Rade-6 2021
Rade-6 2021
Revue Africaine
African de Droit
Journal de l’Environnement
of Environmental Law
African Journal of Environmental Law
La protection
Énergies de l’environnement
renouvelables, par lesénergétique
transition juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
et enjeux climatiques en droit africain
N°
N° 06
05 •• 2021
2020
La Revue Africaine de Droit de l’Environnement (RADE) entend favoriser l’essor du droit de
l’environnement et renforcer son effectivité en Afrique, au moyen notamment de la promotion de la
doctrine, de la diffusion d’informations et du partage d’expériences et de bonnes pratiques. Placée sous
l’égide de la Commission mondiale du droit de l’environnement de l’Union internationale pour la
conservation de la nature, la RADE bénéficie de l’appui logistique de la Faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage, et de l’Institut de la Francophonie pour le
développement durable, ainsi que du soutien financier de la Fondation Konrad Adenauer.
Comité scientifique
Présidente : Soukaïna BOURAOUI, Professeure à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
de Tunis, Université de Carthage
Membres :
Antonio BENJAMIN, Président honoraire de la Commission mondiale du droit de l’environnement de l’UICN
Fatimata DIA, Experte juriste environnementaliste
Daniela DIEGELMANN, Directrice du programme sécurité énergétique et changement climatique au Moyen-
Orient et en Afrique du Nord, Fondation Konrad Adenauer
Delphine Édith EMMANUEL-ADOUKI, Professeure à l’Université Marien Ngouabi
Amidou GARANÉ, Maître-assistant à l’Université de Ouagadougou 2
Maurice KAMTO, Professeur à l’Université de Yaoundé II
Sophie LAVALLÉE, Juge de la cour d’appel du Québec
Ibrahima LY, Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Cécile MARTIN PHIPPS, Directrice de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable
Mohamed Ali MEKOUAR, Vice-président du Centre international de droit comparé de l’environnement
Lionelle NGO-SAMNICK, Spécialiste de programmes, Institut de la Francophonie pour le développement durable
Michel PRIEUR, Professeur émérite à l’Université de Limoges
Saholy RAMBININTSAOTRA, Maître de conférences à l’Université d’Antananarivo
Yacouba SAVADOGO, Juriste de l’environnement, Coordonnateur du Réseau de l’Afrique francophone des
juristes de l’environnement
Coordination
Secrétariat
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Conception graphique
Kalom Graphic, Dakar, Sénégal
Impression : Presses Universitaires de Ouagadougou - Tirage : 100 exemplaires - Volume : 260 pages
ISSN : 2308-2259
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
4
SOMMAIRE
Avant-propos 7
Émile-Derlin KEMFOUET
APPROCHES NATIONALES 9
Quel(s) droit(s) pour les énergies renouvelables dans les pays du Sahel ?
Analyse au regard du droit interne burkinabè 83
Konamadji BALAAM
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Une décennie de mise en œuvre des lois d’orientation sur les énergies
renouvelables au Sénégal : un bilan mitigé pour le mix et la
transition énergétique 109
Mohamed Ayib DAFFÉ et Pathé NIANG
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
5
La réglementation des sacs plastiques au Sénégal : une étape
vers sa transition énergétique ? 127
Odeline BILLANT, Ayib DAFFÉ, Fatou NDIAYE, Ibrahima LY et Marie BONNIN
PERSPECTIVES TRANSNATIONALES183
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
6
Avant-propos
« Au commencement est l’énergie, tout le reste en découle »1. Ces propos de Cheikh
Anta Diop illustrent à juste titre que l’énergie est au cœur du processus de
développement de toute société. Ceci est particulièrement vrai pour l’Afrique qui
pourrait, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), devenir le continent le plus
dynamique dans le domaine énergétique 2.
Ce dynamisme n’a de sens, cependant, que s’il vise à corriger l’extraversion du système
énergétique du continent, à réaliser l’accès pour tous à une énergie moderne et surtout
à abandonner les combustibles fossiles au profit des énergies renouvelables. On l’aura
compris, l’heure est à la transition énergétique par ces temps où le danger des
changements climatiques est à nos portes.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent numéro de la Revue africaine de droit de
l’environnement consacré au thème « énergies renouvelables, transition énergétique et
enjeux climatiques en droit africain ».
Dans une première partie, sont analysées au prisme de plusieurs législations nationales,
les interactions entre le triptyque « énergies renouvelables, transition énergétique et
enjeux climatiques ». De la République démocratique du Congo à l’Algérie, en passant
par le Cameroun, le Tchad, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie et
le Maroc, l’heure est à la transition énergétique. Le cadre législatif et institutionnel mis
en place dans ces pays, fait apparaître une volonté de transformer durablement tous les
secteurs de l’énergie, de la production à la consommation finale, et de limiter les
émissions de gaz à effet de serre en vue de lutter contre le réchauffement climatique.
La seconde partie regroupe des études qui mettent en lumière l’émergence d’un droit
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1
Ch. Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, Paris-
Dakar, Présence Africaine, 1974, p. 7.
2
AIE, "Africa Energy Outlook. A Focus on Energy Prospects in Sub-Saharan Africa", World Energy
La protection de l’environnement par les juridictions
7
l’évolution appelle un optimisme, surtout quand on sait que la CEDEAO, par exemple,
a déjà adopté depuis janvier 2003, un Protocole sur l’énergie.
Les différentes contributions contenues dans ce volume on fait l’objet d’un symposium
virtuel, tenu les 3 et 4 juin 2021, au cours duquel les auteurs ont pu échanger, partager
les expériences, et approfondir certains aspects de leurs articles, dont le rapport de
synthèse se fait l’écho.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
8
APPROCHES NATIONALES
9
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Sabrya OUAMAR
Maître de conférences, Université de Tizi-Ouzou
Karima SI SALAH
Enseignante-chercheure, Université de Tizi-Ouzou
Résumé
Encore englués dans la pandémie de Covid-19, il est bien difficile d’imaginer ce qui va
se passer durant 2021 et au-delà. Il n’en demeure pas moins que la finitude des
ressources naturelles et principalement de l’énergie ne laisse aucun doute sur la
prééminence de la crise climatique. Les déséquilibres entre l’offre et la demande de
l’énergie se creusent et fragilisent les équations énergétiques de l’Algérie, dont la
sécurité énergétique est menacée. La transition énergétique y est un sujet d’actualité
qui se déploie sur les plans politique, juridique et économique. Il importe de voir dans
quelle mesure l’arsenal réglementaire, institutionnel et de partenariats permet
réellement de favoriser le recours à une énergie propre amie de l’environnement. Cet
article tente d’appréhender la réalité de la transition énergétique en Algérie à la lumière
de l’arsenal juridique ayant permis de la rendre viable.
Abstract
Still mired in the Covid-19 pandemic, it is hard to imagine what will happen in 2021
and beyond. Nevertheless, the finitude of natural resources and mainly energy leaves
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
no doubt about the pre-eminence of the climate crisis. The imbalances between energy
supply and demand are widening and weakening the energy equations of Algeria,
whose energy security is threatened. The energy transition is a topical issue that is
debated politically, legally and economically. It is important to see to what extent the
regulatory, institutional and partnership arsenal actually supports the use of clean
energy that is environment-friendly. This article attempts to capture the reality of the
energy transition in Algeria in the light of the legal arsenal that has made it viable.
11
Introduction
La transition énergétique est la nouvelle tendance énergétique de ces dernières années.
L’essor des énergies renouvelables, le déclin de l’industrie du charbon et du pétrole ou
l’engagement des villes et des entreprises sont les nombreux signaux qui montrent
l’intérêt porté à cette nouvelle donne de la société et de l’économie. Les besoins
énergivores induits par la civilisation moderne se sont répandus partout, même dans les
pays en développement, accélérant le passage d’un système à énergies fossiles
conventionnelles et non conventionnelles à un système à énergies renouvelables et
propres.
En Algérie, pays qui produit principalement son énergie à partir du gaz naturel et du
pétrole, aucune découverte significative de pétrole et de gaz n’est à signaler, depuis
2008, poussant certains experts à annoncer le Peak Oil1 pour la période 2035-20402.
En 2019, la production commerciale d’énergie primaire a connu une baisse de 4,8 %
par rapport aux réalisations de 2018, pour atteindre 157,4 M Tep, tirée par celle de tous
les produits à l’exception de l’électricité. Les importations ont pratiquement doublé
(+98,3 %) suite à l’arrêt des opérations de processing de pétrole brut à l’étranger. Les
exportations ont, quant à elles, atteint 92 M Tep, soit une baisse de 8,7 % par rapport
aux réalisations de 2018, en raison notamment de la chute des exportations de gaz
naturel par gazoducs (-31 %) et la consommation nationale totale d’énergie a connu
une hausse (+3,0 %) pour s’établir à 66,9 M Tep en 2019. Elle représente près de 43 %
de la production totale3.
1
Ce terme désigne le sommet de la courbe de production d’un bassin pétrolier ou d’une zone pétrolifère.
Par extension, il fait référence au moment où la production mondiale plafonne en volume avant de
commencer à décliner.
2
https://www.lemonde.fr/blog/petrole/2014/02/28/le-pic-petrolier-de-lalgerie-et-de-
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
trois-autres-nations-arabes-gatees-par-lor-noir.
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
3
Ministère de l’Énergie, Bilan énergétique national. Année 2018, édition 2019.
12
économiques des populations. Or, leur raréfaction accélérée souligne l’impérative
nécessité d’une transition énergétique partout dans le monde, mais plus
particulièrement dans les pays où l’énergie est source de revenu et de richesse de la
nation.
Enjeu sociétal dont l’importance est accentuée par un contexte de prédominance des
changements climatiques, la transition énergétique engage une réflexion autour des
stratégies à adopter afin de trouver des approches écologiquement rationnelles qui
aident à produire de l’énergie en s’inscrivant dans une dialectique de valorisation des
ressources et à la protection de l’environnement, tout particulièrement contre de l’effet
de serre, c’est-à-dire le réchauffement du climat terrestre par l’accumulation des
émissions atmosphériques polluantes, notamment le CO24.
Cette problématique est d’une portée fondamentale dans les pays dont la viabilité
économique repose soit sur la prévalence des énergies fossiles, soit sur le recours à
l’innovation durable en matière d’énergie5.
4
F. Collard, « La transition énergétique », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 2321, n° 36, 2016,
pp. 5-44.
5
F. Aggeri, « Le développement durable comme champ d’innovation. Scénarisations et scénographies
de l’innovation collective », Revue française de gestion, vol. 215, n° 6, 2011, pp. 87-106.
8
S. Liénart et A. Castiaux, « Innovation et respect environnemental sont-ils compatibles ? Le cas du
secteur des TIC », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. II, n° 4, 2012, pp. 77-96.
La protection de l’environnement par les juridictions
7
africaines : avancées nationales et régionales
OCDE, La mesure des activités scientifiques et technologiques. Manuel d’Oslo : principes directeurs
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
proposés pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, Paris, 2005.
13
Les énergies renouvelables constituent, il est vrai, la principale source d’innovation
durable dans l’énergie qui peut porter non pas seulement sur la source d’énergie mais
également sur son utilisation de façon à éviter les gaspillages. Elle ne se limite pas aux
trois piliers du développement durable (environnement, économique et social),
devenant un champ d’innovation pour lequel il n’y a plus d’antagonisme, surtout avec
la prévalence d’externalités négatives causées par les activités industrielles. Ceci remet
profondément en question notre système économique et son mode de développement8.
L’objectif devient l’efficience des opérations, en diminuant le coût des intrants (les
ressources consommées) et en limitant les déchets produits.
Plusieurs concepts apparaissent et fondent les politiques publiques mais aussi les
stratégies d’entreprises qui lui sont consacrées car le système énergétique prévalant
actuellement est confronté à deux limites inhérentes à ses propriétés : la raréfaction des
énergies fossiles et fissiles conventionnelles à long terme9 et le réchauffement
climatique10. Ceci engage à réfléchir à la transition énergétique porteuse, de façon
intrinsèque, d’innovations durables issues de « processus de changement
multidimensionnels relatifs aux technologies, aux marchés, aux industries, aux
politiques mais aussi aux valeurs et comportements »11. Elles se concrétisent soit par
des transitions énergétiques-ruptures ou par des transitions énergétiques-substitutions,
qui se différencient par leur intensité et leur temporalité. Si les premières conduisent à
des ruptures majeures du système sociotechnique relevant d’un mouvement global
complexe, les secondes conduisent au réajustement dudit système et impliquent une
volonté politique nationale assumée12.
Les modèles empruntés sont en relation avec les développements technologiques dans
le domaine, les capacités de chaque pays, et les objectifs en termes de sécurité
énergétique, d’indépendance et de développement local. Ils supposent une maîtrise de
la demande d’énergie, le verdissement du bouquet énergétique, la recherche de
l’efficacité mais aussi de la sobriété énergétiques, et ils font émerger, aux côtés
d’actions sur l’offre, d’autres sur la demande d’énergie, notamment dans des pays où
la problématique énergétique se pose avec acuité.
L’arsenal juridique est également déployé afin de constituer un outil pour canaliser la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
8
L. Preuss and J.-R. Cordoba-Pachon, « A knowledge management perspective of corporate social
responsibility », Corporate Governance International Journal of Business in Society, 9(4), August 2009.
9
M. Deshaie et G. Baudelle, « Ressources naturelles et peuplement », Ellipses, 2013.
10
M. Tsayem Demaze, « Paradoxes conceptuels du développement durable et nouvelles initiatives de
coopération Nord-Sud : le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) », Cybergeo: European
Journal of Geography, 2009, http://journals.openedition.org/cybergeo/22065.
11
S. Jaglin et É. Verdeil, « Énergie et villes des pays émergents : des transitions en question.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
12
G. Mestrallet, « Transitions énergétiques plutôt que ruptures », Vraiment durable, vol. 2, n° 2, 2012,
pp. 121-130.
14
l’exploitation (parfois la transformation), le transport, la distribution et l’utilisation des
différentes sources d’énergie »13. Le fonctionnement optimal du secteur de l’énergie
est étroitement lié à l’évolution du cadre juridique qui le sous-tend et qui a évolué avec
l’expertise acquise, la volonté ou non des tenants du secteur de le libéraliser ou d’attirer
les investisseurs potentiels. Comme indiqué dans le courant néo-institutionnaliste, les
arrangements institutionnels, à travers les réglementations mises en place, consacrent
l’attractivité d’un secteur et favorisent ou non son développement.
En Algérie, il demeure coopté sur les énergies fossiles et ne s’ouvre réellement vers les
énergies renouvelables et l’efficacité énergétique qu’à partir de 2011.
Elle a été complétée par le décret n° 87-159 du 21 juillet 1987 relatif à l’intervention
des sociétés étrangères dans les activités de prospection, de recherche et d’exploitation
d’hydrocarbures liquides. La loi n° 86-14 du 19 août 1986, dans le prolongement de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
13
L. Grammatico, Les moyens juridiques du développement énergétique dans le respect
de l’environnement en droit français (Recherches sur le droit du développement durable), Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 2003, p. 25.
14
Conseil national économique et social, Quel modèle de transition énergétique pour l’Algérie ? Enjeux
et défis 25 recommandations pour construire une stratégie nationale de mise en œuvre de la transition
énergétique et un modèle de consommation d’énergie en Algérie, septembre 2020.
La protection de l’environnement par les juridictions
15
africaines : avancées nationales et régionales
Loi n° 86-14 du 19 août 1986, modifiée et complétée, relative aux activités de prospection, de
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
recherche, d’exploitation et de transport, par canalisation, des hydrocarbures, Journal officiel, n° 35.
15
ouvre le droit au partenariat16. L’amendement de la législation sur les hydrocarbures, à
travers la loi n° 91-21 du 4 décembre 1991, allait attirer plus de 130 compagnies
découlant sur la signature de 26 contrats de recherche et d’exploration.
La loi n° 05-07 du 28 avril 2005 maintient les structures anciennes, comme le ministère
chargé de l’énergie et la Sonatrach, qui devient un partenaire minoritaire de l’activité
d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, en lui attribuant un taux de
participation de 30 % au maximum. Mais l’ordonnance n° 06-10 du 29 juillet 2006 va
rendre à la Sonatrach la majorité des parts dans toute exploitation pétrolière, de même
que dans le raffinage et le transport17. Les nouveautés de la loi n° 05-07 consistaient
surtout dans les appels d’offres, lancés à travers Alnaft18, pour les opérations de
recherche et d’exploration avec des titres miniers qui devaient faire l’objet d’un contrat
de recherche et d’exploitation19 de 32 ans20, avec trois périodes de recherche de 3 ans,
puis deux fois 2 ans. L’amendement de la loi n° 05-07 par l’ordonnance n° 06-10 du
29 juillet 2006, en plus de redonner à la Sonatrach ses principales attributions, a
introduit une « taxe sur les profits exceptionnels de 5 à 50 % lorsque le prix du baril de
pétrole est supérieur à 30 dollars ».
La loi n° 05-07 sur les hydrocarbures a été amendée par la loi n° 13-01 du 20 février
2013, qui a défini le cadre pour le développement futur de ressources en hydrocarbures
non conventionnelles, en l’occurrence l’exploitation des gaz de schiste 21, et adopté
l’impôt complémentaire sur le résultat fixé à 19 %22, suite à la suppression de la taxe
sur les profits exceptionnels23.
En dépit de toutes ces modifications, il n’y a eu qu’un seul appel d’offres après la
promulgation de la loi n° 13-01 du 20 février 2013, en plus des trois précédents lancés
dans le cadre de la loi de 2005 pour 31 blocs ouverts à la compétition, pour lesquels la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
baisse des prix du pétrole et du gaz sur les marchés internationaux peut être avancée
comme justificatif. La razzia sur énergies fossiles dans le contexte juridique algérien
16
F. Si Mansour, Analyse des relations économiques entre l’Algérie et l’Union européenne au travers
de la coopération énergétique, thèse de doctorat ès sciences économiques, Université de Tizi-Ouzou,
novembre 2019, pp. 309-311.
17
F. Si Mansour, op. cit., p. 312.
18
Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures.
19
F. Si Mansour, op. cit., p. 312.
20
Loi n° 05-07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures, Journal officiel, n° 50.
21
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
22
Cet impôt est porté à 80 % si les bénéfices des compagnies étrangères atteignent des seuils importants.
23
Cette taxe restera en vigueur pour les contrats d’association conclus sous la loi n° 86/14.
16
continue d’être d’actualité malgré l’intérêt manifeste des gouvernants d’amorcer la
transition énergétique.
En 1999, la loi n° 99-09 trace le cadre général de la politique nationale dans le domaine
de la maîtrise de l’énergie et définit les moyens d’y parvenir25.
La promotion des énergies renouvelables y est inscrite comme l’un des outils de la
maîtrise de l’énergie à travers les économies d’énergie conventionnelle qu’elle permet
de réaliser26. Dans le cadre de cette loi, le Fonds national pour les énergies
renouvelables est créé pour l’allocation des fonds nécessaires au développement des
énergies propres, dont le financement sera assuré par 1 % de la redevance pétrolière et
toutes autres ressources ou contributions27. Des actions touchant les énergies
renouvelables sont prévues pour être financées, dans ce cadre, au titre du Plan national
de maîtrise de l’énergie 2006-2010. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
24
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Transition énergétique en
Algérie. Leçons, état des lieux et perspectives pour un développement accéléré des énergies
renouvelables, édition 2020.
25
Loi n° 99-09 du 28 juillet 1999 relative à la maîtrise de l'énergie, Journal officiel, n° 51.
26
F. Si Mansour, op. cit., p. 315.
27
Arrêté interministériel du 28 octobre 2012 déterminant la nomenclature des recettes et des dépenses
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
imputables sur le compte d’affectation spéciale n° 302-131 intitulé « Fonds national pour les énergies
renouvelables et la cogénération », Journal officiel, n° 22.
17
partir des énergies renouvelables et son intégration au réseau28. La libéralisation, dès
2002, du domaine de la production d’électricité a, en effet, été instituée par la loi n° 02-
01 du 5 février 2002, modifiée et complétée, relative à l’électricité et à la distribution
du gaz par canalisations. Elle a aussi prévu la création d’un opérateur marché (non
installé à ce jour) et d’une commission de régulation du secteur (Commission de
régulation de l’électricité et du gaz) dont la mission est de veiller au fonctionnement
concurrentiel et transparent du marché national de l’électricité et du gaz, dans l’intérêt
des consommateurs et des opérateurs. En outre, une société spécialisée dans le
développement des énergies renouvelables (New Energy Algeria) a été mise à
contribution pour appliquer le Programme national des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique. Dans ce contexte, le Programme national de recherche en
énergies renouvelables, étalé sur la période 2010-2012, a associé 460 chercheurs du
CDER autour de 108 projets.
28
Loi n° 02-01 du 5 février 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz par canalisations,
Journal officiel, n° 8.
29
Loi n° 04-09 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
30
Décret exécutif n° 11-33 du 27 janvier 2011 portant création, organisation et fonctionnement de
l’institut algérien des énergies renouvelables, Journal officiel, n° 8.
18
projets dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, ainsi
que la conclusion d’accords et conventions de coopération au niveau national ou
international. Cet institut sera dissout par le décret exécutif n° 16-70 du 22 février
201631.
Nombreuses sont aussi les institutions qui ont été créées afin de promouvoir la
transition énergétique en Algérie. Ainsi, le Centre de recherche en technologie des
semi-conducteurs pour l’énergétique est une entité de recherche et développement sous
tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, créé
par le décret exécutif n° 12-316 du 21 août 2012. Par ailleurs, l’École nationale
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
31
Décret exécutif n° 16-70 du 22 février 2016 portant dissolution de l’institut algérien des énergies
renouvelables, Journal officiel, n° 10.
32
Journal officiel, n° 23, 23 avril 2014.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
33
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Transition énergétique en
Algérie…, op. cit.
19
Cluster d’énergie solaire est le résultat de la volonté des industriels de la filière de se
regrouper, de rechercher des synergies entre ses membres et de constituer une force de
propositions vis-à-vis des pouvoirs publics. Sa création, en mai 2017, vise à favoriser
la jonction entre les différents acteurs de la filière énergie renouvelable par la
promotion de projets innovants.
- décret exécutif n° 13-218 du 13 juin 2013 fixant les conditions d’octroi des primes
au titre des coûts de diversification de la production d’électricité34 ;
- décret exécutif n° 13-424 du 18 décembre 2013 modifiant et complétant le décret
exécutif n° 05-495 du 26 décembre 2005 relatif à l’audit énergétique des
établissements grands consommateurs d’énergie35 ;
- arrêté ministériel du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis pour la
production d’électricité à partir d’installations utilisant la filière photovoltaïque et
les conditions de leur application36 ;
- arrêté ministériel du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis pour la
production d’électricité à partir d’installations utilisant la filière éolienne et les
conditions de leur application37;
- décret exécutif n° 17-98 du 26 février 2017 définissant la procédure d’appel
d’offres pour la production des énergies renouvelables ou de cogénération et leur
intégration dans le système national d’approvisionnement en énergie électrique38 ;
- décret exécutif n° 17-167 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif
n° 15-69 du 11 février 2015 fixant les modalités de certification de l’origine de
l’énergie renouvelable et de l’usage de ses certificats39 ;
- décret exécutif n° 17-168 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif
n° 15-319 du 13 décembre 2015 fixant les modalités de fonctionnement du compte
34
Décret exécutif n° 13-218 du 18 juin 2013 fixant les conditions d'octroi des primes au titre des coûts
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
février 2015 fixant les modalités de certification de l’origine de l’énergie renouvelable et de l’usage de
ses certificats, Journal officiel, n° 31.
20
d’affectation spéciale n° 203-131 intitulé « Fonds national pour la maîtrise de
l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la cogénération »40.
En 2020, l’État a tenté d’asseoir un modèle énergétique plus propre par la mise en place
d’un Programme national de transition énergétique qui vise la diversification des
sources énergétiques à travers le développement des énergies renouvelables et la
promotion de l’efficacité énergétique en tant qu’action complémentaire de grande
importance. Ce programme est structuré autour : de la préservation des ressources
fossiles et leur valorisation ; du changement du modèle énergétique de production et de
consommation ; du développement durable et de la protection de l’environnement ; et
de la maitrise des coûts de la réalisation des installations des énergies renouvelables.
40
Décret exécutif n° 17-168 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif n° 15-319 du 13
décembre 2015 fixant les modalités de fonctionnement du compte d’affectation spéciale n° 302-131
intitulé « Fonds national pour la maîtrise de l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
21
d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique dans le monde arabe. En outre,
l’Algérie joué un rôle actif dans la création de la Commission africaine de l’énergie.
Un cadre juridique assez étoffé a donc été mis en place dans le but de faciliter la
transition énergétique, voulue dans le discours politique mais surtout rendue impérative
par les rebondissements multiples du marché de l’énergie et la finitude des réserves
fossiles. Cependant, un état des lieux effectué en 2020 fait montre d’un manque de
rigueur dans l’application du planning tracé. En effet, hormis la réception (étalée
jusqu’en 2017) des centrales solaires photovoltaïques totalisant 343 MW du
programme lancé en 2014 par SKTM (Shariket Kahraba wa Taket Moutadjadida) et la
mise en service par la Société nationale pour la recherche, la production, le transport,
la transformation et la commercialisation des hydrocarbures, dans le cadre de sa
stratégie SH 2030, d’une première centrale solaire photovoltaïque de 10 MW, aucune
autre réalisation n’est à mettre en exergue.
Conclusion
Les trois rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat publiés en 2018 et 2019 insistent sur l’impératif d’agir en matière
d’adaptation pour renforcer la résilience, par la gestion de risque et l’adaptation, car les
choix en matière d’émissions de gaz à effet de serre auront des conséquences majeures
sur l’ampleur du réchauffement et des risques associés au-delà de 205042. Ils tirent la
sonnette d’alarme quant à l’urgence de transitions énergétiques viables. Ces dernières
supposent de passer de modèles de croissance et de développement économiques
classiques à un modèle de croissance verte et de développement durable. Cela suppose
de relever le niveau de l’innovation vers plus de durabilité, notamment via les énergies
renouvelables, l’économie et l’efficacité énergétique. Le défi est immense pour des
pays dont les ressources fossiles constituent la source première de revenu et de richesse,
comme c’est le cas de l’Algérie, mais l’urgence d’une transition énergétique est dictée
par les contextes économique, social et environnemental. En effet, selon le
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, toute transition
énergétique n’a de sens stratégique pour un pays que lorsqu’elle est essentiellement
élaborée pour répondre en premier lieu aux besoins locaux sur la base de prévisions
fiables à moyen et surtout à long terme. Or, tous les scénarios en matière de demande
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
42
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
risques et options d’action », Comptes rendus, Géoscience, tome 352, n° 4-5, 2020, pp. 251-277.
22
LA GESTION DE LA CRISE CLIMATIQUE EN
TUNISIE : POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE
ENTRE LE NATIONAL ET LE LOCAL
Afef HAMMAMI-MARRAKCHI
Résumé
La question climatique se pose avec une acuité certaine en Tunisie compte tenu des
effets perceptibles des dérèglements climatiques dans un pays touché de plus en plus
par la pénurie d’eau. Or, la réponse à ce phénomène, même si elle repose sur un arsenal
juridique d’une certaine densité, ne semble pas tenir compte de la désarticulation, tant
structurelle que fonctionnelle, qui caractérise le droit climatique tunisien. Ce dernier ne
semble pas répondre aux exigences de la bonne gouvernance au regard d’une
implication contrastée du pouvoir central, qui a l’apanage de la compétence en la
matière, et l’échelon local, faiblement sollicité. À cette dilution des compétences
s’ajoute la faiblesse des outils d’accompagnement nécessaires à toute gestion intégrée
de la problématique climatique, entravant par là-même sa bonne gouvernance.
Abstract
The climate issue is definitely a concern in Tunisia given the discernible effects of
climate change in a country increasingly affected by water scarcity. However, the
response to this phenomenon, while stemming from a legal arsenal of a certain density,
does not seem to take into account the disjunction, both structural and functional,
which characterizes Tunisian climate law. The latter does not seem to meet the
requirements of good governance in view of the contrasting involvement of the central
government, which has the prerogative of competence in this area, and the local
authorities, which are inadequately called upon. Added to this dilution of powers is the
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
weakness of the support tools necessary for any integrated management of the climate
issue, thereby hampering its good governance.
23
Introduction
D’intérêt général pour l’humanité1, la préservation du climat est aussi une question
d’intérêt national. C’est ainsi que le droit tunisien n’est pas resté à la traîne de
l’évolution du droit international s’agissant de la sécurité climatique : au contraire, les
développements récents du droit positif tunisien sont favorables à l’intégration des
nouvelles exigences liées aux risques et aux changements climatiques, même si cette
démarche semble surtout focalisée à l’heure actuelle sur la répartition des
responsabilités climatiques entre les institutions existantes, plutôt que sur la mise en
place de mécanismes destinés à une meilleure gouvernance climatique2.
La question climatique s’est ainsi posée dans ses rapports avec la gouvernance
institutionnelle de la crise qui en a résulté. À ce titre, les changements climatiques, les
phénomènes naturels extrêmes, la pauvreté… sont autant de manifestations liées au
climat nécessitant des moyens de gestion adaptés.
C’est cette crise et sa gestion qui appellent et justifient le débat autour de la dialectique
du national et du local en tant que cadre territorial au niveau duquel s’intègrent
différents principes d’action publique et qui appelle à repenser les relations entre les
différents échelons au sein de l’État.
Si l’État tunisien s’est distingué par une adhésion rapide à l’ensemble des instruments
internationaux en relation avec le climat3, il était également conscient de l’impact
national des changements climatiques. À ce titre, la Tunisie a développé une politique
législative favorable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et
différentes mesures font état de ses actions, qui vont de la promotion des énergies
renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique, à la prescription
d’obligations de rénovation énergétique des bâtiments, etc.4
Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été lancées, comme la réalisation de travaux sur la
transition énergétique, l’élaboration d’une stratégie sur les changements climatiques en
2012, avec la production d’un premier rapport biannuel en 2014 et la présentation de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1
M. Oubejja, « L’environnement : un bien public mondial », Economia, 1er novembre 2012.
2
M. Damian, « La politique climatique change enfin de paradigme », Économie appliquée, tome LXVII
(1), 2014, pp. 37-72.
3
Notamment la Convention pour la protection de la couche d’ozone (Vienne, 22 mars 1985) et la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Rio, 9 mai 1992), telles que
complétées par leurs divers protocoles additionnels : le Protocole de Kyoto adopté en 1997, l’Accord de
Paris sur le climat adopté en 2015, etc.
4
En Tunisie, le secteur des énergies renouvelables s’appuie sur la loi n° 2004-72 du 2 août 2004,
modifiée par la loi n° 2009-7 ; à ce cadre juridique s’ajoutent : la loi sur la production de l’électricité à
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
partir des énergies renouvelables du 11 mai 2015 ; et la loi n° 2009-7 du 9 février 2009, modifiant et
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
24
la contribution déterminée au niveau national en 20155. Or, l’impact du phénomène
transcende le champ territorial classique, s’intéressant au seul échelon central, et doit
être appréhendé selon la dialectique national-local, car la notion de local, que l’on
oppose souvent à celle de national, doit être étudiée différemment dans le cadre de la
lutte contre les changements climatiques. Cette lutte s’effectue au moyen de mesures
horizontales, marquant ainsi la transversalité de la matière, ce qui nécessitera
d’envisager la gouvernance de la question climatique.
Cette lecture ouvrira au chercheur la possibilité d’envisager le débat relatif aux pistes
d’une meilleure gouvernance du secteur où l’autorité centrale, loin de commander
unilatéralement, devrait faire appel à ses relais locaux moyennant des mécanismes
d’accompagnement indispensables6.
Ainsi, si le rôle du l’État dans la lutte contre les changements climatiques est connu, la
présente analyse choisit de s’attarder sur le rôle du droit interne, en l’occurrence
tunisien, face à la question climatique dans une perspective intra mettant en relation le
cadre national et local. En effet, le phénomène de la mondialisation des changements
climatiques a mis l’accent sur le rôle des États, tandis que l’évolution du droit
international du climat a en même temps contribué à mettre en avant l’apport des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
L’étude du cadre juridique relatif aux changements climatiques nous invite donc à nous
interroger sur les modalités de la prise en compte par le droit tunisien de ce couple
national-local, ainsi que la manière dont l’instrument juridique permet de répondre à
l’objectif d’une gestion intégrée de la question climatique.
5
F. Moussa, « Le “NDC” tunisien à l’épreuve de l’Accord de Paris sur le climat », La femme et son
environnement, sa priorité… Mélanges en l’honneur de la professeure Soukaina Bouraoui, Tunis, Centre
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
D’abord, il n’est plus à démontrer que la matière climatique constitue une question
mixte appelant des jeux d’acteurs centraux et locaux et des enjeux territoriaux
nombreux au-delà du national et de l’international.
Le droit climatique tunisien a-t-il réussi à dépasser les frontières entre le national et le
local au regard de l’interdisciplinarité de la matière qui suppose un dialogue entre les
territoires ?
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
26
Considéré comme détenant l’expertise climatique, le ministère de l’Environnement,
créé depuis 1992, a connu une évolution relative quant à l’intégration de la
problématique climatique au niveau de sa structure interne. Seule une direction chargée
des affaires internationales semble être en lien, même indirect, avec la problématique
climatique, sans coordination avec l’échelon local7.
Cette vision sectorielle s’applique d’ailleurs même dans les rapports entre autorités
centrales elles-mêmes, puisqu’il n’existe aucun service chargé du climat dans les autres
départements ministériels qui sont directement concernés par la question (équipement,
énergie, agriculture)8.Il a fallu attendre 2018 pour que ce ministère pivot se voie enfin
doté d’une unité de gestion par objectifs pour la mise en œuvre de la CCNUCC 9. La
nouvelle structure est essentiellement chargée de la réalisation du programme de suivi
et de coordination des activités relatives à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le
climat et de « l’implication effective des principaux intervenants lors de l’identification
des priorités et du suivi des progrès de la mise en œuvre des contributions déterminées
au niveau national […] en vue de réaliser les objectifs inscrits dans les contributions
déterminées au niveau national ».
Or, ce décret de 2018 ne contient aucune référence expresse aux communes, marquant
ainsi un désintérêt pour les partenaires territoriaux. En témoigne le texte d’application
qui a mis en place deux comités techniques consultatifs10 dans les domaines de
l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation des émissions de GES,
7
Le décret n° 2020-313 du 15 mars 2020 modifiant et complétant le décret n° 2006-898 du 27 mars 2006
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
l’identification des priorités nationales dans le domaine de l’atténuation des émissions de GES et
l’intégration de ces priorités dans les plans de développement en Tunisie.
27
dont la composition est principalement technique et sans aucune représentativité
territoriale11.
Sur un plan plus stratégique, il n’existe pas en droit tunisien une structure
spécifiquement chargée de la mission climatique à l’instar du Haut Conseil pour le
climat en France. Dans la mission qui lui incombe, le code de l’environnement ne
manque pas de préciser qu’il est chargé de « la mise en œuvre et l’efficacité des
politiques et mesures décidées par l’État et les collectivités territoriales »14.
La Tunisie aurait pu opter pour la création d’un organe ad hoc assurant aussi bien une
coordination horizontale qu’une coordination verticale, ou bien créer des cellules de
coordination au sein des organismes existants, chapeautées par un organe central pour
la cohérence de l’ensemble. Mais le pouvoir constituant s’est orienté vers la création
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
d’une instance constitutionnelle dotée d’une mission plus générale, à savoir l’Instance
du développement durable et des droits des générations futures15.
11
Parmi leurs membres figurent les directeurs généraux des ministères de l’Environnement,
l’Agriculture, la Pêche et les Ressources hydrauliques, la Santé, l’Équipement, ainsi que des
représentants de la direction générale des forêts, du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des
Ressources hydrauliques, etc.
12
Il faut dire que cet organe n’a pas encore vu le jour pour cause de non élection des conseils régionaux.
13
https://www4.unfccc.int/sites/ndcstaging/PublishedDocuments/Tunisia%20First/INDC%20Tunisie%20
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
VF%205%20aout%20Valid.pdf.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
14
Chapitre II bis : Haut Conseil pour le climat, article L. 132-4.
15
Article 129 de la Constitution.
28
Lors des débats relatifs au projet de loi organique relative à cette Instance, le choix
d’impliquer les communes dans le paysage institutionnel chargé du développement
durable en général et de la problématique climatique en particulier s’est partiellement
posé16. Cependant, les propositions orientées vers les déclinaisons territoriales de
l’Instance pour la rapprocher de l’échelon local et de la population locale ont été
écartées. Pour autant, la loi organique relative à l’Instance prévoit que les communes
sont représentées au sein du forum de l’Instance, et donc au sein des commissions le
composant, parmi lesquelles celle de la lutte contre les changements climatiques. Cet
état des choses est confirmé par une désarticulation fonctionnelle.
Cette lacune n’est pas nouvelle ; en atteste la loi de 2007 relative à la qualité de l’air
dont l’objectif novateur, à l’époque, était de préserver le droit à l’environnement et le
droit à un développement durable, à travers notamment la réduction de la
consommation d’énergie et le développement des ressources renouvelables19.
sur l’air charge de cette mission chaque autorité dans son domaine de compétence21.
16
La loi n° 2019-60 du 9 juillet 2019 relative à l’Instance du développement durable et des droits des
générations futures.
17
Article 45.
18
Article 14.
19
Article 1er de la loi n° 2007-34 du 4 juin 2007.
20
La loi répartit les compétences entre l’Agence nationale de protection de l’environnement, le ministère
chargé de l’environnement et celui de la santé… Les collectivités locales y sont citées à titre secondaire
et ne semblent pas être considérées comme parties prenantes de la politique nationale de lutte contre la
pollution de l’air.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
21
Article L. 220-1 du code de l’environnement : « L’État et ses établissements publics, les collectivités
African Journal of Environmental Law
territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le
29
Ce choix se confirme à travers la lecture du droit national de l’environnement à la
lumière du droit de la décentralisation, cette fois instauré par l’adoption du CCL en
2018, qui confirme le constat selon lequel la question climatique semble se présenter
comme d’intérêt strictement national22.
Ainsi, la lecture du CCL permet de déduire un réel paradoxe entre l’exposé des motifs
du texte et ses principes généraux, qui accordent une responsabilité certaine aux
communes en matière d’environnement, et les autres articles du code qui traduisent les
responsabilités des collectivités locales détaillées en compétences concrètes. Sur ce
plan, le rôle des collectivités locales devient de plus en plus réduit, s’agissant de la
question climatique particulièrement23.
Est-ce à dire que le climat est considéré en droit tunisien comme un intérêt public
national ? Et même si nous partons de ce constat, rien n’empêche que les communes y
interviennent, d’autant plus que la Constitution charge l’État, au sens large, de la
sécurité climatique. Les communes seraient donc compétentes pour intervenir eu égard
au climat dans un but d’intérêt général27.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Pour autant, le droit de la décentralisation permet, par une certaine lecture, de retrouver
des compétences des collectivités, notamment des communes, dont le contenu nous
ramène vers la lutte contre les changements climatiques, comme leur rôle en matière
domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la
mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ».
22
Loi organique n° 2018-29 du 9 mai 2018.
23
M. Hautereau-Boutonnet, op. cit., p. 2259.
24
Ibid.
25
Ibid.
26
J.-M. Pontier, « Qu’est-ce que le local ? », L’Actualité juridique. Droit administratif, 2017, p. 1093.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
27
African Journal of Environmental Law
Ibid.
30
d’économie et d’utilisation rationnelle de l’énergie, de maîtrise de l'énergie, de
production énergétique à partir de ressources renouvelables, etc. Mais le lecteur
s’étonne que le CCL ne fasse pas référence à la législation en vigueur en matière
d’énergies renouvelables, ce qui est révélateur de sa vision peu intégrée28.
De même, le législateur n’est pas allé jusqu’à la consécration du climat parmi les
services publics locaux, faisant de la lutte à mener l’une des priorités
environnementales de l’échelon local. Ainsi, le CCL n’adopte pas une approche
d’intégration où l’enjeu climatique transcende les différents secteurs locaux, vecteurs
d’enjeux environnementaux globaux, à l’instar de l’industrie, l’agriculture, le tourisme,
l’urbanisme…
Ce rôle se trouve d’autant plus limité par des compétences répressives insuffisantes.
Ainsi le maire, en tant qu’autorité de police locale, ne peut limiter ou arrêter que
provisoirement une activité qui menace le climat et plus généralement l’environnement
lorsqu’elle relève de la compétence de la police nationale et spéciale (ministre, Chef de
gouvernement). L’État central détient ici unilatéralement la compétence répressive, y
compris sur le sol communal.
gouvernance climatique
L’étude des mesures mises au service de la lutte contre les changements climatiques
dénote l’absence de vision convergente entre le national et le local. Cette vision
sectorielle est confirmée par l’insuffisance des outils d’intégration de la problématique
climatique au cœur du pouvoir local ; tout au plus le pouvoir central intervient-il pour
appuyer une telle action ou l’encadrer localement. Des outils de planification peu
exploités (2.1), ajoutés à la faiblesse des outils financiers (2.2), marquent l’insuffisance
28
Les énergies renouvelables émettent moins de GES et de polluants atmosphériques et contribuent de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
29
J.-M. Pontier, op. cit., p. 1100.
31
des moyens d’accompagnement indispensables à la bonne gouvernance de la crise
climatique.
Ainsi, cet outil stratégique se limite à détailler les mesures à adopter par secteur, ne
réservant pas de titre à la gouvernance et ne citant pas suffisamment les communes, ce
qui confirme l’approche centralisante de l’État tunisien.
Cette stratégie, qui est en cours d’actualisation par application de l’Accord de Paris 30,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
devrait répondre à une meilleure articulation entre les axes d’adaptation en prenant en
considération les aspects réglementaires, techniques et institutionnels, particulièrement
les mécanismes de concertation, la coordination et la procédure de validation des
documents de planification, y compris au niveau local. Or, rien ne présage que
l’autorité nationale désignée s’oriente vers une spatialisation de la CDN.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
30
Obligeant à une actualisation des CDN tous les cinq ans.
32
particulièrement orientée vers la problématique climatique et ne s’y intéresse que
sommairement.
Cette stratégie cède aujourd’hui la place à une autre stratégie, depuis l’adoption de
l’Agenda 2030 pour la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD).
Or, à ce niveau également, la présentation des 17 ODD dans le texte de l’Agenda 2030
tunisien ne prévoit pas explicitement l’interrelation entre le local et le national.
Pourtant, les ODD sont basés sur la transversalité des liens entre la sécurité climatique
et les institutions fortes, la gouvernance étant au cœur de ces objectifs.
climatique32.
31
Article 106 du CCL.
32
Des expériences pilotes sont en train d’être menées portant sur l’élaboration des plans climats locaux.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
33
Tels que les paysages côtiers qui ont aussi une valeur culturelle, les zones humides, les estuaires, les
habitats marins, les forêts littorales, les dunes, les îles et îlots.
33
avec les collectivités locales dans les agglomérations dont le nombre d’habitants
dépasse un seuil fixé par arrêté34. Les seconds permettant de limiter l’utilisation des
moyens de transports polluants, de développer le transport collectif et les moyens
économes en énergie. Or, non seulement les textes d’application relatifs à ces plans
n’ont vu le jour qu’après une dizaine d’années de la date de promulgation de la loi,
mais depuis l’adoption de ces textes d’application, seules quelques communes se sont
orientées vers l’élaboration de tels plans35.
C’est ainsi que le CCL charge les communes de prévoir des crédits pour appuyer les
projets environnementaux et plus généralement d’économie verte et d’économie
sociale et solidaire36. Cependant, en l’absence d’une planification préalable axée sur
les objectifs environnementaux et de réduction de la pollution que la commune voudrait
atteindre, ces projets restent rares et les crédits peu alloués. Plus encore, la majorité des
communes considèrent que de tels projets ne sont pas prioritaires et nécessitent la
mobilisation d’importants moyens financiers qui leur manquent.
Afin d’encourager les communes à investir dans de tels projets le législateur sollicite
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
l’appui de l’autorité centrale pour que l’État s’engage « à appuyer ces projets
environnementaux à travers des conventions conclues avec les communes »37.
34
Articles 4 et 5 de la loi susvisée ; arrêté du ministre des Affaires locales et de l’Environnement et du
ministre de la Santé du 18 mai 2018, fixant le nombre d’habitants requis pour déterminer les
agglomérations urbaines nécessitant l’élaboration de plans de conservation de la qualité de l’air.
35
Ces dispositions ont été complétées par le décret gouvernemental n° 2018-447 du 18 mai 2018 fixant
les seuils maximums et des seuils d’alerte de qualité de l’air.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
36
Ramassage des déchets, compost, recyclage, économie d’énergie…
African Journal of Environmental Law
37
Article 109 du CCL.
34
Le volet financier se vérifie également à travers les principes de solidarité et de
discrimination positive. Ces principes sont traduits par le fonds d’appui à la
décentralisation, de péréquation, de régularisation et de solidarité entre les collectivités
locales. L’article 39 du CCL prend en considération, dans la répartition des crédits de
ce fonds, l’objectif de l’amélioration des conditions de vie des habitants de la
commune, qui sont souvent liées aux conditions environnementales et climatiques. Or,
ce fonds consacré constitutionnellement depuis 2014 et législativement depuis 2018
n’a été officiellement créé qu’il y a quelques mois par la loi de finances pour 202138.
A côté de ce fonds national, la faible intervention du Fonds Vert Climat au niveau des
projets communaux traduit le manque de transparence financière. En effet, cet outil
financier de la CCNUCC a pour objectif de limiter ou de diminuer les effets des
émissions de GES dans les pays en développement et d’aider « les communautés
vulnérables » à s’adapter aux effets déjà ressentis du réchauffement du globe39. À ce
titre, les collectivités locales peuvent bénéficier des opportunités offertes par ce fonds.
Or, le ministère de l’Environnement communique peu ou pas sur la question et rares
sont les appels adressés aux communes leur permettant de candidater pour bénéficier
des crédits alloués par ce fonds.
Les collectivités locales peuvent par ailleurs proposer à l’autorité centrale compétente
d’augmenter certaines redevances d’occupation du domaine de l’État pour y intégrer
l’impact environnemental et climatique43. Elles ont également une liberté pour
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
38
Article 13 de la loi n° 2020-46 du 13 décembre 2020 portant loi de finances pour l’année 2021.
39
République tunisienne, Programme de préparation à la finance climat. Guide : principales étapes
pour l’accès au Fonds vert pour le climat GCF, Tunis, mars 2019, p. 27.
40
Article 139 du CCL.
41
Ces taxes, droits et redevances sont déjà prévus par le code de la fiscalité locale. Les communes les
perçoivent sur la base d’une tarification fixée par un décret réglementaire.
42
Articles 140 et 141 du CCL.
43
D’autant plus que les impacts sur l’environnement sont pris en compte lors de la détermination de la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
redevance annuelle d’exploitation des carrières et des différentes propriétés, y compris privées,
conformément au principe pollueur-payeur.
35
l’évaluation et la fixation, tant de la redevance que de son assiette ou sa tarification, en
fonction de la spécificité de leur territoire44.
Sur un autre plan et afin de faire face aux moyens financiers limités, les communes ont
la possibilité de conduire leurs projets environnementaux en commun. Il peut s’agir
d’un partenariat décentralisé entre une commune tunisienne et une commune étrangère
ou avec un organisme gouvernemental ou une ONG. Dans ce cas, les projets urbains,
environnementaux et, plus particulièrement, en matière d’énergies renouvelables et
donc de lutte contre les changements climatiques, sont cités parmi les domaines
pouvant faire l’objet de coopération à travers des conventions de partenariat, de
coopération et d’échange45.
Mais ce sont les opportunités non exploitées par le partenariat public-privé qui attirent
particulièrement l’attention. Ainsi, les collectivités locales ont tout intérêt à travailler
avec le secteur privé. La promotion de ce partenariat constitue un choix stratégique
pour la Tunisie, et semble s’inscrire dans le cadre des principes constitutionnels de la
bonne gouvernance et d’efficacité. Ce partenariat essentiellement contractuel prend
plusieurs formes telle que la concession, le marché public ou de contrat de partenariat
public-privé encadré depuis 2015 en droit tunisien qui cite le développement durable à
plusieurs reprises47.
Or, le CCL détaille ces différents contrats de partenariat sans préciser leurs domaines
qui peuvent concerner des activités et des services verts, tels que les énergies
renouvelables, l’efficacité énergétique, l’utilisation efficace des matériaux écologiques,
les bâtiments durables, le recyclage des déchets...
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
47
Loi de n° 2015-49 du 27 novembre 2015 relative aux contrats de partenariat public privé.
48
Articles 9 et suivants de la loi précitée.
36
D’ailleurs, la mise en œuvre de cette loi pâtit de l’absence, cinq années après son
adoption, d’un cadre réglementaire complet permettant sa pleine application. Nous
constatons à ce niveau que le montage institutionnel lié aux projets de vente
d’électricité souffre de plusieurs insuffisances, témoignant de la nécessité pour le
pouvoir législatif de revoir ses choix quant à l’harmonie nécessaire entre les différents
échelons de prise de décision.
Conclusion
Face à la quasi-absence de l’échelon local comme partie prenante du projet national de
lutte en faveur de la sécurité du climat, les débats autour d’un projet de loi sur l’urgence
climatique commencent à faire écho, comportant une réorganisation de la coordination
institutionnelle pour permettre une gestion intégrée ayant vocation, à l’avenir, à être
encadrée par une stratégie globale, déclinée en stratégies nationales et locales.
37
L’INTERFACE ÉNERGIE-CLIMAT EN DROIT
MAROCAIN : UN BILAN DÉCENNAL EN
CLAIR-OBSCUR
Soulaïmane AHSAIN
Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Tanger
Résumé
Depuis une dizaine d’années, l’impulsion des énergies vertes et de l’efficacité
énergétique a été érigée en priorité de la politique énergétique marocaine. Cette option
stratégique s’est traduite par la promulgation, à partir de 2010, d’une série de lois
régissant, tour à tour, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’Agence
marocaine pour l’efficacité énergétique, l’Agence marocaine pour l’énergie durable, et
la régulation du secteur de l’électricité. Par ailleurs, en vertu de l’Accord de Paris sur
le climat, le Maroc s’est engagé, dans sa contribution déterminée au niveau national, à
réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 42 % à l’horizon 2030. L’apport
conjugué de ces mesures juridiques est de nature à favoriser l’amenuisement de
l’empreinte écolo-énergétique et la réduction de la facture énergétique, en même temps
que la lutte contre le dérèglement climatique. Cette interface énergie-climat est
explorée d’abord sous le prisme des dispositifs juridiques conçus pour assurer la
complémentarité des objectifs énergétiques et climatiques ; ensuite au regard des
progrès réalisés et des obstacles rencontrés dans leur mise en œuvre effective. Il ressort
de cette analyse un bilan en clair-obscur : une décennie en demi-teinte d’avancées
mitigées, à parfaire et à consolider.
Abstract
During the last decade, the drive for green energies and energy efficiency has become
a priority of Morocco’s energy policy. This strategic option resulted in the enactment,
from 2010, of a set of laws dealing successively with renewable energy, energy
efficiency, the National Agency for Energy Efficiency, the Moroccan Agency for
Sustainable Energy, and regulation of the electricity sector. In addition, under the
Paris Climate Agreement, Morocco has committed, in its nationally determined
contribution, to reducing its greenhouse gas emissions by 42% by 2030. The combined
La protection de l’environnement par les juridictions
effect of these legal measures is likely to prompt a decrease in the eco-energy footprint
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
and the energy bill, as well as to foster the fight against climate change. This energy-
climate interface is explored first through the prism of legal mechanisms designed to
39
ensure the complementarity of energy and climate objectives; then with regard to the
progress made and obstacles encountered in their effective implementation. The
outcome of this review is a chiaroscuro assessment: a half-hearted decade of mixed
progress, to be improved and consolidated.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
40
Introduction
La législation environnementale marocaine s’est sensiblement enrichie à l’orée du
troisième millénaire. Une loi spécialement dédiée à l’environnement a ainsi fleuri en
2003, puis le droit à l’environnement a été constitutionnalisé en 2011, avant qu’une loi-
cadre conjuguant environnement et développement durable ne jaillisse en 2014.
Parallèlement, des lois sectorielles ont été consacrées à l’air, au littoral, à l’eau, aux
déchets, à la flore et la faune, au pastoralisme, aux aires protégées, aux mines, aux
carrières, etc. Cette éclosion normative s’est aussi emparée des énergies vertes, avec
l’avènement d’une série de textes législatifs et réglementaires y relatifs durant la
dernière décennie.
Simultanément, les instruments politiques nationaux ont tracé des objectifs similaires
dans le champ du climat. Ainsi, le Plan national de lutte contre le réchauffement
climatique, élaboré en 2009, a posé que les EnR devraient, au titre des mesures
d’atténuation des changements climatiques (CC), constituer 10 à 12 % de l’énergie
primaire en 2020 et 15 à 20 % en 2030. Pour sa part, la Politique du changement
climatique au Maroc, adoptée en 2014, a réitéré en les récapitulant les objectifs arrêtés
par la Stratégie énergétique nationale. Enfin, le Plan climat national 2030, mis sur pied
en 2020, a réaffirmé deux objectifs clés – d’ici à 2030, atteindre 52 % de la puissance
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Ces objectifs politiques convergents ont logiquement trouvé écho dans les dispositifs
législatifs et réglementaires qui les ont entérinés. Il en est résulté une synergie
normative climato-énergétique dont on examinera d’abord l’articulation juridico-
institutionnelle (1) avant de tenter d’en mesurer la portée effective face aux défis
climato-énergétiques du Maroc (2).
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
41
1. Des dispositifs porteurs d’une synergie climato-
énergétique
Si la Constitution marocaine de 2011 garantit le droit de jouir d’un environnement
sain1, ni l’énergie ni le climat n’y sont explicitement mentionnés. À l’époque, pourtant,
les interactions énergie-climat avaient déjà commencé à retenir l’attention du
législateur. À partir de 2010, en effet, ont émergé plusieurs textes traitant
spécifiquement des énergies vertes (1.1) et des CC (1.2).
1
Article 31 du dahir n° 1-11-91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution.
2
Article 2 de la loi n° 13-03 du 12 mai 2003 relative à la lutte contre la pollution de l’air.
3
Article 7 de la loi-cadre n° 99-12 du 6 mars 2014 portant charte nationale de l’environnement et du
développement durable.
4
Articles 18, 48, 66 et 98 du décret n° 2-12-349 du 20 mars 2013 relatif aux marchés publics.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
5
La protection de l’environnement par les juridictions
Décret n° 2-09-410 du 30 juin 2009 autorisant la création de la société anonyme dénommée « Société
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
d’investissements énergétiques ».
42
auprès de clients du secteur public pour les accompagner dans la préparation,
l’exécution et le suivi de leurs projets d’efficacité énergétique »6.
La loi 13-09 s’ouvre par un préambule étoffé qui reprend de façon synthétique les
grands axes de la politique énergétique nationale. Il souligne que la promotion des
sources d’EnR contribue à « la préservation de l’environnement par le recours aux
technologies énergétiques propres, en vue de la limitation des émissions des gaz à effet
de serre et la réduction de la forte pression exercée sur le couvert forestier ». Le lien
entre énergie et climat est ainsi clairement établi. Cette loi a été modifiée et complétée
en 2016 par loi 58-15. L’un des apports notables de cette dernière est de permettre aux
installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’EnR de se
connecter au réseau électrique national de basse tension. La réalisation, l’exploitation,
l’extension de la capacité ou la modification des installations de production d’énergie
à partir de sources d’EnR sont, en fonction notamment de leur puissance, soit soumises
à autorisation ou à déclaration, soit effectuées librement11. S’agissant des projets de
production d’énergie éolienne dont la puissance cumulée dépasse 2 MW, ils doivent
être implantés dans des zones de développement déterminées, circonscrites à cet effet
par l’arrêté 2657-11 de 201112. Pour pallier l’interruption ou l’intermittence
d’électricité produite à partir d’EnR, et afin de ne pas entraver l’essor de celles-ci, le
consommateur peut obtenir contractuellement l’énergie électrique
complémentaire dont il a besoin en vertu de la loi 48-15 de 2016 régulant le secteur de
l’électricité13.
6
SIE, Rapport annuel 2020, Rabat, 2020.
7
Loi n° 13-09 du 11 février 2010 relative aux énergies renouvelables.
8
Loi n° 16-09 du 11 février 2010 relative à l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique.
9
Loi n° 57-09 du 11 février 2010 portant création de la société « Moroccan Agency for Solar Energy »
(Agence marocaine pour l’énergie solaire).
10
Loi n° 47-09 du 29 septembre 2011 relative à l’efficacité énergétique.
11
Décret n° 2-10-578 du 11 avril 2011 pris pour l’application de la loi n° 13-09 et arrêté n° 313-14 du 4
février 2014 fixant le modèle du cahier des charges devant accompagner la demande d’autorisation
définitive pour la mise en service d’une installation de production d’énergie électrique à partir de sources
d’énergies renouvelables.
12
Arrêté n° 2657-11 du 19 septembre 2011 définissant les zones destinées à accueillir les sites pouvant
abriter des installations de production d’énergie électrique à partir de source d’énergie éolienne.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
13
Loi n° 48-15 du 24 mai 2016 relative à la régulation du secteur de l’électricité et à la création de
African Journal of Environmental Law
43
La loi 16-09, quant à elle, régit un protagoniste central de la politique gouvernementale
de l’EE : l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique. Se substituant au Centre de développement des énergies
renouvelables, qui avait été institué en 198214, elle a été rebaptisée en 2016 Agence
marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE)15. Placée sous la tutelle du ministre
en charge de l’Économie verte16, l’AMEE a pour mission de promouvoir l’EE et
d’exécuter les plans d’action y afférents. Il lui revient donc de préparer un plan national
et des plans sectoriels et régionaux de développement de l’EE, ainsi que de coordonner
les programmes qu’ils comportent et de mobiliser des financements pour leur
réalisation. Il lui incombe également d’identifier et d’évaluer le potentiel national d’EE.
Pour sa part, la loi 57-09 a donné naissance à un autre important acteur dans le secteur
des EnR : l’Agence marocaine pour l’énergie solaire, ou Moroccan Agency for Solar
Energy. Cette dernière a aussi été renommée, suite à un amendement législatif de
201617, Agence marocaine pour l’énergie durable, ou Moroccan Agency for
Sustainable Energy (MASEN). Après cette réforme, elle est devenue l’acteur principal
en matière d’EnR. Statutairement, la MASEN est une société anonyme à conseil
d’administration dont le capital est majoritairement détenu par l’État. Elle a pour objet
de réaliser un programme de développement de projets intégrés de production
d’électricité d’une capacité totale minimale additionnelle de 3000 MW à l’horizon
2020 et de 6000 MW à l’horizon 2030, dans le cadre d’une convention conclue avec
l’État. À cette fin, la MASEN identifie, conçoit et programme les capacités de
production d’électricité à partir de sources d’EnR. Elle évalue les ressources en EnR,
développe des installations EnR, réalise les infrastructures nécessaires à celles-ci et
contribue à la mobilisation des financements requis.
S’insérant à son tour dans cette palette législative, la loi 47-09 a pour ambition
d’augmenter l’EE tout en contribuant au développement durable. « Sa mise en œuvre
repose principalement sur les principes de la performance énergétique, des exigences
d’efficacité énergétique, des études d’impact énergétique, de l’audit énergétique
obligatoire et du contrôle technique » (préambule). La performance énergétique
concerne les appareils et équipements, les constructions, les véhicules, ainsi que la
rationalisation de la consommation des administrations, collectivités territoriales et
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
14
Loi n° 26-80 du 6 mai 1982 relative au Centre de développement des énergies renouvelables.
15
Article 1er de la loi n° 39-16 du 25 août 2016 portant modification de la loi n° 16-09.
16
En vertu du décret n° 2-20-393 du 8 octobre 2020, qui a modifié le décret n° 2-10-320 du 20 mai 2011
pris pour l’application de la loi n° 16-09, lequel avait initialement placé l’Agence sous la tutelle du
ministre chargé de l’Énergie et fixé la composition de son conseil d’administration.
17
Loi n° 37-16 du 25 août 2016 modifiant et complétant la loi n° 57-09.
18
Décret n° 2-13-874 du 15 octobre 2014 approuvant le règlement général de construction fixant les
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
44
solaires thermiques ont aussi été définies par arrêté en 202019. Par ailleurs, les projets
d’aménagement urbain et de construction de bâtiments sont assujettis à une étude
d’impact énergétique en vertu de la loi 47-09. Qui plus est, les personnes morales et
physiques dont la consommation d’énergie dépasse un seuil fixé par voie réglementaire
sont soumises à un audit énergétique obligatoire. En 2019, un décret a spécifié le
processus et les modalités de réalisation de l’audit énergétique par des organismes
agréés20.
19
Arrêté n° 927-20 du 6 mars 2020 rendant d’application obligatoire des normes marocaines relatives
aux produits photovoltaïques et installations solaires thermiques.
20
Décret n° 2-17-746 du 10 avril 2019 relatif à l’audit énergétique obligatoire et aux organismes d’audit
énergétique.
21
Loi n° 06-12 du 8 février 2013 portant approbation des Statuts de l’Agence internationale pour les
énergies renouvelables.
22
Dahir n° 1-14-31 du 27 avril 2016 portant publication des Statuts de l’Agence internationale pour les
énergies renouvelables. Les instruments de ratification par le Maroc ont été déposés le 16 décembre
2015.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
23
African Journal of Environmental Law
45
Au niveau régional, le Maroc n’a pas encore adhéré à la Convention de la Commission
africaine de l’énergie, signée à Lusaka en 2001, dont l’objet inclut le développement
des sources d’EnR. En revanche, il est membre de la Commission arabe pour les
énergies renouvelables (CAER), dont il assure la présidence. Fondée à Amman en
2011, la CAER mène des activités de plaidoyer en faveur des énergies vertes dans le
monde arabe.
Parmi les instruments internationaux de soft law auxquels le Maroc souscrit figure
spécialement le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par
l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) en 2015. Son objectif 7, qui aspire à
garantir un accès universel à « des services énergétiques fiables, durables et
modernes », comporte trois cibles spécifiques sur les EnR et l’EE à atteindre d’ici à
2030 : (i) « accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet
énergétique mondial » (7.2) ; (ii) « multiplier par deux le taux mondial d’amélioration
de l’efficacité énergétique » (7.3) ; (iii) renforcer la coopération internationale pour
faciliter l’accès aux sciences et technologies des EnR et de l’EE, et encourager les
investissements y relatifs (7.a). Le Maroc a rendu compte des efforts déployés dans ce
sens dans l’examen national volontaire de la mise en œuvre des ODD, qu’il a soumis
au Forum politique de haut niveau pour le développement durable en 2020, non sans
les relier aux mesures de lutte contre les CC.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
46
les projets et ouvrages qui y sont assujettis à une évaluation de leurs répercussions
éventuelles sur le climat (art. 5)25.
Mises à part ces prescriptions législatives ponctuelles, les textes concernant proprement
les CC sont pour une bonne part de portée institutionnelle ou cristallisent les
engagements internationaux pris par le Maroc.
25
La loi n° 12-03 du 12 mai 2003 relative aux études d’impact sur l’environnement a été remplacée par
la loi n° 49-17 du 8 août 2020 relative à l’évaluation environnementale, laquelle deviendra effective à
compter de la publication de ses textes d’application ; en attendant, la loi 12-03 demeure en vigueur.
26
Décret n° 2-14-758 du 23 décembre 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère chargé
de l’environnement, complété par le décret n° 2-15-329 du 22 juin 2015.
27
Articles 78 et 79 de la loi 36-15 de 2016 relative à l’eau, qui s’est substituée à la loi 10-95 de 1995 sur
l’eau.
28
Décret n° 2-18-233 du 11 juillet 2019 relatif au Conseil supérieur de l’eau et du climat, qui a remplacé
le décret n° 2-96-158 du 20 novembre 1996 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil
supérieur de l’eau et du climat.
29
Depuis sa première réunion en 1981, le CSEC a tenu neuf sessions en 1987, 1988, 1989, 1990, 1992,
1993, 1994 et 2001, alors qu’il était censé se réunir annuellement.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
30
African Journal of Environmental Law
Décret n° 2-19-721 du 27 avril 2020 portant création de la Commission nationale des changements
climatiques et de la diversité biologique.
47
Un peu plus tôt, le Système national d’inventaire des émissions des gaz à effet de serre
(SNI-GES) a été institutionnalisé en 201931. Il est chargé de collecter et de traiter les
données relatives aux activités des secteurs émetteurs de GES en vue de l’élaboration
du rapport national d’inventaire. Ce dernier, établi en application de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), doit être intégré
dans le rapport biannuel actualisé et la communication nationale que le Maroc adresse
au secrétariat de cette Convention. Effectivement, les deux rapports biennaux soumis
par le Maroc en 2016 et 2019 ont été établis avec l’appui du SNI-GES.
Le Maroc a souscrit aux trois traités majeurs qui sous-tendent le régime climatique
mondial : la CCNUCC de 1992, le Protocole de Kyoto de 1997 et l’Accord de Paris de
2015, auxquels il est devenu partie, respectivement, en 199533, 200234 et 201635.
Chacun de ces instruments fait ressortir la connexion climat-énergie. Le dernier en date,
l’Accord de Paris, qui appelle au renforcement des EnR, vise à contenir « l’élévation
de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C », tout en
essayant de la confiner à 1,5°C (art. 2). Dans cette optique, il fait obligation à toutes les
Parties de participer à la riposte collective mondiale au réchauffement de la planète, en
communiquant les contributions déterminées au niveau national (CDN) qu’elles
entendent mettre en œuvre dans leur propre pays, et en prenant les mesures
d’atténuation requises pour réaliser les objectifs ainsi arrêtés (art. 4).
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
31
Décret n° 2-18-74 du 21 mars 2019 relatif au système national d’inventaire des émissions des gaz à
effet de serre.
32
Arrêté n° 3174-16 du 5 octobre 2016 portant approbation de la convention constitutive d’un
groupement d’intérêt public dénommé « Centre de compétences changement climatique ».
33
Ratification en décembre 1995 : dahir n° 1-96-93 du 5 novembre 2001 portant publication de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
34
Adhésion en janvier 2002 : dahir n° 1-01-333 du 3 avril 2002 portant publication du Protocole de
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Kyoto.
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
35
Loi n° 42-16 du 25 août 2016 portant approbation de l’Accord de Paris ; dahir n° 1-16-157 du 8
novembre 2016 portant publication de l’Accord de Paris.
48
Les CDN sont ainsi au cœur de l’Accord de Paris. Le Maroc a soumis la sienne en
septembre 2016, s’y engageant à réduire ses émissions de GES de 42 % à l’horizon
2030, de façon inconditionnelle (17 %) ou conditionnée (25 %) par la disponibilité de
financements additionnels de source externe.
Comme le montre le graphe ci-après, le secteur devant entrer pour la plus grande part
(43.7 %) dans l’effort d’atténuation escompté pour atteindre l’objectif global au cours
de la décennie en cours est celui de la production d’électricité.
Par ailleurs, dans le cadre du Programme 2030, la réalisation de l’ODD 13 sur la lutte
contre les CC s’est heurtée au Maroc à l’intensité des phénomènes climatiques
extrêmes et aux pertes coûteuses qui en découlent en termes environnementaux et
socio-économiques. Les mesures prises pour relever ces défis ont été relatées dans
l’examen national volontaire précité de 2020. Elles traduisent des progrès partiels, à
l’image des avancées enregistrées, durant la dernière décennie, par le droit marocain
dans l’appréhension de l’interface climat-énergie.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
36
Source : Département de l’environnement, 2ème rapport biennal actualisé dans le cadre de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Rabat, 2019.
49
2. Des avancées mitigées face aux défis climato-énergétiques
Durant la dernière décennie, le Maroc a initié une panoplie de mesures pour développer
les EnR, améliorer l’EE et atténuer les impacts des CC, mais le chemin reste long pour
atteindre les objectifs tracés. On a ainsi relevé diverses contraintes qui ralentissent ou
freinent la mise en œuvre de la stratégie énergétique, notamment : des choix
technologiques coûteux ; un faible taux d’intégration industrielle locale ; un marché
des hydrocarbures dysfonctionnel ; une réalisation limitée des objectifs d’EE ; un
déséquilibre financier des entreprises publiques du secteur énergétique ; un marché
électrique encore verrouillé ; etc.37
Bien qu’en recul, le taux de dépendance, singulièrement à l’égard des énergies fossiles,
s’élevait à 91,7 % en 2018, contre 93,4 % en 201639. Quoique modeste, ce
fléchissement de la dépendance énergétique a contribué à réduire la facture énergétique
de pas moins de 7,2 % en 201940. Cette dépendance pèse lourdement sur la balance des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
40
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
41
IEA, Energy Policies beyond IEA Countries: Morocco, op. cit.
50
La réduction de la dépendance énergétique résulte d’un progrès appréciable de la
production des EnR. En 2019, la capacité totale installée était de 11 000 MW, en
augmentation de 78,3 % par rapport à 2009. Les capacités additionnelles étaient
d’origine thermique à 64 %, éolienne à 21 % et solaire à 15 %, avec un renforcement
global de 33,7 % des EnR42. Quant à la capacité électrique installée de sources
renouvelables, elle avait atteint 3700 MW en 2019, soit 34 % de la capacité électrique
nationale, décomposée en 710 MW de solaire, 1220 MW d’éolien et 1770 MW
d’hydroélectrique. La production renouvelable représentait, dès lors, 20 % de la
production totale, au lieu de 16,5 % en 2016 et 9,7 % en 2012, alors que la part de
l’éolien et du solaire n’était que de 2 % en 200943. Ces acquis, qui ont permis au Maroc
de se classer deuxième pays d’Afrique en termes de sources renouvelables non
hydroélectrique en 201844, sont le fruit d’investissements significatifs, traduisant son
positionnement au 17e rang des nations les plus performantes en investissements dans
les EnR45.
Toutefois, cette poussée des capacités en EnR ne s’est que partiellement reflétée sur la
structure de la production. En 2019, celle-ci continuait d’être dominée par l’énergie
thermique à hauteur de 80,2 % – contre 83,9 % en 2009 –, le poids de la production
verte n’ayant progressé que de 19,8 %. Par source, la proportion du solaire se situait à
3,9 % et celle de l’éolien à 11,7 %. Ce dernier est alors devenu la première source
renouvelable, aux dépens de l’hydraulique, qui a fléchi de 14,2 % à 4,1 %. Afin
d’augmenter la part des EnR que postule la transition énergétique, il importe de
remédier à l’instabilité et à l’intermittence de la production de l’électricité de source
verte, ce qui requiert un approvisionnement sécurisé à travers l’amélioration de
l’interconnexion des réseaux et la capacité de stockage46.
électrique ou hybride sont exonérés de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules47. Par
ailleurs, des subventions vertes sont financées à travers des fonds dédiés aux EnR, tels
le Fonds de garantie des efficacités et énergies renouvelables, créé en 2007, et le Fonds
de développement énergétique, institué en 2009. On notera cependant que ce dernier
42
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, Rabat, 2020.
43
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
44
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, op. cit.
45
UNEP, Global Trends in Renewable Energy Investment 2019, Frankfurt, 2019.
46
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, op. cit.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
47
African Journal of Environmental Law
Articles 91, 92, 123 et 252 du Code général des impôts, édition 2021.
51
Fonds n’est cité que pour mémoire dans les lois de finances depuis l’année budgétaire
2010.
Pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie énergétique, le Maroc devrait accélérer
la diversification du mix énergétique par l’intégration d’autres énergies vertes. Dans ce
sens, le CESE a recommandé la migration vers un combustible propre, le gaz naturel
liquéfié, le développement de l’hydrogène vert, l’exploration d’autres ressources
énergétiques (géothermie, biomasse), ainsi que la maîtrise de l’exploitation du bois-
énergie48. Dans cette optique, la plateforme GreenH2 Maroc a été lancée pour favoriser
l’avènement d’une filière hydrogène vert compétitive et positionner le Maroc comme
hub régional leader dans ce domaine49.
Sachant par ailleurs que le développement des énergies vertes est largement tributaire
du financement de l’innovation, il importe d’améliorer l’attractivité des EnR auprès des
investisseurs. Afin de conforter la capacité d’investissement dans ce secteur, un projet
d’amendement de la loi 13-09 prévoit d’introduire des mesures d’incitation à
l’investissement national et international en vue d’accélérer « l’émergence d’un
écosystème national des technologies d’énergies renouvelables »50.
Sur le terrain de l’EE, une légère amélioration a été enregistrée, sans que les objectifs
tracés par le Programme national de l’efficacité énergétique aient pu être pleinement
atteints. L’EE se mesure au moyen de « l’intensité énergétique exprimée par le degré
de découplage entre le développement économique et la consommation d’énergie »51.
Au Maroc, on escompte une diminution de moitié de l’intensité énergétique primaire à
l’horizon en 2030. En fait, elle est passée de 27,8 TEP en 2004 à 24,8 TEP en 2018
48
CESE, Avis - Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte, op.
cit.
49
Ministère de l’Énergie, des Mines et de l’Environnement, Communiqué de presse, 18 mars 2021.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
50
Note de présentation du projet d’amendement de la loi 13-09, 15 mai 2019.
African Journal of Environmental Law
51
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
52
pour produire un million de dirhams de PIB. Ce menu progrès de l’EE est la résultante
d’une série de mesures de réduction de la consommation d’énergie dans les secteurs les
plus énergivores : transport, bâtiment, industrie, agriculture, etc.52. Outre les efforts de
vulgarisation des bonnes pratiques tendant à optimiser et maîtriser l’usage de l’énergie,
le Maroc a œuvré à la transition vers des produits et des appareils plus efficaces
moyennant l’interdiction des importations de véhicules anciens, à travers la
réglementation thermique applicable aux nouveaux bâtiments, ou grâce à des initiatives
encourageant l’EE, comme le programme « Mosquées vertes ». Néanmoins, on estime
que « les mesures d’efficacité énergétique actuelles ne permettront pas d’atteindre les
objectifs énergétiques et climatiques fixés »53.
L’une des carences pointées par la Cour des comptes dans la mise en œuvre de la loi
47-09 relative à l’EE concerne les retards accusés dans l’adoption de ses règlements
techniques54. Un début de réponse à cette critique a été apporté par un décret sur les
performances énergétiques minimales et l’étiquetage énergétique, que le gouvernement
a approuvé en 202155. Est en outre à l’étude un projet de décret fixant le cahier des
charges des entreprises de services énergétiques56. Auparavant, le département de
l’énergie a institué en 2019 des commissions techniques nationales de l’EE dans les
secteurs de l’industrie, l’agriculture et l’éclairage public.
Somme toute, alors que l’EE demeure une priorité de la Stratégie énergétique nationale,
le CESE fait état d’une « faible réalisation » des objectifs chiffrés qu’elle s’est fixés et
préconise d’accélérer son affermissement par la mise en place d’un fonds national de
l’EE afin d’accroître les moyens dédiés à son financement, ce qui contribuerait
indirectement à la réduction des émissions de GES57.
Certains secteurs énergivores n’intègrent pas suffisamment les mesures d’EE édictées.
Il s’agit notamment des secteurs du bâtiment, du transport, de l’industrie et de
l’agriculture, qui peuvent réaliser d’importantes économies d’énergie et contribuer à la
réduction des émissions de GES. L’EE devrait être approchée d’une manière globale
et intégrée, ce qui requiert une coordination accrue des politiques et des actions
impliquant, du point de vue institutionnel, « une étroite collaboration entre plusieurs
ministères, une bonne coordination générale et des dotations budgétaires adaptées en
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
52
Ibid.
53
IEA, Energy Policy Beyond IEA Countries: Morocco 2019, op. cit.
54
Cour des comptes, Rapport annuel 2018, Rabat, 2019.
55
Décret n° 2-20-716 du 25 mars 2021 portant sur la performance énergétique minimale des appareils
et équipements fonctionnant à l’électricité, au gaz naturel, aux produits pétroliers liquides ou gazeux, au
charbon ou aux énergies renouvelables mis en vente sur le territoire national.
56
Cour des comptes, Rapport annuel 2018, op. cit.
57
CESE, Avis - Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte, op.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
cit.
58
IEA, Energy Policy Beyond IEA Countries: Morocco 2019, op. cit.
53
L’amélioration de la performance énergétique passe également par l’implication et
l’adhésion des opérateurs privés. Ceux-ci devraient être incités à se doter de systèmes
de management de l’énergie qui leur permettent de réduire leur consommation
d’énergie et leurs émissions de GES. Ils devraient aussi, en plus de l’audit énergétique,
soumettre leurs structures et leurs activités à la certification environnementale,
notamment la norme ISO 50001, pour une gestion durable de l’énergie.
Parmi les autres mesures prises dans ce contexte, on signalera en particulier : d’une
part, un plan de réforme des subventions aux combustibles fossiles qui tend, par la
réduction de leur utilisation, à diminuer les émissions des GES ; d’autre part, une
stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2050, en phase de préparation, qui vise à
aligner les politiques publiques en vue de la décarbonisation de l’économie nationale.
Or, la multiplicité et la diversité des acteurs climatiques qui caractérisent le dispositif
institutionnel pourraient « constituer un handicap pour la réalisation des objectifs »59.
Aussi une coordination institutionnelle accrue de la gouvernance des CC est-elle à
l’étude afin que toutes les dimensions de l’action climatique puissent, dans leur
transversalité, être traitées de manière cohérente au double plan horizontal et vertical60.
Cette démarche traduit une préconisation du CESE : « institutionnaliser par décret le
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Eu égard à l’ODD 13 sur les mesures de lutte contre les CC, les pas franchis vers sa
réalisation sont généralement encourageants. Du reste, il s’agit du seul ODD pour
59
Y. Zakkari, « La politique climatique du Maroc », in D. Lagrini et E. Chougrani (dir.),
L’environnement dans le bassin méditerranéen : Espace de partenariat ou sphère de concurrence ?
Rabat, REMALD, 2017, pp. 29-39.
60
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
61
African Journal of Environmental Law
CESE, Avis - Intégration des exigences des changements climatiques dans les politiques publiques,
Rabat, 2015.
54
lequel des pays africains sont majoritairement en passe d’atteindre les résultats
escomptés. Le Maroc a ainsi trouvé, dès 2017, un bon équilibre entre performance
énergétique et émissions de GES, par référence à l’indicateur 13.2.2 : « Total des
émissions annuelles de gaz à effet de serre »62. Globalement, son économie a été classée
26e parmi celles des 76 nations à empreinte carbone relativement contenue63.
Pour parachever ces efforts, il reste à compléter l’encadrement juridique existant par
une loi climat. Si le Maroc a échafaudé une solide charpente politico-institutionnelle
pour faire face aux CC, il n’a pas encore édifié le socle législatif permettant d’en
fortifier les fondements. Une loi entièrement dédiée au climat aurait le mérite non
seulement de forger un régime climatique exhaustif, mais aussi de rehausser l’action
climatique au rang législatif, la dotant d’une normativité supérieure et lui conférant une
visibilité amplifiée. C’est d’ailleurs cette voie qui semble tracée : un projet de loi, qui
serait déjà « en cours de finalisation », fixerait les principes fondamentaux, les objectifs
nationaux, le cadre de gouvernance et les mécanismes de lutte contre les CC64.
62
The Sustainable Development Goals Center for Africa/Sustainable Development Solutions Network,
Africa SDG Index and Dashboards Report 2020. Leave No One Behind to Achieve the SDGs in Africa,
Kigali and New York, 2020.
63
MIT Technology Review, The Green Future Index 2021, Cambridge, 2021.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
64
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
65
Y. Zakkari, « La politique climatique du Maroc », op. cit.
55
PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE
L’ÉNERGIE SOLAIRE AU MAROC : ASPECTS
JURIDIQUES
Bouchra NADIR
Professeure à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-
Souissi
Résumé
Depuis 2009, le Maroc a progressivement formulé et renforcé sa stratégie nationale de
l’énergie, dont l’un des axes principaux est la mise en place d’une politique énergétique
favorable au développement des énergies renouvelables, notamment le solaire. Cette
volonté politique s’est concrétisée par la mise à niveau du cadre législatif, la création
d’institutions ayant pour vocation la gestion, la supervision et la promotion des énergies
renouvelables et l’instauration de mesures incitatives. Cet écosystème national
encourage la production et la commercialisation de l’électricité issue de l’énergie
solaire. Cet article analyse l’expérience marocaine de production et de
commercialisation de l’énergie solaire à la lumière des textes juridiques qui régissent
ce secteur.
Abstract
Since 2009, Morocco has progressively formulated and reinforced its National Energy
Strategy, one of the main thrusts of which is the implementation of an energy policy
favourable to the development of renewable energy, including solar. This political will
was reflected in the upgrading of the legislative framework, the creation of institutions
to manage, supervise and promote renewable energy and the introduction of incentives.
This national ecosystem encourages the production and marketing of solar-powered
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
electricity. This article reviews the Moroccan experience in the production and
marketing of solar energy in the light of the legal texts that govern this sector.
57
Introduction
Le Maroc fait partie d’une région propice à la production de l’énergie solaire, tant en
termes de ressources potentielles que de conditions géographiques. Le développement
judicieux de ce potentiel peut permettre au pays de répondre à ses besoins énergétiques,
de contribuer à la protection de l’environnement et de créer de nouvelles richesses.
1
La protection de l’environnement par les juridictions
Dahir n° 1-16-3 du 12 janvier 2016 portant promulgation de la loi n° 58-15 modifiant et complétant la
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
58
1. Le contexte juridique de développement de l’énergie
solaire au Maroc
La question énergétique est placée au rang des priorités nationales. Dépendant de
l’extérieur pour son approvisionnement en énergies fossiles2, le Maroc a mis en place,
en 2009, une stratégie énergétique à l’horizon 2030 qui vise à diversifier le bouquet
énergétique national, à renforcer la sécurité d’approvisionnement et à garantir à
l’ensemble des citoyens un accès abordable aux services énergétiques. De manière
ambitieuse, elle porte la part des énergies renouvelables dans la capacité électrique
globale installée à 42 % en 2020 et 52 % en 2030.
Cette stratégie a été déclinée en feuilles de route avec des objectifs à court, moyen et
long termes, reposant sur des réformes juridiques et institutionnelles illustrées ci-
dessous.
La loi 13-09 relative aux énergies renouvelables3, qui vise à libéraliser ce secteur, a
pour but de promouvoir la production d’énergies renouvelables, leur commercialisation
et leur exportation par des entités publiques ou privées. Elle assujettit des installations
de production d’énergies renouvelables à un régime d’autorisation ou de déclaration.
Elle confère le droit aux exploitants de produire de l’électricité à partir de sources
d’énergies renouvelables pour le compte de consommateurs raccordés au réseau
électrique national de moyenne tension (MT), haute tension (HT) et très haute tension
(THT), pour leur usage propre.
En 2016, la loi 58-15 est venue modifier la loi 13-09 et pallier ses insuffisances, en vue
notamment de l’adapter aux évolutions technologiques et d’encourager les initiatives
privées. Ses grands apports concernent l’accès au réseau de basse tension et la
possibilité de vendre l’excédent d’énergie renouvelable produite.
2
En 2015, les achats de pétrole du Maroc représentaient 24 % des importations globales et constituaient
près de 50 % du déficit commercial.
3
Dahir n° 1-10-16 du 11 février 2010 portant promulgation de la loi n° 13-09 relative aux énergies
renouvelables.
4
Décret n° 2-15-772 du 28 octobre 2015 relatif à l'accès au réseau électrique national de moyenne
La protection de l’environnement par les juridictions
tension.
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
59
Pendant la même année, a été promulguée la loi 48-15 relative à la régulation du secteur
de l’électricité5. Dotant le secteur de l’électricité d’un nouveau cadre réglementaire,
elle clarifie les attributions des parties prenantes du transport et de la distribution
d’électricité et les institutionnalise en une nouvelle entité indépendante, l’Autorité
nationale de régulation de l’électricité (ANRE). Elle assure ainsi l’indépendance du
marché électrique par rapport aux opérateurs du secteur. Jusqu’alors, la régulation
reposait sur l’ONEE, sous tutelle du ministère en charge de l’énergie. Cette
institutionnalisation devrait « accroître l’attractivité du secteur des renouvelables
auprès des bailleurs de fonds, des industriels du secteur et des investisseurs privés »6.
L’ANRE est chargée, entre autres tâches, de fixer les tarifs d’utilisation du réseau
électrique national de transport et des réseaux électriques de MT ; de codifier les
conditions de raccordement et d’accès au réseau électrique national du transport ; de
s’assurer du bon fonctionnement du marché de l’électricité et de réguler l’accès des
auto-producteurs ; de contrôler le gestionnaire du réseau de transport et les
gestionnaires des réseaux de distribution. Cette loi prescrit en outre les règles à suivre
pour le transport de l’électricité et la gestion des réseaux électriques de MT. La loi 37-
16 a élargi les tâches de la MASEN7 à la réalisation de centrales de production
d'électricité de toutes les sources d’énergie renouvelables, à l’exception des stations de
transfert d’énergie par pompage.
Enfin, dans le cadre de la loi 86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé
(PPP)8, de tels contrats permettent de financer des investissements lourds, comme les
infrastructures énergétiques9, sans engager les finances de l’État dans l’immédiat.
Ainsi, la mise en place de panneaux solaires peut faire l’objet d’un contrat de
partenariat public-privé.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
Morocco», International Journal of Advanced Research, Volume 2, Issue 10, 2014, p. 287.
African Journal of Environmental Law
60
produite, en distinguant production d’énergie électrique et production d’énergie
thermique (art. 4). Pour la production d’énergie thermique, il existe seulement un
régime de déclaration préalable qui s’applique si la puissance produite dépasse 8 MW.
Pour la production d’énergie électrique (solaire ou éolienne), il existe deux régimes :
celui de l’autorisation (art. 3) si la puissance produite dépasse 2 MW et celui de la
déclaration préalable si la puissance produite est supérieure à 20 KW et inférieure à
2 MW. Le projet de loi 40-1910 prévoit des modifications aux régimes d’autorisation et
de déclaration : il y est question d’autorisation de réalisation, au lieu d’autorisation
provisoire, et d’autorisation d’exploitation, au lieu d’autorisation définitive. Le
demandeur d’autorisation peut être une personne physique ou une personne morale de
droit privé ou public.
Une fois obtenue l’autorisation définitive, les contrats de fourniture d’électricité sont
conclus avec des clients privés, en général pour des durées supérieures à 10 ans, avec
un prix plancher pour assurer une rentabilité minimum. Le client s’oblige à prendre une
quantité annuelle réservée d’énergie que le fournisseur s’oblige à lui livrer, avec des
révisions de la quantité d’énergie réservée et des indemnisations croisées si le client ne
prend pas l’énergie fournie ou, à l’inverse, si le fournisseur ne livre pas l’énergie
réservée. En pratique, l’ONEE propose deux contrats : l’un pour l’accès au réseau et
l’autre pour les conditions de raccordement du site de production au réseau.
En vertu de l’article 5 de la loi 13-09, les exploitants répondent aux besoins du marché
national de l’électricité dans le cadre d’une convention, conclue avec l’État ou
l’organisme délégué par lui à cet effet, qui prévoit notamment sa durée de validité et
les conditions commerciales de fourniture de l’énergie électrique ainsi produite. Selon
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
10
Projet d’amendement de 2019 de la loi 13-09, modifiée et complétée par la loi 58-15.
61
électriques de distribution est autorisé à s’approvisionner en énergie électrique auprès
des exploitants des installations de production d’énergie électrique à partir de sources
d’énergies renouvelables raccordées au réseau électrique de MT pour satisfaire ses
besoins en services auxiliaires (art.13). Ceux-ci sont « destinés à compenser l’énergie
utilisée pour la gestion du réseau électrique et les pertes techniques subies par le
gestionnaire de réseau électrique de distribution dans la limite de 7 % du volume total
annuel de l’énergie distribuée par ledit gestionnaire » (art. 2).
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
62
3. Les producteurs d’énergie solaire et les modèles
commerciaux au Maroc
3.1. Les producteurs d’électricité de source solaire
La Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN) a été créée par la loi 57-0911. Société
de droit privé à capitaux publics, elle a été chargée d’accompagner la réalisation d’un
projet intégré visant la mise en place en 2020 d’une production électrique à partir de
l’énergie solaire d’une capacité totale de 2000 MW12. Ses actions s’articulent autour de
trois axes : favoriser le développement d’une filière industrielle compétitive ; tisser des
partenariats pour la formation de ressources qualifiées ; et soutenir la recherche et le
développement pour contribuer à l’amélioration des performances des technologies
solaires.
À partir de 2016, de grands projets d’énergies solaires voient le jour. Ainsi, le complexe
Noor Ouarzazate, grand ensemble multi-technologies d’une capacité installée de
580 MW, a été mis en service en 2018. La même année, le projet de Laayoune a été
déployé avec une puissance installée de 85 MW. La centrale solaire Noor Midelt I,
d’une puissance totale de 800 MW, est en cours de réalisation13. À la fin de 2019, la
puissance installée en énergies renouvelables a atteint 3701 MW, dont 711 MW pour
le solaire14.
Fondée en 2010 et dotée d’une bonne connaissance des enjeux énergétiques, la Société
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
11
Dahir n°1-10-18 du 11 février 2010 portant promulgation de la loi n° 57-09 relative à la création de la
Moroccan Agency for Solar Energy « MASEN ».
12
I. García et A. Leidreiter, Feuille de route pour un Maroc 100 % énergie renouvelable, op. cit., p. 28.
13
www.masen.ma.
14
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, Rabat, 2020, p. 29.
15
I. García et A. Leidreiter, Feuille de route pour un Maroc 100 % énergie renouvelable, op. cit., p. 29.
La protection de l’environnement par les juridictions
16
africaines : avancées nationales et régionales
C. Huwiler, Situation et perspectives de la planification et gestion durables de l’énergie dans les villes
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
63
3.1.2. Office national de l’électricité et de l’eau potable
Dans les années 1990, au titre du Programme d’électrification rurale global, l’ONEE a
introduit l’électrification photovoltaïque. En 2008, il a implanté une microcentrale
photovoltaïque de 45 KW à Casablanca, suivie en 2010 de 14 microcentrales
photovoltaïques, d’une capacité totale de 125 KW, installées sur les toits d’institutions
publiques à Ouarzazate et d’une centrale photovoltaïque de 800 KW dans la province
d’Assa Zag.
17
Article 2 du dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963 portant création de l’ONE, modifié par le décret-loi
n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 en vue d’ouvrir la voie à la production concessionnelle d’électricité.
18
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb : transition
énergétique et jeux d’échelles, thèse de doctorat, Aix-Marseille Université et Université de Sfax, 2017,
p. 300.
19
B. Wiesenfeld, Promesses et réalités des énergies renouvelables, EDP Sciences, 2013, p. 14.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
20
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb, op. cit., pp. 35-36.
African Journal of Environmental Law
21
Ibid., p. 316.
64
Ayant pour mission d’assurer le transport de l’énergie électrique et la sécurité
d’alimentation du pays, l’ONEE a entrepris, pour la période 2016-2020, un programme
de développement de ses réseaux de transport et de distribution d’électricité. L’ONEE
est ainsi le premier distributeur. Sa mission de service public s’exerce en particulier
dans le domaine de la distribution. Ses réseaux de distribution d’électricité couvrent les
zones tant urbaines que rurales, surtout avec la généralisation de l’accès à l’électricité.
En 1997, un contrat de concession a été conclu entre l’ONEE et Jorf Lasfar Energy
Company qui autorise l’exploitation indépendante de deux unités de production à Jorf
Lasfar selon un schéma Build-Operate-Transfer24.
3.2.2. L’autoproduction25
La loi 16-08 relative à l’autoproduction d’électricité26 permet d’autoriser toute
personne, physique ou morale, de droit privé ou public, à produire sa propre électricité
à condition que la production n’excède pas 50 MW. C’est par exemple le cas de Lafarge
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
et Ciment du Maroc.
22
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au
Maroc : une note d’analyse, Pöyry Management Consulting, 2018, p. 9.
23
Independent Power Production.
24
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb, op. cit., p. 316.
25
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au Maroc,
op. cit., p. 10.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
26
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
Dahir n° 1-08-97 du 20 octobre 2008 portant promulgation de la loi n° 16-08 modifiant et complétant
African Journal of Environmental Law
65
En vertu de la loi 13-09, les producteurs privés peuvent vendre de l’énergie électrique
aux clients éligibles ayant accès au réseau national de transport. Plusieurs producteurs
privés d’électricité sont concernés, comme Nareva (200 MW), UPC Renewables
(120 MW), Innovant Maroc (18 MW), Énergies J2 Terre (17 MW), Platinium Power
(36 MW), SGTM (22 MW).
En 2015, la loi 54-14 a étendu l’autoproduction aux installations d’une taille supérieure
à 300 MW. L’excédent d’énergie peut être vendu exclusivement à l’ONEE. Les
modalités de raccordement au réseau électrique national sont déterminées par une
convention de raccordement conclue avec l’ONEE.
Bien que la loi 13.09 ait autorisé de vendre directement aux consommateurs via le
réseau électrique national ou le réseau de distribution pour les réseaux de haute et très
haute tension, l’accès aux réseaux électriques moyenne tension reste soumis à des
conditions et des modalités fixées par voie réglementaire (art. 5).
La loi 58-15 modifiant et complétant la loi 13-09 donne la possibilité aux installations
de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelable
d’accéder au réseau de distribution de BT.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
27
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au Maroc,
op. cit., p. 11.
66
d’enveloppes exprimant le volume d’intégration de l’électricité verte dans le réseau
électrique de moyenne tension, pour chaque zone de distribution » (art. 8).
Malgré les avancées enregistrées, le cadre actuel de l’énergie solaire comporte des
insuffisances. Ainsi, dans le secteur de l’énergie solaire photovoltaïque, la technologie
solaire à concentration s’avère relativement chère, le coût de revient du KWh étant plus
élevé que le coût de revente à l’ONEE28. De même, la différence entre les prix d’achat
aux IPP et les prix de vente à l’ONEE a engendré un déficit estimé à 800 millions de
dirhams par an des centrales Noor I, II et III29.
Certains opérateurs privés ont investi dans des sites mais ne sont toujours pas autorisés
à développer leur centrale de production à cause d’une interférence des acteurs qui
interviennent dans le processus d’autorisation de projets (ONEE, régies de
distribution). • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Le cadre juridique actuel exclut les producteurs de petite et moyenne taille, empêche
les villes de créer leurs propres réseaux de distribution privée et entrave
l’investissement des collectivités et des citoyens dans la production locale d’énergie
solaire. Certes, le décret 2-15-772 autorise les producteurs d’énergie électrique de
source renouvelable à être raccordés au réseau MT pour une commercialisation auprès
des consommateurs privés. Cependant, il souligne que ces « dispositions ne doivent en
aucun cas porter atteinte à l’équilibre des contrats de la gestion déléguée de la
distribution » (art. 15).
28
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
29
Ibid., p. 32.
67
En outre, les sociétés de distribution ne sont pas incitées à favoriser l’intégration des
énergies renouvelables dans le système. D’une part, afin d’assurer l’adéquation et la
fiabilité du réseau aux nouvelles capacités des énergies renouvelables, les distributeurs
devraient effectuer des investissements importants, alors qu’aucun système de
rémunération claire n’est défini par l’ANRE. D’autre part, les projets d’énergies
renouvelables en MT impliqueraient une réduction conséquente du chiffre d’affaires
des régies de distribution.
L’article 7 de la loi 13-09 dispose que les projets de production d’énergie électrique à
partir de source d’énergie solaire d'une puissance cumulée maximale supérieure ou
égale à 2 MW ne peuvent être réalisés que dans des zones d’accueil définies par arrêté
– lequel n’a pas encore vu le jour. En dehors de ces zones, aucune autorisation ne peut
être donnée.
Le projet de loi 40-19 devrait remédier à cette difficulté en supprimant cette disposition
confinant les projets solaires dans des zones de développement de production d’énergie
électrique à partir de source d’énergie solaire. L’identification des sites d’accueil
demeurerait toutefois requise pour les projets de production d’énergie électrique à
partir de sources d’énergie éolienne30. Ce projet de loi rend laborieuses les règles pour
les opérateurs privés et nécessite des textes d’application pour l’opérationnaliser.
La réforme de la loi 13-09, notamment à travers la loi 58-15, a permis aux installations
de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelable d’avoir
accès au réseau de distribution de BT. Cependant, les modalités d’application font
encore défaut.
Enfin, le citoyen n’a pas bénéficié d’une baisse des tarifs de l’électricité. Au contraire,
en 2014, « une révision des tarifs à la hausse a été appliquée et échelonnée sur 4 ans,
dans le cadre du contrat programme État/ONEE 2014-2017 »31.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
4.2. Recommandations
Compte tenu de tous les obstacles rencontrés dans le secteur de l’énergie solaire, les
réformes doivent couvrir de multiples domaines. Les recommandations suivantes
30
Arrêté n° 2657-11 du 19 septembre 2011 définissant les zones destinées à accueillir les sites pouvant
abriter les installations de production de l’énergie électrique à partir de source d’énergie éolienne.
31
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
68
abordent les principaux éléments à intégrer dans une feuille de route qui aidera à
développer l’énergie solaire.
possibilité :
- de recourir à l’autoproduction à travers un nouveau régime d’autorisation ;
- pour l’auto-producteur de construire, à ses frais, son propre réseau électrique reliant
le site de production au site de consommation ;
- pour les auto-producteurs de se raccorder au réseau électrique national afin de relier
leurs installations de production à leurs sites de consommation, à condition que la
32
www.environnement.gov.ma.
33
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 47.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
34
K. Anouar., Le droit de l'énergie éolienne terrestre et de développement durable au Maroc, thèse de
doctorat en droit, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat, 2015, p. 86.
69
puissance de l’installation soit au moins égale à 5 MW, dans la limite de la capacité
d’accueil du réseau national, et contre paiement des frais dus au titre de ces
services ;
- de vendre l’excédent de la production au gestionnaire du réseau (de transport ou de
distribution), dans la limite de 10 % de la production annuelle du site de
l’autoproduction.
Enfin, il y a lieu de développer une production suffisante pour servir le marché national
et ouvrir de nouveaux marchés pour l’export36. Dans cette optique, il faudrait en
particulier mettre en place un cadre de partenariat entre le Maroc et le reste de l’Afrique
et lancer des initiatives de financement réservées à l’Afrique pour capter, catalyser et
concrétiser des projets innovants, en misant sur l’intégration régionale de l’énergie
solaire avec les pays voisins à travers les interconnexions électriques.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
35
J.-P. Favennic et Y. Mathieu, Atlas mondial des énergies : ressources, consommation et scénarios
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
36
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 47.
70
LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉNERGIE AU
BURKINA FASO : UNE PROMOTION DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Antoine KABORÉ
Conseiller à la Cour d’Appel de Ouagadougou, Burkina Faso
Lassané ZOMA
Enseignant-chercheur à l’Unité de formation et de recherche en sciences juridiques et
politiques, Université Thomas Sankara, Burkina Faso
Yacouba SAVADOGO
Conseiller technique du ministre de l’Environnement, de l’Économie verte et du
Changement climatique, Burkina Faso
Résumé
Des années durant, le Burkina Faso a bâti sa politique énergétique sur de l’énergie
thermique polluante. Face à une demande de plus en plus croissante d’énergie, le pays
n’arrive plus à satisfaire la demande en consommation d’énergie. Ainsi confronté à ce
défi d’augmentation de l’offre énergétique et devant les exigences environnementales,
le Burkina Faso a revu sa politique énergétique à travers des réformes novatrices. Ces
réformes vont ainsi promouvoir les sources d’énergies écologiques, notamment les
énergies renouvelables, tout en cassant l’ancienne situation de monopole par
l’ouverture du secteur à d’autres acteurs. Ces réformes, qui ont apporté d’importantes
innovations dans le secteur de l’énergie, ne peuvent cependant atteindre leurs résultats
qu’à travers un niveau appréciable d’efficacité tant des normes juridiques que des
cadres institutionnels mis en place.
Abstract
For years, Burkina Faso has built its energy policy on polluting thermal energy. Faced
with a growing energy demand, the country is no longer able to meet the demand for
energy consumption. Confronted with this challenge of increasing energy supply,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
together with environmental requirements, Burkina Faso has revised its energy policy
through innovative reforms. Such reforms will thus promote green energy sources,
especially renewable energy, while breaking the old monopoly situation by opening the
sector to other players. However, these reforms, which brought important innovations
in the energy sector, can only achieve their results through a significant level of
efficiency in both the legal norms and institutional frameworks put in place.
71
Introduction
Pays sahélien1 très ensoleillé, le Burkina Faso dispose d’un potentiel énergétique
renouvelable très élevé. En effet, le pays bénéficie d’un ensoleillement à hauteur de
3000 h de rayonnement solaire par an avec un gisement à 5,5 à 6 KWh par mètre carré
par jour2, soit à titre comparatif deux fois plus que la France. Pourtant, avec ce potentiel,
le pays peine toujours à satisfaire la demande en énergie de ses populations. Pendant
des années, le Burkina Faso avait construit sa politique énergétique sur la base de
l’énergie thermique, dont la production, la distribution et la commercialisation étaient
confiées à une société d’État3 qui jouissait d’un monopole parfait.
Les limites de cette société d’État se sont révélées face à de grands défis, à savoir : (i)
la satisfaction d’une demande en énergie de plus en plus croissante avec une population
notamment urbaine qui s’accroît à un rythme accéléré ; et (ii) la conciliation de la
production d’énergie et des exigences de protection de l’environnement.
Face à ces deux principaux défis, le pays s’est vu contraint de revoir sa politique
énergétique en élargissant les acteurs de la production et la commercialisation de
l’énergie et en s’ouvrant vers d’autres sources d’énergie plus protectrices de
l’environnement, à savoir les énergies renouvelables.
Cette migration vers les énergies renouvelables s’est opérée à travers des réformes qui
ont touché tant le cadre juridique que le cadre institutionnel. Pendant que des textes
visant à promouvoir les énergies renouvelables ont été adoptés, le cadre institutionnel
a été quant à lui renforcé par des structures de contrôle et de promotion des énergies
renouvelables.
Cependant, ces importantes réformes (1) dans le secteur de l’énergie au Burkina Faso
en faveur des énergies renouvelables ne peuvent atteindre leurs résultats ambitieux qu’à
travers un niveau d’efficacité (2) hautement appréciable de ces normes juridiques et de
ces cades institutionnels.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1
Le Sahel dispose du meilleur taux d’ensoleillement au monde. Le potentiel de production d’énergie
solaire dans cette région est évalué à environ 13,9 milliards de GWh/an par rapport à la consommation
mondiale d’électricité de 20 millions de GWh/an en 2016 selon le Global Energy Statistical Yearbook,
2017.
2
R. Tapsoba, Réalisation de la carte d’ensoleillement normal direct (DNI) et de sites potentiels pour
l’implantation de centrales solaires thermodynamiques en Afrique de l’Ouest, mémoire de master,
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
3
La Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL).
72
1. Une transition énergétique au cœur de multiples réformes
innovantes
Les énergies renouvelables cristallisent l’histoire d’un succès, celui des négociations
internationales à travers le processus de l’Agenda 21 et du protocole de Kyoto4. Dans
les années 1990, elles ont auguré le début d’une politique moderne de l’environnement
qui milite en faveur de nouvelles formes de consommation et de production en matière
énergétique5. Nouvellement enthousiasmés par la problématique6, les pays en voie de
développement vont traduire leur engagement par une internalisation des mécanismes
internationaux7. Le Burkina Faso n’est pas en marge et, en ce qui le concerne, cela se
traduira par des réformes normatives et des réformes institutionnelles.
Sous l’égide de la Banque mondiale, le Burkina Faso s’est doté d’un code de l’énergie
en décembre 2019. Il s’agit d’un ensemble de textes législatifs et réglementaires relatifs
à l’énergie. On y trouve une multitude de textes législatifs et réglementaires répartis
entre quatre chapitres respectifs : l’organisation du secteur, la production énergétique,
l’efficacité énergétique et la police de l’énergie9. Le terme de police n’a pas été utilisé
par les pouvoirs publics mais nous entendons par celui-ci les agréments, les titres de
production et d’exploitation et les cahiers des charges. L’organisation du secteur de
l’énergie repose essentiellement sur la loi n° 014-2017/AN dite loi 014 portant
réglementation générale du secteur de l’énergie. Elle est l’une des plus importantes • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
4
J. Trittin, « Histoire d’un succès : les énergies renouvelables », Écologie et politique, 2006/2, n° 33, p.
119 et s.
5
Ibid.
6
E. D. Kam Yogo, Manuel judiciaire de droit de l’environnement, Institut de la Francophonie pour le
développement durable, 2018, p. 2 ; M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Paris,
EDICEF/AUPELF, 1996, passim.
7
A. Garané et V. Zakané, Droit de l’environnement burkinabè, Collection Précis de droit burkinabè,
PADEG, Université de Ouagadougou, 2008, p. 459.
8
Voir la Lettre de politique sectorielle de l’énergie (LPSE) adoptée en 2016 par le décret n° 2016-
1063/PRES/PM/MEMC/MINEFID.
9
Certes ces chapitres portent sur différents aspects de l’énergie mais convergent tous dans le sens de la
transition énergétique.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
73
réformes engagées en vue d’atteindre les objectifs du programme national de
développement économique et social en matière d’énergie. En effet, elle libéralise la
production de l’énergie et pose les jalons d’une promotion des énergies renouvelables,
de l’efficacité énergétique et de l’électrification rurale. Elle est la consécration
juridique d’un discours favorable à la transition vers les énergies renouvelables, resté
longtemps politique. Cette loi consacre son titre IV aux énergies renouvelables et à
l’efficacité énergétique. Ainsi édicte-t-elle des mesures relatives à la promotion des
énergies renouvelables10, des mesures sur les conditions de production et de
commercialisation des énergies renouvelables11, outre des exigences d’efficacité
énergétique12. La loi 014 a été précédée d’une lettre de politique sectorielle de l’énergie
adoptée par décret n° 2016-1063/PRES/PM/MEMC/MINEFID du 14 novembre 2016.
Cette lettre fixait les objectifs du gouvernement en matière d’énergie pour la période
2016-2020 et on pouvait bien mesurer son intérêt pour la transition énergétique vers les
énergies renouvelables et l’efficacité énergétique13. Il s’agissait d’une esquisse des
réformes en matière d’énergie. Par ailleurs, la loi 014 a été suivie de nombreux textes
d’application, dont le temps d’adoption traduit une réelle volonté des pouvoirs publics
d’opérationnaliser la transition énergétique.
10
« La production, l’importation de matériel et équipement des énergies renouvelables bénéficient de
mesures fiscales et douanières incitatives », art. 57.
11
« Toute personne physique ou morale peut, pour sa propre consommation, sur toute l’étendue du
territoire national, produire de l’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables », art. 61.
12
« Toute activité de production, de transport, de distribution et d’utilisation de l’énergie doit intégrer
les normes et exigences d’efficacité énergétique », art. 70.
13
Lettre de politique sectorielle de l’énergie, art. 2.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
14
Décret n° 2019-0902/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA portant modalités d’accès des auto-producteurs
African Journal of Environmental Law
74
niveau équivalent les résultats, le service, le produit ou la qualité d’énergie obtenue15.
Pour mettre en œuvre cette efficacité énergétique, les pouvoirs publics ont fixé par voie
réglementaire des normes d’efficacité et d’audits énergétiques. Le chapitre 4 du code
de l’énergie, sans jeter son dévolu sur les énergies renouvelables, n’en est pas moins
proche. Il institue des outils de contrôle des acteurs du secteur de l’énergie. Il s’agit des
agréments, des titres de production et d’exploitation et des cahiers des charges sur
lesquels reposent les pouvoirs de police administrative des autorités administratives. À
travers le régime des titres, agréments et cahiers des charges, l’autorité administrative
veille à ce que les règles et principes de la loi 014 soient respectés. La densité du cadre
normatif de l’énergie ne doit pas faire perdre de vue que la transition énergétique est
avant tout un pan de la transition écologique et que les réformes doivent être appréciées
également sous l’angle de la réglementation environnementale.
La transition énergétique vers les énergies renouvelables n’est pas une question
spécifique de l’énergie. Elle est avant tout une composante de la transition écologique.
Le choix des énergies renouvelables répond à une nécessité, celle de maîtriser le
réchauffement climatique et la dégradation des ressources naturelles, surtout non
renouvelables16, avant toute considération liée aux opportunités de création de
meilleures conditions de vie des populations et d’opportunités d’emplois.
De ce fait, les réformes la concernant doivent être recherchées dans les textes portant
gestion de l’environnement et des ressources naturelles. À ce propos, il convient de
relever que les textes relatifs à la protection de l’environnement ont été précurseurs de
l’idée des énergies renouvelables. Au plan international, il en est question depuis les
années 1990. Au plan national, les réformes du secteur de l’énergie qui y font référence
datent des années 2017. Or, déjà en 2013, le législateur en faisait mention dans le code
de l’environnement comme une alternative pour la réduction de la pollution liée aux
énergies. Le gouvernement s’assure que les ressources énergétiques du pays soient le
moins polluantes possible et veille à la promotion des énergies renouvelables17. Cela
s’explique aisément dans la mesure où, au plan international, ce sont les accords
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
15
Cahier des charges applicable aux audits énergétiques au Burkina Faso, art. 3.
16
A. Z. Amin, « Comment les énergies renouvelables peuvent-elles être concurrentielles en termes de
coûts », Chronique ONU, www.un.org/fr/chronicle/article/comment-les-energies-renouvelables-
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
peuvent-etre-concurrentielles-en-termes-de-couts.
17
Loi n° 006-2013/AN du 2 avril 2013 portant code de l’environnement au Burkina Faso, art. 21.
75
1.2. Des réformes institutionnelles
Les réformes institutionnelles en faveur de la transition énergétique ne contrastent pas
avec celles normatives. Elles traduisent la même vitalité, la même abondance sinon la
même inflation. Des réformes courageuses, à la fois diverses et variées, accompagnent
le processus de transition énergétique. Les institutions qui en découlent viennent
s’ajouter à un dispositif déjà présent, mais qui ne s’en trouve pas moins réaménagé
pour tenir compte de la politique des énergies renouvelables.
18
Ce Fonds a été créé par le décret n° 2003-089/PRES/PM/MCE du 19 février 2003.
19
Suite à l’adoption du décret n° 2018-1160/PRES/PM/ME/MINEFID du 19 décembre 2018 portant
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
76
des énergies renouvelables : l’accès de tous à une énergie suffisante et durable. Celles-
ci sont donc un instrument que l’ABER peut implémenter dans le cadre de sa mission.
D’ailleurs, le contexte écologique l’y aurait obligé.
21
Instituée par le décret n° 2016-1265/PRES/PM/MEMC/MINEFID portant adoption des statuts de
l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique du 30 décembre 2016.
22
Rôle 1 de l’Agence défini dans ses statuts.
23
Rôle 4.
24
Loi 014, art. 65.
25
Ibid., art. 75.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
26
Décret n° 2004-517/PRES/PM/MCE du 19 novembre 2004 portant adoption des statuts de la Société
African Journal of Environmental Law
77
1.2.2. Une autorité de régulation du secteur de l’énergie dotée de véritables
pouvoirs
a) Un pouvoir d’investigation
L’ARSE peut être saisie de tous litiges dans le secteur de l’énergie, à la condition que
les faits ne remontent pas à plus de trois ans à moins que ceux-ci aient fait l’objet d’un
acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction29. En outre, elle est
habilitée à opérer le contrôle et le suivi des activités des exploitants et des opérateurs
du secteur de l’énergie30. Pour ce faire, elle peut solliciter les forces de l’ordre31. Elle
peut aussi requérir que les opérateurs lui communiquent périodiquement des
informations chiffrées concernant leurs relations financières ou commerciales avec des
entreprises liées ou associées32.
27
Loi 014, art. 8.
28
Ibid., art. 84.
29
Ibid., art. 88.
30
Ibid., art. 8.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
31
Ibid., art. 87.
African Journal of Environmental Law
32
Ibid., art. 56.
78
c) Une compétence consultative
Les réformes ne vont pas sans les collectivités territoriales. Il s’agit à ce propos de leur
attribuer des compétences en matière d’énergie et, surtout, de renforcer leurs capacités
face aux exigences du moment. Aux termes de l’article 13 de la loi 014, les collectivités
territoriales ont pour missions : de donner un avis sur les plans d’électrification dans
les communes et régions ; de participer à l’élaboration du schéma directeur communal
et régional d’électrification ; de participer à l’élaboration du schéma national
d’électrification ; d’élaborer et mettre en œuvre des plans locaux de production, de
distribution et d’efficacité énergétique ; de créer et de gérer les infrastructures
énergétiques et l’éclairage public. Les attentes vis-à-vis des collectivités territoriales
sont très nombreuses et lourdes en matière d’énergie, d’autant plus qu’elles constituent
les niveaux les plus appropriés pour impulser les actions de développement36. Ces
réformes, aussi denses soient-elles, ne préjugent pas de l’efficacité de la transition
énergétique et d’un probable développement fondé sur les énergies renouvelables. Mais
elles sont salutaires en soi parce qu’il ne peut y avoir une transition énergétique sans
normes favorables ni institutions adaptées !
33
Ibid., art. 40.
34
Ibid., art. 46.
35
Ibid., art. 50.
36
Il s’agit de l’application du principe de l’agrégation et, dans une certaine mesure, du principe de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
subsidiarité.
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
79
2.1. Le défi de l’efficacité institutionnelle
La loi n° 016-2005 portant réglementation générale du sous-secteur de l’électricité au
Burkina Faso consacrait le rôle écrasant des structures étatiques sur le secteur de
l’énergie et le quasi-monopole des personnes publiques dans la gestion de l’énergie.
Agissant sous le prisme des moyens juridiques et financiers d’action de la personne
publique, elles n’ont pas toujours pu répondre aux préoccupations des consommateurs.
Cette action se caractérisait par « une énergie inaccessible à une grande partie des
populations, et un coût élevé qui influe sur le pouvoir d’achat des ménages et la
compétitivité des entreprises »37. En effet, les structures étatiques détenaient le contrôle
entier sur les divers segments du secteur de l’énergie, à savoir la promotion, le
transport, la régulation, la distribution et la commercialisation de l’énergie. Seule la
production est susceptible d’être soumise à la concurrence38. Une telle démarche,
inspirée de l’action de l’État-providence chargé de se substituer aux autres acteurs du
développement par la création de services publics pour satisfaire l’intérêt général, a
montré ses limites pour diverses raisons.
Premièrement, cette attribution accessoire de l’État n’a pas toujours été assumée avec
succès car l’action de l’État s’est souvent préoccupée de satisfaire des besoins, sans
pour autant tenir compte du rapport coût de production/prix de vente.
Face à ces nouvelles réalités, des transformations s’imposaient, d’où la mise en place
de réformes aussi bien normatives qu’institutionnelles. Pour atteindre les objectifs visés
et les résultats escomptés, l’efficacité doit être au cœur de cette nouvelle approche.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
En tant que moyen d’action de l’État, l’institution est créée ou façonnée afin de
contribuer à la réalisation de la mission et à l’atteinte des résultats. Pour y parvenir, elle
doit utiliser les outils les plus pertinents et efficaces.
37
Décret n° 2016-1063/PRES/PM/MEMECM/MINEFID portant adoption de la Lettre de politique
sectorielle de l’énergie (LPSE).
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
38
Article 21 de la loi n° 027-2007/AN du 20 novembre 2007 portant réglementation générale du sous-
African Journal of Environmental Law
80
L’efficacité se fonde sur les critères d’optimisation, de redevabilité, de transparence.
L’efficacité d’une institution s’entend de la capacité de cette dernière de mettre en place
des règles pertinentes et transparentes pour encadrer son action.
Dans le cas du secteur de l’énergie, cette efficacité institutionnelle doit se fonder sur
deux piliers, à savoir une meilleure gouvernance des institutions d’une part, et l’atteinte
de résultats pertinents d’autre part.
Pour réussir un tel pari, la spécialisation des institutions en fonction des nouvelles
priorités dans le secteur de l’énergie est une approche pertinente. En effet, à l’origine
construit essentiellement autour de la nationale de l’énergie (SONABEL), société
chargée de la gestion du secteur de l’énergie dans un environnement de quasi-
monopole, l’ouverture du secteur à d’autres acteurs et, surtout, la diversification des
tâches couplée à un mécanisme de régulation effectif, peuvent garantir des résultats
meilleurs.
Sous cet angle, désormais seul le transport relève du monopole de la société d’État, les
autres segments que sont la production, la distribution, l’importation et l’exportation
sont des domaines partagés avec d’autres acteurs aux expériences variées et aux
compétences nouvelles39. Ainsi, avec l’électrification du secteur rural, la promotion et
la valorisation de l’énergie solaire ont donné lieu à la construction de centrales solaires
et la mise en place d’agences chargées de faire la promotion des énergies
renouvelables40 et l’extension de l’électrification rurale41.
En marge de l’État se sont installés d’autres acteurs non moins importants pour
l’atteinte des objectifs en matière d’énergie. Ce sont les acteurs privés, les collectivités
territoriales, les communautés locales et, surtout, le citoyen42. Traditionnellement
ancrés dans une fonction de consommation, ces acteurs deviennent désormais des
acteurs incontournables qui disposent d’un potentiel ou de capacités réelles en matière
de production d’énergie.
39
Lois de 2007, 2012 et 2017.
40
Article 12 de la loi 014.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
41
Article 10 de la loi 014.
African Journal of Environmental Law
42
Cf. la constitution de diverses sociétés de production d’énergie électrique au moyen du solaire.
81
L’amélioration de la gouvernance se constate aussi à travers la prise en compte de ces
acteurs nouveaux dans la conception et la gestion des organisations, notamment la
gestion participative des conseils d’administration ou des institutions43.
La régulation du secteur qui permet à des entités extérieures d’émettre des avis et
d’orienter la gouvernance globale du secteur de l’énergie est un outil majeur de gestion
qualitative. Ainsi, la mise en place de l’ARSE est une avancée qui permet de contrôler,
de réguler et d’orienter les actions aussi bien des institutions de gestion de l’énergie
que des autres acteurs.
Le contrôle peut en outre être juridictionnel et se fonder sur l’examen des actes des
personnels de gestion des institutions. L’amélioration de la gouvernance doit permettre
d’atteindre des résultats plus probants.
Une institution n’est utile que lorsqu’elle accomplit la mission pour laquelle elle a été
créée. Dans le cadre de l’énergie au Burkina Faso, les efforts de réforme visent
l’accroissement significatif de la production de l’énergie, l’augmentation de l’accès des
consommateurs à l’énergie et, surtout, la disponibilité de l’énergie pour les zones
rurales.
43
Ces acteurs prennent part aux sessions du conseil d’administration du secteur ministériel du ministère
de l’énergie, qui est une instance de planification et d’évaluation des résultats de chaque ministère dont
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
82
Depuis l’adoption de la lettre de politique sectorielle de l’énergie en 2016 44, la
production de l’énergie, qui était de 300 MW, est passée à 800 MW en 2020, avec
notamment la mise en place et l’accroissement des unités de production solaire de
Zagtouli, Nagreongo et Pa. Ce mix énergétique est l’un des axes majeurs de la
performance de la gouvernance de l’énergie au Burkina Faso. Il se fonde non seulement
sur des unités de production en énergies renouvelables, mais aussi sur les installations
individuelles ou collectives d’équipements électriques. Un tel changement de
comportement est un facteur positif dans l’atteinte des résultats.
Cet accès se fonde sur la vulgarisation des coopératives d’électricité en milieu rural
(COOPEL) et l’accès plus facile aux équipements électriques fonctionnant avec
l’énergie photovoltaïque.
L’efficacité d’une telle vision réside sans nul doute dans la capacité d’auto-emploi de
ces jeunes et surtout dans la transformation qualitative de l’offre de service dans le
domaine de l’installation et de la maintenance des équipements solaires.
44
La lettre de politique sectorielle de l’énergie (LPSE) a été adoptée le 14 novembre 2016 par décret
n° 2016-1063/PRES/PM/MECM/MINEFID portant lettre de politique sectorielle de l’énergie.
45
Statistiques de la direction générale des études et des statistiques sectorielles du ministère de l’Énergie,
février 2021.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
46
African Journal of Environmental Law
Programme quinquennal de formation des jeunes à l’auto-emploi dans le secteur des énergies
renouvelables de l’ANEERE.
83
À ces efforts, l’on peut ajouter l’extension de l’électrification des centres périurbains
et ruraux, l’électrification au moyen de systèmes photovoltaïques d’infrastructures
sanitaires et sociales et la promotion de l’efficacité énergétique. L’efficacité
énergétique s’appuie également sur une efficacité normative.
L’efficacité normative réside dans la capacité de la norme à atteindre les résultats qui
sous-tendent son adoption. La constitution, en tant que norme fondamentale, proclame
de nombreux principes, dont ceux d’égalité, de propriété commune des ressources
naturelles, de non-discrimination entre les citoyens, qui intéressent le secteur de
l’énergie. La rareté de l’énergie met en exergue le nécessaire arbitrage des pouvoirs
publics afin que tous les usagers puissent être pris en compte dans la fourniture de
l’énergie aux consommateurs.
Au plan législatif, les différentes lois adoptées pour gouverner le secteur 47 traduisent
les principes constitutionnels et prennent en compte les actes supranationaux des
organisations d’intégration sous-régionales48. Cette démarche d’internalisation des
normes supranationales dans l’ordre juridique interne renforce l’efficacité des normes.
47
Les différentes lois de 2007, 2012 et 2017.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
48
Il s’agit de l’acte additionnel A/SA.3/7/13 sur la politique d’énergies renouvelables de la CEDEAO et
African Journal of Environmental Law
84
2.2.2. L’effectivité des normes
L’efficacité, c’est aussi l’effectivité du cadre juridique. La règle de droit n’est utile que
lorsqu’elle sert la fin à la laquelle elle est destinée. Dans ce sens, la pertinence du
dispositif juridique, son efficacité se mesure à la capacité des normes à régir les
comportements. Cette efficacité est l’affaire de tous, État, personnes publiques ou
privées de droit public ou droit privé, communautés locales, citoyens.
La politique de l’énergie et les actions menées par les pouvoirs publics permettent de
constater une mise en œuvre des dispositions dans le secteur. Elle se traduit par une
effectivité des dispositions juridiques, un fonctionnement des institutions prévues et
une amélioration substantielle du cadre de régulation.
Le défi majeur en l’espèce est de maintenir les règles et d’assurer leur constant respect
par les acteurs.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
85
QUEL(S) DROIT(S) POUR LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES DANS LES PAYS DU SAHEL1 ?
ANALYSE AU REGARD DU DROIT BURKINABÈ
Konamadji BALAAM
Assistant en droit public
Institut de formations initiale et continue, Université Thomas Sankara
Résumé
Autour de la thématique des énergies renouvelables surgissent des problématiques
transversales pour lesquelles plusieurs disciplines juridiques sont convoquées. En effet,
le développement des sources d’énergies renouvelables se situe au carrefour d’intérêts
divers. Dans ce contexte, le rôle du droit est essentiel pour régler non seulement les
conflits de plus en plus nombreux, mais pour proposer également un cadre adapté aux
divers enjeux liés à l’exploitation de ces sources d’énergies. Dans ce sens, il faut
apprécier l’effort de consécration d’un droit spécifique aux énergies renouvelables par
le législateur burkinabè. Toutefois, ce droit est embryonnaire et le défi majeur
aujourd’hui réside dans la mise en place d’un cadre juridique intégré en mesure
d’assurer un développement énergétique durable.
Abstract
Crosscutting issues arise around the theme of renewable energy, for which several
legal disciplines are called upon. Indeed, the development of renewable energy sources
is at the crossroads of various interests. In this context, the role of law is essential not
only to solve the growing number of conflicts, but also to provide a framework suited
to the various issues linked to the exploitation of these energy sources. In this regard,
the effort to devote specific provisions to renewable energy by the Burkinabe legislator
must be appreciated. However, such norms are embryonic, and the major challenge
today lies in the establishment of an integrated legal framework capable of ensuring
sustainable energy development.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1
Inspiré du titre de l’ouvrage de M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel et M. Moliner-Dubost (dir.),
La protection de l’environnement par les juridictions
Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques ?, Paris, Mare et Martin, 2018.
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
87
Introduction
Depuis la découverte du feu, l’homme a eu une relation ininterrompue avec l’énergie :
toujours est-il qu’une énergie est venue remplacer une autre, ou la compléter. Ce
constat atteste bien que « l’accès à l’énergie est un pilier du développement
économique et social car il conditionne les besoins de base. Sa disponibilité est donc
capitale pour asseoir le développement durable »2.
Cependant si, d’une part, cette omniprésence de l’énergie atteste de son rôle essentiel
dans tous les domaines d’activités économiques, d’autre part, l’omniprésence des
débats et polémiques à ce sujet sont révélateurs d’une crainte du risque de pénurie dans
un futur proche et des effets néfastes d’une consommation accrue des énergies fossiles
sur le réchauffement du climat3. Ce problème de précarité énergétique et d’accès à
l’énergie se manifeste avec de plus en plus d’acuité dans les pays sahéliens.
En effet, dans le Sahel, les défis liés à l’accès à l’électricité sont énormes. Par exemple,
dans l’espace G5 Sahel4 où vivent environ 60 millions de personnes, « en 2018,
seulement 25 % de la population est raccordée au réseau électrique, loin derrière
l’Afrique subsaharienne (37 %) et le reste du monde (83 %). Dans les zones ayant accès
à l’électricité, la qualité de service est variable en raison des pannes, interruptions et
fluctuations de tension […]. Dans les zones rurales du Burkina Faso, du Tchad et de la
Mauritanie, seulement 1 personne sur 20 a un accès régulier à l’électricité »5.
Cependant, afin de permettre aux populations, notamment rurales et les plus isolées,
d’avoir accès aux sources d’énergie, des solutions alternatives et innovantes émergent.
Ces solutions sont tournées en particulier vers le développement des sources d’énergies
2
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, Ouagadougou, 2020, p. 2.
3
A. Rojey, Énergie et climat. Réussir la transition énergétique, Paris, Édition Technip, 2008, pp. 11-15.
4
Le G5 Sahel est composé de cinq pays : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.
5
Alliance Sahel, « Énergies renouvelables : l’énorme potentiel du sahel », Énergie et climat, décembre
2020. En ligne :https://www.alliance-sahel.org/actualites/energies-renouvelables-lenorme-potentiel-du-
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
sahel/.
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
6
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, op. cit., p. 6.
88
renouvelables, surtout pour les pays de la bande sahélienne comme le Burkina Faso qui
dispose d’un potentiel indéniable pour le développement des énergies renouvelables
(solaire, éolien, bioénergie).
Par ailleurs, il reste aussi à savoir si les conditions de satisfaction d’une demande sans
cesse croissante et, qui plus est, sans atteinte à l’environnement sont aujourd’hui
remplies, notamment dans les pays pauvres situés dans la bande sahélienne10. L’une
des conditions majeures tient à la pertinence et l’efficacité du cadre juridique de
développement de ces sources d’énergies.
l’environnement.
Cet article se propose de faire un diagnostic des problèmes juridiques que pose
l’exploitation des sources d’énergies renouvelables dans le contexte des pays sahéliens,
7
Alliance Sahel, Énergies renouvelables : l’énorme potentiel du Sahel, https://www.alliance-
sahel.org/actualites/energies-renouvelables-lenorme-potentiel-du-sahel/.
8
Ibid.
9
Ibid.
10
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, Traité de droit des énergies renouvelables, Paris, Le Moniteur, 2e
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
En outre, dans cette définition, le législateur burkinabè n’oppose pas les énergies
renouvelables aux énergies fossiles, comme en droit de l’Union européenne. Il qualifie
simplement l’énergie renouvelable comme une énergie issue d’une source inépuisable,
alors que le droit de l’Union européenne considère les sources d’énergie renouvelables
comme « des sources d’énergies non fossiles renouvelables »12. Cette définition
12
Directive 2001/77 du 27 septembre 2001 sur l’électricité de source renouvelable, art. 2. Cette
approche, plus concrète que conceptuelle, a été reprise par la Directive 2009/23 de l’Union européenne
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
renouvelables.
90
négative du critère de renouvelabilité d’une énergie, en l’opposant aux énergies
fossiles, a le mérite de la clarté.
Ainsi, à l’image du droit positif européen, le législateur burkinabè peut affiner cette
définition en considérant que l’énergie renouvelable est une énergie produite à partir
de sources non fossiles renouvelables. A contrario, toutes les énergies issues de sources
fossiles sont non renouvelables.
Considérer l’énergie renouvelable comme une énergie inépuisable après son utilisation
et/ou sa consommation peut susciter quelques problèmes. En effet, il est vrai que
certaines sources d’énergies renouvelables, comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne
et l’énergie géothermique, peuvent être considérées comme des sources inépuisables
car elles proviennent de flux d’origine naturelle13. Cependant, au regard de la situation
environnementale du Sahel, peut-on affirmer que les sources d’énergie comme la
biomasse et l’énergie hydraulique sont inépuisables ?
Au regard de ce constat, même si les bioénergies ne sont pas des énergies issues de
source fossile, il faut admettre qu’il est risqué de qualifier ces sources d’énergie
d’inépuisables. Leur caractère renouvelable ou inépuisable tient compte de l’équilibre
entre le rythme et/ou la capacité de ces sources à se renouveler et le rythme auquel elles
sont consommées. Or, au Burkina Faso, les populations utilisent le bois des forêts
naturelles comme principale source d’énergie : « […] plus de 90 % du bois utilisé sert
au chauffage dans les ménages ruraux et près de 250 000 hectares de forêts sont
défrichés annuellement pour satisfaire les besoins en bois de chauffe. Avec
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
13
Toutefois, l’exploitation de certaines énergies renouvelables comme l’énergie solaire nécessite le
recours à certaines ressources souvent non renouvelables comme le silicium, utilisé pour ses propriétés
semi-conductrices pour la fabrication des cellules solaires photovoltaïques.
14
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, op. cit., p. 15.
15
A. Dao, P. Coulibaly/Lingani, N. Lamien et P. Toe, « Demande en bois-énergie et rentabilité
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
16
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 41.
17
Art. 2 : « […] énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ».
18
F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 6e éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 3.
92
Toutefois, dans un souci de gestion durable de ces sources d’énergie, le législateur
burkinabè aurait dû les classer à partir de la summa divisio civiliste qui distingue les
choses « non consomptibles » (les ressources dont le caractère renouvelable tient au
fait qu’elles sont issues de flux d’origine naturelle comme le soleil, le vent…) et les
choses « consomptibles » (le caractère renouvelable s’appuie sur le constat qu’elles se
renouvellent au même rythme auquel elles sont consommées, comme la biomasse
verte)19. Cette dichotomie aurait permis d’orienter et d’encourager les politiques et
instruments juridiques de développement des sources d’énergies renouvelables non
consomptibles.
Le droit d’accès libre aux sources d’énergies renouvelables est cependant limité pour
certaines ressources particulières ou lorsqu’on veut faire un usage commercial des
énergies renouvelables.
19
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 86.
20
L’article 65 de la loi n° 014 dispose : « les équipements pour la production d’électricité à partir de
sources d’énergies renouvelables, notamment les équipements solaires et hydroélectriques, doivent
satisfaire aux exigences du contrôles de qualité qui est mené par l’ANEREE ». Cette disposition n’est
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
opérante qu’en cas de volonté de vente d’excédent de production d’électricité. Elle ne s’applique pas
aux petits kits solaires pour les productions domestiques.
93
des installations de l’auto-producteur au réseau national (art. 13 à 16) et les modalités
de cession et de rémunération (art. 17 à 21).
La finalité de cette démarche restrictive de droits d’usage est mue par diverses
préoccupations, notamment la protection de la biomasse verte, dont le bois. Cette
approche permet également de contrôler l’usage des ressources foncières utilisées pour
cultiver les espèces de plantes servant à fabriquer le biocarburant. Par exemple, en fin
2018, le ministère chargé de l’énergie a initié le projet Jatropha curcas pour développer
et promouvoir un modèle de production rentable et d’utilisation du Jatropha curcas
comme agrocarburant. Il a fait produire 2 400 000 plants de Jatropha qui ont été
distribués aux agriculteurs21.
21
La production du biocarburant à base de Jatropha curcas est une filière en pleine expansion au Burkina
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Faso. Plusieurs institutions privées s’y intéressent : BELWET, AGRITECH, APROJER, etc.
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
22
A. Rojey, op. cit., pp. 45 et s.
94
de la nécessaire transition énergétique23. Au Burkina Faso en particulier, l’encadrement
juridique des énergies renouvelables est très récent et embryonnaire. Les règles
juridiques qui encadrent le développement des sources d’énergies renouvelables sont
tirées tout d’abord de la loi n° 014 portant réglementation générale du secteur de
l’énergie qui a consacré son titre IV aux énergies renouvelables et à l’efficacité
énergétique.
L’application du droit de l’énergie aux énergies renouvelables « est par ailleurs logique
dès lors que ces dernières sont elles-mêmes des énergies et ne se distinguent après tout
qu’au regard de leur origine »24. À cet égard, plusieurs dispositions de la loi n° 014 ont
vocation à s’appliquer à tout type d’énergie, y compris les énergies renouvelables. Il
s’agit notamment du titre I relatif aux dispositions générales et du titre II relatif aux
dispositions communes concernant les acteurs et le service public de l’énergie. De plus,
toutes les dispositions relatives à la production, au transport, à la commercialisation et
la distribution sont également applicables aux énergies renouvelables.
En matière de production des énergies renouvelables, il faut noter que le droit des
énergies renouvelables entretient un lien ombilical avec certaines disciplines
juridiques, comme le droit de l’environnement, le droit des biens, le droit foncier, le
droit de l’eau… Le défi majeur du législateur burkinabè est donc de mettre en place un
cadre juridique intégré qui puisse garantir un développement énergétique durable26.
Cependant, à l’analyse, si le droit de l’environnement burkinabè a intégré dans son
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
23
M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel et M. Moliner-Dubost (dir.), op. cit., pp. 27 et s.
24
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 78.
25
M. Lamoureux, « Le bien énergie », Revue trimestrielle de droit commercial, 2009, p. 239.
26
C. Krolik, « Le droit communautaire de l’énergie durable », Revue européenne de droit de
l’environnement, 2009, p. 65 ; C. Cans, « L’exploitation des énergies renouvelables ou quand une
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
27
L’article 8 du décret n° 2019-0902/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA du 18 septembre 2019 portant
modalités d’accès des auto-producteurs d’énergies renouvelables au réseau électrique et conditions de
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
rachat de leur excédent d’énergie n’exige aucune évaluation environnementale aux auto-producteurs qui
souhaitent réaliser des installations de production.
96
potentiellement conflictuels » (principe 4 de la Déclaration de Rio de 1992)28. En
l’espèce, le législateur burkinabè doit concevoir un cadre juridique qui établit, dans un
souci de cohérence, des liens entre les diverses politiques à divers niveaux
administratifs. En d’autres termes, il faut décloisonner le cadre juridique des énergies
renouvelables et établir des passerelles car, en pratique, le recours à d’autres techniques
juridiques s’impose.
D’une manière générale, il existe en droit positif burkinabè des exemples de cadre
juridique intégré. Par exemple, la loi n° 036-2015/CNT du 16 juin 2015 portant code
minier renvoie régulièrement aux textes spécifiques concernant certaines matières ou
domaines en lien avec l’exploitation minière. Pour preuve, l’article 41 dispose que « la
demande de permis d’exploitation industrielle de grande ou petite mine est
accompagnée [d’un] avis favorable de faisabilité du ministre en charge de
l’environnement, sur la base d’une étude d’impact environnemental et social, d’un plan
de gestion environnementale et sociale et d’un plan de réhabilitation et de fermeture ».
97
Par contre, au niveau opérationnel, on remarque une inflation institutionnelle, mais sans
effort d’harmonisation des domaines d’intervention. Par exemple en matière
d’électrification rurale, l’article 3 des statuts de l’ABER approuvés par décret n° 2018-
1160/PRES/PM/ME/MINEFID du 19 décembre 2018 dispose qu’elle « a pour mission
de promouvoir l’accès à l’électrification rurale […] ». Or, la Société nationale
d’électricité du Burkina Faso dispose des mêmes attributions en matière
d’électrification.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
98
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉNERGIES
RENOUVELABLES : ÉVOLUTION DU DROIT EN CÔTE
D’IVOIRE
Silué YEGBOREWA ALIMENTA
Juriste environnementaliste, Côte d’Ivoire
Résumé
Au-delà des aspects environnementaux, les énergies renouvelables sont en plein essor
en Côte d’Ivoire. En effet, divers projets sont en cours, notamment dans les énergies
solaires et la biomasse. Le secteur commence d’ailleurs à bénéficier de financements
pour son développement. Ainsi, face aux enjeux économiques et stratégiques qui
gravitent autour du secteur énergétique, il est important de s’approprier l’écosystème
juridique qui l’entoure. Dans ce sens, cette contribution vise à mettre en lumière les
textes juridiques en vigueur favorisant le développement des énergies renouvelables en
Côte d’Ivoire et à en appréhender tous les aspects. Elle veillera à relever la pertinence
de ces textes et les possibles pistes d’amélioration.
Abstract
Beyond environmental aspects, renewable energy is growing rapidly in Côte d’Ivoire.
Indeed, several projects are in progress, especially in solar and biomass energy. The
sector is also benefiting from funding. Thus, with economic and strategic challenges
around the energy sector, it is important to capture its surrounding legal ecosystem. In
this regard, this contribution aims to highlight existing legal texts that promote
renewable energy in Côte d’Ivoire and to address all their facets. It will underscore
the relevance of these texts, as well as possible ways to improve them.
99
Introduction
L’État de Côte d’Ivoire a pour objectif, d’ici 2030, de faire du pays l’épicentre
énergétique de l’Afrique de l’Ouest, y compris dans le secteur des énergies
renouvelables (EnR)1. Dans cette optique, le pays veut mettre en place des politiques
novatrices afin de développer la part des EnR dans son mix énergétique. En effet, avec
une population en constante croissance et l’augmentation de la demande nationale en
électricité depuis la relance économique de 2012, il s’avère impérieux pour l’État de
fournir une énergie continue, à moindre coût et sobre en carbone. En effet, dans le cadre
de la lutte contre les changements climatiques, la Côte d’Ivoire a pris un certain nombre
d’engagements, notamment en faveur de l’atténuation. En 2015, lors de la COP 21 qui
s’est tenue à Paris, le pays s’est engagé à accroître la part des EnR dans son mix
énergétique à hauteur de 42 %2.
Pays d’Afrique de l’Ouest au climat équatorial dans sa moitié sud et semi-aride dans
sa moitié nord, la Côte d’Ivoire a une économie essentiellement agricole, basée sur
l’exportation de matières premières telles que le cacao3, l’hévéa, le café, le coton et
l’anacarde. Un ensemble de facteurs climatiques et économiques favorables permettent
à la Côte d’Ivoire de disposer de conditions optimales et de ressources importantes en
termes de biomasse et de solaire, pouvant être valorisées en électricité. En effet,
l’abondance des déchets agricoles et agro-industriels, qui sont d’environ 15 millions de
tonnes/an4, représente une réserve importante pour le développement de l’énergie
biomasse. Par ailleurs, l’ensoleillement du pays, estimé entre 2000 et 2700 heures selon
les régions5, offre un potentiel d’environ 5,25 KWh/an6 par jour. A cela s’ajoute le
potentiel hydrique des grandes étendues d’eau douce dont le pays dispose et qui permet
aisément le développement de barrages hydro-électriques qui peuvent fournir une
production annuelle estimé à 202 GWh7. En ce qui concerne l’éolien, les perspectives
sont encore modérées, même si, eu égard à l’évolution technologique, des projets
pilotes sont envisageables à l’horizon 2030 dans l’Ouest montagneux, la plaine de l’Est
et le littoral au Sud, pour une capacité totale de moins de 100 MW8.
Au regard de ces potentialités et dans le but de les développer pour atteindre les
objectifs fixés, les pouvoirs publics ont élaboré des plans d’action et pris des décisions
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
favorisant cette vision. À ce titre, plusieurs projets importants ont été lancés,
notamment :
1
Site internet du ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables (MPEER) :
http://www.mpeder.ci/energie/pages/energie-renouvelables.
2
Ibid.
3
Dont la Côte d’Ivoire est la première productrice mondiale.
4
http://www.mpeder.ci/energie/pages/energie-renouvelables.
5
Selon les propos de M. Sabati Cissé, directeur général de l’énergie, MPEER.
6
Ibid.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
7
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Ibid.
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
8
Ibid.
100
• le projet des centrales à biomasse « Biokala », développés conjointement par le
groupe agro-industriel ivoirien Sifca et le français EDF (Électricité de France);
• la centrale solaire d’une puissance de 37,5 Mwc9 de Boundiali, financée par
l’Agence allemande de développement (KfW) et l’Union européenne (UE) ;
• le projet de construction d’une centrale solaire flottante sur les plans d’eaux
lagunaires et de mer avec l’appui de l’Agence française de développement
(AFD).
Dès lors, les EnR représentent un enjeu important pour la Côte d’Ivoire, aussi bien sur
le plan environnemental qu’en matière d’investissement. Solaire ou biomasse, ces
secteurs attirent de plus en plus d’investisseurs et de nombreuses entreprises tentent de
se faire une place.
Face à ces enjeux, il convient de se demander comment le droit ivoirien suit cet
engouement autour des EnR. Existe-t-il un cadre juridique ? Si oui, est-il adapté aux
prétentions de l’État ivoirien en la matière ? Qu’est-ce qui est fait et que reste-t-il à
faire ?
Pour apporter des pistes de réponses à ces questions, cet article se propose de faire une
immersion dans le cadre juridique entourant les EnR en Côte d’Ivoire et de l’analyser.
Ainsi, il mettra en évidence la réelle volonté dont fait montre l’État de créer et de
réguler un cadre juridique favorable au développement du secteur des EnR (1) avant de
mesurer la réelle pertinence de ces ambitions (2).
9
Le mégawatt crête désigne la puissance maximale d’un dispositif.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
101
pilier important dans l’atteinte des objectifs de développement durable. Ces réflexions
ont débouché en 2014 sur la promulgation de la loi n° 2014-132 du 24 mars 2014
portant code de l’électricité, qui constitue un élément important dans la stratégie de
développement énergétique en Côte d’Ivoire et plus particulièrement des EnR. En effet,
contrairement au code précédent, ce nouveau texte a introduit la notion « d’énergies
nouvelles et renouvelables », définie en son article 1er comme étant « …Les sources
d'énergie qui se renouvellent naturellement ou par l’intervention d’une action humaine,
à l’exception de l’énergie hydraulique dont la puissance installée est supérieure à
10 MW, notamment les énergies solaires, éoliennes, géothermale, houlomotrice et
marémotrice, ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharges, du gaz des
stations d’épuration d’eaux usées et du biogaz ».
Les questions de production ont aussi été abordées par le code de l’électricité à l’article
8 du titre II sur les activités du secteur électrique, qui soumet la production des EnR
aux mêmes obligations que celles imposées aux énergies dites conventionnelles.
Cependant, l’autorisation délivrée pour l’exercice d’une activité dans le secteur des
EnR est soumise à la prise en compte du bien-être social des populations et d’autres
aspects comme la sécurité alimentaire et le développement économique et social,
comme en dispose l’article 30. D’ailleurs, avec les polémiques sur les EnR liées à leur
caractère encombrant (éolienne par exemple), ou encore l’impact des barrages
hydroélectriques sur les stocks poissonneux, le législateur a institué à travers cet article
une sorte de mesure préventive. Celle-ci pourra se traduire dans l’exécution par
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
102
En termes d’incitations, le code prévoit en son article 17 la possibilité de développer
une énergie dont le coût de production est élevé et prévoit en retour de compenser le
surcoût par des subventions. Son opérationnalisation nécessite le lancement,
conforment à l’article 18, d’appels à projets pour la sélection de producteurs
indépendants ou d’auto-producteurs dont la production électrique est d’au moins à
50 % composé d’EnR et désirant bénéficier d’un droit d’achat à un tarif garanti.
10
Le PND est un document de politique nationale visant à fixer les grands axes stratégiques et les
objectifs à atteindre dans son processus d’émergence.
11
Programme visant à favoriser les villages de plus de 500 habitants et à améliorer l’électrification du
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
pays.
103
- le décret n° 2017-773 du 22 novembre 2017 modifiant la dénomination de la Société
Énergies Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES) ;
- le décret n° 2016-786 du 12 octobre 2016 portant fixation des règles de
détermination et de révision des tarifs de vente et d’achat de l’énergie électrique,
ainsi que des règles d’accès au réseau et de transit de l’énergie.
agréés de l’électricité produite à partir des sources d’EnR, tout en analysant les surcoûts
éventuels liés à certaines technologies. Le dispositif institutionnel est complété par la
Société Énergies Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES)13 chargée d’assurer le suivi et la
gestion des mouvements d’énergies électriques, y compris des EnR. Conformément à
l’article 2 nouveau, la CI-ENERGIES est chargée de convertir toutes les sources
d’énergies, y compris nouvelles et renouvelables, en électricité. Enfin, le décret
n° 2016-786 du 12 octobre 2016 portant fixation des règles de détermination et de
12
Article 6 du décret n° 2016-862 du 3 novembre 2016 fixant les modalités, conditions et obligations
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
13
Dont la dénomination a été modifiée par le décret 2017-773 du 22 novembre 2017.
104
révision des tarifs de vente et d’achat de l’énergie électrique ainsi que des règles
d’accès au réseau et de transit d’énergie prévoit plusieurs dispositions quant aux
modalités de détermination des prix des EnR. Ce décret, assez étoffé, comprend une
section dédiée aux modalités d’achat de l’énergie électrique produite à partir des EnR
et de cogénération (section 3). Parallèlement à ces décrets, l’arrêté n° 0364 du 4 juillet
2020 portant exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et exemption des droits et taxes
d’entrée sur les acquisitions de biens et services effectués dans le cadre du programme
régional de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique
(PRODERE) exonère la SABER14 des taxes sur les biens et matériels acquis dans le
cadre de ce programme. Il est mené par les pays membres de l’Union monétaire des
États ouest-africains (UEMOA) et vise à résoudre le déficit énergétique de la zone
UEMOA par la promotion les EnR. À ce titre, des installations photovoltaïques sur les
éclairages publics ont été réalisées dans la ville d’Abidjan.
14
Société africaine des biocarburants et des énergies renouvelables (SABER).
15
La protection de l’environnement par les juridictions
16
Notamment l’ANARE-CI et la CI-ENERGIES.
105
Le code de 2014 contient plusieurs nouveautés, dont les mesures d’incitation fiscale en
faveur des EnR, qui sont d’ailleurs intervenues assez tôt. Dès 2011, le gouvernement a
prévu des réductions fiscales, notamment sur la TVA pour les matériaux de production
d’électricité photovoltaïque – le taux a été réduit de 18 % à 9 %17 –, auxquels peuvent
s’ajouter des abattements ou des exonérations de droits de douane pour les fournisseurs
de systèmes solaires domestiques. Il est important de relever que le secteur de
l’électricité a été ouvert à la concurrence, avec la possibilité pour des nouveaux acteurs
de pénétrer le marché. Par ailleurs, pour l’obtention des accréditions et agréments
nécessaires, le code impose aux producteurs d’électricité de respecter les exigences
environnementales et de donner la priorité aux EnR. Ce code a permis la mise en place
de projets novateurs dans la biomasse (projet Biokala) et dans le solaire (centrale solaire
de Boundiali).
Un cadre réglementaire semble ainsi être bien établi, mais des zones d’ombre
demeurent et le secteur manque de spécificité. Même si le code introduit la gestion des
EnR, les articles y relatifs restent encore trop évasifs. En effet, l’analyse de ces
dispositions montre que les EnR et les énergies dites conventionnelles ont le même
mode de gestion. Sur sa vocation de « promouvoir le développement des énergies
nouvelles et renouvelables », le texte est incomplet en ce sens que l’on ne saurait
appliquer les mêmes dispositions aux énergies conventionnelles et aux EnR. Celles-ci
requièrent une spécificité en termes de connaissances technologiques et de mesures
financières nécessaires à leur évolution. Une autre faille peut être décelée dans le décret
relatif à la maîtrise de l’énergie, qui ne mentionne que très peu les EnR, sans préciser
les actions qui doivent être prises concrètement. À cela s’ajoute la lenteur dans
l’adoption des décrets d’application, dont la plupart ont été pris environ trois ans après
la loi portant code de l’électricité. Cela a contribué à retarder l’aboutissement de
certains projets d’envergure, dont la fameuse centrale biomasse qui, à la date
d’aujourd’hui, n’est toujours pas en production. Malgré ces balbutiements, des
perspectives intéressantes se présentent pour l’amélioration du cadre juridique des EnR
en Côte d’Ivoire.
Comme relevé précédemment, le secteur des EnR suscite un réel engouement en Côte
d’Ivoire. Bon nombre d’entreprises exercent dans les secteurs du solaire, de la biomasse
et plus largement dans l’efficacité énergétique. Elles offrent, pour la plupart, des
prestations complètes, allant des études de projet d’énergie verte aux installations
photovoltaïques, en passant par les opérations de maintenance et la définition de plans
17
Article 359 du code général des impôts rattaché à l’annexe de la loi de finances n° 2011-480 du 28
décembre 2011 portant budget de l’État pour la gestion 2012, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
106
d’entretien. Celles opérant dans la biomasse offrent des solutions de transformation de
tous types de déchets en biogaz. Parallèlement à cela, elles développent des engrais et
des pesticides verts pour l’agriculture. Pourtant, ces activités ne sont pas suffisamment
réglementées et il s’agit aujourd’hui d’œuvrer à la mise en place d’un cadre juridique
spécifique aux EnR. En effet, l’État a besoin de structures dédiées aux EnR pouvant
favoriser la recherche de financements et la régulation optimale du secteur. Les
dispositions juridiques en présence accordent des avantages fiscaux principalement aux
équipements liés au développement de l’énergie solaire. Cependant, la biomasse, au
potentiel de développement fort intéressant, n’est pas assez exploitée. Une
réglementation s’avère donc nécessaire afin de favoriser l’importation et/ou la
fabrication de technologies dans ce secteur et dans divers autres domaines d’activités
liés aux EnR. En effet, les promoteurs locaux n’ont pas facilement accès aux capitaux,
ce qui limite les initiatives privées pour accompagner les actions de l’État en faveur de
l’accès universel à l’énergie, la réalisation des mesures d’efficacité énergétique et le
développement des EnR.
Dans un autre registre, des mesures concrètes devraient être prises notamment pour
soutenir les industriels utilisant les EnR. En Côte d’Ivoire, quelques gros industriels
ont réussi à transformer leurs déchets agricoles en énergie qu’ils utilisent pour
alimenter leurs unités. Celles-ci doivent être soutenues par l’État en termes d’avantages
fiscaux ou toutes autres mesures pouvant favoriser le partage et la diffusion à grande
échelle de ces technologies. Le secteur doit par ailleurs être régi par des politiques
facilitant l’investissement et permettant aux acteurs privés d’investir et de développer
le secteur. Enfin, les EnR nécessitent une connaissance de leurs spécificités, aussi bien
sur le plan technique que sur le plan légal. Or, à l’heure actuelle, Il existe très peu de
formations ayant trait à ce secteur complexe et innovant, ce qui réduit la disponibilité
de personnes qualifiées dans le domaine.
107
UNE DÉCENNIE DE MISE EN ŒUVRE DES LOIS
D’ORIENTATION SUR LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES AU SÉNÉGAL : UN BILAN MITIGÉ
POUR LE MIX ET LA TRANSTION ÉNERGÉTIQUE
Mohamed Ayib DAFFÉ
Juriste environnement et énergie, Dakar
Résumé
Avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur
les énergies renouvelables et de la loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010 portant loi
d’orientation de la filière des biocarburants, beaucoup d’observateurs avaient prédit un
avenir radieux pour la transition énergétique et la diversification du mix énergétique au
Sénégal. Dix ans après, faut-il chanter ou déchanter ? Par l’analyse d’une décennie
d’application des instruments normatifs précités, cet article vise à fournir au lecteur les
clés d’analyse pour comprendre les dynamiques et les contraintes auxquelles un pays
tel que le Sénégal fait face pour amorcer sa transition énergétique.
Mots clés : droit des énergies ; énergies renouvelables ; transition énergétique ; mix
énergétique.
Abstract
With the enactment of Law N° 2010-21 of 20 December 2010 on the orientation of
renewable energy and Law N° 2010-22 of 15 December 2010 on the biofuels sector,
many observers had predicted a bright future for the energy transition and the
diversification of the energy mix in Senegal. Ten years later, should we sing or be
disillusioned? By analyzing a decade of application of the aforementioned normative
instruments, this article aims to provide the reader with analysis keys to understand
the dynamics and constraints that a country such as Senegal faces in initiating its
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
energy transition.
109
Introduction
Insuffisance énergétique, inégalités d’accès à l’énergie moderne et importante part de
la biomasse et des produits pétroliers dans le bilan énergétique (95 %) sont les
principaux traits caractéristiques du profil énergétique du Sénégal du début des années
2000. Pendant ce temps, les énergies renouvelables ne représentaient que 0,6 %, alors
que la part du charbon minéral entré dans le bouquet énergétique en 2004 était de 4 %1.
En réponse à cette situation de dépendance énergétique, l’État du Sénégal avait déjà
adhéré à plusieurs initiatives de coopération internationale pour la promotion des
énergies renouvelables2 : la Décision relative à l’adoption d’une politique de la
CEDEAO/UEMOA sur l’accès aux services énergétiques des populations rurales et
périurbaines pour la réduction de la pauvreté et l’atteinte des OMD en 20063 ; la
Stratégie de l’UEMOA dénommée « Initiative régionale pour l’énergie durable » en
20094 ; les Statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables 5 en
2010 ; etc. Au niveau national, en décembre 2010, l’État du Sénégal a adopté deux lois
d’orientation ayant pour objet le développement des énergies renouvelables : la loi
n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies
renouvelables et la loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010 portant loi d’orientation de la
filière des biocarburants6.
1
Ministère de l’Énergie et des Mines, Lettre de politique de développement du secteur de l’énergie,
octobre 2012, 28 p.
2
M. A. Daffé, « Les mécanismes régionaux de mise en œuvre de l’Objectif de développement durable
(ODD) 7 pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique en Afrique de
l’Ouest », Revue africaine de droit de l’environnement, 3/2018, pp. 64-71.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
3
Décision A/DEC.24/01/01/06 relative à l’adoption d’une politique de la CEDEAO/UEMOA sur l’accès
aux services énergétiques des populations rurales et périurbaines pour la réduction de la pauvreté et
l’atteinte des OMD.
4
Décision n° 6-2009 CM-UEMOA du 25 septembre 2009 portant adoption de la Stratégie de l’UEMOA
dénommée « Initiative régionale pour l’énergie durable » (IRED).
5
Loi n° 2010-12 du 31 mai 2010 autorisant le Président de la République à ratifier les statuts de l’Agence
internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), Journal officiel (JO) n° 6544 du 4 septembre
2010.
6
JO n° 6581 du 9 avril 2011.
7
Loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies renouvelables, article
1er, al. 1.
8
Article 1er de la loi n° 2010-21. La production hydroélectrique sur les cours d’eau internationaux
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
(Sénégal, Gambie) est régie par les conventions internationales de l’Organisation pour la mise en valeur
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
du fleuve Sénégal (OMVS) et de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG).
110
pour le transport et pour la production de l’énergie notamment électrique »9 ; la liste
des produits considérés comme biocarburants comprend au minimum le biodiesel, le
bioéthanol, le biogaz et l’huile végétale pure10. Les objectifs affichés par le législateur
que sont, entre autres, la lutte contre les disparités d’accès à l’énergie, la réduction de
la forte dépendance au pétrole et de la pauvreté, incluent la diversification du mix
énergétique pour la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet
de serre.
La transition énergétique est à quant à elle un concept dont les contours sont difficiles
à fixer et semble prendre la place préalablement occupée par le réchauffement
climatique13. C’est un concept qui apparaît souvent bien plus comme une solution
fourre-tout à l’angoisse écologique, économique et énergétique que comme une notion
bien définie14. Cependant, pour les besoins de cet article, il faut comprendre la
transition énergétique comme un mouvement global prenant en compte la diminution
du stock des énergies fossiles, la nécessité de varier les sources de production d’énergie
et les effets de la consommation énergétique sur l’environnement en général et le climat
en particulier15. Elle vise à la fois à favoriser l’efficacité énergétique, en consommant
moins, et les énergies renouvelables, en consommant mieux. Ainsi, elle serait « le
passage d’une structure de production basée sur une combinaison de sources d’énergie
à une autre »16, accompagné de mesures d’économie/ d’efficacité énergétique17.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
9
Loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010, article 1er, al.1.
10
Article 1er de la loi n° 2010-22.
11
Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1962 :
« Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ».
12
P. Sablière, Droit de l’énergie, Paris, Dalloz, 2013, p. 3.
13
C. de Perthuis et P. A. Jouvet, Le capital vert. Une nouvelle perspective de croissance, Paris, Odile
Jacob, 2013, p. 129.
14
F. Tesson, « La réalité juridique de l’action publique en matière de transition énergétique : une
évolution normative prise dans un mouvement global », Actualité juridique. Droit administratif,
n° 1904967, 2015, p. 1960.
15
Ibid.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
16
M. Maestroni et al., Comprendre le nouveau monde de l'énergie, Paris, Maxima, 2013, p. 77.
17
F. Tesson, op. cit.
111
À partir de ces deux définitions, on comprend que le mix énergétique et la transition
énergétique sont des vases communicants à l’assaut du réchauffement climatique.
Ainsi, en adoptant ces lois d’orientation, le Sénégal a pris une option non négligeable
non seulement pour sa souveraineté énergétique mais aussi en faveur de la réduction
de son empreinte carbone. La ratification de l’Accord de Paris18 est, en ce sens, une
traduction de son engagement à lutter contre les changements climatiques. Il ressort de
l’évolution de la population du Sénégal une demande grandissante d’accès à l’énergie
moderne qui devient un problème social eu égard aux inégalités d’accès.
Cet article propose une réflexion sur l’état du droit relatif aux énergies renouvelables
et de son impact sur le mix et la transition énergétique dix ans après la promulgation
des lois d’orientation sur les énergies renouvelables. Il s’agit d’analyser l’effectivité et
l’efficacité de ce droit face aux problématiques économiques, sociales et écologiques
posées à l’échelle nationale.
S’il est vrai que les lois d’orientation sur les énergies renouvelables constituent de
solides leviers juridiques pour la diversification du mix énergétique et le progrès de la
transition énergétique (1), il n’en demeure pas moins que leur application souffre de
nombreuses lenteurs et d’insuffisances au plan normatif, institutionnel, technique et
financier, dans un contexte de regain d’intérêt pour les énergies fossiles, avec
l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal annoncée pour 2023 (2).
18
Loi n° 2016-19 du 6 juillet 2016 autorisant le Président de la République à ratifier l’Accord de Paris
en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adopté le 12
décembre 2015, JO n° 6963 du 24 septembre 2016.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
19
African Journal of Environmental Law
112
leur exploitation, leur stockage et leur commercialisation. Elle s’étend à toutes les
filières des énergies renouvelables ainsi que leur sûreté et leur sécurité20.
La loi n° 2010-22 s’étend à tous les champs de la filière des biocarburants, notamment
la production, la transformation, le stockage, le transport, la commercialisation et la
distribution21.
Ces lois ont également misé sur les dispositions incitatives pour soutenir le
développement du mix énergétique. En effet, aussi bien la loi sur les énergies
renouvelables que celle sur les biocarburants portent une attention particulière aux
allégements fiscaux et douaniers pour les acquisitions de matériels et d’équipements
destinés à la recherche-développement, à la production, à l’exploitation et à
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
l’autoconsommation. Il a fallu attendre dix ans pour que soit exonérée de la taxe sur la
valeur ajoutée une liste de 22 matériels entrant dans la production d’énergie solaire,
éolienne et de production d’électricité et de chaleur à partir du biogaz25. Cette
20
Article 2, loi n° 2010-21.
21
Article 2, loi n° 2010-22.
22
Article 4, loi n° 2010-21.
23
Article 7, loi n° 2010-21.
24
Article 5, loi n° 2010-21 ; article 19, loi n° 2010-22.
25
Arrêté interministériel n° 010158 du 28 mai 2020 : ces mesures d’exonération ont pour objectif de
faire baisser de manière substantielle les coûts de production pour faciliter l’accès à l’énergie et
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
particulièrement à l’électricité en milieu rural. Elles entrent dans la politique d’accès universel à
l’électricité à l’horizon 2025.
113
exonération complète des dispositions du code général des impôts 26 prévoyant la
réduction d’impôts pour les investissements de revenus ou de bénéfices dans le
domaine de l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne. Certaines incitations
douanières se heurtent aux dispositions communautaires relatives au tarif extérieur
commun (TEC) qui restreignent la possibilité d’un pays membre de réduire ou de
supprimer unilatéralement des droits et taxes de douane à l’importation de matériels et
d’équipements destinés à la production d’énergie renouvelable.
L’exploitant de réseau est tenu de rémunérer l’électricité issue des surplus des auto-
producteurs qu'il a achetée et prélevée sur la base des conditions techniques et
financières définies dans le contrat d’achat d’électricité conformément aux tarifs arrêtés
par la Commission de régulation du secteur de l’électricité (CRSE). L’énergie livrée
par l’auto-producteur est rémunérée par l’exploitant de réseau sur la base des tarifs
applicables à chaque filière d’énergie renouvelable et à chaque gamme de puissance.
Les modalités de raccordement et de détermination des coûts d’accès aux réseaux sont
fixées par voie réglementaire, de même que les conditions techniques et financières
d’achat et de rémunération de l’électricité produite à partir des sources d’énergies
renouvelables30.
Pour couvrir les différences de prix, la loi prévoit un régime de compensation afin de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
26
Articles 241 à 248 de la loi n° 2012-31 du 31 décembre 2012, JO n° 6706 du 31 décembre 2012.
27
Article 24, loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité.
28
Article 12, loi n° 2010-21.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
29
Article 13, loi n° 2010-21.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
30
Article 14, loi n° 2010-21.
31
Article 15, loi n° 2010-21.
114
Pour bénéficier des avantages liés à la production de l’électricité à partir des énergies
renouvelables destinée à la vente, le promoteur de projet doit produire un certificat
d’origine délivré par un organisme agréé32. Le choix des producteurs d’électricité à
partir des énergies renouvelables pour la vente en gros est effectué par appels d’offres
selon une procédure définie par la CRSE33.
Les lois d’orientation sont complétées par d’autres textes législatifs qui s’appliquent au
développement de projets de production d’électricité pour la vente à partir d’énergies
renouvelable. En raison de la nature consommatrice d’espace des centrales solaires ou
éoliennes et des exploitations d’agrocarburants, les législations domaniale, foncière,
environnementale, d’urbanisme et forestière doivent être prise en compte dans le
développement des projets.
Contrairement à la loi sur les biocarburants, qui n’a toujours pas fait l’objet de textes
d’application, les deux décrets34 pris en application de la loi sur les énergies
renouvelables apportent plus de précisions35.
32
Article 16, loi n° 2010-21.
33
Article 17, loi n° 2010-21.
34
Décret n° 2011-2013 du 21 décembre 2011 portant application de la loi d’orientation sur les énergies
renouvelables fixant les conditions d’achat et de rémunération de l’électricité produite à partir de sources
d’énergie renouvelable par des centrales et leur raccordement au réseau ; décret n° 2011-2014 du 21
décembre 2011 portant application de la loi d’orientation sur les énergies renouvelables relatif aux
conditions d’achat et de rémunération du surplus d’énergie électrique d’origine renouvelable résultant
d’une production pour consommation propre.
35
Pour une analyse détaillée des décrets d’application, voir : M. A. Daffé, « Introduction aux aspects
juridiques des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique au Sénégal », in F. Caille et M. Badji
(dir), Du soleil pour tous. L’énergie solaire au Sénégal : un droit, des droits, une histoire, Québec,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Pour atteindre son objectif, le Sénégal s’est doté, outre les structures classiques du
secteur de l’électricité (SENELEC, ASER38, CRSE) dont les missions et compétences
ont été définies par la loi n° 98-29, de deux agences d’exécution – l’Agence nationale
d’économie d’énergie (AEME) et l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie
(ANER) – placées sous la tutelle du ministre chargé de l’énergie. Les autorités
publiques ont choisi de découpler l’ancrage institutionnel de ces « sœurs jumelles » que
sont les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, avec l’inconvénient de
disperser les ressources et de limiter les initiatives intégrées.
37
CRSE, Décision n° 2018-09 du 31 octobre 2018 relative aux prix d’achat du surplus d’énergie
électrique d’origine renouvelable résultant d’une production pour consommation propre.
38
Agence sénégalaise d’électrification rurale.
39
Décret n° 2011-1054 du 28 juillet 2011 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’Agence nationale de l’économie d’énergie (ANEE).
40
Décret n° 2013-684 du 17 mai 2013 portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
nationale pour les énergies renouvelables (ANER), JO n° 6731 du 1er juin 2013.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
116
une vision énergétique sous-tendue par la mutation du bouquet énergétique afin de
garantir au pays une souveraineté énergétique.
Ces lois suscitent ainsi le développement des sources alternatives moins gourmandes
en ressources naturelles, moins polluantes et plus accessibles aux États comme le
Sénégal. Au regard des exposés des motifs, le législateur sénégalais porte une attention
particulière à la multiplication des acteurs et milite pour une implication accrue du
secteur privé et des particuliers.
Il ressort toutefois de cette loi que la production des biocarburants est destinée
principalement au marché national, leur utilisation venant en substitution totale ou
partielle aux combustibles fossiles. Dès lors, il est clair que le but est de réduire
l’utilisation des carburants à base de pétrole qui constituent une importante source de
préoccupation en matière environnementale et d’approvisionnement au Sénégal en
raison de leurs émissions en CO2.
Une autre mesure de cette symbiose vient du fait que la production de biocarburants et
des énergies renouvelables devrait permettre de réduire la forte dépendance au pétrole
qui altérait dans les années 2000 les possibilités du Sénégal d’espérer un meilleur accès
à l’énergie moderne afin de lutter contre les inégalités d’accès à l’énergie. Mais ces lois
n’établissent pas de pourcentage minimal des biocarburants remplaçant le carburant
d’origine fossile dans les transports et dans la production énergétique, même si dans sa
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
41
Décret n° 2011-2013 et décret n° 2011-2014.
42
Loi n° 2008-45 du 3 septembre 2008 fixant le régime fiscal et douanier des activités effectuées dans
le cadre de la grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, JO n° 6441 du 6 décembre
2008.
43
Loi n° 2004-06 du 6 février 2004 portant code des investissements, modifiée par la loi n° 2012-32 du
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
31 décembre 2012.
44
Article 8, la loi 2010-22.
117
Concrètement, depuis l’entrée en vigueur des lois d’orientation, huit centrales
photovoltaïques d’une puissance totale de 142 MW ont été construites et une centrale
éolienne de 150 MW est programmée, dont la première tranche de 50 MW a été livrée
et inaugurée en 2020. Ces centrales, dont la plupart sont issues de l’investissement privé
étranger, ont permis d’injecter un total de près de 200 MW d’énergie de sources
renouvelables dans la production énergétique nationale et, par conséquent, ont permis
de réduire considérablement le nombre de ménages et de localités n’ayant pas accès à
l’énergie électrique.
Par contre, il faut signaler le manque de transparence dans le secteur des biocarburants.
Il n’existe pas une visibilité sur l’agrocarburant et sur les travaux de transformation, ce
qui nous empêche d’avoir des données sur la part des biocarburants dans la production
de l’énergie depuis 2010. On constate par ailleurs que la culture de biocarburants, bien
qu’ambitieuse, est difficile à mettre en place et soulève des inquiétudes par rapport à
l’environnement, au foncier et à l’emploi45. L’absence d’un cadre juridique clair n’a
pas arrangé son développement. Mais certaines entreprises du secteur privé national et
étranger œuvrent pour son développement, même si on ne connaît pas leurs objectifs et
leur degré d’implication par rapport à la réduction des gaz à effet de serre et à la lutte
contre les disparités d’accès à l’énergie46. La diffusion des technologies de production
du biogaz, notamment à partir des biodigesteurs domestiques47, des abattoirs et des
stations d’épuration, mérite d’être mieux documentée48. Une coopération régionale
prometteuse pourrait permettre une meilleure maîtrise et une diffusion plus large de la
technologie des biodigesteurs par le partage des meilleures pratiques49.
45
A. Ngom, « Accès des pays en développement aux marchés agricoles internationaux et phénomène de
l’accaparement des terres arables », Revue de droit rural, n° 491, mars 2021, pp. 20-24.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
46
La Compagnie sucrière sénégalaise produit de l’éthanol destiné à la production de l’énergie.
47
Arrêté ministériel n° 12100 du 30 décembre 2009 portant création, organisation et fonctionnement du
Programme national de biogaz domestique du Sénégal (PNB-SN) ; arrêté ministériel n° 3149 du 10 mars
2015 portant organisation et fonctionnement du Programme national de biogaz du Sénégal (PNB-SN),
phase 2, JO n° 6877 du 26 septembre 2015.
48
Office national d’assainissement du Sénégal, Programme de structuration du marché des boues de
vidange en faveur des ménages démunis de Pikine et Guédiawaye (PSMBV), Étude d’établissement
d’une base de référence pour le projet biogaz, rapport final, novembre 2013.
49
Loi n° 2020-18 du 29 mai 2020 autorisant le Président de la République à ratifier la Convention portant
création de l’Alliance pour le biodigesteur en Afrique de l’Ouest et du Centre (AB/AOC) ainsi que les
statuts y afférents, signés à Ouagadougou le 4 octobre 2018, JO n° 7354 du 5 septembre 2020.
50
Ministère du Pétrole et des Énergies, Lettre de politique de développement du secteur de l’énergie
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
118
Dans sa politique énergétique 2019-2023, l’État du Sénégal a réaffirmé son option
d’assurer l’accès universel à l’énergie à l’horizon 2025, avec des objectifs
intermédiaires d’électrification du milieu rural à un taux de 45 % en 201951 et une part
non négligeable des énergies propres. Toutefois, il faudrait établir une synergie plus
étroite entre la politique énergétique et la politique climatique. En ce sens, la
contribution déterminée au niveau national (CDN), validée le 9 décembre 2020, compte
réduire les émissions de CO2 grâce à la promotion des énergies renouvelables dans le
mix énergétique52.
À cela, on peut ajouter qu’a priori les collectivités territoriales (communes, villes et
départements) ne semblent pas devoir occuper une place très importante dans la
politique du mix et de la transition énergétique53. D’abord, l’énergie demeure une
compétence largement centralisée, malgré l’adoption récente du code général des
51
Ibid.
52
La CDN vise pour le secteur de l’énergie dans la période 2025-2030 un objectif inconditionnel de
réduction des GES entre 7,6 et 10 %, et un objectif conditionnel entre 35,4 et 41,2 % par rapport à l’année
de base 2010.
53
J.-M. Pontier, « Les collectivités territoriales et la transition énergétique », La semaine juridique,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
119
collectivités territoriales54. Ensuite, les décisions prises dans ce domaine ne peuvent
l’être que pour l’ensemble du territoire, même si les solutions adoptées peuvent être
différentes en fonction des variables locales. En effet, ni la loi ni les décrets
d’application n’évoquent le rôle des collectivités territoriales dans la transition
énergétique. Ainsi ces dernières semblent être écartées d’emblée de l’élaboration et de
la mise en œuvre d’une telle politique. Si elles sont associées à certaines mesures
d’économie et de maîtrise de l’énergie, telle que l’installation des lampadaires solaires,
elles sont véritablement marginalisées dans les décisions énergétiques majeures et sont
cantonnées dans des tâches d’exécutants passifs qui n’ont qu’un rôle mineur,
notamment dans la cession du foncier.
Pour autant, depuis le choix politique porté sur la décentralisation, les collectivités
territoriales ne sont plus de simples administrations locales soumises aux choix
nationaux, voire à la férule étatique. La politique de décentralisation a donné naissance
à des collectivités territoriales dotées de compétences en matière d’environnement et
d’urbanisme qui leur offrent un atout politique et fonctionnel pour peser sur la
promotion et le développement des biocarburants, des énergies renouvelables, du mix
et de la transition énergétique.
54
Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités territoriales, JO n° 6765
du 28 décembre 2013.
55
Ibid.
56
Articles 314 et 315, code général des collectivités territoriales.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
57
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
58
On observe surtout dans la région de Dakar de timides initiatives d’élaboration de plans territoriaux
climat et énergie souvent financés par des projets à durée limitée.
120
d’exemplarité dans leurs démarches en favorisant les énergies renouvelables et
l’efficacité énergétique59.
Sur ces points, les collectivités territoriales ont d’importants rôles à jouer. Pour définir
les documents d’urbanisme et la rénovation urbaine, les collectivités territoriales
peuvent manifester leur volonté politique de se débarrasser des sources d’énergies
polluantes pour opter pour les énergies vertes et l’efficacité énergétique. La collectivité
territoriale est un levier indispensable pour valoriser les ressources et les compétences
des acteurs locaux. Il est nécessaire pour ces collectivités de construire une vision et
des actions sur le long terme en adéquation avec l’évolution de leur environnement et
le bien-être social60, mais faudrait-il que le cadre réglementaire et financier leur soit
favorable.
Au regard de l’article 8 de la loi sur les biocarburants, les activités effectuées dans le
secteur des biocarburants bénéficient d’un régime fiscal et douanier favorable aux
acquisitions de matériel, de semences et de plants destinés à l’agrocarburant et à
59
P. Villeneuve, « Environnement - Collectivités territoriales, quel(s) mode(s) d’intervention en matière
énergétique ? », La Semaine Juridique - Administrations et collectivités territoriales, n° 42, 24 octobre
2016, p. 2277.
60
B. Majza, « La marge de manœuvre des collectivités territoriales dans le financement de la transition
énergétique », Revue juridique lexis 360, n° 1, janvier 2016.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
61
On peut signaler, comme exception notable, la commune de Malicounda qui est actionnaire, à hauteur
African Journal of Environmental Law
121
l’exploitation des biocarburants, avec une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée
et des droits de douane. Cette même loi exonère les revenus des exploitations de
biocarburants d’impôt, dans la limite de cinq ans, mais précise que ces avantages
fiscaux et douaniers sont réservés aux entreprises dont la production est destinée au
marché national. Cependant, elle requiert un décret pour fixer les modalités de gestion
de ces incitations. Depuis son entrée en vigueur, outre l’absence de décret
d’application, le dispositif de soutien financier n’a pas évolué. Les équipements
bénéficiaires de l’exonération et le régime juridique d’exonération ne sont toujours pas
clairement définis.
La deuxième limite est relative à l’accès aux terres arables, qui constitue un problème
important dans l’agrocarburant. Les investissements étrangers sont très décriés dans ce
domaine pour plusieurs raisons : perte d’emplois, tensions foncières, non-respect des
engagements, non-respect de l’environnement, avec la pratique d’une agriculture
intensive.
L’exonération faite sur la production devrait connaître une issue sur le prix de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
biocarburant à la pompe pour les véhicules, mais il faudrait des politiques adaptées
pour leur utilisation.
Concernant les énergies renouvelables, on peut noter que les installations réalisées par
un particulier, souvent de taille modeste, correspondant en général à l’installation d’un
panneau photovoltaïque sur son toit, ne soulèvent pas de grandes questions
environnementales. Le seul souci devait être le respect des dispositions relatives à
l’architecture et à l’urbanisme (surtout en ville) et de la loi relative au secteur de
l’électricité qui exige une déclaration préalable adressée au ministre en charge de
l’énergie.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
122
Au Sénégal, malgré la loi sur les énergies renouvelables et ses décrets d’application,
ainsi que l’arrêté interministériel portant exonération de certains matériels
d’installation des énergies renouvelables, la participation des particuliers à la
production de l’énergie reste très faible. D’abord, l’arrêté interministériel n’est
intervenu que près de dix ans après la loi portant sur les énergies renouvelables et les
conditions d’exonération restent marquées par leur rigidité. Cet arrêté, en énumérant
les matériels destinés à la production des énergies de source solaire, éolienne et biogaz
exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, indique que les équipements à exonérer sont
certifiés par des organismes internationaux de certification participant au schéma
d’évaluation de la conformité62. Ce qui pourrait nécessiter un certain contrôle et une
connaissance des matériels et de la certification. Toutefois, la question est de savoir si
cette exonération aura un réel impact sur l’accessibilité des matériels aux particuliers.
Autrement dit, après exonération, existe-il un contrôle des prix à la vente du matériel
exonéré ? Par ailleurs, les particuliers ne bénéficient pas d’exonération s’agissant des
travaux d’amélioration de la qualité énergétique63. L’exonération d’impôt sur
l’investissement prévu par le code des impôts n’est pas assez incitative et l’intéressé
doit en faire la demande pour en bénéficier. Cette réglementation n’est pas à la portée
de tous car elle figure dans un autre texte que la loi d’orientation64.
Si aux lendemains de la promulgation des lois d’orientation des institutions telles que
l’AEME ont été créées pour mettre en pratique les directives pour le développement du
mix et de la transition énergétique, on note très peu de mesures et mécanismes
d’incitations pour atteindre les objectifs relatifs à la performance et l’efficacité
énergétique. L’objectif ambitieux de la transition énergétique ne peut pas se contenter
du timide cadre réglementaire et politique actuel. Même si nous avons noté une
tentative de concilier les problématiques énergétiques et environnementales, force est
de reconnaître une insuffisance réglementaire et des écarts entre les politiques
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
62
Article 5 de l’arrêté interministériel n° 010158 du 28 mai 2020,
63
Ch. Le Guyader, A. Gence et E. Meiller, « Le particulier producteur d’énergie renouvelable », Petites
affiches, n° 094-095, 11 mai 2018, p. 85.
64
Ibid.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
65
African Journal of Environmental Law
R. Lanneau, « Repenser le soutien aux énergies renouvelables » Revues juridiques Lexis 360 droit
administratif n° 8-9, Août 2018, comm. 44, https://www.lexis360.fr
123
Les actions publiques en faveur de l’efficacité énergétique observée ces dernières
années, telles que l’installation de lampadaires publics solaires dans certaines
communes, sont significatives et leur volume dans le mix énergétique ne cesse
d’augmenter. Pour autant, elles restent dérisoires car le développement des énergies
renouvelables ne peut pas se limiter à cette seule forme sans minimiser l’importance
du décret n° 2017-1411 du 13 juillet 2017 interdisant l’importation, la production et la
commercialisation des lampes à incandescence et la promotion des lampes à économie
d’énergie. L’incitation à l’efficacité énergétique reste encore timorée car elle n’est pas
ressentie par les ménages. Une synergie des actions et des mécanismes pour éliminer
toutes les contraintes, politiques, financières, techniques et même idéologique, pouvant
freiner la performance énergétique n’est pas traduite dans l’action publique.
Néanmoins, la transposition nationale des directives de l’UEMOA sur l’efficacité
énergétique, prévue au plus tard en juin 2022, devrait permettre de renforcer ce volet
important de la transition énergétique66.
66
Directive n° 04/2020/CM/UEMOA du 26 juin 2020 portant étiquetage énergétique des lampes
électriques et des appareils électroménagers dans l’espace UEMOA ; directive n° 05/2020/CM/UEMOA
du 26 juin 2020 fixant des mesures d’efficacité énergétique dans la construction de bâtiments dans les
États membres de l’UEMOA.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
67
African Journal of Environmental Law
124
Conclusion
La lecture combinée des lois d’orientation, des décrets d’application et de l’action
publique en faveur du développement des énergies renouvelables jette un doute sur
l’efficacité du cadre juridique pour asseoir une transition énergétique équilibrée
pouvant réduire considérablement les énergies fossiles et l’empreinte carbone. Il
semble, dès lors, nécessaire de redéfinir les objectifs, de les quantifier de façon
détaillée, de rendre accessible les financements, d’inciter, de sensibiliser et
d’encourager à la performance, la maîtrise et l’économie de l’énergie pour les ménages
et les entreprises.
125
LA RÉGLEMENTATION DES SACS PLASTIQUE AU
SÉNÉGAL : UNE ÉTAPE VERS SA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE ?
Odeline BILLANT
Doctorante en droit de l’environnement, Université de Bretagne occidentale, Brest
Ayib DAFFÉ
Doctorant en droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Fatou NDIAYE
Doctorante en droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop
Ibrahima LY
Professeur de droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop
Marie BONNIN
Directrice de recherche, Institut de recherche pour le développement, Brest
Résumé
Alors que se met en place le cadre juridique de la transition énergétique au Sénégal,
notamment avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 sur les énergies
renouvelables, une nouvelle loi sur les sacs plastique a été adoptée en 2020. La
réglementation des sacs plastique au Sénégal est-elle en passe de montrer la voie vers
une société plus résiliente, aux pratiques soutenables ? Par l’analyse conjointe des
instruments normatifs précités, cet article vise à fournir au lecteur les clés d’analyse
pour comprendre les obstacles auxquels un pays tel que le Sénégal fait face au cours de
sa transition énergétique, ainsi que le chemin parcouru ces dernières années.
Abstract
While the legal framework for Senegal’s energy transition is being set up, in particular
with the adoption of Law n° 2010-21 of 20 December 2010 on renewable energy, a new
law on plastic bags was passed in 2020. Yet, is the regulation of plastic bags in Senegal
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
leading the way towards a more resilient society via sustainable practices? Through
the joint review of the aforementioned normative instruments, this article aims to
provide the reader with analytical keys to understand the obstacles facing a country
such as Senegal during its energy transition, as well as the progress made in recent
years.
127
Introduction
Au Sénégal, le cadre juridique de la transition énergétique se met en place dès 2010
avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur
les énergies renouvelables. Cette loi intègre, notamment dans la définition des énergies
renouvelables, l’énergie issue de la fraction biodégradable des déchets industriels et
municipaux. Dès son origine, la transition énergétique fait le lien entre énergie et
déchets.
la pétrochimie.
1
Au niveau national, la transition énergétique s’appuie principalement sur la loi d’orientation sur les
énergies renouvelables et la loi d’orientation de la filière des biocarburants. La réglementation sur
l’efficacité énergétique est encore assez timide, avec l’adoption du décret n° 2017-1411 du 13 juillet
2017 portant interdiction de l’importation, de la production, de la commercialisation des lampes à
incandescence et promotion des lampes à économie d’énergie. La transposition nationale des directives
de l’UEMOA sur l’efficacité énergétique, prévue au plus tard en juin 2022, devrait permettre de renforcer
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
2
Plan d’actions prioritaires 2019-2023.
128
Deuxièmement, le Sénégal est engagé en faveur de la réglementation des sacs plastique
depuis plus de dix ans. L’analyse des textes à cet égard permet de mettre en valeur les
réussites et les difficultés à surmonter face au défi de la transition énergétique.
3
Exposé des motifs de la loi n° 2015-09, Journal officiel (JO) n° 6859 du 4 juillet 2015.
4
Publiée au JO n° 7206 du 20 janvier 2020.
5
Préambule, loi n° 2020-04. Le champ d’application de la loi n° 2020-04 est plus large que les sacs en
plastique (objets en plastique à usage unique, consigne de bouteilles…). Pour faciliter la comparaison,
seules les dispositions relatives aux sacs en plastique sont ici abordées.
La protection de l’environnement par les juridictions
6
africaines : avancées nationales et régionales
129
d’application a été prorogé en 2009 par l’arrêté n° 107, dont l’article premier laisse le
soin à la voie réglementaire de fixer la nouvelle échéance d’application8. L’objet des
arrêtés de 2008 et 2009, puis des lois n° 2015-09 et n° 2020-04, est néanmoins le même.
Il s’agit de lutter contre les effets néfastes de la pollution plastique, sur le plan sanitaire
et environnemental, en limitant, à la source, la mise sur le marché des sacs plastique.
La loi n° 2015-09 est dès lors le premier texte de droit sénégalais s’attaquant à la
pollution plastique à être entré en vigueur, six mois après sa publication, en mai 20159.
Elle constitue une innovation majeure dans la gestion du plastique d’une manière
générale et des déchets en plastique en particulier.
Si la visualisation par tout un chacun de ce qu’est un sac plastique est chose évidente,
sa définition en termes juridiques l’est moins. Il convient dès lors de définir séparément
ce qui est entendu par « sac » et par « plastique », pour ensuite s’intéresser aux
caractéristiques additionnelles modulant l’application des règles.
La distinction entre sac et sachet plastique est un apport de la loi n° 2020-04. À son
article 3, un sachet plastique est défini comme un « contenant destiné et utilisé pour
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
emballer un produit au lieu de production selon des procédés industriels », alors qu’un
sac plastique est « fourni aux consommateurs dans les points de vente » et sert au
transport des produits et marchandises. Cette distinction repose donc sur le lieu, le
7
Arrêté ministériel n° 10 du 7 janvier 2009 prorogeant le délai d’application de l’arrêté n° 9611
MCOM/IAAF du 12 novembre 2008 portant interdiction de l’importation, de la distribution et la vente
de plastique non biodégradable, JO n° 6483 du 8 août 2009.
8
Aucune trace de ce document n’a néanmoins été trouvée, posant la question de la mise en application
réelle de ce texte.
9
Article 17, loi n° 2015-09.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
10
African Journal of Environmental Law
130
moment et l’usage fait du contenant. Le sachet est utilisé pour emballer un produit sur
le lieu de production, alors que le sac est fourni aux consommateurs au moment de
l’achat des produits, pour permettre leur transport jusqu’au lieu de consommation. L’un
comme l’autre est concerné par l’interdiction édictée dans la loi. La loi n° 2015-09
faisait uniquement référence aux « sachets », définis par leur forme et non leur usage11.
La définition de la matière plastique est un second enjeu des lois n° 2015-09 et n° 2020-
04, qui nécessite davantage d’attention que la distinction entre sac et sachet plastique.
La loi n° 2015-09 définit le plastique comme « tout déchet constitué de matière
plastique, qu’il s’agisse de thermoplastique, de thermodurcissable ou de matière
plastique composite »12. Il est frappant de constater que le plastique est d’emblée
considéré comme un déchet. Les caractéristiques techniques de la matière plastique ne
sont pas abordées. La définition proposée par la loi n° 2020-04 est plus précise et plus
englobante13. De par sa formulation, elle inclut les sacs biodégradables, oxo-
biodégradables et oxo-fragmentables. Le préambule explicite ce choix, mettant en
avant que ces sacs « ne sont pas plus vertueux sur le plan de la protection de
l’environnement », les conditions permettant la biodégradation des sacs n’étant pas
toujours réunies dans la nature et les sacs fragmentables se transformant en micro-
plastique sans disparaître « complètement de la nature ». Le caractère plus englobant
de la définition proposée par la loi n° 2020-04 est encourageant. Plus le droit s’attaque
de manière ambitieuse aux pratiques non soutenables, plus il est susceptible de
constituer un moteur de la transition énergétique d’un pays.
« sortie de caisse » sont interdits, quelle que soit leur épaisseur ou leur forme (bretelles,
poignées). Ces derniers sont définis à l’article 3 comme « sac fourni aux
consommateurs dans les points de vente des marchandises ou des produits et qui sont
destinés au transport desdits produits ou desdites marchandises ». Sont néanmoins
exclus de cette interdiction les « sacs plastique destinés et utilisés dans les points de
11
Article 1er : « sachet plastique : contenant plastique ayant, dans sa partie supérieure, une découpe sous
forme de bretelle (sachet bretelle) fabriqué à partir d’un film polyéthylène ».
12
Article 1er.
13
Article 3 : « plastique : matériau constitué d’un polymère auquel peuvent avoir été ajoutés des additifs
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
ou d’autres substances et qui peut fonctionner comme un élément structurel principal de produits finaux,
à l’exception des polymères naturels qui n’ont pas été chimiquement modifiés ».
131
vente pour emballer des denrées alimentaires afin de les protéger, de permettre leur
manutention ou leur acheminement du producteur ou du vendeur au consommateur, et
d’assurer leur présentation »14.
Il n’est pas aisé de distinguer ici ce qui fait qu’un sac est interdit ou autorisé. Cela a
trait à plusieurs causes. Pour commencer, le terme « point de vente » est utilisé dans
les deux définitions sans être explicité. De plus, les deux définitions font référence au
fait de transporter ou d’acheminer un bien d’un lieu à un autre (ces deux termes sont
synonymes). L’analyse pointilleuse des deux définitions révèle que dans le premier cas
le type de bien n’est pas précisé, alors que dans le deuxième il s’agit exclusivement de
denrées alimentaires. L’interdiction ou non des sacs en plastique serait donc liée au
type de bien transporté. Le législateur ajoute que les sacs autorisés devront être de
« couleur transparente et fabriqués à partir de matières plastiques recyclables »15.
14
Article 5.
15
Ibid.
16
Le développement de ces filières est entravé par une législation trop générique (loi n° 2001-01 du 15
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
janvier 2001 portant code de l’environnement) et une réglementation obsolète de la gestion des déchets
solides (décret n° 74-338 du 10 avril 1974 réglementant l’évaluation et le dépôt des ordures ménagères).
132
définition de l’objet de la règle, comme nous venons de le voir. Le travail du législateur
ne s’arrête pas là. Il doit également identifier les meilleures façons pour le droit d’avoir
un effet sur les sources du problème. En cela, il identifie le type de règle nécessaire ou
utile (1.2.1). Tout comme la société n’est pas figée, le droit est amené à s’adapter aux
réalités, fluctuantes, qui s’imposent à lui. Le passage d’une interdiction-taxation en
2015 à l’interdiction seule en 2020 est ainsi un exemple de la réponse du droit à
l’urgence de la transition énergétique (1.2.2).
Dans le cadre de la pollution par les sacs plastique, les règles peuvent porter sur une
variété d’acteurs, allant de la production des sacs à leur utilisation en passant par leur
importation, exportation, commercialisation ou distribution. Cela revient à se poser la
question : est-ce la production de sacs, leur commercialisation ou leur utilisation qui
est à la source de la pollution plastique ? Plus l’intervention législative est complète,
plus elle est susceptible de mettre fin à des pratiques non soutenables. Néanmoins,
l’application du droit a un coût humain, technique et financier non négligeable. Une
législation étendue pourrait également amener à une dispersion des moyens, permettant
des fuites à tous les étages. Si le législateur devait se concentrer sur une seule action,
laquelle serait la plus opportune ? Sans doute l’action la plus en amont possible, à
savoir ici la production ou l’importation de sacs.
L’approche développée par le Sénégal, à la fois dans la loi n° 2015-09 et la loi n° 2020-
04, s’ancre dans l’idée d’une législation étendue. La loi n° 2015-09 interdit ainsi la
production, l’importation, la détention, la distribution et l’utilisation de sacs de moins
de 30 microns17. Les sacs de plus de 30 microns, taxés18, ne concernent que la
distribution. Ces sacs doivent néanmoins respecter des normes techniques
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
17
Article 2, loi n° 2015-09.
18
Article 3, loi n° 2015-09.
19
Article 4 de la loi n° 2015-09 « concernant la fabrication, la composition des matériaux, l’étiquetage
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
et l’écotoxicité fixées par un décret pris sur proposition du ministre en charge de l’environnement ».
20
Article 5, loi n° 2020-04.
133
sacs exemptés de l’interdiction, comme la transparence ou le caractère recyclable21.
Enfin, l’importation des sacs autorisés est soumise à l’obtention préalable d’un permis22
Les règles juridiques utilisées au Sénégal pour réglementer les sacs en plastique sont
variées, et appartiennent à différentes catégories. L’interdiction est l’instrument phare
de la famille d’outils juridiques dits command and control, qui ont l’avantage
d’apporter une réponse juridique claire, tout en laissant une faible marge de manœuvre
aux acteurs23. La taxation est un outil juridique d’inspiration économique, basé sur un
système d’incitation par le biais du prix. Les normes techniques ou le permis sont
encore une autre facette de la réglementation, laissant une petite marge de manœuvre
aux acteurs à la condition du respect de certains critères.
La loi n° 2020-04 a pour objectif de corriger les éléments de la loi n° 2015-09 qui ont
montré des limites dans leur application. Le préambule de la loi n° 2020-04 met ainsi
l’accent sur le fait que l’omniprésence des plastiques dans l’environnement n’a pas
changé depuis l’adoption de la loi n° 2015-09. Sa mise en application n’a pas eu l’effet
escompté. Face aux impacts multiples et aux dangers que fait courir la pollution
plastique sur « la faune, la flore, le milieu marin, le cadre de vie, la santé, l’agriculture,
la pêche et le tourisme »24, le législateur a considéré qu’il était urgent de réviser la loi
n° 2015-09 et d’apporter une réponse effective à ces enjeux.
Cette volonté se traduit, nous l’avons vu, par une définition plus élargie des sacs
plastique. Elle se traduit également par un changement de stratégie. Alors que la loi
n° 2015-09 interdit certains sacs pour en taxer d’autres, la logique de la loi n° 2020-04
est d’interdire les sacs plastique.
Ce revirement de stratégie dans la réglementation des sacs plastique est la preuve d’une
prise de conscience du législateur. La pollution plastique représente une menace en
termes de santé et de biodiversité, mais également en termes économiques. Ainsi, la
mer représente une source de revenus et de nourriture substantielle pour une part
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
significative des populations côtières par la pêche mais aussi par le biais d’une activité
touristique émergente25. La taxation des sacs de plus de trente microns, telle que prévue
par la loi n °2015-09, n’apportait qu’une réponse partielle à cette menace.
21
Article 5, loi n° 2020-04.
22
Article 5, loi n° 2020-04.
23
M. Böcher, « A theoretical framework for explaining the choice of instruments in environmental
policy », Forest Policy and Economics, Elsevier, vol. 16(C), 2012, pp. 14‑22.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
24
Préambule, loi n° 2020-04.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
25
Agence nationale de la statistique et de la démographie, Situation économique et sociale du Sénégal
en 2016, Dakar, 2016.
134
Dès lors qu’un bien est taxé, il reste accessible à ceux et celles qui peuvent payer pour
se le procurer. Le montant de la taxe est un enjeu de taille. Plus le montant est élevé,
plus la taxation est susceptible d’être dissuasive. Se posent alors des questions de
justice sociale. Ce montant peut également être amené à évoluer dans le temps, en
réaction aux comportements des acteurs. Or, l’urgence ne permet pas de prendre le
temps du tâtonnement26. En somme, quel que soit le montant de la taxe, l'objet reste en
circulation, ce qui est l’opposé même de la finalité de l’interdiction. Face à l’urgence
de la transition énergétique, le législateur sénégalais a su affirmer la nécessité d’un
bousculement des pratiques avec force, en s’écartant d’une stratégie mêlant taxation et
interdiction pour se tourner vers l’interdiction des sacs en plastique, quelle qu’en soit
l’épaisseur27.
mené à son abrogation (2.1.1). La loi n° 2020-04 tente de combler ces failles, en
prévoyant des modalités de contrôle étendues (2.1.2).
26
R. Baldwin, M. Cave and M. Lodge, Understanding Regulation: Theory, Strategy and Practice,
Second Edition, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 113.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
27
Le champ d’application de la loi n° 2020-04 est également plus large que celui de la loi n° 2015-09,
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
135
L’esprit de cette loi était avant tout de permettre la réutilisation des sacs mis sur le
marché sénégalais dans l’idée que des sacs utilisés plusieurs fois permettrait de réduire
le nombre de sacs en circulation, et donc la quantité de déchets en plastique.
Or, les contrôleurs n’étaient pas munis des outils nécessaires pour mesurer l’épaisseur
des sacs28. L’application de l’interdiction se trouvait mise à mal par un écart entre les
caractéristiques techniques arrêtées par le législateur et les moyens technologiques à la
disposition des contrôleurs.
Les contrôles de l’interdiction des sacs plastique prévue par la loi n° 2020-04 sont
détaillés par l’article 25.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
En plus de la police judiciaire, les agents assermentés de cinq ministères sont habilités
à constater des infractions aux dispositions de la loi n° 2020-04. Il s’agit des ministères
en charge de l’environnement, de la santé, de l’industrie, du commerce et des finances,
ce dernier étant un ajout par rapport à la loi n° 2015-04.
La procédure de constatation des infractions est facilitée par rapport à la loi n° 2015-
09. L’interdiction des sacs en plastique étant basée sur leur usage plutôt que sur leur
épaisseur, il est devenu possible de contrôler le respect de cette interdiction en dépit
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
28
African Journal of Environmental Law
Préambule, loi n° 2020-04 : « les contrôleurs n’étaient pas munis de micromètres, outils spécifiques
de mesure de l’épaisseur des sacs en circulation ».
136
d’instruments de mesure spécifiques. La constatation des infractions et la rédaction du
procès-verbal se réfèrent à la réglementation en vigueur.
Par ailleurs, les contrôles de l’application de la loi n° 2020-04 se trouvent renforcés car
axés, implicitement, sur la commercialisation ou la distribution de sacs interdits, leur
production ou leur importation29. Les contrôles de la loi n° 2015-09 se concentraient,
eux, sur une pluralité de comportements, allant de la production à l’utilisation en
passant par l’importation, la distribution ou la détention de sacs interdits30.
29
Article 25, loi n° 2020-04 : contrôles portant sur « les infractions aux dispositions de la présente loi ».
30
Implicitement : article 9, loi n° 2015-09 : contrôles portant sur « les infractions aux dispositions de la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
présente loi ».
31
Article 5, loi n° 2020-04.
137
Les sanctions administratives, dans le cadre de cette nouvelle loi, ne s’appliquent
qu’aux personnes morales. Ainsi, les produits illégalement mis sur le marché pourront
être saisis. En outre, l’entreprise pourra être fermée de manière définitive ou pour une
durée de cinq ans au plus, « la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l’infraction » pourra être confisquée et la décision affichée ou diffusée dans la presse32.
Les mêmes sanctions étaient prévues par la loi n° 2015-09. Les nouveautés de la loi
n° 2020-04 consistent dans l’officialisation de la transaction financière33 comme
moyen d’abandon des poursuites et le renforcement des sanctions pénales.
Les sanctions pénales ou civiles peuvent se traduire par le paiement d’une amende et
ou l’emprisonnement de l’auteur de l’infraction34. Pour les personnes physiques, la
production de sacs interdits pourra être puni d’un emprisonnement de 12 à 36 mois35
et/ou d’une amende36 de cinq à dix millions de FCFA37 ; et la commercialisation de
sacs interdits est punie, moins sévèrement, par un emprisonnement de 1 à 3 mois et/ou
une amende de cinquante mille à cent mille FCFA38. L’amende prévue pour les
personnes morales en cas de fabrication ou de commercialisation est égale « au
quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la disposition qui réprime
l’infraction »39.
Les peines prévues sont plus sévères que celles qui étaient prévues par la loi n° 2015-
09 : la durée de l’emprisonnement prévue pour les personnes physiques en cas de
production des sacs est six fois plus importante que celle prévue dans la loi n° 2015-09
à l’article 10, et l’amende prévue pour les personnes physiques commercialisant des
sacs interdits double par rapport à celle prévue dans la loi n° 2015-09 à l’article 12.
Le constat dressé d’un durcissement des sanctions prévues est encourageant de prime
abord, dans l’idée que plus la sanction est importante, plus elle peut être dissuasive ; et
seule une modification en profondeur des pratiques pourrait faire de la transition
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
32
Articles 23 et 39, loi n° 2020-04.
33
M. Bonnin, I. Ly, B. Queffelec et M. Ngaido, (dir.), Droit de l’environnement marin et côtier au
Sénégal, Dakar, IRD, PRCM, 2016, p. 438.
34
Les auteurs n’ont néanmoins pas connaissance de l’existence d’une jurisprudence sur ce sujet.
35
Trois à six mois en vertu de la loi n° 2015-09, article 10, soit près de six fois moins.
36
Article 26, loi n° 2020-04.
37
Dix millions à vingt millions de FCFA en vertu de la loi n° 2015-09, article 10, soit près de deux fois
plus.
38
Vingt mille à cinquante mille FCFA en vertu de la loi n° 2015-09, article 12, soit près de deux fois
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
moins.
39
Article 39, loi n° 2020-04. Le même montant était prévu par la loi n° 2015-09, article 16.
138
risque de ne pas être appliquée, notamment si le montant de l’amende risque de
provoquer la faillite de l’entreprise et des effets collatéraux négatifs non souhaités, tel
que le licenciement de salariés étrangers au non-respect de la réglementation40. Seule
une enquête approfondie sur le terrain et le recul de l’expérience permettraient de savoir
si les sanctions « nouvelle formule » prévues par la loi n° 2020-04 favorisent une
meilleure application du droit.
La contribution du droit à des enjeux tels que la transition énergétique passe par la
conception d’instruments juridiques ambitieux et contraignants, mais aussi par leur
application. Or, l’analyse de cette contribution se heurte à plusieurs difficultés.
Conclusion
Il est trop tôt pour dire si les modifications apportées par la loi n° 2020-04 aux
dispositions de la loi n° 2015-09 permettront une meilleure protection du Sénégal
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
40
R. Baldwin, M. Cave et M. Lodge, op. cit., p. 250.
41
L’application de la loi n° 2020-04 par l’administration n’est pas faite dans toute sa rigueur, puisque
les unités de production d’eau en sachets pour la consommation humaine qui ont proliféré ces dernières
années restent tolérées, notamment dans le but de préserver des emplois précieux dans un contexte de
crise économique accentuée par l’épidémie de COVID-19. Ces unités pourront exceptionnellement
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
continuer leurs productions jusqu’à la fin de la pandémie selon une déclaration du ministre de
l’Environnement et du Développement durable en date du 18 avril 2020.
139
Le droit n’est pas isolé dans une tour d’ivoire. À la fois issu de et influencé par la
société de laquelle il émerge, son application revêt toujours une part d’imprévu, née de
la confrontation entre la pensée et la réalité. La compréhension du droit par les
populations est ainsi un enjeu de taille pour permettre une transition énergétique non
pas imposée, mais comprise et soutenue par la population.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
140
LA CONTRIBUTION DE LA LOI CAMEROUNAISE DU
14 DÉCEMBRE 2011 À LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE : ENTRE GÉNÉREUSE AMBITION ET
MESQUIN PRAGMATISME
Maturin PETSOKO
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II
Résumé
À défaut d’avoir révolutionné le droit camerounais de l’énergie électrique, la loi du 14
décembre 2011 a fait preuve d’une généreuse ambition en contribuant de manière
significative à la transition énergétique. Cependant, compte tenu de certaines
contraintes, elle a également fait preuve d’un mesquin pragmatisme. Le caractère peu
ambitieux et dépassé de la politique énergétique actuelle et des outils visant à la mettre
en œuvre constituent autant de freins auxquels la présente contribution apporte des
orientations pour faire évoluer le modèle énergétique actuel vers une transition
énergétique efficace.
Abstract:
Failing to have revolutionized Cameroon’s electric energy law, the law of 14
December 2011 has shown a generous ambition by contributing significantly to the
energy transition. However, given certain constraints, it has also displayed a petty
pragmatism. The unambitious and outdated nature of the current energy policy and the
tools put in place to implement it are all obstacles to which this contribution provides
guidance to move the current energy model towards an efficient energy transition.
141
Introduction
Le développement économique va généralement de pair avec la consommation
croissante des ressources énergétiques1. En effet, « [l]’énergie se situe au cœur de tout
processus de développement. Sans elle, il ne peut y avoir d’industrie, ni de
transformation de matières premières, et donc, pas d’économie moderne »2. Il est donc
évident qu’aucun développement économique n’est concevable sans une énergie
disponible et accessible en quantité et en qualité.
1
UNDP, UNDESA, WEC, World Energy Assessment Overview (WEA): 2004 Update, 1999/2000, fig.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
3, pp. 26-27.
2
Discours de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun, lors de la cérémonie d’inauguration
de l’unité de traitement de gaz naturel de Ndogpassi à Douala, le 15 novembre 2013.
3
https://www.missionenergie.goodplanet.org/fiche/lenergie-dans-le-monde/.
4
« Quelle est la source d’énergie la plus utilisée dans le monde ? », https://.engie.fr.
5
B. Lormeteau, « Une transition énergétique en construction », RDI, 2019, p. 425.
6
Art. 1er de la loi du 14 décembre 2011.
7
Pour satisfaire ses besoins énergétiques, chaque pays utilise dans des proportions différentes les
énergies dont il dispose : c’est ce qu’on appelle le mix énergétique (ou bouquet énergétique), qui désigne
la répartition des différentes sources d’énergies primaires dans la consommation énergétique finale d’une
zone géographique donnée. Il inclut les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon), le nucléaire et
les diverses énergies renouvelables (biomasse, éolien, géothermie, hydraulique et solaire).
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
8
La protection de l’environnement par les juridictions
Observ’ER, La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par régions et par pays, 2013,
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
p. 292.
142
« potentiel robuste et dense »9 en sources d’énergies renouvelables10, le Cameroun
pourrait devenir un pays modèle avec un système énergétique complètement décarboné
et sécurisé.
Le terme « transition » évoque le passage d’un état actuel à un état futur. Ce concept a
été soulevé pour la première fois par l’Öko Institut, un institut allemand de recherche
sur l’environnement reconnu d’utilité publique en 1980, qui proposait de diminuer puis
de supprimer l’utilisation du nucléaire et des énergies fossiles, pour transiter vers un
mix énergétique basé sur des ressources renouvelables et une production électrique
décentralisée11.
S’il est évident que cette loi apporte une contribution avérée à la transition énergétique
(1), cette contribution demeure cependant entravée par une politique énergétique peu
ambitieuse et par le caractère dépassé de cette loi (2).
9
Minepat, SND30, Stratégie nationale de développement 2020-2030. Pour la transformation
structurelle et le développement inclusif, 1ère édition, 2020, § 97, p. 43.
10
Le Cameroun dispose d’un des meilleurs potentiels hydroélectriques africains. Deuxième d’Afrique
après la RDC, son potentiel est aujourd’hui estimé à environ 20 000 MW, soit plus de 115 milliards de
KWh, essentiellement disponible dans le bassin de la Sanaga, que le pays pourrait produire chaque année
si ces ressources étaient mises en valeur. Pourtant, selon les chiffres officiels, à peine 5 % de ces
ressources sont actuellement mis en valeur. Voir Minepat, Cameroun vision 2035, document de travail,
février 2009, p. 39.
11
A. Darson, Transition énergétique et transition juridique : le développement des énergies de sources
renouvelables en France, thèse, Université de Bordeaux, juillet 2015, p. 25.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
12
Ibid., p. 26.
143
1.1. L’abandon progressif des sources d’énergies polluantes et
dangereuses et la promotion des énergies renouvelables
La stratégie de la transition énergétique repose sur deux piliers : l’efficacité et la
sobriété énergiques, d’une part, et la priorité accordée aux énergies renouvelables,
d’autre part. La loi camerounaise de 2011 s’appuie effectivement sur ces deux piliers,
en optant pour l’abandon des sources d’énergies polluantes ou dangereuses (1.1.1). En
contrepartie de cet abandon, elle encourage la promotion des énergies renouvelables
(1.1.2).
qualificatif lié au fait qu’ils ne peuvent être extraits selon les techniques
13
A. Darson, thèse précitée, p. 23.
14
L’accident nucléaire de Tchernobyl, à la suite d’essais de sécurité non maîtrisés, a eu lieu le 26 avril
1986 dans la centrale Lénine, située à l’époque dans la République d’Ukraine en URSS.
15
La catastrophe de Fukushima est un accident industriel majeur qui a eu lieu le 11 mars 2011 au Japon
à la suite d’un séisme suivi d’un tsunami sur la côte Pacifique du Tōhoku.
16
A. Darson, thèse précitée, pp. 23-24.
17
J. Untermaier, « Le droit de l’environnement, réflexion pour un premier bilan », Année de
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
18
1 Tm3 = 1000 milliards de mètres cubes.
144
traditionnelles19. En effet, la technique de l’hydrofracturation utilisée pour sa
production soulève de vives inquiétudes auprès des scientifiques et des populations.
La loi camerounaise du 14 décembre 2011 est muette sur la réglementation des gaz et
pétroles de schiste, notamment leur production sur le sol camerounais, leur importation
et leur utilisation. Ce vide juridique appelle une réflexion approfondie, prenant en
compte les engagements internationaux du Cameroun, afin que les incertitudes
techniques, scientifiques, sanitaires, environnementales et climatiques soulevées par
les gaz et pétroles de schiste soient précisées. À cet effet, le juriste doit s’interroger sur
la place du droit dans l’arbitrage d’intérêts contradictoires tant économiques et sociaux
qu’environnementaux.
Il apparaît donc clairement que, face à la crise énergétique actuelle que traverse le
Cameroun, le gouvernement fait preuve d’un mesquin pragmatisme. Pourtant, les
externalités climatiques et environnementales produites par ces sources d’énergies
polluantes devraient logiquement militer pour leur abandon progressif au profit des
sources d’énergies renouvelables.
D’abord, le programme Action 21 proposé par la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro en 1992, qui vise à mettre
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
19
Ph. Billet, « Gaz de schiste : l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique », Bulletin du droit
de l’environnement industriel, 2011, p. 35 et s.
20
ENEO, Rapport annuel 2018, p. 3, https://eneocameroon.cm/.
21
Synthèse du rapport sur l’énergie dans le monde, 2000, préface,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
http://www.energyandenvironment.undp.org/undp/indexAction.cfm?module=Library&action=GetFile
&DocumentAttachmentID=1936.
145
convient d’intégrer le développement durable dans chaque secteur de l’activité
humaine22.
Ensuite, vient la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) et le Protocole de Kyoto, qui vise une action internationale de réduction
des émissions anthropiques de GES. Ce dernier texte prône la mise en œuvre des
politiques axées sur la recherche, la promotion, la mise en valeur et l’utilisation accrue
de sources d’énergies renouvelables23.
Puis, les énergies renouvelables ont aussi été mises en valeur lors du Sommet mondial
sur le développement durable, tenu à Johannesburg en 2002, et au cours de la
Conférence internationale sur les énergies renouvelables, tenue à Bonn en 2004.
Certaines sources d’EnR ne sont pas encore exploitées au Cameroun. C’est le cas
notamment de l’énergie éolienne, alors même que les régions du Nord et de l’extrême
Nord présentent des sites favorables pour son développement, notamment dans les
villes de Maroua, de Kousséri et de Kaélé26.
Les grandes perturbations apparues ces dernières années dans la fourniture de l’énergie
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
électrique ont poussé plusieurs PME à se lancer dans le secteur des EnR, notamment
dans le domaine du solaire photovoltaïque. Pour encourager ces entreprises, l’article
67 de la loi de 2011 prévoit la création d’une agence en charge de la promotion et du
développement des EnR, dont la mise en place se fait toujours attendre.
22
Rapport Brundtland, chapitre 2 : vers un développement soutenable.
23
Protocole de Kyoto, article 2, 1., a), iv).
24
R. Mbiake et al. « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal de l’énergie au
Cameroun », in O. C. Ruppel et E. D. Kam Yogo (dir.), Droit et politique de l’environnement au
Cameroun - Afin de faire de l’Afrique l’arbre de vie, Konrad Adenauer Stiftung, 2018, p. 637.
25
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
A. Nguesseu et al., Options politico-juridiques pour un envol durable des énergies renouvelables au
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
La maîtrise de l’énergie est l’ensemble des mesures prises et des actions mises en œuvre
en vue de l’utilisation rationnelle de l’énergie et du développement des EnR27. La
notion de pertes techniques mérite d’être distinguée des pertes non techniques ou pertes
commerciales qui sont dues à la mauvaise gestion de la clientèle et à la fraude.
Par contre, les pertes techniques sont dues à la vétusté et la saturation du réseau de
transport entraînant des pertes colossales de l’ordre de 30 à 40 % de la production
énergétique, alors que la norme internationale les fixe au maximum à 10 %. Le
phénomène des pertes en lignes de transport est comparable à ce qu’on appelle en
physique « l’effet joule », qui est l’échauffement que provoque le passage du courant
électrique dans un fil conducteur. Cet effet thermique crée une déperdition d’énergie,
qui elle-même est fonction de la résistance du conducteur, de la distance parcourue par
le flux électrique et de l’intensité du courant transporté. Pour le cas d’espèce, cela
revient à dire que les lignes haute tension (HT), qui transportent l’énergie à partir des
centrales de production, perdent trop d’énergie au cours de l’acheminement de
l’électricité vers les transformateurs qui assurent la distribution au consommateur final
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1.2.2. Les solutions proposées pour une gestion rationnelle des pertes
techniques
Compte tenu des pertes techniques colossales enregistrées sur le réseau de transport,
l’État a pris ses responsabilités en 2012 en créant la Direction des énergies
renouvelables et de la maîtrise de l’énergie (DERME) au sein du ministère de l’Eau et
27
La protection de l’environnement par les juridictions
147
de l’Énergie28. Entre autres missions, la DERME s’occupe de la promotion des
économies d’énergie, de l’efficacité énergétique et des substitutions inter-énergies29.
Afin d’éviter les pertes techniques dans la production décentralisée des énergies de
sources renouvelables, la loi du 14 décembre 2011 fait obligation au gestionnaire du
réseau de transport ou à tout distributeur de proximité d’acheter les excédents d’énergie
électrique des installations de production à partir des sources d’énergies renouvelables,
selon les conditions fixées par voie réglementaire30.
28
Art. 7 du décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de
l’Énergie.
29
Art. 64 et 69 al. 1 du décret n° 2012/501 ci-dessus cité.
30
Art. 59 al. 3 de la loi du 14 déc. 2011.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
31
F. G. Trébulle, « Vers une transition positive ? », Environnement et développement durable, nov.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
2013, p. 1.
148
2.1. La faiblesse de certains indicateurs du trilemme
énergétique
Le défi majeur actuel en matière de transition énergétique est celui du trilemme
énergétique, c’est-à-dire le triple défi consistant à trouver des solutions répondant aux
trois aspects de la sécurité, de l’équité et de l’environnement. Dès lors, comment mettre
en place un cadre politique qui permette de fournir une énergie sûre, abordable et
respectueuse de l’environnement (un système énergétique durable) ?
En l’état actuel, le système énergétique camerounais n’est pas sûr. Les indicateurs de
sécurité d’approvisionnement énergétique sont insatisfaisants pour plusieurs raisons :
« (i) l’inadéquation globale entre l’offre et la demande ; (ii) la vétusté des
infrastructures de production, de transport et de distribution ; et (iii) le retard pris dans
la réalisation de nouveaux ouvrages de production identifiés dans le Plan de
développement du secteur de l’électricité (PDSE 2030) »32.
32
Minepat, SND30, op. cit., § 154, p. 52.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
33
« La problématique de la fourniture de l’énergie électrique au Cameroun », déclaration du ministre de
African Journal of Environmental Law
149
hydroélectrique de Songloulou ne produisait que 290 MW malgré une puissance
installée de 384 MW34.
Selon l’article 3 (2) de la loi du 14 décembre 2011, « [l]e service public de l’électricité
est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans
les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité
économique, sociale et énergétique ». Plus loin, la même disposition précise que le
service public de l’électricité concourt à la cohésion sociale, à la lutte contre les
exclusions et au développement équilibré du territoire. Outre l’indicateur de sécurité
énergétique, cette disposition pose les deux autres indicateurs du trilemme énergétique,
à savoir l’équité et la durabilité énergétiques.
L’équité énergétique fait partie de l’ODD 7 qui a pour objectif de garantir l’accès de
tous à des services énergétiques fiables, durables, modernes et abordables.
L’accessibilité énergétique suppose l’accessibilité physique et économique à l’offre
d’énergie pour toute la population.
34
La mise en service du barrage réservoir de Lom Pangar a permis à la centrale d’Edéa de produire
désormais 220 MW et à la centrale de Songloulou 384 MW en période d’étiage, soit un gain
supplémentaire de 174 MW pour le système électrique: ibid.
35
Minepat, SND30, op. cit., § 153, p. 52.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
36
African Journal of Environmental Law
150
électrique ; etc. Tout cela générant des coupures intempestives et un accès insuffisant
au courant électrique »38.
de l’efficacité énergétique ; et doubler la part des EnR dans le mix énergétique global.
42
Adoptée le 19 décembre 2014, A/RES/69/225, 3 février 2015.
151
En référence à l’Accord de Paris sur le climat, la recherche de l’objectif de « neutralité
carbone » est désormais une préoccupation primordiale dans le domaine de l’énergie
(2.2.1). D’où la nécessité de redéfinir une politique énergétique plus amitieuse (2.2.2).
Près d’une décennie après son adoption, la loi du 14 décembre 2011 est désormais en
déphasage avec les nouveaux engagements internationaux de l’État. En effet, dans le
cadre de l’Accord de Paris sur le climat de 2015, tous les pays se sont engagés à
maintenir la hausse des températures en deçà de 2°C (et de préférence 1,5°C) par
rapport à l’ère préindustrielle, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone. Cet
objectif est défini à l’article 4.1 : chaque pays doit parvenir à un équilibre entre les
émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de
GES au cours de la deuxième moitié du siècle. L’enjeu de la neutralité carbone consiste
à trouver un équilibre entre les émissions de CO2 et leur absorption par des réservoirs
de carbone. Cela permet de limiter les changements climatiques en activant deux leviers
à l’échelle mondiale : une réduction des émissions de GES et un développement des
puits de carbone.
l’horizon fixé par l’Accord de Paris. Ce qui apparaît comme une généreuse ambition
de la part du Cameroun qui s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de GES
à hauteur de 32 %, en produisant 25 % de son électricité à partir des EnR44.
43
La neutralité carbone est devenue une référence pour un nombre grandissant d’acteurs non étatiques.
Par exemple, 1100 entreprises ont adopté les objectifs de neutralité carbone et ont rejoint la Campagne
Objectif Zéro de la COP 26 au Royaume-Uni aux côtés d’autres acteurs non étatiques. Voir
https://unfccc.int/news/cities-regions-and-businesses-race-to-zero-emissions.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
44
African Journal of Environmental Law
152
Face à l’urgence écologique, il convient d’agir rapidement et efficacement contre les
émissions de GES, en mettant réellement en œuvre les engagements pris au niveau
international. Car comme l’avait relevé Ban Ki-moon, « plus nous attendons, plus nous
en paierons le prix »45.
La politique énergétique (à court et à long termes) d’un pays se définit par rapport à la
place ou à l’importance qu’il accorde à chaque type de source d’énergie dans son mix
énergétique. En référence à la transition énergétique, elle se définit par rapport à la
place qu’il accorde aux EnR et sa contribution à l’atténuation de la production des
GES46.
Cette approche purement sectorielle met en lumière les lacunes et les insuffisances de
la politique énergétique face au dérèglement climatique. Il aurait été préférable
d’adopter une loi de programmation pluriannuelle relative à l’énergie et au climat,
porteuse d’objectifs chiffrés47, soutenus par des dispositifs fiscaux incitatifs de nature
à assurer l’effectivité de la transition énergétique.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
45
Discours de Ban Ki-moon, alors SG des Nations Unies, prononcé le 11 décembre 2014 lors de la
conférence sur le changement climatique de 2014 à Lima,
http://www.unmultimedia.org/radio/french/2014/12/plus-nous-attendonsplus-nous-en-paierons-le-prix-
ban-ki-moon-appelle-a-agir-pour-le-climat/#.VPVO3vmsVqU.
46
R. Mbiake et al. « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal de l’énergie au
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Une politique énergétique ambitieuse suppose également une adaptation au plus près
du territoire des objectifs et des mesures de compensation de GES ne promouvant pas
des solutions d’ingénierie climatique hors sol, c’est-à-dire des objectifs décidés à
l’échelon central dans la pure tradition jacobine48.
Conclusion
L’évaluation de la contribution de la loi du 14 décembre 2011 à la transition
énergétique a permis de faire un constat nuancé. D’une part, à défaut d’avoir
révolutionné le droit camerounais de l’énergie électrique, elle a fait preuve d’une
généreuse ambition, en prévoyant de nombreuses dispositions qui prônent l’abandon
des sources d’énergies polluantes et/ou dangereuses, ainsi que la maîtrise de l’énergie
et la gestion des pertes techniques. D’autre part, elle a également fait preuve d’un
mesquin pragmatisme, en faisant abstraction de nouveaux enjeux du secteur
énergétique. Le caractère peu ambitieux et dépassé de la politique énergétique actuelle
(faiblesse des indicateurs du trilemme énergétique) et des outils visant à la mettre en
œuvre constituent autant de freins à la transition énergétique. Comme quoi « les vieux
paradigmes ne permettent pas de vrais changements »49. Globalement, la loi de 2011
mérite d’être révisée afin d’y intégrer les nouveaux engagements pris par l’État dans le
cadre de l’Accord de Paris sur le climat, en vue d’atteindre l’objectif de neutralité
carbone.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
48
B. Lormeteau, « Une transition énergétique en construction », RDI, 2019, p. 425.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
49
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
p. 2.
154
LE CADRE JURIDIQUE DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES AU CAMEROUN : UNE
CONTRIBUTION À LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE DES
CITOYENS ?
Mary YAYA KENFOY
Doctorante en droit de l’environnement, chargée de recherche, CNE/MINRESI
Mireille Esther BATJOM
Doctorante en droit international, chercheure associée en énergies renouvelables,
CARPEM
Carole Valérie NOUAZI KEMKENG
Maître de recherche, CNE/MINRESI
Résumé
Au Cameroun, la majeure partie de la population n’a pas accès aux services
énergétiques de base, notamment dans les zones rurales. Pourtant, le pays dispose d’un
potentiel en énergies renouvelables peu exploité, dont le développement peut
contribuer à améliorer l’offre énergétique encore très insuffisante. Le Cameroun entend
instaurer un nouveau modèle énergétique, plus robuste et durable, face aux enjeux
d’approvisionnement en énergie et aux impératifs de la protection de l’environnement,
ce qui nécessite une transition juridique. Cet article analyse et évalue la prise en compte
par l’État camerounais de l’utilité sociale et environnementale des énergies
renouvelables, à l’aune du cadre juridique existant et des réalités sociales de la
population. Ce faisant, il met en lumière l’idée de relativité : malgré l’existence d’un
cadre juridique moderne sur les énergies renouvelables, de nombreuses limites
entravent la sécurité énergétique de la population.
Mots clés : changement climatique, cadre juridique, énergies renouvelables, sécurité
énergétique.
Abstract
The majority of people living in rural areas do not have access to basic energy services
in Cameroon, Yet the country has a renewable energy potential that is under-exploited,
the development of which can contribute to improving energy supply, which remains
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
very insufficient. Cameroon intends to establish a new, more robust and sustainable
energy model to face the challenges of energy supply and the imperatives of
environmental protection, which requires a legal transition. This paper reviews and
assesses the consideration by the Cameroonian State of the social and environmental
utility of renewable energy, in the light of the existing legal framework and the social
realities of the people. In doing so, the paper highlights the idea of relativity: despite
the existence of a modern legal framework for renewable energy, many limitations
hinder social energy security.
155
Introduction
Le changement climatique et les énergies renouvelables sont des concepts utilisés dans
de nombreux débats à travers le monde, d’autant plus que les effets dévastateurs du
changement climatique ne laissent aucun pays indemne. Ces effets sont largement
causés par les activités humaines, comme le soulignent les rapports du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. De la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 à l’Accord de Paris sur le
climat de 2015, les États parties ont accepté de relever le défi de la réduction des
émissions de gaz à effet de serre (GES). L’Afrique reste le continent le plus touché,
bien qu’elle soit moins productrice et émettrice de GES, mais ses émissions pourraient
atteindre 104 millions de tonnes équivalent CO2 en 2035, soit une augmentation de
166 % par rapport à 2010 si aucune mesure n’est prise. La réglementation de la
production d’énergies renouvelables est considérée comme l’une des mesures
appropriées pour lutter contre les effets du changement climatique.
Le cadre juridique des énergies renouvelables au Cameroun est aménagé au travers des
différents textes relatifs au secteur de l’électricité, dont la loi n° 011/022 du 14
décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité. Outre leur tendance à réduire
l’énergie à l’électricité, ces textes n’intègrent pas une réglementation approfondie des
énergies renouvelables2. Néanmoins, l’article 63 de la loi n° 011/022 donne une large
définition de l’énergie, qui englobe toutes les formes d’énergie issues de sources
renouvelables, à savoir : énergie solaire thermique et photovoltaïque ; énergie
éolienne ; énergie hydraulique des cours d’eau de puissance exploitable inférieure ou
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
1
MINEE-REMP, Étude de mise en place d’un Plan de développement du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, 2017, cité par A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-
juridiques pour un envol durable des énergies renouvelables au Cameroun, Yaoundé, Friedrich Ebert
Stiftung, 2019.
2
Malgré les apports de la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011, qui consacre une section aux énergies
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
renouvelables, on peut continuer de parler d’un vide juridique concernant ce secteur car certains textes
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
156
Pour ce qui est du cadre institutionnel, la loi de 2011 prévoit la création d’une agence
de promotion des énergies renouvelables. Néanmoins, il existe au sein du ministère de
l’Eau et de l’Énergie (MINEE) une direction des énergies renouvelables et de la
maîtrise de l’énergie3, qui est chargée de promouvoir le développement des énergies
renouvelables. Ce cadre a été élargi à nombreux départements ministériels qui œuvrent
au quotidien pour le développement des énergies renouvelables.
Toutefois, la majeure partie de la population n’a pas accès aux services énergétiques
de base modernes, notamment dans les zones rurales. Pourtant, le Cameroun dispose
d’un potentiel en énergies renouvelables qui demeure peu exploité et dont le
développement peut contribuer efficacement à améliorer l’offre énergétique, qui reste
très insuffisante4. Malgré les progrès réalisés au fil des ans, 46 % des ménages (81 %
en milieu rural et 12 % en milieu urbain) n’ont toujours pas accès à l’électricité. D’ici
2035, il est prévu d’atteindre un taux d’électrification de 98 % de l’ensemble des
14 207 localités camerounaises5. Le Cameroun, tout comme les autres pays africains,
aspire au remplacement progressif des énergies fossiles par un mix énergétique
privilégiant les énergies renouvelables, ainsi qu’une réduction de la consommation et
des gaspillages énergétiques, et des économies d’énergie, notamment via
l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’évolution des comportements en termes
de consommation. Le gouvernement s’est ainsi engagé dans des projets de construction
de grands barrages hydroélectriques, par le biais de partenariats public-privé ou de
producteurs indépendants d’électricité, et de réhabilitation de certaines infrastructures
hydroélectriques. Le gouvernement encourage aussi la construction de centrales
solaires et de mini-centrales hydroélectriques pour répondre à la demande des ménages.
Son plan de développement en matière d’investissements vise à préparer l’après-pétrole
et à instaurer un nouveau modèle énergétique, plus robuste et durable, face aux enjeux
d’approvisionnement en énergie, aux évolutions des prix, à l’épuisement des ressources
et aux impératifs de la protection de l’environnement, ce qui nécessite une transition
juridique.
Le présent article analyse et évalue la prise en compte par l’État camerounais de l’utilité
sociale et environnementale des énergies renouvelables, à l’aune du cadre juridique
actuel et des réalités sociales de la population, en vue de répondre à la question de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
3
Créée par le décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de
l’Énergie.
4
La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de production, de
distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire dans le but de le rendre plus
écologique. Concrètement, la transition énergétique vise à transformer un système énergétique pour
diminuer son impact environnemental. La transition énergétique s’appuie sur les progrès technologiques
et les volontés politiques au sens large (gouvernement, population, ONG, acteurs économiques…).
5
Ch. Tatsinkou, “Mainstreaming Energy Sustainable Development Goals (SDGs), Targets and
Indicators into Statistical Programmes. Cameroon’s Programme on Energy Statistics”, Paper presented
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
157
garantissent suffisamment la sécurité énergétique des citoyens. À travers un examen
critique, l’étude met en lumière l’idée de relativité : malgré l’existence d’un cadre
juridique moderne sur les énergies renouvelables (1), de nombreuses limites entravent
la sécurité énergétique de la population (2).
La chronologie des lois montre que ce sont les textes régissant le secteur de l’électricité
qui s’efforcent d’encadrer les énergies renouvelables au Cameroun7. Il est à noter que
la sécurité énergétique a toujours fait l’objet de dispositifs législatifs. Ainsi, le premier
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
texte faisant office de loi régissant l’énergie spécifiquement, pris pour le territoire du
Cameroun sous les tutelles française et britannique durant la période coloniale, remonte
au 15 septembre 19218. Cette loi coloniale relative à l’utilisation des forces
hydrauliques, seule source d’énergie considérée comme renouvelable à cette époque, a
contribué à la mise en place d’une certaine sécurité énergétique. Au moment de
l’indépendance, la sécurité énergétique a été renforcée par trois opérateurs régionaux
qui se partageaient le marché de la production et la fourniture d’électricité : Cameroon
6
Article 65 de la loi de 2011.
7
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies renouvelables
au Cameroun, Rapport d’analyse, 2012, p. 50.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
8
Ibid.
African Journal of Environmental Law
158
Electricity Corporation (POWERCAM), Énergie électrique au Cameroun
(ENELCAM) et Électricité du Cameroun (EDC). Il faudra attendre l’année 1975 pour
voir la fusion de ces trois opérateurs régionaux en un grand concessionnaire national,
la Société nationale d’électricité (SONEL)9, intégrant les trois segments d’opération
(production, transport et distribution) et dotée du monopole10 du service public de
l’électricité pour une sécurité énergétique optimale des citoyens du Cameroun
indépendant.
à l’arrêt des financements de l’État confronté à la forte crise économique des années
1990, induit un ralentissement dans l’offre d’électricité à un moment où la demande est
9
Ibid., p. 51.
10
Monopole qui perdurera jusqu’en 1998.
11
Ministère des Mines, de l’Eau et de l’Énergie, Régime de l’électricité au Cameroun, Yaoundé, 1995.
12
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 51.
13
Articles 4, 5 et 7 de la loi n° 20 du 26 novembre 1983 portant régime de l’électricité.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
14
Il est toutefois regrettable que les centrales hydroélectriques, même les microcentrales, avaient été
exclues du régime de la liberté.
159
en forte hausse, la croissance de cette demande étant alors de l’ordre de 8 % par an15.
Avec la libéralisation du secteur de l’électricité et la privatisation de la SONEL qu’elle
prévoit, la loi de 1998 opère une réforme majeure du secteur de l’électricité. La SONEL
privatisée, qui doit assurer la production, le transport et la distribution de l’électricité
pour le renforcement de la sécurité énergétique, jouit d’un monopole sur le transport et
la distribution16. La loi, dans un souci d’efficacité énergétique, introduit aussi trois
acteurs majeurs du secteur de l’électricité : le ministère des Mines, de l’Eau et de
l’Énergie, l’Agence de régulation du secteur de l’électricité et l’Agence
d’électrification rurale. Mais seuls les articles 5 et 40 de cette loi mentionnent les
énergies renouvelables. L’article 5 se contente de préciser que les sources d’énergie
renouvelables (hydraulique, solaire, éolienne et géothermique) sont des « sources qui
existent naturellement et qui sont renouvelées de manière continue par la nature », qui
appartiennent aux sources d’énergie primaires. L’alinéa 2 de l’article 40 ajoute que
l’administration chargée de l’électricité assure « […] le suivi de l’utilisation des
sources d’énergie primaires, notamment renouvelables […] ».
15
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 52.
16
De même, cette loi de 1998 prévoit que la production sera libéralisée en 2001 et que la distribution
deviendra libre à compter de juillet 2006. Toutefois, les modalités de libéralisation de la distribution ne
seront jamais définies, reléguant la loi à un simple effet d’annonce.
17
La section 1 du chapitre 2 du titre 4 de cette loi est consacrée aux énergies renouvelables.
18
Article 3 : le service public de l’électricité comprend « le stockage de l’eau en vue de la production
d’électricité, la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité en
vue de la vente de l’énergie au public ».
19
Article 64 : « Les énergies renouvelables contribuent à la satisfaction des besoins énergétiques des
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
l’approvisionnement ».
20
Article 65 : « L’État assure la promotion et le développement des énergies renouvelables ».
160
1.1.2. Le cadre réglementaire des énergies renouvelables
Grâce aux textes réglementaires qui ont suivi la loi de 1983, à savoir le décret
n° 90/1240 du 22 août 1990 portant régime de production d’électricité et son arrêté
d’application n° 20 bis du 12 juillet 1991, le décret n° 90/1241 du 22 août 1990 portant
régime de transport et de distribution électrique et son arrêté n° 20 du 12 juin 1991, la
circulaire n° 5 du 4 octobre 1990 relative aux économies d’énergie dans les
administrations et les organismes publics et parapublics, le Cameroun a pu réaliser le
barrage de retenue de Mapé en 1988 et le barrage hydroélectrique de Lagdo en 1986,
ainsi que les microcentrales hydroélectriques de Fonjumetaw (3217,7 KW) en 1988 et
de Bamougoum (153,4 KW) en 1997, pour répondre de manière efficace à la demande
énergétique généralisée.
21
Construite à Dschang dans la Région de l’Ouest en 1944 : V. Tekounegning, Contribution au
développement des microcentrales hydroélectriques dans la région de l’Ouest du Cameroun, thèse en
génie énergétique, Université de Dschang, 2010.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
22
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 60.
161
1.2.1. Les acteurs publics et parapublics
Les acteurs publics et parapublics évoqués ci-après encadrent le secteur des énergies
renouvelables pour une effectivité de la sécurité énergétique.
23
Article 71 de la loi de 2011.
24
Décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de l’Énergie.
25
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 29.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
26
African Journal of Environmental Law
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 61.
162
2011, pour accorder les autorisations d’exercice des activités dans le secteur de
l’électricité. Il lui revient en outre de déterminer les prix de vente de l’électricité,
notamment celle produite à partir de sources renouvelables. Elle peut ainsi, en fonction
des montants fixés, favoriser ou décourager la sécurité énergétique et le développement
des énergies renouvelables27.
Le Comité de pilotage énergie29, acteur institutionnel peu connu, s’avère être un point
focal en matière d’énergies renouvelables au Cameroun, car il constitue une cellule de
réflexion, d’appui et de supervision des stratégies de gestion des situations de crise
énergétique et pour la finalisation du plan énergétique national. Le Comité national du
Conseil mondial de l’énergie30, quant à lui, est un organe placé auprès du ministre
chargé de l’énergie dont mission principale est « de préparer et d’assurer la
participation du Cameroun aux travaux du Conseil mondial de l’énergie et de suivre
l’application des recommandations dudit Conseil au Cameroun ». Fondé en 1923, le
Conseil mondial de l’énergie couvre une gamme complète des questions liées à
l’énergie, notamment les énergies renouvelables et la sécurité énergétique. Son objectif
est de « promouvoir la fourniture et l’utilisation durables de l’énergie pour le plus grand
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
27
Ibid. p. 62.
28
L’AER a été créée par le décret n° 99/193 du 8 septembre 1999, en application de l’article 58 de la loi
de 1998, repris par l’article 62 de la loi de 2011.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
29
Créé à la Présidence de la République par le décret n° 2003/243 du 12 décembre 2003.
30
Créé par le décret n° 96/036/PM du 21 février 1996.
163
1.2.1.5. Energy of Cameroon (ENEO)31, Electricity Development Corporation
(EDC) et Société nationale de transport de l’électricité (SONATREL)
Divers autres ministères sont concernés par les énergies renouvelables. C’est
notamment le cas du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du
Développement durable, de celui des Forêts et de la Faune et son organisme de
rattachement, l’Agence nationale des forêts (ANAFOR), du ministère de l’Agriculture
et du Développement rural, de ceux de la Recherche scientifique et de l’Innovation, de
l’Industrie, des Mines et du Développement technologique, des Domaines, du Cadastre
et des Affaires foncières, pour ne citer que ceux-là, dont les apports ont des incidences
importantes sur l’essor des énergies renouvelables, y compris par les orientations de la
recherche et des technologies à développer.
34
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
35
Créé en 1979, le LRE est lié à l’Institut de recherche géologique et minière, qui dépend lui-même du
ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation.
164
Les institutions universitaires jouent un rôle prépondérant dans la recherche sur le
développement des énergies renouvelables. Ainsi, l’Université de Ngaoundéré
promeut, à travers l’Institut universitaire des technologies et l’École nationale
supérieure des sciences agro-industrielles, la recherche expérimentale et opérationnelle
sur les différentes sources d’énergies renouvelables. L’Institut supérieur du Sahel (ISS)
est l’une des premières structures de formation au Cameroun à instituer la filière
« énergies renouvelables » dans son cursus. L’importance qu’il accorde aux énergies
renouvelables tient à plusieurs facteurs favorables, comme la situation géographique
(zone sahélienne où le rayonnement solaire prédomine) et l’activité socioéconomique
dominée par l’élevage et l’agriculture (forte présence de bioénergies et nécessité de
conserver les récoltes). Le choix de ces énergies par l’ISS est mû notamment par la
volonté d’élever le taux d’électrification rurale, tout en réduisant la coupe abusive du
bois. Doté d’un laboratoire de recherche en énergies renouvelables, l’ISS constitue un
pôle de vulgarisation des enjeux technologiques et socioéconomiques y afférents. Pour
sa part, l’École nationale supérieure polytechnique comprend un laboratoire
énergétique qui compte quatre filières : le séchage, la production décentralisée de
l’énergie, les audits énergétiques et le thermique du bâtiment. Enfin, à l’Université de
Dschang, le Département du génie rural de la Faculté d’agronomie et des sciences
agricoles est un pôle de recherche sur les énergies renouvelables. On observe que les
pratiques consistant à initier des projets, sans coordination, dans le secteur des énergies
renouvelables, souvent reprochées aux ministères, se retrouvent dans ces institutions36.
Il s’agit des ONG, des entreprises privées, des partenaires du développement comme
les banques,37 ou la GIZ, des organisations internationales comme le PNUD, etc., qui
ont des programmes dédiés à la promotion des énergies renouvelables. Les banques
opérant au Cameroun offrent aussi des opportunités pour financer les énergies
renouvelables. Afin de renforcer les capacités institutionnelles dans le secteur des
énergies renouvelables, l’État doit prendre des mesures incitatives pour encourager la
création de start-up et de petites et moyennes entreprises capables de développer des
projets innovants prenant en compte, à la fois, la sécurité énergétique, l’économie verte
et la lutte contre la pauvreté38.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Les actions menées par les différents acteurs reposent sur les plans et programmes
relatifs aux énergies renouvelables, tel Plan énergétique national (PEN) de 1990. Ce
document de référence présente une vision globale de la politique énergétique au
36
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 36.
37
Comme la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de
développement, la Banque islamique pour le développement.
38
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
165
Cameroun, répertoriant et intégrant les énergies renouvelables et les énergies
conventionnelles. Une large place y est faite aux énergies renouvelables : les données
permettaient déjà, dans les années 1990, de mener une réelle politique de
développement des énergies renouvelables à travers des mesures incitatives39. Par
ailleurs, le Plan directeur d’électrification rurale40, le Plan national énergie pour la
réduction de la pauvreté, le Plan de développement du secteur de l’électricité à
l’horizon 203041 et le Fonds d’énergie rurale42 sont autant d’instruments qui ébauchent
des voies et moyens pour le développement des énergies renouvelables afin d’atteindre
une sécurisation énergétique effective pour la population.
39
Les recommandations relatives aux énergies renouvelables contenues dans le PEN n’ont jamais été
mises en application, fragilisant davantage l’autosuffisance énergétique du pays.
40
Ce plan a été élaboré en 2001 pour impulser le désenclavement énergétique des zones rurales.
41
Ce plan a été élaboré en 2006 pour planifier la réalisation d’infrastructures en vue d’augmenter la
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
production d’électricité.
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
42
Créé en 2009 pour assurer le financement des programmes et projets d’énergie rurale.
166
régissant le secteur de l’électricité. Aucun texte d’application n’a été pris pour
compléter cette section et aucune impulsion opérationnelle n’a été donnée par le
gouvernement, créant ainsi un vide juridique. La nécessité d’une loi consacrée aux
énergies renouvelables, prenant en considération les atouts et les réalités du Cameroun,
ainsi que les expériences d’autres pays, ne peut être sous-estimée.
L’absence d’une procédure bien définie et d’un mécanisme de suivi dans le secteur de
l’énergie a poussé le MINEE à initier l’élaboration d’un manuel pour faciliter
l’application de la loi de 2011. Un tel guide serait aussi utile dans un souci de
transparence et de confiance dans les relations avec les partenaires étrangers. En outre,
il pourrait aider à intégrer les énergies renouvelables dans le système global de la
transition énergétique, en tenant compte des réalités nationales et des circonstances
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
43
IRENA et al., Renewable Energy Policies in a Time of Transition, 2018.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
44
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 39.
167
2.2. Une garantie institutionnelle limitée
Sur le plan institutionnel, la multiplicité des interventions non coordonnées dans le
secteur des énergies renouvelables impacte énormément la sécurité énergétique des
citoyens, dans la mesure où les chevauchements de compétences des acteurs impliqués
ne favorisent pas un développement harmonieux des énergies renouvelables45 (2.2.1).
En outre, la dépendance des acteurs publics et parapublics conditionne les processus
décisionnels et limite l’accès des consommateurs aux sphères de la prise de décision
(2.2.2).
Comme on l’a souligné plus haut, plusieurs institutions travaillent, chacune à son
niveau, pour encadrer directement ou indirectement le secteur des énergies
renouvelables Il s’agit notamment de l’AER, l’ANAFOR, l’ARSEL, du LRE, de la
SONATREL et de bien d’autres ministères dont les activités ont trait aux énergies
renouvelables. Le foisonnement et la diversité des acteurs publics, parapublics et privés
ne facilite pas la coordination de leurs interventions et rend difficile la mise en œuvre
efficace de procédures souvent différentes. Il importe donc de structurer
judicieusement ce secteur afin que chaque institution ait une mission spécifique, tout
en veillant à ce que leurs rôles soient précisément définis et bien respectés. Au besoin,
certaines institutions peuvent être fusionnées pour une meilleure efficacité et un
moindre coût opérationnels46. Pour ce faire, tous les décideurs et les acteurs doivent
agir et coopérer dans les domaines connexes de façon synergique et innovante47.
Au cours des dernières années, les acteurs du secteur de l’électricité ont subi de
nombreux changements de nom, mais en réalité l’État a maintenu le contrôle de la
propriété et de la direction de l’institution. Ainsi, cinq des neuf membres du conseil
d’administration de l’ARSEL sont nommés par le gouvernement et un seul représente
les consommateurs. Cela peut constituer un sérieux défi à la libre décision et la saine
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
gestion des ressources énergétiques. En outre, les responsables des organes concernés
sont nommés par le Président de la République ou par décret ministériel, ce qui ne leur
permet pas d’être autonomes sans l’intervention du gouvernement. Considérant que les
producteurs et distributeurs d’électricité accordent encore peu d’attention aux énergies
renouvelables, les acteurs privés peuvent apporter une contribution significative à leur
développement s’ils disposent d’une autonomie de décision à cet égard. Le potentiel
du Cameroun qui est estimé à une insolation moyenne de 4,9 KWh/m²/j, soit
45
Ibid., p. 28.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
46
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
Ibid., p. 38.
African Journal of Environmental Law
47
IRENA et al., Renewable Energy Policies in a Time of Transition, op. cit., p. 15.
168
4 KWh/m²/j pour la partie Sud et 5,8 KWh/m²/j pour la partie Nord48. S’il est bien
exploité, il contribuera largement à réduire la pauvreté et à maintenir la stabilité
électrique dans toutes les régions du pays.
Conclusion
Les principes du développement durable, qui consistent à équilibrer les besoins des
générations actuelles et futures, s’étendent au secteur de l’électricité – l’un des
indicateurs du changement climatique –, ainsi qu’aux énergies renouvelables – l’une
des solutions au réchauffement climatique. Le gouvernement devrait sans tarder mettre
en place des institutions spécifiques, avec des politiques et des lois dédiées à
l’exploitation, la distribution et la consommation des énergies renouvelables. La mise
en œuvre effective de ces politiques et ces lois contribuera à la jouissance par les
citoyens de leur droit à l’approvisionnement en énergie, en particulier dans les zones
rurales, grâce à l’essor des énergies renouvelables.
48
African Journal of Environmental Law
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit.
169
LES PRÉMICES D’UNE RÉGLEMENTATION DES
ÉNERGIES RENOUVELABLES AU TCHAD
Yannick DJIMOTOUM YONOUDJIM
Avocat stagiaire, chercheur et écrivain
Djamto GALY
Clerc d’avocat et chercheur
Résumé
L’énergie est un levier de développement. L’énergie fossile, naguère prisée par les
États, constitue l’une des principales causes du changement climatique. Tirant les
enseignements de la « crise écologique », la communauté internationale s’emploie à
rechercher des solutions. À ce titre, les énergies renouvelables sont désormais
recommandées et utilisées. Le Tchad, qui ne déroge pas à cette dynamique, a signé un
certain nombre de conventions internationales et régionales relatives à la protection de
l’environnement, et notamment à l’utilisation des énergies renouvelables.
Nonobstant les efforts accomplis et en cours d’accomplissement aussi bien sur le plan
juridique qu’institutionnel, force est de relever l’inexistence à ce jour d’une loi
spécifique aux énergies renouvelables, quand bien même il existe des institutions
chargées principalement ou subsidiairement des questions y relatives. C’est dire que le
secteur des énergies renouvelables apparaît faiblement réglementé, d’où la nécessité de
susciter des évolutions.
Abstract
Energy is a lever for development. Fossil energy, once prized by governments, is one
of the main causes of climate change. Drawing lessons from the "ecological crisis", the
international community is working to find solutions. As such, renewable energy is now
recommended and used. Chad is no exception to this trend and has signed a number of
international and regional conventions on environmental protection, including
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
renewable energy. Notwithstanding the efforts that have been and are being made, both
legally and institutionally, clearly there is currently no law dedicated to renewable
energy, even though there are institutions primarily or secondarily responsible for
renewable energy issues. The renewable energy sector appears therefore to be poorly
regulated; hence the need to bring about change.
171
Introduction
De tout temps, l’énergie remplit des fonctions essentielles et existentielles (éclairage,
production, conservation, transformation, etc.) dans la vie de l’Homme. Il apparaît que
l’énergie est un levier de développement. Cheikh Anta Diop, à travers une formule
devenue populaire, affirmait fort à propos qu’« au commencement est l’énergie, tout le
reste en découle »1.
1
Ch. Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, Paris-
Dakar, Présence Africaine, 1974, p. 7.
2
https://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/energie_renouvelable.
php4#:~:text=On%20d%C3%A9signe%20aujourd'hui%20par,%3A%20thermique%2C%20photovolta
%C3%AFque%2C%20thermodynamique.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
3
https://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/energie_renouvelable.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
php4.
172
relatives à la protection de l’environnement, notamment les conventions intégrant la
dimension « énergies renouvelables ».
Le cadre juridique national des énergies renouvelables reste fortement tributaire des
instruments juridiques supranationaux auxquels le Tchad est partie. En dépit des efforts
accomplis et en cours d’accomplissement, sur le plan matériel4 et institutionnel, force
est de relever l’inexistence à ce jour d’une loi spécifique aux énergies renouvelables au
Tchad. De fait, la question des énergies renouvelables n’est abordée que de manière
parcellaire dans un certain nombre de textes sectoriels, telles que la loi n° 036/PR/2019
du 26 août 2019 relative au secteur de l’énergie électrique au Tchad et les deux
dernières lois de finances (2020 et 2021).
Toutefois, l’on peut faire observer l’existence d’institutions, les unes à vocation
générale et les autres à vocation sectorielle, chargées principalement ou accessoirement
des questions relatives aux énergies renouvelables. Ce sont, entre autres, le ministère
de l’Environnement et de la Pêche, le ministère de l’Énergie, l’Agence de
développement des énergies renouvelables, l’Agence pour l’énergie domestique et
l’environnement et l’Agence de régulation du secteur de l’énergie électrique.
Deviller pour relever que « le droit de l’environnement [duquel procède le droit des
énergies renouvelables] est un droit de solidarité »6. Le Tchad, qui du reste n’est pas en
marge de cette assertion, a relativement posé les jalons d’une réglementation des
énergies renouvelables. En effet, l’on observe une érection dans ce secteur d’un cadre
juridique, quoiqu’épars (1.1) et d’un cadre institutionnel (1.2).
4
Au sens de droit matériel, distinct du droit institutionnel.
5
La protection de l’environnement par les juridictions
6
J. Morand-Deviller, Droit de l’environnement, Paris, PUF, 2010, p. 7.
173
1.1. La considération des énergies renouvelables dans des textes
juridiques épars
Le secteur des énergies renouvelables est embryonnaire au Tchad. Toutefois, l’on peut
remarquer l’existence d’un certain nombre de textes juridiques, tant nationaux
qu’internationaux, qui les régissent de manière implicite.
Sur le plan international, de multiples rencontres auxquelles le Tchad a pris part font
état d’un engouement de la communauté internationale pour le secteur des énergies
renouvelables7. Il ressort de ces assises internationales plusieurs normes internationales
portant sur les énergies renouvelables8.
Dans un premier temps, s’agissant des textes juridiques qui s’appliquent implicitement
aux énergies renouvelables, il importe de citer la loi n° 14/PR/98 du 17 juin 1998
définissant les principes généraux de protection de l’environnement (loi-cadre en
matière environnementale au Tchad). De fait, la loi-cadre prévoit la pollution
atmosphérique par l’énergie9 et renvoie l’encadrement de cette question précise aux
textes réglementaires, notamment le décret n° 904/PR/PM/MERH/2009 du 6 août 2009
portant réglementation des pollutions et nuisances à l’environnement. Ce texte
considère l’énergie comme une potentielle source de pollution.
Dans un second temps, relativement aux textes juridiques qui traitent explicitement de
la question des énergies renouvelables, il y a lieu de relever qu’il n’en existe pas au
Tchad. Néanmoins, l’on peut signaler l’existence de la loi n° 036/PR/2019 du 26 août
2019 relative au secteur de l’énergie électrique, qui abroge la loi n° 014/PR/99 du 15
juin 1999 relative à la production, au transport et à la distribution de l’énergie
électrique. Cette loi vise notamment à « promouvoir la maîtrise de l’énergie basée sur
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
7
À cet égard, l’on peut citer notamment le Sommet mondial pour le développement durable
(Johannesburg, 2002), la Conférence internationale sur les énergies renouvelables (Bonn, 2004), le
Sommet mondial sur les changements climatiques (Durban, 2011).
8
À titre d’illustration, l’on peut citer : 1) l’Agenda 21, la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, ratifiée par le Tchad en 1993, et plus particulièrement le protocole de Kyoto,
ratifié en 2009, qui vise spécifiquement la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Le recours
aux énergies propres participe inéluctablement à l’atteinte de cet objectif. C’est à ce titre que le Tchad a
adopté en 2009 le Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANA) ; 2)
la Déclaration de Harare sur l’énergie solaire et le développement durable (1996) ; 3) la Déclaration de
Durban (2011) et l’Accord de Paris (2015) ; 4) la Convention sur la pollution atmosphérique à longue
distance (1979) ; 5) la Convention sur la lutte contre la désertification (1994).
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
9
African Journal of Environmental Law
Article 2 (10) de la loi n° 14/PR/98 du 17 juin 1998 définissant les principes généraux de protection de
l’environnement.
174
les énergies renouvelables »10. En son article 5, la dite loi conçoit les énergies
renouvelables comme « toute action permettant de transformer les ressources naturelles
locales renouvelables pour la production de l’énergie » et présente leur nomenclature
en indiquant qu’ « elle intègrent l’énergie éolienne, l’énergie solaire, la géothermie,
l’hydraulique et biomasse solide et liquide ».
Outre ces instruments juridiques, l’on note l’existence d’un certain nombre de
politiques publiques14. Cependant, la plupart de ces documents n’aborde que de
manière sommaire la question des énergies renouvelables.
10
Article 3, alinéa 3 (point 4) de la loi n° 036/PR/2019 du 26 août 2019 relative au secteur de l’énergie
électrique au Tchad.
11
Ibid., article 57, alinéa 1..
12
Ibid., article 54 (point 3).
13
Article 203 nouveau de la loi de finances, tel que modifié par la loi n° 015/PR/2017 portant
rectification de la loi n° 033/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant budget général de l’État pour 2017.
Il faut noter que cette exonération fiscale reste en vigueur sous l’emprise de la loi de finances 2021.
14
Il s’agit, entre autres, de la Lettre de politique énergétique (LPE) adoptée par le décret
n° 1638/PR/MPE/2018 du 3 octobre 2018, de la Stratégie nationale pour la promotion des énergies
renouvelables, du Schéma directeur pour le développement des énergies renouvelables, du Plan national
de développement 2017-2021, de l’Examen national volontaire 2019, de la « Vision 2030, le Tchad que
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
nous voulons ».
15
A. Kiss et J.-P. Beurrier, Droit international de l’environnement, 4e éd., Paris, Pedone, 2010, p. 18.
175
renouvelables. Ces acteurs sont de deux ordres : les uns relèvent du secteur public et
les autres sont issus du secteur privé et de la société civile.
Au rang des acteurs publics, on ne saurait faire abstraction des organes qui assurent la
régulation du secteur énergétique au Tchad. Il s’agit à titre indicatif de l’Agence de
développement des énergies renouvelables (ADER), de l’Agence pour l’énergie
domestique et l’environnement (AEDE), de l’Agence pour le développement de
l’électrification rurale et la maîtrise de l’énergie (ADERME) et de l’Autorité de
régulation de l’énergie électrique (ARSE).
L’AEDE est un établissement public créé en 1997 et placé sous l’autorité conjointe du
ministère des Mines, de l’Énergie et du Pétrole, et du ministère de l’Environnement et
de l’Eau. Elle est chargée de promouvoir les énergies nouvelles, renouvelables et de
substitution dans une perspective de développement durable.
L’ADERME, dans sa mission de promotion des énergies renouvelables, est dotée des
attributions liées à l’assistance, la conception, l’incitation des entreprises et la
promotion de ces énergies. À cet effet, elle est notamment chargée de :
- participer à la conception du plan national et des plans sectoriels et régionaux de
développement des énergies renouvelables ;
- contribuer à l’élaboration d’un cadre législatif et réglementaire attractif pour le
développement des énergies renouvelables ;
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
16
Il s’agit notamment du ministère de l’Environnement et de la Pêche, chargé de définir et de mettre en
œuvre la politique environnementale du gouvernement ; du ministère du Développement industriel,
commercial et de la Promotion du secteur privé, qui veille au respect des normes environnementales par
les acteurs économiques, notamment celles se rapportant aux énergies renouvelables ; du ministère de
l’Hydraulique urbaine et rurale qui, en vertu de ce que l’eau est une source d’énergie propre, est
indéniablement le maillon de la réalisation de la politique du gouvernement en matière des énergies
renouvelables ; du ministère du Pétrole et des Mines, qui coordonne et réglemente la prospection et
l’exploitation de l’or noir ainsi que des ressources minières et cela, conformément aux normes
environnementales, de sorte à les rendre le moins polluantes possible dans leur extraction ; du ministère
de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère de l’Éducation nationale
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
et de la Promotion civique qui, parce qu’ils incarnent l’intelligentsia, peuvent faire évoluer l’état des
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
connaissances sur les énergies renouvelables et, par là, faciliter une meilleure appropriation de ces
énergies.
176
- identifier, évaluer et exploiter le potentiel en énergies renouvelables disponibles
et économiquement exploitables dans les différentes provinces du pays ;
- réaliser des études prospectives et stratégiques pour le développement des
énergies renouvelables ;
- réaliser des études techniques, économiques et financières des projets relatifs aux
énergies renouvelables et assurer le suivi de leur mise en œuvre ;
- élaborer et exécuter des programmes d’information, de sensibilisation, de
communication, d’éducation et de formation démontrant l’intérêt technique,
économique, social et environnemental des énergies renouvelables ;
- participer à la promotion de l’émergence et du développement d’entreprises
intervenant dans le domaine des énergies renouvelables et encourager
l’investissement dans ce secteur ;
- identifier et exploiter des mécanismes de financement innovant pour le
développement des énergies renouvelables, notamment la finance carbone ;
- développer la coopération bilatérale et multilatérale dans le domaine des énergies
renouvelables17.
S’agissant des OSC, au demeurant moins outillées, elles se démènent bon an, mal an20. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Cependant, pour une mise en œuvre optimale, efficace et efficiente de la politique des
énergies renouvelables au Tchad, il faut nécessairement renforcer la réglementation y
relative.
17
Article 19 la loi n° 036/PR/2019.
18
À titre d’exemple, l’on peut citer la société ZIZ et la société ALTERNAPROD qui interviennent dans
la production et la promotion des énergies renouvelables.
19
Initiative Équateur, L’Association tchadienne des volontaires pour la protection
de l’environnement (ATVPE), 2015, p. 8.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
20
African Journal of Environmental Law
Contribution écrite des organisations de la société civile tchadienne pour l’Examen périodique
universel du Tchad, Troisième cycle, 2018, 15 p.
177
2. La nécessité de renforcement de la réglementation des
énergies renouvelables
Certes, le professeur Maurice Kamto21 affirme que « mieux valent des normes
inappliquées qu’un univers a-juridique » ; il ne remarque pas moins que « la faiblesse
de l’idée de droit dans les pays africains induit la faiblesse des règles juridiques et,
partant, leur ineffectivité ». Il en est de même pour le secteur des énergies
renouvelables au Tchad, alors même qu’il s’agit d’un secteur porteur de potentiel (2.1)
qui nécessite l’adoption d’une réglementation spécifique (2.2).
En effet, il importe d’indiquer de prime abord que le pays dispose des gisements solaire
et éolien considérables. Concernant l’énergie solaire, le Tchad se situe dans la zone
d’ensoleillement supérieur de l’Afrique. Le nombre d’heures d’ensoleillement par
année varie de 2850 au sud à 3750 au nord du pays. L’intensité du rayonnement global
varie en moyenne de 4,5 à 6,5 KWh/m2/j22.
Dans le même sillage, l’on peut s’accorder avec Joseph Ki-zerbo : « Une autre source
d’énergie africaine est le soleil, pour laquelle l’Afrique dispose de ressources
inépuisables […] surtout dans les pays intérieurs les plus déshérités comme le Tchad,
le Niger, la Haute-Volta et le Mali. Donc si l’Afrique est un continent énergétique, elle
l’est surtout potentiellement, et cela en raison du manque de capitaux et de
débouchés »23.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Quant à l’énergie éolienne, la vitesse moyenne des vents calmes varie de 2,5 m/s à 5m/s
du sud au nord24.
Hormis les potentialités citées ci-dessus, le pays dispose également d’autres sources
d’énergies renouvelables. Il s’agit notamment de la géothermie, l’hydraulique et la
21
M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996, p. 18.
22
Plan d’action national pour la mise en œuvre du Cadre national pour les services climatiques (CNSC)
du Tchad (2016-2020), Octobre 2016, p. 36.
23
J. Ki-zerbo, Histoire de l’Afrique noire. D’hier à demain, Paris, Hatier, 1994, p. 622.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
24
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
Ministère de l’Hydraulique urbaine et rurale, Seconde communication nationale du Tchad sur les
African Journal of Environmental Law
178
biomasse. L’énergie géothermique est une énergie thermique provenant de l’intérieur
de l’écorce terrestre, généralement sous forme d’eau chaude ou de vapeur. À cet égard,
l’on peut remarquer l’existence de roches volcaniques dans la zone septentrionale du
pays, qui constituent indéniablement une source d’énergie géothermique. Puis, en
matière de production hydroélectrique, tirant sa source des ressources hydrauliques, on
peut relever les chutes d’eau (chutes Gauthiot) situées dans la partie méridionale du
pays.
En outre, il existe deux principaux cours d’eau permanents : le Chari (1200 km) et le
Logone (1000 km). L’on note également l’existence de six lacs principaux25.
Il est dès lors plus que nécessaire de réorienter les investissements des énergies fossiles
vers les énergies renouvelables28. C’est par ce canal que la charte des investissements
de la République du Tchad du 3 janvier 2008, adoptée en application des dispositions
de la charte des investissements de la Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale (CEMAC), pourrait s’appliquer aux activités de production et de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
25
Ce sont le lac Tchad, le lac Fitri, le lac Iro, le lac Léré et le lac Tikem, réservoirs en eau douce, ainsi
que les lacs Ounianga dans le désert, alimentés par des nappes d’eau souterraines.
26
PNUD, Rapport national du Tchad, 2012 : « S’agissant de la biomasse, notamment lignocellulosique,
le pays en recèle d’importantes sources estimées dans les années 70 à 312 millions d’hectares, mais de
nos jours la superficie a considérablement baissé de l’ordre de 23 millions d’hectares. Cette baisse est
due à son exploitation anarchique et abusive conjuguée à des sécheresses répétées » (p. 27).
27
Ministère de l’Hydraulique urbaine et rurale, Seconde communication nationale du Tchad sur les
changements climatiques, op. cit., p. 99.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
28
J. Woessner et N. Krausz, « Depuis plus de 40 ans, la question climatique interroge nos modèles de
African Journal of Environmental Law
179
Qui plus est, la charte des investissements s’applique également aux activités de mise
en valeur d’autres sources d’énergie solaire et éolienne29. Toutefois, la nécessité
d’adopter une réglementation spécifique en matière d’énergies renouvelables demeure
prégnante.
Pour l’heure, l’on peut saluer la prise en compte par les pouvoirs publics des
préoccupations d’une nécessité d’évolutions dans le secteur des énergies renouvelables.
À cet effet, des réformes futures y afférentes sont perceptibles, si l’on se réfère à la
« Vision 2030, le Tchad que nous voulons », un instrument de politique publique qui
renseigne à cet égard.
29
Article 3 (5 et 6) de la loi n° 006/PR/2008 instituant la charte des investissements de la République du
Tchad.
30
M. Abdelkérim et E. Ndingangar Teadoum, Traité du droit de l’environnement. La problématique de
la protection de l’environnement en droit positif tchadien, Saint-Denis, Edilivre, tome 1, 2018, p. 98.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
31
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
180
bien juridique qu’institutionnelle. Pourtant, le Tchad recèle des potentialités
importantes en énergies renouvelables, sources d’investissement.
181
PERSPECTIVES TRANSNATIONALES
183
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Résumé
La transition énergétique vers les énergies renouvelables est une occasion pour les États
africains d’améliorer l’accès des populations à l’énergie et s’affranchir des
dépendances et pesanteurs découlant de l’exploitation des énergies fossiles. Cette
transition est surtout apte à soutenir, dans les instances africaines, la garantie du droit
à l’énergie qui, sans être explicitement reconnu dans les textes africains, peut être
déduite de certains instruments, notamment la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples. Aussi, du point de vue des sujets, le droit à l’énergie présente l’avantage
d’en avoir une pluralité. Cependant, du point de vue de son assise matérielle, le droit
de l’énergie requiert une meilleure précision.
Abstract
The energy transition to renewable energies is an opportunity for African states to
improve people's access to energy and free themselves from the dependencies and
burdens resulting from the exploitation of fossil fuels. This transition is especially
suited to support, in African bodies, the guarantee of the right to energy which, without
being explicitly recognized in African texts, can be deduced from some instruments, in
particular the African Charter on Human and Peoples’ Rights. Furthermore,
thematically, the right to energy presents an asset by the evolving plurality of the
stakeholders. However, from the point of view of its material basis, energy law requires
better precision. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
185
Introduction
Il est une réalité universelle qu’« on ne peut tout simplement pas vivre sans énergie »1.
Pourtant, l’accès physique à l’énergie est caractérisé par la rareté. Cette rareté
s’explique aussi bien par l’épuisement des réserves en énergie que par la hausse de la
demande, car la consommation a été multipliée par 18 en un siècle du fait de la
démographie galopante et des progrès technologiques2.
Sur un milliard de personnes dans le monde n’ayant pas accès à l’énergie et plus
spécifiquement à l’électricité, on en dénombre plus de la moitié, soient environ 600
millions, en Afrique3. Cette situation n’est cependant pas due à un statu quo du taux
d’accès, qui est passé de 17 % à 41 % entre 2000 et 2018, mais plutôt à la croissance
démographique, qui est de près de 50 % sur la même période4. L’Afrique doit donc
parvenir à garantir à ses populations un accès à l’énergie en tenant compte de sa
croissance démographique. Conscients de cette urgence, les ministres africains se sont
penchés sur la question de l’accessibilité à l’énergie électrique pour chaque citoyen,
lors du 2e Forum ministériel entre la Commission de l’Union africaine et l’Agence
internationale de l’énergie5 en novembre 2020. L’Afrique doit projeter son avenir
énergétique par une restructuration de son système énergétique. Cette restructuration
exige la mise en place d’un cadre juridique favorable à une transition énergétique dans
la gouvernance des systèmes énergétiques d’une part, et de l’autre, une transition
énergétique des sources d’énergies6.
1
Rapport Brundtland « Notre avenir à tous », chapitre 7, p. 136.
2
C. Krolik, Le droit d’accès à l’énergie, rapport de post-doctorat, Pau, 2014, p. 10.
3
La moitié des 54 États d’Afrique ont un taux d’électrification de moins de 20 % : J.-P. Favenec, « Une
nouvelle géopolitique de l’énergie dans le monde », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 18,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
www.ifd.francophonie.org.
4
J. Percebois, « La transition électrique africaine entre choix publics centralisés et choix privés
décentralisés », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 13, www.ifd.francophonie.org.
5
Le forum avait pour thème : « Assurer l’avenir énergétique de l’Afrique au lendemain du COVID-19 :
favoriser une reprise rapide en renforçant l’investissement, l’innovation et les partenariats ».
6
Du point de vue de la gouvernance des systèmes énergétiques, la transition énergétique est le passage
des approches publiques centralisées aux approches privées de déploiement des systèmes décentralisés.
Du point de vue des sources d’énergie, la transition énergétique consiste à passer des sources d’énergies
polluantes aux sources d’énergie propres : S. Sarr, « Pour une transition énergétique réussie en Afrique :
le rôle des acteurs de la société civile », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 66,
www.ifd.francophonie.org.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
7
A. A. Fatouros, « An international legal framework for energy », Recueil des cours de l’Académie de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
186
énergétiques. À cet effet, l’Organisation des Nations Unies affirme : « Les programmes
d’exploitation des sources d’énergie renouvelables […] peuvent apporter des solutions
aux problèmes énergétiques des populations […] et améliorer leur qualité de vie »8.
L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) affirme également,
dans un document publié en 2017, que la transition énergétique est la clé de l’accès
universel à l’électricité9. À ce propos, il faut noter que l’Afrique a une longueur
d’avance sur toutes les autres régions du monde, car les sources d’énergie
renouvelables y représentent plus de 50 % de l’électricité hydraulique. La perspective
des énergies renouvelables n’y est donc pas un fait nouveau. Du coup, le fait marquant
doit être la réalisation d’une transition énergétique afin de garantir à la population
africaine, sans cesse croissante, un droit à l’énergie. Si les lignes bougent, les progrès
demeurent assez timides. Par exemple, au sein de la Communauté économique des
États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), si les objectifs et les politiques en matière
d’énergies renouvelables ont été adoptées depuis le début des années 2010,
malheureusement les procédures de mises en œuvre se sont nettement ralenties10.
8
Résolution A/55/91 du 23 juin 2000.
9
IRENA, Rethinking energy 2017 : Accelerating the global energy transformation,
https://www.irena.org/publications/2017/Jan/REthinking-Energy-2017-Accelerating-the-global-
energy-transformation.
10
J. Savin, A. Adib et K. Chawla, « Énergies renouvelables - Contexte international », in D. V.
Ferrenbach, Les énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest : état, expériences et tendances, ECREEE,
ITC et Casa Africa, 2012, p. 43.
11
Les énergies renouvelables présentent l’avantage de consommer peu d’eau à l’inverse des
combustibles fossiles. Ainsi, elles sont plus adaptées au continent africain où l’accès à l’eau potable reste
assez difficile dans un contexte de démographie croissante augmentant également la demande en eau
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
potable.
African Journal of Environmental Law
12
Résolution A/65/151 adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 20 décembre 2010.
187
Unies relative à l’énergie durable pour tous »13. Cette décision onusienne peut être
perçue comme une volonté manifeste d’ériger le droit de tous à l’énergie. Le droit, par
ce qu’il « assure, au sein de la société, une fonction de direction des conduites »14, est
un instrument tout indiqué pour soutenir et favoriser l’accès à l’énergie. L’article 24 de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples proclame, en faveur des
peuples, « un droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur
développement » ; il en va de même pour l’article III.1 de la Convention africaine sur
la conservation de la nature et des ressources naturelles de Maputo (2003). En effet, on
ne peut espérer garantir un environnement satisfaisant global et propice au
développement sans énergie, source de motricité et de vitalité humaines.
D’abord apprivoisée par l’homme en tant qu’individu, l’énergie est devenue très vite
un enjeu pour des collectivités plus grandes et organisées. Étrangement, la
reconnaissance subjective qui met l’accent sur le titulaire du droit à l’énergie s’est faite
progressivement dans le sens inverse. Ainsi, lorsqu’est apparue l’idée du droit à
l’énergie, par une analyse déductive du cadre juridique international et africain, ce sont
d’abord les collectivités qui, les premières, ont émergé comme titulaires dudit droit.
Ensuite, le droit à l’énergie s’est étendu aux individus.
Le droit à l’énergie est d’abord un droit reconnu à l’État. Le droit de l’État à l’énergie
découle du principe de la souveraineté permanente des États sur leurs ressources
naturelles16. La résolution annexée à la Charte mondiale de la nature invite
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
13
Résolution A/67/215 du 21 décembre 2012, Promotion des sources d’énergie nouvelles
et renouvelables.
14
C. Krolik, op cit, p.12.
15
C. de Gromard « Le déploiement des transitions énergétiques dans les pays africains », Liaison
Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 40, www.ifdd.francophonie.org.
16
Le principe de la souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles dans une approche
économique a été énoncé par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1952 à travers la résolution
626 et plus tard en 1962 par la résolution 1803(XVII). Plusieurs textes de l’ONU ont réaffirmé ce
principe, notamment la résolution 3281 (XXIX) et les Pactes de 1966 relatifs l’un aux droits
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
économiques, sociaux et culturels, l’autre aux droits civils et politiques. En Europe, le traité de la charte
African Journal of Environmental Law
188
sur leurs ressources naturelles, à mener leurs activités compte tenu de l’importance
suprême de la protection des systèmes naturels, du maintien de l’équilibre et de la
qualité de la nature et de la conservation des ressources naturelles, dans l’intérêt des
générations présentes et à venir »17. Les énergies renouvelables apportent une nouvelle
dynamique à la coopération internationale en garantissant aux États leur indépendance
et leur sécurité énergétiques Contrairement aux énergies fossiles, « elles sont
disponibles sous une forme ou sous une autre dans la plupart des pays et zones
géographiques. Par conséquent, l’utilisation de l’énergie comme moyen d’influence
géopolitique se réduira, dans la mesure où de plus en plus de pays seront en mesure de
produire leur propre énergie »18. Les sources d’énergie renouvelables sont favorables à
une indépendance énergétique des communautés. D’une part, elles contribuent à
résorber la précarité énergétique de certaines populations, notamment celles des zones
défavorisées. D’autre part, elles affranchissent l’État des contraintes et pesanteurs de
la géopolitique et du marché international des énergies fossiles et du nucléaire.
Par conséquent, la substitution des énergies fossiles et du nucléaire par les énergies
renouvelables semble plus que jamais un moyen pérenne pour les États africains de
parvenir à la satisfaction de leurs besoins énergétiques et soutenir durablement leur
droit à l’énergie. La géographie continentale est d’ailleurs très riche en sources
d’énergies renouvelables, notamment un réseau hydraulique dense, un relief favorable
à l’éolien et un climat propice à l’exploitation photovoltaïque.
Spécifiquement, de nombreux États africains ont adopté des cadres juridiques régissant
les énergies renouvelables de manière directe21, ou incidente et connexe à travers
17
Résolution 37/7 (AG) du 28 octobre 1982.
18
M. El-Farnawany et A. Abdel-Latif, « Les renouvelables, une des priorités énergétiques futures pour
le climat et la sécurité dans le monde », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 34,
www.ifdd.francophonie.org.
19
Article 3.a et 3.h de la convention de la Commission africaine de l’énergie (Lusaka, 2001).
20
Sustainable Energy for All.
21
La Gambie a adopté le 1er janvier 2013 le Renewable Energy Act et l’Algérie une loi sur
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable le 14 août 2004. Au
Mali, l’Agence nationale des énergies renouvelables a été créée par une ordonnance du 1er octobre 2014.
189
notamment la maîtrise de l’énergie22, la production énergétique23 ou encore l’énergie
de manière générale24. Au Cameroun, l’avant-projet de loi sur les énergies
renouvelables s’inscrit dans le sillage de la loi sur le secteur de l’électricité adoptée en
2011 qui, libéralisant le marché de l’électricité, mentionne les sources d’énergie
renouvelables comme voie de production énergétique. Par ailleurs, cet État d’Afrique
centrale, en adoptant en 2021 sa Stratégie nationale pour le développement à l’horizon
2030, a fait de la filière biomasse un axe prioritaire de production énergétique pour les
neuf années à venir, démontrant ainsi la volonté des pouvoirs publics d’offrir aux
communautés une autonomie énergétique et une certaine reconnaissance du droit de
ces communautés à l’énergie.
Par ailleurs, la prise en compte des droits de l’homme a permis non seulement
d’assimiler les collectivités aux sujets du droit international, mais aussi de l’étendre
aux peuples. En effet, L’article 1er commun aux deux Pactes de 1966 dispose : « tous
les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources
naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique
internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En
aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance »25. Le
droit des peuples de jouir des ressources naturelles ainsi énoncé s’impose aux États. Ce
droit est également énoncé à l’article 21.1 et 3 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (CADHP). Celle-ci consacre en outre, à l’article 24, le « droit
des peuples à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ».
La Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones attribue à ces derniers,
en plus du droit de participation, celui de « posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et
de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur
appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux
qu’ils ont acquis »26. Aussi, avant la mise en œuvre de projets visant à affecter des
ressources comprises dans leurs terres, ces peuples doivent être consultés, éduqués,
informés et saisis, « notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou
l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres en particulier dans le
domaine énergétique »27.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Il en est de même au Sénégal (2013), à Maurice (2015) et au Burkina Faso (2016). La particularité de
l’agence burkinabé est l’extension de sa compétence à l’efficacité énergétique.
22
Par un décret du 21 décembre 2016, la Côte d’Ivoire a créé un Fonds national de la maîtrise de
l’énergie.
23
Lois togolaise (8 août 2018) et tunisienne (11 mai 2015) relatives à la production d’électricité à partir
des énergies renouvelables.
24
On peut citer ici les Seychelles (Energy Act du 18 décembre 2012) et le Kenya (Energy Act du 28 mars
2019).
25
Le même droit est reconnu aux peuples par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
notamment en son article 21.
26
Résolution adoptée le 13 septembre 2007, article 26.2.
27
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Kiara Neri commente l’article 32.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
190
Toutefois, le statut de peuples autochtones, même s’il garde une certaine pertinence
juridique en Afrique, est depuis la fin des années 1990 supplanté par la réalité de la
décentralisation à l’origine d’une restructuration administrative des États africains.
Cette configuration administrative a entraîné une redistribution des compétences entre
l’administration centrale et les administrations locales, impliquant un transfert de
compétences de la première vers les secondes. Considérant qu’au sein des États
africains « de nombreuses zones rurales sont très isolées et ont besoin de système
décentralisés »28, la réalisation de certains projets énergétiques est transférée aux
collectivités décentralisées, à condition que ces projets présentent certaines
caractéristiques, telles que la capacité énergétique installée ou les localités desservies.
L’autorité centrale reste néanmoins associée à la réalisation des projets, notamment
pour le suivi et la réception technique des ouvrages réalisés. Les sources d’énergie
renouvelables se prêtent bien à ce contexte de transfert de compétences. En fait, elles
permettent aux collectivités locales de disposer de réseaux énergétiques autonomes et
répondant à leurs besoins et en fonction des ressources disponibles, car les « peuples
poursuivent différents objectifs : la recherche d’un niveau de vie décent, la recherche
de l’argent et de pouvoir, la défense de leurs valeurs et de leurs idées »29.
28
Rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la promotion des sources d’énergies nouvelles et
renouvelables, A/67/318, 2012.
29
J.-M. Chevalier et P. Geoffron (Dir.), Les nouveaux défis de l’énergie. Climat-économie-géopolitique,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
191
santé, tels que l’eau et l’électricité, constitue une violation du droit à la jouissance du
meilleur état possible de santé mentale et physique30.
Il faut également noter que le Pacte relatif aux droits civils et politiques reconnaît à
toute personne le droit « à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y
compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’une
amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des
mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit […] ». De ce texte, on peut
déduire de manière évidente que le niveau de vie suffisant implique un droit au
logement31. Le logement ne se réduit pas à un abri, mais signifie un logement décent,
avec toutes les commodités nécessaires pour une vie épanouie, tel que l’accès aux
services énergétiques32.
Le droit à l’énergie ainsi déduit apparaît comme un critère du bien-être des personnes
logées. L’exemple de la France est édifiant : l’interruption de l’électricité, de la chaleur
et du gaz pendant la trêve hivernale y est interdite dans toute résidence principale. Il
s’agit là d’une évolution notoire puisque cette interdiction était auparavant limitée aux
personnes bénéficiant, ou ayant bénéficié dans les 12 mois précédents, d’une décision
favorable d’attribution d’une aide du fonds de solidarité pour le logement33. En
Afrique, les coupures intempestives d’électricité doivent été considérées comme des
atteintes au droit à l’énergie, sachant que la moitié des populations du continent vit en
deçà du niveau minimal et décent en termes de services énergétiques. La carence des
énergies traditionnelles ou la faible exploitation des énergies renouvelables sont
indexées comme la cause des nombreux délestages. La quantité d’énergie produite
étant insuffisante face à la demande, plusieurs projets sont nés dans le solaire,
notamment dans les zones tropicales, désertiques ou quasi-désertiques34. Des projets
30
Les plaintes étaient dirigées contre l’actuelle République démocratique du Congo : African
Commission on Human and Peoples’ Rights, Free Legal Assistance Group and Others v. Zaïre, comm.
n° 25/89, 47/90, 56/91, 100/93 (1995).
31
Le Comité des droits économiques sociaux et culturels a confirmé cette déduction dans son observation
générale 4 : « The human right to adequate housing, which is thus derived from the right to an adequate
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
standard of living, is of central importance for the enjoyment of all economic, social and cultural rights »
(A/1992/23). Voir à ce propos : K. Neri, op cit, p. 344.
32
Le droit au logement ne peut être considéré comme garanti que si le logement dont il est question est
doté de commodités et d’infrastructures adéquates. Dans les plans d’urbanisme, un terrain immobilier
ne peut être loti que s’il est doté de réseaux d’eau courante, d’une électrification et de routes, entre autres.
Le logement décent est donc celui qui offre, en plus du confort lié à l’espace, celui lié à l’habitation,
avec accès à l’énergie pour s’alimenter, se chauffer ou rafraichir l’atmosphère, pour s’éclairer, etc.
33
C. Krolik, « Un prélude en demi-teinte : à propos de la décision n° 2013-666 DC-loi visant à préparer
la transition vers un système énergétique sobre », Revue juridique de l’environnement, 2013/3 (volume
38), p. 426.
34
Le Maroc par exemple, non pourvu d’hydrocarbures, est devenu grâce à plusieurs parcs solaires le
3ème leader mondial de centrales électriques à puissance solaire. En effet, sur 100 projets existants dans
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
le monde, le Maroc en a développé 5. Il est ainsi le 3 ème État au monde à disposer d’installation CSP
(Concentrated Solar Power) et CSH (Concentrated Solar Heat) pour usage industriel et tertiaire.
192
hydrauliques d’envergure sont réalisés ou annoncés35. Cela dit, le défi qui transparaît
est celui d’une réelle transformation du cadre juridique africain afin de faire du droit à
l’énergie non pas un slogan, mais un véritable droit subjectif.
De prime à bord, le droit à l’énergie est un droit d’accès à l’énergie stricto sensu en
termes de consommation directe. Avec les sources d’énergie non renouvelables, le droit
d’accès reste assez restrictif pour le citoyen ordinaire. En effet, les sources d’énergie
non renouvelables, par leur nature minière, sont la propriété des États en vertu du
principe de leur souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Dès lors, en tant
que droit de l’homme et sous le prisme des énergies non renouvelables, l’individu ne
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
jouit que d’un droit d’accès à l’énergie finale37 et non d’un accès à la ressource. Grâce
aux énergies renouvelables, le droit africain de l’énergie peut se mouvoir sous un
double axe.
35
Sur le fleuve Congo, en République démocratique du Congo, le barrage de Grand Inga par exemple
permettrait de générer une puissance de 39 000 MW, s’ajoutant à Inga I (351 MW), Inga II (1424 MW)
et Inga III (4500 MW).
36
C. Krolik, op cit, p. 12.
37
L’énergie finale est celle qui parvient au consommateur et qui lui est d’ailleurs facturée. Ses quatre
vecteurs possibles sont les combustibles, les carburants, l’électricité et l’eau chaude. Voir B. Durand,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
193
D’abord, le droit d’accès s’étend de l’énergie finale à la source d’énergie, l’individu
pouvant jouir d’un droit d’accès au rayonnement solaire ou au vent 38. Cependant,
certaines sources d’énergie renouvelables, telles que la géothermie, ne se prêtent pas à
cette liberté d’accès. En effet, en matière de géothermie, le principe civiliste selon
lequel « la propriété du sol emporte celle du sous-sol » est mis en berne par la
reconnaissance à l’État de la propriété sur toute source géothermale. Ensuite, le droit
d’accès s’étend par l’intégration du droit d’exploitation et/ou de commercialisation
pour certaines sources d’énergies renouvelables. Ces droits ne sont pas totalement
libres, car les sources d’énergie ressortissent du domaine public et ne peuvent pas faire
l’objet d’un droit exclusif des individus, sauf en cas de concession ou d’autorisation
d’exploitation accordée par l’État. En matière de biomasse, « le principe de la liberté
d’entreprendre invite à penser qu’une telle activité puisse être accessible à tous les
opérateurs intéressés »39. Cette accessibilité est tout de même soumise à un ensemble
de conditions juridiques qui diffèrent d’un État à un autre. Le point commun étant la
nécessité d’obtenir des agréments ouvrant la voie à la production, à l’entreposage et à
la commercialisation des biocarburants par exemple dans le cas d’une exploitation à
but commercial. Cependant, la tendance générale est la liberté du droit d’exploitation
des sources d’énergie renouvelables lorsque l’énergie produite reste en deçà d’un
certain seuil40.
38
Le droit d’accès au rayonnement solaire ou au vent peut donc être protégé face au voisinage où la
proximité des bâtiments plus élevés est de nature à conditionner l’accès à ce rayonnement. Les voisins
peuvent se mettre d’accord sur l’établissement d’une servitude qui est un accord libre entre les parties
prenantes : A. J. Bradbrook, « Le développement du droit sur les énergies renouvelables et les économies
d’énergie », RIDC, vol. 47, n° 2, avril-juin 1995, p. 530.
39
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, Traité de droit des énergies renouvelables, 2e éd. Paris, LGDJ, Le
Moniteur, 2012, p. 128.
40
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
l’électricité soumet au régime de la déclaration les installations produisant entre 100 KW et 1 MW.
194
d’accès à l’énergie41. Encore faut-il que cette démocratisation du droit à l’énergie soit
perçue comme une situation juridiquement protégée.
Les instances régionales ont adopté des instruments de partenariat et de soutien aux
États pour la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables en vue d’accroître
l’offre énergétique et accroître in fine l’accès à l’énergie. Ainsi, en 2008, lors de la
conférence de Dakar sur l’énergie renouvelable, les États africains ont adopté une
déclaration visant la mobilisation de 10 milliards de dollars pour l’exploitation des
énergies renouvelables de 2009 à 2014. À Maputo en 2010, les ministres de l’énergie
se sont engagés à soutenir le programme de coopération régionale d’exploitation de
l’énergie géothermique en Afrique orientale, le potentiel de la vallée du Rift étant
évalué à près de 15 000 MW42. Ces différents engagements régionaux sont destinés à
impulser au sein des États la mise en place d’un cadre juridique propice à respecter,
protéger et soutenir43 le droit à l’énergie. Cette triple obligation a été posée par la
CADHP en matière des droits économiques, sociaux et culturels44. À l’analyse, le droit
régional, à l’image du droit international actuel, ne s’est pas encore doté d’instruments
contraignants capables d’imposer des obligations aux États afin de faire naître un droit
à l’énergie autonome bénéficiant d’une véritable portée juridique. Le droit régional
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
41
Les principaux bénéficiaires sont les ménages qui, en plus des réseaux nationaux, peuvent avoir des
sources autonomes et additionnelles d’énergie contribuant à leur garantir un droit à l’énergie et surtout
à réduire leur facture énergétique à moyen et à long termes.
42
M. J. Fanfil et A. Caton-Fourrat, Le droit de l’énergie en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 24.
43
Nous faisons nôtre cette triple obligation pesant sur les droits de l’homme, posée par J. E. Viñuales
reprenant les travaux de Henry Shue. Voir : J. E. Viñuales « Du non dosage du droit international : les
négociations climatiques en perspectives », Annuaire français de droit international, volume 56, 2010,
p. 468.
44
Social and Economic Rights Action Center and the Center for Economic and Social Rights v. Nigeria,
Communication CADHP 155/96, 15e rapport d’activité (2001-2002), §§ 45-46; F. Coomans “The Ogoni
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Case before the African Commission on Human and Peoples Rights”, ICLQ, vol. 52, n° 3, 208, pp. 749-
760.
195
africain procède essentiellement par des recommandations45 faites aux États de
respecter par exemple le droit au logement décent ou d’impulser le développement
d’une énergie durable. Le droit à l’énergie n’est déduit que de ces dispositions plus
générales. Ceci peut se justifier par la nature de droit-créance du droit à l’énergie.
Cette faiblesse normative explique l’absence d’une réelle portée juridique du droit à
l’énergie. Elle peut se justifier par le principe de la souveraineté permanente des États
sur leurs ressources naturelles. Toutefois, le droit conventionnel régional africain a la
capacité d’élever l’accès à l’énergie au rang de situation juridique à protéger, tels que
le droit à la santé ou le droit au logement. Pour ce faire, il faudrait parvenir à identifier
les motifs recevables en justice et pouvant soutenir une action intentée pour atteinte au
droit à l’énergie. La mutation du droit régional africain irradierait ipso facto les droits
nationaux. Le droit à l’énergie issu du droit régional africain orienterait par conséquent
l’action de l’État, notamment dans le sens de l’édiction et la mise en œuvre d’incitations
fiscales, de subventions à l’offre et à l’achat de l’énergie dans le secteur de
l’exploitation des sources d’énergies renouvelables. Ces mesures auront pour but d’agir
sur le coût et la qualité énergétiques et, partant, d’améliorer l’accès à l’énergie par les
populations, y compris les plus défavorisées. En Grande-Bretagne, le choc pétrolier des
années 1970 a favorisé l’institution de la Fuel Poverty46 (pauvreté énergétique) au
profit de certains ménages, mettant à la charge de l’État des obligations vis-à-vis de ces
ménages. En France, la loi NOME a fait de la qualité de service47 une mesure d’ordre
public s’appliquant autant aux consommateurs qu’aux fournisseurs48. La pauvreté
énergétique, tout comme la qualité de service, constituent désormais des motifs
d’action en justice pour contester une atteinte au droit à l’énergie.
45
Dans l’examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte
sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels
a engagé l’Australie « à prendre des mesures immédiates pour améliorer l’état de santé des autochtones,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
en particulier des femmes et des enfants, notamment en instaurant un cadre relatif aux droits de l’homme
qui garantit l’accès aux facteurs sociaux de la santé que sont le logement, l’eau potable, l’électricité et
un système efficace d’assainissement », E/C.12/AUS/CO/4 du 12 juin 2009, p. 8.
46
La pauvreté énergétique a été reconnue comme un problème social au début des années 1970 en
Grande-Bretagne lors de la forte augmentation du coût des énergies domestiques, en raison des chocs
pétroliers. Voir : C. Krolik, op cit, p. 153-154.
47
La loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010, prenant en
compte ces différents aspects, a étendu le contenu du droit d’accès à l’énergie (articles L.121-86 à 94).
48
La qualité de service renferme une pluralité d’éléments. Il peut s’agir de : la mise à disposition du
consommateur de toutes les informations permettant d’identifier le fournisseur d’énergie ; la nature
écrite et la disponibilité du contrat de fourniture d’énergie ; la possible modification du contenu dudit
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
échéance. Cependant, ces éléments ne trouvent aisément leur pertinence que dans un marché
concurrentiel de libéralisation du secteur de l’énergie.
196
certains États africains traduisent une volonté de conférer à ce droit une certaine
effectivité, il faut de solides garanties de justiciabilité pour qu’il puisse accéder au rang
des droits garantis devant les juridictions.
Bien que la mention du droit à l’énergie soit indirecte dans les instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l’homme, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est
l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Il constitue un objectif à atteindre dans un
monde en quête d’équilibre dans un contexte de crise énergétique et environnementale.
La lutte contre le réchauffement du climat et la sortie du nucléaire s’organisent
universellement dans le sens de la préservation du droit de chacun à l’énergie, ce qui
reste une équation à résoudre par l’inversion des courbes de production énergétique en
faveur des sources renouvelables. D’ailleurs, le cadre onusien de la SE4All considère
les énergies renouvelables comme un axe principal de garantie du droit à l’énergie. Du
coup, le droit africain doit être capable de saisir l’opportunité de la transition vers les
énergies renouvelables pour donner au droit à l’énergie un contenu juridique qui,
dépassant sa connotation incantatoire, en fasse une véritable prérogative juridique. Le
but, à terme, est d’offrir aux juges nationaux africains, à l’instar du juge français,
l’opportunité de statuer en faveur d’un arrêté communal interdisant la suspension de la
fourniture d’énergie et d’eau aux familles en difficulté économique et sociale49.
49
À Melun, le juge administratif a rejeté le recours en annulation d’un arrêté communal introduit par
Électricité de France et Gaz de France (TA Melun, 16 mai 2007). À Lyon, le juge administratif a, dans
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
le même sens, rejeté la requête du préfet du Rhône aux fins de suspension d’un arrêté communal contre
les coupures d’électricité, d’eau et de gaz de familles en difficulté (TA Lyon, 20 juin 2007).
197
LE DROIT SOLAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST :
ENTRE RÉGIONALISME, ÉTATISME ET
LIBÉRALISME
Habib Ahmed DJIGA
Docteur en droit public
UFR/Sciences juridiques et politiques, Université Thomas Sankara, Ouagadougou
Résumé
Les États ouest-africains ont donné une nouvelle orientation aux politiques
énergétiques à travers une transition vers les énergies renouvelables, particulièrement
l’énergie solaire. Au niveau régional, la CEDEAO et l’UEMOA ont élaboré des règles
communautaires axées sur la promotion des énergies renouvelables et le marché de
l’énergie solaire. Au niveau national, la plupart des États ont procédé à une
réorganisation du cadre institutionnel et législatif pour le renforcement des pouvoirs du
régulateur énergétique, la suppression de l’acheteur unique d’énergie électrique,
l’accès des tiers au réseau de transport électrique et l’adoption de mesures incitatives à
l’utilisation de l’énergie solaire. Se développe ainsi un droit solaire en Afrique de
l’Ouest qui reflète la volonté politique de promouvoir, d’une part, l’énergie solaire dans
le cadre régional, et d’autre part, l’initiative privée par la libéralisation du secteur de
l’énergie solaire. Le droit solaire se révèle être un droit de conciliation entre
régionalisme, étatisme et libéralisme, axé sur des règles promotrices d’un
développement véritable par le biais de l’accès universel aux énergies propres.
Mots clés : droit solaire, interventionnisme étatique, droit communautaire ouest-
africain, secteur privé, changements climatiques, développement durable.
Abstract
West African States have given new direction to energy policies through a transition to
renewable energy, particularly solar energy. At the regional level, ECOWAS and
UEMOA have developed community rules focused on the promotion of renewable
energy and the solar energy market. At country level, most States have reorganized the
institutional and legislative framework to strengthen the powers of the energy
regulator, for the elimination of the sole purchaser of electric energy, for third-party
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
access to the electric transmission network, and the adoption of incentives for the use
of solar energy. A solar law is thus developing in West Africa which reflects the
political to promote, on the one hand, solar energy in the regional framework, and on
the other hand, private initiative through the liberalization of the solar energy sector.
Solar law turns out to be one of reconciliation between regionalism, statism and
liberalism, based on rules promoting genuine development through universal access to
clean energies.
Keywords: solar law, State interventionism, West African community law, private
sector, climate change, sustainable development.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
199
Introduction
Pour pallier les défis énergétiques et maintenir le cap des ambitions économiques, les
États se ruent vers l’énergie solaire. La prise de conscience des avantages qu’elle
procure a ainsi conduit à l’élaboration d’un cadre juridique incitatif au solaire1. Au
regard de ses vertus écologiques, « l’engouement pour le solaire est devenu un fait
social, autant qu’une réalité juridique »2.
1
M. Prieur, « L’énergie et la prise en compte de l’environnement », Revue juridique de l’environnement,
3/1982, pp. 232-264 ; B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », Gazette du
palais, 19 janvier 2006, n° 19, pp. 19 et ss.
2
B. Petit, ibid., p. 18 ; voir aussi M. Prieur et al., Droit de l’environnement, 7ème éd., Paris, Dalloz, 2016,
p. 907.
3
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », Revue des juristes de Sciences Po, 8/2013, p. 62.
4
M. Lamoureux, « Le bien énergie », Revue trimestrielle de droit commercial, 2009, p. 239.
5
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 67.
6
Convention du 11 juillet 2001 relative à la création de la Commission africaine de l’énergie (Lusaka,
Zambie).
7
Protocole de la CEDEAO sur l’énergie adopté à Dakar (Sénégal) le 21 janvier 2003.
8
Loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies renouvelables au
Sénégal ; loi n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina
Faso ; loi n° 2016-05 du 17 mai 2016 portant code de l’électricité au Niger.
l’objet principal est d’encadrer l’usage de l’énergie solaire9, d’élaborer un ensemble de
règles de droit qui accompagne l’exploration, la production, l’importation,
l’exploitation, le transport, la distribution de l’énergie solaire10, draine alors en Afrique
de l’Ouest des règles internationales, communautaires et nationales, avec dans ses flots
un étatisme qui illustre l’attrait vers un monopole étatique dans le secteur et un
libéralisme qui affiche une prise de conscience que l’État ne peut tout faire.
La question du choix idoine et de son encadrement juridique se pose dès lors. Faut-il
privatiser ou nationaliser le secteur de l’énergie solaire ? L’État peut-il se désengager
des activités d’exploitation de l’énergie solaire au profit des acteurs privés ? Les règles
incitatives à l’intervention du secteur privé dans le solaire sont-elles pertinentes ? Les
règles communautaires promeuvent-elles ou dissuadent-elles le libéralisme dans le
secteur de l’énergie solaire ?
Il appert ainsi que le droit solaire en Afrique de l’Ouest est un droit auréolé par
l’étatisme (1) mais qui, de plus en plus, est nimbé d’un libéralisme certain (2).
9
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
13
Dictionnaire Le Robert.
201
et le respect de l’environnement »14. En Afrique de l’Ouest, à travers les règles qu’ils
élaborent, les États expriment individuellement leur omniprésence nationale dans le
secteur de l’énergie solaire (1.1) et affichent collectivement leur attachement au
régionalisme (1.2).
L’État encadre le domaine de l’énergie solaire par l’adoption d’actes particuliers. À cet
égard, il délivre les titres nécessaires à l’exercice des activités énergétiques. La
délivrance des licences de production et de vente d’électricité17, l’octroi des
concessions ou les autorisations d’exploitation des installations énergétiques18 relèvent
ainsi de la compétence étatique, plus spécifiquement du ministère en charge de
l’énergie. L’État exerce également une mission de planification. À cet effet, il détient
un pouvoir d’orientation dans le domaine de l’énergie solaire, par l’élaboration des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
14
C. Krolik, « Un code primeur pour la naissance du droit de l’énergie », op. cit., p. 486.
15
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, thèse de droit,
Université de Bordeaux, 2019, p. 12.
16
Loi d’orientation sur les énergies renouvelables de 2010 au Sénégal ; loi n° 2014-132 du 24 mars 2014
portant code de l’électricité en Côte d’Ivoire ; loi n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant
réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso ; loi n° 2016‐05 du 17 mai 2016 portant code
de l’électricité au Niger ; ordonnance n° 00-019/P-RM du 15 mars 2000 portant organisation du secteur
de l’électricité au Mali.
17
Décret n° 2017-1012/PRES/PM/ME/MCIA/MINEFID du 26 octobre 2017 portant conditions et
modalités d’octroi des licences ou autorisations de production d’énergie électrique au Burkina Faso.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
18
African Journal of Environmental Law
Article 24 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 portant loi d’orientation du secteur de l’électricité au
Sénégal.
202
politiques sectorielles, la planification stratégique et le suivi-contrôle des activités du
secteur de l’énergie solaire19.
L’État peut aussi intervenir par la régulation qui « repose sur l’idée selon laquelle la
satisfaction de certains besoins collectifs ne peut pas être garantie par le seul marché et
sans intervention de la puissance publique »20.
19
Article 7 de la loi portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso ; ordonnance n° 00-
019/P-RM du 15 mars 2000 portant organisation du secteur de l’électricité au Mali ; article 7 du code de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
l’électricité du Niger.
20
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 17.
21
G. Marcou, « La notion juridique de régulation », Actualité Juridique. Droit Administratif, 2006, p.
347.
22
Articles 43 et ss du code de l’électricité de la Côte d’Ivoire ; article 8 de la loi
portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso.
23
B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », op. cit., p. 20.
24
Loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz en France ; loi n° 49-1090 du 2 août
1949 et décret n° 55-562 du 20 mai 1955 sur les rapports entre Énergie de France (EDF) et Gaz de France
(GDF) et les producteurs autonomes d’énergie électrique.
25
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 23.
26
Décret n° 2018-0857/PRES/PM/ME/MINEFID portant approbation des statuts de la Société nationale
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Malgré son potentiel naturel, l’Afrique n’arrive pas à dynamiser son développement
économique à cause du déficit énergétique28. Elle est ainsi « à la fois un géant
énergétique par les ressources dont elle dispose, et un “nain électrique” par les capacités
réelles sur lesquelles elle peut s’appuyer aujourd’hui pour soutenir son
développement »29. Face à cette situation, les États africains ont initié des mesures pour
identifier les problèmes énergétiques du continent et pour les résoudre30. C’est dans ce
contexte que la Commission africaine de l’énergie (AFREC) a été créée pour aider les
États à juguler la crise énergétique avec en ligne de mire le développement et
l’utilisation durables et écologiquement rationnels de l’énergie31.
28
Le continent africain produit 12,4 % du pétrole, 7 % du gaz et 4,3 % du charbon de la planète. Il
dispose d’un fort potentiel en énergies renouvelables. Voir : Agence française pour le développement et
Banque africaine de développement, L’énergie en Afrique à l’horizon 2050, Paris, 2009.
29
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 65.
30
Plan d’action de Lagos de l’Organisation de l’unité africaine 1980 ; voir aussi J. Kamga et A. Amadou,
ibid., p. 65.
31
Convention du 11 juillet 2001 portant création de la Commission africaine de l’énergie.
32
Le Traité de la CEPA a été adopté à Abuja le 3 juin 1991.
33
Article 54.2 du Traité de la CEPA.
34
Il s’agit du Comité maghrébin de l’électricité, du South Africa Power Pool, du West Africa Power
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
Pool, du Pool énergétique de l’Afrique centrale et du Est Africa Power Pool. Voir : J. Kamga et A.
African Journal of Environmental Law
204
approvisionnement en énergie électrique principalement » et, d’autre part, « de mettre
en place des programmes spécifiques ayant pour vocation de faciliter et d’améliorer
l’intégration totale des systèmes d’énergie en Afrique »35. Ces pools attestent
l’affirmation intégrationniste de la promotion de l’énergie solaire.
L’action de la CEDEAO se fonde sur l’article 28 de son Traité révisé de 1993, qui
engage les États membres à « promouvoir le développement des énergies nouvelles et
renouvelables notamment l’énergie solaire dans le cadre de la politique de
diversification des sources d’énergie ». C’est dans ce registre que le Protocole sur
l’énergie a été adopté le 21 janvier 2003. Il vise, entre autres, à promouvoir le
développement et l’utilisation des sources d’énergies renouvelables et l’emploi de
technologies et de moyens techniques qui réduisent la pollution. Dans la même optique,
conscients que « les solutions d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique
peuvent résoudre les défis liés à l’atténuation du changement climatique de manière
simultanée et efficace dans la région », les États ont adopté une politique en matière
d’énergies renouvelables39 préconisant de développer un cadre juridique cohérent,
efficace et flexible qui puisse inciter à la production d’énergies renouvelables. D’où
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
39
Acte additionnel A/SA.3/07/13 du 18 juillet 2013 sur la politique d’énergies renouvelables de la
CEDEAO.
205
2. Le droit solaire, un droit progressivement nimbé de
libéralisme
L’édiction des normes qui encadrent l’usage de l’énergie solaire s’oriente de plus en
plus vers le libéralisme défini comme la « Doctrine selon laquelle la liberté
économique, le libre jeu de l’entreprise ne doivent pas être entravés »40. L’on assiste
progressivement à une privatisation de la gestion de l’énergie solaire41, avec un
équilibre entre étatisme et libéralisme, à travers l’encadrement de la participation du
secteur privé (2.1). Mais des obstacles se dressent face au choix libéral (2.2).
40
Dictionnaire Le Robert.
41
B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », op. cit., p. 20.
42
Ibid.
43
Lettre du 16 octobre 2002 de la Commission de l’Union européenne invitant la France à présenter ses
observations concernant les subventions accordées à l’établissement public EDF. Voir : M. Fall, Les
partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 14.
44
Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises
électriques et gazières ; loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
développement du service public de l’électricité ; loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
45
Directive C/DIR/1/06/13 du 21 juin 2013 sur l’organisation du marché régional de l’électricité.
206
d’électricité qui soient attrayantes, donc favorables à l’investissement privé et au
libéralisme46.
Les législations nationales sont imprégnées de cet esprit libéral. En effet, elles
consacrent la libéralisation de la production et de la distribution de l’énergie électrique,
dont celle de source solaire. Elles libéralisent également l’achat de l’électricité. Les
opérateurs historiques, qui font partie de l’appareil d’État, ne sont donc plus l’acheteur
unique de l’électricité.
L’État assure la protection des intérêts des investisseurs d’abord par l’établissement de
garanties de stabilisation juridique, fiscale et douanière. Ces garanties visent à prémunir
les investisseurs privés d’une nationalisation du secteur de l’énergie, d’une
expropriation ou d’une modification unilatérale des contrats51.
La protection des intérêts des investisseurs privés se manifeste ensuite par l’adoption
de mesures fiscales et douanières incitatives. En effet, la plupart des pays d’Afrique de
l’Ouest accordent des avantages aux entreprises prévus par le code des investissements.
La finalité de ces avantages est d’attirer les investisseurs et de les inciter à contribuer
au développement économique et social. Il s’agit essentiellement de l’exonération de • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
46
Article 7 (2) b et c de la directive du 21 juin 2013.
47
Article 61 de la loi burkinabè sur l’énergie. Voir : M. A. Daffé, « Introduction aux aspects juridiques
des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique au Sénégal », in F. Caille et M. Badji (dir.), Du
soleil pour tous. L’énergie solaire au Sénégal : un droit, des droits, une histoire, Québec, Éditions
science et bien commun, 2018.
48
Article 25 de la loi burkinabè sur l’énergie ; ordonnance malienne relative à l’organisation du secteur
de l’électricité.
49
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 33.
50
Ibid.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
51
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 69.
207
la TVA et de certains droits de douane, ou encore des exonérations fiscales et
douanières en faveur du solaire52.
52
Article 52 du code de l’électricité nigérien ; article 57 de la loi portant réglementation du secteur de
l’énergie au Burkina Faso. Voir : B. Sarr et F. Caille, « Moins de taxes pour plus de solaire ? Pluralité et
poids des droits fiscaux et taxes sur les matériels énergétiques solaires au Sénégal depuis l’entrée en
vigueur en 2000 du TEC de l’UEMOA », in F. Caille et M. Badji, Du soleil pour tous …, op. cit.
53
G. Magrin, « L’Afrique subsaharienne face aux famines énergétiques », EchoGéo 2007.
54
Dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet social d’acquisition du matériel solaire à crédit pour les
ménages et les PME-PMI, une exonération a été accordée aux entreprises prestataires par l’arrêté
n° 2020-033/ME/MINEFID/MCIA du 16 mars 2020.
55
C. de Gouvello et Y. Maines, L’électrification rurale décentralisée : une chance pour les hommes, des
techniques pour la planète, Paris, Systèmes solaires, 2002, p. 303.
56
B. Sarr et F. Caille, « Moins de taxes pour plus de solaire ? Pluralité et poids des droits fiscaux et taxes
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
sur les matériels énergétiques solaires au Sénégal depuis l’entrée en vigueur en 2000 du TEC de
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
208
2.2.2. La surbrillance de l’étato-centrisme
Malgré l’expression étatique des prémisses d’un esprit libéral, force est d’admettre que
l’État maintient une place importante dans le secteur de l’énergie. Cette surbrillance de
l’étato-centrisme se manifeste d’abord par la réaffirmation du principe de la
souveraineté étatique sur les ressources naturelles58.
Elle se manifeste ensuite par l’imposition des obligations de service public aux acteurs
privés, qui doivent veiller au respect des principes d’égalité, de continuité et
d’adaptation du service public.Il convient enfin de souligner la présence de l’État dans
la gestion des sociétés d’électricité. Certains pays, en effet, détiennent soit la majorité,
soit la totalité du capital des sociétés d’État59. Toute chose qui, dans un contexte de
libéralisme, entrave le fonctionnement d’un marché ouvert et concurrentiel.
Pour terminer, une boutade nous interpelle : « À force de tout vendre au privé, on sera
privé de tout ». Prononcée lors d’une manifestation contre la privatisation de l’énergie
en France, elle résume les enjeux des choix opérés dans un secteur aussi stratégique
que vital. Somme toute, régionalisme, étatisme ou libéralisme, il appert qu’un véritable
droit solaire émerge progressivement et nourrit la réflexion sur sa codification60.
58
Selon la Déclaration d’Addis-Abeba du 3 février 2009 sur le développement des infrastructures de
transport d’énergie en Afrique, les États africains s’engagent à défendre « énergétiquement,
continuellement et solidairement le droit imprescriptible de souveraineté et de contrôle des pays africains
sur leurs ressources naturelles ».
59
Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal.
60
C. Krolik, « Un code primeur pour la naissance du droit de l’énergie », op. cit., pp. 483-491 ; P.
Sablière, « Quel code pour le droit de l’énergie ? », Actualité Juridique. Droit Administratif, 2008, pp.
1302-1309 ; P. Sablière, « Un code en manque d’énergie », Actualité Juridique. Droit Administratif,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
2011, pp. 1427 et ss. ; M. A. Daffé, « Introduction aux aspects juridiques des énergies renouvelables et
African Journal of Environmental Law
209
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET PROTECTION DE
L’ENVIRONNEMENT DANS LA COOPÉRATION
ÉCONOMIQUE AU SEIN DE LA SOUS-RÉGION DES
GRANDS LACS EN AFRIQUE
Didier MURHULA AMULI
Chercheur associé à l’Université catholique de Bukavu, Faculté de droit
Résumé
Cette contribution est consacrée au plaidoyer en faveur de la prise en compte des liens
serrés entre l’exploitation énergétique et la dégradation environnementale pouvant en
découler, dont notamment les changements climatiques, dans la sous-région des Grands
Lacs. Elle s’intéresse également à l’importance particulière de la transition énergétique
dans cet espace. Après avoir examiné le cadre juridique et institutionnel se rapportant
à l’exploitation énergétique ainsi qu’à la transition énergétique, elle constate que la
protection de l’environnement est oubliée par le législateur communautaire. Elle
propose ainsi une intervention croissante des États membres de la sous-région des
Grands Lacs en vue d’une reforme juridique et institutionnelle et, partant, d’un
changement de la donne.
Mots clés : exploitation énergétique, transition énergétique, institutions, cadre
normatif.
Abstract
This contribution is devoted to advocating for the consideration of the close links
between energy exploitation and the environmental degradation that may result from
it, including climate change, in the Great Lakes subregion. It also underscores the
particular importance of the energy transition in this area. After examining the legal
and institutional framework related to energy use and energy transition, it notes that
environmental protection has been forgotten by the Community legislator. Thus, it
proposes an increasing intervention of the Member States of the Great Lakes subregion
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
with a view to a legal and institutional reform and, therefore, to a change in the
situation.
Keywords : energy exploitation, energy transition, institutions, legal framework.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
211
Introduction
La sous-région des Grands Lacs en Afrique est vulnérable aux dommages
environnementaux découlant de l’exploitation énergétique en raison du déficit des
moyens de restauration de la qualité de l’environnement de la part des États. Ces
dommages peuvent ainsi affecter négativement la santé publique et, partant, le bien-
être des citoyens de cette sous-région. L’Afrique des Grands Lacs est constituée des
pays qui bordent les lacs Victoria, Tanganyika, Albert, Édouard, etc. Ces lacs sont
considérés comme grands en raison notamment de leur profondeur et de leur superficie.
Les pays qui les bordent sont la République démocratique du Congo (RDC), le Burundi,
le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda. Cette région se caractérise notamment par sa
population dense et l’abondance de ses ressources naturelles (la fertilité des sols, la
disponibilité de l’eau) favorisant une bonne productivité animale et végétale1.
En effet, le bois constitue la première source d’énergie à laquelle recourent les citoyens
de l’Afrique des Grands Lacs. Son exploitation à des fins énergétiques contribue au
déboisement, dont la part dans les changements climatiques n’est pas des moindres.
En outre, du fait des combustions qui résultent de ces diverses utilisations, la production
énergétique dans l’Afrique des Grands Lacs cause d'importantes pollutions
atmosphériques et thermiques. Ces pollutions sont engendrées, lors de la production de
l’électricité, du fonctionnement des appareils thermiques, de la circulation routière,
etc.3
Grands Lacs. Il s’agit du « passage d’un système énergétique reposant lourdement sur
l’utilisation des énergies fossiles (le pétrole, le charbon et le gaz naturel), vers un
bouquet énergétique donnant la part belle aux énergies renouvelables et à l’efficacité
1
J.-P. Chrétien, L’invention de l’Afrique des Grands Lacs : une histoire du XXe siècle, Paris, Karthala,
2010, p. 12.
2
C. Ngo, « Impacts de l’énergie sur l’environnement - illustrations sur quelques exemples », in
Ressources énergétiques et stockage, 2017, p. 1, www-techniques-ingenieur-fr-base-documentaire-
energies-th4-energie-economie-et-environnement-42593210-impacts-de-l-energie-sur-l-
environnement-be7900-.pdf.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
3
M. Junior Fanfil et A. Canton-Fourrat, Le droit de l’énergie en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2015, p.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
1.
212
énergétique »4. Elle implique la prise en compte de l’environnement dans les politiques
et stratégies d’exploitation de l’énergie.
4
S. Faucheux et M. O’connor, « Économie circulaire & solidaire: l’opportunité africaine », Liaison
Énergie-Francophonie, n° 107, pp. 20-23, p. 20.
5
Commission économique pour l’Afrique, Politique de coopération régionale pour le développement
des énergies renouvelables en Afrique du Nord, Publications des Nations Unies, décembre 2013, p. 1.
6
Il s’agit principalement des traités constitutifs des différentes communautés économiques de cette sous-
région, dont la Communauté économique de pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté de
l’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Communauté pour le développement des États d’Afrique australe (SADC), ainsi que le Marché commun
de l’Afrique de l’Est et du Sud (COMESA).
213
droit a permis d’évaluer les pratiques effectives des institutions en matière de transition
et d’efficacité énergétiques, tant il est vrai qu’il revient à ces institutions d’œuvrer à la
mise en œuvre d’un système énergétique propre.
L’intérêt de cette contribution est indéniable tant elle plaide en faveur de l’adoption de
normes juridiques adéquates et de la mise en place d’institutions efficaces en vue de
l’intégration des préoccupations environnementales dans le domaine de l’exploitation
énergétique dans la coopération économique au sein de la sous-région des Grands Lacs.
Ces normes pourraient constituer un puissant outil, à la disposition des acteurs de
l’intégration sous-régionale, afin de mieux garantir la protection juridique contre les
dommages environnementaux résultant de l’exploitation énergétique.
Avec cette partie introductive ainsi que la conclusion, cet article tourne autour de deux
points. Le premier examine les lacunes du droit communautaire de la sous-région des
Grands Lacs en matière de protection de l’environnement dans le domaine de
l’exploitation énergétique. Le second revient, pour sa part, sur les perspectives en vue
du renforcement de la transition énergétique et de la protection de l’environnement
dans la sous-région des Grands Lacs.
économiques régionales7. Ainsi que nous l’avons souligné supra, les communautés
économiques de la sous-région des Grands Lacs œuvrent au renforcement de la
coopération en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.
Afin de renforcer l’intégration énergétique régionale, elles doivent adopter des normes,
élaborer des politiques et stratégies efficaces en vue d’asseoir une exploitation
énergétique qui n’aura pas d’impact négatif sur l’environnement. Le cadre juridique
relatif à l’exploitation énergétique connaît des insuffisances sur la connexion énergie-
7
O. Gbaguidi, « Cinquante ans d’intégration régionale en Afrique : un bilan global », Techniques
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
214
climat. Toutefois, l’exploitation énergétique demeure d’une importance indéniable en
vue de la réussite de l’intégration régionale. Nous nous appesantirons sur l’analyse de
ces lacunes tant sur le plan normatif (1.1) que sur le plan institutionnel (1.2).
Ce rôle découle de l’article 106, al. 1, du Traité du COMESA. Aux termes de cette
disposition, « les États membres reconnaissent que la disponibilité suffisante de
l’énergie à des prix compétitifs est une condition préalable du développement
économique, et que pour garantir l’approvisionnement en énergie de tous les États
membres à des prix compétitifs, il est nécessaire de développer les ressources
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Cette disposition conforte le lien que nous avons établi entre l’exploitation énergétique
et la réussite de l’intégration régionale. En effet, l’énergie est à la base de tout. Elle
permet l’exploitation de l’eau potable, le fonctionnement des moyens de transport, des
hôpitaux, des écoles, des logements décents, etc.8 Elle permet ainsi de faciliter la
circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein des différentes
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
8
J. Reilly, « Énergie et développement dans les pays émergents », Revue d’économie du développement,
vol. 23, n° 3, 2015, pp. 19-41, p. 19.
215
communautés. Elle est même importante pour l’atteinte de la dernière étape du
processus de l’intégration régionale se caractérisant par la mise en œuvre des politiques
sociales communes.
Ceci constitue déjà une avancée vers la transition énergétique sous-régionale en ce sens
que l’hydroélectricité dont font mention ces deux dispositions constitue un mode de
production énergétique plus respectueuse de l’environnement. Nous y reviendrons dans
les développements suivants.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
9
Adopté à Gisenyi le 31 janvier 1982.
216
de mettre en valeur les ressources énergétiques de la communauté, promouvoir les
énergies renouvelables dans le cadre de la politique de la diversification des sources
d’énergie ».
Il en ressort que le terme « environnement » désigne les ressources naturelles que sont
l’air, l’eau, la terre, la faune, la flore, les écosystèmes, les sols, les caractéristiques
physiques créées par l’homme, l’héritage culturel, les aspects caractéristiques de la
nature et l’interaction socioéconomique entre lesdits facteurs et les organismes vivants
et non vivants. La production énergétique peut résulter de la mise en valeur de ces
ressources, dont notamment l’eau pour ce qui est de l’hydroélectricité.
L’environnement se trouve ici protégé par le fait que l’exploitation de ces ressources
est calquée sur le modèle de développement durable. Ceci implique un régime
d’utilisation de ces ressources qui soit écologiquement sain, économiquement viable et
socialement acceptable10. Toutefois, il s’agit d’une mesure de protection trop générale,
ne rencontrant pas les spécificités des dommages environnementaux pouvant découler
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
de l’exploitation énergétique.
10
R. Romi, Droit de l’environnement et du développement durable, Paris, LGDJ, 2016, p. 15.
217
électrique ainsi que l’exploitation des carburants fossiles et des sources d’énergie
nouvelles et renouvelables ; b) la planification conjointe, la formation, la recherche et
l’échange d’informations sur l’exploration, l’exploitation, le développement et
l’utilisation des ressources énergétiques disponibles ; c) le développement d’une
politique intégrée d’électrification rurale ; d) le développement d’un réseau
d’interconnections électriques entre États membres ; e) la construction de gazoducs et
d’oléoducs ; et f) toute autre mesure visant à fournir de l’énergie à un prix abordable
aux populations des États membres en ne perdant pas de vue la protection de
l’environnement telle qu’elle est prévue par le présent traité ».
Cette disposition insiste beaucoup plus sur l’accès des citoyens de la communauté à
l’énergie. La recommandation est faite aux États de migrer vers l’utilisation des
énergies nouvelles et renouvelables. Ce n’est qu’à la fin qu’on demande aux États de
ne pas perdre de vue la protection de l’environnement. Ainsi, à l’instar de la disposition
précédemment commentée, celle-ci ne définit pas les mesures de protection que les
États sont appelés à adopter.
En outre, l’article 112, al. 1, point c, sur la gestion de l’environnement impose aux États
de mettre au point des mesures en vue de contrôler l’air, la pollution terrestre et
aquatique provenant des activités de développement. Ces mesures, dont l’adoption est
encore renvoyée aux États, sont bonnes pour résorber les dommages environnementaux
pouvant découler de l’exploitation énergétique.
Nous focalisons notre attention ici sur deux grandes institutions mises en place dans
l’Afrique des Grands Lacs en vue d’accompagner l’idéal de la transition énergétique,
en raison de l’inaccessibilité du droit dérivé d’autres communautés économiques qui
pourraient en prévoir d’autres. Il s’agit de la société internationale d’électricité dans la
sous-région des Grands Lacs (SINELAC) ainsi que du pool énergétique de l’Afrique
centrale.
En ce qui concerne la SINELAC, elle est une institution spécialisée de la CEPGL. Elle
constitue un réseau d’échange de l’énergie dans un cadre mieux organisé dans l’espace
Grands Lacs. La SINELAC a été créée conformément à l’article 3 de la Convention
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
218
objectifs, les États membres s’engagent solennellement à mettre en œuvre des solutions
appropriées aux problèmes posés notamment par la création des organismes et services
communs, la signature d’ententes, d’accords ou de conventions ». C’est donc une
solution institutionnelle à la mise en œuvre de la coopération en matière énergétique
dans l’espace CEPGL en ce sens qu’elle est censée favoriser la promotion de
l’hydroélectricité.
Pour ce qui est du pool énergétique de l’Afrique centrale, c’est un organisme spécialisé
de la CEEAC. Il est chargé de la mise en œuvre de la politique énergétique, du suivi
des études et de construction des infrastructures communautaires et de l’organisation
des échanges de l’énergie électrique et des services connexes dans l’espace CEEAC.
C’est une réponse efficace au problème de la sous-électrification et aux déficits
chroniques d’énergie électrique en Afrique centrale.
Cette commission a été créée par l’article 1, point 4, du premier protocole additionnel
à la Convention du 20 septembre 1976 portant création de la CEPGL, relatif à la
création et à l’institutionnalisation des commissions techniques spécialisées de cette
communauté12. Au nombre des commissions créées figure « la Commission technique
spécialisée des Travaux Publics, des Transports, des Communications et de l’Énergie ».
Après avoir abordé la pertinence de cette commission en matière de transition
énergétique et de protection de l’environnement, nous allons par la suite analyser les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
11
D. Muhinduka Di-Kuruba, Gestion additive, biens publics et fourniture de l’électricité dans la région
de Bukavu, République démocratique du Congo, thèse de doctorat, Université catholique de Louvain,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
2010, p. 16.
12
Adopté et signé à Bujumbura le 9 septembre 1977.
219
Au niveau de la composition : il ressort de l’article 2 du premier protocole à la
Convention de Gisenyi que « chaque Commission comprend au moins un ministre ou
commissaire d’État de chacun des États membres. Les Ministres et Commissaires
d’État peuvent être assistés par des Conseillers ».
Cette représentativité des ministres des États intervenant dans le domaine de l’énergie
assure que les problèmes et préoccupations de l’un ou l’autre État seront pris en compte
dans la définition des stratégies et priorités en matière énergétique. Toutes choses qui
contribuent au renforcement de l’intégration énergétique régionale et, partant, au
développement équilibré des États au sein de la sous-région des Grands Lacs.
Cette évaluation périodique est aussi bonne pour assurer que l’exploitation énergétique
n’aura aucune prise sur l’environnement. Elle est intéressante en ce sens qu’elle permet
de s’imprégner des éventuels dommages ayant été portés à l’environnement du fait de
l’exploitation énergétique, ce qui est bon pour l’adoption des mesures d’atténuation.
Malheureusement, ces attributions ne sont pas conférées à la commission de façon
claire et précise.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
220
Il est ainsi important que les États membres de la CEPGL pensent à sa mise en place,
étant donné sa pertinence en matière de la transition énergétique. C’est en réalité sous
cette condition que son apport pourra être affecté à la protection de l’environnement en
matière énergétique.
221
fondamentaux (cuisson, repassage, chauffage), avec des méthodes de production,
d’approvisionnement et de conversion peu efficaces et généralement non durables13.
C’est dans ces perspectives que l’ODD 7 pourra être atteint dans la sous-région des
Grands Lacs. Pour rappel, l’ODD 7 vise à « garantir l’accès de tous à des services
énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable ». Il comporte trois
cibles à l’horizon 2030, à savoir garantir l’accès de tous à des services énergétiques
fiables et modernes, à un coût abordable ; accroître nettement la part des énergies
renouvelables dans le bouquet énergétique mondial ; ainsi que multiplier par deux le
taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique.
mentionné que « les cadres d’action régionaux et sous-régionaux peuvent en effet aider
à traduire plus efficacement des politiques de développement durable en mesures
concrètes au niveau national »17.
13
R. Katy, Importance économique et usages des énergies dans l’Afrique des Grands Lacs, Rapport,
Ligue des organisations de la société civile intervenant dans le domaine de l’énergie dans la région des
Grands Lacs, inédit, 2019, p. 12.
14
N. Shuku Onemba, « La bioénergie durable : un facteur de transition énergétique en République
démocratique du Congo », Liaison Énergie-Francophonie, n° 107, 2018, pp. 52-60, p. 53.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
15
D. Muhinduka Di-Kuruba, op. cit, p. 3.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
16
N. Shuku Onemba, op cit, p. 53.
17
Paragraphe 19 du Programme de développement durable.
222
2.2.2. L’adoption d’une politique d’efficacité énergétique dans
l’Afrique des Grands Lacs
Cette politique doit viser trois options fondamentales, à savoir l’efficacité énergétique,
le développement des infrastructures énergétiques ainsi que les énergies renouvelables,
tout en prenant en compte les mesures de prévention, d’atténuation ou de correction
des dommages sur l’environnement. Il s’agit donc d’une politique de promotion de
l’accès universel à l’énergie dans le strict respect de la protection de la nature.
Ceci comportant des effets néfastes sur le bien-être, il est important que des mesures
nécessaires de correction soient prises dans le cadre de la politique énergétique. Il s’agit
des mécanismes pouvant permettre la constatation des défis écologiques posés par la
production et la consommation de l’énergie. C’est en cela que réside l’efficacité de la
politique énergétique19. Pour ce faire, une collaboration nécessaire mérite d’être
effectuée entre différentes communautés économiques en vue d’une coordination
efficace des politiques et de la définition d’une politique sous-régionale commune.
Conclusion
Au terme de ce tour d’horizon sur l’analyse des dimensions normatives et
institutionnelles de l’interface énergie-environnement dans la sous-région des Grands
Lacs, nous affirmons qu’une intervention croissante des États en vue d’une exploitation
énergétique propre est indispensable. Les États doivent se réunir en vue de définir les
normes et institutions efficaces se rapportant à la transition énergétique. En outre, une
coopération intercommunautaire est nécessaire en vue de l’adoption d’une politique
énergétique sous-régionale commune prenant à cœur la nécessité de la protection de
l’environnement.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Le fondement de cette intervention réside, d’une part, dans la carence des normes
juridiques qui tiennent compte de la connexion énergie-environnement ainsi que des
politiques et stratégies de l’utilisation de l’énergie d’une manière respectueuse de la
nature. D’autre part, elle se fonde sur le fait qu’il convient d’activer les mécanismes
institutionnels nécessaires en vue de la concrétisation de l’idéal de la production des
énergies propres et fiables.
18
C. Ngo, op. cit, p. 2.
La protection de l’environnement par les juridictions
19
africaines : avancées nationales et régionales
223
LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIES DANS LE
CADRE DU MÉCANISME POUR UN DÉVELOPPEMENT
PROPRE : UN GAGE DE L’USAGE DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Parfait OUMBA
Maître de conférences en droit international et chef adjoint du département de droit
public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université catholique
d’Afrique centrale
Résumé
Le transfert de technologies vers les pays en développement dans le cadre du
mécanisme pour un développement propre est considéré comme un des moyens les plus
efficaces et les plus équitables pour lutter contre les changements climatiques. La
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de
Kyoto et même l’Accord de Paris qui s’y rattachent contiennent plusieurs dispositions
visant à encourager ce transfert. Toutefois, le transfert et la diffusion des technologies
vertes vers les pays en développement dans le cadre du mécanisme pour un
développement propre n’ont pas connu d’accélération notable même après l’entrée en
vigueur de l’Accord de Paris. Partant, comment comprendre les obstacles rencontrés
par le régime des changements climatiques dans la promotion du transfert de
technologies que prévoit le droit international afin d’améliorer la situation ?
Abstract
Technology transfer to developing countries within the framework of the Clean
Development Mechanism is considered to be one of the most effective and equitable
means to combat climate change. The United Nations Framework Convention on
Climate Change, and its associated Kyoto Protocol and Paris Agreement, contain
several provisions designed to encourage such transfer. However, the transfer and
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
225
Aux termes de l’article 12.2 du Protocole de Kyoto, « L’objet du mécanisme pour un
développement "propre" est d’aider les Parties ne figurant pas à l’annexe I à parvenir à
un développement durable ainsi qu’à contribuer à l’objectif ultime de la Convention,
et d’aider les Parties visées à l’annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de
limitation et de réduction de leurs émissions ».
La construction d’une centrale électrique utilisant des énergies propres à la place par
exemple du charbon entraîne le transfert de technologies modernes moins polluantes,
donc protégeant l’environnement, et peut permettre à l’industrie de gagner en efficacité
dans sa production.
Le secteur énergétique peut capter de ce fait une grande quantité de projets pouvant
favoriser le transfert de technologies propres, avec notamment les projets de promotion
des énergies renouvelables comme l’éolienne, la photovoltaïque, l’hydroélectrique, etc.
La substitution d’énergie, l’efficacité énergétique, la modernisation des facteurs de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
226
déchets a conduit à la création des centres d’enfouissement techniques (CET) en
remplacement des grandes décharges qui portent de graves atteintes à l'environnement.
Ces projets, entre autres, participent de manière active, par le transfert de technologies,
au développement durable dans ces pays par la création d’emplois, la protection de
l’environnement et le développement économique qui se traduit par des industries plus
adaptées, à l’image de leur pays, et donc plus compétitives. Le transfert de technologies
propres s’accompagne d’importants financements pour les pays du Sud grâce au MDP.
Partant, le problème de droit qui se pose dans cette réflexion est celui de la mise en
application du transfert de technologies dans le cadre de la pratique du mécanisme pour
un développement propre. Il s’agira donc d’envisager, dans un premier moment, les
recommandations du droit international (1) à ce propos et, par la suite, la mise en œuvre
de ce transfert sur le plan pratique (2).
Mais l’étape majeure a été franchie en 2010 lors de la COP 16 à Cancun, qui a établi le
« mécanisme technologique », une structure de coordination composée de deux
éléments :
- un organe politique, appelé comité exécutif des technologies, ayant pour mandat de
soutenir la conception et la coordination de programmes d’action visant à favoriser
le transfert et la diffusion des technologies ;
- le centre et réseau des technologies climatiques chargé notamment de renforcer les
réseaux, les partenariats et les capacités pour le transfert des technologies vertes.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
L’Accord de Paris de décembre 2015 n’a pas permis d’aller plus loin sur ces sujets. On
peut juger ce résultat modeste pour une négociation entamée plus de vingt ans
auparavant. L’une des explications à cette lenteur est la réticence des pays industrialisés
à transférer des technologies qui rendent les entreprises plus compétitives dans une
économie mondiale évoluant vers la décarbonation1.
1
M. Glachant, J. Ing et J.-P. Nicolaï, « Transferts de technologies propres, commerce international et
accords environnementaux », Revue française d’économie, 2016/3 (vol. XXXI), pp. 137-157,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2016-3-page-137.htm.
African Journal of Environmental Law
227
Pour ce qui est du cadre juridique existant et décisif, suivant les dispositions des articles
2 et 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique
(CCNUCC) : « Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans l’intérêt
des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il
appartient, en conséquence, aux pays développés Parties d’être à l’avant-garde de la
lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes. Il convient de tenir
pleinement compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en
développement Parties, notamment de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux
effets néfastes des changements climatiques, ainsi que des Parties, notamment des pays
en développement Parties, auxquelles la Convention imposerait une charge
disproportionnée ou anormale »2.
Toujours dans le même instrument juridique, l’article 4 alinéa 5 dispose : « Les pays
développés parties et les autres Parties développées figurant à l’annexe II prennent
toutes les mesures possibles en vue d’encourager, de faciliter et de financer, selon les
besoins, le transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire écologiquement
rationnels aux autres Parties, et plus particulièrement à celles d’entre elles qui sont des
pays en développement, afin de leur permettre d’appliquer les dispositions de la
Convention. Dans ce processus, les pays développés Parties soutiennent le
développement et le renforcement des capacités et technologies propres aux pays en
développement Parties. Les autres Parties et organisations en mesure de le faire peuvent
également aider à faciliter le transfert de ces technologies ».
2
Alinéas 2 et 3 de l’article 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
de 1992.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
3
Article 12.3.a du Protocole de Kyoto de 1997 : « Les Parties ne figurant pas à l’annexe I bénéficient
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
d’activités exécutées dans le cadre de projets, qui se traduisent par des réductions d’émissions
certifiées ».
228
examens ont eu lieu régulièrement à des dates appropriées. Le Protocole prévoit
également l’élaboration d’un dispositif de vérification.
4
Fonds pour l’environnement mondial, Transfert de technologies écologiquement rationnelles :
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
229
2. La mise en œuvre du transfert de technologies dans la
pratique du mécanisme pour un développement propre
D’entrée de jeu, il est important de relever que le mécanisme de développement propre
et la mise en œuvre conjointe sont deux processus de flexibilité établis dans le cadre du
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques6. Ils sont destinés à aider les pays industrialisés à atteindre leurs objectifs
de réduction des émissions tout en favorisant le développement durable des pays hôtes
en promouvant les investissements dans les technologies plus écologiques7.
Partant, il devient évident que les pays industrialisés jouent un rôle déterminant dans la
mise en œuvre du MDP dans la mesure où, établi par l’article 12 du Protocole de Kyoto,
il prévoit la possibilité, pour les pays industrialisés, d’investir dans des projets de
protection du climat dans des pays en développement8. En ce sens, le MDP doit aussi
faciliter le transfert des technologies écologiques dans les pays en développement tout
en contribuant à leur développement durable9. D’autre part, l’apport des pays
industrialisés s’analyse à travers la production de lettres d’approbation entre les parties
contractantes dans un processus de transfert de technologies en vue de concourir aux
objectifs pratiques recommandés par les exigences du développement propre.
Ainsi, l’étude de l’impact du transfert de technologies sur les pays pauvres gouverne
cette analyse. Pour que le transfert de technologies puisse avoir un impact sur le
développement d’un pays pauvre, il faut qu’il s’inscrive dans le cadre d’un contrat de
transfert de technologies. Dans la mesure où les temps modernes connaissent un
développement technologique sans précédent, une des conséquences directes de cet
essor est, sans nul doute, l’accroissement proportionnel des connaissances et donc de
leur transfert10.
6
Confédération suisse, Office fédéral de l’environnement, Projets issus du mécanisme de développement
propre (MDP) et de la mise en œuvre conjointe (MOC). Critères pour la participation. Un module de la
communication de l’OFEV en sa qualité d’autorité d’exécution de l’ordonnance sur le CO 2, 2014.
7
Ibid., p. 8.
8
Ibid., p. 13.
9
Ibid.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
10
P Pichette, « Les contrats de transfert de technologie », Les cahiers de propriété intellectuelle, 10e
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
230
évaluation sur le développement durable ont souvent été soulignées11. À cet égard, l’on
note que les projets MDP contribuent de manière significative aux dimensions
économique et sociale du développement « durable ». Aussi, le transfert de
technologies semble encouragé par le MDP, raison pour laquelle ce dernier représente
un afflux important d’investissements sur le territoire péruvien.
En effet, on relève que les critères de transfert de technologies dans le cadre du MDP
ne sont pas clairement définis, en ce sens que les modalités de leur mise en œuvre ne
prévoient pas systématiquement de méthodes ou de critères pour l’évaluation et
l’approbation du résultat attendu dans les pays en développement. Cette évaluation est
laissée à la libre appréciation et approbation de chaque pays en développement, et ne
fait l’objet d’aucune vérification par les instances en charge de la mise en œuvre du
MDP.
À l’analyse, cette situation laisse transparaître une faiblesse dans la mise en perspective
du transfert de technologies relativement à la pratique du MDP. En effet, le fait que le
transfert ne présente pas un certain degré de rigueur en matière d’évaluation et
d’approbation du développement durable serait le résultat d’une manœuvre intéressée
de la part des concepteurs de ce système. Concrètement, il pourrait s’agir pour les pays
industrialisés d’avoir le monopole du processus de transfert afin d’en tirer davantage
profit.
Dans cette mouvance, bien que le transfert de technologies entre les pays développés
et les pays en développement soit un aspect essentiel du MDP, il n’a pas de caractère
obligatoire au regard des dispositions de l’article 12 du Protocole de Kyoto instituant
le MDP. En ce sens, les technologies et les modalités de transfert variées ne bénéficient
d’aucun encadrement rigoureux qui soit institué par les autorités en charge du MDP. À
l’observation, l’on relève une fois de plus une souplesse dans la conception des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
De plus, cette flexibilité dans la mise en œuvre du transfert soulève la question de son
efficacité. En effet, la question qu’il convient à ce niveau de mettre en relief est celle
de savoir si finalement le mécanisme de transfert de technologies dans le cadre du MDP
est efficace dans sa réponse à la problématique du développement des pays pauvres12.
11
N. Pecastaing, « L’impact du mécanisme de développent propre (MDP) sur le développement
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
‘durable’ : le cas du Pérou », L’actualité économique, 89 (1), 2014, pp. 39-56, http://doi.org/1024316ar.
12
Ibid.
231
Il faut reconnaître que le développement durable des pays en développement se trouve
mitigé en matière de transfert de technologies du fait des pesanteurs internes à chaque
pays relativement aux problèmes de gouvernance, mais aussi d’insécurité. Dans ce
sillage, l’on relève de réels risques de déperdition des fonds, mais aussi d’une hostilité
de l’environnement des affaires – qui devait pourtant y être favorable – due à
l’insécurité et à l’instabilité. Cette défaillance est majeure en ce sens que si les efforts
consentis en aval par les pourvoyeurs de fonds ne rencontrent pas un terrain favorable
à leur destination, le transfert de technologies ne saurait prospérer et, par conséquent il
n’y aurait pas de développement, encore moins un développement durable.
De ce qui précède, l’on observe que la mise en œuvre du transfert de technologies dans
la pratique du mécanisme pour un développement propre est une réalité qui meuble le
quotidien des acteurs des scènes nationale et internationale dans la mesure où elle est
impulsée en amont par les États et les organisations internationales, dans le cadre des
conventions internationales à l’instar de la CCNUCC, ou du Protocole de Kyoto et de
l’Accord de Paris sur le climat, et en aval elle a vocation à impacter le développement
des pays auxquels elle est destinée.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
232
INCITATIONS FISCALES ET DÉVELOPPEMENT DES
ÉNERGIES RENOUVELABLES AU CAMEROUN ET AU
TCHAD
Diane TAPIMALI MAFOLIGANG
Doctorante en droit privé et sciences criminelles
Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Dschang, Cameroun
Chercheure au Centre africain de recherches sur les politiques énergétiques et
minières
Résumé
Le Cameroun et le Tchad sont deux pays d’Afrique centrale dotés d’un potentiel
énergétique varié mais sous-exploité. Intéressés aux enjeux de la transition énergétique,
ils ont recours aux incitations fiscales pour orienter les choix des agents économiques
vers le développement des énergies vertes. Cependant, le succès des actions entreprises
est retardé par un cadre juridique embryonnaire et par la forte dépendance de leurs
économies aux énergies fossiles. Dans ce contexte, la part des énergies renouvelables
dans le mix énergétique reste faible.
Abstract
Chad and Cameroon are two Central African countries with a varied but under-
exploited energy potential. Interested in the challenges of energy transition, they use
tax incentives to guide the choices of economic agents towards the development of
green energies. However, the success of the actions undertaken is delayed by an
embryonic legal framework and by the heavy dependence of their economies on fossil
fuels. In this context, the share of renewable energy in the energy mix remains low.
233
Introduction
Le Cameroun et le Tchad, malgré une participation limitée au dérèglement climatique,
ne sont pas pour autant désintéressés des problématiques associées. Pays d’Afrique
centrale dotés d’un potentiel énergétique varié mais sous-exploité, ils doivent faire le
choix aujourd’hui d’une utilisation rationnelle de leurs énergies fossiles, tout en
privilégiant le recours aux sources d’énergie renouvelable dans leurs politiques de
développement. Le pari n’est pas gagné d’entrée de jeu, car la transition énergétique
s’accompagne de technologies qui ne sont pas encore maîtrisées et accessibles pour
tous. Bien plus, une période de transition prolongée et soutenue est nécessaire pour
changer nos habitudes de consommation énergétique. À ce stade, la coopération
interafricaine renforcerait les initiatives nationales et garantirait une contribution
significative du continent à la lutte contre les changements climatiques.
Le Cameroun et le Tchad sont signataires des accords internationaux par lesquels ils
s’engagent à relever le défi de la transition énergétique en favorisant le recours aux
énergies renouvelables. Une fiscalité écologique développée à la faveur de cet objectif
institue des incitations à l’égard des agents économiques. Ces dernières désignent toute
disposition spéciale dérogeant au code général des impôts (CGI) et qui accorde un
traitement favorable à des projets d’investissement ou des entreprises éligibles ; elles
peuvent prendre la forme de congé fiscal, de taux d’imposition préférentiels ou
d’allocations ciblées pour stimuler l’investissement1. Elles sont un outil incontournable
d’aide à la décision d’investissement dans les énergies vertes : elles allègent les
obligations de toute personne désireuse d’investir dans l’introduction et la promotion
des filières de transformation des énergies renouvelables.
dépositaires d’atouts naturels favorables à l’essor des énergies vertes ; pourtant, ils ne
disposent pas de lois spécifiques y relatives permettant de garantir la performance
énergétique. À l’analyse, ils sont encore en phase d’introduction et de promotion des
énergies renouvelables, toute chose allant de pair avec l’incitation à l’investissement
dans le secteur.
1
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente des
incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, Rapport au groupe de travail du G20
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
efficace-et-efficiente-des-incitations-fiscales-a-l-investissement-dans-les-pays-a-faible-revenu.pdf.
234
Fort de cela, il n’est en rien superfétatoire de se demander si le droit positif camerounais
et tchadien propose des incitations fiscales suffisamment attractives d’investissement
dans le secteur des énergies renouvelables (EnR).
À bien y réfléchir, l’attractivité des incitations fiscales est perceptible (1), même si les
effets des mesures édictées sont retardés (2).
2
V. F. Atonfo, L’attractivité fiscale et l’implantation des investisseurs privés étrangers au Cameroun,
mémoire de master professionnel en fiscalité appliquée, Faculté des sciences juridiques et politiques de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
235
un potentiel hydroélectrique de 294 TWh/an. Des études sur le taux d’irradiation solaire
et l’ensoleillement démontrent un gisement solaire important, avec au sommet la ville
de Garoua dont la durée annuelle d’ensoleillement est de 2947,9 h/an. Les 402 km de
côte et les divers monts atteignant quelquefois les 4000 m d’altitude sont autant d’atouts
naturels favorables au développement de l’éolien. Les potentiels en biomasse et en
énergie géothermique, bien que reconnus, ne sont pas encore clairement quantifiés3.
Par ailleurs, l’exhaustivité du CGI ne signifie pas pour autant que l’exonération de TVA
serait le seul avantage accordable aux investisseurs. La loi n° 2013/004 du 18 avril
2013 fixant les incitations à l’investissement privé, modifiée par la loi n° 2017-15 du
12 juillet 2017, offre une batterie d’avantages aux investissements pour l’atteinte des
objectifs prioritaires, notamment le développement de l’offre énergétique, la promotion
et le transfert des technologies innovantes, la recherche-développement, la lutte contre
la pollution et la protection de l’environnement5. À l’analyse, le développement des
EnR s’inscrirait dans l’un de ces objectifs. Toutefois, il est difficile de savoir si la
condition de l’inscription du projet dans le cadre des objectifs prioritaires serait
cumulée avec la condition relative au volume de l’investissement de l’article 4 pour
l’accès aux avantages fiscaux et douaniers. Sans l’intervention de la loi sur les EnR
demeurée au stade de projet de loi (2014), le flou persiste.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
3
R. Mbiake, M. J. C. Atontsa et J. M. Bell, « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal
de l’énergie au Cameroun », in O. C. Ruppel et E. D. Kam Yogo (dir.), Droit et politique de
l’environnement au Cameroun - Afin de faire de l’Afrique l’arbre de vie, Yaoundé, Konrad Adenauer
Stiftung, 1ère édition 2018, pp. 637-665.
4
C. Lins et K. Chawla, « Énergie renouvelable : Enjeux et perspectives de développement », in La
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
transition énergétique ou les énergies que nous aurons, Liaison Énergie-Francophonie, n° 93, 2013, p.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
39.
5
Article 14 de la loi de 2013 précitée.
236
Le Tchad dispose d’un fort gisement d’énergie solaire estimé à 2193 KWh/m²6. La
captation solaire annuelle est estimée à 2850 heures au Sud, contre 3750 heures au
Nord7. La production d’énergie hydroélectrique est difficile dans le contexte sahélien,
avec des précipitations faibles et très inégalement réparties annuellement : les chutes
Gauthiot sur le Mayo-Kebbi représentent le principal site hydraulique du pays. En plus
de la biomasse, l’éolien peut être développé à l’extrême Nord, notamment à Tibesti,
Borkou et Ennedi; la vitesse du vent y est de 4 à 9 m/s8.
Dans une formule généralisante, l’article 230 du CGI (2016) et les lois de finances (LF)
successives prévoient des mesures incitatives au profit de tout investissement relatif
aux EnR. Cependant, la loi n° 020/PR/2020 portant budget général de l’État pour
l’exercice 2021 marque une évolution dans les préférences du législateur vers le solaire
et l’éolien comme en droit fiscal camerounais. En effet, la nouvelle loi de finance, tout
en renouvelant l’éligibilité de tout investissement dans les énergies vertes aux facilités
fiscales, détermine un nombre d’outils profitant d’une annulation de TVA en son article
27, modifiant et complétant l’article 230 du CGI. À l’évidence, il s’agit des matériels
et équipements permettant le développement des énergies éolienne et solaire
photovoltaïque.
1.2. La détermination du champ matériel du congé fiscal • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Un congé fiscal désigne des exonérations fiscales totales ou partielles, limitées dans le
temps, visant à réduire le taux de pression fiscale pour favoriser le développement des
projets d’investissement9. Les congés fiscaux peuvent être fondés sur la loi ou des
6
Projet de centrale photovoltaïque de Djermaya, Plan de restauration des moyens d’existence, ARTELIA
(Entreprise ayant réalisé l’EIES pour le projet Nachtigal au Cameroun), août 2019, p. 12. L’une des
alternatives de ce projet serait un projet d’interconnexion avec le Cameroun,
https://www.miga.org/sites/default/files/2019-12/8512192_PRME_Djermaya_3attachment.pdf.
7
http://re.jrc.ec.europa.eu/pvgis/apps4/pvest.php?map=africa.
8
http://www.3tier.com/en/support/resource-maps/.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
9
African Journal of Environmental Law
H. H. Allah et B. Elmorchid, « Les congés fiscaux : un outil inefficace pour relancer l’investissement
privé en Afrique », Conférence Guy Mhone, La renaissance et la relance des économies africaines,
237
conventions particulières. Ces mesures incitatives unilatérales ou négociées
ambitionnent, entre autres, d’éliminer le risque de double imposition, garantissent une
certaine stabilité fiscale, la réduction du taux d’imposition, la non-discrimination à
l’égard des investisseurs étrangers. Les conventions d’établissement n’ayant pas été
accessibles, l’étude s’appuie sur le champ matériel des congés fiscaux prescrits
unilatéralement par les lois des pays ciblés.
En première analyse, la loi de 2013 accorde des avantages aux entreprises bénéficiant
d’un agrément en fonction de leur statut (nouveau/ancien) sur le territoire national. Les
nouvelles entreprises bénéficient seules des avantages de la phase d’installation
pendant une durée limitée de cinq ans. Il s’agit, entre autres, de l’exonération des droits
d’enregistrement des actes de création ou d’augmentation de capital, de l’exonération
de la patente, des taxes et droits de douane sur tous les équipements et matériels liés à
l’investissement, de la TVA sur les prestations de service et de la TVA due à
l’importation des équipements et matériels du programme d’investissement10. Par
ailleurs, les incitations de la phase d’exploitation profitent aux entreprises nouvelles
dans la limite de dix ans et aux entreprises anciennes remplissant les conditions de
l’article 17 dans la limite de cinq ans. Il s’agit, entre autres, du crédit d’impôt dans les
conditions de l’article 8, des exemptions relatives au minimum de perception, à l’impôt
sur les sociétés (IS), à l’impôt sur les bénéfices, aux droits d’enregistrement relatifs aux
prêts, avances, emprunts. En outre, l’investissement pour la réalisation des objectifs
prioritaires autorise « selon le cas » à bénéficier en complément des avantages de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
l’article 15, notamment l’exonération de TVA sur les crédits relatifs au programme
d’investissement, de la taxe foncière sur les immeubles, l’admission temporaire
spéciale pour les matériels industriels susceptibles de réexportation.
Il faut noter que la discrimination introduite par la loi de 2013 dans le traitement des
anciennes et des nouvelles entreprises a été à l’origine de la contestation de l’arrêté
N° 366/MINFI/SG/DGI du 19 novembre 2013 précisant les modalités de mise en
œuvre des avantages fiscaux et douaniers de la loi n° 2013/004 par les entreprises. La
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
https://www.codesria.org/spip.php?article1212&lang=en.
10
Article 6 de la loi de 2013.
238
justification des avantages améliorés du nouvel investisseur ne résiste pas fortement à
la clause de l’investisseur le plus avantagé, qui commande de traiter identiquement
deux entreprises du même secteur réalisant la même activité. Les investissements
nouveaux étant en principe seuls éligibles aux avantages de la phase d’installation, le
principe de comptabilité séparée aurait pourtant permis d’isoler le résultat des
investissements nouveaux effectués par les entreprises préexistantes.
Dans les deux hypothèses étudiées, les exonérations de TVA sur les investissements
semblent parfois redondantes, « car en régime plein, la TVA collectée sur les intrants
ne retombe pas sur l’acheteur, mais est entièrement récupérée sous forme de crédit sur
la TVA appliquée aux ventes »11 ; ces exonérations peuvent néanmoins être bénéfiques
pour les entreprises en raison de la défaillance des procédures de remboursement de
TVA.
Le CGI, complété par les LF, construit progressivement le cadre juridique incitatif
applicable aux énergies vertes au Tchad. Sans distinguer la phase d’installation de celle
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
L’article 230 du CGI (2016) prévoit l’exonération de TVA lors de l’acquisition des
matériels et équipements servant à la production et à la promotion des énergies
renouvelables. La taxe pour la protection de l’environnement est aussi annulée pour les
matériels et intrants relatifs aux EnR12. Les mesures deviennent plus importantes après
11
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente
des incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, op. cit., p. 24.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
12
Article 203 du CGI, modifié et complété par la loi n° 015/PR/2017 portant rectification de la loi
n °033/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant budget général de l’État pour 2017.
239
l’intervention de la loi n° 043/PR/2019 du 31 décembre 2019 portant loi de finances
pour l’exercice 2020, qualifiée de quasi-loi écologique. Pour compter du 1er janvier
2020, les entreprises nouvelles de droit tchadien qui exercent dans le domaine des EnR
bénéficient, dans les cinq premières années de leur exercice, d’un abattement de 50 %
du droit d’enregistrement et de la base imposable à l’IS, et sont exonérées de la patente,
l’impôt minimum forfaitaire, la taxe forfaitaire et la taxe d’apprentissage13. La loi parle
des entreprises nouvelles sans faire allusion aux entreprises anciennes ; elle introduit
une discrimination nouvelle entre les entreprises.
Par ailleurs, 40 % des sommes investies pour l’installation des matériels ou outillages
destinés à la production des EnR seront admises en déduction des bases taxables à
l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et à l’impôt sur les bénéfices des
sociétés14. L’exonération de TVA est étendue aux prestations relatives à l’acquisition
des matériels servant au développement des EnR et aux intérêts des emprunts
contractés pour leur financement15. Les importations des matériels nécessaires sont
désormais exonérées des droits de douane et des taxes à l’exception de la taxe de
l’Union africaine, de la taxe communautaire d’intégration et de la contribution
communautaire d’intégration16.
Pour finir, si le droit commun des investissements privés au Cameroun offre des
avantages fiscaux plus alléchants, la fiscalité tchadienne a toutefois le mérite d’être
plus explicite quant aux bénéficiaires des avantages accordés. En tout état de cause, les
mesures adoptées dans les deux pays tardent à produire les effets attendus.
13
Article 14 de la LF 2020.
14
Lire conjointement l’article 158-I du CGI et l’article 15 de la LF 2020, modifiant l’article 156 (5) du
CGI.
15
Article 17 de la LF 2020, complétant l’article 230 ancien du CGI.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
16
Article 21 nouveau de la LF 2020.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
240
2.1. Un retard imputable à l’inefficience des mesures
d’accompagnement
Les conditions à remplir par le contribuable pour être admis au bénéfice des incitations
doivent être claires, aisément vérifiables, laissant ainsi le moins possible de place à
l’interprétation aléatoire ou à la négociation. Cette remarque s’applique également aux
procédures administratives pour y avoir accès, une fois l’éligibilité confirmée. Des
travaux de la Banque mondiale démontrent que 70 % des agences de promotion des
investissements n’atteignent pas leurs objectifs parce qu’elles ne fournissent pas
« l’information pertinente et ponctuelle demandée par les investisseurs potentiels »17.
A-t-on attiré les investisseurs à partir des incitations fiscales conçues ? Les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
17
Journal de la Chambre de commerce du Cameroun, avril-mai-juin 2009, p. 36, cité par V. F. Atonfo,
L’attractivité fiscale et l’implantation des investisseurs privés étrangers au Cameroun, op. cit., p. 89.
18
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung, 2019, pp. 38-39,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
http://library.fes.de/pdf-files/bueros/kamerun/16030.pdf.
African Journal of Environmental Law
19
Sustainable Energy for All.
241
Le rapport de 2017 sur la dépense fiscale au Cameroun fait état d’environ 28 mesures
fiscales dérogatoires au bénéfice du développement de l’énergie verte, notamment
solaire, recensées dans le paysage fiscal entre 2015 et 2017 ; malheureusement, aucune
de ces mesures n’aura été évaluée à terme20. La création de l’agence chargée de la
promotion et du développement des EnR21 pourrait certainement faciliter la traçabilité
de la dépense fiscale dans ce secteur.
Par ailleurs, une enquête auprès des investisseurs dans les pays en développement
démontre que les incitations fiscales ne figurent pas toujours parmi les premiers
facteurs déterminant la localisant d’un investissement ; par ordre d’importance, ils
citent la stabilité économique, puis politique, le coût des matières premières, la situation
des marchés nationaux, la transparence du cadre juridique et bien d’autres. Le paquet
d’incitations fiscales intervient en onzième position sur la liste des douze principaux
facteurs influant sur la décision d’investir25. Fort de cela, il existe plusieurs handicaps
non fiscaux qui retarderaient le développement des EnR ; dans ces circonstances, les
incitations fiscales ne parviennent pas à les compenser efficacement.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
20
Rapport sur les dépenses fiscales de l’exercice 2017, DGI/ministère des Finances, Cameroun,
octobre 2018, p. 24, https://www.dgb.cm/wpfd_file/rapport-sur-les-depenses-fiscales-2017/.
21
Article 67 de la loi n° 2011/022.
22
J.-F. Brun et G. Chambas, Orientations après l’atelier national sur l’évaluation des dépenses
fiscales et la réforme de l’IRPP ?, République du Tchad, UE, mai 2017, p. 7.
23
ADE/UE, Évaluation de la performance de la gestion des finances publiques au Tchad selon la
méthodologie PEFA 2016, Rapport final, octobre 2018, p.32,
https://www.pefa.org/sites/pefa/files/assessments/reports/TD-Oct18-PFMPR-Public-with-PEFA-
Check_0.pdf.
24
J.-F. Brun et G. Chambas, Orientations après l’atelier national sur l’évaluation des dépenses fiscales
et la réforme de l’IRPP ?, op. cit., p. 8.
25
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
des incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, op. cit., pp. 13-14.
242
Pour finir, l’évaluation sérieuse de la performance des mesures instituées devrait
permettre de créer des incitations spécifiques de nature à générer des investissements
qui ne se seraient jamais matérialisés sans elles. La nature embryonnaire du régime
juridique y relatif justifie certainement le faible succès des incitations fiscales.
Les sources d’énergie renouvelable posent des difficultés sur le plan de la rentabilité
économique27 ; la transition énergétique modifie drastiquement les conditions d’accès
à l’énergie. Ainsi, le développement des énergies vertes exige la mobilisation
d’importants capitaux pour assurer leur stockage, leur transport et leur utilisation, car
certaines énergies (soleil, vent) sont intermittentes. Ce secteur présentera un faible
intérêt pour les investisseurs si des incitations spécifiques ne sont pas conçues, puisque
le temps de retour sur investissement est généralement de plus de dix ans28.
Au Tchad, l’essentiel des incitations n’est valable que pendant les cinq premières
années de l’exercice des entreprises nouvelles29. Entre temps, le droit commun des
incitations à l’investissement au Cameroun offre une pléthore d’avantages valables
entre cinq et quinze ans selon le cas. Cette durée nous semble suffisante, mais l’on n’est
pas certain qu’elle s’appliquerait telle quelle en matière d’investissement dans les EnR.
Les microprojets individuels ayant obtenu du succès jusqu’à présent visaient l’éclairage
des ménages à l’aide du solaire photovoltaïque ; ils ne représentent pas un volume
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
nécessaire pour attirer des investissements considérables30. Seul l’État parvient à mettre
26
Les investisseurs estiment que le crédit d’impôt pour investissement et les déductions initiales pour
investissement sont pourtant les plus efficaces.
27
A. Rojey, « Réussir la transition énergétique : défis, contraintes et solutions à mettre en œuvre », in
La transition énergétique ou les énergies que nous aurons, Liaison Énergie-Francophonie, n° 93, 2013,
p. 26.
28
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 43.
29
Article 14 de la LF 2020.
30
J. Ruet et L. Chancel, « Financer la transition énergétique : des financements et mécanismes de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
marchés internationaux à la mise en œuvre sur le terrain », in La transition énergétique ou les énergies
African Journal of Environmental Law
243
en place des projets importants dans le cadre des projets de développement pour
lesquels la rentabilité économique n’est pas toujours exigée31.
Les limites sus-évoquées renforcent la faible compétitivité des EnR face aux énergies
fossiles.
Ce constat se dégage d’une évaluation des dépenses fiscales par secteur d’activités au
Cameroun et au Tchad.
En effet, les dépenses fiscales dont les incitations sont constitutives sont des mesures
particulières dérogeant au système fiscal de référence occasionnant des pertes de
recettes pour l’État en vue de susciter un comportement économique particulier du
contribuable32 : il en résulte un allègement de la charge fiscale du contribuable
bénéficiaire.
concurrence fiscale dommageable entre les États africains ; elle permettrait d’éviter la
surenchère fiscale par l’adoption de mesures incitatives similaires modelables in
concreto suivant les réalités de chaque pays.
31
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 43.
32
Extrait du processus de définition des dépenses fiscales donné par l’OCDE. Les dépenses fiscales dans
les pays de l’OCDE, 2010, p. 12.
33
Ainsi réparties : 50,9 milliards au titre de TVA, 11, 6 milliards pour les droits de douane, 16,3 milliards
au compte de l’IS, 50,3 milliards pour l’IRPP et 67,7 milliards pour les droits d’enregistrement.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
34
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
Rapport sur les dépenses fiscales de l’exercice 2017, op. cit., p. 31.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
35
ADE/UE, Évaluation de la performance de la gestion des finances publiques au Tchad selon la
méthodologie PEFA 2016, op.cit., p. 7.
244
Symposium virtuel
245
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Sans prétendre à une synthèse exhaustive des riches échanges qui ont eu lieu au cours
des deux journées du Symposium virtuel intitulé Énergies renouvelables, transition
énergétique et enjeux climatiques en droit africain, ce rapport présente un bilan
instantané des travaux.
Une lecture transversale permet de mieux cerner les différentes thématiques soulevées
par ces questions en droit africain, non seulement grâce aux différentes interventions,
mais également via les débats et les discussions qui ont suivi.
Notons que tous les États africains ont signé l’Accord de Paris sur le climat de 2015 et
que la plupart d’entre eux l’ont ratifié et soumis leur contribution déterminée au niveau
national.
En effet, plusieurs pays africains se sont dotés d’un cadre juridique et institutionnel
relatif au développement des énergies renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité
énergétique.
Les interventions des participants, tout comme les débats et, surtout, l’excellent résumé
du professeur Mohamed Ali Mekouar3, que nous avons choisi d’ajouter au présent
rapport de synthèse, ont été reliés à l’état des lieux des différentes expériences des pays
africains, dont le cadre juridico-institutionnel a été évoqué par chaque participant
séparément, en soulignant pour la plupart des pays une mise en œuvre jugée souvent
limitée ou inachevée et en mettant l’accent sur la nécessité de procéder à un échange
de bonnes pratiques.
- la première consacrée aux diverses expériences des pays africains, sous la forme
d’approches nationales illustrant les points communs entre plusieurs pays, ainsi
que les différences ;
- la deuxième focalisée sur les perspectives transversales, qui a surtout mis
l’accent sur les insuffisances et contraintes du secteur énergétique.
1
Doctorantes à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
2
Professeur à l’Université de Carthage, directeur du département de droit public de la Faculté des
sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
3
Mohamed Ali Mekouar est ancien professeur à l’Université de Casablanca.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
247
Les deux sessions ont été suivies par une table ronde et un débat, visant essentiellement
à échanger les bonnes pratiques et à essayer de trouver des solutions pour chaque pays
africain et pour l’ensemble du continent africain.
Cette dualité tient à l’existence de cadres juridiques transversaux basés sur des réformes
normatives, dont les unes sont spécifiques au secteur de l’énergie et d’autres sont
relatives à l’environnement.
L’étude de ces différentes expériences dévoile que depuis les années 2000 la réforme
du secteur de l’énergie en Afrique s’est opérée dans plusieurs pays du continent à
travers la promulgation d’un code de l’environnement dans certains pays, en vue de
réduire la pollution et promouvoir la maîtrise de l'énergie. On y trouve une multitude
de textes législatifs et réglementaires qui portent sur l’organisation du secteur, la
production énergétique, l’efficacité énergétique et la police de l’énergie.
Selon le professeur Mohamed Ali Mekouar, il existe des lois génériques et spécifiques
favorisant le développement du foisonnement normatif saisi par le droit africain en
matière d’énergies renouvelables. En effet, les pays africains peuvent être regroupés en
deux catégories : ceux qui ont un cadre normatif spécifique et ceux ayant un cadre
normatif générique.
illustrations de pays dotés d’un cadre normatif spécifique, comme cela a été démontré
via la présentation des différentes approches nationales relatives aux expériences de
leurs pays respectifs par les intervenants.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
4
Pathé Marame Niang est docteur en droit de l’Université de La Rochelle.
248
L’expérience tunisienne présentée par Mme Afef Hammami-Marrakchi5 a permis de
recenser les différents textes spécifiques en rapport avec la maîtrise de l’énergie ou la
sécurité climatique, tout en évoquant les stratégies relatives à l’adaptation aux
changements climatiques et à la sécurité énergétique lancées par la Tunisie, ainsi que
divers autres textes liés au secteur, tels que la loi sur la maîtrise de l’énergie (2004), la
loi sur la qualité de l’air (2007) ou encore la loi relative à la production d’électricité à
partir des énergies renouvelables (2015). Dans sa présentation, Mme Afef Hammami-
Marrakchi a bien précisé que le droit se diluait dans la répartition des responsabilités,
tout en demeurant marqué par la centralisation structurelle de l’action climatique et
énergétique en Tunisie. D’après une analyse rapide du cadre institutionnel en Tunisie,
l’ensemble des structures chargées de ces missions montre la prédominance de
l’autorité centrale. Bien entendu, cette prédominance est importante et même
primordiale, mais elle doit tenir compte de l’évolution du cadre de la décentralisation
depuis 2018. Ainsi, la fusion opérée en 2017 entre le ministère chargé de
l’environnement et celui des affaires locales doit faire face aux questions aussi bien
climatiques qu’énergétiques à l’échelon local.
Comme l’a bien précisé le professeur Mekouar dans sa synthèse, il existe également
des pays qui ont plutôt des cadres normatifs génériques, comme le Burkina Faso, le
Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Tchad et la République démocratique du Congo.
5
Afef Hammami-Marrakchi est maître de conférences à la Faculté de droit de Sfax.
6
Clément Kibambi Vaké est chef de travaux à la Faculté de droit et avocat au barreau de Goma.
249
renouvelables. Mais il faudrait également, d’après lui, vérifier la pertinence du potentiel
et du degré de mobilisation de la panoplie des droits des paysans et du nouveau droit
de l’énergie, afin de promouvoir le droit de tous les paysans non seulement à l’énergie,
mais également à plusieurs autres valeurs.
Selon le professeur Mohamed Ali Mekouar, le droit des énergies renouvelables est un
droit carrefour composite, formé de multiples ordres et régimes juridiques au triple
niveau national, régional et mondial.
Les intervenants ont évoqué la pertinence d’un éventuel échange de bonnes pratiques
entre pays africains qui bénéficient tous un climat favorable, spécialement pour
l’énergie solaire et en général pour les énergies renouvelables ; ainsi que des échanges
concernant les lois modèles par rapport à ces questions et aux conventions
internationales.
Ce qui nous amène à conclure que l’application souffre de nombreuses lacunes, tant
sur le plan normatif qu’institutionnel. Et cela ne peut qu’aboutir à une mise en œuvre
limitée.
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
250
Ce problème d’adoption et d’entrée en vigueur de textes réglementaires d’application
se retrouve au Maroc et a été soulevé par M. Soulaïmane Ahsaïn7, qui a précisé que la
loi relative à l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et
de l’efficacité énergétique avait été adoptée en 2010 au Maroc, que cet organisme avait
ensuite été renommé Agence marocaine pour l’efficacité énergétique en 2016 et
chargée de mettre en œuvre les plans d’action de la politique gouvernementale en
matière d’efficacité énergétique, mais que l’étude de ses missions, de ses attributions
et de ses responsabilités, tant au niveau central que local et à la lumière de différents
textes juridiques y afférents, démontrait encore une fois un cloisonnement, une
répartition trop rigide et l’absence d’une gouvernance, les responsabilités étant limitées
à un niveau central, via la participation de certains établissements publics, les
collectivités locales étant rarement citées.
Les différentes expériences montrent ainsi l’existence d’un cadre normatif dans
l’ensemble du continent africain, mais qui demeure focalisé sur une répartition un peu
trop tranchée des responsabilités, sans une réelle option vers la mise en place de
mécanismes destinés à une meilleure gouvernance climatique et aussi énergétique.
Dans son intervention sur le « Droit solaire en Afrique de l’Ouest », présentée par M.
Habib Ahmed Djiga8, l’auteur démontre qu’il s'agit effectivement de trouver un
équilibre entre le régionalisme, l’étatisme et le libéralisme. À cet effet, il pose trois
questions très importantes, qui sont en réalité valables pour toutes les expériences et ne
concernent pas uniquement les pays d’Afrique de l’Ouest : l’État peut-il se désengager
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
des activités d’exploitation de l’énergie solaire au profit des acteurs privés ? Faut-il
privatiser ou nationaliser le secteur de l’énergie solaire ? Les règles communautaires
promeuvent-elles ou dissuadent-elles le libéralisme dans le secteur de l’énergie
solaire ?
Il enchaîne en affirmant que le droit solaire est un droit auréolé par l’étatisme d’une
part et le libéralisme d’autre part. En tant que droit auréolé par l’étatisme, le droit
solaire renvoie à l’omniprésence de l’État qui, du fait de ses prérogatives régaliennes,
7
Soulaïmane Ahsaïn est professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
Tanger.
8
Habib Ahmed Djiga est docteur en droit public de l’Université Thomas Sankara de Ouagadougou.
251
de son monopole de la puissance publique et de l’édiction de la règle de droit, encadre
d’un point de vue législatif et réglementaire le secteur de l’énergie solaire à travers un
processus de codification de ce dernier et la délivrance de titres (licences, autorisations
ou concessions). Dans certains pays d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Niger ou
Burkina Faso), il existe des lois relatives à l’énergie solaire, à savoir la loi n° 2014-132
portant code de l’électricité en Côte d’Ivoire, la loi n° 2017-14 au Burkina Faso et la
loi n° 2016-5 du 17 mai 2016 portant code de l’électricité au Niger. Il ajoute que,
s’agissant d’un secteur aussi stratégique que vital, il est impérieux d’instaurer un cadre
juridique porteur d’une tendance au développement solaire en Afrique permettant de
rendre effectifs l’accès à l’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre,
le développement durable et l’énergie propre.
D’autres éléments qui posent des problèmes de gouvernance tiennent aux déficits
infrastructurels et technologiques (réseaux, stockage, transport, distribution,
interconnexions) dont souffrent les pays africains, ainsi qu’à l’insuffisante concertation
et coordination inter-institutionnelle et au manque d’implication des structures
décentralisées, comme l’a bien démontré M. Parfait Oumba lors de sa présentation
Ils sont encore dans une phase de promotion et d’introduction d’incitations aux
investissements dans ce secteur et une interrogation s’impose : est-ce que les droits
positifs camerounais et tchadien proposent des incitations fiscales suffisamment
attractives à l’investissement dans le secteur des énergies renouvelables, de nature à
faire baisser le taux pression fiscale sur les investisseurs ? L’auteure se penche ensuite
sur les critères d’éligibilité des investisseurs dans ces deux pays et montre ainsi qu’à ce
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
9
Diane Tapimali Mafoligang est doctorante en droit à l’Université de Dschang et chercheure au Centre
africain de recherches sur les politiques énergétiques et minières.
252
tchadien, ce dernier a tout de même le mérite d’être plus explicite en ce qui concerne
les bénéficiaires des avantages accordés. Dans les deux cas, les mesures adoptées
tardent à produire les effets attendus et ce retard peut être dû, d’une part, à l’inefficience
des mesures d’accompagnement et, d’autre part, au régime juridique embryonnaire des
incitations fiscales dans les deux pays.
253
Annexe : Programme du Symposium virtuel
Ouverture
10h00 - Allocution de bienvenue par Neila Chaabane, Doyenne de la Faculté des sciences
10h05 juridiques, politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage
10h05 - Mot de la Konrad Adenauer Stiftung, par Daniela Diegelmann, Directrice du
10h10 programme sécurité énergétique et changement climatique au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord
10h10 - Présentation du symposium par Wahid Ferchichi, Professeur à la Faculté des
10h15 sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage
11h30 - Pause
11h45
11h45 - Afef Hammami-Marrakchi - Crise climatique et enjeux énergétiques en droit
12h00 tunisien : pour une meilleure gouvernance entre le national et le local
12h00 - Soulaïmane Ahsaïn, avec Mohamed Ali Mekouar - L’interface énergie-climat en
12h15 droit marocain : un bilan décennal en clair-obscur
12h15 - Yannick Djimotoum Yonoudjim, avec Djamto Galy - Des prémices d’une
12h30 réglementation des énergies renouvelables au Tchad
12h30 - Clément Kibambi Vake - Les droits des paysans à l’heure des énergies
12h45 renouvelables en République démocratique du Congo : intégration du droit des
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
255
agricultures familiales et du droit de la transition énergétique pour une croissance
verte
12h45 - Débats
13h00
N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law
256
Conclusion et clôture
12h45 - Remarques finales par Mohamed Ali Mekouar, Vice-président du Centre
12h55 international de droit comparé de l’environnement
12h55 - Mot de clôture par Soukaïna Bouraoui, Présidente du Comité scientifique de la
13h00 Revue africaine de droit de l’environnement
Coordination scientifique
Soukaïna Bouraoui, Professeure émérite, Faculté des sciences juridiques, politiques et
sociales de Tunis, Université de Carthage
Ibrahima Ly, Professeur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Université
Cheikh Anta Diop de Dakar
Comité organisateur
Wahid Ferchichi, Professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de
Tunis, Université de Carthage
Leïla Chikhaoui-Mahdaoui, Professeure à la Faculté des sciences juridiques, politiques et
sociales de Tunis, Université de Carthage
Afef Hammami-Marrakchi, Maître de conférences à la Faculté de droit de Sfax
Équipe technique
Rapporteuses : Eya Boushih et Rim Béjoui
Organisation technique du symposium : Fatma Jebali
Graphisme : Anis Menzli
257
Le prochain numéro de la RADE, prévu pour paraître en 2022, aura pour thème :