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Rade-6 2021

Le document présente la Revue Africaine de Droit de l'Environnement, une revue qui vise à promouvoir le droit de l'environnement en Afrique en diffusant des informations et en partageant des expériences. La revue est soutenue par plusieurs institutions et bénéficie de l'appui d'un comité scientifique.

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Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Revue Africaine
African de Droit
Journal de l’Environnement
of Environmental Law
African Journal of Environmental Law

La protection
Énergies de l’environnement
renouvelables, par lesénergétique
transition juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
et enjeux climatiques en droit africain


N° 06
05 •• 2021
2020
La Revue Africaine de Droit de l’Environnement (RADE) entend favoriser l’essor du droit de
l’environnement et renforcer son effectivité en Afrique, au moyen notamment de la promotion de la
doctrine, de la diffusion d’informations et du partage d’expériences et de bonnes pratiques. Placée sous
l’égide de la Commission mondiale du droit de l’environnement de l’Union internationale pour la
conservation de la nature, la RADE bénéficie de l’appui logistique de la Faculté des sciences juridiques,
politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage, et de l’Institut de la Francophonie pour le
développement durable, ainsi que du soutien financier de la Fondation Konrad Adenauer.

Comité scientifique
Présidente : Soukaïna BOURAOUI, Professeure à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
de Tunis, Université de Carthage

Présidents d’honneur : Stéphane DOUMBÉ-BILLÉ et Ibrahima LY

Membres :
Antonio BENJAMIN, Président honoraire de la Commission mondiale du droit de l’environnement de l’UICN
Fatimata DIA, Experte juriste environnementaliste
Daniela DIEGELMANN, Directrice du programme sécurité énergétique et changement climatique au Moyen-
Orient et en Afrique du Nord, Fondation Konrad Adenauer
Delphine Édith EMMANUEL-ADOUKI, Professeure à l’Université Marien Ngouabi
Amidou GARANÉ, Maître-assistant à l’Université de Ouagadougou 2
Maurice KAMTO, Professeur à l’Université de Yaoundé II
Sophie LAVALLÉE, Juge de la cour d’appel du Québec
Ibrahima LY, Professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Cécile MARTIN PHIPPS, Directrice de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable
Mohamed Ali MEKOUAR, Vice-président du Centre international de droit comparé de l’environnement
Lionelle NGO-SAMNICK, Spécialiste de programmes, Institut de la Francophonie pour le développement durable
Michel PRIEUR, Professeur émérite à l’Université de Limoges
Saholy RAMBININTSAOTRA, Maître de conférences à l’Université d’Antananarivo
Yacouba SAVADOGO, Juriste de l’environnement, Coordonnateur du Réseau de l’Afrique francophone des
juristes de l’environnement

Coordination

Émile-Derlin KEMFOUET, Docteur en droit public, Coordonnateur du présent numéro

Secrétariat
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Marina BAMBARA ZONGO, Doctorante, Université Cheikh Anta Diop de Dakar


Yacouba SAVADOGO, Juriste de l’environnement, Coordonnateur du Réseau de l’Afrique francophone des
juristes de l’environnement
Alimenta SILUE, Juriste environnementaliste, Consultante en développement durable

Conception graphique
Kalom Graphic, Dakar, Sénégal

Impression : Presses Universitaires de Ouagadougou - Tirage : 100 exemplaires - Volume : 260 pages

Édité au Sénégal, Novembre 2021


POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

ISSN : 2308-2259
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

4
SOMMAIRE
Avant-propos 7
Émile-Derlin KEMFOUET

APPROCHES NATIONALES 9

La transition énergétique en Algérie : quels cadres institutionnel


et réglementaire pour une énergie durable ? 11
Farida SI MANSOUR, Sabrya OUAMAR et Kari SI SALAH

La gestion de la crise climatique en tunisie : pour une meilleure


gouvernance entre le national et le local 23
Afef HAMMAMI-MARRAKCHI

L’interface énergie-climat en droit marocain : un bilan décennal


en clair-obscur 39
Soulaïmane AHSAÏN et Mohamed Ali MEKOUAR

Production et commercialisation de l’énergie solaire au Maroc :


aspects juridiques 57
Bouchra NADIR et Saida EL YOUSSOUFI ATTOU

La réforme du secteur de l’énergie au Burkina Faso :


une promotion des énergies renouvelables 71
Antoine KABORÉ, Lassané ZOMA et Yacouba SAVADOGO

Quel(s) droit(s) pour les énergies renouvelables dans les pays du Sahel ?
Analyse au regard du droit interne burkinabè 83
Konamadji BALAAM
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Transition énergétique et énergies renouvelables :


évolution du droit en Côte d’Ivoire 99
Alimenta SILUÉ YEGBOREWA

Une décennie de mise en œuvre des lois d’orientation sur les énergies
renouvelables au Sénégal : un bilan mitigé pour le mix et la
transition énergétique 109
Mohamed Ayib DAFFÉ et Pathé NIANG
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

5
La réglementation des sacs plastiques au Sénégal : une étape
vers sa transition énergétique ? 127
Odeline BILLANT, Ayib DAFFÉ, Fatou NDIAYE, Ibrahima LY et Marie BONNIN

La contribution de la loi camerounaise du 14 décembre 2011 à la transition


et à la sécurité énergétique : entre généreuse ambition
et mesquin pragmatisme  141
Maturin PETSOKO

Le cadre juridique des énergies renouvelables au Cameroun :


une contribution à la sécurité énergétique des citoyens ? 155
Mary YAYA KENKOY, Mireille Esther BATJOM et Carole Valérie NOUAZI KEMJENG

Des prémices d’une réglementation des énergies renouvelables


au Tchad 171
Yannick DJIMOTOUM YONOUDJIM et Djamto GALY

PERSPECTIVES TRANSNATIONALES183

Les balbutiements d’un droit à l’énergie à l’aune de la transition


vers les énergies renouvelables en Afrique 185
Mariette Aicha NTIENJEM MADU

Le droit solaire en Afrique de l’Ouest 199


Habib Ahmed DJIGA

Transition énergétique et protection de l’environnement dans


la coopération au sein de la sous-région des Grands Lacs 211
Didier MURHULA AMULI
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Le transfert de technologies dans le cadre du mécanisme pour un


développement propre : un gage de l’usage des énergies
renouvelables225
Parfait OUMBA

Incitations fiscales et développement des énergies renouvelables


au Cameroun et au Tchad 233
Diane TAPIMALI MAFOLIGANG

RAPPORT DE SYNTHÈSE DU SYMPOSIUM VIRTUEL  247


POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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6
Avant-propos

« Au commencement est l’énergie, tout le reste en découle »1. Ces propos de Cheikh
Anta Diop illustrent à juste titre que l’énergie est au cœur du processus de
développement de toute société. Ceci est particulièrement vrai pour l’Afrique qui
pourrait, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), devenir le continent le plus
dynamique dans le domaine énergétique 2.

Ce dynamisme n’a de sens, cependant, que s’il vise à corriger l’extraversion du système
énergétique du continent, à réaliser l’accès pour tous à une énergie moderne et surtout
à abandonner les combustibles fossiles au profit des énergies renouvelables. On l’aura
compris, l’heure est à la transition énergétique par ces temps où le danger des
changements climatiques est à nos portes.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent numéro de la Revue africaine de droit de
l’environnement consacré au thème « énergies renouvelables, transition énergétique et
enjeux climatiques en droit africain ».

Dans une première partie, sont analysées au prisme de plusieurs législations nationales,
les interactions entre le triptyque « énergies renouvelables, transition énergétique et
enjeux climatiques ». De la République démocratique du Congo à l’Algérie, en passant
par le Cameroun, le Tchad, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Tunisie et
le Maroc, l’heure est à la transition énergétique. Le cadre législatif et institutionnel mis
en place dans ces pays, fait apparaître une volonté de transformer durablement tous les
secteurs de l’énergie, de la production à la consommation finale, et de limiter les
émissions de gaz à effet de serre en vue de lutter contre le réchauffement climatique.

La seconde partie regroupe des études qui mettent en lumière l’émergence d’un droit
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

sous-régional de l’énergie. En effet, les États commencent à prendre conscience de la


nécessité de coopérer afin d’apporter une réponse supranationale à la question
énergétique. Certes les choses en sont encore à l’étape de balbutiements, mais

1
Ch. Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, Paris-
Dakar, Présence Africaine, 1974, p. 7.
2
AIE, "Africa Energy Outlook. A Focus on Energy Prospects in Sub-Saharan Africa", World Energy
La protection de l’environnement par les juridictions

Outlook Special Report, Paris, OCDE/AIE, 2014.


africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

7
l’évolution appelle un optimisme, surtout quand on sait que la CEDEAO, par exemple,
a déjà adopté depuis janvier 2003, un Protocole sur l’énergie.

Les différentes contributions contenues dans ce volume on fait l’objet d’un symposium
virtuel, tenu les 3 et 4 juin 2021, au cours duquel les auteurs ont pu échanger, partager
les expériences, et approfondir certains aspects de leurs articles, dont le rapport de
synthèse se fait l’écho.

En choisissant de traiter un thème dont l’actualité est si prégnante, la RADE s’affirme


de nouveau comme un partenaire incontournable dans la promotion de la doctrine, la
diffusion d’informations, le partage d’expériences et de bonnes pratiques. Reste à
souhaiter que cette entreprise se pérennise.

Émile-Derlin KEMFOUET KENGNY


Docteur en droit public (Limoges)
Lecturer of Public Law at the University of Buea
Avocat au barreau de Paris.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE


INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

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8
APPROCHES NATIONALES

9
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EN ALGÉRIE :
QUELS CADRES INSTITUTIONNEL ET
RÉGLEMENTAIRE POUR UNE ÉNERGIE DURABLE ?
Farida SI MANSOUR
Maître de conférences, Université de Tizi-Ouzou

Sabrya OUAMAR
Maître de conférences, Université de Tizi-Ouzou

Karima SI SALAH
Enseignante-chercheure, Université de Tizi-Ouzou

Résumé
Encore englués dans la pandémie de Covid-19, il est bien difficile d’imaginer ce qui va
se passer durant 2021 et au-delà. Il n’en demeure pas moins que la finitude des
ressources naturelles et principalement de l’énergie ne laisse aucun doute sur la
prééminence de la crise climatique. Les déséquilibres entre l’offre et la demande de
l’énergie se creusent et fragilisent les équations énergétiques de l’Algérie, dont la
sécurité énergétique est menacée. La transition énergétique y est un sujet d’actualité
qui se déploie sur les plans politique, juridique et économique. Il importe de voir dans
quelle mesure l’arsenal réglementaire, institutionnel et de partenariats permet
réellement de favoriser le recours à une énergie propre amie de l’environnement. Cet
article tente d’appréhender la réalité de la transition énergétique en Algérie à la lumière
de l’arsenal juridique ayant permis de la rendre viable.

Mots clés : transition énergétique, énergie durable, innovation, cadre juridique.

Abstract
Still mired in the Covid-19 pandemic, it is hard to imagine what will happen in 2021
and beyond. Nevertheless, the finitude of natural resources and mainly energy leaves
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

no doubt about the pre-eminence of the climate crisis. The imbalances between energy
supply and demand are widening and weakening the energy equations of Algeria,
whose energy security is threatened. The energy transition is a topical issue that is
debated politically, legally and economically. It is important to see to what extent the
regulatory, institutional and partnership arsenal actually supports the use of clean
energy that is environment-friendly. This article attempts to capture the reality of the
energy transition in Algeria in the light of the legal arsenal that has made it viable.

Keywords: energy transition, sustainable energy, innovation, legal framework.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

11
Introduction
La transition énergétique est la nouvelle tendance énergétique de ces dernières années.
L’essor des énergies renouvelables, le déclin de l’industrie du charbon et du pétrole ou
l’engagement des villes et des entreprises sont les nombreux signaux qui montrent
l’intérêt porté à cette nouvelle donne de la société et de l’économie. Les besoins
énergivores induits par la civilisation moderne se sont répandus partout, même dans les
pays en développement, accélérant le passage d’un système à énergies fossiles
conventionnelles et non conventionnelles à un système à énergies renouvelables et
propres.

En Algérie, pays qui produit principalement son énergie à partir du gaz naturel et du
pétrole, aucune découverte significative de pétrole et de gaz n’est à signaler, depuis
2008, poussant certains experts à annoncer le Peak Oil1 pour la période 2035-20402.
En 2019, la production commerciale d’énergie primaire a connu une baisse de 4,8 %
par rapport aux réalisations de 2018, pour atteindre 157,4 M Tep, tirée par celle de tous
les produits à l’exception de l’électricité. Les importations ont pratiquement doublé
(+98,3 %) suite à l’arrêt des opérations de processing de pétrole brut à l’étranger. Les
exportations ont, quant à elles, atteint 92 M Tep, soit une baisse de 8,7 % par rapport
aux réalisations de 2018, en raison notamment de la chute des exportations de gaz
naturel par gazoducs (-31 %) et la consommation nationale totale d’énergie a connu
une hausse (+3,0 %) pour s’établir à 66,9 M Tep en 2019. Elle représente près de 43 %
de la production totale3.

Dans ce contexte, un programme de transition énergétique est plus que d’actualité, où


la dimension environnementale est déclinée en composante incontestable du monde
économique, et ce depuis plusieurs années, dans le but de garantir la sécurité
énergétique du pays et d’améliorer les conditions de vie du citoyen algérien. Aussi est-
il intéressant de voir dans quelle mesure l’arsenal réglementaire, institutionnel et de
partenariats permet réellement de favoriser le recours à une énergie propre amie de
l’environnement. Cela soulève des questions quant à la pertinence des textes et à leur
niveau d’applicabilité.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Il est vrai que la philosophie du développement durable est multidimensionnelle. La


question énergétique y est prédominante au vu de l’importance des ressources
naturelles dans la problématique de la croissance économique. Tous les modèles
économiques et sociaux, depuis la révolution industrielle à nos jours, se sont fondés sur
le recours aux différentes formes d’énergie pour satisfaire les besoins socio-

1
Ce terme désigne le sommet de la courbe de production d’un bassin pétrolier ou d’une zone pétrolifère.
Par extension, il fait référence au moment où la production mondiale plafonne en volume avant de
commencer à décliner.
2
https://www.lemonde.fr/blog/petrole/2014/02/28/le-pic-petrolier-de-lalgerie-et-de-
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La protection de l’environnement par les juridictions

trois-autres-nations-arabes-gatees-par-lor-noir.
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

3
Ministère de l’Énergie, Bilan énergétique national. Année 2018, édition 2019.

12
économiques des populations. Or, leur raréfaction accélérée souligne l’impérative
nécessité d’une transition énergétique partout dans le monde, mais plus
particulièrement dans les pays où l’énergie est source de revenu et de richesse de la
nation.

Enjeu sociétal dont l’importance est accentuée par un contexte de prédominance des
changements climatiques, la transition énergétique engage une réflexion autour des
stratégies à adopter afin de trouver des approches écologiquement rationnelles qui
aident à produire de l’énergie en s’inscrivant dans une dialectique de valorisation des
ressources et à la protection de l’environnement, tout particulièrement contre de l’effet
de serre, c’est-à-dire le réchauffement du climat terrestre par l’accumulation des
émissions atmosphériques polluantes, notamment le CO24.

Cette problématique est d’une portée fondamentale dans les pays dont la viabilité
économique repose soit sur la prévalence des énergies fossiles, soit sur le recours à
l’innovation durable en matière d’énergie5.

1. La transition énergétique : soubassements théoriques et


empiriques
La transition énergétique est fondamentale pour aller vers un modèle énergétique
pouvant satisfaire de manière durable, équitable et sûre (pour les hommes et leur
environnement), les besoins en énergie des citoyens et de l’économie dans une société
sobre en ressources naturelles, en énergie et en carbone. À la différence des transitions
énergétiques précédentes qui cherchaient à passer d’un système à un système plus
performant, son but est, aujourd’hui, le passage d’un système sans limites à un système
hautement contraint, qui suppose des innovations majeures empreintes de durabilité8.
Le manuel d’Oslo les définit comme « la mise en œuvre d’un produit (bien ou service)
ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de
commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de
l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures »7.
Actuellement, elle tend à s’inscrire dans la croissance verte qui concerne une
gouvernance économique tournée vers la gestion des ressources rares, les énergies
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

renouvelables, le changement climatique, la prévention des risques et la gestion des


déchets.

4
F. Collard, « La transition énergétique », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 2321, n° 36, 2016,
pp. 5-44.
5
F. Aggeri, « Le développement durable comme champ d’innovation. Scénarisations et scénographies
de l’innovation collective », Revue française de gestion, vol. 215, n° 6, 2011, pp. 87-106.
8
S. Liénart et A. Castiaux, « Innovation et respect environnemental sont-ils compatibles ? Le cas du
secteur des TIC », Reflets et perspectives de la vie économique, vol. II, n° 4, 2012, pp. 77-96.
La protection de l’environnement par les juridictions

7
africaines : avancées nationales et régionales

OCDE, La mesure des activités scientifiques et technologiques. Manuel d’Oslo : principes directeurs
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

proposés pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, Paris, 2005.

13
Les énergies renouvelables constituent, il est vrai, la principale source d’innovation
durable dans l’énergie qui peut porter non pas seulement sur la source d’énergie mais
également sur son utilisation de façon à éviter les gaspillages. Elle ne se limite pas aux
trois piliers du développement durable (environnement, économique et social),
devenant un champ d’innovation pour lequel il n’y a plus d’antagonisme, surtout avec
la prévalence d’externalités négatives causées par les activités industrielles. Ceci remet
profondément en question notre système économique et son mode de développement8.
L’objectif devient l’efficience des opérations, en diminuant le coût des intrants (les
ressources consommées) et en limitant les déchets produits.

Plusieurs concepts apparaissent et fondent les politiques publiques mais aussi les
stratégies d’entreprises qui lui sont consacrées car le système énergétique prévalant
actuellement est confronté à deux limites inhérentes à ses propriétés : la raréfaction des
énergies fossiles et fissiles conventionnelles à long terme9 et le réchauffement
climatique10. Ceci engage à réfléchir à la transition énergétique porteuse, de façon
intrinsèque, d’innovations durables issues de « processus de changement
multidimensionnels relatifs aux technologies, aux marchés, aux industries, aux
politiques mais aussi aux valeurs et comportements »11. Elles se concrétisent soit par
des transitions énergétiques-ruptures ou par des transitions énergétiques-substitutions,
qui se différencient par leur intensité et leur temporalité. Si les premières conduisent à
des ruptures majeures du système sociotechnique relevant d’un mouvement global
complexe, les secondes conduisent au réajustement dudit système et impliquent une
volonté politique nationale assumée12.

Les modèles empruntés sont en relation avec les développements technologiques dans
le domaine, les capacités de chaque pays, et les objectifs en termes de sécurité
énergétique, d’indépendance et de développement local. Ils supposent une maîtrise de
la demande d’énergie, le verdissement du bouquet énergétique, la recherche de
l’efficacité mais aussi de la sobriété énergétiques, et ils font émerger, aux côtés
d’actions sur l’offre, d’autres sur la demande d’énergie, notamment dans des pays où
la problématique énergétique se pose avec acuité.

L’arsenal juridique est également déployé afin de constituer un outil pour canaliser la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

transition énergétique projetée. Le droit de l’énergie représente ainsi « l’ensemble des


règles de droit qui accompagne l’exploration, la production, l’importation,

8
L. Preuss and J.-R. Cordoba-Pachon, « A knowledge management perspective of corporate social
responsibility », Corporate Governance International Journal of Business in Society, 9(4), August 2009.
9
M. Deshaie et G. Baudelle, « Ressources naturelles et peuplement », Ellipses, 2013.
10
M. Tsayem Demaze, « Paradoxes conceptuels du développement durable et nouvelles initiatives de
coopération Nord-Sud : le Mécanisme pour un Développement Propre (MDP) », Cybergeo: European
Journal of Geography, 2009, http://journals.openedition.org/cybergeo/22065.
11
S. Jaglin et É. Verdeil, « Énergie et villes des pays émergents : des transitions en question.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Introduction », Flux, 3(3-4), 2013, pp. 7-18.


INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

12
G. Mestrallet, « Transitions énergétiques plutôt que ruptures », Vraiment durable, vol. 2, n° 2, 2012,
pp. 121-130.
14
l’exploitation (parfois la transformation), le transport, la distribution et l’utilisation des
différentes sources d’énergie »13. Le fonctionnement optimal du secteur de l’énergie
est étroitement lié à l’évolution du cadre juridique qui le sous-tend et qui a évolué avec
l’expertise acquise, la volonté ou non des tenants du secteur de le libéraliser ou d’attirer
les investisseurs potentiels. Comme indiqué dans le courant néo-institutionnaliste, les
arrangements institutionnels, à travers les réglementations mises en place, consacrent
l’attractivité d’un secteur et favorisent ou non son développement.
En Algérie, il demeure coopté sur les énergies fossiles et ne s’ouvre réellement vers les
énergies renouvelables et l’efficacité énergétique qu’à partir de 2011.

2. La réalité du dispositif juridique et institutionnel de la


transition énergétique en Algérie
Depuis la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, l’économie algérienne
vit au rythme des turbulences du marché de l’énergie. En dépit de cette situation, les
programmes et plans de développement économiques du pays ont continué à s’orienter
fondamentalement vers les énergies fossiles, malgré l’existence de potentialités
considérables en énergie naturelle renouvelable que l’on tente de valoriser par des
efforts institutionnels et réglementaires en vue d’impulser le secteur14. La première loi
algérienne sur les hydrocarbures est contenue dans l’ordonnance n° 71-24 du 12 avril
1971, qui s’adapte à la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971. Selon ces
textes, l’investisseur étranger se devait de constituer une société de droit algérien et
souscrire à la recherche et l’exploration sur un permis attribué par l’État. En cas de
réussite dans l’effort d’exploration, l’exploitation est réalisée en partenariat avec la
Société nationale de l’électricité et du gaz (Sonatrach), selon la règle 49/51. Aucune
relation entre l’investisseur étranger et l’administration fiscale algérienne n’était
possible. Cette loi sera renforcée en 1986 par la loi n° 86-14, basée sur le principe de
partage de production, en introduisant des formules de partage de la production avec
l’associé étranger15.

Elle a été complétée par le décret n° 87-159 du 21 juillet 1987 relatif à l’intervention
des sociétés étrangères dans les activités de prospection, de recherche et d’exploitation
d’hydrocarbures liquides. La loi n° 86-14 du 19 août 1986, dans le prolongement de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’ordonnance n° 71-22 du 12 avril 1971, n’autorise la délivrance du titre minier de


recherche et d’exploitation qu’en faveur de l’entreprise publique (art. 9), mais elle lui

13
L. Grammatico, Les moyens juridiques du développement énergétique dans le respect
de l’environnement en droit français (Recherches sur le droit du développement durable), Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 2003, p. 25.
14
Conseil national économique et social, Quel modèle de transition énergétique pour l’Algérie ? Enjeux
et défis 25 recommandations pour construire une stratégie nationale de mise en œuvre de la transition
énergétique et un modèle de consommation d’énergie en Algérie, septembre 2020.
La protection de l’environnement par les juridictions

15
africaines : avancées nationales et régionales

Loi n° 86-14 du 19 août 1986, modifiée et complétée, relative aux activités de prospection, de
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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recherche, d’exploitation et de transport, par canalisation, des hydrocarbures, Journal officiel, n° 35.

15
ouvre le droit au partenariat16. L’amendement de la législation sur les hydrocarbures, à
travers la loi n° 91-21 du 4 décembre 1991, allait attirer plus de 130 compagnies
découlant sur la signature de 26 contrats de recherche et d’exploration.

La loi n° 02-01 du 5 février 2002 relative à l’électricité et la distribution du gaz par


canalisations a stipulé la création de la Commission de régulation de l’électricité et du
gaz, qui a pour mission de veiller au fonctionnement concurrentiel et transparent du
marché de l’électricité et de la distribution du gaz par canalisations dans l’intérêt des
consommateurs et celui des opérateurs.

La loi n° 05-07 du 28 avril 2005 maintient les structures anciennes, comme le ministère
chargé de l’énergie et la Sonatrach, qui devient un partenaire minoritaire de l’activité
d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures, en lui attribuant un taux de
participation de 30 % au maximum. Mais l’ordonnance n° 06-10 du 29 juillet 2006 va
rendre à la Sonatrach la majorité des parts dans toute exploitation pétrolière, de même
que dans le raffinage et le transport17. Les nouveautés de la loi n° 05-07 consistaient
surtout dans les appels d’offres, lancés à travers Alnaft18, pour les opérations de
recherche et d’exploration avec des titres miniers qui devaient faire l’objet d’un contrat
de recherche et d’exploitation19 de 32 ans20, avec trois périodes de recherche de 3 ans,
puis deux fois 2 ans. L’amendement de la loi n° 05-07 par l’ordonnance n° 06-10 du
29 juillet 2006, en plus de redonner à la Sonatrach ses principales attributions, a
introduit une « taxe sur les profits exceptionnels de 5 à 50 % lorsque le prix du baril de
pétrole est supérieur à 30 dollars ».

La loi n° 05-07 sur les hydrocarbures a été amendée par la loi n° 13-01 du 20 février
2013, qui a défini le cadre pour le développement futur de ressources en hydrocarbures
non conventionnelles, en l’occurrence l’exploitation des gaz de schiste 21, et adopté
l’impôt complémentaire sur le résultat fixé à 19 %22, suite à la suppression de la taxe
sur les profits exceptionnels23.

En dépit de toutes ces modifications, il n’y a eu qu’un seul appel d’offres après la
promulgation de la loi n° 13-01 du 20 février 2013, en plus des trois précédents lancés
dans le cadre de la loi de 2005 pour 31 blocs ouverts à la compétition, pour lesquels la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

baisse des prix du pétrole et du gaz sur les marchés internationaux peut être avancée
comme justificatif. La razzia sur énergies fossiles dans le contexte juridique algérien

16
F. Si Mansour, Analyse des relations économiques entre l’Algérie et l’Union européenne au travers
de la coopération énergétique, thèse de doctorat ès sciences économiques, Université de Tizi-Ouzou,
novembre 2019, pp. 309-311.
17
F. Si Mansour, op. cit., p. 312.
18
Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures.
19
F. Si Mansour, op. cit., p. 312.
20
Loi n° 05-07 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures, Journal officiel, n° 50.
21
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

F. Si Mansour, op. cit., p. 313.


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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

22
Cet impôt est porté à 80 % si les bénéfices des compagnies étrangères atteignent des seuils importants.
23
Cette taxe restera en vigueur pour les contrats d’association conclus sous la loi n° 86/14.
16
continue d’être d’actualité malgré l’intérêt manifeste des gouvernants d’amorcer la
transition énergétique.

La loi n° 19-13 du 11 décembre 2019 reprend l’essentiel des dispositions de la loi


n° 05-07 du 28 avril 2005, modifiée par la loi du 13 janvier 2013, hormis l’intégration
des énergies non conventionnelles et des modifications liées à la fiscalité et aux
modalités de l’appel d’offres.

Cette substruction juridique dénote de la réverbération des choix politiques et


économiques de l’Algérie depuis 1962, avec une place minime accordée à la croissance
verte et au développement durable en général et aux énergies renouvelables en
particulier. Les premiers pas en la matière se concrétisent à travers la création des
premières institutions publiques chargées de la promotion des énergies renouvelables :
le Centre de développement des énergies renouvelables (CDER) en 1988 et l’Agence
nationale pour la promotion et la rationalisation de l’utilisation de l’énergie (APRUE)
en 1985. Elles ont été à l’origine de plusieurs programmes sectoriels visant un
déploiement assez limité de solutions énergétiques décentralisées financées par l’État,
mais qui demeureront de portée réduite, tendant à exploiter les énergies renouvelables
dans les zones rurales (les hauts plateaux et le sud du pays), à l’instar des programmes
du Grand Sud (le balisage solaire, entrepris par le CDER ; l’électrification solaire
autonome concernant 18 villages, réalisée par la Sonatrach entre 1998 et 2001)24.

En 1999, la loi n° 99-09 trace le cadre général de la politique nationale dans le domaine
de la maîtrise de l’énergie et définit les moyens d’y parvenir25.
La promotion des énergies renouvelables y est inscrite comme l’un des outils de la
maîtrise de l’énergie à travers les économies d’énergie conventionnelle qu’elle permet
de réaliser26. Dans le cadre de cette loi, le Fonds national pour les énergies
renouvelables est créé pour l’allocation des fonds nécessaires au développement des
énergies propres, dont le financement sera assuré par 1 % de la redevance pétrolière et
toutes autres ressources ou contributions27. Des actions touchant les énergies
renouvelables sont prévues pour être financées, dans ce cadre, au titre du Plan national
de maîtrise de l’énergie 2006-2010. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

La loi sur l’électricité et la distribution publique du gaz, qui libéralise ce secteur, a


également prévu des dispositions pour la promotion de la production d’électricité à

24
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Transition énergétique en
Algérie. Leçons, état des lieux et perspectives pour un développement accéléré des énergies
renouvelables, édition 2020.
25
Loi n° 99-09 du 28 juillet 1999 relative à la maîtrise de l'énergie, Journal officiel, n° 51.
26
F. Si Mansour, op. cit., p. 315.
27
Arrêté interministériel du 28 octobre 2012 déterminant la nomenclature des recettes et des dépenses
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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imputables sur le compte d’affectation spéciale n° 302-131 intitulé « Fonds national pour les énergies
renouvelables et la cogénération », Journal officiel, n° 22.
17
partir des énergies renouvelables et son intégration au réseau28. La libéralisation, dès
2002, du domaine de la production d’électricité a, en effet, été instituée par la loi n° 02-
01 du 5 février 2002, modifiée et complétée, relative à l’électricité et à la distribution
du gaz par canalisations. Elle a aussi prévu la création d’un opérateur marché (non
installé à ce jour) et d’une commission de régulation du secteur (Commission de
régulation de l’électricité et du gaz) dont la mission est de veiller au fonctionnement
concurrentiel et transparent du marché national de l’électricité et du gaz, dans l’intérêt
des consommateurs et des opérateurs. En outre, une société spécialisée dans le
développement des énergies renouvelables (New Energy Algeria) a été mise à
contribution pour appliquer le Programme national des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique. Dans ce contexte, le Programme national de recherche en
énergies renouvelables, étalé sur la période 2010-2012, a associé 460 chercheurs du
CDER autour de 108 projets.

La loi n° 04-09 est le premier jalon de la stratégie algérienne en matière d’énergies


renouvelables. Elle acte les modalités de promotion des énergies renouvelables dans le
cadre du développement durable dans le but de protéger l’environnement, de contribuer
à la lutte contre le réchauffement climatique, de favoriser un développement durable
par la préservation et la conservation des énergies fossiles, et de valoriser les gisements
d’énergies renouvelables, en généralisant leurs utilisations29. Ses articles 6, 9 et 15
prévoient la mise en place d’un programme national quinquennal, qui s’inscrit dans les
projections d’aménagement du territoire et de développement durable à l’horizon 2020,
et d’un bilan annuel de l’usage des énergies renouvelables, qui bénéficie d’incitations
dont les modalités sont fixées par la loi de finances. L’article 7 identifie les axes du
programme national comprenant l’ensemble des actions d’information, de formation
ou de vulgarisation, ainsi que des incitations à la recherche, à la production, au
développement et à l’utilisation des énergies renouvelables en complément et/ou en
substitution des énergies fossiles, tandis que l’article 13 dispose que les instruments de
promotion des énergies renouvelables sont constitués par un mécanisme de certification
d’origine et par un système d’incitation à l’utilisation des énergies renouvelables.

Le décret exécutif n° 11-33 du 27 janvier 201130, quant à lui, annonce la création et


définit l’organisation et le fonctionnement de l’Institut algérien des énergies
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

renouvelables, doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, et placé sous


la tutelle du ministre de l’Énergie. Prenant en charge les besoins en formation dans le
domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, ainsi que la
promotion et la valorisation de la recherche appliquée, son objectif était également
d’accompagner les clients en matière d’assistance, de conseil et de développement de

28
Loi n° 02-01 du 5 février 2002 relative à l’électricité et à la distribution du gaz par canalisations,
Journal officiel, n° 8.
29
Loi n° 04-09 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
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développement durable, Journal officiel, n° 52.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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30
Décret exécutif n° 11-33 du 27 janvier 2011 portant création, organisation et fonctionnement de
l’institut algérien des énergies renouvelables, Journal officiel, n° 8.
18
projets dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, ainsi
que la conclusion d’accords et conventions de coopération au niveau national ou
international. Cet institut sera dissout par le décret exécutif n° 16-70 du 22 février
201631.

Le premier programme national dédié au développement et à la promotion des énergies


renouvelables et de l’efficacité énergétique (PNEREE) a été mis en place par le
gouvernement le 3 février 2011, avec l’ambition d’atteindre l’équivalent de 40 % de
capacité de production d’électricité d’origine renouvelable à l’horizon 2030. Le
PNEREE s’est surtout focalisé sur l’efficacité énergétique axée sur les secteurs de
consommation (bâtiments et résidentiel, transports, industrie). Une version actualisée
de ce programme a été proposée en 2015 afin de tirer profit des changements dans les
coûts de production du photovoltaïque.

L’objectif tracé était d’assurer une capacité de production d’électricité renouvelable de


22 000 MW, dont 10 000 MW seraient dédiés à l’exportation, sur la base de trois
principales ressources renouvelables – le solaire thermique à concentration, le solaire
photovoltaïque et l’éolien – et s’étalant sur quatre étapes : réalisation de projets pilotes
pour tester les différentes technologies (2011-2013) ; déploiement d’un programme
d’une capacité de 650 MW (2014-2015) ; début du déploiement à l’horizon 2020 d’une
capacité minimale de 4600 MW, dont 2600 MW sont destinés au marché intérieur et
2000 MW à l’exportation (2016-2020) ; et déploiement à grande échelle du programme
(2021-2030). L’arrêté du 2 février 201432 a instauré des tarifs d’achat garantis pour
constituer un outil de rémunération des productions décentralisées d’électricité
injectées au réseau national (éolien et solaire photovoltaïque). Les résultats semblent
encourageants puisque le seuil de 20 000 MW pour la puissance installée du parc
classique (principalement à base de gaz), prévu pour 2028, a déjà été franchi en 201933.

Nombreuses sont aussi les institutions qui ont été créées afin de promouvoir la
transition énergétique en Algérie. Ainsi, le Centre de recherche en technologie des
semi-conducteurs pour l’énergétique est une entité de recherche et développement sous
tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, créé
par le décret exécutif n° 12-316 du 21 août 2012. Par ailleurs, l’École nationale
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

supérieure des énergies renouvelables, environnement et développement durable a été


créée par le décret exécutif n° 20-152 du 8 juin 2020 et placée sous tutelle du même
ministère pour assurer la formation supérieure, la recherche scientifique et le
développement technologique dans les domaines et filières des énergies renouvelables,
de l’environnement et du développement durable, y compris le génie électrique, les
réseaux intelligents, la métrologie, la santé publique et l’économie verte. Enfin, le

31
Décret exécutif n° 16-70 du 22 février 2016 portant dissolution de l’institut algérien des énergies
renouvelables, Journal officiel, n° 10.
32
Journal officiel, n° 23, 23 avril 2014.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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33
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, Transition énergétique en
Algérie…, op. cit.
19
Cluster d’énergie solaire est le résultat de la volonté des industriels de la filière de se
regrouper, de rechercher des synergies entre ses membres et de constituer une force de
propositions vis-à-vis des pouvoirs publics. Sa création, en mai 2017, vise à favoriser
la jonction entre les différents acteurs de la filière énergie renouvelable par la
promotion de projets innovants.

D’autres textes réglementaires ont mis en place des mécanismes d’encouragement de


la production, l’exploitation et la recherche autour des énergies renouvelables :

- décret exécutif n° 13-218 du 13 juin 2013 fixant les conditions d’octroi des primes
au titre des coûts de diversification de la production d’électricité34 ;
- décret exécutif n° 13-424 du 18 décembre 2013 modifiant et complétant le décret
exécutif n° 05-495 du 26 décembre 2005 relatif à l’audit énergétique des
établissements grands consommateurs d’énergie35 ;
- arrêté ministériel du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis pour la
production d’électricité à partir d’installations utilisant la filière photovoltaïque et
les conditions de leur application36 ;
- arrêté ministériel du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis pour la
production d’électricité à partir d’installations utilisant la filière éolienne et les
conditions de leur application37;
- décret exécutif n° 17-98 du 26 février 2017 définissant la procédure d’appel
d’offres pour la production des énergies renouvelables ou de cogénération et leur
intégration dans le système national d’approvisionnement en énergie électrique38 ;
- décret exécutif n° 17-167 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif
n° 15-69 du 11 février 2015 fixant les modalités de certification de l’origine de
l’énergie renouvelable et de l’usage de ses certificats39 ;
- décret exécutif n° 17-168 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif
n° 15-319 du 13 décembre 2015 fixant les modalités de fonctionnement du compte

34
Décret exécutif n° 13-218 du 18 juin 2013 fixant les conditions d'octroi des primes au titre des coûts
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

de diversification de la production d'électricité, Journal officiel, n° 33.


35
Décret exécutif n° 13-425 du 18 décembre 2013 modifiant et complétant le décret exécutif n° 07-184
du 9 juin 2007 fixant les procédures pour la conclusion des contrats de recherche et d’exploitation et les
contrats d’exploitation des hydrocarbures suite à un appel à la concurrence, Journal officiel, n° 65.
36
Arrêté du 2 février 2014 fixant les tarifs d’achat garantis et les conditions de leur application pour
l’électricité produite à partir des installations utilisant la filière solaire photovoltaïque, Journal officiel,
n° 23.
37
Ibid.
38
Décret exécutif n° 17-98 du 26 février 2017 définissant la procédure d’appel d’offres pour la
production des énergies renouvelables ou de cogénération et leur intégration dans le système national
d’approvisionnement en énergie électrique, Journal officiel, n° 15.
39
Décret exécutif n° 17-167 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif n° 15-69 du 11
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N° 05 • 2020
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février 2015 fixant les modalités de certification de l’origine de l’énergie renouvelable et de l’usage de
ses certificats, Journal officiel, n° 31.

20
d’affectation spéciale n° 203-131 intitulé « Fonds national pour la maîtrise de
l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la cogénération »40.

Toutefois, l’obstacle majeur à la maitrise de l’énergie demeure sa soumission à un prix


subventionné. Selon la Banque mondiale, les subventions totales en Algérie absorbent
30 % du budget de l’État et 11 % de son PIB et s’élèvent à environ 10 à 20 milliards
de dollars. Cette situation nécessite une redéfinition du système des subventions afin
de favoriser les nécessiteux en priorité41.

Par ailleurs, la loi n° 11-11 du 18 juillet 2011 a consenti à relever le niveau de


financement de l’activité en faisant passer la redevance pétrolière, qui finance le Fonds
national des énergies renouvelables, de 0,5 % à 1 %. Pour sa part, le décret exécutif
n° 13-218 de juin 2013 a fixé les conditions d’octroi des primes au titre des coûts de
diversification de la production nationale d’électricité.

D’un autre côté, les moyens d’encadrement de la politique nationale d’efficacité


énergétique ont été définis par la loi n° 99-09 du 28 juillet 1999 relative à la maîtrise
de l’énergie, complétée par le décret exécutif n° 04-92 du 25 mars 2004 relatif aux
coûts de diversification de la production d’électricité, qui a préparé le terrain à la loi
n° 04-09 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le
cadre du développement durable, qui encourage la promotion des énergies nouvelles et
renouvelables non polluantes, comme l’énergie solaire.

En 2020, l’État a tenté d’asseoir un modèle énergétique plus propre par la mise en place
d’un Programme national de transition énergétique qui vise la diversification des
sources énergétiques à travers le développement des énergies renouvelables et la
promotion de l’efficacité énergétique en tant qu’action complémentaire de grande
importance. Ce programme est structuré autour : de la préservation des ressources
fossiles et leur valorisation ; du changement du modèle énergétique de production et de
consommation ; du développement durable et de la protection de l’environnement ; et
de la maitrise des coûts de la réalisation des installations des énergies renouvelables.

De surcroît, l’Algérie s’est engagée dans plusieurs partenariats et organismes


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

internationaux et africains en vue d’asseoir un nouveau sentier énergétique. Elle a ainsi


adhéré à l’Alliance internationale solaire en souscrivant l’accord y relatif du 7 mars
2018. Elle est également membre du Centre régional des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique, qui a été créé en vertu de la déclaration du Caire signée en juin
2008 par dix pays arabes (Algérie, Égypte, Jordanie, Liban, Lybie, Maroc, Tunisie,
Palestine, Syrie et Yémen) et qui vise à faciliter et promouvoir l’adoption des pratiques

40
Décret exécutif n° 17-168 du 22 mai 2017 modifiant et complétant le décret exécutif n° 15-319 du 13
décembre 2015 fixant les modalités de fonctionnement du compte d’affectation spéciale n° 302-131
intitulé « Fonds national pour la maîtrise de l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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cogénération », Journal officiel, n° 31.


41
F. Si Mansour, op. cit., p. 319.

21
d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique dans le monde arabe. En outre,
l’Algérie joué un rôle actif dans la création de la Commission africaine de l’énergie.
Un cadre juridique assez étoffé a donc été mis en place dans le but de faciliter la
transition énergétique, voulue dans le discours politique mais surtout rendue impérative
par les rebondissements multiples du marché de l’énergie et la finitude des réserves
fossiles. Cependant, un état des lieux effectué en 2020 fait montre d’un manque de
rigueur dans l’application du planning tracé. En effet, hormis la réception (étalée
jusqu’en 2017) des centrales solaires photovoltaïques totalisant 343 MW du
programme lancé en 2014 par SKTM (Shariket Kahraba wa Taket Moutadjadida) et la
mise en service par la Société nationale pour la recherche, la production, le transport,
la transformation et la commercialisation des hydrocarbures, dans le cadre de sa
stratégie SH 2030, d’une première centrale solaire photovoltaïque de 10 MW, aucune
autre réalisation n’est à mettre en exergue.

Conclusion
Les trois rapports spéciaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat publiés en 2018 et 2019 insistent sur l’impératif d’agir en matière
d’adaptation pour renforcer la résilience, par la gestion de risque et l’adaptation, car les
choix en matière d’émissions de gaz à effet de serre auront des conséquences majeures
sur l’ampleur du réchauffement et des risques associés au-delà de 205042. Ils tirent la
sonnette d’alarme quant à l’urgence de transitions énergétiques viables. Ces dernières
supposent de passer de modèles de croissance et de développement économiques
classiques à un modèle de croissance verte et de développement durable. Cela suppose
de relever le niveau de l’innovation vers plus de durabilité, notamment via les énergies
renouvelables, l’économie et l’efficacité énergétique. Le défi est immense pour des
pays dont les ressources fossiles constituent la source première de revenu et de richesse,
comme c’est le cas de l’Algérie, mais l’urgence d’une transition énergétique est dictée
par les contextes économique, social et environnemental. En effet, selon le
Commissariat aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique, toute transition
énergétique n’a de sens stratégique pour un pays que lorsqu’elle est essentiellement
élaborée pour répondre en premier lieu aux besoins locaux sur la base de prévisions
fiables à moyen et surtout à long terme. Or, tous les scénarios en matière de demande
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

et de potentialités énergétiques laissent présager le pire pour l’économie algérienne,


d’où la nécessaire transition énergétique, dont un processus très timidement enclenché
dans les années 1980 connaît une envolée exceptionnelle depuis peu. Il s’est
accompagné d’un arsenal juridique riche permettant l’application des programmes
entrepris dans le domaine. Au vu de l’appareil réglementaire et institutionnel déployé,
il existe une dynamique de changement sur papier. Cependant, l’acceptabilité de ces
orientations et surtout leur application reste en deçà des objectifs tracés en raison des
résultats décevants auxquels le mouvement de transition énergétique a donné lieu.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions

42
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

V. Masson-Delmotte, « Réchauffement climatique : état des connaissances scientifiques, enjeux,


Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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risques et options d’action », Comptes rendus, Géoscience, tome 352, n° 4-5, 2020, pp. 251-277.

22
LA GESTION DE LA CRISE CLIMATIQUE EN
TUNISIE : POUR UNE MEILLEURE GOUVERNANCE
ENTRE LE NATIONAL ET LE LOCAL
Afef HAMMAMI-MARRAKCHI

Maître de conférences agrégée, Faculté de droit de Sfax

Résumé
La question climatique se pose avec une acuité certaine en Tunisie compte tenu des
effets perceptibles des dérèglements climatiques dans un pays touché de plus en plus
par la pénurie d’eau. Or, la réponse à ce phénomène, même si elle repose sur un arsenal
juridique d’une certaine densité, ne semble pas tenir compte de la désarticulation, tant
structurelle que fonctionnelle, qui caractérise le droit climatique tunisien. Ce dernier ne
semble pas répondre aux exigences de la bonne gouvernance au regard d’une
implication contrastée du pouvoir central, qui a l’apanage de la compétence en la
matière, et l’échelon local, faiblement sollicité. À cette dilution des compétences
s’ajoute la faiblesse des outils d’accompagnement nécessaires à toute gestion intégrée
de la problématique climatique, entravant par là-même sa bonne gouvernance.

Mots clés : climat, national, local, gouvernance, désarticulation, planification,


financement.

Abstract
The climate issue is definitely a concern in Tunisia given the discernible effects of
climate change in a country increasingly affected by water scarcity. However, the
response to this phenomenon, while stemming from a legal arsenal of a certain density,
does not seem to take into account the disjunction, both structural and functional,
which characterizes Tunisian climate law. The latter does not seem to meet the
requirements of good governance in view of the contrasting involvement of the central
government, which has the prerogative of competence in this area, and the local
authorities, which are inadequately called upon. Added to this dilution of powers is the
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

weakness of the support tools necessary for any integrated management of the climate
issue, thereby hampering its good governance.

Keywords: climate, national, local, governance, disjunction, planning, financing.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

23
Introduction
D’intérêt général pour l’humanité1, la préservation du climat est aussi une question
d’intérêt national. C’est ainsi que le droit tunisien n’est pas resté à la traîne de
l’évolution du droit international s’agissant de la sécurité climatique : au contraire, les
développements récents du droit positif tunisien sont favorables à l’intégration des
nouvelles exigences liées aux risques et aux changements climatiques, même si cette
démarche semble surtout focalisée à l’heure actuelle sur la répartition des
responsabilités climatiques entre les institutions existantes, plutôt que sur la mise en
place de mécanismes destinés à une meilleure gouvernance climatique2.

La question climatique s’est ainsi posée dans ses rapports avec la gouvernance
institutionnelle de la crise qui en a résulté. À ce titre, les changements climatiques, les
phénomènes naturels extrêmes, la pauvreté… sont autant de manifestations liées au
climat nécessitant des moyens de gestion adaptés.

C’est cette crise et sa gestion qui appellent et justifient le débat autour de la dialectique
du national et du local en tant que cadre territorial au niveau duquel s’intègrent
différents principes d’action publique et qui appelle à repenser les relations entre les
différents échelons au sein de l’État.

Si l’État tunisien s’est distingué par une adhésion rapide à l’ensemble des instruments
internationaux en relation avec le climat3, il était également conscient de l’impact
national des changements climatiques. À ce titre, la Tunisie a développé une politique
législative favorable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et
différentes mesures font état de ses actions, qui vont de la promotion des énergies
renouvelables et l’amélioration de l’efficacité énergétique, à la prescription
d’obligations de rénovation énergétique des bâtiments, etc.4

Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été lancées, comme la réalisation de travaux sur la
transition énergétique, l’élaboration d’une stratégie sur les changements climatiques en
2012, avec la production d’un premier rapport biannuel en 2014 et la présentation de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1
M. Oubejja, « L’environnement : un bien public mondial », Economia, 1er novembre 2012.
2
M. Damian, « La politique climatique change enfin de paradigme », Économie appliquée, tome LXVII
(1), 2014, pp. 37-72.
3
Notamment la Convention pour la protection de la couche d’ozone (Vienne, 22 mars 1985) et la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (Rio, 9 mai 1992), telles que
complétées par leurs divers protocoles additionnels : le Protocole de Kyoto adopté en 1997, l’Accord de
Paris sur le climat adopté en 2015, etc.
4
En Tunisie, le secteur des énergies renouvelables s’appuie sur la loi n° 2004-72 du 2 août 2004,
modifiée par la loi n° 2009-7 ; à ce cadre juridique s’ajoutent : la loi sur la production de l’électricité à
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

partir des énergies renouvelables du 11 mai 2015 ; et la loi n° 2009-7 du 9 février 2009, modifiant et
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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complétant la loi n° 2004-72 du 2 août 2004, relative à la maîtrise de l’énergie.

24
la contribution déterminée au niveau national en 20155. Or, l’impact du phénomène
transcende le champ territorial classique, s’intéressant au seul échelon central, et doit
être appréhendé selon la dialectique national-local, car la notion de local, que l’on
oppose souvent à celle de national, doit être étudiée différemment dans le cadre de la
lutte contre les changements climatiques. Cette lutte s’effectue au moyen de mesures
horizontales, marquant ainsi la transversalité de la matière, ce qui nécessitera
d’envisager la gouvernance de la question climatique.

L’étude de l’encadrement juridique du phénomène climatique et des moyens


d’adaptation ou d’atténuation à ses effets mettra l’accent sur les failles du droit en
vigueur et permettra d’élucider la réelle vision du législateur tunisien dans son
appréhension du phénomène dans sa globalité.

Cette lecture ouvrira au chercheur la possibilité d’envisager le débat relatif aux pistes
d’une meilleure gouvernance du secteur où l’autorité centrale, loin de commander
unilatéralement, devrait faire appel à ses relais locaux moyennant des mécanismes
d’accompagnement indispensables6.

Concrètement, la détermination et la mise en œuvre de la politique est l’apanage des


seules autorités centrales ; or, les impacts des changements climatiques touchent tous
les secteurs, espaces, espèces, etc., ce qui nécessite non seulement l’intervention des
acteurs chargés de la mise en œuvre des instruments internationaux auxquels l’État est
partie au plus haut niveau de l’État, mais encore des adaptations aux différents niveaux
locaux et infra-nationaux. C’est là qu’ont vocation à intervenir les collectivités locales,
appréhendées ici comme des entités auxquelles la Constitution du 27 janvier 2014
reconnaît une autonomie de gestion des intérêts locaux.

Ainsi, si le rôle du l’État dans la lutte contre les changements climatiques est connu, la
présente analyse choisit de s’attarder sur le rôle du droit interne, en l’occurrence
tunisien, face à la question climatique dans une perspective intra mettant en relation le
cadre national et local. En effet, le phénomène de la mondialisation des changements
climatiques a mis l’accent sur le rôle des États, tandis que l’évolution du droit
international du climat a en même temps contribué à mettre en avant l’apport des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

collectivités territoriales, en faisant de la sécurité climatique une affaire d’intérêt local.

L’étude du cadre juridique relatif aux changements climatiques nous invite donc à nous
interroger sur les modalités de la prise en compte par le droit tunisien de ce couple
national-local, ainsi que la manière dont l’instrument juridique permet de répondre à
l’objectif d’une gestion intégrée de la question climatique.

5
F. Moussa, « Le “NDC” tunisien à l’épreuve de l’Accord de Paris sur le climat », La femme et son
environnement, sa priorité… Mélanges en l’honneur de la professeure Soukaina Bouraoui, Tunis, Centre
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de publication universitaire, 2018, pp. 679-703.


6
M. Hautereau-Boutonnet, « Quel droit climatique » ?, Recueil Dalloz, 2015, p. 2260.
25
L’approche du droit climatique tunisien est, semble-t-il, davantage centrale que
globale. En effet, le penser global suppose aussi d’agir localement, ou du moins
transversalement. Or, nous nous interrogerons dans cette recherche sur cette
transversalité d’un point de vue spatial en nous arrêtant sur l’implication des
collectivités locales à partir de plusieurs paramètres.

D’abord, il n’est plus à démontrer que la matière climatique constitue une question
mixte appelant des jeux d’acteurs centraux et locaux et des enjeux territoriaux
nombreux au-delà du national et de l’international.

Ensuite, l’espace-temps du rapport classique à l’environnement prend un sens différent


lorsqu’il s’agit des changements climatiques au regard de la spécificité des enjeux y
relatifs.

Le droit climatique tunisien a-t-il réussi à dépasser les frontières entre le national et le
local au regard de l’interdisciplinarité de la matière qui suppose un dialogue entre les
territoires ?

L’étude du cadre juridico-institutionnel tunisien illustre les difficultés actuelles du droit


positif à aller vers des concepts globaux et à construire un véritable droit climatique en
Tunisie, puisque qu’il semble se diluer dans la répartition des responsabilités
climatiques (1) sans asseoir les outils pertinents pour une meilleure gouvernance de la
question climatique (2).

1. Quand le droit se dilue dans la répartition des


responsabilités climatiques
Si la lutte contre les changements climatiques est incontestablement l’une des
politiques stratégiquement essentielles pour l’État au regard de son lien avec le
développement durable, le choix du législateur d’une centralisation structurelle (1.1)
mais aussi fonctionnelle (1.2) de l’action climatique ne se justifie guère du point de vue
la gouvernance climatique.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.1. La centralisation structurelle de l’action climatique


L’analyse même rapide du cadre institutionnel chargé de la mission climatique en
Tunisie laisse déceler la prédominance de l’autorité centrale. C’est ainsi que l’État
tunisien a choisi comme point focal de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques (CCNUCC) le ministère de l’Environnement. À travers ce
ministère, l’État, autorité centrale, joue le rôle d’un véritable chef d’orchestre, chargé
tout à la fois de diriger, orienter, coordonner, rationaliser, inciter ou impulser, interdire
et sanctionner.
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26
Considéré comme détenant l’expertise climatique, le ministère de l’Environnement,
créé depuis 1992, a connu une évolution relative quant à l’intégration de la
problématique climatique au niveau de sa structure interne. Seule une direction chargée
des affaires internationales semble être en lien, même indirect, avec la problématique
climatique, sans coordination avec l’échelon local7.

Pourtant, la fusion en 2017 au sein d’un ministère des Affaires locales et de


l’Environnement pouvait laisser entendre que les questions environnementales, y
compris climatiques, seraient désormais d’un abord plus facile dans leurs liens avec
l’échelon local. Or, les deux portefeuilles sont organiquement séparés : en témoigne
l’élaboration du projet du code des collectivités locales (CCL) dans les locaux réservés
au ministère des Affaires locales, sans implication sérieuse des services chargés de
l’environnement.

Cette vision sectorielle s’applique d’ailleurs même dans les rapports entre autorités
centrales elles-mêmes, puisqu’il n’existe aucun service chargé du climat dans les autres
départements ministériels qui sont directement concernés par la question (équipement,
énergie, agriculture)8.Il a fallu attendre 2018 pour que ce ministère pivot se voie enfin
doté d’une unité de gestion par objectifs pour la mise en œuvre de la CCNUCC 9. La
nouvelle structure est essentiellement chargée de la réalisation du programme de suivi
et de coordination des activités relatives à la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le
climat et de « l’implication effective des principaux intervenants lors de l’identification
des priorités et du suivi des progrès de la mise en œuvre des contributions déterminées
au niveau national […] en vue de réaliser les objectifs inscrits dans les contributions
déterminées au niveau national ».

Or, ce décret de 2018 ne contient aucune référence expresse aux communes, marquant
ainsi un désintérêt pour les partenaires territoriaux. En témoigne le texte d’application
qui a mis en place deux comités techniques consultatifs10 dans les domaines de
l’adaptation aux changements climatiques et de l’atténuation des émissions de GES,

7
Le décret n° 2020-313 du 15 mars 2020 modifiant et complétant le décret n° 2006-898 du 27 mars 2006
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portant organisation du ministère de l’Environnement et du développement durable charge la direction


de la coopération internationale et du partenariat « du suivi et de l’application des engagements
internationaux et de l’intégration dans les processus internationaux environnementaux ».
8
Le deuxième rapport biennal de la Tunisie au titre de la CCNUCC présente un aperçu général des
documents d’inventaires des émissions de GES dans une perspective d’adaptation selon une approche
participative, mais les collectivités locales sont faiblement mentionnées : République tunisienne,
Deuxième rapport biennal de la Tunisie au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, Tunis, décembre 2016.
9
Décret gouvernemental n° 2018-263 du 12 mars 2018, portant création d’une unité de gestion par
objectifs pour la mise en œuvre de « l’accord de Paris » sur le climat et fixant ses missions, son
organisation et les modalités de son fonctionnement.
10
Créés en vertu du décret gouvernemental n° 69-2020 du 7 février 2020. Ils contribuent notamment à
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l’identification des priorités nationales dans le domaine de l’atténuation des émissions de GES et
l’intégration de ces priorités dans les plans de développement en Tunisie.

27
dont la composition est principalement technique et sans aucune représentativité
territoriale11.

Ce paysage institutionnel chargé du dossier climatique témoigne d’une vision


sectorielle, fortement centralisée, en désharmonie avec les exigences de cohérence et
de coordination institutionnelle qu’exige la problématique climatique.

Le choix délibéré ou involontaire d’écarter les communes se vérifie également à travers


la faible représentativité des structures les regroupant au sein des instances nationales
chargées de la mission climatique. C’est ainsi que la Fédération nationale des villes
tunisiennes, seul organe dont les structures sont totalement élues par l’ensemble des
communes, ne semble pas impliquée dans les différentes structures centrales
susmentionnées. De même, le Haut comité des collectivités locales, crée par l’article
141 de la Constitution tunisienne, et dont le rôle peut être crucial en matière de
coordination entre les politiques de développement, locales y compris climatiques, et
celles nationales, n’est pas été cité comme acteur aux côtés du pouvoir central12.

L’autorité centrale est certes le chef de file responsable de la stratégie nationale en


matière de changements climatiques (adaptation/atténuation), mais avec la
participation d’autres ministères, de même qu’en matière de préparation de la
contribution déterminée au niveau national (CDN)13. Cependant, cette politique est
amputée d’une approche territoriale faute d’implication du relais local.

Sur un plan plus stratégique, il n’existe pas en droit tunisien une structure
spécifiquement chargée de la mission climatique à l’instar du Haut Conseil pour le
climat en France. Dans la mission qui lui incombe, le code de l’environnement ne
manque pas de préciser qu’il est chargé de « la mise en œuvre et l’efficacité des
politiques et mesures décidées par l’État et les collectivités territoriales »14.

La Tunisie aurait pu opter pour la création d’un organe ad hoc assurant aussi bien une
coordination horizontale qu’une coordination verticale, ou bien créer des cellules de
coordination au sein des organismes existants, chapeautées par un organe central pour
la cohérence de l’ensemble. Mais le pouvoir constituant s’est orienté vers la création
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

d’une instance constitutionnelle dotée d’une mission plus générale, à savoir l’Instance
du développement durable et des droits des générations futures15.

11
Parmi leurs membres figurent les directeurs généraux des ministères de l’Environnement,
l’Agriculture, la Pêche et les Ressources hydrauliques, la Santé, l’Équipement, ainsi que des
représentants de la direction générale des forêts, du ministère de l’Agriculture, de la Pêche et des
Ressources hydrauliques, etc.
12
Il faut dire que cet organe n’a pas encore vu le jour pour cause de non élection des conseils régionaux.
13
https://www4.unfccc.int/sites/ndcstaging/PublishedDocuments/Tunisia%20First/INDC%20Tunisie%20
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14
Chapitre II bis : Haut Conseil pour le climat, article L. 132-4.
15
Article 129 de la Constitution.
28
Lors des débats relatifs au projet de loi organique relative à cette Instance, le choix
d’impliquer les communes dans le paysage institutionnel chargé du développement
durable en général et de la problématique climatique en particulier s’est partiellement
posé16. Cependant, les propositions orientées vers les déclinaisons territoriales de
l’Instance pour la rapprocher de l’échelon local et de la population locale ont été
écartées. Pour autant, la loi organique relative à l’Instance prévoit que les communes
sont représentées au sein du forum de l’Instance, et donc au sein des commissions le
composant, parmi lesquelles celle de la lutte contre les changements climatiques. Cet
état des choses est confirmé par une désarticulation fonctionnelle.

1.2. La désarticulation fonctionnelle


La Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 a innové en consacrant dès son
préambule la sécurité du climat ainsi que « la nécessité de contribuer à la préservation
du climat et à la sauvegarde d’un environnement sain permettant de garantir la
pérennité de nos ressources naturelles et la poursuite d’une existence sûre au profit des
générations futures »17. Cette obligation n’incombe pas uniquement à l’État au sens de
l’autorité centrale mais implique ipso facto toutes les autorités publiques, y compris au
niveau local, car l’État est organisé administrativement sous une forme décentralisée18.
Or cette mission d’intérêt général semble l’apanage de l’autorité centrale bien que cette
question se caractérise par une imbrication d’intérêts où le national et le local se
rencontrent nécessairement et se complètent pour une meilleure gouvernance vectrice
d’un développement durable.

Cette lacune n’est pas nouvelle ; en atteste la loi de 2007 relative à la qualité de l’air
dont l’objectif novateur, à l’époque, était de préserver le droit à l’environnement et le
droit à un développement durable, à travers notamment la réduction de la
consommation d’énergie et le développement des ressources renouvelables19.

En effet, ce texte fait de la lutte contre la pollution atmosphérique une mission


strictement centrale et écarte presque les collectivités locales, dont les compétences se
trouvent en désarticulation totale avec celle des intervenants centraux 20. Ce choix
législatif semble totalement différent du choix du droit français, par exemple, où la loi
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

sur l’air charge de cette mission chaque autorité dans son domaine de compétence21.

16
La loi n° 2019-60 du 9 juillet 2019 relative à l’Instance du développement durable et des droits des
générations futures.
17
Article 45.
18
Article 14.
19
Article 1er de la loi n° 2007-34 du 4 juin 2007.
20
La loi répartit les compétences entre l’Agence nationale de protection de l’environnement, le ministère
chargé de l’environnement et celui de la santé… Les collectivités locales y sont citées à titre secondaire
et ne semblent pas être considérées comme parties prenantes de la politique nationale de lutte contre la
pollution de l’air.
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21
Article L. 220-1 du code de l’environnement : « L’État et ses établissements publics, les collectivités
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territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le

29
Ce choix se confirme à travers la lecture du droit national de l’environnement à la
lumière du droit de la décentralisation, cette fois instauré par l’adoption du CCL en
2018, qui confirme le constat selon lequel la question climatique semble se présenter
comme d’intérêt strictement national22.

Ainsi, la lecture du CCL permet de déduire un réel paradoxe entre l’exposé des motifs
du texte et ses principes généraux, qui accordent une responsabilité certaine aux
communes en matière d’environnement, et les autres articles du code qui traduisent les
responsabilités des collectivités locales détaillées en compétences concrètes. Sur ce
plan, le rôle des collectivités locales devient de plus en plus réduit, s’agissant de la
question climatique particulièrement23.

De plus, si « les compétences représentent la plénitude du pouvoir d’une autorité dans


un domaine »24, elles traduisent la vision sectorielle du droit de la décentralisation qui
adopte une mauvaise répartition des compétences environnementales impactant les
responsabilités respectives de l’autorité centrale et des communes, essentiellement en
matière de climat25.

En effet, même si la Constitution consacre la notion d’intérêt local, le législateur n’a


pas expressément opté pour la clause générale de compétence pouvant faire jouer le
principe de proximité des communes pour agir naturellement et de plein droit en
matière de la sobriété énergétique, nécessaire à la lutte contre le réchauffement
climatique26. Par ailleurs, le législateur a opté pour une répartition des compétences
entre compétences propres, transférées et partagées. Or, au-delà de son opportunité, ce
choix n’est pas pertinent s’agissant de la question climatique car le climat n’a pas été
cité au titre de ces trois types de compétences.

Est-ce à dire que le climat est considéré en droit tunisien comme un intérêt public
national ? Et même si nous partons de ce constat, rien n’empêche que les communes y
interviennent, d’autant plus que la Constitution charge l’État, au sens large, de la
sécurité climatique. Les communes seraient donc compétentes pour intervenir eu égard
au climat dans un but d’intérêt général27.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Pour autant, le droit de la décentralisation permet, par une certaine lecture, de retrouver
des compétences des collectivités, notamment des communes, dont le contenu nous
ramène vers la lutte contre les changements climatiques, comme leur rôle en matière

domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la
mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ».
22
Loi organique n° 2018-29 du 9 mai 2018.
23
M. Hautereau-Boutonnet, op. cit., p. 2259.
24
Ibid.
25
Ibid.
26
J.-M. Pontier, « Qu’est-ce que le local ? », L’Actualité juridique. Droit administratif, 2017, p. 1093.
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27
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Ibid.

30
d’économie et d’utilisation rationnelle de l’énergie, de maîtrise de l'énergie, de
production énergétique à partir de ressources renouvelables, etc. Mais le lecteur
s’étonne que le CCL ne fasse pas référence à la législation en vigueur en matière
d’énergies renouvelables, ce qui est révélateur de sa vision peu intégrée28.

De même, le législateur n’est pas allé jusqu’à la consécration du climat parmi les
services publics locaux, faisant de la lutte à mener l’une des priorités
environnementales de l’échelon local. Ainsi, le CCL n’adopte pas une approche
d’intégration où l’enjeu climatique transcende les différents secteurs locaux, vecteurs
d’enjeux environnementaux globaux, à l’instar de l’industrie, l’agriculture, le tourisme,
l’urbanisme…

Plus étonnant encore, le droit de la décentralisation ne reconnaît qu’un simple rôle


consultatif aux communes pour les projets que l’autorité centrale compte entreprendre
sur le territoire local, quand bien même ils pourraient impacter leur micro-climat.

Ce rôle se trouve d’autant plus limité par des compétences répressives insuffisantes.
Ainsi le maire, en tant qu’autorité de police locale, ne peut limiter ou arrêter que
provisoirement une activité qui menace le climat et plus généralement l’environnement
lorsqu’elle relève de la compétence de la police nationale et spéciale (ministre, Chef de
gouvernement). L’État central détient ici unilatéralement la compétence répressive, y
compris sur le sol communal.

Enfin, la question climatique nécessiterait des missions adaptées aux spécificités


locales de chaque zone du territoire et notamment de certains espaces particulièrement
touchés par le risque climatique. Car même si le local est singulier par rapport au
national, il devient pluriel lorsqu’il s’agit notamment du climat29. Or, le CCL a connu
sur ce plan une régression notoire dans le sens de la suppression d’une disposition
permettant la prise en compte des spécificités des îles et des oasis, ce qui atteste de
l’absence d’un lien direct avec la problématique climatique.

2. Une inadéquation des outils mis au service de la


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

gouvernance climatique
L’étude des mesures mises au service de la lutte contre les changements climatiques
dénote l’absence de vision convergente entre le national et le local. Cette vision
sectorielle est confirmée par l’insuffisance des outils d’intégration de la problématique
climatique au cœur du pouvoir local ; tout au plus le pouvoir central intervient-il pour
appuyer une telle action ou l’encadrer localement. Des outils de planification peu
exploités (2.1), ajoutés à la faiblesse des outils financiers (2.2), marquent l’insuffisance

28
Les énergies renouvelables émettent moins de GES et de polluants atmosphériques et contribuent de
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ce fait à la lutte contre les changements climatiques et à l’amélioration de la qualité de l’air.


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29
J.-M. Pontier, op. cit., p. 1100.

31
des moyens d’accompagnement indispensables à la bonne gouvernance de la crise
climatique.

2.1. Des outils de planification faiblement exploités


Outre sa capacité d’intégration, d’articulation et d’harmonisation des différentes
politiques et des interventions des divers acteurs, la planification est d’un apport
considérable en matière de gestion des risques climatiques.

Ainsi, si la planification nationale est largement à l’œuvre s’agissant de la question


climatique, son champ reste strictement national, ne parvenant pas jusqu’aux
collectivités locales. Ces dernières sont d’abord exclues du processus de préparation
des stratégies climatiques, en matière d’adaptation ou d’atténuation. Ce constat est
valable aussi pour les communes particulièrement vulnérables (cas des communes
littorales). C’est ainsi que les différentes stratégies nationales n’ont aucune étendue
territoriale.

La lecture des stratégies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques


montre qu’elles sont quasi-neutres du point de vue de la décentralisation ; au mieux,
certaines font référence aux « populations » ou aux « groupes vulnérables », mais sans
approfondir la question territoriale.

Ainsi, cet outil stratégique se limite à détailler les mesures à adopter par secteur, ne
réservant pas de titre à la gouvernance et ne citant pas suffisamment les communes, ce
qui confirme l’approche centralisante de l’État tunisien.

De même, la contribution déterminée au niveau national de la Tunisie, dont la première


version a été adoptée en 2015, ne semble pas particulièrement orientée vers les
composantes territoriales de la gestion climatique. Ainsi, rares sont les passages
abordant les spécificités territoriales et les microclimats ou adoptant des mesures où
l’échelon local pourrait jouer un rôle.

Cette stratégie, qui est en cours d’actualisation par application de l’Accord de Paris 30,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

devrait répondre à une meilleure articulation entre les axes d’adaptation en prenant en
considération les aspects réglementaires, techniques et institutionnels, particulièrement
les mécanismes de concertation, la coordination et la procédure de validation des
documents de planification, y compris au niveau local. Or, rien ne présage que
l’autorité nationale désignée s’oriente vers une spatialisation de la CDN.

Par ailleurs, la stratégie nationale de développement durable adoptée en 2005 et


actualisée en 2011, n’aborde que partiellement la décentralisation parmi les axes
stratégiques de la planification nationale. De même, cette stratégie ne semble pas
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30
Obligeant à une actualisation des CDN tous les cinq ans.

32
particulièrement orientée vers la problématique climatique et ne s’y intéresse que
sommairement.

Cette stratégie cède aujourd’hui la place à une autre stratégie, depuis l’adoption de
l’Agenda 2030 pour la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD).
Or, à ce niveau également, la présentation des 17 ODD dans le texte de l’Agenda 2030
tunisien ne prévoit pas explicitement l’interrelation entre le local et le national.
Pourtant, les ODD sont basés sur la transversalité des liens entre la sécurité climatique
et les institutions fortes, la gouvernance étant au cœur de ces objectifs.

Actuellement, le gouvernement tunisien est en train de préparer son nouveau plan de


développement 2021-2025. Il est intéressant de s’interroger sur la place qu’y
occuperaient l’environnement, le climat et les ODD en général. En effet, le chercheur
est en droit de s’interroger sur le contenu d’un tel document stratégique et des
dispositions prévues pour mettre en œuvre les engagements y figurant. Ce
questionnement se justifie d’autant plus que le plan de développement 2016-2020 était
orienté vers « l’économie verte en tant que vecteur du développement durable » à
travers « la réduction des impacts négatifs des changements climatiques » ainsi que « le
renforcement des capacités nationales pour prévenir les risques naturels et promouvoir
l’alerte précoce des catastrophes afin de réduire leurs effets ». Or, pour ambitieux qu’ils
soient, ces objectifs n’étaient aucunement déclinés sur le plan territorial, ni traduits par
un échéancier chiffré. De plus, ce plan n’a pas fait l’objet d’une évaluation qui mettrait
l’accent sur ses insuffisances en termes d’approche territoriale.

Par ailleurs, si la logique de programmation nationale en matière climatique exclut les


communes, la programmation locale elle-même, telle que consacrée par le droit de la
décentralisation, semble également ignorer le climat. À ce titre, le CCL consacre les
plans locaux de développement en tant que cadre de référence pour que les communes
« fixent leurs programmes d’intervention dans le domaine du développement global ».
Ces derniers doivent certes prendre en compte les ODD, ce qui suppose indirectement
la consécration d’objectifs mis au service de la réduction de l’empreinte carbone31. Or,
concrètement, sur les 350 communes tunisiennes, moins de la moitié a entrepris la
préparation de tels plans et une minorité s’est intéressée indirectement à la question
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

climatique32.

Cette planification spécifique devrait surtout prendre en compte certains écosystèmes


fragiles33 et être synchronisée avec d’autres outils de planification inexploités et
pourtant consacrés par d’autres textes. C’est le cas des plans de protection de l’air et
des plans de déplacements urbains consacrés par la loi sur l’air précitée. Les premiers
sont préparés par l’Agence nationale de protection de l’environnement en coordination

31
Article 106 du CCL.
32
Des expériences pilotes sont en train d’être menées portant sur l’élaboration des plans climats locaux.
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33
Tels que les paysages côtiers qui ont aussi une valeur culturelle, les zones humides, les estuaires, les
habitats marins, les forêts littorales, les dunes, les îles et îlots.
33
avec les collectivités locales dans les agglomérations dont le nombre d’habitants
dépasse un seuil fixé par arrêté34. Les seconds permettant de limiter l’utilisation des
moyens de transports polluants, de développer le transport collectif et les moyens
économes en énergie. Or, non seulement les textes d’application relatifs à ces plans
n’ont vu le jour qu’après une dizaine d’années de la date de promulgation de la loi,
mais depuis l’adoption de ces textes d’application, seules quelques communes se sont
orientées vers l’élaboration de tels plans35.

Ces différentes mesures nécessiteront davantage de rapprochements entre le droit de la


décentralisation et les droits de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de
l’urbanisme au service d’une gestion intégrée du climat au niveau local.

Plus récemment, un effort supplémentaire est déployé, auprès du ministère de


l’Environnement, en vue d’intégrer l’approche genre dans tous projets en lien avec les
changements climatiques, y compris au niveau local. Mais de tels projets nécessitent
pour leur réalisation beaucoup de moyens financiers.

2.2. Un financement insuffisant des actions climatiques


Si la décentralisation introduite en droit tunisien tend à donner une plus grande
autonomie décisionnelle aux acteurs locaux, y compris en matière environnementale et
climatique, nous constatons la rareté des outils financiers mis au service de la
gouvernance des changements climatiques.

C’est ainsi que le CCL charge les communes de prévoir des crédits pour appuyer les
projets environnementaux et plus généralement d’économie verte et d’économie
sociale et solidaire36. Cependant, en l’absence d’une planification préalable axée sur
les objectifs environnementaux et de réduction de la pollution que la commune voudrait
atteindre, ces projets restent rares et les crédits peu alloués. Plus encore, la majorité des
communes considèrent que de tels projets ne sont pas prioritaires et nécessitent la
mobilisation d’importants moyens financiers qui leur manquent.

Afin d’encourager les communes à investir dans de tels projets le législateur sollicite
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’appui de l’autorité centrale pour que l’État s’engage « à appuyer ces projets
environnementaux à travers des conventions conclues avec les communes »37.

34
Articles 4 et 5 de la loi susvisée ; arrêté du ministre des Affaires locales et de l’Environnement et du
ministre de la Santé du 18 mai 2018, fixant le nombre d’habitants requis pour déterminer les
agglomérations urbaines nécessitant l’élaboration de plans de conservation de la qualité de l’air.
35
Ces dispositions ont été complétées par le décret gouvernemental n° 2018-447 du 18 mai 2018 fixant
les seuils maximums et des seuils d’alerte de qualité de l’air.
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

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Revue Africaine de Droit de l’Environnement

36
Ramassage des déchets, compost, recyclage, économie d’énergie…
African Journal of Environmental Law

37
Article 109 du CCL.

34
Le volet financier se vérifie également à travers les principes de solidarité et de
discrimination positive. Ces principes sont traduits par le fonds d’appui à la
décentralisation, de péréquation, de régularisation et de solidarité entre les collectivités
locales. L’article 39 du CCL prend en considération, dans la répartition des crédits de
ce fonds, l’objectif de l’amélioration des conditions de vie des habitants de la
commune, qui sont souvent liées aux conditions environnementales et climatiques. Or,
ce fonds consacré constitutionnellement depuis 2014 et législativement depuis 2018
n’a été officiellement créé qu’il y a quelques mois par la loi de finances pour 202138.

A côté de ce fonds national, la faible intervention du Fonds Vert Climat au niveau des
projets communaux traduit le manque de transparence financière. En effet, cet outil
financier de la CCNUCC a pour objectif de limiter ou de diminuer les effets des
émissions de GES dans les pays en développement et d’aider « les communautés
vulnérables » à s’adapter aux effets déjà ressentis du réchauffement du globe39. À ce
titre, les collectivités locales peuvent bénéficier des opportunités offertes par ce fonds.
Or, le ministère de l’Environnement communique peu ou pas sur la question et rares
sont les appels adressés aux communes leur permettant de candidater pour bénéficier
des crédits alloués par ce fonds.

S’agissant du volet fiscal, le CCL reconnaît à la collectivité locale un pouvoir


délibératif pour fixer les droits, taxes et redevances40. Sur cette base, la commune est
autorisée à fixer certaines redevances à incidence environnementale41. De plus, la
collectivité locale peut instituer toute autre redevance qu’elle juge nécessaire en matière
d’environnement42.

De même, le conseil de la collectivité est habilité à fixer les cas d’exonération ou de


réduction des différents droits, redevances, taxes et participations aux dépenses des
travaux. Dans ce cadre, la commune peut user des « dépenses fiscales locales » comme
levier de la protection de l’environnement sur le territoire.

Les collectivités locales peuvent par ailleurs proposer à l’autorité centrale compétente
d’augmenter certaines redevances d’occupation du domaine de l’État pour y intégrer
l’impact environnemental et climatique43. Elles ont également une liberté pour
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

38
Article 13 de la loi n° 2020-46 du 13 décembre 2020 portant loi de finances pour l’année 2021.
39
République tunisienne, Programme de préparation à la finance climat. Guide : principales étapes
pour l’accès au Fonds vert pour le climat GCF, Tunis, mars 2019, p. 27.
40
Article 139 du CCL.
41
Ces taxes, droits et redevances sont déjà prévus par le code de la fiscalité locale. Les communes les
perçoivent sur la base d’une tarification fixée par un décret réglementaire.
42
Articles 140 et 141 du CCL.
43
D’autant plus que les impacts sur l’environnement sont pris en compte lors de la détermination de la
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africaines : avancées nationales et régionales
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redevance annuelle d’exploitation des carrières et des différentes propriétés, y compris privées,
conformément au principe pollueur-payeur.
35
l’évaluation et la fixation, tant de la redevance que de son assiette ou sa tarification, en
fonction de la spécificité de leur territoire44.

Sur un autre plan et afin de faire face aux moyens financiers limités, les communes ont
la possibilité de conduire leurs projets environnementaux en commun. Il peut s’agir
d’un partenariat décentralisé entre une commune tunisienne et une commune étrangère
ou avec un organisme gouvernemental ou une ONG. Dans ce cas, les projets urbains,
environnementaux et, plus particulièrement, en matière d’énergies renouvelables et
donc de lutte contre les changements climatiques, sont cités parmi les domaines
pouvant faire l’objet de coopération à travers des conventions de partenariat, de
coopération et d’échange45.

Ce partenariat peut être également intercommunal permettant à des communes visant


de se regrouper ou de mettre en place des synergies ou de mettre en commun des
ressources ou des outils pour réaliser des objectifs communs en matière, entre autres,
environnementale46. D’ailleurs, les établissements de coopération communale
bénéficient d’appui de l’État sous forme d’incitation fiscale et financière.

Mais ce sont les opportunités non exploitées par le partenariat public-privé qui attirent
particulièrement l’attention. Ainsi, les collectivités locales ont tout intérêt à travailler
avec le secteur privé. La promotion de ce partenariat constitue un choix stratégique
pour la Tunisie, et semble s’inscrire dans le cadre des principes constitutionnels de la
bonne gouvernance et d’efficacité. Ce partenariat essentiellement contractuel prend
plusieurs formes telle que la concession, le marché public ou de contrat de partenariat
public-privé encadré depuis 2015 en droit tunisien qui cite le développement durable à
plusieurs reprises47.

Or, le CCL détaille ces différents contrats de partenariat sans préciser leurs domaines
qui peuvent concerner des activités et des services verts, tels que les énergies
renouvelables, l’efficacité énergétique, l’utilisation efficace des matériaux écologiques,
les bâtiments durables, le recyclage des déchets...

De plus, le droit de la décentralisation n’a pas su mettre ces partenariats au service de


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

la problématique environnementale en général et climatique en particulier car le CCL


ne fait aucune référence à la loi de 2015 sur la vente d’électricité à partir des énergies
renouvelables dont les dispositions auraient pu être exploitées au niveau local, en ce
qu’elle concerne les collectivités locales48.
44
La commune devrait penser à instituer des redevances pour le dépôt ou le traitement des déchets des
unités de production polluantes ou encore une redevance annuelle au titre de l’autorisation d’exercer des
activités économiques dangereuses ou ayant des effets négatifs sur l’environnement conformément à la
législation en vigueur.
45
Article 40 du CCL.
46
Article 281 du CCL.
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47
Loi de n° 2015-49 du 27 novembre 2015 relative aux contrats de partenariat public privé.
48
Articles 9 et suivants de la loi précitée.

36
D’ailleurs, la mise en œuvre de cette loi pâtit de l’absence, cinq années après son
adoption, d’un cadre réglementaire complet permettant sa pleine application. Nous
constatons à ce niveau que le montage institutionnel lié aux projets de vente
d’électricité souffre de plusieurs insuffisances, témoignant de la nécessité pour le
pouvoir législatif de revoir ses choix quant à l’harmonie nécessaire entre les différents
échelons de prise de décision.

Conclusion
Face à la quasi-absence de l’échelon local comme partie prenante du projet national de
lutte en faveur de la sécurité du climat, les débats autour d’un projet de loi sur l’urgence
climatique commencent à faire écho, comportant une réorganisation de la coordination
institutionnelle pour permettre une gestion intégrée ayant vocation, à l’avenir, à être
encadrée par une stratégie globale, déclinée en stratégies nationales et locales.

Ces stratégies devraient favoriser l’investissement vert, avec des incitations


particulières dans des domaines ayant pour objet le développement des projets en
économie verte au niveau local. Ces possibilités pourraient inciter les communes à faire
du risque climatique une opportunité d’investissement, en appui à une croissance sobre
en carbone et résiliente.

Dans un contexte globalement peu favorable à la puissance publique, le manque de


gouvernance caractérisant le droit tunisien influe sur l’efficacité de l’effort de la
Tunisie à réaliser les ODD qui supposent pourtant une gouvernance multi-acteurs, où
la transparence et l’accès à l’information environnementale et climatique constituent
des clés du succès du combat pour le climat.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

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africaines : avancées nationales et régionales
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37
L’INTERFACE ÉNERGIE-CLIMAT EN DROIT
MAROCAIN : UN BILAN DÉCENNAL EN
CLAIR-OBSCUR
Soulaïmane AHSAIN
Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Tanger

Mohamed Ali MEKOUAR


Centre international de droit comparé de l’environnement

Résumé
Depuis une dizaine d’années, l’impulsion des énergies vertes et de l’efficacité
énergétique a été érigée en priorité de la politique énergétique marocaine. Cette option
stratégique s’est traduite par la promulgation, à partir de 2010, d’une série de lois
régissant, tour à tour, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, l’Agence
marocaine pour l’efficacité énergétique, l’Agence marocaine pour l’énergie durable, et
la régulation du secteur de l’électricité. Par ailleurs, en vertu de l’Accord de Paris sur
le climat, le Maroc s’est engagé, dans sa contribution déterminée au niveau national, à
réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 42 % à l’horizon 2030. L’apport
conjugué de ces mesures juridiques est de nature à favoriser l’amenuisement de
l’empreinte écolo-énergétique et la réduction de la facture énergétique, en même temps
que la lutte contre le dérèglement climatique. Cette interface énergie-climat est
explorée d’abord sous le prisme des dispositifs juridiques conçus pour assurer la
complémentarité des objectifs énergétiques et climatiques ; ensuite au regard des
progrès réalisés et des obstacles rencontrés dans leur mise en œuvre effective. Il ressort
de cette analyse un bilan en clair-obscur : une décennie en demi-teinte d’avancées
mitigées, à parfaire et à consolider.

Mots clés : Maroc ; énergies renouvelables ; efficacité énergétique ; changements


climatiques.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Abstract
During the last decade, the drive for green energies and energy efficiency has become
a priority of Morocco’s energy policy. This strategic option resulted in the enactment,
from 2010, of a set of laws dealing successively with renewable energy, energy
efficiency, the National Agency for Energy Efficiency, the Moroccan Agency for
Sustainable Energy, and regulation of the electricity sector. In addition, under the
Paris Climate Agreement, Morocco has committed, in its nationally determined
contribution, to reducing its greenhouse gas emissions by 42% by 2030. The combined
La protection de l’environnement par les juridictions

effect of these legal measures is likely to prompt a decrease in the eco-energy footprint
africaines : avancées nationales et régionales
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and the energy bill, as well as to foster the fight against climate change. This energy-
climate interface is explored first through the prism of legal mechanisms designed to
39
ensure the complementarity of energy and climate objectives; then with regard to the
progress made and obstacles encountered in their effective implementation. The
outcome of this review is a chiaroscuro assessment: a half-hearted decade of mixed
progress, to be improved and consolidated.

Keywords: Morocco; renewable energy; energy efficiency; climate change.


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40
Introduction
La législation environnementale marocaine s’est sensiblement enrichie à l’orée du
troisième millénaire. Une loi spécialement dédiée à l’environnement a ainsi fleuri en
2003, puis le droit à l’environnement a été constitutionnalisé en 2011, avant qu’une loi-
cadre conjuguant environnement et développement durable ne jaillisse en 2014.
Parallèlement, des lois sectorielles ont été consacrées à l’air, au littoral, à l’eau, aux
déchets, à la flore et la faune, au pastoralisme, aux aires protégées, aux mines, aux
carrières, etc. Cette éclosion normative s’est aussi emparée des énergies vertes, avec
l’avènement d’une série de textes législatifs et réglementaires y relatifs durant la
dernière décennie.

Cette batterie de dispositifs juridiques reflète les orientations de la politique


énergétique nationale, qui a intégré la protection de l’environnement comme l’un de
ses objectifs cardinaux, à travers la promotion des énergies renouvelables (EnR) et le
renforcement de l’efficacité énergétique (EE). Concrètement, la Stratégie énergétique
nationale à l’horizon 2030, adoptée en 2009, assigne aux énergies propres – de source
hydraulique, solaire, éolienne – un objectif chiffré précis : contribuer à la capacité
électrique installée à hauteur de 42 % en 2020 et de 52 % en 2030. Cette stratégie est
opérationnalisée par le Programme intégré de l’énergie solaire, le Programme intégré
de l’énergie éolienne et le Programme national de l’efficacité énergétique. Dans la
même direction, la Stratégie nationale du développement durable, approuvée en 2017,
vise à « accélérer la mise en œuvre de la transition énergétique » en vue de réduire la
consommation d’énergie de 5 % en 2020 et de 20 % en 2030.

Simultanément, les instruments politiques nationaux ont tracé des objectifs similaires
dans le champ du climat. Ainsi, le Plan national de lutte contre le réchauffement
climatique, élaboré en 2009, a posé que les EnR devraient, au titre des mesures
d’atténuation des changements climatiques (CC), constituer 10 à 12 % de l’énergie
primaire en 2020 et 15 à 20 % en 2030. Pour sa part, la Politique du changement
climatique au Maroc, adoptée en 2014, a réitéré en les récapitulant les objectifs arrêtés
par la Stratégie énergétique nationale. Enfin, le Plan climat national 2030, mis sur pied
en 2020, a réaffirmé deux objectifs clés – d’ici à 2030, atteindre 52 % de la puissance
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

électrique installée à partir de sources renouvelables et réduire la consommation


énergétique de 15 % –, dans le dessein de « décarboniser la production d’énergie et
réussir la transition énergétique au Maroc ».

Ces objectifs politiques convergents ont logiquement trouvé écho dans les dispositifs
législatifs et réglementaires qui les ont entérinés. Il en est résulté une synergie
normative climato-énergétique dont on examinera d’abord l’articulation juridico-
institutionnelle (1) avant de tenter d’en mesurer la portée effective face aux défis
climato-énergétiques du Maroc (2).
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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41
1. Des dispositifs porteurs d’une synergie climato-
énergétique
Si la Constitution marocaine de 2011 garantit le droit de jouir d’un environnement
sain1, ni l’énergie ni le climat n’y sont explicitement mentionnés. À l’époque, pourtant,
les interactions énergie-climat avaient déjà commencé à retenir l’attention du
législateur. À partir de 2010, en effet, ont émergé plusieurs textes traitant
spécifiquement des énergies vertes (1.1) et des CC (1.2).

1.1. Énergies vertes et efficacité énergétique : un bouquet juridico-


institutionnel foisonnant
Auparavant, la loi 13-03 de 2003 relative à la lutte contre la pollution de l’air avait déjà
prévu l’institution d’un régime d’incitations financières et d’exonérations fiscales pour
« encourager l’investissement dans les projets et activités visant […] l’utilisation des
énergies renouvelables »2. Plus tard, la loi-cadre de 2014 portant charte nationale de
l’environnement et du développement durable préconisera aussi l’adoption de mesures
tendant à promouvoir l’utilisation des EnR et « des technologies de l’efficacité
énergétique pour lutter contre toute forme de gaspillage des énergies »3. Entre-temps,
un décret sur les marchés publics de 2013 a spécifié que les critères d’admissibilité des
concurrents, d’évaluation des offres et d’attribution des marchés doivent prendre en
considération les performances liées aux EnR et à l’EE4. Au-delà de ces dispositions
sporadiques évoquant les EnR et l’EE, les instruments qui leur sont propres relèvent
principalement du droit interne et découlent accessoirement d’engagements
internationaux.

1.1.1. Ancrage des énergies vertes et de l’efficacité énergétique en droit


interne

Dès 2009, la Société d’investissements énergétiques (SIE) a vu le jour sous la forme


d’une société anonyme. Son objet est d’investir essentiellement dans l’augmentation
des capacités de production énergétique, le renforcement de l’EE et la valorisation des
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ressources énergétiques locales, en particulier les EnR5. En 2020, le conseil


d’administration de la SIE a décidé de la transformer en Super ESCO (Energy Service
Company), société étatique intervenant « principalement, mais pas exclusivement,

1
Article 31 du dahir n° 1-11-91 du 29 juillet 2011 portant promulgation du texte de la Constitution.
2
Article 2 de la loi n° 13-03 du 12 mai 2003 relative à la lutte contre la pollution de l’air.
3
Article 7 de la loi-cadre n° 99-12 du 6 mars 2014 portant charte nationale de l’environnement et du
développement durable.
4
Articles 18, 48, 66 et 98 du décret n° 2-12-349 du 20 mars 2013 relatif aux marchés publics.
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5
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Décret n° 2-09-410 du 30 juin 2009 autorisant la création de la société anonyme dénommée « Société
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d’investissements énergétiques ».

42
auprès de clients du secteur public pour les accompagner dans la préparation,
l’exécution et le suivi de leurs projets d’efficacité énergétique »6.

En appui aux orientations de la Stratégie énergétique nationale, quatre textes législatifs


majeurs ont été adoptés en moins de deux ans : la loi 13-09 (2010) relative aux énergies
renouvelables7 ; la loi 16-09 (2010) relative à l’Agence nationale pour le
développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique8 ; la loi 57-09
(2010) créant l’Agence marocaine pour l’énergie solaire9 ; et la loi 47-09 (2011)
relative à l’efficacité énergétique10.

La loi 13-09 s’ouvre par un préambule étoffé qui reprend de façon synthétique les
grands axes de la politique énergétique nationale. Il souligne que la promotion des
sources d’EnR contribue à « la préservation de l’environnement par le recours aux
technologies énergétiques propres, en vue de la limitation des émissions des gaz à effet
de serre et la réduction de la forte pression exercée sur le couvert forestier ». Le lien
entre énergie et climat est ainsi clairement établi. Cette loi a été modifiée et complétée
en 2016 par loi 58-15. L’un des apports notables de cette dernière est de permettre aux
installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’EnR de se
connecter au réseau électrique national de basse tension. La réalisation, l’exploitation,
l’extension de la capacité ou la modification des installations de production d’énergie
à partir de sources d’EnR sont, en fonction notamment de leur puissance, soit soumises
à autorisation ou à déclaration, soit effectuées librement11. S’agissant des projets de
production d’énergie éolienne dont la puissance cumulée dépasse 2 MW, ils doivent
être implantés dans des zones de développement déterminées, circonscrites à cet effet
par l’arrêté 2657-11 de 201112. Pour pallier l’interruption ou l’intermittence
d’électricité produite à partir d’EnR, et afin de ne pas entraver l’essor de celles-ci, le
consommateur peut obtenir contractuellement l’énergie électrique
complémentaire dont il a besoin en vertu de la loi 48-15 de 2016 régulant le secteur de
l’électricité13.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

6
SIE, Rapport annuel 2020, Rabat, 2020.
7
Loi n° 13-09 du 11 février 2010 relative aux énergies renouvelables.
8
Loi n° 16-09 du 11 février 2010 relative à l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique.
9
Loi n° 57-09 du 11 février 2010 portant création de la société « Moroccan Agency for Solar Energy »
(Agence marocaine pour l’énergie solaire).
10
Loi n° 47-09 du 29 septembre 2011 relative à l’efficacité énergétique.
11
Décret n° 2-10-578 du 11 avril 2011 pris pour l’application de la loi n° 13-09 et arrêté n° 313-14 du 4
février 2014 fixant le modèle du cahier des charges devant accompagner la demande d’autorisation
définitive pour la mise en service d’une installation de production d’énergie électrique à partir de sources
d’énergies renouvelables.
12
Arrêté n° 2657-11 du 19 septembre 2011 définissant les zones destinées à accueillir les sites pouvant
abriter des installations de production d’énergie électrique à partir de source d’énergie éolienne.
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13
Loi n° 48-15 du 24 mai 2016 relative à la régulation du secteur de l’électricité et à la création de
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l’Autorité nationale de régulation de l’électricité.

43
La loi 16-09, quant à elle, régit un protagoniste central de la politique gouvernementale
de l’EE : l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique. Se substituant au Centre de développement des énergies
renouvelables, qui avait été institué en 198214, elle a été rebaptisée en 2016 Agence
marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE)15. Placée sous la tutelle du ministre
en charge de l’Économie verte16, l’AMEE a pour mission de promouvoir l’EE et
d’exécuter les plans d’action y afférents. Il lui revient donc de préparer un plan national
et des plans sectoriels et régionaux de développement de l’EE, ainsi que de coordonner
les programmes qu’ils comportent et de mobiliser des financements pour leur
réalisation. Il lui incombe également d’identifier et d’évaluer le potentiel national d’EE.

Pour sa part, la loi 57-09 a donné naissance à un autre important acteur dans le secteur
des EnR : l’Agence marocaine pour l’énergie solaire, ou Moroccan Agency for Solar
Energy. Cette dernière a aussi été renommée, suite à un amendement législatif de
201617, Agence marocaine pour l’énergie durable, ou Moroccan Agency for
Sustainable Energy (MASEN). Après cette réforme, elle est devenue l’acteur principal
en matière d’EnR. Statutairement, la MASEN est une société anonyme à conseil
d’administration dont le capital est majoritairement détenu par l’État. Elle a pour objet
de réaliser un programme de développement de projets intégrés de production
d’électricité d’une capacité totale minimale additionnelle de 3000 MW à l’horizon
2020 et de 6000 MW à l’horizon 2030, dans le cadre d’une convention conclue avec
l’État. À cette fin, la MASEN identifie, conçoit et programme les capacités de
production d’électricité à partir de sources d’EnR. Elle évalue les ressources en EnR,
développe des installations EnR, réalise les infrastructures nécessaires à celles-ci et
contribue à la mobilisation des financements requis.

S’insérant à son tour dans cette palette législative, la loi 47-09 a pour ambition
d’augmenter l’EE tout en contribuant au développement durable. « Sa mise en œuvre
repose principalement sur les principes de la performance énergétique, des exigences
d’efficacité énergétique, des études d’impact énergétique, de l’audit énergétique
obligatoire et du contrôle technique » (préambule). La performance énergétique
concerne les appareils et équipements, les constructions, les véhicules, ainsi que la
rationalisation de la consommation des administrations, collectivités territoriales et
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

établissements publics. En 2014, un décret a approuvé les règles de performance


énergétique des constructions et institué le Comité national de l’efficacité énergétique
dans le bâtiment18. Des normes relatives aux produits photovoltaïques et installations

14
Loi n° 26-80 du 6 mai 1982 relative au Centre de développement des énergies renouvelables.
15
Article 1er de la loi n° 39-16 du 25 août 2016 portant modification de la loi n° 16-09.
16
En vertu du décret n° 2-20-393 du 8 octobre 2020, qui a modifié le décret n° 2-10-320 du 20 mai 2011
pris pour l’application de la loi n° 16-09, lequel avait initialement placé l’Agence sous la tutelle du
ministre chargé de l’Énergie et fixé la composition de son conseil d’administration.
17
Loi n° 37-16 du 25 août 2016 modifiant et complétant la loi n° 57-09.
18
Décret n° 2-13-874 du 15 octobre 2014 approuvant le règlement général de construction fixant les
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règles de performance énergétique des constructions et instituant le Comité national de l’efficacité


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énergétique dans le bâtiment.

44
solaires thermiques ont aussi été définies par arrêté en 202019. Par ailleurs, les projets
d’aménagement urbain et de construction de bâtiments sont assujettis à une étude
d’impact énergétique en vertu de la loi 47-09. Qui plus est, les personnes morales et
physiques dont la consommation d’énergie dépasse un seuil fixé par voie réglementaire
sont soumises à un audit énergétique obligatoire. En 2019, un décret a spécifié le
processus et les modalités de réalisation de l’audit énergétique par des organismes
agréés20.

1.1.2. Engagements internationaux concernant les énergies vertes et


l’efficacité énergétique

Le Maroc est membre de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables


(IRENA). Créée en 2009, celle-ci œuvre à la promotion des EnR et au renforcement de
l’EE, tout en favorisant la préservation de l’environnement grâce à une moindre
pression sur les ressources naturelles. Le Maroc collabore avec les 163 États parties de
l’IRENA depuis que ses statuts, approuvés en 201321, ont été publiés en 201622.

Le Maroc est aussi membre associé, depuis 2016, de l’Agence internationale de


l’énergie (AIE). Fondée en 1974 dans le cadre de l’OCDE et focalisée à l’origine sur
les énergies classiques, l’AIE a ensuite élargi son rayon d’action aux EnR et à l’EE. En
2019, elle a publié un rapport d’évaluation de la politique énergétique marocaine, dont
les recommandations ciblent en particulier l’EE23. Dans la foulée, le Maroc et l’AIE se
sont accordés sur un programme d’action 2020-2021 pour renforcer la coopération
bilatérale en matière de sécurité énergétique, d’EnR et d’EE.

Le Maroc est également membre du Conseil mondial de l’énergie (CME), ONG


internationale dont la création remonte à 1923. Agréé par l’ONU, le CME s’intéresse
à tous les enjeux énergétiques, y compris au regard des EnR et de l’EE. Depuis 2010,
il publie un rapport annuel, le World Energy Trilemma Index, qui évalue les politiques
énergétiques nationales et classe les pays en fonction du triptyque : sécurité
énergétique, équité énergétique et durabilité environnementale. En 2020, sur les 108
pays étudiés, le Maroc occupe le 73e rang au monde et le 6e rang en Afrique24.
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19
Arrêté n° 927-20 du 6 mars 2020 rendant d’application obligatoire des normes marocaines relatives
aux produits photovoltaïques et installations solaires thermiques.
20
Décret n° 2-17-746 du 10 avril 2019 relatif à l’audit énergétique obligatoire et aux organismes d’audit
énergétique.
21
Loi n° 06-12 du 8 février 2013 portant approbation des Statuts de l’Agence internationale pour les
énergies renouvelables.
22
Dahir n° 1-14-31 du 27 avril 2016 portant publication des Statuts de l’Agence internationale pour les
énergies renouvelables. Les instruments de ratification par le Maroc ont été déposés le 16 décembre
2015.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

23
African Journal of Environmental Law

IEA, Energy Policies beyond IEA Countries: Morocco, Paris, 2019.


24
World Energy Council, World Energy Trilemma Index 2000, London, 2020.

45
Au niveau régional, le Maroc n’a pas encore adhéré à la Convention de la Commission
africaine de l’énergie, signée à Lusaka en 2001, dont l’objet inclut le développement
des sources d’EnR. En revanche, il est membre de la Commission arabe pour les
énergies renouvelables (CAER), dont il assure la présidence. Fondée à Amman en
2011, la CAER mène des activités de plaidoyer en faveur des énergies vertes dans le
monde arabe.

Parmi les instruments internationaux de soft law auxquels le Maroc souscrit figure
spécialement le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté par
l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) en 2015. Son objectif 7, qui aspire à
garantir un accès universel à « des services énergétiques fiables, durables et
modernes », comporte trois cibles spécifiques sur les EnR et l’EE à atteindre d’ici à
2030 : (i) « accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet
énergétique mondial » (7.2) ; (ii) « multiplier par deux le taux mondial d’amélioration
de l’efficacité énergétique » (7.3) ; (iii) renforcer la coopération internationale pour
faciliter l’accès aux sciences et technologies des EnR et de l’EE, et encourager les
investissements y relatifs (7.a). Le Maroc a rendu compte des efforts déployés dans ce
sens dans l’examen national volontaire de la mise en œuvre des ODD, qu’il a soumis
au Forum politique de haut niveau pour le développement durable en 2020, non sans
les relier aux mesures de lutte contre les CC.

1.2. Changements climatiques : un encadrement juridico-


institutionnel sectoriel
Alors que les EnR et l’EE ont fortement interpelé le législateur marocain, les CC n’ont
pas encore fait l’objet d’une loi spécifique. On trouve toutefois des dispositions
générales concernant les CC dans d’autres lois ayant trait à l’environnement. Ainsi, la
loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement proscrit les
pollutions contribuant au réchauffement climatique (art. 30). De même, la loi 13-03,
susvisée, vise à combattre les polluants atmosphériques susceptibles de porter atteinte
au climat (art. 2). En outre, la loi-cadre 99-12, précitée, appelle au renforcement des
moyens de lutte contre la pollution de l’air et des mesures d’atténuation et d’adaptation
aux CC (art. 1 et 7). Par ailleurs, la loi 36-15 de 2016 relative à l’eau énonce le principe
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

de « l’intégration, à tous les niveaux, de l’adaptation aux changements climatiques dans


la planification et la gestion des eaux » (art. 2). Quant à la loi 81-12 de 2015 sur le
littoral, elle repose sur une approche de gestion intégrée des espaces côtiers, au moyen
d’un plan national et de schémas régionaux qui sont élaborés en prenant en
considération « l’écosystème du littoral et les changements climatiques » (art. 3 et 6).
Enfin, la loi 12-03 de 2003 relative aux études d’impact sur l’environnement soumet
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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46
les projets et ouvrages qui y sont assujettis à une évaluation de leurs répercussions
éventuelles sur le climat (art. 5)25.

Mises à part ces prescriptions législatives ponctuelles, les textes concernant proprement
les CC sont pour une bonne part de portée institutionnelle ou cristallisent les
engagements internationaux pris par le Maroc.

1.2.1. Impulsion institutionnelle de l’action climatique en droit interne

L’action climatique est aiguillonnée par de nombreux intervenants, dont


particulièrement le service des CC au sein du département ministériel en charge de
l’environnement26. La plus ancienne structure investie de fonctions consultatives sur
ce versant est le Conseil supérieur de l’eau et du climat (CSEC). Mis sur pied par
décision royale dès 1981, puis entériné par l’ancienne loi sur l’eau de 1995, il continue
d’être abrité par l’actuelle loi relative à l’eau de 201627. Placé directement auprès du
Chef du gouvernement, il est chargé de fournir des avis sur les orientations stratégiques
et politiques nationales concernant le climat. Bien qu’un décret de 2019 ait actualisé sa
composition et son mode de fonctionnement28, le CSEC reste léthargique : ne s’étant
plus réuni depuis 2001, il n’a pas pu jouer un rôle notable sur les questions
climatiques29.

Inversement, l’entité la plus récente dotée de compétences à l’égard du climat est la


Commission nationale des changements climatiques et de la diversité biologique
(CNCCDB), créée par décret en 202030. Placée auprès de l’autorité gouvernementale
chargée de l’environnement, la CNCCDB est un organe de concertation et de
coordination pour la mise en œuvre des politiques nationales relatives à la lutte contre
le CC et la préservation de la biodiversité, qui veille aussi à leur cohérence avec le
Programme 2030 de l’ONU. Elle comprend deux sous-commissions, l’une des CC,
l’autre de la biodiversité. La sous-commission CC dispose de quatre groupes
thématiques : « vulnérabilité et adaptation » ; « atténuation des gaz à effet de serre » ;
« négociation sur le climat » ; et « finance-climat ».
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

25
La loi n° 12-03 du 12 mai 2003 relative aux études d’impact sur l’environnement a été remplacée par
la loi n° 49-17 du 8 août 2020 relative à l’évaluation environnementale, laquelle deviendra effective à
compter de la publication de ses textes d’application ; en attendant, la loi 12-03 demeure en vigueur.
26
Décret n° 2-14-758 du 23 décembre 2014 fixant les attributions et l’organisation du ministère chargé
de l’environnement, complété par le décret n° 2-15-329 du 22 juin 2015.
27
Articles 78 et 79 de la loi 36-15 de 2016 relative à l’eau, qui s’est substituée à la loi 10-95 de 1995 sur
l’eau.
28
Décret n° 2-18-233 du 11 juillet 2019 relatif au Conseil supérieur de l’eau et du climat, qui a remplacé
le décret n° 2-96-158 du 20 novembre 1996 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil
supérieur de l’eau et du climat.
29
Depuis sa première réunion en 1981, le CSEC a tenu neuf sessions en 1987, 1988, 1989, 1990, 1992,
1993, 1994 et 2001, alors qu’il était censé se réunir annuellement.
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africaines : avancées nationales et régionales
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30
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Décret n° 2-19-721 du 27 avril 2020 portant création de la Commission nationale des changements
climatiques et de la diversité biologique.

47
Un peu plus tôt, le Système national d’inventaire des émissions des gaz à effet de serre
(SNI-GES) a été institutionnalisé en 201931. Il est chargé de collecter et de traiter les
données relatives aux activités des secteurs émetteurs de GES en vue de l’élaboration
du rapport national d’inventaire. Ce dernier, établi en application de la Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), doit être intégré
dans le rapport biannuel actualisé et la communication nationale que le Maroc adresse
au secrétariat de cette Convention. Effectivement, les deux rapports biennaux soumis
par le Maroc en 2016 et 2019 ont été établis avec l’appui du SNI-GES.

Auparavant, le Centre de compétences changement climatique, connu sous l’acronyme


« 4C », a été constitué en 201632. Créé sous la forme d’un groupement d’intérêt public
pour une durée de 15 ans renouvelable une fois, le 4C compte une trentaine d’acteurs
impliqués dans la lutte contre les CC, associant des représentants des ministères
intéressés, des organisations professionnelles et de la société civile. Les activités du 4C
sont axées sur : le renforcement des capacités nationales ; le développement des outils
d’aide à la prise de décision ; la capitalisation de l’information et du savoir concernant
la vulnérabilité, l’adaptation et l’atténuation ; et le partage d’expériences par le
réseautage international.

1.2.2. Implication active dans la coopération climatique à l’échelle


internationale

Le Maroc a souscrit aux trois traités majeurs qui sous-tendent le régime climatique
mondial : la CCNUCC de 1992, le Protocole de Kyoto de 1997 et l’Accord de Paris de
2015, auxquels il est devenu partie, respectivement, en 199533, 200234 et 201635.
Chacun de ces instruments fait ressortir la connexion climat-énergie. Le dernier en date,
l’Accord de Paris, qui appelle au renforcement des EnR, vise à contenir « l’élévation
de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C », tout en
essayant de la confiner à 1,5°C (art. 2). Dans cette optique, il fait obligation à toutes les
Parties de participer à la riposte collective mondiale au réchauffement de la planète, en
communiquant les contributions déterminées au niveau national (CDN) qu’elles
entendent mettre en œuvre dans leur propre pays, et en prenant les mesures
d’atténuation requises pour réaliser les objectifs ainsi arrêtés (art. 4).
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

31
Décret n° 2-18-74 du 21 mars 2019 relatif au système national d’inventaire des émissions des gaz à
effet de serre.
32
Arrêté n° 3174-16 du 5 octobre 2016 portant approbation de la convention constitutive d’un
groupement d’intérêt public dénommé « Centre de compétences changement climatique ».
33
Ratification en décembre 1995 : dahir n° 1-96-93 du 5 novembre 2001 portant publication de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
34
Adhésion en janvier 2002 : dahir n° 1-01-333 du 3 avril 2002 portant publication du Protocole de
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Kyoto.
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35
Loi n° 42-16 du 25 août 2016 portant approbation de l’Accord de Paris ; dahir n° 1-16-157 du 8
novembre 2016 portant publication de l’Accord de Paris.

48
Les CDN sont ainsi au cœur de l’Accord de Paris. Le Maroc a soumis la sienne en
septembre 2016, s’y engageant à réduire ses émissions de GES de 42 % à l’horizon
2030, de façon inconditionnelle (17 %) ou conditionnée (25 %) par la disponibilité de
financements additionnels de source externe.
Comme le montre le graphe ci-après, le secteur devant entrer pour la plus grande part
(43.7 %) dans l’effort d’atténuation escompté pour atteindre l’objectif global au cours
de la décennie en cours est celui de la production d’électricité.

Répartition de l’effort d’atténuation sur la période 2020-203036

Au titre du rapportage requis par la CCNUCC, le Maroc a soumis trois communications


nationales, en 2001, 2010 et 2016, ainsi que deux rapports biennaux actualisés, en 2016
et 2019. Tous ces documents mettent distinctement en relief les imbrications et les
interrelations très étroites qui caractérisent les politiques et les actions climatiques et
énergétiques du Maroc.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Par ailleurs, dans le cadre du Programme 2030, la réalisation de l’ODD 13 sur la lutte
contre les CC s’est heurtée au Maroc à l’intensité des phénomènes climatiques
extrêmes et aux pertes coûteuses qui en découlent en termes environnementaux et
socio-économiques. Les mesures prises pour relever ces défis ont été relatées dans
l’examen national volontaire précité de 2020. Elles traduisent des progrès partiels, à
l’image des avancées enregistrées, durant la dernière décennie, par le droit marocain
dans l’appréhension de l’interface climat-énergie.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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36
Source : Département de l’environnement, 2ème rapport biennal actualisé dans le cadre de la
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Rabat, 2019.

49
2. Des avancées mitigées face aux défis climato-énergétiques
Durant la dernière décennie, le Maroc a initié une panoplie de mesures pour développer
les EnR, améliorer l’EE et atténuer les impacts des CC, mais le chemin reste long pour
atteindre les objectifs tracés. On a ainsi relevé diverses contraintes qui ralentissent ou
freinent la mise en œuvre de la stratégie énergétique, notamment : des choix
technologiques coûteux ; un faible taux d’intégration industrielle locale ; un marché
des hydrocarbures dysfonctionnel ; une réalisation limitée des objectifs d’EE ; un
déséquilibre financier des entreprises publiques du secteur énergétique ; un marché
électrique encore verrouillé ; etc.37

Des bilans convergents, établis notamment par le Conseil économique, social et


environnemental (CESE), la Banque centrale et la Cour des comptes, révèlent des
avancées mitigées, en clair-obscur, dans la mise en œuvre décennale du corpus
juridique exposé ci-dessus. En substance, un double constat s’en dégage : alors qu’on
assiste à une évolution positive mais lente du système énergétique, se traduisant par un
verdissement graduel du mix électrique et une timide progression de l’EE (2.1), on
observe que le régime climatique gagnerait à être consolidé (2.2).

2.1. Tendances d’évolution du système énergétique

2.1.1. Un verdissement graduel du mix électrique

Le Maroc fait face à des défis énergétiques liés notamment à la croissance de la


demande et de la consommation. S’il a « toujours maintenu une consommation
globalement en phase avec son niveau de développement », le mix énergétique
demeure « dominé par les hydrocarbures (52 % en 2019) essentiellement destiné au
transport et le charbon (33 % en 2019) destiné à la production d’électricité »38.

Bien qu’en recul, le taux de dépendance, singulièrement à l’égard des énergies fossiles,
s’élevait à 91,7 % en 2018, contre 93,4 % en 201639. Quoique modeste, ce
fléchissement de la dépendance énergétique a contribué à réduire la facture énergétique
de pas moins de 7,2 % en 201940. Cette dépendance pèse lourdement sur la balance des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

paiements et le budget de l’État. Elle compromet en outre la sécurité énergétique du


Maroc, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement et le stockage. D’où la
nécessité d’améliorer la sécurité énergétique pour « mieux gérer les risques résultant
de la dépendance aux importations » et de réorganiser « le système énergétique afin de
faire la part plus belle aux énergies renouvelables variables »41.
37
CESE, Avis - Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte,
Rabat, 2020.
38
Ibid.
39
Examen national volontaire de 2020.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

40
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

CESE, Rapport annuel 2019, Rabat, 2020.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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41
IEA, Energy Policies beyond IEA Countries: Morocco, op. cit.

50
La réduction de la dépendance énergétique résulte d’un progrès appréciable de la
production des EnR. En 2019, la capacité totale installée était de 11 000 MW, en
augmentation de 78,3 % par rapport à 2009. Les capacités additionnelles étaient
d’origine thermique à 64 %, éolienne à 21 % et solaire à 15 %, avec un renforcement
global de 33,7 % des EnR42. Quant à la capacité électrique installée de sources
renouvelables, elle avait atteint 3700 MW en 2019, soit 34 % de la capacité électrique
nationale, décomposée en 710 MW de solaire, 1220 MW d’éolien et 1770 MW
d’hydroélectrique. La production renouvelable représentait, dès lors, 20 % de la
production totale, au lieu de 16,5 % en 2016 et 9,7 % en 2012, alors que la part de
l’éolien et du solaire n’était que de 2 % en 200943. Ces acquis, qui ont permis au Maroc
de se classer deuxième pays d’Afrique en termes de sources renouvelables non
hydroélectrique en 201844, sont le fruit d’investissements significatifs, traduisant son
positionnement au 17e rang des nations les plus performantes en investissements dans
les EnR45.

Toutefois, cette poussée des capacités en EnR ne s’est que partiellement reflétée sur la
structure de la production. En 2019, celle-ci continuait d’être dominée par l’énergie
thermique à hauteur de 80,2 % – contre 83,9 % en 2009 –, le poids de la production
verte n’ayant progressé que de 19,8 %. Par source, la proportion du solaire se situait à
3,9 % et celle de l’éolien à 11,7 %. Ce dernier est alors devenu la première source
renouvelable, aux dépens de l’hydraulique, qui a fléchi de 14,2 % à 4,1 %. Afin
d’augmenter la part des EnR que postule la transition énergétique, il importe de
remédier à l’instabilité et à l’intermittence de la production de l’électricité de source
verte, ce qui requiert un approvisionnement sécurisé à travers l’amélioration de
l’interconnexion des réseaux et la capacité de stockage46.

Ce verdissement graduel du mix énergétique est multifactoriel. Sans doute repose-t-il,


pour une large part, sur le bouquet juridico-institutionnel mis sur pied pour le favoriser,
ainsi que sur les efforts d’investissement consentis pour le booster, précédemment
examinés. S’y ajoutent des mesures complémentaires de divers ordres, comme les
incitations fiscales. Par exemple, bénéficient d’une exonération de la TVA : les
panneaux photovoltaïques ; les pompes à eau fonctionnant aux EnR utilisées dans le
secteur agricole ; les chauffe-eaux solaires ; etc. En outre, les véhicules à moteur
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

électrique ou hybride sont exonérés de la taxe spéciale annuelle sur les véhicules47. Par
ailleurs, des subventions vertes sont financées à travers des fonds dédiés aux EnR, tels
le Fonds de garantie des efficacités et énergies renouvelables, créé en 2007, et le Fonds
de développement énergétique, institué en 2009. On notera cependant que ce dernier

42
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, Rabat, 2020.
43
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
44
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, op. cit.
45
UNEP, Global Trends in Renewable Energy Investment 2019, Frankfurt, 2019.
46
Bank Al-Maghrib, Rapport annuel 2019, op. cit.
La protection de l’environnement par les juridictions
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47
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Articles 91, 92, 123 et 252 du Code général des impôts, édition 2021.

51
Fonds n’est cité que pour mémoire dans les lois de finances depuis l’année budgétaire
2010.

D’autres actions prises en faveur du verdissement énergétique ont été de nature


institutionnelle. En plus des structures assises sur les textes législatifs et réglementaires
sus-analysés, ont été mises en place des entités d’appui à la recherche et aux études sur
les EnR. Tel est le cas de l’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles.
Lancé en 2011 par les acteurs clés du secteur énergétique, il soutient la R&D appliquée
en EnR autour de projets collaboratifs associant monde scientifique et opérateurs socio-
économiques. Un autre organe créé en 2018 par le ministère en charge du secteur
énergétique est l’Observatoire marocain de l’énergie. Sa mission première consiste à
produire et à publier sur son site des informations, statistiques, indicateurs et études en
matière d’énergie, y compris les EnR et l’EE.

Pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie énergétique, le Maroc devrait accélérer
la diversification du mix énergétique par l’intégration d’autres énergies vertes. Dans ce
sens, le CESE a recommandé la migration vers un combustible propre, le gaz naturel
liquéfié, le développement de l’hydrogène vert, l’exploration d’autres ressources
énergétiques (géothermie, biomasse), ainsi que la maîtrise de l’exploitation du bois-
énergie48. Dans cette optique, la plateforme GreenH2 Maroc a été lancée pour favoriser
l’avènement d’une filière hydrogène vert compétitive et positionner le Maroc comme
hub régional leader dans ce domaine49.

Sachant par ailleurs que le développement des énergies vertes est largement tributaire
du financement de l’innovation, il importe d’améliorer l’attractivité des EnR auprès des
investisseurs. Afin de conforter la capacité d’investissement dans ce secteur, un projet
d’amendement de la loi 13-09 prévoit d’introduire des mesures d’incitation à
l’investissement national et international en vue d’accélérer « l’émergence d’un
écosystème national des technologies d’énergies renouvelables »50.

2.1.2. Des progrès limités de l’efficacité énergétique


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Sur le terrain de l’EE, une légère amélioration a été enregistrée, sans que les objectifs
tracés par le Programme national de l’efficacité énergétique aient pu être pleinement
atteints. L’EE se mesure au moyen de « l’intensité énergétique exprimée par le degré
de découplage entre le développement économique et la consommation d’énergie »51.
Au Maroc, on escompte une diminution de moitié de l’intensité énergétique primaire à
l’horizon en 2030. En fait, elle est passée de 27,8 TEP en 2004 à 24,8 TEP en 2018

48
CESE, Avis - Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte, op.
cit.
49
Ministère de l’Énergie, des Mines et de l’Environnement, Communiqué de presse, 18 mars 2021.
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N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

50
Note de présentation du projet d’amendement de la loi 13-09, 15 mai 2019.
African Journal of Environmental Law

51
Examen national volontaire de 2020, op. cit.

52
pour produire un million de dirhams de PIB. Ce menu progrès de l’EE est la résultante
d’une série de mesures de réduction de la consommation d’énergie dans les secteurs les
plus énergivores : transport, bâtiment, industrie, agriculture, etc.52. Outre les efforts de
vulgarisation des bonnes pratiques tendant à optimiser et maîtriser l’usage de l’énergie,
le Maroc a œuvré à la transition vers des produits et des appareils plus efficaces
moyennant l’interdiction des importations de véhicules anciens, à travers la
réglementation thermique applicable aux nouveaux bâtiments, ou grâce à des initiatives
encourageant l’EE, comme le programme « Mosquées vertes ». Néanmoins, on estime
que « les mesures d’efficacité énergétique actuelles ne permettront pas d’atteindre les
objectifs énergétiques et climatiques fixés »53.

L’une des carences pointées par la Cour des comptes dans la mise en œuvre de la loi
47-09 relative à l’EE concerne les retards accusés dans l’adoption de ses règlements
techniques54. Un début de réponse à cette critique a été apporté par un décret sur les
performances énergétiques minimales et l’étiquetage énergétique, que le gouvernement
a approuvé en 202155. Est en outre à l’étude un projet de décret fixant le cahier des
charges des entreprises de services énergétiques56. Auparavant, le département de
l’énergie a institué en 2019 des commissions techniques nationales de l’EE dans les
secteurs de l’industrie, l’agriculture et l’éclairage public.

Somme toute, alors que l’EE demeure une priorité de la Stratégie énergétique nationale,
le CESE fait état d’une « faible réalisation » des objectifs chiffrés qu’elle s’est fixés et
préconise d’accélérer son affermissement par la mise en place d’un fonds national de
l’EE afin d’accroître les moyens dédiés à son financement, ce qui contribuerait
indirectement à la réduction des émissions de GES57.

Certains secteurs énergivores n’intègrent pas suffisamment les mesures d’EE édictées.
Il s’agit notamment des secteurs du bâtiment, du transport, de l’industrie et de
l’agriculture, qui peuvent réaliser d’importantes économies d’énergie et contribuer à la
réduction des émissions de GES. L’EE devrait être approchée d’une manière globale
et intégrée, ce qui requiert une coordination accrue des politiques et des actions
impliquant, du point de vue institutionnel, « une étroite collaboration entre plusieurs
ministères, une bonne coordination générale et des dotations budgétaires adaptées en
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

faveur des programmes d’efficacité énergétique »58.

52
Ibid.
53
IEA, Energy Policy Beyond IEA Countries: Morocco 2019, op. cit.
54
Cour des comptes, Rapport annuel 2018, Rabat, 2019.
55
Décret n° 2-20-716 du 25 mars 2021 portant sur la performance énergétique minimale des appareils
et équipements fonctionnant à l’électricité, au gaz naturel, aux produits pétroliers liquides ou gazeux, au
charbon ou aux énergies renouvelables mis en vente sur le territoire national.
56
Cour des comptes, Rapport annuel 2018, op. cit.
57
CESE, Avis - Accélérer la transition énergétique pour installer le Maroc dans la croissance verte, op.
La protection de l’environnement par les juridictions
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cit.
58
IEA, Energy Policy Beyond IEA Countries: Morocco 2019, op. cit.
53
L’amélioration de la performance énergétique passe également par l’implication et
l’adhésion des opérateurs privés. Ceux-ci devraient être incités à se doter de systèmes
de management de l’énergie qui leur permettent de réduire leur consommation
d’énergie et leurs émissions de GES. Ils devraient aussi, en plus de l’audit énergétique,
soumettre leurs structures et leurs activités à la certification environnementale,
notamment la norme ISO 50001, pour une gestion durable de l’énergie.

2.2. Perspectives d’enrichissement du régime climatique


À l’instar de la plupart des pays africains, le Maroc assume sa part de responsabilité
dans la riposte mondiale au réchauffement planétaire. Il a abrité à Marrakech deux COP
de la CCNUCC, la 7e en 2001, qui a convenu du cadre procédural requis pour
l’application du Protocole de Kyoto, et la 22e en 2016, qui a contribué à
l’opérationnalisation de l’Accord de Paris et lancé le Partenariat CDN.

Conformément à ses obligations conventionnelles, le Maroc a soumis, dans les règles


de l’art, trois communications nationales, deux rapports biennaux actualisés et sa
première CDN, et il s’apprête également à présenter sa 4e communication nationale et
sa 2e CDN. Celles-ci étaient attendues en 2020, mais leur achèvement a dû être décalé
en raison de la pandémie de Covid-19, qui a causé le report à 2021 de la COP 26 de la
CCNUCC.

Parmi les autres mesures prises dans ce contexte, on signalera en particulier : d’une
part, un plan de réforme des subventions aux combustibles fossiles qui tend, par la
réduction de leur utilisation, à diminuer les émissions des GES ; d’autre part, une
stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2050, en phase de préparation, qui vise à
aligner les politiques publiques en vue de la décarbonisation de l’économie nationale.
Or, la multiplicité et la diversité des acteurs climatiques qui caractérisent le dispositif
institutionnel pourraient « constituer un handicap pour la réalisation des objectifs »59.
Aussi une coordination institutionnelle accrue de la gouvernance des CC est-elle à
l’étude afin que toutes les dimensions de l’action climatique puissent, dans leur
transversalité, être traitées de manière cohérente au double plan horizontal et vertical60.
Cette démarche traduit une préconisation du CESE : « institutionnaliser par décret le
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

comité de coordination interministérielle » pour la mise en œuvre de la politique


climatique du Maroc61.

Eu égard à l’ODD 13 sur les mesures de lutte contre les CC, les pas franchis vers sa
réalisation sont généralement encourageants. Du reste, il s’agit du seul ODD pour

59
Y. Zakkari, « La politique climatique du Maroc », in D. Lagrini et E. Chougrani (dir.),
L’environnement dans le bassin méditerranéen : Espace de partenariat ou sphère de concurrence ?
Rabat, REMALD, 2017, pp. 29-39.
60
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

61
African Journal of Environmental Law

CESE, Avis - Intégration des exigences des changements climatiques dans les politiques publiques,
Rabat, 2015.

54
lequel des pays africains sont majoritairement en passe d’atteindre les résultats
escomptés. Le Maroc a ainsi trouvé, dès 2017, un bon équilibre entre performance
énergétique et émissions de GES, par référence à l’indicateur 13.2.2 : « Total des
émissions annuelles de gaz à effet de serre »62. Globalement, son économie a été classée
26e parmi celles des 76 nations à empreinte carbone relativement contenue63.

Pour parachever ces efforts, il reste à compléter l’encadrement juridique existant par
une loi climat. Si le Maroc a échafaudé une solide charpente politico-institutionnelle
pour faire face aux CC, il n’a pas encore édifié le socle législatif permettant d’en
fortifier les fondements. Une loi entièrement dédiée au climat aurait le mérite non
seulement de forger un régime climatique exhaustif, mais aussi de rehausser l’action
climatique au rang législatif, la dotant d’une normativité supérieure et lui conférant une
visibilité amplifiée. C’est d’ailleurs cette voie qui semble tracée : un projet de loi, qui
serait déjà « en cours de finalisation », fixerait les principes fondamentaux, les objectifs
nationaux, le cadre de gouvernance et les mécanismes de lutte contre les CC64.

Parallèlement à cette consolidation du cadre juridique et institutionnel, les stratégies


sectorielles devraient être réajustées en fonction des facteurs climatiques afin de
garantir la durabilité des actions et des programmes. Les politiques nationales devraient
dorénavant être conçues en tenant compte des défis climatiques présents et futurs et
projeter ainsi les mesures nécessaires d’adaptation et d’accompagnement sur le long
terme. En somme, le Maroc devrait « intégrer la donne climatique dans sa politique
publique en tant qu’enjeu actuel et d’avenir »65.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

62
The Sustainable Development Goals Center for Africa/Sustainable Development Solutions Network,
Africa SDG Index and Dashboards Report 2020. Leave No One Behind to Achieve the SDGs in Africa,
Kigali and New York, 2020.
63
MIT Technology Review, The Green Future Index 2021, Cambridge, 2021.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

64
Examen national volontaire de 2020, op. cit.
65
Y. Zakkari, « La politique climatique du Maroc », op. cit.
55
PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DE
L’ÉNERGIE SOLAIRE AU MAROC : ASPECTS
JURIDIQUES
Bouchra NADIR
Professeure à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-
Souissi

Saida EL YOUSSOUFI ATTOU


Doctorante à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-
Souissi

Résumé
Depuis 2009, le Maroc a progressivement formulé et renforcé sa stratégie nationale de
l’énergie, dont l’un des axes principaux est la mise en place d’une politique énergétique
favorable au développement des énergies renouvelables, notamment le solaire. Cette
volonté politique s’est concrétisée par la mise à niveau du cadre législatif, la création
d’institutions ayant pour vocation la gestion, la supervision et la promotion des énergies
renouvelables et l’instauration de mesures incitatives. Cet écosystème national
encourage la production et la commercialisation de l’électricité issue de l’énergie
solaire. Cet article analyse l’expérience marocaine de production et de
commercialisation de l’énergie solaire à la lumière des textes juridiques qui régissent
ce secteur.

Mots clés : énergie solaire, régime juridique, production, commercialisation.

Abstract
Since 2009, Morocco has progressively formulated and reinforced its National Energy
Strategy, one of the main thrusts of which is the implementation of an energy policy
favourable to the development of renewable energy, including solar. This political will
was reflected in the upgrading of the legislative framework, the creation of institutions
to manage, supervise and promote renewable energy and the introduction of incentives.
This national ecosystem encourages the production and marketing of solar-powered
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

electricity. This article reviews the Moroccan experience in the production and
marketing of solar energy in the light of the legal texts that govern this sector.

Keywords: solar energy, legal regime, production, marketing.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

57
Introduction
Le Maroc fait partie d’une région propice à la production de l’énergie solaire, tant en
termes de ressources potentielles que de conditions géographiques. Le développement
judicieux de ce potentiel peut permettre au pays de répondre à ses besoins énergétiques,
de contribuer à la protection de l’environnement et de créer de nouvelles richesses.

Avec l’ambition de porter la part des énergies renouvelables dans la puissance


électrique installée à 52 % à l’horizon 2030, le Maroc est devenu un acteur majeur de
la transition énergétique, notamment sur le continent africain.

Depuis 2009, le Maroc a progressivement formulé et renforcé sa stratégie nationale de


l’énergie, dont l’un des axes principaux est la mise en place d’une politique énergétique
favorable au développement des énergies renouvelables, notamment le solaire. Cette
volonté politique s’est concrétisée par la mise à niveau du cadre législatif, la création
d’institutions ayant pour vocation la gestion, la supervision et la promotion des énergies
renouvelables et l’instauration de mesures incitatives.

Une étape importante de la libéralisation du secteur des énergies renouvelables a été


franchie en 2010 avec la loi 13-09 sur les énergies renouvelables, qui a ouvert le marché
des énergies renouvelables à la concurrence, en permettant au secteur privé d’investir
dans les énergies renouvelables pour produire de l’électricité sans limitation de
puissance, tandis qu’auparavant l’Office national de l’électricité et de l’eau
potable (ONEE) monopolisait l’exploitation et la production d’énergie.

La loi 58-15 a ouvert l’accès au réseau de distribution de la basse tension1, qui se


limitait à la moyenne, haute et très haute tension. Cette mesure permettra le
développement du secteur industriel des petites et moyennes installations, notamment
pour le photovoltaïque.

Dans cet article, l’expérience marocaine est analysée en termes de production et de


commercialisation de l’énergie solaire à la lumière des textes juridiques qui régissent
ce secteur.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE


INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

1
La protection de l’environnement par les juridictions

Dahir n° 1-16-3 du 12 janvier 2016 portant promulgation de la loi n° 58-15 modifiant et complétant la
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables.

58
1. Le contexte juridique de développement de l’énergie
solaire au Maroc
La question énergétique est placée au rang des priorités nationales. Dépendant de
l’extérieur pour son approvisionnement en énergies fossiles2, le Maroc a mis en place,
en 2009, une stratégie énergétique à l’horizon 2030 qui vise à diversifier le bouquet
énergétique national, à renforcer la sécurité d’approvisionnement et à garantir à
l’ensemble des citoyens un accès abordable aux services énergétiques. De manière
ambitieuse, elle porte la part des énergies renouvelables dans la capacité électrique
globale installée à 42 % en 2020 et 52 % en 2030.

Cette stratégie a été déclinée en feuilles de route avec des objectifs à court, moyen et
long termes, reposant sur des réformes juridiques et institutionnelles illustrées ci-
dessous.

La loi 13-09 relative aux énergies renouvelables3, qui vise à libéraliser ce secteur, a
pour but de promouvoir la production d’énergies renouvelables, leur commercialisation
et leur exportation par des entités publiques ou privées. Elle assujettit des installations
de production d’énergies renouvelables à un régime d’autorisation ou de déclaration.
Elle confère le droit aux exploitants de produire de l’électricité à partir de sources
d’énergies renouvelables pour le compte de consommateurs raccordés au réseau
électrique national de moyenne tension (MT), haute tension (HT) et très haute tension
(THT), pour leur usage propre.

En 2015, le décret n° 2-15-772 relatif à l’accès au réseau électrique national de MT4,


pris en application de la loi 13-09, a fixé les conditions et modalités d’accès des
installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables au
réseau de moyenne tension en vue de faciliter son ouverture progressive et harmonieuse
à l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables. À cet effet, il a mis
en place un cadre transparent, non discriminatoire et stable pour les investisseurs. Il
permet aux producteurs d’énergie électrique de source renouvelable d’être raccordés
au réseau électrique de MT pour une commercialisation auprès des consommateurs
privés qui sont, en premier lieu, les industries de taille moyenne.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

En 2016, la loi 58-15 est venue modifier la loi 13-09 et pallier ses insuffisances, en vue
notamment de l’adapter aux évolutions technologiques et d’encourager les initiatives
privées. Ses grands apports concernent l’accès au réseau de basse tension et la
possibilité de vendre l’excédent d’énergie renouvelable produite.
2
En 2015, les achats de pétrole du Maroc représentaient 24 % des importations globales et constituaient
près de 50 % du déficit commercial.
3
Dahir n° 1-10-16 du 11 février 2010 portant promulgation de la loi n° 13-09 relative aux énergies
renouvelables.
4
Décret n° 2-15-772 du 28 octobre 2015 relatif à l'accès au réseau électrique national de moyenne
La protection de l’environnement par les juridictions

tension.
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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59
Pendant la même année, a été promulguée la loi 48-15 relative à la régulation du secteur
de l’électricité5. Dotant le secteur de l’électricité d’un nouveau cadre réglementaire,
elle clarifie les attributions des parties prenantes du transport et de la distribution
d’électricité et les institutionnalise en une nouvelle entité indépendante, l’Autorité
nationale de régulation de l’électricité (ANRE). Elle assure ainsi l’indépendance du
marché électrique par rapport aux opérateurs du secteur. Jusqu’alors, la régulation
reposait sur l’ONEE, sous tutelle du ministère en charge de l’énergie. Cette
institutionnalisation devrait « accroître l’attractivité du secteur des renouvelables
auprès des bailleurs de fonds, des industriels du secteur et des investisseurs privés »6.
L’ANRE est chargée, entre autres tâches, de fixer les tarifs d’utilisation du réseau
électrique national de transport et des réseaux électriques de MT ; de codifier les
conditions de raccordement et d’accès au réseau électrique national du transport ; de
s’assurer du bon fonctionnement du marché de l’électricité et de réguler l’accès des
auto-producteurs ; de contrôler le gestionnaire du réseau de transport et les
gestionnaires des réseaux de distribution. Cette loi prescrit en outre les règles à suivre
pour le transport de l’électricité et la gestion des réseaux électriques de MT. La loi 37-
16 a élargi les tâches de la MASEN7 à la réalisation de centrales de production
d'électricité de toutes les sources d’énergie renouvelables, à l’exception des stations de
transfert d’énergie par pompage.

Enfin, dans le cadre de la loi 86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé
(PPP)8, de tels contrats permettent de financer des investissements lourds, comme les
infrastructures énergétiques9, sans engager les finances de l’État dans l’immédiat.
Ainsi, la mise en place de panneaux solaires peut faire l’objet d’un contrat de
partenariat public-privé.

2. Production et commercialisation de l’énergie solaire au


Maroc
2.1. Le régime juridique de la production d’énergie solaire
La loi 13-09 a introduit un régime d’autorisation et de déclaration préalable applicable
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

aux installations de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies


renouvelables. Ces régimes s’appliquent en fonction de certains seuils de l’électricité
5
Dahir n° 1-16-60 du 24 mai 2016 portant promulgation de la loi n° 48-15 relative à la régulation du
secteur de l’électricité et à la création de l’autorité nationale de régulation de l’électricité.
6
I. García et A. Leidreiter, Feuille de route pour un Maroc 100 % énergie renouvelable, World Future
Council, 2016, p.27
7
Moroccan Agency for Sustainable Energy.
8
Promulguée par le dahir n° 1-14-192 du 24 décembre 2014 et entrée en vigueur en 2015, avec la
publication de son décret d’application n° 2-15-45 du 13 mai 2015.
9
B. Nadir, K. Anouar et N. Lamchici, «The public-private partnership in the field of wind energy in
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Morocco», International Journal of Advanced Research, Volume 2, Issue 10, 2014, p. 287.
African Journal of Environmental Law

60
produite, en distinguant production d’énergie électrique et production d’énergie
thermique (art. 4). Pour la production d’énergie thermique, il existe seulement un
régime de déclaration préalable qui s’applique si la puissance produite dépasse 8 MW.
Pour la production d’énergie électrique (solaire ou éolienne), il existe deux régimes :
celui de l’autorisation (art. 3) si la puissance produite dépasse 2 MW et celui de la
déclaration préalable si la puissance produite est supérieure à 20 KW et inférieure à
2 MW. Le projet de loi 40-1910 prévoit des modifications aux régimes d’autorisation et
de déclaration : il y est question d’autorisation de réalisation, au lieu d’autorisation
provisoire, et d’autorisation d’exploitation, au lieu d’autorisation définitive. Le
demandeur d’autorisation peut être une personne physique ou une personne morale de
droit privé ou public.

Une fois obtenue l’autorisation définitive, les contrats de fourniture d’électricité sont
conclus avec des clients privés, en général pour des durées supérieures à 10 ans, avec
un prix plancher pour assurer une rentabilité minimum. Le client s’oblige à prendre une
quantité annuelle réservée d’énergie que le fournisseur s’oblige à lui livrer, avec des
révisions de la quantité d’énergie réservée et des indemnisations croisées si le client ne
prend pas l’énergie fournie ou, à l’inverse, si le fournisseur ne livre pas l’énergie
réservée. En pratique, l’ONEE propose deux contrats : l’un pour l’accès au réseau et
l’autre pour les conditions de raccordement du site de production au réseau.

2.2. Le régime juridique de la commercialisation de l’énergie solaire


L’énergie électrique produite par l’exploitant d’une ou de plusieurs installations de
production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelables est
destinée au marché national et à l’exportation.

2.2.1. Marché national

En vertu de l’article 5 de la loi 13-09, les exploitants répondent aux besoins du marché
national de l’électricité dans le cadre d’une convention, conclue avec l’État ou
l’organisme délégué par lui à cet effet, qui prévoit notamment sa durée de validité et
les conditions commerciales de fourniture de l’énergie électrique ainsi produite. Selon
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’article 26, l’exploitant « peut également fournir de l’électricité à un consommateur ou


un groupement de consommateurs raccordé (s) au réseau électrique national de
moyenne tension, haute tension et très haute tension, dans le cadre d’un contrat qui
prévoit, en particulier, les conditions commerciales de fourniture de l’énergie
électrique, ainsi que l’engagement desdits consommateurs d’enlever et de consommer
l’électricité qui leur est fournie, exclusivement pour leur propre usage ».

Le décret précité n° 2-15-772 offre la possibilité d’achat de l’électricité produite à partir


de sources d’énergies renouvelables par les distributeurs. Le gestionnaire de réseaux
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

10
Projet d’amendement de 2019 de la loi 13-09, modifiée et complétée par la loi 58-15.

61
électriques de distribution est autorisé à s’approvisionner en énergie électrique auprès
des exploitants des installations de production d’énergie électrique à partir de sources
d’énergies renouvelables raccordées au réseau électrique de MT pour satisfaire ses
besoins en services auxiliaires (art.13). Ceux-ci sont « destinés à compenser l’énergie
utilisée pour la gestion du réseau électrique et les pertes techniques subies par le
gestionnaire de réseau électrique de distribution dans la limite de 7 % du volume total
annuel de l’énergie distribuée par ledit gestionnaire » (art. 2).

Le projet de loi 40-19 envisage d’étendre les possibilités de commercialiser l’électricité


verte auprès des gestionnaires de réseaux de distribution. L’exploitant d’une
installation raccordée au réseau électrique national de MT peut fournir de l’électricité
à : des consommateurs raccordés au réseau électrique national de MT ; un gestionnaire
du réseau de distribution d'électricité ; ou aux deux à la fois (art. 6). L’exploitant d’une
installation raccordée au réseau de moyenne, haute ou très haute tension peut fournir
de l’électricité à un gestionnaire du réseau de distribution d’électricité. Les
gestionnaires de ces réseaux peuvent acquérir jusqu’à 40 % de l’énergie totale fournie
pour alimenter les clients situés dans leurs zones de compétence.

2.2.2. Marché international

En vertu de l’article 27 de la loi 13-09, après avis technique du gestionnaire du réseau


électrique national de transport, l’exploitant d’une installation produisant de l’énergie
électrique à partir de sources d’énergies renouvelables, raccordée au réseau électrique
de moyenne, haute et très haute tension, peut exporter l’électricité produite.

Lorsque la capacité du réseau électrique national de transport et des interconnexions


est insuffisante, l’exploitant peut être autorisé à réaliser et utiliser, pour son usage
propre, des lignes directes de transport, dans le cadre d’une convention de concession
à conclure avec le gestionnaire du réseau électrique national de transport, qui prévoit
notamment : la nature et la consistance des ouvrages à réaliser et le délai de leur
exécution ; les charges et obligations particulières du concessionnaire ; la redevance de
transit à payer par le concessionnaire ; la durée de la concession ; les mesures à prendre
par le concessionnaire pour la protection de l’environnement ; les conditions de retrait
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

ou de déchéance de la concession, ainsi que celles du retour des ouvrages en fin de


concession (art. 28).
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

62
3. Les producteurs d’énergie solaire et les modèles
commerciaux au Maroc
3.1. Les producteurs d’électricité de source solaire

3.1.1. L’Agence marocaine pour l’énergie durable

La Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN) a été créée par la loi 57-0911. Société
de droit privé à capitaux publics, elle a été chargée d’accompagner la réalisation d’un
projet intégré visant la mise en place en 2020 d’une production électrique à partir de
l’énergie solaire d’une capacité totale de 2000 MW12. Ses actions s’articulent autour de
trois axes : favoriser le développement d’une filière industrielle compétitive ; tisser des
partenariats pour la formation de ressources qualifiées ; et soutenir la recherche et le
développement pour contribuer à l’amélioration des performances des technologies
solaires.

En 2016, la loi 37-16 a modifié la loi 57-09, transformant la MASEN en Moroccan


Agency for Sustainable Energy (Agence marocaine pour l’énergie durable). L’Agence
devient une société associée dotée d’un conseil d’administration, chargée de la
réalisation de stations de production d’électricité à partir de sources d’énergie
renouvelable. Elle assure le pilotage d’études, la planification, le financement, la
réalisation, l’exploitation et la maintenance des sites de production.

À partir de 2016, de grands projets d’énergies solaires voient le jour. Ainsi, le complexe
Noor Ouarzazate, grand ensemble multi-technologies d’une capacité installée de
580 MW, a été mis en service en 2018. La même année, le projet de Laayoune a été
déployé avec une puissance installée de 85 MW. La centrale solaire Noor Midelt I,
d’une puissance totale de 800 MW, est en cours de réalisation13. À la fin de 2019, la
puissance installée en énergies renouvelables a atteint 3701 MW, dont 711 MW pour
le solaire14.

Fondée en 2010 et dotée d’une bonne connaissance des enjeux énergétiques, la Société
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

d’investissement énergétique (SIE) participe au développement du secteur de MT via


le photovoltaïque15 à travers l’octroi d’un financement partiel par l’État. En tant que
tiers investisseur, la SIE peut faciliter l’établissement de PPP16.

11
Dahir n°1-10-18 du 11 février 2010 portant promulgation de la loi n° 57-09 relative à la création de la
Moroccan Agency for Solar Energy « MASEN ».
12
I. García et A. Leidreiter, Feuille de route pour un Maroc 100 % énergie renouvelable, op. cit., p. 28.
13
www.masen.ma.
14
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, Rabat, 2020, p. 29.
15
I. García et A. Leidreiter, Feuille de route pour un Maroc 100 % énergie renouvelable, op. cit., p. 29.
La protection de l’environnement par les juridictions

16
africaines : avancées nationales et régionales

C. Huwiler, Situation et perspectives de la planification et gestion durables de l’énergie dans les villes
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African Journal of Environmental Law

du Maroc, Union européenne et Human Dynamics, 2015, p. xviii.

63
3.1.2. Office national de l’électricité et de l’eau potable

L’ONEE est chargé de la production, du transport et de la distribution de l’énergie


électrique17. Cette mission a été limitée par la loi 38-16 modifiant et complétant le dahir
de 1963 créant l’Office national de l’électricité, qui a transféré à la MASEN tout moyen
de production utilisant les sources d’énergies renouvelables, à l’exception des stations
de transfert d’énergie par pompage, des infrastructures de production de l’électricité
dédiée aux heures de pointe et à la stabilité du système électrique national et des
infrastructures de production de l’électricité à partir des sources d’énergie renouvelable
régies par la loi 13-09.

Dans les années 1990, au titre du Programme d’électrification rurale global, l’ONEE a
introduit l’électrification photovoltaïque. En 2008, il a implanté une microcentrale
photovoltaïque de 45 KW à Casablanca, suivie en 2010 de 14 microcentrales
photovoltaïques, d’une capacité totale de 125 KW, installées sur les toits d’institutions
publiques à Ouarzazate et d’une centrale photovoltaïque de 800 KW dans la province
d’Assa Zag.

L’ONEE a par ailleurs lancé un plan de développement de centrales solaires


photovoltaïques de taille moyenne (20 à 30 MW), qui vise à valoriser l'énergie solaire
dans différentes zones, tout en renforçant la sécurité d’approvisionnement dans ces
zones éloignées de la production d’électricité. Ces centrales électriques sont situées
dans les régions de Zagora, d’Arfoud et de Missour18.

Transportée et distribuée à l’aide de réseaux19, l’électricité est acheminée depuis l’unité


de production vers un réseau de transport composé de lignes à très haute tension (THT)
reliées entre elles par des postes d’interconnexion structurés nationalement.
L’électricité est ensuite acheminée jusqu’à des postes de répartition alimentant les
réseaux régionaux composés de lignes à THT et à haute tension (HT). Enfin,
l’électricité est acheminée jusqu’à des postes sources alimentant les réseaux locaux de
distribution constitués de lignes à moyenne tension (MT) et à basse tension (BT)20. Le
système électrique marocain dispose d’un réseau de transport bien maillé, d’une
longueur totale de 27 081 km en 2019, qui comprend des lignes THT (400-225 kV),
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

HT (150-60 kV) et MT (55-20 kV). Il est interconnecté aux réseaux algériens et


espagnols21.

17
Article 2 du dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963 portant création de l’ONE, modifié par le décret-loi
n° 2-94-503 du 23 septembre 1994 en vue d’ouvrir la voie à la production concessionnelle d’électricité.
18
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb : transition
énergétique et jeux d’échelles, thèse de doctorat, Aix-Marseille Université et Université de Sfax, 2017,
p. 300.
19
B. Wiesenfeld, Promesses et réalités des énergies renouvelables, EDP Sciences, 2013, p. 14.
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N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

20
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb, op. cit., pp. 35-36.
African Journal of Environmental Law

21
Ibid., p. 316.

64
Ayant pour mission d’assurer le transport de l’énergie électrique et la sécurité
d’alimentation du pays, l’ONEE a entrepris, pour la période 2016-2020, un programme
de développement de ses réseaux de transport et de distribution d’électricité. L’ONEE
est ainsi le premier distributeur. Sa mission de service public s’exerce en particulier
dans le domaine de la distribution. Ses réseaux de distribution d’électricité couvrent les
zones tant urbaines que rurales, surtout avec la généralisation de l’accès à l’électricité.

La distribution de l’énergie s’effectue soit directement par l’ONEE, en zone rurale


principalement et dans plusieurs agglomérations urbaines, soit par des délégataires
privés opérant dans les villes de Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan, ainsi que des
régies locales dépendant des communautés urbaines. Les distributeurs commercialisent
la BT et la MT alors que la HT et la THT sont l’exclusivité de l’ONEE.

3.2. Les modèles commerciaux de l’énergie solaire au Maroc

3.2.1. Un modèle d’approvisionnement centralisé22

En 1994, le décret 2-94-503 a autorisé la production privée de l’électricité (IPP 23) en


habilitant l’ONEE à passer des contrats avec des personnes morales de droit privé pour
la production concessionnelle d’électricité d’une puissance supérieure à 10 MW, à
condition que des producteurs indépendants soient choisis par appel d’offres, l’ONEE
étant l’acheteur unique de l’électricité produite à travers des contrats d’achat et de
fourniture d’électricité.

En 1997, un contrat de concession a été conclu entre l’ONEE et Jorf Lasfar Energy
Company qui autorise l’exploitation indépendante de deux unités de production à Jorf
Lasfar selon un schéma Build-Operate-Transfer24.

3.2.2. L’autoproduction25
La loi 16-08 relative à l’autoproduction d’électricité26 permet d’autoriser toute
personne, physique ou morale, de droit privé ou public, à produire sa propre électricité
à condition que la production n’excède pas 50 MW. C’est par exemple le cas de Lafarge
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

et Ciment du Maroc.

22
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au
Maroc : une note d’analyse, Pöyry Management Consulting, 2018, p. 9.
23
Independent Power Production.
24
N. Benalouache, L’énergie solaire pour la production d’électricité au Maghreb, op. cit., p. 316.
25
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au Maroc,
op. cit., p. 10.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

26
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Dahir n° 1-08-97 du 20 octobre 2008 portant promulgation de la loi n° 16-08 modifiant et complétant
African Journal of Environmental Law

le dahir n° 1-63-226 du 5 août 1963.

65
En vertu de la loi 13-09, les producteurs privés peuvent vendre de l’énergie électrique
aux clients éligibles ayant accès au réseau national de transport. Plusieurs producteurs
privés d’électricité sont concernés, comme Nareva (200 MW), UPC Renewables
(120 MW), Innovant Maroc (18 MW), Énergies J2 Terre (17 MW), Platinium Power
(36 MW), SGTM (22 MW).

En 2015, la loi 54-14 a étendu l’autoproduction aux installations d’une taille supérieure
à 300 MW. L’excédent d’énergie peut être vendu exclusivement à l’ONEE. Les
modalités de raccordement au réseau électrique national sont déterminées par une
convention de raccordement conclue avec l’ONEE.

3.2.3. Vente directe27

Bien que la loi 13.09 ait autorisé de vendre directement aux consommateurs via le
réseau électrique national ou le réseau de distribution pour les réseaux de haute et très
haute tension, l’accès aux réseaux électriques moyenne tension reste soumis à des
conditions et des modalités fixées par voie réglementaire (art. 5).

Avec le décret 2-15-772, susvisé, les producteurs d’énergie électrique de source


renouvelable peuvent être raccordés au réseau électrique de MT pour la vendre aux
consommateurs privés. Dans les villes couvertes par des contrats de concession de
distribution d’électricité, les opérateurs privés entrent directement en concurrence avec
les concessionnaires.

La loi 58-15 modifiant et complétant la loi 13-09 donne la possibilité aux installations
de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelable
d’accéder au réseau de distribution de BT.

Selon l’article 26 de la loi 58-15, l’exploitant ne peut vendre plus de 20 % en tant


qu’excédent de la production annuelle de l’énergie électrique de sources d’énergie
renouvelables. Cet excédent peut être vendu soit à l’ONEE pour les installations
connectées au réseau HT et THT, soit aux distributeurs pour les installations connectées
au réseau MT et BT.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Les modalités et les conditions commerciales de rachat de l'excédent de l’énergie


produite à partir de sources d’énergies renouvelables doivent être fixées par voie
réglementaire ; or aucun décret ou arrêté n’a encore été publié à ce sujet.

Le décret 2-15-772 prévoit l’ouverture du réseau de MT à l’électricité à partir de


sources d’énergie renouvelables selon une trajectoire prédéfinie, « composée
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

27
RES4MED, Le développement des énergies renouvelables sur le réseau de moyenne tension au Maroc,
op. cit., p. 11.

66
d’enveloppes exprimant le volume d’intégration de l’électricité verte dans le réseau
électrique de moyenne tension, pour chaque zone de distribution » (art. 8).

4. Insuffisances actuelles et réformes possibles de la


production et la commercialisation de l’énergie solaire
4.1. Insuffisances
Les actions politiques, les réformes législatives et les investissements pris en charge
par le gouvernement sont le signe d’un engagement réel du Maroc à promouvoir le
déploiement des énergies renouvelables. En effet, le Maroc fait partie des premiers pays
du continent africain à parier sur les énergies renouvelables, alliant développement
économique et respect de l’environnement. Aujourd’hui, il dispose de l’un des
programmes d’énergies renouvelables les plus ambitieux en Afrique.

Malgré les avancées enregistrées, le cadre actuel de l’énergie solaire comporte des
insuffisances. Ainsi, dans le secteur de l’énergie solaire photovoltaïque, la technologie
solaire à concentration s’avère relativement chère, le coût de revient du KWh étant plus
élevé que le coût de revente à l’ONEE28. De même, la différence entre les prix d’achat
aux IPP et les prix de vente à l’ONEE a engendré un déficit estimé à 800 millions de
dirhams par an des centrales Noor I, II et III29.

L’opérationnalisation de la loi 13-09 pose des difficultés pratiques. Les délais


d’instruction des demandes d’autorisations provisoires sont assez longs. Ils doivent être
précédés d’une étude d’impact sur l’environnement, d’une sécurisation du foncier et
d’un avis de l’ONEE sur la compatibilité du projet avec le réseau national (art. 10).

Certains opérateurs privés ont investi dans des sites mais ne sont toujours pas autorisés
à développer leur centrale de production à cause d’une interférence des acteurs qui
interviennent dans le processus d’autorisation de projets (ONEE, régies de
distribution). • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Le cadre juridique actuel exclut les producteurs de petite et moyenne taille, empêche
les villes de créer leurs propres réseaux de distribution privée et entrave
l’investissement des collectivités et des citoyens dans la production locale d’énergie
solaire. Certes, le décret 2-15-772 autorise les producteurs d’énergie électrique de
source renouvelable à être raccordés au réseau MT pour une commercialisation auprès
des consommateurs privés. Cependant, il souligne que ces « dispositions ne doivent en
aucun cas porter atteinte à l’équilibre des contrats de la gestion déléguée de la
distribution » (art. 15).
28
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 30.


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29
Ibid., p. 32.

67
En outre, les sociétés de distribution ne sont pas incitées à favoriser l’intégration des
énergies renouvelables dans le système. D’une part, afin d’assurer l’adéquation et la
fiabilité du réseau aux nouvelles capacités des énergies renouvelables, les distributeurs
devraient effectuer des investissements importants, alors qu’aucun système de
rémunération claire n’est défini par l’ANRE. D’autre part, les projets d’énergies
renouvelables en MT impliqueraient une réduction conséquente du chiffre d’affaires
des régies de distribution.

L’article 7 de la loi 13-09 dispose que les projets de production d’énergie électrique à
partir de source d’énergie solaire d'une puissance cumulée maximale supérieure ou
égale à 2 MW ne peuvent être réalisés que dans des zones d’accueil définies par arrêté
– lequel n’a pas encore vu le jour. En dehors de ces zones, aucune autorisation ne peut
être donnée.

Le projet de loi 40-19 devrait remédier à cette difficulté en supprimant cette disposition
confinant les projets solaires dans des zones de développement de production d’énergie
électrique à partir de source d’énergie solaire. L’identification des sites d’accueil
demeurerait toutefois requise pour les projets de production d’énergie électrique à
partir de sources d’énergie éolienne30. Ce projet de loi rend laborieuses les règles pour
les opérateurs privés et nécessite des textes d’application pour l’opérationnaliser.

La réforme de la loi 13-09, notamment à travers la loi 58-15, a permis aux installations
de production d’énergie électrique à partir de sources d’énergies renouvelable d’avoir
accès au réseau de distribution de BT. Cependant, les modalités d’application font
encore défaut.

On relève par ailleurs l’absence d’effectivité de l’ANRE, qui laisse à l’opérateur


historique (ONEE) le soin de fixer les tarifs, les modalités de leur calcul, ainsi que les
modalités d’accès au réseau.

Enfin, le citoyen n’a pas bénéficié d’une baisse des tarifs de l’électricité. Au contraire,
en 2014, « une révision des tarifs à la hausse a été appliquée et échelonnée sur 4 ans,
dans le cadre du contrat programme État/ONEE 2014-2017 »31.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

4.2. Recommandations
Compte tenu de tous les obstacles rencontrés dans le secteur de l’énergie solaire, les
réformes doivent couvrir de multiples domaines. Les recommandations suivantes

30
Arrêté n° 2657-11 du 19 septembre 2011 définissant les zones destinées à accueillir les sites pouvant
abriter les installations de production de l’énergie électrique à partir de source d’énergie éolienne.
31
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
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installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 35.


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68
abordent les principaux éléments à intégrer dans une feuille de route qui aidera à
développer l’énergie solaire.

Le marché potentiel des systèmes photovoltaïques solaires domestiques est estimé à


« 500 millions de dollars en 2025 »32. Pour concrétiser un tel potentiel, outre des
réformes relatives à l’accès au réseau, il faudrait des instruments de financement
appropriés pour les personnes privées, y compris les moyennes et petites entreprises,
comme des crédits à des conditions préférentielles en faveur de l’énergie solaire.

Il faudrait par ailleurs :


- séparer les activités de production, transport, distribution et commercialisation. La
libéralisation de la production et de la commercialisation des énergies
renouvelables doit créer un climat compétitif qui vise à offrir aux consommateurs
une électricité moins chère. « Les activités de transport et de distribution ont un
rôle de service public et doivent offrir aux opérateurs de production et de
commercialisation les mêmes conditions d’accès et de service »33, ce qui
permettrait d’accroître la transparence ;
- rendre l’ANRE opérationnelle, lui donner les moyens de son action et procéder à
l’élargissement de ses compétences ;
- mettre en place des conventions-type accessibles à tout porteur de projet via le site
du ministère de l’énergie34 ;
- élargir le statut d’auto-producteur aux secteurs résidentiel, tertiaire, collectivités
locales et entreprises publiques ;
- accélérer la production décentralisée via un cadre réglementaire permettant
d’injecter l’excédent de l’électricité produite dans des conditions financières gérées
par l’autorité de régulation.

L’avant-projet de loi de 2020 relatif à l’autoproduction d’électricité permettra une


meilleure visibilité et une plus grande transparence quant aux personnes éligibles, aux
modalités d’exploitation des installations et, le cas échéant, au raccordement au réseau.
Le nouveau régime ouvre l’autoproduction à toutes les sources de production d’énergie
électrique. L’électricité produite par l’auto-producteur, exclusivement pour ces propres
besoins, ne peut être cédée. En outre, l’avant-projet de loi prévoit notamment la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

possibilité :
- de recourir à l’autoproduction à travers un nouveau régime d’autorisation ;
- pour l’auto-producteur de construire, à ses frais, son propre réseau électrique reliant
le site de production au site de consommation ;
- pour les auto-producteurs de se raccorder au réseau électrique national afin de relier
leurs installations de production à leurs sites de consommation, à condition que la

32
www.environnement.gov.ma.
33
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 47.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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34
K. Anouar., Le droit de l'énergie éolienne terrestre et de développement durable au Maroc, thèse de
doctorat en droit, Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat, 2015, p. 86.
69
puissance de l’installation soit au moins égale à 5 MW, dans la limite de la capacité
d’accueil du réseau national, et contre paiement des frais dus au titre de ces
services ;
- de vendre l’excédent de la production au gestionnaire du réseau (de transport ou de
distribution), dans la limite de 10 % de la production annuelle du site de
l’autoproduction.

Le recours accru à des énergies renouvelables intermittentes nécessitera la mise en


place de réseaux de transport intelligents (smart grid)35 assurant la production et la
centralisation des flux d’informations sur l’électricité produite et consommée en tout
point sous la responsabilité de l’ANRE, avec des compteurs intelligents au lieu des
compteurs électriques classiques.

Enfin, il y a lieu de développer une production suffisante pour servir le marché national
et ouvrir de nouveaux marchés pour l’export36. Dans cette optique, il faudrait en
particulier mettre en place un cadre de partenariat entre le Maroc et le reste de l’Afrique
et lancer des initiatives de financement réservées à l’Afrique pour capter, catalyser et
concrétiser des projets innovants, en misant sur l’intégration régionale de l’énergie
solaire avec les pays voisins à travers les interconnexions électriques.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

35
J.-P. Favennic et Y. Mathieu, Atlas mondial des énergies : ressources, consommation et scénarios
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d’avenir, Amand Colin, 2014, p. 135.


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36
Conseil économique, social et environnemental, Avis - Accélérer la transition énergétique pour
installer le Maroc dans la croissance verte, op. cit., p. 47.
70
LA RÉFORME DU SECTEUR DE L’ÉNERGIE AU
BURKINA FASO : UNE PROMOTION DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Antoine KABORÉ
Conseiller à la Cour d’Appel de Ouagadougou, Burkina Faso
Lassané ZOMA
Enseignant-chercheur à l’Unité de formation et de recherche en sciences juridiques et
politiques, Université Thomas Sankara, Burkina Faso
Yacouba SAVADOGO
Conseiller technique du ministre de l’Environnement, de l’Économie verte et du
Changement climatique, Burkina Faso

Résumé
Des années durant, le Burkina Faso a bâti sa politique énergétique sur de l’énergie
thermique polluante. Face à une demande de plus en plus croissante d’énergie, le pays
n’arrive plus à satisfaire la demande en consommation d’énergie. Ainsi confronté à ce
défi d’augmentation de l’offre énergétique et devant les exigences environnementales,
le Burkina Faso a revu sa politique énergétique à travers des réformes novatrices. Ces
réformes vont ainsi promouvoir les sources d’énergies écologiques, notamment les
énergies renouvelables, tout en cassant l’ancienne situation de monopole par
l’ouverture du secteur à d’autres acteurs. Ces réformes, qui ont apporté d’importantes
innovations dans le secteur de l’énergie, ne peuvent cependant atteindre leurs résultats
qu’à travers un niveau appréciable d’efficacité tant des normes juridiques que des
cadres institutionnels mis en place.

Mots clés : Burkina Faso, transition énergétique, énergies renouvelables, efficacité


énergétique.

Abstract
For years, Burkina Faso has built its energy policy on polluting thermal energy. Faced
with a growing energy demand, the country is no longer able to meet the demand for
energy consumption. Confronted with this challenge of increasing energy supply,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

together with environmental requirements, Burkina Faso has revised its energy policy
through innovative reforms. Such reforms will thus promote green energy sources,
especially renewable energy, while breaking the old monopoly situation by opening the
sector to other players. However, these reforms, which brought important innovations
in the energy sector, can only achieve their results through a significant level of
efficiency in both the legal norms and institutional frameworks put in place.

Keywords: Burkina Faso, energy transition, renewable energy, energy efficiency.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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71
Introduction
Pays sahélien1 très ensoleillé, le Burkina Faso dispose d’un potentiel énergétique
renouvelable très élevé. En effet, le pays bénéficie d’un ensoleillement à hauteur de
3000 h de rayonnement solaire par an avec un gisement à 5,5 à 6 KWh par mètre carré
par jour2, soit à titre comparatif deux fois plus que la France. Pourtant, avec ce potentiel,
le pays peine toujours à satisfaire la demande en énergie de ses populations. Pendant
des années, le Burkina Faso avait construit sa politique énergétique sur la base de
l’énergie thermique, dont la production, la distribution et la commercialisation étaient
confiées à une société d’État3 qui jouissait d’un monopole parfait.

Les limites de cette société d’État se sont révélées face à de grands défis, à savoir : (i)
la satisfaction d’une demande en énergie de plus en plus croissante avec une population
notamment urbaine qui s’accroît à un rythme accéléré ; et (ii) la conciliation de la
production d’énergie et des exigences de protection de l’environnement.

Face à ces deux principaux défis, le pays s’est vu contraint de revoir sa politique
énergétique en élargissant les acteurs de la production et la commercialisation de
l’énergie et en s’ouvrant vers d’autres sources d’énergie plus protectrices de
l’environnement, à savoir les énergies renouvelables.

Cette migration vers les énergies renouvelables s’est opérée à travers des réformes qui
ont touché tant le cadre juridique que le cadre institutionnel. Pendant que des textes
visant à promouvoir les énergies renouvelables ont été adoptés, le cadre institutionnel
a été quant à lui renforcé par des structures de contrôle et de promotion des énergies
renouvelables.

Cependant, ces importantes réformes (1) dans le secteur de l’énergie au Burkina Faso
en faveur des énergies renouvelables ne peuvent atteindre leurs résultats ambitieux qu’à
travers un niveau d’efficacité (2) hautement appréciable de ces normes juridiques et de
ces cades institutionnels.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1
Le Sahel dispose du meilleur taux d’ensoleillement au monde. Le potentiel de production d’énergie
solaire dans cette région est évalué à environ 13,9 milliards de GWh/an par rapport à la consommation
mondiale d’électricité de 20 millions de GWh/an en 2016 selon le Global Energy Statistical Yearbook,
2017.
2
R. Tapsoba, Réalisation de la carte d’ensoleillement normal direct (DNI) et de sites potentiels pour
l’implantation de centrales solaires thermodynamiques en Afrique de l’Ouest, mémoire de master,
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Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, Ouagadougou, 2009.


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N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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3
La Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL).

72
1. Une transition énergétique au cœur de multiples réformes
innovantes
Les énergies renouvelables cristallisent l’histoire d’un succès, celui des négociations
internationales à travers le processus de l’Agenda 21 et du protocole de Kyoto4. Dans
les années 1990, elles ont auguré le début d’une politique moderne de l’environnement
qui milite en faveur de nouvelles formes de consommation et de production en matière
énergétique5. Nouvellement enthousiasmés par la problématique6, les pays en voie de
développement vont traduire leur engagement par une internalisation des mécanismes
internationaux7. Le Burkina Faso n’est pas en marge et, en ce qui le concerne, cela se
traduira par des réformes normatives et des réformes institutionnelles.

1.1. Des réformes normatives


Le Burkina Faso n’a pas encore atteint ses objectifs en matière d’énergie 8. Mais cela
n’annihile en rien les efforts consentis par les pouvoirs publics pour doter le secteur
d’un dispositif normatif favorable à la transition énergétique qui s’opère. Ainsi
pouvons-nous analyser doublement ces réformes parce qu’elles concernent aussi bien
le secteur de l’énergie que la problématique de l’environnement, la transition
énergétique étant bien entendu un pilier de la transition écologique.

1.1.1. Un dispositif très densifié en matière d’énergie

Sous l’égide de la Banque mondiale, le Burkina Faso s’est doté d’un code de l’énergie
en décembre 2019. Il s’agit d’un ensemble de textes législatifs et réglementaires relatifs
à l’énergie. On y trouve une multitude de textes législatifs et réglementaires répartis
entre quatre chapitres respectifs : l’organisation du secteur, la production énergétique,
l’efficacité énergétique et la police de l’énergie9. Le terme de police n’a pas été utilisé
par les pouvoirs publics mais nous entendons par celui-ci les agréments, les titres de
production et d’exploitation et les cahiers des charges. L’organisation du secteur de
l’énergie repose essentiellement sur la loi n° 014-2017/AN dite loi 014 portant
réglementation générale du secteur de l’énergie. Elle est l’une des plus importantes • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

4
J. Trittin, « Histoire d’un succès : les énergies renouvelables », Écologie et politique, 2006/2, n° 33, p.
119 et s.
5
Ibid.
6
E. D. Kam Yogo, Manuel judiciaire de droit de l’environnement, Institut de la Francophonie pour le
développement durable, 2018, p. 2 ; M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Paris,
EDICEF/AUPELF, 1996, passim.
7
A. Garané et V. Zakané, Droit de l’environnement burkinabè, Collection Précis de droit burkinabè,
PADEG, Université de Ouagadougou, 2008, p. 459.
8
Voir la Lettre de politique sectorielle de l’énergie (LPSE) adoptée en 2016 par le décret n° 2016-
1063/PRES/PM/MEMC/MINEFID.
9
Certes ces chapitres portent sur différents aspects de l’énergie mais convergent tous dans le sens de la
transition énergétique.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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73
réformes engagées en vue d’atteindre les objectifs du programme national de
développement économique et social en matière d’énergie. En effet, elle libéralise la
production de l’énergie et pose les jalons d’une promotion des énergies renouvelables,
de l’efficacité énergétique et de l’électrification rurale. Elle est la consécration
juridique d’un discours favorable à la transition vers les énergies renouvelables, resté
longtemps politique. Cette loi consacre son titre IV aux énergies renouvelables et à
l’efficacité énergétique. Ainsi édicte-t-elle des mesures relatives à la promotion des
énergies renouvelables10, des mesures sur les conditions de production et de
commercialisation des énergies renouvelables11, outre des exigences d’efficacité
énergétique12. La loi 014 a été précédée d’une lettre de politique sectorielle de l’énergie
adoptée par décret n° 2016-1063/PRES/PM/MEMC/MINEFID du 14 novembre 2016.
Cette lettre fixait les objectifs du gouvernement en matière d’énergie pour la période
2016-2020 et on pouvait bien mesurer son intérêt pour la transition énergétique vers les
énergies renouvelables et l’efficacité énergétique13. Il s’agissait d’une esquisse des
réformes en matière d’énergie. Par ailleurs, la loi 014 a été suivie de nombreux textes
d’application, dont le temps d’adoption traduit une réelle volonté des pouvoirs publics
d’opérationnaliser la transition énergétique.

Outre l’organisation du secteur de l’énergie faite sur fond de transition énergétique, le


chapitre 2 du code de l’énergie présente les types d’énergies produites au Burkina Faso.
Il y est bien fait mention des énergies renouvelables. Une partie de la consommation
annuelle peut être comblée par les énergies renouvelables. La véritable innovation se
situe dans la libéralisation de la production et dans la possibilité de commercialiser
l’excédent d’énergie aux fournisseurs d’électricité. Il y va de la vocation de l’« auto
producteur » défini comme toute personne physique ou morale qui peut produire de
l’énergie à partir de sources d’énergie solaire photovoltaïque et ayant le droit de céder
l’excédent d’énergie14. Il convient de souligner que l’autoproduction est autorisée
seulement pour les énergies renouvelables.

Le code de l’énergie fait également mention de l’efficacité énergétique à son chapitre


3. Il s’agit de toute action agissant positivement sur la consommation de l’énergie,
quelle que soit l’activité du secteur considéré tendant à : la gestion optimale des
ressources énergétiques ; la maîtrise de la demande d’énergie ; l’augmentation de la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

compétitivité de l’activité économique ; la maîtrise des choix technologiques d’avenir


économiquement viable ; l’utilisation rationnelle de l’énergie et ce, en maintenant à un

10
« La production, l’importation de matériel et équipement des énergies renouvelables bénéficient de
mesures fiscales et douanières incitatives », art. 57.
11
« Toute personne physique ou morale peut, pour sa propre consommation, sur toute l’étendue du
territoire national, produire de l’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables », art. 61.
12
« Toute activité de production, de transport, de distribution et d’utilisation de l’énergie doit intégrer
les normes et exigences d’efficacité énergétique », art. 70.
13
Lettre de politique sectorielle de l’énergie, art. 2.
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N° 05 • 2020
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14
Décret n° 2019-0902/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA portant modalités d’accès des auto-producteurs
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d’énergies renouvelables au réseau électrique et conditions de rachat de leur excédent d’énergie.

74
niveau équivalent les résultats, le service, le produit ou la qualité d’énergie obtenue15.
Pour mettre en œuvre cette efficacité énergétique, les pouvoirs publics ont fixé par voie
réglementaire des normes d’efficacité et d’audits énergétiques. Le chapitre 4 du code
de l’énergie, sans jeter son dévolu sur les énergies renouvelables, n’en est pas moins
proche. Il institue des outils de contrôle des acteurs du secteur de l’énergie. Il s’agit des
agréments, des titres de production et d’exploitation et des cahiers des charges sur
lesquels reposent les pouvoirs de police administrative des autorités administratives. À
travers le régime des titres, agréments et cahiers des charges, l’autorité administrative
veille à ce que les règles et principes de la loi 014 soient respectés. La densité du cadre
normatif de l’énergie ne doit pas faire perdre de vue que la transition énergétique est
avant tout un pan de la transition écologique et que les réformes doivent être appréciées
également sous l’angle de la réglementation environnementale.

1.1.2. Un dispositif transversal émanant de la réglementation


environnementale

La transition énergétique vers les énergies renouvelables n’est pas une question
spécifique de l’énergie. Elle est avant tout une composante de la transition écologique.
Le choix des énergies renouvelables répond à une nécessité, celle de maîtriser le
réchauffement climatique et la dégradation des ressources naturelles, surtout non
renouvelables16, avant toute considération liée aux opportunités de création de
meilleures conditions de vie des populations et d’opportunités d’emplois.

De ce fait, les réformes la concernant doivent être recherchées dans les textes portant
gestion de l’environnement et des ressources naturelles. À ce propos, il convient de
relever que les textes relatifs à la protection de l’environnement ont été précurseurs de
l’idée des énergies renouvelables. Au plan international, il en est question depuis les
années 1990. Au plan national, les réformes du secteur de l’énergie qui y font référence
datent des années 2017. Or, déjà en 2013, le législateur en faisait mention dans le code
de l’environnement comme une alternative pour la réduction de la pollution liée aux
énergies. Le gouvernement s’assure que les ressources énergétiques du pays soient le
moins polluantes possible et veille à la promotion des énergies renouvelables17. Cela
s’explique aisément dans la mesure où, au plan international, ce sont les accords
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

multilatéraux sur l’environnement qui ont assuré la promotion des énergies


renouvelables comme moyen de prévention du réchauffement climatique et de la perte
des ressources non renouvelables.

15
Cahier des charges applicable aux audits énergétiques au Burkina Faso, art. 3.
16
A. Z. Amin, « Comment les énergies renouvelables peuvent-elles être concurrentielles en termes de
coûts », Chronique ONU, www.un.org/fr/chronicle/article/comment-les-energies-renouvelables-
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peuvent-etre-concurrentielles-en-termes-de-couts.
17
Loi n° 006-2013/AN du 2 avril 2013 portant code de l’environnement au Burkina Faso, art. 21.

75
1.2. Des réformes institutionnelles
Les réformes institutionnelles en faveur de la transition énergétique ne contrastent pas
avec celles normatives. Elles traduisent la même vitalité, la même abondance sinon la
même inflation. Des réformes courageuses, à la fois diverses et variées, accompagnent
le processus de transition énergétique. Les institutions qui en découlent viennent
s’ajouter à un dispositif déjà présent, mais qui ne s’en trouve pas moins réaménagé
pour tenir compte de la politique des énergies renouvelables.

1.2.1. Un service public varié et diversifié

a) Le service public classique réaménagé

Depuis l’indépendance, le Burkina Faso dispose d’un service public de l’énergie


chapeauté par le ministère en charge de l’énergie. Ce ministère est chargé d’impulser
la politique de l’État en matière d’énergie et de donner un accès à l’énergie aux
citoyens. Il doit le faire dans le respect des principes de continuité, d’adaptation et
d’égalité. À la faveur du choix pour la transition énergétique, le ministère de l’Énergie
sera réaménagé. C’est ainsi que le décret n° 2016-384/PRES/PM/MEMC du 20 mai
2016 portant organisation du ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières
consacre la création d’une direction générale des énergies renouvelables. Cette
direction a pour but d’œuvrer à porter l’exploitation des énergies renouvelables au
niveau des possibilités offertes. Sa création traduit la volonté du gouvernement de
réduire la place de l’énergie thermique dans la consommation énergétique et de
renforcer l’accès à l’énergie. La création de cette direction est la traduction
institutionnelle de cette volonté, qui trouve également des manifestations dans les
structures traditionnelles de l’énergie dont les missions ont été réorientées.

b) Des établissements publics renforcés

En vue de faciliter et de financer l’électrification rurale, le Burkina Faso s’était doté en


2003 d’un Fonds de développement de l’électrification18. Son action reposait sur une
planification quinquennale. À la faveur des réformes engagées pour la transition
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

énergétique, le Fonds deviendra l’Agence burkinabè de l’électrification rurale


(ABER)19, ce qui marque davantage son caractère institutionnel que conjoncturel.
L’ABER est un établissement public de l’État à caractère administratif. Elle poursuit
l’équité dans l’accès à l’électricité des communes rurales. Elle n’est donc pas tournée
a priori vers les énergies renouvelables. Selon ses statuts, elle a pour mission de
promouvoir l’accès à l’électricité des communes rurales…20. Toutefois, elle ne saurait
les ignorer parce qu’elle poursuit un objectif très proche de celui qui a prévalu au choix

18
Ce Fonds a été créé par le décret n° 2003-089/PRES/PM/MCE du 19 février 2003.
19
Suite à l’adoption du décret n° 2018-1160/PRES/PM/ME/MINEFID du 19 décembre 2018 portant
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approbation des Statuts de l’Agence burkinabè de l’électrification rurale.


20
Décret n° 2018-1160/PRES/PM/ME/MINEFID, art. 3.

76
des énergies renouvelables : l’accès de tous à une énergie suffisante et durable. Celles-
ci sont donc un instrument que l’ABER peut implémenter dans le cadre de sa mission.
D’ailleurs, le contexte écologique l’y aurait obligé.

Cet établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière va


être renforcé par une agence dont la spécificité réside dans son but : faire la promotion
des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. À elle seule, elle incarne la
réforme institutionnelle du secteur de l’énergie. Il s’agit de l’Agence nationale des
énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE)21. L’ANEREE est un
établissement public de l’État à caractère économique, doté de la personnalité morale
et de l’autonomie financière, dont l’enjeu pour l’ancrage des énergies renouvelables est
déterminant. Ses missions sont centrées sur le développement des énergies
renouvelables. De ce fait, elle est chargée de contrôler, encadrer et favoriser le marché
des énergies renouvelables22, de fédérer le secteur privé, les ONG et les partenaires
techniques et financiers dans le domaine des énergies renouvelables23, et aussi soutenir
la recherche, l’innovation et la formation en la matière. En pratique, l’ANEREE mène
un contrôle de qualité des équipements solaires et hydroélectriques24, des bâtiments
neufs et en rénovation, ainsi que les bâtiments concernés par les dispositifs d’énergie
solaire25.

c) La nationale de l’énergie, ses missions réorientées

Pendant longtemps, la société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL) est restée


la seule autorisée à produire et à commercialiser l’énergie. Son existence ne peut pas
être mise à l’actif des réformes entreprises dans le cadre de la transition énergétique.
Elle existe depuis plusieurs décennies. Jusqu’en 2018, elle était régie par un décret de
200426. Mais ces réformes affectent son fonctionnement et son organisation. En effet,
elle avait une compétence exclusive en matière de production et de commercialisation
de l’énergie, qui reposait davantage sur l’énergie thermique et hydroélectrique.
L’influence des réformes issues de la transition énergétique réside à deux niveaux.
D’abord, elle n’a plus une compétence exclusive en matière de production de l’énergie.
En effet, les personnes physiques ou morales sont autorisées à autoproduire de l’énergie
à leurs fins propres ou non. Le surplus de leur production basée sur les énergies
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

renouvelables est vendu à la SONABEL, chargée de la commercialisation. Et c’est là


que réside le deuxième niveau. Son énergie n’est plus seulement thermique, elle a aussi
une origine solaire ou hydroélectrique.

21
Instituée par le décret n° 2016-1265/PRES/PM/MEMC/MINEFID portant adoption des statuts de
l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique du 30 décembre 2016.
22
Rôle 1 de l’Agence défini dans ses statuts.
23
Rôle 4.
24
Loi 014, art. 65.
25
Ibid., art. 75.
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26
Décret n° 2004-517/PRES/PM/MCE du 19 novembre 2004 portant adoption des statuts de la Société
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nationale d’électricité du Burkina (SONABEL).

77
1.2.2. Une autorité de régulation du secteur de l’énergie dotée de véritables
pouvoirs

Il est créé un régulateur du secteur de l’énergie : l’Autorité de régulation du secteur de


l’énergie (ARSE), rattachée au cabinet du Premier ministre27. Il s’agit d’une institution
très importante du dispositif, à la fois par la nature de ses interventions et des pouvoirs
qui lui sont reconnus. L’Autorité de régulation veille au respect des textes législatifs et
réglementaires, dont ceux relatifs aux énergies renouvelables ; à la préservation des
intérêts des usagers du service public de l’énergie ; et à la protection des droits des
acteurs du secteur de l’énergie28. Juridiquement, l’ARSE est une autorité administrative
indépendante dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie d’action. Cela lui
confère une marge de manœuvre très importante dans la mesure où elle échappe au
poids hiérarchique d’une autorité administrative quelconque. Ainsi, de « larges
pouvoirs d’investigation, de contrôle et de sanction » lui sont attribués dans l’exercice
de ses missions. Ces pouvoirs peuvent être classés triplement.

a) Un pouvoir d’investigation

L’ARSE peut être saisie de tous litiges dans le secteur de l’énergie, à la condition que
les faits ne remontent pas à plus de trois ans à moins que ceux-ci aient fait l’objet d’un
acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction29. En outre, elle est
habilitée à opérer le contrôle et le suivi des activités des exploitants et des opérateurs
du secteur de l’énergie30. Pour ce faire, elle peut solliciter les forces de l’ordre31. Elle
peut aussi requérir que les opérateurs lui communiquent périodiquement des
informations chiffrées concernant leurs relations financières ou commerciales avec des
entreprises liées ou associées32.

b) Un pouvoir de décision et de sanction

L’ARSE dispose également de pouvoirs de décision et de sanction, ce qui fait sa


particularité puisqu’elle agit comme une juridiction. Ainsi, lorsqu’elle est saisie, elle
peut prendre des mesures conservatoires ou mêmes des décisions de sanction qui
peuvent être attaquées devant le juge administratif. Devant elle, les mesures
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

conservatoires pourront faire l’objet d’un recours en annulation ou en réformation ; et


les décisions de sanction, à la fois de recours en annulation ou en réformation ou d’un
recours de pleine juridiction et d’une demande de sursis à exécution.

27
Loi 014, art. 8.
28
Ibid., art. 84.
29
Ibid., art. 88.
30
Ibid., art. 8.
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31
Ibid., art. 87.
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32
Ibid., art. 56.

78
c) Une compétence consultative

La compétence consultative de l’ARSE s’analyse en fait comme un véritable pouvoir


de décision parce que les avis qu’elle émet sont conformes ; ils lient donc l’autorité
compétente qui décide. À titre illustratif, l’ARSE émet des avis conformes lorsque le
ministre en charge de l’énergie doit arrêter les tarifs d’accès des tiers au réseau33, ainsi
que pour la délivrance des autorisations et concessions de distribution d’énergie 34 et
d’autres licences d’importation ou d’exportation35.

1.2.3. Une décentralisation des interventions en matière d’énergie

Les réformes ne vont pas sans les collectivités territoriales. Il s’agit à ce propos de leur
attribuer des compétences en matière d’énergie et, surtout, de renforcer leurs capacités
face aux exigences du moment. Aux termes de l’article 13 de la loi 014, les collectivités
territoriales ont pour missions : de donner un avis sur les plans d’électrification dans
les communes et régions ; de participer à l’élaboration du schéma directeur communal
et régional d’électrification ; de participer à l’élaboration du schéma national
d’électrification ; d’élaborer et mettre en œuvre des plans locaux de production, de
distribution et d’efficacité énergétique ; de créer et de gérer les infrastructures
énergétiques et l’éclairage public. Les attentes vis-à-vis des collectivités territoriales
sont très nombreuses et lourdes en matière d’énergie, d’autant plus qu’elles constituent
les niveaux les plus appropriés pour impulser les actions de développement36. Ces
réformes, aussi denses soient-elles, ne préjugent pas de l’efficacité de la transition
énergétique et d’un probable développement fondé sur les énergies renouvelables. Mais
elles sont salutaires en soi parce qu’il ne peut y avoir une transition énergétique sans
normes favorables ni institutions adaptées !

2. La transition énergétique, une démarche confrontée à de


multiples défis
Il est indéniable que le Burkina Faso est condamné à réussir sa transition énergétique
afin de se doter d’atouts pour son développement. Pour y parvenir, les politiques
publiques en matière d’énergie doivent nécessairement relever le double défi de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’efficacité institutionnelle et de l’efficacité normative.

33
Ibid., art. 40.
34
Ibid., art. 46.
35
Ibid., art. 50.
36
Il s’agit de l’application du principe de l’agrégation et, dans une certaine mesure, du principe de
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subsidiarité.
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79
2.1. Le défi de l’efficacité institutionnelle
La loi n° 016-2005 portant réglementation générale du sous-secteur de l’électricité au
Burkina Faso consacrait le rôle écrasant des structures étatiques sur le secteur de
l’énergie et le quasi-monopole des personnes publiques dans la gestion de l’énergie.
Agissant sous le prisme des moyens juridiques et financiers d’action de la personne
publique, elles n’ont pas toujours pu répondre aux préoccupations des consommateurs.
Cette action se caractérisait par « une énergie inaccessible à une grande partie des
populations, et un coût élevé qui influe sur le pouvoir d’achat des ménages et la
compétitivité des entreprises »37. En effet, les structures étatiques détenaient le contrôle
entier sur les divers segments du secteur de l’énergie, à savoir la promotion, le
transport, la régulation, la distribution et la commercialisation de l’énergie. Seule la
production est susceptible d’être soumise à la concurrence38. Une telle démarche,
inspirée de l’action de l’État-providence chargé de se substituer aux autres acteurs du
développement par la création de services publics pour satisfaire l’intérêt général, a
montré ses limites pour diverses raisons.

Premièrement, cette attribution accessoire de l’État n’a pas toujours été assumée avec
succès car l’action de l’État s’est souvent préoccupée de satisfaire des besoins, sans
pour autant tenir compte du rapport coût de production/prix de vente.

Deuxièmement, les transformations rapides du secteur, qui induisent des innovations


et des investissements conséquents, ne sont pas suivies par l’action de l’État.

Troisièmement, l’apparition de nouvelles technologies vertes, notamment les


technologies liées au solaire, avec des mécanismes de production, de distribution et de
commercialisation moins complexes, ont été promues par les acteurs non étatiques et
ont envahi le marché, concurrençant fortement l’approche étatique.

Face à ces nouvelles réalités, des transformations s’imposaient, d’où la mise en place
de réformes aussi bien normatives qu’institutionnelles. Pour atteindre les objectifs visés
et les résultats escomptés, l’efficacité doit être au cœur de cette nouvelle approche.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

L’institution s’entend de toute organisation, structure publique ou privée, d’origine


coutumière ou légale, bâtie sur des règles et orientée vers une fin.

En tant que moyen d’action de l’État, l’institution est créée ou façonnée afin de
contribuer à la réalisation de la mission et à l’atteinte des résultats. Pour y parvenir, elle
doit utiliser les outils les plus pertinents et efficaces.

37
Décret n° 2016-1063/PRES/PM/MEMECM/MINEFID portant adoption de la Lettre de politique
sectorielle de l’énergie (LPSE).
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38
Article 21 de la loi n° 027-2007/AN du 20 novembre 2007 portant réglementation générale du sous-
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secteur de l’électricité au Burkina Faso.

80
L’efficacité se fonde sur les critères d’optimisation, de redevabilité, de transparence.
L’efficacité d’une institution s’entend de la capacité de cette dernière de mettre en place
des règles pertinentes et transparentes pour encadrer son action.

Dans le cas du secteur de l’énergie, cette efficacité institutionnelle doit se fonder sur
deux piliers, à savoir une meilleure gouvernance des institutions d’une part, et l’atteinte
de résultats pertinents d’autre part.

2.1.1. Une meilleure gouvernance des institutions

L’amélioration de la gouvernance des institutions est un facteur positif de


l’accroissement de leur efficacité. En effet, une meilleure définition des tâches ainsi
que la spécialisation des fonctions sont des outils pour assurer l’atteinte de résultats
probants.

Pour réussir un tel pari, la spécialisation des institutions en fonction des nouvelles
priorités dans le secteur de l’énergie est une approche pertinente. En effet, à l’origine
construit essentiellement autour de la nationale de l’énergie (SONABEL), société
chargée de la gestion du secteur de l’énergie dans un environnement de quasi-
monopole, l’ouverture du secteur à d’autres acteurs et, surtout, la diversification des
tâches couplée à un mécanisme de régulation effectif, peuvent garantir des résultats
meilleurs.

Sous cet angle, désormais seul le transport relève du monopole de la société d’État, les
autres segments que sont la production, la distribution, l’importation et l’exportation
sont des domaines partagés avec d’autres acteurs aux expériences variées et aux
compétences nouvelles39. Ainsi, avec l’électrification du secteur rural, la promotion et
la valorisation de l’énergie solaire ont donné lieu à la construction de centrales solaires
et la mise en place d’agences chargées de faire la promotion des énergies
renouvelables40 et l’extension de l’électrification rurale41.

Ces nouveaux organismes publics viennent prendre en charge de nouveaux segments


du secteur de l’énergie assumés jadis par la SONABEL avec moins de succès.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

En marge de l’État se sont installés d’autres acteurs non moins importants pour
l’atteinte des objectifs en matière d’énergie. Ce sont les acteurs privés, les collectivités
territoriales, les communautés locales et, surtout, le citoyen42. Traditionnellement
ancrés dans une fonction de consommation, ces acteurs deviennent désormais des
acteurs incontournables qui disposent d’un potentiel ou de capacités réelles en matière
de production d’énergie.

39
Lois de 2007, 2012 et 2017.
40
Article 12 de la loi 014.
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41
Article 10 de la loi 014.
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42
Cf. la constitution de diverses sociétés de production d’énergie électrique au moyen du solaire.

81
L’amélioration de la gouvernance se constate aussi à travers la prise en compte de ces
acteurs nouveaux dans la conception et la gestion des organisations, notamment la
gestion participative des conseils d’administration ou des institutions43.

La gouvernance peut davantage s’améliorer en accordant une place de choix aux


consommateurs et au citoyen à travers la société civile dans les organes d’orientation
et/ou de décision concernant les questions énergétiques.

La régulation du secteur qui permet à des entités extérieures d’émettre des avis et
d’orienter la gouvernance globale du secteur de l’énergie est un outil majeur de gestion
qualitative. Ainsi, la mise en place de l’ARSE est une avancée qui permet de contrôler,
de réguler et d’orienter les actions aussi bien des institutions de gestion de l’énergie
que des autres acteurs.

Le pouvoir et l’autorité de cette structure de régulation méritent d’être renforcés et son


ancrage davantage légitimé. Le secteur de l’énergie est tellement stratégique que sa
régulation devrait faire appel aux représentants des pouvoirs constitutionnels et des
consommateurs, et sa capacité de régulation accrue par des pouvoirs importants. Les
grandes conclusions et recommandations de ses sessions méritent d’être soumises à
l’appréciation des plus hautes autorités à savoir le Président du Faso et le Président de
l’Assemblée nationale, pour action, chacun en ce qui le concerne.

L’amélioration de la gouvernance passe aussi par le contrôle administratif régulier du


fonctionnement des institutions. Il se matérialise à travers le contrôle des conseils
d’administration et le contrôle interne aussi bien des agences que des sociétés. Il est
aussi externe, avec l’autorité supérieure de contrôle de l’État et la Cour des comptes. Il
mérite de s’étendre au contrôle externe politique par le biais du contrôle parlementaire.

Le contrôle peut en outre être juridictionnel et se fonder sur l’examen des actes des
personnels de gestion des institutions. L’amélioration de la gouvernance doit permettre
d’atteindre des résultats plus probants.

2.1.2. L’atteinte de résultats pertinents


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Une institution n’est utile que lorsqu’elle accomplit la mission pour laquelle elle a été
créée. Dans le cadre de l’énergie au Burkina Faso, les efforts de réforme visent
l’accroissement significatif de la production de l’énergie, l’augmentation de l’accès des
consommateurs à l’énergie et, surtout, la disponibilité de l’énergie pour les zones
rurales.

43
Ces acteurs prennent part aux sessions du conseil d’administration du secteur ministériel du ministère
de l’énergie, qui est une instance de planification et d’évaluation des résultats de chaque ministère dont
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N° 05 • 2020

celui en charge de l’énergie.


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82
Depuis l’adoption de la lettre de politique sectorielle de l’énergie en 2016 44, la
production de l’énergie, qui était de 300 MW, est passée à 800 MW en 2020, avec
notamment la mise en place et l’accroissement des unités de production solaire de
Zagtouli, Nagreongo et Pa. Ce mix énergétique est l’un des axes majeurs de la
performance de la gouvernance de l’énergie au Burkina Faso. Il se fonde non seulement
sur des unités de production en énergies renouvelables, mais aussi sur les installations
individuelles ou collectives d’équipements électriques. Un tel changement de
comportement est un facteur positif dans l’atteinte des résultats.

L’augmentation des capacités de production est également recherchée à travers la


diversification des sources de production que sont les installations hydro-électrique,
solaire ou thermique.

Cette évolution a réduit le déficit énergétique du pays à 50 MW pour la période de forte


consommation.

L’amélioration significative de l’accès des populations, surtout rurales, aux services


énergétiques est fort appréciable. En effet, avec un taux moyen respectif de 18,83 % et
30,6% au niveau national et rural en décembre 2015, le taux de couverture énergétique
est passé pour les mêmes zones à 45 % et 25 % en 202045.

Cet accès se fonde sur la vulgarisation des coopératives d’électricité en milieu rural
(COOPEL) et l’accès plus facile aux équipements électriques fonctionnant avec
l’énergie photovoltaïque.

La politique gouvernementale en la matière a permis l’adoption de mesures fiscales


incitatives, notamment l’exonération des taxes sur l’importation desdits équipements,
le suivi de la qualité et surtout la formation aux emplois et métiers du secteur,
notamment l’installation et la maintenance des équipements photovoltaïques. À ce
propos, un projet de formation de 5000 jeunes par an a été mis en place et ambitionne
de former, pendant cinq ans, 25 000 jeunes techniciens46 dans le domaine solaire. Cette
initiative apparaît comme l’affirmation d’une ferme volonté d’améliorer la qualité des
prestations et surtout des services qui en découlent.
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L’efficacité d’une telle vision réside sans nul doute dans la capacité d’auto-emploi de
ces jeunes et surtout dans la transformation qualitative de l’offre de service dans le
domaine de l’installation et de la maintenance des équipements solaires.

44
La lettre de politique sectorielle de l’énergie (LPSE) a été adoptée le 14 novembre 2016 par décret
n° 2016-1063/PRES/PM/MECM/MINEFID portant lettre de politique sectorielle de l’énergie.
45
Statistiques de la direction générale des études et des statistiques sectorielles du ministère de l’Énergie,
février 2021.
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46
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Programme quinquennal de formation des jeunes à l’auto-emploi dans le secteur des énergies
renouvelables de l’ANEERE.

83
À ces efforts, l’on peut ajouter l’extension de l’électrification des centres périurbains
et ruraux, l’électrification au moyen de systèmes photovoltaïques d’infrastructures
sanitaires et sociales et la promotion de l’efficacité énergétique. L’efficacité
énergétique s’appuie également sur une efficacité normative.

2.2. Le défi de l’efficacité normative


Au sujet du cadre juridique relatif au domaine de l’énergie burkinabè, l’on note une
diversité de normes juridiques adoptées dont l’effectivité reste parfois relative.

2.2.1. La variété des normes utilisées

L’efficacité normative réside dans la capacité de la norme à atteindre les résultats qui
sous-tendent son adoption. La constitution, en tant que norme fondamentale, proclame
de nombreux principes, dont ceux d’égalité, de propriété commune des ressources
naturelles, de non-discrimination entre les citoyens, qui intéressent le secteur de
l’énergie. La rareté de l’énergie met en exergue le nécessaire arbitrage des pouvoirs
publics afin que tous les usagers puissent être pris en compte dans la fourniture de
l’énergie aux consommateurs.

Au plan législatif, les différentes lois adoptées pour gouverner le secteur 47 traduisent
les principes constitutionnels et prennent en compte les actes supranationaux des
organisations d’intégration sous-régionales48. Cette démarche d’internalisation des
normes supranationales dans l’ordre juridique interne renforce l’efficacité des normes.

À ces normes, l’on doit nécessairement adjoindre les accords de coopération


énergétique négociés et signés par le Burkina Faso avec le Ghana et la Côte d’Ivoire.
Ces accords s’inscrivent dans une perspective de politique sous-régionale qui permet
au pays de gérer son déficit énergétique.

La loi n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant réglementation générale du secteur de


l’énergie est une avancée majeure car elle vient actualiser un dispositif juridique
obsolète face aux mutations du secteur de l’énergie. Elle a l’avantage de mettre en place
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

des institutions de gestion des énergies renouvelables. Le cadre réglementaire issu de


cette loi définit, encadre et donne les moyens à ces institutions de déployer leurs
compétences afin d’atteindre les objectifs fixés par la lettre de politique sectorielle de
l’énergie.

47
Les différentes lois de 2007, 2012 et 2017.
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48
Il s’agit de l’acte additionnel A/SA.3/7/13 sur la politique d’énergies renouvelables de la CEDEAO et
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du protocole A/P4/1/03 du 31 janvier 2003 sur l’énergie de la CEDEAO.

84
2.2.2. L’effectivité des normes

L’efficacité, c’est aussi l’effectivité du cadre juridique. La règle de droit n’est utile que
lorsqu’elle sert la fin à la laquelle elle est destinée. Dans ce sens, la pertinence du
dispositif juridique, son efficacité se mesure à la capacité des normes à régir les
comportements. Cette efficacité est l’affaire de tous, État, personnes publiques ou
privées de droit public ou droit privé, communautés locales, citoyens.

De manière pratique, cette effectivité suppose la réalité de la jouissance des droits


reconnus aux citoyens dans le secteur de l’énergie, la mise en place de règles et
mécanismes par l’État et les institutions et, surtout, l’exercice de recours contre les
atteintes aux droits des citoyens.

La politique de l’énergie et les actions menées par les pouvoirs publics permettent de
constater une mise en œuvre des dispositions dans le secteur. Elle se traduit par une
effectivité des dispositions juridiques, un fonctionnement des institutions prévues et
une amélioration substantielle du cadre de régulation.

Pour ce qui concerne le secteur des énergies renouvelables, le contrôle de


l’homologation des biens et services, la sanction des contrevenants, la sensibilisation
et la promotion des acteurs (fournisseurs, consommateurs), la diffusion de la législation
et de la réglementation sont des actions en cours qui pourront concourir à l’effectivité
normative du cadre juridique.

Il est à souligner que la frénésie des réformes législatives et institutionnelles, si elle


peut s’analyser en une approche dynamique dans la gestion du secteur de l’énergie dans
le pays, présente l’inconvénient, outre de rendre le cadre juridique instable et
relativement peu sécurisant pour les acteurs du secteur, de traduire le manque de
prospective politique. Or, les politiques dans le secteur, parce qu’étant un facteur clé
du développement économique et social, se doivent d’être à long terme.

Le défi majeur en l’espèce est de maintenir les règles et d’assurer leur constant respect
par les acteurs.
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85
QUEL(S) DROIT(S) POUR LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES DANS LES PAYS DU SAHEL1 ?
ANALYSE AU REGARD DU DROIT BURKINABÈ
Konamadji BALAAM
Assistant en droit public
Institut de formations initiale et continue, Université Thomas Sankara

Résumé
Autour de la thématique des énergies renouvelables surgissent des problématiques
transversales pour lesquelles plusieurs disciplines juridiques sont convoquées. En effet,
le développement des sources d’énergies renouvelables se situe au carrefour d’intérêts
divers. Dans ce contexte, le rôle du droit est essentiel pour régler non seulement les
conflits de plus en plus nombreux, mais pour proposer également un cadre adapté aux
divers enjeux liés à l’exploitation de ces sources d’énergies. Dans ce sens, il faut
apprécier l’effort de consécration d’un droit spécifique aux énergies renouvelables par
le législateur burkinabè. Toutefois, ce droit est embryonnaire et le défi majeur
aujourd’hui réside dans la mise en place d’un cadre juridique intégré en mesure
d’assurer un développement énergétique durable.

Mots clés : énergies renouvelables, droit de l’énergie, développement durable,


transition énergétique, Sahel, Burkina Faso.

Abstract
Crosscutting issues arise around the theme of renewable energy, for which several
legal disciplines are called upon. Indeed, the development of renewable energy sources
is at the crossroads of various interests. In this context, the role of law is essential not
only to solve the growing number of conflicts, but also to provide a framework suited
to the various issues linked to the exploitation of these energy sources. In this regard,
the effort to devote specific provisions to renewable energy by the Burkinabe legislator
must be appreciated. However, such norms are embryonic, and the major challenge
today lies in the establishment of an integrated legal framework capable of ensuring
sustainable energy development.
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Keywords: renewable energy, energy law, sustainable development, energy transition,


Sahel, Burkina Faso.

1
Inspiré du titre de l’ouvrage de M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel et M. Moliner-Dubost (dir.),
La protection de l’environnement par les juridictions

Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques ?, Paris, Mare et Martin, 2018.
africaines : avancées nationales et régionales
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87
Introduction
Depuis la découverte du feu, l’homme a eu une relation ininterrompue avec l’énergie :
toujours est-il qu’une énergie est venue remplacer une autre, ou la compléter. Ce
constat atteste bien que « l’accès à l’énergie est un pilier du développement
économique et social car il conditionne les besoins de base. Sa disponibilité est donc
capitale pour asseoir le développement durable »2.

Cependant si, d’une part, cette omniprésence de l’énergie atteste de son rôle essentiel
dans tous les domaines d’activités économiques, d’autre part, l’omniprésence des
débats et polémiques à ce sujet sont révélateurs d’une crainte du risque de pénurie dans
un futur proche et des effets néfastes d’une consommation accrue des énergies fossiles
sur le réchauffement du climat3. Ce problème de précarité énergétique et d’accès à
l’énergie se manifeste avec de plus en plus d’acuité dans les pays sahéliens.

En effet, dans le Sahel, les défis liés à l’accès à l’électricité sont énormes. Par exemple,
dans l’espace G5 Sahel4 où vivent environ 60 millions de personnes, « en 2018,
seulement 25 % de la population est raccordée au réseau électrique, loin derrière
l’Afrique subsaharienne (37 %) et le reste du monde (83 %). Dans les zones ayant accès
à l’électricité, la qualité de service est variable en raison des pannes, interruptions et
fluctuations de tension […]. Dans les zones rurales du Burkina Faso, du Tchad et de la
Mauritanie, seulement 1 personne sur 20 a un accès régulier à l’électricité »5.

La situation du Burkina Faso en matière d’accès à l’énergie représente celle du Sahel


en miniature. En effet, l’accès à l’électricité est faible (21,44 % en 2018), avec une forte
disparité entre les zones urbaines (68,69 %) et les zones rurales (3,16 %), entre les
femmes et les hommes et particulièrement les personnes vulnérables6. Cette faible
capacité d’accès aux sources d’énergie pour répondre aux besoins primaires des
populations (cuisson, chauffage, éclairage…) et/ou réaliser les activités génératrices de
revenus limite le développement économique et social des populations sahéliennes. En
outre, elle compromet l’ambition d’universalisation de l’accès à l’électricité en 2030
visée par l’objectif de développement durable (ODD) 7, à savoir : « Garantir l’accès de
tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Cependant, afin de permettre aux populations, notamment rurales et les plus isolées,
d’avoir accès aux sources d’énergie, des solutions alternatives et innovantes émergent.
Ces solutions sont tournées en particulier vers le développement des sources d’énergies

2
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, Ouagadougou, 2020, p. 2.
3
A. Rojey, Énergie et climat. Réussir la transition énergétique, Paris, Édition Technip, 2008, pp. 11-15.
4
Le G5 Sahel est composé de cinq pays : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad.
5
Alliance Sahel, « Énergies renouvelables : l’énorme potentiel du sahel », Énergie et climat, décembre
2020. En ligne :https://www.alliance-sahel.org/actualites/energies-renouvelables-lenorme-potentiel-du-
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sahel/.
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6
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, op. cit., p. 6.

88
renouvelables, surtout pour les pays de la bande sahélienne comme le Burkina Faso qui
dispose d’un potentiel indéniable pour le développement des énergies renouvelables
(solaire, éolien, bioénergie).

En effet, le Sahel dispose du meilleur taux d’ensoleillement au monde. De ce fait, le


potentiel de production d’énergie solaire dans cette région est évalué à environ 13,9
milliards de GWh/an par rapport à la consommation mondiale d’électricité de 20
millions de GWh/an en 20167. Dans les zones rurales, « les mini-réseaux autonomes,
non raccordés aux centrales thermiques des pays, et les systèmes solaires individuels
sont des solutions adaptées à l’éloignement des réseaux nationaux […] ; le marché
africain de l’énergie a vocation, à terme, à se diviser en 45 % pour le réseau, 30 % pour
les mini-réseaux et 25 % pour les systèmes solaires individuels. 150 000 nouveaux
mini-réseaux seraient nécessaires en Afrique d’ici 2030 pour réaliser le potentiel
d’électrification universelle »8. Dans ce contexte, « le droit ne peut ignorer l’aptitude
globale de ces énergies à répondre aux défis énergétiques de la société contemporaine
et, plus largement, lui incombe-t-il d’appréhender l’ensemble des enjeux sous-jacents
à leur développement »9.

Par ailleurs, il reste aussi à savoir si les conditions de satisfaction d’une demande sans
cesse croissante et, qui plus est, sans atteinte à l’environnement sont aujourd’hui
remplies, notamment dans les pays pauvres situés dans la bande sahélienne10. L’une
des conditions majeures tient à la pertinence et l’efficacité du cadre juridique de
développement de ces sources d’énergies.

Autour de la thématique des énergies renouvelables dans les pays du Sahel et


particulièrement au Burkina Faso, surgissent des problématiques transversales pour
lesquelles plusieurs disciplines juridiques sont convoquées. En effet, le développement
des sources d’énergies renouvelables se situe au carrefour d’intérêts divers :
changement climatique, accès aux ressources énergétiques et naturelles, érosion de la
biodiversité... Dans un tel contexte, « le rôle du droit est essentiel notamment pour
régler les conflits de plus en plus nombreux et reflétant d’ailleurs la diversité des
intérêts en présence […] »11 dans une société africaine où se côtoient et se confrontent
souvent modernité et ruralité, développement, pauvreté et protection de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’environnement.

Cet article se propose de faire un diagnostic des problèmes juridiques que pose
l’exploitation des sources d’énergies renouvelables dans le contexte des pays sahéliens,

7
Alliance Sahel, Énergies renouvelables : l’énorme potentiel du Sahel, https://www.alliance-
sahel.org/actualites/energies-renouvelables-lenorme-potentiel-du-sahel/.
8
Ibid.
9
Ibid.
10
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, Traité de droit des énergies renouvelables, Paris, Le Moniteur, 2e
La protection de l’environnement par les juridictions
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éd., 2012, p. 77.


11
S. Doumbé-Billé (dir.), Défis énergétiques et droit international, Bruxelles, Larcier, 2010.
89
notamment le Burkina Faso. Il s’agit d’analyser la pertinence des réponses proposées
par le législateur burkinabè face aux risques et opportunités que présentent les sources
d’énergies renouvelables. Certes, l’effort de consécration d’un droit spécifique des
énergies renouvelables est appréciable (1), mais l’exploitation des sources d’énergies
renouvelables suscite des problèmes transversaux qui ne peuvent être traités par une
seule discipline juridique (2).

1. L’encadrement des sources d’énergies renouvelables en


droit burkinabè
1.1. La superficialité des règles matérielles

1.1.1. Les difficultés relatives à la définition de la notion de


« renouvelabilité » de la source ou la ressource

La notion d’énergie renouvelable a fait sa première apparition dans la sphère juridique


burkinabè à travers la loi n° 006-2013/AN du 2 avril 2013 portant code de
l’environnement. L’article 21 de ce code, sans en donner une définition, dispose que
« le gouvernement s’assure que les ressources énergétiques du pays sont les moins
polluantes possibles et veille à la promotion des énergies renouvelables ». C’est la loi
n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant réglementation générale du secteur de
l’énergie (loi n° 014) qui donnera une première définition de l’énergie renouvelable.
L’article 5 la considère comme étant « une source d’énergie se renouvelant assez
rapidement après utilisation et/ou consommation pour être considérée comme
inépuisable à l’échelle du temps humain, notamment l’énergie solaire, l’énergie
éolienne, l’énergie hydraulique à partir de centrales d’une capacité de moins de 5 MW,
l’énergie de la biomasse, l’énergie géothermique ».

En considérant la « renouvelabilité » comme une « notion-critère », elle doit être plus


précise. Or, l’expression « assez rapidement », employée dans la loi n° 014, n’exprime
pas une unité de temps précise. Dans un effort de clarté, le législateur ajoute que le
renouvellement doit se faire à l’échelle du « temps humain ». Cette expression ne
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

renvoie pas non plus à une unité de temps précise.

En outre, dans cette définition, le législateur burkinabè n’oppose pas les énergies
renouvelables aux énergies fossiles, comme en droit de l’Union européenne. Il qualifie
simplement l’énergie renouvelable comme une énergie issue d’une source inépuisable,
alors que le droit de l’Union européenne considère les sources d’énergie renouvelables
comme « des sources d’énergies non fossiles renouvelables »12. Cette définition
12
Directive 2001/77 du 27 septembre 2001 sur l’électricité de source renouvelable, art. 2. Cette
approche, plus concrète que conceptuelle, a été reprise par la Directive 2009/23 de l’Union européenne
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du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources


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renouvelables.

90
négative du critère de renouvelabilité d’une énergie, en l’opposant aux énergies
fossiles, a le mérite de la clarté.

Ainsi, à l’image du droit positif européen, le législateur burkinabè peut affiner cette
définition en considérant que l’énergie renouvelable est une énergie produite à partir
de sources non fossiles renouvelables. A contrario, toutes les énergies issues de sources
fossiles sont non renouvelables.

1.1.2. La nécessaire adaptation du critère de la pérennité des sources


d’énergies renouvelables au contexte environnemental du Sahel

Considérer l’énergie renouvelable comme une énergie inépuisable après son utilisation
et/ou sa consommation peut susciter quelques problèmes. En effet, il est vrai que
certaines sources d’énergies renouvelables, comme l’énergie solaire, l’énergie éolienne
et l’énergie géothermique, peuvent être considérées comme des sources inépuisables
car elles proviennent de flux d’origine naturelle13. Cependant, au regard de la situation
environnementale du Sahel, peut-on affirmer que les sources d’énergie comme la
biomasse et l’énergie hydraulique sont inépuisables ?

Comme la plupart des pays du Sahel, le profil de consommation d’énergie du Burkina


Faso révèle un recours assez prononcé à la biomasse verte (ou végétale) comme source
d’énergie : « les énergies traditionnelles telles que le bois de chauffe, le charbon de
bois, les résidus agricoles représentent près de 86 % de la consommation énergétique
nationale »14.

Au regard de ce constat, même si les bioénergies ne sont pas des énergies issues de
source fossile, il faut admettre qu’il est risqué de qualifier ces sources d’énergie
d’inépuisables. Leur caractère renouvelable ou inépuisable tient compte de l’équilibre
entre le rythme et/ou la capacité de ces sources à se renouveler et le rythme auquel elles
sont consommées. Or, au Burkina Faso, les populations utilisent le bois des forêts
naturelles comme principale source d’énergie : « […] plus de 90 % du bois utilisé sert
au chauffage dans les ménages ruraux et près de 250 000 hectares de forêts sont
défrichés annuellement pour satisfaire les besoins en bois de chauffe. Avec
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l’accroissement de la population […], on devrait s’attendre à une crise du bois-énergie


dans un proche avenir. Cela est d’autant imminent que la consommation des ménages
en bois-énergie dépasse l’accroissement annuel en biomasse ligneuse […] »15.

13
Toutefois, l’exploitation de certaines énergies renouvelables comme l’énergie solaire nécessite le
recours à certaines ressources souvent non renouvelables comme le silicium, utilisé pour ses propriétés
semi-conductrices pour la fabrication des cellules solaires photovoltaïques.
14
Ministère de l’Énergie, Stratégie du domaine de l’énergie 2019-2023, op. cit., p. 15.
15
A. Dao, P. Coulibaly/Lingani, N. Lamien et P. Toe, « Demande en bois-énergie et rentabilité
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économique de la préparation de la bière locale et du beurre de karité au Burkina Faso », Journal of


Animal & Plant Sciences, vol. 42 (3), 2019, p. 7304.
91
Le législateur doit ainsi concevoir une nomenclature des énergies de source
renouvelable en distinguant clairement les sources d’énergies réellement inépuisables
de celles, bien qu’issues de sources non fossiles renouvelables, dont l’usage doit être
rigoureusement encadré. En d’autres termes, « le caractère renouvelable de la biomasse
verte est donc nécessairement affecté d’une limite spécifique, tenant au fait que les
ressources qui la constituent sont tributaires du rythme de leur remplacement. Cette
limite, particulièrement flagrante pour le bois et ses dérivés, peut conduire à considérer
qu’en certains lieux de la planète, une surexploitation du bois remet en cause le postulat
de la renouvelabilité de cette forme d’énergie »16.

D’autre part, le caractère pérenne et inépuisable des énergies renouvelables auquel le


législateur burkinabè fait allusion s’accommode bien avec les énergies produites à
partir de la méthanisation de certaines matières organiques fermentescibles. Il s’agit,
en l’occurrence, d’une source d’énergie renouvelable, aujourd’hui en pleine expansion
au niveau national et africain, à savoir la technologie biodigesteur. Cependant, force
est de constater un vide juridique pour ce qui concerne cette source d’énergie.

Malgré les imprécisions relevées, il faut noter la contribution du législateur burkinabè


à la conception d’une définition abstraite de l’énergie renouvelable lorsqu’il affirme
que c’est « une source d’énergie se renouvelant assez rapidement après utilisation et/ou
consommation pour être considérée comme inépuisable à l’échelle du temps humain ».
Ni le droit de l’Union européenne, ni le droit français n’ont fait cet effort de
conceptualisation. La Directive européenne 2009/28/CE s’emploie juste à caractériser
de façon positive les énergies renouvelables à partir d’une liste qui est assez
exhaustive17.

1.2. La réglementation a minima des conditions d’exploitation des


sources d’énergies renouvelable

1.2.1. La consécration d’un libre accès aux sources d’énergies


renouvelables

En disposant que « toute personne physique ou morale peut, pour sa propre


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consommation, sur toute l’étendue du territoire national, produire de l’électricité à


partir de sources d’énergies renouvelables », l’article 61 de la loi n° 014 consacre le
principe d’un libre accès aux sources d’énergies renouvelables tant que c’est pour une
consommation domestique. On peut en retenir une conception large et considérer qu’il
couvre les sources solides, liquides et gazeuses des énergies renouvelables18.

16
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 41.
17
Art. 2 : « […] énergie éolienne, solaire, aérothermique, géothermique, hydrothermique, marine et
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hydroélectrique, biomasse, gaz de décharge, gaz des stations d’épuration d’eaux usées et biogaz ».
18
F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, 6e éd., Paris, Dalloz, 2002, p. 3.

92
Toutefois, dans un souci de gestion durable de ces sources d’énergie, le législateur
burkinabè aurait dû les classer à partir de la summa divisio civiliste qui distingue les
choses « non consomptibles » (les ressources dont le caractère renouvelable tient au
fait qu’elles sont issues de flux d’origine naturelle comme le soleil, le vent…) et les
choses « consomptibles » (le caractère renouvelable s’appuie sur le constat qu’elles se
renouvellent au même rythme auquel elles sont consommées, comme la biomasse
verte)19. Cette dichotomie aurait permis d’orienter et d’encourager les politiques et
instruments juridiques de développement des sources d’énergies renouvelables non
consomptibles.

Par ailleurs, le développement et l’usage effréné de la technologie solaire


photovoltaïque ces dernières années au Burkina Faso constituent un facteur de risque
d’atteintes à l’environnement. À ce jour, ni le droit de l’énergie, ni le droit de
l’environnement burkinabè ne disposent d’aucun mécanisme spécifique de gestion des
déchets provenant de cette technologie. Cette tendance doit obliger le législateur à
concevoir des normes de contrôle de qualité (durable), notamment pour les kits
solaires20.

Le droit d’accès libre aux sources d’énergies renouvelables est cependant limité pour
certaines ressources particulières ou lorsqu’on veut faire un usage commercial des
énergies renouvelables.

1.2.2. Les conditions spécifiques pour l’usage de certaines sources


d’énergies renouvelables

Lorsque la production de l’énergie renouvelable n’a pas pour finalité une


consommation domestique ou lorsqu’elle concerne certains types de ressources, le
législateur a posé certaines conditions pour l’attribution de l’usage de la ressource. Par
exemple, en matière de vente d’électricité de sources renouvelables, le décret n° 2019-
0902/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA du 18 septembre 2019 portant modalités
d’accès des auto-producteurs d’énergies renouvelables au réseau et conditions de rachat
de leur excédent d’énergie ne s’intéresse qu’aux « installations d’autoproduction
solaire photovoltaïque d’une puissance d’au moins 100 kwc » (art. 7, al. 3). Ce choix
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s’expliquerait par l’abondance de l’ensoleillement et cela éviterait d’ouvrir la voie à


une mercantilisation à l’excès des sources d’énergies renouvelables consomptibles.
D’autre part, pour vendre l’excédent de production d’électricité d’origine
photovoltaïque, ce décret a fixé les conditions techniques préalables au raccordement

19
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 86.
20
L’article 65 de la loi n° 014 dispose : « les équipements pour la production d’électricité à partir de
sources d’énergies renouvelables, notamment les équipements solaires et hydroélectriques, doivent
satisfaire aux exigences du contrôles de qualité qui est mené par l’ANEREE ». Cette disposition n’est
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opérante qu’en cas de volonté de vente d’excédent de production d’électricité. Elle ne s’applique pas
aux petits kits solaires pour les productions domestiques.

93
des installations de l’auto-producteur au réseau national (art. 13 à 16) et les modalités
de cession et de rémunération (art. 17 à 21).

En droit de l’énergie burkinabè, l’attribution du droit d’usage concerne


particulièrement la biomasse, lorsqu’elle est utilisée pour la production du biocarburant
et/ou de l’énergie électrique. En l’espèce, le producteur du biocarburant (ou
agrocarburant) à partir de la biomasse doit avoir un agrément (art. 66, loi n° 014) et
celui de l’électricité doit avoir l’autorisation ou la licence de production d’énergie
électrique (art. 67, loi n° 014). Dans ce sens, l’article 4 du décret n° 2019-
0903/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA du 18 septembre 2019 portant fixation des
seuils de production et des conditions d’obtention des agréments de production de
carburant ou de gaz à base de biomasse dispose : « sont soumis au régime de
l’agrément, les opérateurs, personnes morales dont la production annuelle de
biocarburants ou de biogaz est supérieure ou égale à 10 Tonnes Équivalent Pétrole
(TEP). L’opérateur dont la production annuelle est inférieure à 10 TEP pour les
biocarburants ou pour le biogaz est soumis au régime de déclaration ».

La finalité de cette démarche restrictive de droits d’usage est mue par diverses
préoccupations, notamment la protection de la biomasse verte, dont le bois. Cette
approche permet également de contrôler l’usage des ressources foncières utilisées pour
cultiver les espèces de plantes servant à fabriquer le biocarburant. Par exemple, en fin
2018, le ministère chargé de l’énergie a initié le projet Jatropha curcas pour développer
et promouvoir un modèle de production rentable et d’utilisation du Jatropha curcas
comme agrocarburant. Il a fait produire 2 400 000 plants de Jatropha qui ont été
distribués aux agriculteurs21.

2. La transversalité des problématiques posées par les


énergies renouvelables : l’imparfaite réponse du droit
burkinabè
2.1. L’inutile cloisonnement du cadre juridique des énergies
renouvelables
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

2.1.1. Le droit des énergies renouvelables : un droit à spécificité relative


D’une manière générale, le droit des énergies renouvelables s’est développé
particulièrement à la suite des conférences internationales portant sur les changements
climatiques et certains travaux scientifiques22 qui ont attiré l’attention de l’opinion
publique sur la problématique du tarissement des gisements d’énergies fossiles et celle

21
La production du biocarburant à base de Jatropha curcas est une filière en pleine expansion au Burkina
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Faso. Plusieurs institutions privées s’y intéressent : BELWET, AGRITECH, APROJER, etc.
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22
A. Rojey, op. cit., pp. 45 et s.

94
de la nécessaire transition énergétique23. Au Burkina Faso en particulier, l’encadrement
juridique des énergies renouvelables est très récent et embryonnaire. Les règles
juridiques qui encadrent le développement des sources d’énergies renouvelables sont
tirées tout d’abord de la loi n° 014 portant réglementation générale du secteur de
l’énergie qui a consacré son titre IV aux énergies renouvelables et à l’efficacité
énergétique.

L’application du droit de l’énergie aux énergies renouvelables « est par ailleurs logique
dès lors que ces dernières sont elles-mêmes des énergies et ne se distinguent après tout
qu’au regard de leur origine »24. À cet égard, plusieurs dispositions de la loi n° 014 ont
vocation à s’appliquer à tout type d’énergie, y compris les énergies renouvelables. Il
s’agit notamment du titre I relatif aux dispositions générales et du titre II relatif aux
dispositions communes concernant les acteurs et le service public de l’énergie. De plus,
toutes les dispositions relatives à la production, au transport, à la commercialisation et
la distribution sont également applicables aux énergies renouvelables.

D’autre part, le fort ancrage des mécanismes juridiques traditionnels dans


l’encadrement des énergies renouvelables trouve une explication à partir de la
définition juridique des énergies renouvelables. Cette approche distingue l’énergie et
sa source25. En d’autres termes, l’énergie renouvelable est une énergie produite à partir
de source renouvelable. En outre, en tant que ressources, elles relèvent déjà de plusieurs
disciplines juridiques. De ce point de vue, le droit des énergies renouvelables ne peut
évoluer en vase clos, comme ont tenté de faire les rédacteurs de la loi n° 014.

2.1.2. La consubstantialité de certaines disciplines juridiques avec le droit


des énergies renouvelables

En matière de production des énergies renouvelables, il faut noter que le droit des
énergies renouvelables entretient un lien ombilical avec certaines disciplines
juridiques, comme le droit de l’environnement, le droit des biens, le droit foncier, le
droit de l’eau… Le défi majeur du législateur burkinabè est donc de mettre en place un
cadre juridique intégré qui puisse garantir un développement énergétique durable26.
Cependant, à l’analyse, si le droit de l’environnement burkinabè a intégré dans son
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champ d’application les activités d’exploitation des sources d’énergies renouvelables,


le droit des énergies renouvelables, par contre, peine toujours à intégrer expressément
les dispositions de protection de l’environnement dans ses dispositifs. Il est à déplorer
que, malgré la transversalité des problématiques relatives au développement des

23
M. Torre-Schaub, C. Cournil, S. Lavorel et M. Moliner-Dubost (dir.), op. cit., pp. 27 et s.
24
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, op. cit., p. 78.
25
M. Lamoureux, « Le bien énergie », Revue trimestrielle de droit commercial, 2009, p. 239.
26
C. Krolik, « Le droit communautaire de l’énergie durable », Revue européenne de droit de
l’environnement, 2009, p. 65 ; C. Cans, « L’exploitation des énergies renouvelables ou quand une
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mesure de protection de l’environnement par destination porte atteinte à l’environnement dans sa


réalisation », Droit de l’environnement, hors-série, avril 2012, p. 29.
95
énergies renouvelables, seul l’article 60 de la loi n° 014 dispose sobrement que « le
développement des sources d’énergies renouvelables se fait dans le respect des normes
de protection de la santé publique, de l’environnement […] ». Très rarement, cette loi
et ses textes d’application se réfèrent explicitement à d’autres textes spécialisés.

En toute logique, peut-on utiliser la biomasse verte pour la fabrication de bioénergie


sans faire référence à la loi n° 003-2011/AN du 5 avril 2011 portant code forestier ?
Cette loi dispose : « toute réalisation de grands travaux entraînant un défrichement est
soumise à une autorisation préalable du ministre chargé des forêts sur la base d’une
étude d’impact sur l’environnement » (art. 48). Par contre, l’article 66 de la loi n° 014
exige, pour l’implantation des installations de production de biocarburants et d’énergie
produite à base de biomasse, l’obtention d’un agrément délivré par le ministre chargé
de l’énergie. Or, une telle installation est un établissement classé pour la protection de
l’environnement (ECPE). À ce titre, l’ouverture et la nomenclature relèvent du code de
l’environnement et du décret n° 2006-347 du 17 juillet 2006 portant classement des
ECPE. Un simple renvoi de la loi n° 014 à ces textes plus spécialisés aurait évité un
chevauchement de procédures et réduit cette inflation d’autorisations.

Tout comme l’exploitation des centrales hydroélectriques ne peut dépendre de la seule


loi n° 014. Au Burkina Faso, le droit de l’eau repose sur la loi n° 002-2001/AN du 8
février 2001 portant loi d’orientation relative à la gestion de l’eau. Cette loi soumet à
autorisation ou déclaration « les aménagements hydrauliques et, d’une manière
générale, les installations, ouvrages, travaux et activités réalisés par toute personne
physique ou morale, publique ou privée » (art. 24). Ce texte impose pour certaines
installations, comme les centrales hydroélectriques, une étude d’impact
environnemental (art. 39)27 et une autorisation ECPE qui relève du code
l’environnement.

2.2. La redéfinition d’un cadre juridique et institutionnel général


d’exploitation des énergies renouvelables

2.2.1. L’indispensable recours à un droit intégré des énergies


renouvelables
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La gestion intégrée des sources d’énergies renouvelables est une condition


indispensable à un développement énergétique durable dans le Sahel. En effet, cette
conception « consiste à prendre en compte les exigences de la protection de
l’environnement dans les autres politiques sectorielles [et] concilier plusieurs objectifs

27
L’article 8 du décret n° 2019-0902/PRES/PM/ME/MINEFID/MCIA du 18 septembre 2019 portant
modalités d’accès des auto-producteurs d’énergies renouvelables au réseau électrique et conditions de
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rachat de leur excédent d’énergie n’exige aucune évaluation environnementale aux auto-producteurs qui
souhaitent réaliser des installations de production.

96
potentiellement conflictuels » (principe 4 de la Déclaration de Rio de 1992)28. En
l’espèce, le législateur burkinabè doit concevoir un cadre juridique qui établit, dans un
souci de cohérence, des liens entre les diverses politiques à divers niveaux
administratifs. En d’autres termes, il faut décloisonner le cadre juridique des énergies
renouvelables et établir des passerelles car, en pratique, le recours à d’autres techniques
juridiques s’impose.

À ce propos, dans le cadre de projets d’électrification rurale, l’Agence burkinabè pour


l’électrification rurale (ABER) se fonde à la fois sur la loi n° 014, la loi n° 034-
2012/AN portant réorganisation agraire et foncière et la loi n° 009-2018/AN du 3 mai
2018 portant expropriation pour cause d’utilité publique pour régler les problèmes
relatifs à l’occupation des terres pour l’implantation des minicentrales solaires. Elle se
réfère également au code de l’environnement et son décret d’application n° 2015-1187
du 22 octobre 2015 pour les questions relatives aux évaluations environnementales.

D’une manière générale, il existe en droit positif burkinabè des exemples de cadre
juridique intégré. Par exemple, la loi n° 036-2015/CNT du 16 juin 2015 portant code
minier renvoie régulièrement aux textes spécifiques concernant certaines matières ou
domaines en lien avec l’exploitation minière. Pour preuve, l’article 41 dispose que « la
demande de permis d’exploitation industrielle de grande ou petite mine est
accompagnée [d’un] avis favorable de faisabilité du ministre en charge de
l’environnement, sur la base d’une étude d’impact environnemental et social, d’un plan
de gestion environnementale et sociale et d’un plan de réhabilitation et de fermeture ».

2.2.2. L’harmonisation du cadre institutionnel d’exploitation des énergies


renouvelables

En raison de la transversalité de la problématique de développement des énergies


renouvelables, le cadre institutionnel des énergies renouvelables au Burkina Faso
foisonne d’acteurs. Hormis le ministère en charge de l’énergie, d’autres acteurs publics
interviennent. Il s’agit des ministères en charge des domaines suivants :
environnement, eau, industrie, finances, enseignement supérieur, ressources animales,
agriculture et collectivités territoriales.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Au niveau interne, le ministère en charge de l’énergie est responsable de la formulation


des politiques et de la gestion du secteur de l’énergie. Le cadre institutionnel repose sur
des structures de conception, opérationnelles, de régulation et de contrôle. Quant à la
conception, en vertu du décret n° 2021-0133/PRES/PM/MEMC du 24 février 2021
portant organisation du ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrière, elle relève
d’une direction unique, à savoir la Direction générale des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique (art. 33).
28
S. Caudal-Sizaret, La protection intégrée de l’environnement en droit public français, thèse, Lyon,
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1993, p. 24 ; A. Comolet et A. Deconninck, « Le principe d’intégration, historique et interprétation »,


Revue européenne de droit de l’environnement, 2/2001, p. 152.

97
Par contre, au niveau opérationnel, on remarque une inflation institutionnelle, mais sans
effort d’harmonisation des domaines d’intervention. Par exemple en matière
d’électrification rurale, l’article 3 des statuts de l’ABER approuvés par décret n° 2018-
1160/PRES/PM/ME/MINEFID du 19 décembre 2018 dispose qu’elle « a pour mission
de promouvoir l’accès à l’électrification rurale […] ». Or, la Société nationale
d’électricité du Burkina Faso dispose des mêmes attributions en matière
d’électrification.

L’alinéa 10 de l’article 3 du même décret donne à l’ABER compétence en matière de


surveillance, de supervision et de contrôle. Pourtant, il existe déjà l’Autorité de
régulation du secteur de l’énergie, chargée du contrôle et de la régulation de ce secteur.
Bien plus, l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique
détient également des attributions similaires. Le cadre institutionnel des énergies
renouvelables au Burkina Faso gagnerait à être réorganisé car cette démultiplication
des institutions engendre des conflits entre les acteurs.
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98
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET ÉNERGIES
RENOUVELABLES : ÉVOLUTION DU DROIT EN CÔTE
D’IVOIRE
Silué YEGBOREWA ALIMENTA
Juriste environnementaliste, Côte d’Ivoire

Résumé
Au-delà des aspects environnementaux, les énergies renouvelables sont en plein essor
en Côte d’Ivoire. En effet, divers projets sont en cours, notamment dans les énergies
solaires et la biomasse. Le secteur commence d’ailleurs à bénéficier de financements
pour son développement. Ainsi, face aux enjeux économiques et stratégiques qui
gravitent autour du secteur énergétique, il est important de s’approprier l’écosystème
juridique qui l’entoure. Dans ce sens, cette contribution vise à mettre en lumière les
textes juridiques en vigueur favorisant le développement des énergies renouvelables en
Côte d’Ivoire et à en appréhender tous les aspects. Elle veillera à relever la pertinence
de ces textes et les possibles pistes d’amélioration.

Mots clés : énergies renouvelables, Côte d’Ivoire, évolution juridique.

Abstract
Beyond environmental aspects, renewable energy is growing rapidly in Côte d’Ivoire.
Indeed, several projects are in progress, especially in solar and biomass energy. The
sector is also benefiting from funding. Thus, with economic and strategic challenges
around the energy sector, it is important to capture its surrounding legal ecosystem. In
this regard, this contribution aims to highlight existing legal texts that promote
renewable energy in Côte d’Ivoire and to address all their facets. It will underscore
the relevance of these texts, as well as possible ways to improve them.

Keywords : renewable energy ; Côte d’Ivoire ; legal evolution.

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99
Introduction
L’État de Côte d’Ivoire a pour objectif, d’ici 2030, de faire du pays l’épicentre
énergétique de l’Afrique de l’Ouest, y compris dans le secteur des énergies
renouvelables (EnR)1. Dans cette optique, le pays veut mettre en place des politiques
novatrices afin de développer la part des EnR dans son mix énergétique. En effet, avec
une population en constante croissance et l’augmentation de la demande nationale en
électricité depuis la relance économique de 2012, il s’avère impérieux pour l’État de
fournir une énergie continue, à moindre coût et sobre en carbone. En effet, dans le cadre
de la lutte contre les changements climatiques, la Côte d’Ivoire a pris un certain nombre
d’engagements, notamment en faveur de l’atténuation. En 2015, lors de la COP 21 qui
s’est tenue à Paris, le pays s’est engagé à accroître la part des EnR dans son mix
énergétique à hauteur de 42 %2.

Pays d’Afrique de l’Ouest au climat équatorial dans sa moitié sud et semi-aride dans
sa moitié nord, la Côte d’Ivoire a une économie essentiellement agricole, basée sur
l’exportation de matières premières telles que le cacao3, l’hévéa, le café, le coton et
l’anacarde. Un ensemble de facteurs climatiques et économiques favorables permettent
à la Côte d’Ivoire de disposer de conditions optimales et de ressources importantes en
termes de biomasse et de solaire, pouvant être valorisées en électricité. En effet,
l’abondance des déchets agricoles et agro-industriels, qui sont d’environ 15 millions de
tonnes/an4, représente une réserve importante pour le développement de l’énergie
biomasse. Par ailleurs, l’ensoleillement du pays, estimé entre 2000 et 2700 heures selon
les régions5, offre un potentiel d’environ 5,25 KWh/an6 par jour. A cela s’ajoute le
potentiel hydrique des grandes étendues d’eau douce dont le pays dispose et qui permet
aisément le développement de barrages hydro-électriques qui peuvent fournir une
production annuelle estimé à 202 GWh7. En ce qui concerne l’éolien, les perspectives
sont encore modérées, même si, eu égard à l’évolution technologique, des projets
pilotes sont envisageables à l’horizon 2030 dans l’Ouest montagneux, la plaine de l’Est
et le littoral au Sud, pour une capacité totale de moins de 100 MW8.

Au regard de ces potentialités et dans le but de les développer pour atteindre les
objectifs fixés, les pouvoirs publics ont élaboré des plans d’action et pris des décisions
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

favorisant cette vision. À ce titre, plusieurs projets importants ont été lancés,
notamment :

1
Site internet du ministère du Pétrole, de l’Énergie et des Énergies renouvelables (MPEER) :
http://www.mpeder.ci/energie/pages/energie-renouvelables.
2
Ibid.
3
Dont la Côte d’Ivoire est la première productrice mondiale.
4
http://www.mpeder.ci/energie/pages/energie-renouvelables.
5
Selon les propos de M. Sabati Cissé, directeur général de l’énergie, MPEER.
6
Ibid.
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7
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

Ibid.
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8
Ibid.

100
• le projet des centrales à biomasse « Biokala », développés conjointement par le
groupe agro-industriel ivoirien Sifca et le français EDF (Électricité de France);
• la centrale solaire d’une puissance de 37,5 Mwc9 de Boundiali, financée par
l’Agence allemande de développement (KfW) et l’Union européenne (UE) ;
• le projet de construction d’une centrale solaire flottante sur les plans d’eaux
lagunaires et de mer avec l’appui de l’Agence française de développement
(AFD).

Dès lors, les EnR représentent un enjeu important pour la Côte d’Ivoire, aussi bien sur
le plan environnemental qu’en matière d’investissement. Solaire ou biomasse, ces
secteurs attirent de plus en plus d’investisseurs et de nombreuses entreprises tentent de
se faire une place.

Face à ces enjeux, il convient de se demander comment le droit ivoirien suit cet
engouement autour des EnR. Existe-t-il un cadre juridique ? Si oui, est-il adapté aux
prétentions de l’État ivoirien en la matière ? Qu’est-ce qui est fait et que reste-t-il à
faire ?

Pour apporter des pistes de réponses à ces questions, cet article se propose de faire une
immersion dans le cadre juridique entourant les EnR en Côte d’Ivoire et de l’analyser.
Ainsi, il mettra en évidence la réelle volonté dont fait montre l’État de créer et de
réguler un cadre juridique favorable au développement du secteur des EnR (1) avant de
mesurer la réelle pertinence de ces ambitions (2).

1. Une volonté affirmée de l’État en faveur du développement


des énergies renouvelables en Côte d’Ivoire
Dans la perspective d’élaborer un cadre favorable au développement des EnR, la Côte
d’Ivoire a élaboré et adopté un ensemble de mesures juridiques et programmatrices
(1.1), complété par un mécanisme institutionnel spécifique (1.2).

1.1. Le cadre législatif et les plans de développement des énergies


renouvelables
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

La dernière décennie a vu l’émergence de plusieurs politiques de planification


nationale en Côte d’Ivoire. À la faveur de la relance économique entamée depuis 2012,
l’État a affiché son ambition de devenir un pays émergent, dans le respect des
impératifs du développement durable. Pour ce faire, le pays s’est doté, dès 2011, d’une
première stratégie nationale de développement durable. Ainsi, la Côte d’Ivoire a
compris qu’elle devait miser sur le respect des principes du développement durable et
de la protection de l’environnement pour s’assurer une croissance pérenne. Dès lors,
des réflexions ont été entamées sur l’intégration des EnR dans sa politique énergétique,

9
Le mégawatt crête désigne la puissance maximale d’un dispositif.
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101
pilier important dans l’atteinte des objectifs de développement durable. Ces réflexions
ont débouché en 2014 sur la promulgation de la loi n° 2014-132 du 24 mars 2014
portant code de l’électricité, qui constitue un élément important dans la stratégie de
développement énergétique en Côte d’Ivoire et plus particulièrement des EnR. En effet,
contrairement au code précédent, ce nouveau texte a introduit la notion « d’énergies
nouvelles et renouvelables », définie en son article 1er comme étant « …Les sources
d'énergie qui se renouvellent naturellement ou par l’intervention d’une action humaine,
à l’exception de l’énergie hydraulique dont la puissance installée est supérieure à
10 MW, notamment les énergies solaires, éoliennes, géothermale, houlomotrice et
marémotrice, ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharges, du gaz des
stations d’épuration d’eaux usées et du biogaz ».

À la suite de cette définition, le législateur marque l’intérêt accordé aux EnR en


mentionnant, dans l’article 2 de la même loi, la promotion des énergies « nouvelles et
renouvelables ». D’emblée et tout au long du texte, la loi de 2014 est claire sur ces
objectifs et met l’accent sur l’efficacité énergétique, la maîtrise de l’énergie et la
volonté de développer et de réglementer les EnR. Parallèlement à cet objectif affiché
de promotion des EnR, le code de 2014 introduit la notion de maîtrise de l’énergie et
d’efficacité énergétique. L’article 2 dispose que le code vise à promouvoir la maîtrise
de l’énergie et l’article 3 qu’il fixe les modalités d’exercice et les conditions de
production des EnR, ainsi que « la maîtrise de l’énergie et la réduction de l’impact du
système électrique sur l’environnement ».

Le code de 2014 impose ainsi de nouvelles obligations aux professionnels du secteur,


à travers plusieurs de ses dispositions. C’est le cas notamment de l’article 26 de la
section 5 sur la distribution et la commercialisation de l’énergie, qui pose comme
conditions de délivrance d’une autorisation pour l’exercice d’une activité dans le
secteur de l’énergie « la prise en compte de la maîtrise de l’énergie mais aussi la
priorisation des sources d’énergie nouvelles et renouvelables ». Dans le même sens,
l’article 27 énonce les obligations, conditions et mesures nécessaires à la mise en œuvre
de la maîtrise de l’énergie, notamment l’introduction des exigences d’efficacité
énergétique.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Les questions de production ont aussi été abordées par le code de l’électricité à l’article
8 du titre II sur les activités du secteur électrique, qui soumet la production des EnR
aux mêmes obligations que celles imposées aux énergies dites conventionnelles.
Cependant, l’autorisation délivrée pour l’exercice d’une activité dans le secteur des
EnR est soumise à la prise en compte du bien-être social des populations et d’autres
aspects comme la sécurité alimentaire et le développement économique et social,
comme en dispose l’article 30. D’ailleurs, avec les polémiques sur les EnR liées à leur
caractère encombrant (éolienne par exemple), ou encore l’impact des barrages
hydroélectriques sur les stocks poissonneux, le législateur a institué à travers cet article
une sorte de mesure préventive. Celle-ci pourra se traduire dans l’exécution par
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l’obligation de faire une étude spécifique d’impact environnementale et sociale.

102
En termes d’incitations, le code prévoit en son article 17 la possibilité de développer
une énergie dont le coût de production est élevé et prévoit en retour de compenser le
surcoût par des subventions. Son opérationnalisation nécessite le lancement,
conforment à l’article 18, d’appels à projets pour la sélection de producteurs
indépendants ou d’auto-producteurs dont la production électrique est d’au moins à
50 % composé d’EnR et désirant bénéficier d’un droit d’achat à un tarif garanti.

En marge du code de l’électricité, différentes politiques promouvant l’implantation des


EnR se sont succédées, à commencer par le Plan national de développement (PND)
2016-202010, qui s’est fixé comme axe d’intervention la contribution et
l’investissement dans les technologies pauvres en carbone dans divers secteurs, dont
l’énergie. Il est complété par le Programme national d’électrification rurale
(PRONER)11 qui sert de base pour prioriser l’installation d’énergie solaire dans les
zones rurales reculées. Plus spécifiquement aux EnR, le pays a mis sur pied en 2016
son Plan national pour les énergies renouvelables (PANER). Élaboré en partenariat
avec le CEREEC (Centre régional de la CEDEAO pour les énergies renouvelables et
l’efficacité énergétique) et l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le
développement industriel), le PANER décrit le cadre de développement des EnR ainsi
que les différentes incitations et mesures qui seront mises en œuvre afin d’atteindre les
cibles fixées. Sa mise en œuvre est pilotée par le MPEER. Ce ministère de tutelle est
assisté, pour toutes questions ou projets en relation avec l’environnement, le
développement durable et la salubrité urbaine, par le ministère de l’Environnement et
du Développement durable (MINEDD) et par le ministère de l’Assainissement et de la
Salubrité urbaine.

1.2. Le cadre réglementaire des énergies renouvelables


Consécutivement au code de l’électricité, un certain nombre de décrets d’application
ont été pris donnant aux EnR un cadre réglementaire important. En effet, le code a
donné naissance à huit décrets dont quelques-uns méritent d’être cités ici :
- le décret n° 2016-862 du 3 novembre 2016 fixant les modalités, conditions et
obligations pour la mise en œuvre de la maîtrise de l’énergie ;
- le décret n° 2016-1131 du 21 décembre 2016 portant création du Fonds national de
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maîtrise de l’énergie (FONAME) ;


- le décret n° 2016-785 du 12 octobre 2016 portant organisation et fonctionnement de
l’Autorité nationale de régulation du secteur de l’électricité de Côte d’Ivoire
(ANARE-CI) ;

10
Le PND est un document de politique nationale visant à fixer les grands axes stratégiques et les
objectifs à atteindre dans son processus d’émergence.
11
Programme visant à favoriser les villages de plus de 500 habitants et à améliorer l’électrification du
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pays.

103
- le décret n° 2017-773 du 22 novembre 2017 modifiant la dénomination de la Société
Énergies Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES) ;
- le décret n° 2016-786 du 12 octobre 2016 portant fixation des règles de
détermination et de révision des tarifs de vente et d’achat de l’énergie électrique,
ainsi que des règles d’accès au réseau et de transit de l’énergie.

Tout d’abord le décret n° 2016-862 du 3 novembre 2016 fixant les modalités,


conditions et obligations pour la mise en œuvre de la maitrise de l’énergie, mentionnée
dans la section 6 du code de l’électricité, déploie les dispositions nécessaires pour
atteindre les objectifs en matière d’efficacité énergétique. Il s’applique à tous les
appareils ou bâtiments fonctionnant à l’électricité, aux hydrocarbures et à la biomasse.
Selon son article 3, il vise à « orienter la demande d’énergie vers une plus grande
efficacité du système énergétique dans le cadre de la politique énergétique nationale et
des programmes nationaux du gouvernement en matière d’efficacité énergétique et
d’énergies renouvelables ». Ce décret est particulièrement intéressant en ce qu’il ouvre
la voie à de possibles aménagements fiscaux dans le secteur photovoltaïque et de la
biomasse. Cela concerne notamment les appareils fonctionnant à l’énergie solaire et les
équipements industriels de la conversion de la biomasse, conformément aux articles 20
et 21.

Ensuite, le Fonds national de maîtrise de l’énergie (FONAME)12, créé par le décret


n° 2016-1131 du 21 décembre 2016, régule les activités liées au décret n° 2016-862
susmentionné. En tant qu’organe financier de la politique de maîtrise de l’énergie, le
FONAME participe au développement des EnR.

À l’instar du FONAME, il existe un autre organe chargé de la régulation en termes de


respect des législations liées à l’énergie. Il s’agit de l’Autorité nationale de régulation
du secteur de l’électricité de Côte d’Ivoire (ANARE-CI) instituée par le décret n° 2016-
785 du 12 octobre 2016, dont les attributions s’étendent également aux EnR et qui
dispose de pouvoirs de sanction. Elle est chargée de contrôler le respect des lois et
règlements et de régler les litiges. Elle propose aussi les tarifs applicables au secteur de
l’électricité et conseille l’État en matière de régulation du secteur. En accord avec ses
attributions, l’ANARE-CI propose, dans les cas d’appels d’offres, les tarifs d’achat
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agréés de l’électricité produite à partir des sources d’EnR, tout en analysant les surcoûts
éventuels liés à certaines technologies. Le dispositif institutionnel est complété par la
Société Énergies Côte d’Ivoire (CI-ENERGIES)13 chargée d’assurer le suivi et la
gestion des mouvements d’énergies électriques, y compris des EnR. Conformément à
l’article 2 nouveau, la CI-ENERGIES est chargée de convertir toutes les sources
d’énergies, y compris nouvelles et renouvelables, en électricité. Enfin, le décret
n° 2016-786 du 12 octobre 2016 portant fixation des règles de détermination et de

12
Article 6 du décret n° 2016-862 du 3 novembre 2016 fixant les modalités, conditions et obligations
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pour la mise en œuvre de la maîtrise de l’énergie.


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13
Dont la dénomination a été modifiée par le décret 2017-773 du 22 novembre 2017.

104
révision des tarifs de vente et d’achat de l’énergie électrique ainsi que des règles
d’accès au réseau et de transit d’énergie prévoit plusieurs dispositions quant aux
modalités de détermination des prix des EnR. Ce décret, assez étoffé, comprend une
section dédiée aux modalités d’achat de l’énergie électrique produite à partir des EnR
et de cogénération (section 3). Parallèlement à ces décrets, l’arrêté n° 0364 du 4 juillet
2020 portant exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et exemption des droits et taxes
d’entrée sur les acquisitions de biens et services effectués dans le cadre du programme
régional de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique
(PRODERE) exonère la SABER14 des taxes sur les biens et matériels acquis dans le
cadre de ce programme. Il est mené par les pays membres de l’Union monétaire des
États ouest-africains (UEMOA) et vise à résoudre le déficit énergétique de la zone
UEMOA par la promotion les EnR. À ce titre, des installations photovoltaïques sur les
éclairages publics ont été réalisées dans la ville d’Abidjan.

Sous l’impulsion mondiale du développement des EnR, la Côte d’Ivoire a tenté de


mettre en place un cadre législatif et réglementaire afin de développer sa part
d’énergies. Quelle est la réelle pertinence de ses textes et permettent-ils au pays
d’atteindre ses objectifs en matière d’EnR ?

2. Les ambitions énergétiques de la Côte d’Ivoire face à la


relative pertinence des textes juridiques en vigueur

La Côte d’Ivoire a élaboré et adopté un certain nombre d’instruments juridiques et des


plans de développement des EnR qui sont encore à l’état embryonnaire (2.1) et méritent
d’être améliorés (2.2).

2.1. Un encadrement juridique novateur mais encore en


balbutiements
À l’instar des pays de la sous-région ouest-africaine15, la Côte d’Ivoire est soucieuse
de la maîtrise de son énergie, du développement de son mix énergétique en faveur des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

EnR et de l’amélioration de l’accès à l’électricité pour sa population. Le pays s’est donc


aligné à la synergie d’actions régionales par la mise en place progressive des cadres
juridiques, de politiques et de mécanismes en matière d’EnR. À cet effet, certaines
sociétés d’État ont été réformées afin de permettre une plus grande inclusion des EnR16.
Par ailleurs, le MPEER s’est vu attribuer le portefeuille des EnR en 2017, ce qui
témoigne de l’intérêt grandissant pour ces sources d’énergies sur lesquelles il faudra
désormais compter.

14
Société africaine des biocarburants et des énergies renouvelables (SABER).
15
La protection de l’environnement par les juridictions

Et regroupés au sein de la CEDEAO et de l’UEMOA.


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16
Notamment l’ANARE-CI et la CI-ENERGIES.

105
Le code de 2014 contient plusieurs nouveautés, dont les mesures d’incitation fiscale en
faveur des EnR, qui sont d’ailleurs intervenues assez tôt. Dès 2011, le gouvernement a
prévu des réductions fiscales, notamment sur la TVA pour les matériaux de production
d’électricité photovoltaïque – le taux a été réduit de 18 % à 9 %17 –, auxquels peuvent
s’ajouter des abattements ou des exonérations de droits de douane pour les fournisseurs
de systèmes solaires domestiques. Il est important de relever que le secteur de
l’électricité a été ouvert à la concurrence, avec la possibilité pour des nouveaux acteurs
de pénétrer le marché. Par ailleurs, pour l’obtention des accréditions et agréments
nécessaires, le code impose aux producteurs d’électricité de respecter les exigences
environnementales et de donner la priorité aux EnR. Ce code a permis la mise en place
de projets novateurs dans la biomasse (projet Biokala) et dans le solaire (centrale solaire
de Boundiali).

Un cadre réglementaire semble ainsi être bien établi, mais des zones d’ombre
demeurent et le secteur manque de spécificité. Même si le code introduit la gestion des
EnR, les articles y relatifs restent encore trop évasifs. En effet, l’analyse de ces
dispositions montre que les EnR et les énergies dites conventionnelles ont le même
mode de gestion. Sur sa vocation de « promouvoir le développement des énergies
nouvelles et renouvelables », le texte est incomplet en ce sens que l’on ne saurait
appliquer les mêmes dispositions aux énergies conventionnelles et aux EnR. Celles-ci
requièrent une spécificité en termes de connaissances technologiques et de mesures
financières nécessaires à leur évolution. Une autre faille peut être décelée dans le décret
relatif à la maîtrise de l’énergie, qui ne mentionne que très peu les EnR, sans préciser
les actions qui doivent être prises concrètement. À cela s’ajoute la lenteur dans
l’adoption des décrets d’application, dont la plupart ont été pris environ trois ans après
la loi portant code de l’électricité. Cela a contribué à retarder l’aboutissement de
certains projets d’envergure, dont la fameuse centrale biomasse qui, à la date
d’aujourd’hui, n’est toujours pas en production. Malgré ces balbutiements, des
perspectives intéressantes se présentent pour l’amélioration du cadre juridique des EnR
en Côte d’Ivoire.

2.2. Perspectives d’évolution vers un cadre juridique spécifique aux


énergies renouvelables
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Comme relevé précédemment, le secteur des EnR suscite un réel engouement en Côte
d’Ivoire. Bon nombre d’entreprises exercent dans les secteurs du solaire, de la biomasse
et plus largement dans l’efficacité énergétique. Elles offrent, pour la plupart, des
prestations complètes, allant des études de projet d’énergie verte aux installations
photovoltaïques, en passant par les opérations de maintenance et la définition de plans

17
Article 359 du code général des impôts rattaché à l’annexe de la loi de finances n° 2011-480 du 28
décembre 2011 portant budget de l’État pour la gestion 2012, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée
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(TVA) fixée à 9 % sur les matériels solaires.


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106
d’entretien. Celles opérant dans la biomasse offrent des solutions de transformation de
tous types de déchets en biogaz. Parallèlement à cela, elles développent des engrais et
des pesticides verts pour l’agriculture. Pourtant, ces activités ne sont pas suffisamment
réglementées et il s’agit aujourd’hui d’œuvrer à la mise en place d’un cadre juridique
spécifique aux EnR. En effet, l’État a besoin de structures dédiées aux EnR pouvant
favoriser la recherche de financements et la régulation optimale du secteur. Les
dispositions juridiques en présence accordent des avantages fiscaux principalement aux
équipements liés au développement de l’énergie solaire. Cependant, la biomasse, au
potentiel de développement fort intéressant, n’est pas assez exploitée. Une
réglementation s’avère donc nécessaire afin de favoriser l’importation et/ou la
fabrication de technologies dans ce secteur et dans divers autres domaines d’activités
liés aux EnR. En effet, les promoteurs locaux n’ont pas facilement accès aux capitaux,
ce qui limite les initiatives privées pour accompagner les actions de l’État en faveur de
l’accès universel à l’énergie, la réalisation des mesures d’efficacité énergétique et le
développement des EnR.

Dans un autre registre, des mesures concrètes devraient être prises notamment pour
soutenir les industriels utilisant les EnR. En Côte d’Ivoire, quelques gros industriels
ont réussi à transformer leurs déchets agricoles en énergie qu’ils utilisent pour
alimenter leurs unités. Celles-ci doivent être soutenues par l’État en termes d’avantages
fiscaux ou toutes autres mesures pouvant favoriser le partage et la diffusion à grande
échelle de ces technologies. Le secteur doit par ailleurs être régi par des politiques
facilitant l’investissement et permettant aux acteurs privés d’investir et de développer
le secteur. Enfin, les EnR nécessitent une connaissance de leurs spécificités, aussi bien
sur le plan technique que sur le plan légal. Or, à l’heure actuelle, Il existe très peu de
formations ayant trait à ce secteur complexe et innovant, ce qui réduit la disponibilité
de personnes qualifiées dans le domaine.

Véritable pionnière énergétique, la Côte d’Ivoire a très tôt pu développer l’accès à


l’électricité pour la population et bénéficie de l’un des meilleurs taux d’électrification
de la région ouest-africaine. Développer et renforcer sa politique en matière d’énergie
reste un challenge pour l’État, qui du reste se montre très engagé dans ce sens. Sur le
plan juridique, ces dernières années ont vu une progression des mesures d’intégration
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

et de régulation des EnR. Des efforts restent cependant à fournir et le cadre


institutionnel doit évoluer. Enfin, le droit en matière d’EnR doit se développer
conjointement avec les activités du secteur. Le pays manque d’un véritable plan de
large diffusion et d’un cadre juridique spécifique aux EnR. Des textes régissant
clairement les activités de production d’électricité à partir des ressources renouvelables
doivent être élaborés. Ce cadre permettra d’instaurer un environnement de confiance
pour les investisseurs potentiels.
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africaines : avancées nationales et régionales
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107
UNE DÉCENNIE DE MISE EN ŒUVRE DES LOIS
D’ORIENTATION SUR LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES AU SÉNÉGAL : UN BILAN MITIGÉ
POUR LE MIX ET LA TRANSTION ÉNERGÉTIQUE
Mohamed Ayib DAFFÉ
Juriste environnement et énergie, Dakar

Pathé Marame NIANG


Docteur en droit, Université de La Rochelle

Résumé
Avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur
les énergies renouvelables et de la loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010 portant loi
d’orientation de la filière des biocarburants, beaucoup d’observateurs avaient prédit un
avenir radieux pour la transition énergétique et la diversification du mix énergétique au
Sénégal. Dix ans après, faut-il chanter ou déchanter ? Par l’analyse d’une décennie
d’application des instruments normatifs précités, cet article vise à fournir au lecteur les
clés d’analyse pour comprendre les dynamiques et les contraintes auxquelles un pays
tel que le Sénégal fait face pour amorcer sa transition énergétique.

Mots clés : droit des énergies ; énergies renouvelables ; transition énergétique ; mix
énergétique.

Abstract
With the enactment of Law N° 2010-21 of 20 December 2010 on the orientation of
renewable energy and Law N° 2010-22 of 15 December 2010 on the biofuels sector,
many observers had predicted a bright future for the energy transition and the
diversification of the energy mix in Senegal. Ten years later, should we sing or be
disillusioned? By analyzing a decade of application of the aforementioned normative
instruments, this article aims to provide the reader with analysis keys to understand
the dynamics and constraints that a country such as Senegal faces in initiating its
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

energy transition.

Keywords: energy law; renewable energy; energy transition; energy mix.


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109
Introduction
Insuffisance énergétique, inégalités d’accès à l’énergie moderne et importante part de
la biomasse et des produits pétroliers dans le bilan énergétique (95 %) sont les
principaux traits caractéristiques du profil énergétique du Sénégal du début des années
2000. Pendant ce temps, les énergies renouvelables ne représentaient que 0,6 %, alors
que la part du charbon minéral entré dans le bouquet énergétique en 2004 était de 4 %1.
En réponse à cette situation de dépendance énergétique, l’État du Sénégal avait déjà
adhéré à plusieurs initiatives de coopération internationale pour la promotion des
énergies renouvelables2 : la Décision relative à l’adoption d’une politique de la
CEDEAO/UEMOA sur l’accès aux services énergétiques des populations rurales et
périurbaines pour la réduction de la pauvreté et l’atteinte des OMD en 20063 ; la
Stratégie de l’UEMOA dénommée « Initiative régionale pour l’énergie durable » en
20094 ; les Statuts de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables 5 en
2010 ; etc. Au niveau national, en décembre 2010, l’État du Sénégal a adopté deux lois
d’orientation ayant pour objet le développement des énergies renouvelables : la loi
n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies
renouvelables et la loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010 portant loi d’orientation de la
filière des biocarburants6.

L’énergie renouvelable est, au sens de la loi n° 2010-21, une source d’énergie se


renouvelant assez rapidement après utilisation/consommation pour être considérée
comme inépuisable à l’échelle du temps7. Elle couvre toutes les sources d’énergie
présentant un intérêt d’application pour le Sénégal, notamment les énergies solaire,
éolienne, hydrolienne, marémotrice, de la biomasse, la petite hydraulique 8, etc. Quant
au biocarburant, il est défini comme « un combustible issu de la biomasse et utilisé

1
Ministère de l’Énergie et des Mines, Lettre de politique de développement du secteur de l’énergie,
octobre 2012, 28 p.
2
M. A. Daffé, « Les mécanismes régionaux de mise en œuvre de l’Objectif de développement durable
(ODD) 7 pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique en Afrique de
l’Ouest », Revue africaine de droit de l’environnement, 3/2018, pp. 64-71.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

3
Décision A/DEC.24/01/01/06 relative à l’adoption d’une politique de la CEDEAO/UEMOA sur l’accès
aux services énergétiques des populations rurales et périurbaines pour la réduction de la pauvreté et
l’atteinte des OMD.
4
Décision n° 6-2009 CM-UEMOA du 25 septembre 2009 portant adoption de la Stratégie de l’UEMOA
dénommée « Initiative régionale pour l’énergie durable » (IRED).
5
Loi n° 2010-12 du 31 mai 2010 autorisant le Président de la République à ratifier les statuts de l’Agence
internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), Journal officiel (JO) n° 6544 du 4 septembre
2010.
6
JO n° 6581 du 9 avril 2011.
7
Loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies renouvelables, article
1er, al. 1.
8
Article 1er de la loi n° 2010-21. La production hydroélectrique sur les cours d’eau internationaux
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(Sénégal, Gambie) est régie par les conventions internationales de l’Organisation pour la mise en valeur
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du fleuve Sénégal (OMVS) et de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG).

110
pour le transport et pour la production de l’énergie notamment électrique »9 ; la liste
des produits considérés comme biocarburants comprend au minimum le biodiesel, le
bioéthanol, le biogaz et l’huile végétale pure10. Les objectifs affichés par le législateur
que sont, entre autres, la lutte contre les disparités d’accès à l’énergie, la réduction de
la forte dépendance au pétrole et de la pauvreté, incluent la diversification du mix
énergétique pour la transition énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet
de serre.

En droit international, le principe coutumier de souveraineté permanente sur les


ressources naturelles11 (incluant donc les ressources énergétiques) se traduit au profit
des États par l’indépendance dans la détermination de leur politique énergétique
nationale et le droit de réglementer le secteur énergétique. Cette indépendance se
manifeste particulièrement par la liberté de l’État de choisir son bouquet énergétique
(mix énergétique) en fonction de ses intérêts économiques et stratégiques. Le mix
énergétique est défini comme « l’ensemble des énergies, et leurs meilleures proportions
possibles, nécessaires pour couvrir les besoins d’un pays compte tenu des
consommations dans les secteurs des transports, de l’industrie, du commerce, de
l’agriculture ainsi que dans le secteur public et le secteur des ménages »12.

La transition énergétique est à quant à elle un concept dont les contours sont difficiles
à fixer et semble prendre la place préalablement occupée par le réchauffement
climatique13. C’est un concept qui apparaît souvent bien plus comme une solution
fourre-tout à l’angoisse écologique, économique et énergétique que comme une notion
bien définie14. Cependant, pour les besoins de cet article, il faut comprendre la
transition énergétique comme un mouvement global prenant en compte la diminution
du stock des énergies fossiles, la nécessité de varier les sources de production d’énergie
et les effets de la consommation énergétique sur l’environnement en général et le climat
en particulier15. Elle vise à la fois à favoriser l’efficacité énergétique, en consommant
moins, et les énergies renouvelables, en consommant mieux. Ainsi, elle serait « le
passage d’une structure de production basée sur une combinaison de sources d’énergie
à une autre »16, accompagné de mesures d’économie/ d’efficacité énergétique17.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

9
Loi n° 2010-22 du 15 décembre 2010, article 1er, al.1.
10
Article 1er de la loi n° 2010-22.
11
Résolution 1803 (XVII) de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 14 décembre 1962 :
« Souveraineté permanente sur les ressources naturelles ».
12
P. Sablière, Droit de l’énergie, Paris, Dalloz, 2013, p. 3.
13
C. de Perthuis et P. A. Jouvet, Le capital vert. Une nouvelle perspective de croissance, Paris, Odile
Jacob, 2013, p. 129.
14
F. Tesson, « La réalité juridique de l’action publique en matière de transition énergétique : une
évolution normative prise dans un mouvement global », Actualité juridique. Droit administratif,
n° 1904967, 2015, p. 1960.
15
Ibid.
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16
M. Maestroni et al., Comprendre le nouveau monde de l'énergie, Paris, Maxima, 2013, p. 77.
17
F. Tesson, op. cit.
111
À partir de ces deux définitions, on comprend que le mix énergétique et la transition
énergétique sont des vases communicants à l’assaut du réchauffement climatique.
Ainsi, en adoptant ces lois d’orientation, le Sénégal a pris une option non négligeable
non seulement pour sa souveraineté énergétique mais aussi en faveur de la réduction
de son empreinte carbone. La ratification de l’Accord de Paris18 est, en ce sens, une
traduction de son engagement à lutter contre les changements climatiques. Il ressort de
l’évolution de la population du Sénégal une demande grandissante d’accès à l’énergie
moderne qui devient un problème social eu égard aux inégalités d’accès.

Cet article propose une réflexion sur l’état du droit relatif aux énergies renouvelables
et de son impact sur le mix et la transition énergétique dix ans après la promulgation
des lois d’orientation sur les énergies renouvelables. Il s’agit d’analyser l’effectivité et
l’efficacité de ce droit face aux problématiques économiques, sociales et écologiques
posées à l’échelle nationale.

S’il est vrai que les lois d’orientation sur les énergies renouvelables constituent de
solides leviers juridiques pour la diversification du mix énergétique et le progrès de la
transition énergétique (1), il n’en demeure pas moins que leur application souffre de
nombreuses lenteurs et d’insuffisances au plan normatif, institutionnel, technique et
financier, dans un contexte de regain d’intérêt pour les énergies fossiles, avec
l’exploitation du pétrole et du gaz au Sénégal annoncée pour 2023 (2).

1. Les lois d’orientation comme leviers juridiques du mix et


de la transition énergétique
Pour surmonter le contexte de crise énergétique des années 2000, matérialisée par les
difficultés d’approvisionnement en hydrocarbures et par les nombreux délestages dans
la fourniture d’électricité, le Sénégal s’est engagé dans une politique de diversification
de ses sources d’énergie en se tournant plus nettement vers les énergies renouvelables.
Cette politique s’appuie sur un cadre juridique renforcé par l’adoption de textes
législatifs et réglementaires favorables à la promotion des énergies renouvelables, tout
en tentant de les articuler autour de l’objectif de diversification du mix énergétique et
d’amorce de la transition énergétique.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.1. Un encadrement juridique de la promotion des énergies


renouvelables
La loi n° 2010-21 entend promouvoir le développement des énergies renouvelables sur
l’ensemble du territoire19. Elle vise les applications liées aux énergies renouvelables,

18
Loi n° 2016-19 du 6 juillet 2016 autorisant le Président de la République à ratifier l’Accord de Paris
en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, adopté le 12
décembre 2015, JO n° 6963 du 24 septembre 2016.
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19
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Article 3, loi n° 2010-21.

112
leur exploitation, leur stockage et leur commercialisation. Elle s’étend à toutes les
filières des énergies renouvelables ainsi que leur sûreté et leur sécurité20.

La loi n° 2010-22 s’étend à tous les champs de la filière des biocarburants, notamment
la production, la transformation, le stockage, le transport, la commercialisation et la
distribution21.

La loi n° 2010-21 promeut activement la diversification du mix énergétique en


prescrivant au gouvernement de veiller à intégrer dans sa politique énergétique des
mesures visant la promotion des énergies renouvelables, et à augmenter leur part dans
le bilan énergétique pour améliorer le taux d’indépendance énergétique nationale22.
Elle prescrit au ministre chargé des énergies renouvelables et aux autres ministres
concernés de mettre en œuvre des instruments et dispositifs de promotion des énergies
renouvelables. Dans le cadre de cette promotion, les autorités doivent veiller au respect
de l’environnement et de la santé des populations : « le développement des sources
d’énergies renouvelables se fera dans le respect des normes de protection de la santé
publique, de l’environnement et des exigences de compétitivité de l’économie
nationale. À cet effet, des mesures réglementaires seront prises ». Elle oblige le
ministre chargé des énergies renouvelables de publier un bilan annuel qui rend compte
de l’état de développement ainsi que de l’usage des énergies renouvelables23.

Le législateur pose également le principe de l’adéquation de la production et du


stockage des énergies renouvelables aux moyens de transport et de distribution, tout en
garantissant le respect des conditions de sûreté et de sécurité. En ce qui concerne la
gestion des installations, il va de soi que les promoteurs sont tenus de respecter les
dispositions du code de l’environnement relatives aux installations classées pour la
protection de l’environnement et à l’évaluation environnementale et sociale24.

Ces lois ont également misé sur les dispositions incitatives pour soutenir le
développement du mix énergétique. En effet, aussi bien la loi sur les énergies
renouvelables que celle sur les biocarburants portent une attention particulière aux
allégements fiscaux et douaniers pour les acquisitions de matériels et d’équipements
destinés à la recherche-développement, à la production, à l’exploitation et à
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’autoconsommation. Il a fallu attendre dix ans pour que soit exonérée de la taxe sur la
valeur ajoutée une liste de 22 matériels entrant dans la production d’énergie solaire,
éolienne et de production d’électricité et de chaleur à partir du biogaz25. Cette

20
Article 2, loi n° 2010-21.
21
Article 2, loi n° 2010-22.
22
Article 4, loi n° 2010-21.
23
Article 7, loi n° 2010-21.
24
Article 5, loi n° 2010-21 ; article 19, loi n° 2010-22.
25
Arrêté interministériel n° 010158 du 28 mai 2020 : ces mesures d’exonération ont pour objectif de
faire baisser de manière substantielle les coûts de production pour faciliter l’accès à l’énergie et
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particulièrement à l’électricité en milieu rural. Elles entrent dans la politique d’accès universel à
l’électricité à l’horizon 2025.
113
exonération complète des dispositions du code général des impôts 26 prévoyant la
réduction d’impôts pour les investissements de revenus ou de bénéfices dans le
domaine de l’utilisation de l’énergie solaire et éolienne. Certaines incitations
douanières se heurtent aux dispositions communautaires relatives au tarif extérieur
commun (TEC) qui restreignent la possibilité d’un pays membre de réduire ou de
supprimer unilatéralement des droits et taxes de douane à l’importation de matériels et
d’équipements destinés à la production d’énergie renouvelable.

Pour éviter la production anarchique d’électricité d’origine renouvelable, la loi


subordonne les activités de production, de distribution et de vente d’électricité des
entreprises à l’obtention d’un titre (concession ou licence), conformément à loi relative
au secteur de l’électricité, à l’exception de la production pour l’autoconsommation27.
Pour favoriser la production indépendante d’énergie renouvelable, l’exploitant est tenu
de connecter en priorité à ses installations de transport le producteur titulaire d’une
licence qui en exprime la demande pour la vente en gros de sa production à partir d’une
centrale à énergie renouvelable28. Un contrat de raccordement mentionnant les
modalités techniques et financières est obligatoire entre exploitants des installations et
gestionnaires de réseaux dans le respect des principes d’équité et de non-
discrimination29.

L’exploitant de réseau est tenu de rémunérer l’électricité issue des surplus des auto-
producteurs qu'il a achetée et prélevée sur la base des conditions techniques et
financières définies dans le contrat d’achat d’électricité conformément aux tarifs arrêtés
par la Commission de régulation du secteur de l’électricité (CRSE). L’énergie livrée
par l’auto-producteur est rémunérée par l’exploitant de réseau sur la base des tarifs
applicables à chaque filière d’énergie renouvelable et à chaque gamme de puissance.

Les modalités de raccordement et de détermination des coûts d’accès aux réseaux sont
fixées par voie réglementaire, de même que les conditions techniques et financières
d’achat et de rémunération de l’électricité produite à partir des sources d’énergies
renouvelables30.

Pour couvrir les différences de prix, la loi prévoit un régime de compensation afin de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

garantir une rémunération suffisante et incitative des investissements de production


d’électricité à partir des sources d’énergies renouvelables et un équilibre financier du
gestionnaire du réseau31.

26
Articles 241 à 248 de la loi n° 2012-31 du 31 décembre 2012, JO n° 6706 du 31 décembre 2012.
27
Article 24, loi n° 98-29 du 14 avril 1998 relative au secteur de l’électricité.
28
Article 12, loi n° 2010-21.
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29
Article 13, loi n° 2010-21.
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30
Article 14, loi n° 2010-21.
31
Article 15, loi n° 2010-21.
114
Pour bénéficier des avantages liés à la production de l’électricité à partir des énergies
renouvelables destinée à la vente, le promoteur de projet doit produire un certificat
d’origine délivré par un organisme agréé32. Le choix des producteurs d’électricité à
partir des énergies renouvelables pour la vente en gros est effectué par appels d’offres
selon une procédure définie par la CRSE33.

Les lois d’orientation sont complétées par d’autres textes législatifs qui s’appliquent au
développement de projets de production d’électricité pour la vente à partir d’énergies
renouvelable. En raison de la nature consommatrice d’espace des centrales solaires ou
éoliennes et des exploitations d’agrocarburants, les législations domaniale, foncière,
environnementale, d’urbanisme et forestière doivent être prise en compte dans le
développement des projets.

Contrairement à la loi sur les biocarburants, qui n’a toujours pas fait l’objet de textes
d’application, les deux décrets34 pris en application de la loi sur les énergies
renouvelables apportent plus de précisions35.

Le décret n° 2011-2013 fixe les conditions d’achat et de rémunération de l’électricité


produite à partir de sources d’énergie renouvelable par des centrales et leur
raccordement au réseau. Il prévoit une planification des installations de production
d’énergie renouvelable, avec comme objectif la substitution des sources d’énergie
conventionnelle dans l’ordre décroissant des coûts évités les plus élevés, en veillant
autant que possible à maintenir l’équilibre financier de l’exploitant du réseau (en
l’occurrence la SENELEC36) et la stabilité du réseau électrique. La part de puissance
d’énergies renouvelables (solaire, éolien) ne devra pas excéder une limite fixée par un
arrêté du ministre chargé de l’énergie. Le choix des producteurs indépendants pour la
vente en gros se fait par appels d’offres lancés par la CRSE en vue de la signature d’un
contrat d’achat d’électricité avec l’exploitant de réseau. Ce dispositif, malgré des
difficultés d’application (instabilité des tarifs de rachat, limites du réseau de transport),
commence à porter des fruits, avec la signature d’une dizaine de contrats d’achat
d’électricité à partir de sources d’énergie solaire ou éolienne entre la SENELEC et des
producteurs indépendants, le plus souvent financés par des sociétés privées étrangères.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

32
Article 16, loi n° 2010-21.
33
Article 17, loi n° 2010-21.
34
Décret n° 2011-2013 du 21 décembre 2011 portant application de la loi d’orientation sur les énergies
renouvelables fixant les conditions d’achat et de rémunération de l’électricité produite à partir de sources
d’énergie renouvelable par des centrales et leur raccordement au réseau ; décret n° 2011-2014 du 21
décembre 2011 portant application de la loi d’orientation sur les énergies renouvelables relatif aux
conditions d’achat et de rémunération du surplus d’énergie électrique d’origine renouvelable résultant
d’une production pour consommation propre.
35
Pour une analyse détaillée des décrets d’application, voir : M. A. Daffé, « Introduction aux aspects
juridiques des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique au Sénégal », in F. Caille et M. Badji
(dir), Du soleil pour tous. L’énergie solaire au Sénégal : un droit, des droits, une histoire, Québec,
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Éditions science et bien commun, 2018.


36
Société nationale d’électricité du Sénégal.
115
Le décret n° 2011-2014 définit les conditions d’achat et de rémunération du surplus
d’énergie électrique d’origine renouvelable résultant d’une production pour
consommation propre. Le surplus de production est la différence positive entre la
production et la consommation de l’installation de l’auto-producteur au même instant.
La CRSE détermine le prix d’achat garanti du surplus de production en fonction des
différentes gammes de puissance et de la technologie sur la base d’éléments de
référence fournis par le ministre chargé de l’énergie37. Malgré la fixation du prix
d’achat garanti, ce dispositif n’est pas encore effectif dans la mesure où les conditions
techniques et financières sont en cours d’étude au niveau de la SENELEC (compteurs
bidirectionnels, stabilité du réseau). De surcroît, les particuliers et les entreprises ne
sont pas encore bien informés des opportunités offertes par ce décret.

Pour atteindre son objectif, le Sénégal s’est doté, outre les structures classiques du
secteur de l’électricité (SENELEC, ASER38, CRSE) dont les missions et compétences
ont été définies par la loi n° 98-29, de deux agences d’exécution – l’Agence nationale
d’économie d’énergie (AEME) et l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie
(ANER) – placées sous la tutelle du ministre chargé de l’énergie. Les autorités
publiques ont choisi de découpler l’ancrage institutionnel de ces « sœurs jumelles » que
sont les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, avec l’inconvénient de
disperser les ressources et de limiter les initiatives intégrées.

L’Agence nationale d’économie d’énergie, qui a hérité des prérogatives du défunt


Bureau d’économie d’énergie (1981-1992), a changé de dénomination pour devenir
l’Agence pour l’économie et la maîtrise de l’énergie, sans que le décret de création
n’ait été modifié39. Elle a pour mission de promouvoir l’utilisation rationnelle de
l’énergie dans tous les secteurs d’activités. L’ANER a pour mission de promouvoir
l’utilisation des énergies renouvelables, y compris la bioénergie, dans tous les secteurs
d’activités40.

1.2. Une tentative d’articulation entre lutte contre les inégalités


d’accès à l’énergie et la transition énergétique par le mix énergétique
Eu égard au contexte de leur adoption, les lois d’orientation tentent d’articuler les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

problématiques autour de solutions de production de l’énergie à partir de sources


renouvelables et des biocarburants. En effet, ce dispositif juridique devait passer par

37
CRSE, Décision n° 2018-09 du 31 octobre 2018 relative aux prix d’achat du surplus d’énergie
électrique d’origine renouvelable résultant d’une production pour consommation propre.
38
Agence sénégalaise d’électrification rurale.
39
Décret n° 2011-1054 du 28 juillet 2011 portant création et fixant les règles d’organisation et de
fonctionnement de l’Agence nationale de l’économie d’énergie (ANEE).
40
Décret n° 2013-684 du 17 mai 2013 portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence
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nationale pour les énergies renouvelables (ANER), JO n° 6731 du 1er juin 2013.
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une vision énergétique sous-tendue par la mutation du bouquet énergétique afin de
garantir au pays une souveraineté énergétique.

Ces lois suscitent ainsi le développement des sources alternatives moins gourmandes
en ressources naturelles, moins polluantes et plus accessibles aux États comme le
Sénégal. Au regard des exposés des motifs, le législateur sénégalais porte une attention
particulière à la multiplication des acteurs et milite pour une implication accrue du
secteur privé et des particuliers.

En application de la loi sur les énergies renouvelables, le pouvoir réglementaire41


s’efforce de mettre en symbiose tous ces objectifs. Mais la loi sur les biocarburants
n’ayant pas fait l’objet de décret d’application, même si le législateur ne conditionne
pas sa totale mise en œuvre à la prise d’un décret, laisse apparaître beaucoup
d’ambiguïtés. Elle s’appuie principalement sur des dispositions relatives à
l’agriculture, particulièrement à celles concernant la loi sur la grande offensive agricole
pour la nourriture et l’abondance (GOANA)42 et sur les dispositions du code des
investissements43. À cet effet, les avantages fiscaux prévus par la loi GOANA sont
accordés pour les activités liées aux biocarburants, notamment en faveur des entreprises
qui mènent des activités agricoles, industrielles ou de stockage44.

Il ressort toutefois de cette loi que la production des biocarburants est destinée
principalement au marché national, leur utilisation venant en substitution totale ou
partielle aux combustibles fossiles. Dès lors, il est clair que le but est de réduire
l’utilisation des carburants à base de pétrole qui constituent une importante source de
préoccupation en matière environnementale et d’approvisionnement au Sénégal en
raison de leurs émissions en CO2.

Une autre mesure de cette symbiose vient du fait que la production de biocarburants et
des énergies renouvelables devrait permettre de réduire la forte dépendance au pétrole
qui altérait dans les années 2000 les possibilités du Sénégal d’espérer un meilleur accès
à l’énergie moderne afin de lutter contre les inégalités d’accès à l’énergie. Mais ces lois
n’établissent pas de pourcentage minimal des biocarburants remplaçant le carburant
d’origine fossile dans les transports et dans la production énergétique, même si dans sa
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

politique énergétique le Sénégal fixe son objectif d’injection des énergies


renouvelables dans le bilan énergétique à 30 % pour 2025. Ainsi il serait très intéressant
de quantifier l’objectif de la part des biocarburants dans la production énergétique, d’où
le sens qu’aurait un décret d’application dans une situation pareille.

41
Décret n° 2011-2013 et décret n° 2011-2014.
42
Loi n° 2008-45 du 3 septembre 2008 fixant le régime fiscal et douanier des activités effectuées dans
le cadre de la grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance, JO n° 6441 du 6 décembre
2008.
43
Loi n° 2004-06 du 6 février 2004 portant code des investissements, modifiée par la loi n° 2012-32 du
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31 décembre 2012.
44
Article 8, la loi 2010-22.
117
Concrètement, depuis l’entrée en vigueur des lois d’orientation, huit centrales
photovoltaïques d’une puissance totale de 142 MW ont été construites et une centrale
éolienne de 150 MW est programmée, dont la première tranche de 50 MW a été livrée
et inaugurée en 2020. Ces centrales, dont la plupart sont issues de l’investissement privé
étranger, ont permis d’injecter un total de près de 200 MW d’énergie de sources
renouvelables dans la production énergétique nationale et, par conséquent, ont permis
de réduire considérablement le nombre de ménages et de localités n’ayant pas accès à
l’énergie électrique.

Par contre, il faut signaler le manque de transparence dans le secteur des biocarburants.
Il n’existe pas une visibilité sur l’agrocarburant et sur les travaux de transformation, ce
qui nous empêche d’avoir des données sur la part des biocarburants dans la production
de l’énergie depuis 2010. On constate par ailleurs que la culture de biocarburants, bien
qu’ambitieuse, est difficile à mettre en place et soulève des inquiétudes par rapport à
l’environnement, au foncier et à l’emploi45. L’absence d’un cadre juridique clair n’a
pas arrangé son développement. Mais certaines entreprises du secteur privé national et
étranger œuvrent pour son développement, même si on ne connaît pas leurs objectifs et
leur degré d’implication par rapport à la réduction des gaz à effet de serre et à la lutte
contre les disparités d’accès à l’énergie46. La diffusion des technologies de production
du biogaz, notamment à partir des biodigesteurs domestiques47, des abattoirs et des
stations d’épuration, mérite d’être mieux documentée48. Une coopération régionale
prometteuse pourrait permettre une meilleure maîtrise et une diffusion plus large de la
technologie des biodigesteurs par le partage des meilleures pratiques49.

Mais si l’objectif d’injecter 20 % d’énergies renouvelables dans la production


nationale, fixé en 2013 pour 2017, n’a pas été atteint (en 2018, cette part était de
12.07 %), en 2020 les investissements ont porté la part des énergies renouvelables à
22 % et le ministre en charge de l’énergie a reconnu ces manquements liés, selon lui, à
certaines incohérences politiques et réglementaires50.

45
A. Ngom, « Accès des pays en développement aux marchés agricoles internationaux et phénomène de
l’accaparement des terres arables », Revue de droit rural, n° 491, mars 2021, pp. 20-24.
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46
La Compagnie sucrière sénégalaise produit de l’éthanol destiné à la production de l’énergie.
47
Arrêté ministériel n° 12100 du 30 décembre 2009 portant création, organisation et fonctionnement du
Programme national de biogaz domestique du Sénégal (PNB-SN) ; arrêté ministériel n° 3149 du 10 mars
2015 portant organisation et fonctionnement du Programme national de biogaz du Sénégal (PNB-SN),
phase 2, JO n° 6877 du 26 septembre 2015.
48
Office national d’assainissement du Sénégal, Programme de structuration du marché des boues de
vidange en faveur des ménages démunis de Pikine et Guédiawaye (PSMBV), Étude d’établissement
d’une base de référence pour le projet biogaz, rapport final, novembre 2013.
49
Loi n° 2020-18 du 29 mai 2020 autorisant le Président de la République à ratifier la Convention portant
création de l’Alliance pour le biodigesteur en Afrique de l’Ouest et du Centre (AB/AOC) ainsi que les
statuts y afférents, signés à Ouagadougou le 4 octobre 2018, JO n° 7354 du 5 septembre 2020.
50
Ministère du Pétrole et des Énergies, Lettre de politique de développement du secteur de l’énergie
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(LPDSE) 2019-2023, août 2019, p.14 .

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Dans sa politique énergétique 2019-2023, l’État du Sénégal a réaffirmé son option
d’assurer l’accès universel à l’énergie à l’horizon 2025, avec des objectifs
intermédiaires d’électrification du milieu rural à un taux de 45 % en 201951 et une part
non négligeable des énergies propres. Toutefois, il faudrait établir une synergie plus
étroite entre la politique énergétique et la politique climatique. En ce sens, la
contribution déterminée au niveau national (CDN), validée le 9 décembre 2020, compte
réduire les émissions de CO2 grâce à la promotion des énergies renouvelables dans le
mix énergétique52.

2. Des lois à la mise en œuvre lente et insuffisante pour la


transition énergétique
La mise en œuvre des lois d’orientation en faveur de la diversification du mix
énergétique est tributaire d’une faible implication des collectivités territoriales (2.1) et
d’insuffisantes incitations relatives aux financements, à la performance et à la maîtrise
de l’énergie (2.2).

2.1. La faible implication des collectivités locales dans le mix


énergétique
L’avènement d’administrations spécialisées dans la promotion de l’énergie durable ne
doit pas occulter les difficultés institutionnelles qui sont relatives notamment à :
- l’insuffisance de concertation et de coordination intra et intersectorielle entre les
principaux acteurs institutionnels des énergies renouvelables et de l’efficacité
énergétique à cause de la léthargie des cadres mis en place (Comité interministériel
sur les énergies renouvelables et Comité national sur les biocarburants) ;
- l’absence de services déconcentrés chargés de la mise en œuvre des politiques des
énergies renouvelables et de la maîtrise de l’énergie ;
- la faiblesse des moyens alloués aux structures de recherche spécialisées sur les
énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, tels que le Centre de recherches
et d’études en énergies renouvelables, l’École supérieure polytechnique et les
universités.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

À cela, on peut ajouter qu’a priori les collectivités territoriales (communes, villes et
départements) ne semblent pas devoir occuper une place très importante dans la
politique du mix et de la transition énergétique53. D’abord, l’énergie demeure une
compétence largement centralisée, malgré l’adoption récente du code général des

51
Ibid.
52
La CDN vise pour le secteur de l’énergie dans la période 2025-2030 un objectif inconditionnel de
réduction des GES entre 7,6 et 10 %, et un objectif conditionnel entre 35,4 et 41,2 % par rapport à l’année
de base 2010.
53
J.-M. Pontier, « Les collectivités territoriales et la transition énergétique », La semaine juridique,
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n° 23, 2015, p. 2162.


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collectivités territoriales54. Ensuite, les décisions prises dans ce domaine ne peuvent
l’être que pour l’ensemble du territoire, même si les solutions adoptées peuvent être
différentes en fonction des variables locales. En effet, ni la loi ni les décrets
d’application n’évoquent le rôle des collectivités territoriales dans la transition
énergétique. Ainsi ces dernières semblent être écartées d’emblée de l’élaboration et de
la mise en œuvre d’une telle politique. Si elles sont associées à certaines mesures
d’économie et de maîtrise de l’énergie, telle que l’installation des lampadaires solaires,
elles sont véritablement marginalisées dans les décisions énergétiques majeures et sont
cantonnées dans des tâches d’exécutants passifs qui n’ont qu’un rôle mineur,
notamment dans la cession du foncier.

Pour autant, depuis le choix politique porté sur la décentralisation, les collectivités
territoriales ne sont plus de simples administrations locales soumises aux choix
nationaux, voire à la férule étatique. La politique de décentralisation a donné naissance
à des collectivités territoriales dotées de compétences en matière d’environnement et
d’urbanisme qui leur offrent un atout politique et fonctionnel pour peser sur la
promotion et le développement des biocarburants, des énergies renouvelables, du mix
et de la transition énergétique.

Dans ce cadre, la nécessité de coopérer avec les collectivités territoriales et de nouer


des partenariats devient le maître-mot des porteurs de projets dans ces domaines. Il
serait quelque peu contradictoire, avec les décisions précédentes de renforcer la
décentralisation, de les laisser à l’écart55.

Concrètement, le code général des collectivités locales offre un champ d’action


considérable aux communes, villes et départements. Sur la planification, le code permet
aux départements et aux communes d’élaborer et d’exécuter des plans départementaux
et communaux de développement en articulation avec les stratégies et politiques
nationales56.

En matière d’urbanisme, les communes ont la compétence d’élaboration du plan


directeur d’urbanisme et du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, qui sont
approuvés par le département, des plans d’urbanisme de détail des zones
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

d’aménagement concerté, de rénovation urbaine et de remembrement57. Dans cette


optique, ces collectivités peuvent y intégrer localement les objectifs nationaux sur
l’énergie et le climat58. Par exemple, pour la construction et la rénovation des bâtiments
publics tels que les établissements scolaires, les collectivités pourraient faire preuve

54
Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code général des collectivités territoriales, JO n° 6765
du 28 décembre 2013.
55
Ibid.
56
Articles 314 et 315, code général des collectivités territoriales.
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57
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Articles 313 et 319, code général des collectivités territoriales.


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58
On observe surtout dans la région de Dakar de timides initiatives d’élaboration de plans territoriaux
climat et énergie souvent financés par des projets à durée limitée.
120
d’exemplarité dans leurs démarches en favorisant les énergies renouvelables et
l’efficacité énergétique59.

Sur ces points, les collectivités territoriales ont d’importants rôles à jouer. Pour définir
les documents d’urbanisme et la rénovation urbaine, les collectivités territoriales
peuvent manifester leur volonté politique de se débarrasser des sources d’énergies
polluantes pour opter pour les énergies vertes et l’efficacité énergétique. La collectivité
territoriale est un levier indispensable pour valoriser les ressources et les compétences
des acteurs locaux. Il est nécessaire pour ces collectivités de construire une vision et
des actions sur le long terme en adéquation avec l’évolution de leur environnement et
le bien-être social60, mais faudrait-il que le cadre réglementaire et financier leur soit
favorable.

Justement, l’autre frein à l’implication des collectivités territoriales dans le mix et la


transition énergétique résulte essentiellement de l’insuffisance des ressources
financières. Leurs recettes d’investissement sont limitées à des recettes temporaires ou
accidentelles. En effet, leur autonomie financière insuffisante ne leur permet pas de
prendre des initiatives dans la voie de la transition énergétique. Toutefois, en tant que
gestionnaires du foncier, des infrastructures, des bâtiments publics, des halles et
marchés, ces collectivités peuvent jouer une bonne partition dans le développement des
énergies renouvelables et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre61.

2.2. Des incitations insuffisantes


La problématique de l’insuffisance des incitations est importante pour la promotion et
le développement des énergies renouvelables, aussi bien sous l’angle financier que du
point de vue de la performance et la maitrise de l’énergie.

2.2.1. Insuffisance dans l’accompagnement financier

Si les lois d’orientation accordent un large champ de manœuvre pour la diversification


du mix et de la transition énergétique, leur lente mise en œuvre et leurs résultats mitigés
s’expliquent en partie par l’insuffisance des incitations financières.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Au regard de l’article 8 de la loi sur les biocarburants, les activités effectuées dans le
secteur des biocarburants bénéficient d’un régime fiscal et douanier favorable aux
acquisitions de matériel, de semences et de plants destinés à l’agrocarburant et à

59
P. Villeneuve, « Environnement - Collectivités territoriales, quel(s) mode(s) d’intervention en matière
énergétique ? », La Semaine Juridique - Administrations et collectivités territoriales, n° 42, 24 octobre
2016, p. 2277.
60
B. Majza, « La marge de manœuvre des collectivités territoriales dans le financement de la transition
énergétique », Revue juridique lexis 360, n° 1, janvier 2016.
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61
On peut signaler, comme exception notable, la commune de Malicounda qui est actionnaire, à hauteur
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de 5 % seulement, de la centrale solaire de Malicounda financée par des promoteurs italiens.

121
l’exploitation des biocarburants, avec une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée
et des droits de douane. Cette même loi exonère les revenus des exploitations de
biocarburants d’impôt, dans la limite de cinq ans, mais précise que ces avantages
fiscaux et douaniers sont réservés aux entreprises dont la production est destinée au
marché national. Cependant, elle requiert un décret pour fixer les modalités de gestion
de ces incitations. Depuis son entrée en vigueur, outre l’absence de décret
d’application, le dispositif de soutien financier n’a pas évolué. Les équipements
bénéficiaires de l’exonération et le régime juridique d’exonération ne sont toujours pas
clairement définis.

La pratique démontre que les principales entreprises dans le domaine des


agrocarburants sont quelques grandes entreprises privées de droit sénégalais et des
filiales de quelques entreprises de pays étrangers. D’ailleurs, la forte présence étrangère
dans le secteur des agrocarburants accentue la controverse originelle liée aux
agrocarburants dans un pays confronté à l’insécurité alimentaire. On peut dire que les
projets d’agrocarburants opposent les tenants de la sécurité alimentaire aux tenants de
la sécurité énergétique. Mais quel que soit l’angle d’attaque, les incitations financières
en faveur des populations sont insuffisantes, voire inexistantes.

La deuxième limite est relative à l’accès aux terres arables, qui constitue un problème
important dans l’agrocarburant. Les investissements étrangers sont très décriés dans ce
domaine pour plusieurs raisons : perte d’emplois, tensions foncières, non-respect des
engagements, non-respect de l’environnement, avec la pratique d’une agriculture
intensive.

L’autre point d’insuffisance est relatif à l’absence de dispositif incitatif pour


l’utilisation des biocarburants dans les transports, d’ailleurs contraire à l’article 7 de la
loi d’orientation sur les biocarburants, qui dispose : « les prix des biocarburants doivent
être suffisamment incitatifs pour constituer le facteur principal de leur substitution au
degré le plus élevé au diesel et à l’essence ». Mais les modalités de détermination des
prix plafonds, qui devaient être fixées par décret, ne l’ont pas encore été.

L’exonération faite sur la production devrait connaître une issue sur le prix de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

biocarburant à la pompe pour les véhicules, mais il faudrait des politiques adaptées
pour leur utilisation.

Concernant les énergies renouvelables, on peut noter que les installations réalisées par
un particulier, souvent de taille modeste, correspondant en général à l’installation d’un
panneau photovoltaïque sur son toit, ne soulèvent pas de grandes questions
environnementales. Le seul souci devait être le respect des dispositions relatives à
l’architecture et à l’urbanisme (surtout en ville) et de la loi relative au secteur de
l’électricité qui exige une déclaration préalable adressée au ministre en charge de
l’énergie.
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122
Au Sénégal, malgré la loi sur les énergies renouvelables et ses décrets d’application,
ainsi que l’arrêté interministériel portant exonération de certains matériels
d’installation des énergies renouvelables, la participation des particuliers à la
production de l’énergie reste très faible. D’abord, l’arrêté interministériel n’est
intervenu que près de dix ans après la loi portant sur les énergies renouvelables et les
conditions d’exonération restent marquées par leur rigidité. Cet arrêté, en énumérant
les matériels destinés à la production des énergies de source solaire, éolienne et biogaz
exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, indique que les équipements à exonérer sont
certifiés par des organismes internationaux de certification participant au schéma
d’évaluation de la conformité62. Ce qui pourrait nécessiter un certain contrôle et une
connaissance des matériels et de la certification. Toutefois, la question est de savoir si
cette exonération aura un réel impact sur l’accessibilité des matériels aux particuliers.
Autrement dit, après exonération, existe-il un contrôle des prix à la vente du matériel
exonéré ? Par ailleurs, les particuliers ne bénéficient pas d’exonération s’agissant des
travaux d’amélioration de la qualité énergétique63. L’exonération d’impôt sur
l’investissement prévu par le code des impôts n’est pas assez incitative et l’intéressé
doit en faire la demande pour en bénéficier. Cette réglementation n’est pas à la portée
de tous car elle figure dans un autre texte que la loi d’orientation64.

La question de la sécurité et de la sûreté des installations pose aussi un important


problème sur l’investissement des particuliers. Au risque de se faire voler leur
dispositif, ceux-ci préfèrent rester dépendants de la SENELEC.

2.2.2. Insuffisances des incitations à l’efficacité énergétique

Si aux lendemains de la promulgation des lois d’orientation des institutions telles que
l’AEME ont été créées pour mettre en pratique les directives pour le développement du
mix et de la transition énergétique, on note très peu de mesures et mécanismes
d’incitations pour atteindre les objectifs relatifs à la performance et l’efficacité
énergétique. L’objectif ambitieux de la transition énergétique ne peut pas se contenter
du timide cadre réglementaire et politique actuel. Même si nous avons noté une
tentative de concilier les problématiques énergétiques et environnementales, force est
de reconnaître une insuffisance réglementaire et des écarts entre les politiques
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

sectorielles, d’où le décalage entre l’objectif affiché et la pratique, ce qui démontre le


besoin de définir une stratégie intégrée, solide, cohérente et transversale pour
développer les énergies renouvelables, améliorer l’efficacité énergétique, réduire la
part des énergies fossiles dans le mix énergétique et lutter contre les changements
climatiques65.

62
Article 5 de l’arrêté interministériel n° 010158 du 28 mai 2020,
63
Ch. Le Guyader, A. Gence et E. Meiller, « Le particulier producteur d’énergie renouvelable », Petites
affiches, n° 094-095, 11 mai 2018, p. 85.
64
Ibid.
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65
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R. Lanneau, « Repenser le soutien aux énergies renouvelables » Revues juridiques Lexis 360 droit
administratif n° 8-9, Août 2018, comm. 44, https://www.lexis360.fr

123
Les actions publiques en faveur de l’efficacité énergétique observée ces dernières
années, telles que l’installation de lampadaires publics solaires dans certaines
communes, sont significatives et leur volume dans le mix énergétique ne cesse
d’augmenter. Pour autant, elles restent dérisoires car le développement des énergies
renouvelables ne peut pas se limiter à cette seule forme sans minimiser l’importance
du décret n° 2017-1411 du 13 juillet 2017 interdisant l’importation, la production et la
commercialisation des lampes à incandescence et la promotion des lampes à économie
d’énergie. L’incitation à l’efficacité énergétique reste encore timorée car elle n’est pas
ressentie par les ménages. Une synergie des actions et des mécanismes pour éliminer
toutes les contraintes, politiques, financières, techniques et même idéologique, pouvant
freiner la performance énergétique n’est pas traduite dans l’action publique.
Néanmoins, la transposition nationale des directives de l’UEMOA sur l’efficacité
énergétique, prévue au plus tard en juin 2022, devrait permettre de renforcer ce volet
important de la transition énergétique66.

La contradiction politique, face à un mix énergétique en faveur des énergies


renouvelables, est marquée par la déclaration d’utilité publique, en 2013, du projet de
la centrale à charbon de 250 MW à Bargny-Minam-Sendou67. Dès lors, il semble que
l’action publique a pour priorité la production suffisante d’énergie, quelle qu’en soit la
source. Les énergies renouvelables et les biocarburants ne sont que des opportunités
pour atteindre cet objectif, sans véritablement tenir compte des considérations
climatiques et environnementales. In fine, le mix énergétique reste déséquilibré, la
balance est en faveur des énergies fossiles et les projets d’avenir n’inspirent pas
l’optimisme.

D’ailleurs, l’exploitation annoncée en 2023 du pétrole et du gaz offshore soulève des


incertitudes sur la diversification du mix et de la transition énergétique à l’avenir. Avec
la future exploitation d’importants gisements de pétrole et du gaz, on peut craindre
légitimement que l’opportunité et les avantages économiques et financiers à exploiter
le pétrole et surtout le gaz naturel n’opèrent au détriment du développement des
énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. À l’heure actuelle, aucune
garantie juridique et politique ne permet de prédire une amélioration constante et
régulière du mix énergétique en faveur des énergies renouvelables. La transition
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formelle, qui a conduit à la création en 2017 du ministère du Pétrole et des Énergies


sur les cendres du ministère de l’Énergie et du Développement des énergies
renouvelables, annonce un changement de priorité et d’agenda aux dépens de la
transition énergétique.

66
Directive n° 04/2020/CM/UEMOA du 26 juin 2020 portant étiquetage énergétique des lampes
électriques et des appareils électroménagers dans l’espace UEMOA ; directive n° 05/2020/CM/UEMOA
du 26 juin 2020 fixant des mesures d’efficacité énergétique dans la construction de bâtiments dans les
États membres de l’UEMOA.
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67
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Décret n° 2013-877 du 20 juin 2013, Journal officiel n° 6758 du 16 novembre 2013.

124
Conclusion
La lecture combinée des lois d’orientation, des décrets d’application et de l’action
publique en faveur du développement des énergies renouvelables jette un doute sur
l’efficacité du cadre juridique pour asseoir une transition énergétique équilibrée
pouvant réduire considérablement les énergies fossiles et l’empreinte carbone. Il
semble, dès lors, nécessaire de redéfinir les objectifs, de les quantifier de façon
détaillée, de rendre accessible les financements, d’inciter, de sensibiliser et
d’encourager à la performance, la maîtrise et l’économie de l’énergie pour les ménages
et les entreprises.

Très complexe, la question de la transition énergétique doit être posée de façon


transversale, en impliquant les domaines des logements, des transports, de
l’environnement, des forêts, sans oublier les questions domaniales et foncières, tout en
laissant l’espoir à l’emploi et à la fin de vie des matériaux de production. Il faut par
ailleurs retenir que la transition énergétique reste une volonté politique et une doctrine
de sécurité énergétique sur le long terme, qui ne doit pas être ébranlée par une logique
d’extractivisme à courte vue, d’où la nécessité pour le Sénégal de se fixer comme
objectif de faire peser la balance du mix énergétique en faveur des énergies
renouvelables, quelles que soient les opportunités offertes par l’exploitation future de
ses ressources pétrolières et gazières.

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125
LA RÉGLEMENTATION DES SACS PLASTIQUE AU
SÉNÉGAL : UNE ÉTAPE VERS SA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE ?
Odeline BILLANT
Doctorante en droit de l’environnement, Université de Bretagne occidentale, Brest
Ayib DAFFÉ
Doctorant en droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop, Dakar
Fatou NDIAYE
Doctorante en droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop
Ibrahima LY
Professeur de droit de l’environnement, Université Cheikh Anta Diop
Marie BONNIN
Directrice de recherche, Institut de recherche pour le développement, Brest

Résumé
Alors que se met en place le cadre juridique de la transition énergétique au Sénégal,
notamment avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 sur les énergies
renouvelables, une nouvelle loi sur les sacs plastique a été adoptée en 2020. La
réglementation des sacs plastique au Sénégal est-elle en passe de montrer la voie vers
une société plus résiliente, aux pratiques soutenables ? Par l’analyse conjointe des
instruments normatifs précités, cet article vise à fournir au lecteur les clés d’analyse
pour comprendre les obstacles auxquels un pays tel que le Sénégal fait face au cours de
sa transition énergétique, ainsi que le chemin parcouru ces dernières années.

Mots clés : droit de l’environnement, transition énergétique, plastique, déchet.

Abstract
While the legal framework for Senegal’s energy transition is being set up, in particular
with the adoption of Law n° 2010-21 of 20 December 2010 on renewable energy, a new
law on plastic bags was passed in 2020. Yet, is the regulation of plastic bags in Senegal
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leading the way towards a more resilient society via sustainable practices? Through
the joint review of the aforementioned normative instruments, this article aims to
provide the reader with analytical keys to understand the obstacles facing a country
such as Senegal during its energy transition, as well as the progress made in recent
years.

Key words: environmental law, energy transition, plastic, waste.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

127
Introduction
Au Sénégal, le cadre juridique de la transition énergétique se met en place dès 2010
avec l’adoption de la loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur
les énergies renouvelables. Cette loi intègre, notamment dans la définition des énergies
renouvelables, l’énergie issue de la fraction biodégradable des déchets industriels et
municipaux. Dès son origine, la transition énergétique fait le lien entre énergie et
déchets.

La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de


production, de distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire
dans le but de le rendre plus écologique. Concrètement, la transition énergétique vise à
transformer un système énergétique pour diminuer son impact environnemental.

Il importe de souligner que, dans le cas du Sénégal, la transition énergétique est un


objectif récurrent à la fois dans la Lettre de politique de développement du secteur de
l’énergie de 2019, qui prône « une énergie durable, de qualité, respectueuse de
l’environnement et fondement de l’émergence du pays », et dans le Plan Sénégal
Émergent (PSE) 2014-20351. La Lettre de politique du secteur de l’environnement et
du développement durable2 définie pour la période 2016-2020 fait également de la
gestion des déchets plastiques une action prioritaire pour un cadre de vie décent.

La réduction du plastique dans l’environnement apparaît alors comme un élément


essentiel de la transition énergétique. L’exemple de la réglementation des sacs en
plastique est une illustration particulièrement intéressante de la démarche initiée par le
Sénégal en faveur de la réduction des déchets.

Premièrement, le sac plastique est un véritable emblème de la pollution plastique et


d’une société du court terme, à l’encontre de laquelle va le principe de transition
énergétique. Inexistant il y a quelques décennies, cet objet à usage unique a su émerger
comme un indispensable du quotidien dans la quasi-totalité du monde. Son utilisation
revêt pourtant des coûts non négligeables pour la santé humaine et des écosystèmes qui
ne sont pas reflétés dans son coût de production, comme sous-produit de l’industrie de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

la pétrochimie.

1
Au niveau national, la transition énergétique s’appuie principalement sur la loi d’orientation sur les
énergies renouvelables et la loi d’orientation de la filière des biocarburants. La réglementation sur
l’efficacité énergétique est encore assez timide, avec l’adoption du décret n° 2017-1411 du 13 juillet
2017 portant interdiction de l’importation, de la production, de la commercialisation des lampes à
incandescence et promotion des lampes à économie d’énergie. La transposition nationale des directives
de l’UEMOA sur l’efficacité énergétique, prévue au plus tard en juin 2022, devrait permettre de renforcer
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ce volet important de la transition énergétique.


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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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2
Plan d’actions prioritaires 2019-2023.

128
Deuxièmement, le Sénégal est engagé en faveur de la réglementation des sacs plastique
depuis plus de dix ans. L’analyse des textes à cet égard permet de mettre en valeur les
réussites et les difficultés à surmonter face au défi de la transition énergétique.

Face à la prolifération incontrôlée des déchets en plastique et à l’utilisation abusive des


sachets plastique à « l’origine de nombreux problèmes d’environnement et de santé »3,
la loi n° 2015-09 du 4 mai 2015 relative à l’interdiction de la production, de
l’importation, de la détention, de la distribution, de l’utilisation de sachets plastique de
faible micronnage et à la gestion rationnelle des déchets en plastique a été adoptée pour
lutter contre ce fléau. Elle vise ainsi à limiter la mise sur le marché sénégalais de sacs
en plastique non réutilisables. Moins de cinq ans plus tard, la loi n° 2020-04 du 8
janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur
l’environnement des produits plastique4 abroge la loi n° 2015-09, constatant d’une part
que les sacs plastique ont continué à s’accumuler dans l’environnement au Sénégal
depuis son entrée en vigueur, d’autre part son ineffectivité, notamment due à la
difficulté des contrôles5.

Ainsi, le virage institutionnel, social, économique et politique initié dès 2010 au


Sénégal en faveur d’une société plus efficace énergétiquement et plus protectrice de
l’environnement n’est pas un long fleuve tranquille. Les transformations naissantes se
heurtent à des enjeux à la fois sociétaux et technologiques. L’analyse des
réglementations sénégalaises relatives aux sacs plastique permet de mettre en valeur
les bénéfices et les difficultés de cette démarche. Ainsi, le cheminement législatif vers
l’interdiction des sacs plastique permet d’affiner la réponse du droit à un enjeu majeur
de société (1). La transition énergétique nécessite néanmoins l’appui d’outils juridiques
de mise en œuvre du droit, tels que le contrôle et la sanction, pour modeler des
comportements humains parfois adverses au changement (2).

1. Le cheminement législatif du Sénégal vers l’interdiction


des sacs plastique pour favoriser la transition énergétique
La loi n° 2015-09 n’est pas la première tentative de réglementation relative à la lutte
contre la pollution plastique au Sénégal. Dès 2008, un arrêté6 interdisait l’importation,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’offre à la vente et la vente de produits plastiques non biodégradables. Son délai

3
Exposé des motifs de la loi n° 2015-09, Journal officiel (JO) n° 6859 du 4 juillet 2015.
4
Publiée au JO n° 7206 du 20 janvier 2020.
5
Préambule, loi n° 2020-04. Le champ d’application de la loi n° 2020-04 est plus large que les sacs en
plastique (objets en plastique à usage unique, consigne de bouteilles…). Pour faciliter la comparaison,
seules les dispositions relatives aux sacs en plastique sont ici abordées.
La protection de l’environnement par les juridictions

6
africaines : avancées nationales et régionales

Arrêté ministériel n° 9611 MCOM-IAAF du 12 novembre 2008 portant interdiction de l’importation,


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de la distribution et de la vente de plastique non biodégradable, JO n° 6474 du 13 juin 2009.

129
d’application a été prorogé en 2009 par l’arrêté n° 107, dont l’article premier laisse le
soin à la voie réglementaire de fixer la nouvelle échéance d’application8. L’objet des
arrêtés de 2008 et 2009, puis des lois n° 2015-09 et n° 2020-04, est néanmoins le même.
Il s’agit de lutter contre les effets néfastes de la pollution plastique, sur le plan sanitaire
et environnemental, en limitant, à la source, la mise sur le marché des sacs plastique.

La loi n° 2015-09 est dès lors le premier texte de droit sénégalais s’attaquant à la
pollution plastique à être entré en vigueur, six mois après sa publication, en mai 20159.
Elle constitue une innovation majeure dans la gestion du plastique d’une manière
générale et des déchets en plastique en particulier.

La protection de l’environnement et de la santé10 face au « péril plastique », enjeu de


transition énergétique, passe à la fois par l’identification précise de l’objet de la
réglementation – le sac plastique (1.1) – et par l’identification du type de règle juridique
adéquat (1.2).

1.1. Une fabrique itérative de la règle : qu’est-ce qu’un sac


plastique ?
Le droit s’appuie avant tout sur l’identification précise de l’objet qu’il entend
réglementer. Un défaut d’identification entraverait de facto l’effectivité de la règle.
Ainsi, la définition de « sac plastique » est au centre du cheminement législatif analysé
(1.1.1), tout comme la délimitation des exceptions à la règle (1.1.2).

1.1.1. L’enjeu de la définition de « sac plastique »

Si la visualisation par tout un chacun de ce qu’est un sac plastique est chose évidente,
sa définition en termes juridiques l’est moins. Il convient dès lors de définir séparément
ce qui est entendu par « sac » et par « plastique », pour ensuite s’intéresser aux
caractéristiques additionnelles modulant l’application des règles.

La distinction entre sac et sachet plastique est un apport de la loi n° 2020-04. À son
article 3, un sachet plastique est défini comme un « contenant destiné et utilisé pour
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

emballer un produit au lieu de production selon des procédés industriels », alors qu’un
sac plastique est « fourni aux consommateurs dans les points de vente » et sert au
transport des produits et marchandises. Cette distinction repose donc sur le lieu, le

7
Arrêté ministériel n° 10 du 7 janvier 2009 prorogeant le délai d’application de l’arrêté n° 9611
MCOM/IAAF du 12 novembre 2008 portant interdiction de l’importation, de la distribution et la vente
de plastique non biodégradable, JO n° 6483 du 8 août 2009.
8
Aucune trace de ce document n’a néanmoins été trouvée, posant la question de la mise en application
réelle de ce texte.
9
Article 17, loi n° 2015-09.
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10
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L’article 8 de la constitution du 22 janvier 2001 consacre pour la première fois le droit à un


environnement sain.

130
moment et l’usage fait du contenant. Le sachet est utilisé pour emballer un produit sur
le lieu de production, alors que le sac est fourni aux consommateurs au moment de
l’achat des produits, pour permettre leur transport jusqu’au lieu de consommation. L’un
comme l’autre est concerné par l’interdiction édictée dans la loi. La loi n° 2015-09
faisait uniquement référence aux « sachets », définis par leur forme et non leur usage11.

La définition de la matière plastique est un second enjeu des lois n° 2015-09 et n° 2020-
04, qui nécessite davantage d’attention que la distinction entre sac et sachet plastique.
La loi n° 2015-09 définit le plastique comme « tout déchet constitué de matière
plastique, qu’il s’agisse de thermoplastique, de thermodurcissable ou de matière
plastique composite »12. Il est frappant de constater que le plastique est d’emblée
considéré comme un déchet. Les caractéristiques techniques de la matière plastique ne
sont pas abordées. La définition proposée par la loi n° 2020-04 est plus précise et plus
englobante13. De par sa formulation, elle inclut les sacs biodégradables, oxo-
biodégradables et oxo-fragmentables. Le préambule explicite ce choix, mettant en
avant que ces sacs « ne sont pas plus vertueux sur le plan de la protection de
l’environnement », les conditions permettant la biodégradation des sacs n’étant pas
toujours réunies dans la nature et les sacs fragmentables se transformant en micro-
plastique sans disparaître « complètement de la nature ». Le caractère plus englobant
de la définition proposée par la loi n° 2020-04 est encourageant. Plus le droit s’attaque
de manière ambitieuse aux pratiques non soutenables, plus il est susceptible de
constituer un moteur de la transition énergétique d’un pays.

1.1.2. Les effets pervers d’exclusions élargies

Des critères additionnels participent à la définition du champ d’application des règles


prévues par les textes. L’usage des sacs est un type de critère utilisé par la loi n° 2020-
04 comme critère d’exclusion de l’interdiction. À cela s'ajoute, dans le texte de 2020,
un critère d’exclusion obscure. Si les exceptions sont communes en droit, elles peuvent
mettre en danger l’application de la règle en elle-même.

La loi n° 2020-04 aborde la problématique de la définition des sacs autorisés et interdits


sous l’angle de leur utilisation. Ainsi, à l’article 5, elle dispose que les sacs plastique
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

« sortie de caisse » sont interdits, quelle que soit leur épaisseur ou leur forme (bretelles,
poignées). Ces derniers sont définis à l’article 3 comme « sac fourni aux
consommateurs dans les points de vente des marchandises ou des produits et qui sont
destinés au transport desdits produits ou desdites marchandises ». Sont néanmoins
exclus de cette interdiction les « sacs plastique destinés et utilisés dans les points de

11
Article 1er : « sachet plastique : contenant plastique ayant, dans sa partie supérieure, une découpe sous
forme de bretelle (sachet bretelle) fabriqué à partir d’un film polyéthylène ».
12
Article 1er.
13
Article 3 : « plastique : matériau constitué d’un polymère auquel peuvent avoir été ajoutés des additifs
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ou d’autres substances et qui peut fonctionner comme un élément structurel principal de produits finaux,
à l’exception des polymères naturels qui n’ont pas été chimiquement modifiés ».

131
vente pour emballer des denrées alimentaires afin de les protéger, de permettre leur
manutention ou leur acheminement du producteur ou du vendeur au consommateur, et
d’assurer leur présentation »14.

Il n’est pas aisé de distinguer ici ce qui fait qu’un sac est interdit ou autorisé. Cela a
trait à plusieurs causes. Pour commencer, le terme « point de vente » est utilisé dans
les deux définitions sans être explicité. De plus, les deux définitions font référence au
fait de transporter ou d’acheminer un bien d’un lieu à un autre (ces deux termes sont
synonymes). L’analyse pointilleuse des deux définitions révèle que dans le premier cas
le type de bien n’est pas précisé, alors que dans le deuxième il s’agit exclusivement de
denrées alimentaires. L’interdiction ou non des sacs en plastique serait donc liée au
type de bien transporté. Le législateur ajoute que les sacs autorisés devront être de
« couleur transparente et fabriqués à partir de matières plastiques recyclables »15.

Cela pose plusieurs questions en matière de transition énergétique. Pour commencer,


l’énoncé peu clair des sacs autorisés et interdits pose la question de la lisibilité de la
règle. Comment une règle peut-elle être appliquée et avoir un effet si elle est peu ou
mal comprise ? Si elle est peu ou mal appliquée, est-elle susceptible de promouvoir de
nouvelles pratiques plus soutenables et de favoriser la transition énergétique ?
Deuxièmement, le caractère recyclable des sacs peut-il être considéré comme une
solution crédible à la pollution plastique, dans une perspective de transition
énergétique ? Le plastique recyclable peut être considéré comme une façon de lutter
contre l’entrée dans l’environnement de la matière plastique, à condition de développer
des filières de collecte, de tri et de traitement des déchets en plastique, tous
consommateurs d’énergie16. La logique de la transition énergétique appelle davantage
à réduire la dépendance à l’énergie qu’à l’augmenter. De plus, l’exemple des pays
européens engagés depuis plusieurs années dans des filières hautes technologies de
recyclage montre à quel point la multiplicité des types de plastique aujourd’hui produits
rend le traitement compliqué. Comme souligné par le préambule de la loi n° 2020-04,
« l’ambition d’éradiquer définitivement les déchets plastiques nécessite [...] l’adoption
d’une approche systémique reposant principalement sur la réduction de la production
plastique », et donc la réduction à la source, en coupant le robinet. L’exception à
l’interdiction vient ici à l’encontre de ce principe, faisant craindre des effets pervers.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.2. Légiférer pour influencer les comportements : le choix du type


de règle juridique
Une règle juridique a avant tout comme objectif de résoudre un problème, un obstacle
à la défense de l’intérêt général. L’identification du problème en question mène à la

14
Article 5.
15
Ibid.
16
Le développement de ces filières est entravé par une législation trop générique (loi n° 2001-01 du 15
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janvier 2001 portant code de l’environnement) et une réglementation obsolète de la gestion des déchets
solides (décret n° 74-338 du 10 avril 1974 réglementant l’évaluation et le dépôt des ordures ménagères).

132
définition de l’objet de la règle, comme nous venons de le voir. Le travail du législateur
ne s’arrête pas là. Il doit également identifier les meilleures façons pour le droit d’avoir
un effet sur les sources du problème. En cela, il identifie le type de règle nécessaire ou
utile (1.2.1). Tout comme la société n’est pas figée, le droit est amené à s’adapter aux
réalités, fluctuantes, qui s’imposent à lui. Le passage d’une interdiction-taxation en
2015 à l’interdiction seule en 2020 est ainsi un exemple de la réponse du droit à
l’urgence de la transition énergétique (1.2.2).

1.2.1. Un éventail possible de types de règles juridiques

Le législateur dispose d’une palette de règles juridiques permettant d’influencer les


comportements des acteurs. Ceci passe d’abord par l’identification du type d’acteur à
l’origine du comportement à réglementer. De là, il est possible d’identifier le type de
règle juridique le plus adapté à contraindre ou amener cet acteur à adopter des
comportements davantage compatibles avec les principes de la transition énergétique.

Dans le cadre de la pollution par les sacs plastique, les règles peuvent porter sur une
variété d’acteurs, allant de la production des sacs à leur utilisation en passant par leur
importation, exportation, commercialisation ou distribution. Cela revient à se poser la
question : est-ce la production de sacs, leur commercialisation ou leur utilisation qui
est à la source de la pollution plastique ? Plus l’intervention législative est complète,
plus elle est susceptible de mettre fin à des pratiques non soutenables. Néanmoins,
l’application du droit a un coût humain, technique et financier non négligeable. Une
législation étendue pourrait également amener à une dispersion des moyens, permettant
des fuites à tous les étages. Si le législateur devait se concentrer sur une seule action,
laquelle serait la plus opportune ? Sans doute l’action la plus en amont possible, à
savoir ici la production ou l’importation de sacs.

L’approche développée par le Sénégal, à la fois dans la loi n° 2015-09 et la loi n° 2020-
04, s’ancre dans l’idée d’une législation étendue. La loi n° 2015-09 interdit ainsi la
production, l’importation, la détention, la distribution et l’utilisation de sacs de moins
de 30 microns17. Les sacs de plus de 30 microns, taxés18, ne concernent que la
distribution. Ces sacs doivent néanmoins respecter des normes techniques
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spécifiques19, qui s’appliquent implicitement aux producteurs de sacs. La loi n° 2020-


04 adopte une autre approche. Elle interdit la commercialisation et la distribution de
sacs pour certains usages20. À cela s’ajoutent des normes techniques applicables aux

17
Article 2, loi n° 2015-09.
18
Article 3, loi n° 2015-09.
19
Article 4 de la loi n° 2015-09 « concernant la fabrication, la composition des matériaux, l’étiquetage
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et l’écotoxicité fixées par un décret pris sur proposition du ministre en charge de l’environnement ».
20
Article 5, loi n° 2020-04.
133
sacs exemptés de l’interdiction, comme la transparence ou le caractère recyclable21.
Enfin, l’importation des sacs autorisés est soumise à l’obtention préalable d’un permis22

Les règles juridiques utilisées au Sénégal pour réglementer les sacs en plastique sont
variées, et appartiennent à différentes catégories. L’interdiction est l’instrument phare
de la famille d’outils juridiques dits command and control, qui ont l’avantage
d’apporter une réponse juridique claire, tout en laissant une faible marge de manœuvre
aux acteurs23. La taxation est un outil juridique d’inspiration économique, basé sur un
système d’incitation par le biais du prix. Les normes techniques ou le permis sont
encore une autre facette de la réglementation, laissant une petite marge de manœuvre
aux acteurs à la condition du respect de certains critères.

1.2.2. Le passage de la taxation à l’interdiction, signe de l’urgence de la


transition énergétique

La loi n° 2020-04 a pour objectif de corriger les éléments de la loi n° 2015-09 qui ont
montré des limites dans leur application. Le préambule de la loi n° 2020-04 met ainsi
l’accent sur le fait que l’omniprésence des plastiques dans l’environnement n’a pas
changé depuis l’adoption de la loi n° 2015-09. Sa mise en application n’a pas eu l’effet
escompté. Face aux impacts multiples et aux dangers que fait courir la pollution
plastique sur « la faune, la flore, le milieu marin, le cadre de vie, la santé, l’agriculture,
la pêche et le tourisme »24, le législateur a considéré qu’il était urgent de réviser la loi
n° 2015-09 et d’apporter une réponse effective à ces enjeux.

Cette volonté se traduit, nous l’avons vu, par une définition plus élargie des sacs
plastique. Elle se traduit également par un changement de stratégie. Alors que la loi
n° 2015-09 interdit certains sacs pour en taxer d’autres, la logique de la loi n° 2020-04
est d’interdire les sacs plastique.

Ce revirement de stratégie dans la réglementation des sacs plastique est la preuve d’une
prise de conscience du législateur. La pollution plastique représente une menace en
termes de santé et de biodiversité, mais également en termes économiques. Ainsi, la
mer représente une source de revenus et de nourriture substantielle pour une part
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

significative des populations côtières par la pêche mais aussi par le biais d’une activité
touristique émergente25. La taxation des sacs de plus de trente microns, telle que prévue
par la loi n °2015-09, n’apportait qu’une réponse partielle à cette menace.

21
Article 5, loi n° 2020-04.
22
Article 5, loi n° 2020-04.
23
M. Böcher, « A theoretical framework for explaining the choice of instruments in environmental
policy », Forest Policy and Economics, Elsevier, vol. 16(C), 2012, pp. 14‑22.
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24
Préambule, loi n° 2020-04.
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25
Agence nationale de la statistique et de la démographie, Situation économique et sociale du Sénégal
en 2016, Dakar, 2016.
134
Dès lors qu’un bien est taxé, il reste accessible à ceux et celles qui peuvent payer pour
se le procurer. Le montant de la taxe est un enjeu de taille. Plus le montant est élevé,
plus la taxation est susceptible d’être dissuasive. Se posent alors des questions de
justice sociale. Ce montant peut également être amené à évoluer dans le temps, en
réaction aux comportements des acteurs. Or, l’urgence ne permet pas de prendre le
temps du tâtonnement26. En somme, quel que soit le montant de la taxe, l'objet reste en
circulation, ce qui est l’opposé même de la finalité de l’interdiction. Face à l’urgence
de la transition énergétique, le législateur sénégalais a su affirmer la nécessité d’un
bousculement des pratiques avec force, en s’écartant d’une stratégie mêlant taxation et
interdiction pour se tourner vers l’interdiction des sacs en plastique, quelle qu’en soit
l’épaisseur27.

Or, l’analyse du droit de l’environnement ne peut se borner à la description des outils


juridiques mis en œuvre par le législateur. Le simple fait qu’une interdiction existe ne
mène pas nécessairement à une protection accrue de l’environnement. Le type et le
nombre d’exceptions à la règle peut être un facteur limitant de sa portée, comme
observé plus haut. Le contrôle et la sanction du non-respect de la règle sont également
des facteurs déterminants de son application.

2. Le contrôle de l’interdiction et les sanctions, des atouts


pour la transition énergétique ?
La mise en œuvre de la transition énergétique passe par l’adoption d’instruments
juridiques ambitieux, mais aussi par l’application des dispositions qu’ils prévoient.
Ainsi, le contrôle (2.1) et la sanction en cas de non-respect (2.2) sont des éléments clés
de la contribution du droit à un changement de société.

2.1. Un contrôle amélioré par la nouvelle loi


L’abrogation de la loi n° 2015-09 met en valeur l’importance des contrôles dans
l’application d’une loi, et dans la poursuite-même des objectifs du droit. En effet, c’est
bien l’absence de contrôlabilité de l’interdiction prévue dans la loi n° 2015-09 qui a
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

mené à son abrogation (2.1.1). La loi n° 2020-04 tente de combler ces failles, en
prévoyant des modalités de contrôle étendues (2.1.2).

2.1.1. Les défaillances techniques du contrôle de la loi n° 2015-09

Comme relevé précédemment, la loi n° 2015-09 interdisait les sacs de moins de 30


microns d’épaisseur et autorisait, sous conditions, les sacs de plus de 30 microns.

26
R. Baldwin, M. Cave and M. Lodge, Understanding Regulation: Theory, Strategy and Practice,
Second Edition, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 113.
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27
Le champ d’application de la loi n° 2020-04 est également plus large que celui de la loi n° 2015-09,
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en régissant l’ensemble des objets en plastique à usage unique.

135
L’esprit de cette loi était avant tout de permettre la réutilisation des sacs mis sur le
marché sénégalais dans l’idée que des sacs utilisés plusieurs fois permettrait de réduire
le nombre de sacs en circulation, et donc la quantité de déchets en plastique.

Or, les contrôleurs n’étaient pas munis des outils nécessaires pour mesurer l’épaisseur
des sacs28. L’application de l’interdiction se trouvait mise à mal par un écart entre les
caractéristiques techniques arrêtées par le législateur et les moyens technologiques à la
disposition des contrôleurs.

La transition énergétique repose en partie sur le développement de nouvelles


technologies. Un enjeu de sa mise en œuvre réside donc dans la conformité entre les
souhaits du législateur et la disponibilité des moyens techniques sur le terrain. En cas
de non-conformité, le législateur s’expose à ce que la loi ne puisse pas être appliquée.
La première conséquence serait une absence de réponse effective au problème auquel
le droit aura tenté de répondre. Les effets pervers pourraient aller au-delà, en érodant
la confiance des citoyens envers les pouvoirs politiques, ce qui peut être source de
frustration ou de révolte. Dans une autre mesure, l’observateur non averti pourrait
penser que la question de la pollution plastique est en passe d’être réglée et qu’il n’y a
pas d’action complémentaire à mener. L’existence de textes juridiques en réponse à des
problématiques de transition énergétique, non appliqués, pourrait donc retarder la mise
en œuvre de cette transition, en allant à l’opposé de son objectif initial.

Pour sortir de cette impasse et favoriser la protection de l’environnement, le législateur


a changé d’approche, en ne conditionnant plus l’interdiction prévue par la loi n° 2020-
04 à l’épaisseur des sacs mais à leur usage, plus facilement contrôlable. Ce sont donc
bien les difficultés liées au contrôle des outils juridiques qui ont mené à l’abrogation
de la loi n° 2015-09.

2.1.2. Des contrôles étendus prévus par la loi n° 2020-04

Les contrôles de l’interdiction des sacs plastique prévue par la loi n° 2020-04 sont
détaillés par l’article 25.
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En plus de la police judiciaire, les agents assermentés de cinq ministères sont habilités
à constater des infractions aux dispositions de la loi n° 2020-04. Il s’agit des ministères
en charge de l’environnement, de la santé, de l’industrie, du commerce et des finances,
ce dernier étant un ajout par rapport à la loi n° 2015-04.

La procédure de constatation des infractions est facilitée par rapport à la loi n° 2015-
09. L’interdiction des sacs en plastique étant basée sur leur usage plutôt que sur leur
épaisseur, il est devenu possible de contrôler le respect de cette interdiction en dépit
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

28
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Préambule, loi n° 2020-04 : « les contrôleurs n’étaient pas munis de micromètres, outils spécifiques
de mesure de l’épaisseur des sacs en circulation ».

136
d’instruments de mesure spécifiques. La constatation des infractions et la rédaction du
procès-verbal se réfèrent à la réglementation en vigueur.

Par ailleurs, les contrôles de l’application de la loi n° 2020-04 se trouvent renforcés car
axés, implicitement, sur la commercialisation ou la distribution de sacs interdits, leur
production ou leur importation29. Les contrôles de la loi n° 2015-09 se concentraient,
eux, sur une pluralité de comportements, allant de la production à l’utilisation en
passant par l’importation, la distribution ou la détention de sacs interdits30.

La volonté politique et la logique pourraient amener à vouloir contrôler tous les


comportements susceptibles de participer à la création ou la distribution d’un produit
nocif pour l’environnement, dans l’idée que plus les contrôles sont élargis, plus ils
concourent à la mise en œuvre de la volonté du législateur. Or, aucun pays ne dispose
de tels moyens de contrôle illimités, coûteux en ressources humaines, financières,
économiques et techniques. Le pragmatisme peut donc amener à concentrer les
contrôles là où ils seront le plus efficaces. La réglementation des sacs plastique par la
loi n° 2020-04 repose sur l’interdiction de certains usages et sur l’édiction de normes
techniques de recyclabilité31. Dès lors, des contrôles spécialisés peuvent s’assurer du
respect des normes techniques par les producteurs, alors que les autres moyens de
contrôle sont chargés de vérifier que les usages des sacs sont respectés.

Une nuance est à apporter quant à la lisibilité de la règle. Comme on l’a vu


précédemment, la distinction faite entre sacs autorisés et sacs interdits par la loi est
subtile, et nécessiterait d’être expliquée aux populations pour ensuite être contrôlée.

2.2. Des sanctions plus sévères, gage d’une volonté politique ?


Les sanctions viennent en appui aux contrôles pour inciter les acteurs à se conformer à
la loi. Elles participent de ce fait à l’application de la règle et, ici, à l’engagement de la
société sénégalaise dans la transition énergétique. Le spectre des sanctions prévues a
été élargi par la loi n° 2020-04, à la fois dans leur typologie et dans leur sévérité (2.2.1).
La question de leur efficacité reste néanmoins en suspens (2.2.2).
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

2.2.1. La typologie des sanctions, un spectre élargi

Les sanctions prévues en cas de non-respect de la réglementation relative aux sacs en


plastique sont variées et étendues par la loi n° 2020-04 par rapport à la loi n° 2015-09.
Elles peuvent être administratives ou pénales.

29
Article 25, loi n° 2020-04 : contrôles portant sur « les infractions aux dispositions de la présente loi ».
30
Implicitement : article 9, loi n° 2015-09 : contrôles portant sur « les infractions aux dispositions de la
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présente loi ».
31
Article 5, loi n° 2020-04.

137
Les sanctions administratives, dans le cadre de cette nouvelle loi, ne s’appliquent
qu’aux personnes morales. Ainsi, les produits illégalement mis sur le marché pourront
être saisis. En outre, l’entreprise pourra être fermée de manière définitive ou pour une
durée de cinq ans au plus, « la chose qui a servi ou était destinée à commettre
l’infraction » pourra être confisquée et la décision affichée ou diffusée dans la presse32.
Les mêmes sanctions étaient prévues par la loi n° 2015-09. Les nouveautés de la loi
n° 2020-04 consistent dans l’officialisation de la transaction financière33 comme
moyen d’abandon des poursuites et le renforcement des sanctions pénales.

En ce qui concerne la transaction financière, son bénéfice est explicitement prévu à


l’article 24 de la loi.

Les sanctions pénales ou civiles peuvent se traduire par le paiement d’une amende et
ou l’emprisonnement de l’auteur de l’infraction34. Pour les personnes physiques, la
production de sacs interdits pourra être puni d’un emprisonnement de 12 à 36 mois35
et/ou d’une amende36 de cinq à dix millions de FCFA37 ; et la commercialisation de
sacs interdits est punie, moins sévèrement, par un emprisonnement de 1 à 3 mois et/ou
une amende de cinquante mille à cent mille FCFA38. L’amende prévue pour les
personnes morales en cas de fabrication ou de commercialisation est égale « au
quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la disposition qui réprime
l’infraction »39.

Les peines prévues sont plus sévères que celles qui étaient prévues par la loi n° 2015-
09 : la durée de l’emprisonnement prévue pour les personnes physiques en cas de
production des sacs est six fois plus importante que celle prévue dans la loi n° 2015-09
à l’article 10, et l’amende prévue pour les personnes physiques commercialisant des
sacs interdits double par rapport à celle prévue dans la loi n° 2015-09 à l’article 12.

2.2.2. L’efficacité des sanctions, une question en suspens

Le constat dressé d’un durcissement des sanctions prévues est encourageant de prime
abord, dans l’idée que plus la sanction est importante, plus elle peut être dissuasive ; et
seule une modification en profondeur des pratiques pourrait faire de la transition
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

énergétique un succès. Néanmoins, une sanction plus importante court également le

32
Articles 23 et 39, loi n° 2020-04.
33
M. Bonnin, I. Ly, B. Queffelec et M. Ngaido, (dir.), Droit de l’environnement marin et côtier au
Sénégal, Dakar, IRD, PRCM, 2016, p. 438.
34
Les auteurs n’ont néanmoins pas connaissance de l’existence d’une jurisprudence sur ce sujet.
35
Trois à six mois en vertu de la loi n° 2015-09, article 10, soit près de six fois moins.
36
Article 26, loi n° 2020-04.
37
Dix millions à vingt millions de FCFA en vertu de la loi n° 2015-09, article 10, soit près de deux fois
plus.
38
Vingt mille à cinquante mille FCFA en vertu de la loi n° 2015-09, article 12, soit près de deux fois
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moins.
39
Article 39, loi n° 2020-04. Le même montant était prévu par la loi n° 2015-09, article 16.

138
risque de ne pas être appliquée, notamment si le montant de l’amende risque de
provoquer la faillite de l’entreprise et des effets collatéraux négatifs non souhaités, tel
que le licenciement de salariés étrangers au non-respect de la réglementation40. Seule
une enquête approfondie sur le terrain et le recul de l’expérience permettraient de savoir
si les sanctions « nouvelle formule » prévues par la loi n° 2020-04 favorisent une
meilleure application du droit.

La contribution du droit à des enjeux tels que la transition énergétique passe par la
conception d’instruments juridiques ambitieux et contraignants, mais aussi par leur
application. Or, l’analyse de cette contribution se heurte à plusieurs difficultés.

Premièrement, la sanction d’un comportement contraire au droit est l’élément au bout


de la chaîne d’application du droit. Or, la solidité d’une chaîne est déterminée par son
maillon le plus faible. Se poser la question de l’efficacité d’une sanction, d’une règle
ou d’un texte juridique nécessite d’analyser l’ensemble de la chaîne, de l’identification
de la problématique à laquelle le droit veut répondre, au modelage des règles juridiques,
en passant, entre autres, par la définition des objets de la règle. Par exemple, des
exceptions élargies ou la non-contrôlabilité d’un objet sont deux éléments qui peuvent
mettre en danger l’application de la règle, avant même que la question des sanctions
n’entre en jeu. Ces deux exemples sont ici tirés de l’analyse des réglementations
relatives aux sacs plastique, mais sont emblématiques des enjeux auxquels le Sénégal
sera confronté au cours de sa transition énergétique.

Deuxièmement, le temps de l’application du droit peut être distinct du temps politique.


La mise en œuvre de règles juridiques contraignantes et la modification des
comportements des acteurs peuvent prendre du temps41. La difficulté réside ici dans
l’identification d’un temps raisonnable, notamment face à l’urgence de la transition
énergétique.

Conclusion
Il est trop tôt pour dire si les modifications apportées par la loi n° 2020-04 aux
dispositions de la loi n° 2015-09 permettront une meilleure protection du Sénégal
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contre le « péril plastique » et contribueront de manière fructueuse à la transition


énergétique. Néanmoins, l’analyse de ces textes aura permis de mettre en lumière la
démarche engagée dans ce sens par le Sénégal, et les points de vigilance à garder à
l’esprit pour que la transition énergétique soit traduite du papier à la réalité.

40
R. Baldwin, M. Cave et M. Lodge, op. cit., p. 250.
41
L’application de la loi n° 2020-04 par l’administration n’est pas faite dans toute sa rigueur, puisque
les unités de production d’eau en sachets pour la consommation humaine qui ont proliféré ces dernières
années restent tolérées, notamment dans le but de préserver des emplois précieux dans un contexte de
crise économique accentuée par l’épidémie de COVID-19. Ces unités pourront exceptionnellement
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continuer leurs productions jusqu’à la fin de la pandémie selon une déclaration du ministre de
l’Environnement et du Développement durable en date du 18 avril 2020.

139
Le droit n’est pas isolé dans une tour d’ivoire. À la fois issu de et influencé par la
société de laquelle il émerge, son application revêt toujours une part d’imprévu, née de
la confrontation entre la pensée et la réalité. La compréhension du droit par les
populations est ainsi un enjeu de taille pour permettre une transition énergétique non
pas imposée, mais comprise et soutenue par la population.
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140
LA CONTRIBUTION DE LA LOI CAMEROUNAISE DU
14 DÉCEMBRE 2011 À LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE : ENTRE GÉNÉREUSE AMBITION ET
MESQUIN PRAGMATISME
Maturin PETSOKO
Chargé de cours à l’Université de Yaoundé II

Résumé
À défaut d’avoir révolutionné le droit camerounais de l’énergie électrique, la loi du 14
décembre 2011 a fait preuve d’une généreuse ambition en contribuant de manière
significative à la transition énergétique. Cependant, compte tenu de certaines
contraintes, elle a également fait preuve d’un mesquin pragmatisme. Le caractère peu
ambitieux et dépassé de la politique énergétique actuelle et des outils visant à la mettre
en œuvre constituent autant de freins auxquels la présente contribution apporte des
orientations pour faire évoluer le modèle énergétique actuel vers une transition
énergétique efficace.

Mots clés : transition énergétique, climat, énergie durable.

Abstract:
Failing to have revolutionized Cameroon’s electric energy law, the law of 14
December 2011 has shown a generous ambition by contributing significantly to the
energy transition. However, given certain constraints, it has also displayed a petty
pragmatism. The unambitious and outdated nature of the current energy policy and the
tools put in place to implement it are all obstacles to which this contribution provides
guidance to move the current energy model towards an efficient energy transition.

Keywords: energy transition, climate, sustainable energy.

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141
Introduction
Le développement économique va généralement de pair avec la consommation
croissante des ressources énergétiques1. En effet, « [l]’énergie se situe au cœur de tout
processus de développement. Sans elle, il ne peut y avoir d’industrie, ni de
transformation de matières premières, et donc, pas d’économie moderne »2. Il est donc
évident qu’aucun développement économique n’est concevable sans une énergie
disponible et accessible en quantité et en qualité.

Au niveau mondial, l’approvisionnement en énergie reste encore majoritairement


tributaire des sources fossiles d’énergie, non renouvelables et donc limitées et plus
polluantes. L’énergie est responsable de plus de deux-tiers des émissions mondiales de
gaz à effets de serre (GES) qui constituent la principale cause du réchauffement
climatique3. En l’état actuel, les énergies fossiles représentent 81,7 % de la
consommation mondiale d’énergie4. Face à l’appétit croissant des pays développés et
émergents pour les ressources énergétiques, leur caractère non renouvelable crée des
tensions et pose de nouveaux défis dont l’un des plus urgents est celui de la transition
énergétique.

Depuis quelques années, « [l]’urgence climatique a posé la transition énergétique


comme une pierre angulaire des politiques publiques »5. Pour faire face à ce défi, le
législateur camerounais a adopté la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant « le
secteur de l’électricité en vue de sa modernisation et de son développement »6.

Dans sa marche vers une autosuffisance énergétique, le Cameroun a choisi la solution


du mix énergétique7 combinant énergies de sources fossiles et énergies de sources
renouvelables. La structure du mix énergétique du Cameroun est composée des
énergies de source hydroélectrique (73,3 %), des énergies de source fossile (25,6 %) et
de la biomasse (1 %)8. Ces chiffres sont certes flatteurs, mais au regard de son

1
UNDP, UNDESA, WEC, World Energy Assessment Overview (WEA): 2004 Update, 1999/2000, fig.
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3, pp. 26-27.
2
Discours de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun, lors de la cérémonie d’inauguration
de l’unité de traitement de gaz naturel de Ndogpassi à Douala, le 15 novembre 2013.
3
https://www.missionenergie.goodplanet.org/fiche/lenergie-dans-le-monde/.
4
« Quelle est la source d’énergie la plus utilisée dans le monde ? », https://.engie.fr.
5
B. Lormeteau, « Une transition énergétique en construction », RDI, 2019, p. 425.
6
Art. 1er de la loi du 14 décembre 2011.
7
Pour satisfaire ses besoins énergétiques, chaque pays utilise dans des proportions différentes les
énergies dont il dispose : c’est ce qu’on appelle le mix énergétique (ou bouquet énergétique), qui désigne
la répartition des différentes sources d’énergies primaires dans la consommation énergétique finale d’une
zone géographique donnée. Il inclut les énergies fossiles (pétrole, gaz naturel, charbon), le nucléaire et
les diverses énergies renouvelables (biomasse, éolien, géothermie, hydraulique et solaire).
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8
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Observ’ER, La production d’électricité d’origine renouvelable : détails par régions et par pays, 2013,
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p. 292.

142
« potentiel robuste et dense »9 en sources d’énergies renouvelables10, le Cameroun
pourrait devenir un pays modèle avec un système énergétique complètement décarboné
et sécurisé.

Le terme « transition » évoque le passage d’un état actuel à un état futur. Ce concept a
été soulevé pour la première fois par l’Öko Institut, un institut allemand de recherche
sur l’environnement reconnu d’utilité publique en 1980, qui proposait de diminuer puis
de supprimer l’utilisation du nucléaire et des énergies fossiles, pour transiter vers un
mix énergétique basé sur des ressources renouvelables et une production électrique
décentralisée11.

Le terme « transition énergétique » renvoie donc au passage du système énergétique


actuel, polluant et dangereux, à un système énergétique décarboné et sécurisé, axé sur
la valorisation des ressources renouvelables, qui n’émettent pas de GES, qui sont
inépuisables et moins dangereuses12.

Dès lors, quelle est la contribution de la loi camerounaise du 14 décembre 2011 à la


transition énergétique ? A-t-elle été assez ambitieuse ou non ?

S’il est évident que cette loi apporte une contribution avérée à la transition énergétique
(1), cette contribution demeure cependant entravée par une politique énergétique peu
ambitieuse et par le caractère dépassé de cette loi (2).

1. Une contribution avérée à la transition énergétique


Une lecture croisée des dispositions de la loi camerounaise du 14 décembre 2011
permet d’affirmer qu’elle contribue de manière substantielle à la transition énergétique.
D’une part, elle prône l’abandon progressif des sources d’énergies polluantes et
dangereuses et la promotion des énergies renouvelables (1.1). D’autre part, elle
contribue à la maîtrise de l’énergie par la gestion des pertes techniques (1.2).

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

9
Minepat, SND30, Stratégie nationale de développement 2020-2030. Pour la transformation
structurelle et le développement inclusif, 1ère édition, 2020, § 97, p. 43.
10
Le Cameroun dispose d’un des meilleurs potentiels hydroélectriques africains. Deuxième d’Afrique
après la RDC, son potentiel est aujourd’hui estimé à environ 20 000 MW, soit plus de 115 milliards de
KWh, essentiellement disponible dans le bassin de la Sanaga, que le pays pourrait produire chaque année
si ces ressources étaient mises en valeur. Pourtant, selon les chiffres officiels, à peine 5 % de ces
ressources sont actuellement mis en valeur. Voir Minepat, Cameroun vision 2035, document de travail,
février 2009, p. 39.
11
A. Darson, Transition énergétique et transition juridique : le développement des énergies de sources
renouvelables en France, thèse, Université de Bordeaux, juillet 2015, p. 25.
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12
Ibid., p. 26.

143
1.1. L’abandon progressif des sources d’énergies polluantes et
dangereuses et la promotion des énergies renouvelables
La stratégie de la transition énergétique repose sur deux piliers : l’efficacité et la
sobriété énergiques, d’une part, et la priorité accordée aux énergies renouvelables,
d’autre part. La loi camerounaise de 2011 s’appuie effectivement sur ces deux piliers,
en optant pour l’abandon des sources d’énergies polluantes ou dangereuses (1.1.1). En
contrepartie de cet abandon, elle encourage la promotion des énergies renouvelables
(1.1.2).

1.1.1. L’abandon progressif des sources d’énergies polluantes et


dangereuses

Face au caractère polluant des énergies de source fossile et à la dangerosité de certaines


sources d’énergies, le législateur de 2011 a fait le choix d’amorcer le cap de la transition
énergétique. Il s’agit d’une réelle rupture avec le modèle énergétique actuel.

Les sources d’énergies dangereuses visent principalement l’industrie nucléaire qui,


bien que qualifiée d’énergie propre et n’emportant aucune répercussion sur le climat,
se caractérise par sa dangerosité pour la planète et la population13. Les catastrophes
nucléaires de Tchernobyl 14 et de Fukushima15 ont pu démontrer l’importance des
conséquences tant humaines qu’environnementales générées par de tels accidents. Par
ailleurs, les déchets nucléaires radioactifs, qui ne peuvent être réutilisés ni recyclés,
représentent une source importante de pollution et de dangerosité sur des durées
extrêmement longues. En outre, l’uranium dont les stocks sont estimés à 60 ans est
également en voie de disparition16. Au regard de ce qui précède, tout projet d’énergie
nucléaire « dont l’impact se révèlerait écologiquement désastreux devrait être sinon
abandonné, du moins sérieusement révisé »17.

Le problème de la dangerosité de certaines sources d’énergie concerne également le


gaz de schiste (GDS). Eldorado énergétique en raison des réserves mondiales estimées
à 920 Téra mètres cubes18 à même d’assurer 250 ans de consommation, le GDS fait
partie de la grande famille des gaz et hydrocarbures dits « non conventionnels »,
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qualificatif lié au fait qu’ils ne peuvent être extraits selon les techniques

13
A. Darson, thèse précitée, p. 23.
14
L’accident nucléaire de Tchernobyl, à la suite d’essais de sécurité non maîtrisés, a eu lieu le 26 avril
1986 dans la centrale Lénine, située à l’époque dans la République d’Ukraine en URSS.
15
La catastrophe de Fukushima est un accident industriel majeur qui a eu lieu le 11 mars 2011 au Japon
à la suite d’un séisme suivi d’un tsunami sur la côte Pacifique du Tōhoku.
16
A. Darson, thèse précitée, pp. 23-24.
17
J. Untermaier, « Le droit de l’environnement, réflexion pour un premier bilan », Année de
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l’environnement, vol. 1, 1981, p. 58.


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18
1 Tm3 = 1000 milliards de mètres cubes.

144
traditionnelles19. En effet, la technique de l’hydrofracturation utilisée pour sa
production soulève de vives inquiétudes auprès des scientifiques et des populations.

La loi camerounaise du 14 décembre 2011 est muette sur la réglementation des gaz et
pétroles de schiste, notamment leur production sur le sol camerounais, leur importation
et leur utilisation. Ce vide juridique appelle une réflexion approfondie, prenant en
compte les engagements internationaux du Cameroun, afin que les incertitudes
techniques, scientifiques, sanitaires, environnementales et climatiques soulevées par
les gaz et pétroles de schiste soient précisées. À cet effet, le juriste doit s’interroger sur
la place du droit dans l’arbitrage d’intérêts contradictoires tant économiques et sociaux
qu’environnementaux.

Comme sources d’énergies polluantes, on a principalement les centrales thermiques


fonctionnant à base de fuel lourd (Limbé) ou de gaz (Kribi). Le vieillissement des
barrages hydroélectriques a conduit à la construction des centrales thermiques pour
pallier le déficit de production énergétique. Ainsi, plusieurs autres centrales thermiques
existent à travers le pays. Le rapport annuel d’ENEO (Energy of Cameroun) pour
l’année 2018 fait état de 26 centrales thermiques20.

Il apparaît donc clairement que, face à la crise énergétique actuelle que traverse le
Cameroun, le gouvernement fait preuve d’un mesquin pragmatisme. Pourtant, les
externalités climatiques et environnementales produites par ces sources d’énergies
polluantes devraient logiquement militer pour leur abandon progressif au profit des
sources d’énergies renouvelables.

1.1.2. La promotion des énergies renouvelables

La communauté internationale a pris conscience de la nécessité de développer les


énergies de sources renouvelables afin de lutter contre les changements climatiques.
Plusieurs initiatives environnementales internationales ont stimulé cet intérêt.

D’abord, le programme Action 21 proposé par la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro en 1992, qui vise à mettre
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en œuvre le concept de développement durable. L’énergie durable, application du


concept au domaine de l’énergie, constitue « la pierre angulaire du développement
durable »21, notion dégagée en 1987 dans le rapport Brundtland qui considère qu’il

19
Ph. Billet, « Gaz de schiste : l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique », Bulletin du droit
de l’environnement industriel, 2011, p. 35 et s.
20
ENEO, Rapport annuel 2018, p. 3, https://eneocameroon.cm/.
21
Synthèse du rapport sur l’énergie dans le monde, 2000, préface,
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http://www.energyandenvironment.undp.org/undp/indexAction.cfm?module=Library&action=GetFile
&DocumentAttachmentID=1936.
145
convient d’intégrer le développement durable dans chaque secteur de l’activité
humaine22.

Ensuite, vient la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(CCNUCC) et le Protocole de Kyoto, qui vise une action internationale de réduction
des émissions anthropiques de GES. Ce dernier texte prône la mise en œuvre des
politiques axées sur la recherche, la promotion, la mise en valeur et l’utilisation accrue
de sources d’énergies renouvelables23.

Puis, les énergies renouvelables ont aussi été mises en valeur lors du Sommet mondial
sur le développement durable, tenu à Johannesburg en 2002, et au cours de la
Conférence internationale sur les énergies renouvelables, tenue à Bonn en 2004.

En tant que signataire de la quasi-totalité de ces instruments internationaux, le


Cameroun s’est engagé à mettre en œuvre des actions visant à réduire les émissions de
GES, notamment par la promotion des énergies renouvelables (EnR). Cet engagement
s’est matérialisé dans le Plan national énergie pour la réduction de la pauvreté (PNERP)
ainsi que dans la Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030 (SND30). Ces
deux documents réservent 80 % de nouvelles sources d’approvisionnement aux EnR,
principalement à l’hydraulique, au solaire et à la biomasse24.

L’hydroélectricité est la première source d’EnR au Cameroun. Jusque-là, les pouvoirs


publics n’avaient manifesté que très peu d’intérêt pour la promotion des énergies
alternatives (solaire, éolienne et autres) dont le potentiel, selon plusieurs études, est
incommensurable. Selon les spécialistes, le potentiel en énergie solaire du Cameroun
serait 20 fois supérieur au potentiel hydroélectrique25.

Certaines sources d’EnR ne sont pas encore exploitées au Cameroun. C’est le cas
notamment de l’énergie éolienne, alors même que les régions du Nord et de l’extrême
Nord présentent des sites favorables pour son développement, notamment dans les
villes de Maroua, de Kousséri et de Kaélé26.

Les grandes perturbations apparues ces dernières années dans la fourniture de l’énergie
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

électrique ont poussé plusieurs PME à se lancer dans le secteur des EnR, notamment
dans le domaine du solaire photovoltaïque. Pour encourager ces entreprises, l’article
67 de la loi de 2011 prévoit la création d’une agence en charge de la promotion et du
développement des EnR, dont la mise en place se fait toujours attendre.
22
Rapport Brundtland, chapitre 2 : vers un développement soutenable.
23
Protocole de Kyoto, article 2, 1., a), iv).
24
R. Mbiake et al. « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal de l’énergie au
Cameroun », in O. C. Ruppel et E. D. Kam Yogo (dir.), Droit et politique de l’environnement au
Cameroun - Afin de faire de l’Afrique l’arbre de vie, Konrad Adenauer Stiftung, 2018, p. 637.
25
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A. Nguesseu et al., Options politico-juridiques pour un envol durable des énergies renouvelables au
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Cameroun, Friedrich Ebert Stiftung, Yaoundé, 2019, p. 12


26
Ibid.
146
1.2. La maîtrise de l’énergie par la gestion des pertes techniques
Il convient de rappeler que l’électricité se stocke difficilement. La plupart des solutions
de stockage se situent encore au stade de l’innovation. C’est la raison pour laquelle,
lorsqu’elle est produite, elle doit être transportée puis aussitôt consommée. Les
difficultés de stockage de l’électricité et le coût très élevé des pertes liées au transport,
auxquels il faut ajouter la congestion et la vétusté des équipements, influencent
directement les tarifs et empêchent le maintien d’un équilibre parfait entre la production
énergétique et la consommation.

Pour une utilisation rationnelle de l’énergie produite, la loi du 14 décembre 2011


préconise de minimiser les pertes techniques de l’énergie produite. La notion de pertes
techniques (1.2.1) mérite d’être clarifiée avant d’envisager les solutions proposées pour
une gestion rationnelle de ces pertes (1.2.2).

1.2.1. La notion de pertes techniques

La maîtrise de l’énergie est l’ensemble des mesures prises et des actions mises en œuvre
en vue de l’utilisation rationnelle de l’énergie et du développement des EnR27. La
notion de pertes techniques mérite d’être distinguée des pertes non techniques ou pertes
commerciales qui sont dues à la mauvaise gestion de la clientèle et à la fraude.

Par contre, les pertes techniques sont dues à la vétusté et la saturation du réseau de
transport entraînant des pertes colossales de l’ordre de 30 à 40 % de la production
énergétique, alors que la norme internationale les fixe au maximum à 10 %. Le
phénomène des pertes en lignes de transport est comparable à ce qu’on appelle en
physique « l’effet joule », qui est l’échauffement que provoque le passage du courant
électrique dans un fil conducteur. Cet effet thermique crée une déperdition d’énergie,
qui elle-même est fonction de la résistance du conducteur, de la distance parcourue par
le flux électrique et de l’intensité du courant transporté. Pour le cas d’espèce, cela
revient à dire que les lignes haute tension (HT), qui transportent l’énergie à partir des
centrales de production, perdent trop d’énergie au cours de l’acheminement de
l’électricité vers les transformateurs qui assurent la distribution au consommateur final
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

(au niveau du point de livraison ou d’une borne poste).

1.2.2. Les solutions proposées pour une gestion rationnelle des pertes
techniques

Compte tenu des pertes techniques colossales enregistrées sur le réseau de transport,
l’État a pris ses responsabilités en 2012 en créant la Direction des énergies
renouvelables et de la maîtrise de l’énergie (DERME) au sein du ministère de l’Eau et

27
La protection de l’environnement par les juridictions

Art. 5 de la loi du 14 déc. 2011.


africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

147
de l’Énergie28. Entre autres missions, la DERME s’occupe de la promotion des
économies d’énergie, de l’efficacité énergétique et des substitutions inter-énergies29.

En 2015, l’État a également créé la Société nationale de transport de l’énergie


électrique (Sonatrel), dans l’optique d’investir massivement dans la réhabilitation et la
modernisation du réseau public de transport d’électricité. Sans nul doute, la création de
la Sonatrel contribue à l’amélioration de la gouvernance du service public de
l’électricité. Ce qui permettra à terme la maîtrise de la déperdition de l’énergie qui
constitue la solution idéale au problème du renchérissement du coût de l’électricité au
Cameroun.

Afin d’éviter les pertes techniques dans la production décentralisée des énergies de
sources renouvelables, la loi du 14 décembre 2011 fait obligation au gestionnaire du
réseau de transport ou à tout distributeur de proximité d’acheter les excédents d’énergie
électrique des installations de production à partir des sources d’énergies renouvelables,
selon les conditions fixées par voie réglementaire30.

En somme, le législateur camerounais a fait preuve d’une généreuse ambition en


contribuant de manière significative à la transition énergétique. Cependant, cette
contribution reste entravée par de nombreux facteurs.

2. Une contribution entravée par une politique énergétique


peu ambitieuse et dépassée
La transition énergétique, telle qu’actuellement conceptualisée, fait l’objet de critiques
de la part de certains auteurs qui estiment que ce concept ne revêt pas une connotation
assez forte. Selon la doctrine, « l’heure semble davantage appeler des ruptures, des
changements, des mutations – y compris parfois brutales – que des transitions que l’on
suppose souples et négociées »31.

En plus de cette limite, d’autres entraves à la transition énergétique sont inhérentes au


contexte camerounais. À titre d’illustration, le mot « transition » ne figure nulle part
dans la loi du 14 décembre 2011, ce qui traduit à suffisance le caractère peu ambitieux
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

de la politique énergétique camerounaise et l’incapacité de cette loi à contribuer


efficacement à la transition énergétique. Faute d’avoir pris en considération certains
enjeux contemporains majeurs du secteur énergétique (2.2), la politique énergétique
actuelle se solde par la faiblesse de certains indicateurs du trilemme énergétique (2.1).
Toutes choses qui amènent le modèle énergétique actuel à évoluer.

28
Art. 7 du décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de
l’Énergie.
29
Art. 64 et 69 al. 1 du décret n° 2012/501 ci-dessus cité.
30
Art. 59 al. 3 de la loi du 14 déc. 2011.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

31
F. G. Trébulle, « Vers une transition positive ? », Environnement et développement durable, nov.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

2013, p. 1.

148
2.1. La faiblesse de certains indicateurs du trilemme
énergétique
Le défi majeur actuel en matière de transition énergétique est celui du trilemme
énergétique, c’est-à-dire le triple défi consistant à trouver des solutions répondant aux
trois aspects de la sécurité, de l’équité et de l’environnement. Dès lors, comment mettre
en place un cadre politique qui permette de fournir une énergie sûre, abordable et
respectueuse de l’environnement (un système énergétique durable) ?

La loi camerounaise du 14 décembre 2011 s’est préoccupée de manière insatisfaisante


de ces trois dimensions de l’énergie durable. C’est la raison pour laquelle on y relève
la faiblesse des indicateurs relatifs à la sécurité énergétique, d’une part (2.1.1), à
l’équité et à la durabilité énergétiques, d’autre part (2.1.2).

2.1.1. La faiblesse des indicateurs relatifs à la sécurité énergétique

La sécurité énergétique suppose la fiabilité des infrastructures énergétiques et la


capacité des fournisseurs d’énergie de répondre à la demande actuelle et à venir. Le
titre II de la loi du 14 décembre 2011 est intitulé : « Du service public de l’électricité
et des mesures de sécurité ».

En l’état actuel, le système énergétique camerounais n’est pas sûr. Les indicateurs de
sécurité d’approvisionnement énergétique sont insatisfaisants pour plusieurs raisons :
« (i) l’inadéquation globale entre l’offre et la demande ; (ii) la vétusté des
infrastructures de production, de transport et de distribution ; et (iii) le retard pris dans
la réalisation de nouveaux ouvrages de production identifiés dans le Plan de
développement du secteur de l’électricité (PDSE 2030) »32.

S’agissant particulièrement de la vétusté des infrastructures énergétiques, celle-ci


concerne à la fois les infrastructures de production et les infrastructures de transport.

En ce qui concerne les infrastructures de production, plusieurs centrales sont en deçà


de leurs capacités de production à cause de leur vétusté. C’est le cas de la centrale
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

hydroélectrique de Lagdo, d’une capacité nominale installée de 72 MW, qui de nos


jours n’excède plus 13 MW33. De même, avant la mise en service du barrage réservoir
de Lom Pangar, la centrale hydroélectrique d’Édéa, d’une puissance installée de
276 MW, ne produisait que 130 MW pendant la saison d’étiage, tandis que la centrale

32
Minepat, SND30, op. cit., § 154, p. 52.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

33
« La problématique de la fourniture de l’énergie électrique au Cameroun », déclaration du ministre de
African Journal of Environmental Law

l’Eau et de l’Énergie (Minee).

149
hydroélectrique de Songloulou ne produisait que 290 MW malgré une puissance
installée de 384 MW34.

Pour ce qui est des infrastructures de transport, il convient de relever « la discontinuité


du service d’électricité aux abonnés, en raison de nombreux délestages. Cette situation
est redoublée par la vétusté des réseaux de transport et de distribution qui occasionnent
des pertes d’environ 40 % de l’énergie produite »35. Lors d’une conférence de presse
organisée le 1er avril 2021 à Yaoundé, le ministre de l’Eau et de l’Énergie a déclaré que
« [l]e parc actuel évalué au niveau national à 1 300 000 poteaux bois est à 60 %
vétuste »36.

L’article 70 de la loi de 2011 prévoit la création future du programme national de


maîtrise d’énergie. Sa mise en place contribuera sans doute au renforcement de la
sécurité des approvisionnements en énergie électrique.

2.1.2. La faiblesse des indicateurs relatifs à l’équité et à la durabilité


énergétiques

Selon l’article 3 (2) de la loi du 14 décembre 2011, « [l]e service public de l’électricité
est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans
les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité
économique, sociale et énergétique ». Plus loin, la même disposition précise que le
service public de l’électricité concourt à la cohésion sociale, à la lutte contre les
exclusions et au développement équilibré du territoire. Outre l’indicateur de sécurité
énergétique, cette disposition pose les deux autres indicateurs du trilemme énergétique,
à savoir l’équité et la durabilité énergétiques.

L’équité énergétique fait partie de l’ODD 7 qui a pour objectif de garantir l’accès de
tous à des services énergétiques fiables, durables, modernes et abordables.
L’accessibilité énergétique suppose l’accessibilité physique et économique à l’offre
d’énergie pour toute la population.

S’agissant de l’accessibilité physique, « [l]e taux d’accès à l’électricité atteint 90 % en


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

milieu urbain et seulement 20 % en milieu rural »37. Comme l’indique la SND30,


« cette faible performance peut s’expliquer par : (i) l’insuffisance de production ; (ii)
la vétusté du réseau de distribution électrique ; (iii) le mauvais entretien des
infrastructures et équipements ; (iv) les lenteurs des équipes de maintenance du réseau

34
La mise en service du barrage réservoir de Lom Pangar a permis à la centrale d’Edéa de produire
désormais 220 MW et à la centrale de Songloulou 384 MW en période d’étiage, soit un gain
supplémentaire de 174 MW pour le système électrique: ibid.
35
Minepat, SND30, op. cit., § 153, p. 52.
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

36
African Journal of Environmental Law

« La problématique de la fourniture de l’énergie électrique au Cameroun », précité.


37
Minepat, SND30, § 153, p. 52.

150
électrique ; etc. Tout cela générant des coupures intempestives et un accès insuffisant
au courant électrique »38.

L’accessibilité économique à l’énergie électrique au Cameroun n’est pas non plus


satisfaisante à cause des coûts de production qui restent très élevés. À titre
d’illustration, le fonctionnement annuel des centrales thermiques dans la partie
septentrionale du pays coûte 13 milliards de FCFA au gouvernement39. En plus, « Eneo
reçoit un milliard de FCFA par semaine suite aux Très Hautes Instructions du Chef de
l’État pour approvisionner les centrales thermiques en combustibles »40.

Cette cherté du coût de production de l’énergie a inéluctablement un impact sur le prix


final du KWh facturé au consommateur. Le prix de revient du KWh au sortir de la
centrale thermique de Yassa serait de 110 FCFA, soit 10 fois le prix du même KWh
produit à partir de la centrale hydroélectrique de Songlulu. Ce qui laisse croire que le
problème central en matière de tarification au Cameroun réside non seulement dans les
pertes techniques en lignes de transport, mais aussi et surtout dans la transition
énergétique.

La durabilité énergétique quant à elle suppose l’efficacité énergétique de l’offre et de


la demande, le développement d’une offre d’énergie issue de sources renouvelables ou
à faibles émissions de dioxyde de carbone. Il s’agit, par le biais de l’énergie durable,
de rechercher l’efficacité et la sobriété énergiques. L’article 67 de la loi du 14 décembre
2011 envisage de créer une agence en charge de la promotion des EnR. Cette structure
aura pour objectif de rechercher de nouvelles formes d’énergie afin d’assurer l’accès
de tous à l’énergie.

2.2. L’absence de prise en compte de certains enjeux contemporains


du secteur énergétique

La prise de conscience de la nécessité de limiter les émissions de GES dans le domaine


de la production énergétique est désormais universelle. Plusieurs initiatives ont été
prises à l’échelle planétaire. C’est le cas de l’initiative énergie durable pour tous
(SE4All)41 du Secrétaire général des Nations Unies et de la résolution 69/225 sur la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

« Promotion des sources d’énergies nouvelles et renouvelables »42 par laquelle


l’Assemblée générale de l’ONU a proclamé la « Décennie 2014-2024 Décennie de
l’énergie durable pour tous » (§ 1).
38
Ibid, § 322, p. 81.
39
« Électricité. Le fonctionnement des centrales thermiques dans le septentrion camerounais coûte 13
milliards FCFA par an (gouvernement) », https://www.investiraucameroun.com/.
40
« La problématique de la fourniture de l’énergie électrique au Cameroun », précité.
41
L’initiative « Énergie durable pour tous », dite en anglais Sustainable Energy for All (SE4All par
acronyme), a été lancée en septembre 2011 dans le but d’atteindre trois objectifs à l’horizon 2030 :
assurer un accès universel à des services énergétiques modernes ; doubler le taux global d’amélioration
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africaines : avancées nationales et régionales
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de l’efficacité énergétique ; et doubler la part des EnR dans le mix énergétique global.
42
Adoptée le 19 décembre 2014, A/RES/69/225, 3 février 2015.
151
En référence à l’Accord de Paris sur le climat, la recherche de l’objectif de « neutralité
carbone » est désormais une préoccupation primordiale dans le domaine de l’énergie
(2.2.1). D’où la nécessité de redéfinir une politique énergétique plus amitieuse (2.2.2).

2.2.1. La nécessaire recherche de l’objectif de « neutralité carbone »


en référence à l’Accord de Paris sur le climat

Près d’une décennie après son adoption, la loi du 14 décembre 2011 est désormais en
déphasage avec les nouveaux engagements internationaux de l’État. En effet, dans le
cadre de l’Accord de Paris sur le climat de 2015, tous les pays se sont engagés à
maintenir la hausse des températures en deçà de 2°C (et de préférence 1,5°C) par
rapport à l’ère préindustrielle, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone. Cet
objectif est défini à l’article 4.1 : chaque pays doit parvenir à un équilibre entre les
émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de
GES au cours de la deuxième moitié du siècle. L’enjeu de la neutralité carbone consiste
à trouver un équilibre entre les émissions de CO2 et leur absorption par des réservoirs
de carbone. Cela permet de limiter les changements climatiques en activant deux leviers
à l’échelle mondiale : une réduction des émissions de GES et un développement des
puits de carbone.

L’objectif de neutralité carbone impose aux États et à certains acteurs non-étatiques43


une réduction drastique des émissions de GES produits par les combustibles fossiles
(charbon, pétrole, gaz naturel), particulièrement dans les secteurs de la production et
de la consommation d’énergie. Pour cela, une transition rapide et profonde de toutes
les composantes clés du système énergétique est nécessaire : infrastructures de
production, de transport, de distribution, de fourniture, d’importation, d’exportation...
Cela passe par une transition normative modifiant de fond en comble les règles
actuellement applicables.

Dans le cadre de la COP 21 de 2015, le Cameroun a présenté sa contribution prévue


déterminée au niveau national, devenue contribution déterminée au niveau national
(CDN), avec des objectifs précis en termes de réduction des GES et d’apport des
sources d’EnR au mix énergétique national à l’horizon 2035, c’est-à-dire avant
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’horizon fixé par l’Accord de Paris. Ce qui apparaît comme une généreuse ambition
de la part du Cameroun qui s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de GES
à hauteur de 32 %, en produisant 25 % de son électricité à partir des EnR44.

43
La neutralité carbone est devenue une référence pour un nombre grandissant d’acteurs non étatiques.
Par exemple, 1100 entreprises ont adopté les objectifs de neutralité carbone et ont rejoint la Campagne
Objectif Zéro de la COP 26 au Royaume-Uni aux côtés d’autres acteurs non étatiques. Voir
https://unfccc.int/news/cities-regions-and-businesses-race-to-zero-emissions.
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La protection de l’environnement par les juridictions
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N° 05 • 2020
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44
African Journal of Environmental Law

A. Nguesseu et al., op. cit., p. 8.

152
Face à l’urgence écologique, il convient d’agir rapidement et efficacement contre les
émissions de GES, en mettant réellement en œuvre les engagements pris au niveau
international. Car comme l’avait relevé Ban Ki-moon, « plus nous attendons, plus nous
en paierons le prix »45.

2.2.2. La nécessaire redéfinition d’une politique énergétique plus


ambitieuse

La politique énergétique (à court et à long termes) d’un pays se définit par rapport à la
place ou à l’importance qu’il accorde à chaque type de source d’énergie dans son mix
énergétique. En référence à la transition énergétique, elle se définit par rapport à la
place qu’il accorde aux EnR et sa contribution à l’atténuation de la production des
GES46.

La valorisation du potentiel énergétique camerounais de sources renouvelables


(biocarburants, hydroélectricité, géothermie, éolienne, solaire…) en vue de garantir
l’accès à une énergie durable pour tous ne saurait se faire sans un cadre législatif et
réglementaire solide et incitatif. Cette transition juridique nécessite la résolution de
l’équation suivante : comment produire plus d’énergie avec moins d’émissions de
GES ?

Au Cameroun, la transition juridique qui devrait accompagner la transition énergétique


traîne encore le pas. Depuis 2014, un avant-projet de loi portant promotion et
développement des EnR au Cameroun est en chantier comme l’indique la décision
n° 0000185/11/MINEE/SG/DERME du 1er avril 2014 portant création d’un groupe de
travail technique chargé de l’élaboration de la loi portant régime général des EnR au
Cameroun.

Cette approche purement sectorielle met en lumière les lacunes et les insuffisances de
la politique énergétique face au dérèglement climatique. Il aurait été préférable
d’adopter une loi de programmation pluriannuelle relative à l’énergie et au climat,
porteuse d’objectifs chiffrés47, soutenus par des dispositifs fiscaux incitatifs de nature
à assurer l’effectivité de la transition énergétique.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Comme on le voit, la méthodologie utilisée (la sectorialisation) interroge quant à la


fermeté de la transition énergétique envisagée. La nouvelle politique énergétique
nécessite une modification en profondeur du cadre juridique et institutionnel pour

45
Discours de Ban Ki-moon, alors SG des Nations Unies, prononcé le 11 décembre 2014 lors de la
conférence sur le changement climatique de 2014 à Lima,
http://www.unmultimedia.org/radio/french/2014/12/plus-nous-attendonsplus-nous-en-paierons-le-prix-
ban-ki-moon-appelle-a-agir-pour-le-climat/#.VPVO3vmsVqU.
46
R. Mbiake et al. « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal de l’énergie au
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

Cameroun », précité, p. 637.


47
À titre de droit comparé, voir les art. L. 100-1 et s. du code de l’énergie de la France.
153
inclure par exemple une évaluation systématique de l’impact en termes d’émissions de
GES dans tous les secteurs.

Une politique énergétique ambitieuse suppose également une adaptation au plus près
du territoire des objectifs et des mesures de compensation de GES ne promouvant pas
des solutions d’ingénierie climatique hors sol, c’est-à-dire des objectifs décidés à
l’échelon central dans la pure tradition jacobine48.

Conclusion
L’évaluation de la contribution de la loi du 14 décembre 2011 à la transition
énergétique a permis de faire un constat nuancé. D’une part, à défaut d’avoir
révolutionné le droit camerounais de l’énergie électrique, elle a fait preuve d’une
généreuse ambition, en prévoyant de nombreuses dispositions qui prônent l’abandon
des sources d’énergies polluantes et/ou dangereuses, ainsi que la maîtrise de l’énergie
et la gestion des pertes techniques. D’autre part, elle a également fait preuve d’un
mesquin pragmatisme, en faisant abstraction de nouveaux enjeux du secteur
énergétique. Le caractère peu ambitieux et dépassé de la politique énergétique actuelle
(faiblesse des indicateurs du trilemme énergétique) et des outils visant à la mettre en
œuvre constituent autant de freins à la transition énergétique. Comme quoi « les vieux
paradigmes ne permettent pas de vrais changements »49. Globalement, la loi de 2011
mérite d’être révisée afin d’y intégrer les nouveaux engagements pris par l’État dans le
cadre de l’Accord de Paris sur le climat, en vue d’atteindre l’objectif de neutralité
carbone.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

48
B. Lormeteau, « Une transition énergétique en construction », RDI, 2019, p. 425.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

49
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Conseil mondial de l’énergie, Trilemme énergétique mondial. Le programme du changement, 2013,


African Journal of Environmental Law

p. 2.

154
LE CADRE JURIDIQUE DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES AU CAMEROUN : UNE
CONTRIBUTION À LA SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE DES
CITOYENS ?
Mary YAYA KENFOY
Doctorante en droit de l’environnement, chargée de recherche, CNE/MINRESI
Mireille Esther BATJOM
Doctorante en droit international, chercheure associée en énergies renouvelables,
CARPEM
Carole Valérie NOUAZI KEMKENG
Maître de recherche, CNE/MINRESI
Résumé
Au Cameroun, la majeure partie de la population n’a pas accès aux services
énergétiques de base, notamment dans les zones rurales. Pourtant, le pays dispose d’un
potentiel en énergies renouvelables peu exploité, dont le développement peut
contribuer à améliorer l’offre énergétique encore très insuffisante. Le Cameroun entend
instaurer un nouveau modèle énergétique, plus robuste et durable, face aux enjeux
d’approvisionnement en énergie et aux impératifs de la protection de l’environnement,
ce qui nécessite une transition juridique. Cet article analyse et évalue la prise en compte
par l’État camerounais de l’utilité sociale et environnementale des énergies
renouvelables, à l’aune du cadre juridique existant et des réalités sociales de la
population. Ce faisant, il met en lumière l’idée de relativité : malgré l’existence d’un
cadre juridique moderne sur les énergies renouvelables, de nombreuses limites
entravent la sécurité énergétique de la population.
Mots clés : changement climatique, cadre juridique, énergies renouvelables, sécurité
énergétique.
Abstract
The majority of people living in rural areas do not have access to basic energy services
in Cameroon, Yet the country has a renewable energy potential that is under-exploited,
the development of which can contribute to improving energy supply, which remains
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

very insufficient. Cameroon intends to establish a new, more robust and sustainable
energy model to face the challenges of energy supply and the imperatives of
environmental protection, which requires a legal transition. This paper reviews and
assesses the consideration by the Cameroonian State of the social and environmental
utility of renewable energy, in the light of the existing legal framework and the social
realities of the people. In doing so, the paper highlights the idea of relativity: despite
the existence of a modern legal framework for renewable energy, many limitations
hinder social energy security.

Keywords: climate change, legal framework, renewable energy, energy security.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

155
Introduction
Le changement climatique et les énergies renouvelables sont des concepts utilisés dans
de nombreux débats à travers le monde, d’autant plus que les effets dévastateurs du
changement climatique ne laissent aucun pays indemne. Ces effets sont largement
causés par les activités humaines, comme le soulignent les rapports du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. De la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 à l’Accord de Paris sur le
climat de 2015, les États parties ont accepté de relever le défi de la réduction des
émissions de gaz à effet de serre (GES). L’Afrique reste le continent le plus touché,
bien qu’elle soit moins productrice et émettrice de GES, mais ses émissions pourraient
atteindre 104 millions de tonnes équivalent CO2 en 2035, soit une augmentation de
166 % par rapport à 2010 si aucune mesure n’est prise. La réglementation de la
production d’énergies renouvelables est considérée comme l’une des mesures
appropriées pour lutter contre les effets du changement climatique.

Ayant ratifié les conventions internationales sur le changement climatique, notamment


l’Accord de Paris, et s’alignant sur les Objectifs de développement durable, le
Cameroun s’est engagé, à partir de 2015, à réduire ses émissions de GES de 32 % et à
augmenter la consommation d’énergies renouvelables de 25 %. Le gouvernement a
entrepris des programmes visant à améliorer l’approvisionnement et le service
énergétique sur l’ensemble du territoire national, sachant que « l’énergie se situe au
cœur de tout processus de développement. Sans elle, il ne peut y avoir d’industrie, ni
de transformation de matières premières, et donc pas d’économie moderne »1.

Le cadre juridique des énergies renouvelables au Cameroun est aménagé au travers des
différents textes relatifs au secteur de l’électricité, dont la loi n° 011/022 du 14
décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité. Outre leur tendance à réduire
l’énergie à l’électricité, ces textes n’intègrent pas une réglementation approfondie des
énergies renouvelables2. Néanmoins, l’article 63 de la loi n° 011/022 donne une large
définition de l’énergie, qui englobe toutes les formes d’énergie issues de sources
renouvelables, à savoir : énergie solaire thermique et photovoltaïque ; énergie
éolienne ; énergie hydraulique des cours d’eau de puissance exploitable inférieure ou
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

égale à 5 MW ; énergie de la biomasse ; énergie géothermique ; énergies d’origine


marine. La réduction du dérèglement climatique par les énergies renouvelables est
soutenue par la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND 30). Lancée en
2020, elle vise à donner accès à l’électricité à toute la population d’ici 2030.

1
MINEE-REMP, Étude de mise en place d’un Plan de développement du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, 2017, cité par A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-
juridiques pour un envol durable des énergies renouvelables au Cameroun, Yaoundé, Friedrich Ebert
Stiftung, 2019.
2
Malgré les apports de la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011, qui consacre une section aux énergies
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renouvelables, on peut continuer de parler d’un vide juridique concernant ce secteur car certains textes
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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d’application de cette loi restent encore attendus.

156
Pour ce qui est du cadre institutionnel, la loi de 2011 prévoit la création d’une agence
de promotion des énergies renouvelables. Néanmoins, il existe au sein du ministère de
l’Eau et de l’Énergie (MINEE) une direction des énergies renouvelables et de la
maîtrise de l’énergie3, qui est chargée de promouvoir le développement des énergies
renouvelables. Ce cadre a été élargi à nombreux départements ministériels qui œuvrent
au quotidien pour le développement des énergies renouvelables.

Toutefois, la majeure partie de la population n’a pas accès aux services énergétiques
de base modernes, notamment dans les zones rurales. Pourtant, le Cameroun dispose
d’un potentiel en énergies renouvelables qui demeure peu exploité et dont le
développement peut contribuer efficacement à améliorer l’offre énergétique, qui reste
très insuffisante4. Malgré les progrès réalisés au fil des ans, 46 % des ménages (81 %
en milieu rural et 12 % en milieu urbain) n’ont toujours pas accès à l’électricité. D’ici
2035, il est prévu d’atteindre un taux d’électrification de 98 % de l’ensemble des
14 207 localités camerounaises5. Le Cameroun, tout comme les autres pays africains,
aspire au remplacement progressif des énergies fossiles par un mix énergétique
privilégiant les énergies renouvelables, ainsi qu’une réduction de la consommation et
des gaspillages énergétiques, et des économies d’énergie, notamment via
l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’évolution des comportements en termes
de consommation. Le gouvernement s’est ainsi engagé dans des projets de construction
de grands barrages hydroélectriques, par le biais de partenariats public-privé ou de
producteurs indépendants d’électricité, et de réhabilitation de certaines infrastructures
hydroélectriques. Le gouvernement encourage aussi la construction de centrales
solaires et de mini-centrales hydroélectriques pour répondre à la demande des ménages.
Son plan de développement en matière d’investissements vise à préparer l’après-pétrole
et à instaurer un nouveau modèle énergétique, plus robuste et durable, face aux enjeux
d’approvisionnement en énergie, aux évolutions des prix, à l’épuisement des ressources
et aux impératifs de la protection de l’environnement, ce qui nécessite une transition
juridique.

Le présent article analyse et évalue la prise en compte par l’État camerounais de l’utilité
sociale et environnementale des énergies renouvelables, à l’aune du cadre juridique
actuel et des réalités sociales de la population, en vue de répondre à la question de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

savoir si les outils juridiques relatifs aux énergies renouvelables au Cameroun

3
Créée par le décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de
l’Énergie.
4
La transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du système de production, de
distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire dans le but de le rendre plus
écologique. Concrètement, la transition énergétique vise à transformer un système énergétique pour
diminuer son impact environnemental. La transition énergétique s’appuie sur les progrès technologiques
et les volontés politiques au sens large (gouvernement, population, ONG, acteurs économiques…).
5
Ch. Tatsinkou, “Mainstreaming Energy Sustainable Development Goals (SDGs), Targets and
Indicators into Statistical Programmes. Cameroon’s Programme on Energy Statistics”, Paper presented
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africaines : avancées nationales et régionales
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at a seminar in Addis Ababa, 2016.

157
garantissent suffisamment la sécurité énergétique des citoyens. À travers un examen
critique, l’étude met en lumière l’idée de relativité : malgré l’existence d’un cadre
juridique moderne sur les énergies renouvelables (1), de nombreuses limites entravent
la sécurité énergétique de la population (2).

1. La consécration du cadre juridique de sécurisation


énergétique
Outre la sécurité énergétique des citoyens, le développement des énergies
renouvelables au Cameroun vise l’introduction et la promotion des filières de
transformation des énergies renouvelables exploitables6. Ainsi, il existe, d’une part, un
cadre normatif très dense et varié visant à assurer la sécurité énergétique des citoyens
(1.1) ; d’autre part, un cadre institutionnel renforcé dans l’optique d’assurer
l’implémentation de ces instruments juridiques (1.2).

1.1. Un cadre normatif dense et varié visant à assurer la sécurité


énergétique des citoyens
La politique énergétique du Cameroun est depuis longtemps construite essentiellement
autour de l’énergie électrique. Cette orientation se justifie par le fait que toutes les
sources d’énergie, même les énergies renouvelables, concourent à la production
d’électricité, qui est la forme sous laquelle l’énergie est largement consommée. Le
cadre législatif (1.1.1) et réglementaire (1.1.2) des énergies renouvelables au Cameroun
est appréhendé essentiellement au travers des différents textes relatifs au secteur de
l’électricité, qui constituant en quelque sorte le socle sur lequel s’appuie la sécurité
énergétique.

1.1.1. Le cadre législatif des énergies renouvelables

La chronologie des lois montre que ce sont les textes régissant le secteur de l’électricité
qui s’efforcent d’encadrer les énergies renouvelables au Cameroun7. Il est à noter que
la sécurité énergétique a toujours fait l’objet de dispositifs législatifs. Ainsi, le premier
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texte faisant office de loi régissant l’énergie spécifiquement, pris pour le territoire du
Cameroun sous les tutelles française et britannique durant la période coloniale, remonte
au 15 septembre 19218. Cette loi coloniale relative à l’utilisation des forces
hydrauliques, seule source d’énergie considérée comme renouvelable à cette époque, a
contribué à la mise en place d’une certaine sécurité énergétique. Au moment de
l’indépendance, la sécurité énergétique a été renforcée par trois opérateurs régionaux
qui se partageaient le marché de la production et la fourniture d’électricité : Cameroon
6
Article 65 de la loi de 2011.
7
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies renouvelables
au Cameroun, Rapport d’analyse, 2012, p. 50.
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8
Ibid.
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158
Electricity Corporation (POWERCAM), Énergie électrique au Cameroun
(ENELCAM) et Électricité du Cameroun (EDC). Il faudra attendre l’année 1975 pour
voir la fusion de ces trois opérateurs régionaux en un grand concessionnaire national,
la Société nationale d’électricité (SONEL)9, intégrant les trois segments d’opération
(production, transport et distribution) et dotée du monopole10 du service public de
l’électricité pour une sécurité énergétique optimale des citoyens du Cameroun
indépendant.

La période postcoloniale, quant à elle, est marquée par la révision de l’encadrement de


la fourniture d’énergie par la promulgation de la loi n° 20 du 26 novembre 1983 portant
régime de l’électricité, premier acte législatif se rapportant à la régulation de l’énergie
électrique et, partant, des énergies renouvelables, pris par les institutions du Cameroun
indépendant11. Cette loi prévoyait déjà à l’époque que l’électricité puisse être obtenue
à partir de sources d’énergie renouvelables12. Selon l’alinéa 1er de son article 2 :
« L’électricité s’entend, aux termes de la présente loi, comme une énergie générée à
partir des sources primaires (cours d’eau, lacs ou marées), des matières premières
minérales (charbon, pétrole, substances nucléaires, sources géothermiques ou autres),
ou des sources d’énergie renouvelables (rayonnement solaire, vent, biomasse, etc.) ».
Cette loi de 1983 fut également la première à soumettre la production et la distribution
d’énergie électrique à des régimes juridiques différents selon le critère de la puissance
exploitée : le régime de la liberté, le régime de la déclaration, le régime de l’autorisation
et le régime de la concession13. En raison de la faible puissance d’électricité pouvant
être produite à partir de sources renouvelables avec les technologies d’alors
(généralement inférieure à 1 MW), on peut considérer que le régime de la liberté, qui
ne requiert aucune formalité administrative, et le régime relativement simple de la
déclaration, définis dans cette loi, étaient favorables au développement des énergies
renouvelables pour la production d’électricité14.

La loi n° 98/022 du 24 décembre 1998 régissant le secteur de l’électricité, et régulant


par ricochet celui des énergies renouvelables, intervient sur un relent de crises
économique et énergétique. En effet, la SONEL, qui détient le monopole sur la filière
électricité depuis 1975, ne parvient plus à remplir ses missions de façon satisfaisante.
Ainsi, la dégradation des performances techniques et économiques de la SONEL, due
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à l’arrêt des financements de l’État confronté à la forte crise économique des années
1990, induit un ralentissement dans l’offre d’électricité à un moment où la demande est

9
Ibid., p. 51.
10
Monopole qui perdurera jusqu’en 1998.
11
Ministère des Mines, de l’Eau et de l’Énergie, Régime de l’électricité au Cameroun, Yaoundé, 1995.
12
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 51.
13
Articles 4, 5 et 7 de la loi n° 20 du 26 novembre 1983 portant régime de l’électricité.
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14
Il est toutefois regrettable que les centrales hydroélectriques, même les microcentrales, avaient été
exclues du régime de la liberté.
159
en forte hausse, la croissance de cette demande étant alors de l’ordre de 8 % par an15.
Avec la libéralisation du secteur de l’électricité et la privatisation de la SONEL qu’elle
prévoit, la loi de 1998 opère une réforme majeure du secteur de l’électricité. La SONEL
privatisée, qui doit assurer la production, le transport et la distribution de l’électricité
pour le renforcement de la sécurité énergétique, jouit d’un monopole sur le transport et
la distribution16. La loi, dans un souci d’efficacité énergétique, introduit aussi trois
acteurs majeurs du secteur de l’électricité : le ministère des Mines, de l’Eau et de
l’Énergie, l’Agence de régulation du secteur de l’électricité et l’Agence
d’électrification rurale. Mais seuls les articles 5 et 40 de cette loi mentionnent les
énergies renouvelables. L’article 5 se contente de préciser que les sources d’énergie
renouvelables (hydraulique, solaire, éolienne et géothermique) sont des « sources qui
existent naturellement et qui sont renouvelées de manière continue par la nature », qui
appartiennent aux sources d’énergie primaires. L’alinéa 2 de l’article 40 ajoute que
l’administration chargée de l’électricité assure « […] le suivi de l’utilisation des
sources d’énergie primaires, notamment renouvelables […] ».

Aujourd’hui, le texte de référence en matière d’énergies renouvelables et de sécurité


énergétique est la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de
l’électricité. Certaines de ses dispositions marquent une avancée notable pour la
promotion et le développement des énergies renouvelables17. L’article 3 est consacré
au service public de l’électricité18. Légalement définies à l’article 63, les énergies
renouvelables sont reconnues d’utilité sociale et environnementale à l’article 6419. En
vertu de l’article 59, les sources d’énergies renouvelables sont prioritaires pour
l’électrification rurale, des règles simplifiées étant énoncées aux articles 60 et 61 pour
la production et la distribution de l’électricité issue des sources renouvelables en zone
rurale. L’encadrement légal de la promotion des énergies renouvelables, notamment
les avantages fiscaux et douaniers pour les produits, biens et services destinés à leur
exploitation, prévus à l’article 6520, sont représentatifs du processus évolutif de la
sécurité énergétique. Avec ces dispositions inédites de la loi de 2011, le Cameroun a
voulu marquer son ancrage dans la modernité législative en matière d’énergies
renouvelables.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

15
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 52.
16
De même, cette loi de 1998 prévoit que la production sera libéralisée en 2001 et que la distribution
deviendra libre à compter de juillet 2006. Toutefois, les modalités de libéralisation de la distribution ne
seront jamais définies, reléguant la loi à un simple effet d’annonce.
17
La section 1 du chapitre 2 du titre 4 de cette loi est consacrée aux énergies renouvelables.
18
Article 3 : le service public de l’électricité comprend « le stockage de l’eau en vue de la production
d’électricité, la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité en
vue de la vente de l’énergie au public ».
19
Article 64 : « Les énergies renouvelables contribuent à la satisfaction des besoins énergétiques des
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consommateurs. Elles concourent à la protection de l'environnement et à la sécurité de


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l’approvisionnement ».
20
Article 65 : « L’État assure la promotion et le développement des énergies renouvelables ».
160
1.1.2. Le cadre réglementaire des énergies renouvelables

Nombreux sont les textes réglementaires qui confortent la sécurité énergétique de la


population. Le décret du 24 septembre 1931 portant réglementation de la distribution
et des lignes de transport d’énergie électrique au Cameroun, pris en application de la
loi précitée du 15 septembre 1921, fut à l’origine de la construction des premières
infrastructures de production hydroélectrique : la première microcentrale
hydroélectrique d’une capacité de 1924,72 KW21, le barrage hydroélectrique d’Edéa
fonctionnel en 1957, le barrage de retenue de Bamendjin opérationnel en 1968, celui
de Bakaou en 1974 et celui de Songloulou en 1980.

Grâce aux textes réglementaires qui ont suivi la loi de 1983, à savoir le décret
n° 90/1240 du 22 août 1990 portant régime de production d’électricité et son arrêté
d’application n° 20 bis du 12 juillet 1991, le décret n° 90/1241 du 22 août 1990 portant
régime de transport et de distribution électrique et son arrêté n° 20 du 12 juin 1991, la
circulaire n° 5 du 4 octobre 1990 relative aux économies d’énergie dans les
administrations et les organismes publics et parapublics, le Cameroun a pu réaliser le
barrage de retenue de Mapé en 1988 et le barrage hydroélectrique de Lagdo en 1986,
ainsi que les microcentrales hydroélectriques de Fonjumetaw (3217,7 KW) en 1988 et
de Bamougoum (153,4 KW) en 1997, pour répondre de manière efficace à la demande
énergétique généralisée.

Certains textes d’application de la loi de 1998, comme le décret n° 2000/462 du 26 juin


2000 portant renouvellement des concessions en cours, le décret n° 2000/464/PM du
30 juin 2000 régissant les activités du secteur de l’électricité et le décret
n° 2001/021/PM du 29 janvier 2001 fixant répartition des redevances, n’apportent
malheureusement rien de notable sur le développement des énergies renouvelables,
mais contribuent néanmoins au renforcement du cadre juridique.

1. 2. Un cadre institutionnel renforcé des énergies renouvelables


La création d’une « agence en charge de la promotion et du développement des énergies
renouvelables » est envisagée à l’article 67 de la loi de 2011. Au-delà de cette
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disposition, le cadre institutionnel des énergies renouvelables comprend des acteurs


multiples qui, dans la conduite quotidienne de leurs activités, jouent un rôle notable
dans l’essor des énergies renouvelables au Cameroun22.

21
Construite à Dschang dans la Région de l’Ouest en 1944 : V. Tekounegning, Contribution au
développement des microcentrales hydroélectriques dans la région de l’Ouest du Cameroun, thèse en
génie énergétique, Université de Dschang, 2010.
La protection de l’environnement par les juridictions
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22
Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 60.

161
1.2.1. Les acteurs publics et parapublics

Les acteurs publics et parapublics évoqués ci-après encadrent le secteur des énergies
renouvelables pour une effectivité de la sécurité énergétique.

1.2.1.1. Ministère de l’Eau et l’Énergie

Le ministère de l’Eau et l’Énergie (MINEE) est responsable de l’élaboration et du


développement des politiques en matière énergétique. Il veille à la conception, à la mise
en œuvre et au suivi de la politique gouvernementale dans le secteur de l’électricité, en
tenant compte de l’évolution technologique, des besoins de développement et des
priorités définies par le gouvernement dans ce domaine. Il est notamment responsable
de la planification générale ; de la conduite des études stratégiques sectorielles ; de
l’attribution des concessions et des licences ; de l’approbation des programmes
d’investissements des opérateurs et de la politique tarifaire dans le secteur de
l’électricité23. Dans un souci d’efficacité et de sécurité énergétique, une sous-direction
des énergies renouvelables a été créée24 au sein du MINEE. Elle est chargée de la
prospection et de l’inventaire des ressources disponibles en matière d’énergies
renouvelables, de la recherche et du transfert de technologies, de la conception et la
mise en œuvre des programmes de développement et des projets pilotes, du suivi des
opérations dans le secteur, de la vulgarisation des meilleures techniques d’utilisation
des ressources énergétiques renouvelables, etc. Elle est dotée d’un service des études
et de la normalisation dédié à l’élaboration d’une stratégie nationale des énergies
renouvelables et d’une carte de développement des énergies renouvelables, à la mise à
jour de la base de données sur leur consommation, au suivi des meilleures pratiques
pour leur développement et au suivi des organismes et des opérateurs dans ce
domaine25. La sous-direction dispose également d’un service du développement des
énergies renouvelables chargé d’identifier et de vulgariser les mesures incitatives à la
consommation des énergies renouvelables, de motiver les opérateurs du secteur, de
mettre en œuvre les meilleures pratiques et techniques d’utilisation optimale des
ressources énergétiques renouvelables, de suivre les projets pilotes du domaine et
d’appliquer les mesures de sécurité des installations et matériels de production et
d’utilisation des énergies renouvelables26.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.2.1.2. Agence de régulation du secteur de l’électricité

Dans le secteur spécifique des énergies renouvelables, l’Agence de régulation du


secteur de l’électricité (ARSEL) est compétente, aux termes de l’article 11 de la loi de

23
Article 71 de la loi de 2011.
24
Décret n° 2012/501 du 7 novembre 2012 portant organisation du ministère de l’Eau et de l’Énergie.
25
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 29.
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26
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Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 61.

162
2011, pour accorder les autorisations d’exercice des activités dans le secteur de
l’électricité. Il lui revient en outre de déterminer les prix de vente de l’électricité,
notamment celle produite à partir de sources renouvelables. Elle peut ainsi, en fonction
des montants fixés, favoriser ou décourager la sécurité énergétique et le développement
des énergies renouvelables27.

1.2.1.3. Agence d’électrification rurale

L’Agence d’électrification rurale (AER) est chargée de la promotion de l’électrification


rurale28. À ce titre, elle accorde aux opérateurs et aux usagers l’assistance technique, et
éventuellement financière, nécessaire au développement de l’électrification rurale. En
l’absence d’une institution spécifique dédiée à la promotion des énergies
renouvelables, l’AER apparaît aujourd’hui comme l’institution qui, par défaut, assume
cette fonction. Ce rôle se déduit de la loi de 2011, qui oriente l’électrification des zones
rurales vers le recours prioritaire aux installations de production d’électricité à partir
de sources d’énergies renouvelables, telles que les microcentrales hydroélectriques ou
les centrales solaires photovoltaïques. L’AER est la plus susceptible de renforcer la
sécurité énergétique de la population rurale de façon dynamique.

1.2.1.4. Comité de pilotage énergie et Comité national du Conseil mondial de


l’énergie

Le Comité de pilotage énergie29, acteur institutionnel peu connu, s’avère être un point
focal en matière d’énergies renouvelables au Cameroun, car il constitue une cellule de
réflexion, d’appui et de supervision des stratégies de gestion des situations de crise
énergétique et pour la finalisation du plan énergétique national. Le Comité national du
Conseil mondial de l’énergie30, quant à lui, est un organe placé auprès du ministre
chargé de l’énergie dont mission principale est « de préparer et d’assurer la
participation du Cameroun aux travaux du Conseil mondial de l’énergie et de suivre
l’application des recommandations dudit Conseil au Cameroun ». Fondé en 1923, le
Conseil mondial de l’énergie couvre une gamme complète des questions liées à
l’énergie, notamment les énergies renouvelables et la sécurité énergétique. Son objectif
est de « promouvoir la fourniture et l’utilisation durables de l’énergie pour le plus grand
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

bien de tous », en termes d’accessibilité, de disponibilité et d’acceptabilité.

27
Ibid. p. 62.
28
L’AER a été créée par le décret n° 99/193 du 8 septembre 1999, en application de l’article 58 de la loi
de 1998, repris par l’article 62 de la loi de 2011.
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29
Créé à la Présidence de la République par le décret n° 2003/243 du 12 décembre 2003.
30
Créé par le décret n° 96/036/PM du 21 février 1996.
163
1.2.1.5. Energy of Cameroon (ENEO)31, Electricity Development Corporation
(EDC) et Société nationale de transport de l’électricité (SONATREL)

Ces trois acteurs parapublics jouent un rôle significatif dans le processus de


sécurisation énergétique. Ils sont chargés notamment de la distribution et la
commercialisation de l’électricité, de la gestion du réseau de transport de l’électricité,
de l’exploitation, de la maintenance et du développement des réseaux publics de
transport de l’électricité sur l’ensemble du territoire camerounais, ainsi que de la
gestion des flux d’énergie qui y transitent32. Compte tenu des enjeux économiques des
énergies renouvelables et de la demande croissante en énergie, ils ont lancé des projets
de construction de centrales solaires photovoltaïque33, d’électrification rurale, ainsi que
de renforcement et d’extension des réseaux électriques de transport et distribution34.

1.2.1.6. Autres ministères

Divers autres ministères sont concernés par les énergies renouvelables. C’est
notamment le cas du ministère de l’Environnement, de la Protection de la nature et du
Développement durable, de celui des Forêts et de la Faune et son organisme de
rattachement, l’Agence nationale des forêts (ANAFOR), du ministère de l’Agriculture
et du Développement rural, de ceux de la Recherche scientifique et de l’Innovation, de
l’Industrie, des Mines et du Développement technologique, des Domaines, du Cadastre
et des Affaires foncières, pour ne citer que ceux-là, dont les apports ont des incidences
importantes sur l’essor des énergies renouvelables, y compris par les orientations de la
recherche et des technologies à développer.

1.2.2. Les institutions de recherche et de formation

Le Laboratoire de recherche énergétique (LRE)35 s’occupe spécifiquement des


recherches liées à l’énergie. Il comporte une section dédiée aux énergies non
conventionnelles, dont les énergies renouvelables font partie. Sur ces dernières, le LRE
mène des recherches théoriques et pratiques pour l’évaluation de leur potentiel, sur la
valorisation du système de conversion énergétique et sur l’économie d’énergie. À cet
égard, il a déjà obtenu quelques résultats probants, notamment sur la caractérisation des
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combustibles (bois, charbon, briquettes de sciure de bois, etc.) et des paramètres de


combustion (foyers améliorés) pour la détermination de normes applicables à ces
domaines. Le LRE a effectué la première évaluation du potentiel camerounais en
énergies renouvelables, contenue dans le Plan énergétique national de 1990.
31
Société créée le 12 septembre 2014.
32
Créée par le décret présidentiel n° 2015/454 du 8 octobre 2015, la SONATREL, à capital public, est
placée sous la tutelle technique du MINEE et la tutelle financière du ministère des Finances.
33
Un projet de construction des centrales solaires photovoltaïques par ENEO évalué à environ 14
milliards de francs CFA.
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34
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Un exemple distribué entre le MINEE, l’AER et l’EDC.


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35
Créé en 1979, le LRE est lié à l’Institut de recherche géologique et minière, qui dépend lui-même du
ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation.
164
Les institutions universitaires jouent un rôle prépondérant dans la recherche sur le
développement des énergies renouvelables. Ainsi, l’Université de Ngaoundéré
promeut, à travers l’Institut universitaire des technologies et l’École nationale
supérieure des sciences agro-industrielles, la recherche expérimentale et opérationnelle
sur les différentes sources d’énergies renouvelables. L’Institut supérieur du Sahel (ISS)
est l’une des premières structures de formation au Cameroun à instituer la filière
« énergies renouvelables » dans son cursus. L’importance qu’il accorde aux énergies
renouvelables tient à plusieurs facteurs favorables, comme la situation géographique
(zone sahélienne où le rayonnement solaire prédomine) et l’activité socioéconomique
dominée par l’élevage et l’agriculture (forte présence de bioénergies et nécessité de
conserver les récoltes). Le choix de ces énergies par l’ISS est mû notamment par la
volonté d’élever le taux d’électrification rurale, tout en réduisant la coupe abusive du
bois. Doté d’un laboratoire de recherche en énergies renouvelables, l’ISS constitue un
pôle de vulgarisation des enjeux technologiques et socioéconomiques y afférents. Pour
sa part, l’École nationale supérieure polytechnique comprend un laboratoire
énergétique qui compte quatre filières : le séchage, la production décentralisée de
l’énergie, les audits énergétiques et le thermique du bâtiment. Enfin, à l’Université de
Dschang, le Département du génie rural de la Faculté d’agronomie et des sciences
agricoles est un pôle de recherche sur les énergies renouvelables. On observe que les
pratiques consistant à initier des projets, sans coordination, dans le secteur des énergies
renouvelables, souvent reprochées aux ministères, se retrouvent dans ces institutions36.

1.2.3. Acteurs privés et partenaires étrangers

Il s’agit des ONG, des entreprises privées, des partenaires du développement comme
les banques,37 ou la GIZ, des organisations internationales comme le PNUD, etc., qui
ont des programmes dédiés à la promotion des énergies renouvelables. Les banques
opérant au Cameroun offrent aussi des opportunités pour financer les énergies
renouvelables. Afin de renforcer les capacités institutionnelles dans le secteur des
énergies renouvelables, l’État doit prendre des mesures incitatives pour encourager la
création de start-up et de petites et moyennes entreprises capables de développer des
projets innovants prenant en compte, à la fois, la sécurité énergétique, l’économie verte
et la lutte contre la pauvreté38.
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Les actions menées par les différents acteurs reposent sur les plans et programmes
relatifs aux énergies renouvelables, tel Plan énergétique national (PEN) de 1990. Ce
document de référence présente une vision globale de la politique énergétique au

36
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 36.
37
Comme la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de
développement, la Banque islamique pour le développement.
38
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
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énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 36.

165
Cameroun, répertoriant et intégrant les énergies renouvelables et les énergies
conventionnelles. Une large place y est faite aux énergies renouvelables : les données
permettaient déjà, dans les années 1990, de mener une réelle politique de
développement des énergies renouvelables à travers des mesures incitatives39. Par
ailleurs, le Plan directeur d’électrification rurale40, le Plan national énergie pour la
réduction de la pauvreté, le Plan de développement du secteur de l’électricité à
l’horizon 203041 et le Fonds d’énergie rurale42 sont autant d’instruments qui ébauchent
des voies et moyens pour le développement des énergies renouvelables afin d’atteindre
une sécurisation énergétique effective pour la population.

Malgré l’existence d’un cadre juridique et institutionnel favorable au développement


des énergies renouvelables au Cameroun, il subsiste de nombreuses limites qui
entravent la sécurité énergétique.

2. Les limites du cadre juridique de sécurisation


énergétique
À l’analyse, l’on constate que le cadre juridique supposé assurer la sécurité énergétique
des citoyens connaît de nombreuses faiblesses. D’une part, le cadre normatif est
insuffisant pour la garantie de la sécurité énergétique (2.1) ; d’autre part, la garantie
institutionnelle est limitée (2.2).

2.1. Un cadre normatif insuffisant pour assurer la sécurité


énergétique
Au regard de l’analyse du cadre normatif, l’on constate que la sécurité énergétique des
citoyens n’est pas suffisamment assurée en raison de l’absence des textes d’application
de certaines lois (2.1.1) et d’un manuel de procédures pouvant orienter les citoyens
dans leurs démarches administratives (2.1.2).

2.1.1. Le manque de textes d’application


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Les développements récents concernant les énergies renouvelables en Afrique


montrent que plusieurs pays ont adopté des lois spécifiques en la matière, comme le
Kenya (la loi sur l’énergie de 2019) ou la Gambie (la loi sur les énergies renouvelables
de 2013). En dépit de cette tendance, le Cameroun reste à la traîne puisque les énergies
renouvelables ne font encore l’objet que d’une section dans la loi n° 2011/022 de 2011

39
Les recommandations relatives aux énergies renouvelables contenues dans le PEN n’ont jamais été
mises en application, fragilisant davantage l’autosuffisance énergétique du pays.
40
Ce plan a été élaboré en 2001 pour impulser le désenclavement énergétique des zones rurales.
41
Ce plan a été élaboré en 2006 pour planifier la réalisation d’infrastructures en vue d’augmenter la
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

production d’électricité.
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42
Créé en 2009 pour assurer le financement des programmes et projets d’énergie rurale.

166
régissant le secteur de l’électricité. Aucun texte d’application n’a été pris pour
compléter cette section et aucune impulsion opérationnelle n’a été donnée par le
gouvernement, créant ainsi un vide juridique. La nécessité d’une loi consacrée aux
énergies renouvelables, prenant en considération les atouts et les réalités du Cameroun,
ainsi que les expériences d’autres pays, ne peut être sous-estimée.

De même, le développement des objectifs en matière d’énergies renouvelables est


important car celles-ci sont considérées comme technologiquement matures, rentables,
durables et efficaces pour lutter contre les effets du changement climatique. On estime
qu’en 2017 les investissements dans la capacité de production des énergies
renouvelables, effectués pour la plupart dans les pays en développement et émergents,
ont dépassé le montant investi dans la capacité de production des énergies fossiles43.
Associé à un cadre juridique bien défini, le développement des énergies renouvelables
peut dynamiser l’économie et améliorer la sécurité énergétique.

2.1.2. L’absence d’un manuel de procédure

Les goulots d’étranglement administratifs et l’absence d’une procédure définie dans le


secteur de l’énergie risquent d’entraver le développement des énergies renouvelables.
Le défaut d’une procédure claire pour l’exploitation, la production et la distribution des
énergies renouvelables contribue au manque de transparence dans ce secteur. Un
document spécifique devrait prescrire toutes les procédures administratives
nécessaires, conformément aux normes légales, depuis l’obtention des permis
d’exploitation des énergies renouvelables jusqu’à leur distribution. La loi n° 2011/22
énonce quelques prescriptions à cet égard, mais aucun texte d’application ne les a
précisées, rendant les procédures difficiles à saisir.

L’absence d’une procédure bien définie et d’un mécanisme de suivi dans le secteur de
l’énergie a poussé le MINEE à initier l’élaboration d’un manuel pour faciliter
l’application de la loi de 2011. Un tel guide serait aussi utile dans un souci de
transparence et de confiance dans les relations avec les partenaires étrangers. En outre,
il pourrait aider à intégrer les énergies renouvelables dans le système global de la
transition énergétique, en tenant compte des réalités nationales et des circonstances
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

locales44. Par exemple, les mesures visant à encourager les changements de


comportement et le déploiement des technologies des énergies renouvelables devraient
être illustrées dans ce manuel de procédure. De même, il devrait refléter la part des
énergies renouvelables dans la contribution déterminée au niveau national du
Cameroun, dont l’objectif est de réduire de 32 % les émissions de GES à l’horizon
2035.

43
IRENA et al., Renewable Energy Policies in a Time of Transition, 2018.
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africaines : avancées nationales et régionales
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44
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 39.
167
2.2. Une garantie institutionnelle limitée
Sur le plan institutionnel, la multiplicité des interventions non coordonnées dans le
secteur des énergies renouvelables impacte énormément la sécurité énergétique des
citoyens, dans la mesure où les chevauchements de compétences des acteurs impliqués
ne favorisent pas un développement harmonieux des énergies renouvelables45 (2.2.1).
En outre, la dépendance des acteurs publics et parapublics conditionne les processus
décisionnels et limite l’accès des consommateurs aux sphères de la prise de décision
(2.2.2).

2.2.1. Le foisonnement des acteurs du secteur des énergies renouvelables et


son impact sur la sécurité énergétique des citoyens

Comme on l’a souligné plus haut, plusieurs institutions travaillent, chacune à son
niveau, pour encadrer directement ou indirectement le secteur des énergies
renouvelables Il s’agit notamment de l’AER, l’ANAFOR, l’ARSEL, du LRE, de la
SONATREL et de bien d’autres ministères dont les activités ont trait aux énergies
renouvelables. Le foisonnement et la diversité des acteurs publics, parapublics et privés
ne facilite pas la coordination de leurs interventions et rend difficile la mise en œuvre
efficace de procédures souvent différentes. Il importe donc de structurer
judicieusement ce secteur afin que chaque institution ait une mission spécifique, tout
en veillant à ce que leurs rôles soient précisément définis et bien respectés. Au besoin,
certaines institutions peuvent être fusionnées pour une meilleure efficacité et un
moindre coût opérationnels46. Pour ce faire, tous les décideurs et les acteurs doivent
agir et coopérer dans les domaines connexes de façon synergique et innovante47.

2.2.2. L’absence d’autonomie des acteurs publics et parapublics

Au cours des dernières années, les acteurs du secteur de l’électricité ont subi de
nombreux changements de nom, mais en réalité l’État a maintenu le contrôle de la
propriété et de la direction de l’institution. Ainsi, cinq des neuf membres du conseil
d’administration de l’ARSEL sont nommés par le gouvernement et un seul représente
les consommateurs. Cela peut constituer un sérieux défi à la libre décision et la saine
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

gestion des ressources énergétiques. En outre, les responsables des organes concernés
sont nommés par le Président de la République ou par décret ministériel, ce qui ne leur
permet pas d’être autonomes sans l’intervention du gouvernement. Considérant que les
producteurs et distributeurs d’électricité accordent encore peu d’attention aux énergies
renouvelables, les acteurs privés peuvent apporter une contribution significative à leur
développement s’ils disposent d’une autonomie de décision à cet égard. Le potentiel
du Cameroun qui est estimé à une insolation moyenne de 4,9 KWh/m²/j, soit

45
Ibid., p. 28.
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N° 05 • 2020

46
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Ibid., p. 38.
African Journal of Environmental Law

47
IRENA et al., Renewable Energy Policies in a Time of Transition, op. cit., p. 15.

168
4 KWh/m²/j pour la partie Sud et 5,8 KWh/m²/j pour la partie Nord48. S’il est bien
exploité, il contribuera largement à réduire la pauvreté et à maintenir la stabilité
électrique dans toutes les régions du pays.

Conclusion
Les principes du développement durable, qui consistent à équilibrer les besoins des
générations actuelles et futures, s’étendent au secteur de l’électricité – l’un des
indicateurs du changement climatique –, ainsi qu’aux énergies renouvelables – l’une
des solutions au réchauffement climatique. Le gouvernement devrait sans tarder mettre
en place des institutions spécifiques, avec des politiques et des lois dédiées à
l’exploitation, la distribution et la consommation des énergies renouvelables. La mise
en œuvre effective de ces politiques et ces lois contribuera à la jouissance par les
citoyens de leur droit à l’approvisionnement en énergie, en particulier dans les zones
rurales, grâce à l’essor des énergies renouvelables.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

48
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Global Village Cameroon, État des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies
renouvelables au Cameroun, op. cit.

169
LES PRÉMICES D’UNE RÉGLEMENTATION DES
ÉNERGIES RENOUVELABLES AU TCHAD
Yannick DJIMOTOUM YONOUDJIM
Avocat stagiaire, chercheur et écrivain

Djamto GALY
Clerc d’avocat et chercheur

Résumé
L’énergie est un levier de développement. L’énergie fossile, naguère prisée par les
États, constitue l’une des principales causes du changement climatique. Tirant les
enseignements de la « crise écologique », la communauté internationale s’emploie à
rechercher des solutions. À ce titre, les énergies renouvelables sont désormais
recommandées et utilisées. Le Tchad, qui ne déroge pas à cette dynamique, a signé un
certain nombre de conventions internationales et régionales relatives à la protection de
l’environnement, et notamment à l’utilisation des énergies renouvelables.
Nonobstant les efforts accomplis et en cours d’accomplissement aussi bien sur le plan
juridique qu’institutionnel, force est de relever l’inexistence à ce jour d’une loi
spécifique aux énergies renouvelables, quand bien même il existe des institutions
chargées principalement ou subsidiairement des questions y relatives. C’est dire que le
secteur des énergies renouvelables apparaît faiblement réglementé, d’où la nécessité de
susciter des évolutions.

Mots clés : énergies renouvelables, transition énergétique, droit de l’environnement,


prémices et évolutions.

Abstract
Energy is a lever for development. Fossil energy, once prized by governments, is one
of the main causes of climate change. Drawing lessons from the "ecological crisis", the
international community is working to find solutions. As such, renewable energy is now
recommended and used. Chad is no exception to this trend and has signed a number of
international and regional conventions on environmental protection, including
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

renewable energy. Notwithstanding the efforts that have been and are being made, both
legally and institutionally, clearly there is currently no law dedicated to renewable
energy, even though there are institutions primarily or secondarily responsible for
renewable energy issues. The renewable energy sector appears therefore to be poorly
regulated; hence the need to bring about change.

Keywords: renewable energy, energy transition, environmental law, premises and


evolutions.
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africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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171
Introduction
De tout temps, l’énergie remplit des fonctions essentielles et existentielles (éclairage,
production, conservation, transformation, etc.) dans la vie de l’Homme. Il apparaît que
l’énergie est un levier de développement. Cheikh Anta Diop, à travers une formule
devenue populaire, affirmait fort à propos qu’« au commencement est l’énergie, tout le
reste en découle »1.

Dans le cadre du présent article, il est judicieux de clarifier un certain nombre de


concepts. En effet, la transition énergétique désigne l’ensemble des transformations du
système de production, de distribution et de consommation d’énergie, alors que par
énergies renouvelables on entend un ensemble de filières diversifiées dont la mise en
œuvre n’entraîne en aucune façon l’extinction de la ressource initiale et est
renouvelable à l'échelle humaine2. Ces énergies sont constituées du vent (éolienne,
houlomotrice), du soleil (thermique, photovoltaïque, thermodynamique), de la chaleur
terrestre (géothermie), de l’eau (hydroélectrique, marémotrice), de la biodégradation
(biomasse) et du biocarburant. Les énergies renouvelables sont ainsi multiples et
particulièrement diverses par leurs mécanismes physiques, chimiques ou biologiques3.

Dans le cadre du développement et, en particulier, de l’avènement de la période


postindustrielle, caractérisée par la croissance des besoins et services, les États ont eu
recours à l’énergie fossile (charbon, pétrole, gaz, etc.). Cependant, il se trouve que cette
forme d’énergie constitue l’une des principales causes du changement climatique dont
les impacts sont de plus en plus perceptibles. La communauté internationale, tirant les
enseignements de la « crise écologique », s’emploie à rechercher des alternatives. En
effet, des rencontres internationales et régionales, qui ont eu pour effet d’apporter des
solutions aux défis liés au changement climatique et à la dégradation du cadre de vie,
ont été massivement organisées. À ce titre, les énergies « propres », particulièrement
les énergies renouvelables, sont désormais recommandées et prisées (biomasse, énergie
éolienne, solaire thermique, solaire photovoltaïque, géothermique, hydraulique, etc.).
Dans le même esprit, la transition énergétique, qui implique notamment la
transformation du système énergétique (modes de production, de distribution et de
consommation) pour réduire son impact environnemental, n’est pas occultée par les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

États à travers le monde.

Le Tchad, s’inscrivant en droite ligne de la dynamique de la communauté


internationale, a signé un certain nombre de conventions internationales et régionales

1
Ch. Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un État fédéral d’Afrique noire, Paris-
Dakar, Présence Africaine, 1974, p. 7.
2
https://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/energie_renouvelable.
php4#:~:text=On%20d%C3%A9signe%20aujourd'hui%20par,%3A%20thermique%2C%20photovolta
%C3%AFque%2C%20thermodynamique.
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3
https://www.actuenvironnement.com/ae/dictionnaire_environnement/definition/energie_renouvelable.
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N° 05 • 2020
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php4.

172
relatives à la protection de l’environnement, notamment les conventions intégrant la
dimension « énergies renouvelables ».

Le cadre juridique national des énergies renouvelables reste fortement tributaire des
instruments juridiques supranationaux auxquels le Tchad est partie. En dépit des efforts
accomplis et en cours d’accomplissement, sur le plan matériel4 et institutionnel, force
est de relever l’inexistence à ce jour d’une loi spécifique aux énergies renouvelables au
Tchad. De fait, la question des énergies renouvelables n’est abordée que de manière
parcellaire dans un certain nombre de textes sectoriels, telles que la loi n° 036/PR/2019
du 26 août 2019 relative au secteur de l’énergie électrique au Tchad et les deux
dernières lois de finances (2020 et 2021).

Toutefois, l’on peut faire observer l’existence d’institutions, les unes à vocation
générale et les autres à vocation sectorielle, chargées principalement ou accessoirement
des questions relatives aux énergies renouvelables. Ce sont, entre autres, le ministère
de l’Environnement et de la Pêche, le ministère de l’Énergie, l’Agence de
développement des énergies renouvelables, l’Agence pour l’énergie domestique et
l’environnement et l’Agence de régulation du secteur de l’énergie électrique.

La présente réflexion a pour objet de faire état de la prise en compte implicite et


progressive des énergies renouvelables dans le cadre juridique, d’une part (1), et de
procéder à une analyse intégrant la nécessité d’évolution en vue d’améliorer
substantiellement l’amorce de la réglementation y relative, d’autre part (2).

1. La prise en compte implicite des énergies


renouvelables dans le cadre juridique
Selon une étude réalisée en 2016, « le continent africain représente 4,5 % des émissions
de gaz à effet de serre »5. Au regard de cette seule considération, l’implication des États
africains, y compris le Tchad, dans les efforts de préservation de l’environnement se
trouverait annihilée. Or, les responsabilités en la matière sont communes en termes de
résultat. Toutefois, pour ce qui est des moyens employés, les responsabilités s’avèrent
différenciées. L’on peut d’ailleurs s’accorder avec la professeure Jacqueline Morand-
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Deviller pour relever que « le droit de l’environnement [duquel procède le droit des
énergies renouvelables] est un droit de solidarité »6. Le Tchad, qui du reste n’est pas en
marge de cette assertion, a relativement posé les jalons d’une réglementation des
énergies renouvelables. En effet, l’on observe une érection dans ce secteur d’un cadre
juridique, quoiqu’épars (1.1) et d’un cadre institutionnel (1.2).

4
Au sens de droit matériel, distinct du droit institutionnel.
5
La protection de l’environnement par les juridictions

F. Sarr, Afrotopia, Paris, Éditions Philippe Rey, 2016, p. 154.


africaines : avancées nationales et régionales
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6
J. Morand-Deviller, Droit de l’environnement, Paris, PUF, 2010, p. 7.

173
1.1. La considération des énergies renouvelables dans des textes
juridiques épars
Le secteur des énergies renouvelables est embryonnaire au Tchad. Toutefois, l’on peut
remarquer l’existence d’un certain nombre de textes juridiques, tant nationaux
qu’internationaux, qui les régissent de manière implicite.

Sur le plan international, de multiples rencontres auxquelles le Tchad a pris part font
état d’un engouement de la communauté internationale pour le secteur des énergies
renouvelables7. Il ressort de ces assises internationales plusieurs normes internationales
portant sur les énergies renouvelables8.

Mettant en œuvre ces instruments internationaux, le Tchad a adopté des textes


juridiques qui se rapportent, les uns implicitement et les autres explicitement, aux
énergies renouvelables.

Dans un premier temps, s’agissant des textes juridiques qui s’appliquent implicitement
aux énergies renouvelables, il importe de citer la loi n° 14/PR/98 du 17 juin 1998
définissant les principes généraux de protection de l’environnement (loi-cadre en
matière environnementale au Tchad). De fait, la loi-cadre prévoit la pollution
atmosphérique par l’énergie9 et renvoie l’encadrement de cette question précise aux
textes réglementaires, notamment le décret n° 904/PR/PM/MERH/2009 du 6 août 2009
portant réglementation des pollutions et nuisances à l’environnement. Ce texte
considère l’énergie comme une potentielle source de pollution.

Dans un second temps, relativement aux textes juridiques qui traitent explicitement de
la question des énergies renouvelables, il y a lieu de relever qu’il n’en existe pas au
Tchad. Néanmoins, l’on peut signaler l’existence de la loi n° 036/PR/2019 du 26 août
2019 relative au secteur de l’énergie électrique, qui abroge la loi n° 014/PR/99 du 15
juin 1999 relative à la production, au transport et à la distribution de l’énergie
électrique. Cette loi vise notamment à « promouvoir la maîtrise de l’énergie basée sur
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

7
À cet égard, l’on peut citer notamment le Sommet mondial pour le développement durable
(Johannesburg, 2002), la Conférence internationale sur les énergies renouvelables (Bonn, 2004), le
Sommet mondial sur les changements climatiques (Durban, 2011).
8
À titre d’illustration, l’on peut citer : 1) l’Agenda 21, la Convention-cadre des Nations Unies sur les
changements climatiques, ratifiée par le Tchad en 1993, et plus particulièrement le protocole de Kyoto,
ratifié en 2009, qui vise spécifiquement la réduction des émissions des gaz à effet de serre. Le recours
aux énergies propres participe inéluctablement à l’atteinte de cet objectif. C’est à ce titre que le Tchad a
adopté en 2009 le Programme d’action national d’adaptation aux changements climatiques (PANA) ; 2)
la Déclaration de Harare sur l’énergie solaire et le développement durable (1996) ; 3) la Déclaration de
Durban (2011) et l’Accord de Paris (2015) ; 4) la Convention sur la pollution atmosphérique à longue
distance (1979) ; 5) la Convention sur la lutte contre la désertification (1994).
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Revue Africaine de Droit de l’Environnement

9
African Journal of Environmental Law

Article 2 (10) de la loi n° 14/PR/98 du 17 juin 1998 définissant les principes généraux de protection de
l’environnement.

174
les énergies renouvelables »10. En son article 5, la dite loi conçoit les énergies
renouvelables comme « toute action permettant de transformer les ressources naturelles
locales renouvelables pour la production de l’énergie » et présente leur nomenclature
en indiquant qu’ « elle intègrent l’énergie éolienne, l’énergie solaire, la géothermie,
l’hydraulique et biomasse solide et liquide ».

Pour favoriser la promotion du secteur des énergies renouvelables au Tchad, la loi


n° 036/PR/2019 prévoit des incitations économiques et fiscales. En effet, elle dispose
que « tout producteur d’électricité à partir d’énergies renouvelables pour sa
consommation propre, connecté au réseau électrique national, bénéficie du droit de
vente de ses excédents à son distributeur d’énergie qui s’engage à les acheter dans le
cadre d’un contrat-type approuvé par le Régulateur, sur proposition du distributeur »11.
Elle ajoute que « les équipements utilisés dans le domaine de l’efficacité énergétique
et des énergies renouvelables au Tchad bénéficient des mesures fiscales et douanières
incitatives »12. Il convient d’observer que cette incitation fiscale confère une base
légale à l’exonération des matériels et équipements servant à la promotion ou à la
production des énergies renouvelables des taxes douanières exigibles en vertu de la loi
de finances 202013.

Outre ces instruments juridiques, l’on note l’existence d’un certain nombre de
politiques publiques14. Cependant, la plupart de ces documents n’aborde que de
manière sommaire la question des énergies renouvelables.

Cette diversité de textes juridiques et d’instruments de politiques publiques traduit


l’éparpillement des règles relatives aux énergies renouvelables au Tchad, quoiqu’elle
s’avère créatrice d’une pluralité d’acteurs en la matière.

1.2. Les acteurs en charge du secteur des énergies renouvelables


La priorité accordée aux problèmes environnementaux est de nos jours irréfutable,
même si elle l’est davantage par démagogie que par conscience 15. C’est ainsi que l’on
assiste au Tchad à l’émergence des acteurs impliqués dans le secteur des énergies
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

10
Article 3, alinéa 3 (point 4) de la loi n° 036/PR/2019 du 26 août 2019 relative au secteur de l’énergie
électrique au Tchad.
11
Ibid., article 57, alinéa 1..
12
Ibid., article 54 (point 3).
13
Article 203 nouveau de la loi de finances, tel que modifié par la loi n° 015/PR/2017 portant
rectification de la loi n° 033/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant budget général de l’État pour 2017.
Il faut noter que cette exonération fiscale reste en vigueur sous l’emprise de la loi de finances 2021.
14
Il s’agit, entre autres, de la Lettre de politique énergétique (LPE) adoptée par le décret
n° 1638/PR/MPE/2018 du 3 octobre 2018, de la Stratégie nationale pour la promotion des énergies
renouvelables, du Schéma directeur pour le développement des énergies renouvelables, du Plan national
de développement 2017-2021, de l’Examen national volontaire 2019, de la « Vision 2030, le Tchad que
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nous voulons ».
15
A. Kiss et J.-P. Beurrier, Droit international de l’environnement, 4e éd., Paris, Pedone, 2010, p. 18.

175
renouvelables. Ces acteurs sont de deux ordres : les uns relèvent du secteur public et
les autres sont issus du secteur privé et de la société civile.

Dans le secteur public, le ministère de l’Énergie est, dans le cadre de la politique du


gouvernement sur le développement durable, à l’avant-garde de la transition du Tchad
vers des énergies nouvelles et renouvelables, qui ont fait l’objet d’une direction
technique au sein de ce ministère. S’ajoutent à ce ministère clé d’autres départements
ministériels qui interviennent dans la promotion de ce secteur16.

Au rang des acteurs publics, on ne saurait faire abstraction des organes qui assurent la
régulation du secteur énergétique au Tchad. Il s’agit à titre indicatif de l’Agence de
développement des énergies renouvelables (ADER), de l’Agence pour l’énergie
domestique et l’environnement (AEDE), de l’Agence pour le développement de
l’électrification rurale et la maîtrise de l’énergie (ADERME) et de l’Autorité de
régulation de l’énergie électrique (ARSE).

L’ADER a été créée pour promouvoir l’exploitation optimale de l’immense potentiel


en énergies renouvelables du pays au bénéfice des populations et des entreprises qui
ont un accès très limité à l’énergie.

L’AEDE est un établissement public créé en 1997 et placé sous l’autorité conjointe du
ministère des Mines, de l’Énergie et du Pétrole, et du ministère de l’Environnement et
de l’Eau. Elle est chargée de promouvoir les énergies nouvelles, renouvelables et de
substitution dans une perspective de développement durable.

L’ADERME, dans sa mission de promotion des énergies renouvelables, est dotée des
attributions liées à l’assistance, la conception, l’incitation des entreprises et la
promotion de ces énergies. À cet effet, elle est notamment chargée de :
- participer à la conception du plan national et des plans sectoriels et régionaux de
développement des énergies renouvelables ;
- contribuer à l’élaboration d’un cadre législatif et réglementaire attractif pour le
développement des énergies renouvelables ;
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

16
Il s’agit notamment du ministère de l’Environnement et de la Pêche, chargé de définir et de mettre en
œuvre la politique environnementale du gouvernement ; du ministère du Développement industriel,
commercial et de la Promotion du secteur privé, qui veille au respect des normes environnementales par
les acteurs économiques, notamment celles se rapportant aux énergies renouvelables ; du ministère de
l’Hydraulique urbaine et rurale qui, en vertu de ce que l’eau est une source d’énergie propre, est
indéniablement le maillon de la réalisation de la politique du gouvernement en matière des énergies
renouvelables ; du ministère du Pétrole et des Mines, qui coordonne et réglemente la prospection et
l’exploitation de l’or noir ainsi que des ressources minières et cela, conformément aux normes
environnementales, de sorte à les rendre le moins polluantes possible dans leur extraction ; du ministère
de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère de l’Éducation nationale
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et de la Promotion civique qui, parce qu’ils incarnent l’intelligentsia, peuvent faire évoluer l’état des
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connaissances sur les énergies renouvelables et, par là, faciliter une meilleure appropriation de ces
énergies.
176
- identifier, évaluer et exploiter le potentiel en énergies renouvelables disponibles
et économiquement exploitables dans les différentes provinces du pays ;
- réaliser des études prospectives et stratégiques pour le développement des
énergies renouvelables ;
- réaliser des études techniques, économiques et financières des projets relatifs aux
énergies renouvelables et assurer le suivi de leur mise en œuvre ;
- élaborer et exécuter des programmes d’information, de sensibilisation, de
communication, d’éducation et de formation démontrant l’intérêt technique,
économique, social et environnemental des énergies renouvelables ;
- participer à la promotion de l’émergence et du développement d’entreprises
intervenant dans le domaine des énergies renouvelables et encourager
l’investissement dans ce secteur ;
- identifier et exploiter des mécanismes de financement innovant pour le
développement des énergies renouvelables, notamment la finance carbone ;
- développer la coopération bilatérale et multilatérale dans le domaine des énergies
renouvelables17.

Quant au paysage du secteur privé intervenant dans le secteur des énergies


renouvelables, il faut observer qu’il est essentiellement marqué par la présence des
entreprises18.

En outre, des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations de la


société civile (OSC) interviennent également dans le secteur des énergies
renouvelables. Pour le compte des ONG, on peut à titre d’exemple évoquer les efforts
de l’Association tchadienne des volontaires pour la protection de l’environnement
(ATVPE) dans la formation de plus de 80 artisans à la production de cuisinières
solaires, qui à leur tour ont formé d’autres ouvriers et des jeunes dans leurs villages.
L’objectif du projet est, outre la réduction de l’exode des jeunes, de diminuer
considérablement la demande locale en bois de chauffage. Les cuisinières solaires
présentent à cet effet l’avantage supplémentaire de réduire les émissions de carbone19.

S’agissant des OSC, au demeurant moins outillées, elles se démènent bon an, mal an20. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Cependant, pour une mise en œuvre optimale, efficace et efficiente de la politique des
énergies renouvelables au Tchad, il faut nécessairement renforcer la réglementation y
relative.

17
Article 19 la loi n° 036/PR/2019.
18
À titre d’exemple, l’on peut citer la société ZIZ et la société ALTERNAPROD qui interviennent dans
la production et la promotion des énergies renouvelables.
19
Initiative Équateur, L’Association tchadienne des volontaires pour la protection
de l’environnement (ATVPE), 2015, p. 8.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

20
African Journal of Environmental Law

Contribution écrite des organisations de la société civile tchadienne pour l’Examen périodique
universel du Tchad, Troisième cycle, 2018, 15 p.

177
2. La nécessité de renforcement de la réglementation des
énergies renouvelables
Certes, le professeur Maurice Kamto21 affirme que « mieux valent des normes
inappliquées qu’un univers a-juridique » ; il ne remarque pas moins que « la faiblesse
de l’idée de droit dans les pays africains induit la faiblesse des règles juridiques et,
partant, leur ineffectivité ». Il en est de même pour le secteur des énergies
renouvelables au Tchad, alors même qu’il s’agit d’un secteur porteur de potentiel (2.1)
qui nécessite l’adoption d’une réglementation spécifique (2.2).

2.1. L’important potentiel des énergies renouvelables, une source


d’investissement
Le Tchad regorge un important potentiel en énergies renouvelables. Si l’on se réfère à
l’article 5 de la loi n° 036/PR/2019, la nomenclature des énergies renouvelables intègre
« l’énergie éolienne, l’énergie solaire, la géothermie, l’hydraulique et la biomasse
solide et liquide ». Il convient de relever que le pays de Toumaï dispose d’immenses
niches correspondant aux sources de toutes ces énergies renouvelables.

En effet, il importe d’indiquer de prime abord que le pays dispose des gisements solaire
et éolien considérables. Concernant l’énergie solaire, le Tchad se situe dans la zone
d’ensoleillement supérieur de l’Afrique. Le nombre d’heures d’ensoleillement par
année varie de 2850 au sud à 3750 au nord du pays. L’intensité du rayonnement global
varie en moyenne de 4,5 à 6,5 KWh/m2/j22.

Dans le même sillage, l’on peut s’accorder avec Joseph Ki-zerbo : « Une autre source
d’énergie africaine est le soleil, pour laquelle l’Afrique dispose de ressources
inépuisables […] surtout dans les pays intérieurs les plus déshérités comme le Tchad,
le Niger, la Haute-Volta et le Mali. Donc si l’Afrique est un continent énergétique, elle
l’est surtout potentiellement, et cela en raison du manque de capitaux et de
débouchés »23.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Quant à l’énergie éolienne, la vitesse moyenne des vents calmes varie de 2,5 m/s à 5m/s
du sud au nord24.

Hormis les potentialités citées ci-dessus, le pays dispose également d’autres sources
d’énergies renouvelables. Il s’agit notamment de la géothermie, l’hydraulique et la

21
M. Kamto, Droit de l’environnement en Afrique, Paris, EDICEF-AUPELF, 1996, p. 18.
22
Plan d’action national pour la mise en œuvre du Cadre national pour les services climatiques (CNSC)
du Tchad (2016-2020), Octobre 2016, p. 36.
23
J. Ki-zerbo, Histoire de l’Afrique noire. D’hier à demain, Paris, Hatier, 1994, p. 622.
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

24
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Ministère de l’Hydraulique urbaine et rurale, Seconde communication nationale du Tchad sur les
African Journal of Environmental Law

changements climatiques, juin 2012, p. 77.

178
biomasse. L’énergie géothermique est une énergie thermique provenant de l’intérieur
de l’écorce terrestre, généralement sous forme d’eau chaude ou de vapeur. À cet égard,
l’on peut remarquer l’existence de roches volcaniques dans la zone septentrionale du
pays, qui constituent indéniablement une source d’énergie géothermique. Puis, en
matière de production hydroélectrique, tirant sa source des ressources hydrauliques, on
peut relever les chutes d’eau (chutes Gauthiot) situées dans la partie méridionale du
pays.

En outre, il existe deux principaux cours d’eau permanents : le Chari (1200 km) et le
Logone (1000 km). L’on note également l’existence de six lacs principaux25.

Pour ce qui concerne la biomasse26, qui représente l’ensemble de la matière organique,


elle peut être soit d’origine végétale, soit d’origine animale. À ce titre, le fort potentiel
animal et végétal dont dispose le Tchad est à signaler, même s’il reste faiblement
évalué.

Au regard de la forte demande d’énergie exprimée par les différents acteurs, ce


potentiel énergétique dont regorge le Tchad apparaît comme une source
d’investissement important. En effet, la consommation énergétique du Tchad reste
faible eu égard aux besoins importants de croissance économique nécessaire à la
résorption du chômage, l’amélioration du niveau de vie des populations et le
développement humain durable du pays. D’ailleurs, la stratégie de développement
économique et social du Tchad entraînera la croissance soutenue de la demande en
énergies. Le ministère en charge de l’énergie a prévu une demande du réseau de
153 MW en 2020, pour un coût d’investissement de 405 milliards de FCFA, et 289 MW
en 2030. Grâce aux kits solaires, l’accès direct à l’électricité atteindra 41 % en 2020 et
70 % en 203027.

Il est dès lors plus que nécessaire de réorienter les investissements des énergies fossiles
vers les énergies renouvelables28. C’est par ce canal que la charte des investissements
de la République du Tchad du 3 janvier 2008, adoptée en application des dispositions
de la charte des investissements de la Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale (CEMAC), pourrait s’appliquer aux activités de production et de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

distribution d’énergie et d’eau.

25
Ce sont le lac Tchad, le lac Fitri, le lac Iro, le lac Léré et le lac Tikem, réservoirs en eau douce, ainsi
que les lacs Ounianga dans le désert, alimentés par des nappes d’eau souterraines.
26
PNUD, Rapport national du Tchad, 2012 : « S’agissant de la biomasse, notamment lignocellulosique,
le pays en recèle d’importantes sources estimées dans les années 70 à 312 millions d’hectares, mais de
nos jours la superficie a considérablement baissé de l’ordre de 23 millions d’hectares. Cette baisse est
due à son exploitation anarchique et abusive conjuguée à des sécheresses répétées » (p. 27).
27
Ministère de l’Hydraulique urbaine et rurale, Seconde communication nationale du Tchad sur les
changements climatiques, op. cit., p. 99.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

28
J. Woessner et N. Krausz, « Depuis plus de 40 ans, la question climatique interroge nos modèles de
African Journal of Environmental Law

développement », Passerelle, n° 13, 2015, p. 15.

179
Qui plus est, la charte des investissements s’applique également aux activités de mise
en valeur d’autres sources d’énergie solaire et éolienne29. Toutefois, la nécessité
d’adopter une réglementation spécifique en matière d’énergies renouvelables demeure
prégnante.

2.2. L’enjeu de l’adoption d’une réglementation spécifique des


énergies renouvelables
L’un des défis majeurs pour le Tchad dans le secteur des énergies renouvelables est
l’adoption d’un cadre juridique spécifique aux énergies renouvelables. Il faut relever
que ce défi est de deux ordres : l’un tendant à adopter des textes spécifiques aux
énergies renouvelables et l’autre intéressant le droit de l’environnement dans son
ensemble. Ce défi consiste à intégrer les futurs textes dans un code de l’environnement
que la doctrine appelle, du reste, de tous ses vœux30. Sur ce dernier point, à savoir
l’élaboration d’un code de l’environnement, les pouvoirs publics sont conscients de
l’utilité d’un tel document. En effet, on peut lire dans le Plan national de développement
2017-2021 : que « des éléments de politique environnementale se trouvent dans divers
textes législatifs et réglementaires sans toutefois un document unificateur ou
fédérateur »31.

La spécification de la réglementation du secteur des énergies renouvelables consistera


à redéfinir un cadre formel en matière de promotion et de développement des énergies
propres, à élaborer des mécanismes plus incitatifs pour encourager les investissements
directs étrangers de grande ampleur et appropriés à l’endroit des promoteurs et
utilisateurs de ces énergies.

Pour l’heure, l’on peut saluer la prise en compte par les pouvoirs publics des
préoccupations d’une nécessité d’évolutions dans le secteur des énergies renouvelables.
À cet effet, des réformes futures y afférentes sont perceptibles, si l’on se réfère à la
« Vision 2030, le Tchad que nous voulons », un instrument de politique publique qui
renseigne à cet égard.

Des développements qui précèdent, il ressort qu’au Tchad le secteur énergétique, de


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

manière générale, et en particulier le secteur des énergies renouvelables, se trouvent


dans un état embryonnaire. En effet, il n’existe pas à ce jour de textes juridiques qui
régissent de manière spécifique le secteur des énergies renouvelables et les acteurs qui
y œuvrent ne sont pas assez outillés. Ce qui laisse ce secteur dans une léthargie aussi

29
Article 3 (5 et 6) de la loi n° 006/PR/2008 instituant la charte des investissements de la République du
Tchad.
30
M. Abdelkérim et E. Ndingangar Teadoum, Traité du droit de l’environnement. La problématique de
la protection de l’environnement en droit positif tchadien, Saint-Denis, Edilivre, tome 1, 2018, p. 98.
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020

31
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Ministère de l’Économie et de la Planification du développement, Plan national de développement


African Journal of Environmental Law

2017-2021, chapitre I, titre I.4, § 96, p. 25.

180
bien juridique qu’institutionnelle. Pourtant, le Tchad recèle des potentialités
importantes en énergies renouvelables, sources d’investissement.

Des évolutions de la réglementation en la matière s’avèrent nécessaires, même si les


politiques publiques présagent de bonnes perspectives.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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181
PERSPECTIVES TRANSNATIONALES

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

183
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
LES BALBUTIEMENTS D’UN DROIT À L’ÉNERGIE À
L’AUNE DE LA TRANSITION VERS LES ÉNERGIES
RENOUVELABLES EN AFRIQUE
Mariette Aïcha NTIENJEM MADU
Assistante à la Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Douala

Résumé
La transition énergétique vers les énergies renouvelables est une occasion pour les États
africains d’améliorer l’accès des populations à l’énergie et s’affranchir des
dépendances et pesanteurs découlant de l’exploitation des énergies fossiles. Cette
transition est surtout apte à soutenir, dans les instances africaines, la garantie du droit
à l’énergie qui, sans être explicitement reconnu dans les textes africains, peut être
déduite de certains instruments, notamment la Charte africaine des droits de l’homme
et des peuples. Aussi, du point de vue des sujets, le droit à l’énergie présente l’avantage
d’en avoir une pluralité. Cependant, du point de vue de son assise matérielle, le droit
de l’énergie requiert une meilleure précision.

Mots clés : droit à l’énergie, énergies renouvelables, transition énergétique

Abstract
The energy transition to renewable energies is an opportunity for African states to
improve people's access to energy and free themselves from the dependencies and
burdens resulting from the exploitation of fossil fuels. This transition is especially
suited to support, in African bodies, the guarantee of the right to energy which, without
being explicitly recognized in African texts, can be deduced from some instruments, in
particular the African Charter on Human and Peoples’ Rights. Furthermore,
thematically, the right to energy presents an asset by the evolving plurality of the
stakeholders. However, from the point of view of its material basis, energy law requires
better precision. • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Keywords: right to energy, renewable energies, energy transition.


La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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185
Introduction
Il est une réalité universelle qu’« on ne peut tout simplement pas vivre sans énergie »1.
Pourtant, l’accès physique à l’énergie est caractérisé par la rareté. Cette rareté
s’explique aussi bien par l’épuisement des réserves en énergie que par la hausse de la
demande, car la consommation a été multipliée par 18 en un siècle du fait de la
démographie galopante et des progrès technologiques2.

Sur un milliard de personnes dans le monde n’ayant pas accès à l’énergie et plus
spécifiquement à l’électricité, on en dénombre plus de la moitié, soient environ 600
millions, en Afrique3. Cette situation n’est cependant pas due à un statu quo du taux
d’accès, qui est passé de 17 % à 41 % entre 2000 et 2018, mais plutôt à la croissance
démographique, qui est de près de 50 % sur la même période4. L’Afrique doit donc
parvenir à garantir à ses populations un accès à l’énergie en tenant compte de sa
croissance démographique. Conscients de cette urgence, les ministres africains se sont
penchés sur la question de l’accessibilité à l’énergie électrique pour chaque citoyen,
lors du 2e Forum ministériel entre la Commission de l’Union africaine et l’Agence
internationale de l’énergie5 en novembre 2020. L’Afrique doit projeter son avenir
énergétique par une restructuration de son système énergétique. Cette restructuration
exige la mise en place d’un cadre juridique favorable à une transition énergétique dans
la gouvernance des systèmes énergétiques d’une part, et de l’autre, une transition
énergétique des sources d’énergies6.

Actuellement, la transition énergétique par mutation des sources d’énergies revêt un


enjeu surtout environnemental comme le souligne Arghyrios A. Fatouros : « The
promotion of energy efficiency and the development and use of renewable energy
sources may be understood in fact, not only as measures with a definite economic value
of their own, but also as measures for the protection of the environment »7. Cependant,
la transition énergétique se fonde sur la question triviale de la satisfaction des besoins

1
Rapport Brundtland « Notre avenir à tous », chapitre 7, p. 136.
2
C. Krolik, Le droit d’accès à l’énergie, rapport de post-doctorat, Pau, 2014, p. 10.
3
La moitié des 54 États d’Afrique ont un taux d’électrification de moins de 20 % : J.-P. Favenec, « Une
nouvelle géopolitique de l’énergie dans le monde », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 18,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

www.ifd.francophonie.org.
4
J. Percebois, « La transition électrique africaine entre choix publics centralisés et choix privés
décentralisés », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 13, www.ifd.francophonie.org.
5
Le forum avait pour thème : « Assurer l’avenir énergétique de l’Afrique au lendemain du COVID-19 :
favoriser une reprise rapide en renforçant l’investissement, l’innovation et les partenariats ».
6
Du point de vue de la gouvernance des systèmes énergétiques, la transition énergétique est le passage
des approches publiques centralisées aux approches privées de déploiement des systèmes décentralisés.
Du point de vue des sources d’énergie, la transition énergétique consiste à passer des sources d’énergies
polluantes aux sources d’énergie propres : S. Sarr, « Pour une transition énergétique réussie en Afrique :
le rôle des acteurs de la société civile », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 66,
www.ifd.francophonie.org.
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7
A. A. Fatouros, « An international legal framework for energy », Recueil des cours de l’Académie de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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droit international de La Haye, vol. 332, 2008, p. 405.

186
énergétiques. À cet effet, l’Organisation des Nations Unies affirme : « Les programmes
d’exploitation des sources d’énergie renouvelables […] peuvent apporter des solutions
aux problèmes énergétiques des populations […] et améliorer leur qualité de vie »8.
L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) affirme également,
dans un document publié en 2017, que la transition énergétique est la clé de l’accès
universel à l’électricité9. À ce propos, il faut noter que l’Afrique a une longueur
d’avance sur toutes les autres régions du monde, car les sources d’énergie
renouvelables y représentent plus de 50 % de l’électricité hydraulique. La perspective
des énergies renouvelables n’y est donc pas un fait nouveau. Du coup, le fait marquant
doit être la réalisation d’une transition énergétique afin de garantir à la population
africaine, sans cesse croissante, un droit à l’énergie. Si les lignes bougent, les progrès
demeurent assez timides. Par exemple, au sein de la Communauté économique des
États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), si les objectifs et les politiques en matière
d’énergies renouvelables ont été adoptées depuis le début des années 2010,
malheureusement les procédures de mises en œuvre se sont nettement ralenties10.

Les énergies renouvelables sont aujourd’hui considérées comme essentielles pour


garantir un droit à l’énergie de toutes les populations et plus spécifiquement celles des
zones défavorisées11. Même si le droit à l’énergie n’est pas explicitement mentionné
comme droit fondamental dans le cadre juridique africain, une réflexion sur la capacité
du droit africain à saisir les énergies renouvelables comme facteur de reconnaissance
d’un droit à l’énergie est plus que jamais digne d’attention. Le constat qui en ressort
est mitigé et démontre qu’à l’aune de la transition vers les énergies renouvelables une
identification des sujets potentiels du droit à l’énergie est déductible du cadre juridique
africain. Seulement, pour accéder au rang de droit, entendu ici dans le sens subjectif
d’une prérogative dont on peut se prévaloir, le droit à l’énergie doit surmonter de
nombreux écueils.

1. L’identification des sujets du droit à l’énergie


Interpellée par la situation énergétique précaire d’un tiers de la population mondiale,
l’ONU a consacré l’année 2012 « Année internationale de l’énergie durable pour
tous »12, avant de proclamer par la suite les années 2004 à 2014 « Décennie des Nations
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

8
Résolution A/55/91 du 23 juin 2000.
9
IRENA, Rethinking energy 2017 : Accelerating the global energy transformation,
https://www.irena.org/publications/2017/Jan/REthinking-Energy-2017-Accelerating-the-global-
energy-transformation.
10
J. Savin, A. Adib et K. Chawla, « Énergies renouvelables - Contexte international », in D. V.
Ferrenbach, Les énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest : état, expériences et tendances, ECREEE,
ITC et Casa Africa, 2012, p. 43.
11
Les énergies renouvelables présentent l’avantage de consommer peu d’eau à l’inverse des
combustibles fossiles. Ainsi, elles sont plus adaptées au continent africain où l’accès à l’eau potable reste
assez difficile dans un contexte de démographie croissante augmentant également la demande en eau
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africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

potable.
African Journal of Environmental Law

12
Résolution A/65/151 adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 20 décembre 2010.

187
Unies relative à l’énergie durable pour tous »13. Cette décision onusienne peut être
perçue comme une volonté manifeste d’ériger le droit de tous à l’énergie. Le droit, par
ce qu’il « assure, au sein de la société, une fonction de direction des conduites »14, est
un instrument tout indiqué pour soutenir et favoriser l’accès à l’énergie. L’article 24 de
la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples proclame, en faveur des
peuples, « un droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur
développement » ; il en va de même pour l’article III.1 de la Convention africaine sur
la conservation de la nature et des ressources naturelles de Maputo (2003). En effet, on
ne peut espérer garantir un environnement satisfaisant global et propice au
développement sans énergie, source de motricité et de vitalité humaines.

D’abord apprivoisée par l’homme en tant qu’individu, l’énergie est devenue très vite
un enjeu pour des collectivités plus grandes et organisées. Étrangement, la
reconnaissance subjective qui met l’accent sur le titulaire du droit à l’énergie s’est faite
progressivement dans le sens inverse. Ainsi, lorsqu’est apparue l’idée du droit à
l’énergie, par une analyse déductive du cadre juridique international et africain, ce sont
d’abord les collectivités qui, les premières, ont émergé comme titulaires dudit droit.
Ensuite, le droit à l’énergie s’est étendu aux individus.

1.1. D’un droit des collectivités…


Les États africains se caractérisent par la cohabitation de deux espaces énergétiques
écologiquement et économiquement distincts15 : d’une part, la zone urbaine et
industrielle dotée de réseaux et services énergétiques ; de l’autre, la zone rurale qui
souffre d’un difficile accès à l’énergie, l’électricité et les combustibles étant
essentiellement tournés vers la biomasse. Si les zones urbaines et industrielles sont le
lieu principal d’affirmation par l’État de son droit à l’énergie, les zones rurales le sont
moins, les populations locales ayant la possibilité de s’approprier les ressources
disponibles pour satisfaire leurs besoins énergétiques.

Le droit à l’énergie est d’abord un droit reconnu à l’État. Le droit de l’État à l’énergie
découle du principe de la souveraineté permanente des États sur leurs ressources
naturelles16. La résolution annexée à la Charte mondiale de la nature invite
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

« solennellement les États membres, dans l’exercice de leur souveraineté permanente

13
Résolution A/67/215 du 21 décembre 2012, Promotion des sources d’énergie nouvelles
et renouvelables.
14
C. Krolik, op cit, p.12.
15
C. de Gromard « Le déploiement des transitions énergétiques dans les pays africains », Liaison
Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 40, www.ifdd.francophonie.org.
16
Le principe de la souveraineté permanente de l’État sur ses ressources naturelles dans une approche
économique a été énoncé par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1952 à travers la résolution
626 et plus tard en 1962 par la résolution 1803(XVII). Plusieurs textes de l’ONU ont réaffirmé ce
principe, notamment la résolution 3281 (XXIX) et les Pactes de 1966 relatifs l’un aux droits
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N° 05 • 2020
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économiques, sociaux et culturels, l’autre aux droits civils et politiques. En Europe, le traité de la charte
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de l’énergie reconnait aussi ce droit en son article 18.

188
sur leurs ressources naturelles, à mener leurs activités compte tenu de l’importance
suprême de la protection des systèmes naturels, du maintien de l’équilibre et de la
qualité de la nature et de la conservation des ressources naturelles, dans l’intérêt des
générations présentes et à venir »17. Les énergies renouvelables apportent une nouvelle
dynamique à la coopération internationale en garantissant aux États leur indépendance
et leur sécurité énergétiques Contrairement aux énergies fossiles, « elles sont
disponibles sous une forme ou sous une autre dans la plupart des pays et zones
géographiques. Par conséquent, l’utilisation de l’énergie comme moyen d’influence
géopolitique se réduira, dans la mesure où de plus en plus de pays seront en mesure de
produire leur propre énergie »18. Les sources d’énergie renouvelables sont favorables à
une indépendance énergétique des communautés. D’une part, elles contribuent à
résorber la précarité énergétique de certaines populations, notamment celles des zones
défavorisées. D’autre part, elles affranchissent l’État des contraintes et pesanteurs de
la géopolitique et du marché international des énergies fossiles et du nucléaire.

Par conséquent, la substitution des énergies fossiles et du nucléaire par les énergies
renouvelables semble plus que jamais un moyen pérenne pour les États africains de
parvenir à la satisfaction de leurs besoins énergétiques et soutenir durablement leur
droit à l’énergie. La géographie continentale est d’ailleurs très riche en sources
d’énergies renouvelables, notamment un réseau hydraulique dense, un relief favorable
à l’éolien et un climat propice à l’exploitation photovoltaïque.

L’Union africaine, en adoptant la convention de la Commission africaine de l’énergie


(AFREC), a visé l’harmonisation des normes et pratiques dans le secteur de l’énergie
et le « développement de l’utilisation de l’énergie pour promouvoir et appuyer un
développement économique, social rapide [… et] améliorer les conditions et la qualité
de vie dans les États membres »19. La qualité de la vie apparaît clairement comme
englobant la satisfaction des besoins énergétiques, fondement d’un droit à l’énergie.
Dans le cadre sous-régional, la Communauté économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO), s’inspirant de l’Initiative des Nations Unies Énergie durable pour
tous (SE4All)20, a adopté une série de textes, tels que la Politique en matière d’énergies
renouvelables, dans le but d’accroître, au sein des États membres, l’accès aux services
énergétiques.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Spécifiquement, de nombreux États africains ont adopté des cadres juridiques régissant
les énergies renouvelables de manière directe21, ou incidente et connexe à travers

17
Résolution 37/7 (AG) du 28 octobre 1982.
18
M. El-Farnawany et A. Abdel-Latif, « Les renouvelables, une des priorités énergétiques futures pour
le climat et la sécurité dans le monde », Liaison Énergie-Francophonie, n° 113, 2019, p. 34,
www.ifdd.francophonie.org.
19
Article 3.a et 3.h de la convention de la Commission africaine de l’énergie (Lusaka, 2001).
20
Sustainable Energy for All.
21
La Gambie a adopté le 1er janvier 2013 le Renewable Energy Act et l’Algérie une loi sur
La protection de l’environnement par les juridictions
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la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable le 14 août 2004. Au
Mali, l’Agence nationale des énergies renouvelables a été créée par une ordonnance du 1er octobre 2014.
189
notamment la maîtrise de l’énergie22, la production énergétique23 ou encore l’énergie
de manière générale24. Au Cameroun, l’avant-projet de loi sur les énergies
renouvelables s’inscrit dans le sillage de la loi sur le secteur de l’électricité adoptée en
2011 qui, libéralisant le marché de l’électricité, mentionne les sources d’énergie
renouvelables comme voie de production énergétique. Par ailleurs, cet État d’Afrique
centrale, en adoptant en 2021 sa Stratégie nationale pour le développement à l’horizon
2030, a fait de la filière biomasse un axe prioritaire de production énergétique pour les
neuf années à venir, démontrant ainsi la volonté des pouvoirs publics d’offrir aux
communautés une autonomie énergétique et une certaine reconnaissance du droit de
ces communautés à l’énergie.

Par ailleurs, la prise en compte des droits de l’homme a permis non seulement
d’assimiler les collectivités aux sujets du droit international, mais aussi de l’étendre
aux peuples. En effet, L’article 1er commun aux deux Pactes de 1966 dispose : « tous
les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources
naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique
internationale, fondée sur le principe de l’intérêt mutuel, et du droit international. En
aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance »25. Le
droit des peuples de jouir des ressources naturelles ainsi énoncé s’impose aux États. Ce
droit est également énoncé à l’article 21.1 et 3 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples (CADHP). Celle-ci consacre en outre, à l’article 24, le « droit
des peuples à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement ».

La Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones attribue à ces derniers,
en plus du droit de participation, celui de « posséder, d’utiliser, de mettre en valeur et
de contrôler les terres, territoires et ressources qu’ils possèdent parce qu’ils leur
appartiennent ou qu’ils les occupent ou les utilisent traditionnellement, ainsi que ceux
qu’ils ont acquis »26. Aussi, avant la mise en œuvre de projets visant à affecter des
ressources comprises dans leurs terres, ces peuples doivent être consultés, éduqués,
informés et saisis, « notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou
l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres en particulier dans le
domaine énergétique »27.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Il en est de même au Sénégal (2013), à Maurice (2015) et au Burkina Faso (2016). La particularité de
l’agence burkinabé est l’extension de sa compétence à l’efficacité énergétique.
22
Par un décret du 21 décembre 2016, la Côte d’Ivoire a créé un Fonds national de la maîtrise de
l’énergie.
23
Lois togolaise (8 août 2018) et tunisienne (11 mai 2015) relatives à la production d’électricité à partir
des énergies renouvelables.
24
On peut citer ici les Seychelles (Energy Act du 18 décembre 2012) et le Kenya (Energy Act du 28 mars
2019).
25
Le même droit est reconnu aux peuples par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples,
notamment en son article 21.
26
Résolution adoptée le 13 septembre 2007, article 26.2.
27
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Kiara Neri commente l’article 32.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
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autochtones : « Le droit à l’énergie, un nouveau droit de l’homme ? », in Stéphane Doumbé-Billé (Dir.),


Défis énergétiques et droit international, Bruxelles, Larcier, 2013, pp. 341-342.

190
Toutefois, le statut de peuples autochtones, même s’il garde une certaine pertinence
juridique en Afrique, est depuis la fin des années 1990 supplanté par la réalité de la
décentralisation à l’origine d’une restructuration administrative des États africains.
Cette configuration administrative a entraîné une redistribution des compétences entre
l’administration centrale et les administrations locales, impliquant un transfert de
compétences de la première vers les secondes. Considérant qu’au sein des États
africains « de nombreuses zones rurales sont très isolées et ont besoin de système
décentralisés »28, la réalisation de certains projets énergétiques est transférée aux
collectivités décentralisées, à condition que ces projets présentent certaines
caractéristiques, telles que la capacité énergétique installée ou les localités desservies.
L’autorité centrale reste néanmoins associée à la réalisation des projets, notamment
pour le suivi et la réception technique des ouvrages réalisés. Les sources d’énergie
renouvelables se prêtent bien à ce contexte de transfert de compétences. En fait, elles
permettent aux collectivités locales de disposer de réseaux énergétiques autonomes et
répondant à leurs besoins et en fonction des ressources disponibles, car les « peuples
poursuivent différents objectifs : la recherche d’un niveau de vie décent, la recherche
de l’argent et de pouvoir, la défense de leurs valeurs et de leurs idées »29.

1.2. … à un droit des individus


Le droit à l’énergie procède nécessairement d’une évolution des droits de l’homme.
Même si, en l’état actuel du droit africain, le droit à l’énergie n’est pas explicitement
consacré, il est néanmoins possible de le considérer comme un droit dérivé des droits
existants.

S’inspirant des articles 6 (droit à la vie) et 7 (interdiction des traitements inhumains et


dégradants) du Pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques, la CADHP pose à
l’article 4 la règle de l’inviolabilité de la personne humaine : « Tout être humain a droit
au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne » ; l’article 5
consacre le respect de la dignité humaine, disposant que « tout individu a droit au
respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa
personnalité juridique ». Mais c’est surtout le droit à la santé (article 16) qui a donné
lieu à une jurisprudence relative au droit à l’énergie. En effet, saisie de quatre plaintes
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

sur ce fondement, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a


retenu que l’absence de fourniture de services nécessaires à un standard minimum de

28
Rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la promotion des sources d’énergies nouvelles et
renouvelables, A/67/318, 2012.
29
J.-M. Chevalier et P. Geoffron (Dir.), Les nouveaux défis de l’énergie. Climat-économie-géopolitique,
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Paris, Economica, 2011, p. 9.


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191
santé, tels que l’eau et l’électricité, constitue une violation du droit à la jouissance du
meilleur état possible de santé mentale et physique30.

Il faut également noter que le Pacte relatif aux droits civils et politiques reconnaît à
toute personne le droit « à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y
compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’une
amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des
mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit […] ». De ce texte, on peut
déduire de manière évidente que le niveau de vie suffisant implique un droit au
logement31. Le logement ne se réduit pas à un abri, mais signifie un logement décent,
avec toutes les commodités nécessaires pour une vie épanouie, tel que l’accès aux
services énergétiques32.

Le droit à l’énergie ainsi déduit apparaît comme un critère du bien-être des personnes
logées. L’exemple de la France est édifiant : l’interruption de l’électricité, de la chaleur
et du gaz pendant la trêve hivernale y est interdite dans toute résidence principale. Il
s’agit là d’une évolution notoire puisque cette interdiction était auparavant limitée aux
personnes bénéficiant, ou ayant bénéficié dans les 12 mois précédents, d’une décision
favorable d’attribution d’une aide du fonds de solidarité pour le logement33. En
Afrique, les coupures intempestives d’électricité doivent été considérées comme des
atteintes au droit à l’énergie, sachant que la moitié des populations du continent vit en
deçà du niveau minimal et décent en termes de services énergétiques. La carence des
énergies traditionnelles ou la faible exploitation des énergies renouvelables sont
indexées comme la cause des nombreux délestages. La quantité d’énergie produite
étant insuffisante face à la demande, plusieurs projets sont nés dans le solaire,
notamment dans les zones tropicales, désertiques ou quasi-désertiques34. Des projets

30
Les plaintes étaient dirigées contre l’actuelle République démocratique du Congo : African
Commission on Human and Peoples’ Rights, Free Legal Assistance Group and Others v. Zaïre, comm.
n° 25/89, 47/90, 56/91, 100/93 (1995).
31
Le Comité des droits économiques sociaux et culturels a confirmé cette déduction dans son observation
générale 4 : « The human right to adequate housing, which is thus derived from the right to an adequate
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

standard of living, is of central importance for the enjoyment of all economic, social and cultural rights »
(A/1992/23). Voir à ce propos : K. Neri, op cit, p. 344.
32
Le droit au logement ne peut être considéré comme garanti que si le logement dont il est question est
doté de commodités et d’infrastructures adéquates. Dans les plans d’urbanisme, un terrain immobilier
ne peut être loti que s’il est doté de réseaux d’eau courante, d’une électrification et de routes, entre autres.
Le logement décent est donc celui qui offre, en plus du confort lié à l’espace, celui lié à l’habitation,
avec accès à l’énergie pour s’alimenter, se chauffer ou rafraichir l’atmosphère, pour s’éclairer, etc.
33
C. Krolik, « Un prélude en demi-teinte : à propos de la décision n° 2013-666 DC-loi visant à préparer
la transition vers un système énergétique sobre », Revue juridique de l’environnement, 2013/3 (volume
38), p. 426.
34
Le Maroc par exemple, non pourvu d’hydrocarbures, est devenu grâce à plusieurs parcs solaires le
3ème leader mondial de centrales électriques à puissance solaire. En effet, sur 100 projets existants dans
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le monde, le Maroc en a développé 5. Il est ainsi le 3 ème État au monde à disposer d’installation CSP
(Concentrated Solar Power) et CSH (Concentrated Solar Heat) pour usage industriel et tertiaire.
192
hydrauliques d’envergure sont réalisés ou annoncés35. Cela dit, le défi qui transparaît
est celui d’une réelle transformation du cadre juridique africain afin de faire du droit à
l’énergie non pas un slogan, mais un véritable droit subjectif.

2. La nécessaire édification d’une assise matérielle au droit à


l’énergie
Si le droit est « marqué par une idée d’œuvre à accomplir »36, la garantie du droit de
tous à l’énergie constitue ipso facto l’œuvre à accomplir dans l’ordre régional africain.
La construction matérielle du droit à l’énergie ne repose pas nécessairement sur la
nature de la source d’énergie, mais plutôt sur l’ensemble des mesures juridiques
adoptées pour garantir à tous, sinon au plus grand nombre, le droit à l’énergie. Il faut
cependant reconnaître que la transition vers les énergies renouvelables constitue
assurément un moyen efficace d’extension du droit à l’énergie. Le droit régional
africain applicable aux droits de l’homme ou à l’énergie, pour parvenir à l’érection du
droit à l’énergie en un véritable droit, doit assortir ce droit d’un ensemble de règles
autonomes pour lui conférer une portée juridique réelle.

2.1. Un contenu juridique à préciser


En l‘état actuel du droit africain, le droit à l’énergie se caractérise par son absence
d’autonomie et sa dépendance des autres droits subséquemment proclamés. Cette
absence d’autonomie a comme effet direct une teneur approximative de son contenu.
Ce droit semble être aujourd’hui, plus un slogan humaniste qu’un véritable droit au
regard de son contenu poreux. Bien plus, la transition vers les énergies renouvelables
complexifie davantage la portée de son contenu juridique.

De prime à bord, le droit à l’énergie est un droit d’accès à l’énergie stricto sensu en
termes de consommation directe. Avec les sources d’énergie non renouvelables, le droit
d’accès reste assez restrictif pour le citoyen ordinaire. En effet, les sources d’énergie
non renouvelables, par leur nature minière, sont la propriété des États en vertu du
principe de leur souveraineté permanente sur les ressources naturelles. Dès lors, en tant
que droit de l’homme et sous le prisme des énergies non renouvelables, l’individu ne
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

jouit que d’un droit d’accès à l’énergie finale37 et non d’un accès à la ressource. Grâce
aux énergies renouvelables, le droit africain de l’énergie peut se mouvoir sous un
double axe.

35
Sur le fleuve Congo, en République démocratique du Congo, le barrage de Grand Inga par exemple
permettrait de générer une puissance de 39 000 MW, s’ajoutant à Inga I (351 MW), Inga II (1424 MW)
et Inga III (4500 MW).
36
C. Krolik, op cit, p. 12.
37
L’énergie finale est celle qui parvient au consommateur et qui lui est d’ailleurs facturée. Ses quatre
vecteurs possibles sont les combustibles, les carburants, l’électricité et l’eau chaude. Voir B. Durand,
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Énergie et environnement, Paris, EDP Sciences, 2007, p. 21.


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193
D’abord, le droit d’accès s’étend de l’énergie finale à la source d’énergie, l’individu
pouvant jouir d’un droit d’accès au rayonnement solaire ou au vent 38. Cependant,
certaines sources d’énergie renouvelables, telles que la géothermie, ne se prêtent pas à
cette liberté d’accès. En effet, en matière de géothermie, le principe civiliste selon
lequel « la propriété du sol emporte celle du sous-sol » est mis en berne par la
reconnaissance à l’État de la propriété sur toute source géothermale. Ensuite, le droit
d’accès s’étend par l’intégration du droit d’exploitation et/ou de commercialisation
pour certaines sources d’énergies renouvelables. Ces droits ne sont pas totalement
libres, car les sources d’énergie ressortissent du domaine public et ne peuvent pas faire
l’objet d’un droit exclusif des individus, sauf en cas de concession ou d’autorisation
d’exploitation accordée par l’État. En matière de biomasse, « le principe de la liberté
d’entreprendre invite à penser qu’une telle activité puisse être accessible à tous les
opérateurs intéressés »39. Cette accessibilité est tout de même soumise à un ensemble
de conditions juridiques qui diffèrent d’un État à un autre. Le point commun étant la
nécessité d’obtenir des agréments ouvrant la voie à la production, à l’entreposage et à
la commercialisation des biocarburants par exemple dans le cas d’une exploitation à
but commercial. Cependant, la tendance générale est la liberté du droit d’exploitation
des sources d’énergie renouvelables lorsque l’énergie produite reste en deçà d’un
certain seuil40.

Il apparaît clairement que les énergies renouvelables constituent un défi pour la


construction matérielle du droit à l’énergie par les nouvelles possibilités qu’elles
offrent. L’individu, destinataire final du service de l’énergie n’a plus seulement un droit
d’accès à l’énergie finale distribuée, mais jouit aussi d’un droit d’accès sur la source
d’énergie. Surtout, son droit à l’énergie peut se manifester par un droit d’exploitation
de la source d’énergie pour sa propre consommation ou une commercialisation à petite
échelle. En matière d’énergie solaire, toute personne qui voudrait exploiter le
rayonnement solaire pour une production autonome et domestique n’a aucune
autorisation à obtenir, si ce n’est celle qui concerne de manière générale la construction
du bâtiment récepteur. Il s’en déduit une démocratisation du droit à l’énergie, une
décentralisation des moyens de production et, de ce fait, une augmentation du taux
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

38
Le droit d’accès au rayonnement solaire ou au vent peut donc être protégé face au voisinage où la
proximité des bâtiments plus élevés est de nature à conditionner l’accès à ce rayonnement. Les voisins
peuvent se mettre d’accord sur l’établissement d’une servitude qui est un accord libre entre les parties
prenantes : A. J. Bradbrook, « Le développement du droit sur les énergies renouvelables et les économies
d’énergie », RIDC, vol. 47, n° 2, avril-juin 1995, p. 530.
39
B. le Baut-Ferrarese et I. Michallet, Traité de droit des énergies renouvelables, 2e éd. Paris, LGDJ, Le
Moniteur, 2012, p. 128.
40
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Au Cameroun, l’article 39 de la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de


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l’électricité soumet au régime de la déclaration les installations produisant entre 100 KW et 1 MW.

194
d’accès à l’énergie41. Encore faut-il que cette démocratisation du droit à l’énergie soit
perçue comme une situation juridiquement protégée.

2.2. Une portée juridique à construire


Le droit à l’énergie, à l’aune d’une transition vers les énergies renouvelables, est appelé
à s’enrichir quant à son contenu et à s’étendre à des sujets de droit autres que les
collectivités. Si cela est admis, il reste encore à consacrer ce droit comme un véritable
droit subjectif jouissant d’une certaine juridicité. En effet, le droit à l’énergie, même
s’il est évoqué de manière quasi-universelle, n’apparaît pas encore de façon explicite
comme un droit de l’homme. Ceci n’est pas propre au droit régional africain ni aux
droits nationaux africains. Toutefois, la déduction du droit à l’énergie des autres droits
qui l’ont précédé affecte nécessairement sa juridicité. Dans un sens positif, cela
implique que l’ensemble des mécanismes de protection de ces droits peuvent être
étendus au droit à l’énergie. Mais il n’en demeure pas moins nécessaire pour le droit à
l’énergie d’avoir une portée juridique autonome.

Les instances régionales ont adopté des instruments de partenariat et de soutien aux
États pour la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables en vue d’accroître
l’offre énergétique et accroître in fine l’accès à l’énergie. Ainsi, en 2008, lors de la
conférence de Dakar sur l’énergie renouvelable, les États africains ont adopté une
déclaration visant la mobilisation de 10 milliards de dollars pour l’exploitation des
énergies renouvelables de 2009 à 2014. À Maputo en 2010, les ministres de l’énergie
se sont engagés à soutenir le programme de coopération régionale d’exploitation de
l’énergie géothermique en Afrique orientale, le potentiel de la vallée du Rift étant
évalué à près de 15 000 MW42. Ces différents engagements régionaux sont destinés à
impulser au sein des États la mise en place d’un cadre juridique propice à respecter,
protéger et soutenir43 le droit à l’énergie. Cette triple obligation a été posée par la
CADHP en matière des droits économiques, sociaux et culturels44. À l’analyse, le droit
régional, à l’image du droit international actuel, ne s’est pas encore doté d’instruments
contraignants capables d’imposer des obligations aux États afin de faire naître un droit
à l’énergie autonome bénéficiant d’une véritable portée juridique. Le droit régional
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

41
Les principaux bénéficiaires sont les ménages qui, en plus des réseaux nationaux, peuvent avoir des
sources autonomes et additionnelles d’énergie contribuant à leur garantir un droit à l’énergie et surtout
à réduire leur facture énergétique à moyen et à long termes.
42
M. J. Fanfil et A. Caton-Fourrat, Le droit de l’énergie en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 24.
43
Nous faisons nôtre cette triple obligation pesant sur les droits de l’homme, posée par J. E. Viñuales
reprenant les travaux de Henry Shue. Voir : J. E. Viñuales « Du non dosage du droit international : les
négociations climatiques en perspectives », Annuaire français de droit international, volume 56, 2010,
p. 468.
44
Social and Economic Rights Action Center and the Center for Economic and Social Rights v. Nigeria,
Communication CADHP 155/96, 15e rapport d’activité (2001-2002), §§ 45-46; F. Coomans “The Ogoni
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Case before the African Commission on Human and Peoples Rights”, ICLQ, vol. 52, n° 3, 208, pp. 749-
760.
195
africain procède essentiellement par des recommandations45 faites aux États de
respecter par exemple le droit au logement décent ou d’impulser le développement
d’une énergie durable. Le droit à l’énergie n’est déduit que de ces dispositions plus
générales. Ceci peut se justifier par la nature de droit-créance du droit à l’énergie.

Cette faiblesse normative explique l’absence d’une réelle portée juridique du droit à
l’énergie. Elle peut se justifier par le principe de la souveraineté permanente des États
sur leurs ressources naturelles. Toutefois, le droit conventionnel régional africain a la
capacité d’élever l’accès à l’énergie au rang de situation juridique à protéger, tels que
le droit à la santé ou le droit au logement. Pour ce faire, il faudrait parvenir à identifier
les motifs recevables en justice et pouvant soutenir une action intentée pour atteinte au
droit à l’énergie. La mutation du droit régional africain irradierait ipso facto les droits
nationaux. Le droit à l’énergie issu du droit régional africain orienterait par conséquent
l’action de l’État, notamment dans le sens de l’édiction et la mise en œuvre d’incitations
fiscales, de subventions à l’offre et à l’achat de l’énergie dans le secteur de
l’exploitation des sources d’énergies renouvelables. Ces mesures auront pour but d’agir
sur le coût et la qualité énergétiques et, partant, d’améliorer l’accès à l’énergie par les
populations, y compris les plus défavorisées. En Grande-Bretagne, le choc pétrolier des
années 1970 a favorisé l’institution de la Fuel Poverty46 (pauvreté énergétique) au
profit de certains ménages, mettant à la charge de l’État des obligations vis-à-vis de ces
ménages. En France, la loi NOME a fait de la qualité de service47 une mesure d’ordre
public s’appliquant autant aux consommateurs qu’aux fournisseurs48. La pauvreté
énergétique, tout comme la qualité de service, constituent désormais des motifs
d’action en justice pour contester une atteinte au droit à l’énergie.

L’accès à l’énergie moderne reste très faible en Afrique. La précarité énergétique, « la


difficulté, voire l’incapacité à pouvoir chauffer correctement son logement, et ceci à un
coût acceptable », est le sort commun des populations africaines. Les coupures
d’électricité en sont la parfaite illustration. Si les subventions à l’énergie appliquées par

45
Dans l’examen des rapports présentés par les États parties conformément aux articles 16 et 17 du Pacte
sur les droits économiques, sociaux et culturels, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels
a engagé l’Australie « à prendre des mesures immédiates pour améliorer l’état de santé des autochtones,
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en particulier des femmes et des enfants, notamment en instaurant un cadre relatif aux droits de l’homme
qui garantit l’accès aux facteurs sociaux de la santé que sont le logement, l’eau potable, l’électricité et
un système efficace d’assainissement », E/C.12/AUS/CO/4 du 12 juin 2009, p. 8.
46
La pauvreté énergétique a été reconnue comme un problème social au début des années 1970 en
Grande-Bretagne lors de la forte augmentation du coût des énergies domestiques, en raison des chocs
pétroliers. Voir : C. Krolik, op cit, p. 153-154.
47
La loi NOME (nouvelle organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010, prenant en
compte ces différents aspects, a étendu le contenu du droit d’accès à l’énergie (articles L.121-86 à 94).
48
La qualité de service renferme une pluralité d’éléments. Il peut s’agir de : la mise à disposition du
consommateur de toutes les informations permettant d’identifier le fournisseur d’énergie ; la nature
écrite et la disponibilité du contrat de fourniture d’énergie ; la possible modification du contenu dudit
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contrat, sa limitation dans le temps et le droit pour le consommateur de changer de fournisseur à


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échéance. Cependant, ces éléments ne trouvent aisément leur pertinence que dans un marché
concurrentiel de libéralisation du secteur de l’énergie.
196
certains États africains traduisent une volonté de conférer à ce droit une certaine
effectivité, il faut de solides garanties de justiciabilité pour qu’il puisse accéder au rang
des droits garantis devant les juridictions.

Bien que la mention du droit à l’énergie soit indirecte dans les instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits de l’homme, il n’en demeure pas moins vrai qu’il est
l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle. Il constitue un objectif à atteindre dans un
monde en quête d’équilibre dans un contexte de crise énergétique et environnementale.
La lutte contre le réchauffement du climat et la sortie du nucléaire s’organisent
universellement dans le sens de la préservation du droit de chacun à l’énergie, ce qui
reste une équation à résoudre par l’inversion des courbes de production énergétique en
faveur des sources renouvelables. D’ailleurs, le cadre onusien de la SE4All considère
les énergies renouvelables comme un axe principal de garantie du droit à l’énergie. Du
coup, le droit africain doit être capable de saisir l’opportunité de la transition vers les
énergies renouvelables pour donner au droit à l’énergie un contenu juridique qui,
dépassant sa connotation incantatoire, en fasse une véritable prérogative juridique. Le
but, à terme, est d’offrir aux juges nationaux africains, à l’instar du juge français,
l’opportunité de statuer en faveur d’un arrêté communal interdisant la suspension de la
fourniture d’énergie et d’eau aux familles en difficulté économique et sociale49.

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49
À Melun, le juge administratif a rejeté le recours en annulation d’un arrêté communal introduit par
Électricité de France et Gaz de France (TA Melun, 16 mai 2007). À Lyon, le juge administratif a, dans
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le même sens, rejeté la requête du préfet du Rhône aux fins de suspension d’un arrêté communal contre
les coupures d’électricité, d’eau et de gaz de familles en difficulté (TA Lyon, 20 juin 2007).
197
LE DROIT SOLAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST :
ENTRE RÉGIONALISME, ÉTATISME ET
LIBÉRALISME
Habib Ahmed DJIGA
Docteur en droit public
UFR/Sciences juridiques et politiques, Université Thomas Sankara, Ouagadougou
Résumé
Les États ouest-africains ont donné une nouvelle orientation aux politiques
énergétiques à travers une transition vers les énergies renouvelables, particulièrement
l’énergie solaire. Au niveau régional, la CEDEAO et l’UEMOA ont élaboré des règles
communautaires axées sur la promotion des énergies renouvelables et le marché de
l’énergie solaire. Au niveau national, la plupart des États ont procédé à une
réorganisation du cadre institutionnel et législatif pour le renforcement des pouvoirs du
régulateur énergétique, la suppression de l’acheteur unique d’énergie électrique,
l’accès des tiers au réseau de transport électrique et l’adoption de mesures incitatives à
l’utilisation de l’énergie solaire. Se développe ainsi un droit solaire en Afrique de
l’Ouest qui reflète la volonté politique de promouvoir, d’une part, l’énergie solaire dans
le cadre régional, et d’autre part, l’initiative privée par la libéralisation du secteur de
l’énergie solaire. Le droit solaire se révèle être un droit de conciliation entre
régionalisme, étatisme et libéralisme, axé sur des règles promotrices d’un
développement véritable par le biais de l’accès universel aux énergies propres.
Mots clés : droit solaire, interventionnisme étatique, droit communautaire ouest-
africain, secteur privé, changements climatiques, développement durable.
Abstract
West African States have given new direction to energy policies through a transition to
renewable energy, particularly solar energy. At the regional level, ECOWAS and
UEMOA have developed community rules focused on the promotion of renewable
energy and the solar energy market. At country level, most States have reorganized the
institutional and legislative framework to strengthen the powers of the energy
regulator, for the elimination of the sole purchaser of electric energy, for third-party
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access to the electric transmission network, and the adoption of incentives for the use
of solar energy. A solar law is thus developing in West Africa which reflects the
political to promote, on the one hand, solar energy in the regional framework, and on
the other hand, private initiative through the liberalization of the solar energy sector.
Solar law turns out to be one of reconciliation between regionalism, statism and
liberalism, based on rules promoting genuine development through universal access to
clean energies.
Keywords: solar law, State interventionism, West African community law, private
sector, climate change, sustainable development.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

199
Introduction
Pour pallier les défis énergétiques et maintenir le cap des ambitions économiques, les
États se ruent vers l’énergie solaire. La prise de conscience des avantages qu’elle
procure a ainsi conduit à l’élaboration d’un cadre juridique incitatif au solaire1. Au
regard de ses vertus écologiques, « l’engouement pour le solaire est devenu un fait
social, autant qu’une réalité juridique »2.

Les États de l’Afrique de l’Ouest, individuellement ou collectivement, ont pris un


certain nombre de mesures afin de résorber leur retard énergétique et renforcer un corps
de règles capable de forger un droit solaire et amorcer leur développement
économique3. Les textes qui sont adoptés dans cette perspective révèlent clairement
que l’énergie constitue « un enjeu stratégique majeur, car elle est indispensable à toute
action humaine et à la satisfaction de la plupart des besoins des hommes, aussi bien
pour la satisfaction de leurs besoins domestiques que pour ceux de l’industrie et plus
largement, des entreprises qui seraient condamnées à la cessation d’activités sans
énergie »4. Dans le même temps, le caractère budgétivore des infrastructures
énergiques et les exigences de technicité du secteur de l’énergie solaire conduisent
l’État à se cantonner dans ses prérogatives régaliennes et à confier au secteur privé les
fonctions d’exploitations directes5. De ce fait, le droit solaire en Afrique de l’Ouest se
trouve à la frontière du régionalisme, de l’étatisme et du libéralisme. Membres de
l’Union africaine (UA), les États ouest-africains participent à la politique énergétique
continentale6. Engagés dans les processus d’intégration régionale, ils œuvrent au plan
communautaire à la promotion des énergies renouvelables, notamment solaires, dans
le cadre de la diversification des sources d’énergies7. Au plan national, les États érigent
un cadre juridique porteur d’une tendance au développement de l’énergie solaire en
vue de l’effectivité de l’accès universel à l’énergie solaire et d’un développement
propre8. Tel un aqueduc, le droit solaire, défini comme l’ensemble des règles dont

1
M. Prieur, « L’énergie et la prise en compte de l’environnement », Revue juridique de l’environnement,
3/1982, pp. 232-264 ; B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », Gazette du
palais, 19 janvier 2006, n° 19, pp. 19 et ss.
2
B. Petit, ibid., p. 18 ; voir aussi M. Prieur et al., Droit de l’environnement, 7ème éd., Paris, Dalloz, 2016,
p. 907.
3
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », Revue des juristes de Sciences Po, 8/2013, p. 62.
4
M. Lamoureux, « Le bien énergie », Revue trimestrielle de droit commercial, 2009, p. 239.
5
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 67.
6
Convention du 11 juillet 2001 relative à la création de la Commission africaine de l’énergie (Lusaka,
Zambie).
7
Protocole de la CEDEAO sur l’énergie adopté à Dakar (Sénégal) le 21 janvier 2003.
8
Loi n° 2010-21 du 20 décembre 2010 portant loi d’orientation sur les énergies renouvelables au
Sénégal ; loi n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina
Faso ; loi n° 2016-05 du 17 mai 2016 portant code de l’électricité au Niger.
l’objet principal est d’encadrer l’usage de l’énergie solaire9, d’élaborer un ensemble de
règles de droit qui accompagne l’exploration, la production, l’importation,
l’exploitation, le transport, la distribution de l’énergie solaire10, draine alors en Afrique
de l’Ouest des règles internationales, communautaires et nationales, avec dans ses flots
un étatisme qui illustre l’attrait vers un monopole étatique dans le secteur et un
libéralisme qui affiche une prise de conscience que l’État ne peut tout faire.

La question du choix idoine et de son encadrement juridique se pose dès lors. Faut-il
privatiser ou nationaliser le secteur de l’énergie solaire ? L’État peut-il se désengager
des activités d’exploitation de l’énergie solaire au profit des acteurs privés ? Les règles
incitatives à l’intervention du secteur privé dans le solaire sont-elles pertinentes ? Les
règles communautaires promeuvent-elles ou dissuadent-elles le libéralisme dans le
secteur de l’énergie solaire ?

De tels questionnements révèlent une dialectique et une corrélation entre le


régionalisme, l’étatisme et le libéralisme dans le secteur de l’énergie solaire. Pour
paraphraser Mohammed Bedjaoui11, répondre à ces questions consiste à soumettre les
règles relatives à l’usage du solaire à un « scanner sophistiqué » pour en percevoir
l’authentique option, la vraie fonction et la pertinence réelle dans la mesure où, dans
certains pays, il est fait « un appel à (re)créer un pôle public apte à répondre aux enjeux
actuels d’écologie, d’égalité et d’autonomie »12.

Il appert ainsi que le droit solaire en Afrique de l’Ouest est un droit auréolé par
l’étatisme (1) mais qui, de plus en plus, est nimbé d’un libéralisme certain (2).

1. Le droit solaire, un droit auréolé par l’étatisme


L’étatisme est une « doctrine politique préconisant l’extension du rôle de l’État dans la
vie économique et sociale »13. Au regard de l’importance de l’énergie, les pouvoirs
publics ne peuvent être étrangers ni surtout indifférents à l’orientation des
comportements pour « assurer un accès minimum d’énergie à chacun, dans la pérennité

9
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

C. Krolik, « Un code primeur pour la naissance du droit de l’énergie », Revue juridique de


l’environnement, 4/2011, p. 487. Il faut distinguer le droit solaire du droit applicable à l’énergie solaire
qui est l’ensemble des règles qui régissent le secteur de l’énergie, mais dont la finalité est extérieure à
l’énergie solaire, à l’instar des incitations financières ou fiscales pour promouvoir l’énergie solaire et la
production d’électricité par les panneaux photovoltaïques. Voir M. Prieur et al., Droit de
l’environnement, op. cit., p. 907.
10
L. Grammatico, Les moyens juridiques du développement énergétique dans le respect de
l’environnement en droit français : recherches sur le droit du développement durable, thèse de droit,
Université de Montpellier, 2003, p. 25.
11
M. Bedjaoui, « L’humanité en quête de paix et de développement » (1ère partie), Recueil des cours de
l’Académie de droit international de La Haye, vol. 324, 2008, p. 55.
12
S. Guérard, « Indépendance, transition écologique, pouvoir d’achat… Et si on (re)nationalisait
l’énergie », L’Humanité, 10 avril 2021.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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13
Dictionnaire Le Robert.

201
et le respect de l’environnement »14. En Afrique de l’Ouest, à travers les règles qu’ils
élaborent, les États expriment individuellement leur omniprésence nationale dans le
secteur de l’énergie solaire (1.1) et affichent collectivement leur attachement au
régionalisme (1.2).

1.1. L’omniprésence de l’État


L’importance stratégique du secteur de l’énergie a conduit les États à affirmer leur
présence dans tous les sillons des différentes activités et à « s’ériger en architecte
unique d’un secteur aussi crucial que celui de l’énergie »15. Dans cette veine, l’État
intervient dans le domaine de l’énergie solaire par l’encadrement (1.1.1) et en tant
qu’opérateur (1.1.2).

1.1.1. L’État encadreur

L’intervention de l’État dans le domaine de l’énergie solaire se manifeste par


l’encadrement et la planification. En effet, en vertu de sa souveraineté, l’État détient le
monopole de l’édiction des règles de droit. Il lui revient alors d’édicter des normes qui
régissent la production, le transport et la distribution de l’énergie solaire ainsi que
toutes les activités connexes telles que la construction des centrales solaires,
l’installation des capteurs solaires, ou encore la commercialisation des matériels et
équipements solaires. C’est en vertu de ces prérogatives que les États ouest-africains
ont amorcé un processus de codification du secteur de l’énergie à partir des années
2000 par l’adoption de lois qui intègrent l’énergie solaire dans le bouquet énergétique16.

L’État encadre le domaine de l’énergie solaire par l’adoption d’actes particuliers. À cet
égard, il délivre les titres nécessaires à l’exercice des activités énergétiques. La
délivrance des licences de production et de vente d’électricité17, l’octroi des
concessions ou les autorisations d’exploitation des installations énergétiques18 relèvent
ainsi de la compétence étatique, plus spécifiquement du ministère en charge de
l’énergie. L’État exerce également une mission de planification. À cet effet, il détient
un pouvoir d’orientation dans le domaine de l’énergie solaire, par l’élaboration des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

14
C. Krolik, « Un code primeur pour la naissance du droit de l’énergie », op. cit., p. 486.
15
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, thèse de droit,
Université de Bordeaux, 2019, p. 12.
16
Loi d’orientation sur les énergies renouvelables de 2010 au Sénégal ; loi n° 2014-132 du 24 mars 2014
portant code de l’électricité en Côte d’Ivoire ; loi n° 014-2017/AN du 20 avril 2017 portant
réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso ; loi n° 2016‐05 du 17 mai 2016 portant code
de l’électricité au Niger ; ordonnance n° 00-019/P-RM du 15 mars 2000 portant organisation du secteur
de l’électricité au Mali.
17
Décret n° 2017-1012/PRES/PM/ME/MCIA/MINEFID du 26 octobre 2017 portant conditions et
modalités d’octroi des licences ou autorisations de production d’énergie électrique au Burkina Faso.
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N° 05 • 2020
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18
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Article 24 de la loi n° 98-29 du 14 avril 1998 portant loi d’orientation du secteur de l’électricité au
Sénégal.

202
politiques sectorielles, la planification stratégique et le suivi-contrôle des activités du
secteur de l’énergie solaire19.

L’État peut aussi intervenir par la régulation qui « repose sur l’idée selon laquelle la
satisfaction de certains besoins collectifs ne peut pas être garantie par le seul marché et
sans intervention de la puissance publique »20.

La régulation, effectivement, représente « une fonction de la puissance publique qui


tend à établir un compromis entre des objectifs et des valeurs économiques et non
économiques, pouvant être antinomiques, dans le cadre d’un marché concurrentiel »21.
Elle se révèle pertinente dans un contexte d’ouverture du marché – avec l’intervention
du secteur privé22 – mais représente peu d’importance si l’organisation du secteur de
l’énergie solaire est monopolistique, surtout lorsque l’État agit comme opérateur.

1.1.2. L’État opérateur

Historiquement, la gestion du secteur de l’énergie était axée sur un système


d’étatisation-centralisation avec en toile de fond un « quasi-monopole qui laissait à la
sphère publique le choix des sources utilisées »23, sous-tendu par l’idée que l’État est
incontournable dans ce secteur. L’interventionnisme de l’État en tant qu’opérateur
s’exerce soit directement, soit indirectement. En effet, en droite ligne de la position
antérieure française24, certains pays ouest-africains, notamment francophones, ont opté
pour la nationalisation de l’électricité. Mais progressivement ils réorientent leur
intervention par la création d’entités juridiquement distinctes ou l’octroi de
concessions. Ainsi, par le biais d’établissements publics spécialement dédiés à
l’exploitation des services énergétiques, les États ont gardé une mainmise sur le
secteur25. Il en est de même de la concession d’État pour l’exploitation ou la prise de
capital social dans les sociétés d’électricité26. Toutes ces initiatives révèlent la volonté
des États d’avoir une maîtrise parfaite du secteur de l’énergie solaire27. Pourtant, ils
affichent aussi leur attachement à la promotion régionale de l’énergie solaire.

19
Article 7 de la loi portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso ; ordonnance n° 00-
019/P-RM du 15 mars 2000 portant organisation du secteur de l’électricité au Mali ; article 7 du code de
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l’électricité du Niger.
20
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 17.
21
G. Marcou, « La notion juridique de régulation », Actualité Juridique. Droit Administratif, 2006, p.
347.
22
Articles 43 et ss du code de l’électricité de la Côte d’Ivoire ; article 8 de la loi
portant réglementation du secteur de l’énergie au Burkina Faso.
23
B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », op. cit., p. 20.
24
Loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz en France ; loi n° 49-1090 du 2 août
1949 et décret n° 55-562 du 20 mai 1955 sur les rapports entre Énergie de France (EDF) et Gaz de France
(GDF) et les producteurs autonomes d’énergie électrique.
25
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 23.
26
Décret n° 2018-0857/PRES/PM/ME/MINEFID portant approbation des statuts de la Société nationale
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d’électricité du Burkina Faso ; article 81 du code nigérien de l’électricité.


27
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 23.
203
1.2. L’attachement au régionalisme
Tant au niveau continental (1.2.1) que sous-régional (1.2.2), les États ouest-africains
ont pris un certain nombre de mesures qui illustrent leur volonté de promouvoir
l’énergie solaire.

1.2.1. L’engagement continental

Malgré son potentiel naturel, l’Afrique n’arrive pas à dynamiser son développement
économique à cause du déficit énergétique28. Elle est ainsi « à la fois un géant
énergétique par les ressources dont elle dispose, et un “nain électrique” par les capacités
réelles sur lesquelles elle peut s’appuyer aujourd’hui pour soutenir son
développement »29. Face à cette situation, les États africains ont initié des mesures pour
identifier les problèmes énergétiques du continent et pour les résoudre30. C’est dans ce
contexte que la Commission africaine de l’énergie (AFREC) a été créée pour aider les
États à juguler la crise énergétique avec en ligne de mire le développement et
l’utilisation durables et écologiquement rationnels de l’énergie31.

Dès son préambule, la Convention créant l’AFREC rappelle que le Traité de la


Commission économique africaine (CEPA)32 engage les États africains à mettre
effectivement en commun les ressources énergétiques du continent et à promouvoir le
développement des énergies nouvelles et renouvelables dans le cadre de la politique de
diversification des sources d’énergie33. L’attachement des pays africains à l’énergie
solaire se manifeste également à travers l’Agenda 2063 qui fixe l’objectif d’exploiter
toutes les ressources énergétiques de l’Afrique en vue d’assurer une énergie moderne,
efficace, fiable, rentable, renouvelable et respectueuse de l’environnement à tous les
ménages africains, aux entreprises, aux industries et aux institutions, grâce à
l’établissement de pools et de réseaux énergétiques nationaux et régionaux et de projets
énergétiques.

Dans ce sens, chaque organisation sous-régionale34 a mis en place un pool dont


l’objectif est, d’une part, « de garantir une solidarité entre les pays adhérents pour leur
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

28
Le continent africain produit 12,4 % du pétrole, 7 % du gaz et 4,3 % du charbon de la planète. Il
dispose d’un fort potentiel en énergies renouvelables. Voir : Agence française pour le développement et
Banque africaine de développement, L’énergie en Afrique à l’horizon 2050, Paris, 2009.
29
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 65.
30
Plan d’action de Lagos de l’Organisation de l’unité africaine 1980 ; voir aussi J. Kamga et A. Amadou,
ibid., p. 65.
31
Convention du 11 juillet 2001 portant création de la Commission africaine de l’énergie.
32
Le Traité de la CEPA a été adopté à Abuja le 3 juin 1991.
33
Article 54.2 du Traité de la CEPA.
34
Il s’agit du Comité maghrébin de l’électricité, du South Africa Power Pool, du West Africa Power
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N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

Pool, du Pool énergétique de l’Afrique centrale et du Est Africa Power Pool. Voir : J. Kamga et A.
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204
approvisionnement en énergie électrique principalement » et, d’autre part, « de mettre
en place des programmes spécifiques ayant pour vocation de faciliter et d’améliorer
l’intégration totale des systèmes d’énergie en Afrique »35. Ces pools attestent
l’affirmation intégrationniste de la promotion de l’énergie solaire.

1.2.2. L’affirmation intégrationniste

L’UEMOA et la CEDEAO ont élaboré des règles relatives à la promotion de l’énergie


solaire.

Les piliers de l’action de l’UEMOA résident dans la Politique énergétique commune et


l’Initiative régionale pour l’énergie durable. La politique commune vise à promouvoir
les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique et à contribuer à la préservation
de l’environnement36. Elle épouse l’affirmation de Michel Prieur pour qui :
« L’environnement ne peut que bénéficier de cette ressource [l’énergie solaire] ; elle
est renouvelable, gratuite, elle ne produit pas de déchets, elle n’émet pas de fumée, elle
est silencieuse. Il s’agit vraiment d’une richesse nationale assurant l’indépendance
énergétique pour laquelle le maximum d’efforts de recherche et d’incitation devraient
être consentis »37. Quant à l’Initiative régionale, elle vise à intégrer 82 % d’énergies
renouvelables dans le mix énergétique en 203038.

L’action de la CEDEAO se fonde sur l’article 28 de son Traité révisé de 1993, qui
engage les États membres à « promouvoir le développement des énergies nouvelles et
renouvelables notamment l’énergie solaire dans le cadre de la politique de
diversification des sources d’énergie ». C’est dans ce registre que le Protocole sur
l’énergie a été adopté le 21 janvier 2003. Il vise, entre autres, à promouvoir le
développement et l’utilisation des sources d’énergies renouvelables et l’emploi de
technologies et de moyens techniques qui réduisent la pollution. Dans la même optique,
conscients que « les solutions d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique
peuvent résoudre les défis liés à l’atténuation du changement climatique de manière
simultanée et efficace dans la région », les États ont adopté une politique en matière
d’énergies renouvelables39 préconisant de développer un cadre juridique cohérent,
efficace et flexible qui puisse inciter à la production d’énergies renouvelables. D’où
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

une incitation à la libéralisation du secteur.

Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances d’harmonisation »,


op. cit., p. 66.
35
Ibid.
36
Acte additionnel n° 04/2001 du 19 décembre 2001 portant adoption de la politique énergétique
commune de l’UEMOA.
37
M. Prieur, « L’énergie et la prise en compte de l’environnement », op. cit., p. 256.
38
Décision du Conseil des Ministres de l’UEMOA n° 6-2009-CM-UEMOA du 25 septembre 2009.
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39
Acte additionnel A/SA.3/07/13 du 18 juillet 2013 sur la politique d’énergies renouvelables de la
CEDEAO.
205
2. Le droit solaire, un droit progressivement nimbé de
libéralisme
L’édiction des normes qui encadrent l’usage de l’énergie solaire s’oriente de plus en
plus vers le libéralisme défini comme la « Doctrine selon laquelle la liberté
économique, le libre jeu de l’entreprise ne doivent pas être entravés »40. L’on assiste
progressivement à une privatisation de la gestion de l’énergie solaire41, avec un
équilibre entre étatisme et libéralisme, à travers l’encadrement de la participation du
secteur privé (2.1). Mais des obstacles se dressent face au choix libéral (2.2).

2.1. L’encadrement de la participation du secteur privé


La libéralisation du secteur de l’énergie solaire repose sur la création d’un marché de
l’énergie solaire concurrentiel et compétitif (2.1.1) qui exige que l’État déploie des
mécanismes pour protéger les intérêts des investisseurs privés (2.1.2).

2.1.1. La marche vers un marché de l’énergie solaire ouvert

La libéralisation du marché de l’énergie solaire requiert, d’une part, l’édiction de règles


communes dans le contexte régional et, d’autre part, l’adoption de normes nationales
qui consacrent l’ouverture du marché de l’énergie électrique.
Dans le contexte européen, la libéralisation a été amorcée par la directive 96/92/CE du
Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles
communes pour le marché intérieur de l’électricité42. Ce choix a rencontré la réticence
de certains pays comme la France qui été interpelée par la Commission de l’Union
européenne43 pour qu’elle change le statut juridique des opérateurs historiques en
sociétés anonymes, avec une participation de l’État à hauteur de 70 % dans le capital44.

En Afrique de l’Ouest, la CEDEAO a aussi opté pour la libéralisation du secteur de


l’énergie par l’institution d’un marché régional de l’électricité45 exhortant les États à
adopter un cadre juridique qui assure le libre accès au réseau de transport régional et
prévoit des conditions et procédures d’octroi des licences aux producteurs indépendants
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

40
Dictionnaire Le Robert.
41
B. Petit, « Le droit du solaire : “petit embryon deviendra grand” », op. cit., p. 20.
42
Ibid.
43
Lettre du 16 octobre 2002 de la Commission de l’Union européenne invitant la France à présenter ses
observations concernant les subventions accordées à l’établissement public EDF. Voir : M. Fall, Les
partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 14.
44
Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises
électriques et gazières ; loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au
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développement du service public de l’électricité ; loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés.
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N° 05 • 2020
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45
Directive C/DIR/1/06/13 du 21 juin 2013 sur l’organisation du marché régional de l’électricité.

206
d’électricité qui soient attrayantes, donc favorables à l’investissement privé et au
libéralisme46.

Les législations nationales sont imprégnées de cet esprit libéral. En effet, elles
consacrent la libéralisation de la production et de la distribution de l’énergie électrique,
dont celle de source solaire. Elles libéralisent également l’achat de l’électricité. Les
opérateurs historiques, qui font partie de l’appareil d’État, ne sont donc plus l’acheteur
unique de l’électricité.

La production est ainsi ouverte pour la consommation personnelle47, la distribution ou


la vente d’électricité. Lorsque la production a pour finalité la vente de l’électricité, elle
est soumise à concession ou licence, suivant les cas48.

Au-delà de la libéralisation du secteur de l’énergie, les États font également recours


aux acteurs privés pour la réalisation et l’exploitation des services énergétiques, car ils
ont une gestion plus technique, plus efficace et flexible, comparativement à la gestion
publique49. D’où le recours aux partenariats public-privé ou à la délégation de service
public50 qui exigent une protection des intérêts privés.

2.1.2. La protection des intérêts des investisseurs privés

L’État assure la protection des intérêts des investisseurs d’abord par l’établissement de
garanties de stabilisation juridique, fiscale et douanière. Ces garanties visent à prémunir
les investisseurs privés d’une nationalisation du secteur de l’énergie, d’une
expropriation ou d’une modification unilatérale des contrats51.

La protection des intérêts des investisseurs privés se manifeste ensuite par l’adoption
de mesures fiscales et douanières incitatives. En effet, la plupart des pays d’Afrique de
l’Ouest accordent des avantages aux entreprises prévus par le code des investissements.
La finalité de ces avantages est d’attirer les investisseurs et de les inciter à contribuer
au développement économique et social. Il s’agit essentiellement de l’exonération de • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

46
Article 7 (2) b et c de la directive du 21 juin 2013.
47
Article 61 de la loi burkinabè sur l’énergie. Voir : M. A. Daffé, « Introduction aux aspects juridiques
des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique au Sénégal », in F. Caille et M. Badji (dir.), Du
soleil pour tous. L’énergie solaire au Sénégal : un droit, des droits, une histoire, Québec, Éditions
science et bien commun, 2018.
48
Article 25 de la loi burkinabè sur l’énergie ; ordonnance malienne relative à l’organisation du secteur
de l’électricité.
49
M. Fall, Les partenariats public-privé dans le domaine des services énergétiques, op. cit., p. 33.
50
Ibid.
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51
J. Kamga et A. Amadou, « Droit et politiques de l’énergie en Afrique subsaharienne : les tendances
d’harmonisation », op. cit., p. 69.
207
la TVA et de certains droits de douane, ou encore des exonérations fiscales et
douanières en faveur du solaire52.

En dépit de l’ouverture du marché de l’électricité, des obstacles empêchent la véritable


libéralisation du secteur, car les investisseurs privés tournent plutôt vers les énergies
fossiles.

2.2. La prégnance des obstacles au libéralisme


La prégnance des obstacles au libéralisme s’illustre par l’existence d’un paradoxe fiscal
(2.2.1) et la surbrillance de l’étato-centrisme (2.2.2).

2.2.1. Le paradoxe fiscal

La production et l’acquisition de l’énergie solaire sont coûteuses 53. Au regard de cette


onérosité et de la nécessité d’avoir accès à l’énergie solaire, les États devraient procéder
à une défiscalisation intégrale. Mais le constat est bien différent. En effet, les États
perçoivent beaucoup de taxes dans la fiscalité de porte. Il est vrai que certains États
développent des initiatives de défiscalisation qui exonèrent de la TVA les équipements
et matériels solaires, comme le Burkina Faso54 ou le Mali55. Mais au niveau
communautaire, le tarif extérieur commun (TEC) plombe ces efforts du fait du
classement des équipements solaires dans la catégorie 3 des marchandises, donc
assujettis au paiement des droits de douanes (20 %) pour les câbles, fils et batteries, de
la redevance statistique (1 %) pour les cellules solaires, câbles, fils et batteries, et du
prélèvement communautaire (1,5 %)56. D’où la nécessité de revoir la fiscalité de porte
pour les équipements et matériels solaires au risque d’aboutir à une baisse drastique de
leur importation57. D’où aussi le rôle crucial de l’État pour estomper ce paradoxe.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

52
Article 52 du code de l’électricité nigérien ; article 57 de la loi portant réglementation du secteur de
l’énergie au Burkina Faso. Voir : B. Sarr et F. Caille, « Moins de taxes pour plus de solaire ? Pluralité et
poids des droits fiscaux et taxes sur les matériels énergétiques solaires au Sénégal depuis l’entrée en
vigueur en 2000 du TEC de l’UEMOA », in F. Caille et M. Badji, Du soleil pour tous …, op. cit.
53
G. Magrin, « L’Afrique subsaharienne face aux famines énergétiques », EchoGéo 2007.
54
Dans le cadre de la mise en œuvre d’un projet social d’acquisition du matériel solaire à crédit pour les
ménages et les PME-PMI, une exonération a été accordée aux entreprises prestataires par l’arrêté
n° 2020-033/ME/MINEFID/MCIA du 16 mars 2020.
55
C. de Gouvello et Y. Maines, L’électrification rurale décentralisée : une chance pour les hommes, des
techniques pour la planète, Paris, Systèmes solaires, 2002, p. 303.
56
B. Sarr et F. Caille, « Moins de taxes pour plus de solaire ? Pluralité et poids des droits fiscaux et taxes
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sur les matériels énergétiques solaires au Sénégal depuis l’entrée en vigueur en 2000 du TEC de
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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l’UEMOA », op. cit.


57
Ibid.

208
2.2.2. La surbrillance de l’étato-centrisme

Malgré l’expression étatique des prémisses d’un esprit libéral, force est d’admettre que
l’État maintient une place importante dans le secteur de l’énergie. Cette surbrillance de
l’étato-centrisme se manifeste d’abord par la réaffirmation du principe de la
souveraineté étatique sur les ressources naturelles58.

Elle se manifeste ensuite par l’imposition des obligations de service public aux acteurs
privés, qui doivent veiller au respect des principes d’égalité, de continuité et
d’adaptation du service public.Il convient enfin de souligner la présence de l’État dans
la gestion des sociétés d’électricité. Certains pays, en effet, détiennent soit la majorité,
soit la totalité du capital des sociétés d’État59. Toute chose qui, dans un contexte de
libéralisme, entrave le fonctionnement d’un marché ouvert et concurrentiel.

Pour terminer, une boutade nous interpelle : « À force de tout vendre au privé, on sera
privé de tout ». Prononcée lors d’une manifestation contre la privatisation de l’énergie
en France, elle résume les enjeux des choix opérés dans un secteur aussi stratégique
que vital. Somme toute, régionalisme, étatisme ou libéralisme, il appert qu’un véritable
droit solaire émerge progressivement et nourrit la réflexion sur sa codification60.

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

58
Selon la Déclaration d’Addis-Abeba du 3 février 2009 sur le développement des infrastructures de
transport d’énergie en Afrique, les États africains s’engagent à défendre « énergétiquement,
continuellement et solidairement le droit imprescriptible de souveraineté et de contrôle des pays africains
sur leurs ressources naturelles ».
59
Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal.
60
C. Krolik, « Un code primeur pour la naissance du droit de l’énergie », op. cit., pp. 483-491 ; P.
Sablière, « Quel code pour le droit de l’énergie ? », Actualité Juridique. Droit Administratif, 2008, pp.
1302-1309 ; P. Sablière, « Un code en manque d’énergie », Actualité Juridique. Droit Administratif,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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2011, pp. 1427 et ss. ; M. A. Daffé, « Introduction aux aspects juridiques des énergies renouvelables et
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de l’efficacité énergétique au Sénégal », op. cit.

209
TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET PROTECTION DE
L’ENVIRONNEMENT DANS LA COOPÉRATION
ÉCONOMIQUE AU SEIN DE LA SOUS-RÉGION DES
GRANDS LACS EN AFRIQUE
Didier MURHULA AMULI
Chercheur associé à l’Université catholique de Bukavu, Faculté de droit

Résumé
Cette contribution est consacrée au plaidoyer en faveur de la prise en compte des liens
serrés entre l’exploitation énergétique et la dégradation environnementale pouvant en
découler, dont notamment les changements climatiques, dans la sous-région des Grands
Lacs. Elle s’intéresse également à l’importance particulière de la transition énergétique
dans cet espace. Après avoir examiné le cadre juridique et institutionnel se rapportant
à l’exploitation énergétique ainsi qu’à la transition énergétique, elle constate que la
protection de l’environnement est oubliée par le législateur communautaire. Elle
propose ainsi une intervention croissante des États membres de la sous-région des
Grands Lacs en vue d’une reforme juridique et institutionnelle et, partant, d’un
changement de la donne.
Mots clés : exploitation énergétique, transition énergétique, institutions, cadre
normatif.
Abstract
This contribution is devoted to advocating for the consideration of the close links
between energy exploitation and the environmental degradation that may result from
it, including climate change, in the Great Lakes subregion. It also underscores the
particular importance of the energy transition in this area. After examining the legal
and institutional framework related to energy use and energy transition, it notes that
environmental protection has been forgotten by the Community legislator. Thus, it
proposes an increasing intervention of the Member States of the Great Lakes subregion
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

with a view to a legal and institutional reform and, therefore, to a change in the
situation.
Keywords : energy exploitation, energy transition, institutions, legal framework.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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211
Introduction
La sous-région des Grands Lacs en Afrique est vulnérable aux dommages
environnementaux découlant de l’exploitation énergétique en raison du déficit des
moyens de restauration de la qualité de l’environnement de la part des États. Ces
dommages peuvent ainsi affecter négativement la santé publique et, partant, le bien-
être des citoyens de cette sous-région. L’Afrique des Grands Lacs est constituée des
pays qui bordent les lacs Victoria, Tanganyika, Albert, Édouard, etc. Ces lacs sont
considérés comme grands en raison notamment de leur profondeur et de leur superficie.
Les pays qui les bordent sont la République démocratique du Congo (RDC), le Burundi,
le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda. Cette région se caractérise notamment par sa
population dense et l’abondance de ses ressources naturelles (la fertilité des sols, la
disponibilité de l’eau) favorisant une bonne productivité animale et végétale1.

La production énergétique dans cette partie du continent africain est responsable de


nombreux dommages environnementaux, dont les changements climatiques. Ceci peut
se valider aisément par le fait que les activités de production, de transport et
d’utilisation du bois-énergie produisent des déchets et des rejets qui entraînent de
multiples pollutions de l’air, de l’eau et du sol. Ces pollutions participent, entre autres,
à la perte des espèces, c’est-à-dire de la biodiversité, ainsi qu’à la dégradation des sols2.

En effet, le bois constitue la première source d’énergie à laquelle recourent les citoyens
de l’Afrique des Grands Lacs. Son exploitation à des fins énergétiques contribue au
déboisement, dont la part dans les changements climatiques n’est pas des moindres.

En outre, du fait des combustions qui résultent de ces diverses utilisations, la production
énergétique dans l’Afrique des Grands Lacs cause d'importantes pollutions
atmosphériques et thermiques. Ces pollutions sont engendrées, lors de la production de
l’électricité, du fonctionnement des appareils thermiques, de la circulation routière,
etc.3

La transition énergétique constitue une réponse efficace au problème posé par


l’utilisation des énergies moins respectueuses de l’environnement en Afrique des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Grands Lacs. Il s’agit du « passage d’un système énergétique reposant lourdement sur
l’utilisation des énergies fossiles (le pétrole, le charbon et le gaz naturel), vers un
bouquet énergétique donnant la part belle aux énergies renouvelables et à l’efficacité

1
J.-P. Chrétien, L’invention de l’Afrique des Grands Lacs : une histoire du XXe siècle, Paris, Karthala,
2010, p. 12.
2
C. Ngo, « Impacts de l’énergie sur l’environnement - illustrations sur quelques exemples », in
Ressources énergétiques et stockage, 2017, p. 1, www-techniques-ingenieur-fr-base-documentaire-
energies-th4-energie-economie-et-environnement-42593210-impacts-de-l-energie-sur-l-
environnement-be7900-.pdf.
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3
M. Junior Fanfil et A. Canton-Fourrat, Le droit de l’énergie en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2015, p.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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1.

212
énergétique »4. Elle implique la prise en compte de l’environnement dans les politiques
et stratégies d’exploitation de l’énergie.

Ceci est même indispensable en vue de la réussite de l’intégration régionale, compte


tenu de l’importance des ressources et échanges énergétiques pour équilibrer les bilans
nationaux car les exportations énergétiques constituent une création de richesse5. Dans
le même ordre d’idées, disons qu’une coopération économique avantageuse existe entre
les États de la sous-région des Grands Lacs. Cette coopération est beaucoup plus
institutionnelle en ce sens qu’elle se matérialise dans le cadre des différentes
organisations d’intégration économique ou communautés économiques.

Ces communautés économiques se développent de plus en plus dans la sous-région des


Grands Lacs et prennent à cœur l’idéal de la transition énergétique en vue du
renforcement des économies des États. Cependant, au sein de la sous-région des Grands
Lacs, les différents instruments juridiques en vigueur, adoptés dans le cadre de ces
communautés6, ne prennent pas suffisamment en compte le lien serré entre
l’exploitation énergétique et la protection de l’environnement. La transition
énergétique n’est donc pas bien conçue.

Il est ainsi intéressant de procéder à l’analyse de ce cadre normatif et institutionnel se


rapportant à l’exploitation énergétique au sein de la sous-région des Grands Lacs afin
de relever les insuffisances liées à la protection contre les dommages
environnementaux pouvant provenir de l’exploitation énergétique.

Sur le plan méthodologique, la réalisation de cet article relève d’une approche


combinant l’exégèse et la sociologie du droit. La mobilisation de cette approche nous
a permis de procéder dans un premier temps à l’interprétation des dispositions
juridiques visant la transition énergétique dans la sous-région des Grands Lacs. Cet
exercice a révélé des lacunes et de l’oubli de la prise en compte du lien entre
l’exploitation énergétique et la protection de l’environnement.

Dans un second temps, à travers la démarche de la sociologie du droit, nous avons


évalué les besoins de la sous-région des Grands Lacs en normes juridiques relatives
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

aux mesures d’atténuation des dommages environnementaux découlant de


l’exploitation énergétique. Ceci a permis de souligner l’importance de la transition
énergétique pour répondre à ces besoins. D’autre part, la démarche de la sociologie du

4
S. Faucheux et M. O’connor, « Économie circulaire & solidaire: l’opportunité africaine », Liaison
Énergie-Francophonie, n° 107, pp. 20-23, p. 20.
5
Commission économique pour l’Afrique, Politique de coopération régionale pour le développement
des énergies renouvelables en Afrique du Nord, Publications des Nations Unies, décembre 2013, p. 1.
6
Il s’agit principalement des traités constitutifs des différentes communautés économiques de cette sous-
région, dont la Communauté économique de pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté de
l’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC), la
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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Communauté pour le développement des États d’Afrique australe (SADC), ainsi que le Marché commun
de l’Afrique de l’Est et du Sud (COMESA).
213
droit a permis d’évaluer les pratiques effectives des institutions en matière de transition
et d’efficacité énergétiques, tant il est vrai qu’il revient à ces institutions d’œuvrer à la
mise en œuvre d’un système énergétique propre.

Cette approche a été matérialisée et complétée au travers de la technique documentaire


et celle de l’observation directe. De ce fait, nous avons étayé notre analyse juridique
par les propos des différents auteurs sur le sujet traité. En outre, nous avons jeté un
regard sur la sous-région des Grands Lacs dans le but de constater directement la réalité
sur l’impact négatif de l’utilisation des énergies non renouvelables sur
l’environnement.

L’intérêt de cette contribution est indéniable tant elle plaide en faveur de l’adoption de
normes juridiques adéquates et de la mise en place d’institutions efficaces en vue de
l’intégration des préoccupations environnementales dans le domaine de l’exploitation
énergétique dans la coopération économique au sein de la sous-région des Grands Lacs.
Ces normes pourraient constituer un puissant outil, à la disposition des acteurs de
l’intégration sous-régionale, afin de mieux garantir la protection juridique contre les
dommages environnementaux résultant de l’exploitation énergétique.

Avec cette partie introductive ainsi que la conclusion, cet article tourne autour de deux
points. Le premier examine les lacunes du droit communautaire de la sous-région des
Grands Lacs en matière de protection de l’environnement dans le domaine de
l’exploitation énergétique. Le second revient, pour sa part, sur les perspectives en vue
du renforcement de la transition énergétique et de la protection de l’environnement
dans la sous-région des Grands Lacs.

1. Protection de l’environnement dans le domaine de


l’exploitation énergétique : les lacunes du droit
communautaire au sein de la sous-région des Grands Lacs
La concrétisation du septième objectif de développement durable (ODD) pour l’accès
de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable,
n’est pas seulement le fait des États. Elle interpelle également les communautés
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

économiques régionales7. Ainsi que nous l’avons souligné supra, les communautés
économiques de la sous-région des Grands Lacs œuvrent au renforcement de la
coopération en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.

Afin de renforcer l’intégration énergétique régionale, elles doivent adopter des normes,
élaborer des politiques et stratégies efficaces en vue d’asseoir une exploitation
énergétique qui n’aura pas d’impact négatif sur l’environnement. Le cadre juridique
relatif à l’exploitation énergétique connaît des insuffisances sur la connexion énergie-
7
O. Gbaguidi, « Cinquante ans d’intégration régionale en Afrique : un bilan global », Techniques
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

financières et développement, vol. 1, n° 111, 2013, pp. 47-62, p. 52.


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214
climat. Toutefois, l’exploitation énergétique demeure d’une importance indéniable en
vue de la réussite de l’intégration régionale. Nous nous appesantirons sur l’analyse de
ces lacunes tant sur le plan normatif (1.1) que sur le plan institutionnel (1.2).

1.1. Sur le plan normatif


La transition énergétique découle des instruments juridiques adoptés au sein des
communautés économiques qui se développent dans la sous-région des Grands Lacs.
Cependant, ceci n’a pas encore contribué à changer la donne, c’est-à-dire à prendre en
compte les impacts du système énergétique sur l’environnement. Ce cadre juridique ne
produit donc pas les résultats attendus, en dépit de l’importance accordée à la
coopération dans le domaine énergétique (1.1.1). En outre, les insuffisances que
comporte la protection de l’environnement, c’est-à-dire la prise en compte de la
connexion énergie-environnement, peuvent être à la base de cette situation (1.1.2).

1.1.1. L’exploitation énergétique, un domaine de coopération


privilégié dans la sous-région des Grands Lacs

Les communautés économiques en Afrique des Grands Lacs privilégient la coopération


en matière énergétique. Deux éléments permettent de s’imprégner du caractère
privilégié de cette coopération. Il s’agit, d’une part, de la considération de l’exploitation
énergétique en tant que condition en vue de la réussite de la stratégie de l’intégration
économique. D’autre part, de la promotion des énergies renouvelables dans laquelle
s’inscrit le cadre juridique communautaire.

1.1.1.1. Du rôle de l’exploitation énergétique dans la réussite de


l’intégration économique dans l’Afrique des Grands Lacs

Ce rôle découle de l’article 106, al. 1, du Traité du COMESA. Aux termes de cette
disposition, « les États membres reconnaissent que la disponibilité suffisante de
l’énergie à des prix compétitifs est une condition préalable du développement
économique, et que pour garantir l’approvisionnement en énergie de tous les États
membres à des prix compétitifs, il est nécessaire de développer les ressources
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

énergétiques locales ou renouvelables et de gérer rationnellement les ressources


existantes ».

Cette disposition conforte le lien que nous avons établi entre l’exploitation énergétique
et la réussite de l’intégration régionale. En effet, l’énergie est à la base de tout. Elle
permet l’exploitation de l’eau potable, le fonctionnement des moyens de transport, des
hôpitaux, des écoles, des logements décents, etc.8 Elle permet ainsi de faciliter la
circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein des différentes
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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8
J. Reilly, « Énergie et développement dans les pays émergents », Revue d’économie du développement,
vol. 23, n° 3, 2015, pp. 19-41, p. 19.

215
communautés. Elle est même importante pour l’atteinte de la dernière étape du
processus de l’intégration régionale se caractérisant par la mise en œuvre des politiques
sociales communes.

Ce rôle découle également de l’article 2, point 4, de la Convention du 26 septembre


1976 portant création de la CEPGL. Selon cette disposition, cette communauté a pour
objectif « de coopérer de façon étroite dans les domaines sociaux, économiques,
commerciaux, scientifiques, culturels, politiques, militaires, financiers, techniques et
touristiques et plus spécialement en matière judiciaire, douanière, sanitaire,
énergétique, de transports et de télécommunications ».

Il en résulte que l’exploitation énergétique est un domaine de coopération spécial. Cette


spécialité dont fait mention le Traité constitutif de la CEPGL assure en effet que les
questions de production et d’utilisation de l’énergie seront traitées de manière
approfondie. Ceci laisse penser que la lutte contre les changements climatiques et
d’autres dommages environnementaux sera prise en compte dans la définition des
politiques et stratégies en matière de la transition énergétique.

1.1.1.2. De la promotion des énergies renouvelables au sein de la sous-région


des Grands Lacs

Ceci découle dans un premier temps du Code communautaire des investissements9,


adopté dans le cadre de la CEPGL. Il consacre le passage vers un bouquet énergétique
donnant la part belle aux énergies renouvelables. Deux dispositions de cet instrument
juridique peuvent être évoquées pour conforter cette position. Il s’agit des articles 5 et
43.

L’article 5 sur la promotion des entreprises communautaires ou communes donne une


place de choix aux entreprises œuvrant dans le domaine de l’infrastructure économique,
notamment : mise en valeur des ressources hydrauliques, constructions, système de
distribution d’énergie et projets d’irrigation. Dans le même ordre d’idées, l’article 43
de cet instrument juridique impose aux États hôtes de veiller aux garanties relatives aux
modalités d’approvisionnement en ressources hydrauliques, électriques et autres
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

nécessaires à l’exploitation, l’acheminement ou l’évacuation des produits.

Ceci constitue déjà une avancée vers la transition énergétique sous-régionale en ce sens
que l’hydroélectricité dont font mention ces deux dispositions constitue un mode de
production énergétique plus respectueuse de l’environnement. Nous y reviendrons dans
les développements suivants.

Dans un deuxième temps, la promotion des énergies renouvelables ressort du Traité de


la CEEAC. Aux termes de l’article 72 de ce Traité, « les États membres conviennent
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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9
Adopté à Gisenyi le 31 janvier 1982.
216
de mettre en valeur les ressources énergétiques de la communauté, promouvoir les
énergies renouvelables dans le cadre de la politique de la diversification des sources
d’énergie ».

1.1.2. Une prise en compte lacunaire de la protection de


l’environnement dans le domaine de l’exploitation énergétique

L’importance accordée par différentes communautés à la coopération dans le domaine


énergétique ainsi qu’à la promotion des énergies renouvelables n’est cependant pas
accompagnée d’une prise en compte sérieuse de la protection de l’environnement.
Pourtant, le propre de l’exploitation énergétique est d’entraîner des conséquences sur
l’environnement induisant les modifications des conditions météorologiques, une
situation qui impacte négativement sur le bien-être des citoyens.

Selon l’article 5, al. 3, point c, du Traité constitutif de la CAE, cette communauté a


pour objectif « la promotion d’une utilisation durable des ressources naturelles des
États membres et l’adoption de mesures qui permettront de protéger l’environnement
naturel des États membres ». Certes cette disposition consacre une protection générale
de l’environnement. Mais pour se rendre compte de sa protection dans le domaine
spécifique de l’énergie, il faut se reporter à l’article premier dudit traité.

Il en ressort que le terme « environnement » désigne les ressources naturelles que sont
l’air, l’eau, la terre, la faune, la flore, les écosystèmes, les sols, les caractéristiques
physiques créées par l’homme, l’héritage culturel, les aspects caractéristiques de la
nature et l’interaction socioéconomique entre lesdits facteurs et les organismes vivants
et non vivants. La production énergétique peut résulter de la mise en valeur de ces
ressources, dont notamment l’eau pour ce qui est de l’hydroélectricité.

L’environnement se trouve ici protégé par le fait que l’exploitation de ces ressources
est calquée sur le modèle de développement durable. Ceci implique un régime
d’utilisation de ces ressources qui soit écologiquement sain, économiquement viable et
socialement acceptable10. Toutefois, il s’agit d’une mesure de protection trop générale,
ne rencontrant pas les spécificités des dommages environnementaux pouvant découler
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

de l’exploitation énergétique.

L’article 101 du Traité de la CAE est plus détaillé en matière de la transition


énergétique. Cette disposition est ainsi libellée : « 1. […] les États membres doivent
adopter des politiques et des mécanismes visant à promouvoir une exploitation efficace,
le développement ainsi que la recherche et l’utilisation communes des différentes
sources d’énergie disponibles dans la région. 2. Aux fins de l’application du paragraphe
1 du présent article, les États membres doivent notamment promouvoir au sein de la
Communauté : a) le développement au moindre coût et la transmission de courant
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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10
R. Romi, Droit de l’environnement et du développement durable, Paris, LGDJ, 2016, p. 15.

217
électrique ainsi que l’exploitation des carburants fossiles et des sources d’énergie
nouvelles et renouvelables ; b) la planification conjointe, la formation, la recherche et
l’échange d’informations sur l’exploration, l’exploitation, le développement et
l’utilisation des ressources énergétiques disponibles ; c) le développement d’une
politique intégrée d’électrification rurale ; d) le développement d’un réseau
d’interconnections électriques entre États membres ; e) la construction de gazoducs et
d’oléoducs ; et f) toute autre mesure visant à fournir de l’énergie à un prix abordable
aux populations des États membres en ne perdant pas de vue la protection de
l’environnement telle qu’elle est prévue par le présent traité ».

Cette disposition insiste beaucoup plus sur l’accès des citoyens de la communauté à
l’énergie. La recommandation est faite aux États de migrer vers l’utilisation des
énergies nouvelles et renouvelables. Ce n’est qu’à la fin qu’on demande aux États de
ne pas perdre de vue la protection de l’environnement. Ainsi, à l’instar de la disposition
précédemment commentée, celle-ci ne définit pas les mesures de protection que les
États sont appelés à adopter.

En outre, l’article 112, al. 1, point c, sur la gestion de l’environnement impose aux États
de mettre au point des mesures en vue de contrôler l’air, la pollution terrestre et
aquatique provenant des activités de développement. Ces mesures, dont l’adoption est
encore renvoyée aux États, sont bonnes pour résorber les dommages environnementaux
pouvant découler de l’exploitation énergétique.

1.2. Le paysage institutionnel entourant la transition énergétique et la


protection de l’environnement en Afrique des Grands Lacs
Nous nous livrons tour à tour à l’analyse des progrès accomplis sur le plan institutionnel
en matière de coopération économique dans le domaine énergétique dans la sous-région
des Grands Lacs (1.2.1), puis à l’analyse d’un chantier institutionnel qui requiert de
l’effectivité (1.2.2).

1.2.1. Les progrès accomplis


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Nous focalisons notre attention ici sur deux grandes institutions mises en place dans
l’Afrique des Grands Lacs en vue d’accompagner l’idéal de la transition énergétique,
en raison de l’inaccessibilité du droit dérivé d’autres communautés économiques qui
pourraient en prévoir d’autres. Il s’agit de la société internationale d’électricité dans la
sous-région des Grands Lacs (SINELAC) ainsi que du pool énergétique de l’Afrique
centrale.

En ce qui concerne la SINELAC, elle est une institution spécialisée de la CEPGL. Elle
constitue un réseau d’échange de l’énergie dans un cadre mieux organisé dans l’espace
Grands Lacs. La SINELAC a été créée conformément à l’article 3 de la Convention
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
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constitutive de la CEPGL. Il ressort de cette disposition que « pour atteindre ces


africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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218
objectifs, les États membres s’engagent solennellement à mettre en œuvre des solutions
appropriées aux problèmes posés notamment par la création des organismes et services
communs, la signature d’ententes, d’accords ou de conventions ». C’est donc une
solution institutionnelle à la mise en œuvre de la coopération en matière énergétique
dans l’espace CEPGL en ce sens qu’elle est censée favoriser la promotion de
l’hydroélectricité.

Pour ce qui est du pool énergétique de l’Afrique centrale, c’est un organisme spécialisé
de la CEEAC. Il est chargé de la mise en œuvre de la politique énergétique, du suivi
des études et de construction des infrastructures communautaires et de l’organisation
des échanges de l’énergie électrique et des services connexes dans l’espace CEEAC.
C’est une réponse efficace au problème de la sous-électrification et aux déficits
chroniques d’énergie électrique en Afrique centrale.

De ce développement, nous pouvons comprendre qu’un cadre institutionnel se


rapportant à l’exploitation énergétique existe dans la sous-région des Grands Lacs.
Cependant, des attributions précises ne sont pas conférées à ces institutions en matière
de transition énergétique et au regard des enjeux climatiques connexes. Pourtant,
l’énergie propre constitue une pierre angulaire en vue de la mise en place des actions
liées aux stratégies politiques, économiques, sociales et environnementales11. Il est
important de définir clairement les rôles que ces institutions doivent jouer en vue de
l’atteinte de l’idéal de la transition énergétique.

1.2.2. Un chantier institutionnel en quête d’effectivité : la commission


technique spécialisée de l’énergie au sein de la CEPGL

Cette commission a été créée par l’article 1, point 4, du premier protocole additionnel
à la Convention du 20 septembre 1976 portant création de la CEPGL, relatif à la
création et à l’institutionnalisation des commissions techniques spécialisées de cette
communauté12. Au nombre des commissions créées figure « la Commission technique
spécialisée des Travaux Publics, des Transports, des Communications et de l’Énergie ».
Après avoir abordé la pertinence de cette commission en matière de transition
énergétique et de protection de l’environnement, nous allons par la suite analyser les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

difficultés liées à son effectivité.

S’agissant de la pertinence de la commission technique spécialisée de l’énergie en


matière de la transition énergétique dans l’Afrique des Grands Lacs, deux éléments
essentiels attestent de l’ingéniosité du législateur communautaire dans la mise en place
de cette commission. Ces éléments peuvent être analysés au niveau de la composition
ainsi qu’au niveau des missions assignées à la commission.

11
D. Muhinduka Di-Kuruba, Gestion additive, biens publics et fourniture de l’électricité dans la région
de Bukavu, République démocratique du Congo, thèse de doctorat, Université catholique de Louvain,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

2010, p. 16.
12
Adopté et signé à Bujumbura le 9 septembre 1977.
219
Au niveau de la composition : il ressort de l’article 2 du premier protocole à la
Convention de Gisenyi que « chaque Commission comprend au moins un ministre ou
commissaire d’État de chacun des États membres. Les Ministres et Commissaires
d’État peuvent être assistés par des Conseillers ».

Cette représentativité des ministres des États intervenant dans le domaine de l’énergie
assure que les problèmes et préoccupations de l’un ou l’autre État seront pris en compte
dans la définition des stratégies et priorités en matière énergétique. Toutes choses qui
contribuent au renforcement de l’intégration énergétique régionale et, partant, au
développement équilibré des États au sein de la sous-région des Grands Lacs.

Au niveau des missions : le siège de la matière, c’est l’article 3 du premier protocole à


la Convention portant création de la CEPGL. Selon cette disposition, « chaque
Commission a notamment pour mandat : d’évaluer périodiquement l’état de
coopération dans le domaine qui la concerne et de présenter à la Conférence, par
l’intermédiaire du Conseil des Ministres et Commissaires d’État, des rapports et des
recommandations ».

Cette évaluation périodique est aussi bonne pour assurer que l’exploitation énergétique
n’aura aucune prise sur l’environnement. Elle est intéressante en ce sens qu’elle permet
de s’imprégner des éventuels dommages ayant été portés à l’environnement du fait de
l’exploitation énergétique, ce qui est bon pour l’adoption des mesures d’atténuation.
Malheureusement, ces attributions ne sont pas conférées à la commission de façon
claire et précise.

Toutefois, l’article 6 du premier protocole à la Convention de Gisenyi prévoit que


« sous réserve des dispositions du présent protocole et des directives qui peuvent lui
être données par la conférence, chaque commission peut arrêter toutes autres modalités
pratiques nécessaires pour la bonne exécution des fonctions qui lui sont assignées ».

Face au silence du protocole sous analyse sur les attributions de la commission de


l’énergie en matière d’environnement, cette disposition peut constituer une base en vue
de son intervention. L’adoption des mesures d’atténuation des dommages
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

environnementaux résultant de l’exploitation énergétique apparaît ainsi comme une


modalité pratique nécessaire devant permettre à la commission de bien accomplir ses
fonctions.

Comme cela transparaît clairement des développements précédents, la commission


technique spécialisée de l’énergie est, au regard de sa composition et de ses missions,
pertinente en vue de la réussite de la transition énergétique dans la sous-région des
Grands Lacs. Cependant, cette commission, comme c’est le cas pour les autres, n’est
pas effective. Elle n’existe que dans les textes. Elle ne dispose pas ainsi d’action, ce
qui empêche sa participation à la réussite de l’idéal de la transition énergétique.
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

220
Il est ainsi important que les États membres de la CEPGL pensent à sa mise en place,
étant donné sa pertinence en matière de la transition énergétique. C’est en réalité sous
cette condition que son apport pourra être affecté à la protection de l’environnement en
matière énergétique.

2. Perspectives en vue de l’adaptation du système


énergétique de la sous-région des Grands Lacs à la
nécessité de la protection de l’environnement
Il est important de procéder au renforcement de l’intégration énergétique régionale afin
d’escompter, à terme, la mise en place d’un système énergétique respectueux de
l’environnement. Le potentiel énergétique de la sous-région des Grands Lacs, ainsi que
l’importance particulière de l’énergie en vue de la réussite de l’intégration économique
dans cette partie du continent africain, constituent autant d’opportunités en vue de la
conception des modèles plus durables de production et d’utilisation énergétiques.

Ainsi, pour mieux contrer les dommages environnementaux découlant de l’exploitation


énergétique dans la sous-région des Grands Lacs, il s’impose, d’une part, d’accorder
une importance particulière à la transition énergétique (2.1). D’autre part, il convient
d’adopter une politique énergétique efficace prenant en compte le lien serré entre
l’exploitation énergétique et la protection de l’environnement (2.2).

2.1. Accorder une importance particulière de la transition


énergétique dans la sous-région des Grands Lacs
La transition énergétique constitue une réponse efficace à la lutte contre les effets
néfastes de l’utilisation des énergies moins respectueuses de l’environnement. Pour ce
faire, il est d’une importance évidente d’inverser la tendance à la consommation quasi-
généralisée du bois-énergie (2.2.1) et d’œuvrer à l’exploitation du potentiel énergétique
de la sous-région des Grands Lacs (2.2.2). • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

2.2.1. La lutte contre l’utilisation abusive quasi-généralisée du bois-


énergie

Dans la sous-région des Grands Lacs, près de 80 % de la consommation finale totale


d’énergie provient de la biomasse forestière, aussi appelée bois-énergie, du pétrole
ainsi que du gaz naturel. La quasi-totalité de la population utilise cependant le bois
comme principale source d’énergie domestique afin de satisfaire des besoins
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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221
fondamentaux (cuisson, repassage, chauffage), avec des méthodes de production,
d’approvisionnement et de conversion peu efficaces et généralement non durables13.

En République démocratique du Congo, l’exploitation massive et régulière de la forêt


du bassin du Congo pour l’approvisionnement en bois-énergie contribue à la
déforestation, la dégradation du sol, la perte d’espèces, ainsi qu’à l’étalement urbain et
la diminution de la superficie cultivable14. En effet, les femmes et enfants font des
parcours pour trouver du bois en milieu rural, ce qui participe à la déforestation déjà à
grande échelle observée dans le pays au cœur de l’Afrique. Le bois ainsi collecté joue
un rôle primordial dans la production énergétique en RDC et, partant, dans le
développement économique et social15. Il convient à tout prix d’inverser cette tendance,
en assurant l’exploitation du potentiel énergétique de la sous-région des Grands Lacs.

Il s’agit notamment du potentiel solaire et éolien, ainsi que l’hydroélectricité, dont


dispose en abondance la sous-région des Grands Lacs. Cette région dispose en réalité
de ressources abondantes en vue d’une exploitation hydroélectrique efficace. Dans ce
sens, disons que l’hydroélectricité contribue à éviter les émissions de gaz à effet de
serre provenant de la combustion des combustibles fossiles. En outre, la disponibilité
de l’eau et la production de l’énergie hydroélectrique sont susceptibles d’être effectuées
sans entraîner des modifications du régime des précipitations ayant une incidence sur
le débit des rivières16.

C’est dans ces perspectives que l’ODD 7 pourra être atteint dans la sous-région des
Grands Lacs. Pour rappel, l’ODD 7 vise à « garantir l’accès de tous à des services
énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable ». Il comporte trois
cibles à l’horizon 2030, à savoir garantir l’accès de tous à des services énergétiques
fiables et modernes, à un coût abordable ; accroître nettement la part des énergies
renouvelables dans le bouquet énergétique mondial ; ainsi que multiplier par deux le
taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique.

Et pour sa mise en œuvre, le Programme de développement durable reconnaît


« l’importance des dimensions régionale et sous-régionale de l’intégration économique
régionale et de l’interconnectivité pour le développement durable ». Il y est aussi
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

mentionné que « les cadres d’action régionaux et sous-régionaux peuvent en effet aider
à traduire plus efficacement des politiques de développement durable en mesures
concrètes au niveau national »17.

13
R. Katy, Importance économique et usages des énergies dans l’Afrique des Grands Lacs, Rapport,
Ligue des organisations de la société civile intervenant dans le domaine de l’énergie dans la région des
Grands Lacs, inédit, 2019, p. 12.
14
N. Shuku Onemba, « La bioénergie durable : un facteur de transition énergétique en République
démocratique du Congo », Liaison Énergie-Francophonie, n° 107, 2018, pp. 52-60, p. 53.
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15
D. Muhinduka Di-Kuruba, op. cit, p. 3.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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16
N. Shuku Onemba, op cit, p. 53.
17
Paragraphe 19 du Programme de développement durable.
222
2.2.2. L’adoption d’une politique d’efficacité énergétique dans
l’Afrique des Grands Lacs

Cette politique doit viser trois options fondamentales, à savoir l’efficacité énergétique,
le développement des infrastructures énergétiques ainsi que les énergies renouvelables,
tout en prenant en compte les mesures de prévention, d’atténuation ou de correction
des dommages sur l’environnement. Il s’agit donc d’une politique de promotion de
l’accès universel à l’énergie dans le strict respect de la protection de la nature.

C’est le lieu de le rappeler, les dommages environnementaux pouvant résulter de


l’exploitation énergétique consistent notamment dans l’émission de gaz toxiques, du
largage de liquides nocifs, etc. On observe des impacts sur l’environnement depuis le
secteur de la production d’énergie jusqu’à celui de l’usage de celle-ci. Les atteintes
touchent l’air, l’eau et le sol à des degrés divers18.

Ceci comportant des effets néfastes sur le bien-être, il est important que des mesures
nécessaires de correction soient prises dans le cadre de la politique énergétique. Il s’agit
des mécanismes pouvant permettre la constatation des défis écologiques posés par la
production et la consommation de l’énergie. C’est en cela que réside l’efficacité de la
politique énergétique19. Pour ce faire, une collaboration nécessaire mérite d’être
effectuée entre différentes communautés économiques en vue d’une coordination
efficace des politiques et de la définition d’une politique sous-régionale commune.

Conclusion
Au terme de ce tour d’horizon sur l’analyse des dimensions normatives et
institutionnelles de l’interface énergie-environnement dans la sous-région des Grands
Lacs, nous affirmons qu’une intervention croissante des États en vue d’une exploitation
énergétique propre est indispensable. Les États doivent se réunir en vue de définir les
normes et institutions efficaces se rapportant à la transition énergétique. En outre, une
coopération intercommunautaire est nécessaire en vue de l’adoption d’une politique
énergétique sous-régionale commune prenant à cœur la nécessité de la protection de
l’environnement.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Le fondement de cette intervention réside, d’une part, dans la carence des normes
juridiques qui tiennent compte de la connexion énergie-environnement ainsi que des
politiques et stratégies de l’utilisation de l’énergie d’une manière respectueuse de la
nature. D’autre part, elle se fonde sur le fait qu’il convient d’activer les mécanismes
institutionnels nécessaires en vue de la concrétisation de l’idéal de la production des
énergies propres et fiables.

18
C. Ngo, op. cit, p. 2.
La protection de l’environnement par les juridictions

19
africaines : avancées nationales et régionales

M. Prieur, « L’énergie et la prise en compte de l’environnement », Revue juridique de


Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

l’environnement, n° 3, 1982, pp. 231-274, p. 232.

223
LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIES DANS LE
CADRE DU MÉCANISME POUR UN DÉVELOPPEMENT
PROPRE : UN GAGE DE L’USAGE DES ÉNERGIES
RENOUVELABLES
Parfait OUMBA
Maître de conférences en droit international et chef adjoint du département de droit
public à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université catholique
d’Afrique centrale

Résumé
Le transfert de technologies vers les pays en développement dans le cadre du
mécanisme pour un développement propre est considéré comme un des moyens les plus
efficaces et les plus équitables pour lutter contre les changements climatiques. La
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de
Kyoto et même l’Accord de Paris qui s’y rattachent contiennent plusieurs dispositions
visant à encourager ce transfert. Toutefois, le transfert et la diffusion des technologies
vertes vers les pays en développement dans le cadre du mécanisme pour un
développement propre n’ont pas connu d’accélération notable même après l’entrée en
vigueur de l’Accord de Paris. Partant, comment comprendre les obstacles rencontrés
par le régime des changements climatiques dans la promotion du transfert de
technologies que prévoit le droit international afin d’améliorer la situation ?

Mots clés : transfert de technologies ; mécanisme pour un développement propre ; droit


international de l’environnement ; énergies renouvelables.

Abstract
Technology transfer to developing countries within the framework of the Clean
Development Mechanism is considered to be one of the most effective and equitable
means to combat climate change. The United Nations Framework Convention on
Climate Change, and its associated Kyoto Protocol and Paris Agreement, contain
several provisions designed to encourage such transfer. However, the transfer and
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

dissemination of green technologies to developing countries under the Clean


Development Mechanism has not seen any noticeable acceleration even after the entry
into force of the Paris Agreement. Therefore, how can we understand the obstacles
encountered by the climate change regime in promoting the technology transfer
provided for in international law in order to improve the situation?

Keywords: technology transfer; Clean Development Mechanism; international


environmental law; renewable energy.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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225
Aux termes de l’article 12.2 du Protocole de Kyoto, « L’objet du mécanisme pour un
développement "propre" est d’aider les Parties ne figurant pas à l’annexe I à parvenir à
un développement durable ainsi qu’à contribuer à l’objectif ultime de la Convention,
et d’aider les Parties visées à l’annexe I à remplir leurs engagements chiffrés de
limitation et de réduction de leurs émissions ».

Avant la création du mécanisme pour un développement propre (MDP), les pays du


Sud revendiquaient déjà des moyens adéquats pour leur adaptation. La Convention-
cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à travers son article 4.5,
montre explicitement la nécessité et l’obligation qui pèse sur les parties à la Convention
d’aider les pays non inclus dans l’annexe I à s’adapter par le transfert de technologies.

Le transfert de technologies est ainsi au cœur du développement durable que recherche


ce mécanisme car étant un critère économique, un des critères du développement
durable. Les pays en développement bénéficient de technologies propres à travers les
activités exécutées dans le cadre des projets qu’ils reçoivent comme l’indique l’article
12.3.a. du Protocole de Kyoto.

Le transfert de technologies écologiquement rationnelles contribue au développement


durable dans ces pays, qui ont la possibilité de voir si le projet satisfait aux aspects liés
au développement durable, érigé maintenant en condition obligatoire pour la validité
du projet. Les projets MDP favorisent ainsi un transfert de technologies propres pour
les pays du Sud.

La construction d’une centrale électrique utilisant des énergies propres à la place par
exemple du charbon entraîne le transfert de technologies modernes moins polluantes,
donc protégeant l’environnement, et peut permettre à l’industrie de gagner en efficacité
dans sa production.

Le secteur énergétique peut capter de ce fait une grande quantité de projets pouvant
favoriser le transfert de technologies propres, avec notamment les projets de promotion
des énergies renouvelables comme l’éolienne, la photovoltaïque, l’hydroélectrique, etc.
La substitution d’énergie, l’efficacité énergétique, la modernisation des facteurs de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

production dans le secteur industriel donnent de très bons résultats. Le secteur du


transport aussi n’est pas en reste avec le transport collectif ou la diversification des
moyens de transport. L’exportation vers les pays en développement des moyens de
transport modernes comme les tramways en ville, les trains à grande vitesse (TGV)
pour les transports inter-régions peut facilement donner un coup de pouce au
développement des pays du Sud en favorisant en même temps la création d’emplois
pour les populations à travers ces projets. Actuellement, le secteur qui reçoit le plus de
projets, surtout en Afrique, reste celui des déchets, la valorisation des déchets entraînant
l’installation de plateformes modernes de production de biogaz ou de compost. Le
recyclage des déchets implique aussi la création d’unités modernes ou la mise en place
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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d’incinérateurs de quatrième génération avec capture du CO2. La gestion durable des

226
déchets a conduit à la création des centres d’enfouissement techniques (CET) en
remplacement des grandes décharges qui portent de graves atteintes à l'environnement.
Ces projets, entre autres, participent de manière active, par le transfert de technologies,
au développement durable dans ces pays par la création d’emplois, la protection de
l’environnement et le développement économique qui se traduit par des industries plus
adaptées, à l’image de leur pays, et donc plus compétitives. Le transfert de technologies
propres s’accompagne d’importants financements pour les pays du Sud grâce au MDP.

Partant, le problème de droit qui se pose dans cette réflexion est celui de la mise en
application du transfert de technologies dans le cadre de la pratique du mécanisme pour
un développement propre. Il s’agira donc d’envisager, dans un premier moment, les
recommandations du droit international (1) à ce propos et, par la suite, la mise en œuvre
de ce transfert sur le plan pratique (2).

1. Le transfert de technologies dans le cadre du mécanisme


pour un développement propre : une recommandation du
droit international
Depuis 1992, la question du transfert de technologies a été discutée à l’occasion de
chaque conférence des parties (COP), mais le premier résultat n’a été obtenu qu’en
2001 avec les Accords de Marrakech qui posent le cadre du transfert de technologies
et créent le groupe d’experts sur le transfert de technologies, puis en 2007 à la COP 13
à Bali qui a défini le transfert de technologies comme l’un des quatre piliers des
négociations.

Mais l’étape majeure a été franchie en 2010 lors de la COP 16 à Cancun, qui a établi le
« mécanisme technologique », une structure de coordination composée de deux
éléments :
- un organe politique, appelé comité exécutif des technologies, ayant pour mandat de
soutenir la conception et la coordination de programmes d’action visant à favoriser
le transfert et la diffusion des technologies ;
- le centre et réseau des technologies climatiques chargé notamment de renforcer les
réseaux, les partenariats et les capacités pour le transfert des technologies vertes.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

L’Accord de Paris de décembre 2015 n’a pas permis d’aller plus loin sur ces sujets. On
peut juger ce résultat modeste pour une négociation entamée plus de vingt ans
auparavant. L’une des explications à cette lenteur est la réticence des pays industrialisés
à transférer des technologies qui rendent les entreprises plus compétitives dans une
économie mondiale évoluant vers la décarbonation1.

1
M. Glachant, J. Ing et J.-P. Nicolaï, « Transferts de technologies propres, commerce international et
accords environnementaux », Revue française d’économie, 2016/3 (vol. XXXI), pp. 137-157,
La protection de l’environnement par les juridictions
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www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2016-3-page-137.htm.
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227
Pour ce qui est du cadre juridique existant et décisif, suivant les dispositions des articles
2 et 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique
(CCNUCC) : « Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans l’intérêt
des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il
appartient, en conséquence, aux pays développés Parties d’être à l’avant-garde de la
lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes. Il convient de tenir
pleinement compte des besoins spécifiques et de la situation spéciale des pays en
développement Parties, notamment de ceux qui sont particulièrement vulnérables aux
effets néfastes des changements climatiques, ainsi que des Parties, notamment des pays
en développement Parties, auxquelles la Convention imposerait une charge
disproportionnée ou anormale »2.

Toujours dans le même instrument juridique, l’article 4 alinéa 5 dispose : « Les pays
développés parties et les autres Parties développées figurant à l’annexe II prennent
toutes les mesures possibles en vue d’encourager, de faciliter et de financer, selon les
besoins, le transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire écologiquement
rationnels aux autres Parties, et plus particulièrement à celles d’entre elles qui sont des
pays en développement, afin de leur permettre d’appliquer les dispositions de la
Convention. Dans ce processus, les pays développés Parties soutiennent le
développement et le renforcement des capacités et technologies propres aux pays en
développement Parties. Les autres Parties et organisations en mesure de le faire peuvent
également aider à faciliter le transfert de ces technologies ».

De même, le Protocole Kyoto a pour objectif ultime la stabilisation des concentrations


de gaz à effet serre dans l’atmosphère à un niveau n’entraînant pas de conséquences
anthropogéniques3.

À l’analyse, on se rend donc compte que le Protocole de Kyoto poursuit le même


objectif que la CCNUCC sur les changements climatiques. Par ailleurs, en matière de
transfert de technologies dans le cadre du mécanisme pour un développement propre,
l’on peut dire que le Protocole de Kyoto vient donner une nouvelle vision du
développement.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

En effet, le Protocole de Kyoto prévoit, en matière de transfert de technologies, que les


parties contractantes examineront périodiquement le Protocole à l’aide de la meilleure
information scientifique disponible et d’une évaluation du changement climatique et
de son impact. En outre, le premier examen a eu lieu à la deuxième session de la
conférence des parties agissant comme réunion des parties au Protocole. De nouveaux

2
Alinéas 2 et 3 de l’article 3 de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
de 1992.
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3
Article 12.3.a du Protocole de Kyoto de 1997 : « Les Parties ne figurant pas à l’annexe I bénéficient
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N° 05 • 2020
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d’activités exécutées dans le cadre de projets, qui se traduisent par des réductions d’émissions
certifiées ».
228
examens ont eu lieu régulièrement à des dates appropriées. Le Protocole prévoit
également l’élaboration d’un dispositif de vérification.

Partant, cet encadrement normatif du transfert de technologies dans le cadre du


mécanisme pour un développement propre, impulsé par les conventions
internationales, présente tous ses attraits. D’une part, il sert de moyen contraignant à
l’adresse des pays développés afin que ces derniers ne puissent pas user de stratégies
déloyales contre leurs partenaires des pays en voie de développement et des pays
pauvres. D’autre part, le caractère contraignant des instruments normatifs permettra
leur meilleur suivi, d’où les recommandations du Protocole en matière d’information,
d’examen et d’évaluation des technologies transférées.

Cependant, l’on note un accompagnement de ces mesures universelles au-delà du cadre


initial : c’est le cas du groupe de travail III du Groupe d’experts intergouvernemental
des Nations Unies sur l’évolution du climat (GIEC), qui définit le transfert de
technologies comme étant « un vaste ensemble de processus qui englobent les échanges
de savoir-faire, de données d’expérience et de matériel pour l’atténuation des
changements climatiques et l’adaptation à ces changements et ce, parmi différentes
parties prenantes telles que les gouvernements, les entités du secteur privé, les
organismes financiers, les organisations non gouvernementales (ONG) et les
établissements de recherche et d’enseignement. L’acception du transfert de technologie
dans ce Rapport est donc beaucoup plus large que dans la CCNUCC ou l’un quelconque
de ses articles. Le terme large et global de ‘transfert’ comprend la diffusion de
technologies et la coopération technologique entre pays et dans les pays. Il englobe les
processus de transfert de technologie entre pays développés, pays en développement et
pays à économie en transition. Il englobe le processus qui consiste à apprendre à
comprendre, utiliser et reproduire la technologie, y compris la capacité de la choisir et
de l’adapter aux conditions locales, ainsi que de l’intégrer aux technologies
autochtones »4.

Cette définition recouvre un large éventail d’activités, englobe de nombreux


organismes différents et correspond aussi largement à ce que l’on entend aujourd’hui
par « transfert de technologie »5.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

À l’observation, il serait illusoire de penser que le transfert de technologies dans le


cadre de la mise en œuvre du mécanisme pour un développement est essentiellement
l’apanage des conventions internationales à vocation universelle, notamment la
CCNUCC, le Protocole de Kyoto, mais aussi l’Accord de Paris. En effet, les entités
régionales, sous-régionales et même nationales sont appelées à poursuivre à leur niveau
les objectifs impulsés par les instruments conventionnels.

4
Fonds pour l’environnement mondial, Transfert de technologies écologiquement rationnelles :
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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l’expérience du FEM, 2008, p. 6.


5
Ibid.

229
2. La mise en œuvre du transfert de technologies dans la
pratique du mécanisme pour un développement propre
D’entrée de jeu, il est important de relever que le mécanisme de développement propre
et la mise en œuvre conjointe sont deux processus de flexibilité établis dans le cadre du
Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques6. Ils sont destinés à aider les pays industrialisés à atteindre leurs objectifs
de réduction des émissions tout en favorisant le développement durable des pays hôtes
en promouvant les investissements dans les technologies plus écologiques7.

Partant, il devient évident que les pays industrialisés jouent un rôle déterminant dans la
mise en œuvre du MDP dans la mesure où, établi par l’article 12 du Protocole de Kyoto,
il prévoit la possibilité, pour les pays industrialisés, d’investir dans des projets de
protection du climat dans des pays en développement8. En ce sens, le MDP doit aussi
faciliter le transfert des technologies écologiques dans les pays en développement tout
en contribuant à leur développement durable9. D’autre part, l’apport des pays
industrialisés s’analyse à travers la production de lettres d’approbation entre les parties
contractantes dans un processus de transfert de technologies en vue de concourir aux
objectifs pratiques recommandés par les exigences du développement propre.

Ainsi, l’étude de l’impact du transfert de technologies sur les pays pauvres gouverne
cette analyse. Pour que le transfert de technologies puisse avoir un impact sur le
développement d’un pays pauvre, il faut qu’il s’inscrive dans le cadre d’un contrat de
transfert de technologies. Dans la mesure où les temps modernes connaissent un
développement technologique sans précédent, une des conséquences directes de cet
essor est, sans nul doute, l’accroissement proportionnel des connaissances et donc de
leur transfert10.

À l’observation, puisqu’il porte sur la transmission de la connaissance au sens large,


l’impact du transfert de technologies dans la pratique du mécanisme pour un
développement propre se situe donc à différents niveaux. Premièrement, il fait
référence au fait d’intégrer les pays du Sud dans l’effort de lutte contre le changement
climatique. Raison pour laquelle on peut relever qu’au Pérou, par exemple,
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’implication des institutions péruviennes en charge du MDP et la qualité de leur

6
Confédération suisse, Office fédéral de l’environnement, Projets issus du mécanisme de développement
propre (MDP) et de la mise en œuvre conjointe (MOC). Critères pour la participation. Un module de la
communication de l’OFEV en sa qualité d’autorité d’exécution de l’ordonnance sur le CO 2, 2014.
7
Ibid., p. 8.
8
Ibid., p. 13.
9
Ibid.
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10
P Pichette, « Les contrats de transfert de technologie », Les cahiers de propriété intellectuelle, 10e
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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anniversaire, 15 septembre 1997, p. 3.

230
évaluation sur le développement durable ont souvent été soulignées11. À cet égard, l’on
note que les projets MDP contribuent de manière significative aux dimensions
économique et sociale du développement « durable ». Aussi, le transfert de
technologies semble encouragé par le MDP, raison pour laquelle ce dernier représente
un afflux important d’investissements sur le territoire péruvien.

Cependant, la mise en œuvre du transfert de technologies, en l’espèce, ne se fait pas


sans ambages. Le transfert de technologies, qui est l’un des leviers pour un
développement durable pour les pays en développement tout en prenant en compte les
énergies renouvelables, ne se traduit pas toujours par son effectivité dans la pratique.

En effet, on relève que les critères de transfert de technologies dans le cadre du MDP
ne sont pas clairement définis, en ce sens que les modalités de leur mise en œuvre ne
prévoient pas systématiquement de méthodes ou de critères pour l’évaluation et
l’approbation du résultat attendu dans les pays en développement. Cette évaluation est
laissée à la libre appréciation et approbation de chaque pays en développement, et ne
fait l’objet d’aucune vérification par les instances en charge de la mise en œuvre du
MDP.

À l’analyse, cette situation laisse transparaître une faiblesse dans la mise en perspective
du transfert de technologies relativement à la pratique du MDP. En effet, le fait que le
transfert ne présente pas un certain degré de rigueur en matière d’évaluation et
d’approbation du développement durable serait le résultat d’une manœuvre intéressée
de la part des concepteurs de ce système. Concrètement, il pourrait s’agir pour les pays
industrialisés d’avoir le monopole du processus de transfert afin d’en tirer davantage
profit.

Dans cette mouvance, bien que le transfert de technologies entre les pays développés
et les pays en développement soit un aspect essentiel du MDP, il n’a pas de caractère
obligatoire au regard des dispositions de l’article 12 du Protocole de Kyoto instituant
le MDP. En ce sens, les technologies et les modalités de transfert variées ne bénéficient
d’aucun encadrement rigoureux qui soit institué par les autorités en charge du MDP. À
l’observation, l’on relève une fois de plus une souplesse dans la conception des
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

mécanismes de mise en œuvre du transfert de technologies. À ce titre, l’on est en droit


de s’interroger sur la pertinence d’un tel système et son apport pour le développement
durable du pays en développement bénéficiaire.

De plus, cette flexibilité dans la mise en œuvre du transfert soulève la question de son
efficacité. En effet, la question qu’il convient à ce niveau de mettre en relief est celle
de savoir si finalement le mécanisme de transfert de technologies dans le cadre du MDP
est efficace dans sa réponse à la problématique du développement des pays pauvres12.

11
N. Pecastaing, « L’impact du mécanisme de développent propre (MDP) sur le développement
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africaines : avancées nationales et régionales
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‘durable’ : le cas du Pérou », L’actualité économique, 89 (1), 2014, pp. 39-56, http://doi.org/1024316ar.
12
Ibid.

231
Il faut reconnaître que le développement durable des pays en développement se trouve
mitigé en matière de transfert de technologies du fait des pesanteurs internes à chaque
pays relativement aux problèmes de gouvernance, mais aussi d’insécurité. Dans ce
sillage, l’on relève de réels risques de déperdition des fonds, mais aussi d’une hostilité
de l’environnement des affaires – qui devait pourtant y être favorable – due à
l’insécurité et à l’instabilité. Cette défaillance est majeure en ce sens que si les efforts
consentis en aval par les pourvoyeurs de fonds ne rencontrent pas un terrain favorable
à leur destination, le transfert de technologies ne saurait prospérer et, par conséquent il
n’y aurait pas de développement, encore moins un développement durable.

De ce qui précède, l’on observe que la mise en œuvre du transfert de technologies dans
la pratique du mécanisme pour un développement propre est une réalité qui meuble le
quotidien des acteurs des scènes nationale et internationale dans la mesure où elle est
impulsée en amont par les États et les organisations internationales, dans le cadre des
conventions internationales à l’instar de la CCNUCC, ou du Protocole de Kyoto et de
l’Accord de Paris sur le climat, et en aval elle a vocation à impacter le développement
des pays auxquels elle est destinée.

Cependant, l’on s’est également rendu compte que ce transfert de technologies, en


l’espèce, n’est pas immaculé. Il est soumis comme toute œuvre humaine à des
contraintes de divers ordres allant des insuffisances du mécanisme en lui-même aux
pesanteurs internes des pays. En tout état de cause, des améliorations dans la mise en
œuvre du transfert de technologies en la matière devraient être envisagées pour la
prospérité des pays à travers le monde, notamment les pays pauvres, dans le respect des
règles environnementales en vue de plus d’équité.
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

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232
INCITATIONS FISCALES ET DÉVELOPPEMENT DES
ÉNERGIES RENOUVELABLES AU CAMEROUN ET AU
TCHAD
Diane TAPIMALI MAFOLIGANG
Doctorante en droit privé et sciences criminelles
Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Dschang, Cameroun
Chercheure au Centre africain de recherches sur les politiques énergétiques et
minières

Résumé
Le Cameroun et le Tchad sont deux pays d’Afrique centrale dotés d’un potentiel
énergétique varié mais sous-exploité. Intéressés aux enjeux de la transition énergétique,
ils ont recours aux incitations fiscales pour orienter les choix des agents économiques
vers le développement des énergies vertes. Cependant, le succès des actions entreprises
est retardé par un cadre juridique embryonnaire et par la forte dépendance de leurs
économies aux énergies fossiles. Dans ce contexte, la part des énergies renouvelables
dans le mix énergétique reste faible.

Mots clés : incitations fiscales, développement des énergies renouvelables, attractivité.

Abstract
Chad and Cameroon are two Central African countries with a varied but under-
exploited energy potential. Interested in the challenges of energy transition, they use
tax incentives to guide the choices of economic agents towards the development of
green energies. However, the success of the actions undertaken is delayed by an
embryonic legal framework and by the heavy dependence of their economies on fossil
fuels. In this context, the share of renewable energy in the energy mix remains low.

Keywords: tax incentives, development of renewable energy, attractiveness.


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La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
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233
Introduction
Le Cameroun et le Tchad, malgré une participation limitée au dérèglement climatique,
ne sont pas pour autant désintéressés des problématiques associées. Pays d’Afrique
centrale dotés d’un potentiel énergétique varié mais sous-exploité, ils doivent faire le
choix aujourd’hui d’une utilisation rationnelle de leurs énergies fossiles, tout en
privilégiant le recours aux sources d’énergie renouvelable dans leurs politiques de
développement. Le pari n’est pas gagné d’entrée de jeu, car la transition énergétique
s’accompagne de technologies qui ne sont pas encore maîtrisées et accessibles pour
tous. Bien plus, une période de transition prolongée et soutenue est nécessaire pour
changer nos habitudes de consommation énergétique. À ce stade, la coopération
interafricaine renforcerait les initiatives nationales et garantirait une contribution
significative du continent à la lutte contre les changements climatiques.

Le Cameroun et le Tchad sont signataires des accords internationaux par lesquels ils
s’engagent à relever le défi de la transition énergétique en favorisant le recours aux
énergies renouvelables. Une fiscalité écologique développée à la faveur de cet objectif
institue des incitations à l’égard des agents économiques. Ces dernières désignent toute
disposition spéciale dérogeant au code général des impôts (CGI) et qui accorde un
traitement favorable à des projets d’investissement ou des entreprises éligibles ; elles
peuvent prendre la forme de congé fiscal, de taux d’imposition préférentiels ou
d’allocations ciblées pour stimuler l’investissement1. Elles sont un outil incontournable
d’aide à la décision d’investissement dans les énergies vertes : elles allègent les
obligations de toute personne désireuse d’investir dans l’introduction et la promotion
des filières de transformation des énergies renouvelables.

Le recours massif aux énergies dont l’utilisation n’entraîne pas l’épuisement de la


ressource à l’échelle d’une vie humaine serait une solution durable pour résorber le
déficit énergétique au Cameroun et au Tchad. Les mesures incitatives observées dans
ces pays sont essentiellement composées de congé fiscal et exceptionnellement
d’allocations spécifiques.

La description géographique du Cameroun et du Tchad permet de noter qu’ils sont


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

dépositaires d’atouts naturels favorables à l’essor des énergies vertes ; pourtant, ils ne
disposent pas de lois spécifiques y relatives permettant de garantir la performance
énergétique. À l’analyse, ils sont encore en phase d’introduction et de promotion des
énergies renouvelables, toute chose allant de pair avec l’incitation à l’investissement
dans le secteur.

1
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente des
incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, Rapport au groupe de travail du G20
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sur le développement, octobre 2015, p. 9, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/options-pour-une-utilisation-


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africaines : avancées nationales et régionales

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efficace-et-efficiente-des-incitations-fiscales-a-l-investissement-dans-les-pays-a-faible-revenu.pdf.

234
Fort de cela, il n’est en rien superfétatoire de se demander si le droit positif camerounais
et tchadien propose des incitations fiscales suffisamment attractives d’investissement
dans le secteur des énergies renouvelables (EnR).

À bien y réfléchir, l’attractivité des incitations fiscales est perceptible (1), même si les
effets des mesures édictées sont retardés (2).

1. L’attractivité perceptible des incitations fiscales au


développement des énergies renouvelables au Cameroun et
au Tchad
Le taux de pression fiscale exercé sur les investisseurs joue un rôle important sur leurs
choix économiques. Les incitations conçues pour l’alléger produisent un effet attractif
d’investissement. Le concept d’attractivité d’un régime fiscal indique sa capacité à
attirer et à retenir les entreprises ou investisseurs locaux et/ou étrangers2. L’incitation
au développement des EnR au Cameroun et au Tchad n’échappe point à cette logique.
Les efforts amorcés sont identifiables via les politiques d’appui aux sources
renouvelables dans le secteur de la production de l’énergie électrique. Aussi, la
détermination de l’investissement éligible au régime fiscal préférentiel (1.1) et le
champ matériel dudit régime (1.2) doivent-ils être étudiés.

1.1. La détermination de l’investissement éligible aux incitations


fiscales
Il ne suffit pas d’investir dans la production des énergies renouvelables pour prétendre
automatiquement aux avantages fiscaux et douaniers aménagés par la loi. Cette
affirmation, totalement vérifiable en droit fiscal camerounais, est à relativiser en droit
tchadien. Les critères d’éligibilité divergents adoptés par l’un et l’autre pays
témoignent de la particularité des politiques publiques y relatives : le Cameroun
démontre une préférence pour l’éolien et le solaire (1.1.2), tandis que le Tchad retient
tout investissement dans les EnR (1.1.2). • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.1.2. La rétention exclusive de l’investissement dans les énergies


solaire et éolienne pour l’exonération de TVA en droit camerounais

L’article 63 de la loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de


l’électricité donne une idée de la diversité des EnR en terre camerounaise. En effet, le
Cameroun dispose du second potentiel hydroélectrique de l’Afrique subsaharienne
après la République démocratique du Congo ; ses nombreuses chutes correspondent à

2
V. F. Atonfo, L’attractivité fiscale et l’implantation des investisseurs privés étrangers au Cameroun,
mémoire de master professionnel en fiscalité appliquée, Faculté des sciences juridiques et politiques de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

l’Université de Douala, 2013, p. 13.


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235
un potentiel hydroélectrique de 294 TWh/an. Des études sur le taux d’irradiation solaire
et l’ensoleillement démontrent un gisement solaire important, avec au sommet la ville
de Garoua dont la durée annuelle d’ensoleillement est de 2947,9 h/an. Les 402 km de
côte et les divers monts atteignant quelquefois les 4000 m d’altitude sont autant d’atouts
naturels favorables au développement de l’éolien. Les potentiels en biomasse et en
énergie géothermique, bien que reconnus, ne sont pas encore clairement quantifiés3.

En dépit de cette diversité, le législateur fiscal choisit de n’accorder expressément des


avantages qu’aux investissements dans le secteur de l’éolien et du solaire. L’article 128
(17) du CGI (2020) dispose à cet effet que sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) « les matériels et équipements d’exploitation des énergies solaire et éolienne ».
L’exécution difficile des projets d’investissements a souvent été due au coût de la TVA
grevant excessivement la trésorerie des investisseurs. Deux raisons principales
pourraient justifier la préférence du législateur pour l’éolien et le solaire. D’une part,
après le développement de l’hydraulique, le solaire et l’éolien représentent les deux
sources d’énergie les plus importantes susceptibles d’encourager le mix énergétique.
D’autre part, les tendances d’investissement à l’échelle mondiale ont pu influencer les
choix du législateur; depuis 2011, le solaire a pris à l’éolien le titre de principal secteur
d’investissement4. Dès lors, ils représentent les deux principaux secteurs les plus
attractifs d’investissements.

Par ailleurs, l’exhaustivité du CGI ne signifie pas pour autant que l’exonération de TVA
serait le seul avantage accordable aux investisseurs. La loi n° 2013/004 du 18 avril
2013 fixant les incitations à l’investissement privé, modifiée par la loi n° 2017-15 du
12 juillet 2017, offre une batterie d’avantages aux investissements pour l’atteinte des
objectifs prioritaires, notamment le développement de l’offre énergétique, la promotion
et le transfert des technologies innovantes, la recherche-développement, la lutte contre
la pollution et la protection de l’environnement5. À l’analyse, le développement des
EnR s’inscrirait dans l’un de ces objectifs. Toutefois, il est difficile de savoir si la
condition de l’inscription du projet dans le cadre des objectifs prioritaires serait
cumulée avec la condition relative au volume de l’investissement de l’article 4 pour
l’accès aux avantages fiscaux et douaniers. Sans l’intervention de la loi sur les EnR
demeurée au stade de projet de loi (2014), le flou persiste.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

1.1.2. L’éligibilité de tout investissement relatif aux énergies


renouvelables en droit fiscal tchadien

3
R. Mbiake, M. J. C. Atontsa et J. M. Bell, « Les énergies renouvelables dans le champ politique et légal
de l’énergie au Cameroun », in O. C. Ruppel et E. D. Kam Yogo (dir.), Droit et politique de
l’environnement au Cameroun - Afin de faire de l’Afrique l’arbre de vie, Yaoundé, Konrad Adenauer
Stiftung, 1ère édition 2018, pp. 637-665.
4
C. Lins et K. Chawla, « Énergie renouvelable : Enjeux et perspectives de développement », in La
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transition énergétique ou les énergies que nous aurons, Liaison Énergie-Francophonie, n° 93, 2013, p.
La protection de l’environnement par les juridictions
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N° 05 • 2020
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39.
5
Article 14 de la loi de 2013 précitée.
236
Le Tchad dispose d’un fort gisement d’énergie solaire estimé à 2193 KWh/m²6. La
captation solaire annuelle est estimée à 2850 heures au Sud, contre 3750 heures au
Nord7. La production d’énergie hydroélectrique est difficile dans le contexte sahélien,
avec des précipitations faibles et très inégalement réparties annuellement : les chutes
Gauthiot sur le Mayo-Kebbi représentent le principal site hydraulique du pays. En plus
de la biomasse, l’éolien peut être développé à l’extrême Nord, notamment à Tibesti,
Borkou et Ennedi; la vitesse du vent y est de 4 à 9 m/s8.

Dans une formule généralisante, l’article 230 du CGI (2016) et les lois de finances (LF)
successives prévoient des mesures incitatives au profit de tout investissement relatif
aux EnR. Cependant, la loi n° 020/PR/2020 portant budget général de l’État pour
l’exercice 2021 marque une évolution dans les préférences du législateur vers le solaire
et l’éolien comme en droit fiscal camerounais. En effet, la nouvelle loi de finance, tout
en renouvelant l’éligibilité de tout investissement dans les énergies vertes aux facilités
fiscales, détermine un nombre d’outils profitant d’une annulation de TVA en son article
27, modifiant et complétant l’article 230 du CGI. À l’évidence, il s’agit des matériels
et équipements permettant le développement des énergies éolienne et solaire
photovoltaïque.

Il y a quelque temps, la circulaire n° 001/CF/MINFI/CAB du 9 janvier 2012 précisant


les modalités d’application des dispositions de l’article 128 (6) et (17) du CGI du
Cameroun établissait une liste des produits d’exploitation d’énergie solaire et éolienne
bénéficiant d’exonération de TVA ; cette circulaire ne figure cependant plus dans la
version actuelle du CGI. Les nouvelles précisions du législateur tchadien laissent
penser que si tout investissement dans les énergies vertes peut bénéficier d’avantages
particuliers pour jouir d’une exonération de TVA, l’investissement dans l’éolien et le
solaire semble être une condition implicite supplémentaire.

Après confirmation de l’éligibilité des investissements verts aux incitations fiscales, il


convient de déterminer concrètement le champ matériel des avantages proposés.

1.2. La détermination du champ matériel du congé fiscal • Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

Un congé fiscal désigne des exonérations fiscales totales ou partielles, limitées dans le
temps, visant à réduire le taux de pression fiscale pour favoriser le développement des
projets d’investissement9. Les congés fiscaux peuvent être fondés sur la loi ou des

6
Projet de centrale photovoltaïque de Djermaya, Plan de restauration des moyens d’existence, ARTELIA
(Entreprise ayant réalisé l’EIES pour le projet Nachtigal au Cameroun), août 2019, p. 12. L’une des
alternatives de ce projet serait un projet d’interconnexion avec le Cameroun,
https://www.miga.org/sites/default/files/2019-12/8512192_PRME_Djermaya_3attachment.pdf.
7
http://re.jrc.ec.europa.eu/pvgis/apps4/pvest.php?map=africa.
8
http://www.3tier.com/en/support/resource-maps/.
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9
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H. H. Allah et B. Elmorchid, « Les congés fiscaux : un outil inefficace pour relancer l’investissement
privé en Afrique », Conférence Guy Mhone, La renaissance et la relance des économies africaines,

237
conventions particulières. Ces mesures incitatives unilatérales ou négociées
ambitionnent, entre autres, d’éliminer le risque de double imposition, garantissent une
certaine stabilité fiscale, la réduction du taux d’imposition, la non-discrimination à
l’égard des investisseurs étrangers. Les conventions d’établissement n’ayant pas été
accessibles, l’étude s’appuie sur le champ matériel des congés fiscaux prescrits
unilatéralement par les lois des pays ciblés.

1.2.1. Un champ matériel assez imprécis en droit fiscal camerounais

La variabilité des textes fiscaux susceptibles d’être appliqués et l’absence de textes


clairs régissant le développement des énergies vertes ouvrent la voie à diverses
interprétations, créant une insécurité pour les investisseurs. Le CGI ne prévoit
explicitement que l’exonération de TVA pour le matériel destiné à l’exploitation des
EnR. En l’état actuel des choses, en tenant compte du cadre juridique susceptible d’être
appliqué aux projets d’investissement, la loi n° 2013/004 et la loi n° 2008/009 fixant le
régime fiscal, financier et comptable applicable aux contrats de partenariat permettent
d’entrevoir le champ matériel des avantages potentiellement accordables.

En première analyse, la loi de 2013 accorde des avantages aux entreprises bénéficiant
d’un agrément en fonction de leur statut (nouveau/ancien) sur le territoire national. Les
nouvelles entreprises bénéficient seules des avantages de la phase d’installation
pendant une durée limitée de cinq ans. Il s’agit, entre autres, de l’exonération des droits
d’enregistrement des actes de création ou d’augmentation de capital, de l’exonération
de la patente, des taxes et droits de douane sur tous les équipements et matériels liés à
l’investissement, de la TVA sur les prestations de service et de la TVA due à
l’importation des équipements et matériels du programme d’investissement10. Par
ailleurs, les incitations de la phase d’exploitation profitent aux entreprises nouvelles
dans la limite de dix ans et aux entreprises anciennes remplissant les conditions de
l’article 17 dans la limite de cinq ans. Il s’agit, entre autres, du crédit d’impôt dans les
conditions de l’article 8, des exemptions relatives au minimum de perception, à l’impôt
sur les sociétés (IS), à l’impôt sur les bénéfices, aux droits d’enregistrement relatifs aux
prêts, avances, emprunts. En outre, l’investissement pour la réalisation des objectifs
prioritaires autorise « selon le cas » à bénéficier en complément des avantages de
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

l’article 15, notamment l’exonération de TVA sur les crédits relatifs au programme
d’investissement, de la taxe foncière sur les immeubles, l’admission temporaire
spéciale pour les matériels industriels susceptibles de réexportation.

Il faut noter que la discrimination introduite par la loi de 2013 dans le traitement des
anciennes et des nouvelles entreprises a été à l’origine de la contestation de l’arrêté
N° 366/MINFI/SG/DGI du 19 novembre 2013 précisant les modalités de mise en
œuvre des avantages fiscaux et douaniers de la loi n° 2013/004 par les entreprises. La
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CODESRIA, Dar es Salaam, Tanzanie, 20-21 décembre 2010, pp. 2-3,


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https://www.codesria.org/spip.php?article1212&lang=en.
10
Article 6 de la loi de 2013.
238
justification des avantages améliorés du nouvel investisseur ne résiste pas fortement à
la clause de l’investisseur le plus avantagé, qui commande de traiter identiquement
deux entreprises du même secteur réalisant la même activité. Les investissements
nouveaux étant en principe seuls éligibles aux avantages de la phase d’installation, le
principe de comptabilité séparée aurait pourtant permis d’isoler le résultat des
investissements nouveaux effectués par les entreprises préexistantes.

En seconde analyse, les mesures incitatives accordées lorsque le développement des


EnR se fait dans le cadre d’un contrat de partenariat public-privé (CPPP) sont précisées
par la loi n° 2008/009. Ses articles 4 et suivants consacrent la prise en charge par le
budget de la personne publique contractante de la TVA liée aux importations et aux
achats locaux de matériels ; le contractant bénéficie en plus de l’enregistrement gratis
des conventions et actes passés tant dans la phase de réalisation du projet que celle de
son exploitation. L’article 14 de l’arrêté n° 366/MINFI/SG/DGI précité ajoute que les
avantages fiscaux et douaniers de la loi de 2013 sont cumulables avec ceux des régimes
conventionnels et ceux du régime des CPPP notamment.

Dans les deux hypothèses étudiées, les exonérations de TVA sur les investissements
semblent parfois redondantes, « car en régime plein, la TVA collectée sur les intrants
ne retombe pas sur l’acheteur, mais est entièrement récupérée sous forme de crédit sur
la TVA appliquée aux ventes »11 ; ces exonérations peuvent néanmoins être bénéfiques
pour les entreprises en raison de la défaillance des procédures de remboursement de
TVA.

Au final, les incitations accordées recherchent la réduction des coûts d’investissements


et la limitation du taux de prélèvement sur les bénéfices imposables. Le législateur
fiscal tchadien, pour sa part, précise explicitement les mesures incitatives adoptées au
profit des EnR.

1.2.2. Un champ matériel suffisamment défini en droit fiscal tchadien

Le CGI, complété par les LF, construit progressivement le cadre juridique incitatif
applicable aux énergies vertes au Tchad. Sans distinguer la phase d’installation de celle
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

d’exploitation, le législateur fiscal accorde expressément des avantages à toute


opération contribuant à la promotion et à la production des EnR.

L’article 230 du CGI (2016) prévoit l’exonération de TVA lors de l’acquisition des
matériels et équipements servant à la production et à la promotion des énergies
renouvelables. La taxe pour la protection de l’environnement est aussi annulée pour les
matériels et intrants relatifs aux EnR12. Les mesures deviennent plus importantes après

11
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente
des incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, op. cit., p. 24.
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12
Article 203 du CGI, modifié et complété par la loi n° 015/PR/2017 portant rectification de la loi
n °033/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant budget général de l’État pour 2017.
239
l’intervention de la loi n° 043/PR/2019 du 31 décembre 2019 portant loi de finances
pour l’exercice 2020, qualifiée de quasi-loi écologique. Pour compter du 1er janvier
2020, les entreprises nouvelles de droit tchadien qui exercent dans le domaine des EnR
bénéficient, dans les cinq premières années de leur exercice, d’un abattement de 50 %
du droit d’enregistrement et de la base imposable à l’IS, et sont exonérées de la patente,
l’impôt minimum forfaitaire, la taxe forfaitaire et la taxe d’apprentissage13. La loi parle
des entreprises nouvelles sans faire allusion aux entreprises anciennes ; elle introduit
une discrimination nouvelle entre les entreprises.

Par ailleurs, 40 % des sommes investies pour l’installation des matériels ou outillages
destinés à la production des EnR seront admises en déduction des bases taxables à
l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) et à l’impôt sur les bénéfices des
sociétés14. L’exonération de TVA est étendue aux prestations relatives à l’acquisition
des matériels servant au développement des EnR et aux intérêts des emprunts
contractés pour leur financement15. Les importations des matériels nécessaires sont
désormais exonérées des droits de douane et des taxes à l’exception de la taxe de
l’Union africaine, de la taxe communautaire d’intégration et de la contribution
communautaire d’intégration16.

Pour finir, si le droit commun des investissements privés au Cameroun offre des
avantages fiscaux plus alléchants, la fiscalité tchadienne a toutefois le mérite d’être
plus explicite quant aux bénéficiaires des avantages accordés. En tout état de cause, les
mesures adoptées dans les deux pays tardent à produire les effets attendus.

2. Le développement des énergies renouvelables retardé par


la fragilité des mesures incitatives fiscales au Cameroun et
au Tchad
La fiscalité joue un rôle non négligeable dans le retard accusé dans le développement
des EnR à grande échelle au Cameroun et au Tchad. Jusqu’ici, seul l’État réussit à
mettre en place des projets de grande envergure, les initiatives privées se limitant
généralement à des micro-projets individuels. À l’analyse, l’inefficience des mesures
d’accompagnement (2.1) et le régime juridique embryonnaire des incitations fiscales
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

(2.2) peuvent justifier ce retard dans le développement des énergies vertes.

13
Article 14 de la LF 2020.
14
Lire conjointement l’article 158-I du CGI et l’article 15 de la LF 2020, modifiant l’article 156 (5) du
CGI.
15
Article 17 de la LF 2020, complétant l’article 230 ancien du CGI.
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16
Article 21 nouveau de la LF 2020.
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240
2.1. Un retard imputable à l’inefficience des mesures
d’accompagnement

L’inefficience des mesures d’accompagnement se mesure à des procédures


administratives d’accès aux avantages fiscaux et douaniers insuffisamment définies
(2.1.1) et à l’inexistence d’une procédure fiable, permettant l’évaluation de la
performance des incitations conçues en faveur des EnR (2.1.2).

2.1.1. Des procédures administratives d’obtention des avantages


fiscaux et douaniers pas suffisamment définies

Les conditions à remplir par le contribuable pour être admis au bénéfice des incitations
doivent être claires, aisément vérifiables, laissant ainsi le moins possible de place à
l’interprétation aléatoire ou à la négociation. Cette remarque s’applique également aux
procédures administratives pour y avoir accès, une fois l’éligibilité confirmée. Des
travaux de la Banque mondiale démontrent que 70 % des agences de promotion des
investissements n’atteignent pas leurs objectifs parce qu’elles ne fournissent pas
« l’information pertinente et ponctuelle demandée par les investisseurs potentiels »17.

Les règles d’organisation administrative, de détermination de compétence,


d’instruction des dossiers de demande des congés fiscaux ne sont pas suffisamment
définies et encore moins vulgarisées dans le secteur des EnR18, dont la réglementation
demeure incomplète. Le mécanisme SE4All19 mis en place par le ministère de l’Eau et
de l’Énergie se propose d’élaborer des manuels de procédure pour accompagner
quelques dispositions de la loi camerounaise n° 2011/022 précitée ; l’on gagnerait à
l’utiliser pour la vulgarisation des procédures d’accès aux congés fiscaux favorables à
l’introduction des EnR au Tchad et au Cameroun. Ceci est un plaidoyer pour
l’accessibilité renforcée de l’information fiscale.

2.1.2. Inexistence d’une procédure fiable d’évaluation de la


performance des mesures incitatives

A-t-on attiré les investisseurs à partir des incitations fiscales conçues ? Les
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

investissements réalisés seraient-ils intervenus en l’absence de ces incitations ? Quel


est le coût effectif des dépenses fiscales ? Ont-elles permis le développement du secteur
prioritaire concerné ? Voilà autant de préoccupations qui permettent d’évaluer
régulièrement les performances d’un régime fiscal incitatif, de dénicher les entraves au
succès des mesures instituées et de lutter contre l’évasion fiscale à grande échelle.

17
Journal de la Chambre de commerce du Cameroun, avril-mai-juin 2009, p. 36, cité par V. F. Atonfo,
L’attractivité fiscale et l’implantation des investisseurs privés étrangers au Cameroun, op. cit., p. 89.
18
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, Yaoundé, Friedrich Ebert Stiftung, 2019, pp. 38-39,
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement

http://library.fes.de/pdf-files/bueros/kamerun/16030.pdf.
African Journal of Environmental Law

19
Sustainable Energy for All.

241
Le rapport de 2017 sur la dépense fiscale au Cameroun fait état d’environ 28 mesures
fiscales dérogatoires au bénéfice du développement de l’énergie verte, notamment
solaire, recensées dans le paysage fiscal entre 2015 et 2017 ; malheureusement, aucune
de ces mesures n’aura été évaluée à terme20. La création de l’agence chargée de la
promotion et du développement des EnR21 pourrait certainement faciliter la traçabilité
de la dépense fiscale dans ce secteur.

Jusqu’en 2017, en dépit de l’importance des dépenses fiscales consenties, le Tchad ne


s’était pas encore engagé dans une évaluation des dépenses fiscales ; aucune
information systématique et cohérente n’était disponible à ce propos22. Un an plus tard,
il était toujours impossible de quantifier et de ventiler les dépenses fiscales de l’État
par secteur : la DGI n’avait pas préparé de rapport à ce propos23. Dès lors, comment
assurer un véritable suivi des incitations au développement des EnR sans ces
informations statistiques ? Même au niveau de la fiscalité négociée, l’absence de suivi
des conventions d’établissement a été relevée. Ainsi, aucune des entités ayant accordé
les exonérations n’avait organisé une centralisation des conventions, ni un suivi, ni
procédé à l’évaluation des dépenses fiscales, ni évalué le respect des engagements
contractés par les investisseurs ; il apparaît même que les administrations en charge de
l’impôt ne détenaient pas toujours une copie de ces conventions24.

Par ailleurs, une enquête auprès des investisseurs dans les pays en développement
démontre que les incitations fiscales ne figurent pas toujours parmi les premiers
facteurs déterminant la localisant d’un investissement ; par ordre d’importance, ils
citent la stabilité économique, puis politique, le coût des matières premières, la situation
des marchés nationaux, la transparence du cadre juridique et bien d’autres. Le paquet
d’incitations fiscales intervient en onzième position sur la liste des douze principaux
facteurs influant sur la décision d’investir25. Fort de cela, il existe plusieurs handicaps
non fiscaux qui retarderaient le développement des EnR ; dans ces circonstances, les
incitations fiscales ne parviennent pas à les compenser efficacement.
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

20
Rapport sur les dépenses fiscales de l’exercice 2017, DGI/ministère des Finances, Cameroun,
octobre 2018, p. 24, https://www.dgb.cm/wpfd_file/rapport-sur-les-depenses-fiscales-2017/.
21
Article 67 de la loi n° 2011/022.
22
J.-F. Brun et G. Chambas, Orientations après l’atelier national sur l’évaluation des dépenses
fiscales et la réforme de l’IRPP ?, République du Tchad, UE, mai 2017, p. 7.
23
ADE/UE, Évaluation de la performance de la gestion des finances publiques au Tchad selon la
méthodologie PEFA 2016, Rapport final, octobre 2018, p.32,
https://www.pefa.org/sites/pefa/files/assessments/reports/TD-Oct18-PFMPR-Public-with-PEFA-
Check_0.pdf.
24
J.-F. Brun et G. Chambas, Orientations après l’atelier national sur l’évaluation des dépenses fiscales
et la réforme de l’IRPP ?, op. cit., p. 8.
25
FMI, OCDE, Nations Unies et Banque mondiale, Options pour une utilisation efficace et efficiente
POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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des incitations fiscales à l’investissement dans les pays à faible revenu, op. cit., pp. 13-14.

242
Pour finir, l’évaluation sérieuse de la performance des mesures instituées devrait
permettre de créer des incitations spécifiques de nature à générer des investissements
qui ne se seraient jamais matérialisés sans elles. La nature embryonnaire du régime
juridique y relatif justifie certainement le faible succès des incitations fiscales.

2.2. Un retard justifié par un régime juridique embryonnaire


des incitations fiscales
Le cadre juridique des incitations fiscales au Cameroun et au Tchad est encore
embryonnaire. Les dispositions éparses trouvées ici et là révèlent une appréhension
incomplète du secteur des EnR. La portée des congés fiscaux, grands favoris des
législateurs26, est fragilisée par une durée insuffisamment favorable à l’obtention des
investissements (2.2.1) ; à l’évidence, l’incitation au profit des énergies fossiles reste
prédominante (2.2.2).

2.2.1. L’institution d’une durée du congé fiscal insuffisamment


favorable à l’obtention des investissements

Les sources d’énergie renouvelable posent des difficultés sur le plan de la rentabilité
économique27 ; la transition énergétique modifie drastiquement les conditions d’accès
à l’énergie. Ainsi, le développement des énergies vertes exige la mobilisation
d’importants capitaux pour assurer leur stockage, leur transport et leur utilisation, car
certaines énergies (soleil, vent) sont intermittentes. Ce secteur présentera un faible
intérêt pour les investisseurs si des incitations spécifiques ne sont pas conçues, puisque
le temps de retour sur investissement est généralement de plus de dix ans28.

Au Tchad, l’essentiel des incitations n’est valable que pendant les cinq premières
années de l’exercice des entreprises nouvelles29. Entre temps, le droit commun des
incitations à l’investissement au Cameroun offre une pléthore d’avantages valables
entre cinq et quinze ans selon le cas. Cette durée nous semble suffisante, mais l’on n’est
pas certain qu’elle s’appliquerait telle quelle en matière d’investissement dans les EnR.
Les microprojets individuels ayant obtenu du succès jusqu’à présent visaient l’éclairage
des ménages à l’aide du solaire photovoltaïque ; ils ne représentent pas un volume
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

nécessaire pour attirer des investissements considérables30. Seul l’État parvient à mettre
26
Les investisseurs estiment que le crédit d’impôt pour investissement et les déductions initiales pour
investissement sont pourtant les plus efficaces.
27
A. Rojey, « Réussir la transition énergétique : défis, contraintes et solutions à mettre en œuvre », in
La transition énergétique ou les énergies que nous aurons, Liaison Énergie-Francophonie, n° 93, 2013,
p. 26.
28
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 43.
29
Article 14 de la LF 2020.
30
J. Ruet et L. Chancel, « Financer la transition énergétique : des financements et mécanismes de
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
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marchés internationaux à la mise en œuvre sur le terrain », in La transition énergétique ou les énergies
African Journal of Environmental Law

que nous aurons, Liaison Énergie-Francophonie, n° 93, 2013, p. 111.

243
en place des projets importants dans le cadre des projets de développement pour
lesquels la rentabilité économique n’est pas toujours exigée31.
Les limites sus-évoquées renforcent la faible compétitivité des EnR face aux énergies
fossiles.

2.2.2. La prédominance des incitations fiscales favorables au


développement des énergies fossiles

Ce constat se dégage d’une évaluation des dépenses fiscales par secteur d’activités au
Cameroun et au Tchad.
En effet, les dépenses fiscales dont les incitations sont constitutives sont des mesures
particulières dérogeant au système fiscal de référence occasionnant des pertes de
recettes pour l’État en vue de susciter un comportement économique particulier du
contribuable32 : il en résulte un allègement de la charge fiscale du contribuable
bénéficiaire.

Au Cameroun, les dépenses fiscales effectuées pour le développement du secteur


pétrolier, gazier et minier sont de 196,8 milliards FCFA33, représentant le taux le plus
élevé (soit 32,5 %) des dépenses fiscales pour l’exercice 2017. Pendant ce temps, le
tableau affiche des chiffres nuls pour ce qui est des dépenses fiscales en faveur de la
promotion des énergies vertes34.

En outre, « l’exploitation du pétrole est devenue la véritable locomotive de l’économie


tchadienne »35 ; les recettes fiscales restent excessivement liées aux revenus issus du
secteur pétrolier ; ceci justifie les dépenses fiscales importantes que l’État accorde aux
investisseurs de ce secteur, même si elles ne peuvent être quantifiées. Il en ressort que
le rôle des combustibles fossiles va encore rester important.

En définitive, la transition énergétique va être longue au Cameroun et au Tchad ; les


incitations fiscales restent davantage favorables aux énergies fossiles dont dépendent
leurs économies. Les mesures incitatives propices aux énergies vertes, bien qu’étant
faibles, apparaissent quelquefois comme le fruit d’une concurrence. Aussi, la
coopération sous-régionale – voire régionale – serait bienvenue pour éviter la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

concurrence fiscale dommageable entre les États africains ; elle permettrait d’éviter la
surenchère fiscale par l’adoption de mesures incitatives similaires modelables in
concreto suivant les réalités de chaque pays.
31
A. Nguesseu, D. Thang et R. J. Ndjeudja, Options politico-juridiques pour un envol durable des
énergies renouvelables au Cameroun, op. cit., p. 43.
32
Extrait du processus de définition des dépenses fiscales donné par l’OCDE. Les dépenses fiscales dans
les pays de l’OCDE, 2010, p. 12.
33
Ainsi réparties : 50,9 milliards au titre de TVA, 11, 6 milliards pour les droits de douane, 16,3 milliards
au compte de l’IS, 50,3 milliards pour l’IRPP et 67,7 milliards pour les droits d’enregistrement.
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34
INSTITUT DE LA FRANCOPHONIE

Rapport sur les dépenses fiscales de l’exercice 2017, op. cit., p. 31.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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35
ADE/UE, Évaluation de la performance de la gestion des finances publiques au Tchad selon la
méthodologie PEFA 2016, op.cit., p. 7.
244
Symposium virtuel

enjeux climatiques en droit africain


Énergies renouvelables, transition énergétique et

• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

245
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La protection de l’environnement par les juridictions


africaines : avancées nationales et régionales
RAPPORT DE SYNTHÈSE DU SYMPOSIUM VIRTUEL
Élaboré par Eya BOUSHIH et Rim BEJAOUI 1
Sous la direction du professeur Wahid FERCHICHI 2

Sans prétendre à une synthèse exhaustive des riches échanges qui ont eu lieu au cours
des deux journées du Symposium virtuel intitulé Énergies renouvelables, transition
énergétique et enjeux climatiques en droit africain, ce rapport présente un bilan
instantané des travaux.

Une lecture transversale permet de mieux cerner les différentes thématiques soulevées
par ces questions en droit africain, non seulement grâce aux différentes interventions,
mais également via les débats et les discussions qui ont suivi.

En Afrique, les énergies renouvelables et la transition énergétique sont d’une


importance stratégique, ce qui fait que débattre de cette question sous le prisme
juridique de l’interface énergie-climat est d’autant plus pertinent.

Notons que tous les États africains ont signé l’Accord de Paris sur le climat de 2015 et
que la plupart d’entre eux l’ont ratifié et soumis leur contribution déterminée au niveau
national.

En effet, plusieurs pays africains se sont dotés d’un cadre juridique et institutionnel
relatif au développement des énergies renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité
énergétique.

Les interventions des participants, tout comme les débats et, surtout, l’excellent résumé
du professeur Mohamed Ali Mekouar3, que nous avons choisi d’ajouter au présent
rapport de synthèse, ont été reliés à l’état des lieux des différentes expériences des pays
africains, dont le cadre juridico-institutionnel a été évoqué par chaque participant
séparément, en soulignant pour la plupart des pays une mise en œuvre jugée souvent
limitée ou inachevée et en mettant l’accent sur la nécessité de procéder à un échange
de bonnes pratiques.

Ce symposium était subdivisé en deux sessions :


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

- la première consacrée aux diverses expériences des pays africains, sous la forme
d’approches nationales illustrant les points communs entre plusieurs pays, ainsi
que les différences ;
- la deuxième focalisée sur les perspectives transversales, qui a surtout mis
l’accent sur les insuffisances et contraintes du secteur énergétique.

1
Doctorantes à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
2
Professeur à l’Université de Carthage, directeur du département de droit public de la Faculté des
sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis.
3
Mohamed Ali Mekouar est ancien professeur à l’Université de Casablanca.
La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
African Journal of Environmental Law

247
Les deux sessions ont été suivies par une table ronde et un débat, visant essentiellement
à échanger les bonnes pratiques et à essayer de trouver des solutions pour chaque pays
africain et pour l’ensemble du continent africain.

Une lecture globale du symposium implique de commencer par les différentes


interventions consacrées aux cadres juridico-institutionnels des différents pays et à la
question de la mise en œuvre jugée limitée et mitigée par les différents intervenants.
En effet, la première session du symposium a été consacrée à des approches nationales,
les intervenants ayant procédé à un état des lieux des diverses expériences dans leurs
pays respectifs. Il en ressort que les cadres juridico-institutionnels des pays africains en
matière d’énergies renouvelables et de transition énergétique sont liés à la préservation
du climat et à la promotion des énergies vertes ou moins polluantes. De multiples
réformes innovantes accompagnent le processus de transition énergétique, à la fois
normatives et institutionnelles.

Cette dualité tient à l’existence de cadres juridiques transversaux basés sur des réformes
normatives, dont les unes sont spécifiques au secteur de l’énergie et d’autres sont
relatives à l’environnement.

L’étude de ces différentes expériences dévoile que depuis les années 2000 la réforme
du secteur de l’énergie en Afrique s’est opérée dans plusieurs pays du continent à
travers la promulgation d’un code de l’environnement dans certains pays, en vue de
réduire la pollution et promouvoir la maîtrise de l'énergie. On y trouve une multitude
de textes législatifs et réglementaires qui portent sur l’organisation du secteur, la
production énergétique, l’efficacité énergétique et la police de l’énergie.

Selon le professeur Mohamed Ali Mekouar, il existe des lois génériques et spécifiques
favorisant le développement du foisonnement normatif saisi par le droit africain en
matière d’énergies renouvelables. En effet, les pays africains peuvent être regroupés en
deux catégories : ceux qui ont un cadre normatif spécifique et ceux ayant un cadre
normatif générique.

Les expériences de l’Algérie, de la Tunisie, du Maroc et du Sénégal sont des


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

illustrations de pays dotés d’un cadre normatif spécifique, comme cela a été démontré
via la présentation des différentes approches nationales relatives aux expériences de
leurs pays respectifs par les intervenants.

Dix ans après la promulgation de la loi d’orientation sur le mix énergétique et la


transition énergétique au Sénégal, Monsieur M. Pathé a précisé que les textes encadrant
ce secteur constituaient de solides leviers juridiques pour la diversification du mix
énergétique et le progrès de la transition4.
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La protection de l’environnement par les juridictions
africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
Revue Africaine de Droit de l’Environnement
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4
Pathé Marame Niang est docteur en droit de l’Université de La Rochelle.
248
L’expérience tunisienne présentée par Mme Afef Hammami-Marrakchi5 a permis de
recenser les différents textes spécifiques en rapport avec la maîtrise de l’énergie ou la
sécurité climatique, tout en évoquant les stratégies relatives à l’adaptation aux
changements climatiques et à la sécurité énergétique lancées par la Tunisie, ainsi que
divers autres textes liés au secteur, tels que la loi sur la maîtrise de l’énergie (2004), la
loi sur la qualité de l’air (2007) ou encore la loi relative à la production d’électricité à
partir des énergies renouvelables (2015). Dans sa présentation, Mme Afef Hammami-
Marrakchi a bien précisé que le droit se diluait dans la répartition des responsabilités,
tout en demeurant marqué par la centralisation structurelle de l’action climatique et
énergétique en Tunisie. D’après une analyse rapide du cadre institutionnel en Tunisie,
l’ensemble des structures chargées de ces missions montre la prédominance de
l’autorité centrale. Bien entendu, cette prédominance est importante et même
primordiale, mais elle doit tenir compte de l’évolution du cadre de la décentralisation
depuis 2018. Ainsi, la fusion opérée en 2017 entre le ministère chargé de
l’environnement et celui des affaires locales doit faire face aux questions aussi bien
climatiques qu’énergétiques à l’échelon local.

Concernant le Maroc, l’importance de la question de la sécurité énergétique a été


démontrée lors des interventions, des débats et de la table ronde, ainsi que son rapport
avec la préservation du climat pour l’humanité ; cette question ayant notamment un
caractère évolutif dans le temps et l’espace au Maroc, comme la loi relative aux
énergies renouvelables (2010), puis celle relative à l’efficacité énergétique (2011) et
celle portant sur la régulation du secteur de l’électricité (2016).

Comme l’a bien précisé le professeur Mekouar dans sa synthèse, il existe également
des pays qui ont plutôt des cadres normatifs génériques, comme le Burkina Faso, le
Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Tchad et la République démocratique du Congo.

L’expérience du Burkina Faso portant réglementation générale du secteur de l’énergie


représente l’une des plus importantes réformes engagées en vue d’atteindre les objectifs
du développement durable en matière d’énergie.

Selon l’intervention de Monsieur Clément Kibambi Vaké6, il conviendrait de


• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

promouvoir les droits des paysans à l’énergie en général au sein de la République


démocratique du Congo, et à l’énergie durable en particulier, afin de revaloriser
l’activité paysanne du fait que ces droits pourraient accroître la plus-value des produits
au service de l’agriculture paysanne. Car l’agriculture paysanne est victime d’exclusion
sur le marché international, notamment concurrencée par l’agriculture capitaliste,
dépendante des énergies fossiles qui sont moins écologiques. Selon lui, il existe une
synergie entre l’agriculture familiale et les énergies renouvelables, qui est à la base
d’un droit en train de se construire en sourdine et faisant l’objet de mesures alimentant
un environnement spécifique intégrant l’agriculture familiale et les énergies
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5
Afef Hammami-Marrakchi est maître de conférences à la Faculté de droit de Sfax.
6
Clément Kibambi Vaké est chef de travaux à la Faculté de droit et avocat au barreau de Goma.
249
renouvelables. Mais il faudrait également, d’après lui, vérifier la pertinence du potentiel
et du degré de mobilisation de la panoplie des droits des paysans et du nouveau droit
de l’énergie, afin de promouvoir le droit de tous les paysans non seulement à l’énergie,
mais également à plusieurs autres valeurs.

Selon le professeur Mohamed Ali Mekouar, le droit des énergies renouvelables est un
droit carrefour composite, formé de multiples ordres et régimes juridiques au triple
niveau national, régional et mondial.

Les intervenants ont évoqué la pertinence d’un éventuel échange de bonnes pratiques
entre pays africains qui bénéficient tous un climat favorable, spécialement pour
l’énergie solaire et en général pour les énergies renouvelables ; ainsi que des échanges
concernant les lois modèles par rapport à ces questions et aux conventions
internationales.

Ce qui nous amène à conclure que l’application souffre de nombreuses lacunes, tant
sur le plan normatif qu’institutionnel. Et cela ne peut qu’aboutir à une mise en œuvre
limitée.

Dans le cadre des différentes interventions et expériences présentées, et surtout lors de


la table ronde et de la deuxième session du symposium, la question centrale était celle
de la mise en œuvre du doit africain, caractérisée par un certain nombre de limites,
synthétisées par le professeur Mohamed Ali Mekouar, qui a précisé que le droit
(énergétique) africain était un droit dont la mise en œuvre était mitigée, imputant cet
état de fait à plusieurs facteurs, notamment développés par les intervenants tout au long
du symposium.

Selon les interventions et la synthèse du professeur Mekouar, le premier facteur limitant


est juridique, surtout s’agissant de l’absence ou de l’adoption tardive des textes
d’application, mais également à cause du manque d’intégration et d’harmonisation des
cadres politiques et juridiques. Un constat d’inflation textuelle a été fait,
paradoxalement couplé à un constat lié à l’existence d’un cadre juridique lacunaire, car
la plupart des intervenants ont achevé leur présentation en exprimant le souhait que soit
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

adoptée dans leur pays une législation spécifique au climat.

Concernant l’expérience tunisienne, une désarticulation fonctionnelle a été constatée à


côté de la désarticulation structurelle et l’accent a été mis sur l’existence d’un problème
de montage institutionnel, encore compliqué par l’absence de textes d’application
réglementaires, qui n’ont pas tous vu le jour plusieurs années après l’adoption des
textes législatifs.
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N° 05 • 2020
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250
Ce problème d’adoption et d’entrée en vigueur de textes réglementaires d’application
se retrouve au Maroc et a été soulevé par M. Soulaïmane Ahsaïn7, qui a précisé que la
loi relative à l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et
de l’efficacité énergétique avait été adoptée en 2010 au Maroc, que cet organisme avait
ensuite été renommé Agence marocaine pour l’efficacité énergétique en 2016 et
chargée de mettre en œuvre les plans d’action de la politique gouvernementale en
matière d’efficacité énergétique, mais que l’étude de ses missions, de ses attributions
et de ses responsabilités, tant au niveau central que local et à la lumière de différents
textes juridiques y afférents, démontrait encore une fois un cloisonnement, une
répartition trop rigide et l’absence d’une gouvernance, les responsabilités étant limitées
à un niveau central, via la participation de certains établissements publics, les
collectivités locales étant rarement citées.

En Tunisie, le même constat de centralisation a été fait, alors que la Constitution


tunisienne évoque les obligations qui pèsent sur l’État : or, il ne s’agit pas uniquement
de l’État en tant que pouvoir central, mais de l’État dans l’intégralité de sa structure
administrative, aussi bien centrale que décentralisée.

Les différentes expériences montrent ainsi l’existence d’un cadre normatif dans
l’ensemble du continent africain, mais qui demeure focalisé sur une répartition un peu
trop tranchée des responsabilités, sans une réelle option vers la mise en place de
mécanismes destinés à une meilleure gouvernance climatique et aussi énergétique.

Un deuxième facteur limitant concerne la gouvernance dans les différents pays


d’Afrique, notamment, comme l’a bien précisé le professeur Mekouar dans sa synthèse,
le dilemme étatisation-libéralisation et la précarité des investissements privés (rôle de
l’État, régulateur).

Dans son intervention sur le « Droit solaire en Afrique de l’Ouest », présentée par M.
Habib Ahmed Djiga8, l’auteur démontre qu’il s'agit effectivement de trouver un
équilibre entre le régionalisme, l’étatisme et le libéralisme. À cet effet, il pose trois
questions très importantes, qui sont en réalité valables pour toutes les expériences et ne
concernent pas uniquement les pays d’Afrique de l’Ouest : l’État peut-il se désengager
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

des activités d’exploitation de l’énergie solaire au profit des acteurs privés ? Faut-il
privatiser ou nationaliser le secteur de l’énergie solaire ? Les règles communautaires
promeuvent-elles ou dissuadent-elles le libéralisme dans le secteur de l’énergie
solaire ?

Il enchaîne en affirmant que le droit solaire est un droit auréolé par l’étatisme d’une
part et le libéralisme d’autre part. En tant que droit auréolé par l’étatisme, le droit
solaire renvoie à l’omniprésence de l’État qui, du fait de ses prérogatives régaliennes,

7
Soulaïmane Ahsaïn est professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de
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Tanger.
8
Habib Ahmed Djiga est docteur en droit public de l’Université Thomas Sankara de Ouagadougou.
251
de son monopole de la puissance publique et de l’édiction de la règle de droit, encadre
d’un point de vue législatif et réglementaire le secteur de l’énergie solaire à travers un
processus de codification de ce dernier et la délivrance de titres (licences, autorisations
ou concessions). Dans certains pays d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Niger ou
Burkina Faso), il existe des lois relatives à l’énergie solaire, à savoir la loi n° 2014-132
portant code de l’électricité en Côte d’Ivoire, la loi n° 2017-14 au Burkina Faso et la
loi n° 2016-5 du 17 mai 2016 portant code de l’électricité au Niger. Il ajoute que,
s’agissant d’un secteur aussi stratégique que vital, il est impérieux d’instaurer un cadre
juridique porteur d’une tendance au développement solaire en Afrique permettant de
rendre effectifs l’accès à l’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre,
le développement durable et l’énergie propre.

D’autres éléments qui posent des problèmes de gouvernance tiennent aux déficits
infrastructurels et technologiques (réseaux, stockage, transport, distribution,
interconnexions) dont souffrent les pays africains, ainsi qu’à l’insuffisante concertation
et coordination inter-institutionnelle et au manque d’implication des structures
décentralisées, comme l’a bien démontré M. Parfait Oumba lors de sa présentation

Le troisième facteur consiste pour sa part en la modestie des incitations financières et


fiscales dans la plupart des pays d’Afrique, ainsi qu’en la modicité des ressources
allouées aux institutions chargées des énergies renouvelables. Ce facteur a notamment
été bien développé par Mme Diane Tapimali Mafoligang9, qui a évoqué les incitations
fiscales au Cameroun et au Tchad, en précisant que, malgré la configuration
géographique de ces deux pays qui disposent d’atouts naturels favorables à l’essor de
l’énergie verte, il n’y existe pas encore de lois relatives à l’énergie verte de nature à
garantir la performance énergétique.

Ils sont encore dans une phase de promotion et d’introduction d’incitations aux
investissements dans ce secteur et une interrogation s’impose : est-ce que les droits
positifs camerounais et tchadien proposent des incitations fiscales suffisamment
attractives à l’investissement dans le secteur des énergies renouvelables, de nature à
faire baisser le taux pression fiscale sur les investisseurs ? L’auteure se penche ensuite
sur les critères d’éligibilité des investisseurs dans ces deux pays et montre ainsi qu’à ce
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

niveau le Cameroun et le Tchad adoptent des critères d’éligibilité totalement


différents : ainsi, le Cameroun ne prend en considération que les investissements dans
le cadre de l’énergie solaire et éolienne pour appliquer l’exonération d’impôt, tandis
que le code général des impôts tchadien (2016) et les lois de finances successives
prévoient d’une manière générale des mesures incitatives au profit de tout
investissement relatif à des énergies renouvelables, même si la loi portant budget de
l’État pour 2021 marque une évolution dans les préférences du législateur vers le solaire
et l’éolien, à l’instar de son homologue camerounais. Elle constate que, si le droit positif
camerounais offre des mesures incitatives plus alléchantes que celles prévues en droit
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africaines : avancées nationales et régionales

N° 05 • 2020
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Diane Tapimali Mafoligang est doctorante en droit à l’Université de Dschang et chercheure au Centre
africain de recherches sur les politiques énergétiques et minières.
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tchadien, ce dernier a tout de même le mérite d’être plus explicite en ce qui concerne
les bénéficiaires des avantages accordés. Dans les deux cas, les mesures adoptées
tardent à produire les effets attendus et ce retard peut être dû, d’une part, à l’inefficience
des mesures d’accompagnement et, d’autre part, au régime juridique embryonnaire des
incitations fiscales dans les deux pays.

En guise de conclusion, le symposium a fait l’objet de riches débats et interventions


qui ont surtout discuté des différentes expériences des pays d’Afrique. Il est apparu que
la majorité des pays du continent a bien instauré un cadre juridique et institutionnel,
mais que celui-ci demeure peu effectif et limité. Il en résulte l’existence d’un cadre
normatif intéressant, mais qui manque encore d’effectivité afin de parvenir à une
sécurité énergétique réelle en Afrique, tout en luttant contre les effets des changements
climatiques.

À la fin du symposium, la professeure Soukaïna Bouraoui a présenté trois


recommandations importantes pour l’avenir, à savoir :
- poursuivre l’échange de bonnes pratiques et organiser d’autres symposiums
concernant ce sujet et d’autres thématiques pertinentes pour l’ensemble du
continent ;
- prendre conscience que l’on peut discuter de la révolution solaire et surtout faire
le lien avec l’horizon 2030 à l’échelle mondiale ;
- faire en sorte d’impulser une action synergique commune de tous les
professionnels du droit (professeurs, chercheurs, magistrats, avocats, etc.) afin
de faire advenir le nouveau paradigme de la révolution solaire.

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Annexe : Programme du Symposium virtuel

ÉNERGIES RENOUVELABLES, TRANSITION ÉNERGÉTIQUE


ET ENJEUX CLIMATIQUES EN DROIT AFRICAIN
En vidéoconférence à partir de Tunis - 3 et 4 juin 2021

Jeudi 3 juin - 10h à 13h (heure de Tunis)

Ouverture
10h00 - Allocution de bienvenue par Neila Chaabane, Doyenne de la Faculté des sciences
10h05 juridiques, politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage
10h05 - Mot de la Konrad Adenauer Stiftung, par Daniela Diegelmann, Directrice du
10h10 programme sécurité énergétique et changement climatique au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord
10h10 - Présentation du symposium par Wahid Ferchichi, Professeur à la Faculté des
10h15 sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Université de Carthage

Session I - Approches nationales


Modératrice : Soukaïna Bouraoui, Professeure émérite, Présidente du Comité scientifique de la
Revue africaine de droit de l’environnement
10h15 - Pathé Marame Niang, avec Mohamed Ayib Daffé - Une décennie de mise en œuvre
10h30 des lois d’orientation sur les énergies renouvelables au Sénégal : un bilan mitigé
pour le mix et la transition énergétique
10h30 - Lassané Zoma, avec Antoine Kaboré et Yacouba Savadogo - La réforme du secteur
10h45 de l’énergie au Burkina Faso : une promotion des énergies renouvelables
10h45 - Maturin Petsoko - La contribution de la loi camerounaise du 14 décembre 2011 à la
11h00 transition et à la sécurité énergétique : entre généreuse ambition et mesquin
pragmatisme
11h00 - Alimenta Silué Yegborewa - Transition énergétique et énergies renouvelables :
11h15 évolution du droit en Côte d’Ivoire
11h15 - Débats
11h30
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

11h30 - Pause
11h45
11h45 - Afef Hammami-Marrakchi - Crise climatique et enjeux énergétiques en droit
12h00 tunisien : pour une meilleure gouvernance entre le national et le local
12h00 - Soulaïmane Ahsaïn, avec Mohamed Ali Mekouar - L’interface énergie-climat en
12h15 droit marocain : un bilan décennal en clair-obscur
12h15 - Yannick Djimotoum Yonoudjim, avec Djamto Galy - Des prémices d’une
12h30 réglementation des énergies renouvelables au Tchad
12h30 - Clément Kibambi Vake - Les droits des paysans à l’heure des énergies
12h45 renouvelables en République démocratique du Congo : intégration du droit des
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agricultures familiales et du droit de la transition énergétique pour une croissance
verte
12h45 - Débats
13h00

Vendredi 4 juin - 10h à 13h (heure de Tunis)

Session II - Perspectives transnationales


Modérateur : Ibrahima Ly, Professeur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
10h00 - Habib Ahmed Djiga - Le droit solaire en Afrique de l’Ouest
10h15
10h15 - Didier Murhula Amuli - Transition énergétique et protection de l’environnement
10h30 dans la coopération au sein de la sous-région des Grands Lacs
10h30 - Mariette Aicha Ntienjem Madu - Les balbutiements d’un droit à l’énergie à l’aune
10h45 de la transition vers les énergies renouvelables en Afrique
10h45 - Parfait Oumba - Le transfert de technologie dans le cadre du mécanisme pour un
11h00 développement propre : un gage de l’usage des énergies renouvelables
11h00 - Diane Tapimali Mafoligang - Incitations fiscales et développement des énergies
11h15 renouvelables au Cameroun et au Tchad
11h15 - Débats
11h35
11h35 - Pause
11h45

Table ronde : regards croisés - 11h45 - 12h45


Farida Si Mansour, avec Sabrya Ouamar et Kari Si Salah - La transition énergétique
en Algérie : quels cadres institutionnel et réglementaire pour une énergie durable ?
Konamadji Balaam - Quel(s) droit(s) pour les énergies renouvelables dans les pays
du Sahel ? Analyse au regard du droit interne burkinabè
Mireille Esther Batjom, avec Mary Yaya Kenkoy et Carole Valérie Nouazi Kemjeng
- Le cadre juridique des énergies renouvelables au Cameroun : une contribution à la
• Revue Africaine de Droit de l’Environnement • n°06 - 2021

sécurité énergétique des citoyens ?


Saida El Youssoufi Attou, avec Bouchra Nadir - Production et commercialisation de
l’énergie solaire au Maroc : aspects juridiques
Odeline Billant, avec Ayib Daffé, Fatou Ndiaye, Ibrahima Ly et Marie Bonnin - La
réglementation des sacs plastiques au Sénégal : une étape vers sa transition
énergétique ?
Débats
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Conclusion et clôture
12h45 - Remarques finales par Mohamed Ali Mekouar, Vice-président du Centre
12h55 international de droit comparé de l’environnement
12h55 - Mot de clôture par Soukaïna Bouraoui, Présidente du Comité scientifique de la
13h00 Revue africaine de droit de l’environnement

Coordination scientifique
Soukaïna Bouraoui, Professeure émérite, Faculté des sciences juridiques, politiques et
sociales de Tunis, Université de Carthage
Ibrahima Ly, Professeur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de Université
Cheikh Anta Diop de Dakar

Comité organisateur
Wahid Ferchichi, Professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de
Tunis, Université de Carthage
Leïla Chikhaoui-Mahdaoui, Professeure à la Faculté des sciences juridiques, politiques et
sociales de Tunis, Université de Carthage
Afef Hammami-Marrakchi, Maître de conférences à la Faculté de droit de Sfax

Équipe technique
Rapporteuses : Eya Boushih et Rim Béjoui
Organisation technique du symposium : Fatma Jebali
Graphisme : Anis Menzli

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Le prochain numéro de la RADE, prévu pour paraître en 2022, aura pour thème :

L’encadrement juridique du développement durable en Afrique

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