Théorie Générale Des Obligations
Théorie Générale Des Obligations
INTRODUCTION GENERALE
L’obligation1 est un lien de droit entre deux personnes, qui permet au créancier
d’obtenir de son débiteur une prestation positive ou négative. Envisagée du côté du
créancier, l’obligation fait naître une créance. Envisagée du côté du débiteur,
l’obligation fait naître une dette.
A l’origine, l’obligation reposait sur la notion de lien personnel. L’obligé est
étymologiquement celui qui est lié. Dans le droit romain, l’exécution de l’obligation
pouvait se faire sur la personne même du débiteur, ce que l’on appelle contrainte par
corps. Celui-ci devenait en quelque sorte la propriété du créancier, c’est-à-dire son
esclave, lequel pouvait être vendu, voire tué. Mais cette conception a progressivement
disparu. La loi du 22 juillet 1867 n’a laissé subsister la contrainte par corps qu’en
matière pénale. Actuellement, l’obligation ne s’exerce plus que sur les biens du
débiteur.
L’étude des obligations est importante tant du point de vue pratique (chaque
jour nous passons de nombreux contrats ; notre responsabilité peut être engagée à tout
moment pour les dommages que nous causons) que du point de vue technique car les
obligations sont utilisées dans toutes les matières du droit2 (le droit commercial par
exemple). C’est aussi un droit qui évolue parce qu’étant au cœur des préoccupations
humaines, malgré une apparente stabilité : il est au cœur des conceptions morales,
économiques ou sociales d’une société. Actuellement, le droit des obligations,
spécialement, le droit des contrats (théorie générale du contrat), fait l’objet de réforme
ou de projets de réforme3.
Les obligations peuvent être classées de multiples façons. L’on évoquera les
classifications selon leur objet et selon leurs sources.
a) L’exposé de la classification
4
Le patrimoine est l’ensemble des rapports appréciables en argent qui ont pour sujet actif ou passif une même
personne et qui sont envisagés comme formant une universalité juridique.
5
La doctrine allemande distingue ces deux aspects comme suit : die Schuld, qui désigne la dette en tant
qu’élément du patrimoine, et die Haftung, qui désigne le pouvoir de contrainte ou le lien obligatoire.
Voy. sur l’obligation naturelle Rémy Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, 8e éd., 2008, n° 2.
3
Le Code civil français, en particulier tel qu’il s’applique au Burkina, ne contient
pas une véritable théorie générale sur l’obligation, contrairement au Code civil
allemand (Burgeliches GeztzBuch - BGB). La plupart des questions liées aux
obligations se trouvent traitées dans le Livre III intitulé « Des différentes manières
dont on acquiert la propriété ». A l’intérieur de ce livre se trouvent le titre III intitulé
« Des contrats et des obligations conventionnelles en général » (art. 1101 à 1369) et le
titre IV « Des obligations qui se forment sans convention » (art. 1370 à 1386). C’est
seulement au début de ce titre IV que le Code civil propose une classification des
obligations. L’article 1370 distingue cinq sources des obligations : les contrats, les
quasi-contrats, les délits, les quasi-délits et la loi6.
Les conventions ou les obligations conventionnelles constituent, pour les
rédacteurs du Code civil, l’essentiel des obligations. Une convention est un accord de
volonté en vue de produire des effets de droit.
Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties. Le Code civil (art. 1372 à
1381) aborde deux quasi-contrats : la gestion d’affaires et la répétition de l’indu. Il
convient d’y ajouter l’enrichissement sans cause.
La gestion d’affaires est le fait d’une personne qui sans avoir reçu mandat ou
ordre entreprend spontanément de gérer les affaires d’autrui, comme le fait de
s’occuper des affaires d’un voisin absent. Tout va se passer, si du moins la gestion a
été utile, comme s’il y avait eu accord de volonté, d’où l’expression de quasi-contrat.
La répétition de l’indu : il s’agit d’une action en justice qui peut être exercée
contre celui qui a reçu un paiement qui ne lui était pas dû et qui doit donc restituer ce
qu’il a reçu. Les règles qui lui sont applicables sont similaires à celles des contrats.
L’enrichissement sans cause est consacré par la jurisprudence. La répétition de
l’indu ne serait qu’une des applications particulières de l’enrichissement sans cause. Il
y a l’enrichissement d’une personne en relation directe avec l’appauvrissement d’une
autre personne alors que le déséquilibre des patrimoines n’est pas justifié par une
raison juridique. La personne appauvrie peut exercer l’action « de in rem verso ».
S’agissant des délits et quasi-délits, contrairement aux quasi-contrats, ce sont
des faits illicites ou contraires à la loi et, s’ils causent un dommage à autrui, ils
obligent leurs auteurs à le réparer. Le délit implique la volonté d’agir de façon illicite
tandis que le quasi-délit résulte d’une imprudence ou d’une négligence, c’est-à-dire
d’une faute involontaire. Les délits et quasi-délits, sous l’appellation de responsabilité
civile, ont pris une importance considérable à partit du début du 20e siècle.
6
« Certains engagements se forment sans qu’il intervienne aucune convention, ni de la part de celui qui
s’oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé.
Les uns résultent de l’autorité seule de la loi ; les autres naissent d’un fait personnel à celui qui se trouve
obligé.
Les premiers sont des engagements formés involontairement, tels que ceux entre propriétaires voisins, ou ceux
des tuteurs et autres administrateurs qui ne peuvent refuser la fonction qui leur est déférée.
Les engagements qui naissent d’un fait personnel à celui qui se trouve obligé résultent ou des quasi- contrats,
ou des délits ou quasi-délits ; ils font la matière du présent titre » (C. civ., art. 1370).
4
Les obligations légales, comme celles des parents vis-à-vis de leurs enfants ou
celles entre propriétaires mitoyens, sont celles qui, prévues par la loi, ne ressortissent
pas des quatre autres sources.
b) La critique de la classification
La classification du Code civil n’est pas satisfaisante et appelle des critiques 7.
On peut en effet lui reprocher d’être illogique, insuffisante et confusionniste :
- illogique, parce que le Code civil fait la distinction entre délits et quasi-délits
mais sans y attacher une quelconque importance ; illogique également parce que le
Code rapproche les contrats des quasi-contrats mais ce rapprochement est critiquable
car l’accord de volonté distingue nettement le contrat du quasi-contrat ;
- insuffisante, parce qu’elle ne fait pas de place à une source d’obligations
qu’est la déclaration unilatérale de volonté ;
- confusionniste, en ce sens qu’en prévoyant la loi comme source spécifique des
obligations, le Code civil feint d’ignorer que les autres sources ont pour source
première la loi.
Pour remédier aux critiques faites à cette classification, des auteurs comme
Planiol ont proposé d’opposer le contrat à la loi. D’autres ont suggéré d’opposer les
actes juridiques aux faits juridiques, distinction qui sera retenue ici par surtout par
commodité.
Il faut cependant souligner que si la plupart des règles relatives aux obligations
sont fonction de leurs sources, un certain nombre d’entre elles s’appliquent aux
obligations quelles que soient leurs sources. C’est cette trame qui servira de division
fondamentale du cours. Ainsi seront étudiées :
7
Rémy Cabrillac, op. cit., n° 9, qui cependant considère comme plus pertinent de conserver la classification
du Code civil et de l’affiner.
5
LIVRE PREMIER : LES OBLIGATIONS SELON
LEURS SOURCES
Beaucoup de règles des obligations sont fonction de la source de celles-ci. A cet
égard, il est possible de traiter les obligations, et les règles y afférentes, selon qu’elles
découlent d’un fait juridique ou d’un acte juridique. Ainsi, l’on abordera :
1ère partie : Les faits juridiques ;
2éme partie : Les actes juridiques.
6
PREMIERE PARTIE : LES FAITS JURIDIQUES
8
Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, Mémentos Dalloz, 17e éd., 2001, p.132.
7
PREMIERE SOUS-PARTIE : LES DELITS ET QUASI-DELITS
La responsabilité civile9 ou responsabilité aquilienne (de la Lex Aquilia
romaine) ou encore responsabilité délictuelle et quasi délictuelle10 est celle qui
s’attache à l’étude et à la détermination des conséquences des faits illicites ou fautes
qui causent un dommage à autrui.
Avec l’évolution, cette matière conçue initialement comme étant d’importance
mineure (art. 1382 à 1386, soit seulement 5 art. au total), a pris un poids tel avec
l’interprétation jurisprudentielle et les théories doctrinales que son importance pratique
approche, voire atteint, celle des contrats.
Au plan des textes, notre droit positif repose sur les articles 1382 à 1386 du
Code civil qu’il convient de connaître du bout des doigts11, et qui ne reflètent que très
imparfaitement l’évolution de la matière :
- Art. 1382 : faute intentionnelle ;
- Art. 1383 : faute par imprudence ou par négligence ;
- Art. 1384 : responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses ;
- Art. 1385 : responsabilité du fait des animaux ;
- Art. 1386 : responsabilité du fait de la ruine des bâtiments.
Il faut signaler l’existence en Belgique d’un article 1386 bis (issu d’une loi de
1935) relatif à la réparation du dommage causé par les personnes dont les facultés
mentales sont altérées et en France de l’article 492-2 du Code civil concernant le
dommage causé par celui qui était sous l’emprise d’un trouble mental12. Ajoutons
qu’en Belgique, la responsabilité pour faute de l’Etat est engagée devant les
juridictions de l’ordre judiciaire.
En plus, il y a des responsabilités spéciales comme celles résultant accidents causés
par un véhicule automobile ou impliquant un tel véhicule ou des produits défectueux.
Au plan de la jurisprudence et de la doctrine, il faut noter leur importante
contribution qui a d’ailleurs rendu la matière si touffue qu’il est malaisé d’en faire une
synthèse brève13.
La responsabilité fait appel à la réunion de trois conditions : le dommage, le fait
générateur et le lien de causalité qui seront étudiés dans le Titre I. Il sera question de la
mise en œuvre de cette responsabilité dans le titre II. Auparavant, un titre préliminaire
élucidera la notion et le fondement de la responsabilité civile.
9
Est utilisée dans certains cas pour désigner à la fois responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle.
Ici, elle est utilisée pour désigner seulement la seconde.
10
On utilisera souvent l’expression de responsabilité délictuelle tout court pour signifier la responsabilité
délictuelle et quasi délictuelle.
11
Voy. le Code civil élaboré par l’Unité de Formation et de Recherche Sciences Juridiques et Politiques de
l’Université de Ouagadougou.
12
Selon l’article 492-2 du C. civ. (loi du 3 janvier 1968), « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il
était sous l’emprise d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».
13
D’où la tentative de recodification de la matière par le projet Catala en France.
8
Texte du Code civil d’application au Burkina Faso
Chapitre II : Des délits et des quasi-délits
1382. Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
1383. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait,
mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
1384. On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre
fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des
choses que l’on a sous sa garde.
14
Toutefois, celui qui détient à un titre quelconque tout ou partie de l’immeuble ou des
biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable vis-à-vis des
tiers des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa
faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s’applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui
demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
« Les père et mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs
habitant avec eux »15.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés
dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant
le temps qu’ils sont sous leur surveillance.
16
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans
prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées
contre eux ayant causé le fait dommageable devront être prouvées, conformément au droit
commun, par le demandeur de l’instance.
1385. Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son
usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde,
soit qu’il fût égaré ou échappé.
1386. Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine,
lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction.
14
Ainsi complété par la loi du 7 novembre 1922, rendue applicable pour toutes les colonies par décret du 22
novembre 1926.
15
Article 1065 du Code des personnes et de la famille (Zatu AN VII-0013/FP /PRES du 16 novembre 1989
portant institution et application d’un Code des personnes et de la famille au Burkina Faso). L’article
originaire était ainsi libelle : « Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé
par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
16
Ainsi modifié par la loi du 5 avril 1937, applicable aux colonies par décrets du 3 juillet 1938 et 9 février
1939. De par cette loi et ces décrets, la responsabilité de la colonie ou territoire (maintenant Etat) a été
substituée à celle des membres de l’enseignement public. L’Etat conserve un recours contre ceux-ci.
9
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION ET LE FONDEMENT DE
LA RESPONSABILITE CIVILE
La responsabilité étant le fait de répondre des conséquences dommageables de
son fait, du fait d'autrui ou d'une chose, il se pose la question de la distinguer de la
responsabilité morale, de la responsabilité pénale et de la responsabilité contractuelle,
avant d'en rechercher le fondement.
A- Les différences
Elles s’observent au niveau du domaine, des sanctions et du fondement.
Au plan du domaine, la règle morale met l’individu devant Dieu et devant sa
conscience. Elle formule des devoirs conformes à la conscience et que celle-ci
commande mais uniquement ceux-là. L’objet de la règle de droit est simplement de
rendre la vie possible en société. Pour cela, elle précise les droits de chacun et leurs
limites, établit un dosage entre les intérêts particuliers et l’intérêt général. Par
opposition à la règle morale qui est très générale, la règle de droit doit atteindre un
certain degré de précision pour donner la sécurité juridique.
Concernant les sanctions, la règle morale n’est sanctionnée que par la
conscience (qui dit de ne pas faire ceci ou cela et, lorsqu’on l’a fait, on est en proie
avec sa conscience). La règle de droit connaît des sanctions externes à l’individu que
l’on appelle contrainte (peine corporelle comme l’emprisonnement ou la peine
capitale, ou peine pécuniaire, obligation de faire ceci ou de ne pas faire cela sous peine
de sanction, nullité de l’acte, condamnation à payer dommages-intérêts).
Enfin, au plan du fondement, morale et droit sont fondés sur la justice. Mais,
d’une part le droit positif peut s’en écarter, d’autre part, la morale exige plus que la
justice : elle exige la charité, l’amour.
B- Les rapports
Des considérations morales sous-tendent de nombreuses règles juridiques.
De plus, en matière pénale et dans la responsabilité pour faute volontaire, il faut
scruter la conscience pour détecter l’existence de l’élément moral.
10
La responsabilité civile, qui vise surtout la réparation du dommage, est donc
assez nettement distincte de la responsabilité morale sur de nombreux points. En est-il
de même de la responsabilité pénale ?
A- Les différences
- Au plan des éléments constitutifs, il n’y a d’infraction pénale que si l’acte
commis a été expressément prévu par un texte (pas d’infraction sans texte : nulla
crimen, nulla poena sin lege) alors que le délit civil suppose un fait dommageable
quelconque. L’infraction pénale existe même si elle n’a pu entraîner de dommage
(ainsi sont punissables tentative, vagabondage, mendicité, port d’armes prohibées…)
alors qu’en responsabilité civile, le dommage est absolument indispensable. Souvent,
le délit ou la faute est en même temps civil et pénal (par exemple, les coups et
blessures à autrui) mais il reste que toute faute civile ne constitue pas forcément une
faute pénale.
- L’appréciation de la faute se fait in concreto en droit pénal (on prend l’agent
tel qu’il est) et plutôt in abstracto en droit civil.
- Au plan des sanctions, la sanction de l’infraction pénale est répressive (peine
de mort, peines privatives ou restrictives de liberté, humiliantes ou infamantes : la
dégradation civique, privatives de droits - interdiction de certains droits civiques ou de
famille - ou pécuniaires, en l’occurrence les amendes)17. La sanction civile est
réparatrice et se traduit en général par des dommages-intérêts. La sanction est
proportionnée à la faute en droit pénal alors qu’il y a réparation intégrale du dommage
sans tenir compte de la gravité de la faute en droit civil.
- En principe, une démarche judiciaire est nécessaire dans les deux cas, et cette
démarche est inévitable en matière pénale (sauf pour les contraventions les moins
graves).
B- Les rapports
Ils existent lorsque la faute constitue à la fois une infraction pénale et un délit
civil entraînant l’existence de l’action publique et de l’action civile. Les conséquences
sont celles qui suivent.
17
Articles 8, 9 10 et 11 du Code pénal (loi n° 043/96/ADP du 13 novembre 1996). Selon l’article 8 de ce
code, « les peines en matière criminelle sont ou afflictives et infamantes ou seulement infamantes ».
11
La victime peut porter son action devant les tribunaux civils ou devant les
tribunaux répressifs (option) par une déclaration de constitution de partie civile. Dans
ce cas, il y a solidarité de prescription de l’action civile et de l’action publique. Ainsi,
la prescription de l’action civile ne sera plus de 30 ans mais de 10 ans pour les crimes,
3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions.
Le juge civil doit surseoir à statuer si le juge pénal est saisi : on dit que le
criminel tient le civil en l’état.
La décision du juge répressif statuant sur l’action pénale a au civil l’autorité de
la chose jugée sur ce qui a été effectivement et nécessairement jugé au plan répressif à
condition que le fondement soit le même. Par exemple, en cas de poursuite pénale
pour coups et blessures volontaires ou involontaires, s’il y a relaxe, la victime ne peut
obtenir satisfaction au plan civil en fondant sur action sur les articles 1382 ou 1383. En
revanche, elle a la faculté de s’appuyer sur l’art. 1384, al. 1er. On explique cette
prééminence du criminel sur le civil par l’intérêt social, par l’enquête plus poussée
(recherche plus approfondie de la vérité) et par l’effet erga omnes du jugement pénal.
12
ou la mauvaise exécution. Mais l’on doit remarquer que dans la responsabilité
délictuelle, il y a des cas où il n’est pas nécessaire de démontrer la faute de l’auteur
(1384, al. 1 et al. 5). Dans la responsabilité contractuelle, lorsque l’obligation est
simplement de moyens, le créancier doit démontrer une faute du débiteur.
Le dommage doit être prévu ou prévisible en matière contractuelle mais cette
condition qui n’est pas exigée dans la responsabilité délictuelle où la réparation est
intégrale.
La faute même très légère est prise en compte dans la responsabilité délictuelle
alors que la situation est plus nuancée en matière de responsabilité contractuelle où
l’on prend en compte, dans une certaine mesure, la gravité de la faute (faute lourde,
faute inexcusable, légère ou très légère selon la nature de la prestation promise). Ainsi,
l’article 1137 du Code civil, en ce qui concerne l’obligation de veiller à la
conservation d’une chose, dispose que cette obligation est plus ou moins étendue
relativement à certains contrats.
Les clauses de non responsabilité (totale ou partielle), valables en principe en
matière contractuelle, sont nulles en matière délictuelle.
La mise en demeure n’est jamais nécessaire en matière délictuelle et l’est en
principe en matière contractuelle.
La compétence des tribunaux est différenciée. En matière délictuelle, le
demandeur a le choix entre le tribunal du domicile du défendeur et celui du lieu où
s’est produit le dommage. En matière contractuelle, le demandeur peut saisir le
tribunal du domicile du défendeur, celui de la livraison effective de la chose ou de
l’exécution de la prestation de service.
En droit international privé, les règles de détermination de la loi applicable sont
sensiblement les mêmes que sur le plan interne, sauf qu’en matière contractuelle, le
principe est celui de la loi d’autonomie. Pour les juridictions compétentes, ce sont en
principe les mêmes règles qu’en droit interne.
En matière de prescription, la responsabilité délictuelle est soumise à une
prescription de 10 ans (art. 2270-1 du Code civil) mais elle subit l’influence de la
prescription pénale ; la responsabilité contractuelle connaît le principe de la
prescription trentenaire avec cependant de nombreuses prescriptions plus courtes.
Il y a obligation in solidum entre ceux qui sont obligés en vertu d’un même
délit. En matière contractuelle, la solidarité n’est jamais présumée, sauf en matière
commerciale.
Puisque la distinction présente des intérêts, même s’il faut les nuancer, il
convient de délimiter le domaine de chacune de ces responsabilités.
13
- La faute commise par un tiers étranger au contrat. Exemple : il y a une
promesse de vente entre A et B. C en connaissance de cause se fait vendre le bien : la
responsabilité sera délictuelle.
- La faute délictuelle commise par un contractant à l’égard d’un tiers étranger
(mais s’il y a décès, les héritiers peuvent agir contractuellement parce qu’ils
recueillent l’action du de cujus cocontractant, ou délictuellement pour la réparation du
préjudice personnel).
- La faute délictuelle commise par un contractant à l’égard d’une autre partie au
contrat. Exemple : faute avant la conclusion (par ex. lors de la rupture des pourparlers)
ou après l’exécution et l’expiration du contrat, et même pour un contrat en cours si la
faute est indépendante de cette inexécution et ne consiste pas dans la violation de
l’obligation contractée18. Ainsi, si un vendeur à crédit d’automobile est, le jour même
de la vente, renversé par la voiture vendue conduite par son acheteur, il va de soi que
le contrat n’empêche pas la responsabilité aquilienne pour l’excellent motif qu’il y est
étranger.
Cependant dans un certain nombre de situations, il est malaisé de savoir laquelle
des deux responsabilités doit s’appliquer. On peut relever :
- la relation entre les parties en litige est-elle contractuelle ou délictuelle ? ; la
question s’est posée pour le transport bénévole et les sports d’équipe ; la jurisprudence
a décidé, surtout pour protéger les auteurs du dommage, qu’il s’agit d’une
responsabilité délictuelle fondée uniquement sur les articles 1382 et 138319,
contrairement aux vœux des victimes qui invoquaient la responsabilité contractuelle
plus favorable en l’espèce ;
- l’auteur d’un engagement unilatéral se refuse à l’exécuter : les auteurs sont
partagés entre responsabilité contractuelle (avant-contrat) et responsabilité délictuelle
(pour faute dans le retrait de l’offre) ; la jurisprudence n’est pas tranchée mais semble
pencher en faveur de la responsabilité contractuelle ;
- pour les ventes en enchères, il n’y a pas de contrat entre les acquéreurs et le
commissaire-priseur, de sorte que la responsabilité est délictuelle ;
- pour le contrat nul : responsabilité délictuelle (refus de la thèse de Ihering).
De manière générale se pose le problème du contenu de l’obligation illustré par
le contrat de transport. On est parti de la responsabilité délictuelle du transporteur
18
Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e
éd., n° 874.
19
Le transport bénévole relèverait ainsi des actes de courtoisie ou de complaisance, accords qui, comme les
promesses politiques, les rapports mondains (invitation lancée et acceptée, par ex.) n’obligent pas
juridiquement parce que les intéressés n’ont pas voulu établir entre eux un rapport juridique qui permette
d’exiger l’exécution d’une obligation.
La question de savoir s’il y a contrat ou non s’est posée très souvent à propos de la responsabilité de
l’automobiliste en cas d’accident survenu au cours d’un transport bénévole. La jurisprudence, pour éviter à
l’automobiliste complaisant l’application des règles de la responsabilité contractuelle, a refusé de voir dans
cette prestation de services gratuits un véritable contrat.
La responsabilité de l’automobiliste complaisant ne pouvait être que d’ordre délictuel. Longtemps, cette
responsabilité ne pouvait être engagée que sur le fondement des articles 1382 et 1383 (Cass. civ., 27 mars
1928, Grands arrêts n° 202). Mais depuis les arrêts de la Chambre mixte du 20 déc. 1968 (Grands arrêts n°
203), le transporteur bénévole a été soumis à l’éventuelle application de l’art. 1384, al. 1, relayé par les règles
découlant de la loi du 5 juillet 1985.
Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Les obligations, op. cit., n° 55 et note 1.
14
lorsque le transporté est blessé avant d’arriver à la responsabilité contractuelle (cf.
jurisprudence prévoyant une obligation de sécurité à la charge du transporteur).
20
Civ. 11 janvier 1922, Dalloz 1922, 1, 16.
21
En cas d'inexécution d'une obligation contractuelle, ni le débiteur ni le créancier ne peuvent se soustraire à
l'application des dispositions spécifiques à la responsabilité contractuelle pour opter en faveur de la
responsabilité extracontractuelle.
Toutefois, lorsque cette inexécution provoque un dommage corporel, le cocontractant peut, pour obtenir
réparation de ce dommage, opter en faveur des règles qui lui sont plus favorables (art. 1341 du Projet Catala).
22
Cas. fr., Civ., 23 juin 1936, G. Palais 1936, 2, 353.
15
Des auteurs critiquent l’imprécision des critères de distinction, notent qu’elle est
spécifique au droit français et, par exemple, n’est pas retenue par la directive
européenne du 25 juillet 1985 sur la responsabilité en matière de produits défectueux,
transposée en droit français par une loi du 19 mai 1998. L’évolution tend plutôt vers
de nouvelles distinctions, notamment entre responsabilité de droit commun et
responsabilités spécifiques, souvent liées à l’exercice d’une profession24.
Après avoir tenté de délimiter la responsabilité civile délictuelle et quasi
délictuelle, il convient d’en rechercher les fondements.
23
Crim. 12 déc. 1946, JCP 1947, II, 3621, note Rodière (responsabilité du médecin). Les juridictions civiles
considèrent que la responsabilité reste contractuelle (Civ. 9 janv. 1928, S. 1928, 1, 127).
24
Voy. dans ce sens Rémy Cabrillac, op. cit., n° 216.
16
B- L’évolution de la responsabilité civile extracontractuelle sous l’angle
technique
Il s’agit ici d’aborder brièvement les moyens ou procédés par lesquels, à partir
du système du Code civil, la doctrine et la jurisprudence, tenant compte de l’évolution
qui se traduit par la multiplication des dommages, tentent de les atténuer par un
élargissement de la responsabilité.
25
Jusqu’à l’arrêt Bertrand du 19 février 1997 (Dalloz 1997.265, note P. Jourdain), les père et mère pouvaient
s’exonérer de leur responsabilité en démontrant qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette
responsabilité. Par l’arrêt Bertrand, la Cour de cassation fr. décide que c’est une responsabilité de plein droit,
c’est-à-dire que les père et mère ne peuvent s’en affranchir qu’en démontrant une force majeure ou une faute
de la victime.
26
Voy. dans ce sens Gérard Léger, Droit civil, Les obligations, 17e éd., 2001, p. 148.
17
comportements qui, jadis, seraient passés inaperçus : faute même très légère ou
minime. Les auteurs ont joué un rôle important dans ce sens : P. G. Leclercq, faute
sociale (M. de Juglart).
Après ce bref aperçu de l’évolution, il est possible d’exposer brièvement les
différentes théories en présence.
§ II : Les théories
Par les théories, les auteurs veulent expliquer d’une manière cohérente le droit
positif ou le faire évoluer. La responsabilité ayant une fonction préventive,
moralisatrice, voire sanctionnatrice, elle ne peut remplir concrètement son rôle que si
elle fait l’objet d’explications cohérentes, claires et acceptées.
On peut classer les théories en deux catégories : les principales et celles qui
revêtent une importance pratique moindre.
28
R. Saleilles, Le risque professionnel dans le Code civil, Réforme sociale, 1898 ; L. Josserand, La
responsabilité du fait des choses inanimées, 1897.
19
La théorie du risque a une importance moindre même si elle explique mieux
certaines solutions du Code et surtout de la jurisprudence. Elle a été consacrée par de
nombreuses lois particulières (par exemple, en France la loi du 31 mai 1924
concernant la responsabilité sans faute des exploitants d’aéronefs, la loi du 12
novembre 1955 modifiée prévoyant une responsabilité de plein droit applicable aux
exploitants d’installations et de navires nucléaires). Toutefois, l’évolution récente tend
à lui accorder une place prééminente : en effet, les nombreux cas de présomption de
responsabilité constituent des applications de la théorie du risque : responsabilité du
fait des choses et des animaux, responsabilité des commettants, responsabilité des père
et mère en France depuis 1997, responsabilité générale du fait d’autrui.
Les auteurs concluent souvent sur l’idée selon laquelle les solutions du droit
positif sont un mélange de faute et de risque et il est d’ailleurs difficile de faire la part
précise revenant à chacune des deux théories.
2) La théorie de la garantie
Développée depuis 1947 par Boris Starck30, cette théorie reproche aux autres de
se placer du seul côté de l’auteur du dommage. Pour lui, il faut se tourner du côté de la
29
Cité par H. L. et J. Mazeaud, Leçons de Droit civil, Obligations, biens, éd. Montchrestien, 1956, 363.
20
victime qui a subi une atteinte à ses droits : droit à la vie, à son intégrité corporelle
ainsi qu’à celle de ses proches, à l’intégrité de ses biens et, plus généralement, à sa
sécurité matérielle et morale. Sa théorie repose sur une division des dommages : d’une
part, les dommages corporels et matériels qui sont garantis objectivement sans que
l’on exige la preuve de la faute de l’auteur ; d’autre part, les dommages de nature
purement économique ou morale, indépendants de toute atteinte corporelle ou
matérielle, qui ne sont pas garantis en principe, parce qu’ils sont la suite normale,
nécessaire même, de l’exercice du droit d’agir et de nuire que possède l’auteur du
dommage. Ainsi, le droit d’exercer le commerce dans un régime de libre entreprise
permet de faire concurrence à un autre commerçant et éventuellement de lui nuire en
lui retirant tout ou partie de sa clientèle. Pour cette seconde catégorie de dommages, il
est nécessaire d’établir la faute de l’auteur du dommage.
Bien que prétendant expliquer les solutions du droit positif, cette théorie ne
semble pas avoir inspiré la jurisprudence ni la doctrine, probablement du fait qu’elle
est exagérément complexe. En dehors de la distinction entre les dommages, il y a une
distinction entre les droits qui permettent de nuire et des exceptions à la réparation
systématique des dommages corporels ou matériels : par exemple, en cas de pratique
d’un sport violent comme la boxe, le rugby ou le catch où l’on aurait accepté le risque.
Egalement, pour expliquer que seuls les inconvénients excessifs de voisinage donnent
lieu à responsabilité, bien qu’ils portent atteinte à la sécurité ou à la tranquillité, on
découvre un droit de nuire sur la tête de l’auteur du dommage et il n’y a alors de
responsabilité de l’auteur que s’il a commis une faute. Cela a fait écrire à un auteur
que « cette théorie paraît une construction intellectuelle fictive »31.
Boris Starck prétend lui aussi expliquer les solutions du droit positif. Mais sa
théorie, exagérément complexe et quelque peu artificielle en ce qu’elle crée des droits
nouveaux (droit de nuire au voisinage jusqu’à un certain seuil) et opère une distinction
subtile entre les dommages, n’a pas reçu un grand écho dans la pratique.
30
Essai d’une théorie générale de la responsabilité civile en sa double fonction de garantie et de peine privée,
thèse Paris, 1947.
31
Rémy Cabrillac, op. cit., n° 223.
32
Rémy Cabrillac, op. cit., n° 230.
21
pragmatisme de la jurisprudence et de l’artifice de certains rattachements. Tout cela
est dû en grande partie au caractère prétorien de ce droit, d’où l’idée de codifier les
grandes règles de la matière33.
Au total, il y a une socialisation du risque entraînant une condamnation quasi
systématique dès lors qu’il y a une assurance, ce qui accroît la charge financière de la
société dans son ensemble, et une « idéologie de la réparation »34, qui multiplie de
manière désordonnée ou excessive les recours en responsabilité. Mais l’on note un
certain renouveau de la faute, avec une décision du Conseil constitutionnel français de
198235.
33
En France, la partie relative à la responsabilité civile de l’avant-projet de nouveau Code civil Calala a été
confiée aux professeurs Geneviève Viney et Georges Durry (art. 1340 à 1385-5 avec le maintien des art. 1386-
1 à 1386-18 sur la responsabilité du fait des produits défectueux qui deviendront les art. 1386 à 1386-17).
34
V. dans ce sens L. Cadiet, Sur les faits et les méfaits de l’idéologie de la réparation, Mélanges P. Drai,
Dalloz 1999, p. 495 et s. ; Denis Mazeaud, Famille et responsabilité, Etude P. Catala, Litec, 2001, p. 569 et s.
35
Conseil constitutionnel fr., 22 oct. 1982, Dalloz 1983.189, note F. Luchaire : « Le droit français ne
comporte en aucune matière de régime soustrayant à toute réparation les dommages résultant des fautes civiles
imputables à des personnes physiques ou morales de droit privé, quelle que la gravité de cette faute ».
22
TITRE I : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE CIVILE
Pour qu’il y ait responsabilité civile, il est nécessaire que soient réunis trois
éléments : un dommage doit avant tout être constaté ; puis par l’établissement d’un
lien ou rapport de causalité, on pourra remonter au fait dommageable ou fait
générateur de responsabilité.
Devant la diversité des faits générateurs (Sous-Titre II), il apparaît des
constantes de la responsabilité, qui sont le dommage et le lien de causalité (Sous-Titre
I).
SOUS-TITRE I : LES CONSTANTES DE LA RESPONSABILITE
CIVILE : LE DOMMAGE ET LE LIEN DE CAUSALITE
Le dommage et le lien de causalité sont des éléments nécessaires et constants de
toute responsabilité civile, qu’il convient d’étudier successivement.
CHAPITRE I : LE DOMMAGE
Le dommage peut être défini comme le préjudice (l’atteinte à la vie ou à la
santé, la diminution ou la perte de biens, de richesse ou d’avantages) résultant de la
lésion d’un droit ou d’un intérêt, c’est-à-dire que la victime avait droit à ce que sa
situation ne soit pas détériorée ou empirée ; cet intérêt doit être légitime et
juridiquement protégé.
Le dommage est la première condition de la responsabilité civile. Si un
automobiliste réussit à circuler en tenant sa gauche sans provoquer d’accident, il
n’encourt point de responsabilité civile : certes, il a commis une faute mais il n’a pas
causé de dommage. Seule la responsabilité pénale peut être encourue dans ce cas.
C’est un élément extrêmement important si l’on ajoute qu’il arrive :
- que la faute de l’auteur soit présumée, même de manière irréfragable ;
- et que le lien entre la faute et le dommage soit plus ou moins présumé
(responsabilité du fait des choses, faute intentionnelle).
En revanche, la preuve du dommage doit absolument être établie par celui qui
se prétend victime, même si l’existence et l’admission du dommage moral, voire du
dommage par ricochet, pourraient relever plus ou moins de l’hypothèse ou de la
conjecture (c’est-à-dire de la supposition).
L’approfondissement de la problématique36 passe par une distinction classique
entre les caractères du dommage réparable et les sortes de dommages.
38
Il n’est prévu en droit positif que la saisine de la Commission nationale de la concurrence et de la
consommation et non celle de la justice. Ainsi, selon l’article 3 Loi 15-94 ADP du 5 mai 1994 portant
organisation de la concurrence au Burkina Faso modifié la loi 33-2001 AN du 4 décembre 2001 est libellée
comme suit : « La commission nationale de la concurrence et de la consommation est saisie à l'initiative de
l'administration, des associations de consommateurs légalement reconnues et des opérateurs économiques ou
leurs groupements professionnels pour donner son avis sur les faits susceptibles d'infractions au sens de la
présente loi .
La commission nationale de la concurrence et de la consommation peut se saisir d'office des mêmes faits ».
25
Cette condition évoque le lien de causalité qui sera étudié ultérieurement. Dans
tous les cas, le bon sens, l’équité et la justice n’exigent pas que l’on fasse supporter à
quelqu’un toutes les conséquences lointaines de son acte, même fautif. Sur cette voie,
on ne sait plus où l’on s’arrêterait. On ne se sentirait d’ailleurs plus responsable au
sens moral alors que la responsabilité comporte également un côté prévention et
punition qui supposent que l’on perçoive un rapport net entre la faute (ou le fait) et le
dommage.
Cette condition évoque à un autre niveau le problème du dommage par ricochet
ou au second degré. Par exemple, une personne accidentée décède. Elle est la victime
directe. Ses héritiers recueillent son action dans la succession et peuvent agir en tant
que continuateurs de sa personne. Mais ils peuvent agir à un titre propre pour le
dommage matériel (perte de subsides ou d’aliments) ou pour le dommage moral (la
douleur qu’ils éprouvent pour la mort de cet être cher). Dans son dernier état, la
jurisprudence admet la réparation du dommage par ricochet s’il remplit les mêmes
conditions que celui du dommage subi par la victime directe (certain, personnel…).
1) La jurisprudence française
Pendant longtemps, la jurisprudence a refusé la possibilité d’agir en justice à
tous ceux qui n’étaient pas liés à la victime par une créance alimentaire pour la
réparation du préjudice matériel en cas d’accident mortel subi par la victime. Il ne
suffit pas que la victime se soit effectivement occupée de la personne. Il faut que cette
dernière ait un droit contre la victime. Pour la réparation du préjudice moral, elle
exigeait un lien de parenté.
La jurisprudence a évolué sur ces questions principalement à propos des
concubins. Doit-on admettre la réparation du dommage subi par un concubin
consistant dans la perte de la chance de continuer la vie commune lorsque l’un d’eux
meurt à la suite d’un accident ?
Avant 1937, la question était diversement résolue par les juges du fond.
La Chambre civile de la Cour de cassation française39 a refusé toute réparation
au motif que, par leur irrégularité même, les relations de concubinage ne peuvent
présenter le caractère d’intérêts légitimes juridiquement protégés. Appelée à se
prononcer sur la question lorsque l’action civile était jointe à l’action publique, la
39
Civ, 27 juillet 1937, Dalloz, 1938, 1, 5.
26
chambre criminelle de la Cour de cassation40 décidait que le concubin survivant
pouvait prétendre à des dommages et intérêts lorsque le concubinage brisé était stable
et non adultérin.
Pour mettre fin à la divergence, une Chambre mixte le 27 février 1970 a noté
qu’aucun lien de droit entre défunt et demandeur n’est nécessaire et qu’en l’espèce, le
concubinage ne présentait pas de caractère délictueux41.
La Chambre criminelle en 1975 laissait supposer que, même en cas d’adultère,
la concubine pouvait obtenir des dommages et intérêts si la femme légitime n’a pas
porté plainte42. Or, avec la loi française du 11 juillet 1975, le délit d’adultère n’existe
plus. Par conséquent, la réserve consistant en la plainte de l’épouse légitime ne peut
plus jouer.
La question d’actualité sur ce plan est relative à la naissance d’un enfant avec
un handicap. En l’espèce, une femme enceinte qui présentait les symptômes de la
rubéole avait manifesté son intention de recourir à l’interruption volontaire de
grossesse en cas d’infection. Les erreurs commises par le médecin et le laboratoire de
biologie lui ont fait croire qu’elle était immunisée. Conformément à une solution déjà
admise par la Cour de cassation, les juges du fond ont décidé que les parents subissent
un préjudice réparable du fait que les fautes médicales les ont privés de la possibilité
de prendre une décision éclairée concernant une interruption volontaire de grossesse et
qu’ils doivent assumer le grave handicap de leur enfant. La Cour de cassation a jugé
que les fautes médicales ayant empêché la mère « d’exercer son choix d’interrompre la
grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap, ce dernier peut
demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes
retenues »43. Cet arrêt a fait couler beaucoup d’encre : certains auteurs le trouvent non
fondé et indéfendable tandis que d’autres l’approuvent.
2) La jurisprudence belge
Elle a également évolué de la notion de dommage lésion d’un droit à celle de
dommage lésion d’un simple intérêt. Selon la Cour de cassation belge, « le dommage
est un élément de pur fait qui consiste dans une diminution d’avoir ou la privation
d’un avantage »44. Ainsi, nonobstant le caractère purement bénévole de l’entretien
journalier presté par un frère à ses deux sœurs (non infirmes), la Cour décide que
celles-ci « avaient un droit à ne pas être privées de l’avantage que la victime leur
octroyait sans pouvoir y être contrainte légalement ».
Cette évolution commune à la France et à la Belgique pourrait inspirer les
juridictions burkinabè. Elle est approuvée par certains parce qu’équitable et
condamnée par d’autres parce que prenant en compte les situations instables ne
constituant pas un droit. Critiquant cette solution, l’auteur belge Henri De Page se
demande « comment écarter du prétoire le fournisseur dont le meilleur client est tué
40
Crim., 26 juin 1958, RTD Civil 1959, 534.
41
Gaudras contre Dangereux, Ch. Mixte, 27 février 1970, Dalloz 1970, 201.
42
19 juin 1975, Dalloz 75, 679.
43
Assemblée plénière, 17 novembre 2000, Dalloz 2000, 332, notes D. Mazeaud et P. Jourdain.
44
2 mai 1955, Pasicrisie 1955, I, 950.
27
dans un accident imputable à la faute d’un tiers. Lui aussi n’est-il pas gravement lésé
dans ses "intérêts" ?»45.
3) La jurisprudence burkinabè
La jurisprudence burkinabè, à notre connaissance du moins, n’a pas eu à
résoudre directement la question. Le TPI de Ouagadougou, dans un jugement de sa
première chambre civile du 28 septembre 1967, a accordé réparation à une femme
dont le mari était décédé à la suite d’un accident alors qu’elle n’était pas en mesure de
produire un acte de mariage. Le tribunal s’est peut-être situé sur le terrain du mariage
coutumier, reconnu avant l’adoption du CPF, et dont la preuve n’exigeait pas la
production d’un acte de l’état civil.
Le même tribunal, dans un jugement civil du 26 septembre 1973, accordait des
dommages-intérêts à des personnes expulsées de leur maison en reconnaissant qu'elles
n'avaient aucun droit puisqu'elles devaient libérer les lieux dès la première réquisition
de l’administration (terrains non lotis).
Dans l’ensemble, si la jurisprudence burkinabè n’a pas eu à dire qu’il n’était pas
nécessaire que l’intérêt soit légitime, elle ne pose nulle part cette exigence.
En conclusion sur le droit positif, il faut noter que la lésion d’un intérêt
semble suffire pour constituer le dommage réparable. L’exigence qu’il soit légitime et
juridiquement protégé exprimerait seulement l’idée d’un refus d’action à certaines
situations qui sont contraires au droit ou à la morale. Ainsi, le tenancier d’une maison
de jeux clandestins ou d’une maison de tolérance ou de chambres de passage
n’obtiendra pas réparation si, par le fait d’autrui, son local est détruit et que tarissent
ainsi les sources de substantiels bénéfices.
§ I : Le dommage corporel
Sont réparables les blessures plus ou moins graves, toute atteinte à la santé et, à
plus forte raison à la vie (dommage entraînant la mort). Il s’agit donc de toute atteinte
à l’intégrité physique. On doit d’ailleurs, ici et dans de nombreux cas, parler
d’indemnisation de la victime plutôt que réparation. En effet, on ne ressuscite pas les
morts et il est malaisé, c’est le moins qu’on puisse dire, de rendre à l’amputé son bras
ou sa jambe.
Le dommage corporel, dont la réparation ou l’indemnisation est largement
admise, est subi uniquement par la victime directe.
45
Traité élémentaire de Droit civil belge, Bruylant, 1964.
28
Mais il peut entraîner, aussi bien pour la victime que pour des tiers, notamment
ses proches, des dommages matériels et/ou moraux (directs ou par ricochet).
§ II : Le dommage matériel
Il est constitué par des atteintes aux biens ou au patrimoine. Indirectement, il
peut résulter d’un dommage corporel : l’accidenté ne pouvant plus travailler perd ses
revenus et ne peut subvenir aux besoins de ses proches.
Sa réparation est largement admise. Elle couvre la perte éprouvée (damnum
emergens) qui entraîne que le patrimoine après l’événement pèse moins qu’il ne pesait
auparavant, de même que le gain manqué (lucrum cessans) : sans l’événement, le
patrimoine se serait accru.
Le dommage matériel par ricochet est réparable.
46
TPI Ouaga, civ., 26 septembre 1973 appliquant la loi n° 77-60/AN du 18 juillet 1960.
47
Cas français, Civ. 1ère, 16 janvier 1962, Dalloz 1962, 199.
29
L’étude des caractères et des sortes de dommage permet de conclure que le
dommage réparable est largement entendu par la jurisprudence. Mais une condition
tout aussi importante de la responsabilité est le lien de causalité.
§ I : La problématique
Le lien de causalité soulève de grandes difficultés. Lorsqu’on va au fond des
choses, il est à peu près impossible de déterminer, dans l’ensemble des événements qui
ont précédé un dommage, qui l’ont préparé et qui y ont concouru, celui d’entre eux qui
a vraiment joué le rôle de cause. En général, tous se combinent si bien entre eux que
sans l’un d’eux, apparemment secondaire, la chaîne aurait été rompue et le dommage
ne se serait pas produit. En plus, si on y ajoutait le sort, le destin, le hasard, la
fatalité…, on voit que la question semble insoluble d’un point de vue purement
scientifique.
§ III : La preuve
C’est à celui qui prétend – demandeur ou victime – qu’un fait générateur de
responsabilité lui a causé un dommage d’apporter la preuve du lien de causalité
existant entre le fait et le dommage. C’est une preuve assez difficile d’un point de vue
purement scientifique. Mais le droit n’étant pas une science exacte n’exige pas une
preuve parfaite.
D’abord, il suffit que la victime apporte des éléments rendant sa prétention
suffisamment vraisemblable, quitte à ce que le défendeur combatte cette
vraisemblance en faisant valoir d’autres faits.
Ensuite, la victime bénéficie de véritables présomptions posées par la
jurisprudence. Ainsi, dans la responsabilité du fait des choses, il suffit de prouver
l’intervention de la chose pour que celle-ci soit réputée être l’une des causes du
dommage. C’est au défendeur de démontrer une cause extérieure (force majeure, fait
d’un tiers, fait de la victime…). En cas de faute intentionnelle prouvée, la preuve de
l’existence du dommage suffit. En effet, si tout s’est déroulé selon les prévisions de
l’auteur, il est normal de lui imputer les conséquences de son fait.
31
Des théories proposent des principes pouvant guider dans la recherche d’une
solution. Il convient d’examiner les théories en présence et l’accueil que leur fait le
droit positif.
49
Selon le Pr Gérard Légier (op. cit., p. 165), « tout événement qui est une condition du dommage, c’est-à-dire
sans lequel il n’aurait pu se produire, est considérée comme une cause et oblige son auteur à une réparation
intégrale ».
32
- d’abord la théorie de la causa proxima, ou de la proximité de la cause, qui
retient comme cause l’événement qui est le plus proche dans le temps parmi ceux qui
ont conditionné le dommage ;
- ensuite, la théorie de la causa remota qui retient le premier élément de la
chaîne (difficile à découvrir car il faudrait peut-être savoir ce qui a entraîné le
chauffeur à boire).
§ II : Le droit positif
Il peut sommairement être examiné sous l’angle du droit belge, du droit français
et du droit burkinabè.
A- En droit belge
La jurisprudence retient assez nettement la théorie de l’équivalence des
conditions. Ainsi, la Cour d’appel de Gand soutient “que le juge du fond peut
considérer comme cause chaque circonstance sans laquelle le fait ne se serait pas
produit, tel qu’il a eu lieu”50. La Cour de cassation belge a décidé qu’il y a une relation
causale entre une faute et un dommage lorsque, sans la faute, ledit dommage ne se
serait pas réalisé de la manière dont il s’est produit51.
Systématisant cette solution, de Page pose trois règles :
- dans la survenance d’un dommage, la causalité multiple est sans influence dès
l’instant où, parmi les événements qui ont concouru à la création du dommage, se
trouve une faute ;
- la relation causale, une fois établie, peut donner naissance à de multiples effets
(plusieurs dommages : matériel, moral, assurance, Etat) ;
- le lien qui unit dans l’ensemble des conditions la faute au dommage doit
revêtir un caractère de nécessité (même s’il est indirect ou médiat).
B- En droit français
La doctrine dans sa majorité, et pendant longtemps, a soutenu que la
jurisprudence est nettement favorable à la théorie de la causalité adéquate. L’examen
de la jurisprudence française ne permet pas de tirer une réponse aussi catégorique 52.
Par exemple, la Cour de cassation, ch. civ., n’a pas retenu la responsabilité du
propriétaire d’un scooter pour l’accident causé par celui à qui il avait permis d’utiliser
son engin tout en connaissant sa débilité mentale et le fait qu’il ne possédait pas un
permis de conduire. Par contre, elle a retenu la responsabilité du propriétaire d’un
local qui avait laissé à la disposition de ses visiteurs des pétards que l’un d’eux a jeté
dans l’ascenseur blessant un tiers. On retiendra que dans la première affaire, l’absence
d’un permis empêchait le jeu de l’assurance tandis que dans le second cas, le
propriétaire était bel et bien assuré pour cette responsabilité.
Mais en dernier lieu, la jurisprudence française semble nettement s’être penchée
en faveur de l’équivalence des conditions, qui est plus favorable à la victime, ce qui
est plus conforme à l’évolution laquelle tend à une plus grande protection de la
50
28 février 1910, Pasicrisie 1910, II, 119.
51
12 fév. 1971, Pas., 1971, I, 537.
52
Voy. dans ce sens Boris Starck, Droit Civil, Les obligations, Litec, 1972, p. 268.
33
victime. Ainsi, un arrêt de la Cour de cassation retient que la « pluralité de causes…
n’est pas de nature à faire obstacle à l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur
initial, par application du principe de l’équivalence des causes dans la production du
même dommage en matière de responsabilité délictuelle »53. Le suicide d’une
personne gravement blessée dans un accident de la circulation est imputable à l’auteur
de l’accident54. L’auteur d’un accident à la suite duquel une personne a été transportée
à l’hôpital, a été transfusée et a été contaminée est responsable de la contamination 55.
Mais les choses ne sont pas toujours bien tranchées : c’est ainsi qu’une personne qui a
facilité un vol parce qu’il a laissé ses clés dans sa voiture n’est pas responsable du
dommage causé par le voleur56.
C’est pourquoi, des auteurs soutiennent que la jurisprudence ne s’appuie pas
nécessairement sur les théories.
C- En droit burkinabè
La formulation des arrêts publiés de la Cour suprême, puis de la Cour de
cassation, et celle des jugements du Tribunal de première instance, devenue TGI en
1993, de Ouagadougou ne permet pas de conclure à l’adoption de l’une ou l’autre
théorie. Il est certain que la jurisprudence admet assez largement l’existence du lien de
causalité. Elle semble s’inspirer beaucoup de la jurisprudence française. L’arrêt de la
Cour suprême, Chambre judiciaire, du 13 février 1976 évoque une jurisprudence
constante et cite dans ce sens un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 25 octobre 1949
(responsabilité du fait des choses : aucun contact matériel entre le véhicule, cause du
dommage, et la victime n’est nécessaire).
§ I : La pluralité d’auteurs
Lorsque le fait fautif constitue une infraction, l’article 54 du CP instaure la
solidarité entre les coresponsables de sorte que la victime, dont la situation est très
favorable, peut obtenir réparation de l’un quelconque d’entre eux, quitte à ce que celui
qui aura payé se retourne contre les autres. L’article 54 est ainsi libellé : « Tous les
individus condamnés pour un même crime ou pour un même délit seront tenus
53
Civ. 2e, 27 mars 2003, JCP 2004, I, 1012, n° 3, obs. G. Viney.
Le professeur Cabrillac écrit que « la jurisprudence semble aujourd’hui privilégier implicitement la théorie de
l’équivalence des conditions en affirmant que le lien de causalité existe dès lors qu’en l’absence de la
survenance du fait retenu contre le défendeur, le dommage ne serait pas produit » (op. cit., n° 323.
54
Crim. 14 janv. 1971, Dalloz 1971, 164.
55
Civ. 1ère, 17 fév. 1993, JCP 1994, II, 22226, note Dorsner-Dolivet.
56
Civ. 2e, 20 déc. 1972, JCP 1973, II, 17541, note Dejean de La Batte ; Civ. 2e, 17 mars 1977, Bull. civ., n° 91
(le propriétaire d’une pelleteuse laissée avec la clé de contact n’est pas responsable des dommages causés par
le voleur avec l’engin).
34
solidairement des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais ».
Cette disposition est interprétée de manière large par la jurisprudence. Elle s’applique
en particulier aux délits en matière fiscale. Dans tous les cas, il est nécessaire qu’il y
ait une infraction.
Lorsqu’il n’y a pas d’infraction, la solidarité prévue par le Code pénal ne peut
jouer. Par faveur pour la victime, la jurisprudence a créé l’obligation in solidum ou
solidarité imparfaite qui permet à la victime de ne pas devoir diviser ses recours et
d’obtenir réparation de l’un quelconque des responsables, qui pourra se retourner
contre les autres. L’obligation in solidum comporte les effets essentiels de la solidarité
mais non les effets secondaires qui supposent l’idée de représentation réciproque,
comme ceux prévus par les articles 1206 et 1207 du Code civil (1206 : les poursuites
interrompant la prescription contre l’un sont valables à l’égard de tous ; 1207 : la
demande d’intérêt formée contre l’un est valable à l’égard de tous).
L’obligation in solidum joue dans les hypothèses suivantes :
- intervention prouvée de plusieurs personnes, de plusieurs choses ;
- faute collective de tous les participants : dans la pratique des jeux dangereux
(ou même non dangereux), si un tiers ou même un participant est blessé, la
responsabilité partielle du groupe est engagée ;
- garde collective (ballon de rugby, football) garde des fusils en cas de
chasse…).
Quant aux rapports entre coauteurs, ils sont complexes : s’ils sont tous tenus sur
la base de la faute (art. 1382), celui qui a payé peut se retourner contre les autres et la
répartition est fonction de la gravité de la faute de chacun ; s’il s’agit d’une
responsabilité du fait des choses, la répartition se fait par tête ; celui est tenu sur la
base de la faute ne peut se retourner contre celui est tenu sur la base de 1384, alinéa
1er. En plus de la subrogation, celui qui a payé dispose d’une action personnelle lui
permettant de poursuivre un coauteur que la victime a renoncé à poursuivre57.
§ II : La pluralité de causes
C’est un problème complexe ayant donné lieu à des solutions approuvées ou
critiquées par les auteurs selon leurs conceptions en matière de fondement de la
responsabilité civile et du lien de causalité.
En droit français et en droit burkinabè, on peut poser le principe suivant lequel à
une causalité partielle répond une responsabilité partielle. Dans son arrêt du 14
décembre 1973, la Chambre judiciaire de la Cour suprême a eu à affirmer que
« l’auteur d’un accident n’est tenu d’en réparer les conséquences que dans la limite de
ce dont il est responsable ».
Il convient d’examiner quelques hypothèses de pluralité des causes. Mais il
convient de préciser qu’aucune des causes ne doit être nettement exclusive puisque,
dans ce cas, le problème de pluralité ne se poserait pas. On peut noter les hypothèses
suivantes :
- la force majeure et le fait de la victime : la victime supporte les conséquences
du choix du destin ;
57
Rémy Cabrillac, op. cit., n° 267.
35
- la force majeure et le fait du défendeur : le défendeur ne supportera que sa part
de responsabilité ; c’est la solution retenue par l’arrêt Lamoricière de la Cour de
cassation française, chambre com., du 19 juin 195158, solution critiquée car avec la
théorie de l’équivalence des conditions, la responsabilité du défendeur est intégrale ;
- le fait du défendeur et le fait de la victime : c’est une responsabilité partagée si
le fait de la victime constitue une faute ;
- le fait du défendeur et le fait d’un tiers : on tombe dans l’hypothèse d’une
pluralité d’auteurs ; le défendeur peut être tenu pour le tout, quitte à se retourner contre
le tiers.
58
Cour de cas. fr., Com. 19 juin 1951, tous ouvrages : grande tempête et mauvais charbon, responsabilité
partagée (1/5 à l’armateur : gardien ; 4/5 à la tempête).
36
SOUS-TITRE II : L’ELEMENT VARIABLE DE LA
RESPONSABILITE : LE FAIT GENERATEUR
Il existe trois faits générateurs de la responsabilité civile :
- le fait personnel : art. 1382 et 1383 ;
- le fait d’autrui : art. 1384 ;
- le fait des choses : art. 1384, alinéa 1er, 1385 et 1386.
L’article 1384, al. 1er, à lui tout seul annonce ces trois faits générateurs quand il
énonce que l’on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son
propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit
répondre ou des choses que l’on a sous sa garde.
C’est à l’étude de chacun de ces faits générateurs qu’il convient de s’attacher
maintenant.
59
Droit Civil, 4, PUF, 1969, p. 325.
60
Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la constitution la disposition d’une loi qui interdisait
l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à l’occasion d’un
conflit collectif du travail.
37
- les causes d’exonération.
§ I : La définition de la faute
Plusieurs définitions ont été proposées.
Pour Planiol, la faute est un manquement à une obligation préexistante. Quand
l’obligation n’est pas déterminée, cette définition est d’un intérêt limitée.
Une autre définition classique considère comme faute tout fait illicite
imputable à son auteur, c’est-à-dire que celui qui agit conformément à la loi ne
commet pas de faute. Mais la définition ne dit pas quant est-ce il y a faute (les juristes
suisses réclament la suppression du mot illicite et le retour à la faute).
Pour les frères Mazeaud (Leçons de Droit civil, p. 378), la faute est une erreur
ou une défaillance de conduite telle qu’elle n’aurait pas été commise par une personne
avisée, placée dans les mêmes circonstances « externes » que le défendeur. Cette
définition paraît embrasser les différentes catégories de faute. En France, l’avant-
projet Catala de réforme du Code civil reprend en substance cette définition lorsqu’il
retient que : « constitue une faute la violation d’une règle de conduite imposée par la
loi ou un règlement ou le manquement au devoir général de prudence et de diligence »
(art. 1352, al. 2).
La faute est considérée comme une notion de droit. De ce fait, il y a un contrôle
effectué par la juridiction de cassation (Cour de cassation au Burkina, en France et en
Belgique ; auparavant, il y a eu au Burkina la Chambre judiciaire de la Cour suprême
ou de la Haute cour judiciaire) sur le point de savoir si les faits souverainement
constatés par les juges du fond constituent une faute.
A- L’élément légal
Dans cette conception, il peut s’agir d’un texte quelconque comme le Code de
la route, le Code de l’urbanisme, le Code pénal (toute violation de la loi pénale est
aussi en général une faute civile mais une faute civile peut exister en l’absence de
faute pénale), d’un usage (par exemple consacré par un code de déontologie), d’une
réglementation privée (règles de jeu en matière sportive) et, plus généralement, en
l’absence d’un texte spécial, d’une règle d’origine morale : l’obligation d’agir de
bonne foi, de ne pas nuire à autrui, de se comporter de manière prudente et avisée.
C’est dire que les articles 1382 et 1383 suffisent comme fondement de la
responsabilité. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un texte précis visant des faits définis
comme en droit pénal où le principe est « nullum crimem, nulla poena sine lege ».
38
B- L’élément matériel
Il n’appelle pas de développement. C’est l’acte, le fait ou l’abstention qui a
provoqué le dommage. Il doit être la violation d’un devoir imposé par l’ordre
juridique. En pratique, une grande diversité s’observe en la matière, comme on le verra
plus loin.
C- L’élément moral
Le droit pénal connaît le dol aggravé (résultant de la préméditation), le dol
indéterminé (résultat non précisément visé), le dol praeter intentionnel (où le résultat a
été partiellement voulu) et le dol éventuel (résultat pas du tout voulu), et, enfin, les
infractions dites matérielles (où aucune intention n’est exigée).
En droit civil, il est difficile de parler d’élément moral pour les fautes par
imprudence ou par négligence où aucune intention n’existe. Si en principe, la faute
suppose la faculté de discernement, le droit positif l’écarte parfois dans le souci de
faciliter l’indemnisation des victimes. Cela est particulièrement vrai pour les actes
commis par les déments ou les très jeunes enfants.
61
Civ. 1ère, 5 janvier 1970, D. 1970, 155.
62
Civ., 1ère, 24 juin 1966, D. 66, 256.
39
La faute intentionnelle s’apprécie in conreto par rapport à la personne elle-
même tandis que la faute non intentionnelle s’apprécie in abstracto par rapport au bon
père de famille.
Dans les faits, la jurisprudence tient compte de la faute intentionnelle pour en
général ne plus rechercher l’existence d’un lien de causalité ou pour accorder une
réparation plus importante à la victime sans l’affirmer. Ce sont les dommages-intérêts
punitifs pratiqués aux Etats-Unis.
63
12 novembre 1935, D. 1936, 2, 25.
64
Cela serait une différence entre responsabilité délictuelle et responsabilité contractuelle, le débiteur étant
tenu dans cette dernière responsabilité seulement de sa faute légère et non de sa faute très légère. En pratique,
c’est le juge qui apprécie et n’est pas sûr qu’il fasse attention à cette différence.
65
Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civl, Les obligations, 9e éd., 2005,
n° 726 et 728.
40
La faute lourde, outre ses conséquences graves, est une faute stupide traduisant
l’incurie (insouciance, manque de soin) de son auteur. La faute lourde peut consister
dans l’abus dans l’exercice des voies judiciaires ainsi qu’on le verra.
La faute inexcusable est d’une gravité exceptionnelle et l’auteur a eu
conscience du danger qu’il a couru. En France, la faute inexcusable de l’employeur
permet au salarié ayant subi un accident du travail d’obtenir une majoration des
prestations que lui doit la sécurité sociale. La propre faute inexcusable du salarié
entraîne une diminution des prestations auxquelles il a droit. Sous l’empire de la loi
burkinabè du 30 janvier 1959, ces distinctions semblaient admises. Dans la
réglementation en vigueur (loi du 28 décembre 1972), il n’est nulle part question de
faute inexcusable.
Faute lourde et faute inexcusable peuvent dans le droit commun influencer,
dans les faits, le juge dans la fixation des DI.
66
Sur l’affirmation de l’irresponsabilité des personnes morales, voy. Cour de cass. fr., Criminel, 16 mai 1930,
D 1930, 431.
67
Selon, l’article 64, alinéa 2, du Nouveau code pénal burkinabè, objet de la loi n° 043/96/ADP du 13
novembre 1996, « est aussi auteur ou coauteur toute personne morale à objet civil, commercial, industriel ou
financier au nom et dans l’intérêt de laquelle des faits d’exécution ou d’abstention, constitutifs d’une
infraction ont été accomplis par la volonté délibérée de ses organes ».
68
La réalité est une fiction selon certains auteurs.
41
§ V : La faute ordinaire et la faute professionnelle
On appelle faute professionnelle celle commise par une personne dans
l’exercice de sa profession. Par exemple, le médecin, le pharmacien, l’avocat,
l’architecte, le transporteur.
La faute professionnelle implique une responsabilité civile professionnelle qui
appelle quelques remarques :
- d’une part, la faute professionnelle est appréciée selon le comportement du
professionnel avisé, diligent, appliquant les données acquises de la science ou de l’art
concerné ;
- d’autre part, la responsabilité professionnelle est essentiellement contractuelle
au résultat de l’évolution (transport, responsabilité médicale…) et, très souvent,
l’obligation qui en résulte est souvent une obligation de moyens et non de résultat.
Cependant, elle peut être délictuelle : en cas de décès du cocontractant, les
héritiers peuvent renoncer à l’action contractuelle du de cujus pour exercer une action
propre de nature délictuelle. (De plus, la responsabilité du notaire et la responsabilité
du transporteur bénévole sont délictuelles).
La responsabilité professionnelle est souvent couverte par une assurance, qui
peut être obligatoire.
42
droits sont accordés à des fins sociales. Dès lors que le droit est détourné de son but,
qu’il est utilisé anormalement, il y a abus des droits. Pour les frères Mazeaud, une
simple faute suffit.
§ II : Le domaine
L’abus des droits est retenu dans de nombreux domaines sur le fondement de
l’art. 1382, c’est-à-dire de la faute.
- L’exercice abusif du droit de propriété
Il peut être illustré par l’affaire Clément Bayard. En l’espèce, un propriétaire
voisin d’un terrain d’atterrissage pour ballons dirigeables avait construit sur son fonds,
sans aucune utilité pour lui, d’énormes hangars sur lesquels étaient implantés de
longues lances d’acier, ce qui gênait l’envol et l’atterrissage des dirigeables69.
- L’exercice abusif des voies judiciaires (voies de recours, voies d’exécution) :
la Cour suprême a eu à affirmer dans plusieurs arrêts, dont celui de la Chambre
judiciaire, 26 janvier 1973, Kamouch contre Shell, que si l’exercice du droit d’ester en
justice n’est pas per ipsum reprochable même en cas d’échec, il peut devenir une faute
génératrice de dommages-intérêts s’il constitue dans la réalité un acte de malice ou
une erreur grossière équipollente au dol.
- L’exercice abusif du droit de grève (grève politique ou non-respect des
procédures).
- La mise à l’index (par les salariés pour empêcher d’embaucher ou pour
entraîner le licenciement d’un non syndiqué, boycott d’un fournisseur).
- L’exercice des droits extrapatrimoniaux (rétractation malveillante du
consentement à mariage de son enfant).
- A l’occasion des contrats : refus d’embaucher (pour opinion syndicale), refus
de contracter (en particulier refus de vendre)…
- L’abus du droit de voisinage : diffère de l’abus des droits en ce sens que la
responsabilité peut être engagée même sans faute mais à condition que le trouble
excède la mesure normale des inconvénients de voisinage (bruits excessifs, odeurs
nauséabondes, fumées…).
69
Affaire Clément Bayard, C. cas. 3 août 1915, tous ouvrages, Sirey 1920, 1, 300.
43
La preuve de la faute, comme celle du lien de causalité, peut être apportée par le
demandeur par tous moyens car il s’agit de faits juridiques et non d’actes juridiques.
1) L’infans
Traditionnellement, l’infans, ou l’enfant en bas-âge qui n’a pas atteint l’âge de
raison, n’engage pas sa responsabilité personnelle lorsqu’il cause un dommage. Seule
la responsabilité de ses parents peut être engagée. Par contre, le mineur non infans
engage sa responsabilité du fait personnel (interprétation de l’article 1310 : il n’est
point restituable contre les obligations résultant de son délit ou de son quasi-délit). Les
droits français, belge et burkinabè admettent cette solution. Par exemple, pour la Cour
de cassation belge, si en principe la responsabilité civile doit s’apprécier
objectivement, c’est-à-dire par rapport au comportement d’une personne normalement
prudente, un enfant qui n’a pas atteint l’âge de discernement ne peut néanmoins être
rendu responsable de ses actes70.
Aucun âge n’est fixé. Il semble que ce soit au-dessous de 7 ans.
En France, la situation a fondamentalement changé. Dans les arrêts Derguini et
Lemaire du 19 mai 198471, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé qu’il
n’est pas nécessaire de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences
de son acte pour décider qu’il a commis une faute. Il faut préciser que dans l’une des
70
30 mai 1969, Pasicrisie, 1969, I, 879.
71
Dalloz 1984.524, conclusions Cabannes, note Chabas.
44
affaires, l’enfant avait 5 ans. La « faute » de l’infans, comme celle du dément, ne
suppose donc plus l’imputabilité : seule subsiste la condition d’illicéité, appréciée
objectivement, c’est-à-dire un acte socialement défectueux et dangereux pour autrui.
La faute est expurgée de son aspect moral dans le but de permettre à la victime du
dommage causé par une personne qui n’est pas raisonnable d’obtenir une
indemnisation.
Au total, qu’il s’agisse d’un mineur ou d’un majeur incapable, on a abouti à la
faute objective qui ne nécessite pas, pour être caractérisée, le discernement de l’auteur
de la faute72.
A- La force majeure
C’est la cause d’exonération la plus généralement admise. Dans une conception
large, elle inclut le fait de la victime ou d’un tiers revêtant ses caractères.
La force majeure ou cas fortuit doit revêtir trois caractères : l’extériorité,
l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.
L’extériorité : la force majeure peut découler d’un événement de la nature ou
du fait d’un tiers. En revanche, un vice de la chose, instrument du dommage, même
inconnu du gardien, ne peut constituer une cause étrangère. Il en va de même de l’acte
du préposé ou de toute personne dont on doit répondre.
L’imprévisibilité : elle est appréciée in abstracto, par référence à une personne
raisonnable. Il suffit que, pour cette personne raisonnable, l’événement ait été
normalement imprévisible.
L’irrésistibilité : c’est la même méthode d’appréciation que plus haut.
Toutefois, certaines décisions récentes de la Cour de cassation française
n’exigent pas l’imprévisibilité : dès lors que toutes les précautions ont été prises pour
éviter un événement pourtant prévisible mais qu’il n’est pas possible d’empêcher, les
conditions d’extériorité et d’irrésistibilité peuvent paraître suffisantes pour constituer
la force majeure75.
73
C. cas. fr., Soc. 9 nov. 1982, JCP 1983, II, 19995.
74
Voy. dans ce sens Rémy Cabrillac, op. cit., 242.
75
Voy. dans ce sens Gérard Légier, op. cit., p. 168.
46
d’une maison ou d’un appartement habité ou de leurs dépendances ou en se défendant
contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
- L’ordre de la loi ou de l’autorité légitime
En ce qui concerne l’ordre de la loi, on donne comme exemple l’article 374 qui
punit la violation du secret professionnel des médecins, chirurgiens, pharmaciens,
agents de santé. Cependant, d’autres textes obligent les médecins à déclarer certaines
maladies graves. Du fait de cette obligation, le médecin ne peut être poursuivi pour
non-respect du secret professionnel.
Quant à l’ordre de l’autorité légitime, il pose plus de questions : il faut
apprécier le caractère légal ou illégal de l’ordre, l’apparence de sa légalité en tenant
compte de la situation de la personne qui l’a donné dans la hiérarchie administrative (il
s’agit que la personne ait crû que c’est l’autorité légitime).
- L’état de nécessité
Elle est une création jurisprudentielle. L’état de nécessité est la situation de
désespoir ou de dernière extrémité qui permet d’excuser totalement ou partiellement
l’auteur d’une infraction pénale. Autrement dit, il permet de causer un dommage pour
éviter un péril imminent. L’une des premières et des plus célèbres applications est due
au juge Magnaud, surnommé « Le bon juge de Château-Thierry ». Celui-ci acquitta
une fille-mère ayant volé un pain pour nourrir son enfant qui n’avait pas mangé depuis
plusieurs jours et risquait incessamment de mourir de faim76. Malgré quelques
résistances au départ, la jurisprudence a maintenu l’excuse de nécessité, reprise plus
tard dans le Code Badinter. Au moins au plan pénal, l’état de nécessité doit réunir trois
conditions : il faut que le moyen utilisé ait été le seul ou le meilleur, que l’intérêt sauvé
soit supérieur à l’intérêt sacrifié et que la personne qui l’invoque n’ait pas commis une
faute.
- La provocation n’entraîne qu’un partage de responsabilité en droit pénal
comme en droit civil (321 et s. ACP, art. 78 et 79 NCP).
- L’acceptation de la victime n’est pas en principe une cause d’exonération,
surtout pour les droits extrapatrimoniaux. Mais en ce qui concerne les biens et les
droits dont la personne a la libre disposition (droits patrimoniaux), l’exonération joue
et si vous dites à votre copain de brûler votre mobylette, vous ne pourrez pas après
engager sa responsabilité. C’est une cause d’exonération également dans le cas des
sports violents ou non violents (la victime d’un dommage ne peut agir contre un autre
participant qui lui a causé un dommage que si ce dernier n’a pas respecté la règle du
jeu), des opérations chirurgicales… L’acceptation des risques est considérée dans
certaines circonstances comme une faute dont la gravité conduit à un partage de
responsabilité.
- La prédisposition : c’est une question d’importance qui appelle des
développements. Exemple un borgne qui perd dans un accident son œil valide alors
que s’il avait ses deux yeux, il lui en serait resté un. Une personne dépressive qui se
suicide à la suite d’un accident qui aggrave son état. Il est certain que l’état de la
victime contribuant à l’aggravation du dommage en est une cause partielle.
En ce qui concerne le principe même de la responsabilité, cet état n’a pas à être
pris en compte. Dès lors que les conditions de la responsabilité sont établies (faute ou
76
Affaire Ménard 1898, Château-Thierry, Tribunal correctionnel, Dalloz 1899, 2, 329.
47
présomption), le défendeur doit réparer l’entier préjudice qu’il a causé. La victime,
déjà affaiblie par l’âge ou un handicap quelconque, a droit, comme toute autre victime,
à être indemnisée. On note une décision de la Cour de cassation belge de 1951 pour
laquelle l’existence de prédispositions pathologiques dans le chef de la victime
n’exclut pas l’obligation pour l’auteur du dommage de réparer celui-ci77.
En ce qui concerne le montant de la réparation, il convient d’appliquer le
principe selon lequel le responsable ne doit réparer que le dommage qu’il a causé. Par
conséquent, si les aptitudes de la victime étaient déjà amoindries, le dommage causé
ou aggravé par l’accident est réparé en tenant compte de cette incapacité antérieure.
Par exemple, si l’accident réduit l’usage d’un bras, il est tenu compte du fait que les
mouvements de ce membre étaient déjà limités en raison d’une malformation ou d’une
précédente blessure. Si avant l’accident, la victime était déjà atteinte d’une incapacité
partielle de 40 %, si l’accident entraîne l’incapacité totale (100%), l’auteur ne sera
condamné que pour les 60 % restants.
[On tient compte de l’incapacité antérieure de la victime résultant d’une
infirmité ou d’un accident. En sens contraire, on note l’arrêt de la Cour suprême,
Chambre sociale du 14 décembre 1973 qui affirme que la lésion antérieure à l’accident
ne saurait être prise en compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente
partielle (IPP)].
77
Cas. belge, 8 juin 1951, Pasicrisie, 1951, I, 691. Voy. également Cour de cas. fr., Civ. 2 e, 19 juillet 1966,
Dalloz 1966, 598.
78
« Sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité en matière délictuelle, les articles
1382 et 1383 C. civ. étant d’ordre public et leur application ne pouvant par avance être paralysée par une
convention » (Civ. 2e, 17 février 1955, Dalloz 1956, note P. Esmein ; JCP 1955.II.8951, note R. Rodière.
79
Décision du 22 octobre 1982 déclarant non conforme à la Constitution la disposition d’une loi qui interdisait
l’exercice d’une action en réparation lorsque le dommage avait été causé par des salariés à l’occasion d’un
conflit collectif du travail.
48
CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE DU FAIT
D’AUTRUI
L’article 1384, al. 1er, en pose le principe : on est responsable du dommage qui
est causé par le fait des personnes dont on doit répondre. Les alinéas suivants
explicitent les différents cas de responsabilité du fait d’autrui.
Cette responsabilité appelle quelques remarques générales.
- L’idée commune est que certaines personnes disposent d’une autorité, d’un
pouvoir de fait ou de droit sur d’autres et elles doivent en disposer pour les empêcher
de commettre des dommages. La responsabilité est la sanction du non-
accomplissement de cette obligation.
- Il faut en principe la preuve d’une faute dans le chef de la personne dont on
doit répondre.
- La responsabilité du fait d’autrui laisse subsister, sauf exception, la
responsabilité personnelle de la personne dont on répond (si du moins elle a la capacité
aquilienne).
- La personne qui répond d’une autre conserve en principe un recours contre la
personne dont elle répond et, a fortiori, contre le tiers coauteur du dommage.
- La responsabilité du fait d’autrui ne joue qu’en cas de dommage causé aux
tiers, c’est-à-dire aux personnes autres que celles dont on répond. Par exemple,
l’instituteur répond du dommage causé par l’élève et non de celui subi par l’élève lui-
même.
- Elle ne concerne que la responsabilité civile et non la responsabilité pénale.
Seront successivement abordés :
- La responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineurs ;
- La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis ;
- La responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves ;
- La responsabilité des maîtres et commettants du fait de leurs domestiques et
préposés ;
- L’admission d’un principe de responsabilité présumée du fait d’autrui sur le
fondement de l’article 1384, alinéa 1er.
49
§ I : Les conditions de la responsabilité
1) Il faut un fait de l’enfant ou d’une chose dont il a la garde qui cause un
dommage à autrui ou, plus généralement, un fait quelconque de l’enfant qui est à
l’origine du dommage.
2) L’enfant doit être un mineur non émancipé. Il n’y a pas lieu de distinguer
dans la responsabilité des parents entre les mineurs de manière générale et les infans.
3) Il faut que l’enfant habite avec ses parents. Cette cohabitation est une
condition fondamentale. C’est lorsqu’il y a cohabitation que les parents pourront bien
les éduquer et les surveiller de sorte à les empêcher de commettre des faits
dommageables. Mais les parents demeurent tenus si le défaut de cohabitation est dû à
leur faute ou à leur fait (départ sans motif légitime comme une fugue de l’enfant ou
lorsqu’il est à l’internat). Certains tribunaux estiment que les séparations de fait
n’entraînant pas de modification dans l’exercice de l’autorité parentale, les père et
mère demeurent tenus.
4) La présomption de faute concerne uniquement le père et la mère en tant qu’ils
sont détenteurs tous les deux de l’autorité parentale (art. 509, CPF). Antérieurement au
CPF, la responsabilité de la mère prenait le relais en cas de décès du père, ce qui
conférait à la présomption un caractère alternatif et, en dehors de ce cas, quand
l’autorité parentale est exercée par la mère, comme en cas de condamnation du père
pour abandon de famille, ou lorsque celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté…
En France et au Burkina depuis l’adoption du CPF, la présomption s’applique
solidairement au père et à la mère parce qu’ils exercent ensemble le droit de garde.
§ II : L’exonération
Une fois les conditions réunies, la présomption joue, c’est-à-dire que la victime
n’aura pas besoin d’apporter la preuve d’une faute des parents. Mais ceux-ci peuvent
s’exonérer en démontrant l’existence d’une cause d’exonération, en particulier
l’absence de faute dans l’éducation et dans la surveillance (1384, al. 7). Comme l’a
affirmé la Cour de cassation française80, la responsabilité du père repose sur une
présomption de faute qui cède devant la preuve qu’il a rempli ses obligations de
surveillance et de direction. Mais les tribunaux peuvent admettre plus ou moins
facilement que cette preuve d’absence de faute est faite.
En France, il n’en est plus ainsi depuis des arrêts récents de la Cour de
cassation. En effet, avec l’arrêt Bertrand du 19 février 199781, la Cour de cassation a
donné un autre fondement à la responsabilité des père et mère : c’est une
responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que les parents ne peuvent s’exonérer qu’en
démontrant la force majeure ou la faute de la victime.
80
Civ. 2, 12 octobre 1955, Dalloz 1956, 301.
81
Civ. 2, Dalloz, 1997.265, note P. Jourdain.
50
solvables que leurs enfants82. D’ailleurs, la victime peut intenter l’action contre les
parents ou contre l’enfant.
En France, la preuve de l’absence de faute est inopérante depuis l’arrêt
Bertrand de la Cour de cassation du 17 février 1997, si bien que la responsabilité des
père et mère est devenue une responsabilité de plein droit et non une responsabilité
pour faute.
§ I : L’évolution historique
A côté de la présomption pesant sur les parents et les artisans, il y en avait une
qui pesait sur les instituteurs pour les dommages causés par les élèves à des tiers ou à
d’autres élèves. Mais ils pouvaient s’exonérer en démontrant qu’une surveillance
même attentive n’aurait pas pu empêcher le dommage. Déjà le terme instituteurs
comprenait tous les éducateurs, à l’exclusion des enseignants du supérieur.
La responsabilité des instituteurs fut jugée trop sévère, ceux-ci n’ayant en
général ni le choix des élèves, ni celui des lieux de l’enseignement. Une loi du 20
juillet 1899 a substitué la responsabilité de l’Etat à celle des membres de
l’enseignement public.
§ II : Le régime général
Jugeant cette évolution insuffisante, une loi du 5 avril 1937, rendue applicable
aux colonies par des lois de 1938 et 1939, a ajouté un paragraphe 8 à l’article 1384.
Ainsi, en ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences
invoquées contre eux devront être prouvées, conformément au droit commun par le
demandeur à l’instance. On remarquera :
- qu’il n’y a plus de présomption de faute ;
52
- qu’il s’agit de tout accident scolaire, c’est-à-dire d’un dommage causé par un
élève ou subi par lui ; peu importe que l’auteur soit l’instituteur ou un élève, que la
victime soit un élève ou un tiers ou que l’enseignement soit à titre gratuit ou onéreux,
public ou privé… ;
- que l’appréciation se fera in abstracto par rapport au comportement d’un
instituteur diligent (prudent).
83
TPI, civ., Ouaga, 15 novembre 1962.
53
C’est un lien de préposition ou de subordination impliquant la direction, la
surveillance et le contrôle que le commettant exerce sur le préposé.
Lorsqu’il y a un contrat, il s’agit le plus souvent d’un contrat de travail. Peu
importe la rémunération ou la position hiérarchique du salarié (ouvrier ou subalterne,
ou cadre moyen ou supérieur). C’est la dépendance juridique beaucoup plus que la
dépendance économique qui est visée. Le rapport de dépendance est basé sur l’autorité
et la surveillance, sur le droit de donner des instructions et des ordres. Cette situation
peut être de droit ou de fait et son existence s’apprécie selon les circonstances de la
cause. La simple dépendance économique ne suffit pas : par exemple, il n’y a pas de
lien de subordination juridique entre un fabricant et son sous-traitant, entre un
commerçant et son représentant. De manière générale, le contrat d’entreprise, à la
différence du contrat du travail, exclut la subordination.
Il peut se faire qu’il y ait plusieurs commettants. Par exemple, un camion est
mis avec le préposé à la disposition d’un client. En droit français, l’on cherche, dans la
mesure où cela est possible, à déterminer avec précision celui d’entre eux qui exerçait
les pouvoirs de commandement. On dit que le lien de préposition est alternatif et la
tendance, en cas de doute, est de retenir le commettant habituel84. En droit belge, on
préfère instaurer la solidarité entre commettants.
La responsabilité existe même lorsque le commettant n’a pas choisi son
préposé.
84
Au Burkina, le TPI de Ouagadougou, le 15 décembre 1976 a retenu la responsabilité de l’OPT pour un
agent de l’Etat qu’il utilisait occasionnellement pour une faute commise dans ce cadre.
54
C’est là que se situent les difficultés ; en effet, il existe de nombreuses situations
intermédiaires, notamment lorsque le préposé commet un abus ou un dépassement de
fonctions, par exemple, il utilise, sans autorisation et à des fins personnelles, mais
durant les heures de travail, un véhicule que l’entreprise a mis à sa disposition
seulement pour l’exercice de ses fonctions ; la faute a des rapports mais lâches avec la
fonction.
En jurisprudence française, des décisions très controversées ont admis une
responsabilité étendue des commettants dans les cas suivants :
- l’ouvreur qui, dans un cinéma, viole et tue une jeune spectatrice après l’avoir
suivie dans les lavabos ;
- le meurtre commis au cours d’une rixe entre deux ouvriers, l’arrêt relevant que
la querelle concernait l’exécution du travail ;
- le chauffeur volant à son employeur un camion autre que celui qu’il avait à
conduire et qui cause un dommage ;
- un ouvrier qui, pour se venger d’une observation (désagréable) qui lui a été
faite par le contremaître, le suit après le travail et le frappe mortellement.
En France, la Chambre criminelle de la Cour de cassation adoptait une
conception extensive du lien avec la fonction. Pour elle, il suffisait que la fonction
ait fourni l’instrument du dommage ou en ait été l’occasion. Par contre, la Deuxième
chambre civile adoptait une conception plus restrictive du lien : dès lors que l’acte est
étranger aux fonctions, il y a abus et le commettant n’est pas responsable.
L’Assemblée plénière, en 1977 et surtout le 17 juin 198385, a retenu la
conception restrictive mais en employant une formule large. Pour elle, « les
dispositions de l’art. 1384, al. 5, C. civ. ne s’appliquent pas au commettant en cas de
dommages causés par le préposé qui, agissant sans autorisation à des fins étrangères à
ses attributions, s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé ». En
l’espèce, la responsabilité du commettant n’a pas été retenue lorsqu’un livreur de
mazout a déversé le mazout dans une carrière, acte à l’origine d’une pollution de l’eau
potable. La Chambre criminelle a finalement adopté cette conception : par exemple,
elle n’a pas retenu la responsabilité d’un transitaire en douane dont le préposé a
commis un délit de contrebande.
La question qui restait posée était de savoir si ces trois conditions sont
cumulatives. Afin d’assurer une indemnisation plus fréquente des victimes, l’exigence
de trois conditions pour l’exonération du commettant a été consacrée par l’Assemblé
plénière dans son arrêt du 19 mai 1988 pour qui « le commettant ne s’exonère de sa
responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé,
sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions »86. Ainsi, dans cet arrêt,
une compagnie d’assurance a été déclarée responsable du détournement de fonds
commis par un préposé parce qu’il avait reçu les fonds en exerçant ses fonctions. Une
solution identique a été adoptée lorsqu’un clerc de notaire ou un employé de banque
détourne des fonds en effectuant un acte qui entre dans ses attributions (opération de
prêt par exemple) ou même lorsqu’un préposé d’une société de nettoyage commet un
vol pendant l’accomplissement de son travail.
85
Dalloz 1984, 134, note Denis.
86
Dalloz 1988, 13, note Larroumet.
55
Un rôle important est donné à l’apparence dans les cas où la victime a été en
rapport avec un préposé afin de conclure ou d’exécuter un contrat qui la lie au
commettant. Celui-ci est responsable des actes de son préposé chaque fois que les
circonstances ou les usages laissaient croire à la victime que le préposé agissait dans
l’exercice de ses fonctions : le commettant ne peut pas échapper à sa responsabilité au
seul motif que celui auquel il a confié une tâche a agi à des fins personnelles. En
revanche, la responsabilité est écartée lorsque la victime a fait preuve d’une
imprudence incontestable en se livrant à une opération sortant des attributions
habituelles du préposé et quelque peu suspecte : elle ne pouvait légitimement croire
que le préposé avait agi pour le compte de son employeur.
La conséquence essentielle du dépassement ou de l’abus des fonctions est que la
responsabilité du commettant est écartée et seul le préposé répond de ses actes. Si dans
les mêmes conditions, il a utilisé une chose du commettant, il en est devenu gardien et
sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’art. 1384, al. 1er.
La jurisprudence belge n’est pas en reste ; elle retient la responsabilité du
commettant même en cas d’abus des fonctions.
La jurisprudence burkinabè semble admettre de manière large le lien entre
l’acte du préposé et sa fonction. Dans de nombreux cas, elle a retenu la responsabilité
du commettant.
56
victime (il s’agissait de marchandises déposées dans un atelier de soudure et qui ont
brûlé).
Mais la Cour de cassation française semble exclure la poursuite du préposé, et
donc la responsabilité personnelle de ce dernier, ainsi que le recours du commettant
contre le préposé lorsque le préposé a agi sans excéder les limites de sa mission 87. Le
commettant ne peut donc poursuivre le préposé que si ce dernier a commis une faute
constitutive d’une infraction intentionnelle88.
§ I : Le fondement et le domaine
87
Gérard Légier, op. cit., p. 160.
88
Civ. 1ère, 9 nov. 1984, Dalloz 2005, 253, note F. Chabas ; R. Cabrillac, op. cit., 307.
89
Dalloz 1991. 324, note C. Larroumet.
57
Pour admettre de nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui, l’Assemblée
plénière s’est fondée sur la généralité des termes de l’art. 1384, al. 1 er : « On est
responsable… du dommage… causé par les personnes dont on doit répondre »
(formule qui est pléonastique).
Dans l’arrêt Blieck, l’Assemblée plénière a retenu la responsabilité d’une
association gérant un centre d’accueil de personnes handicapées mentales, dont l’une
avait causé un dommage à un tiers, en relevant que cette institution « avait accepté la
charge d’organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie de ce handicapé…
et devait répondre de celui-ci, au sens de l’art. 1384, al. 1er ».
Cette responsabilité du fait d’autrui fondée sur 1384, alinéa 1 er, a ensuite été
appliquée dans d’autres hypothèses, par exemple, à l’encontre d’un établissement de
rééducation et d’une clinique psychiatrique, qui doivent répondre des dommages
provoqués par leurs pensionnaires, ou d’un tuteur, qui est présumé responsable des
actes de l’incapable. Des associations sportives, par exemple un club de rugby, ont
également été déclarées responsables des dommages causés par le fait de leurs joueurs
au motif qu’elles ont mission « d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs
membres au cours des compétitions sportives auxquelles ils participent ». Le caractère
permanent de la mission de contrôle, relevé dans l’arrêt Blieck, ne paraît donc pas
nécessaire puisque, dans ce dernier cas, ce contrôle n’est exercé que pendant les
compétitions.
§ II : La nature de la présomption
Ces nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui reposent sur une
présomption, mais leurs conditions de mise en œuvre, notamment la nature des
relations entre le responsable et l’auteur du dommage, sont encore à déterminer. Les
pouvoirs de contrôle, de direction et d’autorité paraissent en tout cas
indispensables.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé le 26 mars 199790 qu’il
s’agissait d’une responsabilité de plein droit, c’est-à-dire que celui dont la
responsabilité est mise en jeu ne peut pas s’en affranchir en démontrant qu’il n’a pas
commis de faute. Comme pour la responsabilité du fait des choses ou la responsabilité
des commettants, les causes d’exonération sont la force majeure et le fait de la victime.
Ce n’est donc pas une responsabilité fondée sur la faute.
Au regard de l’évolution, la responsabilité du fait d’autrui s’est beaucoup
rapprochée de la responsabilité du fait des choses.
90
Dalloz 1997. 496, note P. Jourdain.
58
effets ; le fondement et enfin les responsabilités spéciales du fait des choses (cas des
accidents causés par un véhicule automobile et des produits défectueux).
Section I : L’évolution
L’évolution doit être abordée au plan général et au plan du droit.
§ I : Au plan général
Lors de l’adoption du Code civil en 1804, les dommages causés par les choses
étaient plutôt rares. Les articles 1382 et 1383 suffisaient même dans le cas où une
personne s’était servie d’une chose. Avec l’évolution vers la société industrielle, l’on a
assisté à la mécanisation ou à la « chosification » de l’activité, des moyens de transport
et à des installations et équipements divers destinés à faciliter la vie quotidienne. Les
machines diverses dans les usines, les véhicules (automobiles, motos, bicyclettes) dans
la circulation, les escaliers roulants, les ascenseurs, les machines sophistiquées de
soins, etc., tendent à rendre les accidents anonymes. Il devient de plus en plus difficile,
voire impossible, de prouver la faute d’une personne. Quand un ouvrier travaillant sur
une machine sophistiquée est blessé, est-ce qu’il y a vraiment une faute de
l’employeur ? On éprouve beaucoup de difficultés à déterminer qui est fautif ou
responsable dans nombre d’accidents de la circulation (comme les carambolages).
§ II : Au plan du droit
Il est manifeste que les rédacteurs du Code civil, en écrivant l’article 1384, al.
er
1 , entendaient simplement annoncer les articles 1385 et 1386 concernant
respectivement les animaux et la ruine des bâtiments.
Devant le nombre de plus en plus important de dommages quêtant réparation et,
encouragés par le législateur qui avait organisé la réparation des accidents du travail,
jurisprudence et doctrine optèrent pour une lecture littérale de l’article 1384, al 1 er : on
est responsable du dommage causé par le fait des choses que l’on a sous sa garde. La
faute n’y est pas mentionnée. C’est entre 1920 et 1930 que la jurisprudence française
de la Cour de cassation allait poser, particulièrement dans l’arrêt Jand’heur du 13
février 193091, les bases et conditions de cette responsabilité. En l’espèce, il s’agissait
d’un accident d’automobile. La cour d’appel avait refusé d’appliquer 1384, al. 1er, au
double motif que ce texte ne joue pas à l’égard des choses « actionnées par la main de
l’homme » et que la preuve n’avait pas été rapportée que cette chose avait quelque
« vice propre ». L’arrêt de la cour d’appel est cassé aux motifs que la loi ne distingue
pas entre choses actionnées ou non actionnées par la main de l’homme ni entre celles
qui auraient un vice et celles qui n’en auraient pas. La Cour de cassation ajoute que la
présomption de responsabilité de l’art. 1384, al. 1er, ne peut être détruite que par la
preuve d’un cas fortuit ou d’une cause étrangère non imputable.
Les conditions de cette responsabilité venaient ainsi d’être précisées.
§ II : Le fait de la chose
95
Pour approfondissement Henri et Léon Mazeaud, et André Tunc, Traité théorique et pratique de la
responsabilité civile délictuelle et contractuelle, T2, Ed. Montchrestien, p. 347 à 367
96
Civ. 2e, 21 décembre 1962, Gazette du Palais 1963, I, 285.
61
Relativement au fait de la chose, il apparaît qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait
un contact entre la chose et la victime mais il faut un rôle actif de la chose. Par
ailleurs, il faut se demander quels rapports il y a entre le fait personnel et le fait des
choses.
62
§ III : La garde
Il convient de préciser la notion de garde, le caractère alternatif de la garde et se
demander si les déments peuvent être gardiens.
A- La notion de garde
La garde est constamment définie par la jurisprudence comme comportant
l’usage, la direction et le contrôle de la chose. Le gardien doit avoir le pouvoir de
surveiller et de contrôler tous les éléments de la chose, y compris les secrets internes
parce que c’est ainsi qu’il est à même de prévenir le dommage. Ainsi définie, la garde
appartient le plus souvent au propriétaire.
Mais deux conceptions ont fait jour à ce sujet :
- la garde dite juridique, qui ne retient que le propriétaire comme gardien, à
moins que celui-ci ait transféré la garde par contrat (contrats de dépôt, de transport, de
location, de prêt à usage, etc.) ;
- et la garde dite matérielle, selon laquelle si le propriétaire est souvent
gardien, il peut en être différemment non seulement dans le cas de transfert par contrat
mais également dans le cas où il a été privé de l’usage, de la direction et du contrôle de
la chose.
A la question de savoir qui a la garde entre le propriétaire et le voleur de la
voiture, on note que l’arrêt des Chambres réunies de la Cour de cassation du 2
décembre 1941, rendu dans l’affaire Franck et Connot, lui a donné une réponse
satisfaisante97. Selon cet arrêt, celui qui n’a plus les attributs de la garde (usage,
direction et contrôle) ne peut plus être responsable du fait des choses. Sa
responsabilité pour faute personnelle peut être retenue à condition de démontrer un
lien de cause à effet entre la faute et le dommage. Le TPI de Ouaga, dans un jugement
rendu le 22 novembre 1962, a retenu une formulation qui laisse entendre qu’elle
reconnaît seulement la garde juridique. Selon lui, « O. D. étant le propriétaire du
camion en avait la garde ; il importe peu, au regard de 1384, al. 1er, que O. D. ait
délégué cette garde au chauffeur T. B… ». Mais peut-être s’agissait-il là d’un
commettant et d’un préposé. Dans ce cas, le commettant seul est considéré comme
gardien.
La garde n’exige pas une certaine durée ; ainsi, l’auteur d’un coup de pied
donné à une bouteille est gardien de celle-ci98. Elle est transférée en même temps que
la détention au locataire ou à l’emprunteur, sauf si le nouveau détenteur est
subordonné au propriétaire
97
Dalloz critique, 1942, 25, note G. Ripert ; Sirey 1941, I, 217, note H. Mazeaud ; JCP 1942, II, 1766, note J.
Mihura ; voy. également Grands arrêts et Mazeaud.
98
Civ. 2, 10 février 1982, JCP 1983, 20069, note A. Coeuret.
63
peut être retenue que la responsabilité des personnes qui exercent concrètement ces
pouvoirs, par exemple le voleur. Il n’y a pas de solidarité entre l’ancien et le nouveau
détenteur.
Il s’est posé la question de la garde de la structure et de la garde du
comportement, qui pourraient coexister à un moment donné en matière de produits
faisant appel à une haute teneur technologique. Par exemple, au cours d’une livraison
à l’acheteur, une bouteille de gaz éclate et cause un dommage. Les causes étant
inconnues, la responsabilité, non du livreur, mais du fabricant a été retenue99. Cette
solution est critiquée parce qu’elle complique la responsabilité et risque d’être
préjudiciable à la victime qui doit savoir si son dommage est dû à un défaut de
structure et ou à un défaut de comportement. Il aurait mieux valu que la victime
poursuive le livreur, quitte à ce que celui-ci à son tour poursuive le fabricant. Dans
tous les cas, cette distinction n’est pas unanimement reconnue par tous les tribunaux.
99
Cas. fr., civil, 5 janvier 1956, D, 57, 261.
100
Civil 2ème, 18 décembre 1964, D. 1965, 191.
101
Arrêt Gabillet, Assemblée plénière, 9 mai 1984, Dalloz 1984, 525, conc. Cabannes, note Chabas.
64
solution est complètement abandonnée102. La jurisprudence belge retient la
responsabilité du transporteur bénévole soit sur la base de la faute prouvée, soit sur le
fondement du vice mais le transporteur peut s’exonérer en démontrant l’acceptation
des risques (par exemple, une personne monte dans une voiture en sachant que le
conducteur était dans un état voisin de l’ébriété (Bruxelles, 26 janvier 1950). La
jurisprudence burkinabè admet la responsabilité du transporteur bénévole au moins sur
le fondement des articles 1382 et 1383 comme dans la décision du TPI de
Ouagadougou du 17 janvier 1963 (chambre civile).
A- La faute
Classiquement, la théorie subjective a voulu expliquer cette responsabilité par la
présomption de faute qui pèserait sur le gardien. Mais le caractère irréfragable de la
présomption de faute rend cette explication inacceptable. Elle a ensuite avancé la faute
dans la garde définie tantôt comme une obligation d’empêcher certaines choses de
causer un dommage à autrui tantôt comme consistant à avoir laissé la chose échapper
au contrôle matériel de l’homme. Mais cette faute n’a rien à voir avec la faute des
articles 1382-1383. Comme des auteurs l’ont écrit, on discerne la faute parce que l’on
a préalablement posé l’obligation d’empêcher le dommage103.
B- Le risque
L’acceptation de la théorie du risque supposerait que l’on analyse l’altitude de
tous les agents au regard de cette théorie. Or on tient compte de la faute de la victime
et le propriétaire d’une voiture volée n’est pas responsable. Or, d’après la théorie du
risque, c’est bien l’activité de ce propriétaire qui créé le risque.
C- La garantie
La théorie de la garantie, qui part de la prise en considération de l’intérêt de la
victime, semble mieux expliquer cette responsabilité. Cependant, la distinction entre
les dommages qui seraient objectivement garantis (dommages corporels et matériels)
et ceux qui ne le seraient pas (dommages économiques ou moraux) n’est pas prise en
compte par la jurisprudence.
Plus que les théories, c’est la volonté d’assurer, dans toute la mesure où cela
n’est pas choquant, la réparation en faveur des victimes qui explique cette
responsabilité. L’on permet en effet à des victimes qui ne peuvent démontrer une faute
102
Cas. fr., Ch. mixte, 20 décembre 1968 (3 arrêts), Dalloz 1969, 37. Opérant un revirement, la Cour de
cassation a décidé qu’en l’absence d’un texte contraire, l’article 1384, alinéa 1er, s’appliquait en matière de
transport bénévole. Cette question a perdu une grande partie de son intérêt depuis la réforme opérée par la loi
du 5 juillet 1985 sur l’indemnisation des victimes des accidents de la circulation, y compris les personnes
transportées. Or, c’est en substance les dispositions de cette loi que reprend le Code CIMA applicable dans la
plupart des Etats francophones d’Afrique dont le Burkina.
103
Marty et Raynaud, cité par Weill et Terré, 81, p. 825.
65
sur la base des articles 1382 - 1383 de se fonder sur 1384, al. 1er, parce qu’une chose a
été utilisée dans la commission du dommage.
104
J.O.RHV. du 8 septembre 1969, p. 13) ; modifiée par l'ordonnance 75-46 du 29 septembre 1975 (J.O.RHV.
du 16 octobre 1975, p. 776. L’article 166 de ce Code est ainsi libellé : « Responsabilité et réparation. 1)
L'exploitant de tout aéronef qui exerce une activité aéronautique [au Burkina Faso] ou qui survole ce territoire
est responsable des dommages causés aux personnes et aux biens de tiers à la surface par un aéronef qu'il
utilise personnellement ou par l'intermédiaire de ses préposés agissant au cours de l'exercice de leurs
fonctions, que ce soit ou non dans les limites de leurs attributions.
2) Toute personne qui subit un dommage à la surface dans les conditions fixées par la présente ordonnance a
droit à réparation, si elle prouve que le dommage provient d'un aéronef en vol ou d'une personne ou d'une
chose tombant de celui-ci. Toutefois, il n'y a pas lieu à réparation si le dommage n'est pas la conséquence
directe du fait qui l'a produit ou s'il résulte du seul passage de l'aéronef conformément aux règles de la
circulation aérienne fixées par la présente ordonnance ».
105
La loi tend à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des
procédures d’indemnisation.
66
A- L’accident
Il peut être défini comme un événement soudain, fortuit (en latin : accidens = ce
qui arrive fortuitement), imprévu, dont la réalisation n’a pas été recherchée par le
conducteur du véhicule et qui a causé un dommage.
La Cour de cassation française en déduit que le dommage causé par la violence
volontaire d’un conducteur n’est pas le résultat d’un accident, par exemple, quand
l’automobiliste dirige intentionnellement son véhicule contre un piéton et le blesse.
B- La circulation
Un véhicule est en circulation lorsque :
- il est en mouvement en un lieu quelconque, public ou même privé : par ex. un
tracteur dans un champ, un appareil de damage sur une piste de ski ;
- il est en stationnement en un lieu ouvert au public.
En revanche, il n’est pas en circulation :
- non seulement lorsque le véhicule est immobilisé dans un lieu privé,
- mais encore lorsque le véhicule, immobilisé sur la voie publique, est employé
à une fonction utilitaire propre, étrangère à la circulation : la responsabilité spéciale ne
s’applique donc pas lorsque l’engin fonctionnait comme une machine-outil, par ex. un
dommage causé par un engin de terrassement immobilisé.
Quid lorsque l’accident se produit au cours d’une compétition sportive ? La
Cour de cassation française applique la responsabilité spéciale si la victime est un
spectateur et l’exclut si la victime est un concurrent, ce qui conduit alors à appliquer à
ce dernier le droit commun de la responsabilité du fait des choses.
67
Dans une deuxième conception, il suffirait d’une participation matérielle : par
ex. en cas de heurt avec un véhicule en stationnement régulier ; le véhicule est dans ce
cas l’occasion et non la cause du dommage.
Une troisième conception intermédiaire considère qu’une simple participation
matérielle ne suffit pas mais le rôle actif n’est pas exigé. Le véhicule doit avoir joué un
rôle quelconque dans l’accident. C’est dire que l’on applique la théorie de
l’équivalence des conditions. Il s’ensuit que le véhicule n’est pas la cause de l’accident
si celui-ci se serait quand même produit en son absence.
La Cour de cassation semble distinguer selon qu’il y a eu ou non heurt avec le
véhicule.
En cas de contact avec le véhicule, celui-ci est a priori la cause du dommage et
il n’y a pas à rechercher s’il a joué un rôle actif, s’il était en mouvement, à l’arrêt ou
en stationnement.
En l’absence de contact, la victime doit prouver que le véhicule est intervenu à
quelque titre que ce soit dans la survenance de l’accident. C’est une solution assez
proche de la théorie de l’équivalence des conditions : un véhicule peut donc être
considéré comme ayant causé le dommage lorsqu’il ralentit brusquement et gêne la
circulation des autres véhicules ou lorsque sa position à l’arrêt obstrue la visibilité.
106
En cas d’accident complexe, lorsqu’un véhicule est impliqué dans un accident, l’implication du véhicule à
cet accident est présumée : c’est au conducteur ou gardien du véhicule qu’il appartient de démonter que le
dommage n’est pas imputable à l’accident dans lequel son véhicule est impliqué. Ainsi, lorsque, après une
collision entre deux véhicules, l’un des conducteurs a été éjecté de sa voiture et que, gisant sur le sol, il a été
heurté par un autre véhicule, le conducteur de ce dernier doit être condamné à indemniser les ayants cause de
la victime décédée, dès lors qu’il n’est pas établi que la victime avait été mortellement blessé dans la première
collision et que le défendeur ne rapportait pas la preuve de l’absence de lien de causalité entre le dommage et
le fait de la victime (C. cas., civ. 2e, 25 mars 1991, Bull. civ. II, n° 96 ; TRD civ. 1991, 550, obs. Jourdain.
68
§ II : Le fondement du droit à indemnisation des victimes
Le fondement de cette responsabilité, qui se pose en termes similaires en droit
français et dans le Code CIMA, est vivement discuté par la doctrine française et la
Cour de cassation française a eu à se prononcer.
69
Elles se caractérisent par deux règles : l’éviction de la force majeure et une prise
en compte diversifiée de la faute de la victime.
70
(le conducteur). Le propriétaire incomplètement indemnisé peut exercer un recours
contre le conducteur.
Pour les atteintes à la personne, l’incidence de la faute commise par la personne
lésée varie grandement selon la catégorie à laquelle elle appartient.
71
1ère situation : La victime était, au moment de l’accident, âgée de 16 à 70
ans et n’était pas atteinte d’une incapacité au moins égale à 80%
Le défendeur pourra lui opposer :
- soit le fait qu’elle a recherché volontairement le dommage, par ex. un
suicide ou une tentative de suicide ;
- soit une faute inexcusable, à condition que celle-ci ait été la cause exclusive de
l’accident.
Deux conditions sont alors nécessaires dans le 2e cas.
- D’abord, la faute doit être inexcusable. La définition de la faute inexcusable
donnée par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 20 juillet 1987 et reprise par
l’Assemblée plénière le 10 novembre 1995107 est la suivante : « Seule est inexcusable
la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison son auteur à un
danger dont il aurait dû avoir conscience ». Il ne peut donc s’agir que de fautes très
graves, non de simples inadvertances ou imprudences.
Par exemple constituent des fautes inexcusables : la traversée de nuit dans une
zone mal éclairée d’une autoroute ou d’une route à très grande circulation et à
plusieurs voies après avoir franchi un obstacle (un muret ou une rambarde)
matérialisant l’interdiction de traverser, ou le fait pour un passager de sauter d’un
véhicule en marche.
En revanche ne sont pas des fautes inexcusables les fautes du piéton qui traverse
une voie alors que le feu est au vert pour les automobilistes, ou celui qui, pour
demander de l’aide, se place sur l’axe médian de la chaussée, alors pourtant que la nui
est tombée, que la route est dépourvue d’éclairage, que cette personne est habillée de
vêtements sombres et qu’il pleut (Ass. plén., 10 nov. 1995).
La faute inexcusable est appréciée in abstracto, par référence au danger dont la
victime aurait dû avoir conscience ; donc, elle ne peut être reprochée à une personne
atteinte d’un certain handicap mental, par ex. une personne en curatelle, ou en état
d’ébriété, mais la Cour de cassation a précisé que le fait d’être en état d’ivresse ne
constitue pas en lui-même, quel que soit le taux d’alcoolémie, une faute inexcusable.
- Ensuite, si la faute inexcusable est établie, elle doit avoir été la cause
exclusive de l’accident. En conséquence, si l’automobiliste a lui-même commis une
faute quelconque qui a contribué à la réalisation de l’accident, par ex. il roulait trop
vite, la faute inexcusable de la victime n’est pas la cause exclusive de l’accident et son
indemnisation doit être intégrale.
La preuve de la recherche volontaire du dommage ou de la faute inexcusable qui
est la cause exclusive du dommage incombe à celui qui s’en prévaut pour se dégager
de sa responsabilité. Donc si les circonstances de l’accident restent indéterminées,
cette preuve n’est pas rapportée et la victime bénéficie d’une indemnisation totale.
Si la preuve est rapportée, la victime n’a droit à aucune indemnisation : c’est un
système du tout ou rien, aucun partage n’est possible.
2e situation : la victime était, au moment de l’accident, âgée de moins de 16
ans ou de plus de 70 ans ou, quel que soit son âge, était titulaire d’un titre lui
reconnaissant un taux d’incapacité ou d’invalidité au moins égale à 80%
Dans ce cas, seule la recherche volontaire du dommage lui est opposable.
107
Dalloz 1995, 633, rapport Chartier.
72
3) La faute commise par la victime directe qui lui est opposable l’est aussi à
la victime par ricochet
C’est une application de la règle du droit commun. La loi n’envisage que
l’opposabilité à la victime par ricochet de la faute commise par la victime directe. Elle
ne dit rien, en revanche, de l’incidence de la faute de la victime par ricochet elle-même
sur son indemnisation. La jurisprudence encore reste incertaine. L’une des solutions
proposées consiste à ne pas prendre en considération la faute personnelle de la victime
par ricochet. Selon un autre point de vue, il faudrait transposer aux victimes par
ricochet les règles édictées pour les victimes directes et les traiter comme celles-ci en
distinguant entre les dommages aux biens et les atteintes à la personne, les conducteurs
et les autres personnes lésées. Cette seconde solution a pour l’instant été clairement
adoptée lorsque la victime par ricochet est un conducteur.
73
de celui-ci (recours sur le fondement de l’art. 1382-1383), soit le fait actif de la chose
dont il a la garde (recours sur le fondement de l’art. 1384, al. 1er).
2) Aussi, dans un deuxième temps, avec l’arrêt Coiffard du 6 mars 1991108, la
Cour de cassation fr. avait accordé une alternative au solvens qui pouvait exercer :
- soit un recours sur le fondement du droit commun (art. 1382 ou 1384, al. 1 er) :
c’est l’action dite personnelle ;
- soit un recours sur le fondement de la subrogation : c’est l’action subrogatoire.
Par cette technique, le solvens se prévalait des droits de la victime, dans lesquels il
était subrogé et invoquait donc, comme elle, les dispositions de la loi de 1985 (ou du
Code CIMA). Dans ce cas, en l’absence de faute prouvée des coauteurs, la
contribution de chacun à la dette ne pouvait s’effectuer que par parts viriles, c’est-à-
dire à égalité.
3) Puis dans un arrêt du 14 janvier 1998109, la Deuxième chambre civile de la
Cour de cassation décidait que le solvens ne pouvait exercer un recours que sur le
fondement du droit commun par la technique de la subrogation. Comme dans le
premier état de sa jurisprudence, le recours se fondait uniquement sur le droit commun
(ici l’art. 1382) et non pas sur la loi de 1985, mais avec cette différence qu’il s’opérait
par subrogation et non plus au moyen d’une action personnelle. Cette dernière position
a été critiquée.
4) L’un des derniers arrêts sur la question, en l’occurrence celui de la Deuxième
chambre civile du 13 juillet 2000, semble revenir à la première solution, c’est-à-dire
n’admettre le recours que sur le fondement du seul droit commun et sans subrogation.
Cela crée un obstacle à l’exercice d’un recours : quel que soit le fondement utilisé, la
Cour de cassation fr. déclare irrecevable le recours du solvens contre le conjoint ou les
parents de la victime mineure et qui seraient coauteurs de l’accident, au motif que
l’admission de l’action récursoire aboutirait, en raison de la communauté de vie entre
ces personnes et la victime, à priver celle-ci d’une réparation intégrale (le responsable
et son assureur reprendraient d’une main ce qu’ils ont donné de l’autre). Toutefois,
comme ce risque disparaît lorsque ces coauteurs sont assurés, la Cour de cassation a
décidé que le recours était possible dans ce cas.
A- L’obligation d’assurance
Toute personne, autre que l’Etat, dont la responsabilité peut être engagée en
raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes aux personnes ou aux
biens, dans la réalisation desquels un véhicule terrestre est impliqué, doit, pour faire
circuler ce véhicule, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité.
Le contrat d’assurance couvre également la responsabilité civile de toute
personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule.
108
Dalloz 1991.257, note Groutel.
109
Dalloz 1998.174, note Groutel.
74
En cas d’accident, la compagnie d’assurance doit rapidement proposer une offre
de réparation (transaction) à la victime. C’est là une des innovations du Code CIMA.
B- Le Fonds de garantie
En France, un Fonds de garantie est chargé d’indemniser les victimes des
dommages résultant d’une atteinte à la personne à la suite d’un accident causé par un
véhicule terrestre à moteur, ou impliquant un tel véhicule, lorsque :
- le responsable est inconnu ;
- ou n’est pas assuré ;
- ou l’assureur est totalement ou partiellement insolvable.
Le Fonds de garantie peut également prendre en charge, dans les conditions et
limites fixées par les textes, les dommages causés aux biens, nés d’un accident du
même type lorsque l’auteur du dommage est identifié mais n’est pas assuré ou lorsque
l’auteur est inconnu, mais à condition que l’accident ait aussi entraîné des dommages
corporels (pour éviter l’éventuelle fraude de la victime qui prétendrait
mensongèrement que ses dommages matériels seraient imputables à un inconnu).
Le Code CIMA prévoit également la mise en place par chaque Etat d’un fonds
de garantie par les art. 600 et 601 mais cela ne semble pas encore être fait pour le
Burkina. Dans ce sens, le Code CIMA s’est enrichi d’un livre VI composé de deux
articles régissant le Fonds de garantie automobile qui se présente comme suit :
§ II : Le régime de la responsabilité
La responsabilité est de plein droit et il suffit à la victime de démontrer le lien
de causalité entre son dommage et le défaut du produit. La responsabilité peut jouer
même si le produit a été fabriqué dans les règles de l’art conformément aux normes
existantes ou a fait l’objet d’une autorisation administrative.
Au titre des causes d’exonération, on note que pour s’exonérer, le producteur
doit démontrer :
- qu’il n’avait pas mis le produit en circulation ou que le produit n’était pas
destiné à la vente ou à la distribution ;
- que le défaut n’existait pas au moment de la mise en circulation du produit ou
que le défaut existait mais l’état des connaissances ne permettait pas de le déceler ;
- la faute de la victime ou d’une personne dont celle-ci responsable.
Les clauses écartant ou limitant la responsabilité sont réputées non écrites,
sauf si elles sont conclues entre professionnels et ne concernent que des dommages
causés aux biens qui ne sont pas utilisés principalement pour la consommation privée.
Quant à la prescription, elle est acquise 10 ans après la mise en circulation du
produit. A l’intérieur de ce délai, la victime doit agir dans les 3 ans à dater du jour où
elle a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du
producteur.
76
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE
CIVILE
Le tout n’est pas de remplir les conditions de la responsabilité civile :
dommage, fait générateur et lien de causalité. En effet, en restant à ce stade, il n’est
pas certain que vous obtiendrez une réparation quelconque. Il convient donc de
rechercher par quelles voies (judiciaires ou non) la réparation pourra être obtenue
(Sous-titre I). Il faut ensuite aborder les caractères et les différentes sortes de
réparation (Sous-Titre II). Il y a lieu de mentionner que les règles de mise en œuvre de
la responsabilité civile sont en général considérées comme étant d’ordre public, d’où
l’invalidité ou la nullité des clauses exonératoire de responsabilité.
77
SOUS-TITRE I : LES VOIES DE LA REPARATION
Le droit à réparation de la victime peut être mis en œuvre de deux manières :
- soit elle conclut avec l’auteur du dommage ou, plus fréquemment, avec son
assureur, un contrat qui détermine la responsabilité et fixe le montant de la réparation :
c’est une transaction ;
- soit, à défaut d’accord sur la responsabilité ou sur le montant de la réparation,
elle doit engager une action en justice.
Dans tous les cas, l’objectif de la victime est la réparation de son dommage.
78
valable si elle respecte les conditions de validité de tout contrat (capacité,
consentement, objet, cause).
Section I : La compétence
Il convient de distinguer entre compétence d’attribution et compétente
territoriale.
§ I : La compétence d’attribution
La compétence d’attribution pose la question de savoir quelle est, parmi les
différentes catégories de juridictions existant sur le territoire national, la catégorie de
juridictions qui peut connaître d’une affaire en raison de la nature des faits
(compétence ratione materiae) et éventuellement de la personne qui les a commis ou
posés (compétence ratione personae).
Elle appartient au Tribunal de grande instance (anciennement tribunal de
première instance) ou au tribunal d’instance pour les petits litiges, sauf le cas où
l’action civile est portée devant les tribunaux répressifs. La loi du 31 décembre 1957,
afin d’établir l’égalité entre les justiciables, a décidé que les accidents causés par un
véhicule quelconque, y compris ceux de l’Etat ou des collectivités publiques, seront
soumis aux tribunaux judiciaires et jugés conformément aux règles du droit civil 110.
En ce qui concerne la Belgique, il existe une importante partie de la
responsabilité de l’Etat qui est jugée par les tribunaux judiciaires. La Cour cassation
belge a, en effet, affirmé que tout acte illicite du pouvoir administratif qui cause un
dommage, engage la responsabilité de celui-ci.
110
Voy. dans ce sens TPI de Ouagadougou, Ch. civ., 30 août 1962.
79
Dans le système français, qui est celui adopté par le Burkina, la responsabilité
de l’administration, sauf celle des accidents de véhicules automobiles et celle des
services et établissements à caractère industriel et commercial, ne relève pas des
tribunaux de l’ordre judiciaire. De plus, elle n’est pas régie par les principes du Code
civil, car elle n’est ni générale ni absolue111. En appel, les jugements relatifs à la
responsabilité civile relèvent de la Cour d’appel.
§ II : La compétence territoriale
Pour ce qui est de la compétence territoriale, elle précise quel est, de tous les
tribunaux de même catégorie répartis sur le territoire national, celui qui devra
connaître de l’affaire en raison de sa localisation.
Le tribunal compétent est en principe celui du domicile du défendeur. Mais la
victime a la possibilité d’assigner le défendeur devant le Tribunal du lieu où le
dommage a été subi ou s’est produit.
111
Voy. Tribunal des conflits, 1er février 1873, Arrêt Blanco ; voy. également André De Laubadère, tome 1,
ème
8 éd, LGDJ, 715 ; Grands arrêts de la jurisprudence administrative.
80
nulles en matière de responsabilité aquilienne personnelle, du fait d’autrui ou du fait
des choses. Mais les renonciations et autres accords sont valables après la réalisation
du dommage.
112
Mazeaud Henri, Léon et Jean, Chabas, François, Juglart Michel de, Leçons de droit civil, Tome II, 1 er
volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 619.
113
C. cas. fr., civ., 5 novembre 1945, Dalloz 1946, 33.
81
- pour pouvoir pratiquer la saisie-vente du débiteur, anciennement saisie-
exécution ;
- pour que la créance puisse produire intérêt ;
- pour fixer le montant de l’indemnité, il faut se placer au jour du jugement114.
114
Voy. infra sous-titre II.
115
Voy. supra responsabilité du commettant du fait du préposé.
82
§ II : Le fondement de l’action récursoire
- Dans le cadre de l’article 54 du NCP, il y a solidarité. Tous les individus
condamnés pour un même crime ou pour un même délit seront tenus solidairement des
amendes, des restitutions et des frais. Les recours sont prévus par les articles 1213 et
1214 du Code civil, qui prévoient la division du montant entre les personnes
condamnées solidairement et la répartition entre eux, la répétition de celui qui a payé
seulement pour la part et portion de chacun ainsi que le partage de la part de
l’insolvable entre tous, y compris celui qui a payé.
- S’il y a obligation in solidum, celui qui a payé est subrogé dans les droits du
créancier, ce qui lui permet de poursuivre les autres coresponsables. En effet, l’art.
1251 du Code civil dispose que la subrogation a lieu de plein droit, entre autres, « au
profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette,
avait intérêt de l’acquitter ».
83
responsable le droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, la
réparation du préjudice causé mais la Caisse est subrogée de plein droit à l’assuré ou à
ses ayants droit dans leur action contre le tiers responsable pour le montant des
prestations octroyées ou des capitaux constitutifs correspondants.
Dans le cas d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle,
l’employeur, ses préposés ou salariés ne sont considérés comme des tiers que s’ils ont
provoqué intentionnellement l’accident ou la maladie professionnelle.
Le règlement amiable intervenu entre le tiers responsable et l’assuré ou ses
ayants droit ne peut être opposé à la Caisse que si elle avait été invitée à participer à ce
règlement.
§ II : Le recours de l’assureur
A l’occasion de divers dommages (décès, blessures, invalidité, dégâts causés
aux biens, incendie, vol, etc.), l’assurance est obligée de payer des sommes à titre de
réparation. L’assurance a-t-elle un recours contre le tiers responsable ? La victime
assurée peut-elle cumuler l’indemnité versée par l’assurance avec des dommages
intérêts éventuels du responsable ?
84
A ces questions, le droit belge donne une réponse claire : « la réparation due à la
victime d’un accident, par l’auteur du fait dommageable, pour l’indemniser du
préjudice matériel résultant de l’incapacité de travail causée par l’accident, n’est ni
exclue, ni restreinte du fait que la victime a continué à percevoir ses appointements
contractuels ou statutaires »116. L’organisme ne peut donc pas poursuivre le tiers
responsable pour obtenir le reversement des sommes payées à ce titre.
En France, la Cour de cassation a décidé qu’un agent public ne peut cumuler
avec l’indemnité réparatrice de l’intégralité du dommage la pension à laquelle
l’accident lui donne droit117. De là, il découle que l’organisme peut réclamer les
sommes payées au responsable et la victime est fondée à réclamer au tiers responsable
l’indemnité nécessaire pour suppléer, le cas échéant, à l’insuffisance de la pension.
La position du Burkina, qui ne ressort pas des décisions consultées, est
probablement proche de celle de la jurisprudence française dont elle s’inspire souvent.
116
C. cass. belge, 10 avril 1972, Pasicrisie, 1972, I, 723.
117
Cour de cas, du 11 juin 1953, Dalloz 1953, 630.
85
SOUS-TITRE II : LES CARACTERES ET LES
DIFFERENTES SORTES DE REPARATION
Les voies, étudiées précédemment, trouvent leur intérêt en qu’elles tendent à la
réparation du dommage. La réparation revêt une importance pratique considérable.
Cependant, sur un plan théorique, les auteurs n’écrivent que très peu sur la question.
C’est, que malgré l’existence de quelques principes clairs, il revient à la jurisprudence
de décider, au cas par cas, en fonction des éléments des causes qui lui sont soumises.
Seront successivement et succinctement étudiés :
- les caractères de la réparation ;
- les différentes sortes de réparation.
119
Chambre judiciaire, 14 décembre 73, 14 novembre 1969.
87
- Si la victime peut cumuler d’indemnité versée par le responsable avec d’autres
sommes (cas de l’assurance de personnes ou des émoluments versés par l’organisme
employeur ou la CNSS et cas de la Belgique).
- Lorsqu’un bien vétuste est détruit et que l’on ne peut le remplacer par un bien
de même qualité (par exemple un immeuble construit), la jurisprudence accorde
comme indemnité le coût de la reconstruction du neuf, car en ne donnant que la valeur
du vieux, la victime pourrait ne pas être en mesure de trouver les sommes
complémentaires pour terminer la reconstruction, donc elle ne serait pas logée120.
- En période de pénurie et de taxation des prix (fixation autoritaire), la
jurisprudence peut être embarrassée compte tenu de l’existence, plus ou moins en
marge du marché officiel, de marchés noirs ou parallèles ; elle a admis l’octroi aux
victimes d’indemnités supérieures à la taxe121.
120
Civ, 2ème, 16 décembre 1970, RTD civ. 1971, 661 ; Cass. 3e Civ., 12 déc. 1973, JCP 1974. II. 17697.
121
Cas. fr., 26 juillet 1948, D. 1948, 535.
122
Voy. Ord. 69-25 PRES/PL-TP du 22 mai 1969, portant Code de l’aéronautique civile, JO du 8 septembre,
n° spécial.
88
Chambre judiciaire de la Cour suprême du 13 février 1976 et du 11 juin 1976. La Cour
de cassation française réaffirme très fréquemment ces mêmes principes.
On peut distinguer le système classique du système du Code CIMA.
§ I : Le système classique
Le problème de l’évaluation doit être examiné au regard de chaque catégorie de
dommage123.
123
Voy. les 4 décisions de la Cour d’appel de Ouagadougou du 8 décembre 1989, du 26 janvier 1990, du 24
avril 1991 et du 21 février 1992 qui datent d’avant l’adoption et la mise en application du Code CIMA.
124
François Terré, Philippe Simler, Lequette Yves, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 8e éd., 2002, n° 901.
125
Rémy Cabrillac, op. cit., n° 341.
89
de dire que les juges ont un pouvoir d’appréciation souverain et arbitraire. Il est
impossible de chiffrer avec une exactitude mathématique le prix de la douleur ou le
montant compensatoire d’une diffamation.
Pour l’ensemble de ces préjudices, les juges utilisent des barèmes et normes
d’appréciation plus ou moins officieux (tant pour la perte d’une jambe, tant pour les
larmes d’une épouse) afin d’éviter de trop grandes disparités dans l’appréciation des
différents préjudices, ce qui créé incontestablement une inégalité entre les victimes.
Parmi les méthodes d’évaluation, il faut citer le « calcul au point » utilisé en France
pour le préjudice corporel. Le « point » est fixé compte tenu de la situation
économique et sociale de la victime. De ce fait, le « point » d’un cadre est supérieur à
celui d’un manœuvre. Le point tient également compte de l’âge et de l’importance de
l’invalidité de la victime et l’indemnité s’établira en multipliant ce « point » par le
taux d’incapacité résultant de l’accident.
En tous les cas, le juge ne doit pas se référer expressément à tel ou tel barème.
Sa décision aurait toutes les chances d’être cassée parce que constituant un arrêt de
règlement. En effet, l’article 5 du Code civil défend aux juges de prononcer par voie
de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Ce serait
un empiètement sur le pouvoir législatif (ce qui est grave dans un système de
séparation des pouvoirs). Un arrêt de la Chambre criminelle du 5 novembre 1955 126 a
cassé un arrêt de la Cour d’appel de Poitiers qui allouait à la victime 2 500 000 F tout
en reconnaissant l’importance du dommage au motif que « la Cour ne croit pas
pouvoir aller au-delà de son appréciation maximum habituelle en cette matière ». Il
aurait suffit qu’il n’y ait pas cette phrase pour la décision ne soit pas cassée.
§ II : Le système CIMA
C’est un système qui joue lorsque le dommage causé fait intervenir une
compagnie d’assurance. Il est très technique. Il est fondé sur l’application de barèmes
forfaitaires.
Il concerne à titre principal les atteintes aux personnes.
Il procède à une énumération des préjudices réparables et des bénéficiaires de la
réparation dans les articles art. 258 à 263 :
- D’abord pour les victimes directes : frais de toute nature avec un
plafonnement ; incapacité temporaire dont la durée est fixée par expertise médicale ;
incapacité permanente dont le taux est fixé de 0 à 100% par expertise médicale en
tenant compte de la réduction de capacité physique et par référence au barème médical
adopté par la CIMA et annexé au livre II : il se décompose en préjudice physiologique
calculé, sauf accord amiable, suivant l’échelle de valeur de points d’incapacité ; en
préjudice économique si le taux d’incapacité permanente est d’au moins 50% et en
préjudice moral s’il y a une incapacité permanente d’au moins 80% (montant : une fois
le SMIG) ; l’assistance d’une tierce personne ; la souffrance physique et le préjudice
esthétique ainsi que le préjudice de carrière.
- Ensuite pour les victimes par ricochet : frais funéraires ; préjudice économique
et préjudice moral des ayants droit du décédé.
126
Dalloz 56, 557.
90
Le Code CIMA rend obligatoire l’intervention d’un expert pour l’évaluation de
la plupart des préjudices. Le résultat de l’expertise a un caractère contraignant.
La « barémisation » s’applique au préjudice physiologique, au pretium doloris et
au préjudice esthétique.
Lorsque l’expert médical fixe le taux d’incapacité, le juge calcule l’indemnité
suivant une échelle de valeur de points d’incapacité fournie par l’art. 260. La valeur du
point d’incapacité représente un pourcentage du salaire minimum interprofessionnel
garanti (SMIG) annuel. Elle est fonction du taux d’incapacité et de l’âge de la victime.
A titre d’exemple, pour une incapacité de moins de 5%, le point a pour valeur 18 217
F pour une victime de moins de 15 ans et 15 181 F pour une victime de 70 ans et plus ;
pour une incapacité entre 91 et 100%, le point a pour valeur 88 050 F pour une victime
de moins de 15 ans et 54 651 pour une victime de 70 ans et plus.
Le système d’indemnisation du Code CIMA est une bonne démonstration du
bien-fondé de la théorie de l’enveloppe. Cette dernière signifie que « toute nation ne
dispose que d’une enveloppe pour réparer les préjudices subis par le citoyen. C’est une
fraction du produit national brut. Or, elle est toujours insuffisante quelle que soit la
richesse du pays, pour procurer l’idéal… »127.
127
Chabas F., La réparation des accidents de la circulation dans la nouvelle législation uniforme des Etats
africains francophones, Gazette du Palais, 1993, p. 5 cité par Nikiéma K., Le Code CIMA : un nouveau droit
des accidents de la circulation au Burkina Faso, Revue Burkinabè de Droit, n° 27-janvier 1995, p. 84.
128
Terré François, Simler Philippe, Lequette Yves, op. cit., n° 903.
129
Cour suprême, Chambre judiciaire, formation pénale, arrêt n° 15, du 14 novembre 1969.
91
Là-dessus, il s’est posé un problème fort intéressant en France devant les
tribunaux en matière de préjudices corporels qui peuvent être atténués grâce à une
intervention chirurgicale. Peut-on diminuer la réparation si la victime refuse de s’y
soumettre ? Après avoir distingué entre les opérations comportant des risques sérieux
et ceux ne comportant pas de tels risques, certains juges ont accordé la réparation
intégrale et d’autres une réparation partielle en opérant une réduction de celle
accordée. Toutefois, un arrêt de la Chambre criminelle du 13 juillet 1969 130 est
intervenu contre cette jurisprudence. La Chambre criminelle déclare que les juges ne
peuvent imposer une opération à laquelle la victime refuse de se prêter et ce refus ne
peut entraîner une diminution de l’indemnité : la victime « n’est pas tenue de limiter
son préjudice dans l’intérêt du responsable »131. Le problème demeure controversé car
le système anglo-saxon admet la mistigation of damages. L’avant-projet Catala de
réforme du Code civil français envisage, de même que les projets Lando et Gandolfi,
une solution mesurée : intégrer cette mistigation of damages dans le Code civil, sauf
en cas de mesures susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime 132.
130
RTD civil, 1969, 782. Voy. plus récemment Civ. 2e, 19 juin 2003, JCP 2004, I, 101, p. 19, obs. G. Viney, 2
arrêts : 1) une boulangère dans l’incapacité d’exploiter son fonds suite à un accident, fonds qui a ainsi perdu
toute valeur, peut être indemnisée de ce préjudice même si elle avait la possibilité de faire exploiter le fonds
par un tiers ; 2) une victime n’est pas tenue à peine de réduction de son indemnisation de suivre une
rééducation psychologique.
131
Civ. 2e, 19 juin 2003, op. cit.
132
L’article 1373 du Projet dispose : « Lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens sûrs,
raisonnables et proportionnés, de réduire l’étendue de son préjudicie ou d’en éviter l’aggravation, il sera tenu
compte de son abstention par une réduction de son indemnisation, sauf lorsque les mesures seraient de nature
à porter atteinte à son intégrité ».
133
Cour cass. fr., Crim., 20 mars 1952, Dalloz, 413 et surtout Cour cass. fr., Crim. 9 juillet 1996, Bull. Crim.
286 ; JCP 1997, I, 4020, n° 23, obs. G. Viney, pour qui toute victime dispose d’une nouvelle action en
réparation contre le responsable en cas d’aggravation de son dommage, l’autorité de la chose jugée ne pouvant
être opposée à une nouvelle action tendant à la réparation d’un élément du préjudice inexistant au moment de
la demande initiale et sur lequel il n’a donc pu être statué.
134
Droit civil, Obligations, Lib. Tech., 1972, p. 337.
92
L’auteur ne souhaite pas le maintien d’une autorité de chose jugée rigide.
A- Le capital
C’est une somme d’argent allouée en seule fois à la victime. Il en est très
souvent ainsi. Dans un certain nombre d’hypothèses, c’est forcément le capital qui doit
être alloué : dommages subis par les choses, dommage moral. C’est si normal ou
naturel que l’on n’a pas coutume de parler de capital dans ce cas. Le problème se pose
uniquement pour le dommage matériel à caractère permanent dû à un dommage
corporel. Recevant un capital dans ce cas, la victime peut l’investir, le placer
convenablement, de sorte qu’il rapporte autant que la dépréciation monétaire, voire
plus. Evidemment, si la somme est dilapidée, la victime sera totalement démunie. Le
capital présente un inconvénient pour l’auteur qui devra en une seule fois décaisser
une somme élevée. Mais très souvent, c’est plutôt l’assurance qui supporte la
réparation.
B- La rente
93
Elle consiste à évaluer les dommages-intérêts et à les répartir au mois, au
trimestre ou à l’année sur la période considérée qui peut être la durée de vie de la
victime.
Pour la victime, la rente présente l’avantage de lui fournir régulièrement un
revenu, ce qui évite le risque de dilapidation. Mais cette somme fixée nominalement
peut se déprécier. Or les tribunaux sont généralement réticents à fixer des rentes
indexées au motif que ce serait faire preuve de méfiance à l’égard de la monnaie, ce
qui risque de favoriser une dépréciation de la monnaie nationale. L’indexation était
donc interdite par la Cour de cassation française135. Selon celle-ci, en effet, en cas
d’allocation par jugement d’une rente, le caractère forfaitaire de ce mode de réparation
exclut, en principe, et à moins de réserves exceptionnelles du juge, toute possibilité de
révision à la demande de l’auteur du dommage. Les critiques adressées à l’interdiction
et la résistance de certaines juridictions ont finalement entraîné un revirement de la
Cour de cassation136 qui a admis l’octroi de rentes flottantes en réparation de
dommages.
Pour l’auteur, la charge de la rente étant répartie dans le temps, il peut plus
facilement l’assumer et celle-ci (la charge) ira en s’allégeant avec la dépréciation
monétaire.
En conclusion
- Les conditions de la responsabilité sont un dommage, un lien de causalité,
lequel rattache le dommage à un fait générateur de responsabilité qui peut être le fait
personnel, le fait d’autrui ou le fait d’une chose.
- La responsabilité civile est une matière essentiellement jurisprudentielle. Cette
matière d’une importance considérable est régie par seulement 5 articles dont 3
principaux (1382, 1383, 1384). L’avant-projet Catala de réforme du Code civil vise,
entre autres, à la légaliser en lui consacrant plus de dispositions.
Ce système essentiellement jurisprudentiel a pour avantages la souplesse et
l’adaptabilité. Il a pour inconvénients le caractère aléatoire des solutions que l’on
constate dans la mise en œuvre, notamment dans l’évaluation des dommages-intérêts
135
Req., 30 décembre 1946, Dalloz 1947.
136
Cass., Chambre mixte, 6 novembre 1974, II. 17978.
137
Cour de cass . fr., 19 juillet 1933, Dalloz 63, Sommaire 42.
94
où le juge dispose d’un pouvoir quasi souverain, ce qui peut entraîner une inégalité de
traitement entre victimes.
De là découle l’importante d’une réforme de caractère législatif pour trancher le
point de savoir si la responsabilité doit rester liée un tant soit peu à la faute, pour fixer
des critères d’évaluation des dommages, pour décider s’il faut fiscaliser la réparation
des dommages dont les auteurs sont insolvables ou introuvables... Dans ce sens, des
solutions partielles ont été trouvées. En France, la loi du 31 décembre 1951 organise la
réparation du dommage corporel ou matériel résultant d’un accident de la circulation
sur le sol français. En France, la loi du 5 juillet 1985 et le Code CIMA en Afrique
francophone constituent des réponses, certes partielles mais importantes, à ce
questionnement. Du reste, l’avant-projet Catala de réforme du Code civil propose des
solutions à la plupart des problèmes rencontrés par la pratique.
95
DEUXIEME SOUS-PARTIE : LES QUASI-CONTRATS
Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 comme les faits purement
volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et
quelquefois un engagement réciproque des deux parties.
Ils se distinguent des actes juridiques, bilatéraux ou unilatéraux, qui sont des
manifestations de volonté en vue de produire des effets de droit. Cependant, ils se
rapprochent du contrat par leurs effets.
Il y a lieu de les distinguer soigneusement des délits et quasi-délits, même si
tous deux naissent de faits juridiques. En effet, les quasi-contrats naissent de faits
licites tandis que les délits et quasi-délits naissent de faits illicites. Ces derniers
postulent toujours un dommage causé à autrui dont ils se proposent d’assurer la
réparation. Avec les quasi-contrats, c’est l’inverse : le fait qui est au centre des
rapports de deux individus, étrangers l’un à l’autre, est non plus un dommage mais un
avantage : le gérant d’affaires dans la gestion d’affaires, le solvens dans la répétition
de l’indu, l’appauvri dans l’enrichissement sans cause ont procuré un avantage138.
Les quasi-contrats traités par le Code civil sont la gestion d’affaires, la répétition
de l’indu et indirectement l’enrichissement sans cause. En conclusion, l’on notera qu’il
s’est posé récemment la question de l’existence d’une catégorie de quasi-contrats
innommés.
A- Le gérant d’affaires
Il doit être capable de s’engager par contrat.
Son intervention doit être volontaire et spontanée, c’est-à-dire qu’il agit sans
être tenu d’une obligation préexistante, découlant d’un contrat (mandat), de la loi (par
ex. dans le cadre d’une tutelle) ou d’une décision de justice (par ex. en vertu d’une
habilitation d’un époux à représenter son conjoint lorsque celui-ci est hors d’état de
manifester sa volonté : CPF, art. 302 ).
Il doit avoir l’intention de gérer les affaires d’autrui : s’il croit agir pour son
propre compte, alors qu’involontairement il rend service à un tiers (par exemple, une
personne répare un immeuble en croyant qu’elle en a hérité), ce n’est pas une gestion
d’affaires mais il peut dans un tel cas faire jouer les règles de l’enrichissement sans
cause. Dans ce sens, la Cour de cassation française a décidé dans un arrêt du 25 juin
1919 que l’éditeur qui a exploité des œuvres littéraires uniquement dans l’intérêt de
son commerce personnel et sans volonté de gérer l’affaire d’autrui ne peut pas
invoquer l’action de gestion d’affaires pour se faire allouer par le tiers auquel cette
exploitation a profité une partie des sommes dépensées139. C’est dire que la gestion
d’affaires suppose donc de la part du gérant un acte d’altruisme.
B- Le maître de l’affaire
Aucune condition de capacité n’est exigée du maître de l’affaire.
Il ne faut pas qu’il ait donné son accord, sinon on serait en présence du véritable
mandat. Il ne doit pas non plus avoir exprimé son opposition au gérant : en effet, celui
qui gère les affaires d’une autre personne, en dépit de l’opposition de celle-ci, commet
une faute ou un délit civil qui engage sa responsabilité (art. 1382) et ne peut pas de ce
fait se prévaloir des règles de la gestion d’affaires.
139
DP 1923, I, 223; S., 1921, I, 12 ; Grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 2, op. cit., p. 371.
97
- un acte conservatoire, d’administration ou même de disposition (vente de
denrées périssables) ;
- un acte isolé ou un ensemble d’actes.
143
Tel est le cas de l’entreprise qui spontanément paye des cotisation à l’URRSAF sur des primes
volontairement offertes en complément de l’indemnité légale alors qu’une récente décision de la Cour de
cassation excluait expressément ces primes de l’assiette des cotisations sociales (C. cass., Ass. Plén., 2 avril
1993, Dalloz 1993, 373, conc. Jéol, Grands arrêts, op. cit, 375.
99
personne, les articles 1235 et 1376 n’exigent pas d’autre condition que le paiement
indu. Pourquoi ? Parce que le droit au remboursement découle uniquement du
caractère indu du paiement : le fondement de l’obligation de restituer réside dans
l’absence de cause du paiement et non dans un vice du consentement (erreur) du
solvens. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation française en a conclu que le
solvens n’a pas à prouver son erreur : dès lors que le paiement était indu, le solvens
« est en droit, sans être tenu à aucune autre preuve, d’en obtenir la restitution »144.
- Dans l’hypothèse où l’accipiens était bien créancier, celui qui a payé sans être
débiteur doit prouver son erreur. Cette condition est requise dans ce cas particulier par
l’art. 1377 (« Lorsqu’une personne qui, par erreur, se croyait débitrice »).
Justification : si quelqu’un règle une dette en sachant qu’il n’en est pas le
débiteur, son acte s’explique par l’intention d’accorder un prêt au véritable débiteur ou
de lui faire indirectement une donation en payant à sa place. ; de plus, comme de son
côté le créancier attendait le paiement, il a pu l’accepter d’une autre que son débiteur
en pensant que le règlement était effectué pour le compte de celui-ci. Par conséquent,
pour exiger la restitution, le solvens doit démontrer qu’il a payé sans être animé par le
souci de gérer l’affaire d’autrui ni par une intention libérale, c’est-à-dire que c’est bien
par erreur qu’il a effectué le paiement.
4) Quelle est l’incidence d’une faute du solvens ?
Lorsque le solvens a commis une faute, notamment parce qu’il a payé sans
prendre des précautions élémentaires, un accipiens qui n’a fait que recevoir ce qu’un
tiers lui devait (indu subjectif), la Cour de cassation lui refuse en principe l’exercice de
l’action en répétition. Toutefois, dans certains cas, elle a admis cette action, mais en
permettant à l’accipiens de faire une demande reconventionnelle sur le fondement de
l’article 1382 (la faute du solvens cause un dommage à l’accipiens en l’obligeant à
restituer) : une compensation s’opère alors entre les deux créances.
145
DP 1892, I, 596, Grands arrêts, op. cit., 383.
101
A- L’absence de cause
La cause est tout titre juridique qui justifie le déplacement de valeur :
chaque fois qu’une personne s’est appauvrie en vertu de la loi, d’un acte juridique
(vente à vil prix, donation)146 ou d’un jugement, elle ne peut pas exercer l’action de in
rem verso. Toutefois, si elle s’est appauvrie en fournissant à l’enrichi des prestations
qui excèdent les exigences de la loi, d’un contrat, d’une décision de justice ou d’un
devoir moral, elle a la possibilité d’exercer cette action (un époux qui est allé au-delà
de l’obligation de contribuer aux charges du ménage ; l’enfant qui a apporté à ses
parents une aide et une assistance dépassant les exigences de la piété filiale).
La cause se présume : il appartient donc à l’appauvri de démontrer que
l’enrichissement n’a pas de cause.
Selon la jurisprudence, l’appauvri ne peut pas se prévaloir des règles de
l’enrichissement sans cause, même si son appauvrissement ne résulte pas d’un acte
juridique, de la loi ou d’un jugement, dès lors qu’il a agi :
- à ses risques et périls en vue d’obtenir un avantage personnel ;
- ou a commis une faute d’une certaine gravité (garagiste qui fait d’importants
travaux qui ne lui avaient pas été demandés) ; en revanche, une faute d’imprudence ou
une simple négligence n’empêche pas l’exercice de l’action.
146
Le fournisseur de marchandises livrées au locataire-gérant d’un fonds de commerce n’a pas l’action
d’enrichissement sans cause contre le propriétaire du fonds lorsqu’il est spécifié au contrat de gérance que les
fournitures appartiendront au propriétaire en fin de gérance : l’entrée de ces valeurs dans le patrimoine du
propriétaire a sa juste cause dans les stipulations du contrat C. cass. fr., Civ., 28 février 1939, Soc. Lutetia
contre Dambrin, DP 1940, I, 5, note Ripert.
147
DP 1920. I. 102 ; Grands arrêts, op. cit., 391.
102
une action ordinairement de nature contractuelle) et ce n’est que s’il se heurte à
l’insolvabilité de cette personne qu’il pourra exercer son action contre l’enrichi148.
148
Cour de cas. civ. 1ère, 1er février 1984, Dalloz, 388, note Massip. Il en résulte que la condamnation obtenue
contre un autre débiteur de l’appauvri, lorsqu’elle est rendue vaine par l’insolvabilité de ce dernier, ne fait pas
obstacle à l’exercice, contre celui qui s’est enrichi, d’une action fondée sur son enrichissement sans cause
(action intentée par le premier mari contre le père d’un enfant, légitimé en application de l’art. 318 C. civ.,
après inexécution de la décision obtenue contre de la mère et condamnant celle-ci à rembourser les sommes
versées par son premier époux pour l’entretien de cet enfant).
149
Voy. Rémy Cabrillac, op. cit, n° 210 et 211.
150
C. cas. fr., civ. 1ère, 18 janvier 1960, Bull. civ. I, n° 30.
151
C. cas. fr., civ. 3e, 18 mai 1982, Bull. civ. III, n° 122, pour qui l’appauvrissement a pour mesure le montant
nominal de la dépense exposée. Comparez avec Civ. 1ère, 26 octobre 1982, Bull. civ. I, n° 302 (pour évaluer
l’appauvrissement d’une ex-épouse infirmière qui avait, pendant dix ans, aidé son mari chirurgien sans être
rémunérée et l’enrichissement de ce mari, il faut se placer à la date de la demande en divorce, en raison de
l’impossibilité morale pour la femme d’agir antérieurement contre son mari).
103
cassation viole l’art. 1371 la cour d’appel qui, pour condamner une société de vente
par correspondance à verser un certain montant de dommages-intérêts au destinataire
d’un document publicitaire, retient qu’en annonçant de façon affirmative une simple
éventualité, la société a commis une faute délictuelle constituée par la création de
l’illusion d’un gain important et que le préjudice ne saurait correspondre au prix que
l’intéressé avait cru gagner, alors que l’organisateur d’une loterie qui annonce un gain
à une personne dénommée sans mettre en évidence l’existence d’un aléa s’oblige, par
ce fait purement volontaire, à le délivrer152. L’arrêt vise l’article 1371 relatif aux quasi-
contrats en général alors que les faits de l’espèce ne semblent correspondre ni à la
gestion d’affaires, ni à la répétition de l’indu, ni à l’enrichissement sans cause. Cette
solution confirmée par la jurisprudence postérieure153 a relancé l’intérêt de la
jurisprudence pour la notion de quasi-contrat.
Une telle action aurait une nature contractuelle dans le cadre de la convention de
Bruxelles154.
152
Cass., Chambre mixte, 6 septembre 2002 (2 espèces), Dalloz 2002, 2963, note D. Mazeaud. Même sens
Civ. 1ère, 18 mars 2003, Dalloz 2003, IR, 1009 ; Paris, 7 février 2003, RCA 2003, n° 195, note Radé.
153
Cour de cas. civ. 1ère, 18 mars 2003, Bull. civ., n° 85, Dalloz 2003, IR 1009.
154
CJCE 11 juillet 2002, aff. C-96/00, Dalloz 2002, IR 2579, JCP 2003, II, 10055, note Claret.
104
DEUXIEME PARTIE : LES ACTES JURIDIQUES
L’acte juridique, qui s’oppose au fait juridique, est une manifestation de volonté
en vue de produire des effets de droit155. L’acte juridique negocium, c’est l’acte
juridique considéré dans son contenu ou dans son essence. L’acte juridique
instrumentum est l’acte juridique considéré dans son contenant, c’est-à-dire le support
écrit (sous seing privé ou acte authentique) ou autre, comme le support électronique
(relevant des nouvelles technologies de l’information et de la communication), sur
lequel il se trouve exprimé.
Le Code civil français, à l’inverse d’autres codes comme le BGB allemand,
n’évoque pas la notion générique d’acte juridique. Les actes juridiques sont bilatéraux
(ce sont les contrats ou conventions) ou unilatéraux. Toutefois, il y a lieu de souligner
qu’ils sont d’inégale importance. Alors que l’on continue de se demander si le droit
reconnaît ou doit reconnaître l’acte unilatéral et que l’étude de celui-ci est
nécessairement sommaire, le contrat, quant à lui, est d’usage courant et appelle des
développements importants. La subdivision de cette partie en deux sous-parties n’est
donc que formelle, l’essentiel des développements concernant le contrat.
155
Un avant-projet de texte uniforme sur le droit des obligations, préparé par trois professeurs africains en
2009, retient sur les actes juridiques ce qui suit :
« Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils
peuvent être conventionnels, collectifs ou unilatéraux.
L’acte juridique conventionnel est un accord de volonté conclu entre deux ou plusieurs personnes.
L’acte juridique collectif est la décision prise collégialement par les membres d’une collectivité.
L’acte juridique unilatéral émane d’une ou plusieurs personnes unies dans la considération d’un même
intérêt.
L’acte juridique collectif et l’acte juridique unilatéral obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et
leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats » (article 4 du Projet qui en compte 616).
105
PREMIERE SOUS-PARTIE : LES ACTES JURIDIQUES
BILATERAUX : LES CONTRATS (OU LA THEORIE GENERALE
DU CONTRAT)
Les actes juridiques bilatéraux sont les contrats ou les conventions. Ceux-ci
revêtent une grande importance théorique et pratique (dans la vie de tous les jours et
particulièrement dans la vie des affaires : en droit, faire des affaires, c’est avant tout
passer des contrats), d’où l’intérêt qui s’attache à leur étude.
La notion de contrat mérite d’être préalablement précisée avant d’étudier la
formation puis les effets du contrat.
106
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION DE CONTRAT
L’article 1101 du Code civil définit le contrat comme une convention par
laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à
donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose. En d’autres termes, c’est une
convention faisant naître une ou plusieurs obligations ou bien créant ou transférant une
droit réel156.
Pour tenter de cerner le contrat, il faut le situer par rapport à l’acte juridique et à
la convention qui, tous deux, sont des manifestations de volontés, qu’elles soient
unilatérales ou bilatérales, qui produisent ou modifient une situation juridique.
La convention est l’acte juridique conclu par deux ou plusieurs personnes ayant
pour objet de modifier ou d’éteindre une obligation ou de créer, modifier ou éteindre
un droit autre qu’un droit personnel. Autrement dit, c’est un accord de volonté en vue
de produire un effet de droit. On peut en conclure que l’acte juridique est plus large
que la convention qui est plus large que le contrat. Mais la distinction entre contrat et
convention n’a plus guère d’intérêt et ne se rencontre plus dans les codes modernes.
En pratique, et même dans le Code civil, on emploie indifféremment les deux
termes157.
Le rôle du contrat et sa conception sont fonction du système économique. Dans
une économie libérale, le rôle du contrat sera important. En revanche, dans un système
dirigiste ou socialiste, le rôle du contrat sera plus effacé car le législateur interviendra
par de nombreuses lois pour réglementer l’économie.
Le Code civil de 1804 a consacré une grande partie de ses dispositions au
contrat mais peu à peu, ce rôle a été remis en cause par le dirigisme économique. Mais
déjà depuis de nombreuses années, le contrat connaît un renouveau certain. Pour le
Code civil, c’est la volonté qui est à la base du contrat : une personne est liée par un
contrat parce qu’elle l’a voulu : c’est le principe de l’autonomie de la volonté qui doit
être étayé avant de procéder à une classification des contrats.
156
Lexique des termes juridiques, op. cit.
157
Voy. dans ce sens :
- Rémy Cabrillac, op. cit., n° 12. L’auteur écrit que « tous les auteurs s’accordent à considérer les deux termes
comme synonymes ».
- Weil et Terré, Droit civil, Les obligations, 4e éd., 1986, n° 23.
107
Les philosophes avaient voulu faire disparaître toutes les contraintes de
l’Ancien régime. C’est pourquoi ils ont soutenu que seule la volonté d’un individu
pouvait limiter sa liberté et ils en déduisaient qu’il n’y avait pas de meilleure règle que
celle voulue. Le contrat sera nécessairement juste parce que voulu. Selon Fouillée,
« qui dit contractuel dit juste ». Le débiteur d’une obligation ne pourra pas se plaindre
parce qu’il l’a voulue. En revanche, toute obligation venue de l’extérieur de l’individu
est injuste parce qu’elle limite sa liberté.
Cette théorie a entraîné certaines conséquences : la liberté contractuelle et le
respect de la volonté contractuelle.
§ I : La liberté contractuelle
La liberté contractuelle va se manifester principalement à deux points de vue.
B- Le consensualisme
Le consensualisme signifie que le seul consentement des parties suffit à former
le contrat. Les parties ne sont pas obligées de respecter certaines formes, du moins en
règle générale. On dit ainsi qu’en principe les contrats sont consensuels. Il n’y a pas de
forme sacramentelle pour la manifestation du consentement.
Le droit romain était différent. Les contrats ne s’accomplissaient pas sans
formalités. Pour certains, les parties étaient obligées de prononcer des paroles
solennelles. Pour d’autres, elles devaient rédiger un écrit ou remettre une chose. Si ces
formalités n’étaient pas respectées, il ne s’agissait que de simples pactes sans valeur
juridique, sans force exécutoire.
108
§ II : Le respect de la volonté contractuelle
Le contrat doit être respecté parce que les parties l’ont voulu et il doit être
exécuté tel quel parce que les parties l’ont débattu. C’est ce principe de la force
obligatoire du contrat que consacre l’article 1134, alinéa 1 er, en ces termes : « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». En
conséquence, elles ne peuvent être révoquées ou modifiées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise (art. 1134, al. 2).
Le corollaire est le principe d’effet relatif des conventions : seul celui qui a
manifesté sa volonté de s’engager dans un contrat est lié par ce contrat. C’est ce qui
ressort de l’article 1165 qui dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les
parties contractantes ».
Mais par la suite, la théorie de l’autonomie de la volonté connaîtra un déclin.
109
§ II : Les conséquences de la remise en cause de la théorie
Deux principales conséquences sont à relever.
158
Droit reconnu dans certains cas à l’Administration, et à certains organismes de droit privé accomplissant
une mission de service public, d’acquérir la propriété d’un bien lors de son aliénation par préférence à tout
autre acheteur.
110
entreprises, d’après lesquels les entreprises bénéficient de certains avantages,
notamment fiscaux et/ou douaniers, si elles exécutent la politique gouvernementale.
En matière sociale, le législateur a invité les partenaires sociaux (syndicats
d’employeurs et syndicats d’employés) à se mettre d’accord sur leurs différends par le
moyen des conventions collectives du travail qui relèvent à bien des égards de la
matière contractuelle.
Le contrat a connu des hauts et des bas. Actuellement, son importance est
indéniable et les contrats pratiqués sont nombreux, ce qui appelle à leur classification.
111
parce qu’elles dépouillent les héritiers et les créanciers du débiteur d’une partie de son
patrimoine.
112
(concernant les biens des époux), l’hypothèque, contrat de société commerciale dans le
droit OHADA...
Le contrat réel est celui qui exige pour sa formation non seulement l’accord des
parties mais en plus la remise d’une chose au débiteur. Par exemple sont des contrats
réels le commodat ou prêt à usage, le prêt de consommation ou mutuum, le gage et le
dépôt. Ainsi, la promesse de prêter une somme d’argent ou un objet est bien un contrat
valable mais n’est pas un prêt. Le prêt ne se forme que par la remise de la chose à
l’emprunteur.
De l’article 1107 du Code civil, il résulte que les contrats sont nommés ou
innommés.
Les contrats nommés sont ceux qui, prévus par le Code civil ou par d’autres
codes ou textes, ont non seulement un nom ou une dénomination mais surtout une
réglementation. Exemple : vente, contrat d’entreprise, bail, dépôt, prêt, mandat,
cautionnement, contrat de travail…
Les contrats innommés sont ceux qui résultent de la liberté contractuelle et qui
ne rentrent pas dans le moule d’un des contrats nommés. L’élément caractéristique est
non pas l’absence de nom mais plutôt l’absence de réglementation. Ces contrats sont le
plus souvent un amalgame de contrats nommés : contrat de location de coffre-fort, de
renting, de garde-meubles, de déménagement, d’ingénierie, de remonte-pente, de ski
nautique, de compte courant, de parking…
Qu’ils soient nommés ou innommés, les contrats sont valables et sanctionnés en
justice.
159
Voy. dans ce sens A. Weil et F. Terré, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 4e éd., 1986, n° 47.
113
Les contrats nommés sont soumis aux règles de la TGO et aux règles du contrat
spécial auxquelles les parties n’ont pas dérogé tandis que les contrats innommés ne
sont soumis qu’aux règles de la TGO. Cela pose l’importante question de la
qualification des contrats.
Section I : La capacité
Pour contracter valablement, il faut être capable même si l’on contracte par
l’intermédiaire d’autrui par la technique de la représentation.
1) La capacité et le pouvoir
La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les
exercer. Les personnes qui sont dépourvues de cette capacité sont frappées
d’incapacité : ce sont des incapables. D’après l’art. 1123, le principe est la capacité.
Il ne faut pas confondre cette notion avec celle de pouvoir qui répond à la
question de savoir si une personne a la qualité nécessaire pour accomplir tel ou tel
acte. En d’autres termes, le pouvoir permet d’agir (en justice par exemple) au nom et
pour le compte d’une personne morale ou d’une personne physique atteinte d’une
incapacité d’exercice, de diriger ou de gouverner une personne privée ou publique. Le
pouvoir découle de la loi, du contrat ou du jugement.
La capacité, aptitude à acquérir et à exercer un droit, est fonction des capacités
intellectuelles d’un individu tandis que le pouvoir dépend du régime d’un bien (par ex.
vente de la chose d’autrui).
160
Pas de cause subjective mais la cause objective est prise en compte à travers la lésion, laquelle devient une
cause générale de nullité des contrats. Il en résulte finalement l’extension de la cause objective.
115
a) Les incapacités de jouissance et les incapacités d’exercice
L’incapacité de jouissance est celle qui prive l’incapable d’un droit ou qui le
rend absolument incapable pour l’accomplissement d’un acte juridique. Ainsi, les
donations sont interdites au mineur non émancipé.
Avec l’incapacité d’exercice, l’incapable est dans l’impossibilité d’accomplir
lui-même ou seul certains actes. Par ex., le mineur est frappé d’une incapacité
d’exercice. Celui qui a commis un crime peut être frappé d’une incapacité de disposer
de ses biens.
116
Exceptions : lorsque le mineur a la faculté de discernement, il peut faire certains
actes. En ce qui concerne les droits extrapatrimoniaux, il est inconcevable qu’une
personne autre que le mineur puisse agir à la place de celui-ci. Dans le domaine des
droits patrimoniaux peuvent être exercés les actes relatifs à l’exercice de sa profession,
les actes conservatoires, les actes autorisés par l’usage, l’adhésion à un syndicat
professionnel à partir d’un certain âge…
a) La protection occasionnelle
C’est l’hypothèse la plus répandue. Pour faire valablement un acte juridique, il
faut être sain d’esprit. C’est à celui qui agit en nullité sur la base de cette cause de
prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte (CPF, art. 629).
La volonté est à la base du contrat mais pas du délit.
117
présomptions. L’action est exercée par la victime elle-même, par un mandataire
spécial, par son tuteur ou par son curateur s’il en a été désigné un.
Après le décès de la victime du trouble mental
On rencontre beaucoup d’actes pour lesquels les héritiers prétendent que la
victime avait des troubles mentaux lorsqu’il les passait. C’est pourquoi, après le décès,
l’acte ne peut être attaqué que dans certains cas précis car les héritiers ont tendance à
remettre en cause les actes du prédécédé qui leur sont préjudiciables pour cause de
troubles mentaux. L’acte ne pourra être attaqué pour cause d’insanité d’esprit que dans
les cas suivants :
- l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
- l’acte a été fait dans un temps où la personne était sous la protection de la
justice ;
- une action avait été introduite avant le décès aux fins de faire ouvrir la tutelle ou
la curatelle.
b) La protection continue
Lorsque les facultés intellectuelles d’un majeur sont altérées durablement, une
mesure de protection peut être prise à son égard. Trois régimes de protection sont
prévus suivant la gravité de l’altération : la tutelle, la curatelle et la protection de
justice.
118
Les articles 660 à 668 du CPF prévoient ce régime pour les personnes dont les
facultés mentales sont diminuées mais de façon moins grave que pour les personnes
dont l’état justifierait l’ouverture de la tutelle ainsi que pour les personnes qui, par leur
prodigalité, leur intempérance ou leur oisiveté s’exposent à tomber dans le besoin ou à
compromettre l’exécution de leurs obligations familiales.
A la différence de la tutelle, la curatelle est un régime d’assistance et non de
représentation. Le majeur ne peut valablement agir qu’avec l’autorisation du curateur
pour les actes énumérés par la loi. Les autres actes peuvent être accomplis par le
majeur seul161.
Les actes irrégulièrement accomplis par le majeur sous curatelle sont
sanctionnés de la manière suivante :
- Les actes qui doivent être faits avec l’autorisation du curateur sont nuls si cette
autorisation fait défaut ;
- Les actes que le majeur sous curatelle peut faire seul ne peuvent être attaqués
que pour deux raisons : 1°- ils pourront être rescindés pour simple lésion ou réduits en
cas d’excès ; à cet égard, les tribunaux prendront en compte la fortune de la personne
protégée, la bonne ou la mauvaise foi de son cocontractant, l’utilité ou l’inutilité de
l’opération ; 2°- pour insanité d’esprit à condition de remplir les conditions de l’art.
629 du CPF.
161
« Toutefois, en ouvrant la curatelle ou dans un jugement postérieur, le juge, sur l’avis de toute personne
qualifiée, peut énumérer des actes que le majeur en curatelle aura la capacité de faire seul par dérogation à
l’article 663 ou, à l’inverse, ajouter d’autres actes à ceux pour lesquels cette disposition exige l’assistance du
curateur » (art. 666).
119
Tableau comparatif des trois régimes de protection
§ II : La représentation
La représentation est une technique juridique par laquelle une personne appelée
le représentant agit au nom et pour le compte d’une autre personne appelée le
représenté.
Il faut préciser succinctement les conditions puis les effets de la représentation.
a) La représentation conventionnelle
La représentation peut résulter d’un contrat passé entre le représentant et le
représenté, en l’occurrence le contrat de mandat. Le représentant est appelé mandataire
et le représenté mandant.
En principe, une personne peut toujours convenir avec une autre que celle-ci la
représentera. Par exception, il y a certaines matières où la représentation n’est pas
permise, comme pour le mariage à l’état civil (art. 275 du CPF), la comparution en
justice… D’autres fois, elle est soumise à certaines formes. Ainsi, le contrat de mandat
doit être fait dans les mêmes formes que l’acte qu’il autorise à passer en vertu du
parallélisme des formes. Dans ce cas, le mandat doit alors être spécial.
On admet en principe que si le mandat est rédigé en termes généraux, il ne vise
que les actes d’administration. Lorsqu’il s’agit de donner mandat d’accomplir un acte
de disposition, il faut conclure un mandat spécial.
120
b) La représentation judiciaire
Dans certaines hypothèses, c’est le tribunal qui confère le pouvoir de
représentation. Il en est ainsi, par exemple, dans l’article 302 du CPF. Selon cette
disposition, « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre
époux peut se faire habiliter en justice à le représenter d’une manière générale ou pour
certains actes particuliers dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime
matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le
juge ».
c) La représentation légale
A ce titre, l’on relève, par exemple, que la loi investit le père et la mère des
pouvoirs d’administrateur légal des biens de leurs enfants mineurs (CPF, art. 539 et
s.). La représentation des mineurs, qui n’ont ni père ni mère ou lorsque ceux-ci sont
déchus de l’autorité parentale, et celle des majeurs sous tutelle est assurée par leurs
tuteurs.
Le pouvoir de représentation est nécessaire mais insuffisant : il faut en plus une
volonté de représentation.
121
caution) ou si les agissements du représentant ont été fautifs, par exemple, s’il a
dépassé ses pouvoirs. Dans ce dernier cas, il pourra engager sa responsabilité
personnelle à l’égard du tiers qui aurait de ce fait subi un préjudice.
Section II : Le consentement
Pour qu’un contrat soit valablement conclu, il faut le consentement des deux
parties ou leur accord de volonté, lequel doit s’exprimer par l’échange des
consentements. La conclusion du contrat peut être précédée de négociations
précontractuelles, si bien qu’il peut être formé par étapes (punctation). Ainsi, un
avant-contrat peut être conclu (pacte de préférence, promesse unilatérale, promesse
synallagmatique). Dans tous les cas, la question se pose de l’offre et de l’acceptation.
Il convient d’examiner la nécessité d’un consentement et l’échange des
consentements. Auparavant, un survol de la période précontractuelle semble utile.
§ I : La négociation
La négociation est placée sous le signe de la bonne foi. L’échec d’une
négociation ne peut être source de responsabilité délictuelle que s’il est imputable à la
mauvaise foi ou à la faute de l’une des parties. Dans les projets, on note de l’existence
de dispositions qui apportent des précisions sur la confidentialité qui doit être
observée, l’engagement à négocier, les clauses-types, les dispositions établies à
l’avance par l’une ou l’autre des parties pour un usage général et répété, le régime des
accords destinés à aménager le déroulement ou la rupture des pourparlers.
§ II : Les avant-contrats
Au titre des avant-contrats, il y a lieu de retenir principalement la promesse
unilatérale et le pacte de préférence. La promesse unilatérale de contrat est définie
comme la convention par laquelle une partie promet à une autre, qui en accepte le
principe, de lui donner l’exclusivité pour la conclusion d’un contrat dont les éléments
essentiels sont déterminés, mais pour la formation duquel fait seulement défaut le
122
consentement du bénéficiaire. Quant au pacte de préférence pour un contrat futur, c’est
la convention par laquelle celui qui reste libre de le conclure s’engage, pour le cas où
il s’y déciderait, à offrir par priorité au bénéficiaire du pacte de traiter avec lui. Dans
les deux cas, le contrat conclu avec un tiers est inopposable au bénéficiaire du pacte de
préférence ou de la promesse, sous réserve des règles assurant la protection des tiers
de bonne foi. Il y a aussi promesse synallagmatique dont l’utilité paraît limitée : en
effet, le Code civil en vigueur décide que la promesse synallagmatique de vente vaut
vente.
§ I : L’intégrité du consentement
Aux termes de l’art. 1109 du Code civil, « il n’y a point de consentement
valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par
violence ou surpris par dol ». Il en résulte qu’il y a des vices de consentement qui sont
des faits de nature à entraîner l’altération du consentement et, par voie de
conséquence, la nullité de l’acte juridique. Ces vices, qu’il faut expliciter, sont
l’erreur, le dol et la violence.
A- L’erreur
L’erreur est une appréciation inexacte portant sur l’existence ou les qualités
d’un fait ou d’une chose ou sur l’existence ou l’interprétation d’une règle de droit.
Il faut déterminer les différents types d’erreur et voir quelle sanction peut être
appliquée.
123
- l’erreur sur l’objet du contrat : l’un croit acheter une maison et l’autre vendre
des parts d’une société immobilière ; ou l’erreur sur l’unité de compte (l’un parle en
anciens francs et l’autre en nouveaux francs) ; ou un malentendu sur le prix : pour
l’un, il s’agit de 15 000 euros et pour l’autre de 150 000 euros ;
- parfois, un troisième cas se distingue : l’erreur sur la cause ; par exemple, à
propos d’un acte unilatéral : un homme reconnaît un enfant en croyant qu’il en est le
père.
La thèse de l’erreur-obstacle s’appuie sur l’article 1110 qui ne fait état que de
l’erreur sur la substance et de l’erreur sur la personne alors que l’erreur sur la nature et
celle sur l’objet sont plus graves et ne sont pas visés.
Pour de nombreux auteurs, ces erreurs-obstacles se ramènent à des erreurs sur
l’objet des obligations, c’est-à-dire sur la substance et ne se distingueraient pas de
l’erreur vice de consentement. En effet, l’article 1109 ne vise que l’erreur de façon
générale.
Non sans avoir hésité, la jurisprudence s’est prononcée en faveur de la nullité
absolue. Il a même alors été décidé que le caractère inexcusable de l’erreur ne mettait
pas obstacle à l’annulation de l’acte. Avec l’évolution, la jurisprudence affirme
actuellement que l’erreur n’est une cause de nullité que dans la mesure où elle est
excusable162. Donc, la portée de la distinction n’est plus évidente.
164
1ère Civ., 19 mars 1985, JCP G, 1986, II, 20659, note P. Lebouteiller.
165
Civ. 1ère, 26 février 1980, Bull. civ. I, n° 66.
125
contracte en pensant que le contrat produit tel ou tel effet. Il est vrai que nul n’est
censé ignorer la loi. Mais cet argument ne peut être opposé en l’espèce car il s’agit
d’un non-spécialiste du droit qui s’attend à l’application de la loi. C’est pourquoi la
jurisprudence admet l’erreur de droit.
La jurisprudence a reconnu l’erreur de droit dans les cas suivants : celui de
l’héritier qui avait cédé à vil prix ses droits successoraux parce qu’il s’est trompé sur
l’étendue des droits héréditaires que la loi lui attribue166 ; la vente à vil prix d’une
récolte de vin dont le vendeur a crû, par erreur, que le prix était taxé par la loi 167. Une
erreur de droit a été admise dans les circonstances suivantes : les cautions intéressées,
habitant un district rural, étaient illettrées et le contrat ne leur avait pas été lu avant sa
signature ; l’emprunteuse, par crainte de les voir refuser de signer, ne leur avait pas dit
exactement la vérité ; le représentant de la caisse s’était borné à présenter aux cautions
les actes à signer ; l’arrêt de la cour d’appel estime à juste titre que les cautions avaient
donné leur consentement en pensant simplement faciliter l’obtention du prêt sans
engager leur patrimoine168.
166
C. Cass. Civ. 17 nov. 1930, Dalloz 1932.I.161, note J.-Ch. Laurent.
167
Montpellier, 23 octobre 1951, Dalloz 1952, 15.
168
Cass. Civ. 1ère, 25 mai 1964, Dalloz 1964, p. 626.
169
Civ. 2e, 13 avril 1972, Dalloz 1973, 2, note J. Robert.
170
Req., 17 janvier 1911, S. 1912, 1, 518. Dans cette affaire, un manœuvre était parvenu à se faire embaucher
sur un chantier de réfection de voie ferrée, en se présentant, pièces à l’appui, à son employeur sous l’identité
d’une autre personne. Réalisant par la suite l’usurpation d’identité, l’employeur demanda l’annulation du
contrat pour erreur sur l’identité du manœuvre. La Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif que s’il y a
sans doute erreur, celle-ci « … n’a pas été le motif principal et déterminant de la convention ». Ce cas est
d’ailleurs plus proche du dol que de l’erreur.
126
c) Les erreurs indifférentes
Les erreurs indifférentes sont celles qui n’entraînent pas l’annulation du
contrat. Il en est ainsi de :
- l’erreur qui n’a pas été déterminante dans le contrat ;
- l’erreur sur les motifs (par exemple l’achat d’un bien dans un but de
défiscalisation que l’acheteur finalement ne peut pas réaliser)171 ; en général, les motifs
sont ignorés de l’autre partie ; mais il en est autrement si le cocontractant avait été
informé des véritables motifs de l’acte et s’il avait accepté de conclure l’acte car alors
les motifs sont entrés dans le champ contractuel ;
- l’erreur sur la valeur de la prestation : la jurisprudence en raison de l’article
1118 décide que l’erreur sur la valeur de la prestation n’entraîne pas la nullité du
contrat ; en effet, « la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à
l’égard de certaines personnes ».
Le principe est que s’il y a un déséquilibre, celui-ci n’entraîne pas la nullité,
sauf dans les cas prévus par la législation. Mais lorsque le déséquilibre est la
conséquence d’une erreur sur la substance, il sera indirectement pris en compte. En
outre, l’erreur sur la valeur est prise en compte toutes les fois qu’elle est la
conséquence d’une violence. De toute façon, le juge annulera plus facilement le
contrat fait par dol ou par violence que par erreur.
Mais quelles sont les conditions de la nullité ?
171
Civ. 1ère, 13 février 2001, JCP 2001, I, 330, n° 5, obs. Rochefeld ; RTDCiv. 2001, 352, obs. J. Mestre et B.
Fages.
127
de son consentement a commis une faute et la meilleure sanction dans ce cas est de
refuser l’action en nullité de celui qui a commis l’erreur.
La jurisprudence n’admet pas l’erreur lorsque celle-ci a été inexcusable. Il en
est ainsi lorsque l’erreur aurait pu être évitée en se renseignant. La jurisprudence a eu
maintes fois l’occasion d’appliquer l’erreur inexcusable, surtout lorsque le
cocontractant est un professionnel. C’est ainsi que la Cour de cassation fr. a refusé
d’annuler la vente d’un terrain qui était inapte à la construction parce que l’acheteur
était un professionnel, en l’espèce un architecte. Elle a de même refusé d’annuler un
contrat d’assurance pour une personne qui était déjà assurée.
b) La preuve de l’erreur
Conformément au principe de l’article 1315 du Code civil, la charge de la
preuve pèse sur le demandeur. C’est donc à celui qui conteste la validité du contrat de
rapporter la preuve de l’erreur. Tous les moyens de preuve sont recevables.
Cependant, lorsque l’on veut prouver une erreur sur la nature même de l’acte, il faudra
le faire par écrit.
De manière générale, il ne sera pas aisé de faire la preuve de l’erreur car il s’agit
de la preuve d’un fait psychologique qu’il faut établir par des indices. Il faut prouver le
rôle des faits. Les tribunaux apprécieront en fonction de la situation des parties.
L’erreur est un vice de consentement important. Il en est de même du dol.
B- Le dol
Le dol est une manœuvre frauduleuse ayant pour objet de tromper l’une des
parties à un acte juridique en vue d’obtenir son consentement. Sous certaines
conditions, les manœuvres frauduleuses pourraient constituer une infraction pénale, en
l’occurrence l’escroquerie.
Selon l’article 1116, « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque
les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans
ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être
prouvé ». Le dol est une erreur provoquée. Il n’est donc pas à proprement parler un
vice de consentement mais une faute qui a pour conséquence de provoquer l’erreur de
l’autre partie. Ce qui est un vice de consentement, c’est l’erreur provoquée par le
dol172.
Il conviendra d’expliciter la notion puis les conditions auxquelles le dol est une
cause de nullité.
1) La notion
Selon l’art. 1116, le dol est constitué de manœuvres, c’est-à-dire de toute espèce
d’artifice destinée à convaincre le cocontractant à passer l’acte. Le simple mensonge
peut, selon la jurisprudence, constituer le dol s’il a déterminé la victime à contracter,
sauf le dol émanant d’un incapable, notamment lorsque celui-ci déclare sa capacité.
Pour la Cour d’appel de Colmar, tous les agissements malhonnêtes tendant à
surprendre une personne en vue de lui faire souscrire un engagement qu’elle n’aurait
pas pris si on n’avait pas usé de la sorte avec elle peuvent être qualifiés de manœuvres
172
A. Weill, F. Terré, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 4e éd., 1986, n° 179.
128
dolosives173. La jurisprudence fournit de nombreux exemples ayant trait au mensonge,
aux applications en matière de cautionnement, de vente d’immeubles, etc.
Mais faut-il admettre la réticence, c’est-à-dire le refus de fournir des
informations ? Le législateur l’admet dans certains cas, comme en matière d’assurance
où l’assuré doit déclarer toutes les circonstances pour permettre d’avoir une vue exacte
de l’ampleur du risque couvert. Par ailleurs, les articles 1641 à 1648 obligent le
vendeur à informer l’acheteur des vices de la chose. La Cour de cassation française
admet que la réticence observée par l’une des parties sur des circonstances que son
cocontractant avait intérêt à connaître peut constituer un cas de dol à la condition que
le silence ait été gardé sur un point que l’autre partie était excusable de ne pas
connaître.
Finalement, il faut, d’une part, l’élément psychologique, l’intention de tromper
(il n’y a pas dol si l’on trompe autrui parce qu’on se trompe soi-même), et, d’autre
part, les manœuvres, allégations mensongères, voire le silence ou la simple réticence.
173
30 janvier 1970, Dalloz 1970, 297, note Alfandari.
174
Cour de cass., Civ. 1ère, 27 juin 1973, Dalloz 1973, p. 733, note Malaurie.
129
En fait, la distinction entre dol principal et dol incident n’est pas évidente
puisque sans le dol dit incident le contrat n’aurait pas été passé dans les mêmes
conditions. Il revient au juge de décider si le dol, principal ou incident, a
déterminé la passation du contrat.
Si les juges du fond sont souverains pour apprécier la pertinence et la gravité
des faits allégués comme constitutifs du dol et, en particulier, pour dire s’ils ont été la
cause déterminante du contrat, il appartient à la Cour de cassation d’exercer son
contrôle sur le caractère légal de ces faits, c’est-à-dire la question de savoir si les
moyens employés par l’une des parties doivent être qualifiés de manœuvres
illicites175.
La victime a intérêt à se placer sur le terrain du dol qui est plus facile à prouver
par rapport à l’erreur, phénomène psychologique. De plus, le domaine du dol est plus
étendu que celui de l’erreur.
A l’erreur et au dol s’ajoute la violence.
C- La violence
La violence est un fait de nature à inspirer une crainte telle que la victime donne
son consentement à un acte que, sans cela, elle n’aurait pas accepté.
Elle est prévue à l’art. 1109 et réglementée dans les art. 1111 à 1115. Un point
commun unit la violence et le dol : il ne s’agit pas non plus d’un véritable vice de
consentement mais de la crainte qu’elle provoque.
Il faut examiner la notion puis les conditions de la nullité.
1) La notion
La violence provoque un vice de la volonté : c’est la contrainte exercée sur une
partie afin d’obtenir une acceptation forcée de la victime de la violence. La violence
peut être définie comme un fait de nature à inspirer une crainte telle que la victime
donne son consentement à un acte que, sans cela, elle n’aurait pas accepté.
L’important n’est cependant pas la cause (la violence) mais l’effet (le consentement
vicié).
Il peut s’agir, soit d’une contrainte physique, soit d’une contrainte morale. La
violence résulte dans cette dernière hypothèse de la menace d’un mal qui sera infligé à
une personne si elle n’accepte pas de contracter : menace de mort, de privation de
liberté, d’atteinte à l’honneur, à la réputation, à la fortune… ; en d’autres termes, il
s’agit d’un chantage.
175
C. cass. fr., Civ. 30 mai 1927, D. H. 1927, 416 ; Com. 1er avril 1952, Dalloz 1952, 380 et 685, note Copper-
Royer.
130
Selon l’art. 1112, la violence doit avoir engendré la crainte d’exposer sa
personne ou sa fortune à un mal considérable. On a égard, en cette matière, à l’âge, au
sexe et à la condition des personnes.
La violence ou la crainte qu’elle provoque doit être grave. L’art. 1112 emploie
le terme de présent mais en fait souvent le mal est futur. Le texte veut dire que la
violence doit avoir inspiré une crainte au moment de l’acte. Il faut qu’elle ait été
suffisamment grave pour déterminer la victime à contracter. Pour le juge, il faut
recourir à une appréciation objective (par référence à une personne raisonnable) ou
subjective (en examinant le cas spécifique de la personne qui invoque la violence).
Elle doit avoir été dirigée contre le cocontractant ou l’un de ses proches : l’art.
1113 fait état de l’époux, des descendants et des ascendants mais il n’a pas un
caractère limitatif. Lorsque la violence est dirigée contre une personne autre que celles
citées, il faut prouver qu’elle a eu une influence sur la volonté de la victime de la
violence.
L’origine de la violence importe peu. La violence peut, à la différence du dol,
émaner d’un tiers. Tel est le cas de la violence morale exercée par des élus locaux et le
président du tribunal de commerce afin d’amener l’épouse du dirigeant d’une
entreprise en règlement judiciaire à se porter caution pour favoriser la reprise de
l’entreprise de son mari176. Mais la question a été posée de savoir si la violence
émanant d’un concours de circonstances pouvait être retenue. On a à cet égard évoqué
l’état de nécessité : par ex. un incendie qui pousse à contracter. La difficulté provient
des termes de l’art. 1111 selon lequel la violence exercée contre celui qui a contracté
l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre
que celui au profit duquel la convention a été faite. Il est fait état d’un tiers mais peut-
on invoquer les circonstances extérieures ? La jurisprudence n’est pas favorable à une
telle extension. Cependant, la Cour de cassation fr. a admis la violence résultant
seulement des circonstances lorsque le cocontractant a profité de ces circonstances et
en a tiré un profit excessif. Elle a ainsi annulé pour cause de violence un contrat de
travail conclu avec un employé qui avait un besoin pressant d’argent à cause de la
maladie de son enfant. Dans le même sens, la nullité d’un accord salarial passé dans
des conditions d’agitation furieuse a été retenue177.
L’art. 1114 indique que la crainte révérencielle envers le père, la mère ou un
autre ascendant, sans qu’il y ait de violence exercée, ne suffit point pour annuler le
contrat.
Par ailleurs, un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si,
depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit
tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi (art. 1115).
La violence doit être injuste ou illicite. Elle l’est toujours lorsque l’auteur de la
violence a eu recours à des voies de fait. Elle ne l’est pas forcément si son auteur a
utilisé d’autres procédés. Il n’y a pas de contrainte illégitime pour la femme qui se
porte caution pour éviter une poursuite bien fondée contre son mari 178, ou l’employeur
qui consent une augmentation de salaire sous la menace d’une grève ou l’employé
176
C. cass., Com. 28 mai 1991, Dalloz 1992, 166, note Morvan.
177
Tribunal civil de Nantes, 6 janvier 1956, Gazette du Palais 1956. 1. 61.
178
Civ. 25 février 1879, Dalloz 1879, I, 158.
131
indélicat qui signe une reconnaissance de la somme détournée sous la menace d’une
plainte au pénal. Toutefois, la menace d’user d’une voie de droit peut constituer une
violence s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en
usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion
avec l’engagement primitif, comme la menace d’expulsion proférée par un agent
d’affaires dépourvu de tout droit ou titre179 ou la menace de poursuites pénales ayant
permis d’obtenir une prestation importante et injustifiée180.
§ II : L’extériorisation du consentement
Le consentement peut s’exprimer par n’importe quel moyen. Cette totale liberté
conduit à poser la question de savoir si le silence peut équivaloir à un consentement.
179
Civ. 1ère, 3 novembre 1959, Dalloz 1960, 187, note Holleaux.
180
C. cass. fr., 17 juillet 1967, Dalloz 1967, 509.
181
Civ. 1ère, 17 juillet 1967, Dalloz 1967, 509.
182
Des auteurs (François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e éd.,
2005, n°s 258 à 260) écrivent à ce sujet : « Longtemps on a enseigné que, sauf obligation légale précise, nul
n’était tenu de renseigner son cocontractant… Mais prenant conscience que l’inégalité dans l’information
peut, tout autant que l’inégalité économique, nuire à l’équilibre du contrat, sensible aussi à l’idée qu’il vaut
mieux prévenir que guérir, la jurisprudence a progressivement imposé à certains contractants l’obligation
d’informer leurs partenaires. A cet effet, elle a pris appui sur la notion de bonne foi. Bien que l’article 1134,
alinéa 3, du Code civil vise la seule exécution du contrat, la bonne foi irrigue la formation de celui-ci…
Qualifiée d’obligation précontractuelle de renseignements lorsqu’elle existe avant la conclusion du contrat
et tend à faciliter l’émission d’un consentement éclairé, elle devient une obligation contractuelle de
renseignements lorsqu’elle se présente comme un effet du contrat…
Conditions d’existence de l’obligation précontractuelle de renseignements
En premier lieu, une personne ne pourra être tenue de renseigner son partenaire que si elle détient une
information « pertinente »…
En second lieu, l’obligation d’information n’existera que si celui qui se prétend créancier de cette obligation a
lui-même ignoré le fait recelé et si cette ignorance est légitime…
Et de fait, l’obligation d’information trouvera un domaine d’application naturel dans les rapports entre
professionnel et consommateur…
Preuve et sanctions
« … la haute juridiction a… posé que celui qui est tenu d’une obligation d’information doit rapporter la
preuve de l’exécution de cette obligation. La violation de l’obligation d’information est sanctionnée, non
pas de façon autonome, mais par le biais du droit commun. Génératrice d’un vice de consentement, elle
entraîne la nullité du contrat ; constitutive d’une faute délictuelle, elle donne lieu à l’application des règles de
la responsabilité délictuelle ; à l’origine d’un vice caché ou d’une éviction, elle déclenche le jeu de la garantie
des vices cachés ou de la garantie d’éviction ».
132
Par ailleurs que décider quand il y a discordance entre la volonté réelle et celle qui
résulte de son expression ?
183
Arrêt de la Cour de cass. fr. du 21 mai 1878.
184
Arrêt de la Cour de cass. fr. de 1924.
185
D. P. 1939, I, 5, note Voirin.
133
conventions rechercher quelle a été la commune volonté des parties contractantes sans
s’arrêter au sens littéral des termes ».
Mais le droit français considère aussi la déclaration de volonté. Ainsi, nous
savons que, selon l’art. 1341, l’on ne peut prouver contre un écrit que par un autre
écrit.
Une personne ne peut valablement être tenue par un engagement que si elle y a
consenti et tout contrat ne peut pas se former si les volontés des parties ne se sont pas
rencontrées.
A- L’offre
L’offre ou pollicitation est une proposition de contracter qui peut être adressée,
soit à une personne déterminée, soit à une personne indéterminée. L’offre doit remplir
certaines conditions pour produire des effets.
134
L’offre n’est révocable qu’à l’expiration d’un certain délai. Lorsque le délai a
été indiqué par l’offrant, il n’y a aucun problème. Mais dans le cas contraire, on
considère que l’offrant doit laisser subsister l’offre pendant un certain temps (un délai
raisonnable) pour la faire examiner. Si l’offrant ne respecte pas ce délai, il peut être
condamné à payer des dommages-intérêts. Comment expliquer cette obligation de
l’auteur de l’offre ?
Plusieurs fondements, principalement trois, ont été avancés par la doctrine pour
expliquer cette solution de maintien de l’offre pendant un délai raisonnable.
Certains auteurs ont proposé de voir dans l’offre un avant-contrat car quand
l’offrant propose explicitement ou implicitement un délai pour accepter, celui-ci a été
tacitement accepté par son partenaire parce qu’il n’en tire que des avantages. Si on
peut admettre cette solution lorsque l’offrant a proposé un délai, il n’en est pas de
même lorsque l’offrant n’a pas proposé de délai. Et pourtant, le juge oblige l’offrant à
maintenir son offre pendant un certain temps.
D’autres auteurs ont proposé la théorie de l’engagement par volonté
unilatérale. L’offre réalise alors un acte juridique unilatéral qui suffit pour maintenir
l’offre pendant un certain temps. Cette position a été critiquée car le Code civil
français ne contient aucune théorie d’engagement par volonté unilatérale.
Dans une troisième proposition, l’offrant engage sa responsabilité délictuelle
ou quasi-délictuelle s’il ne maintient pas l’offre pendant un certain temps. L’offrant
en retirant l’offre avant un certain délai cause un préjudice qu’il doit réparer. La faute
consiste alors, soit dans le fait de faire une offre non sérieuse, soit dans la rétractation
intempestive de l’offre. Mais dire que l’on commet une faute en faisant une offre sans
sérieux, c’est admettre que l’on peut s’engager par volonté unilatérale. Mais si la faute
est la rétractation intempestive, c’est que l’offrant avait l’obligation de maintenir son
offre pendant un certain temps. Comment expliquer cette obligation ? Pour surmonter
cette difficulté, on a invoqué la théorie de l’abus des droits. Il y a faute dans
l’exercice d’un droit. L’offre n’est pas nécessairement obligatoire et l’offrant peut
donc la retirer. Mais l’offrant abuse de son droit par la rétractation intempestive. Il
semble que l’on puisse retenir cette proposition.
L’offre n’est pas véritablement un acte juridique mais un fait juridique.
B- L’acceptation
Lorsque l’offre est acceptée, le contrat est conclu si l’acceptation répond aux
conditions de validité d’une déclaration de volonté.
La forme de cette acceptation est libre : elle peut être expresse ou tacite mais
elle doit être exprimée avant que l’offre ne soit rétractée.
L’offre peut être adressée à une personne déterminée ou à une personne
indéterminée. Lorsqu’elle est faite à une personne déterminée, c’est celle-ci qui doit
accepter. L’offre à personne indéterminée peut être acceptée par n’importe qui (c’est
la première personne qui se présente).
Pour que le contrat soit formé, l’acceptation ne doit pas comporter de réserve
sur des éléments essentiels du contrat. En revanche, le contrat sera conclu si les
réserves portent sur des éléments accessoires. Mais il y a un certain relativisme en la
matière. Pour la Cour de cassation française, en effet, en vertu de leur pouvoir
135
souverain d’appréciation, les juges du fond peuvent estimer que certaines modalités
ordinairement accessoires, telles que la date du paiement du solde du prix ou la date de
prise de possession des lieux, ont été tenues par l’une des parties comme des éléments
constitutifs de son consentement et qu’à défaut d’accord sur ces points, le contrat de
vente ne s’est pas formé186.
Souvent, en cours de pourparlers, une personne remet une somme d’argent à
une autre. Cette somme d’argent prend le nom d’arrhes : elle est déduite du montant
du prix convenu lors de la formation du contrat. Mais cette somme ne constitue pas
toujours un acompte du prix. Elle peut avoir une autre fonction : c’est alors un
moyen de renoncer au contrat. Si celui qui a remis la somme renonce au contrat, il
n’est pas remboursé mais ne doit pas de dommages-intérêts. Si c’est celui qui reçoit la
somme qui renonce au contrat, il paye le double de la somme reçue mais il ne doit pas
de dommages-intérêts. Il est intéressant de savoir si la somme a été versée à titre
d’acompte ou comme moyen de renoncer au contrat.
Si la somme a été payée à titre d’acompte et que l’une des parties renonce au
contrat, il devra payer à l’autre la réparation correspondant au préjudice causé. Si c’est
un moyen de renoncer au contrat, on ne perd que la somme versée.
Que décider lorsque la fonction des arrhes n’a pas été précisée entre les parties ?
Il appartient au juge de décider en fonction des usages et de la nature du contrat
considéré. Le législateur a décidé le 5 décembre 1951 que les sommes versées
d’avance produiront des intérêts au bénéfice de celui qui les a versées.
186
Civ. 3e, 2 mai 1978, Dalloz 1979, 317, note Schmidt-Szalewski.
136
Le contrat se forme-t-il lors de l’émission de la volonté de l’acceptant ou
seulement lors de la réception de la lettre ? En matière de vente, il est important de le
savoir parce que quand vous achetez un bien, vous en devenez immédiatement
propriétaire avant même la livraison, du moins quand il s’agit d’un corps certain et que
l’on n’est pas en matière commerciale où le transfert de propriété est retardé jusqu’à la
livraison (AUDCG, art. 283). La capacité des parties, qui peut s’être modifiée,
s’apprécie au moment de la formation du contrat.
Pour le domaine d’application d’une loi nouvelle entrée en vigueur, il est
important de savoir quand précisément le contrat s’est formé. Il en est de même en cas
de rétractation de l’offre : la validité de celle-ci pourrait dépendre du moment où elle
est intervenue : avant ou après la réception de la lettre ?
a) L’approche classique
Il faut examiner les principales théories en présence avant d’évoquer la position
de la jurisprudence.
Deux principales théories sont en présence : la théorie de l’émission et la
théorie de la réception.
Il y a en premier lieu la théorie de l’émission. Selon celle-ci, le contrat est
formé au moment de l’émission de l’acceptation parce que c’est l’acceptation de
l’offre qui réalise le contrat. On peut invoquer l’art. 1985 du Code civil selon lequel
l’acceptation du mandataire peut être tacite et n’être pas connue du mandant.
Les partisans de cette théorie sont divisés en deux systèmes.
Selon le premier système dit de la déclaration, le contrat est conclu au
moment où l’acceptant signe la lettre d’acceptation.
Selon le deuxième système dit de l’expédition, le contrat est formé lorsque
l’acceptant a posté la lettre ou envoyé le télégramme. Les partisans de ce système
estiment que c’est à ce moment qu’il y a extériorisation de la volonté et que celle-ci est
nécessaire. L’inconvénient de ce second système est que l’acceptant pourra toujours
rétracter son offre par télégramme ou par téléphone puisque l’acceptation ne devient
irrévocable que quand elle est reçue par l’offrant, d’où l’émergence d’une deuxième
théorie apparemment plus satisfaisante.
En second lieu, il y a la théorie de la réception. Selon celle-ci, le contrat est
formé au moment et au lieu où l’offrant a eu connaissance de l’acceptation. Ainsi,
selon l’art. 932, al. 2, du Code civil, l’acceptation pourra être faite du vivant du
donateur, par un acte postérieur et authentique, dont il restera minute ; mais alors la
137
donation n’aura d’effet, à l’égard du donateur, que du jour où l’acte qui constatera
cette acceptation lui aura été notifié. C’est la même disposition que reprend le Code
burkinabè des personnes et de la famille (CPF) à son article 893, alinéa 2.
Cette théorie a donné lieu à deux variantes :
- le système de l’information : le contrat est formé au moment où l’offrant est
informé de l’acceptation ; la critique que l’on peut lui faire est qu’elle entraîne des
difficultés de preuve ;
- le système de la réception proprement dite : le contrat est formé dès l’instant
où la lettre arrive chez l’offrant, celui-ci étant présumé en avoir pris connaissance
immédiatement (le cachet de la poste sur le timbre peut aider à déterminer la date
d’arrivée).
Pour la position de la jurisprudence française, on relève qu’elle opère une
distinction entre le lieu et le moment de formation du contrat.
Pour le lieu, la Cour de cassation fr. a consacré le système de l’émission.
Pour la détermination du moment, la Cour de cassation considère qu’il s’agit
d’une question de fait laissée à l’appréciation des juges du fond. Cette position est
critiquable car il s’agit d’une question de droit qui doit être résolue par elle. Il semble
que c’est le système de l’expédition, qui est une variante de la théorie de
l’émission, qui est retenu car le contrat est satisfait par la seule acceptation de
l’offre et l’extériorisation de la volonté. En effet, l’art. 1108 du Code civil exige le
consentement de la partie qui s’oblige. Requérir que la volonté de l’acceptant soit
portée à la connaissance de l’offrant, c’est ajouter un élément nouveau, ce qui
implique que le système de l’expédition est préférable.
b) L’apport de l’AUDCG
Les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général
(AUDCG) concernant la formation de la vente commerciale187 traitent des notions
d’offre et d’acceptation, des conditions auxquelles elles sont soumises pour leur
validité ainsi que de celles à respecter pour leur rétractation ou révocation.
S’agissant de l’offre, l’offre ou la proposition de conclure un contrat adressé à
une ou plusieurs personnes déterminées doit être suffisamment précise et indiquer la
volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. Elle doit désigner les
marchandises concernées et fixer la quantité et le prix ou, tout au moins, donner les
indications permettant de les déterminer.
Le cas de l’offre ou proposition faite au public n’est pas examiné, ce qui bien
entendu, ne revient pas à l’exclure188.
L’offre ne prend effet que si elle parvient à son destinataire, ce qui
consacre non pas le système de l’émission mais celui de la réception.
L’offre peut être révoquée si la révocation parvient au destinataire avant que
celui-ci n’ait expédié son acceptation. L’offre n’est pas révocable si elle précise
qu’elle est irrévocable ou si elle détermine un délai pour son acceptation. Dans ce
dernier cas, l’auteur de l’offre doit simplement attendre l’écoulement du délai.
187
L’AUDCG reprend de nombreuses dispositions de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente
internationale de marchandises.
188
Mais bien souvent, l’offre faite au public concernera des consommateurs si bien que le contrat ne relèvera
pas de l’AUDCG.
138
Finalement, le système retenu – la réception pour l’offre et pour l’acceptation –
est logique et simple sauf à signaler qu’il comporte des nuances perceptibles dans
l’acceptation.
L’acceptation, quant à elle, ne requiert aucune formalité : une déclaration ou
tout autre comportement du destinataire indiquant qu’il acquiesce à une offre constitue
une acceptation. Toutefois, « le silence ou l’inaction, à eux seuls, ne peuvent valoir
acceptation » (art. 212, al. 2). L’acceptation prend effet et forme le contrat au
moment où elle parvient à l’auteur de l’offre, sauf si elle parvient hors délai ». La
Convention de Vienne prévoit que l’acceptation tardive produit néanmoins effet en
tant qu’acceptation si, sans retard, l’auteur de l’offre en informe verbalement le
destinataire ou lui adresse un avis à cet effet ou si l’acceptation, expédiée dans les
délais, n’est pas parvenue à temps pour transmission irrégulière indépendante de sa
volonté (article 21 de la Convention). En ce qui concerne l’offre verbale, elle doit être
acceptée immédiatement, à moins que les circonstances n’impliquent le contraire.
Lorsque l’acceptation n’est pas pure et simple (elle comporte des altérations), elle
devient une contre-proposition insusceptible de former le contrat. Mais l’Acte
uniforme n’indique pas, contrairement à la Convention de Vienne (article 21) quelles
sont les altérations revêtant un caractère substantiel.
Le point de départ du délai donné pour l’acceptation est fonction du moyen de
communication utilisé. Il résulte de l’article 215 que : le délai d'acceptation fixé par
l'auteur de l'offre dans un télégramme ou une lettre commence à courir du jour de
l'émission de l'offre, le cachet des Services Postaux faisant foi ; le délai d'acceptation
que l'auteur de l'offre fixe par téléphone, par télex, par télécopie ou par tout autre
moyen de communication instantané commence à courir au moment où l'offre parvient
au destinataire.
Le contrat est conclu au moment où l’acceptation d’une offre prend effet.
Toutefois, l’acceptation peut être rétractée à condition que la rétractation parvienne à
l’auteur de l’offre avant la prise d’effet de l’acceptation.
Pour éviter ou limiter les difficultés, l’article 218 détermine les circonstances
susceptibles de réaliser la réception : ainsi l’offre, une déclaration d’acceptation ou
toute autre manifestation d’intention est considérée comme parvenue à son destinataire
lorsqu’elle lui a été faite verbalement, ou lorsqu’elle a été délivrée par tout autre
moyen au destinataire lui-même, à son principal établissement ou à son adresse
postale.
139
outre un caractère de généralité, n’étant pas adressé à une personne déterminée, un
caractère complexe étant conçu par un chef d’entreprise en fonction de l’intérêt de
l’entreprise (avec, par exemple, des clauses de déchéance, de limitation de
responsabilité…), intérêt qui peut conduire à aller jusqu’aux détails techniques de
l’opération. Par ailleurs, la répétition des mêmes clauses dans les contrats facilite la
gestion des contrats et accroît les profits de l’entreprise.
Les dangers de ces contrats sont évidents. Parfois, certaines conditions ne sont
pas portées à la connaissance des cocontractants. Conclus entre parties inégales, ces
contrats pourraient se révéler très injustes. La question est donc de savoir comment
protéger la partie économiquement la plus faible.
La jurisprudence a utilisé la technique contractuelle. Dans cette optique, elle
recherche si l’adhérent (partie économiquement la plus faible) a eu connaissance des
différentes clauses et, s’il les a ignorées au moment où il s’engageait, il n’est pas
obligé de les respecter189.
Les juges vont recourir à la théorie des vices de consentement, surtout l’erreur.
Dans certains cas, la loi leur accorde un pouvoir modérateur, par ex. en matière
de clause pénale en France.
En outre, les parties peuvent, pour mieux se protéger, s’informer davantage ou
se grouper en syndicat ou en association pour tenter d’obtenir la modification de
certaines clauses.
La loi elle-même établit des dispositions impératives pour éviter les injustices
les plus graves, par exemple en ce qui concerne le contrat de travail et le contrat
d’assurance. Dans ce sens, l’on note l’article 1162 du Code civil selon qui, « dans le
doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a
contracté l’obligation ».
L’administration peut imposer des aménagements aux contrats au moyen de la
rédaction de cahiers des charges qui, par exemple, établissent les tarifs que les sociétés
concessionnaires peuvent réclamer aux adhérents.
Enfin, l’on note le développement de la protection du consommateur dans la
législation, notamment à travers l’information plus ciblée… Particulièrement en ce qui
concerne la France, on relève la lutte contre les clauses abusives dans les contrats entre
professionnels et non-professionnels, la création d’une Commission des clauses
abusives en France, l’adoption en France d’un Code de la consommation protégeant le
consommateur, l’existence d’un projet d’acte uniforme OHADA sur le contrat de
consommation …
On s’est beaucoup interrogé en doctrine sur la véritable nature du contrat
d’adhésion190 étant donné que la partie économiquement faible ne discute pas les
clauses du contrat. Certains auteurs (Raymond Saleilles, le civiliste, et Léon Duguit, le
publiciste) ont conclu qu’il n’y a pas de contrat mais un acte participant de la nature de
la loi ou de l’acte réglementaire. Mais c’est la qualification contractuelle qui protège le
mieux la partie économiquement faible car, en effet, si on considère que le contrat
d’adhésion participe de la loi, quand une difficulté d’application est soulevée, on doit
189
C. cass., ch. com., 31 janvier 1950.
190
A. Weill et F Terré, op. cit., n° 95 à 100 où les auteurs abordent les caractères des contrats d’adhésion, sa
nature avec les thèses anti-contractualistes, les thèses contractualistes et les solutions du droit positif.
140
rechercher quelle a été la volonté de celui qui a élaboré le contrat. Finalement, la
meilleure protection de la partie économiquement faible dans le contrat d’adhésion est
d’y voir un véritable contrat.
2) Les contrats-types
Le contenu d’un contrat va être déterminé dans sa presque totalité par un tiers. Il
en est ainsi au moins dans deux hypothèses.
142
Contrairement au Code civil qui confond les deux, il faut soigneusement
distinguer l’objet du contrat de l’objet de l’obligation.
L’objet du contrat est l’opération juridique envisagée tandis que l’objet de
l’obligation, ce sont les prestations convenues. Par ex., dans la vente, l’objet du contrat
est la vente ou l’achat ; l’objet de l’obligation du vendeur est la chose qui doit être
livrée tandis que l’objet de l’obligation de l’acheteur est le prix qui doit être payé. La
même différenciation peut être établie pour les différents contrats : bail, contrat de
travail, contrat d’entreprise…
Le Code civil énumère un certain nombre de caractères de l’objet mais il se
pose également le problème de l’équilibre des prestations.
A- L’objet de l’obligation
L’objet de l’obligation varie en fonction de la distinction tripartite des
obligations en :
- obligation de donner : la prestation consiste à transférer la propriété d’une
chose où à créer un droit réel sur cette chose ;
- obligation de faire : la prestation consiste en un fait du débiteur (l’architecte
doit élaborer le plan d’une maison, l’acteur doit tenir un rôle dans une pièce…) ;
- obligation de ne pas faire, c’est-à-dire de s’abstenir d’agir (le vendeur d’un
fonds de commerce ne doit pas ouvrir dans la même ville ou dans le même quartier un
commerce semblable à celui qu’il cède).
Pour l’essentiel, l’objet doit revêtir trois caractères : être dans le commerce, être
déterminé ou déterminable, être possible.
143
porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre
public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des
personnes »192 ;
- Les choses dont le commerce est réduit ou restreint pour des raisons de santé
publique, comme les substances vénéneuses ou les animaux atteints de maladies
contagieuses…
- Les fonctions publiques.
On a considéré pendant longtemps que les clientèles civiles, à la différence des
clientèles commerciales toujours cessibles, étaient incessibles. Avec l’évolution,
pratiquement toutes les clientèles civiles, c’est-à-dire celles des professions libérales,
sont cessibles.
192
Ass. plén., 31 mai 1991, Association Alma Mater, Dalloz 1991, 417, rapport Chartier, note D. Thouvenin ;
Les grands arrêts de la jurisprudence civile de Henri Capitant, 10e éd., par F. Terré et Y. Lequette, Dalloz,
1994, p. 224 à 232. La première décision dans le même sens sur une affaire similaire est la suivant : Civ. 1ère,
13 décembre 1989, Dalloz 1990, 273, rapport Massip.
193
Le contrat de franchisage est celui par lequel le titulaire d’un signe distinctif, généralement déposé à titre
de marque, en l’occurrence le franchiseur, en concède l’usage à un commerçant indépendant, le franchisé,
auprès duquel il assume une fonction de conseil et d’assistance commerciale, moyennant le paiement d’une
redevance sur le chiffre d’affaires du franchisé ainsi que son engagement de s’approvisionner en tout ou en
partie auprès du franchiseur ou de tiers déterminés et de respecter un certain nombre de normes tant pour
l’implantation que pour la gestion du point de vente.
194
Ass. plén., 1er décembre 1995 (4 arrêts) : Bull. Ass. Plén., n° 7, 8 et 9 ; Dalloz 1996, 17, conclusions Jéol,
note Laurent Aynès ; JCP, 1996, éd. G, II, 22 565, note Ghestin ; éd. E, II, note L. Leveneur ; RTD Civ.,
1996, p. 153, note J. Mestre.
195
Pour plus de développements, voy. Antomattei P.-H. et Raynard J., Droit civil, Contrats spéciaux, LITEC,
n°s 36 et 120.
144
discrimination, intention de nuire. Le fait que le prix soit élevé, même par rapport à
celui du marché, ne suffit pas à le caractériser196.
B- L’objet du contrat
Il s’agit de l’opération juridique que les parties entendent réaliser. Cet objet doit
être licite et respecter l’ordre public et les bonnes mœurs. Aux termes de l’art. 6 du
Code civil, « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui
régissent l’ordre public et les bonnes mœurs ».
S’agissant de l’ordre public, on distingue l’ordre public classique et l’ordre
public économique.
146
que des circonstances postérieures au contrat viennent rendre l’exécution de celui-ci
plus onéreuse pour une des parties que celle-ci ne l’avait prévu.
La question est de savoir, dans l’hypothèse où celui qui a subi la lésion n’a pas
eu l’intention de faire une libéralité, si cette lésion peut faire obstacle à la formation du
contrat. Le Code civil semble donner une réponse négative dans l’art. 1118 pour qui
« la lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines
personnes ». C’est dire que le législateur ne retient la lésion que dans des cas
exceptionnels mais la jurisprudence s’est efforcée d’élargir le domaine de la lésion. Se
posent également la question du fondement et celle des sanctions de la lésion.
198
A. Weill et F Terré, op. cit., n° 199.
199
Papier-monnaie créé sous la Révolution française et dont la valeur était assignée sur la valeur des biens
nationaux.
147
L’action en rescision doit être intentée dans les deux ans suivant le jour de la
vente (art. 1676). Ce délai est préfix.
L’acheteur peut éviter la nullité du contrat en payant le supplément du juste prix
sous la déduction du dixième du prix total (art. 1681).
Par ex. si un bien valant 24 000 000 F a été vendu à 8 000 000 F, la lésion
s’établit à 16 000 000 F et excède les 7/12 (16/24 = 8/12). Si l’acheteur veut garder
l’immeuble, il lui suffit de payer 16 000 000 F – 1/10 x 24 000 000 F = 13 600 000 F.
Le problème se complique lorsque la valeur réelle du bien a augmenté entre le
jour de la vente et le jour du rachat de la lésion. Sur quelle base calculer le
supplément que devra l’acheteur ? La Cour de cassation fr. a décidé que le supplément
à payer par l’acheteur pour éviter la rescision devait être calculé sur la valeur de
l’immeuble au jour du versement de ce supplément. Le complément doit en effet être
juste ; or il ne peut en être ainsi que s’il est suffisant et correspond au jour du
versement à la valeur de l’immeuble que le contrat lésionnaire n’a pas permis
d’acquérir ; en décider autrement laisserait, en fait, subsister la majeure part de la
lésion que la loi, en ce cas, a entendu proscrire200. En d’autres termes, il faut
déterminer la lésion au jour du contrat et appliquer la proportion qu’elle représente à la
valeur actuelle du bien.
200
Civ., 1ère sect. Civ., , 7 juin 1966, Dalloz 1966, 629, rapport du conseiller Ancel, qui affirme que le
supplément que doit payer l’acheteur pour échapper à la restitution de l’immeuble correspond non à la valeur
vénale de l’immeuble au moment où il a été vendu, mais à sa valeur réelle à l’époque où doit intervenir ce
règlement complémentaire. Voy. sur les modalités de calcul : Civ. 3e, 22 janvier 1970, RTD civ. 1970, 788,
obs. Cornu.
201
Civ. 3e, 4 déc. 1973, RTD civ. 1974, 431, obs. Cornu.
202
La somme à payer pour racheter la lésion, lorsqu’il n’y a pas eu de variation depuis la vente, est déterminée
comme suit :
(PT – PP) + (PT – PP)ti – PT x 1/10.
PT = prix total ; PP = prix payé ; ti = taux d’intérêt légal au jour de la demande.
148
de l’immeuble vendu, l’acheteur ne court aucun risque puisque le loyer permet de
payer la rente. Il n’y a aucun aléa dans ce cas204. La jurisprudence considère alors que
ce contrat est annulable, non pas d’ailleurs pour lésion mais pour absence de cause. Il
en est de même dans les cas où l’état de santé ou l’âge du vendeur étaient tels que
l’acheteur n’encourait aucun risque.
Il faut mentionner comme autre cas de lésion le partage (art. 888 du Code civil
et 855 du CPF qui fait état d’action en rectification, ouverte, entre autres, à l’héritier
qui établit qu’il a subi un préjudice de plus du quart dans l’évaluation des biens
compris dans son lot)205. La maxime affirme que l’égalité est l’âme des partages).
b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil
Tout au long du 19e siècle, le législateur est resté, comme le Code civil, assez
hostile à la lésion. Le 20e siècle s’est montré plus ouvert à la lésion sous l’influence
des crises économiques, de l’instabilité de plus en plus grande des valeurs ainsi que de
doctrines plus favorables à l’intervention du législateur et du juge dans les rapports
contractuels.
Au titre des lois postérieures, on note, entre autres :
- l’admission de la rescision pour lésion pour les majeurs sous la protection de
la justice (loi du 3 janvier 1968 en France ; CPF de 1989, art. 636, al. 2) ;
- la loi du 8 juillet 1907, modifiée par celle du 10 mars 1937 et du 13 juillet
1979, admettant la lésion de plus d’un quart au profit de l’acheteur d’engrais, de
semences ou de plants destinés à l’agriculture, lequel peut obtenir une réduction du
prix et des dommages-intérêts ;
- la loi du 11 mars 1957, qui a prévu la rescision pour lésion de plus de 7/12 e au
profit de l’auteur d’une œuvre littéraire et artistique ; la loi burkinabè sur le droit
d’auteur reprend la même règle206 ;
- des textes spécifiques sanctionnent la lésion dans les prêts d’argent et dans les
ventes à tempérament, à travers l’incrimination de l’usure ;
- il arrive que le législateur prenne des mesures préventives contre des
opérations qui pourraient être lésionnaires : interdiction de la vente à la boule de neige,
de la pratique des prix discriminatoires, de l’utilisation de clauses abusives… ; ce
genre de lois est souvent assorti de sanctions pénales et les contrats concernés sont
frappés de nullité absolue.
203
Selon la Cour de cassation fr. (Req. 6 mai 1946, Dalloz 1946, 287), le caractère aléatoire des conditions
d’une vente immobilière s’oppose à ce qu’un tel contrat puisse faire l’objet d’une rescision pour lésion de plus
de sept douzièmes, en l’espèce un bail à nourriture).
204
Civ. 3e, 10 juin 1998, Bull. civ. III, n° 125.
205
Concrètement, si une succession composée de biens en nature de 100 Millions doit être partagée entre deux
héritiers, la part de chacun doit être de 50 millions. Le quart de la part de chaque héritier est de 12,5 millions.
Cela veut dire que si la valeur réelle de la part reçue par l’un des héritiers est inférieure en valeur aux ¾ de 50
millions, soit 37,5 millions, il pourra invoquer la lésion.
206
Loi n° 32-99/AN du 22 décembre 1999 portant protection de la propriété littéraire et artistique, promulguée
par le décret n° 2000-53 du 21 février 2000. Selon l’article 55 de cette loi, « en cas de cession du droit
d’exploitation, lorsque l’auteur a subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une
prévision insuffisante des produits de l’œuvre, il pourra provoquer soit la rescision du contrat, soit la révision
des conditions de prix du contrat ».
149
Il faut signaler que le Projet d’Acte uniforme de l’OHADA sur le droit des
contrats prévoit une prise en compte généralisée de la lésion si certaines conditions
sont réunies207.
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion
Liée par les termes très nets de l’art. 1118 du Code civil, la Cour de cassation
française a affirmé que les juges n’ont pas le droit, en dehors des cas prévus par les
textes, de rétablir l’équivalence des prestations en augmentant celle d’un contractant
ou en diminuant celle de l’autre ou en annulant les contrats comme étant léonins. Elle
se fonde sur la nécessité d’assurer la sécurité générale des affaires. Néanmoins, la
jurisprudence a recouru à divers moyens pour combler les insuffisances du Code civil
afin de modifier ou d’annuler les contrats lésionnaires.
L’une des interventions les plus importantes est relative à la réduction des
honoraires des membres des professions libérales (avocats, notaires, huissiers, experts
comptables, médecins…) lorsque les honoraires paraissent manifestement excessifs au
regard de la prestation fournie par le professionnel. Cette solution d’équité peut
trouver son fondement dans l’insuffisance de cause.
Le contrat de révélation de succession par lequel un généalogiste s’engage
moyennant rémunération à révéler à un héritier une succession qu’il ignore a pu être
annulé s’il s’avère que l’héritier devait nécessairement connaître la succession qui lui
est advenue.
L’absence ou l’insuffisance de cause a permis à la jurisprudence d’atteindre les
ventes d’immeubles consenties moyennant une rente viagère dont les arrérages sont
inférieurs ou égaux aux revenus de l’immeuble, de sorte que l’acheteur n’a aucun
effort à fournir : il acquiert en quelque sorte l’immeuble sans bourse délier.
207
L’article 3/10 (avantage excessif) du projet est ainsi libellé :
1) La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une partie
lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage excessif à
l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération:
a) le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse
économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de
l’inaptitude à la négociation de la première; et
b) la nature et le but du contrat.
2) Le tribunal peut, à la demande de la partie lésée, adapter le contrat ou la clause afin de le rendre
conforme aux exigences de la bonne foi.
3) Le tribunal peut également adapter le contrat ou la clause à la demande de la partie ayant reçu une
notification d’annulation pourvu que l’expéditeur de la notification en soit informé sans tarder et qu’il n’ait
pas agi raisonnablement en conséquence. Les dispositions du paragraphe 2 de l’article 3/15 sont alors
applicables.
150
ne vicie les conventions qu’à l’égard de certains contrats ou à l’égard de certaines
personnes.
Dans une deuxième conception, on ne se préoccupe pas du consentement, on va
simplement évaluer les prestations des parties et la lésion sera seulement admise dans
certaines hypothèses parce qu’il faut protéger la sécurité des transactions.
A l’analyse, il n’est pas possible d’adopter la première conception. En effet, si
la lésion faisait présumer un vice de consentement, le législateur aurait admis la lésion
dans tous les contrats puisque l’erreur, le dol et la violence sont des causes de nullité
pour tous les contrats. La deuxième conception semble donc préférable.
2) La position de la jurisprudence
Dans un premier temps, la jurisprudence a cherché la preuve d’un vice de
consentement même quand le déséquilibre requis était patent. Mais elle a opéré un
revirement le 28 décembre 1932208. Dans les hypothèses où le législateur admet la
lésion, il n’y a pas à prouver un vice de consentement. C’est donc la conception
objective qui l’emporte en droit positif.
Section IV : La cause
La cause est régie par trois articles du Code civil : 1131, 1132 et 1133. Aucun
de ces articles ne donne une définition de la cause. Il convient d’aborder
successivement la notion, la fonction et la preuve de la cause.
§ I : La notion de la cause
En doctrine, la cause a deux significations différentes : la cause abstraite ou
objective ou cause de l’obligation, laquelle s’oppose à la cause concrète ou subjective
ou cause du contrat.
208
C. cass., Requêtes, 28 décembre 1932, DP 1933, 1, 87, rapp. Dumas et Requêtes, 12 mars 1933, DH 1933,
235.
151
A- La notion de cause au sens abstrait
La cause au sens abstrait, ou cause objective ou cause de l’obligation, est la
raison pour laquelle un contractant s’oblige envers un autre et cette raison est
identique pour un même type de contrats.
Ainsi pour les contrats synallagmatiques, chacune des parties s’engage parce
que l’autre partie s’engage. En d’autres termes, l’obligation de chacune des parties sert
de cause à l’obligation de l’autre partie. Par exemple dans la vente, l’acheteur
s’engage à payer le prix parce que le vendeur s’engage à lui livrer la chose et vice
versa.
Dans le contrat unilatéral, la cause de l’obligation de restitution est la remise de
la chose. Dans le prêt ou le dépôt, par exemple, l’emprunteur ou le dépositaire
s’engage à restituer la chose prêtée ou déposée parce que le prêteur ou le déposant lui
a préalablement remis la chose.
Dans les contrats à titre gratuit, la cause de l’obligation du donateur vis-vis du
donataire est l’intention libérale (animus donandi).
Avec cette notion, la cause est la même pour tous les contrats d’une même
catégorie. Il n’y a donc pas de cause illicite ou contraire aux bonnes mœurs. De ce fait,
le juge ne peut opérer un contrôle sur la cause. Or le Code civil décide que l’obligation
qui a une cause illicite est nulle. Pour pouvoir donner un rôle au juge, une seconde
conception a été dégagée.
§ II : La fonction de la cause
La cause est une condition de validité du contrat (C. civ., art. 1108). Sa fonction
précise dépend des deux conceptions ci-dessus évoquées.
152
Si l’obligation de l’une des parties n’a pas de cause, le contrat ne peut se
former. Par exemple, si un contrat de vente est conclue sous la forme d’une rente
viagère, si la rente viagère servie est inférieure ou seulement égale au revenu ou loyer
de l’immeuble, la prestation du crédit-rentier est sans cause parce que la prestation du
débit-rentier n’est pas sérieuse : il acquiert la propriété pratiquement sans bourse
délier. Le crédit-rentier n’a alors aucun intérêt à s’engager.
Quant à la fausse cause, elle se divise en deux branches : la cause erronée ou
imaginaire qui est assimilée à l’absence de cause (une personne se croyant l’auteur
d’un accident s’engage à en réparer les conséquences et s’aperçoit par la suite qu’elle
n’en était pas responsable) ; la cause simulée qui n’entraîne la nullité que si elle est
illicite (la donation déguisée en une vente).
209
Civ. 1ère, 4 décembre 1956, JCP 1957, II,10008, note J. Mazeaud.
210
Civ. 1ère, 7 octobre 1998, Bull. Civ. I, n° 285 et Dalloz 1998, 563.
153
B- La preuve de la licéité de la cause
La cause est présumée licite dans un acte juridique. C’est donc à celui qui
entend se prévaloir de l’illicéité de la prouver211. Mais une fois démontrée la fausseté
de la cause, il incombe au créancier de prouver que sa créance repose sur une cause
licite, et, faute par lui de faire cette preuve, il doit succomber dans ses prétentions212.
Après des divergences doctrinales et jurisprudentielles, on admet la preuve par tous
moyens.
211
Voy. dans ce sens C. cass. fr., Civ. 1ère, 1er octobre 1986, Bull. I, n° 230, p. 230.
212
C. cass. fr., civ. 1ère, 20 décembre 1988, JCP 1989, IV, 71.
154
La formation du contrat requiert la réunion des conditions ci-dessus abordées
relatives à la capacité, au consentement, à l’objet, à la cause et à la forme du contrat.
Quelles sont les sanctions si certaines manquent ?
B- Le fondement de la distinction
Le fondement n’a pas été fixé par le Code civil. C’est la doctrine qui a proposé
un critère en deux temps.
Dans un premier temps, la doctrine a estimé qu’il faut appliquer la nullité
absolue lorsque l’un des éléments de validité du contrat fait défaut et la nullité relative
lorsque l’un de ces éléments a été vicié. Ainsi, on aurait par exemple pour le
consentement : - absence de consentement : nullité absolue ; - vice de consentement
(erreur, dol ou violence) : nullité relative. Mais la jurisprudence n’a pas ratifié cette
distinction. Elle a sanctionné l’absence de consentement seulement par la nullité
relative et l’illicéité de la cause par la nullité absolue.
Dans un second temps, un autre critère a été proposé : il faut rechercher quel est
l’intérêt qui justifie l’énoncé de la condition comme étant essentielle au contrat. Si la
condition a pour but de protéger un intérêt privé, la nullité est relative ; si elle a pour
but de protéger l’intérêt général, la nullité est absolue.
Il faut signaler que l’on parle de nullité textuelle quand la nullité est prévue par
un texte et de nullité virtuelle dans les autres cas. Tel peut être le cas quand la loi exige
une condition, de fond ou de forme, sans dire si son absence entraîne la nullité. La
jurisprudence décide dans un tel cas que la sanction est la nullité si lorsqu’il apparaît
que la condition violée a suffisamment d’importance. Ainsi, de nombreuses nullités
sont virtuelles mais dans certaines matières s’applique le principe pas de nullité sans
texte.
157
Dans ce cas, il faut nécessairement demander la nullité en justice.
Alors se pose la question de savoir qui peut ou doit demander la nullité.
A- La confirmation
La confirmation est un acte unilatéral par lequel celui qui a qualité pour
demander la nullité d’un acte y renonce. Elle a pour effet de couvrir le vice dont cet
acte était atteint. Seules les causes de nullité relative peuvent faire l’objet de
confirmation parce que la nullité est érigée pour protéger un intérêt privé.
En matière de nullité absolue, en principe, on ne peut pas confirmer l’acte nul,
c’est-à-dire renoncer à la nullité parce que c’est l’intérêt général que la nullité veut
protéger. D’ailleurs, si une personne y renonce, les autres titulaires de l’action
pourraient toujours la demander. C’est pourquoi, lorsqu’un acte juridique est atteint de
nullité absolue, les parties au contrat peuvent refaire celui-ci, cette fois-ci sans la cause
de nullité. Ce deuxième contrat prend effet à compter du jour de sa passation tandis
que lorsqu’il y a confirmation, l’acte est valable à compter du jour où le contrat a été
formé à l’origine.
158
Seront sommairement examinés les conditions, les formes et les effets de la
confirmation.
B- La prescription
La prescription est la consolidation d’une situation juridique par l’écoulement
d’un délai. Elle est acquisitive ou extinctive. La prescription extinctive, ici visée, fait
perdre un droit réel ou un droit personnel du fait de l’inaction prolongée du titulaire du
droit. Il y a lieu d’aborder les délais puis les effets de la prescription.
§ I : Le principe
L’acte anéanti ne produit aucun effet. La nullité produit un effet rétroactif,
l’acte étant anéanti non seulement pour le futur mais également pour le passé. Il faut
donc effacer l’effet déjà réalisé, qu’il s’agisse d’une nullité relative ou d’une nullité
absolue. La rétroactivité va entraîner la restitution des prestations.
Mais lorsque le contrat est complexe et qu’une seule des clauses est nulle, la
nullité va-t-elle se restreindre à cette clause ou s’étendre à tout le contrat ? La
jurisprudence a proposé de rechercher si la clause a déterminé les parties à passer
160
l’acte. Dans l’affirmative, tout le contrat est nul. Dans la négative, seule la clause est
nulle et l’on fait alors souvent état de nullité partielle.
C- En raison de la capacité
Lorsqu’un acte est annulé pour incapacité, l’incapable n’est pas obligé de
restituer ce qu’il a reçu mais en quelque sorte seulement ce qui lui reste. Ainsi, selon
l’art. 1312, lorsque les mineurs ou les majeurs en tutelle sont admis, en ces qualités, à
se faire restituer contre leurs engagements, le remboursement de ce qui aurait été, en
conséquence de ces engagements, payé pendant la minorité ou la tutelle des majeurs,
ne peut en être exigé, à moins qu’il ne soit prouvé que ce qui a été payé a tourné à leur
profit.
214
Crim. 7 juin 1945, Dalloz 1946, 149 selon lequel la cause illicite d’une obligation ne fait pas obstacle à
l’action en répétition et la maxime « in pari causa… » est sans application en l’espèce.
215
Rouen, 2 octobre 1973, Dalloz 1974, 378, note le Tourneau, selon qui la convention qui donne naissance à
une obligation dont la cause est illicite est atteinte d’une nullité que tout intéressé peut invoquer, sans que
puisse lui être opposée la maxime « Nemo auditur… ».
216
Civ. 1ère, 27 novembre 1984, Gazette du Palais 1985, 2, 638, note Chabas.
161
Mais la jurisprudence interprète restrictivement cet article. En effet, elle
considère que l’incapable doit restituer en intégralité la prestation si elle a été utile, par
ex. si elle a servi à payer une dette. C’est au cocontractant de l’incapable de rapporter
la preuve de l’utilité du paiement.
En supposant que le contrat est parfait, c’est-à-dire valablement formé, il va
produire des effets, lesquels doivent retenir l’attention.
162
TITRE II : LES EFFETS DU CONTRAT
Le contrat est conclu pour produire des effets : créer, transmettre ou éteindre
des obligations et, parfois aussi, des droits réels : par exemple, la vente entraîne la
transmission du droit de propriété.
Pour connaître les effets particuliers de chaque contrat, il faut savoir ce que les
parties ont réellement voulu, ce qui peut poser un problème d’interprétation (chap. I).
Tous les contrats ont pour effet d’obliger les parties (chap. II) et, si l’une n’exécute pas
ses obligations, certaines conséquences vont en résulter, que l’on regroupe sous
l’appellation de responsabilité contractuelle (chap. III).
217
En Droit public, l’interprétation ne consiste pas seulement à dégager le sens exact d’un texte qui serait peu
clair, mais aussi à en déterminer la portée, c’est-à-dire le champ d’application temporel, spatial et juridique,
ainsi que l’éventuelle supériorité vis-à-vis d’autres normes. C’est grâce à cette étendue de la notion
d’interprétation que la Cour de justice des Communautés européennes a pu poser le principe de la
prééminence du Droit communautaire sur les Droits nationaux internes (Lexique de termes juridiques).
163
1) Lorsqu’une clause est « susceptible de deux sens », l’un permettant de lui
faire produire des effets, alors que l’autre la prive de toute efficacité, on doit plutôt
retenir le premier (art. 1157). Raisonnablement, c’est sans doute ce premier sens que
les parties avaient adopté.
2) Quand deux sens, qui permettent de donner effet à la clause, sont possibles,
on doit prendre celui « qui convient le plus à la matière du contrat » (art. 1158). C’est
évidemment ce sens qui paraît le plus conforme à la commune intention des parties.
3) « Toutes les clauses des conventions s’interprètent les unes par les autres, en
donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier » (art. 1161). Cela veut dire que
les clauses doivent être interprétées non pas isolément, mais par référence à
l’ensemble de l’acte.
4) Afin de déceler la volonté des parties, il faut aussi tenir compte, lorsqu’il en
existe, des usages du lieu où le contrat a été conclu (art. 1159).
5) Si le doute subsiste, l’acte « s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur
de celui qui a contracté l’obligation » (art. 1162).
L’expression « celui qui a stipulé » a deux significations possibles : dans la
conception traditionnelle, cette personne est le créancier, par opposition à « celui qui
a contracté l’obligation », c’est-à-dire le débiteur. Mais la formule est parfois comprise
comme visant celui qui a rédigé l’acte, qui peut être, selon les circonstances, le
créancier ou le débiteur. Quel qu’il soit, on considère alors que l’acte doit s’interpréter
contre lui, puisqu’il lui appartenait de mieux le rédiger.
Dans ce sens, en France, le Code de la consommation (art. L. 133-2, al. 2)
contient une règle semblable au profit des consommateurs : dans les contrats proposés
par les professionnels aux consommateurs, les clauses doivent, en cas de doute, être
interprétées « dans le sens le plus favorable au consommateur ».
6) Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est
conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont
proposé de contracter (art. 1163).
7) Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l’explication de
l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par-là restreindre l’étendue que
l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés (art. 1164).
164
Les juges ne sont pas liés par la qualification que les parties ont donnée au
contrat et ils ont la faculté de lui attribuer sa véritable qualification pour en déduire des
conséquences légales autres que celles envisagées par les contractants.
Le principe est donc que l’interprétation d’un contrat relève du pouvoir
souverain des juges du fond et le pourvoi fondé sur une mauvaise interprétation est
irrecevable. C’est la position constante de la jurisprudence depuis l’arrêt Lubert de la
Cour de cassation fr. du 2 février 1808218.
La justification de ce principe est la suivante : interpréter une clause obscure ou
ambiguë entraîne des recherches de fait, dans lesquelles la Cour de cassation n’a pas à
s’immiscer.
166
Le louage de service fait sans détermination de durée peut toujours cesser par la
volonté d’une des parties contractantes ».
Dans certains contrats à exécution successive, conclus avec l’intuitus personae,
la résiliation unilatérale est possible à tout moment, même si une durée a été convenue
(mandat, art. 2003, dépôt, art. 1944 C. civ.).
Mais, dans tous ces cas, la résiliation doit être faite sans abus, et notamment en
prévenant l’autre partie suffisamment à l’avance (sauf urgence) afin de lui permettre
de prendre ses dispositions.
Quelques textes organisent une faculté de révocation unilatérale au profit de
certains contractants. Par exemple en France, le locataire d’un bail à usage
d’habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 peut résilier le contrat à tout moment, à
condition de donner un préavis trois mois à l’avance par LRAR.
Plusieurs lois destinées à protéger les consommateurs leur accordent un droit de
repentir dans un délai déterminé.
Le cas de la résiliation unilatérale du contrat lorsque l’autre partie n’exécute pas
son obligation sera examiné plus loin.
A- Le principe
Contrairement à la jurisprudence du Conseil d’Etat français, en particulier
l’arrêt Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux du 30 mars 1916, appelé aussi
arrêt Gaz de Bordeaux221, la Cour de cassation interdit aux juges de modifier le contrat
dans le célèbre arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876222.
221
Dalloz 1916.3.25, concl. Chardenet, et Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, par Long,
Weil, Braibant, Delvolvé et Genevois, Dalloz, 12e éd., 1999, 184-192. On y relève le considérant suivant :
« Considérant que par suite du concours des circonstances ci-dessus indiquées (guerre ayant gêné la
production du charbon qui sert à produire l’électricité), l’économie du contrat se trouve complètement
bouleversée ; que la Compagnie est donc fondée à soutenir qu’elle ne peut être tenue d’assurer, aux seules
167
Le principe de l’interdiction de réviser le contrat a pour fondement ou
justifications la force obligatoire du contrat et le souci de préserver la sécurité des
transactions.
Mais plusieurs arguments, de valeur inégale, sont invoqués contre cette
solution.
L’un est tiré de la volonté présumée des parties : elles auraient conclu le contrat
avec la clause sous-entendue qu’il faudrait le renégocier en cas de bouleversement
imprévu des circonstances (clause rebus sic stantibus). Cette interprétation d’une
volonté qui est purement hypothétique est artificielle.
Un autre se fonde sur la théorie de la cause : lorsque l’équilibre des prestations
est rompu, l’obligation, devenue beaucoup plus onéreuse, n’aurait plus de contrepartie
et donc plus de cause. Cependant, le défaut de cause suppose une absence de contre-
prestation réelle et un simple déséquilibre, même important, ne suffit pas. On pourrait
rapprocher cette position du principe selon lequel la lésion n’est pas une cause
d’annulation des contrats.
Un troisième découle de l’obligation pour les parties d’exécuter de bonne foi
les conventions conformément à l’article 1134, al. 3, du Code civil : le créancier qui
exige l’exécution d’une obligation devenue très difficile pour son débiteur manque de
bonne foi.
Malgré ces objections, le principe de l’interdiction de réviser le contrat est
maintenu mais diverses exceptions lui sont apportées.
B- Les exceptions
La révision peut être prévue par le contrat ou autorisée par la loi.
conditions prévues à l’origine, le fonctionnement du service tant que durera la situation anormale ci-dessus
rappelée ».
222
Civ. 6 mars 1876, DP. P. 1876, I, 193, note Giboulot. Les juges du fond s’étaient arrogés le pouvoir de
réviser les redevances dues par les bénéficiaires d’un droit fixé par des contrats datant de trois siècles, sous
prétexte que cette redevance n’était plus en rapport avec les frais d’entretien du Canal de Craponne. La Cour
de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Aix qui avait élevé à 30 centimes de 1843 à 1874, puis à 60 centimes
à partir de 1874, la redevance fixée à trois sols par les conventions de 1560 et de 1567. Pour elle, « dans aucun
cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en
considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des charges
nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ».
168
2) La révision permise par la loi
Les exceptions véritables découlent de lois qui permettent d’imposer une
révision, alors que les parties ne l’avaient pas envisagée. Tel est le cas par exemple
avec :
- les lois spéciales prises pour les périodes de guerre réaménageant les
obligations du débiteur, nées de contrats conclus avant les hostilités ;
- l’art. 1889 C. civ., qui autorise le juge à obliger l’emprunteur d’une chose à la
rendre « s’il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de son bien » ;
- les art. 900-2 et suivants du Code civil français, qui autorisent le juge à
modifier les charges et conditions d’une libéralité, en cas de « changement de
circonstances » rendant l’exécution de la charge « extrêmement difficile » ou
« sérieusement dommageable »223 ;
- la loi du 25 mars 1949, plusieurs fois modifiée, prévoyant une révision
automatique des rentes viagères en fonction d’un taux qui varie selon la date de
naissance de la rente ;
- les textes sur les baux commerciaux (décret du 30 septembre 1953, plusieurs
fois modifié) permettant au juge de réviser, tous les trois ans et si une partie le
demande, le loyer, en fonction de la « valeur locative » du local ; l’AUDCG précise
qu’à défaut d’accord entre les parties, le nouveau loyer est fixé par le juge en fonction
notamment : de la situation de l’immeuble, de sa superficie, de sa vétusté, des prix des
loyers commerciaux pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires (art. 85).
Pour finir, il faut noter que le projet d’acte uniforme de l’OHADA sur le droit
des contrats basé sur les principes d’Unidroit maintient le principe de l’immutabilité
du droit tout en organisant les possibilités de renégociation et de modification du
contrat224.
223
Cette disposition, issue de la loi n° 84-562 du 4 juillet 1984 qui a pour objet la révision des conditions et
charges apposées à certaines libéralités, n’a pas d’équivalent dans le CPF burkinabè.
224
Ainsi, la section 2 intitule « bouleversement des circonstances », qui fait partie du chapitre 6 sur
l’exécution du contrat, comprend les dispositions ci-après :
Article 6/22 (Respect du contrat)
Les parties sont tenues de remplir leurs obligations, quand bien même l’exécution en serait devenue plus
onéreuse, sous réserve des dispositions suivantes.
Article 6/23 (Définition)
Il y a bouleversement des circonstances lorsque surviennent des événements qui altèrent
fondamentalement l’équilibre des prestations, soit que le coût de l’exécution des obligations ait augmenté,
soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué, et
a) que ces événements sont survenus ou ont été connus de la partie lésée après la conclusion du
contrat;
b) que la partie lésée n’a pu, lors de la conclusion du contrat, raisonnablement prendre de tels
événements en considération;
c) que ces événements échappent au contrôle de la partie lésée; et
d) que le risque de ces événements n’a pas été assumé par la partie lésée.
Article 6/24 (Effets)
1) En cas de bouleversement des circonstances, la partie lésée peut demander l’ouverture de
renégociations. La demande doit être faite sans retard indu et être motivée.
2) La demande ne donne pas par elle-même à la partie lésée le droit de suspendre l’exécution de ses
obligations.
169
§ III : L’obligation d’exécuter de bonne foi les contrats
Cette obligation est formulée dans le 3e alinéa de l’art. 1134 : les parties doivent
faire preuve de loyauté et de coopération, c’est-à-dire mettre tout en œuvre pour
respecter l’économie du contrat.
A- L’obligation de loyauté
La loyauté implique :
- de la part du débiteur, une exécution conforme à son engagement et à la
probité, et,
- de la part du créancier, l’absence de manœuvres qui rendraient plus difficile
l’exécution de la prestation de l’autre partie ; comme exemple de déloyauté du
créancier, on peut noter ceci : dans un contrat de bail, une clause prévoit la résolution
de plein droit pour non-paiement des loyers après une sommation de payer, restée
infructueuse ; si le bailleur envoie cette sommation en juillet ou en août, en sachant
que le locataire est en vacances, il n’exécute pas de bonne foi la clause du contrat ;
lorsque la clause résolutoire a été mise en œuvre de mauvaise foi, elle ne produit pas
d’effet.
B- L’obligation de coopération
La coopération implique l’obligation pour chaque partie d’agir au mieux des
intérêts de son cocontractant, et notamment le devoir de lui donner les informations
qu’il a intérêt à connaître au sujet de l’exécution du contrat. Cette obligation
contractuelle d’information, relative à l’exécution du contrat, est à distinguer de
l’obligation pré-contractuelle de renseignements.
La jurisprudence a mis à la charge de chacun des contractants une obligation
d’informer l’autre en fonction du type de contrat et de la personne qui en est tenue.
Elle pèse plus lourdement sur les personnes qui ont des connaissances, et notamment
les professionnels.
Divers textes précisent les informations que certains contractants doivent
fournir : par exemple, la législation sur les baux impose au bailleur de donner au
locataire divers renseignements.
La loi française du 18 janvier 1992 renforçant la protection des consommateurs
a exigé du professionnel la communication de renseignements, p. ex. :
- le vendeur de biens meubles doit indiquer la période pendant laquelle il est
prévisible que les pièces indispensables à l’utilisation du bien seront disponibles sur le
marché (art. L. 111-2 C. consom.) ;
- le vendeur de meubles ou celui qui doit fournir une prestation de service est
tenu, lorsque l’exécution de son obligation n’est pas immédiate, d’indiquer la date
3) Faute d’accord entre les parties dans un délai raisonnable, l’une ou l’autre peut saisir le tribunal.
4) Le tribunal qui conclut à l’existence d’un cas de bouleversement des circonstances peut, s’il
l’estime raisonnable:
a) mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe; ou
b) adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations.
170
limite d’exécution (art. L. 114-1 C. consom.) ; si le dépassement de la date prévue
excède 7 jours, le consommateur peut dénoncer le contrat par LRAR.
A- Le cas de la représentation
La représentation est le mécanisme par lequel une personne – le représenté –
fait conclure un contrat pour son compte par un intermédiaire ou représentant.
C’est une technique très utile qui permet la conclusion de contrats au nom d’une
personne qui n’est pas présente ou qui est incapable. Seul le représenté est partie au
contrat.
La représentation a déjà été abordée plus haut à propos de la capacité.
L’on peut re-préciser brièvement les conditions et les effets de la représentation.
1) Les conditions
En premier lieu, le représentant doit avoir le pouvoir d’engager les biens
d’autrui. Ce pouvoir peut découler :
- de la loi, par exemple, le tuteur peut engager les biens de l’incapable ;
171
- d’un jugement, p. ex., un époux peut se faire habiter en justice à représenter
son conjoint hors d’état de manifester sa volonté (art. 302 du CPF ou 219 C. civ. en
France) ;
- d’un contrat, appelé mandat : par ce contrat, une personne - le mandant -
charge son cocontractant - le mandataire - qui accepte cette mission, d’accomplir pour
elle et en son nom, un ou plusieurs actes juridiques, à des conditions plus ou moins
précises (par exemple, mandat de vendre, d’acheter, etc.).
En second lieu, le représentant doit avoir l’intention d’agir pour le compte du
représenté.
2) Les effets
Ils varient en fonction du caractère parfait ou imparfait de la représentation.
Le représentant peut agir au nom et pour le compte du représenté. La
représentation est dans ce cas parfaite, car elle produit immédiatement tous ses effets :
- le contrat conclu par représentation crée des droits et des obligations à l’égard
du représenté ;
- il n’en produit aucun envers le représentant qui, par rapport à ce contrat, reste
un tiers ; mais si le représentant a dépassé ses pouvoirs, il est personnellement tenu des
obligations qu’il a souscrites en dehors de sa mission.
Le dépassement des pouvoirs sera aussi opposable au représenté en cas de
mandat apparent, c’est-à-dire lorsque le cocontractant pouvait croire légitimement,
compte tenu des circonstances, à la réalité des pouvoirs du représentant.
Le représentant peut agir pour le compte du représenté mais en son nom
personnel : la représentation est alors imparfaite (contrat de commission, p. ex.). Ses
effets se déroulent en deux temps : d’abord, seul le représentant est partie au contrat ;
ensuite, il doit transférer ses droits au représenté qui devient partie.
172
Deux événements peuvent causer cette transformation : le décès de l’une des
parties ou la cession du contrat.
2) La cession de contrat
La cession de contrat peut provenir d’un accord de volonté entre le cédant et le
cessionnaire ou résulter de la loi. Ex. de cessions imposées par la loi :
- l’acquéreur d’un immeuble loué est tenu de respecter le bail (art. 1743 C.
civil.) ;
- l’acquéreur d’une entreprise est lié par les contrats de travail en cours (Code
du travail, art. 95 pour le Burkina et L. 122-12 C. pour la France).
Le cessionnaire est substitué au cédant, c’est-à-dire qu’il recueille ses droits et
assume ses obligations.
173
autre société avait commandés225. De même, le bénéficiaire d’une stipulation pour
autrui ne peut se prévaloir d’une clause compromissoire liant uniquement le stipulant
au promettant226.
Cela signifie notamment que les parties peuvent opposer le contrat au tiers et
que le tiers a la faculté d’invoquer le contrat.
225
C. cass. fr., Civ. 1ère, 15 février 2000, Bull. Civ. I, n° 47.
226
C. cass. fr., Com. 4 juin 1985, Bull. Civ. IV, n° 178.
174
est donc opposable à ou par l'acquéreur, suivant que le fonds acquis est le fonds
dominant, c’est-à-dire le fonds au profit duquel est établie une servitude, ou le fonds
servant.
2ème situation : Le régime du droit de créance est plus délicat. Il est
généralement admis que ce droit se transmet à l’ayant cause lorsqu’il est attaché à la
chose et en constitue un accessoire. Par ex., en cas de ventes successives, le droit pour
un acquéreur de mettre en œuvre la garantie due par son vendeur passe au bénéfice du
sous-acquéreur. L’ayant cause peut ainsi se prévaloir des droits, réels ou personnels,
qui sont des accessoires du bien transmis.
3ème situation : En revanche, les obligations nées sur la tête de l’ancien
propriétaire ne se transmettent pas en principe à des ayants cause à titre particulier,
puisque ceux-ci ne peuvent pas devenir débiteurs sans leur consentement. Par
exemple, si l’ancien propriétaire qui avait chargé un tiers d’effectuer des réparations
sur la chose vendue ne les a pas payées, sa dette n’est pas transmise à l’acquéreur du
bien, sauf stipulation contraire dans le contrat de vente. Exceptionnellement, la loi
impose la transmission de droits et d’obligations à un ayant cause à titre particulier :
ainsi les droits et obligations résultant d’un bail se transmettent à l’acquéreur de
l’immeuble (art. 1743 C. civ.), ceux qui découlent de contrats de travail à l’acquéreur
de l’entreprise (art. L. 122-12 C. trav. fr. et art. 95 du Code du trav. burkinabè227).
§ III : Les contrats destinés à produire des effets à l’égard des tiers
Dans certains domaines (droit du travail, baux d’habitation), des accords
collectifs s’appliquent à des personnes qui ne les ont pas conclus et leur attribuent des
droits et des obligations. Il en est ainsi en particulier des conventions collectives du
travail.
En dehors des accords collectifs, il est possible de conférer par contrat un droit à
un tiers, ce qui valide la stipulation pour autrui, mais non de lui imposer une
227
Loi n° 028-2008/AN du 13 mai 2008 portant Code du travail. Selon l’art. 91, al. 1, « s’il survient une
modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, reprise sous une nouvelle
appellation, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au
jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
175
obligation, d’où il résulte l’interdiction de la promesse pour autrui. Toutefois, l’on
peut se porter fort qu’un tiers s’oblige.
176
- le contrat conclu entre l’administration d’un hôpital et un centre de transfusion
sanguine comporte une stipulation au profit des personnes transfusées, leur
garantissant la pureté du sang.
Troisièmement, la stipulation pour autrui doit avoir pour support un contrat
valablement conclu entre le stipulant et le promettant (contrat quelconque : assurance,
vente, donation, bail, etc.).
Quatrièmement, le tiers bénéficiaire doit être désigné ou du moins déterminable,
comme c’est le cas d’une assurance sur la vie au profit d’un enfant à naître. Si la
personne ne peut pas être déterminée, la stipulation tourne au profit du stipulant (ou de
ses héritiers).
Cinquièmement, le contrat doit conférer au tiers un droit, ou un avantage
quelconque. Pendant longtemps, on a considéré que la stipulation pour autrui ne
permettait pas, même accessoirement, de faire peser une obligation sur le tiers. Puis la
Cour de cassation a décidé, le 8 décembre 1987, que « la stipulation pour autrui
n’exclut pas, dans le cas d’acceptation par le bénéficiaire, qu’il soit tenu de certaines
obligations ». Le tiers pourra donc être tenu d’obligations, à condition qu’il les
accepte. En ce cas, il accepte en même temps le droit qui lui est attribué et les
obligations qui l’accompagnent. Par exemple, le tiers désigné comme bénéficiaire
d’une donation peut être lié, s’il accepte la stipulation, par la clause lui interdisant
d’aliéner ou de morceler le terrain qui lui a été donné. L’acceptation du bénéficiaire
joue toutefois, à propos de l’obligation, un rôle différent : alors qu’elle ne fait que
consolider son droit déjà né, elle est indispensable à l’existence même de l’obligation
mise à sa charge.
177
- Comment ? L’acceptation peut être expresse ou même tacite, dès lors qu’elle
n’est pas équivoque.
- Effets : à partir de l’acceptation, la stipulation devient irrévocable.
228
C. cass. fr., civ. 3e, 13 juin 1969, Bull. Civ. III, n° 251 (le locataire principal est tenu de la même manière
que s’il occupait lui-même les lieux).
178
consente (obligation de moyens). Celui qui a promis ses bons offices n’est donc
responsable que si sa faute est prouvée.
Si le tiers s’engage, c’est-à-dire ratifie le contrat, deux conséquences en
découlent :
- La première conséquence est que le promettant a exécuté son obligation. Sauf
clause contraire, il s’est seulement engagé à ce que le tiers consente, donc il n’est pas
responsable si ce tiers, après avoir accepté, n’exécute pas son obligation.
- La deuxième conséquence tient en ce que le tiers est rétroactivement engagé
dès le jour où le contrat de porte-fort a été conclu : c’est par cette rétroactivité que, de
façon très atténuée, la promesse de porte-fort déroge au principe de l’effet relatif des
contrats.
La simulation pose un problème différent avec un contrat officiel destiné aux
tiers et un contrat secret liant les parties.
§ I : La notion
La simulation peut être définie comme l’opération par laquelle les parties
conviennent de cacher leur accord réel, appelé contre-lettre, derrière un acte
apparent. C’est donc un accord entre cocontractants tendant à faire croire à
l’existence d’une convention (acte apparent ou simulé) ne correspondant pas à leur
volonté véritable, exprimée par un autre acte, celui-ci secret, dénommé contre-lettre.
179
- l’acte secret doit être contemporain de l’acte apparent ; si les parties font un
acte postérieur, c’est un acte qui modifie l’accord antérieur, et non une contre-lettre ;
- l’acte apparent ne doit pas révéler l’accord secret, sinon il n’y aurait pas de
véritable simulation.
Relativement à la preuve, la contre-lettre est un accord de volontés, donc les
règles de preuve des actes juridiques lui sont applicables et un écrit est en principe
nécessaire conformément à l’art. 1341 du Code civil.
Parfois, la loi établit des présomptions de simulation. Par exemple, certaines
personnes sont incapables, dans des conditions déterminées, de recevoir des libéralités.
Si la libéralité a été adressée à un proche parent de l’incapable (acte apparent), elle est
présumée avoir été faite à personne interposée, c’est-à-dire, en réalité, au profit de cet
incapable (acte secret). On note dans ce sens l’article 911 ainsi que l’art. 1100 du Code
civil concernant les libéralités entre époux.
§ II : La validité
Il faut aborder le principe de la validité et les cas de nullité.
A- Le principe de la validité
Souvent, la simulation cache une fraude, mais ce n’est pas toujours le cas, d’où :
- la simulation n’est pas en elle-même une cause de nullité : l’acte secret est
valable s’il réunit les conditions de validité des contrats ;
- si l’acte secret ne réunit pas ces conditions, par exemple parce que la cause est
illicite, il est nul et, en principe, l’acte apparent ne produit pas d’effet, puisqu’il ne
reflète pas la volonté réelle des parties.
182
qui ne lui est pas imputable, tel un cas de force majeure ; de là découle le nom
d’obligation de résultat par opposition à celui de l’obligation de moyens.
Il n’est pas toujours facile de savoir si l’obligation est de moyens ou de résultat,
ce qui rend nécessaire la recherche d’un critère.
183
+ Si le créancier a un rôle actif et garde une certaine liberté d’action, le débiteur
n’est tenu que d’une obligation de moyens, comme l’obligation de sécurité de
l’exploitant d’un manège d’équitation ou d’un remonte-pente.
+ Au contraire, la passivité du créancier est un indice de l’obligation de résultat.
Ainsi, la personne transportée dans un avion ou tout autre engin, comme un train, un
téléphérique, etc., sur la maîtrise duquel elle n’a aucun pouvoir, est créancière d’une
obligation de sécurité incombant à l’exploitant et qui est de résultat. Pour la même
raison, celui qui reçoit une transfusion sanguine est créancier d’une obligation de
résultat de la part du centre de transfusion, qui doit fournir du sang non contaminé.
Ces critères sont, à des degrés divers, utilisés par les tribunaux, qui toutefois
qualifient souvent l’obligation de résultat ou de moyens sans donner de justification
précise. De plus, des nuances complexifient la distinction.
a) La force majeure
L’art. 1148 exonère le débiteur lorsque l’inexécution provient d’une force
majeure ou d’un cas fortuit.
184
On distingue parfois le cas fortuit, qui serait un événement interne à l’activité
ou à l’entreprise du débiteur, par exemple l’incendie de ses locaux, de la force majeure
qui lui serait totalement étrangère, par exemple un tremblement de terre, mais en
général, la jurisprudence n’opère pas cette distinction, et les deux expressions sont
souvent employées comme synonymes.
La force majeure peut être un événement de la nature ou le fait d’un tiers, y
compris l’administration. On parle dans ce dernier cas de fait du prince.
Il convient de déterminer ses caractères puis ses effets.
- Le caractère imprévisible
L’imprévisibilité s’apprécie au jour de la conclusion du contrat par référence à
la prévoyance d’un homme raisonnable : la jurisprudence parle couramment
d’événements « normalement imprévisibles ». Mais tout dépend des circonstances, par
exemple une intempérie était prévisible, mais non sa violence.
- Le caractère extérieur
Cette condition est plus controversée.
L’événement doit être extérieur, en ce sens qu’il n’est pas imputable au débiteur
ni aux personnes dont il doit répondre : par exemple, le débiteur n’est pas exonéré
lorsque son employé a commis une faute, même imprévisible et irrésistible.
Mais souvent la jurisprudence adopte une conception très large de l’extériorité
ou même ne l’exige pas, par exemple :
+ la maladie est « interne » au débiteur (sauf à admettre qu’elle a été causée par
un agent extérieur) mais elle constitue souvent un cas de force majeure, si les deux
autres conditions sont réunies ;
+ le chômage du débiteur ; la même analyse lui est applicable ;
185
+ la grève au sein de l’entreprise du débiteur est « interne », mais la
jurisprudence y voit un cas de force majeure, notamment si elle a des causes
extérieures à l’entreprise (critique de la politique sociale du gouvernement, par
exemple).
b) Le fait du créancier
Le fait du créancier – fautif ou non – exonère totalement le débiteur lorsqu’il a
été la cause exclusive de son dommage ; par exemple, le client d’un manège forain
commet une imprudence qui est la seule cause de l’accident
La faute du créancier peut avoir concouru, avec celle du débiteur, à la
réalisation du dommage : le débiteur est alors partiellement exonéré, et un partage de
responsabilité est prononcé. Mais dans ce cas, seule la faute du créancier est prise en
compte. Le fait non fautif qui n’aurait contribué que pour partie à la réalisation du
dommage n’a pas d’incidence sur la réparation.
c) L’absence de faute
Si l’obligation est de résultat, le débiteur est responsable même lorsqu’il n’a
pas commis de faute : la preuve de l’absence de faute n’a aucun effet exonératoire.
Si l’obligation est de moyens, la responsabilité du débiteur n’est engagée que
lorsque sa faute a été prouvée : l’absence de faute n’est donc pas une cause
d’exonération, c’est tout simplement le défaut d’une condition indispensable à la mise
en jeu de sa responsabilité.
En définitive, la preuve de l’absence de faute n’est une véritable cause
d’exonération que dans les cas de responsabilité fondée sur une présomption de
faute : le débiteur peut s’en dégager en prouvant qu’il a été diligent.
B- Le dommage
L’inexécution n’entraîne pas de plein droit une obligation à réparation : l’article
1147 précise que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages
et intérêts… ». Il faut aussi que le créancier ait subi un dommage.
186
Il y a lieu d’examiner successivement les types de dommages et leur preuve
ainsi que les caractères du dommage.
187
- Le principe : le débiteur ne doit réparer que le dommage qu’il avait pu prévoir
lors de la conclusion du contrat. Cette condition propre à la matière contractuelle est
en général expliquée par l’idée que les conséquences de l’inexécution d’un contrat
dépendent de ce que les parties ont voulu et de ce qu’elles ont pu raisonnablement
prévoir. Si donc le dommage s’étend au-delà de ce qui était normalement prévisible, le
débiteur n’est pas tenu de réparer la fraction qu’il ne pouvait pas prévoir.
D’après la jurisprudence, l’imprévisibilité concerne non la cause du dommage
(car le débiteur ne peut pas prétendre que sa faute était imprévisible), mais son
montant (car il faut qu’il ait une idée de ce à quoi il s’expose s’il cause un dommage
au créancier).
Par ex., si une malle, transportée ou mise en dépôt et contenant des bijoux
précieux, a disparu, le débiteur (transporteur ou dépositaire), qui ignorait son contenu,
doit seulement rembourser la valeur de la malle et des articles que, habituellement et
dans des circonstances analogues, un objet de ce genre contient (l’évaluation ne peut
être qu’approximative et, dans les contrats de transport, elle dépend souvent du poids ;
sur l’étendue de l’indemnité due par un hôtelier, v. par ex. art. 1953 C. civ. qui le rend
responsable du vol ou du dommage causé aux effets du voyageur).
- L’exception
Elle est prévue par l’article 1150 : la réparation s’étend au dommage
imprévisible lorsque l’inexécution provient d’un dol du débiteur. Le dol au sens de
l’art. 1150, c’est la faute intentionnelle commise dans l’exécution du contrat, par
exemple, un refus d’exécution sans raison légitime et en sachant que le créancier va
subir un préjudice.
Le dol dans l’exécution du contrat est à distinguer du dol dans sa conclusion.
La jurisprudence assimile au dol la faute lourde. Concernant la notion de faute
lourde, à la différence du dol, elle n’est pas intentionnelle mais elle est plus grave
qu’une faute ordinaire : c’est une faute grossière, une incurie grave ; par exemple, si
de nombreux vols se sont déjà produits chez un dépositaire, il commet une faute
lourde en ne prenant pas des mesures pour les éviter.
Les tribunaux adoptent parfois une conception plus objective et déduisent la
faute lourde du caractère essentiel de l’obligation violée. Par exemple, la société
chargée de l’édition d’un annuaire commet une faute lourde si elle omet le numéro de
téléphone d’un abonné : le débiteur n’a pas accompli son obligation essentielle.
Comme le dol, la faute lourde entraîne la réparation du dommage même
imprévisible (application de l’adage « culpa lata dolo aequiparatur »).
C- La mise en demeure
La mise en demeure est l’acte par lequel le créancier somme le débiteur
d’exécuter son obligation. Son rôle, sa forme et son domaine appellent des précisions.
a) Le rôle
188
Si, après la mise en demeure, le débiteur n’exécute pas son obligation, sa
carence est établie.
En conséquence, à dater de la mise en demeure :
- le créancier peut réclamer des dommages et intérêts ou, si l’exécution est
encore possible, des intérêts de retard ;
- il peut aussi demander soit la résolution du contrat pour inexécution, soit son
exécution forcée ;
- quand l’obligation a pour objet un corps certain, les risques de la force
majeure sont à la charge du débiteur (art. 1138, al. 2, C. civ.), c’est-à-dire que, si la
chose est détruite par force majeure avant sa livraison, le débiteur qui aurait dû la
livrer ne pourra pas invoquer cet événement pour se libérer.
b) La forme
L’article 1139 du Code civil exige un acte solennel, signifié par un huissier
(sommation, commandement, citation en justice), ou tout acte équivalent, telle une
lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante.
Dans tous les cas, il faut que le créancier manifeste clairement son intention
d’obtenir l’exécution.
En matière commerciale, la mise en demeure peut se faire de manière simplifiée
par lettre recommandée avec accusé de réception.
2) Le domaine
La mise en demeure est tantôt utile, tantôt inutile.
189
- Lorsqu’il faut que le débiteur soit informé de la volonté du créancier d’exiger
l’exécution, soit parce qu’aucune échéance n’avait été convenue dans le contrat, soit
parce qu’il ignore même l’existence ou le montant de sa dette : par exemple, le
propriétaire qui est tenu de supporter la charge de certains travaux sur l’immeuble loué
doit être informé de leur nécessité par le locataire.
§ II : La réparation du dommage
En principe, tout le dommage doit être réparé, ce qui soulève le problème des
modes de réparation et de la réparation par équivalent.
190
Si l’obligation a un caractère personnel, le juge n’a pas la possibilité de
condamner le débiteur à l’exécuter, il peut seulement le condamner à une indemnité
pécuniaire : par exemple, un peintre ne peut pas être condamné à faire ou livrer un
tableau, un écrivain à rédiger un livre.
En revanche, si l’obligation n’a pas ce caractère personnel, le juge peut
condamner le débiteur à l’exécution en nature, p. ex., à livrer la chose vendue, à
restituer une chose déposée, éventuellement sous la menace d’une astreinte
(condamnation à tant de francs par jour de retard). Mais aucune coercition ne doit être
exercée contre sa personne. Aussi, en cas de persistance du refus, l’exécution forcée ne
peut être effectuée que sur les biens du débiteur par la saisie puis la vente de ses biens
dont le prix servira à payer le créancier.
191
Lorsque l’obligation de faire consiste dans l’accomplissement d’une formalité,
notamment la signature d’un acte notarié, il peut être passé outre au refus d’une partie
par une décision de justice qui remplace cet acte.
a) Le montant
Le montant des dommages et intérêts compensatoires doit couvrir la totalité du
dommage réparable, mais ne pas l’excéder.
Exceptionnellement, la loi fixe un plafond de réparation, par exemple, pour
les bagages déposés chez un hôtelier230 ou pour les dommages corporels ou matériels
au cours d’un transport maritime ou aérien.
c) La production d’intérêts
En France, pour inciter le débiteur à un paiement rapide, une loi du 5 juillet
1985 fait produire des intérêts à la créance de réparation (art. 1153-1 C. civ.). C’est
une règle « applicable en toute matière », donc y compris dans le domaine des
obligations contractuelles.
Concernant le point de départ des intérêts, la créance produit des intérêts à
partir du jour du prononcé du jugement, même en l’absence de demande ou de
disposition spéciale du jugement. Toutefois, le juge peut déterminer autrement le point
de départ des intérêts.
Relativement à leur montant, les intérêts : ils sont calculés en fonction du taux
légal. Celui-ci est défini chaque année (il est égal à « la moyenne arithmétique des
douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des
adjudications de bons de Trésor à taux fixe à treize semaines »).
Le taux légal est fixé en fonction du taux des avances de la BCEAO. A titre
d’exemple, en France, il était fixé à 4,26 % pour l’année 2001.
230
Art. 1953, al. 3, C. civ. fr. issu de la loi n° 73-1141 du 24 déc. 1973. L’alinéa 3 est ainsi libellé : « Dans
tous les autres cas, les dommages-intérêts dus au voyageur sont, à l’exclusion de toute limitation
conventionnelle, limités à l’équivalent de 100 fois le prix de location du logement par journée, sauf lorsque le
voyageur démontre que le préjudice qu’il a subi résulte d’une faute de celui qui l’héberge ou des personnes
dont ce dernier doit répondre ».
192
2) Les dommages et intérêts dus en cas de retard dans le paiement d’une
somme d’argent
Le débiteur doit des intérêts de retard ou dommages et intérêts moratoires, qui
sont calculés forfaitairement. Il s’ensuit que le créancier n’a pas à prouver son
préjudice (art. 1153, al. 2, C. civ.).
193
d) L’anatocisme ou capitalisation des intérêts
Les intérêts produisent à leur tour des intérêts, ce que l’on appelle capitalisation
des intérêts ou anatocisme, si cette capitalisation a été demandée en justice et accordée
par un jugement ou décidée par les parties dans une convention spéciale (art. 1154 C.
civ.).
Dans tous les cas, l’anatocisme n’est possible qu’à partir d’une année d’intérêts
échus (art. 1154, in fine).
Dans de rares hypothèses, l’anatocisme se produit de plein droit. Par exemple,
dans une convention de compte courant (par laquelle deux personnes – souvent une
banque et son client – conviennent d’inscrire dans un compte unique toutes les
créances qu’elles acquerront l’une contre l’autre), le solde du compte est de plein droit
productif d’intérêts, à chaque échéance.
194
dommages découlant de la force majeure en général ou de certains cas de force
majeure (par exemple, les art. 1772 et 1773 C. civ. sur les baux à ferme). Ces clauses
sont valables.
Toutefois, dans un souci de protection, en France, le Code de la consommation,
dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, le professionnel, qui
stipule une clause de garantie, doit mentionner clairement que, en tout état de cause, la
garantie légale ne disparaît pas (art. R. 211- 4 C. consom.). Il s’agit d’éviter que, par le
biais d’une clause apparemment avantageuse pour lui, le consommateur ne soit
indirectement privé des règles légales de garantie.
a) Le droit commun
Actuellement, en droit commun, la jurisprudence adopte les règles suivantes :
- En vertu de la liberté contractuelle, ces clauses sont en principe valables.
- Néanmoins, elles ne doivent pas faire échec au principe selon lequel il faut
exécuter de bonne foi les conventions (art. 1134, al. 3). Donc, elles sont inefficaces en
cas de dol (= faute intentionnelle) ou de faute lourde et n’exonèrent donc le débiteur
qu’en cas de faute légère.
- En outre, la clause ne doit pas contredire l’obligation principale du contrat,
sous peine d’être jugée non écrite. Ainsi, une société de transport rapide ne peut se
prévaloir d’une clause limitative de responsabilité si elle effectue la livraison avec
retard.
- La validité des clauses exonératoires ou même limitatives de responsabilité est
toutefois discutée (quelle que soit la gravité de la faute commise par le débiteur),
lorsqu’elles concernent des dommages causés à l’intégrité physique de la personne ;
dans ce cas, les tribunaux les considèrent parfois comme non écrites.
195
b) Les dispositions spéciales
Certains textes tirés du droit comparé prohibent les clauses écartant ou limitant
la responsabilité, par exemple :
- la clause qui, dans le contrat de vente, a pour objet ou pour effet de supprimer
ou de réduire le droit du consommateur à une réparation en cas de manquement par le
professionnel à l’une quelconque de ses obligations (art. R. 132-1 C. consom.) ;
- parfois, seule la clause de non-responsabilité est nulle, par ex. celle qui
exonère le transporteur de marchandises en cas de perte ou d’avarie (art. L. 133-1 C.
com., tel qu’interprété par la jurisprudence).
Il faut souligner, dans le cas de la France, que dans les contrats conclus entre
professionnels et consommateurs, une clause qui allège la responsabilité peut être
déclarée abusive, en application de l’art. L. 132-1 C. consom.
196
somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme
plus forte, ni moindre ». Il en résulte que, au Burkina et dans les pays qui n’ont
pas réformé le Code civil légué pendant la colonisation, le juge ne dispose
d’aucun pouvoir.
Pourtant, bien que la clause soit valable, son application peut être source d’abus,
si elle est disproportionnée par rapport au montant du préjudice réel :
- parfois, elle est trop élevée et sanctionne injustement le débiteur ;
- plus rarement, elle est trop faible et se rapproche d’une clause exonératoire de
responsabilité.
De ce fait, en France, une loi du 9 juillet 1975 accorde au juge le pouvoir de
« modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement
excessive ou dérisoire » (art. 1152, al. 2).
§ I : L’exception d’inexécution
197
L’exception d’inexécution ou exceptio non adimpleti contractus (adimplere =
accomplir) est le droit accordé à chaque contractant de refuser d’exécuter son
obligation tant que l’autre n’accomplit pas la sienne. Par exemple, dans la vente au
comptant, l’acheteur peut refuser de payer le prix tant que le vendeur ne livre pas la
chose et vice versa.
Il faudra préciser les caractères, le domaine, les conditions et les effets de
l’exception d’inexécution.
A- Les caractères
C’est un moyen de pression sur le débiteur et une garantie pour le créancier.
Sa mise en œuvre n’exige pas l’autorisation du juge (c’est une sorte de peine
privée), mais le juge peut être amené ultérieurement à contrôler si l’exception n’a pas
été utilisée abusivement.
L’exception a un caractère provisoire : le créancier suspend provisoirement
l’exécution de son obligation, qui n’est pas éteinte. S’il apparaît que le débiteur
n’accomplira pas sa prestation, il appartient alors au créancier de demander en justice
soit l'exécution forcée, soit la résolution du contrat, avec éventuellement des
dommages et intérêts.
B- Le domaine
Plusieurs articles du Code civil en font des applications particulières, par
exemple au profit du vendeur qui n’a pas été payé (art. 1612) ou du dépositaire qui n’a
pas reçu le salaire convenu (art. 1948).
Sur cette base, la Cour de cassation française a généralisé la technique à tous les
contrats synallagmatiques, en se fondant sur la théorie de la cause : « dans les
contrats synallagmatiques, l’obligation de l’une des parties a pour cause
l’obligation de l’autre, de telle sorte que si l’obligation de l’une n’est pas exécutée,
l’obligation de l’autre devient sans cause et n’a pas à être exécutée »233.
La jurisprudence l’a étendue à tous les cas de relations réciproques nées d’un
contrat ou encore de l’annulation ou de la résolution d’un contrat. Ainsi, elle
s’applique :
- aux contrats synallagmatiques imparfaits ;
- aux restitutions réciproques consécutives à l’annulation ou à la résolution d’un
contrat synallagmatique ; par exemple, après l’annulation d’une vente qui a déjà été
exécutée, chaque partie doit restituer à l’autre ce qu’elle a reçu ; ces obligations de
restitution sont interdépendantes, par conséquent, une partie peut refuser de rendre ce
qu’elle doit si l’autre n’exécute pas son obligation de restitution.
Lorsque le créancier détient la chose d’autrui, le mécanisme tend à se confondre
avec un droit de rétention (droit qui permet au créancier de refuser de restituer une
chose appartenant à son débiteur qui ne le paie pas).
233
Cass. civ., 5 mai 1920, DP 1926. 1.37.
198
C- Les conditions
1° Les obligations doivent être connexes, c’est-à-dire avoir pour source le
même contrat synallagmatique.
2° Les obligations sont à exécuter simultanément.
Par exemple, dans la vente au comptant, l’acheteur est tenu de payer au moment
où le vendeur lui livre la chose, donc si l’un n’exécute pas son obligation, l’autre est
en droit de suspendre l’exécution de la sienne.
Dans les hypothèses où, en vertu du contrat, une partie doit exécuter son
obligation avant l’autre : par exemple, le vendeur à crédit qui doit livrer la chose avant
d’être payé, cet ordre chronologique l’empêche d’invoquer l’exception.
3° Il faut qu’une partie n’exécute pas son obligation, quelle qu’en soit la
cause (faute ou force majeure).
4° Il faut une certaine proportion entre la riposte du créancier, qui suspend
l’exécution de son obligation, et l’inexécution de l’obligation de son débiteur.
L’exception n’est donc offerte qu’au créancier de bonne foi : un contractant n’a
pas le droit de refuser d’exécuter son obligation, si l’inexécution de l’autre partie est
minime ou porte sur une obligation accessoire. Par exemple, le locataire ne peut pas
refuser de payer le loyer lorsque le bailleur n’effectue pas des réparations
d’importance secondaire.
En cas d’inexécution partielle, le créancier est en droit de refuser d’exécuter sa
prestation soit partiellement, soit même totalement, à condition que la riposte ne soit
pas disproportionnée.
Il n’y a pas d’autre condition : une mise en demeure ou une demande en justice
n’est pas nécessaire car l’exception est simplement un moyen défensif qui permet à
une partie de refuser l’exécution lorsque l’autre la réclame.
D- Les effets
Les effets de l’exception sont provisoires : elle entraîne la suspension de
l’exécution de l’obligation. Mais l’obligation doit être exécutée dès que le
cocontractant accomplit la sienne.
Un autre moyen à la disposition du créancier est la résolution pour inexécution.
199
Le droit de demander la résolution découle de l’interdépendance des
obligations, chaque obligation ayant pour cause l’obligation de l’autre.
La résolution produit des effets plus graves que l’exception d’inexécution : en
effet, le contrat est anéanti, d’où le principe de la nécessité d’une décision de justice.
Plus rarement, la résolution du contrat peut être prononcée, également en
justice, en raison d’une mésentente entre les contractants. Tel est le cas en cas de
mésentente grave entre associés (AUDSC, art. 200, 5°).
Appellent des précisions le domaine, l’inexécution, le caractère judiciaire et les
effets de la résolution pour inexécution.
A- Le domaine
La résolution pour inexécution concerne les contrats synallagmatiques,
mais ce principe connaît une extension et des limitations.
En premier lieu, la résolution de certains contrats unilatéraux est
également possible. Par exemple, dans le prêt à intérêts, si l’emprunteur ne paie pas
les intérêts, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital. C’est la
notion de cause qui explique cette extension : le prêteur a, au moment de la formation
du contrat, exécuté sa prestation en remettant la chose (l’argent). La cause de son
engagement réside dans l’engagement de l’emprunteur de payer les intérêts et plus
tard de restituer le capital. Si l’emprunteur ne satisfait pas à son engagement de verser
les intérêts, l’obligation du prêteur n’a plus de cause : le prêteur peut donc exiger la
restitution immédiate de la somme prêtée.
De même, le débiteur qui a remis un bien en gage à son créancier peut en exiger
la restitution quand le créancier en abuse (art. 2082, al. 1er).
En second lieu, la résolution de certains contrats synallagmatiques est
interdite par la loi ou par la jurisprudence pour des raisons diverses :
- la cession d’un office ministériel, car le cessionnaire est investi de la charge
par un acte administratif ;
- certains contrats aléatoires, comme par exemple la rente viagère234, à cause des
difficultés de remettre les choses dans leur état antérieur ;
- le partage, en raison des perturbations qui découleraient de sa résolution et de
la difficulté d’en faire un autre.
B- L’inexécution
Il faut que le débiteur ne satisfasse pas à son engagement, dit l’art. 1184, al. 1,
donc l’inexécution peut être totale ou partielle.
Mais il convient que la gravité de la sanction, à savoir l’extinction du contrat,
soit proportionnée à l’importance de l’exécution, si bien que les juges refusent la
résolution si l’inexécution invoquée est mineure.
La doctrine estime en général que le mécanisme de la résolution judiciaire n’a
été prévu que pour le cas où l’inexécution est imputable au débiteur. Cependant, la
234
Selon l’article 1978 du Code civil, « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise point
celui en faveur de qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital : il n’a que le droit de saisir
et de faire vendre les biens de son débiteur et de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente,
l’emploi d’une somme suffisante pour le service des arrérages ».
200
Cour de cassation a jugé que, l’article 1184 ne distinguant pas entre les causes de
l’inexécution, le mécanisme doit s’appliquer non seulement lorsqu’elle est fautive,
mais aussi quand elle est la conséquence d’une force majeure235.
C- Le caractère judiciaire
Le principe est que le recours au juge est nécessaire. Toutefois, la résolution
peut être non judiciaire.
235
Cass. civ. 14 avril 1891, DP 1891. 1. 329.
201
Pour les contrats fondés sur l’intuitus personae, la raison est que dans ces
contrats la prise en considération de la personne du contractant étant déterminante, il
est normal que la partie qui a placé sa confiance en l’autre puisse résilier l’acte si cette
confiance a disparu. La loi accorde expressément une faculté de résiliation unilatérale
à certains contractants, par exemple, au mandant (art. 2004) et au déposant (art. 1944).
Le droit de rompre unilatéralement peut être exercé pour n’importe quel motif,
mais là encore sans abus.
D- Les effets
En principe, la résolution provoque l’anéantissement rétroactif du contrat, ce
qui peut entraîner des restitutions comme dans le cas de l’annulation examiné plus
haut.
Toutefois, la résolution, comme l’annulation, risque d’affecter les droits des
tiers. En matière mobilière, le sous-acquéreur de bonne foi peut se prévaloir de
l’article 2279 du Code civil pour qui « en fait de meubles, la possession vaut titre ».
Si le contrat est à exécution successive, on ne peut pas effacer certains faits
comme le travail accompli ou la jouissance du local. De là découle un aménagement
202
nécessaire : le contrat est anéanti, mais sans rétroactivité ; on parle alors de résiliation,
c’est-à-dire de l’extinction du contrat seulement pour l’avenir.
A- La position du problème
Lorsqu’un événement de force majeure empêche une partie d’exécuter son
obligation, elle est libérée, mais qu’advient-il de l’obligation incombant à l’autre partie
et dont l’exécution est encore possible ?
Par exemple, avant d’être livrée, la chose vendue périt à cause d’une force
majeure. Le vendeur n’est plus obligé à la livrer, mais l’acheteur doit-il payer le prix ?
C’est le problème dit des risques, car il s’agit de savoir sur qui pèsent les
risques de la force majeure. Ils peuvent peser :
- soit sur le créancier de l’obligation devenue impossible à exécuter en raison de
la force majeure ; il devra alors exécuter la sienne, sans recevoir de contrepartie (selon
la maxime latine res perit creditori : les risques sont pour le créancier – et il faut
préciser car, dans un contrat synallagmatique, chacun est créancier – de l’obligation
qui ne peut plus être exécutée) ;
- soit sur le débiteur qui ne peut pas exécuter sa prestation : il est libéré, mais
l’autre partie, qui pouvait encore accomplir la sienne, n’est plus tenue de le faire (res
perit debitori).
B- Les solutions
Deux situations sont à distinguer.
204
Dans tous les cas, les parties sont libres de régler autrement le fardeau des
risques.
Si l’impossibilité d’exécution due à la force majeure n’est pas définitive, le
contrat n’est pas résolu et son exécution n’est que suspendue :
- le débiteur dont l’obligation ne peut plus être exécutée momentanément n’est
pas libéré : dès que l’obstacle aura disparu, il devra accomplir sa prestation ;
- de son côté, le créancier est dispensé d’exécuter son obligation tant que le
débiteur n’exécute pas la sienne.
205
DEUXIEME PARTIE : L’ENGAGEMENT UNILATERAL DE
VOLONTE
237
Voy. dans ce sens François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis
Dalloz, 9e éd., 2005, n° 50.
238
Mazeaud Henri, Léon et Jean, Chabas, François, Juglart Michel de, Leçons de droit civil, Tome II, 1 er
volume : Obligations : Théorie générale, Editions Montchrestien, 7e éd., 1985, n° 359.
206
Dans la pratique, la thèse de Siegel présente des inconvénients graves. Le
débiteur risque de s’engager sans réflexion suffisante, s’il s’oblige en l’absence d’un
interlocuteur. En outre, le créancier aura les plus grandes difficultés à faire la preuve
d’un tel engagement puisqu’il faudra que le débiteur lui en constitue une et la lui
remette.
Les partisans de la thèse de Siegel prétendent que seul l’engagement unilatéral
permet d’expliquer certaines institutions du droit positif et la question se pose de
savoir s’il en est bien ainsi.
1) L’offre et l’acceptation
La jurisprudence considère que le contrat ne se forme que par l’acceptation et
que l’offre devient caduque par le décès ou l’incapacité de pollicitant. Ces solutions ne
cadrent pas avec l’engagement unilatéral.
Mais la jurisprudence décide que l’auteur de l’offre ne peut pas, sauf à s’exposer
au paiement de dommages-intérêts, révoquer son offre pendant le délai d’acceptation,
à savoir le délai exprès lorsqu’il est stipulé ou même le délai tacite dont les tribunaux
affirment que toute offre est assortie. Les partisans de la théorie de Siegel expliquent
cette solution par un engagement unilatéral du pollicitant. Mais une autre explication
est possible : un avant-contrat se forme entre le pollicitant et le destinataire, en vertu
duquel le pollicitant s’engage à maintenir l’offre pendant le délai. On peut avancer
également comme explication de la position jurisprudentielle l’abus du droit de
révocation.
2) La promesse de récompense
Une promesse de récompense ne peut être révoquée lorsque l’action pour
laquelle récompense est promise a été commencée. Si l’action a été accomplie dans
l’ignorance de la récompense, celle-ci est cependant due. Ces effets de la promesse de
récompense peuvent s’expliquer sans faire intervenir l’engagement unilatéral du
promettant. On peut, en effet, considérer que la personne qui entreprend les recherches
207
accepte tacitement la promesse faite dans son seul intérêt. Ou bien, on peut soutenir
que la cause de la promesse est l’acte que le promettant entend récompenser et peu
importe qu’il ait été accompli avant ou après la promesse. Il suffit, pour que le contrat
se forme, que cette promesse soit acceptée et elle peut l’être à tout moment, même
après l’accomplissement de l’action.
5) Les fondations
Les fondations peuvent être créées en droit allemand par volonté unilatérale en
lui affectant une masse de biens, même par testament. Mais la jurisprudence française
annule toute libéralité consentie à une oeuvre qui n’est pas encore une personne
morale, ce qui rend très difficile la constitution de fondations par testament, ce qui
montre son refus d’admettre la validité de l’engagement unilatéral.
Finalement, la jurisprudence a recours à des explications aussi valables que
l’engagement unilatéral et plus conformes aux concepts du droit français pour rendre
compte des institutions ci-dessus.
Les codes étrangers n’admettent l’engagement unilatéral que dans une mesure
très restreinte et à titre exceptionnel. C'est le cas du Code civil allemand qui, bien que
voyant dans l’engagement unilatéral une source générale d’obligations ne le retient
que dans quelques rares hypothèses qu’il réglemente minutieusement. La Commission
de réforme du Code civil en France n’a pas cru devoir en faire une source
d’obligations. Le projet Catala de réforme du Code civil français de 2005 en fait une
source d’obligations en renvoyant pour son régime aux règles applicables aux contrats.
208
- en droit social : les engagements ou décisions que l’employeur prend : selon la
Cour de cassation, une décision prise par un employeur devant le comité d’entreprise
s’analyse en un simple engagement unilatéral de sa part239 ; l’employeur qui « ne tient
pas l’engagement unilatéral qu’il a pris de limiter le nombre des licenciements pendant
une période déterminée » engage sa responsabilité240 ; des auteurs en concluent qu’en
définitive, « c’est principalement en droit social que la notion paraît recevoir
application »241.
239
Soc., 19 novembre 1977, Bull. civ. V, n° 380.
240
Soc., 25 novembre 2003, JCP 2004, I, 163, n° 6, obs. G. Viney.
241
François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, n° 54.
209
LIVRE DEUXIEME : LES OBLIGATIONS QUELLES
QUE SOIENT LEURS SOURCES (OU LES REGLES
COMMUNES AUX OBLIGATIONS)
Les obligations, se voient appliquer un certain nombre de règles, quelles que
soient leurs sources242 à quelques exceptions près243. Ces règles définissent un régime
assez homogène du rapport d’obligation, que l’obligation découle d’un acte juridique,
bilatéral (contrats) ou unilatéral, ou d’un fait juridique, licite (quasi-contrats) ou
illicite (délits ou quasi-délits), d’une décision du juge ou d’une injonction de la loi.
L’obligation, qui crée un lien entre un créancier et un débiteur, a une existence propre.
Elle a souvent une valeur et constitue de ce fait un bien dans le patrimoine du
créancier.
Il en est ainsi des règles ayant trait :
- à la preuve des obligations : avec la grande distinction entre les faits juridiques
pour lesquels la preuve est libre et les actes juridiques où l’écrit est en principe exigé ;
- aux effets généraux de l’obligation : rapport avec le débiteur (exécution
forcée : mise en demeure, titre exécutoire, droit de gage général, mesures
conservatoires, saisies) ; rapport avec les tiers (action oblique, action paulienne,
actions directes) ;
- aux modalités des obligations liées au facteur temps (terme et condition,
résolutoire ou suspensive) ;
- aux modalités liées à la pluralité d’objets : obligation conjonctive (fournir
cumulativement plusieurs prestations), alternative (deux ou plusieurs prestations au
choix), facultative (l’obligation a un objet unique, mais le débiteur peut se libérer en
exécutant une autre prestation : par exemple, en cas de lésion) ; ou à la pluralité de
sujets : obligations conjointes (une obligation est dite conjointe lorsqu’elle comporte
plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers et se divise entre eux, activement, c’est-à-
dire entre les créanciers, ou passivement, c’est-à-dire entre les débiteurs), obligations
indivisibles, obligations solidaires (solidarité active et passive : L’obligation est
solidaire lorsque, en présence de plusieurs débiteurs ou créanciers, elle ne se divise
pas, en vertu de la volonté des parties ou de la loi, tout en étant divisible par nature),
obligations in solidum ;
- à la transmission de l’obligation : cession de créance, cession de dette, cession
de contrat ;
- à la transformation de l’obligation : novation (c’est l’opération par laquelle
une obligation nouvelle est substituée à l’obligation ancienne), délégation (la
242
On parle aussi de régime général des obligations mais dans ce cas il pourrait s’agir de l’ensemble de la
TGO. C’est le cas du Régime général des obligations au Mali (loi n° 87-31-AN-RM du 29 août 1987, 305
articles au total).
243
Voy., entre autres, sur les règles communes aux obligations :
- François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9 e éd., 2005, n°
1075 et s. où les auteurs traitent de cette question dans le livre de leur ouvrage intitulé « Régime général des
obligations » ;
- Jacques Flour, Jean-Luc Aubert, Yvonne Flour, Eric Savux, Droit civil, Les obligations, 3 : Le rapport
d’obligation, Armand Colin, 3e éd., 2004.
210
délégation est l’opération par laquelle une personne, le délégué, accepte, sur l’ordre
d’une autre, le délégant, de s’obliger au profit d’un tiers, le délégataire) ;
- à l’extinction de l’obligation : par satisfaction directe : paiement, y compris le
paiement avec subrogation (légale ou conventionnelle) ; par satisfaction indirecte :
dation en paiement, compensation, confusion ; ou sans satisfaction : remise de dette,
prescription extinctive.
La plupart des règles afférentes à ce régime général seront brièvement
étudiées244.
On peut les regrouper en abordant :
- celles qui concernent les modalités des obligations ;
- celles qui sont relatives à la transmission ou à l’extinction des obligations ;
- celles ayant trait aux droits du créancier impayé sur le patrimoine de son
débiteur.
244
La question de la preuve relève de l’introduction au droit.
211
TITRE I : LES MODALITES DES OBLIGATIONS
L’obligation peut être pure et simple ou présenter une modalité particulière.
Certaines modalités font intervenir le facteur temps en liant le sort de
l’obligation à un événement futur, soit certain, c’est le cas du terme, soit incertain,
c’est la condition.
D’autres portent sur l’aspect quantitatif de l’obligation qui peut avoir plusieurs
objets ou plusieurs sujets : en ce cas, on dit que l’obligation est plurale.
Section I : Le terme
Le terme peut être défini comme un événement futur mais certain mais dont
dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation.
Après un aperçu sur la variété de termes, on abordera le terme conventionnel
puis le terme de grâce et le moratoire.
212
Le terme peut puiser sa source dans une convention, dans la loi ou dans une
décision judiciaire. Cette distinction est très importante et sert de trame aux
développements suivants.
§ II : Le terme conventionnel
Il résulte de la convention des parties. Ses modalités et ses effets doivent être
précisés.
A- Les modalités
Le terme peut être exprès ou tacite.
Le terme exprès est le terme stipulé dans un acte.
On est en présence du terme tacite lorsque, compte tenu des circonstances,
l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement, par exemple parce qu’elle
suppose l’exécution d’un travail, soit en raison de la distance.
Quant aux bénéficiaires du terme, en général, le terme est stipulé au profit du
débiteur, et la loi (art. 1187) présume qu’il en est ainsi. Toutefois, il peut en être
autrement soit en vertu d’une stipulation du contrat, soit en raison des circonstances.
Ainsi, il est parfois présumé que le terme est stipulé :
- en faveur du créancier : par exemple, en cas de dépôt, le terme est présumé
stipulé au profit du déposant, qui est le créancier de l’obligation de restitution : art.
1944 ;
- ou, plus souvent, au bénéfice des deux parties : par exemple, dans le prêt à
intérêts, le terme est évidemment convenu au profit de l’emprunteur, mais il l’est aussi
en faveur du prêteur qui, grâce à ce délai, touchera des intérêts ; en conséquence, le
débiteur ne peut pas lui imposer un paiement anticipé.
B- Les effets
1) Le terme extinctif
Le terme extinctif est une modalité d’extinction de l’obligation : l’obligation
s’éteint, sans rétroactivité, à l’arrivée du terme ou échéance.
2) Le terme suspensif
Deux périodes sont à distinguer.
213
- s’il s’agit d’une obligation de livrer un corps certain, les risques de force
majeure pèsent sur le créancier de cette obligation, car il est devenu propriétaire du
bien dès le jour du contrat (art. 1138).
Mais l’exécution de l’obligation est différée, d’où :
- le créancier ne peut pas exiger le paiement avant l’échéance ;
- il ne peut pas proposer sa créance en compensation d’une autre dont il serait
redevable envers son créancier, car cette compensation aboutirait à exiger un paiement
immédiat ;
- la prescription contre le créancier ne court pas avant l’arrivée du terme (art.
2257 : « La prescription ne court point… à l’égard d’une créance à jour fixe, jusqu’à
ce que ce jour soit arrivé »).
C- L’extinction
Il existe trois causes d’extinction du terme qui sont l’échéance, la renonciation
au bénéfice du terme et la déchéance du terme, la dernière appelant plus de
développements.
2) La déchéance du terme
La déchéance du terme est une sanction qui frappe le débiteur : il est tenu de
payer immédiatement.
Deux circonstances de portée générale entraînent déchéance du terme (des cas
particuliers se rencontrent aussi en certains domaines, par exemple, en matière d’actes
portant sur un fonds de commerce ou d’effets de commerce).
214
du débiteur, c’est-à-dire lorsqu’une décision de justice constate son insolvabilité. La
déchéance elle-même doit être prononcée par le juge, qui apprécie l’importance de la
diminution des sûretés et les risques qui en résultent pour le recouvrement de la
créance.
215
Le délai de grâce suspend seulement les mesures d’exécution, mais la dette est
échue et exigible. De ce fait, les intérêts continuent à courir de plein droit et la
compensation ci-dessous abordée (art. 1292).
B- Le moratoire
Le moratoire est un délai de grâce accordée par la loi dans des circonstances
exceptionnelles, comme la guerre ou une grève particulièrement longue et
perturbatrice, et à titre temporaire. Les mesures prises sont très variables : le moratoire
peut avoir une portée générale et bénéficier en principe à tous les débiteurs (loi du 5
août 1914), seulement à certaines catégories d’entre eux (mobilisés et prisonniers de
guerre : décret-loi du 1er sept. 1939 ; rapatriés d’Algérie : loi du 11 déc. 1963), ou à
ceux qui sont tenus de certaines dettes (loyers, prix d’un fonds de commerce, en vertu
de divers textes spéciaux).
Section II : La condition
Tout comme le terme, la condition se définit comme un événement futur mais
incertain, à la différence du terme, et dont dépend l’existence même de l’obligation.
La condition comporte deux modalités.
Première modalité : la condition concerne la formation de l’obligation. Elle est
dite suspensive. L’obligation envisagée n’existera vraiment que si la condition se
réalise. Par exemple, une personne fait une donation à une autre, à condition que celle-
ci se marie, ou bien quelqu’un s’engage à acheter un bien mais à condition d’obtenir
un prêt.
Deuxième modalité : la réalisation de la condition entraîne la disparition de
l’obligation. Elle est alors appelée résolutoire, par exemple, une donation qui sera
résolue si le bénéficiaire, c’est-à-dire le donataire, meurt avant le donateur. La
condition résolutoire est plus rare car moins avantageuse sur le plan fiscal : dans les
actes translatifs soumis aux droits de mutation le fisc a tendance à considérer la
réalisation de la condition résolutoire comme une seconde mutation.
Seront brièvement examinés la validité puis les effets de la condition.
§ I : La validité de la condition
La validité de la condition dépend de sa possibilité, de sa licéité et de son
extériorité par rapport au débiteur.
A- La possibilité
La condition est un événement incertain mais encore il faut que sa réalisation
soit possible.
Si la réalisation est impossible dès l’origine :
- la condition est nulle (art. 1172) ;
- la convention elle-même est nulle, mais seulement lorsque la condition était
essentielle dans l’esprit des parties, c’est-à-dire constituait pour elles une cause
impulsive et déterminante.
216
Si la réalisation, qui était possible lors de la conclusion du contrat, ne l’est plus,
la condition devient caduque, et le contrat a le même sort, quand elle était la cause
impulsive et déterminante de l’engagement.
B- La licéité
La condition ne doit pas être contraire à la loi, à l’ordre public ni aux bonnes
mœurs, par exemple, une clause imposant le célibat.
L’illicéité ou l’immoralité entraîne la nullité soit du contrat en entier, soit
seulement de la condition, selon qu’elle a été ou non une cause impulsive et
déterminante pour les parties.
2) La condition potestative
Il résulte de l’article 1170 qu’elle dépend de la volonté d’une partie. L’article
1174 déclare la condition nulle lorsqu’elle est potestative de la part du débiteur. En
revanche, elle est valable lorsqu’elle dépend de la volonté du créancier.
217
appartement sous la condition suspensive que je vende celui dont je suis propriétaire :
une telle condition est valable.
La condition purement potestative est laissée à l’entière discrétion du
débiteur ; par exemple, une clause stipule que l’accord sera non avenu si, dans un délai
déterminé, celui qui a promis d’acheter un bien ne veut plus payer le prix. De telles
conditions sont nulles, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’engagement sérieux245.
Ces distinctions sont quelque peu subtiles mais, en définitive, seules sont nulles
les conditions qui dépendent de la volonté discrétionnaire du débiteur. Les tribunaux
recherchent donc dans chaque cas concret si l’existence de l’obligation est
subordonnée à un fait dont l’accomplissement est à la merci du débiteur.
A- La condition suspensive
Trois situations sont à distinguer.
2) La condition se réalise
L’obligation conditionnelle devient pure et simple.
L’accomplissement de la condition produit un effet rétroactif : le droit du
créancier est censé avoir existé dès le jour du contrat. Par exemple, en cas de vente
sous condition suspensive, l’acquéreur est réputé propriétaire dès le jour de la
conclusion de la vente.
245
Dans la vente d’un immeuble conclue entre un acheteur et un vendeur non propriétaire de l’immeuble au
moment de la convention, mais s’engageant à obtenir du propriétaire actuel une promesse unilatérale de vente,
la condition ainsi mise à la vente est purement potestative, dès lors que le vendeur reste libre d’acquérir ou ne
pas acquérir sans être enfermé dans un quelconque délai (Civ. 3e, 13 octobre 1993, Dalloz 1994, Somm. 231,
obs. Paisant).
218
3) La condition ne se réalise pas
L’obligation est réputée n’avoir jamais existé et le créancier perd le droit
conditionnel qu’il avait.
Toutefois, la condition est réputée accomplie lorsque le débiteur en a empêché
l’accomplissement (art. 1178), par exemple, l’acheteur sous condition suspensive de
l’obtention d’un prêt refuse le prêt qui lui est proposé à un coût normal.
B- La condition résolutoire
Trois situations méritent d’être examinées.
2) La condition se réalise
L’obligation est censée n’avoir jamais existé et le droit du créancier disparaît
rétroactivement.
En conséquence, les droits qu’il avait éventuellement consentis à des tiers sont
rétroactivement anéantis.
220
- l’interruption de la prescription ne profite qu’au créancier qui l’a faite et ne
nuit qu’au débiteur à l’égard duquel elle a eu lieu.
Sauf disposition légale ou stipulation contractuelle contraire, les obligations
plurales sont conjointes. L'obligation conjointe représente donc le droit commun des
obligations plurales. Cependant, elles sont assez rares en pratique et se rencontrent
surtout en cas de décès du créancier ou du débiteur qui laisse plusieurs héritiers : la
créance ou la dette se divise de plein droit entre eux (art. 1220).
Le caractère conjoint de l’obligation est écarté en cas d’indivisibilité, de
solidarité ou en présence d’une obligation in solidum.
A- Les sources
L’indivisibilité est soit naturelle, soit artificielle ou conventionnelle.
L’indivisibilité est naturelle lorsque, en raison de la nature de son objet,
l’exécution de l’obligation ne peut pas être fractionnée. Par exemple, l’obligation de
livrer un animal vivant : l’impossibilité de diviser est matérielle ; l’obligation de ne
pas faire : dans ce cas, la raison s’oppose à la division, puisqu'une abstention ne peut
être partielle.
L’indivisibilité est artificielle ou conventionnelle lorsque l’obligation pourrait
être divisée, comme une somme d’argent, mais elle est rendue indivisible de par la
volonté des parties (art. 1218).
B- Le régime
Il est prévu aux articles 1222 à 1225.
L’exécution de l’obligation ne peut pas être divisée activement ni passivement,
d’où :
1° Si l’indivisibilité est active (plusieurs créanciers), chaque créancier peut
réclamer l’exécution en totalité, et le débiteur qui a tout payé à ce créancier est libéré ;
le créancier qui a reçu le paiement doit remettre à chacun des autres créanciers la part
à laquelle il a droit. Sauf disposition contraire, les droits des créanciers sont égaux.
2° Si l’indivisibilité est passive (plusieurs débiteurs), chaque débiteur est tenu
de payer la totalité ; celui qui a payé le créancier a un recours contre ses codébiteurs.
Sauf disposition contraire, les parts des débiteurs dans la dette sont égales.
3° Puisque l’objet est indivisible (naturellement ou par la volonté des parties),
l’obligation ne se fractionne pas, en cas de décès d’une partie, entre ses différents
héritiers ; par exemple, si un débiteur décède, chacun de ses héritiers est aussi tenu à la
totalité.
4° L’interruption de la prescription produit ses effets à l’égard de tous les
créanciers ou de tous les débiteurs.
221
Le régime de l’obligation indivisible est très proche de celui de l’obligation
solidaire.
A- La solidarité active
La solidarité active est caractérisée par la présence de plusieurs créanciers. Par
exemple, les titulaires d’un compte bancaire joint sont créanciers solidaires de la
banque.
Son régime, fixé par les articles 1197 à 1199, est le suivant :
1° Chaque créancier peut réclamer le paiement de la totalité de la créance.
2° Le débiteur qui a payé est libéré à l’égard de tous les créanciers.
3° La mise en demeure, la demande d’intérêts ou l’interruption de la
prescription faite par un créancier profite aux autres.
4° Le créancier qui a reçu le paiement doit remettre à chacun des autres
créanciers la part à laquelle il a droit. Sauf convention contraire, les parts sont égales.
5° Si l’obligation disparaît à l’égard d’un créancier, par exemple par l’effet
d’une remise de dette qu’il a consentie, le débiteur n’est libéré que pour la part due à
ce créancier.
B- La solidarité passive
La solidarité passive suppose plusieurs débiteurs. C’est une technique très
courante, destinée à éviter au créancier les inconvénients d’une division des poursuites
et à le garantir contre le risque d’insolvabilité d’un débiteur.
Il convient d’en examiner les sources puis le régime.
1) Les sources
Elles sont au nombre de deux : la volonté des parties et la loi.
222
b) La loi
La loi prévoit de nombreux cas de solidarité passive, que l’on justifie par trois
idées principales.
2) Le régime
Le régime de la solidarité passive est prévu par les articles 1200 à 1216 du Code
civil. Il y a lieu de distinguer les effets dans les rapports entre le créancier et les
débiteurs solidaires et les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux.
a) Les effets dans les rapports entre le créancier et les débiteurs solidaires
Il y a les effets principaux et les effets secondaires.
223
a1) Les effets principaux s’expliquent par deux idées directrices : l’unité
d’objet et la pluralité de liens.
Sur le fait qu’il y a unité d’objet, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’une dette,
découlent trois conséquences principales :
- le créancier peut réclamer la totalité de la dette à l’un quelconque des
débiteurs (art. 1203) ;
- le paiement effectué par un seul débiteur libère les autres (art. 1200) ;
- le débiteur poursuivi peut opposer au créancier toutes les exceptions tenant à
la nature, à l’objet ou à la cause de l’obligation (l’illicéité, p. ex.), ainsi que les
événements qui, telle la prescription, l’ont éteinte : c’est ce que l’on appelle les
exceptions communes (art. 1208, al. 1er).
Mais il y a pluralité de liens, c’est-à-dire que chaque débiteur est tenu en vertu
d’un lien distinct de celui des autres, d’où les conséquences suivantes :
- Le créancier peut poursuivre tous les débiteurs jusqu’à complet paiement (art.
1204).
- Les débiteurs peuvent être tenus différemment, soit quant à leur part dans la
dette, soit quant aux modalités de leur obligation qui, par exemple, peut être
conditionnelle pour l’un et assortie d’un terme pour un autre (art. 1201).
- Un codébiteur peut invoquer les moyens de défense qui lui sont personnels
(art. 1208, al. 1er), tenant à un vice existant seulement à son égard (par exemple,
l’incapacité ou un vice qui ne touche que son consentement), à une modalité insérée
uniquement à son profit (p. ex., un terme) ou à une cause personnelle d’extinction (par
exemple, une remise de dette que le créancier lui a accordée). En revanche, il ne peut
pas opposer au créancier les exceptions qui sont purement personnelles aux autres
débiteurs (art. 1208, al. 2.).
- Les moyens de défense personnels du débiteur ont des effets d’intensité
variable.
Certaines exceptions sont dites purement personnelles en ce sens qu’elles ne
profitent qu’au débiteur concerné, ne modifient pas le montant de la dette totale et ne
peuvent pas être invoquées par les autres, notamment en cas d’incapacité ou de vice du
consentement d’un débiteur.
D’autres sont simplement personnelles dans la mesure où la libération d’un
débiteur a pour effet de diminuer le montant de la dette totale de la part qui lui
incombait : les codébiteurs peuvent se prévaloir de l’exception pour cette part. Par
exemple, lorsque le créancier a consenti une remise de dette à l’un des débiteurs sans
vouloir libérer les autres, ceux-ci restent tenus de la dette, mais déduction faite de la
part de celui qui a été libéré (art. 1285). De même, dans le cas où un débiteur est en
même temps titulaire d’une créance contre le créancier commun, il a seul le droit de se
prévaloir de la compensation, mais s’il la fait jouer, elle profite aux codébiteurs : selon
l’étendue de la compensation, il peut alors arriver que tous soient libérés.
224
Les effets secondaires se ramènent donc au principe suivant : l’acte fait par ou
contre un débiteur produit aussi ses conséquences à l’égard des autres. La loi et la
jurisprudence ont en particulier précisé plusieurs effets secondaires.
- La mise en demeure de l’un des débiteurs produit effet à l’égard de tous (art.
1205).
- L’interruption de la prescription contre un débiteur vaut à l’égard de tous (art.
1206).
- La demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs fait courir les intérêts à
l’égard de tous (art. 1207).
- Le jugement rendu contre un débiteur est opposable à tous (solution
jurisprudentielle).
- Si un débiteur exerce une voie de recours dans le délai prescrit, les autres
peuvent s’y joindre, même après l’expiration du délai.
225
pas, à la différence de la solidarité, sur une idée d’intérêts communs entre les débiteurs
et de représentation réciproque : les effets secondaires constituent donc l’avantage de
la solidarité. Cette différence n’est toutefois pas toujours très marquée : l’interruption
de la prescription, par exemple, produit les mêmes effets dans les deux cas.
La dette solidaire se divise entre les héritiers du débiteur, ce que ne fait pas
la dette indivisible (c’est l’avantage de l’indivisibilité). Donc, si un débiteur solidaire
décède, chacun de ses héritiers n’est tenu que proportionnellement à sa part
successorale et non pour le tout. Par exemple, une dette solidaire de 3 000 pèse sur
trois débiteurs, dont l’un décède et laisse deux héritiers ; si le créancier décide d’agir
contre les héritiers du défunt, il devra diviser sa poursuite et réclamer 1 500 à chacun
d’eux.
D’où l’intérêt pour le créancier de stipuler dans un acte à la fois la
solidarité et l’indivisibilité.
226
TITRE II : LA TRANSMISSION ET L’EXTINCTION DES
OBLIGATIONS
Ces questions importantes méritent d’être successivement explicitées.
§ I : Les conditions
Elles sont de validité ou d’opposabilité.
227
L’article 1690 exige une formalité, non pour la validité de la cession entre les
parties, mais pour son opposabilité aux tiers.
Le tiers au sens de l’article 1690 est :
- le débiteur cédé, car il faut qu’il sache à qui il doit effectuer le paiement ;
- un autre cessionnaire (dans le cas où le cédant a cédé deux fois la même
créance) ;
- un créancier du cédant qui voudrait saisir la créance et qui évidemment ne
pourra plus le faire si la cession lui est opposable.
Pour la formalité, l’article 1690 envisage deux types d’actes qui ont date
certaine à l’égard des tiers :
- soit la signification de la cession au débiteur cédé, c’est-à-dire que le débiteur
est informé solennellement de la cession, ordinairement par un acte d’huissier, qui lui
est délivré sur l’initiative du cédant ou du cessionnaire ;
- soit l’«acceptation » de la cession par le débiteur cédé dans un acte
authentique : en réalité, le mot « acceptation » signifie ici, non pas l’accord du
débiteur, mais simplement la reconnaissance qu’il est au courant de la cession.
B- La création d’obligations
Si la cession est à titre gratuit, elle produit les effets d’une donation ; si elle est à
titre onéreux, elle entraîne les obligations d’une vente, notamment :
228
- le cessionnaire doit payer le prix convenu ;
- le cédant doit lui remettre le titre de créance ;
- le cédant doit garantit au cessionnaire : il garantit l’existence de la créance
(art. 1693), mais non la solvabilité du débiteur (art. 1694).
La garantie légale peut être modifiée par une clause expresse de la convention.
La garantie peut être aggravée : par exemple, le cédant garantit la solvabilité
actuelle du débiteur, c’est-à-dire au jour de l’échéance ; dans cette hypothèse, la
garantie n’est toutefois donnée qu’à concurrence du prix de la cession, et non du
montant de la créance (art. 1694).
En sens inverse, elle est parfois atténuée : par exemple, le cédant ne garantit pas
l’existence de la créance (sauf si elle s’est éteinte de son fait, par exemple, parce qu’il
a cédé une créance, alors qu’il avait déjà reçu paiement du débiteur).
B- Le Bordereau Dailly
229
La loi Dailly du 2 janvier 1981 a institué un nouveau mode de cession réservé
aux créances professionnelles des personnes physiques et à toutes les créances des
personnes morales, qu’elles soient de droit privé ou de droit public. La cession
s’opère par la remise d’un bordereau énumérant les créances cédées et le
cessionnaire est obligatoirement un établissement de crédit. La remise entraîne de
plein droit transfert des créances et rend le bordereau ou la cession opposable aux
tiers, mais à l’égard du débiteur, la cession est opposable à condition de lui avoir été
notifiée par un moyen quelconque.
Cette technique permet aux entreprises de se procurer, en cédant leurs créances,
du crédit auprès des banques.
230
cédant, en raison du lien étroit entre la dette et ce bien. Par exemple, art. 1743 :
l’acquéreur d’un immeuble est tenu de respecter le bail conclu par le vendeur ; Code
des assurances CIMA, art. 40 et Code fr. des assur., art. L. 121-10 : le contrat
d’assurance continue de plein droit en cas d’aliénation de la chose assurée ; Loi n°
028-2007/AN du 13 mai 2008 portant Code du travail, art. 91, al. 1 ; C. trav. fr., art. L.
122-12, al. 2 : en cas de cession d’une entreprise, le nouvel employeur doit respecter
les contrats de travail conclus par l’ancien.
§ I : Le paiement
Le paiement est l’exécution d’une obligation quel qu’en soit l’objet : remise
d’une somme d’argent, d’une chose quelconque, exécution d’une prestation.
Il peut être pur et simple ou avec subrogation.
231
A - Le paiement pur et simple
Les nombreux points ci-dessous appellent des éclaircissements.
232
2) L’objet du paiement
Deux règles ont une portée générale et d’autres sont propres au paiement d’une
somme d’argent.
a) Le débiteur doit payer la chose même qui est l’objet de la dette (art.
1243)
Le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre prestation.
- S’il s’agit d’un corps certain, le « débiteur est libéré par la remise de la chose
en l’état où elle se trouve lors de la livraison » (art. 1245).
Lorsque la chose a été détériorée dans l’intervalle séparant l’engagement et la
livraison, le débiteur n’est libéré que si les détériorations ne proviennent pas de son
fait (ou de celui des personnes dont il est responsable).
- S’il s’agit d’une chose de genre, autre que de l’argent, « le débiteur ne sera
pas tenu… de la donner de la meilleure espèce, mais il ne pourra l’offrir de la plus
mauvaise » (art. 1246).
. Si le créancier accepte en paiement autre chose que ce qui était dû, il y a
dation en paiement, par exemple le débiteur, au lieu de payer la somme due, fournit
une prestation que le créancier accepte.
La nature juridique de la dation en paiement est discutée :
- Certains y voient une vente : le créancier acquiert la chose remise en
paiement, en renonçant à la somme qui lui était due et qui représente le prix ;
- d’autres l’analysent comme une novation par changement d’objet.
233
montant de l’obligation en fonction d’un élément de référence, appelé indice, par
exemple :
- le cours de l’or ou clause valeur-or ;
- le cours d’une monnaie étrangère ou clause valeur-devise : la monnaie
étrangère est alors simplement une unité de compte, non une monnaie de paiement (à
distinguer des clauses de paiement en monnaie étrangère) ;
- certaines valeurs économiques, comme le prix d’un produit ou d’un service ou
clause d’échelle mobile).
Ces clauses ne sont pas toujours valables, car elles révèlent une méfiance des
parties envers la monnaie nationale. Une distinction est à opérer selon que le paiement
a un caractère international ou interne.
Dans les paiements internationaux, c’est-à-dire qui supposent un mouvement
de marchandises ou de fonds d’un pays à un autre, les clauses d’indexation sont en
principe valables, notamment les clauses stipulant l’évaluation de l’obligation, ou
même son paiement, en or ou en monnaie étrangère (sous réserve du respect de
l’éventuelle réglementation des changes).
Dans les paiements internes, le recours aux indices généraux, par exemple le
niveau général des prix ou des salaires, le SMIC (salaire minimum inter-professionnel
de croissance), est prohibé par l’ordonnance du 30 décembre 1958, sauf pour des
dettes d’aliments ou les rentes viagères.
La clause d’indexation n’est valable que si l’indice a un rapport direct :
- soit avec l’objet du contrat (par exemple, l’emprunt contracté pour acheter une
maison, peut être indexé sur le coût de la construction) ;
- soit avec l’activité de l’une des parties : par exemple, le prix de cession d’un
fonds de commerce de garagiste, peut être indexé sur le salaire d’un ouvrier
mécanicien.
La sanction de la clause illicite est la nullité absolue.
Cependant, dans le souci de préserver l’économie du contrat, les tribunaux ont
aujourd’hui tendance à substituer un indice valable à celui avait été convenu. Ils
recherchent alors quel est l’indice dont le choix serait licite et qui traduit le mieux
l’intention commune des parties. Par exemple, dans un contrat de fourniture entre un
producteur de cassis et un fabricant de sirops de fruits, les parties avaient choisi
l’indice général des taux de salaire horaire des ouvriers toutes catégories. Cette clause
d’indexation, illicite parce que générale, a été judiciairement remplacée par la
référence à l’indice des prix agricoles à la production. Parfois c’est la loi qui prévoit
une substitution de plein droit de la clause illicite par une indexation valable (par
exemple, l’indice du coût de la construction pour les baux d’habitation).
Si le choix de l’indexation a eu une incidence déterminante sur la conclusion du
contrat, elle est analysée comme une cause illicite qui entraîne la nullité du contrat.
3) La monnaie de paiement
. Le paiement doit être effectué en monnaie ayant cours légal (billets et
pièces), donc le créancier est, en principe, en droit de refuser un paiement par chèque.
Toutefois, certains paiements doivent être faits par chèque barré non
endossable, par virement bancaire ou postal ou par carte de paiement ou de crédit.
234
Tel est le cas en France, notamment pour :
- divers règlements par un commerçant, lorsqu’ils excèdent 5 000 F (L. 22 oct.
1940, plusieurs fois modifiée) ;
- le règlement d’un traitement ou salaire supérieur à 10 000 F par mois (même
loi, art. 143-1 C. trav.).
La sanction en cas de paiement effectué en espèces est une amende fiscale (5 %
des sommes réglées) incombant solidairement au créancier et au débiteur, mais le
paiement est valable.
C’est dans ce sens que se situe la directive n° 08/2002/CM/UEMOA du 19
septembre 2002 portant sur les mesures de promotion de la bancarisation et de
l’utilisation des moyens de paiement scripturaux, qui impose le paiement par chèque,
par virement ou d’autres moyens de paiements scripturaux appropriés dans les
relations avec l’administration, entre commerçants, pour le paiement des salaires…
235
Mais, en cas « d’aliments alloués en justice », le paiement doit s’effectuer au
domicile ou à la résidence de celui qui doit les recevoir – sauf décision contraire du
juge (art. 1247, al. 2).
La charge incombe au débiteur (art. 1315, al. 2). Mais la loi prévoit aussi des
présomptions de paiement, par exemple lorsque le créancier a remis au débiteur le
titre de créance (art. 1282).
Pour les modes de preuve, en principe, un écrit est exigé dans les conditions de
l’article 1341 : le procédé normal est la quittance, écrit signé du créancier et remis au
débiteur.
Mais la jurisprudence admet la preuve par tout moyen (témoignage,
présomption) en cas d’impossibilité morale de se procurer une quittance (relation de
famille, d’amitié, usages).
236
6) Les effets du paiement
Le paiement éteint l’obligation et ses accessoires (par exemple, une hypothèque,
un gage) et libère donc le débiteur.
Un problème d’imputation des paiements se pose lorsque le débiteur, qui est
tenu de plusieurs dettes de même nature (par exemple, de l’argent) envers le même
créancier, effectue un paiement incomplet : à quelle dette faut-il l’imputer ?
A défaut d’accord des parties :
- le débiteur choisit, mais dans certaines limites, p. ex., s’il verse une somme
d’un montant inférieur à l’une des dettes, il ne peut imputer son paiement sur celle-ci,
car ce serait imposer au créancier un paiement partiel ;
- à défaut de choix par le débiteur, le créancier décide de l’imputation ;
- à défaut de choix par l’un ou l’autre, l’imputation est réglée par la loi :
- d’abord « sur la dette que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter » (art.
1256, al. 1), par exemple sur celle qui a le taux d’intérêt le plus élevé ;
- si les dettes sont de même nature, sur la plus ancienne ;
- « toutes choses égales, elle se fait proportionnellement » (art. 1256, al. 2).
1) Les sources
La subrogation peut être d’origine conventionnelle ou légale.
a) La subrogation conventionnelle
La subrogation conventionnelle résulte d’un accord conclu entre, d’une part, le
solvens et, d’autre part, soit le débiteur, soit le créancier.
1° Elle peut être consentie par le débiteur (art. 1250-2°)
L’hypothèse est la suivante : le débiteur qui veut payer sa dette emprunte des
fonds à un tiers et le subroge (c’est-à-dire le place) dans les droits du créancier qu’il va
désintéresser.
L’opération présente une utilité pour le débiteur, notamment lorsque la nouvelle
dette est plus avantageuse que la précédente, par exemple, en raison d’un taux
d’intérêts plus faible.
Il y a deux conditions de validité :
- l’acte d’emprunt souscrit pour rembourser la première dette et la quittance
délivrée par le créancier désintéressé doivent être conclus par acte authentique ;
- la quittance doit constater que le paiement a été fait avec les deniers
empruntés.
237
Ces conditions sont exigées pour éviter certaines fraudes du débiteur : par
exemple, après avoir payé sa dette qui était garantie par une hypothèque, le débiteur
qui a encore besoin de fonds pourrait être tenté d’accorder à un nouveau prêteur la
subrogation dans la créance et l’hypothèque – qui sont pourtant éteintes – au moyen
d’un acte antidaté prévoyant frauduleusement que le nouvel emprunt est destiné à
payer la première dette. La rédaction d’un acte notarié, dont la date est certaine,
élimine ce risque d’antidate.
b) La subrogation légale
De nombreux cas sont prévus par le Code civil (art. 1251) et des textes
spéciaux, notamment dans le domaine des assurances et celui de la sécurité sociale.
Dans toutes ces hypothèses, la subrogation a lieu de plein droit.
Il y a un cas à portée générale (art. 1251-3°) : celui qui, tenu avec d’autres
(situation de débiteurs solidaires) ou pour d’autres (cas de la caution), a payé la dette,
est subrogé dans les droits du créancier.
Mais il y a d’autres exemples :
- Le créancier qui paie un créancier de rang préférable est subrogé dans ses
droits et prend donc son rang (art. 1252-1°).
- L’acquéreur d’un immeuble qui emploi le prix pour payer les créanciers
titulaires d’une hypothèque sur l’immeuble (art. 1251-2°) leur est subrogé.
. La caisse de sécurité sociale ou l’assureur qui a dû verser une indemnité à
son assuré, victime d’un accident, est subrogé dans les droits de celui-ci contre le
responsable (Code CIMA, art. 42).
2) Les effets
Le créancier est payé : en cela la subrogation est une modalité de paiement.
Celui qui a payé (solvens) se substitue (est subrogé) au créancier : la créance,
avec ses accessoires, lui est transmise. Mais il existe des différences avec les effets de
la cession de créance :
- Le créancier qui a reçu paiement n’est pas tenu à garantie (à la différence du
cédant.
238
Si la créance n’existe pas, le subrogé a certes un recours contre celui qu’il a
payé, mais ce recours est fondé sur la répétition de l’indu et n’est pas une action en
garantie.
- Le subrogé ne peut réclamer au débiteur une somme supérieure à celle qu’il a
versée au créancier, alors que le cessionnaire a le droit d’exiger la totalité de la
créance, quel que soit le prix qu’il a payé pour l’acquérir.
- Le codébiteur tenu avec d’autres et qui a payé toute la dette (et qui donc
bénéficie de la subrogation légale), ne profite pas intégralement des droits du
créancier, puisqu’il doit diviser son recours entre les autres codébiteurs. De son côté,
le cessionnaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs dispose de tous les
droits dont le cédant était titulaire.
- Si le créancier subrogeant n’a reçu qu’un paiement partiel, il conserve tous ses
droits sur le solde et, dans la répartition des deniers, doit être payé par préférence au
subrogé (art. 1252) (sens de la formule : nul n’est censé avoir subrogé à son
détriment). En revanche, en cas de cession partielle d’une créance, le cessionnaire est
placé au même rang que le cédant qui reste titulaire d’une partie de la créance.
A- La compensation
La compensation est un mode d’extinction de deux obligations ayant pour objet
de l’argent ou des choses fongibles, lorsque deux personnes deviennent
respectivement créancières et débitrices l’une de l’autre, par exemple, Jacques doit 1
000 F à Paul qui, par ailleurs, doit 800 F à Jacques.
L’extinction est totale si les deux obligations sont du même montant, sinon elle
est partielle et se produit à concurrence de la plus faible.
Elle aboutit à une sorte de double paiement abrégé.
Au plan de ses sources, la compensation peut être légale, conventionnelle ou
judiciaire.
1) La compensation légale
Elle s’opère de plein droit si certaines conditions sont réunies. Les deux
obligations réciproques doivent :
- porter sur des choses fongibles, c’est-à-dire de l’argent ou des choses de même
espèce ;
- être liquides, c’est-à-dire certaines et d’un montant déterminé ;
- être exigibles, c’est-à-dire échues : la compensation légale ne peut pas s’opérer
si une dette est à terme. Néanmoins, elle est possible lorsqu’un délai de grâce a été
accordé par le juge, car il s’agit simplement d’un report d’échéance pour permettre au
débiteur en difficulté de payer plus tard : par conséquent, s’il est en même temps
titulaire d’une créance contre son créancier, rien n’empêche un paiement immédiat par
compensation.
239
La compensation ne peut pas se réaliser dans certaines circonstances,
notamment :
- si l’une des créances est insaisissable, par exemple une créance alimentaire ;
- si elle porte atteinte à un droit acquis par un tiers ;
- si les parties y ont renoncé expressément ou tacitement.
b) La compensation judiciaire
Elle est opérée par le juge saisi de deux demandes fondées sur des créances
réciproques dont l’une ou moins n’est pas liquide i/ou exigible. Par exemple, A
réclame sa créance à B, or B est titulaire contre A d’une créance non liquide (ce qui
empêche la compensation légale) et fait une demande reconventionnelle : le juge
décide souverainement s’il convient de liquider cette créance et de procéder à la
compensation.
B- La confusion
La confusion est la réunion, dans la même personne, des qualités de
créancier et de débiteur d’une obligation (à la différence de la compensation qui
suppose deux obligations distinctes), ce qui entraîne en principe son extinction.
Par exemple, un débiteur hérite de son créancier ou inversement ; une société
fusionne avec une autre, dont elle était créancière ou débitrice.
Il est généralement admis aujourd’hui que la confusion entraîne plutôt une
impossibilité d’exécution, une paralysie de l’obligation, sans l’éteindre de manière
absolue. L’obligation peut ainsi continuer à produire quelques effets, p. ex., elle doit
être prise en compte, en cas de confusion sur la tête d’un héritier, pour le calcul des
droits de mutation et la détermination de la réserve héréditaire. Elle pourrait même
revivre si les circonstances qui étaient à l’origine de la confusion venaient à cesser.
C- La novation
C’est l’opération par laquelle une obligation nouvelle est substituée à
l’obligation ancienne.
A la différence de la cession de créance, il n’y a pas transmission de
l’obligation, mais extinction d’une obligation qui est remplacée par une autre.
240
Il résulte de l’article 1273 que la novation ne se présume pas, c’est-à-dire que le
consentement des parties doit être certain et non équivoque. La novation est donc en
principe conventionnelle, mais parfois la loi prévoit un effet similaire en l’absence
d’accord des parties (par exemple, l’art. 767, dern. al., qui permet aux héritiers
d’exiger la conversion de l’usufruit du conjoint survivant en rente viagère).
241
- la première dette est éteinte, et non transmise ;
- l’accord du créancier est toujours nécessaire.
3) Les effets
Les effets de la novation sont principalement au nombre de deux :
- L’extinction de la première obligation avec ses accessoires et garanties, sauf
accord des parties pour les reporter sur la nouvelle dette (art. 1278).
- La création d’une obligation nouvelle qui se substitue à l’ancienne.
D- La délégation
La délégation est l’opération par laquelle une personne (le délégué) accepte, sur
l’ordre d’une autre (le délégant), de s’obliger au profit d’un tiers (le délégataire). Par
exemple, Pierre, qui doit 10 000 F à Paul, vend un objet pour 10 000 F à Jacques en lui
demandant de verser cette somme à Paul : Pierre est de délégant, Jacques, s’il accepte,
est le délégué, et Paul le délégataire.
On distingue deux types de délégation : l’une est appelée parfaite ou
expromissio, l’autre est dénommé imparfaite ou adpromission, types qui produisent
des effets différents.
2) Les effets
Ils sont à envisager à deux niveaux.
242
a) La création d’un lien de droit entre le créancier (délégataire) et le
nouveau débiteur (délégué)
Cet engagement est indépendant de celui du délégant, donc le délégué ne peut
opposer au délégataire les exceptions et moyens de défense qu’il pouvait invoquer
contre le délégant : c’est une application du principe de l’inopposabilité des
exceptions.
Toutefois, dans leur accord, le délégué et le délégataire peuvent convenir que
l’obligation nouvelle est subordonnée à une condition (par exemple, que le délégant
exécute ses obligations) ou est limitée (par exemple, le délégué s’oblige seulement
dans la limite de ce que le délégant doit au délégataire). En conséquence de cet accord,
le délégué pourra opposer au délégataire une exception tirée de l’inexécution par le
délégant de ses obligations ou de l’étendue de celles-ci.
b) La situation du délégant
Si la délégation est parfaite, elle produit l’effet d’une novation par
changement de débiteur : le délégant est immédiatement libéré et remplacé par le
délégué. Le délégataire (le créancier) ne peut donc réclamer le paiement qu’au délégué
et n’a pas de recours contre le délégant, sauf clause expresse de l’acte ou insolvabilité
du délégué au jour de la délégation (art. 1276).
Si la délégation est imparfaite, elle n’a pas d’effet novatoire et le délégant
reste tenu, c’est-à-dire que :
- le délégant ne sera libéré que lorsque le délégué paiera le délégataire ;
- si le délégué ne paie pas, le délégataire a le droit d’agir contre le délégant.
243
- La délégation parfaite se combine ordinairement avec une novation par
changement de débiteur. Toutefois elle n’a pas toujours d’effet novatoire, car il n’est
pas nécessaire que le délégant soit débiteur du délégataire. En effet, s’il demande au
délégué de payer le délégataire, c’est parfois pour faire à ce dernier une donation ou
lui consentir un prêt : dans ces hypothèses, il n’y a rien à nover.
- En ce qui concerne la manifestation du consentement du créancier, le Code
civil énonce apparemment des exigences de degrés différents :
. En vertu de l’article 1237, l’intention de nover « ne se présume point » et il
faut qu’elle « résulte clairement de l’acte ». Il est cependant admis qu’elle peut être
tacite, à condition de ne pas être équivoque.
. D’après l’article 1275, la volonté du délégataire de libérer le délégant doit être
« expressément » déclarée.
Il n’est toutefois pas certain que, par ces formules distinctes, les rédacteurs du
Code aient voulu exprimer des exigences différentes.
§ I : La remise de dette
C’est l’acte par lequel le créancier renonce à sa créance et libère le débiteur qui
accepte.
244
A- Les conditions de validité
La remise de dette est une convention entre le créancier et le débiteur : ce n’est
donc pas un acte unilatéral.
Elle est soumise aux conditions de validité exigées pour tout contrat.
Elle peut être consentie :
- à titre gratuit (il faut l’intention libérale du créancier) : les conditions de
fond – mais non de forme – des donations lui sont alors applicables ;
- à titre onéreux, par exemple, dans une transaction, le créancier abandonne
tout ou partie d’une créance, en échange d’une concession de la part de son
adversaire.
B- La preuve
La remise de dette peut être expresse ou tacite, et les règles de preuve des actes
juridiques lui sont applicables.
Toutefois, les articles 1282 et 1283 instaurent une présomption légale : lorsque
le créancier remet volontairement son titre de créance au débiteur, celui-ci est présumé
libéré, soit par l’effet d’un paiement, soit par une remise de dette.
Parfois, il est nécessaire de savoir si la libération découle d’un paiement ou
d’une remise de dette car dans ce dernier cas seulement, l’opération peut être à titre
gratuit. Il appartient alors à celui qui invoque l’une ou l’autre de ces qualifications de
démontrer que l’opération en présente les caractères.
La force de la présomption varie en fonction de la forme du titre de créance :
- Si le titre est un acte sous seing privé ou un acte notarié rédigé en brevet
(c’est-à-dire dont l’original lui-même est délivré au créancier), le créancier qui le
remet au débiteur perd le seul moyen qu’il avait de prouver son droit ; on en déduit
que son intention de libérer le débiteur est certaine et que la présomption de libération
est absolue.
- Si le créancier a remis la copie exécutoire d’un acte authentique, il ne s’est pas
privé de tout mode de preuve, puisqu’il peut se faire délivrer une autre copie, donc la
présomption de libération est simple et peut être combattue par tout moyen.
C- Les effets
La remise de dette éteint l’obligation du débiteur, en totalité ou en partie,
suivant ce qui a été convenu.
En cas de pluralité de débiteurs, il convient de distinguer selon leur statut.
- S’il s’agit de débiteurs conjoints, la remise de dette faite à l’un ne profite pas
aux autres. Il en va toutefois différemment lorsqu’elle résulte de la remise du titre,
puisque le créancier s’est démuni de preuve (la force de la présomption de libération
varie alors selon la forme du titre comme on l’a vu plus haut).
- En présence de débiteurs solidaires, la remise de dette accordée à l’un profite
aux autres, sauf volonté contraire du créancier. Dans le cas où le créancier a réservé
ses droits contre les autres, il ne peut plus les poursuivre que déduction faite de la part
de celui auquel il a fait remise (art. 1285, al. 2).
- En cas de cautionnement, la remise de dette accordée au débiteur principal
libère la caution ; mais la remise faite à la caution ne libère pas le débiteur principal ;
245
la remise accordée à l’une des cautions ne libère pas les autres (art. 1287), à moins
qu’il ne s’agisse de cautions (art. 2021, in fine).
A- La durée de la prescription
En principe, elle est de trente ans (art. 2262). Mais, dans de nombreux cas, la loi
prévoit une prescription plus courte, par exemple :
. cinq ans
- pour les créances périodiques, c’est-à-dire « tout ce qui est payable par année
ou à des termes périodiques plus courts » (art. 2277), notamment les salaires, loyers,
pensions alimentaires, intérêts des sommes prêtées (le législateur a institué ce court
délai dans le but d’éviter une trop grande accumulation d’annuités) ;
- pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants, ou
entre commerçants et non commerçants, qui se prescrivent par cinq ans si elles ne sont
pas soumises à des prescriptions plus courtes (AUDCG, art. 18).
. deux ans :
- les créances des médecins, chirurgiens, dentistes pour leurs visites,
opérations et médicaments (art. 2272, al. 3),
- les créances des marchands pour les marchandises qu’ils vendent aux
particuliers (art. 2272, al. 4) ;
. un an :
- le paiement des actes d’huissier (art. 2272, al. 1er),
- l’action en responsabilité contre un transporteur (art. 108 C. com., devenu
nouv. C., art. L. 133-6) ;
. six mois pour les créances des hôteliers et restaurateurs (art. 2271, al. 2).
Les courtes prescriptions (jusqu’à deux ans en principe) sont fondées sur une
présomption de paiement, car il est d’usage d’acquitter dans un bref délai les dettes
auxquelles elles s’appliquent (qui, de plus ne sont pas ordinairement constatées par un
titre).
246
B- Le régime de la prescription
Il convient d’aborder la question du calcule du délai et de survoler la mise en
œuvre.
1) Le calcul du délai
Seront abordés le point de départ, l’interruption et la suspension du délai.
a) Le point de départ
Le délai court, en principe, à dater du jour où la créance est exigible, donc si la
créance est sous condition suspensive ou à terme, du jour de l’arrivée de l’événement
ou de l’échéance (art. 2257, al. 2 et 4).
Pour les intérêts ou les loyers, il court à compter de chaque échéance.
b) L’interruption
L’interruption est un arrêt du cours de la prescription qui recommence à courir à
dater de l’événement interruptif, pour toute sa durée, sans qu’on puisse tenir compte
de la période déjà écoulée.
Concernant les causes, deux actes entraînent l’interruption du cours de la
prescription.
- un acte de poursuite du créancier (art. 2244), c’est-à-dire un acte par lequel il
manifeste solennellement son intention d’être payé, par exemple, un commandement
(sommation par huissier), une saisie, une assignation en justice (même en référé) ;
- la reconnaissance par le débiteur de sa dette (art. 2248) soit expressément
(dans un acte quelconque, sans forme particulière), soit tacitement, par exemple, en
payant un acompte, en demandant un délai de paiement.
Au plan des effets, on note que :
- La période déjà écoulée n’est pas prise en compte et la prescription
recommence à courir pour toute sa durée légale.
- Dans le cas des courtes prescriptions fondées sur une présomption de
paiement, l’interruption entraîne une interversion, c’est-à-dire la substitution de la
prescription trentenaire à la courte prescription. Motif : l’interruption fait disparaître la
présomption de paiement qui servait de fondement à la courte prescription.
c) La suspension
C’est l’arrêt temporaire du cours de la prescription et qui, à la différence de
l’interruption, ne fait pas disparaître les effets de la durée déjà écoulée.
S’agissant des causes, le cours de la prescription est en principe suspendu,
lorsque le créancier est dans l’impossibilité d’agir, soit en vertu d’un texte spécial (par
exemple lorsque le créancier est un mineur ou un majeur en tutelle : art. 2252 ;
lorsqu’un époux est créancier de son conjoint : art. 2253) soit, plus généralement, en
vertu de la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qu’un obstacle
de force majeure empêche d’agir.
247
Pour les effets, la prescription s’arrête de courir tant que dure la cause de
suspension, puis reprend son cours pour la période qui reste, compte tenu du temps
déjà écoulé.
Par exception, les délais dits préfix ne sont pas susceptibles d’interruption ni de
suspension.
2) La mise en oeuvre
Au plan de la mise en œuvre, la prescription ne joue pas de plein droit ; le
débiteur doit l’invoquer (art. 2223) et ne doit pas y avoir renoncé.
Le débiteur ne peut pas valablement renoncer par avance à une prescription,
mais il peut renoncer expressément ou tacitement au bénéfice d’une prescription déjà
écoulée (art. 2220), sauf si elle a un caractère d’ordre public. Par ailleurs, la
jurisprudence décide qu’aucune considération n’empêche les parties de stipuler dans
leurs contrats l’abréviation des délais de prescription libératoire246.
246
Civ. 4 déc. 1895, DP1896, 1, 241.
248
TITRE III : LES DROITS DU CREANCIER NON PAYE SUR
LE PATRIMOINE DE SON DEBITEUR
Le créancier n’a pas de pouvoir de coercition sur la personne du débiteur, ce qui
implique que :
- si le débiteur refuse d’exécuter une obligation de faire (ou de ne pas faire), il
ne pourra en principe être condamné qu’à fournir l’équivalent pécuniaire sous forme
de dommages et intérêts (art. 1142) ;
- les seules mesures de contrainte dont dispose le créancier portent sur les biens
de son débiteur, par ex., il peut exercer une pression au moyen d’une astreinte
prononcée par le juge (condamnation à payer tant par jour de retard). La contrainte par
corps (emprisonnement pour dette) n’est admise qu’au profit du Trésor public dans
certains cas ;
- l’ultime recours du créancier non payé est de procéder à une voie d’exécution
ou saisie sur les biens du débiteur afin de se faire payer sur le prix de leur vente, car
tout créancier bénéficie d’un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur.
249
ses immeubles ou de nantissement sur des fonds de commerce, parts de société ou
valeurs mobilières (AUDSC, AUPSRVE).
Dans des conditions plus particulières, le créancier peut mettre en œuvre
l’action oblique, l’action directe ou l’action paulienne.
250
Section II : Les actions directes
L’action directe – que la loi accorde seulement dans des cas particuliers –
permet à un créancier d’agir directement, en son nom personnel, contre certains
débiteurs de son débiteur.
La loi accorde une action directe, par exemple :
- au bailleur d’immeuble contre le sous-locataire (art. 1753) ;
- à l’ouvrier contre le client de l’entrepreneur (art. 1798) ;
- au mandant contre le tiers que le mandataire s’est substitué (art. 1994, al. 2) ;
- à la victime d’un dommage contre l’assureur du responsable (art. 54 du Code
CIMA).
La jurisprudence a également créé des actions directes, par exemple au profit du
sous-acquéreur contre le premier vendeur.
Les différentes avec l’action oblique, également appelée aussi indirecte,
tiennent en ce que le créancier agit en son nom personnel, donc :
- Le débiteur est dessaisi de son droit : l’action, dès qu’elle est exercée, rend
inopposables au créancier (le demandeur à l’action) les actes de son débiteur relatifs à
la créance, notamment un paiement qu’il ferait.
- Le bénéfice de l’action est réservé au créancier, auquel la loi l’a accordée : il
échappe ainsi au concours des autres créanciers, et là réside la supériorité des actions
directes sur l’action oblique.
251
- le paiement d’une dette échue, car ce n’est pas un appauvrissement ;
- le partage, car il serait délicat de remettre en cause les opérations complexes
qu’il suppose (mais, en contrepartie, les créanciers ont le droit de surveiller son
déroulement).
Deuxièmement, il faut que cet appauvrissement ait entraîné ou aggravé
l’insolvabilité du débiteur.
Le créancier n’a pas à se plaindre s’il reste suffisamment de biens saisissables
dans le patrimoine du débiteur.
§ II : Les effets
L’acte attaqué devient inopposable mais n’est pas annulé et l’action paulienne
est personnelle.
1°. L’acte est déclaré inopposable au demandeur, qui pourra donc exiger du
tiers la restitution du bien aliéné ou des dommages et intérêts, mais dans la limite de
son intérêt, c’est-à-dire sans excéder la valeur de sa créance.
2°. A la différence de l’action oblique, l’action paulienne est personnelle et ne
profite pas aux autres créanciers.
3°. L’acte n’est pas annulé : il continue à produire ses effets dans les rapports
entre le débiteur et le tiers.
252
Des règles destinées à protéger le débiteur ont été également édictées dans le
cadre des procédures de règlement collectif des créanciers. Pendant longtemps seul le
droit commercial avait organisé des procédures de ce type. Elles s’appliquent
aujourd’hui aux commerçants, artisans, exploitants agricoles et personnes morales de
droit privé. La base du droit actuel se trouve dans l’Acte uniforme de l’OHADA
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif adopté à
Libreville le 10 avril 1998247. En France, il s’agit des lois du 1er mars 1984 et du 25
janvier 1985, dont les dispositions ont été reprises dans le nouv. C. com., art. L. 611-1
et s., et L. 620-1 et s248.
De son côté, le droit civil ignorait, jusqu’à ces dernières années, toute technique
comparable. En cas d’insolvabilité, la déconfiture du débiteur – évoquée dans
plusieurs articles du Code civil – ne donne pas lieu à l’organisation effective d’une
procédure collective de liquidation du patrimoine et n’entraîne que des effets limités
(p. ex., la révocation du mandat en cas de déconfiture du mandant ou du mandataire :
art. 2003 ; la faculté pour le vendeur de ne pas livrer la chose en cas déconfiture de
l’acheteur (art. 1613).
Une procédure de prévention et de règlement des difficultés liées au sur-
endettement des particuliers a été instituée par une loi du 31 décembre 1989, modifiée
par une loi du 8 février 1995 (art. L. 331-1 et s. C. consom.). Ces dispositions
permettent à certaines personnes de bénéficier de mesures de redressement249.
Section II : Le fonctionnement
Une commission départementale de surendettement – que seul de
débiteur peut saisir :
- instruit la demande et dresse l’état d’endettement du débiteur ;
- peut demander au juge de l’exécution de suspendre, pour une durée maximale
d’un an, les mesures d’exécution diligentées contre le débiteur. Si une décision de
suspension est prononcée, elle interdit au débiteur, sauf autorisation du juge, de faire
tout acte qui aggraverait son insolvabilité et de payer ses dettes (autres
qu’alimentaires) ;
247
Voy. sur le droit OHADA des procédures collectives Filiga Michel Sawadogo, « OHADA : Droit des
entreprises en difficulté », Bruylant, Bruxelles, Collection Droit uniforme africain, 2002, 444 p.
248
Ue le droit français voy. Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, Droit du commerce et des
affaires, Droit des entreprises en difficulté, Sirey, 2e éd., 2006, 545 p.
249
Voy. sur cette procédure collective civile : P. Merle, Commentaire de la loi du 31 décembre 1989, R.T.D.
Com., 1990, 467 ; Chatain P. - L. et Ferrière F., Le nouveau régime de traitement des situations de
surendettement des particuliers issu de la loi du 8 février 1995, Dalloz, 1996, 39 ; Gjidara Sophie,
L’endettement et le droit privé, Préface de Alain Ghozi, LGDJ, 1999, 617 pages.
253
- essaie de concilier le débiteur et ses principaux créanciers en vue de
l’élaboration d’un plan conventionnel de redressement ; ce plan peut notamment
comporter des mesures de report ou rééchelonnement des paiements, de remise de
dettes, de réduction ou suppression du taux d’intérêt et subordonner ces mesures à
l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement
des dettes.
Si la mission de conciliation échoue, la commission peut recommander
diverses mesures du même type.
Une partie a la possibilité de contester devant le juge de l’exécution les
recommandations formulées par la commission, dans le délai de quinze jours suivant
la notification qui lui en est faite. Il appartient au juge de trancher cette contestation, et
il peut prescrire toute mesure d’instruction qu’il estime utile.
A défaut de contestation (ou en cas de rejet), le juge confère force exécutoire
aux mesures recommandées.
254
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVEDU COURS DE TGO
PRINCIPAUX OUVRAGES
- Aubert Jean-Luc, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Armand Colin, 9 e
éd., 2002.
- Bénabent Alain, Les obligations, 10e éd., 2005.
- Cabrillac Rémy, Droit des obligations, Dalloz Cours, 8e éd., 2008, 389 p.
- Capitant H., Terré F. et Lequette Y., Grands arrêts de la jurisprudence civile, 9ème éd., 1991.
- Carbonnier Jean, Droit civil, Tome IV, Les obligations, PUF, 22e éd. 2000.
- Code civil, Les défis d’un nouveau siècle, 100e Congrès des Notaires de France, Paris, 16-19 mai
2004, 950 p.
- Dekkers René, Précis de droit civil belge, T.2, 1955, Bruylant.
- De Page Henri, Traité élémentaire de droit civil belge, éd. Bruylant, 1964, tome 2, 3e éd.
- Flour Jacques, Aubert Jean-Luc, Flour Yvonne, Savaux Eric, Les obligations
+ Tome I : L’acte juridique, Armand Colin, 10e édition, 2002.
+ Tome II : Le fait juridique, Armand Colin, 10e édition, 2003.
+ Tome III : Le rapport d’obligation, Armand Colin, 3e édition, 2004.
- Ghestin Jacques, Traité de droit civil, LGDJ (de nombreux auteurs pour de nombreux volumes)
+ Le contrat : formation, par Jacques Ghestin, 3e éd., 1993 ;
+ Les effets du contrat, 3e éd. 2001, par J. Ghestin, C. Jamin et M. Billau ;
+ Le régime des créances et des dettes, 2005, par J. Ghestin, C. Jamin et C. Loiseau ;
+ La responsabilité, par Geneviève Viney (3 volumes : Introduction à la responsabilité, 2e éd.
1995 ; Les conditions de la responsabilité, 2e éd. 1998, avec P. Jourdan ; Les effets de la
responsabilité, 2e éd. 2001, avec P. Jourdan).
- Julliot de la Morandière Léon, Weill Alex, Grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz Sirey,
1964.
- Larroumet Christian, Droit civil, Les obligations,
+ T III : Le contrat, 9e éd., 2003 ;
+ T IV : Les obligations, régime général, 2000, par J. François.
- Laurent, Principes de Droit civil, Tome 20, 1876, Bruylant.
- Légier Gérard, Droit civil, Les obligations, Mémentos Dalloz, 17e éd., 2001, 273 p.
- Le Tourneau Philippe, Droit de la responsabilité et des contrats, 5e éd., 2004.
- Malaurie Philippe, Aynès Laurent et Stoffel-Munck Philippe, Les obligations, 12e éd., 2003.
- Malinvaud Philippe, Droit des obligations, Les mécanismes juridiques des relations économiques,
9e éd., 2005.
- Marty G. et Raynaud P., Droit civil, Les obligations, T. I, Les sources, par P. Raynaud, 2 e éd. 1988,
t. II, Les effets, par P. Raynaud et P. Jestaz, 2e éd., 1989.
- Mazeaud Henri, Exercices pratiques de droit civil, Tome II, éd. Montchrestien, 1977.
- Mazeaud Henri, Méthodes générales de travail, Exercices pratiques de droit civil, Montchrestien,
1987.
- Mazeaud Henri, Léon et Jean, François Chabas, Leçons de Droit civil, T 2, Vol. 1 : Les
obligations : Théorie générale, Montchrestien, 7ème éd. 1985, 9e éd. 1998.
- Mazeaud Henri et Léon et Tunc, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, éd. Montchrestien, 3 tomes, 5ème éd.
- Planiol M., et Ripert G., Traité pratique de droit civil français, 2e éd., t. VI, Obligations, par
Esmein, t. VII, Obligations, par Esmein, par P. Esmein, J. Radouant et G. Gabolde.
- Raynaud Pierre, Cours de droit civil, 1961-1962, Les cours de droit.
- Ripert et Boulanger, Traité de Droit civil d’après le traité de Planiol, T II, 1956.
- H. Roland et L. Boyer, Obligations, Litec, tome 1 : Responsabilité délictuelle (5e éd. 1996) ; tome
2 : Contrat (6e éd. 1998) ; tome 3 : Régime général (6e éd. 1999).
- Sériaux, Droit des obligations, 2e éd., 1998.
- Starck Boris, Droit civil, Obligations, Litec 1972.
255
- Starck B., Henri H., Boyer L., Obligations,
+ Responsabilité délictuelle, 5e éd., 1996 ;
+ Contrat, 6e éd, 1998 ;
+ Régime général, 6e éd., 1999.
- François Terré et Yves Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11e éd, Dalloz, 2000
(cité : Grands arrêts).
- François Terré, Philippe Simler et Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9 e éd., 2005,
1474 p.
- Alex Weill et François Terré, Droit civil, Les Obligations, Dalloz, 1986.
Burkina Faso
- Bulletin de la Cour suprême (parution arrêtée)
- Bulletin de la Cour de cassation du Burkina Faso (nouvelle publication)
- Revue Burkinabè de Droit
France
- Revue trimestrielle de droit civil
- Dalloz
- La semaine juridique, JCP, édition générale
- Revue des contrats, RDC 2007/3, LGDJ, Directeur scientifique Denis Mazeaud, Directeur éditorial
Thierry Revet, Rédactrice en chef, Emmanuelle Filiberti
Belgique
- Revue critique de jurisprudence belge
- Pasicrisie belge
Afrique
- Penant
- Revue juridique et politique, Indépendance et coopération
CODES ET LOIS
- Code civil, in Codes et lois du Burkina Faso, Tome I, UFR Sciences juridiques et politiques, Centre
de recherche et d’études juridiques, 2003.
- Code civil français, éditions Dalloz, 108e éd., 2009.
- Eléments de droit comparé :
+ Le Code sénégalais des obligations civiles et commerciales (COCC), issu de la loi du 10 juillet
1963, complété à plusieurs reprises depuis cette date.
+ Le Code civil de Guinée (Conakry) de 1983.
+ Le Code des activités économiques de Guinée (Conakry) de 1992.
+ La loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations.
+ Le Code civil mauricien.
+ Les fragments relatifs au droit des obligations des réformes allemandes, suisse, espagnole.
+ Le projet CATALA de réforme du droit des obligations et de la prescription en France (élaboré
pour le Bicentenaire du Code civil français en 2004).
+ Le projet de la Chancellerie en France (Projet de réforme du droit des contrats, juillet 2008).
+ Le projet LANDO en Europe (Principes du droit européen des contrats, élaborés depuis les années
1980 et destinés à constituer les prémices d’un futur code européen des contrats ou des obligations).
+ Le projet GANDOLFI en Europe (Code européen des contrats, proposé par l’Académie des
privatistes européens).
256
+ Le projet Fontaine en Afrique d’Acte uniforme sur le droit des contrats (déposé en 2006 auprès du
Secrétariat permanent de l’OHADA).
+ Les principes d’UNIDROIT.
+ Les modèles-types de la CNUDCI.
+ La Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises.
+ Les principes contractuels communs européens.
DICTIONNAIRES OU LEXIQUES
- Alland D. et Rials S., Dictionnaire de la culture juridique, PUF, coll. ’’Quadrige’’, 2003.
- Cabrillac Rémy (sous la direction de), Le dictionnaire du vocabulaire juridique de l’étudiant en
licence en droit, Litec, 2009 ;
- Cornu Gérard (sous la direction de), Vocabulaire juridique, PUF, coll. ’’Quadrige’’, 8e éd., 2007 ;
- Guinchard Serge et Montagnier Gabriel (sous la direction de), Lexique de termes juridiques (de
Raymond Guillien et Jean Vincent), Dalloz, 16e éd., 2007.
Nicoleau Patrick, Lexique de droit privé, Pris, Ellipses, Dicojuris, 1996, 382.
257
Eléments succincts de méthodologie juridique
Pr Filiga Michel SAWADOGO
A- Le commentaire d’arrêt
L’arrêt est une décision juridictionnelle rendue par la Cour d’appel, la Cour de cassation
(anciennement Chambre judiciaire de Cour suprême en ce qui concerne cette matière) ou une Cour
spéciale. La méthode du commentaire est également valable pour les jugements, c’est-à-dire les
décisions rendues par les autres juridictions (tribunal de première instance ou tribunal de grande
instance, tribunal de commerce, tribunal du travail…).
Quelques indications semblent utiles relativement à l’introduction, au corps du travail et à la
conclusion.
1) L’introduction
L’introduction revêt une grande importance. Elle donne déjà une bonne ou une mauvaise
impression du travail. Elle ne doit pas être bâclée, ni trop sommaire.
L’introduction doit contenir les éléments suivants agencés au mieux en fonction de la
décision en cause :
- un exposé succinct et clair des faits devant permettre de les comprendre beaucoup mieux
que dans la rédaction quelque peu rébarbative de l’arrêt ;
- éventuellement la procédure suivie (première instance, appel, cassation) ;
- la position du ou des problèmes de droit (qui découlent des faits, des prétentions des parties
et de la solution retenue par l’arrêt) ;
- l’annonce du plan (démontrer en quoi ce plan est justifié) ;
- s’il y a des problèmes accessoires, il y a lieu de les évacuer dans l’introduction afin que le
développement soit centré sur le ou les problèmes essentiels.
258
- si deux ou plusieurs problèmes d’égale importance sont posés, prévoir une partie pour
chaque problème, au besoin en les regroupant s’ils sont nombreux, le nombre de trois parties ne
devant pas être dépassé ;
- s’il y a un problème très important et deux de moindre importance, consacrer une partie au
plus important et une autre pour les deux autres ;
- dans les cas de revirement de jurisprudence, consacrer une partie à la solution ancienne et
une autre à la solution de l’arrêt.
Dans le développement de vos parties, il faut toujours essayer d’introduire chacune des
parties de manière succincte et de faire un sous plan à l’intérieur de chaque partie.
Le but de tout cela, c’est la clarté et la logique : il est impossible d’obtenir une bonne note
même avec un bon plan si les idées sont exposées pêle-mêle à l’intérieur des parties. Les idées,
points de vue, références doctrinales et jurisprudentielles doivent être clairement exposés,
s’enchaîner entre eux par des transitions harmonieuses.
Dans tous les cas, les points traités dans un commentaire d’arrêt doivent être liés à l’arrêt et
rester très près de celui-ci, en y faisant référence le plus possible. Il est proscrit de transformer le
commentaire d’arrêt en sujet théorique une fois que l’on a cerné le problème juridique.
3) La conclusion
La conclusion varie selon les problèmes traités. On enseigne même que pour certains
commentaires, il est possible de ne pas faire de conclusion si la conclusion de la 2ème partie est
satisfaisante.
Si les 2 parties ont posé des problèmes ou points de vue contradictoires, essayer de trancher
en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou faire une synthèse.
Faire une ouverture sur des problèmes plus vastes.
Conclure au réalisme ou à l’irréalisme de la solution, à son équité ou à son iniquité et/ou
proposer les évolutions souhaitables (de lege ferenda, c’est-à-dire dans la perspective d’une réforme).
B- Le cas pratique
Le travail en matière de cas pratique ressemble dans une certaine mesure au travail en matière
de commentaire d’arrêt, sauf que vous avez ici un problème à résoudre – et non pas un problème
résolu à analyser et à apprécier comme dans un commentaire d’arrêt. Dans tous les cas, sans vous
perdre dans des développements excessifs, il est nécessaire de fonder votre point de vue en droit, par
un raisonnement aussi logique que clair traduisant votre maîtrise de la ou des matières juridiques
concernées.
1) L’introduction
Le plan en 2 parties est également conseillé pour le cas pratique. De préférence, il doit s’agir
d’un plan de fond fondé sur le ou les problèmes posés. Si les problèmes posés sont nombreux et ne se
prêtent pas à un quelconque regroupement, alors 3 ou 4 parties pourront être acceptées dans le cadre
d’un cas pratique, l’objectif étant de proposer une solution claire et fondée au (x) problème (s) posé
(s).
259
Les développements doivent, malgré les nécessaires débordements théoriques (sur la doctrine
et la jurisprudence), rester très près du problème posé. On ne doit pas, en effet, avoir l’impression
que vous embarquez le correcteur loin du cas pratique dans les domaines que vous maîtrisez
davantage ou encore que vous transformez le cas pratique en sujet théorique.
A la fin de vos développements, une solution doit apparaître même si vous la nuancez.
Le cas pratique devrait constituer un exercice courant et maîtrisé par les étudiants dans la
mesure où il se rapproche du travail concret que le juriste aura à faire dans sa vie professionnelle en
tant que magistrat, avocat, conseiller juridique, juriste d’entreprise… La multiplication de tels
exercices participent à la professionnalisation des formations ou des filières, unanimement
recommandée.
3) Conclusion
Elle peut tirer la solution ou simplement l’apprécier. Elle peut faire une ouverture sur des
problèmes connexes ou plus larges mais ayant un rapport étroit avec le problème étudié, ce qui peut
montrer la bonne culture juridique de l’étudiant.
Il importe d’abord, comme pour tout travail, de comprendre le sujet posé et d’avoir un
minimum de connaissances. Ensuite, et à la différence de la rédaction scolaire qui est purement
descriptive, il faut avoir un esprit scientifique, un esprit de raisonnement et de démonstration car il
faut convaincre. Il ne suffit pas, en effet, de juxtaposer des éléments plus ou moins en rapport avec le
sujet. Il faut de la clarté et de la logique.
La dissertation est une construction qui ne tient que si elle est bien charpentée.
1) L’introduction
2) Le plan et le développement
Le plan doit être annoncé et justifié dans l’introduction. Il ne doit pas être arbitraire.
Le mieux, c’est d’avoir deux parties plus ou moins équilibrées. Cela n’est pas toujours
possible : on peut être obligé de construire un plan en trois parties mais il ne faut pas aller au-delà.
En effet, s’il y a quatre problèmes ou quatre aspects, on peut penser qu’ils peuvent être regroupés
deux à deux.
Dans la mesure du possible, le plan doit être original mais non artificiel ou purement
intellectualiste. Cependant, dans de nombreux cas, on peut être amené à adopter les plans suivants :
260
- conditions – effets ;
- notion – mise en œuvre ;
- doctrine – jurisprudence ;
- avant la réforme – depuis la réforme ;
- analyse de la solution – portée de la solution.
Chaque partie peut être divisée en deux sous-parties (ou trois).
Dans le traitement de vos parties, il faut passer très rapidement sur les généralités pour
s’attacher à l’approfondissement des points qui soulèvent des difficultés.
Les transitions entre les parties et entre les sous-parties sont nécessaires dans la mesure où
elles permettent de saisir les liens qui existent entre les différents aspects du ou des problèmes
étudiés. Elles révèlent au correcteur la maîtrise que l’étudiant ou le candidat a du sujet et de la
technique de la dissertation.
3) La conclusion
La conclusion varie selon les questions traitées. On enseigne même que pour certaines
dissertations, il est possible de ne pas faire de conclusion générale si la conclusion ou la fin de la 2 e
partie (ou de la 3e selon le cas) est satisfaisante.
Si les deux parties ont traité de problèmes ou de points de vue contradictoires, il faut essayer
de trancher en faisant la balance en faveur de l’une des positions ou simplement faire une synthèse.
Il est indiqué d’opérer, pour terminer, une ouverture sur des problèmes plus vastes ou sur les
perspectives d’évolution.
Pour l’ensemble de ces exercices (commentaire d’arrêt, cas pratique, dissertation), il existe
d’intéressants ouvrages de méthodologie et des dictionnaires et lexiques indispensables pour la
maîtrise des concepts. L’acquisition d’au moins l’un d’eux est recommandée à chaque étudiant : on
ne peut pas faire d’omelette sans casser d’eux.
261
USTA, 2009-2010
PLAN DU COURS DE THEORIE GENERALE DES OBLIGATIONS (TGO)
Introduction générale
- La définition et l’évolution de l’obligation
1) La classifications des obligations selon leur objet
a) Les obligations de donner, de faire, de ne pas faire
b) Les autres classifications
2) La classification des obligations selon leurs sources
a) La classification du Code civil
- Les contrats ; - Les quasi-contrats ; - Les délits ; - Les quasi-délits ; - Les obligations légales
b) La critique de la classification du Code civil
- Annonce du plan : les obligations selon leurs sources et les obligations quelles que soient
leurs sources
262
a) La théorie de la faute ou théorie subjective
b) La théorie du risque ou théorie objective
2) La portée des deux théories
B- Les théories de moindre importance
1) La théorie du Procureur Général Leclercq (Belge)
2) La théorie de la garantie (Boris Starck)
3) Les théories mixtes
CHAPITRE I : LE DOMMAGE
Section I : Les caractères du dommage
§ I- Les caractères certain, personnel et direct
A- Le dommage doit être certain (dommage actuel, futur, éventuel)
B- Le dommage doit être personnel
C- Le dommage doit être direct
§ II : Le caractère légitime de l’intérêt
Section II : Les différentes sortes de dommage
§ I : Le dommage corporel
§ II : Le dommage matériel
§ III : Le dommage moral
263
B- L’élément matériel
C- L’élément moral
Section III : La diversité des fautes
§ I : La faute intentionnelle et la faute non intentionnelle
§ II : La faute par commission et la faute par omission
§ III : La faute très légère, la faute légère, la faute lourde, la faute inexcusable
§ IV : La faute civile et la faute pénale
§ V : La faute professionnelle et la faute ordinaire
Section IV : L’abus des droits
§ I : La notion et les critères
§ II : Le domaine
Section V : L’appréciation de la faute et la preuve
Section VI : Les causes d’exonération
§ I : La non-imputabilité
A- Les personnes privées de raison
1) L’infans
2) Les personnes atteintes d’un trouble mental
B- Les personnes morales
§ II : La force majeure et les faits justificatifs
A- La force majeure
B- Les faits justificatifs
§ III : Les conventions d’irresponsabilité
264
Section II : Les conditions de la responsabilité
§ I : La chose
A- Les choses comprises
B- Les choses non comprises
1) Les animaux : art. 1385
2) Les bâtiments : art. 1386
3) L’incendie : art. 1384, al. 2 et 3
4) Les autres choses exclues
C- Le cas du droit belge : le vice de la chose
§ II : Le fait de la chose
A- La non-exigence d’un contact entre la chose et la victime
B- La nécessité d’un rôle actif de la chose
C- Le fait personnel et le fait des choses
§III : La garde
A- La notion de garde
B- Le caractère alternatif de la garde
C- Les déments peuvent-ils être gardiens ?
Section III : Les effets
Section IV : Le fondement de la responsabilité du fait des choses
A- La faute
B- Le risque
C- La garantie
Section V : Les responsabilités particulières du fait des choses
Sous-section I : Le cas de la responsabilité résultant d’un accident de la circulation
§ I : Les conditions du droit à indemnisation des victimes
A- L’accident
B- La circulation
C- Le véhicule terrestre à moteur
D- Le dommage causé par un véhicule terrestre à moteur
1) Les différentes conceptions possibles
2) La preuve de la causalité et la distinction entre cause de l’accident et cause du dommage
§ II : Le fondement du droit à indemnisation des victimes
A- Les conceptions doctrinales
B- La position de la Cour de cassation
§ III : Les causes d’exonération
A- L’éviction de la force majeure
B- La prise en compte diversifiée de la faute de la victime
1) La distinction entre les dommages aux biens et les atteintes aux personnes
2) La distinction entre les victimes de dommages corporels
a) Le conducteur de véhicules terrestres à moteur
b) Les victimes autres que les conducteurs de véhicules à moteur
- 1ère situation : La victime était, au moment de l’accident, âgée de 16 à 70 ans et n’était pas
atteinte d’une incapacité au moins égale à 80%
- 2e situation : la victime était, au moment de l’accident, âgée de moins de 16 ans ou de plus de
70 ans ou, quel que soit son âge, était titulaire d’un titre lui reconnaissant un taux d’incapacité
ou d’invalidité au moins égale à 80%
3) La faute commise par la victime directe qui lui est opposable l’est aussi à la victime par
ricochet
§ IV : Le problème des recours
§ V : Les garanties accordées à la victime
A- L’obligation d’assurance
B- Le Fonds de garantie
Sous-section II : La responsabilité du fait des produits défectueux
265
§ I : Les conditions de la responsabilité
§ II : Le régime de la responsabilité
266
§ II : L’évaluation du dommage corporel
§ III : L’évaluation du dommage moral
Section II : Les variations du dommage
§ I : Les variations avant le jugement ou l’arrêt
§ II : Les variations après le jugement ou l’arrêt
Section III : Les fluctuations monétaires
Section IV : La rente ou le capital
267
TITRE PRELIMINAIRE : LA NOTION DE CONTRAT
269
a) Le contenu du contrat est proposé par un tiers aux parties
b) Les contrats-types rédigés par des organismes professionnels
C- Le contrat avec soi-même
1) La notion
2) Les conditions de validité du contrat avec soi-même
Section III : L’objet
§ I : Les caractères de l’objet
A- L’objet de l’obligation
1) L’objet doit être dans le commerce
2) L’objet doit être déterminé ou déterminable
3) L’objet doit être possible
B- L’objet du contrat
1) L’ordre public classique
2) L’ordre public économique
§ II : L’équilibre des prestations
A- Les applications de la lésion
1) Les applications légales de la lésion
a) Les cas consacrés par le Code civil
b) Les cas de lésion prévus par les lois postérieures au Code civil
2) Les applications jurisprudentielles de la lésion
B- Les fondements de la lésion
1) Les deux conceptions possibles
2) La position de la jurisprudence
C- Les sanctions de la lésion
Section IV : La cause
§ I : La notion de la cause
A- La notion de cause au sens abstrait
B- La notion de cause au sens concret
§ II : La fonction de la cause
A- La fonction de la cause abstraite
B- La fonction de la cause concrète
§ III : La preuve de la cause
A- La preuve de l’existence de la cause
B- La preuve de la licéité de la cause
Section V : La forme du contrat
§ I : Les dispositions générales sur la forme
§ II : Les dispositions relatives aux contrats électroniques
270
§ III : L’action en nullité ne doit pas être éteinte
A- La confirmation
1) Les conditions de la confirmation
2) Les formes de la confirmation
3) Les effets de la confirmation
B- La prescription
1) Les délais de prescription
2) Les effets de la prescription
Section III : Les conséquences de la nullité
§ I : Le principe
§ II : Les limites au principe
A- En raison de la nature du contrat
B- En raison de l’attitude des parties
C- En raison de la capacité
271
1) L’ayant cause à titre particulier
2) Les créanciers chirographaires
§ III : Les contrats destinés à produire des effets à l’égard des tiers
A- La stipulation pour autrui
1) Les conditions d’existence et de validité
2) Les conditions de consolidation du droit du tiers
3) Les rapports juridiques nés de la stipulation pour autrui
B- La promesse pour autrui et la promesse de porte-fort
1) La prohibition de la promesse pour autrui
2) La validité de la promesse de porte-fort
Section III : La simulation
§ I : La notion
A- L’objet et les manifestations
B- Les conditions et la preuve
§ II : La validité
A- Le principe de la validité
B- Les cas de nullité
§ III : Les effets de la contre-lettre
272
- Le caractère certain
- Le caractère direct
- Le caractère prévisible (principe, exception)
C- La mise en demeure
1) Le rôle et la forme de la mise en demeure
a) Le rôle
b) La forme
2) Le domaine
a) La mise en demeure est inutile
b) Elle est surtout utile
§ II : La réparation du dommage
A- Les modes de réparation
1) La réparation en nature ou en équivalent
a) Le fondement et le domaine de la règle
b) Les applications du principe
2) Les modalités particulières offertes au créancier dans certaines situations
a) La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation de ne pas faire
b) L’exécution par une personne autre que le débiteur
3) Les modes particuliers de réparation
4) La constatation d’un acte juridique par un jugement
B- La réparation par équivalent : les dommages et intérêts
1) Les dommages et intérêts compensatoires
a) Le montant
b) La date d’évaluation du dommage
c) La production d’intérêts
2) Les dommages et intérêts dus en cas de retard dans le paiement d’une somme d’argent
a) Le calcul des dommages et intérêts moratoires
b) Le point de départ des intérêts
c) Le droit à une indemnité supplémentaire
d) L’anatocisme ou capitalisation des intérêts
§ III : Les modifications conventionnelles
A- La distinction entre les clauses qui modifient le contenu des obligations et celles qui
portent directement sur la responsabilité
B- Les clauses aggravant la responsabilité
C- Les clauses écartant ou limitant la responsabilité
1) La notion et l’intérêt de ces clauses
2) Le sort de ces clauses
a) Le droit commun
b) Les dispositions spéciales
D- Les clauses pénales
1) Définition, conditions de validité et d’application de la clause pénale
2) La règle de la fixité en droit positif burkinabè
273
3) Les conditions de la révision en France
Section II : Les règles particulières aux contrats synallagmatiques
§ I : L’exception d’inexécution
A- Les caractères
B- Le domaine
C- Les conditions
D- Les effets
§ II : La résolution pour inexécution
A- Le domaine
B- L’inexécution
C- Le caractère judiciaire
1) Le principe : la nécessité du recours au juge
2) L’exception : la résolution non judiciaire
a) La résiliation unilatérale autorisée dans certaines conditions par la loi
b) La clause de résolution convenue lors de la conclusion du contrat
c) La résolution unilatérale en l’absence de clause et de disposition légale
d) Le contrôle judiciaire a posteriori
D- Les effets
§ III : La résolution due à la force majeure : la théorie des risques
A- La position du problème
B- Les solutions
1) En principe, les risques pèsent sur le débiteur (res perit debitori)
2) Dans les contrats translatifs de propriété, les risques pèsent sur le propriétaire (res perit
domino)
a) L’hypothèse visée et sa justification
b) La conséquence en cas de transfert retardé et l’exception en cas de mise en demeure
274
B- Les effets
1) Le terme extinctif
2) Le terme suspensif
a) Avant l’arrivée du terme
b) A l’arrivée du terme ou échéance
C- L’extinction
1) L’échéance et la renonciation au bénéfice du terme
2) La déchéance du terme
a) La diminution des sûretés
b) Le jugement qui prononce la liquidation des biens
§ II : Le terme de grâce et le moratoire
A- Le terme ou délai de grâce
B- Le moratoire
Section II : La condition
§ I : La validité de la condition
A- La possibilité
B- La licéité
C- L’extériorité par rapport à la volonté du débiteur
1) La condition casuelle et la condition mixte
2) La condition potestative
a) La condition potestative de la part du créancier
b) La condition potestative de la part du débiteur
§ II : Les effets de la condition
A- La condition suspensive
1) La situation pendante conditione : On ne sait pas encore si la condition va se réaliser
2) La condition se réalise
3) La condition ne se réalise pas
B- La condition résolutoire
1) La situation pendante conditione
2) La condition se réalise
3) La condition ne se réalise pas
C- La rétroactivité et les droits des tiers
275
a2) Les effets secondaires
b) Les effets dans les rapports des codébiteurs entre eux
c) Les différences avec l’indivisibilité
§ IV : Les obligations in solidum
276
§ II : L’extinction de l’obligation par une satisfaction autre que celle qui était due
A- La compensation
1) La compensation légale
2) Les compensations conventionnelle et judiciaire
a) La compensation conventionnelle
b) La compensation judiciaire
B- La confusion
C- La novation
1) Les conditions communes à tous les cas de novation
2) Les différentes sortes de novation
a) La novation par changement de créancier (art. 1271-3°)
b) La novation par changement de débiteur (art. 1271-2°)
c) La novation par changement d’un élément important de l’obligation
3) Les effets
D- La délégation
1) La délégation parfaite et la délégation imparfaite
2) Les effets
a) La création d’un lien de droit entre le créancier (délégataire) et le nouveau débiteur
(délégué)
b) La situation du délégant
3) Comparaison avec d’autres techniques
a) Les différences avec la cession de créance
b) Les différences avec la novation par changement de débiteur
c) Les différences avec la stipulation pour autrui
Section II : Les causes d’extinction sans satisfaction du créancier
§ I : La remise de dette
A- Les conditions de validité
B- La preuve
C- Les effets
§ II : La prescription extinctive ou libératoire
A- La durée de la prescription
B- Le régime de la prescription
1) Le calcul du délai
a) Le point de départ
b) L’interruption
c) La suspension
2) La mise en oeuvre
TITRE III : LES DROITS DU CREANCIER NON PAYE SUR LE PATRIMOINE DE SON
DEBITEUR
Chapitre I : Le droit de gage général
Chapitre II : La protection du droit de gage général
Section : L’action oblique
§ I : Les conditions d’exercice
§ II : L’exercice par le créancier des droits et actions de son débiteur
Section II Les actions directes
Section III : L’action paulienne
§ I : Les conditions d’exercice
A- Les conditions relatives à la créance du demandeur
B- La condition relative à l’acte : le préjudice du créancier
C- La condition relative aux parties à l’acte : la fraude
§ II : Les effets
§ III : Les différences avec l’action en déclaration de simulation
277
Chapitre III : Le droit comparé français : les restrictions aux droits du créancier et la
protection du débiteur en cas de redressement pour surendettement des particuliers
§ I : Les bénéficiaires § II : Le fonctionnement
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