collatéraux
particulièrement ravageurs sur ces individus, leur famille et la société.
Les personnalités émotionnellement instables peuvent sombrer dans une
recherche de plaisir ou de douleur compulsive – malheureusement, les deux
sont souvent associés chez elles. D’où aussi de fréquentes conduites
d’automutilation – elles se scarifient, grattent leurs cicatrices, passent des
cigarettes allumées sur leur peau, s’arrachent les cheveux ou se frappent la
tête contre les murs pour sentir quelque chose ou étouffer une émotion
désagréable. Souffrir pour se sentir vivre, pourrait-on dire.
Elles avouent parfois s’ennuyer profondément et ressentir un vide
intérieur diffus, mais profond. Marilyn Monroe évoquait souvent, devant
ses nombreux psychothérapeutes et amis, son vide chronique que personne
ne pouvait remplir, alors qu’elle a eu plusieurs maris, une foule
d’admirateurs et de nombreux amants.
Certaines se plaisent à agacer, titiller les autres, cherchant sans cesse
querelle, quand elles n’essayent pas d’en découdre. Certains cliniciens ont
décrit un besoin sadique de blesser, d’offenser, de nuire associé à un besoin
masochiste de susciter l’acrimonie et le conflit chez l’autre. J’ai demandé
un jour à une femme émotionnellement instable: «Pourquoi traitez-vous
ainsi votre partenaire?» Elle m’a répondu: «Parce que c’est le seul moyen
de le faire enrager et de le voir devenir vivant.» Et elle souriait en me disant
cela.
Des mots pour décrire la personnalité
émotionnellement instable
Voici, sans la moindre censure, quelques-uns des termes que les victimes ont employés pour
décrire la personnalité émotionnellement instable:
à problèmes, abattue, abominable, agaçante, aguichante, allumeuse, anormale, atomique, avide,
bizarre, borderline, bouillonnante, calamité, caméléon, capricieuse, catastrophe, changeante,
chaotique, charmante, cinglante, cinglée, coléreuse, complexe, compliquée, conne, conspiratrice,
consternante, contradictoire, critique, cruelle, d’humeur changeante, dangereuse, débridée,
déchirée, déconnectée, découragée, délirante, dépressive, déprimée, déraisonnable, déroutante,
désabusée, déséquilibrée, désespérée, déshumanisée, désorganisée, destructrice, dingue, distante,
dominatrice, dure, effrayante, emmerdante, émotive, envieuse, épouvantable, épuisante,
étouffante, étrange, exaspérante, excentrique, excitante, exigeante, explosive, fantasque, fatale,
fatigante, flirteuse, folle, froide, frustrée, furie, garce, glaciale, habile, hautaine, histrionique,
horrible, humiliante, hystérique, impétueuse, impitoyable, impossible, imprévisible, impulsive,
incohérente, incomplète, inconsciente, inconvenante, incroyable, ingrate, inquiétante, instable,
intense, irrationnelle, irresponsable, irritable, limite, lubrique, malade, malfaisante, malheureuse,
malsaine, malveillante, masochiste, méchante, médisante, mégère, menaçante, menteuse,
méprisante, négative, négligente, névrosée, nymphomane, orageuse, persécutrice, peu fiable,
pitoyable, plaintive, pot-de-colle, princesse, querelleuse, rageuse, rancunière, répugnante, rusée,
sadique, salope, sarcastique, séductrice, séduisante, sexuelle, sexy, soupe au lait, sournoise,
spéciale, suicidaire, suppliante, tendue, théâtrale, timbrée, tornade, tourmentée, traqueuse,
trompeuse, troublante, tumultueuse, turbulente, versatile, vicieuse, victime, vide, vindicative,
violente
L’effet que la personnalité émotionnellement instable produit sur vous
Il est facile de se laisser happer par le besoin de la personnalité
émotionnellement instable d’être aimée et d’aduler celui ou celle qu’elle
aime. Mais il y a un prix à payer: vous n’allez pas tarder à vous sentir vidé
par ses fluctuations d’humeur, ses comportements manipulateurs et ses
explosions de colère. Lorsqu’elle se sent déprimée, vous allez la rassurer.
Lorsqu’elle adopte un comportement à risque qui se termine mal, vous allez
la sauver. Lorsque vous la décevez en ne répondant pas à ses besoins, vous
allez être la cible de sa fureur. Plus vous êtes proche d’elle, plus vous payez
ses dérapages au prix fort, car elle tend à attaquer précisément les individus
qu’elle prétend aimer.
Ce type de personnalité peut claquer des sommes folles en un rien de
temps, que ce soit pour des vêtements, des alcools chers ou des jeux de
hasard. Si elle est arrêtée pour conduite en état d’ivresse, violences sur la
voie publique, détention illégale de stupéfiants ou racolage, elle est capable
d’essayer de vous amadouer et de sortir le grand jeu pour vous séduire. Elle
n’hésite pas non plus à voler pour s’acheter de la drogue. Si elle est riche,
vous allez lire dans les journaux qu’elle dépense des millions pour mener la
grande vie. Si elle ne l’est pas, elle va chercher quelqu’un pour la tirer
d’affaire.
Les individus qui côtoient les personnalités émotionnellement instables
sont toujours sur le qui-vive, incapables de se détendre et de profiter des
bons moments, constamment à redouter le pire. Ils vivent dans la peur des
sautes d’humeur de ce type de personnalité. Quelle mouche va la piquer?
Va-t-elle exploser? Va-t-elle frapper son enfant s’il rentre de l’école avec
une mauvaise note? Va-t-elle voler ce qui n’est pas à elle? Va-t-elle flirter
impunément avec quelqu’un d’autre? De nombreuses personnes m’ont
avoué qu’à partir du moment où elles se sont mises en ménage avec une
personnalité de ce type, elles ont dû être constamment sur leurs gardes,
prêtes à se défendre, à défendre leurs actes et à défendre le sentiment de
leur propre valeur.
Lorsque vous vivez avec ce genre d’individu, vous pouvez ressentir des
symptômes physiques, notamment de l’anxiété et un stress chronique. Au
bout d’un moment, vos limites n’étant jamais respectées, vous entrez vous-
même dans les montagnes russes émotionnelles de votre partenaire et
essayez simplement de tenir bon. Résister constamment aux manipulations
et défendre systématiquement ses propres limites est un travail épuisant.
Beaucoup rapportent des troubles du sommeil, un état dépressif, un
changement de leur comportement et une tendance à être rapidement à bout
de nerfs.
La colère de la personnalité émotionnellement instable peut être verbale
au début, puis physique; elle se met alors à lancer ou détruire des objets, à
frapper, à donner des gifles ou à punir sévèrement ses enfants. Une femme
m’a raconté que sa mère la frappait presque tous les jours avec une spatule
quand elle était petite. J’ai entendu aussi un homme d’affaires me dire
qu’en rentrant chez lui, il avait trouvé sa femme en train de lacérer ses
complets au sécateur à la suite d’une dispute la veille au soir. Et que dire de
celui qui lance contre le mur un plat de spaghettis avec toute sa sauce
tomate? De celle qui envoie voler les précieux souvenirs, les cadeaux de
valeur et les couteaux? Difficile à imaginer, mais véridique. Sans compter
les coups de feu tirés sous l’effet de la colère. Comme vous le dira
n’importe quel policier, les appels privés sont dangereux précisément parce
qu’ils impliquent souvent des personnalités émotionnellement instables
dont l’état est aggravé par la prise de drogues ou d’alcool.
Leur instabilité émotionnelle peut contaminer des groupes entiers, car
personne, que ce soit au sein de la famille ou au travail, ne veut recevoir
leur vitriol en pleine figure. Alors tout le monde marche sur des œufs,
craignant de lui dire «non» ou de s’attirer ses foudres en lui annonçant de
mauvaises nouvelles.
Ajoutez de la testostérone à ce cocktail détonant et vous augmentez le
potentiel de danger et de violence. En général, les hommes
émotionnellement instables battent leur femme le week-end ou dès que la
porte d’entrée est refermée. Les policiers connaissent bien ces scénarios où
l’histoire est souvent la même, mais avec des personnages différents: des
hommes qui cherchent la bagarre, donnent des coups de poing à leur
épouse, l’agrippent par le bras, la plaquent contre un mur ou au sol,
l’étranglent, l’étouffent, la ligotent ou la brûlent au quotidien. Ils se sentent
mieux après – c’est le côté sadique de ce type de personnalité.
Êtes-vous en danger de mort en vivant avec ces personnalités? Pas
toujours, mais parfois. N’oubliez pas qu’elles redoutent par-dessus tout
d’être abandonnées. Si elles ne peuvent pas vous posséder, corps et âme,
elles peuvent décider que personne d’autre ne le pourra. Prenez le cas de
Jodi Arias, cette trentenaire qui a fait les gros titres de la presse américaine
au cours de son procès en 2013. Elle a été déclarée coupable d’avoir tué
sauvagement son ex-petit ami Travis Alexander en 2008 et, à côté d’elle, le
personnage d’Alex Forest, joué par Glenn Close dansLiaison fatale, semble
un enfant de chœur. Jodi a tué Travis d’une balle dans la tête après avoir
lacéré son dos de vingt-sept coups de couteau et lui avoir tranché la gorge
d’une oreille à l’autre. Tout cela parce qu’elle ne supportait pas d’avoir été
quittée au profit d’une autre. Et ce n’est qu’une tragédie parmi les milliers
d’autres qui se déroulent tous les ans aux États-Unis, moins médiatisées,
certes, mais tout aussi épouvantables.
La personnalité émotionnellement instable dans l’intimité
Comme les narcissiques, les instables vont très vite en besogne quand ils
rencontrent l’amour. Mais tandis que les narcissiques le font pour dominer,
les instables le font pour trouver la stabilité qui leur manque et éprouver un
immense plaisir à se sentir adorés. Ils voudraient que ce sentiment d’extase
dure toujours et peuvent insister pour obtenir l’engagement de l’autre, mais
même s’ils parviennent à leurs fins, ils continuent de ressentir un vide
intérieur que rien ni personne ne pourra combler.
Les personnalités émotionnellement instables peuvent en faire trop dans
leurs efforts désespérés pour susciter l’attachement de l’autre, pratiquer le
flirt à l’excès ou dire des choses invraisemblables et extravagantes. Un
homme m’a raconté qu’il avait rencontré une femme (il ignorait alors
qu’elle était émotionnellement instable) qui, dans les minutes qui ont suivi
leur premier regard, a laissé échapper comme ça, sans prévenir: «Tu ne
peux pas savoir à quel point tu es important pour moi.» Elle lui a tenu la
main presque trop longtemps, s’est penchée trop près de lui, ajoutant qu’il
était un être exceptionnel à ses yeux et qu’elle allait rêver de lui cette nuit.
Tout cela se passait lors d’une réunion professionnelle, inutile de vous dire
que cet homme était terriblement gêné et complètement atterré.
Cette femme prononçait des paroles dignes d’une gamine de 12 ans
complètement folle d’amour. Mais le plus étonnant, c’est que beaucoup
d’hommes tombent dans le panneau, et ces femmes instables le savent et en
profitent. Malheureusement, ce que les hommes ne réalisent pas, c’est qu’en
étant l’objet de cet amour démesuré, ils vont rapidement se sentir étouffés et
s’efforcer d’échapper aux griffes d’une partenaire devenue collante et
dévorante.
Au départ, les échanges sexuels sont torrides et l’idéalisation est à son
comble, mais la situation ne tarde pas à dégénérer dans des agacements et
une hargne sans fin. Plus les attentes sont élevées, plus dure sera la chute. Si
vous tentez de partir, votre partenaire instable devient comme fou, prêt à
tout pour vous garder, déployant une violence verbale inouïe, vous
rabaissant et, parfois, recourant à la violence physique. Ce n’est pas parce
que vous êtes au travail qu’il ou elle ne va pas débouler dans votre bureau et
vous faire une scène, vous appeler des dizaines de fois par jour, rayer la
portière de votre voiture ou appeler votre patron pour lui dire que vous êtes
un salaud. Tous ceux qui ont vécu ce genre de situation vont vous dire que
c’est surréaliste: votre partenaire crie, hurle et vous traite de tous les noms,
mais ne veut pas vous voir partir.
Même si vous parvenez à mettre un terme à votre relation, la personnalité
émotionnellement instable veut que vous lui restiez fidèle. Elle peut vous
suivre à la trace, lire votre courrier, vous menacer, vous tabasser, entrer chez
vous, fouiller dans vos affaires ou faire une scène à votre nouveau
partenaire. Nicole Brown Simpson a été l’épouse du joueur de football
américain O. J. Simpson avant de demander le divorce. Pendant des années,
elle est allée se plaindre à la police en disant que son ex-mari la harcelait,
elle et son nouveau compagnon, mais rien n’a été fait jusqu’à ce qu’elle
finisse par être assassinée. Selon Nicole, Simpson ne pouvait pas se
détacher d’elle; même après leur divorce, il revenait, la menaçait et la
battait. Les photos de la police montrant son visage tuméfié témoignent de
la violence dont est capable la personnalité émotionnellement instable.
Cette dernière peut vous harceler en passant par vos parents, vos amis ou
les médias sociaux. Si elle a pris des photos de vous nu ou réussit à se
procurer des photos compromettantes, elle les utilisera contre vous. Elle est
capable de tout, vraiment tout, même du plus inimaginable. Une femme m’a
raconté que son nouveau petit ami trouvait des mots écrits par son ex-petit
ami sur son pare-brise où il la traitait de putain et de salope.
La femme qui vit avec un partenaire émotionnellement instable peut
penser qu’il va s’améliorer, que c’est la dernière fois ou qu’elle pourra le
changer. Or, qu’elle se mette bien cela dans la tête: elle ne pourra pas le
changer et il y a peu de chances qu’il change. Une policière que je
connaissais bien m’a confié qu’il lui a fallu trois ans pour rompre avec un
homme qui la battait de temps en temps. Même une policière! Elle se
sentait piégée émotionnellement et psychiquement, elle ne savait pas
comment s’y prendre pour demander de l’aide et elle croyait toujours
qu’elle allait pouvoir le changer. Mais je le répète: la situation ne s’améliore
jamais, à moins que la personne fasse des efforts surhumains pour changer,
ce qui se produit rarement, très rarement.
Si vous avez des enfants, ce n’est pas seulement vous, mais eux que vous
mettez en danger psychologique, voire physique, en fréquentant une
personnalité émotionnellement instable. Je parle de mon expérience de
policier lorsque je dis que la nature même de la personnalité
émotionnellement instable soumet les enfants, notamment ceux qui ne sont
pas à elle, à un risque élevé de violences psychologiques ou physiques.
Précédemment, j’ai mentionné une femme qui, petite, était battue par sa
mère avec une spatule. Après l’avoir battue, sa mère lui disait: «Tu vois ce
que tu m’as fait faire? Maintenant, viens là et embrasse-moi.» Et ce n’est
pas un cas isolé, malheureusement. Donnant suite à mes livres et mes
articles, de nombreux adultes m’ont écrit pour me raconter comment leur
mère utilisait un ustensile de cuisine, un balai ou une vieille ceinture à la
moindre bêtise qu’ils commettaient, puis attendait que son enfant vienne la
réconforter. C’est la victime qui doit consoler son bourreau… il n’y a pas
besoin d’être clinicien pour comprendre les dégâts psychologiques d’un tel
comportement.
Si l’enfant pleure ou se plaint, le parent peut aussi lui dire: «Arrête de
faire ton pleurnicheur, ça suffit!» ou «Endurcis-toi un peu, ce n’est pas si
grave». Et si l’enfant réclame de l’attention ou quelques bisous, ce parent
égocentrique va lui répondre: «Je ne te ferai pas de bisou tant que tu te
comporteras ainsi» ou «Tu ne vois pas que je suis occupé?», laissant
l’enfant dans un vide intérieur sidéral qu’il ne surmontera jamais. C’est
ainsi que l’instabilité émotionnelle du parent se transmet aux générations
suivantes.
Les enfants de parents émotionnellement instables souffrent de troubles
psychologiques en grandissant. Ils apprennent à se dire à eux-mêmes:
«Étouffe tes émotions, ignore tes besoins, attends-toi à être blessé, ne dis
jamais non, ne fais pas de vagues, tu ne comptes pas et, surtout, réconforte-
moi, console-moi, soulage-moi.» Ils apprennent à être secrets, cachottiers,
et à dissimuler leurs sentiments; ou ils passent à l’acte pour susciter la
réaction de l’autre; ou ils apprennent à mentir, cherchent quelqu’un,
n’importe qui, qui fera attention à eux; ou, dans le pire des cas, ils touchent
à la drogue. Ils peuvent devenir tyranniques et persécuteurs, préférant
blesser l’autre avant que l’autre ne les blesse. Et ils sont toujours en état
d’hypervigilance, telles des sentinelles, ayant appris dès leur plus jeune âge
à se méfier et à rester sur leurs gardes, ne sachant jamais sur quel pied
danser avec leur parent émotionnellement instable. Est-ce dans cette
atmosphère qu’un enfant doit grandir? Bien sûr que non.
Imaginez ce qu’ils peuvent ressentir lorsqu’ils découvrent que leurs
petits camarades sont aimés et choyés, alors qu’eux sont tout juste tolérés
ou constamment harcelés. Rien d’étonnant à ce qu’ils m’écrivent à l’âge
adulte qu’ils sont déchirés entre le désir de voir mourir leur parent instable
et la peur que cela arrive puisqu’alors, ils devront décider d’assister à
l’enterrement ou non et, s’ils y assistent, de faire semblant d’être affectés.
Comme me le disait récemment une jeune femme: «Tout ce que je voulais,
c’était être aimée. Est-ce si difficile que cela? Vous ne savez pas ce que
c’est de ne pas être aimée de sa mère. Ce sera un soulagement pour moi
lorsqu’elle mourra.»
Si vous avez eu des enfants avec un partenaire émotionnellement
instable, il est de votre responsabilité d’essayer de les protéger et de leur
apporter un peu de joie et de paix. Malheureusement, d’après mon
expérience, le parent non instable ne fait rien parce qu’il ne veut pas avoir à
subir la réaction volcanique de son partenaire émotionnellement instable.
Pour moi, c’est pratiquement de la non-assistance à personne en danger. Si
vous devez mettre un terme à cette relation et obtenir la garde des enfants,
faites le maximum pour les protéger et leur offrir des moments de détente,
de liberté, de joie insouciante (par exemple en leur permettant de pratiquer
leurs passe-temps préférés – sport, musique, dessin, lecture, etc.) loin du
parent toxique. Mais je me dois d’être honnête avec vous ici, peut-être plus
honnête que le serait un thérapeute. Car dans des cas de figure comme
celui-là, les perspectives à long terme sont plutôt sombres. Protégez vos
enfants et éloignez-vous. Faites cela pour sauver leur peau et sauver la
vôtre.
La personnalité émotionnellement instable dans le monde extérieur
Ces personnalités ont souvent un vernis qui leur permet de fonctionner en
société, mais pas toujours. De nombreux euphémismes sont employés pour
les décrire: «Mon voisin est très irritable», «Ma collègue est dingue!», «Son
Altesse est en train de piquer une crise», «Il s’emporte facilement», ou
encore, «Madame fait un drame de tout, elle est comme ça». Je suis
convaincu que nous ne devrions jamais édulcorer, minimiser, même avec un
certain humour, ce qui peut nous blesser profondément. À cause de leur
comportement, ces personnalités confirment qu’elles sont versatiles et
toxiques. Dans leur comportement, elles poussent les autres à réagir
négativement et provoquent des conflits interpersonnels sans fin.
L’indice le plus révélateur? Quand, à votre travail, vous allez tout faire
pour limiter au maximum vos échanges avec ces personnes. En disant, par
exemple: «Est-il dans notre équipe? Participe-t-il au projet? Sera-t-il présent
à l’événement que nous organisons? Parce que si c’est le cas, ne comptez
pas sur moi pour vous aider.» Vous allez éviter d’avoir à lui téléphoner, à lui
parler, à travailler avec lui ou même à être assis à côté de lui, vous allez
l’exclure des réunions et des événements ou vous allez refuser de le tenir au
courant.
Dans le film Le Diable s’habille en Prada, un membre de la rédaction
décrit Miranda Priestly, la terrifiante rédactrice en chef d’un grand
magazine de mode jouée avec une précision diabolique par Meryl Streep,
de la manière suivante: «Miranda est impossible. Elle l’a toujours été et elle
le sera toujours. Votre travail n’est pas de lui plaire, mais de lui survivre.»
Description parfaite de la vie avec un patron, un coach, un directeur ou un
leader émotionnellement instable. Vous vous tuez au travail, mais ne
recevez jamais aucune reconnaissance. Dans le film, personne ne veut
annoncer de mauvaises nouvelles à Miranda ou lui dire qu’une tâche est
impossible à faire.
Parfois, ces personnalités font du très bon travail et, vu de l’extérieur,
notamment d’un cadre supérieur, d’un commandant ou d’électeurs, la
situation semble idyllique. Mais discutez un peu avec les individus qui
travaillent pour ou avec elles, et vous apprendrez qu’ils se font sans cesse
engueuler, injurier, rabaisser ou humilier, et que la «terreur» qui les dirige
cherche continuellement à diviser pour mieux régner. Certes, ils font leur
boulot, mais à quel prix? Les pertes en matière de rotation des effectifs, de
congés maladie ou de procès sont considérables.
Si vous lisez les journaux ou des biographies, vous allez tomber sur des
récits et des témoignages concernant des individus qui semblent avoir
toutes les caractéristiques de la personnalité émotionnellement instable.
Même si nous aurions tendance à vouloir émettre des jugements hâtifs sur
eux, nous devons nous en garder. D’abord, parce que nous ne connaissons
pas toute l’histoire. Par exemple, l’auteur-compositeur-interprète Amy
Winehouse, morte tragiquement par abus d’alcool en 2011, semblait
correspondre, du moins en partie, au portrait de la personnalité
émotionnellement instable. Mais l’était-elle vraiment? Nous ne disposons
pas de toutes les données nécessaires pour en juger. Ensuite, votre
diagnostic doit être fondé sur vos observations directes et non sur ce que
vous pouvez lire ou entendre dans les médias. Par conséquent, la prudence
est de mise. Les frasques des personnalités qui font la une des médias,
qu’elles appartiennent au monde politique ou du spectacle, ou qu’il s’agisse
simplement de vos voisins de palier, attirent votre attention, mais vous ne
pouvez jamais savoir avec certitude si ce sont des personnalités
émotionnellement instables tant que vous n’avez pas de contact direct avec
elles.
Comme avec la plupart des individus dangereux dont il est question dans
ce livre, le grand public remarque à peine la personnalité émotionnellement
instable jusqu’à ce qu’elle fasse parler d’elle par un acte grotesque,
scandaleux ou criminel. La plupart dérapent en privé, aussitôt les portes
refermées. Même si ce sont les portes de la Maison Blanche. Qui sait que
Mary Todd Lincoln, l’épouse du président Abraham Lincoln, a semé la
pagaille au sein de leur couple, du gouvernement et de la Maison Blanche
avec son instabilité émotionnelle?
Certes, il y a les personnalités émotionnellement instables traquées par
les médias parce qu’elles appartiennent à l’univers du spectacle et au star-
system, mais c’est essentiellement en privé que leur partenaire doit les
supporter. D’ailleurs, la plupart des individus qui vivent avec elles avouent:
«J’ai souffert seul, sans que personne ne le sache.»
Néanmoins, lorsque je vois, rencontre ou entends parler de quelqu’un qui
enfreint régulièrement les limites de la société, qui est soupe au lait,
capricieux, changeant, qui gêne les autres ou les dénigre, ou qui se plaît à
chercher querelle même quand tout va bien, mon «radar» s’allume et je
recherche d’autres indices me permettant d’affirmer qu’il s’agit bien d’une
personnalité émotionnellement instable. Et si c’est le cas, je conseille à son
entourage de se protéger et de protéger les personnes qu’elle côtoie. Je vous
invite à faire de même.
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités
émotionnellement instables
Les signaux d’alarme qui révèlent la personnalité émotionnellement
instable
Comme je l’ai indiqué dans l’introduction, j’ai mis au point de nombreuses
listes comportementales durant ma carrière pour m’aider à identifier les
personnalités dangereuses. La liste de la page suivante va vous aider à
déterminer si telle ou telle personne de votre entourage présente les
caractéristiques de la personnalité émotionnellement instable et où elle se
situe dans son degré d’instabilité émotionnelle (agaçante, excessive,
caustique, d’humeur changeante, menaçante ou carrément dangereuse).
Cela vous permettra d’évaluer son niveau de toxicité, de mieux savoir
comment vous comporter envers elle et de déterminer dans quelle mesure
elle peut constituer une menace pour vous ou pour autrui.
Cette liste de contrôle, comme les autres figurant dans ce livre, a été
conçue pour être utilisée au quotidien, par vous et moi, c’est-à-dire par des
gens qui ne sont ni des scientifiques ni des professionnels de la santé
mentale. Il ne s’agit pas d’un outil de diagnostic clinique. Son seul but est
d’éduquer, d’informer ou de valider ce que vous avez vu ou vécu.
Lisez attentivement chacune des 125 phrases de la liste ci-dessous et
cochez les cases qui correspondent à l’attitude ou au comportement de
l’individu auquel vous pensez et que vous soupçonnez d’être
émotionnellement instable. Soyez honnête; pensez à ce que vous avez
entendu de la bouche de cet individu, à ce que vous l’avez vu faire ou à ce
que d’autres vous ont dit de lui. De toute évidence, la meilleure preuve est
ce que vous avez observé vous-même et ce que vous ressentez en présence
de cette personne ou lors de vos contacts avec elle.
Ne cochez que les phrases pertinentes, celles qui ne font aucun doute
pour vous. Ne faites pas de suppositions et, si vous n’êtes pas sûr, ne cochez
pas la case. Certaines affirmations ont l’air de se répéter ou de se recouvrir
– je l’ai fait délibérément pour saisir toutes les nuances du comportement
émotionnellement instable en fonction des descriptions ou des expériences
de celles et ceux qui ont côtoyé ce type de personnes.
Il est très important d’aller jusqu’au bout de la liste telle qu’elle a été
conçue afin d’obtenir une conclusion plus fiable. En effet, toutes les listes
de contrôle de ce livre couvrent des aspects très subtils mais significatifs
qui ne vous seraient peut-être jamais venus à l’esprit. Certaines affirmations
peuvent vous aider à vous remémorer des événements que vous auriez
oubliés. Veuillez lire tous les énoncés, même si vous avez l’impression
d’avoir fait le tour de la question avec les premiers ou que ceux-ci ne vous
semblent pas pertinents.
Le pronom «il» est ici utilisé comme un neutre et peut aussi bien
signifier «elle». En effet, chaque énoncé peut s’appliquer indifféremment à
un homme ou à une femme.
Nous calculerons le résultat quand vous aurez fini, mais pour le moment,
cochez chacune des affirmations qui correspondent au profil de l’individu
en question.
1. Vous êtes constamment sur la défensive avec lui.
2. Ses explosions de colère sont disproportionnées par rapport à la
situation en question.
3. Depuis que vous le connaissez, vous êtes moins heureux, moins
confiant ou moins sûr de vous.
4. Votre relation avec lui ressemble à des montagnes russes.
5. Il est incapable d’évaluer les conséquences de ce qu’il dit ou fait sur
les autres, y compris sur les membres de sa famille ou la société.
6. Il a souvent un comportement inadéquat, inopportun, extravagant ou
scandaleux.
7. Il s’effondre souvent sous l’effet du stress.
8. Des disputes qui ne devraient durer que quelques minutes peuvent se
prolonger des heures, voire des jours, et il ne fait aucun effort pour y
mettre un terme ou arranger les choses.
9. Il semble jouer régulièrement le rôle tantôt de victime, tantôt de roi du
monde.
10. Il déteste être seul et recherche constamment de la compagnie.
11. Il a menacé de se suicider.
12. Il manifeste fréquemment de l’anxiété, de l’affolement, de l’irritabilité,
de la tristesse ou de la colère.
13. Il se sent souvent vide ou a souvent exprimé son sentiment de vide
intérieur; il s’ennuie très facilement, il a besoin d’excitation et de
stimulation.
14. Il lui arrive d’exprimer une colère intense à l’égard de ses proches.
15. Il entre régulièrement en conflit avec les autres, n’hésitant pas à aller
jusqu’à la confrontation physique.
16. Les altercations verbales semblent être un mode de vie pour lui.
17. Vous avez l’impression de ne pas pouvoir vous détendre, décompresser
ou relâcher la garde avec lui.
18. Il a mentionné, à de multiples reprises, que telle ou telle personne ou
tel ou tel groupe avait une dent contre lui et conspirait contre lui.
19. Ses collègues de travail le décrivent comme une personne «à
problèmes», «agaçante», «avec laquelle il est difficile de travailler» ou
carrément «impossible».
20. Lorsque vous êtes avec lui, vous vous sentez vidé émotionnellement,
voire «pompé» physiquement.
21. Après avoir passé plusieurs heures avec lui, vous avez l’impression
que votre monde a été bousculé, que tout est sens dessus dessous et
vous vous demandez ce qui vous est arrivé.
22. Ses proches se demandent constamment quelle sera son humeur du
jour.
23. Il fait tout pour éviter d’être abandonné ou de se sentir abandonné par
ses partenaires ou ses amis.
24. Son comportement est parfois théâtral, exagéré par rapport à la
situation.
25. Ses disputes sont violentes, il se répand facilement en invectives et
n’hésite pas à lancer des jurons.
26. Il est extrêmement exigeant à l’égard des autres, réclamant sans cesse
de l’attention, du temps, des faveurs ou de l’argent.
27. Il a jeté en l’air, déchiré ou cassé des objets dans un accès de colère ou
en signe de désaccord.
28. Il a menacé de se suicider pour éviter d’être abandonné.
29. Au lieu de faire amende honorable ou de clore le débat, il se complaît
dans des propos virulents ou des discussions acerbes interminables.
30. Les autres le décrivent comme quelqu’un d’imprévisible, de peu fiable
ou d’instable.
31. Il a tendance à s’attacher trop rapidement et trop intensément à une
nouvelle personne.
32. Il aime se faire des tatouages pour «sentir quelque chose».
33. Il est connu pour nourrir très longtemps des rancunes, du ressentiment.
34. Il dénigre ou critique facilement les autres, ce qui les humilie ou les
met dans l’embarras.
35. Il prétend qu’il pardonne, mais en réalité, il ne pardonne jamais et
garde en mémoire des injustices ou des affronts qu’il a subis pour les
ressortir à l’occasion d’une nouvelle dispute.
36. Il est soupe au lait et ne tolère pas la moindre frustration.
37. Il semble incapable de prêter une attention constante à l’autre, de lui
manifester régulièrement de l’empathie ou d’éprouver un amour
durable.
38. Lorsque vous voulez lui parler, vous avez tendance à commencer votre
phrase par: «Ne te fâche pas, mais…»
39. Ses relations sont toujours orageuses.
40. Sa vie conjugale est une succession de propos acerbes et hargneux.
41. Il semble toujours attiré par la mauvaise personne (criminels,
toxicomanes, amateurs de sensations fortes ou individus
irresponsables).
42. Il ne se préoccupe pas de savoir si les autres sont blessés par son
comportement.
43. Il n’est pas heureux d’être lui-même – il voudrait être quelqu’un
d’autre.
44. Il manifeste des comportements dangereux pour lui et pour les autres.
45. Il est très sensible à ce que les autres disent et pensent de lui et il a
tendance à se répandre en invectives quand on le critique.
46. Les changements de programme sont très déstabilisants et suscitent
chez lui de l’anxiété ou de l’irritabilité.
47. Il a tendance à s’automutiler – se gratter, se taillader, se mordre, se
percer la peau, se brûler ou s’arracher les cheveux.
48. Il monte sur ses grands chevaux si les autres l’ignorent ou ne le traitent
pas comme un être exceptionnel.
49. Il fait tout pour capter l’attention des autres par peur de se sentir mis à
l’écart ou délaissé.
50. Il n’hésite pas à mentir ou à inventer des histoires si c’est dans son
intérêt.
51. Il vous est déjà arrivé de ne pas vouloir dire ou faire quelque chose par
peur de sa réaction à votre égard ou de sa tendance à retourner sa
violence contre lui.
52. Il peut essayer d’attendrir les autres pour capter l’attention (par
exemple en feignant d’être malade).
53. Ses douleurs, ses affections ou ses blessures sont toujours pires que
celles des autres.
54. Il a des attentes excessives à l’égard des autres qui sont censés lui
accorder tout leur temps et toute leur attention.
55. S’il se montre attentionné à l’égard des autres, c’est pour mieux
obtenir leur attention et leur dévouement en retour.
56. Il a adopté des enfants dans le seul but qu’ils prennent soin de lui
quand il avancera en âge.
57. Il ne comprend ni ne pratique l’amour altruiste.
58. Vous vous sentez piégé par lui.
59. Ses émotions sont toujours très vives.
60. Il est connu pour avoir des relations interpersonnelles instables et
intenses.
61. Il se plaint régulièrement de se sentir inférieur.
62. Tout ce qu’il fait pour les autres est toujours assorti de conditions et
n’est jamais désintéressé.
63. Il a longtemps ou épisodiquement souffert de dépression ou d’anxiété.
64. Il n’est pas fidèle dans ses amitiés et a tendance à retourner sa veste, ce
qui déconcerte ses amis.
65. Il s’efforce de surcompenser son terrible manque de sécurité intérieure.
66. Il avoue avoir abusé de toutes sortes de substances illicites.
67. Il sait qu’il peut perdre le contrôle de lui-même, sans pouvoir
expliquer pourquoi.
68. Il a menacé de se faire du mal ou de se suicider dans le seul but de
manipuler les autres.
69. Côtoyer ce genre de personne diminue votre estime personnelle.
70. Il redoute la proximité et l’intimité ou empêche les autres de
s’approcher trop près de lui.
71. Il se plaint de souffrir d’un mal chronique assez vague qui affecte son
humeur et sa forme physique.
72. Ses relations amoureuses sont intenses mais brèves.
73. Il a une estime de lui-même très fluctuante (il ne s’aime pas et n’aime
pas les expériences qu’il vit).
74. Il a un besoin maladif d’être adoré, choyé, aimé d’un amour exclusif.
75. Il prétend souffrir de migraines, de fibromyalgie, d’ulcères, de colite,
de syndrome du côlon irritable ou de maux de tête fréquents.
76. Une fois grands, ses enfants veulent couper les ponts avec lui.
77. Il est très doué pour accuser les autres lorsque les choses vont mal.
78. Il critique aussitôt la personne qui vient de le critiquer, même si c’est
faux ou absurde.
79. Il est constamment dans une lutte de pouvoir avec les autres.
80. Il est têtu et ergoteur, et semble toujours vouloir avoir le dernier mot.
81. Il n’a pas le sens de l’organisation (il ne pense pas à emporter de l’eau,
de la nourriture ou même de l’argent lorsqu’il part avec ses enfants,
par exemple), comme si les priorités étaient la dernière de ses
préoccupations.
82. Il fluctue constamment entre l’idéalisation excessive (amour) et le
dénigrement tout aussi excessif (haine).
83. Il vit l’instant présent, mais un peu comme l’oiseau sur la branche,
sans penser au lendemain.
84. Il ne semble pas tirer de leçons de ses relations précédentes ou des
expériences de la vie.
85. Il cherche la personne idéale, celle qui devancerait ses moindres désirs
et serait à son entière disposition, toujours là quand il aurait besoin
d’elle.
86. Lorsque ses besoins ou ses désirs ne sont pas satisfaits, il est très déçu
et dénigre les autres.
87. Il est impulsif dans tout ce qui relève de la sexualité (il couche
facilement avec n’importe qui), de l’argent (il peut dépenser sans
compter), de l’alcool ou des substances illicites (il peut conduire en
état d’ivresse), de la nourriture (il peut être boulimique) ou des jeux de
hasard (il peut être accro et se ruiner). Prendre des risques est son
moteur.
88. Même si vous ne l’avez vu que rapidement, il peut vous dérouter, vous
rendre anxieux, vous agacer ou carrément vous mettre en colère.
89. Il se monte la tête en pensant que son entreprise cherche à l’exploiter
ou à l’empêcher d’obtenir une promotion.
90. Il recherche délibérément des relations amoureuses avec quelqu’un qui
est marié ou déjà en couple.
91. Les partenaires qu’il a fréquentés, même brièvement, trouvent qu’il est
bizarre, étrange, que quelque chose «cloche» chez lui.
92. Les autres le qualifient souvent de «dingue», de «cinglé» ou de «fou».
93. Il est capricieux et changeant sans raison.
94. Il s’en prend à des gens qu’il aime sans véritable motif.
95. S’il suit une psychothérapie, il devient brusquement hostile à son
thérapeute après l’avoir adoré, vénéré, divinisé.
96. Il n’aime pas s’engager ou il s’engage dans des comportements
irresponsables.
97. Il ne remplit pas ses obligations – régler ses factures ou payer ses
impôts – alors qu’il n’est pas sans le sou.
98. Ses propres enfants l’encombrent plutôt qu’ils ne le rendent heureux.
99. Il punit les autres en les humiliant.
100. Il néglige ses enfants, les laissant traîner le soir et avoir de mauvaises
fréquentations.
101. Si c’est une femme, elle a une réputation de dévoreuse d’hommes – et
ses relations ne durent jamais bien longtemps.
102. Ses enfants se plaignent d’être ignorés, ridiculisés ou violentés par lui
à la maison.
103. Il semble distant émotionnellement, même en essayant d’être proche.
104. Il vous a sans cesse accusé d’être la cause de ses problèmes ou de ses
malheurs.
105. Il se sent en sécurité et heureux lorsqu’il est entouré – il déteste la
solitude.
106. Il semble y avoir toujours des tensions dans sa vie, il paraît tout
prendre mal.
107. Il est hypersensible.
108. Il vous a demandé de prendre parti pour lui et contre quelqu’un
d’autre.
109. Il semble insensible à des actes de gentillesse ou de générosité, même
de la part de gens qui s’intéressent à lui ou ont essayé de l’aider.
110. Il est extrêmement vulnérable au moindre signe d’abandon ou risque
de perte.
111. Il a souffert de plusieurs épisodes d’anxiété ou de dépression au cours
de sa vie.
112. Il lui est arrivé plusieurs fois de filer ou de harceler un ex-partenaire.
113. Il refuse de laisser guérir les croûtes qu’il a sur la peau (il les gratte
même en public); il pique sa peau avec des objets pointus quand il est
stressé.
114. Il semble incapable de contrôler ses accès de colère ou son animosité.
115. Il a été diagnostiqué anorexique ou boulimique.
116. Au moins deux termes non médicaux tels que «cinglé», «dingue»,
«horrible», «vache», «impossible» ou «invivable» ont été employés
pour le décrire.
117. Il fait partie d’une secte ou prétend avoir un gourou, un maître ou un
coach qu’il suit les yeux fermés.
118. Avec lui, vous marchez sur des œufs.
119. On lui a diagnostiqué un trouble de la personnalité – trouble de la
personnalité histrionique, trouble de la personnalité borderline ou
trouble de la personnalité paranoïaque, le plus souvent.
120. Il a plus d’une fois frappé son partenaire ou son amant lorsqu’il était
en colère.
121. Il a été diagnostiqué bipolaire, maniaco-dépressif ou atteint de
fluctuations d’humeur sévères.
122. Il a parlé de se venger – ou s’est réellement vengé – de quelqu’un (en
crevant ses pneus, en rayant sa voiture avec une clé, en lui envoyant
des lettres d’injures, etc.).
123. Il a dépensé beaucoup d’énergie, de temps ou d’argent pour suivre,
observer ou harceler quelqu’un.
124. Au travail, il lui arrive de se mettre violemment en colère contre des
collègues.
125. Il a vandalisé ou détruit un bien appartenant à un ancien collègue, ami,
colocataire, amant ou membre de sa famille.
Résultats
Comptez le nombre de phrases applicables à l’individu examiné en
fonction des critères évoqués au début de cette liste.
Si vous arrivez à un total compris entre 15 et 35, l’individu en
question va parfois nuire aux autres sur le plan psycho-émotionnel;
de plus, il peut être difficile de vivre ou de travailler avec lui.
Un résultat compris entre 36 et 65 indique que cet individu présente
toutes les caractéristiques et le comportement de la personnalité
émotionnellement instable. Il a tendance à faire de la vie de ses
proches un enfer et a besoin d’être aidé.
Si le résultat est supérieur à 65, cet individu possède toutes les
caractéristiques d’une personnalité émotionnellement instable
dangereuse. Il présente un danger émotionnel, psychologique,
financier ou physique pour vous et les autres.
Agir aussitôt
Tout d’abord, sachez que les personnalités émotionnellement instables ont
généralement besoin de l’aide de professionnels capables de gérer leur
nature complexe et contradictoire. Le processus peut être long, mais une
psychothérapie soutenue peut vraiment les aider si elles l’acceptent et sont
prêtes à fournir les efforts nécessaires.
Certes, vous pouvez tenter vous-même de les aider, mais vous risquez de
subir leurs attaques. Et si leur présence vous a rendu irritable, inquiet,
contrarié, en colère ou déprimé, ou si elles vous ont persécuté par leur
comportement, c’est vous qui pouvez avoir besoin de l’aide d’un
psychothérapeute. Les individus émotionnellement instables peuvent être
toxiques au point de traumatiser les autres, même à distance.
Fixez des limites strictes quant à ce que vous leur permettez et ce que
vous ne leur autorisez pas. Même si vous allez être confronté à des
résistances au départ, des limites claires peuvent créer une forme de
stabilité, aussi temporaire soit-elle. S’ils continuent de violer vos limites ou
de vous persécuter, voyez-y là le signe qu’ils sont gravement atteints et que
vous devez absolument prendre vos distances. Vous n’avez pas à subir leurs
mauvais traitements. Cela dit, si vous décidez de continuer à fréquenter ces
personnes, ne soyez pas surpris si elles continuent de leur côté à vous faire
subir leurs comportements toxiques et à créer le chaos dans votre existence.
Si la personne émotionnellement instable envisage ou menace de
s’automutiler ou de se suicider, appelez sans tarder les services d’urgence,
la police ou les pompiers, car ce problème doit être géré par des
professionnels. Si vous avez des enfants, n’oubliez pas qu’ils sont eux-
mêmes des victimes potentielles et qu’ils ont besoin de votre protection.
Alors prenez des mesures pour vous protéger et protéger vos proches. Pour
mieux savoir comment vous protéger des personnalités dangereuses,
reportez-vous au chapitre 6.
CHAPITRE 3
«Ne faites confiance à personne et vous ne serez
jamais blessé»: la personnalité paranoïaque
D ans le film American Beauty réalisé par Sam Mendes et sorti en 1999,
l’acteur Chris Cooper joue brillamment le personnage du colonel
Frank Fitts, un ancien marine qui vit reclus chez lui. Rien qu’à ses silences,
on devine qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette famille.
L’épouse du colonel ressemble à un robot, elle a peur de parler. Lorsque la
sonnette de la porte d’entrée retentit, tout le monde se fige. Fitts réagit
comme à son habitude: au lieu d’aller à la porte, il interroge sa femme et
son fils pour savoir qui peut venir leur rendre visite.
Fitts redoute les étrangers et les voisins trop curieux, et ferme tout à clé
dans sa maison. Pour lui, le monde est en train de s’effondrer, et il est l’un
des seuls à s’en rendre compte. Heureusement, il a toutes les réponses pour
y remédier. Il critique les homosexuels, les étrangers, les Noirs – et même
son propre fils, trop imparfait à ses yeux. Il se méfie de ses proches, doutant
sans cesse de leur loyauté. Il n’y a pas d’éclats de rire, de charme, d’amour,
de poésie dans cette famille. Cela fait belle lurette que leurs amis ne
viennent plus les voir. Tout doit être fait comme Fitts l’exige. Tout le monde
marche sur des œufs, fait les choses bien comme il faut, évitant tout ce qui
pourrait éveiller les soupçons ou susciter la colère de l’ancien colonel.
Inflexible, irritable et terriblement moralisateur, Fitts a fait de la vie de
ses proches, et de tous ceux qui l’ont côtoyé, un enfer. Fitts est une
personnalité paranoïaque.
Vous vous dites que les individus comme Fitts ne courent pas les rues?
Eh bien, détrompez-vous. Il y a des millions de paranoïaques, affectés à des
degrés divers. L’un d’entre eux était mon voisin, justement.
Monsieur P., voisin de la maison où j’ai grandi dans la banlieue de
Miami, sortait rarement de chez lui. Et lorsqu’il sortait, c’était pour hurler
sur les enfants qui jouaient dans le quartier. Retraité, il restait assis à sa
fenêtre, surveillant toutes les allées et venues dans sa rue. Sa femme n’avait
pas d’amis et sortait rarement, elle aussi. Un jour, nous lui avons dit bonjour
et son mari lui a crié dessus pour nous avoir fait un signe de la main. Il avait
empoisonné plusieurs animaux qui avaient osé s’aventurer dans sa propriété
et s’en était vanté auprès de nous, en guise d’avertissement.
Je n’ai jamais vu cet homme sourire ni rire, aucune joie ne l’habitait. Un
jour, lorsqu’un démarcheur s’est approché de notre domicile avec deux
valises pleines d’échantillons de tissus pour des rideaux, monsieur P. a
appelé la police. Je ne sais pas ce qu’il pensait, mais je sais que ma mère a
dû quitter momentanément son travail pour régler le problème – et bien
d’autres dans les années qui ont suivi.
Les enfants du quartier le trouvaient bizarre. Nous trouvions étrange que
sa femme ne soit pas autorisée à parler aux autres mères du quartier.
Certains disaient qu’il était excentrique. Ce que la société ne nous enseigne
pas, c’est que ces individus sont des personnalités paranoïaques. Si nous
l’avions su, nous lui aurions donné l’espace dont il avait besoin et évité les
humiliations répétées en voulant sympathiser avec lui.
Les individus paranoïaques sont consumés par une méfiance et une peur
irrationnelles. Leurs soupçons n’ont pas de limites. Leur pensée rigide reste
imperméable au bon sens et les rend terriblement subjectifs, bourrés de
préjugés et particulièrement coincés. Ils ne voient que le petit nuage au
milieu du grand ciel bleu. Soyez gentil avec eux, et ils vont penser que
votre gentillesse est suspecte, que vous avez une motivation cachée. À leurs
yeux, les altruistes sont des opportunistes aux desseins secrets.
Nous avons tous un système d’alerte interne qui nous prévient du danger.
Mais chez les paranoïaques, c’est comme si ce système restait bloqué au
niveau d’alerte maximal, se déclenchant à tout bout de champ dès que
l’autre, l’étranger dont il faut forcément se méfier, apparaît sur leur écran
radar. Leur jugement faussé domine leur vie et peut dominer toutes les
personnes de leur entourage proche.
Lorsque je donne des conférences, je demande souvent qu’on lève la
main si l’on connaît un paranoïaque. Au début, seules quelques mains se
lèvent. Mais dès que j’énumère les différentes caractéristiques de la
personnalité paranoïaque – facilement offensée, polémique, agressive,
jalouse, rancunière, cherchant toujours la petite bête, doutant sans cesse de
la sincérité des autres, remettant toutes les lois et les règles en question,
peureuse et haïssant ceux qui sont différents d’elle –, je vois de plus en plus
de mains se lever. Parfois, les gens rient sous cape ou roulent des yeux en
reconnaissant dans mon portrait l’un de leurs collègues – quelqu’un que
tout le monde a appris à éviter. Ou ils ferment les yeux en repensant à tout
ce qu’un paranoïaque leur a fait subir.
Lorsque j’étais dans la police, combien de fois nous avons dû gérer les
dégâts causés par ces individus! Pourtant, nous avions du mal à les décrire
et à les comprendre vraiment. Et ces lacunes peuvent avoir des
conséquences dévastatrices.
Jerry Kane et son fils Joseph Kane de Little Rock, dans l’Arkansas,
étaient des paranoïaques, profondément méfiants envers les autorités et la
police, convaincus que la loi ne s’appliquait pas à eux. Alors, lorsque le
policier Bill Evans et le sergent Brandon Paudert les ont arrêtés pour une
petite infraction au code de la route, il n’y a pas eu un seul mot échangé.
Les Kane ont tiré à l’arme automatique, tuant sur le coup les deux policiers.
L’événement a été filmé par la caméra installée sur le tableau de bord et il
est toujours possible de le voir sur YouTube. Si ces policiers avaient su
qu’ils n’avaient pas simplement affaire à des originaux ou à des
excentriques mais à des personnalités paranoïaques farouchement hostiles à
l’autorité sous toutes ses formes, ils seraient sans doute encore en vie
aujourd’hui.
Les paranoïaques sont partout, notamment dans:
le conducteur qui pense que vous lui avez coupé la route
intentionnellement et qui se venge en vous collant au pare-chocs, en
vous klaxonnant à tout-va, en multipliant les appels de phares, en
vous faisant des bras d’honneur et en vous lançant de terribles jurons.
Il est même capable de vous suivre jusqu’à chez vous;
l’homme qui pense que tout le monde drague sa femme ou sa petite
amie et qui, à une soirée, se mêle à toutes les conversations qu’elle
peut avoir, notamment avec des hommes, et veille à la récupérer au
plus vite;
l’ami qui se sert de vous comme auditoire pour tenir de beaux
discours et s’écouter parler, qui sait tout, qui conteste tout ce que
vous dites ou qui critique toutes vos idées (rien d’étonnant à ce que
vous découvriez qu’il n’a pas d’amis);
le parent qui tente systématiquement de vous convaincre de
l’efficacité scientifiquement prouvée d’un remède prétendument
miracle ou qui vient de trouver un énième gourou avec une vision du
monde identique à la sienne;
le collègue qui exprime fréquemment son mécontentement, réclame
et revendique à la moindre occasion, et qui se demande pourquoi les
autres obtiennent des promotions ou des primes et pas lui;
le râleur qui se pointe presque toutes les semaines dans une structure
administrative pour fulminer contre tel ou tel problème ou menace
d’intenter un procès;
l’auteur anonyme d’une attaque en ligne particulièrement mordante
qui vous accuse d’avoir des desseins secrets et qui vous dit qu’il sait
très bien lire entre les lignes;
le voisin reclus qui vous tient la jambe pendant des heures pour vous
parler d’un nouvel ordre du monde, de complots à la tête de l’État ou
d’organisations secrètes qui contrôlent le gouvernement;
l’ancien salarié ou l’ex-petit ami qui, n’ayant pas digéré son
licenciement ou sa rupture sentimentale, arrive un jour à votre bureau
avec une arme dans la main;
le brillant scientifique que personne n’écoute et qui, du coup,
déménage dans une vieille cabane du Montana où il peut nous avertir
de la menace technologique en envoyant des colis piégés (16 en tout)
qui ont fait 3 morts et 23 blessés (le terroriste américain Theodore
John Kaczynski, mathématicien de formation et militant écologiste
que la société technologique insupportait et qui envoyait des colis
piégés).
Les paranoïaques sont plus que des êtres loufoques et bizarres. Ils sont
motivés par une méfiance et une peur qui l’emportent sur la raison.
Hypersusceptibles, ils réagissent au quart de tour. Et lorsqu’ils sont
contrariés, rejetés ou mis dans l’embarras, ils peuvent se montrer violents,
verbalement ou physiquement, et extrêmement dangereux.
Associée au narcissisme, la personnalité paranoïaque est capable d’une
violence inouïe – des criminels aux chefs de secte en passant par les
dictateurs qui font leur loi, calomnient les autres et détruisent tout ce qui
leur fait obstacle. Il suffit d’un événement déclencheur imprévisible et vous
vous retrouvez avec un Christopher Dorner. Cet ancien policier d’une
susceptibilité maladive n’avait pas digéré son renvoi de la police de Los
Angeles, c’est pourquoi en 2013 il a décidé de se lancer dans une croisade
vengeresse: accusé d’avoir tué deux de ses anciens employeurs, il a été pris
en chasse par 200 policiers avant de se retrancher dans un chalet. Après de
nombreux échanges de tirs, il a été retrouvé calciné dans le chalet en
flammes.
Malgré le danger qu’ils représentent, ces individus sont parmi les moins
étudiés et les moins compris. Ils sont difficiles à traiter, d’abord parce qu’ils
ne pensent absolument pas qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond
chez eux et ensuite parce qu’ils mettent en doute les bonnes intentions de
ceux qui veulent les aider. Ils sont trop souvent abandonnés à leur
pathologie – et nous aussi.
Comment la personnalité paranoïaque agit-elle?
Tout agent spécial du FBI chargé de traiter des plaintes, comme je l’ai fait,
va vous dire que les salles d’attente et les lignes téléphoniques de notre
service regorgent de paranoïaques. Ils viennent dans nos bureaux ou nous
appellent pour se plaindre de menaces, d’ennemis, de conspirations, de
cabales ou de l’impuissance des autorités à répondre à leurs demandes.
Je me rappelle certaines épouses qui restaient tranquillement assises, le
visage marqué par la souffrance de vivre au quotidien avec un paranoïaque,
résignées à écouter leur mari se lancer dans une longue diatribe contre un
ennemi juré ou une administration incompétente. D’autres nous
demandaient de servir de médiateurs parce que leur époux avait dépensé
une fortune en armes, en bunkers, en réserves alimentaires pour deux ans et
en systèmes de purification d’eau. Le bureau des plaintes du FBI était leur
dernier recours – les proches avaient baissé les bras les uns après les autres
– et, bien sûr, elles n’avaient pas d’argent pour aller voir un psychologue.
Parce que je n’avais pas été informé de cette pathologie au cours de ma
formation, je perdais des heures précieuses à utiliser ma logique et mon bon
sens pour tenter de convaincre ces individus paranoïaques qu’ils étaient
dans l’erreur – des heures que j’aurais pu passer à résoudre des crimes.
Avec le temps, j’ai appris à simplement les écouter sans vouloir à tout prix
avoir le dernier mot ou leur montrer les preuves du contraire. Tout ce que
les paranoïaques veulent, c’est obtenir la validation de leurs croyances, et
cela ne réclame qu’une chose: un auditoire attentif et accommodant.
Dans le cinéma et la télévision, les paranoïaques ont souvent des yeux de
fou, tel le personnage de Jack Torrance joué par Jack Nicholson dans le film
d’horreur The Shining sorti en 1980. Mais la réalité n’est pas Hollywood.
Elle est très différente et beaucoup plus subtile.
Certains paranoïaques sont calmes et réservés, presque timides, mais
voient le monde qui les entoure avec une méfiance inébranlable. D’autres
sont théâtraux et véhéments, voire belliqueux. Ils ont tendance à hausser le
ton dans les conversations parce qu’ils aiment bien argumenter, quitte à
aller jusqu’à la dispute. Ce sont ceux que l’on retrouve en tête de cortège
dans les manifestations, et certains n’hésitent pas à recourir à la violence, y
compris physique, en bousculant les autres, en bloquant les voitures et en se
livrant à des actes de vandalisme. Un événement déclencheur suffit à les
rendre totalement déchaînés.
Certains ne sont pas très intelligents, tandis que d’autres ont un QI très
élevé et un grand savoir-faire dans certains domaines. Ted Kaczynski
possédait un QI exceptionnel et un talent unique pour fabriquer des bombes
et dissimuler leur origine. Howard Hughes était brillant et riche, mais très
parano – au point de rester cloîtré dans des chambres d’hôtel durant les dix
dernières années de sa vie, ne laissant aucune personne extérieure lui rendre
visite. Il est mort isolé du monde dans une chambre d’hôtel de Las Vegas en
1976. Jimmy Lee Dykes, un sexagénaire vétéran de la guerre du Viêtnam, a
terrorisé pendant des années ses voisins de Midland City, dans l’Alabama,
avec ses comportements «excentriques» et menaçants (la nuit, il montait la
garde, armé jusqu’aux dents, autour de sa propriété et il menaçait d’abattre
tout intrus) jusqu’à ce jour du 29 janvier 2013 où, alors qu’il devait se
rendre au tribunal à la suite de la plainte d’un voisin qu’il avait menacé une
énième fois, il a pris d’assaut un car scolaire, tué le chauffeur et kidnappé
un petit garçon de cinq ans. Ethan, c’était son nom, est resté enfermé
pendant six jours dans le bunker que Jimmy aménageait pour affronter la fin
du monde. Il a finalement été sauvé par une intervention du FBI au cours de
laquelle Dykes a été abattu. Qu’est-ce qui motivait les comportements de
Kaczynski et de Dykes? Tout simplement une peur irrationnelle – l’essence
même de la personnalité paranoïaque.
Que ce soit chez lui ou à son travail, le paranoïaque trouve toujours le
moyen de nourrir des soupçons contre quelque chose ou quelqu’un – un
voisin, les enfants du voisin, les avions qui passent au-dessus de sa tête ou
les lignes électriques à proximité de son domicile. Il recherche de l’espace,
de l’isolement et de la distance pour apaiser ses peurs. C’est
malheureusement mission impossible, car la paranoïa vient de l’intérieur de
lui-même et non de l’extérieur.
Certains se tiennent à l’écart des autres sur leur lieu de travail ou au sein
de leur famille, d’où l’étiquette de «solitaires» qui ne les quitte plus.
D’autres vont encore plus loin en choisissant d’aller vivre en pleine nature
pour fuir leurs semblables ou se préparer à un événement apocalyptique. Ils
peuvent trouver refuge dans des organisations qui partagent leurs
convictions, rejoindre un groupe ou une secte où ils n’ont pas besoin de
convaincre les autres de leurs peurs ou de leurs croyances pour le moins
originales.
Et puis il y a ceux qui portent leur excentricité sur eux. Ils peuvent
s’habiller de façon bizarre (porter un treillis, par exemple), avoir toujours
un grand couteau ou chercher à intimider ou choquer, par exemple en
portant la croix gammée. Naturellement, ils attirent l’attention et voient les
autres parler de leur étrangeté, ce qui alimente leur paranoïa.
La paranoïa de certains individus les conduit à choisir le camp de la
haine. Ils écoutent des discours de haine à la radio, participent à des
rassemblements qui attisent leur haine, portent les emblèmes, les vêtements
et les tatouages de la haine. Ce sont ces individus dangereux qui
recherchent des «purs et durs» de même sensibilité qu’eux, comme
l’explique si bien le philosophe et sociologue américain Eric Hoffer dans
son livre sur les mouvements de masse et les gouvernements totalitaires.
Ces paranoïaques se retrouvent dans des organisations d’extrême droite et
des groupes extrémistes mus par la haine qui tuent comme on respire.
Pourquoi? Parce que leur haine farouche et leur peur pathologique donnent
du sens à leur vie, leur vie par ailleurs insatisfaisante et inaccomplie.
J’ai connu des individus paranoïaques qui rencontraient d’autres
personnalités paranoïaques pour nuire aux autres en se soutenant
mutuellement. C’est le cas des frères Tsarnaev, auteurs des attentats de
Boston en 2013 (ils ont fait exploser deux bombes artisanales au milieu de
la foule). Je pense également à Timothy McVeigh et Terry Nichols,
complices dans l’attentat d’Oklahoma City le 19 avril 1995.
Et quand ils ne trouvent pas de compères, ils agissent seuls comme le fit
Anders Behring Breivik, l’extrémiste de droite qui, redoutant l’arrivée
massive de minorités dans son pays, la Norvège, a massacré 77 personnes,
essentiellement des enfants, le 22 juillet 2011.
Comme vous pouvez le voir, le spectre de la personnalité paranoïaque est
très large, allant de l’individu contrariant et détestable au plus
«inflammable» et au plus dangereux, mais tous ont en commun certains
traits de caractère.
Le paranoïaque est méfiant, craintif et secret
La méfiance irrationnelle du paranoïaque le conduit à prêter une attention
maladive aux paroles et aux actes de ses semblables pour y voir une
intention malfaisante. Avec lui, quoi que vous disiez, tout est suspect. Il est
secret et ne livre quasiment rien de lui. Il est capable de mentir pour
protéger ses croyances ou ses véritables intentions. Même à la maison, il
peut tout fermer à clé de peur que ses proches fouillent dans ses affaires. Il
n’est pas rare qu’il possède un coffre, voire une pièce dans laquelle
personne d’autre ne peut pénétrer. Il préserve jalousement son royaume, un
royaume où il se sent en sécurité et où même des membres de la famille ne
sont pas dignes de confiance.
Il est impossible de dresser la liste de tout ce que la personnalité
paranoïaque peut redouter – les catholiques, les juifs, les musulmans, les
Africains, ceux qui ne parlent pas leur langue, les réseaux électriques, les
antennes relais, la fluoration de l’eau, les voisins, les avions qui passent au-
dessus de leur tête, les accents étrangers, les cliniques qui pratiquent
l’avortement, l’expérimentation animale, les sociétés pharmaceutiques, le
nouvel ordre du monde, les micros, le gouvernement, la technologie, le fisc,
etc. Sans parler, bien sûr, du collègue de travail, du patron, des ressources
humaines, du système informatique, de sa compagnie d’assurances et des
échanges de courriels au sein de son entreprise. Chaque paranoïaque a ses
propres peurs, ses propres griefs, ses propres insécurités intérieures. Si vous
côtoyez ce type d’individu suffisamment longtemps, vous vous en
apercevrez – si ce n’est pas par des mots, ce sera par son comportement
excessivement méfiant, excentrique ou carrément dangereux.
Certains sont si méfiants qu’ils consignent les allées et venues de leurs
collègues, de leurs voisins, des membres de leur famille, d’étrangers ou de
n’importe quelle personne qu’ils voient. Ted Kaczynski agissait ainsi de sa
cabane isolée du Montana. Et le président Richard Nixon, qui possédait de
nombreuses caractéristiques de la personnalité paranoïaque, conservait une
liste d’ennemis à portée de main et ne cessait de déclarer qu’il ne pouvait
pas se confier à tout le monde.
Le paranoïaque est dogmatique, argumentateur et enclin à la haine
L’adaptabilité est la marque de fabrique d’un être humain «normal», sain de
corps et d’esprit, si l’on peut dire. Nous sommes capables d’adopter de
nouvelles idées, d’évoluer, de changer en fonction des différentes situations
qui se présentent à nous. Même si nous restons attachés à certaines
croyances (par exemple, des convictions politiques ou religieuses), nous
admettons que les autres puissent envisager les choses différemment. Pas
les paranoïaques. Ils pensent que leur hypersensibilité est une forme
d’intuition supérieure, et avec eux, il n’y a pas de place pour le débat. Ils
n’ont que faire de vos preuves logiques ou empiriques. Essayez de les
raisonner et ils penseront que vous conspirez contre eux ou, pire, vous
considéreront comme un ennemi.
Les personnalités paranoïaques sélectionnent des faits et les déforment,
rassemblant des événements disparates ou associant des idées éloignées
pour coller à leurs points de vue et justifier leurs actions – par exemple,
abattre les médecins qui pratiquent des avortements. Lorsque Paul Jennings
Hill, militant anti-avortement, a assassiné le docteur John Britton et son
garde du corps (et ami) James Barrett en 1994 au moment où les deux
individus entraient dans le centre gynécologique de Pensacola, en Floride, il
était convaincu de sauver des bébés qui n’étaient pas encore nés. Les
paranoïaques sont ainsi: leur jugement est faussé, leur mental est rigide, leur
esprit est moralisateur et ils sont terriblement intransigeants.
Ces individus ont tendance à posséder de solides connaissances, mais
dans un seul domaine. Ils se focalisent sur un passage de la Bible ou sur une
idée (sociale, juridique ou politique) d’un intérêt limité pour la plupart
d’entre nous. Timothy McVeigh avait fait une fixation sur la militarisation
des équipes SWAT (unité spécialisée dans les opérations à hauts risques)
dans les années 1990. Membre du Mouvement des miliciens (une mouvance
d’extrême droite), il protestait contre les méthodes tactiques du FBI et
n’avait pas apprécié les massacres de Ruby Ridge en 1992 et de Waco en
1993. Mû par ses convictions et sa haine envers le gouvernement fédéral, il
a fait exploser un camion piégé devant un bâtiment fédéral à Oklahoma
City, tuant 168 innocents, y compris des enfants. L’attentat à la bombe
d’Oklahoma City est le plus meurtrier de l’histoire des États-Unis après
celui du 11 septembre. Les personnalités paranoïaques sont hostiles à toute
preuve du contraire. Ils vont vous citer des exemples obscurs ou
contestables de l’histoire, des travaux ésotériques, des auteurs inconnus, et
même des dictionnaires de droit pour étayer leurs arguments.
Associez une pensée rigide, une idéologie arrêtée et une mémoire
sélective à une peur irrationnelle et vous obtenez le cocktail explosif de la
haine – une haine farouche et déshumanisée. Ajoutez un narcissisme
pathologique à ce mélange hautement toxique et vous obtenez des individus
capables des actes de cruauté les plus innommables parce que motivés par
la haine: des individus à même d’entrer dans une salle de classe et d’abattre
froidement les élèves présents. C’est exactement ce qui s’est passé lors de la
fusillade de Columbine le 20 avril 1999. Deux adolescents paranoïaques et
narcissiques du lycée, Eric Harris et Dylan Klebold, se considéraient
comme des êtres exceptionnels parfaitement autorisés à tuer leurs
semblables.
Pour de nombreux paranoïaques, la violence devient le seul recours parce
que rien d’autre ne leur permet d’atteindre leurs buts insensés aussi
rapidement qu’ils le souhaitent. Ainsi, vous obtenez une «pensée magique»
de ce genre:
Si je tue suffisamment de scientifiques, je vais stopper le progrès
technologique.
Ted Kaczynski, surnommé «Unabomber», qui a envoyé 16 colis
piégés, tuant 3 personnes et en blessant 231.
Si je fais exploser un bâtiment, je vais stopper le FBI et faire
disparaître les forces spéciales.
Timothy McVeigh, auteur de l’attentat à la bombe d’Oklahoma City
qui a tué 168 femmes et enfants et blessé des centaines de personnes.
Si je fais exploser une bombe aux Jeux olympiques d’Atlanta,
l’avortement cessera d’être pratiqué aux États-Unis.
Eric Rudolph, auteur de l’attentat perpétré en 1996 pendant les Jeux
olympiques d’Atlanta.
Si je tue suffisamment d’Américains, les États-Unis vont quitter le
Moyen-Orient.
Oussama Ben Laden, responsable des attentats du 11 septembre 2001
contre le territoire des États-Unis et qui a fait quelque 3000 victimes.
Si je tue suffisamment d’enfants norvégiens, alors le gouvernement
va prêter attention à mes avertissements concernant la menace
représentée par l’afflux de musulmans et d’étrangers sur le sol
norvégien.
Anders Behring Breivik, qui a tué 77 personnes (principalement des
enfants) en Norvège.
Il est clair pour tout le monde, sauf eux, que leurs actions n’auront pas
l’effet attendu et que leur pensée n’est pas magique, mais pathologique. La
violence ne va pas changer ce qu’ils veulent voir changer, mais les
paranoïaques les plus affectés par leur trouble de la personnalité le croient
dur comme fer.
Le paranoïaque est terriblement susceptible, facilement blessé et rancunier
Comme la personnalité émotionnellement instable, la personnalité
paranoïaque est d’une susceptibilité maladive – tout la blesse. La moindre
erreur, la moindre injustice que vous commettez involontairement est
retenue contre vous; vous êtes fiché «déloyal». Le paranoïaque n’oubliera
ni ne pardonnera aucune de vos fautes, y compris celles que vous n’avez
pas commises. Une fois qu’il vous considère comme l’un de ses ennemis, il
se sentira autorisé à vous garder rancune ou à vous nuire, que ce soit en
vous évitant, en vous donnant un coup de poignard dans le dos, en
complotant contre vous, en sabotant ou en détruisant des choses qui vous
appartiennent ou en vous tuant.
L’histoire est remplie de paranoïaques blessés au plus profond d’eux-
mêmes. Oussama Ben Laden a utilisé sa vision des croisades au XIe siècle
pour justifier son attentat du 11 septembre 2001. Les vieilles blessures et
rancunes de Ted Kaczynski remontaient à l’époque de la Révolution
industrielle au XVIIIe siècle, tandis que le mécontentement et les rancœurs
de Timothy McVeigh à l’égard du gouvernement fédéral se sont éveillés à
l’occasion des massacres de Ruby Ridge (1992) et de Waco (1993). Pour les
paranoïaques, se sentir blessé et ne jamais cicatriser est une nécessité, car
cela leur permet de justifier leurs actes. Et, chez eux, tout peut être matière
à les blesser et à nourrir leurs blessures.
En général, ils ont une mémoire extraordinaire des situations hostiles, des
injustices historiques et des affronts sociaux. Ces blessures accumulées
alimentent leur paranoïa et justifient leur comportement haineux. Mein
Kampf, le célèbre ouvrage écrit en prison par Hitler, est une accumulation
interminable et incohérente de blessures historiques qui prend pour cible les
Juifs et remonte à 2000 ans avant J.-C.
Des mots pour décrire la personnalité paranoïaque
Voici, sans la moindre censure, quelques-uns des termes employés par les victimes pour décrire la
personnalité paranoïaque:
à contre-courant, acariâtre, agressive, alarmiste, allumée, anticonformiste, antipathique, armée,
arrogante, autoritaire, barricadée, belliqueuse, bizarre, bluffeuse, bornée, bourrue, brusque,
calculatrice, changeante, chicanière, cinglée, circonspecte, colérique, combative, contrariante,
craintive, crédule, critique, cruelle, curieuse, dangereuse, déjantée, délirante, démente, dérangée,
déroutante, déséquilibrée, désorientée, difficile, dingo, distante, dogmatique, dominatrice, dure,
effrayante, envieuse, épuisante, ermite, étrange, étroite d’esprit, excentrique, exigeante,
extrémiste, fanatique, fantasque, folle, froide, fuyante, grandiloquente, grincheuse, haineuse,
hargneuse, hautaine, hostile, hypervigilante, hypercritique, hypersensible, imbue de ses
connaissances, impitoyable, impossible, impressionnable, impulsive, incompréhensible,
incrédule, inculte, inflexible, inhospitalière, inquiète, insatisfaite, instable, intolérante, irascible,
irrationnelle, irritable, isolée, jalouse, loufoque, malade, maniaque, méchante, méfiante,
menaçante, menteuse, méprisante, mesquine, mobilisée, nerveuse, névrosée, obsédée,
obsessionnelle, obstinée, ombrageuse, orgueilleuse, partiale, perfide, persécutée, pessimiste, peu
romantique, pleurnicharde, provocatrice, prudente, psychopathe, pure et dure, querelleuse,
radicale, radine, rancunière, ravagée, rebelle, recluse, remontée, répugnante, réticente, retirée,
rigide, sceptique, sèche, secrète, sectaire, s’entraînant à la survie en cas de catastrophe, se
plaignant constamment, solitaire, stricte, suffisante, sur la défensive, susceptible, suspicieuse,
tarée, tatillonne, tendue, têtue, timbrée, toquée, tordue, vantarde, victime, vindicative
L’effet que le paranoïaque produit sur vous
Les personnalités paranoïaques finissent par s’aliéner les personnes de leur
entourage en épuisant, lentement mais sûrement, leur bonne volonté, leur
bienveillance, leur patience et leur générosité.
Au bureau des plaintes, je me rappelle avoir reçu la visite d’un
paranoïaque accompagné de son épouse. Si je m’en souviens si bien, c’est
parce que cette femme semblait terriblement triste. Elle restait patiemment
assise à côté de son mari qui fulminait contre ceci ou cela et sortait des
coupures de presse d’une vieille boîte à chaussures en se livrant à des
accusations sans fin contre le gouvernement et les Nations unies. Le FBI ne
pouvait rien faire pour lui et ses allégations extravagantes, alors au bout
d’une heure environ, il est reparti avec sa femme. Plus tard dans la journée,
cette dernière m’a appelé d’une cabine téléphonique pour s’excuser et me
remercier d’avoir écouté son mari. Elle m’a expliqué qu’il était devenu
ainsi après la guerre du Viêtnam et que son état empirait d’année en année.
Leurs enfants ne venaient plus les voir et la fixation que son époux faisait
sur les injustices du gouvernement fédéral prenait toute la place dans leur
vie, dévorait leur couple de l’intérieur. Cette femme se sentait accablée,
écrasée, submergée.
Je lui ai dit qu’elle n’avait pas à s’excuser, mais j’ai ajouté: «Tout va bien
pour vous?» Sa réponse m’a surpris: «Non, je ne vais pas bien.» Je sentais
les sanglots monter dans sa voix. «Il fait de ma vie un enfer, mais que puis-
je faire? Je suis coincée.» Puis elle a raccroché. La formation que nous
recevons à la police ne nous prépare pas à ce genre de situation. Je la revois
toujours assise, pitoyable, écoutant patiemment son mari déverser une
énième fois son venin.
C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai décidé d’inclure la personnalité
paranoïaque dans ce livre: parce que les dégâts qu’elle provoque sont
essentiellement psychologiques. Lorsque vous vivez avec un paranoïaque,
vous êtes «vidé émotionnellement», «lessivé psychiquement», «à bout
nerveusement».
Autrement dit, les paranoïaques vous pompent toute votre joie de vivre.
Ils vous rendent tendu, irritable, inquiet, nerveux. Vous devez identifier et
craindre leurs ennemis, sinon, il y a quelque chose qui ne va pas chez vous
– c’est du moins ce qu’ils pensent. Vous ne pouvez pas vous détendre,
baisser la garde, relâcher la pression à leur contact. Et s’ils vous jugent
déloyal, vous allez être la cible de leur mépris et de leur colère. Vos besoins
et vos désirs ne les intéressent nullement, et vous allez vite vous apercevoir
qu’ils ont des œillères et sont sujets aux idées fixes.
Mais rassurez-vous: vous n’êtes pas le seul à être impuissant à établir la
confiance avec eux pour les faire sortir de leur enfermement. Personne ne
peut rien – ni la famille, ni les psychothérapeutes, ni la police – pour les
paranoïaques les plus affectés par leur pathologie, ceux qui expriment leur
mécontentement partout et en toutes occasions – au travail, en vacances, sur
Internet, au supermarché, au café, etc. La moindre conversation tourne à
l’attaque. Même les compliments sont susceptibles d’éveiller leurs
soupçons: comme quand mon père a dit à monsieur P., notre voisin, qu’il
aimait bien la voiture d’occasion qu’il venait d’acheter. Du coup,
monsieur P. est devenu encore plus méfiant envers mon père.
Le paranoïaque peut vous obliger à changer votre mode de vie pour vous
adapter à ce «monde de malheur» qu’il redoute tant. Lorsqu’il se dispute
avec son supérieur à son travail et se retrouve licencié, c’est vous qui devez
faire des heures supplémentaires pour combler le manque à gagner.
Lorsqu’il se montre odieux avec les voisins, c’est à vous de tout faire pour
arranger les choses et restaurer de bonnes relations de voisinage. Vous allez
devoir changer votre quotidien pour vous adapter au sien, parce que lui a
tendance à se mettre en retrait et à vivre comme un ermite, et qu’il attend
que vous fassiez comme lui. Certains peuvent devenir intransigeants et
raisonneurs, exigeant que vous partagiez leurs croyances et leur vision du
monde, que cela vous plaise ou non. Leurs ennemis doivent devenir les
vôtres.
Dans des cas extrêmes, ils peuvent partir vivre au milieu de nulle part
avec l’ensemble de leur famille – comme ce fut le cas de Randy Weaver,
ancien membre des forces spéciales américaines, et de sa femme, partis
vivre dans une cabane qu’ils ont construite à Ruby Ridge, dans l’Idaho, en
1992. Les personnalités paranoïaques peuvent rechercher un isolement
extrême, convaincues que l’apocalypse est pour demain et s’y préparant
avec soin, exposant ainsi leur famille aux privations et au ridicule.
Et elles peuvent vous mettre en danger pour des raisons qui vous
échappent complètement. Le plus terrible, à mes yeux, c’est quand elles
décident de s’isoler avec leurs enfants au sein d’une secte, comme ce fut le
cas des adeptes de Jim Jones, le «Père» du Temple du Peuple. Exposer leurs
enfants aux conditions sordides d’une jungle équatoriale infectée par la
dengue et aux délires paranoïaques d’un mégalomane narcissique ne leur a
pas suffi. Il a fallu qu’ils tuent leurs propres enfants pour se suicider après
en avalant un breuvage à base de cyanure. Ce 18 novembre 1978, un suicide
collectif a fait disparaître 918 personnes, dont des enfants et leurs parents.
Et tout cela pour des convictions défendues par un leader parano et
fanatique.
Autre histoire semblable: celle des adeptes de David Koresh, leader de la
communauté des Davidiens installée à Waco, au Texas, dans les années
1980 et au début des années 1990. David Koresh était convaincu de son
essence divine, d’être le seul à détenir la vérité et de l’imminence de la fin
du monde. Comme Jim Jones, il exigeait de ses adeptes une obéissance
aveugle et quiconque s’opposant à lui était en danger. Rappelez-vous: si
vous n’êtes pas avec lui, vous êtes contre lui.
Le paranoïaque dans l’intimité
Avec quelqu’un qui voit le danger partout, ne vous attendez pas à des
effusions dans l’intimité. Le paranoïaque peut vous aimer à sa manière,
mais il est trop préoccupé pour se soucier vraiment de ce que les autres
pensent et ressentent, et trop sur ses gardes pour se confier à son ou sa
partenaire ou ses amis. Les conversations tournent en rond avec lui, car il
ramène toujours tout à son cheval de bataille. Il ne s’intéresse pas à autre
chose qu’à son programme et ses priorités du moment. Et rien ne peut le
détourner d’une idée fixe. D’où des relations unilatérales.
Considérant le moindre conflit comme une attaque à son égard, il est
incapable de gérer les hauts et les bas de toute relation amoureuse. Alors à
moins d’avoir envie de batailler constamment avec lui ou elle et d’entrer
dans des disputes interminables, vous devenez docile et accommodant.
D’ailleurs, les épouses des paranoïaques deviennent comme la femme du
colonel Fitts dans American Beauty: des automates dénués d’émotions et
vivant dans la crainte perpétuelle d’une réaction violente de la part de leur
mari.
Lorsque vous commencez à fréquenter un paranoïaque, vous ne pensez
pas une seule seconde qu’il puisse être en train d’évaluer votre malléabilité
et votre disposition à adopter sa vision des choses. Il préfère passer
rapidement à quelqu’un d’autre que d’avoir à convaincre un esprit
sceptique, c’est pourquoi il a pris l’habitude de choisir des partenaires
réceptives et neutres, qui ne le jugent pas et qui ne mettent pas en doute ses
convictions. Le problème, c’est que nous n’identifions pas suffisamment tôt
la personnalité paranoïaque qui se trouve en face de nous; ainsi, lorsque
nous découvrons son vrai visage, il est souvent trop tard.
L’épouse ou la petite amie d’un paranoïaque se plaint souvent d’avoir un
homme jaloux sans raison, qui l’appelle fréquemment ou qui se pointe à
l’improviste sur son lieu de travail ou à son domicile. Non pas par souci de
l’autre, mais pour vérifier, tester, contrôler. Le paranoïaque peut fouiller
dans votre agenda, dans votre carnet d’adresses, dans votre journal d’appels
ou dans vos courriels à la recherche du moindre signe d’infidélité ou
d’activités personnelles qu’il n’approuve pas. À l’occasion de l’un de mes
séminaires sur les personnalités paranoïaques, une femme m’a raconté avoir
la preuve que son mari s’était payé les services d’une équipe de surveillance
pour la filer – alors qu’elle allait simplement rendre visite à une amie dans
une autre ville.
Les paranoïaques s’efforcent de vous isoler socialement afin que vous
finissiez par perdre tout contact avec vos proches et vos amis. Pourquoi?
Parce qu’il ne faut faire confiance à personne. Même la famille du
paranoïaque finit par s’éloigner de lui, lasse de ses soupçons et de ses
propos virulents. Heureusement, il y a peu de chances que vous ayez envie
de fréquenter ses amis, car il a tendance à attirer d’autres individus
excentriques et bizarres qui s’habillent comme lui, se comportent comme
lui et partagent ses croyances – des vrais de vrai comme lui, en somme.
C’est la vie de toute la famille qui finit par tourner en vase clos, réduite
au seul petit monde du paranoïaque qui n’hésite pas à contrôler ou
surveiller les échanges – par exemple, en refusant que ses proches aient un
téléphone portable ou en enregistrant leurs frappes au clavier à l’aide d’un
logiciel spécial pour voir ce qu’ils pensent vraiment, ce dont ils sont
capables ou pour les empêcher d’être «corrompus» par le monde extérieur.
Très à cheval sur les principes, il peut interdire à ses enfants les sorties au-
delà d’une certaine heure, voire les interdire tout court, et refuser que sa
fille se maquille ou se rende à un rendez-vous amoureux, par exemple.
Une femme est venue me voir dans les bureaux du FBI pour me
demander ce qu’elle pouvait faire au sujet de son mari qui ne voulait plus
que ses enfants fréquentent l’école publique. Il faisait même des marques à
la craie sur les pneus de la voiture de sa femme pour être sûr qu’elle ne la
prenait pas pendant qu’il était en déplacement pour ses affaires. Que
voulez-vous dire à cela? C’est la vie avec un paranoïaque.
La paranoïa peut être inculquée, non seulement aux adultes, mais aussi
aux enfants. JoAnn McGuckin et son mari ont déménagé dans l’Idaho avec
leurs sept enfants pour s’isoler du monde, vivant reclus dans une maison
délabrée, sans eau, chauffage ni électricité, et presque sans nourriture.
Après la mort du mari, Erina, la fille aînée âgée de 19 ans, s’est rendue aux
autorités pour dénoncer les conditions misérables dans lesquelles vivait
toute la famille. JoAnn a donc été arrêtée en juin 2001, accusée de
négligences et de graves privations à l’égard de ses enfants.
Lorsque la police s’est rendue sur les lieux pour aller chercher les frères
et sœurs d’Erina et les mettre en détention provisoire en vue de les protéger,
quelle ne fut pas sa surprise de voir que les enfants, au lieu de se montrer
reconnaissants envers ces policiers qui les sortaient de la misère, leur
déclaraient la guerre. Armés et entourés d’une vingtaine de chiens agressifs
qu’ils ont lâchés sur les forces de police, ils se sont barricadés dans leur
maison pendant une semaine. La mère et son époux avaient appris à leurs
enfants à être paranoïaques et à ne faire confiance à personne. Des
événements de ce genre provoquent beaucoup de stress et de chagrin chez
les proches, sans parler de leur coût – mobilisation des forces policières, des
urgences, des pompiers et des ambulances pendant plusieurs jours.
C’est exactement ce qui s’est passé à Waco, au sein de la communauté
des Davidiens, lorsque des policiers ont tenté d’arrêter son leader, David
Koresh. Cette tentative d’arrestation s’est transformée en menace contre
ceux qui croyaient dur comme fer en la nature divine de Koresh. Lorsque
les forces de police ont essayé de sauver les enfants de la communauté, les
Davidiens eux-mêmes ont mis le feu à leurs bâtiments, s’immolant plutôt
que d’assister à la dissolution du groupe. Le siège a duré 51 jours et
entraîné la mort de 76 personnes, dont de nombreux enfants innocents. Là
encore, la paranoïa a été plus forte que la sensibilité parentale.
Le paranoïaque dans le monde extérieur
Comme plusieurs cliniciens me l’ont fait remarquer, les paranoïaques sont
présents dans toutes les organisations ou entreprises, et la plupart
accomplissent leur travail correctement, même s’ils mènent la vie dure à
leur entourage.
En tant qu’étudiants, ils ont souvent l’intelligence nécessaire, mais ne
réussissent pas toujours parce qu’ils manquent de compétences
relationnelles. Ils s’aliènent leurs camarades et leurs professeurs qui, du
coup, sont réticents à les recommander, ce qui ne fait que renforcer leur
conviction que les autres veulent les voir échouer.
Ces individus négligent parfois leur apparence – tenues débraillées,
cheveux mal peignés, bref rien de ce qui convient à un environnement de
travail. Il leur arrive aussi de porter des vêtements paramilitaires et des
armes pour impressionner. Ou de cultiver un look hostile, sombre et rebelle,
avec des tatouages immenses, une coiffure punk ou le crâne rasé.
La plupart des paranoïaques trouvent du travail, mais ils se méfient
constamment du management, des prises de décision et des raisons pour
lesquelles ils n’obtiennent pas de promotion. Ils sont les éternels
mécontents de leur entreprise, ouvertement agaçants, voire odieux, ou
toujours à comploter en silence dans leur bureau et à vouloir que leur propre
mécontentement fasse tache d’huile.
Et puis il y a les véritables saboteurs qui font tout pour mettre un gros
grain de sable dans les rouages de la machine. Ils veillent à ne pas effectuer
correctement certains travaux, à différer la remise de leurs rapports, à faire
prendre du retard aux livraisons, à rayer les portières des voitures, à ne pas
répondre aux appels ou à égarer des factures – surtout si les choses ne vont
pas comme ils veulent. Ils peuvent utiliser l’agressivité passive ou active
pour mettre des bâtons dans les roues à leur entourage professionnel,
notamment aux collègues ou aux supérieurs qu’ils considèrent comme leurs
ennemis.
Même s’il travaille correctement, l’individu paranoïaque peut avoir un
esprit de compétition très poussé, se montrer énervant et contrariant,
ronchonner et se plaindre à longueur de journée. S’il voit quelques
personnes parler tout doucement, il pense qu’elles parlent de lui. Pour en
dire du mal, cela va de soi. Les autres le surprennent parfois à marmonner
tout seul, ce qui renforce son image d’individu «bizarre». S’il entend des
collègues parler une langue étrangère, ce qui constitue un atout précieux
pour toute entreprise, il est le premier à se plaindre qu’on parle dans son
dos.
Si l’orgueil démesuré s’ajoute au portrait, le paranoïaque possède alors
une haute idée de lui-même et se croit plus intelligent que tout le monde, y
compris son patron; c’est pour cela qu’il pense être le grand oublié des
promotions. Il est très difficile de négocier quoi que ce soit avec lui en
raison de sa terrible méfiance, et sa réputation est celle d’un individu qui se
dispute souvent avec son supérieur, qui nourrit des soupçons sur les
motivations de l’équipe de gestion, qui répand des rumeurs, qui remet en
cause les procédures établies, qui suspecte son patron de favoritisme ou qui
intente des procès sans fondement. Il est capable de s’embarquer dans une
véritable croisade épistolaire pour exprimer ses griefs à l’égard de ses
supérieurs ou d’aller réclamer un audit à l’extérieur.
Il convient de noter que de nombreux individus qui réussissent en
affaires répondent aux critères de la personnalité paranoïaque, mais avec
leurs propres manies, lubies et comportements étranges. Le milliardaire
Howard Hughes souffrait du trouble de la personnalité obsessionnelle-
compulsive, mais il était également paranoïaque. Il vivait reclus, convaincu
qu’il était sur table d’écoute, et s’est mis à détester rencontrer ses
semblables, n’ayant comme interlocuteurs que quelques personnes triées sur
le volet en lesquelles il avait toute confiance (on les baptisait sa «Mafia
mormone» parce qu’il avait à son service en priorité des membres de
l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours).
Les entreprises ont tendance à transférer un salarié «à problèmes» de
service en service, pensant que c’est le meilleur moyen de gérer la
personnalité paranoïaque. Il n’en est rien puisque ces individus posent
problème partout où ils passent, et il ne faut pas oublier qu’ils sont par
nature instables et potentiellement explosifs – on ignore simplement ce qui
va les faire exploser et quand ils exploseront. Même les policiers peuvent
être surpris par leur caractère versatile, inconstant et imprévisible lorsqu’ils
procèdent à des interruptions de la circulation ou des contrôles d’identité,
ou lorsqu’ils doivent traiter des différends conjugaux. Si l’individu
paranoïaque a consommé de l’alcool ou de la drogue (cocaïne,
amphétamines ou métamphétamines), son potentiel de violence est décuplé.
Les fusillades à l’école, le mécontentement salarial, l’agressivité au
volant, les accès de rage: autant de comportements de colère et de violence
qu’on associe rarement à la personnalité paranoïaque, et qui pourtant la
caractérisent pleinement. Ce que l’on prend trop souvent pour un
comportement bizarre, extravagant ou versatile chez ce genre d’individu
n’est rien d’autre qu’un signe avertisseur que le paranoïaque est au bord de
l’explosion.
Et lorsque des paranoïaques deviennent des leaders politiques, leur
potentiel destructeur est phénoménal. Certaines des pires atrocités de
l’histoire ont été commises par la méfiance excessive, la peur et la haine de
la personnalité paranoïaque. Joseph Staline, Adolf Hitler et Pol Pot étaient
tous atteints de paranoïa aiguë. Ils nourrissaient une peur irrationnelle à
l’égard d’ennemis imaginaires et exigeaient la même attitude de leurs plus
fervents partisans. La perte d’une vie est une tragédie. Alors comment
qualifier la mort de plus de 30 millions (Staline) d’êtres humains? De plus
de 5 millions (Hitler) d’êtres humains? De plus de 1 million (Pol Pot)
d’êtres humains? Et encore, au bas mot. Des chiffres aussi élevés sont
inconcevables. Mais si nous détournons les yeux, si nous ne faisons rien, si
nous n’appelons pas les choses par leur nom, nous encourageons
passivement l’ignorance d’une vérité fondamentale: lorsque la personnalité
paranoïaque accède aux plus hautes fonctions, c’est le désordre le plus
complet qui nous attend.
Finalement, les dégâts les plus durables causés par la paranoïa sont liés à
l’instabilité et au désordre qu’elle suscite dans les relations entre les
individus, les familles, les organisations, les communautés et les pays; elle
détruit la confiance, l’harmonie et la cohésion partout où elle sévit.
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités paranoïaques
Les signaux d’alarme qui révèlent le paranoïaque
Comme je l’ai indiqué dans l’introduction, j’ai mis au point de nombreuses
listes comportementales durant ma carrière pour m’aider à identifier les
personnalités dangereuses. La liste ci-dessous va vous aider à déterminer si
telle ou telle personne de votre entourage présente les caractéristiques de la
personnalité paranoïaque et où elle se situe dans son degré de paranoïa
(bornée, ergoteuse, polémiste, rigide, méfiante, très instable, versatile ou
carrément dangereuse). Cela vous permettra d’évaluer son niveau de
toxicité, de mieux savoir comment vous comporter envers elle et de
déterminer dans quelle mesure elle peut constituer une menace pour vous
ou pour autrui.
Cette liste de contrôle, comme les autres figurant dans ce livre, a été
conçue pour être utilisée au quotidien, par vous et moi, c’est-à-dire par des
gens qui ne sont ni des scientifiques ni des professionnels de la santé
mentale. Il ne s’agit pas d’un outil de diagnostic clinique. Son seul but est
d’éduquer, d’informer ou de valider ce que vous avez vu ou vécu.
Lisez attentivement chacune des 130 phrases de la liste de la page
suivante et cochez les cases qui correspondent à l’attitude ou au
comportement de l’individu auquel vous pensez et que vous soupçonnez
d’être paranoïaque. Soyez honnête; pensez à ce que vous avez entendu de la
bouche de cet individu, à ce que vous l’avez vu faire ou à ce que d’autres
vous ont dit de lui. De toute évidence, la meilleure preuve est ce que vous
avez observé vous-même et ce que vous ressentez en présence de cette
personne ou lors de vos contacts avec elle.
Ne cochez que les phrases pertinentes, celles qui ne font aucun doute
pour vous. Ne faites pas de suppositions et, si vous n’êtes pas sûr, ne cochez
pas la case. Certaines affirmations ont l’air de se répéter ou de se recouvrir
– je l’ai fait délibérément pour saisir toutes les nuances du comportement
paranoïaque en fonction des descriptions ou des expériences de celles et
ceux qui ont côtoyé ce type de personnes.
Il est très important d’aller jusqu’au bout de la liste telle qu’elle a été
conçue afin d’obtenir une conclusion plus fiable. En effet, toutes les listes
de contrôle de ce livre couvrent des aspects très subtils mais significatifs
qui ne vous seraient peut-être jamais venus à l’esprit. Certaines affirmations
peuvent vous aider à vous remémorer des événements que vous auriez
oubliés. Veuillez lire tous les énoncés, même si vous avez l’impression
d’avoir fait le tour de la question avec les premiers ou que ceux-ci ne vous
semblent pas pertinents.
Le pronom «il» est ici utilisé comme un neutre et peut aussi bien
signifier «elle». En effet, chaque énoncé peut s’appliquer indifféremment à
un homme ou à une femme.
Nous calculerons le résultat quand vous aurez fini, mais pour le moment,
cochez chacune des affirmations qui correspondent au profil de l’individu
en question.
1. Il est convaincu que les autres cherchent à l’exploiter ou à lui nuire
d’une manière ou d’une autre.
2. Il est tourmenté par ses soupçons infondés sur la loyauté ou la fidélité
des autres.
3. Il ne veut pas faire confiance aux autres, convaincu qu’ils vont le
tromper.
4. Il nourrit des peurs irrationnelles en étant persuadé que les autres vont
utiliser des informations à son sujet pour lui nuire.
5. Il perçoit les autres comme avilissants ou menaçants, aussi
bienveillantes que soient leurs intentions.
6. Il est très rancunier et ne pardonne jamais le moindre affront à son
égard.
7. Il est très sensible au regard des autres.
8. Il réagit avec colère à des affronts mineurs – comme s’il avait toujours
un compte à régler.
9. Il doute fréquemment – et sans raison – de la fidélité de ses
partenaires.
10. Il est pessimiste ou se sent persécuté.
11. Il doute toujours des intentions des autres, y compris de son épouse, de
ses relations intimes, de ses proches ou de ses collègues.
12. Il nourrit des soupçons (inutiles) à l’égard des gens, des événements,
des objets ou de tout ce qui lui est étranger.
13. Il se met rapidement en colère ou on le décrit comme très soupe au lait.
14. Il est excessivement jaloux.
15. Il se méfie terriblement des autres, notamment des étrangers ou des
minorités.
16. Il semble être très anxieux ou angoissé au quotidien.
17. Il ressent le besoin d’être circonspect, cachottier, retors et conspirateur,
ou pense que son entourage l’est.
18. Il refuse de voir les choses autrement – il rejette ou méprise les points
de vue des autres.
19. Il pense que les plaisanteries ou les blagues des autres sont en réalité
des flèches empoisonnées qui lui sont destinées.
20. Il est inflexible dans ses idées et ne change jamais d’avis.
21. Il semble en savoir beaucoup sur très peu de choses et se plaît à
avancer des informations obscures ou sans véritable intérêt pour les
autres.
22. Il se croit très logique, mais sa logique est parfois erronée ou biaisée.
23. Il se dispute fréquemment ou provoque régulièrement des conflits.
24. Il tend à exagérer les problèmes et à ne voir que les siens.
25. Il se voit comme une victime de la vie, de la société, du gouvernement,
de sa famille, de ses collègues, de complots organisés contre lui, etc.
26. Il garde en mémoire tout ce qu’il considère comme des affronts, des
négligences ou des injustices à son égard.
27. Il est connu pour se faire une montagne de tout, penser toujours au pire
ou exagérer les choses.
28. Il est incapable de se détendre et semble constamment sur ses gardes;
généralement trop sérieux, il manque d’humour.
29. Il manque de douceur et de tendresse. Tout est source de stress et de
tension pour lui. Tout est menace.
30. Il est constamment hostile, têtu ou sur la défensive.
31. Il est avide de pouvoir et cherche à l’obtenir par des raccourcis, des
moyens malhonnêtes, des voies détournées ou illégales.
32. Il est incapable de dire quelque chose de gentil et d’agréable sur les
autres.
33. Il est réticent à se confier aux autres ou à révéler des choses sur lui-
même.
34. La distance est essentielle pour lui – il n’aime pas que vous
l’approchiez de trop près.
35. Il n’aime pas que les gens regardent sa maison ou sa voiture; s’il s’en
aperçoit, il a tendance à se mettre en colère et à leur proférer des
injures.
36. Ses propos sont souvent remplis de colère et de haine à l’égard des
figures d’autorité.
37. Les autres sont toujours trop près de lui à son goût, même s’ils sont
éloignés.
38. Il porte ou exhibe des ornements, des tatouages, des symboles ou
d’autres emblèmes (par exemple des autocollants sur sa voiture) qui
expriment sa haine ou sa peur des autres.
39. Il semble ne pas vouloir en dire trop sur ce qu’il est en train de faire ou
de penser.
40. Il n’a pas beaucoup d’amis, voire aucun.
41. Il cherche sans cesse des signes, des indices, qui lui feront dire que les
autres sont en train de fomenter quelque chose contre lui.
42. Ses actions et ses comportements sont étranges, bizarres, excentriques
– ou perçus comme tels par les autres.
43. Il pense que les institutions (gouvernement, fisc, entreprise, église,
école) cherchent à lui faire du mal ou à le réprimer.
44. Il prétend que ses échecs passés, professionnels ou personnels, ont été
la faute des autres.
45. Il prétend se souvenir des événements avec une exactitude parfaite et
s’en sert pour polémiquer, mais ses souvenirs sont souvent erronés ou
déformés.
46. Ses idées, ses croyances et ses préjugés sont rigides et il devient
agressif si quelqu’un les lui conteste.
47. Il a appartenu ou appartient à un groupe haineux ou à une organisation
intolérante à l’égard des autres.
48. Il critique la promotion de ses collègues de travail, y voyant le résultat
de manigances ou d’une volonté de le punir.
49. Il est terriblement méfiant à l’égard des autres – même des personnes
qu’il connaît.
50. Il a une haute idée de lui-même ou se croit infaillible.
51. Il a trouvé le moyen de s’isoler des autres, que ce soit à l’université, à
son travail ou dans une grande ville, et tout le monde le prend pour un
solitaire.
52. Il est fermement convaincu que les autres vont finir par le décevoir ou
l’exploiter, c’est pourquoi il est toujours sur ses gardes.
53. Même si les autres sont gentils à son égard, il reste méfiant et se dit
que tôt ou tard ils montreront leur vrai visage.
54. Il refuse de scolariser ses enfants, craignant qu’ils subissent de
mauvaises influences ou qu’on leur «pollue» l’esprit.
55. Il semble continuellement anxieux ou angoissé dans sa vie
quotidienne.
56. Il tente de contrôler ce que les autres pensent.
57. Il a des visions apocalyptiques, pressentant l’imminence d’un terrible
malheur qui va s’abattre sur la Terre.
58. Il considère globalement le monde comme peu fiable et rempli
d’escrocs.
59. Il évite d’aller chez le docteur parce qu’il se méfie des médecins, du
matériel médical ou de la profession médicale en général.
60. Il ne tolère pas les points de vue des autres.
61. Ses proches sont inquiets quand il sort, craignant toujours qu’il fasse
une scène ou déclenche une dispute.
62. Il s’est régulièrement disputé avec ses supérieurs.
63. Il pense que le système éducatif et le corps enseignant ont une dent
contre lui ou ses enfants.
64. Il n’a guère de respect envers ses supérieurs et se croit meilleur
qu’eux.
65. Il ressort différents événements de sa vie pour prouver que tout est
toujours contre lui.
66. Il préfère que les autres restent à une distance supérieure à la normale
pour lui parler, et s’ils violent les limites qu’il leur a fixées, il devient
très anxieux, irritable ou se met en colère.
67. Il a acheté une arme ou en garde une à portée de main de peur d’être
poursuivi par un individu ou un groupe.
68. Il a eu de nombreux démêlés avec la justice.
69. Il se méfie des étrangers même s’il les recherche.
70. Il évalue les gens en fonction de leur degré de fiabilité.
71. Il a peur des institutions, de la technologie, des scientifiques, de la
nourriture ou d’autres entités ou organisations.
72. Il accumule des coupures de presse, des photos ou des numéros des
plaques minéralogiques d’individus ou d’institutions qui conspirent
contre lui ou dont il se méfie.
73. Il consomme de la cocaïne, des amphétamines ou des
métamphétamines.
74. Il est persuadé d’être sur table d’écoute.
75. Il pense que les médecins font plus de mal que de bien et se méfie de
la médecine moderne ou des sociétés pharmaceutiques.
76. Il se croit au-dessus des lois, un «citoyen suprême» qui n’a pas à payer
d’impôts, à avoir de permis de conduire ni même de plaque
d’immatriculation.
77. Il a besoin de contrôler très étroitement les membres de sa famille.
78. Il entre dans une colère noire dès que des gens pénètrent sans
autorisation sur sa propriété.
79. Il met systématiquement son nez dans les affaires des autres,
notamment des membres de sa famille.
80. Il cherche à contrôler les opinions des autres, les obligeant à adopter
son propre point de vue.
81. Il a des idées fixes.
82. Il a menacé son ou sa partenaire ou quelqu’un qu’il connaît bien de
révéler des informations les concernant.
83. Il conduit ce qu’il appelle des «opérations d’urgence» pour se préparer
à gérer la fin du monde qu’il pressent.
84. Il interdit à ses proches de parler à des étrangers, y compris au facteur.
85. Il se fâche quand ses proches parlent trop longtemps à des amis au
téléphone.
86. Il s’est procuré une arme ou a fabriqué une bombe artisanale pour se
venger des autres ou les punir.
87. Il est extrêmement moralisateur et critique.
88. Quand son ou sa partenaire ou ses enfants rentrent à la maison, il les
soumet à un véritable interrogatoire: où étaient-ils? Qu’ont-ils fait?
Autrement dit, ses proches doivent lui donner un compte-rendu détaillé
de leurs activités.
89. Il fouille régulièrement dans le téléphone portable de ses proches.
90. Il a installé un dispositif de pistage sur la voiture de son ou sa
partenaire ou le file régulièrement.
91. Il lui est arrivé de rappeler un correspondant téléphonique qu’il ne
connaissait pas pour savoir qui avait appelé chez lui et pourquoi.
92. Il refuse de laisser les membres de sa famille accéder à des téléphones
portables, des ordinateurs ou d’autres dispositifs électroniques pour les
empêcher de communiquer avec l’extérieur et de recevoir de
«mauvaises» influences.
93. Il se vexe terriblement quand vous contestez ou tournez en ridicule ses
idées, son raisonnement, sa logique ou ses exemples.
94. Il traite les autres d’abrutis ou de naïfs parce qu’ils ne voient pas les
menaces que, lui, perçoit.
95. Il a restreint les activités de ses proches (partenaire, enfants) pour
éviter l’influence des étrangers, des incrédules ou des personnes qui
pensent différemment de lui.
96. Il est le seul à comprendre clairement les menaces qui pèsent au-dessus
de nos têtes.
97. Il a tendance à être exigeant et arrogant.
98. Il a été renvoyé pour s’être disputé avec des collègues ou son patron.
99. Il ne cesse de faire la morale aux autres et, à ses yeux, c’est tout noir
ou tout blanc – le gris n’existe pas et sa pensée manque terriblement de
souplesse.
100. Il est tout sauf romantique et sentimental, il manque de tendresse et
d’empathie dans ses relations interpersonnelles.
101. Quelqu’un qui prétendait partager ses croyances a profité de lui.
102. Il manque d’égards envers les autres ou il est considéré comme impoli
et mal élevé.
103. Il a peur que les médecins utilisent son corps pour faire des
expériences ou lui implantent un dispositif quelconque.
104. Il cherche continuellement à renforcer ses convictions ou ses peurs
dans la lecture, la radio, l’Internet ou d’autres médias.
105. Ses proches doivent souvent arrondir les angles ou excuser son
comportement.
106. Il parle souvent aux autres pour leur faire peur ou les faire craindre
pour leur sécurité.
107. Il a tué ou tenté d’empoisonner des chiens et des chats qui ont eu le
malheur de traverser sa propriété.
108. Il se plaint fréquemment d’injustices mineures auprès de
fonctionnaires municipaux.
109. Les autres sont soit avec lui, soit contre lui.
110. Il s’est aliéné la sympathie d’au moins un membre de sa famille en
raison de ses croyances ou de son besoin incessant de polémiquer,
d’accuser ou de contester.
111. Ses lettres et ses courriels contiennent toujours des attaques contre
quelqu’un ou quelque chose.
112. Il pense que les hélicoptères ou les avions le suivent.
113. Il recherche des individus aussi soupçonneux et méfiants que lui.
114. Il a dit qu’il ne se fiait à personne et ne faisait confiance qu’à lui-
même.
115. Il n’aime pas avoir des gens debout derrière lui, cela le rend
visiblement nerveux et mal à l’aise.
116. Il n’apprécie que la compagnie des personnes qui partagent ses idées
bizarres, singulières, extrémistes ou excentriques.
117. Il ne semble jamais content – se montre trop souvent crispé ou agacé.
118. Il apparaît comme quelqu’un qui est toujours gêné ou perturbé par
quelque chose.
119. Chez lui ou à son travail, il a un petit coin secret où nul n’est autorisé à
pénétrer.
120. Il envisage de partir – ou est parti – loin du monde, à l’écart des
hommes.
121. Il envisage de rejoindre – ou a rejoint – un groupe, une organisation ou
une secte en accord avec ses convictions.
122. Il ne montre aucun intérêt pour l’art ou la musique, sauf s’ils vont dans
le sens de ce qu’il pense.
123. Il s’entraîne régulièrement avec des armes pour se préparer à faire face
à toute menace de taille.
124. Lorsqu’il entend ou voit passer des véhicules, il se précipite pour les
examiner ou il tient une liste des voitures qu’il voit régulièrement et
qui, selon lui, sont là pour le surveiller.
125. Il tient une liste de ses ennemis ou des personnes qu’il juge suspectes.
126. Il lui arrive de partir en reconnaissance la nuit ou de faire des rondes
s’il se sent menacé par ses voisins ou juge suspecte une personne de
son quartier.
127. Instable et changeant, il a du mal à tenir en place et ne peut pas garder
un emploi très longtemps.
128. Il vit dans la peur d’une catastrophe majeure ou de la fin du monde.
129. Il est connu pour se plaindre sans cesse, n’être jamais satisfait et jouer
les trublions.
130. Les autres l’ont rejeté pour ses comportements étranges et
excentriques, ou parce qu’il est têtu et borné.
Résultats
Comptez le nombre de phrases applicables à l’individu examiné en
fonction des critères évoqués au début de cette liste.
Si vous arrivez à un résultat compris entre 20 et 25, l’individu en
question va parfois nuire aux autres sur le plan psycho-émotionnel;
de plus, il peut être difficile de vivre ou de travailler avec lui.
Un résultat compris entre 26 et 60 indique que cet individu présente
toutes les caractéristiques et le comportement de la personnalité
paranoïaque. Il a tendance à faire de la vie de ses proches un enfer et
a besoin d’être aidé.
Si le résultat est supérieur à 60, cet individu possède toutes les
caractéristiques d’une personnalité paranoïaque dangereuse. Il
présente un danger émotionnel, psychologique, financier ou physique
pour vous et les autres.
Agir aussitôt
Si vous côtoyez régulièrement un individu qui répond aux principaux
critères de la personnalité paranoïaque, vous avez du pain sur la planche!
Dans le cas d’une pathologie modérée, vous avez affaire à quelqu’un qui va
vous avoir à l’usure, vous pomper votre énergie et votre joie de vivre, parce
qu’il met toujours tout en doute et se montre méfiant envers tout le monde,
y compris vous. Avec le temps, il peut devenir encore plus méfiant, plus
entêté, plus acharné et plus rigide dans sa pensée. Inutile de dire que la
paranoïa met à rude épreuve les relations amoureuses et familiales, et
compromet leur longévité.
Dans le cas d’une pathologie sévère, l’individu paranoïaque peut faire de
votre vie un enfer: il est ergoteur, polémique, agressif, hyperméfiant ou tout
simplement dangereux. Le problème, c’est que personne ne peut prévoir ses
réactions ni ce qui va déclencher sa rage ou sa violence. Ce que nous
savons, c’est que plus il possède de traits caractéristiques de la paranoïa,
plus il est instable et dangereux. Et, bien sûr, il peut devenir un extrémiste
radical, mettant en danger son existence et celle des autres, comme le fit le
terroriste Theodore Kaczynski (surnommé «Unabomber»).
En général, il est totalement inutile d’essayer de discuter avec un
paranoïaque pour le convaincre, et d’ailleurs votre désaccord risque de se
retourner contre vous, car vous devenez alors son ennemi, voire, dans le
pire des cas, l’ennemi à abattre.
Pas facile non plus de l’encourager à solliciter l’aide d’un professionnel
de la santé mentale. Que sa pathologie soit modérée ou sévère, il ne voit
absolument pas ce qui ne tourne pas rond chez lui, ce qui explique pourquoi
il cherche rarement de l’aide, ce qui est en soi un obstacle majeur, si ce
n’est impossible à surmonter.
Toujours est-il que vous pouvez essayer de le persuader d’aller voir un
professionnel compétent, mais en vous montrant extrêmement prudent dans
votre démarche. Les paranoïaques étant terriblement méfiants et
hypersusceptibles, vos efforts peuvent les inciter à vous prendre en grippe et
les faire redoubler de méfiance ou déclencher leur violence.
Au travail, ces individus peuvent être exaspérants parce qu’ils mettent
tout en doute. Ils risquent de semer la zizanie dans le service, détruisant
l’esprit de coopération qui pouvait exister. Les patrons en ont ras le bol de
devoir expliquer ou justifier leurs décisions à tout bout de champ et
d’écouter leurs plaintes à longueur de journée, c’est pourquoi ils finissent
par les tenir à l’écart.
Il ne fait aucun doute que la présence d’un paranoïaque sur le lieu de
travail est un handicap de taille en raison non seulement de son aptitude à
semer la discorde, mais aussi de sa violence verbale en réaction à des
affronts perçus. Les individus qui obtiennent un nombre de points élevé
dans la liste de contrôle doivent faire l’objet d’un suivi pour signaux
agressifs s’ils reçoivent un blâme ou un avertissement de la part de leur
patron, s’ils sont rétrogradés ou s’ils sont licenciés.
Dans les cas où c’est le conjoint d’un salarié qui manifeste tous les
signes de la personnalité paranoïaque, il y a le risque qu’une dispute
conjugale, une crise de jalousie ou une idéation paranoïaque mette en
danger le personnel de l’entreprise. Lorsque je lis qu’un ex-mari est venu
sur le lieu de travail de son ex-épouse pour la tuer et tuer tout le monde
autour, je ne peux pas m’empêcher de me dire que cet homme était atteint
d’une paranoïa aiguë.
Si vous travaillez dans un secteur pris pour cible par des extrémistes ou
faisant l’objet de menaces de la part d’activistes (clinique d’avortement,
recherche médicale, industrie chimique, expérimentation animale, industrie
du bois, construction, énergie nucléaire, industrie charbonnière, plastiques,
etc.), vous pouvez très bien être dans la ligne de mire d’un paranoïaque et
risquer de subir ses menaces et sa violence.
Il convient de prendre des précautions particulières pour gérer une
personnalité paranoïaque dans la sphère privée ou professionnelle, surtout si
elle a des antécédents de violence ou d’utilisation d’armes. Puisque nous
sommes incapables de prévoir ce qui va déclencher le comportement
violent d’un paranoïaque, nous pouvons simplement nous pencher sur ses
comportements passés, voir où il se situe dans la liste de contrôle des
personnalités dangereuses, vérifier s’il n’a pas vécu des événements
stressants récemment (divorce, rupture amoureuse, rétrogradation, perte
d’emploi, consommation accrue de drogue ou d’alcool, etc.) et rechercher la
présence d’armes dans son environnement. Si tous ces éléments sont
présents, le danger est maximal. Rappelez-vous le cas de Jimmy Lee Dykes
mentionné précédemment – ses différends avec ses voisins, comment il a
tué un chauffeur de bus et kidnappé un enfant présent dans le car scolaire,
comment il s’est barricadé avec son jeune otage dans son bunker, tout cela
parce qu’il avait été cité à comparaître en justice.
Bien que l’histoire soit remplie d’exemples de dirigeants paranoïaques
gravement atteints et particulièrement dangereux, la plupart des nuisances
de ces individus se limitent à leurs relations interpersonnelles, qu’elles
soient privées ou professionnelles. Ce qui ne nous dispense pas de prendre
la responsabilité d’avertir leur entourage si nous avons des preuves de leur
dangerosité – lui épargnant ainsi bien des souffrances.
Face à un individu paranoïaque, contentez-vous de reconnaître ce qu’il
est vraiment et n’essayez pas de polémiquer avec lui ou de le convaincre.
S’il est dangereux ou vous demande de participer avec lui à des actes
criminels, prenez vos jambes à votre cou et prévenez d’autres personnes, si
possible.
Si son comportement devient insupportable de dureté et d’intransigeance
(ce qui arrive souvent dans les sectes) ou s’il finit par vous ôter toute votre
joie de vivre, éloignez-vous. Vous n’avez pas à souffrir inutilement à cause
de lui. Mais si vous décidez de rester avec lui, vous êtes prévenu de ce qui
peut vous attendre, alors ne soyez pas surpris si les choses ne s’arrangent
pas. Ne finissez pas comme l’épouse du colonel Frank Fitts dans le film
American Beauty ou comme la femme de mon voisin à Miami – vide,
résignée et triste à mourir.
En tout cas, soyez prudent, parce que lorsqu’un paranoïaque s’isole du
monde extérieur, vous coupe de tout, devient convaincu qu’il n’y a pas
d’autre solution possible ou adopte un comportement extrémiste, il peut
devenir terriblement violent. Pour mieux savoir comment vous protéger des
personnalités dangereuses, reportez-vous au chapitre 6.
CHAPITRE 4
«Ce qui est à moi est à moi – et ce qui est à toi est à
moi»: le prédateur
L es yeux fixés sur les miens ne cillaient pas, ils étaient reptiliens et d’un
calme absolu. En rendant ce regard, j’entendis un léger cliquetis qui
me signala un danger.
Il ne s’agissait pas d’un serpent. C’était dans les années 1970. Jeune
policier, je venais d’arrêter un cambrioleur qui avait déclenché une alarme
dans un hall d’immeuble. Il obéissait à mes ordres et j’avais pu lui passer
les menottes sans incident. Mais je n’ai pas honte de dire que même si je
mesure plus d’un mètre quatre-vingts et que le suspect était entravé, son
regard me fit frémir. Il y avait en lui quelque chose qui ne ressemblait à rien
de ce que j’avais vu jusque-là. Le son que j’entendais était celui des balles
qui vibraient dans mon revolver de service, tandis que mon cerveau et mon
corps s’apercevaient d’instinct que je me trouvais en présence d’un
prédateur humain. Quand, de retour au bureau, j’ai consulté son casier
judiciaire, tout y était: cet homme, récemment libéré de prison, était un
criminel endurci qui avait commis un grand nombre de cambriolages, de
vols et d’agressions.
Vous pouvez discourir sur le mal, tourner des films d’épouvante, décrire
des individus dangereux. Mais tant que vous ne vous trouvez pas en
présence du mal, vous ne le connaissez pas vraiment – pas à un niveau
psychologique profond. C’est ce que j’ai rencontré ce jour-là. Je n’ai jamais
oublié la leçon. Mon subconscient m’avait averti que cet homme n’était pas
un délinquant ordinaire. Je m’en suis mieux rendu compte plus tard: les
prédateurs exercent sur nous un effet à un niveau inconscient.
Un jour ou l’autre, tout lecteur de ce livre rencontrera quelqu’un de ce
genre: une personne qui n’éprouve rien à être arrêtée ou à commettre un
crime, qui paraît insensible aux souffrances qu’elle cause à autrui. De tous
les individus dangereux, le prédateur est celui qui fait le plus de dégâts.
Selon Robert Hare, Ph.D., célèbre psychologue spécialiste de la
psychopathie, il en existe des millions dans la nature. C’est pourquoi vous
avez toutes les raisons de penser que vous avez été, que vous êtes ou que
vous serez en contact avec l’un d’eux à un moment de votre vie.
Les prédateurs n’ont en réalité qu’un seul but: l’exploitation. Ils
commettent l’inimaginable, aisément et de manière répétée. Ils vivent pour
piller, voler, faire souffrir ou détruire. Alors que la plupart d’entre nous
bâtissent leur existence autour de relations et de réussites, les prédateurs
focalisent leurs efforts sur les possibilités d’exploiter à leur profit des gens,
des lieux et des situations. Cette attitude de base gouverne en grande partie
leur comportement.
Ces gens ne pensent pas comme nous. Nous faisons attention aux autres.
Ils prétendent faire attention, ou pas, d’ailleurs. Nous considérons les autres
comme des égaux. Eux nous voient soit comme des moyens, soit comme
des obstacles dans la satisfaction de leurs besoins. S’ils ont besoin d’une
voiture, ils en volent une. S’ils ont besoin de sexe, ils commettent un viol.
S’ils ont besoin d’argent, ils s’attaquent au compte en banque de vos
grands-parents. Si vous survivez à l’un de ces individus, une partie de vous
meurt tout de même, que ce soit la confiance, l’estime de soi, la dignité ou
la foi en l’être humain.
Notre nature confiante nous handicape face à de tels individus,
insensibles aux attachements émotionnels, à la conscience, à la morale, à la
loi ou à l’éthique. Pour eux, la vie ne comporte pas de panneau «ARRÊT».
Règles, règlements, restrictions, verrous ou clôtures sont de simples
dérangements à surmonter. Et comme vous ou moi appliquons les règles, ils
nous considèrent comme des niais, des perdants, des objets de dédain qui ne
méritent que mépris, dérision, abus et peut-être même élimination.
Ainsi, tandis que nous accomplissons un travail honnête pour parvenir au
succès, les prédateurs mesurent leur réussite d’après la manière dont ils
nous ont exploités. Extrêmement doués pour détecter les faiblesses, ils
recherchent les vulnérables, les blessés, les perturbés, les crédules, les
susceptibles, les sans-défense. Puis ils bondissent – tantôt avec subtilité,
tantôt avec une férocité violente.
Pour savoir qui viser, le prédateur n’a qu’à observer comment les gens
bougent, ou même leur aspect. Il s’en prend au piéton serviable qu’on peut
attirer vers une voiture en lui demandant son chemin, au chaland encombré
de lourds paquets, à l’enfant trop confiant envers un adulte inconnu, à
l’adolescent solitaire qui emprunte un raccourci, au couple de personnes
âgées naïves, à l’habitant qui ouvre volontiers sa porte. Il peut faire tout
cela sans y réfléchir; on le dirait mû par un logiciel qui tourne sans cesse en
arrière-plan, à la recherche de moments favorables et de faiblesses.
Le prédateur sait à quels forums s’inscrire pour poser sa patte sur votre
enfant sans s’introduire dans votre demeure. Il sait comment tromper les
régimes sociaux avec des fraudes qui nous coûtent des milliards. Il connaît
les banques les plus faciles à attaquer et les magasins où le cambriolage est
aisé. Il sait se dissimuler au sein d’organisations prestigieuses – un hôpital,
peut-être, ou un organisme de bienfaisance, un service de police, une école,
un club d’athlétisme, une église –, conscient qu’une légitimité
professionnelle lui fournit à la fois une ouverture et une couverture pour ses
prédations.
Des prédateurs comme Ted Bundy, John Wayne Gacy ou Jeffrey Dahmer
se distinguent en raison de leur notoriété de tueurs en série, mais ces
monstres ne forment qu’une toute petite partie du tableau.
Tout violeur en série, tout proxénète, tout pédophile, tout trafiquant
d’êtres humains, tout gangster est un prédateur. De même que ceux qui s’en
prennent aux personnes âgées ou aux enfants. Il en est de si célèbres que la
littérature et le cinéma les ont immortalisés. Le braqueur de banques Jesse
James, Butch Cassidy, Jack l’Éventreur, John Dillinger, Al Capone, Pablo
Escobar, Ian Brady, James «Whitey» Bulger junior ou John Gotti, alias
«Dapper Don» (Professeur Coquet) sont tous des prédateurs. Ils ne se
distinguent que par leur comportement d’exploitation ou de délinquance
favori.
Bien que les prisons soient pleines d’individus de ce genre, ils sont plus
nombreux encore en liberté. Ils peuvent vous nuire gravement sans pour
autant vous tuer ou vous violer. Ils frappent leur conjoint, abusent de
patients, terrorisent des salariés, détournent de l’argent, dévalisent les
crédules, corrompent les fonctionnaires ou même, devenus chefs d’État,
exterminent leur propre peuple. Ils portent des mallettes, des ordinateurs
portables, des sacs à dos, des bibles, des ballons de football, des bébés.
Mais aussi des couteaux, des armes à feu, des machettes, des pics à glace,
du poison, des cordes. Ils peuvent être votre patron, votre chef religieux,
votre voisin de bureau, votre conseiller financier, le chef scout de votre fils,
l’assistant de vie de votre mère, la gardienne de vos enfants, la personne
que vous accueillez dans votre chambre ou le voisin qui habite la maison
d’à côté.
George J. Trepal, chimiste de formation et adhérent de la Mensa, le club
des gros QI, n’aimait pas sa voisine Peggy Carr ni ses enfants, qui faisaient
du bruit quand ils jouaient dehors, comme la plupart des enfants. En 1988,
avec une froide indifférence, il a donc empoisonné Peggy et failli tuer ses
enfants en plaçant du thallium dans des bouteilles de Coca-Cola pendant
leur absence. Pour un prédateur, dirait-on, c’est là un remède légitime pour
régler rapidement un problème.
En 1978, près de Quartzite (Arizona), John Lyons a stoppé la voiture de
sa famille pour aider deux automobilistes en panne. En guise de
remerciement, Gary Tison et Randy Greenawalt assassinèrent le bon
Samaritain et les siens. Comme Trepal, ils cherchaient un moyen rapide et
efficient de régler leur problème: ils venaient de s’échapper de prison et ne
voulaient pas être repris.
À Hyde, en Angleterre, les patients du docteur Harold Shipman se
croyaient en sécurité à l’hôpital – le meilleur endroit où séjourner quand on
est gravement malade, mais pas pour eux. Entre 1971 et 1998, le médecin a
tué plus de 200 de ses malades et s’est enrichi en récupérant leurs bijoux et
leur argent ou en établissant frauduleusement un testament en sa faveur.
Pendant deux décennies, on a vu en Tim et Waneta Hoyt un couple
malchanceux dont les enfants avaient été victimes du syndrome de la mort
subite du nourrisson – jusqu’au jour où les enquêteurs découvrirent que leur
mère les avait délibérément supprimés. Ces enfants, comme les patients du
docteur Shipman, se trouvaient dans un endroit sûr mais pas entre les mains
d’une personne sûre – ils étaient livrés à un prédateur. Ils sont morts
simplement parce que leur mère, lasse de leurs pleurs, les a étouffés l’un
après l’autre, en général quelques mois après leur naissance.
On le voit, notre sécurité n’est pas tant affaire de lieu (quartier, route,
hôpital, domicile) que de présence ou non d’un prédateur dans les environs.
C’est la présence de ces individus foncièrement méchants, ou leur capacité
à entrer en contact avec vous, qui accroît votre risque de devenir leur
victime. Le résultat – le fait que quelqu’un soit ou non harcelé ou attaqué,
que quelqu’un vive ou meure – dépend entièrement d’eux.
Auteur de récits criminels véridiques, Ann Rule a compris la leçon.
Après avoir travaillé dans un centre d’appels d’assistance au cours des
années 1970, elle a écrit un livre passionnant sur l’un de ses anciens
collègues qui s’est révélé être un prédateur – et pas n’importe lequel, mais
le célèbre tueur en série Ted Bundy. Si elle a pu écrire Un tueur si proche,
c’est pour la seule raison qu’il ne s’est pas intéressé à elle.
Pour vous représenter les prédateurs, pensez à un ouragan ou à une
tornade – une force massive capable de laisser derrière elle un énorme
champ de ruines et de souffrances. Pour chaque personne affectée
directement par eux, beaucoup le sont indirectement. Les souffrances
s’étendent aux parents, conjoints, enfants et amis de toutes les victimes. Les
enfants victimes d’un prédateur risquent de devenir des adultes traumatisés,
voire des pédophiles eux-mêmes, et ainsi de suite de génération en
génération. La famille et les amis du prédateur peuvent souffrir la honte, le
mépris, la ruine financière. Une fois Bernard Madoff mis en examen pour
avoir volé des milliards de dollars à des épargnants, sa femme a été victime
de moqueries, de crachats, d’ostracisme. Son fils Mark s’est pendu deux ans
après l’arrestation de son père, incapable de supporter le «tourment» que lui
causaient les agissements de son père et la part qu’il y avait peut-être prise.
Voyez comment beaucoup ont perdu foi en l’Église catholique à cause du
scandale massif des prédateurs sexuels en soutane. Les quartiers hantés par
des prédateurs deviennent des zones de danger où les gens doivent se
barricader dans leur propre maison à cause des agressions, des vols et des
cambriolages. La ville de New York est bien plus sûre aujourd’hui que
lorsque j’y étais en fonction, au début des années 1980, car son maire
Rudolph Giuliani et la police locale ont fait la chasse aux prédateurs à tous
les niveaux. Une fois ces individus dangereux écartés – y compris ceux
impliqués dans des atteintes à la qualité de vie comme la mendicité
agressive ou les graffitis –, les citoyens honnêtes ont repris possession des
rues.
J’aimerais pouvoir dire qu’il n’y a pas de prédateur dans votre présent et
votre avenir; pourtant, il y a des chances qu’il y en ait. Mais avec quelques
connaissances, vous saurez mieux détecter les individus dangereux qui
déterminent sans pitié notre avenir sans notre consentement. Je ne le dis pas
pour vous effrayer, mais pour que vous fassiez attention à eux – car eux font
certainement attention à vous. La survie suppose de savoir à quoi ils
ressemblent et comment ils se comportent, afin de pouvoir les éviter.
Comment le prédateur agit-il?
Les prédateurs peuvent être subtils et difficiles à détecter si vous ignorez de
quoi vous devez être à l’affût. Ils peuvent être intelligents, amicaux,
séduisants, tranquilles, solitaires, délinquants, parmi bien d’autres
caractéristiques possibles. Avoir du succès, des amis, une situation enviée,
n’exclut nullement d’être un prédateur – comme l’ont appris les
enseignants, les athlètes, les anciens élèves et les étudiants de Penn State
quand Jerry Sandusky a été condamné pour de multiples abus sexuels
commis sur des enfants, comme l’ont appris aussi les amis et collègues de
Bernie Madoff à la suite de sa colossale escroquerie.
Ces individus sont et demeurent calculateurs, manipulateurs et
agressivement prédateurs. Si l’on vous parle de quelqu’un qui a
méticuleusement préparé et exécuté un crime, qui a surveillé et poursuivi sa
victime, qui est entré depuis longtemps dans la délinquance, qui a voyagé
au loin pour les besoins d’une entreprise illicite ou qui a construit un
système pyramidal complexe façon Ponzi, on évoque un prédateur. De
même si l’on vous parle de quelqu’un qui est toujours en délicatesse avec la
loi, qui commet des délits sexuels à répétition, d’un récidiviste ou d’un
individu qui s’arrange pour voler l’argent d’autrui, il s’agit encore d’un
prédateur.
Attendez-vous à ce qu’un prédateur change souvent d’emploi, modifie
ses projets, ne rembourse pas ses prêts, ruine ou congédie ses relations,
déçoive les autres ou profite d’eux et fuie ses responsabilités. Attendez-
vous à ce qu’il viole la loi, trompe la confiance, s’empare de ce qui ne lui
appartient pas et laisse derrière lui des personnes blessées, déçues, mutilées,
quand ce ne sont pas des cadavres. Attendez-vous-y. Après avoir lu ce
chapitre, n’allez pas croire que des individus de ce genre s’amélioreront ou
ne vous feront pas de mal. Du mal, on le sait, ils en feront. On ne peut
prédire en revanche à qui ou à quoi ils vont s’en prendre.
Les prédateurs ont souvent une connaissance superficielle de nombreux
sujets et s’en servent pour impressionner ou piéger leurs victimes. Ils
adorent manipuler les gens comme des marionnettes, attirer les enfants avec
des jouets et des bonbons, séduire les femmes sur Internet pour obtenir une
rencontre, convaincre de jeunes garçons ou des jeunes filles de les «aider»,
manipuler des gens pour leur soutirer leur argent. Ils sont experts dans l’art
d’inspirer confiance, ce sont de «beaux parleurs».
Comme les autres personnalités dangereuses de ce livre, les prédateurs
s’inscrivent dans un spectre ou un continuum comportemental. Certains
d’entre eux commencent à l’extrémité inférieure du spectre et y demeurent.
Ils présentent des comportements à risque, par exemple une délinquance
d’habitude. Ils pourront montrer de la fausseté dans leurs rapports aux
autres. Ou encore multiplier les rendez-vous avec la justice pour de petits
délits.
Il y a aussi des personnes si pathologiques, si hors normes, qu’elles sont
prêtes à tout faire ou tout tenter dès que l’envie les prend. John Edward
Robinson est, pourrait-on dire, un homme de la Renaissance, un véritable
entrepreneur de la prédation: escroc, filou, faussaire, kidnappeur et
meurtrier sadique en série, il a été condamné au Kansas en 2003 pour trois
assassinats. Il est considéré comme le premier assassin en série à avoir
utilisé l’Internet pour attirer les victimes de ses meurtres sadomasochistes.
C’est un exemple de prédateur extrême: une sorte de polytechnicien du
crime et un individu vraiment dangereux.
Il s’agit là des prédateurs extrêmes dont on parle à la radio ou dans les
journaux, mais la plupart ne sont pas remarqués parce qu’ils réussissent ce
qu’ils font, ou simplement parce que personne ne les dénonce. Mais peu
importe où ils se situent sur le spectre de la prédation, en bas ou en haut de
l’échelle, ils partagent un trait avec nous: capables de tirer les leçons de
leurs erreurs et de leurs expériences, ils s’enhardissent et deviennent encore
plus actifs. Julian (prénom d’emprunt) en est un exemple. J’ai pu observer
son comportement parce que sa mère était une amie de ma famille.
Julian a fait ses débuts dès l’enfance en subtilisant de l’argent à ses
parents. Les sommes ont grossi, les vols sont devenus plus fréquents. Ses
parents s’en rendaient compte, il demandait pardon, puis il recommençait,
chaque fois plus habilement. Surveillé par ses parents, il commença à voler
de l’argent à ses amis et à ses camarades de jeu, ainsi qu’à leurs parents.
Plus âgé, Julian se mit à dérober des bouteilles de vin et de vodka. Les
médicaments vendus sur ordonnance semblaient ne jamais durer, ils
disparaissaient complètement; une fois au moins, ils furent remplacés par de
l’aspirine. Si on l’accusait de vol, il répondait toujours par des dénégations,
de plus en plus habiles. Ses parents, il est vrai, fermaient les yeux,
accueillaient trop facilement ses démentis, gobaient ses explications ou, tout
simplement, voulaient éviter de trop le stigmatiser; à les en croire, ils se
disaient qu’il se rangerait en grandissant.
Dès ses débuts au volant, Julian commença à avoir toutes sortes d’ennuis
avec la police. Bosses et rayures se multipliaient sur sa voiture. Un jour, il
est rentré à la maison avec un garde-boue manquant. Une heure plus tard, la
police était là. Un accident suivi d’un délit de fuite avait fait des blessés.
Julian nia, bien entendu. Ce fut son premier crime. Il y en aurait d’autres,
mais apparemment ils étaient toujours requalifiés en délits.
À 21 ans, Julian était passé maître dans l’art de siphonner le compte en
banque de ses parents à l’aide de chèques falsifiés ou au distributeur
automatique. Il continuait à voler des montants de plus en plus élevés. En
vieillissant, ses parents devenaient moins rigoureux et d’une certaine
manière plus permissifs – ou peut-être baissaient-ils les bras devant un fils
devenu prédateur, voleur, menteur, escroc, drogué, et un danger pour eux
comme pour la société.
La goutte d’eau qui fit déborder le vase fut le vol de la voiture de son
père, qu’il vendit pour les pièces détachées. Juste comme ça. La même
semaine, il s’empara des derniers billets de banque conservés par ses
parents à la maison, prétendant qu’ils avaient sans doute été «mangés par
les souris», car ils étaient cachés derrière une poutre. Mes parents m’ont dit
que le père de Julian était physiquement et psychologiquement affecté et
déprimé par tout cela; quelques mois plus tard, brisé, il mourut. On raconte
que lors des funérailles, Julian réclama sa montre afin de la mettre en gage
et s’inquiéta de savoir «s’il restait un peu d’argent dans le testament».
L’histoire ne s’arrête pas là. Julian parvint à obtenir de sa mère qu’elle
lui donne procuration sur ce qui restait de son compte d’épargne-retraite,
qu’il nettoya proprement. À 70 ans passés, la pauvre femme fut obligée de
retourner au travail – elle n’avait plus ni retraite ni maison (celle-ci avait été
saisie par la banque) car Julian avait fait «bien d’autres choses».
Imaginez le désastre en termes de souffrances humaines. Julian n’avait
tué personne directement, à ma connaissance, mais il a fait souffrir au
moins une famille. Et pas qu’un peu. Bien qu’il ait fait l’objet de
nombreuses enquêtes, il a toujours échappé à la punition. La nature de ses
délits a évolué dans le temps, mais le résultat est toujours le même: non
sans charme, il ment, triche, vole ou vit aux crochets des autres. Si vous le
croisez, il vous sourira. Et pourquoi pas? D’autres se sont sacrifiés pour lui.
Peut-être en ferez-vous autant?
Ainsi, bien que les prédateurs puissent être différents dans leurs
agissements, ils ont tous des traits en commun. Ils prennent mais ne
donnent pas, ils mettent les autres en danger, ils sont insensibles et
méprisants, ils ne se soucient pas d’autrui, même de leurs proches.
Le prédateur n’a ni empathie, ni remords, ni conscience
Regardez une vidéo de Dennis Rader, le tueur en série BTK («bind, torture,
kill»: ligoter, torturer, tuer), et écoutez-le raconter comment il a sacrifié ses
victimes. Vous remarquerez chez lui ce que les psychologues appellent un
«affect plat». On retrouve la même froideur, le même langage purement
factuel chez certains prédateurs, y compris quand ils décrivent des crimes
abominables.
Les prédateurs n’éprouvent pas d’émotion de manière normale. Ils ne
comprennent pas la souffrance des autres. Ils ignorent l’empathie. Leurs
émotions sont d’ordinaire superficielles ou forcées et égocentriques.
Comme le montre l’exemple de Julian, ils sont capables de s’en prendre à
ceux qui leur dispensent amour, protection et cadeaux. Notre innocence ou
notre malchance sont pour eux des occasions. La divorcée malheureuse, la
veuve éplorée sont des tickets-repas. Un enfant confiant ou non surveillé?
un sex-toy à attirer par des friandises et des bibelots. Un touriste ou un
immigrant? une victime toute désignée pour le vol et le racket. Quiconque
est naïf ou en difficulté porte une pancarte «profite de moi». Une
catastrophe naturelle est l’occasion de créer un faux site en ligne pour
recueillir des dons. La liste est sans fin.
Ces individus distinguent le bien du mal, ils savent ce qu’est le mal, mais
le commettent quand même. Exemple: l’Autrichien Josef Fritzl a enfermé
dans sa cave sa fille de 18 ans où il l’a tenue prisonnière pendant vingt-
quatre ans, la violant plus de trois mille fois, lui faisant sept enfants sans
jamais que ceux-ci ou leur mère ne voient un médecin. «J’ai juste un
mauvais penchant», aurait-il dit à un psychiatre. Fritzl savait que ce qu’il
faisait était mal et a eu plus de huit mille jours pour y mettre fin. Or, il n’en
a rien fait.
Chez les prédateurs, tout sentiment de culpabilité est provisoire et non
inhibiteur. Il ne les arrête pas, car ces individus ne tirent aucune leçon des
souffrances qu’ils causent – ils ignorent les remords. Pour éprouver un
sentiment de culpabilité, il faut se sentir responsable de ses actes. Mais le
prédateur recherche la jouissance, non la responsabilité, préférant
incriminer son éducation, ses patrons, sa malchance, la pornographie – ou
même sa victime – pour éluder sa responsabilité. Jodi Arias a reproché à
son petit ami de l’avoir poussée à le filer, à le harceler au téléphone et en
personne, à le poignarder à plusieurs reprises, à lui tirer dessus et à presque
le décapiter. Rien à voir avec le fait qu’elle était une prédatrice instable et
égocentrique incapable d’accepter d’être abandonnée. Non, comme souvent
avec les prédateurs, il fallait que ce soit la faute de la victime.
Heureusement, les jurés n’ont pas cru ses mensonges.
Le prédateur est froid, insensible, calculateur, manipulateur
Les prédateurs sont d’une froide indifférence. C’est pourquoi on les
compare à des reptiles et, devant la justice, ils semblent inaccessibles aux
émotions, contrastant radicalement avec les familles éplorées de leurs
victimes. «Tuer quelqu’un, c’est comme aller se promener», a résumé
Henry Lee Lucas, un célèbre tueur en série. «S’il me fallait une victime, je
sortais et j’en trouvais une.» Seuls les prédateurs raisonnent de la sorte.
Pour eux, la vie est un jeu du genre «combien puis-je m’en faire?». C’est
pourquoi ils conspirent et trompent. Dans les années 1970, John Wayne
Gacy faisait de la politique locale et se déguisait en «Pogo le clown» pour
distraire les enfants de son quartier, non loin de Chicago, mais il rusait aussi
pour attirer des petits garçons à son domicile, où il a commis pas moins de
33 assassinats sadomasochistes. Ses jeunes victimes l’imploraient de leur
laisser la vie sauve et il les exterminait froidement.
Aimé et respecté, le docteur Harold Shipman, mentionné plus tôt,
habitait Hyde, en Angleterre. D’un calme olympien, il a caché ses
prédations pendant des dizaines d’années. Mû par l’appât du gain, il tuait
sans ciller ceux qui avaient le plus besoin de son aide. La vérité ne fut
découverte que lorsque ses patients se mirent à mourir en trop grand
nombre. Sans quoi il aurait continué. Ses actes criminels ne l’affectaient pas
le moins du monde. En fait, il en était presque blasé.
Par nécessité, donc, le prédateur vit dans le mensonge calculé. Alors que
nous utilisons les mots pour communiquer, il les utilise, lui, pour manipuler,
contraindre, embobiner. Il maîtrise les formules des civilités, de la
persuasion, de la séduction, de la tentation et des excuses comme un artisan
maîtrise ses outils ou un musicien ses partitions. Ses promesses de ne
jamais recommencer à tromper, voler ou brutaliser sont creuses. Sa parole
est sans valeur, et pourtant beaucoup d’entre nous, même des professionnels
comme les juges et les forces de police, se laissent berner au nom d’une
convention sociale qui veut qu’on lui donne une chance supplémentaire.
C’est l’une des raisons qui expliquent le niveau si élevé des récidives: les
prédateurs mentent pour sortir de prison en promettant de se ranger, avant
de recommencer à commettre leurs méfaits.
Jack Henry Abbott, en prison pour usage de faux et pour avoir poignardé
à mort l’un de ses codétenus, est devenu la coqueluche de l’élite
intellectuelle après la parution de Dans le ventre de la bête, où il a décrit ses
séjours en prison. Il a persuadé Norman Mailer de plaider pour sa libération
anticipée. Le comité de probation, convaincu par la plaidoirie du célèbre
écrivain, a donné son accord. Six semaines plus tard, dans un café, Abbott a
poignardé à mort un homme qui l’avait «observé» trop longtemps. Ceux qui
avaient réclamé sa libération anticipée se sont étonnés de voir qu’une
personne qui maîtrisait si bien les mots était capable aussi de tuer. Ils
n’auraient pas dû.
Couplés à des gestes de bonté, les mots peuvent être séducteurs. Jerry
Sandusky utilisait ce cocktail, et un sourire permanent, pour piéger ses
victimes. Mais quand il enfonçait son pénis dans l’anus d’un enfant (oui,
telle est la réalité des actes commis sur ses victimes par cet entraîneur
vénéré), il montrait une insensibilité dédaigneuse à l’égard de la dignité de
celui-ci.
Les prédateurs connaissent aussi les paroles qui intimident. Il suffisait
d’un mot à des bandits fameux comme John Gotti ou James «Withey»
Bulger pour convaincre les gens de se soumettre à leur racket, sous peine de
mort. Du temps où j’étais au FBI, j’ai interrogé un membre de cette mafia;
une petite «conversation» avec les commerçants suffisait pour les
convaincre de payer pour être «protégés», dit-il, sans quoi, sait-on jamais, il
pouvait arriver que leur coûteuse vitrine soit brisée dans la nuit… Ces
petites conversations n’alimentent pas seulement les scénarios de la série
télé The Sopranos, elles font fonctionner une industrie du racket très
prospère.
Jusque dans le couloir de la mort, Ted Bundy a manipulé les enquêteurs
en refusant de révéler les noms de toutes ses victimes. Quelques heures
avant son exécution, il a livré un nouveau nom pour obtenir une
commutation de peine (qui ne fut pas accordée: il avait trop tiré sur la corde
du système judiciaire). La victime ainsi désignée était Sue Curtis, la jeune
femme que j’ai citée dans mon introduction, enlevée sur le campus de
Brigham Young University, cette nuit tragique où je me trouvais de service.
Le tueur en série Clifford Robert Olson junior a manœuvré le
gouvernement canadien au point d’obtenir 10 000 dollars pour chaque
victime dont il livrait le nom et le lieu où il l’avait enterrée. En échange de
sa coopération, 100 000 dollars ont été versés à sa femme. Il a été assez
généreux pour révéler gratuitement le nom de sa onzième victime. Un vrai
gentleman.
Le maréchal Hermann Göring, numéro deux dans la hiérarchie du parti
nazi, a été l’un des prédateurs les plus célèbres de l’histoire. Il a participé à
la création de la Gestapo et, quand il n’était pas occupé à bombarder
Londres, il volait des œuvres d’art et autres biens à des Juifs envoyés à la
mort. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il était
prisonnier des Alliés et attendait d’être jugé pour crimes de guerre par le
tribunal de Nuremberg, il manipula à de nombreuses reprises les
Américains qui l’avaient capturé. En échange de faveurs, il signait des
autographes ou se laissait prendre en photo. Il alla même jusqu’à obtenir de
l’un de ses geôliers américains une ampoule de poison retirée de ses
bagages, avec laquelle il se suiciderait avant d’être exécuté par pendaison,
refusant ainsi la justice au tribunal et à ses millions de victimes.
Mais il y a pire que tirer les ficelles ou manipuler les autres. Le sentiment
divin de tenir autrui en sa puissance tourne la tête à bien des prédateurs. Ted
Bundy a dit qu’il se sentait tout-puissant puisque détenteur d’un droit de vie
et de mort sur ses semblables. Israel Keyes, qui avait caché à travers les
États-Unis des «kits pour assassinat» contenant armes et fournitures
destinées à faciliter ses crimes, et dont on pense qu’il a pu commettre
jusqu’à 11 assassinats, de l’Alaska au Vermont entre 2001 et 2012, préférait
étrangler ses victimes à mains nues pour observer leur agonie les yeux dans
les yeux, dans le rôle d’arbitre final de leur vie qu’il s’était arrogé.
Mais le meilleur exemple de la froideur manifestée par ces individus est
celui de Charles Ng qu’on voit, dans un enregistrement vidéo des années
1980, martyriser l’une des femmes qu’il tuera avec son complice Leonard
Lake dans un donjon bâti par eux en lui disant: «Tu peux pleurer et tout ce
que tu veux, comme les autres, mais ça ne changera rien. Nous sommes
plutôt – ha, ha! – insensibles, pour ainsi dire.»
Beaucoup de pulsions, peu de maîtrise de soi, aucune réflexion
Bien que ces individus aiment exercer un pouvoir sur les autres, eux-mêmes
n’obéissent à aucune morale, aucune éthique; certains d’entre eux, impulsifs
et aventureux, aiment prendre des risques. Tel était le cas de Clyde Chestnut
Barrow, le Clyde de Bonnie and Clyde: dans sa quête incessante d’émotions
fortes, il devint pilleur de banques et assassin. De nombreux auteurs de vols
à main armée et de vols à l’étalage en série manifestent ainsi un manque de
maîtrise de soi, tout comme les auteurs d’agressions. L’excitation du geste
associée à une récompense matérielle appréciable, voilà la définition même
d’une bonne affaire pour le prédateur.
La vie de beaucoup de prédateurs semble dominée par le besoin de
satisfaire leurs pulsions, même quand ils doivent pour cela se mettre en
danger ou faire courir des risques à d’autres. Ainsi, Nushawn Williams a été
condamné pour avoir sciemment et intentionnellement transmis le virus du
sida à au moins 13 femmes. Criminel d’habitude, également accusé de viol,
selon les tribunaux, il a délibérément mis en danger la vie des autres tout
aussi sûrement que s’il avait joué à la roulette russe en leur braquant un
revolver sur la tempe. De même, Anthony E. Withfield, selon son propre
avocat, était «une “bête de sexe” accro à la métamphétamine qui allait
d’une femme à l’autre en quête d’un logement, d’argent et de parties de
jambes en l’air». Avant d’être pris, il a transmis le VIH à 17 femmes, sans
excuse ni remords – apparemment hors de toute maîtrise.
Comme les narcissiques, les prédateurs peuvent réagir très vivement à la
plus petite provocation, au moindre mot pris pour une insulte. Souvent, ils
sont totalement dépourvus d’inhibition ou de sang-froid. En prison, ils
éviteront même de se dévisager mutuellement, car ils savent très bien qu’un
regard soutenu dans un couloir suffit à déclencher une altercation ou une
riposte mortelle.
Cette évocation rappelle le personnage mémorable de Tommy DeVito
joué par Joe Pesci dans Les affranchis – fantasque, hypersensible aux
affronts, rancunier et dépourvu de conscience. Vous croyez qu’on ne voit ça
qu’au cinéma? Non, de telles personnes existent vraiment. Richard Leonard
«The Iceman» Kuklinski avait mauvais caractère et ne faisait pas de
quartier si on l’insultait. C’est pourquoi la pègre l’avait embauché comme
tueur à gages. Après son arrestation, il dit ne pas se rappeler le nombre
exact de personnes tuées par lui, 200 peut-être. Il tuait d’abord et posait des
questions après. Ce que font les prédateurs dans la vie réelle est souvent
pire que ce qu’en montre le cinéma. En l’occurrence, le personnage de
Tommy DeVito était bien au-dessous de Kuklinski.
Les prédateurs abusent souvent de l’alcool et de substances illicites, ce
qui tend à les rendre plus instables, moins inhibés et plus dangereux. Il leur
arrive aussi de consommer intentionnellement de l’alcool et des drogues
pour réduire leurs inhibitions ou séduire autrui. Quand j’étais au FBI, j’ai
étudié de nombreux cas de beaux-pères ou même de pères qui faisaient
consommer de l’alcool ou de la drogue à de très jeunes filles, y compris
leurs propres filles, afin de les violer. Ainsi, John Wayne Gacy faisait boire
ses victimes pour les rendre plus malléables, surtout au moment de les
violer puis de les tuer avec sadisme.
Même si les prédateurs sont souvent mus par des pulsions ou disent ne
pouvoir se retenir, leurs actes sont inexcusables. S’ils font le moindre retour
sur eux-mêmes, c’est pour améliorer leurs méthodes de prédation. Ne
comptez pas sur eux pour pratiquer l’introspection afin de devenir
meilleurs. Ils ne le feront pas.
Des mots pour décrire le prédateur
Une fois encore, voici, sans la moindre censure, quelques-uns des termes utilisés par les victimes.
Vous noterez sans doute à quel point ils ressemblent à ceux qui décrivent la personnalité
narcissique (voir le chapitre 1) et, pourtant, combien le prédateur se distingue foncièrement de
toutes les autres personnalités:
abusif, affranchi, amateur de sensations fortes, amoral, animal, anormal, antipathique, arnaqueur,
arrogant, asocial, attirant, autoritaire, avare, bandit, barbare, bestial, bizarre, boutefeu, brut,
brutal, calculateur, cambrioleur, capricieux, changeant, charismatique, charmant, clair,
condescendant, corrompu, corrupteur, creux, criminel, cruel, dangereux, débrouillard,
déconcertant, dégénéré, dégoûtant, dégradant, délétère, délictueux, délinquant, déloyal, dépravé,
dérangé, désinvolte, désorienté, destructeur, diabolique, discordant, dominant, douteux, dur à
cuire, effrayant, égocentrique, égoïste, électrisant, endurci, envoûtant, épineux, équivoque,
escroc, exploiteur, fallacieux, farouche, faussaire, féroce, filou, fou, fourbe, fraudeur, froid,
fuyant, gangster, gigolo, grandiose, grossier, horrible, hostile, hypocrite, immoral, impassible,
impitoyable, implacable, imposteur, impulsif, incompatible, inconstant, incorrigible, incrédule,
indécent, indifférent, indigne de confiance, inexpressif, infernal, infidèle, inhumain, innocent,
insatiable, insensible, insignifiant, instable, intense, intéressant, intimidant, irréfléchi,
irresponsable, irritable, irritant, joueur, kleptomane, lisse, louche, louvoyant, lubrique,
machiavélique, maléfique, malhonnête, malin, malveillant, manipulateur, mauvais garçon,
méchant, menteur, méprisant, merdeux, mesquin, monstre, mortifiant, motard, mystificateur,
narcissique, nomade, notoire, nuisible, offensif, ordurier, parasite, pédophile, perfide,
perturbateur, pervers, peu fiable, peu scrupuleux, pointilleux, possessif, prédateur, pressé,
proxénète, querelleur, rapide, retors, ruineux, rusé, rustre, sadique, salaud, sangsue, sans cœur,
sans tact, sarcastique, sauvage, séducteur, séduisant, spirituel, superficiel, téméraire, tordu,
toxique, tricheur, trompeur, troublant, tueur, tyran, tyrannique, vandale, vaurien, veuve noire, vil,
vindicatif, violent, violeur, voleur, vulgaire
L’effet que le prédateur produit sur vous
Comptez sur les prédateurs pour bouleverser votre existence et ravager vos
rêves ou vos aspirations: ils pensent d’abord à eux-mêmes et n’aiment pas
qu’on se mette en travers de leur chemin. Peut-être les trouverez-vous au
premier abord intelligents, charmants et intéressants, mais quand vous
découvrirez ce qu’ils ont fait – ou quand ils s’en prendront à vous, ce qui
peut arriver à tout moment –, l’effarement et la douleur seront
indescriptibles.
Vous les trouverez épuisants, car vous devrez toujours rester sur vos
gardes, cacher ce à quoi vous tenez, essayer de ne pas les contrarier ou
lutter pour survivre. Ils peuvent vous tourmenter ou vous épuiser – la
décision leur appartient. Vous vous souvenez du père de Julian?
Eleanor, une femme charmante que j’apercevais de temps en temps à des
conférences sur le profilage de délinquants, s’était méfiée de son fils
pendant des années, pour rien. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles,
elle m’a dit que son «bon à rien de fils» quadragénaire avait pris tout son
argent. Elle s’était épuisée en tentant, disait-elle, d’avoir toujours «un pas
d’avance sur ce garçon». Ce prédateur qu’elle avait protégé et nourri avec
bonté l’avait ruinée. À 60 ans, cette infirmière proche de la retraite devait
occuper deux emplois à la fois pour faire face à ses obligations financières –
et elle n’éprouvait plus ni affection ni espoir pour son fils.
Certains prédateurs convaincront leur famille ou leurs amis de se porter
garants pour un prêt ou d’engloutir leurs économies dans un placement sans
avenir ni perspectives. Ils se moquent des dommages qu’ils causent ou de
l’argent que vous pourriez perdre, tant que ce n’est pas le leur. Demandez à
des prêteurs de caution combien de cas ils connaissent où un délinquant
d’habitude a fait défaut sur un prêt, laissant appauvrie sa famille à laquelle
il avait fait souscrire pour sa libération des centaines ou des milliers de
dollars de caution, ou qu’il avait même poussée à hypothéquer son
logement. C’est consternant.
Ces individus dangereux n’hésitent pas à vous mettre en danger par leur
comportement. Ils sont du genre à vous emprunter votre voiture pour aller
dévaliser une banque ou à vous prier de les conduire chez un ami avec une
valise bourrée de drogue. À vous demander de mentir et de les couvrir au
travail pour cacher leurs activités délinquantes. Ou de leur fournir un alibi.
Soudain, vous vous trouverez en infraction parce qu’ils vous auront prié de
leur faire une faveur, de mentir sur leur compte ou de prendre part à un acte
illégal.
Attendez-vous à éprouver un malaise devant leur regard intrusif, leurs
questions ou leur présence importunes. Ils déconcertent en devenant trop
vite trop amicaux, puis s’incrustent avec trop de familiarité. Dans The
Talented Mr. Ripley, Matt Damon joue le rôle d’un prédateur qui s’accroche
aux basques de ses victimes jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il désire. De la
même manière, les prédateurs ont des exigences qu’on ne souhaite pas
vraiment satisfaire, ou bien ils recherchent une intimité ou empiètent sur
notre vie privée sans se préoccuper de nos souhaits ou de nos besoins. Ce
n’est pas un hasard, c’est délibéré.
Devant certains prédateurs, vous aurez peut-être une vraie réaction
physique. Il se peut que vous vous mettiez à trembler ou que vos cheveux se
hérissent, comme cela m’est arrivé. Un chercheur et écrivain connu, J. Reid
Meloy, Ph.D., a découvert que même les professionnels formés éprouvaient
une réaction viscérale devant les prédateurs. Dans son livreLa peur qui vous
sauve, Gavin de Becker décrit comment ces individus toxiques nous
touchent à un niveau très primitif (limbique) – une sorte de système
d’alarme subconscient issu de l’évolution qui nous avertit d’un danger.
Hélas, la société nous apprend à le désactiver et à présupposer que tout le
monde est bon et aimable. Tandis que vous vous efforcez de faire confiance
aux prédateurs, eux s’efforcent de découvrir toutes vos faiblesses
exploitables pour mieux profiter de vous. Ils vous déroberont votre
bienveillance, votre vertu ou votre générosité comme si elles leur
appartenaient.
Quant à la réciprocité, ils l’accordent où et quand cela leur chante, ou pas
du tout. En 2013, la famille de Michael Chadd Boysen attendait
impatiemment qu’il soit libéré après avoir purgé une peine de prison pour
cambriolage. Ses grands-parents lui avaient préparé une chambre, ils sont
allés le chercher à sa sortie de prison, l’ont emmené se procurer une
nouvelle carte d’identité et l’ont même accompagné à son premier rendez-
vous avec son agent de probation, uniquement pour s’assurer que tout allait
bien. Un peu plus tard le même jour, Boysen les a tués. Ainsi ont-ils été
récompensés de leur affection.
Quand nous aidons ces individus, quand nous leur donnons quelque
chose ou que nous les accompagnons, nous leur permettons de profiter
encore plus de nous ou des autres, nous les y incitons. Penser qu’ils vont
changer ou que «cette fois ce sera différent» revient à espérer qu’un serpent
sera moins un reptile parce que vous l’aurez nourri et caressé dans le sens
des écailles. N’attendez pas de bonté de la part de ceux qui ne peuvent en
donner. Ils peuvent fournir de la gentillesse quand ils le veulent pour obtenir
ce qu’ils veulent. La gentillesse, cependant, peut aveugler des parents au
point de laisser leur progéniture en compagnie d’un bourreau d’enfants en
série comme Jerry Sandusky.
Une fois qu’ils en auront fini avec vous, non seulement vous vous
sentirez violé ou trompé, mais du fait de leur profonde traîtrise, vous
hésiterez à faire confiance à votre prochain. Le passage entre les mains d’un
prédateur déclenche souvent un syndrome de stress post-traumatique.
Savoir que vous avez été utilisé est profondément blessant. J’ai parlé à des
victimes qui, des années plus tard, demeuraient perturbées, traumatisées et
méfiantes. Certaines d’entre elles suivent encore une thérapie, d’autres
prennent des médicaments. Je connais des parents qui ont dû solliciter un
traitement médical contre l’anxiété parce que leur fille s’était enfuie avec un
prédateur notoire ou l’épousait.
Comme je l’ai dit, les prédateurs laissent derrière eux un vaste champ de
souffrances humaines. Le type et le moment précis ne dépendent que d’eux.
Si vous vous liez à un prédateur, vous prenez un gros risque pour votre
sécurité et celle des êtres qui vous sont chers. Vous risquez d’exposer les
autres à un danger inutile simplement en ouvrant la voie au prédateur. De
grâce, ne prenez pas ce risque.
Le prédateur dans l’intimité
Il n’y a pas d’égalité dans une relation avec un prédateur. Ces individus s’en
prennent aux gens confiants et à ceux qui s’occupent d’eux ou fonctionnent
en parasites, se nourrissant sur leur hôte. Ils espèrent bien que vous
subviendrez à tous leurs besoins – mais n’attendez pas d’eux qu’ils trouvent
un emploi ou qu’ils aident aux tâches ménagères. Ils ont toujours une bonne
excuse pour ne pas trouver de travail: on ne les apprécie pas à leur juste
valeur, le poste n’est pas assez bien pour eux, le patron est nul, les horaires
sont trop lourds, etc. Ils vous pomperont jusqu’à ce que vous n’ayez plus
rien à donner ou qu’ils se lassent de vous. Puis ils passeront à une autre
personne ou une autre situation exploitable.
Elizabeth, rencontrée au cours d’une formation comportementale que
j’animais, est une professionnelle accomplie et intelligente qui a eu la
malchance d’épouser un prédateur parasitique. Très athlétique, il paraissait
bien, gentil, et était toujours prêt à partager une bière, mais il ne faisait rien.
Elle tenta la recherche d’emploi, le conseil conjugal, le conseil
professionnel et diffusa même son curriculum vitae. Elle raconte qu’il
passait toutes ses journées à la maison à regarder du porno pendant qu’elle
travaillait. Ces trois années en sa compagnie lui coûtèrent près de
40 000 dollars, car elle payait tout: vêtements, bijoux, vacances, clubs de
golf, déplacements, ordinateurs, appareils photo, etc. Quand enfin elle en a
eu assez et lui a demandé de s’en aller, contre toute vraisemblance, il a
réclamé une partie de sa pension de retraite alors qu’ils n’avaient été mariés
que pendant trois ans. Voilà bien notre prédateur parasite: réclamer toujours
davantage.
Le prédateur en couple peut être fatal. Sur toutes ses photos, Laci
Peterson semble heureuse et dynamique, mais en 2002, alors qu’elle était
enceinte, son mari, Scott Lee Peterson, voyait d’autres femmes en secret.
Un soir de Noël, comme l’a prouvé le procureur lors de son procès, Scott
Peterson éventra Laci, la tuant ainsi que son fœtus de près de huit mois. En
prédateur, il s’était dit qu’il était temps qu’elle s’en aille.
En 2003, Stacy Ann Cales épousa Drew Peterson (aucun rapport avec
Scott Peterson) peu après qu’il eut divorcé de sa troisième femme, Kathleen
Savio. Un an plus tard, cette dernière était trouvée morte dans une baignoire
vide. On conclut initialement à un «accident». Stacy fut l’une des premières
à défendre son mari quand on commença à le soupçonner du meurtre de son
ancienne épouse. Sa fidélité et son loyalisme étaient mal placés, car elle
avait épousé un prédateur pour qui la vie ne valait pas grand-chose. Quatre
ans plus tard, Stacy elle-même disparut, au désespoir de sa famille qui,
assez logiquement, redoutait Drew Peterson. Après sa disparition, sur
l’insistance des deux familles, la police rouvrit l’enquête sur la mort de
Kathleen Savio et détermina qu’elle n’était pas accidentelle. La chance de
Drew Peterson avait tourné. En 2013, il a été condamné à trente-huit ans de
prison pour l’assassinat de Kathleen Savio. Hélas, on n’a jamais retrouvé le
corps de Stacy; sa famille n’a pu ni obtenir justice ni tourner la page.
Telle est la dure réalité de ceux qui épousent un prédateur ou partagent sa
vie. Chaque jour, en moyenne, trois femmes meurent entre les mains d’un
«prédateur intime». Ce type d’homicide représente 30 % des meurtres de
femmes et 5 % des meurtres d’hommes, selon le service statistique de la
justice américaine. Ces chiffres sont consternants, et il existe souvent des
signes avant-coureurs de danger, à condition d’y faire attention et de savoir
ce qu’on recherche.
Les précédentes épouses de Drew Peterson ont raconté combien il avait
été brutal et insensible avec elles – indices probables de ce qui allait se
produire. Passez à côté de ces signes ou agissez trop tardivement et vous-
même ou vos proches risquez de le payer au prix fort. Le temps presse.
Demain, d’après la statistique qu’on vient de citer, trois femmes de plus
auront perdu la vie.
Même s’il a belle allure sur le papier, un prédateur reste un prédateur.
Colette Stevenson avait épousé un médecin diplômé de Princeton, officier
de l’armée américaine et ancien membre des forces spéciales. Mais en
1970, quand cet homme, Jeffrey Robert MacDonald, fut las d’elle et de
leurs enfants, il les élimina en imputant le massacre à des hippies
toxicomanes. Ni les enquêteurs ni les jurés n’avalèrent son histoire. La
scène du crime avait été «maquillée» pour évoquer une violation de
domicile et ses propres blessures étaient toutes superficielles. Jeffrey
MacDonald est toujours derrière les barreaux. Aussi froid qu’un glaçon, il
continue à se dire innocent et cherche à obtenir une révision de son procès.
Si vous fréquentez un prédateur, vous vous trouvez en équilibre entre
comportement à risque, violence psychologique et danger pour votre vie. La
situation est toujours précaire. Combien de fois avons-nous eu connaissance
d’une épouse ou d’une petite amie terrifiée au point d’écrire dans son
journal ou de confier à des parents ou amis qu’en cas de décès ou de
disparition, le coupable serait probablement son compagnon? Ces femmes
avaient des prémonitions parce qu’elles voyaient de près le comportement
du prédateur.
Certains prédateurs mènent une double vie. Ils chassent hors de chez eux
et les membres de leur famille n’en savent rien – ou s’ils ont des soupçons,
ils ont trop peur pour poser des questions. Imaginez-vous découvrant que
papa ou maman a payé la maison où vous avez grandi avec de l’argent volé.
Comment aimer un parent qui proclame son affection mais qui s’en est pris
à d’autres, physiquement, émotionnellement ou financièrement? Et si vous
l’aimez, quel en est l’effet sur vous? Ce ne sont là que quelques-uns des
moyens par lesquels ces individus font du mal à leurs enfants sans lever le
petit doigt sur eux.
Ne croyez surtout pas que les prédateurs sont toujours à la disposition de
leurs enfants. Prévoyez qu’ils seront absents ou distants, brutaux parfois, ou
qu’ils exposeront leur progéniture au ridicule, au mal, au danger, à la
délinquance et au risque d’incarcération.
Les pires situations sont celles où le prédateur implique toute sa famille
dans ses activités criminelles. Les journaux sont pleins d’histoires de maris
qui ont utilisé leur épouse pour commettre un crime. Brian David Mitchell
et sa femme, Wanda Barzee, ont enlevé Elizabeth Stuart dans l’Utah en
2002 et l’ont retenue pendant neuf mois. Jayce Lee Dugard a été enlevée à
l’âge de 11 ans et retenue captive pendant dix-huit ans en Californie par un
détraqué sexuel, Phillip Craig Garrido, aidé de sa femme, Nancy. Respirez
un bon coup et lisez son livre, On m’a volé ma vie, où elle raconte son
calvaire. Il devrait vous arracher des larmes. C’est l’histoire de la
rédemption remarquable d’un être humain victime d’une prédation.
On dit souvent que les prédateurs apprennent à leurs enfants à voler,
tricher, mentir, éluder leurs responsabilités, se battre et piétiner les règles de
la société. Certains de ceux que j’ai étudiés ou rencontrés punissaient leurs
enfants, non pour avoir commis des délits, mais pour s’être fait prendre.
John Walker, spécialiste des communications dans la marine des États-Unis,
a espionné pour les Russes pendant des décennies. Non seulement il a mis
son pays en danger en livrant des secrets de chiffrage, mais il a enrôlé
comme complice son fils, Michael Walker. John Walker a été condamné à la
prison à vie pour espionnage, Michael, à vingt-cinq ans de prison. De
même, le parrain mafieux John Gotti a joué un vilain rôle dans l’éducation
de son fils John A. «junior» en lui apprenant à vivre comme un gangster. Le
gouvernement fédéral ne pouvait évidemment que s’intéresser à lui une fois
son père disparu. En 1999 il a ainsi été conduit à plaider coupable de racket
– détournement de prêt, paris illégaux et extorsion de fonds – avec à la clé
une peine de six ans de prison. Entre 2004 (avant sa sortie de prison) et
2009, il a été mis en cause dans quatre autres procès pour racket (finalement
ajournés), supportant stress et frais de justice. Ce n’est pas le genre de vie
que la plupart des gens désirent pour leurs enfants. À moins d’être un
prédateur, bien sûr – auquel cas, ce que vous léguez à votre famille n’a
aucune importance.
Il y a aussi ceux qui s’en prennent à leur propre famille. Qui abusent de
leurs beaux-enfants et de leurs propres enfants. Ou qui persécutent leurs
propres parents, comme les frères Lyle et Erik Menendez, deux tueurs de
sang-froid qui, en 1989, ont assassiné leur père et leur mère à coups de
fusils pendant qu’ils regardaient la télévision chez eux; ils se sont ensuite
lancés dans une frénésie d’achats et de festivités jusqu’à leur arrestation.
Ces tueurs avaient été gâtés (école, argent, vêtements, automobiles, leçons
de tennis). Mais les prédateurs ne sont jamais rassasiés.
Il arrive que des prédateurs très subtils commencent par tester les
membres de leur famille pour apprécier leur réaction. Carla, originaire de
Miami, m’a raconté comment son second mari avait commencé à montrer
trop d’intérêt pour sa fille de 14 ans presque aussitôt après leur mariage. Le
temps passant, elle a remarqué que les contacts entre eux devenaient de plus
en plus fréquents; ils multipliaient les chatouilles et les bagarres au sol. Puis
il y a eu des étreintes et des embrassades qui lui semblaient trop prolongées.
En découvrant qu’il avait emmené sa fille chez Victoria’s Secret pour lui
acheter des sous-vêtements à son insu, Carla a commencé à se dire que
quelque chose n’allait pas – surtout quand sa fille lui a dit que ce n’était pas
la première fois.
Les impressions de Carla ont été confirmées quand elle a découvert des
courriels envoyés par son mari à sa fille depuis son bureau. Ce n’étaient pas
d’aimables badinages. Carla a interrogé sa fille. Celle-ci n’avait rien voulu
dire pour ne pas faire d’histoires ou nuire au bonheur de sa mère. En réalité,
le mari avait tenté d’aller au-delà des embrassades; il lui avait mis la main
entre les cuisses en voiture et l’avait touchée d’autres manières,
progressivement plus intimes et plus ignobles.
Carla a questionné son nouveau mari. Bien entendu, il pouvait tout
expliquer: il essayait de s’adapter et d’être comme un père pour sa belle-
fille, il avait touché son entrejambe accidentellement, ou bien cela ne s’était
jamais produit. Rien n’était sa faute. Brutalement, il a fait entrer la fille de
Carla dans la conversation, lui demandant: «N’ai-je pas été gentil avec toi?
Ne t’ai-je pas acheté des choses? S’il te plaît, dis à ta mère que tout cela est
une erreur.» Que pouvait donc faire la jeune fille (qui, d’après Carla,
tremblait comme une feuille)? Et l’homme de conclure: «Tu vois? Tout va
bien.»
Téléphone mobile en main, Carla lui a dit: «Tu as une heure pour faire
tes valises et t’en aller, ou j’appelle la police.» Elle a emmené sa fille au-
dehors et lui a demandé d’attendre chez un voisin.
Il a tenté de parlementer. Elle a montré l’horloge. Carla m’a dit qu’à cet
instant, les poils de son cou étaient hérissés et qu’elle frissonnait en pensant
à tout le temps qu’il avait passé seul avec sa fille et à ces messages qu’elle
avait lus. Mais ce qui la blessait vraiment, c’était ses tentatives pour la
tourner en dérision et lui faire croire que tout se passait dans sa tête –
tactique courante chez les prédateurs. À ce moment, elle a su qu’elle était
en présence de l’un d’eux. Et cela n’a fait qu’accroître sa colère car, disait-
elle: «Il était là à essayer de m’emberlificoter encore pour que je ferme les
yeux.»
Les beaux-enfants sont souvent la cible d’abus sexuels. J’admire Carla:
elle a fait ce qu’il fallait faire, et sans tarder. Mais à quel prix (temps,
argent, dépositions devant le tribunal, formalités de divorce, frais d’avocat,
etc.)… La perte de confiance lui a provoqué des cauchemars et sa fille a
souffert de troubles psychologiques, perturbée par la pensée que sa mère
avait fait entrer un personnage dangereux dans leur foyer. Des années plus
tard, tous les protagonistes de l’affaire en souffraient encore. Tel est le
champ de ruines que le prédateur laisse derrière lui.
Heureusement, Carla a pris le dessus. Bien d’autres femmes n’y
parviennent pas. Certaines sont incapables de prendre la tangente ou de
discerner à temps les signaux d’alarme. Et dans certains cas, la victime est
trop jeune, trop démunie ou trop confiante pour s’échapper. Tous les enfants
de Marybeth Tinning (neuf au total) sont morts durant la période où elle en
a eu la garde – l’administration n’a hélas pu prouver que le meurtre d’un
seul d’entre eux. Diane Downs se disait que ses trois rejetons l’empêchaient
d’attirer un homme qui ne voulait pas d’enfant. En 1984, elle fut
condamnée pour avoir tiré sur eux avec une arme à feu, tuant l’un des trois.
Quelle horreur ces enfants ont dû vivre.
En 1999, à Tampa, à la demande du shérif du comté de Hillsborough, j’ai
participé à une enquête sur Crista Decker, mère de trois enfants. Elle a
raconté aux enquêteurs que son fils de six mois avait été enlevé de sa
voiture pendant qu’elle était partie chercher un chariot de supermarché.
Au cours de mon entretien avec elle, quelques heures seulement après ce
prétendu enlèvement, je lui ai demandé de me parler de ses enfants. Il était
frappant de constater combien elle en parlait différemment. Elle avait des
mots chaleureux à propos de ses deux aînés. Mais elle montrait une certaine
froideur envers son fils disparu. Son récit nous inspirait déjà quelques
doutes, mais ce qui la trahissait était le fait que, alors que quelques heures
seulement s’étaient écoulées depuis la disparition du bébé, elle en parlait au
passé. «C’était un gentil bébé», m’a-t-elle dit. De ses deux enfants, elle
disait: «Ce sont de bons enfants.»
La froideur de son ton et l’utilisation d’un temps passé («c’était») nous
ont laissés penser que l’enfant était déjà mort et qu’elle le savait. Et c’était
bien le cas. Elle a fini par avouer avoir étouffé son bébé (dont le père n’était
pas son mari) dans un sac-poubelle «parce qu’il n’arrêtait pas de pleurer».
Oui, telle est la froideur des prédateurs.
Il y a là-dedans une leçon pour nous tous: un couple, une famille ne sont
jamais sûrs si l’une des personnes en présence est un prédateur.
Le prédateur dans le monde extérieur
Les rencontres avec les prédateurs sont éphémères dans la plupart des cas.
On peut les croiser lors d’une manifestation sportive, dans un bar, au travail,
à un concert, ou leur être présenté par quelqu’un. Ils vont et ils viennent;
après tout, on n’a pas forcément sa place dans leur emploi du temps. Il
arrive cependant d’en rencontrer parce qu’on est leur cible, ou à cause de
son métier ou de sa situation. Il convient alors d’être particulièrement
vigilant.
Il y a des auteurs de détournements d’argent, des voleurs de banque, des
pickpockets, des voleurs de voitures et bien d’autres encore. Mais si les
États-Unis ont adopté des textes comme la loi Adam Walsh sur la protection
et la sécurité des enfants, la loi Megan[4] et la loi Jessica[5], entre autres,
c’est pour une bonne raison: beaucoup de prédateurs s’attaquent aux
mineurs. Certains passent une partie de leur vie en prison. Dès qu’ils en
sortent, ils frappent à nouveau. D’autres agissent pendant des décennies
sans être repérés: vous vous souvenez du scandale des prêtres catholiques
pédophiles?
Nous avons de la chance d’avoir ces lois, elles sont utiles. Mais malgré
elles, il reste des gens comme Jerry Sandusky, qui s’en prennent aux
enfants. La prédation sexuelle sera toujours un problème considérable pour
la société. Après tout, qui en Angleterre aurait imaginé Jimmy Savile,
personnalité célèbre de la BBC, animateur d’une émission pour les jeunes,
en train de violer des enfants? Or il l’a fait pendant des dizaines d’années;
et pourtant, toutes les accusations ont été écartées en raison de son rang
social et de sa popularité. Vérité axiomatique: il n’est jamais bon pour les
enfants de côtoyer des prédateurs, quels qu’ils soient.
Les femmes aussi sont souvent la cible de prédateurs. Dans les années
1960, Albert Henry DeSalvo, alias l’Étrangleur de Boston, parcourait la
ville à la recherche d’aubaines. Il s’introduisait au domicile des femmes
sous une multitude de prétextes (il représentait une agence de mannequins,
sa voiture était tombée en panne, il avait besoin de téléphoner, etc.). Les
femmes le rencontraient chez elles, où elles se sentaient en sécurité – mais,
comme je l’ai dit, on n’est jamais en sécurité à côté d’un prédateur.
On peut parfois pénétrer sans l’avoir voulu sur le terrain de chasse
familier d’un prédateur, où il pourra plus aisément poursuivre son dessein.
Natalee Holloway était allée en vacances avec ses copains de lycée à Aruba
en 2005. Elle a disparu quelques heures après avoir rencontré Joran van der
Sloot et a très probablement été tuée peu après; son corps n’a jamais été
retrouvé.
À première vue, van der Sloot était un bel homme charmant et amusant.
Hélas, Natalee n’a pas eu assez de temps pour découvrir à quel point le
personnage était abominable. Cinq ans après la disparition de Natalee, van
der Sloot enleva et assassina Stephany Tatiana Flores Ramírez, qu’il avait
rencontrée au Pérou en jouant aux cartes dans un casino. Pourquoi faire
cela, demandez-vous? C’est le genre de question que se posent les parents
d’un enfant disparu. Hélas, les prédateurs n’ont pas vraiment une raison
d’agir, c’est simplement qu’ils en ont l’occasion.
Il suffit parfois de vivre à proximité d’un prédateur. La semaine même où
j’ai commencé à rédiger ce chapitre, en mai 2013, Ariel Castro a été arrêté à
Cleveland. Il avait enlevé trois jeunes filles et les avait gardées en otages
pendant dix ans, faisant au moins un enfant à l’une d’entre elles. Ces jeunes
filles avaient eu la malchance d’habiter le même quartier que ce prédateur
ignoble, qui s’est plus tard pendu dans sa cellule plutôt que d’affronter ses
juges. Castro a échappé à la justice en se suicidant avant son procès.
Il y a ensuite des prédateurs sectoriels, qui adaptent leur prédation à leur
activité ou à leur lieu de travail. Charles Cullen, par exemple, était infirmier
de nuit; il a avoué avoir tué au moins 40 malades, mais il se peut que ce soit
beaucoup plus. Il a commis ses pires méfaits au travail et nulle part ailleurs.
Dans les années 1980, Clyde Lee Conrad a lui aussi adapté ses activités à
son environnement. Sergent de l’US Army, stationné en Allemagne, il
détournait des fournitures militaires quand il le pouvait, revendait du
carburant et des rations de cigarettes au marché noir, et si ce n’était pas
assez, il volait des secrets militaires pour les vendre aux pays soviétiques du
pacte de Varsovie. Sa trahison a mis en danger des dizaines de milliers de
soldats et des millions de civils en Europe – tout cela pour de l’argent.
Certains prédateurs sont des piliers de leur collectivité – anciens
combattants, fidèles des églises, bénévoles, chefs scouts, entraîneurs,
fonctionnaires. Rita Crundwell, contrôleur financier de Dixon, dans
l’Illinois, était aussi connue pour sa passion: l’élevage de chevaux de
course. Elle a détourné 53 millions de dollars en vingt-deux ans de carrière.
Dennis Rader, le «tueur BTK», était responsable d’une église et
fonctionnaire communal modèle; il exploitait sa connaissance de la ville et
la mobilité que lui valait son emploi pour repérer ses victimes.
Puis viennent les prédateurs en entreprise, qu’on rencontre dans les
grandes institutions aussi bien que dans les TPE (Travaux pratiques
encadrés). On dit parfois que le climat des affaires contemporain, en
particulier le coupe-gorge aux enjeux énormes qu’est le monde de la
finance, attire et récompense les comportements de prédation. Ces individus
peuvent être charismatiques et intéressants, mais peuvent aussi mettre leur
entreprise en danger à cause de leur comportement impulsif et offensif. On
l’a bien vu avec Kenneth Lay et Jeffrey Skilling chez Enron. Ils ont été
poursuivis pour fraude et la faillite de l’entreprise en 2001 a été la plus
importante de son époque. Bien des gens y ont perdu soit leur gagne-pain
soit leurs économies. Le cas d’Enron rappelle que la prédation intervient
souvent aux échelons supérieurs du monde des entreprises, si des individus
sans moralité sont aux commandes. La crise de 2008 a été causée en partie
par des prédateurs qui, dans les milieux financiers, ont mis au point des
formules de prêts à risque, puis les ont garanties avec des contrats de
couverture alors qu’ils les savaient très instables, sinon toxiques.
Être dur et ambitieux en affaires est une chose; commettre des actes
illicites et des fraudes délibérées en est une autre. Les entreprises
découvrent qu’il est périlleux, pour elles-mêmes, pour leurs investisseurs et
pour leur personnel, d’employer un prédateur. Il peut accomplir des actes
risqués ou s’avérer perturbateur, déstabilisant ou dangereux pour leur
activité.
Travailler avec un prédateur est déjà assez redoutable, mais vivre sous sa
coupe peut être horrible s’il dirige un gouvernement. Interrogez donc ceux
qui ont connu Adolf Hitler, Pol Pot ou Joseph Staline. Radovan Karadzic,
parfois surnommé le «Boucher de la Bosnie», ne valait pas mieux, à en
croire ses victimes. Ni le président irakien Saddam Hussein, qui utilisait la
torture et les gaz contre sa propre minorité kurde.
Alors que je rédige ce chapitre, la Syrie fait l’actualité. Bachar Hafez el-
Assad, pas exactement ce qu’on pourrait appeler un ami des droits de
l’Homme, envoie l’armée contre ses concitoyens et emploie des gaz
toxiques; les réfugiés se comptent par millions, les morts par dizaines de
milliers.
Les dirigeants prédateurs ont une seule mission: garder le pouvoir par
n’importe quel moyen. Pour eux, la souffrance et la mort n’ont pas
d’importance. Une maxime attribuée à Joseph Staline le dit bien: «Tuez une
personne et c’est une tragédie nationale, tuez un million de gens et c’est une
statistique.» Oui, ils sont froids à ce point.
Ce chapitre aura démontré, je l’espère, que les rencontres avec les
prédateurs sont toujours dangereuses. Parfois, on croise leur chemin pour
s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il arrive aussi qu’on
les ait pour patron ou pour voisin. Néanmoins, il reste possible d’œuvrer à
sa propre sécurité quand on sait comment ces gens agissent. On peut alors
observer les comportements qui révèlent une personne toxique,
dramatiquement irresponsable, complètement égocentrique,
dangereusement intrusive ou même présentant une menace mortelle. Cette
responsabilité nous incombe vis-à-vis de nous-mêmes et de ceux qui nous
sont chers.
Votre liste de contrôle pour reconnaître les prédateurs
Les signaux d’alarme qui révèlent le prédateur
Comme je l’ai indiqué dans l’introduction, j’ai mis au point de nombreuses
listes comportementales durant ma carrière pour m’aider à identifier les
personnalités dangereuses. La liste de la page suivante va vous aider à
déterminer si tel ou tel individu de votre entourage présente les
caractéristiques du prédateur et où il se situe dans son degré de prédation
(calculateur, opportuniste, froid, insensible, dépourvu de conscience ou
carrément dangereux). Cela vous permettra d’évaluer son niveau de
toxicité, de mieux savoir comment vous comporter envers lui et de
déterminer dans quelle mesure il peut constituer une menace pour vous ou
pour autrui.
Cette liste de contrôle, comme les autres figurant dans ce livre, a été
conçue pour être utilisée au quotidien, par vous et moi, c’est-à-dire par des
gens qui ne sont ni des scientifiques ni des professionnels de la santé
mentale. Il ne s’agit pas d’un outil de diagnostic clinique. Son seul but est
d’éduquer, d’informer ou de valider ce que vous avez vu ou vécu.
Lisez attentivement chacune des 150 phrases de la liste et cochez les
cases qui correspondent à l’attitude ou au comportement de l’individu
auquel vous pensez et que vous soupçonnez d’être un prédateur. Soyez
honnête; pensez à ce que vous avez entendu de la bouche de cet individu, à
ce que vous l’avez vu faire ou à ce que d’autres vous ont dit de lui. De toute
évidence, la meilleure preuve est ce que vous avez observé vous-même et
ce que vous ressentez en présence de cette personne ou lors de vos contacts
avec elle.
Ne cochez que les phrases pertinentes, celles qui ne font aucun doute
pour vous. Ne faites pas de suppositions et, si vous n’êtes pas sûr, ne cochez
pas la case. Certaines affirmations ont l’air de se répéter ou de se recouvrir
– je l’ai fait délibérément pour saisir toutes les nuances du comportement
prédateur en fonction des descriptions ou des expériences de celles et ceux
qui ont côtoyé ce type de personnes.
Il est très important d’aller jusqu’au bout de la liste telle qu’elle a été
conçue afin d’obtenir une conclusion plus fiable. En effet, toutes les listes
de contrôle de ce livre couvrent des aspects très subtils mais significatifs
qui ne vous seraient peut-être jamais venus à l’esprit. Certaines affirmations
peuvent vous aider à vous remémorer des événements que vous auriez
oubliés. Veuillez lire tous les énoncés, même si vous avez l’impression
d’avoir fait le tour de la question avec les premiers ou que ceux-ci ne vous
semblent pas pertinents.
Le pronom «il» est ici utilisé comme un neutre et peut aussi bien
signifier «elle». En effet, chaque énoncé peut s’appliquer indifféremment à
un homme ou à une femme.
Nous calculerons le résultat quand vous aurez fini, mais pour le moment,
cochez chacune des affirmations qui correspondent au profil de l’individu
en question.
1. Il méprise les droits des autres en abusant d’eux ou en profitant d’eux.
2. C’est un manipulateur, il amène trop souvent les gens à faire des
choses pour lui.
3. Il a été arrêté et jugé par la justice des mineurs ou a eu un casier
judiciaire avant sa majorité.
4. Il est imbu de lui-même et considère qu’il a le droit de faire ce qui lui
plaît, même si cela nuit aux autres.
5. Il affiche fièrement ses violations de la loi ou des règles – il se vante
d’avoir commis des délits ou dupé des gens.
6. Il trompe les gens, il aime mentir ou ment sans nécessité.
7. Il a l’impression que les règles ou les lois sont faites pour les autres et
qu’il n’a pas à leur obéir.
8. De manière répétitive, il viole les lois et enfreint les règles coutumières
ou celles de la bienséance.
9. Il s’aperçoit vite des faiblesses d’autrui et cherche à les exploiter.
10. Il a commis des vols à l’étalage dans le passé, avant et après sa
majorité.
11. Il n’éprouve pas de remords et se montre indifférent aux souffrances
d’autrui.
12. Il ne paie pas ses additions au restaurant ou se vante de ne pas les
payer.
13. Il rejette la responsabilité de ses actes sur la vie, sur les circonstances,
sur ses parents, sur d’autres personnes, voire sur les victimes elles-
mêmes.
14. Il essaie habituellement de dominer les autres – le contrôle et la
domination tiennent une grande place dans sa vie.
15. On le dit «sans cœur», «toxique», «antipathique», «amoral», «sans
scrupules» ou «incorrect».
16. Il a émis à plusieurs reprises des chèques falsifiés ou sans provision.
17. Il prend plaisir à tromper les autres.
18. Il aime provoquer les gens en les heurtant, en les regardant avec
insistance ou en s’adressant à eux.
19. Il a une très grande confiance en lui, mais qui frôle la désinvolture.
20. Il supporte mal les critiques et réagit par la colère, la fureur ou des
menaces de représailles.
21. Il est ou a été considéré comme une brute à l’école ou au travail – il
blesse souvent les sentiments d’autrui.
22. Il sait habilement gagner la confiance des autres en vue de profiter
d’eux.
23. Il exploite sa famille, ses amis, ses collègues et ses proches en leur
demandant de lui donner de l’argent, de mentir pour son compte ou de
lui fournir un alibi.
24. Il a allumé des incendies qui ont mis en danger des gens, des animaux
ou des biens.
25. Il n’hésite pas à faire courir aux autres des risques financiers,
physiques ou juridiques.
26. Il considère que, dans la vie, seuls survivent les plus habiles.
27. Il enfreint aisément la loi; sa fiche de police est réputée très longue.
28. Il est parfois insensible et froid, alors qu’il peut aussi être charmant et
séducteur.
29. Il prétend être médecin, professeur ou exercer tout autre métier
spécialisé.
30. Il a réussi à obtenir de l’argent, des biens ou des objets de valeur en
arnaquant les autres.
31. Il a saboté des vélos, des voitures ou d’autres choses au risque de
causer des blessures à quelqu’un.
32. Il intrigue et s’arrange pour profiter des autres.
33. Il s’est montré cruel avec des animaux, dans son enfance ou à l’âge
adulte.
34. Il est cynique et méprise les autres.
35. Il est hautain et entêté, et il paraît souvent arrogant – certains pensent
qu’il a une haute opinion de lui-même.
36. On a dit à son sujet qu’il était extrêmement sûr de lui et arriviste.
37. Il manque ses rendez-vous, il est peu fiable ou irresponsable et il a
toujours une excuse pour avoir manqué à ses obligations.
38. Par des manœuvres psychologiques, il s’arrange pour dominer les
autres, leur donner un sentiment d’infériorité ou les harceler.
39. Il considère comme très important d’être respecté et d’avoir du
pouvoir, et vous le fait savoir.
40. Il a usé de la force ou de l’intimidation pour obtenir des relations
sexuelles.
41. Il vous met en valeur, puis vous rabaisse à la minute suivante avec
indifférence, mépris et insensibilité.
42. Il se donne de l’importance, à lui et à ses capacités, tout en dévaluant
facilement les autres.
43. En tant que dirigeant ou cadre, il considère les salariés comme des
larbins ou des rats de laboratoire, et non comme des égaux.
44. Il a vécu ou vit au jour le jour en commettant des vols ou autres délits.
45. Il incite les autres à commettre des actes dangereux ou d’une légalité
douteuse.
46. Pour en tirer un gain personnel, il cherche à dominer votre espace,
votre temps, votre corps, votre esprit ou ce à quoi vous tenez.
47. Il a détruit des biens appartenant à autrui pour s’amuser ou pour «se
venger d’eux».
48. On dirait que des problèmes surgissent partout où il passe, on le
présente souvent comme un «faiseur d’embrouilles».
49. Il montre peu de considération ou de respect pour les biens des autres
ou les institutions.
50. Il lui est arrivé d’intimider autrui pour avoir gain de cause.
51. Il se plaint souvent de s’ennuyer ou de manquer de motivation.
52. Il a souvent fugué dans son enfance.
53. Il nourrit des rancunes qui motivent un comportement mesquin.
54. S’il tente d’exprimer des remords, il paraît hypocrite ou contraint.
55. Dans son enfance, il a été plusieurs fois exclu temporairement de
l’école pour s’être battu.
56. Il réserve sa fidélité et son attention principalement à lui-même.
57. Il ne parvient pas à assumer la responsabilité de ses actes, il tend à
rejeter les reproches sur d’autres.
58. Il est considéré comme «doux», «malin», «charmeur» ou «trop bien
pour être vrai».
59. Enfant, il désobéissait souvent à ses parents, tardait à rentrer chez lui le
soir, n’en faisait qu’à sa tête.
60. Il utilise les autres de manière parasitaire pour obtenir logement,
nourriture, argent ou sexe.
61. Il prétend avoir accompli plus qu’il n’est humainement ou logiquement
possible ou plausible.
62. L’un ou l’autre de ses parents était brutal, tyrannique, indifférent ou
délinquant.
63. Il mène une existence irresponsable (par exemple, il ne parvient pas à
conserver un emploi, ses petites amies le quittent régulièrement, il se
soustrait à ses obligations financières).
64. Il dispose de possessions ou de sommes d’argent inexpliquées.
65. Il considère qu’il a des droits et se croit au-dessus des autres, ou pense
pouvoir agir à sa guise.
66. Ses manifestations d’émotion paraissent forcées ou feintes.
67. Il méprise les autres, surtout s’ils détiennent une autorité.
68. Il a une attitude arrogante, condescendante, avec un air de supériorité
qui choque les gens.
69. Les autres détestent travailler avec lui ou pour lui, ou en tombent
physiquement ou psychologiquement malades.
70. Il vous dévisage comme un reptile: sans ciller, avec insistance, avec
froideur, sans dire grand-chose.
71. Il dévisage les autres pour les défier, les intimider ou les dominer (il
vous met très mal à l’aise, vous ou d’autres).
72. Il a un charme superficiel – qui est attirant au premier abord.
73. S’il vole, frappe ou maltraite quelqu’un d’autre, il rationalise son geste
(«ils le méritaient»).
74. Il a eu maille à partir avec la justice dans sa jeunesse et à l’âge adulte.
75. Il a demandé intentionnellement à des salariés ou à d’autres personnes
de se jouer des règles, d’ignorer les lois, d’altérer ou de détruire des
preuves ou documents importants, ou de cacher des informations.
76. Il ne craint guère de commettre des actes délictueux.
77. Il utilise des pseudonymes, change d’identité ou cache délibérément
des pans de son passé.
78. Il est impulsif – soudain, à la légère, il va déraper ou commettre un
crime de situation.
79. Il ne parvient pas à envisager l’avenir (par exemple, il dépense tout
l’argent des courses ou du loyer, ou il s’achète des cadeaux pour lui-
même et pas pour sa famille).
80. Il est irritable ou agressif avec ceux qui le défient, le réprimandent ou
le rejettent.
81. Il essaie ou a essayé de vous empêcher, vous ou d’autres, d’être en
contact avec des amis, de la famille ou des proches.
82. Il brutalise aisément les autres ou se dispute avec eux.
83. Il s’en prend aux faibles, aux vieux, aux enfants, aux crédules ou aux
femmes pour les abuser, obtenir des faveurs sexuelles ou profiter d’eux
financièrement.
84. Il montre un dédain irréfléchi pour sa propre sécurité ou celle des
autres (par exemple, il commet des excès de vitesse, il conduit en état
d’ivresse).
85. Il intimide sa famille, ses parents, ses collègues de travail ou abuse
d’eux physiquement ou psychologiquement, ou il l’a fait dans le passé.
86. Il profite de ses parents en les volant, en les manipulant, en vendant ou
gageant leurs biens sans leur consentement.
87. Il prétend appartenir à la CIA, aux commandos de marine ou autre
service secret ou troupe d’élite sans fournir la moindre preuve
vérifiable.
88. Il a perdu son emploi ou a été exclu de l’armée après avoir échoué à
des tests psychologiques.
89. Il déclenche une réaction physique chez les autres: les gens éprouvent
un phénomène épidermique (chair de poule, cheveux dressés,
tremblements superficiels), ils ressentent une douleur ou une acidité
gastriques.
90. Il affiche un narcissisme outrageux – les relations avec lui sont
désagréables, il regarde les autres de haut, il les rabaisse ou leur donne
mauvaise conscience.
91. Il a commis des délits à répétition, dont des extorsions.
92. Il pose des questions insistantes sur la douleur, les châtiments, les
tortures ou la meilleure manière de tuer quelqu’un.
93. Il a séjourné dans des institutions pour délinquants, des établissements
de détention, des prisons, des centres de semi-liberté, etc.
94. Il lui est arrivé de commettre un viol, un vol ou une agression à main
armée.
95. Il a commis à plusieurs reprises des cambriolages, des atteintes aux
biens ou des vols de voitures.
96. Il parle des femmes avec dérision, les considère comme des objets ou
des «putains».
97. Il s’en est pris sexuellement à des enfants (en les touchant, en
s’exhibant) ou envisage des rapports sexuels avec des enfants.
98. Il semble avoir du mal à se maîtriser.
99. Sa mère était une prostituée ou exerçait un métier du sexe.
100. Il éprouve une préférence sexuelle pour les enfants.
101. Il pratique une sexualité irresponsable, exposant les autres à des
maladies sexuellement transmissibles ou au virus du sida (VIH).
102. Il a eu des enfants avec différentes partenaires sans en assumer la
responsabilité (émotionnelle, éducative ou financière).
103. Il justifie la cruauté ou la délinquance comme une chose que la victime
«a bien cherchée».
104. Libéré sous caution, il s’est soustrait à la justice, laissant sa famille ou
ses amis en supporter les conséquences financières.
105. Il lui arrive de disparaître pendant des jours ou même des mois, puis de
réapparaître sans donner d’explication ni rendre de comptes.
106. Des gens disent qu’ils se sentent «mal à l’aise» en sa présence ou
qu’ils «ne lui font pas confiance».
107. Il compte sur les autres pour lui fournir des alibis ou une cachette, ou
le soustraire à la justice.
108. Il a forcé une voiture, une entreprise ou un logement, ou il a filé
quelqu’un.
109. Il rembourse rarement ou jamais l’argent qu’il doit à ses amis ou à ses
collègues.
110. Il frappe ou rudoie fréquemment son conjoint ou ses enfants.
111. Ses enfants ou son conjoint évitent ou craignent de se trouver à ses
côtés.
112. En paroles ou par écrit, il a exprimé le fantasme ou l’idée de
commettre des actes criminels ou de violer quelqu’un.
113. De manière répétée, il ne couvre pas ses échéances de prêts ou ses
achats par carte de crédit, ou ne verse pas la pension alimentaire qu’il
doit.
114. Il prétend ou a prétendu avoir tué quelqu’un et ne montre aucun
remords ou s’en vante.
115. Il a utilisé la carte de crédit de quelqu’un d’autre pour payer des
dépenses sans l’autorisation du titulaire.
116. Il cherche à obtenir du pouvoir, des relations sexuelles ou de l’argent
par des moyens autres que licites ou moraux.
117. Au moment de payer, il prétend régulièrement qu’il a oublié son
portefeuille ou que son argent est «bloqué» dans des placements.
118. Au travail, il se montre mesquin ou cruel – il réprimande ou houspille
ses subordonnés en public.
119. En tant que parent, il se montre irresponsable, inattentionné,
indifférent, insensible ou imprudent à l’égard de ses enfants (il oublie
de s’en occuper, de les nourrir, de les laver, de les emmener à l’école
ou chez le médecin, etc.).
120. Il semble détaché des autres, il n’est jamais vraiment proche d’eux.
121. Il a changé de pays pour éviter des poursuites, échapper à la police ou
se soustraire à ses responsabilités financières.
122. Il s’en prend aux personnes âgées ou séniles, plus particulièrement
pour les brutaliser ou leur soutirer de l’argent.
123. Il a été impliqué dans de la pédopornographie.
124. Il a eu des problèmes de comportement, même dans sa jeunesse.
125. On dit ou on a dit de lui qu’il était sexuellement sadique.
126. Il a été renvoyé de l’armée de manière déshonorante.
127. L’amour ne signifie pas grand-chose pour lui, il confond sentiments et
sexe.
128. Il a voulu expliquer des violences commises envers des enfants avec
des formules simplistes du genre «il ne voulait pas s’arrêter de
pleurer» ou «cela l’endurcira».
129. Il mène une vie marginale ou fréquente des délinquants (membres de
gangs, trafiquants de drogue, prostituées, proxénètes, bandits).
130. Il possède des produits de contrebande, des documents
pédopornographiques ou des armes destinées au crime.
131. Il est homme de main ou dirigeant d’un gang.
132. Il est membre d’un syndicat du crime ou d’une organisation criminelle
(réseau de trafic de drogue, gang, famille de délinquants), d’un réseau
de trafics humains ou de proxénétisme.
133. Il a été renvoyé ou licencié de nombreux emplois, y compris de petits
boulots, pour sous-performance, désobéissance, rébellion ou absences.
134. Il porte des tatouages, des insignes ou des drapeaux connotant la haine
raciale, la délinquance ou la misogynie.
135. Il déteste qu’on lui manque de respect ou qu’on se moque de lui – si
cela arrive, il se montre très colérique et méchant.
136. Il ne semble pas tirer de leçons de ses erreurs ou de ses expériences.
137. Il a coutume de prendre des objets de valeur à d’autres sans les leur
demander ou vole dans les magasins.
138. Il dit rarement «je suis désolé», ou seulement quand il y est obligé.
139. Il rejette les excuses des autres et leur garde rancune, ce qui le conduit
à des gestes violents.
140. Il participe ou a participé à des entreprises illégales, terroristes ou
délinquantes comme les jeux et paris illégaux, le trafic de drogue, le
vol de voitures, etc.
141. Il est resté au chômage pendant de longues périodes, alors que des
emplois étaient disponibles, éventuellement pour cause
d’incarcération.
142. Il a maltraité (mal nourri, mal vêtu), tenu captifs ou brutalisé des
enfants dont il avait la garde.
143. Il lui est arrivé de retenir quelqu’un contre sa volonté à l’aide de
cordes, de menottes, de chambres fortes ou autres moyens de
contrainte.
144. Il prend plaisir à la souffrance et à la douleur d’autrui.
145. On dirait qu’il aime susciter la peur ou le malaise psychologique chez
autrui.
146. Il semble toujours en colère, ou hostile, ou amer à l’égard du monde.
147. Il a dit à d’autres qu’il avait un côté «sombre, méchant ou mauvais»,
ce que les autres n’ont peut-être pas pris au sérieux.
148. Ses raisonnements sont très rigides et inflexibles, il s’énerve si les
choses ne sont pas faites à sa manière.
149. Les femmes de sa vie ont fini par le détester ou se méfier de lui, ou
bien elles ont disparu mystérieusement.
150. Ses proches se sentent anxieux, en danger, harcelés, tourmentés,
trompés ou méprisés.
Résultats
Comptez le nombre de phrases applicables à l’individu examiné en
fonction des critères évoqués au début de cette liste.
Si vous découvrez qu’au moins 25 de ces phrases correspondent à
son cas, cet individu fait parfois peser un poids émotionnel sur les
autres, profite d’eux, peut être difficile à vivre ou à côtoyer au travail
ou peut faire peser sur vous une menace financière.
Un résultat compris entre 26 et 75 indique que cet individu présente
toutes les caractéristiques et le comportement d’un prédateur.
Observez la plus grande prudence, surtout si vous entretenez une
relation intime ou prolongée avec cette personne, ou si des questions
de confiance sont en jeu (par exemple des emprunts, des opérations
financières, des placements, des prêts de biens, des contacts avec des
enfants).
Attention. Si le résultat est supérieur à 75, cet individu possède toutes les
caractéristiques d’un prédateur dangereux. Il ou elle présente un danger
émotionnel, psychologique, financier ou physique pour vous-même et les
autres. Il convient d’agir immédiatement pour mettre de la distance entre
cette personne et vous.
Agir aussitôt
Les prédateurs sont notoirement résistants au changement – ou s’ils
changent, c’est pour améliorer leur efficacité prédatrice. Stuart C. Yudofsky
note dans son livre Fatal Flaws qu’il est difficile de trouver des spécialistes
de la santé mentale qui connaissent à fond ce genre d’individus antisociaux
et sachent bien les traiter. S’il en est ainsi des professionnels, que doit faire
le commun des mortels? On n’a guère d’autre recours que d’essayer de
s’éloigner le plus possible de ces individus dangereux.
D’après mon expérience et celle de nombreux autres spécialistes, vous
devez vraiment couper les ponts avec ce type de personnes, et si nécessaire
vous faire aider par un professionnel qualifié et compétent. Je rejoins la
sagesse du Bouddha quand il disait: «Les gens devraient apprendre à voir et
éviter tout danger. De même qu’un homme sage reste à l’écart des chiens
enragés, on ne devrait pas se lier d’amitié avec les hommes méchants.»
Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas des professionnels de la santé
mentale, les meilleures stratégies sont de rester sur ses gardes et de prendre
ses distances. Si ces prédateurs ne vous atteignent pas directement –
physiquement, émotionnellement, financièrement ou les trois à la fois –, ils
vous feront du mal indirectement en s’en prenant à des gens que vous aimez
ou en mettant votre collectivité en danger. Ils sont capables de dévaster le
corps, l’âme et l’esprit. Ils sont capables de vous ruiner financièrement ou
de détruire votre vie sans le moindre respect pour ce que vous devenez.
Vous pouvez éprouver une obligation à l’égard d’une personne de ce type
parce que vous êtes marié à elle, parce qu’elle fait partie de la famille ou
parce que vous lui devez votre emploi. Mais soyez tout de même conscient
que votre loyauté ne vous empêchera pas de subir violences, tourments ou
ruine financière, quelles que soient vos relations. Le prédateur est ainsi fait.
Des stratégies supplémentaires seront proposées au chapitre 6.
Pour terminer, je citerai l’avertissement d’une personne qui a connu
intimement la manière d’agir du prédateur:
Nous, les tueurs en série, nous sommes vos fils,
nous sommes vos maris, nous sommes partout.
Et parmi vos enfants, d’autres mourront demain.
THEODORE «TED» BUNDY
[4] La loi Megan recense un certain nombre d’informations concernant les pédophiles sortis de prison
(nom, photo, adresse, nature du crime…) et les rend accessibles au grand public, dans le but d’éviter
toute récidive. Elle oblige aussi les pédophiles à prévenir les autorités de tout changement d’adresse
ou d’employeur pendant au moins dix ans, N.D.T.
[5] La loi Jessica impose au moins vingt-cinq ans de réclusion pour un adulte reconnu coupable
d’attouchement sexuel sur mineur de moins de 12 ans, ainsi que l’obligation de porter un bracelet
électronique à vie, N.D.T.
CHAPITRE 5
Les personnalités mixtes ou comment le cumul des
personnalités potentialise le danger
J usqu’à présent, nous avons étudié les différentes personnalités
dangereuses séparément, ce qui nous a permis de bien les comprendre.
Mais dans la réalité, une personnalité dangereuse est souvent un mélange de
plusieurs types de personnalités. En médecine, l’association de deux
pathologies s’appelle la «comorbidité», et elle n’a pas lieu de nous
surprendre; après tout, nous sommes tous constitués de différents traits de
personnalité, c’est ce qui nous rend complexes et dignes d’intérêt.
Toutefois, lorsque des individus présentent des caractéristiques communes à
au moins deux types de personnalités dangereuses, le risque augmente,
parfois de façon spectaculaire. Et il devient de plus en plus difficile de
reconnaître chacune des personnalités présentes dans l’individu en question.
C’est pourquoi j’ai voulu aider le lecteur en utilisant des exemples issus de
cas réels qui apportent un éclairage précieux sur les personnalités mixtes.
La complexité de ces personnalités explique également pourquoi il est
important de réexaminer soigneusement chacune des quatre check-lists en
vue de bien évaluer tout le danger qu’elles représentent.
De plus, tout comme notre comportement peut changer selon les
circonstances de la vie, celui d’une personnalité dangereuse peut se
transformer. Par exemple, au lieu de crier sans cesse sur son bébé qui
pleure, la personnalité émotionnellement instable peut, un jour, être prise
d’une envie de le secouer violemment ou de le jeter contre un mur – et
passer à l’acte. De même, un célibataire narcissique froid et distant peut se
marier et devenir un mari dominateur et tyrannique, de plus en plus critique
et désobligeant. De nombreux facteurs peuvent contribuer à rendre ces
individus de plus en plus instables, toxiques et dangereux. À nous
d’apprendre à évaluer les personnes que nous rencontrons et à identifier
celles qui correspondent au profil des personnalités dangereuses. Et ne
partons jamais du principe qu’une personnalité dangereuse va brusquement
s’améliorer avec le temps, sans l’aide de personne, comme par magie.
Espérer cela serait terriblement naïf.
Analyser toutes les complexités et subtilités des personnalités humaines
peut vite devenir très ardu et un examen approfondi de tous les types de
personnalités dépasserait le cadre de ce livre. C’est là que les quatre listes
de contrôle peuvent être d’une aide précieuse. Lorsque nous évaluons les
personnes de notre entourage en vue de déterminer leur potentiel de
toxicité, d’instabilité ou de danger, évitons de nous concentrer sur un seul
type de personnalité et envisageons la possibilité que tel ou tel individu
puisse posséder une personnalité mixte. Cette approche fait partie d’un
processus qui consiste à nous dire: «Tiens, ce comportement, à quel type de
personnalité appartient-il? Et celui-là? Ne correspondrait-il pas à un autre
type de personnalité?» Et la démarche nous permet d’obtenir un portrait
plus juste de l’individu auquel nous avons affaire, sachant que l’association
de certains traits de personnalité peut créer un mélange potentialisé
particulièrement dangereux.
Les exemples ne manquent pas. Je suis sûr que lorsque Christopher
Dorner, l’ancien policier et militaire réserviste accusé d’avoir tué quatre
personnes dans une vendetta contre la police, était en cavale au début de
l’année 2013, les profileurs et les psychologues de la police de Los Angeles
se sont demandé: «À quel type de personnalité répond-il? Que va-t-il faire
dans les minutes, voire les heures qui viennent?» Heureusement, Dorner
avait rédigé un manifeste interminable qui en disait beaucoup plus long sur
lui que son dossier militaire, à savoir:
qu’il était un individu profondément blessé et qu’il avait besoin de
liquider ses ennemis (paranoïa);
qu’il était convaincu de son bon droit à mener des actions violentes
contre des confrères policiers et leurs familles pour réparer ce qu’il
jugeait nécessaire de réparer (narcissisme, mégalomanie).
Le manifeste de Dorner nous a livré des informations essentielles, nous
aidant à expliquer son comportement actuel et, dans une certaine mesure, à
prévoir son comportement futur. Lorsque vous tentez d’appréhender un
individu hautement paranoïaque qui dévalue narcissiquement ses confrères
policiers, une fusillade est l’issue la plus probable – ce qui fut le cas,
d’ailleurs.
Les personnalités mixtes: pas si rares que ça
Grâce aux quatre listes figurant dans les chapitres précédents, vous avez
pris conscience de l’existence des personnalités dangereuses et appris à les
repérer dans votre entourage. Il est, en effet, fondamental de les observer,
de noter leurs comportements, ce qu’elles disent, l’impression qu’elles vous
donnent, ce que vous savez de leur passé et les expériences des personnes
qui les ont côtoyées. Comme vous le verrez au chapitre 6, il est à la fois
sage et judicieux de procéder à ce type d’analyse rigoureuse, d’évaluer
objectivement ce que vous et d’autres observez, de chercher des indicateurs
significatifs du potentiel toxique, instable ou dangereux d’un individu
donné. Il y va de notre responsabilité.
À présent, allons plus loin en voyant si les informations que nous
recueillons peuvent être associées à plusieurs listes de contrôle. Cela nous
permettra de mieux évaluer le type de personnalité de l’individu en question
et son potentiel délétère.
Supposons, par exemple, que Thomas parle et agit comme s’il se
considérait comme un être hors du commun. Cette caractéristique pourrait
figurer dans trois des listes: celle de la personnalité narcissique, celle de la
personnalité paranoïaque et celle du prédateur. Mais ce n’est qu’un seul
comportement. C’est pourquoi nous devons continuer notre collecte
d’informations – comment nous traite-t-il? Quelle impression nous donne-t-
il? Quels comportements spécifiques observons-nous chez lui? Et, au fur et
à mesure, nous rattachons ses actions, ses attitudes ou ses comportements à
la liste qui s’y rapporte.
Supposons que nous remarquons également que Thomas manifeste un
besoin de contrôler les autres et se montre souvent vindicatif. Ces deux
autres comportements permettent de mieux cibler son type de personnalité
et, ainsi, nous accumulons progressivement des caractéristiques dont la
majorité correspond à la personnalité paranoïaque et à celle du prédateur.
Si, en le fréquentant ou en l’observant suffisamment, vous arrivez à la
conclusion qu’il possède, disons, au moins 45 traits de caractère et de
comportement dans deux listes, ce résultat est significatif. Un individu qui
obtient un total de points aussi élevé dans la liste de contrôle du
paranoïaque et dans celle du prédateur ne peut pas être seulement méchant,
mais carrément dangereux.
Pour obtenir un portrait plus complet, il ne s’agit pas de cataloguer
quelqu’un dès le départ, mais plutôt de laisser les comportements parler
d’eux-mêmes. Sinon, vous risquez de passer à côté d’informations
importantes. Et comme je l’ai dit depuis le début, nous nous focalisons sur
des comportements, et non sur des statistiques ou des probabilités.
Supposons que vous rencontrez quelqu’un de charmant, de sûr de lui, un
homme aux grandes idées et aux projets ambitieux, mais qui n’a pas réalisé
grand-chose dans sa vie. Immédiatement, vous le mettez dans la catégorie
des personnalités narcissiques. Mais arrêtons-nous avant d’aller plus loin et
réfléchissons un moment. Certes, il peut posséder ces caractéristiques, mais
le ranger trop rapidement dans une seule catégorie peut nous empêcher
d’être ouverts à d’autres informations – par exemple, son arrivée soudaine
dans une nouvelle ville, le manque de références et d’informations
vérifiables sur son parcours professionnel, son style de vie nomade et son
absence de revenus fixes: autant de caractéristiques du prédateur qui se
rattachent à une personnalité potentiellement dangereuse (voir chapitre 4).
C’est ce type d’erreurs qui est à éviter. C’est ce que les pilotes d’avions
appellent la «fixation sur la cible»: ils focalisent tellement leur attention sur
une seule cible qu’ils ratent toutes les autres cibles à proximité ou ils sont si
absorbés par une tâche donnée qu’ils foncent tout droit sur une montagne.
Naturellement, il existe toutes sortes de combinaisons possibles entre les
quatre types de personnalités dangereuses. Par exemple, vous pouvez avoir
un individu extrêmement intelligent, mais paranoïaque et narcissique.
Rappelez-vous le comportement de John McAfee (fondateur de la société
McAfee, la plus grande société de logiciels antivirus du monde) au Belize:
nous avons devant nous quelqu’un qui s’installe à l’étranger et ressent la
nécessité de «nettoyer» l’endroit comme s’il y avait été invité par les dieux
– un comportement typiquement narcissique. Mais il avait aussi
terriblement peur des autorités policières du pays et de ses voisins – un trait
de caractère du paranoïaque. À ce stade, nous pouvons supposer qu’il s’agit
d’une personnalité à la fois narcissique et paranoïaque, mais nous n’en
avons pas la certitude parce que les informations nous manquent. Alors
nous continuons de rassembler des données sur cette personne et de voir à
quelle(s) liste(s) elles correspondent. Dès qu’une information est
disponible, nous l’ajoutons aux précédentes pour compléter notre profil.
Nous finissons par nous faire une idée assez juste de la personnalité de
cet individu en fonction de ses comportements. Un peu de ceci, un peu plus
de cela à tel ou tel moment, sachant que le mélange peut varier puisque
nous sommes face à des caractéristiques qui s’appliquent à plus d’un type
de personnalité – nous avons affaire à des êtres humains, après tout. Ces
individus peuvent être particulièrement égocentriques et imbus de leur
personne à un moment donné et afficher davantage de caractéristiques du
prédateur à un autre moment. C’est ce qui rend les êtres humains si
intéressants à étudier: ils ne sont jamais totalement là où on les attend, et les
personnalités dangereuses non plus.
Est-il important de savoir quels sont les traits de personnalité les plus
marqués chez un individu? Oui et non – cela dépend de l’individu et des
caractéristiques en question. Gardez à l’esprit que vous n’êtes pas un
profileur, mais cherchez simplement à déterminer le degré de dangerosité
d’un individu. Par conséquent, si une personne de votre entourage obtient
un résultat élevé (supérieur à 50 points) sur deux listes ou plus, déterminer
avec précision laquelle de ses pathologies est la plus prononcée n’est pas
fondamental; ce qui est crucial, c’est de vous rendre compte que le seuil
critique a été dépassé et que cette personne a toutes les chances d’être très
toxique, très instable ou très dangereuse pour vous.
Par exemple, quelqu’un de très instable émotionnellement et de très
paranoïaque est extrêmement difficile à vivre en raison de sa méfiance de
tous les instants et de sa violence verbale régulière. Savoir si c’est la
paranoïa ou l’instabilité émotionnelle qui l’emporte est moins important que
de penser à vous protéger des effets délétères de ces deux pathologies.
Une femme, Catherine, m’a écrit que son mari avait, au début de leur
mariage, ce qu’elle appelait des «petits pétages de plombs» de temps en
temps. Il manifestait parfois une grande violence verbale, surtout s’il avait
passé une mauvaise journée. Au fil des années, elle trouvait que l’instabilité
et la paranoïa de son époux s’aggravaient, et ce sans raison. Il est devenu si
terriblement méfiant qu’il s’est mis à fouiller dans son téléphone portable. Il
a fini par devenir bien plus qu’insupportable, manifestant une extrême
violence à son égard – il la poussait, la giflait et tentait de l’étrangler. Oui,
de l’étrangler.
Alors quelle était la personnalité dominante chez cet homme? Le côté
paranoïaque ou le côté émotionnellement instable? Voilà une question
intéressante pour un chercheur ou un psy. Mais Catherine, elle, se moquait
bien de le savoir, et je vous conseille d’en faire autant. Nous ne vivons pas
dans un laboratoire où nous pouvons expérimenter en toute sécurité,
débattre à loisir ou valider avec une précision absolue. Nous vivons dans un
monde de violences conjugales, d’enlèvements et de meurtres d’enfants, de
menaces à la sécurité des personnes, où le temps nous presse et où nous
devons prendre des décisions sur-le-champ, aussi maigres que soient les
informations dont nous disposons. Si nous devions attendre pour être dans
l’exactitude parfaite, il serait trop tard (comme vous allez vous en rendre
compte plus loin avec l’histoire de Susan Powell).
De la même manière que Catherine devait gérer sa réalité de violences
verbales et physiques, «la folie» de sa situation, comme elle disait, nous
devons affronter notre propre réalité. La priorité de Catherine est devenue
sa survie, loin des mesures, des évaluations et des expérimentations. Sa
préoccupation immédiate n’était pas «mon mari est-il 80 % de ceci ou 20 %
de cela?» – laissons cette analyse à d’autres – mais «suis-je en danger?».
C’est la seule question que vous devez, vous aussi, vous poser, et la raison
d’être de ce livre. Et c’est à cette question que les listes de contrôle des
personnalités dangereuses vont vous aider à répondre.
N’oubliez pas que toutes ces personnalités dangereuses se situent sur un
large spectre qui va du clair au foncé, du faible au fort, de l’agaçant à
l’impossible, du difficile au toxique, voire au dangereux, et que leur
position sur ce spectre varie en fonction des circonstances, des facteurs de
stress, des moments favorables, des humeurs. Pour vous aider à vous
représenter ce spectre, imaginez une radio. Mettez le son tout bas et la
musique est à peine audible. Montez légèrement le volume et vous entendez
mieux. Augmentez encore le volume et vous commencez à être gêné;
encore plus fort et cela devient douloureux, presque intolérable pour vos
oreilles. Tournez le bouton au maximum et vous risquez d’endommager
votre tympan – le danger est là. C’est une manière de considérer les
individus dangereux: à quel niveau sonore sont-ils, là, maintenant? Leur son
est-il à peine audible, auquel cas ils manifestent peu de signes
pathologiques? Leur musique vous agace-t-elle lorsqu’ils montent un peu le
volume? Ou ont-ils tourné le bouton à fond, menaçant votre bien-être, voire
votre santé?
Bien sûr, si vous voulez entendre quelque chose, vous devez vous
brancher. Être à l’écoute de leurs fréquences. Or, la plupart des individus
toxiques ou dangereux n’apparaissent pas sur l’écran radar et passent
largement inaperçus; ils n’ont guère affaire à la police ou à la justice, et
encore moins aux cliniciens. En général, leurs proches et leurs amis ne sont
pas informés, n’ont pas de code pour accéder à leur univers, ne savent pas
quels indices ils doivent rechercher ou ont tendance à pencher en leur
faveur. Un ami de Timothy McVeigh disait de lui: «Si vous ne tenez pas
compte de ce qui s’est passé à Oklahoma City, Tim est quelqu’un de bien.»
Et cela veut tout dire. Il y a des gens qui refusent de voir la vérité en face ou
dont la vision est tellement déformée, partiale, qu’ils sont aveugles aux
pires atrocités. Finalement, si vous ne deviez garder à l’esprit que deux
vérités sur les personnalités dangereuses, ce seraient celles-ci:
Nous ne voyons que ce que nous sommes prêts à voir.
La plupart des individus dissimulent leur vrai visage.
Pour avoir fait du profilage criminel et du profilage comportemental sur
des questions de sécurité nationale au service du FBI, je sais à quel point les
différents types de personnalités peuvent être difficiles à étudier, surtout si
vous avez affaire à quelqu’un qui est un mélange complexe de deux, trois
ou quatre types de personnalités. Les listes que j’ai mises au point vous
seront alors utiles pour identifier les traits de caractère et de comportement
les plus dominants, et les relier à tel ou tel type de personnalité. Ainsi, vous
comprendrez mieux à qui vous avez vraiment affaire.
Quelques personnalités mixtes qui ont fait parler d’elles…
Le meilleur moyen de comprendre les individus qui possèdent des
caractéristiques majeures de deux types de personnalités ou plus est sans
doute de prendre des exemples tirés de l’histoire et des gros titres de la
presse.
«Il y a des ennemis partout, mais j’ai les réponses»: paranoïaque
+ narcissique
Commençons par le XXe siècle, celui des médias de masse, qui nous a
apporté un éclairage sans précédent sur les grandes figures de l’histoire. Le
premier personnage à apparaître n’est autre que Joseph Staline. L’exemple
type du narcissique au besoin maladif de détenir le pouvoir et d’être vénéré
– dans le chapitre 1, vous avez eu un petit aperçu de tous les titres qu’il se
donnait, certains frôlant le ridicule – et qui a fait baptiser de nombreuses
villes à son nom. Mais Staline était un grand narcissique doublé d’un grand
paranoïaque, et qui dit «pathologies extrêmes» dit «individu hautement
toxique et dangereux».
Une telle combinaison chez un homme exerçant un contrôle totalitaire
sur son peuple, sur les services de sécurité et sur l’armée ne pouvait
qu’avoir des effets démesurés. Staline a tué plus de 30 millions de
personnes. Vous imaginez. Sa méfiance extrême l’a conduit à déplacer des
populations entières, et notamment des minorités. Il a également fait tuer
près d’un quart de ses hauts responsables militaires après la Première
Guerre mondiale parce qu’il ne leur faisait pas confiance – une mesure
contraire à l’effet recherché qui a mis en danger tous les citoyens russes
lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté et que les compétences de ces
hauts militaires auraient été particulièrement précieuses.
Staline est-il un monstre rare? Pas vraiment. Adolf Hitler, qui a tué plus
de 5 millions de personnes, était lui aussi terriblement narcissique et
paranoïaque. De même que Pol Pot au Cambodge, tristement connu pour
ses «champs de la mort» et ses travaux forcés qui ont entraîné le décès de
plus de 1,2 million d’individus.
Passons maintenant à l’histoire récente. Que diriez-vous de Slobodan
Milosevic dans les années 1990 et de sa vision xénophobe des minorités
ethniques, notamment des musulmans et des Croates? Ou de Ratko Mladic,
surnommé le «Boucher des Balkans» et accusé par le Tribunal pénal
international du fameux «massacre de Srebrenica» lors duquel plus de
7500 musulmans de Bosnie, des hommes et des adolescents, ont trouvé la
mort en 1995? Tous ces chefs de guerre avaient en commun d’être à la fois
narcissiques (à les entendre, ils avaient des solutions géniales – que nous
qualifierions plutôt d’atrocement radicales) et paranoïaques (ils voyaient
des ennemis partout). Mais ces personnalités dangereuses contrôlaient
également les forces de sécurité et l’armée, ce qui leur donnait un pouvoir
sans limite, une «capacité de destruction massive».
Anders Behring Breivik, qui a fait exploser une bombe dans le quartier
des ministères à Oslo le 22 juillet 2011, tuant 8 personnes, avant d’abattre
69 adolescents en ouvrant le feu sur un camp d’été de la jeunesse travailliste
sur l’île d’Utoya, était lui aussi narcissique et paranoïaque, d’après les
conclusions du tribunal. Il se voyait comme le seul individu capable de
sauver son pays (narcissisme) des étrangers et des musulmans (paranoïa), ce
qui l’a conduit à tuer des innocents. L’affaire Breivik a montré que vous
pouvez commettre des atrocités même sans le soutien d’une armée si vous
êtes un mélange de narcissisme et de paranoïa et si vous avez accès à des
explosifs improvisés et à des armes de forte puissance.
Malheureusement, ce type de personnalité n’est pas nouveau; il a
toujours existé des individus cantonnés aux petits rôles dans l’existence
mais avides de laisser leur nom dans l’histoire. Leur haute opinion d’eux-
mêmes, associée à leur paranoïa, les porte aux extrêmes – mais si personne
ne les écoute ou s’ils sont rejetés, ils vont chercher à faire parler d’eux et de
leur cause par tous les moyens, comme ce fut le cas de Breivik.
Ils deviennent alors des joueurs qui comptent sur l’échiquier national,
voire international, par le moyen le plus rapide: la violence. Bien avant que
Breivik ne mette la Norvège en état de choc, un autre individu terriblement
têtu et étroit d’esprit, présentant toutes les caractéristiques de la paranoïa et
du narcissisme, s’était fait un nom: Lee Harvey Oswald. Une première fois
en avril 1963 en tentant d’assassiner le major général Edwin Walker –
l’homme qui a postulé à la fonction de gouverneur du Texas mais qui a
perdu contre John Connally début 1962 – alors que ce dernier rentrait chez
lui à Dallas. Mais Walker n’a été que légèrement blessé. Et une seconde fois
en voulant jouer dans la cour des grands, comme il ne cessait de le répéter à
sa femme. Et avec succès, cette fois. Le journal local ayant publié le trajet
que le président Kennedy allait suivre à bord de sa limousine décapotable
pour traverser la ville, Oswald a su qu’il allait pouvoir tirer depuis une
fenêtre de son lieu de travail. C’était le 22 novembre 1963.
L’individu à la fois parano et narcissique offre le plus grand danger
lorsqu’il s’isole du reste du monde, l’entourage n’étant plus là pour mettre
un bémol à ses idées extravagantes. Coupé de l’extérieur, il peut faire une
fixation sur une idée, un problème ou une blessure perçue; il laisse ainsi ses
passions, ses haines et ses peurs creuser lentement leur lit au plus profond
de son être et s’exacerber. Et, malheureusement, l’issue est toujours la
même: de la violence contre ceux qu’il dévalue ou redoute.
Par exemple, lorsque Timothy McVeigh a été refusé au sein des forces
spéciales américaines et renvoyé de l’armée, il a pris la décision de s’isoler
en Arizona où il a eu tout le loisir de concentrer sa haine sur le
gouvernement fédéral. C’est dans cet isolement qu’il a planifié l’attentat à
la bombe d’Oklahoma City. Des décennies plus tôt, c’est Theodore
Kaczynski («the Unabomber»), tout aussi narcissique et paranoïaque que
McVeigh, qui est parti vivre reclus dans une cabane du Montana où il a eu
tout le temps d’autoalimenter sa haine de la technologie et de fabriquer les
bombes qui ont tué 3 personnes et en ont blessé 23.
«Prête-moi attention même si je fais de toi ce que je veux»: narcissique
+ prédateur
En 2003, le Département d’État américain m’a demandé d’aider le
gouvernement colombien à mettre en place sa première unité de profilage
criminel. Ce fut un honneur pour moi, et la Unidad Especial de
Comportamiento Criminal de Colombie demeure aujourd’hui très active
dans sa résolution des affaires criminelles les plus atroces. L’une des
premières affaires que j’ai été chargé d’analyser a été celle d’Alfredo
Garavito Cubillos, baptisé «la Bête» ou «le Boucher de Colombie». Ce
tueur en série a avoué le meurtre de plus de 140 enfants en l’espace de sept
ans (140 cadavres ont été retrouvés et l’assassin n’a pas pu se rappeler où il
avait enterré les autres).
Lorsque nous avons commencé à analyser son cas, son regard sur l’une
des photos a attiré mon attention. Mon homologue du gouvernement
colombien, Luis Alfonso Forero-Parra, un policier et psychologue brillant
qui dirige actuellement le service de profilage criminel colombien, a
remarqué que je m’attardais sur cette photo. Je lui dis: «Vous voyez la
jubilation narcissique sur son visage? Il vient d’être arrêté et il semble
savourer l’attention médiatique dont il fait l’objet.»
«C’est drôle que vous me disiez cela, me répondit-il. Lorsqu’il a été
conduit en prison, il n’a pas pu s’empêcher de demander: “Comment sont
mes cheveux?”» Parfois, les prédateurs ont un narcissisme qui se voit
comme le nez au milieu de la figure.
En effet, nous repérons souvent certains traits de caractère et de
comportement du prédateur chez le narcissique. Bernard Madoff, à l’origine
du plus grand système de Ponzi de toute l’histoire des États-Unis et qui a
escroqué sans scrupules ses proches et ses amis, semble posséder de
nombreuses caractéristiques du narcissique («Je peux tout faire, par tous les
moyens, et sans aucune limite») et du prédateur («J’exploite tous ceux que
je peux, chaque fois que je le peux et sans remords»). L’ampleur même du
projet, l’audace de sa mise en œuvre, l’attitude distante du personnage et sa
volonté de nuire – autant de signes d’une personnalité dangereuse à
multiples facettes.
De nombreux experts sont convaincus que le narcissisme agressif est au
cœur de la prédation sociale – autrement dit, pour s’en prendre aux autres
sans pitié, il faut être capable de les dévaloriser et de se survaloriser. Pour
être un Ted Bundy, il faut se croire vraiment tout permis et savoir dénigrer
les autres sans aucune mauvaise conscience. Alors, lorsque nous sommes
face à un prédateur à dominante narcissique, nous pouvons affirmer que
nous avons affaire à un individu extrêmement dangereux, un sujet que nous
développerons dans le chapitre 6.
Charles Manson répondait lui aussi aux critères du narcissique et du
prédateur. Dès son plus jeune âge, Manson est tombé dans la petite
délinquance – cambrioleur, voleur, prédateur sexuel et menteur, il adorait
manipuler ses semblables. Il se voyait comme un musicien talentueux (qu’il
n’était pas) et un chef de secte, mais son véritable savoir-faire consistait à
exercer un contrôle tout-puissant (narcissisme) sur les autres, à profiter
d’eux et à les pousser à commettre des crimes ou délits pour lui (prédateur).
Il a été reconnu comme le commanditaire des meurtres de Sharon Tate,
l’épouse de Roman Polanski à l’époque, et d’un riche couple de Los
Angeles, Leno et Rosemary LaBianca, ainsi que des amis qui étaient chez
eux à ce moment-là. Mais ce sont quelques-uns des membres de sa secte qui
ont joué les hommes de main et commis ces massacres. Heureusement,
Charles Manson est derrière les barreaux depuis 1972 et il y restera, ce qui
prouve bien la dangerosité du personnage. Si vous doutez encore du danger
représenté par le prédateur narcissique, lisez Helter Skelter, le livre de
Vincent Bugliosi, ou Manson, de Jeff Guinn, et vous comprendrez.
Trois personnalités dangereuses en même temps
Ce qui nous amène aux individus qui présentent trois types de personnalités
dangereuses. Lorsque j’étudie les comportements de Jim Jones, le chef de la
secte de Jonestown, au Guyana, je lui trouve des traits narcissiques. Son
besoin d’être vénéré est clairement narcissique. Mais il présentait également
des caractéristiques du paranoïaque et du prédateur. Son besoin d’isolement
et sa peur des personnes extérieures sont d’ordre paranoïaque. Sa tendance
à se mettre sur un piédestal par rapport aux autres l’a conduit à exagérer le
nombre de ses ennemis. Le fait de s’approprier l’argent des membres de sa
secte et les châtiments terribles qu’il leur infligeait sont les comportements
d’un prédateur. Ces punitions se sont terminées en tragédie: Jim Jones a fait
boire du cyanure à ses adeptes, en tuant plus de 900, ce qui révèle un
individu profondément dangereux (narcissique + paranoïaque + prédateur).
Malheureusement, il n’est pas rare d’avoir des personnalités multiples,
surtout si l’on est un chef de secte ou le leader d’un groupe extrémiste.
David Koresh, à la tête de la communauté religieuse des Davidiens,
ressemblait à Jim Jones à bien des égards: narcissique, paranoïaque et
prédateur. C’est également le cas du tout-puissant gourou polygame et
pédophile Warren Jeffs. Jusqu’à son arrestation (et sa condamnation à la
prison à vie en 2011), ce pur produit du fondamentalisme mormon avait fait
de la communauté qu’il dirigeait le lieu de toutes les dérives et de toutes les
perversions, abusant sexuellement de mineures avec la complicité de leurs
mères. Se croyant appelé par Dieu (il jouit du titre de «prophète») et
persuadé que les lois terrestres ne s’appliquent pas à lui, ce qui est typique
du narcissique, il n’a montré aucun remords pour les abus qu’il a commis,
un trait caractéristique du prédateur. Enfin, il fuyait toute personne
étrangère ou quiconque lui contestait sa suprématie ou ses convictions, ce
qui révèle le paranoïaque. Bref, il incarne parfaitement la triple personnalité
dangereuse – narcissique, prédateur et paranoïaque – à travers son
égocentrisme, sa nature manipulatrice, ses abus et sa peur du monde
extérieur.
Cette triade ne serait pas complète sans l’exemple du fondateur d’al-
Qaida, Oussama Ben Laden, dont le narcissisme extrême et la paranoïa
sévère associés à un comportement prédateur ont abouti aux attentats du
11 septembre 2001 contre le territoire des États-Unis. On ne saurait trop
insister sur l’impact mondial, à la fois économique, social et politique, que
cet individu a exercé sur une période remarquablement courte (même si,
comme beaucoup de prédateurs particulièrement dangereux, il avait planifié
ses attaques depuis des années avec une précision et une détermination sans
faille). Avec des terroristes possédant une mégalomanie de cette envergure,
il ne faut pas s’attendre à une multiplication de «petits» actes terroristes,
mais à quelques actes de très grande ampleur – des événements dignes de
leur valeur et de leur supériorité. S’ils sont charismatiques et intelligents, ils
sont capables de monter des projets élaborés et de recruter d’autres
personnalités dangereuses comme hommes de main en les choisissant pour
leurs aptitudes particulières – des prédateurs violents excités par l’idée de
tuer ou des paranoïaques dont la peur et la haine peuvent être canalisées
dans des attentats suicides à la bombe.
Le carré d’as: les individus à quatre personnalités dangereuses
Il est possible de rencontrer quelqu’un qui possède les caractéristiques
fondamentales des quatre personnalités dangereuses à des degrés divers.
Comme vous l’imaginez aisément, il s’agit d’un individu hautement
destructeur et instable. Le stress et d’autres facteurs sont susceptibles de
l’amener à des extrêmes dans n’importe laquelle de ces quatre pathologies.
Hitler a affiché de nombreux traits de caractère et de comportement du
prédateur, du narcissique, du paranoïaque et de la personnalité
émotionnellement instable lorsque la situation s’est retournée contre lui à la
fin de la Seconde Guerre mondiale et qu’il s’est senti vaincu.
Vous pensez peut-être qu’il est quand même rare de tomber sur un
individu qui associe les quatre types de personnalités, mais vous seriez
surpris par le nombre de personnes concernées. Ces individus sévissent au
quotidien sans que nous entendions parler d’eux. Ou, si nous entendons
parler d’eux parce qu’ils ont semé le chaos dans leur quartier ou à leur
bureau, personne ne pense à réaliser sur eux une autopsie psychologique et
à en tirer les conclusions suivantes: «Il a fait ceci et cela parce qu’il
possédait telle combinaison pathologique.» C’est dommage, car des
autopsies psychologiques pratiquées sur ces individus nous ouvriraient les
yeux sur les dangers réels qu’ils représentent.
Si quelqu’un prétend qu’il est improbable de présenter des
caractéristiques bien marquées des quatre personnalités, rappelez-vous le
dictateur ougandais Idi Amin Dada (1923-2003). Il possédait tous les traits
pathologiques décrits ici en proportions variées. Avait-il toujours été
comme ça? Je l’ignore. Et, après tout, quel intérêt de le savoir? Les dizaines
de milliers d’Ougandais qu’il a torturés et massacrés, ainsi que leurs
proches qui ont survécu, s’en moquent bien, eux aussi. Ce qui compte, c’est
qu’à un moment donné de sa vie, ces traits comportementaux sont devenus
l’essence même de sa personnalité et l’ont poussé à commettre les pires
atrocités.
Cependant, ces personnalités n’ont pas besoin de tuer ou de torturer des
centaines de milliers d’êtres humains pour être dangereuses. Elles peuvent
vivre dans votre quartier, tout près de chez vous. Dans son journal intime,
Susan Powell relatait en détail certains comportements de son mari, Josh
Powell, qui l’inquiétaient. En 2008, elle avait même écrit que si elle
mourait, ce qui pourrait ressembler à un accident n’en serait pas forcément
un. Elle se sentait en danger, mais hésitait à agir de peur que son époux ne
lui prenne ses enfants. Elle observait parfaitement la situation, mais se
montrait réticente à voir le danger en face parce qu’elle n’avait pas grand-
chose pour valider ses observations. Elle espérait que sa foi et l’église
amélioreraient les choses. Sa piété ne l’a pas sauvée et, à vrai dire,
n’arracherait personne des griffes d’une personnalité dangereuse.
Finalement, Susan Powell a mystérieusement disparu en décembre 2009.
Elle est présumée morte, comme elle l’avait appréhendé. Son mari Josh a
immédiatement fait l’objet d’une enquête, et ce à juste titre, comme en
témoignent la plupart des drames familiaux. Lorsque les recherches se sont
intensifiées et que l’étau s’est resserré autour de lui, il a déménagé. La fin
de l’histoire est tragique: en 2012, alors que des travailleurs sociaux se
présentaient à son domicile, il a tué ses enfants à la hache avant de mourir
dans l’explosion de sa maison.
D’après les dires de témoins et les écrits de son épouse, Josh était à la
fois paranoïaque, instable émotionnellement, prédateur et narcissique.
Susan ne pouvait rien faire sans sa permission; il n’en faisait qu’à sa tête,
l’injuriait comme bon lui semblait et ne s’émouvait absolument pas de la
cruauté qu’il lui manifestait. De plus, il l’avait toujours à l’œil, se méfiant
de la moindre personne à laquelle elle adressait la parole. La situation de
Susan était telle qu’elle était obligée de parler à sa famille et à ses amis
depuis son lieu de travail afin que Josh n’en sache rien.
Malheureusement, personne n’avait dit à cette pauvre femme qu’elle était
mariée à un homme possédant toutes les caractéristiques d’une personnalité
dangereuse. Elle ne savait rien de ces pathologies et de ce à quoi elle devait
s’attendre. Elle sentait simplement qu’elle avait affaire à quelqu’un qui
pouvait mettre sa vie en danger d’un moment à l’autre.
Où est passée Susan Powell? Nul ne le sait, mais l’hypothèse la plus
probable est qu’elle ait été tuée des mains de son époux. Elle n’a pas pu fuir
à temps et aller demander de l’aide. Mais vous, vous le pouvez.
Plus on est de personnalités dangereuses,plus on nuit
Vous vous demandez pourquoi il est défendu à des prisonniers de s’associer
avec d’autres criminels notoires après leur libération? Parce que
l’expérience nous enseigne que lorsque des personnalités dangereuses
s’associent avec d’autres personnalités dangereuses, le danger qu’elles
représentent pour la société (et pour elles-mêmes) augmente. Voici quelques
exemples historiques:
Braqueurs de banques, pilleurs de trains et de diligences, les frères
Frank et Jessie James sévissaient dans les années 1860 aux États-
Unis.
Robert LeRoy Parker (Butch Cassidy) et Harry Alonzo Longabaugh
(Sundance Kid, surnommé «le Kid») dévalisaient des trains et
commettaient des crimes avec leurs acolytes du gang Wild Bunch à
la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Le couple de hors-la-loi le plus célèbre des États-Unis, Bonnie
Parker et Clyde Barrow (Bonnie and Clyde), a défrayé la chronique
en multipliant les braquages de banques et les meurtres.
Charles Manson et son cortège de flagorneurs qu’il appelait sa
«famille» volaient, attaquaient et tuaient sans le moindre état d’âme.
Angelo Buono Jr et Kenneth Bianchi, surnommés «les Étrangleurs
des collines», étaient deux cousins qui ont kidnappé, torturé, violé et
assassiné des femmes et des jeunes filles âgées de 12 à 28 ans à la fin
des années 1970 en Californie.
Charles Ng et Leonard Lake étaient d’un sadisme sans limite: leurs
pulsions perverses et leur sauvagerie ont fait entre 11 et 25 victimes,
dont 2 bébés, dans les années 1980. Ils ont même filmé leurs actes
barbares au sein de la chambre de torture qu’ils avaient construite.
Ensemble, Henry Lee Lucas et Ottis Toole ont sans doute tué plus
d’une centaine d’individus en sept ans aux quatre coins des États-
Unis dans les années 1980. C’est Ottis Toole qui avait avoué le
meurtre à la machette d’Adam Walsh, un petit garçon de six ans, en
1981. Le père d’Adam, John Walsh, est devenu le créateur et
l’animateur d’une célèbre émission de télévision américaine d’appels
à témoins dans des affaires criminelles, America’s Most Wanted.
L’affaire Adam Walsh a sensibilisé la population aux menaces que
représentent les personnalités dangereuses et accéléré l’adoption de
l’Adam Walsh Child Protection and Safety Act en 2006, à l’origine
de la création du National Sex Offender Registry[6] destiné à protéger
les enfants des prédateurs sexuels.
Eric Harris et Dylan Klebold ont tué 12 élèves et un enseignant et en
ont blessé 23 autres avant de se suicider sur le lieu même du
massacre, le lycée Columbine situé à Littleton, dans le Colorado.
John Muhammad, surnommé «le sniper de Washington», et son jeune
complice Lee Boyd Malvo ont semé la terreur lors de leur équipée
sanglante en 2002. Pendant trois semaines, ils ont ouvert le feu au
hasard sur des passants, tuant 13 personnes dans les États de
Washington, de Virginie et du Maryland. Ils utilisaient des fusils de
précision cachés dans le coffre de leur voiture.
Et la liste ne s’arrête pas là, bien sûr. Les personnalités dangereuses font
déjà assez de mal lorsqu’elles agissent seules, mais à deux, leur potentiel
destructeur est encore plus grand, car elles s’encouragent mutuellement.
À retenir
J’espère que ce chapitre vous a permis de comprendre comment utiliser les
listes de contrôle en association afin d’évaluer les individus dont le
comportement vous inquiète ou vous fait souffrir, ou nuit à votre entourage
– des individus dont vous entendez parler dans l’actualité ou que vous
côtoyez dans votre vie.
Si vous ne deviez retenir qu’une idée de ce chapitre, ce serait la suivante:
chez un individu à la personnalité mixte (associant deux, trois ou quatre
pathologies), les traits de caractère et de comportement se renforcent
mutuellement, ce qui le rend beaucoup plus complexe, beaucoup plus
instable et potentiellement plus dangereux. Plus son résultat est élevé dans
listes de contrôle, plus sa complexité, son instabilité et sa dangerosité sont
grandes. Et même si son résultat est faible, cet individu va vous agacer,
vous mécontenter, vous effrayer ou vous épuiser, physiquement et
moralement – bref, c’est une personne à éviter si vous tenez à votre santé
psychique, émotionnelle, physique ou financière.
Bien que les listes ne puissent pas prédire exactement ce qu’un individu
va faire, elles vous donnent une idée de l’orientation de son comportement.
De toute façon, on ne peut prévoir le comportement de personne – nous
sommes des êtres trop complexes. Mais rappelez-vous: le meilleur
indicateur d’un comportement futur est un comportement passé. Et puisque
les individus dangereux souffrent de troubles de la personnalité, il y a peu
de chances qu’ils fassent quelque chose pour s’améliorer. C’est pourquoi il
y a fort à parier que l’orientation de leur comportement ne change pas, voire
s’aggrave, selon les circonstances.
Si vous n’avez pas ces listes de contrôle sous la main et avez besoin
d’évaluer quelqu’un rapidement, posez-vous les cinq questions suivantes:
1. Est-ce qu’il me donne une impression négative?
2. Est-ce qu’il fait des choses illégales, fantasques, déconcertantes,
contraires à l’éthique ou qui bravent les normes sociales?
3. Est-ce qu’il a tendance à exploiter ou à manipuler les autres?
4. Est-ce qu’il fait des choses dangereuses?
5. Est-ce qu’il agit avec impulsivité, sans pouvoir se contrôler et sans
vouloir attendre la satisfaction de ses désirs?
Plus vous avez de réponses positives à ces questions, plus vous risquez
d’avoir affaire à une personnalité mixte. Les listes vous aideront ensuite à
identifier plus précisément le profil de cet individu et la gravité de ses
troubles.
Autre conseil: reportez-vous aux encadrés «Des mots pour décrire» des
chapitres 1 à 4 et entourez les qualificatifs qui correspondent le mieux à cet
individu, selon vous. Ces termes ont, à eux seuls, aidé de nombreuses
personnes à se rendre compte que ce qu’elles vivaient ressemblait
étrangement à ce que d’autres victimes avaient vécu.
Dans son célèbre livre L’Archipel du goulag, qui dénonce les atrocités du
régime stalinien, l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne nous avertissait en
nous expliquant qu’il peut arriver un moment où un être humain franchit
cette limite ténue qui le fait basculer dans le «mal», un enfer d’où il ressort
rarement. Il fut une époque où Ted Bundy n’avait pas envie de tuer ses
camarades, mais à un moment donné, il a franchi cette limite et n’a plus
jamais fait marche arrière. Comme beaucoup, vous vous demandez
certainement comment et pourquoi cela est possible. Pourquoi cet individu
n’a pas toujours été ainsi, qu’est-ce qui l’a fait basculer, etc. Je comprends
votre curiosité. Mais nous ne vivons pas dans le passé. La seule chose qui
compte est de savoir comment l’individu auquel vous avez affaire se
comporte maintenant et s’il présente un danger pour vous ou vos proches.
C’est tout ce qui m’importe et c’est ce qui m’a poussé à écrire ce livre.
[6] Service permettant à quiconque de localiser tout délinquant sexuel sur l’ensemble du territoire des
États-Unis, N.D.T.
CHAPITRE 6
Comment se protéger des personnalités dangereuses
C omment faire cuire une grenouille? Vous connaissez probablement
cette allégorie. Si vous la jetez subitement dans l’eau bouillante, elle
va s’échapper d’un bond. Mais si vous la plongez dans l’eau tiède et portez
progressivement l’eau à ébullition, elle va se laisser engourdir et cuire
malgré elle, incapable de se rendre compte qu’elle est en train de mourir.
Au FBI, lorsque nous interrogions des personnes victimes d’une
personnalité dangereuse, nous entendions sans cesse le même refrain: «Au
moment où j’ai réalisé ce qui se passait, c’était trop tard.»
Notre capacité d’adaptation est un mécanisme de survie puissant. Mais
avec les personnalités dangereuses, nous risquons de ne pas prendre
conscience du danger avant qu’il soit trop tard. Autrement dit, nous
ignorons que la situation est déjà cuite.
Heureusement, nous sommes beaucoup plus intelligents qu’une
grenouille. Nous pouvons apprendre à exercer notre vigilance face à des
individus susceptibles de nous faire du mal et prendre des mesures pour
nous protéger. Mais, pour être honnête, je dois vous avouer que je ne savais
pas vraiment comment les criminels se comportaient avant d’entrer à
l’École de police de l’Utah et à l’Académie du FBI. J’en avais une petite
idée grâce à la télévision, mais j’ignorais quasiment tout du comportement
des quatre personnalités dangereuses que nous avons explorées dans ce
livre.
J’ai écrit cet ouvrage pour partager avec vous ce que j’ai tiré de mon
expérience, de ces décennies de formation, d’étude, d’observation, d’écoute
et de dialogue avec des victimes. Je tenais vraiment à vous transmettre tout
ce que j’ai appris parce que je sais que vous ne bénéficierez pas de la
formation que j’ai reçue et que vous n’aurez pas constamment à vos côtés
un policier ou un professionnel de la santé mentale pour vous aider.
Il existe de nombreux centres d’appels pour les tentatives de suicide, les
violences conjugales, les femmes battues… mais aucun si vous suspectez
quelqu’un d’être une personnalité dangereuse. Tout comme il est de notre
responsabilité de regarder à droite et à gauche avant de traverser, il est de
notre responsabilité en tant qu’individus, parents ou managers de nous
montrer vigilants, d’avoir conscience des situations, d’évaluer les menaces
et le danger, de prendre des mesures pour empêcher des personnalités
dangereuses d’entrer dans notre vie et de faire face à la situation si elles y
sont déjà. Ne soyez pas cette grenouille qui pense que tout va bien et ne
réalise pas que la température s’élève d’un degré toutes les heures.
Mon livre n’est qu’un parmi d’autres. Je vous en recommande plusieurs,
dont La peur qui vous sauve: comment reconnaître et prévenir la violence
de Gavin de Becker, et d’autres qui figurent dans la bibliographie. De
nombreuses personnes et organisations peuvent aussi vous aider, et vous
trouverez leurs références dans les «Adresses et numéros utiles» en fin
d’ouvrage.
Ce qui suit constitue ma longue expérience de policier et de profileur. Je
ne suis pas psychologue ou psychiatre, mais je pense qu’il est sage de
prendre également en compte le point de vue du corps médical sur le sujet.
Voir les choses en face
Lorsque vous êtes aux prises avec une personnalité dangereuse, vous
entendez des conseils bien intentionnés du style: «Essaie de lui parler;
essaie de le convaincre de se faire aider; essayez de résoudre le problème
tous les deux; donne-lui une seconde chance», etc. Nicole Brown Simpson,
l’ex-épouse de O. J. Simpson, a fait tout cela et elle en est morte. Je pense
que ce sont de bons conseils pour gérer des problèmes interpersonnels
courants. Mais lorsque vous avez affaire à des personnalités dangereuses, il
en va tout autrement.
D’abord, comme je l’ai mentionné aux chapitres précédents, ces
personnalités n’ont généralement pas conscience d’avoir quelque chose qui
ne tourne pas rond en elles. C’est pourquoi vos efforts pour leur faire
prendre conscience de la réalité se heurtent à des réactions du style: «Je n’ai
aucun problème, c’est toi, le problème», «Tu ne sais pas de quoi tu parles»,
«Qui t’a dit que j’avais un problème? Je vais très bien» ou encore «À qui
as-tu parlé? Qu’est-ce que tu lui as dit?»
Je ne suis pas en train de vous conseiller de ne pas tenter d’ouvrir le
dialogue. L’individu auquel vous avez affaire n’est peut-être que très
légèrement affecté, auquel cas il peut accepter l’idée de se faire aider sans
vous couvrir d’injures. Mais ne soyez pas surpris s’il vous dit qu’il va se
faire aider et ne fait rien, ou s’il va consulter, mais une seule fois. Si je vous
dis cela, c’est parce que les témoignages ne manquent pas.
Gardez à l’esprit que ce sont des individus qui souffrent d’un trouble de
la personnalité. Le narcissique peut piquer une colère contre vous parce
qu’il se juge parfait et que vous insinuez le contraire. La personne
émotionnellement instable peut se répandre en invectives contre vous parce
que c’est dans sa nature. Le prédateur ne voit rien qui cloche en lui et peut
devenir soudain d’une violence extrême si vous lui suggérez de se faire
suivre par un psychiatre. Quant au paranoïaque, il va alors vous considérer
comme un ennemi et vous faire de moins en moins confiance. C’est
pourquoi je pense que suggérer à une personnalité dangereuse de demander
de l’aide auprès d’un professionnel de la santé mentale constitue une
approche risquée et réclame la plus grande prudence.
Si vous choisissez cette démarche, procédez avec tact pour ne pas blesser
l’individu et soyez conscient des répercussions possibles. D’après mon
expérience, ne tentez cette approche que si vous sentez que vous ne mettez
pas votre vie ou celle de vos proches en danger. Il n’y a que vous qui
connaissez votre situation. Ne laissez personne vous suggérer avec
désinvolture de faire cette tentative si vous sentez que vous n’avez pas les
choses en main – car c’est vous qui risquez de vous faire taper dessus ou de
vivre un enfer par la suite.
Il existe des médecins spécialisés dans les troubles de la personnalité et
les comportements criminels. Les organismes listés en fin d’ouvrage (voir
«Adresses et numéros utiles») pourront vous rediriger vers les
professionnels appropriés. N’oubliez jamais que soigner quelqu’un est à la
fois un art et une science qu’il est préférable de laisser à des professionnels,
mais que même eux peuvent ne pas réussir à faire changer certaines
personnalités pathologiques. En effet, les personnalités dangereuses
manquent d’introspection et de volonté pour faire l’effort d’améliorer leur
comportement, et cette bataille acharnée, seuls des professionnels de la
santé mentale peuvent la mener, sans jamais être sûrs de la remporter tant
les individus dangereux sont réfractaires au changement.
Soyez particulièrement prudent avec ceux qui ne sont pas seulement
énervants et nocifs, mais virulents, instables et violents, voire qui ont déjà
un passé criminel. Des individus comme Ted Bundy, Henry Lee Lucas,
John Wayne Gacy ou Jerry Sandusky ne font pas la queue à la porte de la
clinique psychiatrique avec une détermination farouche à se confronter à
leurs démons intérieurs. Et s’ils ne le font pas, c’est d’abord parce qu’ils ne
se voient pas malades, même s’ils violent ou tuent. Vous imaginez bien la
difficulté à leur venir en aide.
Si la personnalité dangereuse que vous côtoyez manifeste un
comportement complètement irrationnel ou instable ou si elle a déjà
commis un délit ou un crime, il est temps de prendre vos distances avec elle
et de la fuir. Cela peut être difficile à entendre, mais c’est le meilleur conseil
que je puisse vous donner. Et je parle d’expérience.
Ce que vous pouvez faire au quotidien
Au fil des années, j’ai discuté avec des spécialistes sur ce que nous pouvons
faire au quotidien pour nous protéger. Les conseils qui suivent ne sont pas
exhaustifs et il existe beaucoup d’autres ouvrages qui vous donneront
davantage de détails, si vous le souhaitez, sur les différentes approches à
adopter dans la vie quotidienne à l’égard des personnalités toxiques ou
dangereuses. Néanmoins, j’espère que mes conseils et les stratégies que je
propose vont vous aider comme ils ont aidé d’autres personnes confrontées
à des situations similaires.
Vous sensibiliser
Comme le disait si justement Louis Pasteur: «Le hasard ne favorise que les
esprits préparés.» À ce stade, vous avez lu mon livre et vous êtes familiarisé
avec les quatre personnalités dangereuses et les listes de contrôle
correspondantes. Maintenant que vous avez été sensibilisé aux traits de
caractère et aux comportements de ces individus, vous êtes mieux préparé
pour savoir comment vous comporter avec eux et améliorer vos chances de
rester en sécurité.
Je n’ai pas créé ces listes de contrôle simplement pour vous aider à
identifier et évaluer les personnes de votre entourage qui vous préoccupent
ou vous posent problème, mais aussi dans un but de sensibilisation plus
général. Ces listes sont là pour rappeler à tout le monde comment ces
individus manipulent, exploitent les faiblesses, s’insinuent dans la vie des
autres contre leur volonté, maltraitent physiquement et mentalement,
mentent, trompent, volent, se lancent dans des conduites à risque qui
sèment le chaos sur leur passage, mettent les autres en danger ou les
persécutent. Même si vous ne relirez jamais ce livre en entier, je vous
recommande de revoir de temps en temps les quatre listes pour ne jamais
oublier pourquoi ces personnalités dangereuses doivent à tout prix être
évitées.
Ne vous contentez pas de regarder: observez
Lorsque j’étais jeune, j’allais à la plage tous les week-ends à Miami. Il y
avait de nombreux touristes venus d’Europe dont les bambins jouaient et se
baignaient nus. Je voyais souvent un homme à proximité, en tenue de ville,
qui prenait des photos. Je pensais que c’était un photographe professionnel,
avec son gros sac d’objectifs et ses pellicules 35 mm. Il prenait un réel
plaisir à photographier les touristes, mais souvent, il se rapprochait pour
photographier leurs enfants qui jouaient dans les vagues ou construisaient
des châteaux de sable. Je ne pensais rien de lui à l’époque; j’étais davantage
intéressé par ses appareils photo que mes parents ne pouvaient pas s’offrir.
Ce que je voyais à l’âge de 11 ans, c’était un photographe. Ce que je
n’observais pas, c’était un pédophile en action. J’étais aveugle à ce qui se
passait parce que personne ne m’avait appris à voir ce qu’il fallait voir.
Personne ne m’avait fait remarquer que c’était le comportement d’un
prédateur sexuel ou d’un pornographe pédophile. Ce n’est que bien des
années plus tard, lorsque j’étudiais les crimes sexuels, que je me suis rendu
compte de ce que j’avais vu, mais pas observé, parce que je n’y étais pas
préparé mentalement.
À la suite de crimes horribles, combien de fois a-t-on vu un reporter
demander à un voisin de l’accusé «quel genre d’individu» il était et
s’entendre répondre que c’était un type charmant, un type bien sous tous
rapports, un type sans problème, un type gentil, etc. Il y a près de quarante
ans, lorsque des enquêteurs ont déterré un vingt-sixième corps sous la
maison de John Wayne Gacy, dans l’Illinois, son voisin n’a pas dérogé à la
règle en disant aux journalistes que «c’était un type formidable». Rien n’a
changé aujourd’hui. Les gens voient, mais n’observent pas. C’est même
peut-être pire qu’avant. La prochaine fois que vous êtes dans un lieu public,
regardez autour de vous: les gens ont désormais le nez collé sur leur
téléphone, parfois au risque de se cogner les uns contre les autres, et les
oreilles bouchées par un casque, des écouteurs ou des oreillettes. Difficile
de voir ou d’entendre venir un psychopathe lorsque vous vous apprêtez à
ouvrir la portière de votre voiture si vos yeux sont rivés à l’écran, si vous
téléphonez ou si vous avez la musique à fond dans les oreilles. Et pourtant,
la majorité des gens se comporte ainsi. Et les prédateurs le savent.
Puissent ce livre et ses listes de contrôle vous apprendre à mieux
observer. Car l’observation est une arme de protection très puissante contre
les personnalités dangereuses. Comme le disait le célèbre criminologue et
biométricien Alphonse Bertillon: «On ne peut voir que ce que l’on observe
et l’on n’observe que ce qui est déjà dans notre esprit.»
Faites-vous confiance: quelle impression cet individu vous fait-il?
Dans le chapitre 4, j’évoquais cette impression d’entendre mon pistolet
vibrer alors que mon corps tremblait à la reconnaissance d’un prédateur
social. Nous possédons un système d’alerte interne qui nous dit que nous
sommes en danger, à condition de l’écouter. Par conséquent, soyez à
l’écoute de l’impression que les autres vous font – il s’agit là d’un critère
essentiel souvent ignoré, même par les professionnels. Connectez-vous à
vos réactions physiques, aux gens et aux situations: intestins noués,
cheveux qui se dressent sur la tête, chair de poule, éruption cutanée,
nausées, anxiété ou vague sensation de malaise. Remerciez ces réactions
physiologiques, car elles sont des messages transmis de votre cerveau à
votre corps qui vous disent: «Fais attention, cet individu pourrait être une
personnalité dangereuse.» Soyez reconnaissant de ce «cadeau de la peur»
dont parle si bien Gavin de Becker dans son livre que nous devrions tous
lire, La peur qui vous sauve.
Sachez distinguer les «faux gentils» des «vrais gentils»
Le tueur en série Ted Bundy proposait à des jeunes femmes de les aider à
porter leurs courses. Le prédateur sexuel et tueur en série John Wayne Gacy
faisait le clown pour les enfants de son quartier. Le pédophile Jerry
Sandusky organisait des activités sportives pour les jeunes en difficulté.
Tous ces individus pouvaient se montrer gentils (ils savent d’ailleurs très
bien faire cela), mais dans les coulisses, Dr Jekyll se transformait en
Mr Hyde.
Le problème, c’est que nous avons tendance à juger gentils des individus
qui ne le sont pas. Comme je l’ai mentionné dans les chapitres précédents,
les personnalités dangereuses savent se faire douces, aimables et gentilles,
mais ne nous y trompons pas, ce n’est qu’une apparence.
Quand j’étais tout petit, ma mère m’a appris une version espagnole de la
sagesse populaire: «Ventajeros no son buenos» qui signifie: ceux qui font le
bien pour en tirer profit (les opportunistes) ne sont pas des gens bien. Des
années plus tard, j’ai apprécié la version de Gavin de Becker: «Le charme et
la gentillesse ne sont pas la bonté.» Nous devons savoir faire la différence et
apprendre à nos enfants à la faire eux aussi.
La gentillesse et l’amabilité sont des qualités qui vont et viennent, et qui
peuvent obéir à des motivations égoïstes. Alors que la bonté et la
bienveillance viennent du cœur et font partie de la nature fondamentale
d’une personne. La bonté est cette capacité à se soucier des besoins de
l’autre, tel un bon parent qui prend soin de son enfant. Les individus
fondamentalement bienveillants peuvent parfois être dans un mauvais jour,
mais ils retrouvent le lendemain leur bonté essentielle en pensées, en
paroles et en actes. La gentillesse s’applique à des actions que tout le
monde peut faire. Tandis que la bonté est une affaire de caractère et
d’intention. Lorsque nous cherchons à savoir si une personne est «bonne»,
nous cherchons à connaître ses intentions derrière son comportement.
Apprenons à nos enfants à faire la différence.
Contrôlez votre espace et prenez de la distance
Utilisez la distance comme barrière pour vous protéger, vous et vos proches.
Murs, clôtures, portails, portes, portières, contrôle parental sur l’ordinateur
– tous ces dispositifs sont destinés à assurer votre protection. Parfois, c’est à
nous de mettre cette distance et cette barrière. Veillez à ne pas avoir
quelqu’un trop près de vous lorsque vous retirez de l’argent au distributeur
automatique. Évitez d’être suivi jusqu’à votre voiture. Refusez que votre
partenaire vous engueule à quelques centimètres de votre visage. L’espace,
la distance, les barrières sont là pour vous protéger et vous donner un
sentiment de sécurité. Rappelez-vous: les prédateurs tentent de contrôler
votre espace, votre corps, votre esprit, votre argent, vos émotions. À vous
de les tenir à distance.
Prenez votre temps
Les personnalités dangereuses se servent du facteur temps contre vous.
Elles cherchent à vous mettre dans l’urgence, à ce que vous agissiez
rapidement pour vous prendre dans leurs filets sans que vous ayez le temps
de dire ouf! Précipiter le mariage, précipiter l’embauche, précipiter la
signature du contrat, précipiter la signature du chèque, précipiter l’adoption
de leurs croyances, etc. Ralentissez. Prenez le temps de réfléchir sans
pression. Dites-vous que si quelqu’un utilise le temps pour vous mettre la
pression et brusquer vos décisions, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche.
Celui qui se soucie réellement de vous ne cherche pas à vous presser.
Les personnalités dangereuses peuvent également utiliser le temps pour
vous user à force d’obstination, de disputes répétées ou de menaces de plus
en plus graves. Si vous sentez que quelqu’un cherche à vous épuiser, prenez
vos distances ou dites stop à cette relation. C’est là que des «alliés
empathiques» en lesquels vous avez confiance peuvent vous apporter leur
soutien (voir «Constituez-vous de solides alliés» un peu plus loin dans ce
chapitre).
Dites non au chantage émotionnel
Si vous avez affaire à un individu qui vous fait du chantage émotionnel, ou
tente d’en faire, méfiez-vous. Quelqu’un qui veut vraiment votre bien ne
cherche pas à jouer sur votre corde sensible. Les personnalités dangereuses
sont d’habiles marionnettistes: elles savent quoi dire et quoi faire pour vous
émouvoir. Elles peuvent menacer de vous quitter ou de se suicider, ou vous
disent qu’elles seront anéanties si vous ne faites pas ceci ou cela. Ou, tels
des enfants, elles peuvent se mettre à bouder, à gémir ou à pleurer,
cherchant à obtenir ce qu’elles veulent de vous. Faites une pause et dites-
vous que si vous êtes touché, voire bouleversé, c’est que cette personne
joue délibérément sur votre corde sensible. C’est de la manipulation. Vous
ne voulez pas passer votre vie à vous faire manipuler, n’est-ce pas? Alors
prenez votre existence en main en vous éloignant des individus passés
maîtres dans l’art du chantage émotionnel. Reconnaissez leurs agissements,
fixez des limites et prenez vos distances par rapport à ceux qui ne vous
respectent pas.
Évaluez le degré et la fréquence d’un comportement
Les comportements que nous observons chez les personnalités dangereuses
nous renseignent sur le degré de gravité de leur trouble, et donc leur degré
de dangerosité, et nous permettent de savoir s’il s’agit de personnalités
mixtes (voir chapitre 5). Un ou deux comportements indésirables de temps
en temps ne portent pas à conséquence. Après tout, qui n’a pas quelquefois
des agissements répréhensibles? En revanche, si les comportements figurant
dans les listes de contrôle se manifestent à maintes reprises, s’ils
s’intensifient avec le temps ou s’ils vous affectent émotionnellement ou
physiquement, prenez garde! N’oubliez pas qu’avec les personnalités
dangereuses, toute permissivité de votre part est perçue soit comme une
faiblesse, soit comme un encouragement à continuer.
Sachez que l’heure et le lieu importent
Je me rappelle le cas d’une jeune femme retrouvée violée et étranglée dans
les buissons à seulement quatre mètres d’une route très fréquentée. Une
analyse de son mode de vie a été très éclairante: le soir de sa disparition,
elle s’est aperçue qu’elle n’avait plus de cigarettes (nous n’avons retrouvé
chez elle que des paquets de cigarettes vides). Elle est descendue en
chercher dans une supérette du coin ouverte tard le soir et située à deux
immeubles de chez elle. Les caméras de surveillance montrent qu’elle est
sortie seule du magasin à 23 h 10. En rentrant chez elle, elle a été attaquée
(blessures visibles sur ses bras, preuve qu’elle s’est défendue), violée
(traces de sperme retrouvées sur elle et en elle) et tuée (marques de
strangulation autour du cou). Selon la caissière qui l’a servie, elle avait
l’habitude de venir acheter des cigarettes et d’autres produits dans cette
supérette. Ce qui était différent ce soir-là, c’était l’heure: d’habitude, elle
faisait ses achats vers 17 h 30 en rentrant de son travail, lorsqu’il faisait
encore jour et qu’il y avait beaucoup de passants et de voitures dans les
rues. Ce simple changement d’horaire modifiait la situation: de jeune
femme active faisant ses courses après son travail, elle était devenue la
victime d’un meurtre.
Vous pouvez passer d’un risque faible à un risque élevé de vous faire
assassiner rien qu’en modifiant l’horaire et le lieu. La violence
interpersonnelle augmente entre 16 heures et 2 heures du matin. Si vous y
ajoutez l’alcool et la drogue, c’est l’escalade. Nous savons tout cela depuis
les années 1960, mais la plupart des gens semblent l’oublier.
Ce n’est pas pour autant que vous ne devez pas sortir après 16 heures.
Simplement, la prudence est de mise. Un acte anodin à 11 heures peut
devenir mortel à 23 heures.
Dissuadez les personnalités dangereuses
Les prédateurs choisissent souvent leurs cibles à leur démarche. Lorsque
vous êtes dehors, regardez autour de vous, faites attention à ce qui vous
entoure; regardez les gens en face et montrez-leur que vous les voyez, voire
que vous les avez dans le collimateur! Marchez d’un pas décidé, en
balançant les bras de façon assurée et énergique – les prédateurs
recherchent la passivité et l’inattention. Ne laissez pas les voitures rouler
derrière vous, marchez face à la circulation. Lorsque vous allez chercher
votre voiture, évitez d’être au téléphone et essayez de garder une main libre.
Évitez les ruelles ou les petites rues mal éclairées. Si vous habitez en zone
rurale ou dans un lieu très boisé, méfiez-vous des endroits qui constituent
des cachettes faciles.
Vérifiez à qui vous avez affaire
Nous devons toujours vérifier à qui nous avons affaire, dans la sphère
privée comme dans la sphère professionnelle. Il est étonnant de voir la
facilité avec laquelle de nombreuses personnes invitent quelqu’un chez
elles, laissent un étranger garder leurs enfants ou autorisent quelqu’un à
gérer leurs comptes sans prendre la précaution de vérifier leurs références.
Imaginez que vous épousez un homme et découvrez plus tard que votre
époux est déjà marié, est un criminel recherché par la police ou est un
parfait imposteur (comme dans le cas de Clark Rockefeller présenté au
chapitre 1).
Nous devrions passer plus de temps à apprendre à connaître l’individu
que nous fréquentons ou épousons qu’à chercher une nouvelle cuisine. Les
renseignements que vous avez sur cet individu (son nom, l’endroit où il a
grandi et passé sa scolarité) sont-ils exacts? Avez-vous rencontré sa famille?
Travaille-t-il réellement là où il vous dit qu’il travaille? A-t-il déjà été
marié? Vérifier tous ces éléments vous semble peut-être excessif, mais les
abus de confiance n’arrivent pas qu’aux autres.
N’attendez pas trop longtemps
N’attendez pas trop longtemps pour agir. Si vous sentez quelque chose qui
«cloche» chez cette personne, même dès le départ, faites-vous confiance et
prenez les mesures qui s’imposent. Peut-être que Natalee Holloway sentait
que quelque chose ne tournait pas rond à la fin de cette soirée à Aruba, mais
si c’était le cas, il était déjà trop tard – ses amies étaient parties, la laissant
seule dans un pays étranger avec trois hommes qu’elle venait juste de
rencontrer. Cette jeune femme de 19 ans, venue fêter la fin de ses études
secondaires sur cette île des Antilles, a disparu en 2005 et n’a jamais été
retrouvée. Peut-être que Travis Alexander sentait que quelque chose ne
tournait pas rond dès le début de sa relation avec Jodi Arias, mais il n’a pas
réagi suffisamment tôt. Résultat: il a été retrouvé sauvagement poignardé
dans sa douche.
Lorsque vous avez affaire à des personnalités dangereuses, vous n’avez
pas beaucoup de temps pour réagir. Si vous ne savez pas quoi faire, pensez
à prendre vos distances.
Comment se comporter avec les personnalités dangereuses
Bien sûr, la meilleure chose à faire est de les éviter, mais ce n’est pas
toujours possible. Elles nous trouvent ou nous nous retrouvons avec elles
pour une multitude de raisons – voyage, mariage, travail – ou parce qu’elles
font partie de notre cercle familial. Quelle qu’en soit la raison, si vous
pensez être en présence d’un individu dangereux, protégez-vous et prenez
soin de vous. J’espère que les stratégies suivantes vont vous aider.
Qui est-ce?
Relisez les quatre listes pour mieux savoir à qui vous avez affaire. Si vous
ne les avez pas sous les yeux ni à portée de main, essayez de vous rappeler
leur contenu et de déterminer la catégorie à laquelle cet individu appartient.
Vous pourrez ainsi évaluer le degré de gravité de votre situation et prendre
les mesures de protection nécessaires. Si vous sentez que vous êtes
vraiment en danger, n’attendez pas – si vous voyez un homme avec un
revolver dans un couloir, vous n’avez pas besoin des listes de contrôle:
fuyez! Mais la situation n’est pas toujours aussi évidente – vous pouvez
avoir affaire à un escroc enjôleur qui sait y faire pour tenter de vous soutirer
les coordonnées bancaires de votre grand-mère.
Les situations complexes
Par exemple, vous pouvez savoir pertinemment que votre mari est un
menteur et un escroc qui n’hésite pas à recourir à la violence, mais pour des
questions familiales ou financières, vous restez avec lui, ce qui rend la
situation extrêmement complexe. Oui, l’individu que vous côtoyez est
dangereux et obtient un résultat élevé à deux des quatre listes, mais vous ne
pouvez pas partir pour des raisons qui vous regardent. Si c’est votre
employeur, parce que vous voulez garder votre emploi. Ou bien votre
patron est un membre de votre famille. Ou vous ne pouvez pas quitter votre
mari parce que vous ne travaillez pas et avez besoin de sa paie. Quelle que
soit votre situation, et aussi complexe soit-elle, regardez-la en face. Si vous
ne voyez pas les choses avec réalisme, vous ne pourrez pas trouver de
solution à vos problèmes.
Sincèrement, plus votre situation sera complexe, plus vous aurez besoin
d’aide. Certes, il vous faudra plus de temps pour sortir de ce piège, mais si
les choses s’aggravent, si les menaces et la violence se précisent et se font
plus fréquentes, vous n’aurez pas le choix. Tous les pilotes de chasse que je
connais veulent sauver leur avion, mais il arrive un moment où ils ne
peuvent plus rien faire d’autre que de s’éjecter pour sauver leur peau. La
même chose peut nous arriver dans notre vie quotidienne.
Si votre emploi est en jeu, voyez si vous ne pouvez pas obtenir une
mutation. Parlez-en aux ressources humaines ou à l’équipe dirigeante et
construisez-vous des alliances avec des personnes disposées à vous
soutenir. Il se peut toutefois que vous soyez obligé de démissionner. C’est
ce qui est arrivé à certains collaborateurs du cofondateur d’Apple, Steve
Jobs. Lisez la biographie de Walter Isaacson, Steve Jobs, et vous allez vous
rendre compte que même si cet homme était un visionnaire, il était aussi
extrêmement capricieux et terriblement intransigeant envers ses salariés. Il
a poussé à bout bon nombre de ses collaborateurs et certains sont tombés
malades. Même son partenaire de longue date Steven Wozniak s’est résolu à
le quitter parce qu’il ne supportait plus son sale caractère. Vous aussi, vous
serez peut-être contraint à aller jusqu’à cette extrémité, car les salariés
d’Apple ont fini par se rendre compte qu’une paie, même très élevée, ne
méritait pas d’y laisser sa santé physique et mentale. Rien ne le mérite,
d’ailleurs.
Toujours est-il que quitter son emploi est généralement plus facile que de
divorcer lorsqu’il y a des enfants et des enjeux financiers au sein du couple.
Et qu’en est-il de l’adolescent qui veut s’émanciper parce qu’il a des
parents toxiques, toxicomanes, alcooliques ou atteints de troubles de la
personnalité et donc potentiellement dangereux? Se sortir de cet enfer peut
s’avérer très compliqué, mais il y a des solutions.
Si vous vivez une situation complexe, lisez tous les livres qui vous
tombent sous la main sur le sujet et demandez l’aide de spécialistes – si les
choses sont vraiment graves, n’hésitez pas à faire intervenir les services
sociaux ou la police.
Dans tous les cas, utilisez les listes de ce livre pour valider ce que vous
êtes en train de vivre, puis tournez-vous vers un professionnel de la santé
mentale compétent, voire vers la police avec ce livre entre les mains en
disant: «S’il vous plaît, jetez un œil à cette liste parce que mon
partenaire/mon mari/ma femme/mes parents/mon ami/mon enfant
manifeste(nt) ces comportements.» Il est beaucoup plus difficile d’ignorer
quelqu’un qui s’est déjà documenté et en apporte la preuve.
Notez tous les faits pour en garder trace
Lorsque je travaillais à Porto Rico, j’avais un patron qui usait et abusait de
la violence verbale à l’égard de tous ses employés. Il me criait dessus à
longueur de journée, et faisait de même avec mes collègues. Au bout de
quelques jours, j’ai compris ce que je devais faire. Chaque fois qu’il entrait
dans mon bureau ou m’appelait dans le sien, je veillais à avoir toujours mon
journal de bord avec moi et, dès qu’il se mettait à vociférer, je commençais
à écrire. Alors il s’arrêtait parce qu’il savait que je notais tout ce qu’il me
disait – ou plutôt me hurlait. J’ai appris que l’on pouvait changer le
comportement de certains individus ou les empêcher de continuer à nous
harceler en notant par écrit leurs paroles – et leurs actes.
En effet, certaines personnes joignent le geste à leurs paroles violentes,
auquel cas mes recommandations seront les mêmes: notez tout ce qu’elles
font – date, heure, description des faits –, surtout si ce sont des actes
récurrents. Garder trace de comportements toxiques peut vous sauver la vie
ultérieurement, que ces comportements se manifestent à la maison ou au
travail. Le simple fait de rédiger un courriel de ce qui s’est passé entre cette
personne et vous et de vous l’envoyer à vous-même vous permet de garder
une preuve qui pourra se révéler fort précieuse.
Si quelqu’un vous couvre d’injures, vous claque la porte au nez, vous
gifle, vous frappe, crève vos pneus, vous file ou vous harcèle au téléphone,
notez ces faits quelque part. Je reviens toujours à l’exemple de Nicole
Brown Simpson. Si seulement elle avait tenu un journal intime en y notant
toutes les fois où O. J. Simpson la harcelait, l’appelait, entrait par effraction
dans son appartement, la battait ou la jetait au sol Si seulement elle était
allée voir la police ou un procureur fédéral avec son journal en disant: «Je
vous en prie, faites quelque chose!», il y a tout lieu de penser qu’elle
n’aurait pas connu un sort aussi tragique. Ne croyez jamais que les
documents détenus par la police suffiront; non, il est aussi de votre
responsabilité de vous constituer votre propre dossier.
J’ai discuté avec de nombreuses femmes qui ont gagné leur procédure de
divorce parce qu’elles ont présenté un journal intime dans lequel elles
avaient noté tous les abus de leur mari à leur égard. N’oubliez jamais: un
journal aura toujours le dernier mot sur les souvenirs d’un individu et la
dernière chose qu’un avocat de la partie adverse souhaite voir est une
épouse ou une employée qui a pris le soin de noter les faits en détail – une
bonne façon de lui clouer le bec.
Constituez-vous de solides alliés
Plus l’individu auquel vous avez affaire obtient un résultat élevé aux listes
descriptives des personnalités dangereuses, plus vous devez vous constituer
des alliés solides en vous entourant de personnes qui vous soutiennent.
Veillez à ce que tous les membres de votre famille connaissent la gravité de
votre situation et sachent à quel genre d’individu vous devez faire face.
Parlez-en à vos voisins, à la serveuse du bar de votre quartier, à certains
commerçants dont vous êtes proche, à votre coach, à votre prof de gym et à
vos amis. Il est extrêmement important de savoir que vous êtes entouré de
gens qui vous téléphonent, qui vérifient que tout va bien pour vous, qui
passent vous voir, qui vous écoutent et vous comprennent. Ils seront peut-
être amenés à intervenir un jour pour vous venir en aide.
Vous vous rappelez l’histoire de cette femme contrainte par son mari de
rester assise par terre avec ses enfants (chapitre 3)? Aussi incroyable que sa
situation puisse paraître, elle a été confirmée par une amie à elle à qui elle
en avait parlé et qui, en lui rendant visite, a pu être témoin de la scène.
N’acceptez pas l’isolement
Toute personne ou toute structure collective qui cherche à vous isoler
physiquement est potentiellement dangereuse. Si vous entrez en relation
avec un individu, un groupe, une organisation ou une secte qui tente de
vous isoler de votre famille, de vos amis, de vos collègues ou des gens que
vous aimez fréquenter, méfiez-vous. Quelqu’un qui s’intéresse à vous et à
votre bien-être va souhaiter votre bonheur et votre épanouissement, que
vous les trouviez au contact de vos proches ou de vos amis. S’il veut vous
éloigner des autres (et les gourous disposent de multiples moyens pour y
parvenir, notamment de vous amener à éprouver un sentiment de culpabilité
ou à avoir honte de votre famille ou de vos amis), sachez que la stratégie
d’isolement est le meilleur moyen d’avoir un contrôle total sur vous. Toutes
les personnalités dangereuses, de Jim Jones à Ted Bundy, ont employé cette
technique pour contrôler leurs victimes.
Évitez également de monter dans la voiture d’une personne que vous ne
connaissez pas ou dont vous doutez des bonnes intentions. Une fois que
vous êtes dans une voiture, le risque augmente terriblement alors que vos
chances de vous échapper diminuent considérablement. Si l’on tente de
vous faire entrer de force dans une voiture, criez, hurlez, donnez des coups
de pied, mordez ou griffez votre ravisseur, même s’il a un couteau ou un
revolver. Le plus grand danger vous guette dans l’habitacle et non à
l’extérieur du véhicule.
Fixez des limites
Mon père a travaillé pendant des années dans un magasin d’informatique
dont le patron était un véritable tyran (narcissique et émotionnellement
instable). Il hurlait après son personnel, le réprimandait, jetait des objets
contre les murs et criait même après les clients. Mais il n’a jamais traité
mon père comme les autres. Lorsque j’ai demandé à mon cher père
pourquoi il avait droit à un traitement de faveur, il m’a répondu: «Parce que
je lui ai dit dès le premier jour: “Ne me parlez plus jamais comme ça.”»
Les gens vont jusqu’où vous les autorisez à aller. Alors fixez des limites
claires et définitives de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas, et
défendez-les coûte que coûte. Avec ces individus, il faut un «non» sans
appel. Vous leur tendez la main et ils vous prennent le bras entier. Il est
intéressant de noter que les personnalités émotionnellement instables
acceptent bien les structures, les règles et les formalités, c’est pourquoi vos
limites peuvent les aider et les rassurer.
Si l’individu en question franchit à plusieurs reprises les limites que vous
souhaitez infranchissables, vous allez, à un moment donné, devoir prendre
les mesures qui s’imposent. Sinon, il va continuer à vous vider de votre
énergie, à user votre patience, à vous insulter, à vous maltraiter, à vous
rendre malade psychiquement ou physiquement, voire à vous mettre en
danger.
Évitez de vous faire manipuler
En ayant discuté avec des victimes, je me suis aperçu que beaucoup
s’efforçaient de fixer des limites contre les persécutions, mais pas contre les
manipulations. Pourtant, la manipulation est souvent le prélude à la
persécution. Les personnes qui souffrent de troubles de la personnalité vous
en demandent toujours plus, plus de faveurs, plus de privilèges; elles sont
en retard, elles vous font attendre, elles vous demandent de modifier votre
emploi du temps pour elles – bref, elles veulent sans cesse que vous soyez
en mesure de satisfaire leurs besoins et de répondre à leurs dernières
exigences. Ne récompensez pas un comportement négatif. Lorsque le
narcissique s’aperçoit que la réunion a commencé sans lui et qu’on ignore
son arrivée, il va arriver à l’heure la prochaine fois. En revanche, si tout le
monde l’attend et lui fait fête lorsqu’il apparaît, il va recommencer à arriver
en retard.
Certains vont vous dire: «N’êtes-vous pas un peu dur avec ces
individus?» Non, pas du tout. L’amour altruiste implique le respect des
limites de l’autre; il n’y a rien de difficile là-dedans pour qui aime vraiment.
Ce n’est «dur» que pour la personnalité dangereuse si elle persiste à faire fi
des limites, à n’éprouver aucune compassion et à ne pas respecter les autres.
C’est «dur» parce que pour le narcissique égocentrique, la personnalité
émotionnellement instable ou le prédateur, tout ce qui respecte les limites et
la dignité humaine est pénible.
Donnez du répit et des exutoires positifs à vos enfants
Les enfants doivent être protégés du mieux possible des personnalités
dangereuses – à commencer par leurs parents ou beaux-parents. S’il est
impossible de les soustraire à un environnement familial nocif, il faut leur
donner de multiples occasions de sortir de chez eux et d’évoluer dans un
cadre où ils peuvent échapper au quotidien, exceller, se sentir en sécurité et
être heureux.
Ils ont besoin de passer du temps avec un proche bienveillant, qui prend
soin d’eux et leur donne de l’affection, et auquel ils peuvent se confier. Une
psychothérapie est la bienvenue, mais également des activités scolaires et
extrascolaires – sport, travail avec des animaux, activités créatives (dessin,
peinture, musique), lecture, etc. Ils doivent pouvoir voir ce qu’est une vie
normale, une vie sans disputes, sans menaces, sans conflits perpétuels.
J’ai eu à gérer le cas d’une famille où les enfants étaient scolarisés à
domicile et où le père était un narcissique et un prédateur. Ce n’est que vers
l’âge de 15 ans que ces enfants ont réalisé ce qu’était une vie «normale». Et
c’est notre devoir de les aider à comprendre que la violence sous toutes ses
formes (physique ou psychologique) n’est ni légitime ni acceptable.
Si vous êtes en danger, agissez!
Les individus souffrant de troubles de la personnalité manifestent parfois un
comportement si toxique, si instable ou si criminel que leurs proches ou les
personnes qui les côtoient régulièrement sont en grand danger. Qu’il
s’agisse d’un danger financier, émotionnel, psychologique ou physique, une
fois que ces individus ont franchi le point de non-retour, une action
immédiate de votre part est nécessaire. À ce stade, peu importe de savoir
comment vous en êtes arrivé là. Vous devez prendre vos distances sans
tarder ou vous extraire coûte que coûte de cette situation.
Voici quelques stratégies pour faire face à une menace immédiate.
Agissez
Si votre instinct ou votre corps vous dit de fuir, fuyez. N’attendez pas.
Toute menace physique ou toute tentative de la part d’un individu
dangereux pour prendre le contrôle de votre corps, de votre esprit, de votre
espace, de votre argent ou de vos proches doit vous inciter à agir sur-le-
champ. Faites preuve de prudence, n’attirez pas son attention, si possible, et
fuyez.
Réfléchissez
Si vous avez affaire à une personne très dangereuse, n’essayez pas de lui
parler de ce qui est en train de se passer et songez plutôt à assurer votre
sécurité. Comme je l’ai dit, ces personnes sont capables de violence verbale
et physique. Si vous vous sentez en danger, leur dire qu’elles ont besoin de
se faire aider ou leur tenir tête est une approche trop risquée. Elles sont
alors capables de tout, notamment de s’en prendre à vous, de détruire vos
biens, de vider votre compte bancaire, de prendre les enfants et de
disparaître, de se pointer sur votre lieu de travail avec un fusil, de prendre
des personnes en otages ou de tenter de se suicider. Alors commencez par
réfléchir comment vous pouvez vous sortir de cette situation en toute
sécurité. Si vous voulez quand même leur parler, faites-le calmement, et
près d’une porte ou d’une issue de secours.
Prévenez vos amis et les membres de votre famille
Si la situation s’aggrave, si vous vous sentez de plus en plus menacé,
activez votre cercle amical et familial. Demandez-leur de passer vous voir à
l’improviste de plus en plus souvent, de vous appeler chaque jour et, si vous
ne répondez pas au téléphone, de venir chez vous ou d’appeler la police.
Demandez l’aide de professionnels
Si vous ne vous êtes pas encore adressé à des associations d’aide, des
organismes de soutien, des organisations religieuses, des thérapeutes
(psychologues, psychiatres), des avocats, des policiers, des services sociaux
ou des services d’accueil téléphonique (par exemple, Violences Femmes
Info ou Suicide Écoute), faites-le maintenant (voir les «Adresses et numéros
utiles» en fin d’ouvrage). Vous avez besoin d’une équipe de soutien et d’un
filet de sécurité. Ne vous sentez pas gêné de devoir faire ce type de
démarche. Les numéros d’urgence ont justement été créés parce que nous
avons tous besoin d’aide en urgence à un moment ou à un autre.
Ne vous confrontez pas seul à une personnalité dangereuse
Si vous devez parler à un individu dangereux mais redoutez sa violence
verbale ou physique, demandez à un professionnel de la santé mentale, un
proche ou un ami d’être à vos côtés, le téléphone portable dans la main. Ou
appelez la police et dites-lui que vous souhaitez qu’elle se tienne prête si
vous en avez besoin. Il y a de fortes chances qu’un agent de police se
déplace, les violences conjugales étant généralement prises au sérieux.
Prévoyez votre stratégie de retrait
Il est primordial d’assurer votre sécurité. J’ai parlé avec des gens qui ont
passé des mois à planifier minutieusement le moment où ils allaient rompre
leur relation avec une personnalité très dangereuse. En effet, il n’est pas
question d’éveiller ses soupçons. Vous pouvez, par exemple, dire à la
personne que vous devez aller faire une course – et ne jamais revenir (ou
revenir plus tard avec un ami pour prendre vos affaires). Lorsqu’il y va de
votre sécurité et de celle de vos enfants, faites ce que vous avez à faire pour
prévoir votre départ dans les meilleures conditions.
Constituez-vous un petit pécule
Il vous faut un peu d’argent en réserve, une «poire pour la soif», comme on
dit, si vous devez être amené à partir rapidement parce que vous voyez que
la situation s’aggrave. Si nécessaire, vendez quelques objets personnels. Je
connais une femme qui avait prévu son «coup» depuis longtemps: elle
mettait chaque jour de côté quelques sous volés à son mari jusqu’à ce
qu’elle puisse payer un billet de train pour elle et sa fille et retourner dans
sa famille.
Abordez les questions financières avec un professionnel compétent
Si vous sentez quelque chose de suspect concernant une transaction
financière, n’hésitez pas à vous renseigner et à poser des questions, et à
retarder une prise de décision, la signature d’un chèque ou la divulgation
d’un numéro de carte bancaire. Quoi que vous fassiez, n’avancez pas seul.
Demandez à d’autres personnes (de préférence des professionnels qualifiés
tels les banquiers, les comptables ou les avocats) d’évaluer votre situation
ou d’étudier l’investissement que vous réalisez ou envisagez, et demandez-
leur si c’est une bonne affaire. Il est plus judicieux de dépenser 400 dollars
pour s’offrir les services d’un avocat que de perdre 400 dollars en les
donnant à une personnalité dangereuse, n’est-ce pas?
Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul
Il arrive un moment où les individus qui côtoient une personnalité
dangereuse opèrent une prise de conscience soudaine, ce que j’appelle «le
Grand Réveil». Après avoir consacré des années de leur vie à ces
personnages toxiques, ils sortent soudain du «grand sommeil». Certes, ils
ont été déçus, mais ils étaient tellement investis dans cette histoire qu’ils
continuaient d’essayer de comprendre et d’arranger les choses – jusqu’à ce
qu’ils aient fini par réaliser que leurs attentes n’allaient jamais être
satisfaites. Tel est le Grand Réveil: cet instant où vous vous dites que vous
ne pouvez plus rien faire pour cette personne, que vous souffrez et qu’il est
temps de passer à autre chose.
Le Grand Réveil est douloureux
Les individus qui vivent un Grand Réveil se sentent soudain ridicules,
comme s’ils avaient été exploités toutes ces années durant, comme s’ils
avaient vécu dans le mensonge, un mensonge qu’ils se racontaient, comme
s’ils ne pouvaient plus faire confiance à personne, désormais. Certains
retournent leur souffrance contre eux et s’en veulent terriblement. C’est
pourquoi l’aide thérapeutique peut être très utile à ce moment-là. Mais
surtout, ne vous sentez pas seul. Nous avons tous, d’une manière ou d’une
autre, vécu des situations semblables.
Prenez et gardez vos distances
La distance est une stratégie souvent très efficace. Car l’expérience m’a
appris que les personnalités dangereuses s’améliorent rarement et peuvent
avoir des effets psychologiques, émotionnels, physiques et financiers
dévastateurs sur leurs victimes et les proches de celles-ci. J’ai fréquemment
remarqué que lorsque nous nous éloignons du danger ou des personnes qui
nous nuisent, nous cessons d’avoir mal. C’est là que je ne suis pas toujours
d’accord avec les autres. J’ai parlé avec de trop nombreuses victimes au
cours de ma carrière pour faire aujourd’hui de longs et beaux discours sur la
possibilité de voir la situation s’arranger lorsque vous êtes menacé.
J’apprécie les paroles sages du diplomate suédois, deuxième secrétaire
général des Nations unies et prix Nobel de la paix Dag Hammarskjöld
(1905-1961) qui, après avoir vu les atrocités de la Seconde Guerre
mondiale, avait dit: «Celui qui veut garder son jardin propre ne laisse pas
un coin réservé aux mauvaises herbes.» Il avait également déclaré: «L’ONU
n’a pas été créée pour emmener l’humanité au paradis, mais pour la sauver
de l’enfer.» Et lorsqu’on a affaire à une personnalité dangereuse, ne s’agit-il
pas avant tout de sauver sa peau? Et j’ajouterai: si les mauvaises herbes ne
s’en vont pas, il est temps de cultiver un nouveau jardin.
Et si vous pensez être une personnalité dangereuse?
Au fil des années, j’ai rédigé de nombreux articles sur les personnalités
dangereuses. Invariablement, quelqu’un m’écrivait pour me dire: «Je
reconnais bon nombre de ces traits de caractère et de comportement chez
moi.» Si c’est le cas, je tiens à être le premier à vous féliciter de votre
honnêteté. Maintenant que vous en avez pris conscience, demandez l’aide
d’un professionnel de la psychiatrie spécialisé dans les comportements qui
vous caractérisent. Apprenez à prendre du recul par rapport à vos propres
comportements qui, finalement, vous mettent vous aussi en danger.
Votre avenir est entre vos mains
J’espère que ce livre vous a apporté un éclairage précieux sur les
personnalités dangereuses et quelques outils pour les empêcher de vous
nuire. La vie est un trésor à préserver; non un asservissement perpétuel sous
le joug d’un individu toxique. Lorsque nous vivions dans des petits villages
où tout le monde se connaissait, il était plus facile d’identifier ces personnes
néfastes et de s’entraider à les repérer. Mais quand nous avons migré vers
les villes et que nos communautés se sont étendues, cela est devenu
beaucoup plus difficile. Mais pas impossible.
Nous avons une obligation envers nous-mêmes, notre famille et notre
communauté de protéger notre sécurité. Cette sécurité est rendue possible
par l’éducation, la vigilance et le partage d’informations dont tout le monde
peut bénéficier, y compris nos enfants. Mais nous devons d’abord nous
aider nous-mêmes. En lisant cet ouvrage, vous avez franchi un grand pas
vers votre propre sécurité et celle des gens que vous aimez. Les nombreux
ouvrages cités dans la bibliographie vous aideront également.
Je crois en la nécessité de traiter les autres avec dignité et respect. J’ai
toujours essayé de le faire, même ceux que j’ai jetés en prison pour les pires
crimes. Nous devrions tous nous traiter avec respect, ce qui ne veut pas dire
laisser les autres nous faire du mal et nous persécuter.
J’ai écrit ce livre en partie pour vous aider à faire confiance à votre
jugement lorsque vous vous trouvez dans des situations critiques, et afin
que vous puissiez vous dire: «Là, en effet, il n’est pas normal que je ne sois
pas respecté, que je subisse des violences, qu’on franchisse mes limites, que
je me sente en danger.» Et mon objectif est que vous appreniez à repérer les
individus toxiques avant qu’ils vous fassent du mal.
Heureusement, la plupart des gens que vous rencontrez et avec lesquels
vous entrez en relation dans la vie quotidienne ne sont pas des personnalités
dangereuses. La majeure partie des êtres humains ont de bonnes intentions
et se soucient de votre bien-être. Mais je sais qu’à un moment donné, vous
risquez de tomber sur un individu nocif parce qu’ils existent, eux aussi. Si
cela vous arrive, je vous en prie, souvenez-vous de cette phrase:
La société ne vous oblige pas –
et ne vous obligera jamais – à vous
faire harceler ou persécuter.
Adresses et numéros utiles
V ous trouverez ci-dessous plusieurs organismes et associations qui
peuvent vous aider si vous ou quelqu’un de votre connaissance êtes
victimes ou que vous vous sentez menacés. Bien entendu, cette liste est
incomplète: il existe bon nombre d’autres organisations susceptibles de
vous porter secours ou d’être à votre écoute (vous les trouverez facilement
dans l’annuaire ou sur Internet). Ne croyez jamais que personne ne peut
vous aider ou que vous êtes le seul à subir ce dont vous êtes actuellement
victime. Chacun de nous a vécu, vit ou vivra des expériences difficiles, et
nous pouvons nous faire aider.
En France, nous disposons notamment d’un numéro unique d’appel pour
toutes les victimes, quelles qu’elles soient: le 08 VICTIMES (soit le
08 842 846 37). C’est le numéro mis en place par la Fédération nationale
d’aide aux victimes et de médiation (www.inavem.org). Si vous ou un
proche êtes victimes de violences sexuelles, physiques, conjugales ou
autres, d’un accident de la route, d’un vol, d’une escroquerie ou d’autres
infractions quels que soient le ou les préjudices que vous subissez ou avez
subis, contactez ce numéro.
Assistance aux enfants
Allô Enfance en danger: 119
Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger consacré
aux situations de fugue, de conflits parentaux, de violences (verbales,
physiques ou sexuelles), de racket, de négligence, ou de tout autre problème
que ce soit.
Plus d’informations: www.allo119.gouv.fr
116 000 Enfants disparus: 116 000
Mis en place par le Centre français de protection de l’enfance, ce numéro de
téléphone unique européen a pour vocation d’écouter et de soutenir les
familles d’enfants disparus (fugues, enlèvements parentaux et disparitions
inquiétantes de mineurs et jeunes majeurs de moins de 25 ans).
Plus d’informations: www.116000enfantsdisparus.fr
Enfance et Partage: 0800 05 1234
Cette association lutte afin de protéger les enfants contre toutes formes de
maltraitances, qu’elles soient physiques, psychologiques ou sexuelles.
Plus d’informations: www.enfance-et-partage.org
Assistance aux femmes
Violences Femmes Info: 39 19
Numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de toutes sortes de
violences (conjugales, sexuelles, professionnelles, etc.) et à leur entourage.
Plus d’informations: www.stop-violences-femmes.gouv.fr
SOS Viols Femmes Informations: 0 800 05 95 95
Numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de viols et/ou
d’agressions sexuelles.
Plus d’informations: www.cfcv.asso.fr
Association européenne contre les violences faites aux femmes au
travail: 01 45 84 24 24
Association autonome qui défend les droits au travail et à l’intégrité de la
personne, spécialisée dans la dénonciation des violences sexistes et
sexuelles au travail.
Plus d’informations: www.avft.org
Assistance aux familles
Écoute-famille: 01 42 63 03 03
Service téléphonique assuré par des psychologues cliniciens qui répondent
aux proches des personnes souffrant de troubles psychiques.
Plus d’informations: www.unafam.org
SOS Famille en péril: 01 42 46 66 77
Service de consultation psychologique (par téléphone ou en accueil dans les
locaux de l’association) centré sur les conflits parents-enfants.
Adresse: 9, cour des Petites Écuries – 75010 Paris
Fédération 3977 contre la maltraitance des personnes âgées et des
adultes handicapés: 3977
Le 3977 est un numéro national unique mis à la disposition des personnes
âgées et des adultes handicapés victimes de maltraitances, quelles qu’elles
soient.
Plus d’informations: www.3977contrelamaltraitance.org
Centres d’écoute, de soutien et d’assistance
SOS Amitié: www.sos-amitie.com
Service d’écoute par téléphone, messagerie et clavardage destiné à
accueillir la parole de celles et ceux qui traversent des épreuves. Consultez
le poste d’écoute le plus proche de chez vous sur le site de la fédération.
Croix-Rouge Écoute: 0 800 858 858
Service de soutien par téléphone géré par la Croix-Rouge, destiné à tous
ceux qui souffrent de difficultés relationnelles, de violences, de mal-être, de
solitude.
Plus d’informations: www.croix-rouge.fr
SOS Dépression: 0 892 70 12 38
Service d’écoute pour les personnes en détresse et en souffrance
psychologique.
Plus d’informations: www.sosdepression.org
Suicide Écoute: 01 45 39 40 00
Numéro d’écoute national destiné aux personnes suicidaires ou en détresse
et à leurs proches.
Plus d’informations: www.suicide-ecoute.fr
SOS Suicide Phénix: 01 40 44 46 45
Fédération ayant pour but la prévention du suicide. Objectifs: fournir appui
et assistance à tous ceux qui, pour quelque raison que ce soit, ont tenté de se
suicider ou sont tentés de le faire.
Plus d’informations: www.sos-suicide-phenix.org
Victimes hors du territoire français
Si vous êtes victime d’un préjudice, quel qu’il soit, hors du territoire
français, contactez les autorités locales du lieu de votre séjour.
Si vous avez besoin d’assistance, rendez-vous à l’ambassade ou au
consulat français le plus proche. Consultez le site www.diplomatie.gouv.fr
pour savoir quoi faire si vous avez besoin d’assistance à l’étranger.
Numéros d’appels d’urgence
Les numéros qui précèdent sont des numéros d’assistance, d’écoute ou de
soutien, en aucun cas des numéros d’urgence.
En cas d’urgence, composez l’un des numéros suivants selon l’aide dont
vous avez besoin:
SAMU: 15 (urgences médicales);
Police secours: 17 (en cas de violences, d’agression, de cambriolage,
etc.);
Sapeurs-pompiers: 18 (en cas d’incendie, d’accident, de situation de
péril, etc.);
Urgences: 112 (numéro d’appel unique fonctionnant dans tous les
pays de l’Union européenne, pour toute urgence nécessitant une
ambulance, les services d’incendie ou la police);
Urgences personnes sourdes et malentendantes: 114 (pour toute
personne sourde ou malentendante témoin ou victime d’une scène
nécessitant l’envoi des secours);
SAMU social: 115 (numéro d’appel d’urgence pour les personnes
sans abri nécessitant un hébergement immédiat).
Important: Gardez toujours sur vous ou à portée de main les numéros de
téléphone de la police, du SAMU ou des pompiers, celui de votre
psychologue ou psychiatre, ou d’autres numéros d’assistance aux victimes –
par exemple le 08 VICTIMES – dont vous pourriez avoir besoin. Vous
gagnerez un temps précieux.
Bibliographie
American Psychiatric Association, Mini DSM-IV-TR, critères
diagnostiques, Washington DC, 2000. Traduction française par J.-D.
Guelfi et al., Masson, Paris, 2004.
BECK, Aaron, Prisonniers de la haine: les racines de la violence, Masson,
2004.
BECKER (de), Gavin, La peur qui vous sauve: comment reconnaître et
prévenir la violence, JC Lattès, 1998.
BERKE, Joseph H., L’Homme papillon: la folie, la dégradation, le salut,
Buchet/Chastel, 1990.
BROWNING, Christopher R., Des hommes ordinaires, Les Belles Lettres,
2002.
BUGLIOSI, Vincent, La Tuerie d’Hollywood: l’histoire vraie de la sanglante
croisade de Charles Manson, Michel Lafon, 2002.
CIALDINI, Robert, Influence et manipulation: comprendre et maîtriser les
mécanismes et les techniques de persuasion, First Éditions, 2004.
DUGARD, Jaycee Lee, On m’a volé ma vie: kidnappée à 11 ans, séquestrée
pendant 18 ans, Michel Lafon, 2013.
ERIKSON, Erik, Adolescence et crise, la quête de l’identité, Flammarion,
1993.
EVANS, Patricia, L’agression verbale dans le couple, Le Courrier du Livre,
1996.
FRANK, Gerold, L’Étrangleur de Boston, Les Belles Lettres, 2001.
GABBARD, Glen O., Psychothérapie, psychodynamique: les concepts
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GOLEMAN, Daniel, L’Intelligence émotionnelle, tome 1: Accepter ses
émotions pour développer une intelligence nouvelle, J’ai lu, 2003.
GREIG, Charlotte, Cold Cases: affaires classées, Music and Entertainment
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HAMMARSKJÖLD, Dag, Jalons, Éditions du Félin, 2010.
HARRIS, Judith Rich, Pourquoi nos enfants deviennent ce qu’ils sont, Robert
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ISAACSON, Walter, Steve Jobs, la vie d’un génie, Le Livre de Poche, 2012.
KERNBERG, Otto, Les Troubles limites de la personnalité, Dunod, 1997.
KIERNAN, Ben, Le Génocide au Cambodge, 1975-1978, Gallimard, 1998.
KILDUF, Marshal, JAVERS, Ron, L’Enfer de Guyana, Éditions Stanké, 1978.
KYEMBA, Henry, L’État sanguinaire sous le règne d’Amin Dada, Éditions
Stanké, 1977.
LAQUEUR, Walter, L’antisémitisme dans tous ses états: depuis l’Antiquité
jusqu’à nos jours, Markus Haller, 2010.
LEDOUX, Joseph, Le cerveau des émotions: les mystérieux fondements de
notre vie émotionnelle, Odile Jacob, 2005.
LINEHAN, Marsha M., Manuel d’entraînement aux compétences pour traiter
le trouble de personnalité état-limite, Médecine et hygiène, 2002.
MYERS, David G., Psychologie, Flammarion, 2010.
NAVARRO, Joe, KARLINS, Marvin, Ces gestes qui parlent à votre place: les
secrets du langage corporel, Ixelles Éditions, 2010.
PHAM, Thierry H., CÔTÉ, Gilles, Psychopathie: théorie et recherche, Presses
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REID MELOY, J., Les Psychopathes: essai de psychopathologie dynamique,
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RESSLER, Robert, Chasseur de tueurs, Presses de la Cité, 1993.
RULE, Ann, Un tueur si proche, Le Livre de Poche, 2004.
SOLJENITSYNE, Alexandre, L’Archipel du goulag, version abrégée inédite,
Points, 2014.
SPOTO, Donald, Marilyn Monroe: la biographie, Pocket, 1995.
SUTTON, Robert, Objectif zéro sale con, Vuibert, 2010.
THOMAS, M. E., Confessions d’une sociopathe, Larousse, 2014.
Remerciements
A u début de tout parcours intellectuel, les remerciements sont
incontournables. Ma bibliographie est pleine de ces nombreuses
personnes qui ont pris le temps de partager leurs connaissances; je leur en
suis profondément reconnaissant.
Feu le docteur Phil Quinn, qui m’a persuadé de rejoindre le département
de criminologie de l’université de Tampa comme professeur auxiliaire, a été
pendant plus de dix ans mon mentor dans l’étude et l’exploration des
personnalités et caractères déviants. Sa perspective d’humaniste, de prêtre,
de psychologue et de criminologiste, assurément unique à mes yeux, a joué
un grand rôle dans mon appréhension de ce sujet complexe.
Le docteur Michel St-Yves, de la Sûreté du Québec, écrivain lui aussi,
m’a toujours honoré de son amitié; au fil des années, nous avons collaboré
sur de nombreux projets, aux États-Unis et au Canada, où il est un géant
dans son domaine. Une fois de plus, il m’a tendu la main en commentant ce
livre.
Un remerciement spécial à Kaja Perina, rédactrice en chef de Psychology
Today, qui malgré toutes ses obligations, a trouvé le temps de commenter
les premières versions du manuscrit. Au docteur Leonard Territo, j’exprime
mon admiration et mes remerciements. Alors qu’il finissait son douzième
livre, il a pris le temps de revoir méticuleusement ce manuscrit avec moi,
ligne par ligne. Sa vaste expérience du travail avec des individus dangereux,
dont Ted Bundy, a été extrêmement utile. Sa préface est des plus aimables.
Ce livre n’aurait pu exister sans Steve Ross, directeur du service livres
chez Abrams Artists Agency. Il est le genre d’agent littéraire qui fait
avancer les choses et, sans nul doute, l’un des plus intéressants convives qui
soient.
Je tiens à remercier Alex Postman, Jennifer Levesque et toute l’équipe de
Rodale Books qui, sensibles au bien-être physique et mental des autres, ont
tout de suite compris au vu du manuscrit que ce livre pourrait sauver des
vies. Merci à notre éditeur Michael Zimmerman d’avoir pris ce projet en
main et de l’avoir mené à bien – beau travail.
Les premières versions de ce livre ont été soigneusement lues et relues
par Janice Hillary. Merci à elle pour son soutien et ses conseils perspicaces.
Tout le monde aimerait avoir des professeurs comme elle – des professeurs
attentifs à leurs élèves, même s’ils ont un certain âge, comme moi.
J’exprime ma gratitude à Elizabeth Lee Barron, de la bibliothèque
Macdonald-Kelce de l’Université de Tampa, qui m’a généreusement aidé à
trouver les documents de référence et qui, comme mon cher ami Marc
Reeser, du FBI, me fait toujours rire.
Je suis redevable une fois de plus envers Toni Sciarra Poynter d’avoir
mis en forme mes mots et mes pensées, mais plus encore pour ses questions
insistantes, pour ses idées et concepts originaux et pour sa singulière
méticulosité. Quel don elle a pour l’écriture et pour faciliter ma tâche!
Merci, mon amie.
Je dois aussi remercier ma famille, en Amérique et en Europe, d’avoir
toléré mes absences tandis que je me débattais avec un manuscrit trois fois
plus volumineux que le livre mis entre les mains du lecteur. À mon épouse
Thryth, que je respecte infiniment, merci pour ce que tu es, pour tes
précieux conseils et ton soutien affectueux, et pour ta patience durant tout le
temps, plus d’une année, où je me suis évertué à rédiger ce livre. Tu es pour
moi, dans tous les sens du mot, une providence qui doit trop souvent me
protéger des distractions extérieures. Enfin, merci à mes parents de m’avoir
entouré de leur affection, à l’abri des individus dangereux.
Joe Navarro, MA, agent spécial du FBI (e.r.)
Tampa
novembre 2013
Je me fais l’écho des remerciements de Joe à Steve Ross, d’Abrams
Artists Agency, à notre éditeur Mike Zimmerman et à l’équipe de Rodale
Books pour tous leurs efforts au service de ce livre.
Merci à Dora Munker, la plus dévouée, la plus affectueuse, la plus
attentive des amis et collègues qu’un écrivain puisse avoir.
Affection et gratitude à mon mari, Donald, d’être toujours à mes côtés et
de mon côté, et pour la manière dont nous pouvons parler des ténèbres les
plus noires et des clartés les plus brillantes.
Merci, Joe Navarro, pour le travail accompli ensemble, ainsi que pour
nos nombreux entretiens et nos débats réfléchis sur les agissements des
individus dangereux – un terrain étrange que vous ne connaissez que trop
bien. Merci pour votre travail acharné sur tous les aspects de ce livre, pour
votre dévouement, votre humour, votre appétit féroce de savoir et de travail.
Quand vous me dites dans un courrier électronique: «Je suis là-dessus», je
sais que vous y êtes vraiment.
Enfin, au risque de paraître futile, je suis reconnaissante à notre chatte
Lucy de s’être souvent lovée tranquillement à portée de main sur son doux
perchoir quand il devenait pénible de décrire de tels personnages.
Toni Sciarra Poynter
New York décembre
2013
Infographie: Chantal Landry
Correction: Joëlle Bouchard
Ce document numérique a été réalisé par claudebergeron.com
Le fait que des sociétés, des organisations ou des autorités soient mentionnées dans ce livre ne
signifie pas qu’elles soient avalisées par l’auteur ou par l’éditeur, ni que ces sociétés, organisations
ou autorités avalisent ce livre, son auteur ou son éditeur.
Les adresses Internet et les numéros de téléphone fournis dans ce livre étaient exacts au moment de
mettre sous presse.
© 2014, Joe Navarro
Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite ou transmise sous
quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris
par photocopie, enregistrement ou tout autre mode de transmission de l’information.
Bien que le manuscrit du présent livre ait été passé en revue par le Federal Bureau of Investigation
(FBI) avant sa publication, les opinions et les idées qui y sont exprimées représentent uniquement
celles de l’auteur.
Les listes de vérification des personnalités dangereuses figurant dans ce livre ont été adaptées des
livres suivants, déjà publiés par Joe Navarro, et leur reproduction est autorisée:
Narcissists Among Us, de Joe Navarro
How to Spot a Borderline Personality, de Joe Navarro
How to Spot a Psychopath, de Joe Navarro.
01-15
© 2014 Joe Navarro
Traduction française:
© 2015 Lebuc.s Éditions
Pour le Québec:
© 2015, Les Éditions de l’Homme,
division du Groupe Sogides inc.,
filiale de Québecor Média inc.
(Montréal, Québec)
L’ouvrage original a été publié par Rodale Inc. (États-Unis) sous le titre Dangerous Personalities
Tous droits réservés
Dépôt légal:
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 978-2-7619-4342-0
DISTRIBUTEURS EXCLUSIFS:
Pour le Canada et les États-Unis:
MESSAGERIES ADP inc.*
2315, rue de la Province
Longueuil, Québec J4G 1G4
Téléphone: 450-640-1237
Télécopieur: 450-674-6237
Internet: www.messageries-adp.com
* filiale du Groupe Sogides inc.,
filiale de Québecor Média inc.
Pour la France et les autres pays:
INTERFORUM editis
Immeuble Paryseine, 3, allée de la Seine
94854 Ivry CEDEX
Téléphone: 33 (0) 1 49 59 11 56/91
Télécopieur: 33 (0) 1 49 59 11
Service commandes France Métropolitaine
Téléphone: 33 (0) 2 38 32 71
Télécopieur: 33 (0) 2 38 32 71
Internet: www.interforum.fr
Service commandes Export – DOM-TOM
Télécopieur: 33 (0) 2 38 32 78
Internet: www.interforum.fr
Table des matières
Note de l’auteur
Préface du DrLeonard Territo
Introduction
Pourquoi j’ai écrit ce livre et comment l’utiliser
La réalité des individus dangereux
Comment quatre personnalités dangereuses se sont imposées
Mon intention
Les listes de contrôle des individus dangereux
Avertissement important
Dernière remarque avant de commencer
1. «Il n’y a que moi qui compte»: la personnalité narcissique
Comment la personnalité narcissique agit-elle?
Le narcissique est égocentrique
Le narcissique se survalorise et dévalorise les autres
Le narcissique n’est pas empathique, mais arrogant et se croit tout
permis
Le narcissique prend des raccourcis, détourne les lois et enfreint les
limites
Le narcissique a besoin de tout contrôler
L’effet que le narcissique produit sur vous
Le narcissique dans l’intimité
Le narcissique dans le monde extérieur
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités narcissiques
Les signaux d’alarme qui révèlent le narcissique
Résultats
Agir aussitôt
2. «Attachez vos ceintures…»: la personnalité émotionnellement instable
Comment la personnalité émotionnellement instable agit-elle?
La personnalité émotionnellement instable est hypersensible
La personnalité émotionnellement instable est terriblement exigeante
et en manque cruel d’affection
La personnalité émotionnellement instable est manipulatrice
La personnalité émotionnellement instable est irrationnelle et, avec
elle, c’est tout ou rien
La personnalité émotionnellement instable est impétueuse, impulsive
et en mal de sensations
L’effet que la personnalité émotionnellement instable produit sur vous
La personnalité émotionnellement instable dans l’intimité
La personnalité émotionnellement instable dans le monde extérieur
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités
émotionnellement instables
Les signaux d’alarme qui révèlent la personnalité émotionnellement
instable
Résultats
Agir aussitôt
3. «Ne faites confiance à personne et vous ne serez jamais blessé»: la
personnalité paranoïaque
Comment la personnalité paranoïaque agit-elle?
Le paranoïaque est méfiant, craintif et secret
Le paranoïaque est dogmatique, argumentateur et enclin à la haine
Le paranoïaque est terriblement susceptible, facilement blessé et
rancunier
L’effet que le paranoïaque produit sur vous
Le paranoïaque dans l’intimité
Le paranoïaque dans le monde extérieur
Votre liste de contrôle pour reconnaître les personnalités paranoïaques
Les signaux d’alarme qui révèlent le paranoïaque
Résultats
Agir aussitôt
4. «Ce qui est à moi est à moi – et ce qui est à toi est à moi»: le prédateur
Comment le prédateur agit-il?
Le prédateur n’a ni empathie, ni remords, ni conscience
Le prédateur est froid, insensible, calculateur, manipulateur
Beaucoup de pulsions, peu de maîtrise de soi, aucune réflexion
L’effet que le prédateur produit sur vous
Le prédateur dans l’intimité
Le prédateur dans le monde extérieur
Votre liste de contrôle pour reconnaître les prédateurs
Les signaux d’alarme qui révèlent le prédateur
Résultats
Agir aussitôt
5. Les personnalités mixtes ou comment le cumul des personnalités
potentialise le danger
Les personnalités mixtes: pas si rares que ça
Quelques personnalités mixtes qui ont fait parler d’elles…
«Il y a des ennemis partout, mais j’ai les réponses»: paranoïaque
+ narcissique
«Prête-moi attention même si je fais de toi ce que je veux»:
narcissique + prédateur
Trois personnalités dangereuses en même temps
Le carré d’as: les individus à quatre personnalités dangereuses
Plus on est de personnalités dangereuses, plus on nuit
À retenir
6. Comment se protéger des personnalités dangereuses
Voir les choses en face
Ce que vous pouvez faire au quotidien
Vous sensibiliser
Ne vous contentez pas de regarder: observez
Faites-vous confiance: quelle impression cet individu vous fait-il?
Sachez distinguer les «faux gentils» des «vrais gentils»
Contrôlez votre espace et prenez de la distance
Prenez votre temps
Dites non au chantage émotionnel
Évaluez le degré et la fréquence d’un comportement
Sachez que l’heure et le lieu importent
Dissuadez les personnalités dangereuses
Vérifiez à qui vous avez affaire
N’attendez pas trop longtemps
Comment se comporter avec les personnalités dangereuses
Qui est-ce?
Les situations complexes
Notez tous les faits pour en garder trace
Constituez-vous de solides alliés
N’acceptez pas l’isolement
Fixez des limites
Évitez de vous faire manipuler
Donnez du répit et des exutoires positifs à vos enfants
Si vous êtes en danger, agissez!
Agissez
Réfléchissez
Prévenez vos amis et les membres de votre famille
Demandez l’aide de professionnels
Ne vous confrontez pas seul à une personnalité dangereuse
Prévoyez votre stratégie de retrait
Constituez-vous un petit pécule
Abordez les questions financières avec un professionnel compétent
Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul
Le Grand Réveil est douloureux
Prenez et gardez vos distances
Et si vous pensez être une personnalité dangereuse?
Votre avenir est entre vos mains
Adresses et numéros utiles
Assistance aux enfants
Assistance aux femmes
Assistance aux familles
Centres d’écoute, de soutien et d’assistance
Victimes hors du territoire français
Numéros d’appels d’urgence
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