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Les Ecoles Coraniques

Ce mémoire porte sur les écoles coraniques dans la ville de Dédougou au Burkina Faso. Il vise à découvrir le fonctionnement de ces écoles qui existent en marge du système éducatif formel. Trois hypothèses guident la recherche, notamment que ces écoles dispensent un enseignement religieux préparant à être de bons musulmans. La méthode utilisée est l'enquête qualitative. Les résultats confirment la première hypothèse mais infirment les deux autres.

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Les Ecoles Coraniques

Ce mémoire porte sur les écoles coraniques dans la ville de Dédougou au Burkina Faso. Il vise à découvrir le fonctionnement de ces écoles qui existent en marge du système éducatif formel. Trois hypothèses guident la recherche, notamment que ces écoles dispensent un enseignement religieux préparant à être de bons musulmans. La méthode utilisée est l'enquête qualitative. Les résultats confirment la première hypothèse mais infirment les deux autres.

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UNIVERSITE DE KOUDOUGOU BURKINA FASO

. ................... ..............
ECOLE NORMALE SUPERIEURE
..................... Unité – Progrès - Justice
FILIERE : IEPD 2ème ANNEE

MEMOIRE DE FIN DE FORMATION A L’EMPLOI D’INSPECTEUR


DE L’ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE

THEME:

LES ECOLES CORANIQUES ET L’EDUCATION


DES ENFANTS TALIBES DANS LA
VILLE DE DEDOUGOU
(MOUHOUN)

PRESENTE PAR : SOUS LA DIRECTION DE :


ZERBO Abdoulaye Dr. Vincent OUATTARA
Maître -Assistant à l’Université
de KOUDOUGOU
UFR/LSH

Juin 2012

i
A
 mon oncle paternel, feu ZERBO Eugène Kanama Yâbô ;
 Feue Madame ZERBO/ZERBO Albertine, précédemment Conseillère Pédagogique
Itinérante dans la Circonscription d’Education de Base de Ouagadougou n° IX ;
 mon Maître d’école primaire, feu OUEDRAOGO Adama Fulgence.

i
REMERCIEMENTS

En cet instant où nous terminons nos travaux de recherches, nous ressentons un devoir
de reconnaissance envers certaines personnes sans l’aide et l’accompagnement desquelles le
présent mémoire n’aurait pas été réalisé. Nous voulons traduire notre gratitude :

 à Monsieur OUATTARA Vincent, notre Directeur de Mémoire, pour l’intérêt qu’il a


bien voulu porter à notre travail, et aussi pour sa disponibilité et son encadrement ;
 à Monsieur SOARA Missa, Directeur régional de l’Enseignement de Base et de
l’Alphabétisation de la Boucle du Mouhoun ;
 à Monsieur BITIBALY Zondon, Directeur provincial de l’Enseignement de Base et de
l’Alphabétisation du Mouhoun ;
 à Monsieur BONANE Dimi, Inspecteur, Chef de la Circonscription d’Education de Base
de Dédougou I ;
 à Monsieur DIALLO Bièra, Inspecteur, Chef de la Circonscription d’Education de Base
de Dédougou II ;
 à l’Imam de la Grande Mosquée de Dédougou, TRAORE Famanta, et ses collaborateurs ;
 à l’ensemble du personnel de la Direction Régionale de l’Enseignement de Base et de
l’Alphabétisation de la Boucle de Mouhoun ;
 à nos parents, amis, collègues stagiaires, et professeurs de l’Ecole Normale Supérieure de
l’Université de Koudougou ;
 à notre chère épouse, à nos enfants et à toute notre famille pour la compréhension, le
soutien moral et les nombreux sacrifices ;
 à tous pour les conseils, les encouragements, les soutiens et les contributions qui ont pu
enrichir nos travaux.
Que chacun trouve ici le témoignage de notre grande reconnaissance et l’expression de
nos sincères remerciements !

ii
RESUME

Le thème abordé dans la présente étude porte sur les écoles coraniques et l’éducation
des enfants talibés. L’école coranique est une structure éducative d’enseignement privé
musulman qui relève de l’informel. Elle existe en marge du système éducatif qui ne la
reconnaît pas ou qui l’ignore simplement. Le présent mémoire a été réalisé dans le but de
découvrir cette école, de comprendre son fonctionnement, et situer sa place dans la société. Le
champ choisi pour l’étude est la ville de Dédougou dans la province du Mouhoun. Pour sa
réalisation, trois hypothèses ont orienté nos recherches dont la principale est formulée comme
suit : les écoles coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants à
être de bons croyants musulmans. Les hypothèses secondaires sont formulées de la manière
suivante : la durée de la scolarité, les conditions de recrutement et d’études permettent
d’assurer aux élèves des écoles coraniques une éducation de qualité ; les élèves des écoles
coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe religieux.

Les résultats auxquels nous sommes parvenu confirment la première hypothèse pendant
que les deux autres restent infondées. La méthode utilisée pour y parvenir est l’enquête basée
sur l’approche qualitative avec pour technique l’entretien, l’observation directe et la
recherche documentaire. Somme toute, les écoles coraniques ont des ambitions nobles ; mais
elles n’arrivent pas à assurer aux enfants une éducation de qualité telle que voulue par l’Islam
et l’Etat. Aussi, nos suggestions à l’endroit de l’Etat, de la communauté musulmane et des
autres acteurs vont-elles dans le sens de la réforme de ces écoles qui est aujourd’hui une
nécessité absolue.

Mots-clés : Ecole coranique, talibé, mendicité, marabout.

iii
SOMMAIRE
Titre ............................................................................................................................... Pages
INTRODUCTION.............................................................................................................. 1

PREMIERE PARTIE : THEORIE ET METHODOLOGIE....................................... 4


CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE......................................................................... 5
I.1. Contexte et justification............................................................................................... 5
I-2. Problématique.............................................................................................................. 8

CHAPITRE II : METHODOLOGIE............................................................................. 38
II.1. Présentation du champ d’étude................................................................................... 38
II.2. Population-cible........................................................................................................ 40
II.3. Echantillon.................................................................................................................... 42
II.4. Méthodes de recherche et techniques de collecte des données..................................... 43
II.5. La validation des outils.................................................................................................. 45
II.6. Le déroulement de l’étude.............................................................................................. 45
II.7. L’analyse des données................................................................................................... 46
II.8. Les difficultés de la recherche....................................................................................... 46

DEUXIEME PARTIE : ASPECTS PRATIQUES............................................................ 47


CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION DES
RESULTATS....................................................................................................................... 48
I.1 Présentation et analyse des données de l’enquête.......................................................... 48
I.2. Interprétation des résultats et vérification des hypothèses............................................ 67
I.3. Synthèse générale......................................................................................................... 75

CHAPITRE II : SUGGESTIONS................................................................................... 78
CONCLUSION .................................................................................................................. 81
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................................................. 83
ANNEXES......................................................................................................................... VII

iv
LISTE DES TABLEAUX

Tableaux .................................................................................................................... Pages

Tableau n°1 : Situation 2010-2011 des écoles primaires de la ville de Dédougou........... 9

Tableau n°2 : Situation provisoire des foyers coraniques de la ville de Dédougou........... 10

Tableau n°3 : Répartition de la population de la Boucle du Mouhoun par province


et selon le sexe................................................................................................................... 39

Tableau n°4 : Répartition de la population de la province du Mouhoun par commune.... 39

Tableau n°5 : Répartition spatiale de la population de la commune en 2006.................... 40

Tableau n°6 : Evolution des effectifs des élèves dans la commune.................................... 41

Tableau n°7 : Evolution du Taux Brut de Scolarisation dans la commune (2006-2009)... 42


Tableau n°8 : Situation des entretiens réalisés...................................................................... 48

Tableau n°9 : Répartition des maîtres coraniques suivant les effectifs............................... 49

Tableau n°10 : Répartition des parents suivant la situation socioprofessionnelle............... 50

Tableau n°11 : Répartition des responsables de la communauté musulmane


suivant leur fonction............................................................................................................. 50

Tableau n°12 : Répartition des responsables des services déconcentrés du MENA.......... 51

Tableau n°13 : Répartition des enfants talibés par groupe d’âge........................................ 51

Tableau n°14 : Situation des foyers coraniques de la ville de Dédougou........................... 53

Tableau n°15 : Synthèse des horaires et jours ouvrables de la semaine............................. 54

Tableau n°16 : Synthèse des disciplines et matières d’enseignement des écoles


coraniques............................................................................................................................ 55

v
LISTE DES ANNEXES

ANNEXE I : Guide d’entretien avec les personnes ressources des services


techniques : le DREBA, le DPEBA, et le C.CEB de la ville de
Dédougou.
ANNEXE II : Guide d’entretien avec les promoteurs d’école coranique.

ANNEXE III : Guide d’entretien avec les responsables de la Communauté


musulmane : le président de la communauté musulmane de Dédougou,
et l’Imam de la grande mosquée.

ANNEXE IV : Guide d’entretien avec les parents d’élève des foyers coraniques.

ANNEXE V : Guide d’entretien avec les enfants talibés des écoles coraniques.

ANNEXE VI : Grille d’observation directe.

ANNEXE VII : Album photos d’enfants talibés.

vi
SIGLES ET ACRONYMES

AEEMB : Association des Elèves et Etudiants Musulmans au Burkina

BICE : Bureau International Catholique de l’Enfance

BMHN : Boucle du Mouhoun

C.CEB : Chef de Circonscription d’Education de Base

CE2 : Cours Elémentaire 2ème année

CEB : Circonscription d’Education de Base

CEBNF : Centre d’Education de Base Non Formelle

CEEP : Centre d’Eveil et d’Education Préscolaire

CELPAC : Centre de Lecture publique et d’Animation culturelle

CERFI : Cercle d’Etudes, de Recherches et de Formation Islamique

CM2 : Cours Moyens 2ème année

CMBF : Communauté Musulmane du Burkina Faso

CP1 : Cours Préparatoire 1ère année

CPAF : Centre Permanent d’Alphabétisation et de Formation

DEP : Direction des Etudes et de la Planification

DPEBA : Direction Provinciale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation

DREBA : Direction Régionale de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation

FDC/BF : Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina Faso

INSD : Institut National de la Statistique et de la Démographie

MENA : Ministère de l’Education Nationale et de l’Alphabétisation

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

vii
PACTE : Projet de lutte contre le trafic des enfants en Afrique de l’Ouest

PCD : Plan Communal de Développement

PDDEB : Plan Décennal de Développement de l’Education de Base

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

TBS : Taux Brut de scolarisation

UCM : Union Culturelle Musulmane

viii
INTRODUCTION
L’éducation s’impose comme une condition pour réussir tous les aspects de la vie politique,
économique, sociale, culturelle et religieuse. Elle est un facteur essentiel à l’émancipation des
peuples, au développement humain durable. Cette importante dimension de l’éducation
apparaît dans les réflexions de Pascal MOUKENE: «Le domaine de l’éducation est pour toute
société la pierre angulaire de la construction de son avenir. L’éducation traduit les tendances
et les options présentes dans la société et en même temps elle constitue un processus de
projection dans le futur »1.

En Afrique précoloniale, le type d’éducation qui a existé était traditionnel et


communautaire. Pour Ousmane SAWADOGO2, cette éducation valorisait la cohésion du
groupe. L’important était le rôle social que chaque individu devait jouer. L’éducation visait à
apprendre à chacun à se situer par rapport au groupe, à en respecter les règles et les valeurs,
en un mot à se conformer au rôle qui lui était assigné. L’épanouissement personnel n’était
pas valorisé; mais la sécurité et la perpétuation du groupe. L’enfant n’était pas encouragé à
développer son moi, mais l’identité du groupe, l’esprit communautaire et le sens des
responsabilités envers les autres.

Par la suite, les écoles coraniques sont arrivées. Introduites en Afrique à travers
l’Egypte et l’Afrique du Nord par les marins et commerçants arabes, elles ont joué un rôle de
premier plan dans la diffusion de la culture arabo-musulmane. C’est ainsi que Tombouctou a
connu au XVIème siècle un rayonnement intellectuel extraordinaire. Toutefois Youssif ELIAS3
écrit à propos de cette école : « Si elle apparaît aujourd’hui en rupture avec le monde
moderne et ses exigences matérielles, c’est probablement parce qu’elle n’a pas su s’engager
à temps dans les voies ouvertes par la recherche pédagogique moderne. Refusant de repenser
sa stratégie en fonction des besoins d’un monde en pleine mutation et livré à la rude
concurrence de l’école moderne, mieux adaptée aux nouvelles conditions et utilisant un

1
Pascal Mukene, L’ouverture entre l’école et le milieu en Afrique noire. Pour une gestion pertinente des
connaissances, Editions universitaires de Fribourg – Suisse, 1988, p. 253.
2
Ousmane Sawadogo, Les représentations des paysans de Koulouégo (Burkina Faso) confrontés aux nouvelles
technologies agricoles, Mémoire de maîtrise, Université Paris 8, 1994.
3
Youssif Elias, « Islam et vie culturelle en Afrique », in Ethiopiques numéro 29, Revue socialiste de culture
négro-africaine, février 1982.
1
matériel pédagogique de plus en plus sophistiqué, l’école coranique apparaît aujourd’hui à
la recherche d’un nouveau souffle ».

Avec la colonisation de l’Afrique entre le XVIème et le XIXème siècle4, l’école formelle


est créée par les colonisateurs européens. Appelée école des otages au départ, du fait que les
premiers enfants qui la fréquentaient étaient enlevés aux chefs africains, elle visait la
formation des cadres de l’administration coloniale. En fait le gouvernement avait besoin « de
se faire seconder par des cadres autochtones subalternes pour servir de ‘‘courroie de
transmission’’ et d’agents d’exécution entre les dirigeants européens et les masses, et cela à
tous les niveaux de l’activité économique ».5

En conséquence, la nécessité de réformer l’école africaine est apparue après la


colonisation. Jean-Blaise KENMOGNE6 évoque les circonstances de ce changement en
écrivant : « Il y a près de quarante-cinq ans, le tout premier constat officiel de la faillite de
l'école africaine a été fait, sans complaisance aucune. C'est en effet en 1961, alors que de
nombreux Etats viennent à peine d'accéder à l'indépendance que les ministres africains de
l'Education nationale, réunis à Addis Abeba en Ethiopie, ont clairement posé le diagnostic.
Depuis lors, de multiples tentatives de réforme scolaire ont été opérées, aussi bien par les
Etats que par les institutions religieuses. Sans que les résultats obtenus soient véritablement à
la hauteur des espoirs».

Dans cette recherche de solution, le Burkina Faso a adopté une politique participative
dans la perspective d’accroître l’offre éducative en permettant que le secteur privé intervienne
dans le domaine. Cela a eu pour conséquence le développement rapide du secteur de
l’éducation de base qui compte de nos jours un grand nombre d’écoles privées7. Ces écoles se
subdivisent en écoles privées confessionnelles ou laïques et se classent selon leur statut
comme suit : école privée catholique, école privée protestante, école franco-arabe, école
medersa, école privée laïque.

4
Encarta Junior, 2009.
5
INADES -formation- L’Afrique en mutation, cité par Issa Barthélemy KABORE dans Préparation aux
concours directs et professionnels.
6
Homme d’église camerounais, directeur général du Cercle international pour la protection de la Création
(CIPCRE).
7
1 965 écoles privées contre 8 831 publiques en 2010-2011 ; source : DEP-MEBA

2
L’Etat exerce son contrôle sur ces écoles à travers un contrat dont les termes sont
consignés dans les lois et textes règlementaires que sont : la loi 013 portant Loi d’orientation
de l’éducation ; l’arrêté 2004 - 05/MEBA/SG/DGEB/DEBP du 05 février 2004 portant cahier
des charges des établissements privés de l’enseignement de Base privé ; le décret
n°99-221/PRES/PM/MESSRS/MEBA du 29 juin 1999 portant réglementation de
l’enseignement de Base privé au Burkina Faso ; et le décret n° 2008-236
/PRES/PM/MEBA/MESSRS/MASSN/MATD du 08 mai 2008 portant organisation de
l’enseignement primaire.

Conformément aux dispositions, les fondateurs et promoteurs d’écoles privées ont


l’obligation de fonctionner en respectant toutes les règlementations relatives à la création, à
l’ouverture et au fonctionnement des établissements. Parmi celles-ci, l’application des
horaires et programmes officiels en vigueur au Burkina Faso qui n’exclut pas la liberté
d’ajouter d’autres programmes spécifiques.

Malheureusement, certaines écoles, les medersas et franco-arabes pour la plupart,


semblent avoir des difficultés pour appliquer le programme officiel d’enseignement et à se
distinguer des écoles coraniques qui, elles, sont en marge du système éducatif. Cette situation
nous a conduit à nous pencher sur le phénomène spécifique à l’enseignement de Base privé
confessionnel musulman. Le thème que nous avons choisi est « Les écoles coraniques et
l’éducation des enfants talibés ».

Notre étude se subdivise en deux grandes parties. La première partie est consacrée à la
théorie et à la méthodologie. Elle comprend le contexte et la justification, la problématique et
enfin la méthodologie.

La deuxième partie traite des aspects pratiques. Elle se compose de : la présentation,


l’analyse et l’interprétation des données ; puis les suggestions.

3
PREMIERE PARTIE :
Théorie et méthodologie

4
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE

I.I. Contexte et justification


Il est indéniable que l’éducation est l’un des secteurs prioritaires de l’Etat. Elle relève
du domaine de ses prérogatives. Néanmoins celui-ci a voulu bien concéder une partie de ce
pouvoir au secteur privé. C’est ainsi que les écoles, les centres, les lycées et collèges, les
instituts et grandes écoles sont les institutions spécialisées chargées d’assurer cette éducation.
Bien entendu, le nombre de ces structures éducatives va croissant d’année en année ; mais
elles n’échappent pas pour autant au contrôle de l’Etat. Les Directions des Etudes et de la
Planification (DEP) des ministères en charge de l’éducation disposent de données statistiques
sur les nombres d’écoles, de classes, des effectifs d’élèves et d’enseignants présents sur toute
l’étendue du territoire national. Cependant, une catégorie d’écoles semble avoir été oubliée et
avec elle ses élèves et enseignants. Il s’agit des écoles coraniques encore appelées foyers
coraniques. Ces écoles n’ont pas une reconnaissance officielle, pourtant elles ne sont pas
inconnues des populations qui y ont envoyé environ 37 000 enfants en 2006, selon une étude
menée la même année par la Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina
Faso (FDC/BF). En termes de représentativité, ce chiffre constitue 2,66 % de l’effectif
national des élèves qui était de 1 390 5718 dans la même période.
Au regard de ce chiffre non négligeable, il nous paraît important de jeter un regard sur
ces « laissés pour comptes du système éducatif » qui connaissent bien de difficultés.

L’une des difficultés, nous rapporte Adama OUEDRAOGO9, est que les enseignants
des écoles coraniques ne sont pas salariés car, selon la religion, l’éducation est une obligation
pour les parents et pour les ulémas qui sont les érudits. A partir de ce principe, les parents
emmènent leurs enfants chez le maître en pensant que c’est Dieu qui le récompensera. Les
maîtres ne demandent rien ; mais les parents ont la latitude d’apporter des céréales, de
l’argent, des habits et autres dons en nature. Cet apport insuffisant et irrégulier subvient à
peine aux besoins du maître et de ses élèves qui sont obligés de pratiquer des activités
agricoles ou pastorales. Cependant, lorsque les élèves sont nombreux et très jeunes, il devient
difficile pour le maître de pouvoir les nourrir à cause de la pauvreté des sols, du manque

8
DEP-MEBA, Statistiques 2006.
9
Adama OUEDRAOGO, L’enseignement de la culture arabe et islamique dans le département de Soaw,
province de Bulkiemdé, Burkina Faso, in Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée,]En ligne], 124/
novembre 2008, mis en ligne le 03 septembre 2009.
5
d’équipement moderne de production et surtout de l’insuffisance du nombre d’élèves pouvant
cultiver. Alors, les élèves sont obligés de recourir à la mendicité pour vivre et étudier.

La démission des parents à l’éducation de leurs enfants laisse les mains libres aux
maitres de disposer de ceux-ci à leur guise. C’est ainsi qu’ils peuvent se déplacer avec les
enfants à travers villes et villages. Cette transhumance met en péril la santé et la vie des
talibés. La FDC/BF10 a rapporté le cas malheureux d’un enfant talibé : celui-ci, confié à une
famille parce qu’il était malade et incapable de se déplacer avec son maître, a succombé à son
mal. Le maître, alors qu’il l’avait promis, n’est jamais retourné prendre des nouvelles du
pauvre talibé.

Ali HAMADACHE11 cite le manque de matériels didactiques comme difficulté tant


pour les élèves que pour les maîtres. Cela serait lié d’abord au coût onéreux des livres arabes
et islamiques sur le marché et surtout au manque de moyens financiers pour se les procurer.
Les outils des talibés se résument à l’encre fabriquée avec de la suie, un roseau taillé en
biseau et une tablette sur laquelle les leçons sont recopiées, récitées à haute voix et apprises
par cœur à force de répétition. Pour cet auteur, les fournitures scolaires sont les mêmes depuis
des siècles, se résumant à peu de chose : une planchette en bois (alluha) faite en général de
bois ordinaire poli sur laquelle on étale de l’argile humidifiée et qu’on laisse sécher avant
d’écrire ; un roseau taillé en guise de stylet (qalam) que l’élève fabrique lui-même à partir
d’une tranche de bambou ou de roseau choisie parmi les plus droites, taillée en pointe, puis
fendillée au milieu ; et un encrier fait d’une petite calebasse de la grosseur d’une pomme, ou
d’une tasse en terre ou en verre. L’encre est composée d’un mélange d’eau, de gomme
arabique pilée et de noir de fumée recueilli sous les marmites ou de charbon de bois pilé.

De même, l’absence de locaux adéquats et de mobiliers rendent les conditions


d’apprentissage difficiles. Les enfants s’asseyent par terre et apprennent à l’ombre des abris
de fortune comme des hangars, des arbres ; ou à ciel ouvert dans la cour du maître. Le maître
lui-même s’asseyant sur un tapis ou une peau de prière.

Le manque de dispositif national et de moyens pour la prise en charge sanitaire des


enfants est également une gêne pour les foyers coraniques. Les talibés vivent souvent dans un

10
Forum régional sur la réforme des foyers coraniques tenu à Bobo du 27 au 29 avril 2010
11
Stefania Gandolfi, Cahiers d’études africaines, 169-170, 2003, mis en ligne le 21 décembre 2006.
6
état de dénuement tel que les règles minimales d’hygiène et d’assainissement ne sont pas
respectées. Vêtus de guenilles, couchant à même le sol nu, mangeant les restes de nourritures
et privés de suivi médical, ces enfants sont exposés aux maladies et aux risques épidémiques.
Une étude12 a révélé que 44,04 % des enfants de la rue de Ouagadougou seraient issus des
écoles coraniques.

Le faible niveau d’alphabétisation et d’instruction des maîtres coraniques fait qu’ils


sont incapables de changement dans leurs visions et leurs pratiques. Ils voient souvent les
autorités d’un œil suspect, laquelle attitude les rend réfractaires aux formalités
administratives. Ali HAMADACHE écrit à ce propos que « le bas niveau des maîtres et du
savoir acquis sont souvent la contrepartie des conditions et des modalités d’enseignement. »

Nous notons également dans ces foyers l’absence de pédagogies et de programmes


standardisés pour l’enseignement. Très souvent ces écoles n’ont qu’un seul maître qui peut se
faire aider par certains élèves ayant un niveau avancé et qui ont sa confiance. Ils suppléent le
maître et le remplacent pendant ses temps d’absence pour instruire leurs camarades de niveau
inférieur ; mais ils ne sont pas reconnus comme enseignants. C’est dire que l’enseignement
est individuel ; que chaque élève progresse à son rythme et en fonction de ses capacités, en
apprenant une partie déterminée du Coran. C’est dire que ce secteur relève de
l’informel : « une école s’éteint avec le maître qui l’anime. Une autre renaîtra peut-être,
ailleurs, dans plusieurs années sans aucune liaison avec la première »13.

Au-delà de tous ces aspects, il y a les réalités sur le terrain. Le constat montre une
absence de collaboration entre les encadreurs pédagogiques en circonscription et les foyers
coraniques. D’ailleurs la majorité des acteurs les confondent avec les medersas. L’un de nos
buts est de faire ressortir la différence entre les écoles coraniques et les medersas.

De même, les dispositions de l’article 8 de la loi d’orientation de l’Education nous


réconfortent dans notre choix pour ce thème. Elles mentionnent que l’organisation des écoles
à caractère confessionnel et des rites initiatiques est laissée à l’initiative des différentes
communautés religieuses et des groupes sociaux concernés. Toutefois cette loi oblige à
l’observance de certaines règles telles que : le respect des bonnes mœurs de l’éthique et des

12
L’Evénement, décembre 2001 ; mis en ligne le 16 septembre 2007
13
IIPE ; 1984; p. 52
7
lois de la République, le respect du curriculum ainsi que le programme national, le bon
déroulement de la scolarité obligatoire, et l’obligation scolaire de l’enfant de 6 à 16 ans.

Il nous semble alors que l’examen des programmes et des conditions


d’enseignement / apprentissage des enfants talibés contribuera à éclairer un tant soit peu les
jugements quant aux décisions à prendre par rapport aux foyers coraniques.

I-2. Problématique

Le Burkina Faso est un pays qui connaît un taux élevé d’analphabétisme


(environ 72 %)14. Cette situation fait partie de l’une des variables qui tire le pays vers le bas
de l’échelle du classement mondial du Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD).
Evidemment, l’éducation n’est pas le seul secteur prioritaire. La santé et l’accès à
l’eau potable sont également à prendre en considération. Néanmoins, il faut considérer que le
Burkina Faso a souscrit à l’initiative mondiale des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (OMD) dont l’éducation pour Tous d’ici 2015 est l’un des volets cruciaux.

Dans cette dynamique, le Plan Décennal de Développement de l’Education de Base


(PDDEB) a été mis en œuvre dans la perspective d’atteindre 70% de taux de scolarisation et
40% d’alphabétisation dans la période 2001-2010. Malheureusement, le nombre considérable
d’enfants déscolarisés et non scolarisés15 constitue une contre- performance qui sape tous les
efforts en matière d’alphabétisation et de scolarisation dont les taux actuels sont
respectivement de 28,7% et 77,6 %.16

Par ailleurs, une autre réalité rend plus difficile la situation, c’est celle des enfants
talibés qui fréquentent les écoles coraniques. En 2006, la seule ville de Ouagadougou
comptait 347 foyers coraniques avec 7 552 talibés dont 6 643 garçons et 909 filles17.

14
MEBA, Formules et pratiques en Alphabétisation et Education Non formelles/ Rapport final définitif, août
2008 ; P.1
15
2 205 295 enfants scolarisés sur une population totale de 6-11ans de 2 840 873 (Annuaire Statistique de
l’Education Nationale 2010-2011).
16
MEBA, Annuaire Statistique de l’Education Nationale 2010-2011
17
Fondation pour le Développement Communautaire du Burkina Faso (FDC/BF).
8
L’enquête préliminaire que nous avons menée auprès de la Direction Régionale de
l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de la Boucle du Mouhoun (DREBA-BMHN)
révèle que la ville de Dédougou compte 23 écoles avec un effectif total de 8 251 élèves dont 4
103 garçons et 4 148 filles.

Tableau n°1 : Situation 2010-2011 des écoles primaires de la ville de Dédougou


STATUT DE L’ECOLE Nbre d’écoles Garçons Filles Total
ECOLE PUBLIQUE 14 3366 3404 6770
ECOLE CATHOLIQUE 03 351 399 750
ECOLE PROTESTANTE 02 103 105 208
FRANCO-ARABE 02 135 91 226
ECOLE PRIVEE LAIQUE 02 148 149 297
TOTAL 23 4103 4148 8251
Source : DREBA-Boucle du Mouhoun.

Une autre enquête provisoire réalisée auprès des promoteurs d’écoles coraniques nous
a permis de recenser quelques sites. Elle a révélé que la ville de Dédougou abrite 11 foyers
coraniques repartis dans les secteurs de la ville. A ce niveau, le nombre d’enfants talibés n’est
pas bien maîtrisé. Lorsqu’ils ont été interrogés sur la question des effectifs, les promoteurs
visés se sont montrés quelque peu réservés. Néanmoins, ils varient entre 03 pour le plus faible
et 30 pour le plus élevé. La moyenne de ces effectifs fait 18 talibés et le total est estimé à
environ 198 enfants.
Le tableau ci-dessous présente la situation provisoire des foyers coraniques de la ville
de Dédougou. Il indique leur localisation mais ne précise pas tous les effectifs. Toutefois, les
données concernant le nombre d’enfants talibés présents dans chaque foyer apparaissent dans
la deuxième partie de nos travaux.

9
Tableau n°2 : Situation provisoire des foyers coraniques de la ville de Dédougou
Nom du promoteur Localisation Garçons Filles Total
du Foyer
Aboubacar DICKO Secteur n°5 22 00 22
Nouhoun DIALLO Secteur n°6 - - -
Sambo GADIAGA Secteur n°6 13 00 13
Ousséini TALL Secteur n°3 - - -
Idrissa DIALLO Secteur n°2 - - -
Djibril DIALLO Secteur n°2 - - -
Yéro DIALLO Secteur n°2 - - -
Diahé DICKO Secteur n°5 - - -
Lamine SORE Secteur n°5 30 00 30
Ibrahima TALL Secteur n°5 20 00 20
Yéro TALL Secteur n°5 03 00 03
TOTAL 11 foyers C.
Source : Nos enquêtes préliminaires sur le terrain.

En faisant le rapport avec les autres structures, les écoles coraniques se classent avant
les écoles privées protestantes, les écoles medersas et les écoles privées laïques. Dans l’ordre,
elles se rangent après les écoles publiques et les écoles privées catholiques.

I.2.1. Questions de recherche

A travers sa politique éducative, l’Etat burkinabé manifeste sa volonté d’assurer


l’éducation à tous les enfants. La loi sur l’obligation et la gratuité scolaire, la distribution
gratuite des manuels et fournitures scolaires, l’accroissement du nombre des écoles ainsi que
le nombre important d’enseignants recrutés annuellement sont autant d’éléments qui
témoignent de cette volonté. Dans la période 2007-2011, le nombre d’écoles publiques est
passé de 7 513 à 8 831, soit un accroissement de 1 318 écoles. Dans le même temps, on est
passé de 29 780 à 37 476 enseignants, soit une augmentation de 7 69618.

De plus, nous constatons la mise en application concrète de cette politique sur le


terrain par les autorités pédagogiques. En rappel, les instructions officielles de rentrée

18
Annuaires statistiques du MEBA
10
mentionnent que : « Tous les enfants en âge d’aller à l’école de six (6) ans au moins et de huit
(8) ans au plus, au 31 décembre de l’année de recrutement qui seront présentés à la
commission devront être recrutés. La priorité doit être donnée aux enfants âgés
de huit (8) et sept (7) ans en cas de difficultés sérieuses de capacités d’accueil. En cas
d’effectifs pléthoriques, un rapport circonstancié doit être adressé au CCEB en vue des
mesures à prendre en collaboration avec la commune et les partenaires de l’école.
Une attention particulière doit être portée au recrutement des filles ». 19

L’ensemble de ces mesures portent à croire que tous les enfants burkinabé en âge de
scolarisation sont tous à l’école n’eut été cette réalité présentée par les statistiques de
2010 - 2011 faisant état de 77, 6 % de taux de scolarisation. Où donc faut-il aller rechercher
les 22,4 % manquants ? D’emblée, on est tenté de voir dans le lot d’enfants non scolarisés et
déscolarisés qui se chiffrent à 635 57820. C’est effectivement une piste de réflexion et de
recherche ; mais que dire de ces enfants trainant dans les rues avec une boîte vide de tomate
en guise de sébile ?

Du fait que ces enfants appelés couramment enfants talibés appartiennent à des types
d’écoles officiellement non reconnus, cela suscite quelques interrogations. C’est à se
demander si les écoles coraniques fonctionnent dans la légalité et s’il est normal d’y envoyer
les enfants. Dans le cas contraire, comment faire pour que les talibés puissent bénéficier d’une
bonne fréquentation scolaire à l’instar de leurs camarades des autres structures éducatives ?

Même si cette question trouve une réponse satisfaisante, cela ne résoudra pas le
problème des talibés pour autant, car il restera l’épineuse question de la mendicité qu’il faut
résoudre à tout prix. C’est dire que la bataille est polymorphe et se situe sur plusieurs fronts.
Elle ne saurait se mener sans l’apport de tous les acteurs que sont l’Etat, la communauté
musulmane, les promoteurs, les parents qui ont foi en ces écoles et les apprenants eux-mêmes
constitués parfois d’adolescents.

Certes l’Etat a déjà fait un pas vers la reconnaissance de ces écoles en mettant en
application la Loi d’orientation de l’Education. Il reconnaît en effet l’enseignement privé et

19
MEBA, Instructions officielles de rentrée, 2008, p.34
20
Chiffre obtenu en faisant la différence entre enfants scolarisés et nombre total d’enfants de 6-11ans de
2010-2011.
11
autorise les personnes physiques ou morales à créer et à diriger des établissements.
Cependant, même si les promoteurs d’écoles coraniques venaient à se prévaloir de ce droit de
création et d’ouverture d’établissement d’enseignement privé, il leur faudrait satisfaire aux
conditions exigées. D’abord, que ce droit s’exerce dans le cadre des textes en vigueur et
conformément aux normes prescrites par l’Etat en matière d’enseignement. Ensuite, que les
écoles à caractère confessionnel s’organisent de manière à respecter le curriculum et le
programme national. Enfin, qu’elles veillent à ne pas entraver le bon déroulement de la
scolarité obligatoire des enfants recrutés. La prise en compte de ces aspects suscite une
interrogation à savoir : comment amener les promoteurs d’écoles privées et les maîtres
coraniques, majoritairement analphabètes, à remplir les formalités administratives et à être en
règle vis-à-vis des textes et règlements en vigueur?

Certains parents, sous prétexte de rester fidèles à leur foi, n’entendent envoyer leurs
enfants à aucune autre école, sinon à l’école coranique. A leurs yeux, elle seule pourrait
former leurs descendants pour devenir de bons croyants en ALLAH. Il s’agit d’obtenir
l’adhésion de ceux-là pour la scolarisation effective des enfants sans qu’ils aient le
sentiment de commettre un parjure ou d’être déchus de leur droit et responsabilité d’élever
leurs enfants tels que reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme21.
Pour ce faire, il est important de se poser cette question principale :
Les écoles coraniques garantissent-elles une éducation de qualité aux enfants talibés ?

De façon spécifique, cela revient à se poser les questions suivantes :


 Quel enseignement dispense-t-on dans les écoles coraniques ?
 Comment est organisé l’enseignement/apprentissage dans les écoles coraniques ?
 Pour quelles raisons les enfants talibés mendient-ils ?
 Pourquoi les parents envoient-ils les enfants à l’école coranique ?
Ce questionnement nous conduit à la formulation de nos objectifs de recherche.

21
« Les parents, ont par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. » (Article 26)
12
I.2.2. Objectifs de la recherche

Les objectifs de notre étude se déclinent en objectifs généraux et en objectifs


spécifiques.
I.2.2.1. Objectifs généraux
 Découvrir le mode de fonctionnement des écoles coraniques ;
 Savoir la place qu’occupe l’école coranique dans la vie des populations.
I.2.2.2. Objectifs spécifiques :
 Connaître les contenus-matières enseignés dans les écoles coraniques ;
 Comprendre les conditions d’études et d’apprentissage des enfants talibés placés
dans les foyers coraniques ;
 Savoir les raisons pour lesquelles les talibés pratiquent la mendicité ;
 Collecter des données statistiques sur les effectifs des talibés et le nombre d’écoles
coraniques.
A partir de ces objectifs, nous avons émis une hypothèse principale et des hypothèses
secondaires.
I.2.3. Hypothèses de la recherche

I.2.3.1. Hypothèse principale


Les écoles coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants à
être de bons croyants musulmans.
I .2.3.2. Hypothèses secondaires
1°) La durée de la scolarité, les conditions de recrutement et d’études permettent
d’assurer aux élèves des écoles coraniques une éducation de qualité.
2°) Les élèves des écoles coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe
religieux.
I.2.4. Indicateurs de vérification d’hypothèse

Nous retiendrons que l’indicateur est une « caractéristique de la réalité qui se prête à
la mesure ; aboutissement de la définition opérationnelle d’un concept »22.

22
Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, Méthodologie des sciences humaines, 2ème édition, p.59.
13
Comme indicateurs à notre étude, les éléments suivants seront considérés : les
programmes, l’âge de recrutement, la scolarité, l’emploi du temps. Ils serviront à l’élaboration
d’un guide d’entretien et d’une grille d’observation directe qui nous permettront de vérifier
si :
 les programmes d’enseignement des écoles coraniques sont conformes aux programmes
officiels ou s’ils s’en approchent à 70 % au moins;
 les horaires d’enseignement sont ceux prévus par l’emploi de temps officiel et le volume
horaire journalier atteint au moins six (06) heures ;
 l’enfant talibé passe la période d’obligation scolaire, c’est- à- dire de 6 à 16 ans à l’école
coranique ;
 l’enfant apprend effectivement pendant les heures d’étude ;
 les parents d’enfants talibés apportent une contribution au fonctionnement des écoles ;
 les parents s’impliquent réellement dans l’éducation des talibés.

Alors nous pouvons conclure que les écoles coraniques garantissent une éducation de
qualité aux enfants talibés et que la mendicité a une dimension religieuse. Dans le cas
contraire, il faut développer des stratégies d’amélioration de l’enseignement de ces écoles et
faire cesser la pratique de la mendicité.

I.2.5. Revue de la littérature

Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu quelques ouvrages à cause de leur
objet, de leur problématique et de leur conclusion qui entrent en ligne avec l’objet de notre
recherche. Ces ouvrages se composent de romans, de mémoires de fin de formation, de
rapports d’enquête, de travaux de forums et de publications sur le NET.

Au préalable, il nous a paru édifiant de comprendre les raisons qui motivent souvent
les parents à se détourner de l’école. Pour cela, nous avons été amené à lire L’ENFANT
AFRICAIN23. Selon les résultats d’une enquête menée auprès des parents sur l’influence de
l’école, il ressort que les effets de la scolarisation sont néfastes et que l’enseignement est
inadapté au contexte africain.

23
Publié par le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE), Editions Fleurus, 31-33, rue de Fleurus,
Paris-VIème , Collection Etudes et Documents, 484 p.
14
Premièrement, les parents trouvent que l’école détache l’enfant de son milieu parce
que son enseignement n’est pas adapté à l’Afrique et qu’il ne le prépare pas à la vie dans son
milieu. Il dépersonnalise l’enfant en détruisant le cadre culturel traditionnel. Il fait ainsi de
l’enfant un étranger dans son village. En d’autres termes, l’enseignement occidentalise
l’enfant en ne lui donnant pas une éducation conforme aux normes admises par son groupe
pendant que celui-ci est dans l’impossibilité d’utiliser les notions reçues.

Deuxièmement, l’école provoque le mépris du travail manuel, l’abandon de


l’agriculture et l’émigration vers la ville, parce qu’elle forme surtout du personnel de bureau.
Cette critique est d’ailleurs compréhensible si l’on songe à la disproportion qu’il y avait de
par le passé entre le salaire du moindre employé du bureau et la modeste paye d’un ouvrier
qualifié, et à la place que tenait et tient encore la monnaie dans un pays qui en possède peu.

Troisièmement, l’école provoque le chômage, le vagabondage et la délinquance. Les


jeunes se croient toutes les portes ouvertes dès qu’ils savent lire et écrire.

En quatrième lieu, l’école fait que les enfants deviennent des personnes qui ont une
haute opinion d’elles-mêmes, des «m’as-tu-vu » qui ne pensent qu’à la parure, à la coquetterie
et à la dépense.

En cinquième lieu, l’école crée un déséquilibre moral parce qu’elle supprime les
tabous et fait perdre le respect des parents et des supérieurs. L’enquête rapporte le propos
d’un ancien d’Ouganda: « La religion nous a enseigné de très bonnes choses ; elle a amélioré
beaucoup de nos coutumes anciennes sans les supprimer. Mais le gouvernement, lui, les a
tuées par ses écoles…Les Européens ont tué nos coutumes familiales ».

Toutefois, le rapport mentionne à la décharge de l’école que si les tabous et interdits


ont perdu leur force, c’est par suite de l’évolution générale de la famille, de la société, de
l’accession d’éléments plus jeunes à des fonctions de commandement jadis uniquement
dévolues à des anciens. Or, les parents n’ont pas hérité l’autorité et le respect qui étaient
l’apanage des anciens et du clan. Ils n’ont pas été préparés à leur rôle d’éducateurs et n’ont
pas su imposer leur autorité à leurs enfants. De sorte qu’ils se désistent trop facilement de
toutes leurs tâches sur l’école et en attendent tout.
15
Il suggère qu’il faudrait certainement s’appuyer davantage sur les coutumes africaines
pour enseigner certains impératifs moraux à l’école, par exemple les règles de politesse, car
l’école ne les a pas supprimées, mais au contraire les inculque.

Au compte des ouvrages ayant abordé l’école coranique, l’Aventure ambiguë. Dans
les deux premiers chapitres de son œuvre, Cheick Hamidou KANE dépeint sans complaisance
les réalités de vie dans une école coranique au triple plan pédagogique, didactique et
socioculturel.
La mémorisation et la récitation par cœur des leçons sont les méthodes privilégiées de
cette école : « Le maître lâcha l’oreille sanglante(…) Le maître qui tenait maintenant une
bûche ardente tirée du foyer tout proche regardait et écoutait l’enfant». Tout comme les
châtiments corporels sont courants : « Alors, verges, bûches enflammées, tout ce qui lui
tombait sous la main servait au châtiment». 24

La mendicité, corollaire de cette forme d’éducation est décrite avec une religiosité
déconcertante. Le seul but serait de cultiver l’humilité chez les éduqués : «Qui nourrira
aujourd’hui les pauvres disciples ? Nos pères sont vivants mais nous mendions comme des
orphelins. Au nom de Dieu, donnez à ceux qui mendient pour sa gloire». 25

L’auteur mentionne l’âge de recrutement qui est de sept (07) ans comme à l’école
classique avec une scolarité dont la durée n’est pas déterminée. Mais tout porte à croire que
l’élève peut mettre fin à sa scolarité à la demande des parents comme ce fut le cas pour Samba
Diallo, le héro du roman.

Les conditions de vie, c’est l’austérité et l’humilité qui exigent le mépris du luxe et du
neuf : « Le maître appela ensuite le disciple le plus pauvre, le plus mal habillé du foyer et lui
ordonna d’échanger ses hardes contre les habits neufs de Samba Diallo».

L’apprentissage se fait en groupe mais de façon individuelle, avec les disciples assis
autour du maître, chacun lisant à tue-tête sur sa tablette : « Chacun d’eux avait repris sa

24
Cheick Hamidou KANE, l’Aventure ambiguë, Edition ; Paris : Julliard, 1961, p. 15.
25
Ibid. p. 33.
16
tablette et rejoint sa place en un grand cercle. La parole, scandée par toutes ces voix
juvéniles, montait, sonore et bienfaisante au cœur du maître, assis au centre»26.

Le motif du rejet de l’école classique est évoqué en ces termes : « Nous refusons
l’école pour demeurer nous- mêmes et pour conserver à Dieu sa place dans nos cœurs.» ; en
même temps qu’il juxtapose les arguments pour accepter l’école : « Mais avons nous encore
suffisamment de force pour résister à l’école et de substance pour demeurer
nous-mêmes ? (...) Il est certain que rien n’est aussi bruyamment envahissant que les besoins
auxquels leur école permet de satisfaire »27.

Le journal L’Evènement28 s’est penché sur la question des enfants talibés des écoles
coraniques de la ville de Ouagadougou. Pour ce journal qui cite le Réseau National d’Aide à
l’Enfance, 43 % des enfants de la rue sont des talibés venant des écoles coraniques de
Hamdalaye (un quartier de Ouagadougou). Il voit dans la nouvelle loi d’orientation de
l’éducation des perspectives de changement car les talibés et leurs frères des écoles islamiques
sont, dit-il, les « parents pauvres du système éducatif burkinabé » et sont victimes de
marginalisation.

Le journal relève le manque de reconnaissance officielle des foyers coraniques qui ne


sont pas pris en compte par le Ministère. En même temps il rapporte les propos de Ismaël
Tiendrebéogo, juriste de formation et Imam du Cercle d’Etude, de Recherches et de
Formation Islamique (CERFI), pour qui : « même si la loi ne cite pas expressément les foyers
coraniques, on peut considérer qu’un parent qui envoie son enfant dans un foyer coranique
où le programme national n’est pas enseigné soustrait cet enfant à l’obligation scolaire. »

Comme solution, il propose la réglementation des foyers coraniques à l’exemple du


Mali et du Sénégal qui ont capitalisé de l’expérience dans ce domaine. Entre autres, les
écoliers de l’enseignement classique peuvent apprendre le coran à travers des séances
dispensées le soir après les cours dans les mosquées ou dans les écoles coraniques.

26
Cheick Hamidou KANE, op.cit.p.33.
27
Ibid. p.20.
28
L’Evènement, op.cit.
17
Ali HAMADACHE 29 donne une définition de l’école coranique avec mention de ses
caractéristiques. Il lie les causes de la mendicité à l’abandon des pratiques d’activités
économiques agricoles ou artisanales. Elle est, mentionne –t-il, un phénomène social
spécifique des talibés répandu dans bon nombre de pays du Sahel, notamment au Sénégal où
il a pris de l’ampleur.

Par ailleurs, il décrit les conditions de vie et d’étude dans les écoles coraniques. Quand
bien même leur emploi du temps fait alterner lecture du coran et mendicité, les disciples
passent en réalité le plus clair de leur temps à demander l’aumône. Côté logement, ils se
retrouvent par dizaines tard dans la nuit dans des baraquements vétustes et mal aérés où ils
couchent à même le sol.

L’auteur relève cependant l’importance du rôle que joue l’école coranique dans la lutte
contre l’analphabétisme et la promotion de la scolarisation des enfants. Il pense que la
généralisation de l’éducation de base en Afrique noire passe, comme dans d’autres régions du
monde, par la prise en compte de l’enseignement islamique. Pour cela cette école doit être
adaptée afin d’éviter le risque de se transformer en « écoles refuges » pour les pauvres et pour
tous ceux qui n’ont pas pu accéder à l’éducation publique.

HAMADACHE dénonce toutefois un risque de dérive du fait de certains


fondamentalistes ou intégristes musulmans qui détournent cet enseignement de son véritable
objectif en procédant à des lavages de cerveau.

A la suite de HAMADACHE, nous avons lu l’Imam Tiégo TIEMTORE sur ‘‘La place
de l’école coranique de proximité dans l’enseignement coranique et l’éducation de base des
talibés’’30. L’auteur traite de l’importance du Coran dans la vie du musulman et du droit à
l’éducation selon le Coran et la sunna. Il évoque la naissance de l’école coranique qui, en tant
que foyer d’apprentissage du Coran, aurait existé depuis le début de l’Islam. A la Mecque, le
prophète Mohamed (SAW) recevait ses compagnons dans un lieu (la maison d’Arquam) pour
leur apprendre le Coran. Au fil de l’histoire, les modalités et conditions d’apprentissage ont
évolué et donné naissance à des formules locales de transmission de l’enseignement du Coran.

29
Stefania Gandolfi, Cahiers d’études africaines, 169-170, 2003, mis en ligne le 21 décembre 2006.
30
Forum régional sur la réforme des foyers coraniques tenu à Bobo du 27 au 29 avril 2010.
18
Au Burkina Faso, l’école coranique aurait donc été le premier cadre de formation des
premiers musulmans, avant l’apparition des medersas à l’indépendance et l’envoi des
étudiants arabophones au Maghreb ou dans les pays du Golfe, à partir des années 60. Dans les
finalités de cette école se dégagent des constantes, transmises de générations en générations et
qui traduisent les aspirations des maîtres coraniques.

L’Imam TIEMTORE mentionne les finalités de l’école coranique en disant qu’elle


assure les fonctions d’éducation et d’instruction. Elle veille en complémentarité avec la
famille à éduquer les jeunes au respect des bonnes mœurs, des règles de bonne conduite, ainsi
qu’au sens de la responsabilité et de l’initiative. Pour lui, L’école coranique est appelée sur
cette base à :
 développer le sens civique des enfants ;
 les éduquer aux valeurs de la citoyenneté en recherchant à affermir en eux la conscience
du caractère indissociable de la liberté et de la responsabilité ;
 les préparer à prendre part à la consolidation des assises d’une société solidaire fondée
sur la justice, l’équité, l’égalité des citoyens en droits et en devoirs ;
 développer la personnalité de l’individu dans toutes ses dimensions : morale, affective,
mentale et physique ;
 affiner ses dons et ses facultés et lui garantir le droit à la construction de sa personne
d’une manière qui éveille son esprit critique et sa volonté, afin que se développent en lui
la clairvoyance du jugement, la confiance en soi, le sens de l’initiative et la créativité ;
 élever en eux le goût de l’effort et l’amour du travail considéré comme valeur morale et
susciter en eux l’aspiration à l’excellence ;
 éduquer l’élève au respect des valeurs communes et des règles du vivre ensemble ;
 garantir à tous les élèves, dans le cadre de sa fonction d’instruction, un enseignement de
qualité qui lui permette d’acquérir une culture générale et des savoirs théoriques et
pratiques ;
 développer leurs dons et leur aptitude à apprendre par eux-mêmes et à s’insérer ainsi dans
la société du savoir.
Pour cela, l’école est appelée essentiellement à donner aux élèves les moyens de :
 maîtriser la langue arabe en sa qualité de langue cultuelle et culturelle de la foi
musulmane ;
 posséder des notions élémentaires en français, langue officielle du pays ;

19
 faire face à l’avenir de façon à être en mesure de s’adapter aux changements et d’y
contribuer positivement.

L’Imam Tiégo TIEMTORE suggère une réforme du foyer coranique à travers une
école coranique dite de proximité. En effet, il pense que la promotion de ce genre d’école
apparait de plus en plus comme une opportunité à saisir et un idéal vers lequel il faudrait
tendre à long terme. Elle doit exister aux côtés de l’école classique car les deux peuvent
cohabiter harmonieusement et prouver que les élèves des écoles classiques peuvent, s’ils le
veulent, apprendre à la fois le Coran. Son objectif serait de permettre aux élèves issus des
écoles coraniques ou aux intellectuels musulmans d’apprendre la lecture du Coran et de
posséder des notions de la langue arabe sans rompre le lien avec la structure familiale
d’origine. On n’aurait plus besoin de s’éloigner de la famille pour apprendre le Coran. Cela
permet aux apprenants de bénéficier des vertus de la présence familiale, d’apprendre dans des
conditions meilleures - qui évitent la mendicité entre autres – et d’apprendre autres choses à
côté de l’enseignement coranique le cas échéant.

Le cursus de l’école coranique de proximité serait de moindre durée et peut être


sanctionné par une attestation de niveau, délivrée par le maitre coranique. Les disciplines
enseignées sont essentiellement le coran, la langue arabe, l’éducation religieuse cultuelle. Les
cours de langue arabe se feront selon une méthode intensive, accompagnés d’exercices de
maison. Ce cursus prédispose à une formation plus solide que l’apprenant devra chercher à
accomplir plus tard.

Loin de remettre en cause les fondements de l’école coranique, l’école de proximité se


base sur des principes forts suivants :
 Affirmation de la nécessité des écoles coraniques ;
 L’école coranique ne doit plus être un obstacle à l’acquisition d’autres connaissances ;
 Fixation de minimum de conditions nécessaires, notamment le cahier de charge ;
 Le maitre et la communauté musulmane au centre de la réforme ;
 Vie pédagogique codifiée en termes de redéfinition d’un nouveau cursus et de
certification de la formation.

20
De même, nous avons été amené à lire I’Imam Alidou ILBOUDOU31 dans : ‘‘Quelles
stratégies pour un meilleur apprentissage dans les centres coraniques’’. Il fait savoir que
l’école coranique a longtemps été le seul cadre d’apprentissage de l’Islam. Il cite de grands
foyers coraniques qui ont existé à Nagringo, Yangdin, Kiela, Sagbtenga, Lanfièra, Dandé, etc.
Ces foyers ont été pourvoyeurs de lettrés arabophones et d’élites musulmans. L’enseignement
coranique ne préparait pas à un métier mais simplement à être croyant. Ces foyers ont réussi à
l’époque parce qu’ils étaient intégrés au milieu et lui fournissaient des compétences sociales
dans le domaine religieux : marabouts, Imams, prêcheurs, enseignants, et lettrés.

Il décrit les caractéristiques essentielles de l’école coranique de l’époque comme suit :


 l’enseignement à lieu au domicile du maitre qui héberge les apprenants, les nourrit et les
soigne ;
 la dominance numérique des garçons au détriment des filles qui y étaient acceptées aussi,
même si elles ne restaient pas longtemps ;
 la récitation mécanique et ânonnée des versets sans compréhension par des groupes
d’enfants d’âges différents et de niveaux divers ;
 les fournitures scolaires très élémentaires : ardoise de bois, un roseau taillé servant de
plume, un encrier en pot de terre, et au mieux un coran pour un groupe ; l’encre est faite
d’un composé d’eau, de gomme arabique et de noir de fumée ;
 l’usage de châtiments corporels : le maitre utilise une baguette souple pour chicoter les
enfants qui se trompent ;
 l’enseignement individualisé : chaque enfant travaille à son rythme et sur une ardoise sa
partie du Coran jusqu’à ce que le maitre l’autorise à la laver ;
 enfin la prise en charge de leur formation par les apprenants : les élèves participent aux
activités agricoles, pastorales, artisanales et économiques du foyer ; dans le même temps,
ils sont astreints aux corvées du bois et d’eau.

En général, souligne l’auteur, l’enseignement coranique dispensé était intégré au milieu si


bien que, au sortir du foyer, les élèves coraniques allaient s’installer dans leur village où ils
répercutaient l’enseignement du maitre et devenaient ainsi des personnalités de premier plan.
Beaucoup, du fait que les privations ont forgé leur caractère, réussissaient dans l’agriculture,
l’élevage ou le commerce.

31
Communication faite le 27 avril 2010 lors du forum régional de Bobo sur la problématique des écoles
coraniques au Burkina Faso
21
De nos jours cependant, pense l’Imam ILBOUDO, l’école coranique a dévié de ses
objectifs premiers qui étaient la connaissance des textes religieux. Pour lui, le système a
dégénéré et cela a abouti à jeter les enfants dans la rue pour mendier. L’emploi du temps
normal alterne apprentissage du Coran et recherche de la subsistance, mais en réalité les
talibés des villes passent le plus clair de leur temps à demander l’aumône. Ils se couchent à
même le sol dans les salles vétustes et mal aérées, dans des conditions qui ne garantissent pas
toujours leur sécurité.

L’auteur pense également que la question des écoles coraniques est révélatrice de
sérieux dysfonctionnements qui se sont développés au sein de la communauté musulmane à
savoir la confusion entre textes religieux et coutume-tradition. La crainte et la méfiance vis-à-
vis de leur environnement auraient entrainé le repli sur soi, le manque d’initiative, l’absence
de réforme et le manque d’évolution.

Aussi, conseille l’Imam ILBOUDO, faut-il promouvoir une véritable mobilisation de


tous les acteurs sociaux, communautaires et étatiques afin de réformer un secteur longtemps
considéré comme un tabou. Dans cette perspective d’amélioration de l’enseignement dans les
centres coraniques, pense-t-il, les axes suivants pourront se révéler prioritaires :
De l’amélioration du cadre institutionnel
Il s’agit de faire passer le système coranique du mode de fonctionnement
complètement libéral, c'est-à-dire sans règlementation, où l’école coranique est conçue
comme une activité du secteur informel à un mode de fonctionnement communautaire.
Partant de ce fait, l’école coranique doit dépendre de la communauté, de la société civile dont
elle tire ses références et ses valeurs. La communauté musulmane doit être capable de
répondre des enseignements donnés à l’école coranique et assurer à cet effet la tutelle
pédagogique et administrative. Cela suppose que des règles soient précisées se rapportant aux
questions telles que : Qui est habilité à être maitre coranique ? Qui doit délivrer la
reconnaissance ? Quelles sont les bases de la certification ? Qui doit superviser ? Quelle doit
être la répartition des rôles entre l’Etat, la communauté musulmane, la société civile, les
maitres coraniques et les parents ?

L’auteur estime que les gouvernants pourraient approcher les promoteurs de manière
coactive avec l’appui de certaines organisations islamiques et acteurs de la société civile afin
22
d’accorder les points de vue et les compréhensions. Il propose un cahier de charge pouvant
comporter les points suivants :
 Etre majeur et même âgé de plus de 20 ans ;
 Justifier d’une formation certifiée par une association islamique reconnue;
 Etre de bonne moralité, certifiée par la communauté et les autorités judiciaires (casier
judiciaire) ;
 Posséder un local décent : logement, latrine, salle de lecture
 Etre de préférence marié et disposer d’une adresse fixe ;
 Disposer d’un registre pour l’enregistrement de l’identité, la provenance, la filiation, et
l’adresse des parents des enfants ;
 L’enseignant doit se prévaloir de la tutelle d’une association légalement reconnue ;
 Avoir des capacités pour la mise en application du programme,
 Enfin, disposer d’un personnel qualifié à cet effet.

De l’amélioration du cadre d’accueil


Le cadre de vie et d’apprentissage est un facteur à priori dans la réussite d’une
éducation. En termes d’investissement, l’école coranique doit comporter des locaux
convenables aux effectifs, y compris des dortoirs, des salles de cours, des toilettes et du
matériel didactique. Le maitre coranique devra tenir compte de la capacité d’accueil de son
école dans le recrutement des talibés. L’option de l’externat est de loin la meilleure. Dans le
pire des cas, les enfants internés ne sauraient travailler ou mendier pour prendre en charge
leurs études. L’apport des parents est de préférence la première rémunération des maitres
avant toute autre subvention. L’école coranique de la mosquée, du quartier, du secteur ou du
village pourrait être une alternative aux difficultés liées au « confiage » des enfants loin de
leur famille.
L’Imam ILBOUDO estime que les conditions actuelles ne permettent pas à un
individu seul d’avoir des infrastructures d’accueil pour l’apprentissage d’une cinquantaine
d’enfants sans la participation de toute la communauté et parfois de l’aide financière des
partenaires. Pour cela, faire que l’école coranique appartienne au village qui peut réunir les
ressources nécessaires et non à un maitre tout seul. Il propose de ce fait, dans un premier
temps, d’améliorer les contenus d’apprentissage et les méthodes. A ce sujet il note que la
recherche a longtemps ignoré le secteur de l’enseignement coranique. Des études récentes
font cas de la possibilité d’intégrer des apprentissages nouveaux aux programmes de l’école
ancienne. Pour une éducation qui se veut complète il faut que l’école prenne en compte tous
23
les besoins de l’être en devenir. Le temps est maintenant révolu où l’enfant doit rester une
dizaine d’années au centre coranique d’où il sortait avec une connaissance approximative du
texte sacré. La langue d’apprentissage doit être un levier pour que l’enfant acquière des
compétences en lecture (littéracie), en calcul (numéracie), en langue, en discipline d’éveil
scientifiques (sciences). Tout cela passe par l’élaboration de curricula intégrés à vocation
nationale, qui prennent en compte des modules du système d’enseignement formel ou à défaut
ceux du non formel comme l’alphabétisation. L’école coranique nouvelle devra, au lieu
d’enseigner aux élèves le métier du maitre coranique comme de par le passé, former à des
métiers dans les centres spécialisés. En fait, la maîtrise véritable de la langue arabe par
l’introduction de nouvelles méthodes devra favoriser un apprentissage rapide et réduire la
durée du séjour des talibés au centre.

Dans un second temps, il suggère d’organiser les maitres coraniques et de renforcer


leurs capacités. L’auteur souligne la nécessité de formation théologique et pédagogique des
maitres coraniques qui s’engagent dans la nouvelle formule avec des remises à niveau par des
érudits de la communauté musulmane. Véritablement, la recherche en éducation et les
techniques de développement personnel peuvent permettre un bon recyclage des maitres
coraniques aux fins d’améliorer leurs compétences pédagogiques mais aussi de gestion. Le
programme qui s’intéresse aux médersas pourrait leur être dispensé.

En outre, en devenant un vrai corps de métier, une vraie organisation professionnelle


s’impose aux maitres coraniques. Cette organisation pourrait, en vue de faciliter d’éventuelles
interventions de partenaires, tenir compte du découpage administratif national à savoir les
communes, les provinces, les régions. De même qu’elle doit mettre fin à la pseudo-gratuité
dont se prévalent les écoles coraniques qui, en vérité, n’en ont pas les moyens matériels, ni
financiers.

Dans un troisième temps, il conseille d’établir une passerelle entre l’école coranique
et les autres systèmes d’éducation et vice versa. A ce niveau, le communicateur évoque des
exemples d’autres pays où l’école coranique joue le rôle d’institution préscolaire. L’enfant
fréquente l’école coranique de la mosquée dès l’âge de 4 à 6 ans avant de rejoindre l’école
classique formelle à 7 ans. Il cite certains pays comme le Maroc et le Niger qui en ont fait
l’expérience. L’Imam ILBOUDO cite à ce propos Paré Afsatou Kaboré : « Sur initiative des
parents, certains des élèves vont continuer dans les medersas ou rejoindre l’école coranique
24
après une tentative non réussie de scolarisation dans les medersas ou l’école classique. Par
ailleurs, l’école coranique reçoit parfois des enfants de quatre ans qui, à sept ans vont
s’inscrire à l’école classique ou dans les medersas. Enfin, les jeudis, jours congés à l’école
primaire classique, certains élèves des cours classiques vont étudier le coran à l’école
coranique. Dans ce dernier cas, on peut certainement parler d’une double fréquentation. Ce
n’est pas le cas lorsque l’échec dans une école formelle pousse les parents à venir inscrire
leurs enfants à l’école coranique, l’inverse n’étant plus possible en raison du problème d’âge
qui peut se poser pour l’entrée classique ».

Il cite des cadres burkinabé ou étrangers qui sont passés par les foyers coraniques,
notamment pour les plus connus : Arba DIALLO, Salif SAWADOGO, Nouhoun
BAKAYOKO ; preuve qu’il y a possibilité d’établir une passerelle entre l’école coranique et
les institutions formelles d’enseignement.

Enfin, les conclusions des travaux32 du Projet de lutte contre le trafic des enfants en
Afrique de l’Ouest (PACTE) de Save of Children Canada que nous avons lues également.
Elles ont consisté en un compte rendu d’une enquête sur les enfants talibés se rapportant à
leur âge, leur provenance, leur flux migratoire, leur exploitation et leur situation au sortir du
foyer coranique.

L’enquête a révélé que les talibés sont des enfants, majoritairement des garçons,
confiés par leurs parents à un maître coranique pour y apprendre le coran. Le Contrat
traditionnel implique que le marabout enseigne le coran et inculque aux enfants une des vertus
essentielles, l’humilité, par la pratique ponctuelle de la mendicité. Cependant, a fait savoir le
rapport, certaines écoles coraniques comptent aussi des jeunes filles talibés. Elles sont très
jeunes, de 4 à 7ans, et souvent elles peuvent venir de la même ville ou de tout près. En général
leurs familles vivent à quelques villages tout au plus de l’école coranique.

Concernant l’âge des enfants talibés, l’enquête du projet a fait ressortir qu’ils sont très
souvent jeunes. Ils entrent parfois à l’école coranique dès l’âge de 4 ans et y restent jusqu’à 18
ans. Les trois quart (3/4) des effectifs des écoles coraniques sont formés surtout des jeunes

32
Lors de l’atelier de planification régionale de mars 2006 à Bobo, organisé par PACTE, projet de ‘‘Aide à
l’enfance’’ Canada.
25
talibés du groupe d’âge de 8 à 12 ans. Certains parents confient leur enfant au maître
coranique et lui abandonnent leurs responsabilités parentales.

Abordant la migration des talibés, PACTE affirme que certains maîtres coraniques
sont migrants et d’autres sédentaires. Il mentionne que tous les talibés ne sont pas des
migrants et que plusieurs vivent même au sein de leur famille. De même, tous les enfants
mendiants ne sont pas des talibés, quoiqu’un certain nombre d’entre eux soient parfois des
ex-talibés. Plusieurs jeunes mendiants cherchent à se faire passer pour des talibés, ce qui
facilite la cueillette d’argent.

L’enquête sur la question migratoire a révélé aussi que les enfants talibés se déplacent
beaucoup. Ils peuvent être appelés à se déplacer avec le maître coranique sur de longues
distances. Pendant que les maîtres se déplacent en véhicule, les enfants marchent sous la
direction des plus grands. Il arrive que quelques-uns se perdent dans les villes ou dans la
brousse. Souvent très jeunes, ils n’ont pas les informations nécessaires pour retrouver leur
route. Ils cherchent leur maître, n’ont aucun papier d’identité, ne savent pas d’où ils sont.

Dans d’autres cas, les enfants talibés passent les frontières pour aller suivre des
enseignements auprès de maîtres coraniques renommés. Tout au long de leur périple, ils
passent beaucoup de temps à mendier dans les lieux publics comme les gares routières, les
postes de contrôle, etc. Ils peuvent être très exposés à toutes sortes d’agression et de
perversion. Il arrive qu’ils doivent travailler pour le compte du maître coranique sans toucher
de rémunération et parfois dans des conditions très dures. Certains d’entre eux fuguent, fuyant
les mauvais traitements.

Néanmoins, des constances ont été remarquées dans le flux migratoire des enfants.
Ceux qui viennent du Burkina Faso, par exemple, transitent souvent par Koury en route vers
Sikasso, Koutiala ou Ségou. Koury est une halte où ils passent facilement deux à trois nuits,
ou plus. Les talibés maliens migrent aussi vers d’autres régions : les maîtres coraniques les
amènent souvent dans la région de Banfora, de Bobo Dioulasso ou Solenzo. Mais ce
mouvement n’a pas la même ampleur que celui des enfants burkinabé au Mali, quoiqu’on
retrouve des maîtres maliens avec des enfants maliens au Burkina Faso.

26
S’agissant de leur provenance, rapporte ‘‘Aide à l’enfance’’33, beaucoup de talibés
seraient des enfants migrants du Nord Mali et du Burkina Faso, confiés par leurs parents pour
apprendre le Coran. La plupart du temps, ils sont non scolarisés. Beaucoup de talibés
rencontrés au Mali viennent du Burkina Faso, où une croyance populaire veut que les écoles
coraniques du Mali soient supérieures. Les enfants talibés sont confiés, recrutés ou donnés.
On note parfois la présence d’intermédiaires ou d’anciens élèves coraniques qui confient leurs
enfants à un maître.

Sur la question de leur exploitation, l’atelier note que dans certains cas les enfants
talibés sont un atout économique pour leur maître. Ils sont loués parfois pour des travaux des
champs ou placés chez des employeurs au profit du maître. Cela s’explique par les besoins
financiers nécessaires aux maîtres coraniques pour l’entretien de ces enfants que les parents
leur confient sans financement. C’est dire qu’entre la mendicité, les formations coraniques et
les travaux divers, les enfants talibés ont peu de loisirs. Ils sont isolés socialement. Il leur
reste relativement peu de temps pour l’apprentissage du Coran. Leur situation est inqualifiable
à ce point que lorsqu’ils quittent le maître, il arrive à ces enfants de perdre leurs repères
familiaux, de ne plus savoir de quel village ils sont. Certains deviennent effectivement
marabouts ; d’autres, isolés et sans repères autres que la rue, finissent par sombrer dans la
délinquance.

Ce sont là les questions qui ont été abordées dans les ouvrages que nous avons
consultés. Mais, il nous a paru important d’élargir le champ par la lecture de quelques textes
de pédagogie et de loi qui fondent le droit de l’enfant à une éducation de qualité et aussi à
une protection sociale. Ce droit que lui confère sa nature spécifique fait que, même s’il est un
être humain à part entière, l’enfant doit être éduqué pour devenir un être humain : « Ce qui
distingue l’homme de l’animal, c’est que l’homme ne peut devenir homme que par
l’éducation. », a écrit KANT.34

Du point de vue pédagogique, le devoir d’éduquer s’explique d’abord par le fait que
l’enfant vient au monde dans un état d’inachèvement et d’incomplétude qui le laisse démuni
de capacités physiques, intellectuelles, psychologiques et morales réelles. C’est à l’éducation

33
Lors de l’atelier de planification régionale tenu à Bobo en mars 2006 (op.cit.)
34
Inspecteur Batiémoko KONE, La psychopédagogie au service des enseignants, p.7
27
qu’il revient d’achever l’œuvre de la procréation en apportant de l’aide pour satisfaire ses
besoins qui sont :
 Au plan physique : l’eau propre, la nourriture, les vêtements, un toit pour s’abriter,
une sécurité vis-à-vis des conflits, le soin de santé, la protection contre les abus, un
cadre sécurisé de jeux ;
 Au plan social et culturel: l’éducation, la liberté d’expression, de religion et
d’opinion, une identité, l’épanouissement, l’égalité de chance, la protection légale
contre l’abus et l’exploitation ;
 Au plan émotionnel et psychologique : l’amour, la sécurité, l’attention et l’écoute, la
liberté et la discipline, la confiance et l’estime de soi, une vie de famille harmonieuse,
la liberté de choix, etc.

Son droit à l’éducation s’explique ensuite par le fait que l’enfant n’a pas un destin bien
déterminé à la naissance. Il est plein de virtualités qui peuvent se développer dans toutes les
directions avec des risques de déviances pouvant l’écarter de l’état humain souhaité par la
société. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre Locke lorsqu’il écrit que : «Les neuf
dixièmes des hommes sont ce qu’ils sont : bons ou méchants, utilisables ou non par
l’éducation. C’est l’éducation qui fait la différence entre les hommes. »35L’éducation va donc
apparaître comme une condition nécessaire pour faire naître les qualités humaines spécifiques.

Du point de vue juridique également, l’enfant a droit à l’éducation. Mais ce droit ne


s’exerce pas indépendamment de l’adulte. Il s’inscrit dans le droit des parents et de l’Etat qui
en déterminent les conditions de réalisation. C’est pourquoi il est normal que les parents
choisissent le genre d’éducation qu’ils veulent donner à leurs enfants comme le stipule la
charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant : « Les Etats parties à la présente charte
respectent les droits et devoirs des parents et, le cas échéant, ceux établis par les autorités
publiques, sous réserve que celui-ci réponde aux normes minimales approuvées par l’Etat,
pour assurer l’éducation religieuse et morale de l’enfant d’une manière compatible avec
l’évolution de ses capacités ».36

Dans le cas où, évoquant cette disposition qui lui donne liberté de choix, le parent opte
d’envoyer ses enfants à l’école coranique, il est nécessaire que toutes les mesures soient prises

35
Recueil de 100 citations pédagogiques.
36
Article 2, alinéa 4.
28
pour sa reconnaissance et son intégration au système scolaire national. Autrement, il y aurait
comme une entorse à cette autre disposition : « Les Etats parties s’engagent à prendre des
mesures immédiates et efficaces notamment dans les domaines de l’enseignement, de
l’éducation, de la culture et de l’information, pour lutter contre les préjugés conduisant à la
discrimination raciale et favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les nations
et groupes raciaux ou ethniques, ainsi que pour promouvoir les buts et principes de la Charte
des Nations Unies, de la Déclaration Universelle des droits de l’homme, de la Déclaration
des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination et de la présente
convention ».37

Au Burkina Faso, l’enseignement privé est reconnu, qu’il soit laïc ou confessionnel.
L’enseignement privé étant bien entendu celui qui est donné dans un établissement privé,
c'est-à-dire n’appartenant pas à l’Etat ou à l’un de ses démembrements et qui applique en
totalité ou en partie le programme officiel d’enseignement. L’arrêté n° 2004-005 le
caractérise en son article 3 : « Les établissements privés d’enseignement de base sont laïcs ou
confessionnels. Toutefois, la spécificité d’un établissement privé d’enseignement de base doit
respecter les libertés et l’éthique sociale et ne peut avoir pour effet d’entraver le bon
déroulement de la scolarité obligatoire, de soustraire l’enfant à cette obligation ou de ne pas
respecter les programmes officiels de l’enseignement de base ». A ce titre, et suivant leur
statut, nous avons pour ce qui concerne l’éducation de Base : les écoles privées catholiques,
protestantes, les medersas et les écoles franco-arabes. Pour les deux derniers types, nous
précisons que : « Les medersas où écoles franco-arabes sont des établissements privés
confessionnels où une partie de l’enseignement est dispensée en arabe. »38

Conformément à cette disposition, la liberté de choix doit impliquer pour le parent


d’inscrire son enfant dans l’un de ces établissements. Mais d’où vient que des enfants se
retrouvent dans des foyers coraniques? Comment justifier la mendicité des enfants si ceux-ci
ont droit à une vie décente et d’être protégés contre les mauvais traitements ? Faut-il ignorer
les termes de la convention relative aux droits de l’enfant qui dispose en son article 19 : « Les
Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives
appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités

37
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, article 7
cité par Vues d’Afrique, p. 74 à 75.
38
Décret n° 99-221/ PRES/PM/LMESSRS/MEBA du 29 juin 1999, article 4.
29
physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitement ou d’exploitation,
y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un
d’eux, de son ou de ses représentants légaux ou toute autre personne à qui il est confié » ?

En réponse, s’il est avéré que l’enfant court quelque danger, la législation burkinabé
prévoit une règlementation spécifique en instituant les procédures d’assistance éducative, de
la délégation de l’autorité parentale et de la déchéance de l’autorité parentale. Cette assistance
éducative est prévue à l’article 527 du Code des personnes et de la famille. Elle consiste en
l’ensemble des mesures que peut prendre le juge pour protéger l’enfant en danger quelle
qu’en soit la cause en cas de défaillance de la famille. Elle est envisagée dans les cas
suivants :
 lorsque la santé, la sécurité ou la moralité du mineur sont en danger,
 lorsque les conditions de l’éducation du mineur sont compromises ;
 lorsque l’enfant, par son inconduite, sa prodigalité met ses parents ou tuteurs dans
l’impossibilité d’exercer leurs prérogatives de direction ou de garde.

Par ailleurs, la Justice militaire des peines et des infractions se veut plus formelle.
Il est écrit à son article 245 : « Est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans, toute
personne qui, ayant autorité sur un mineur, l’expose à la délinquance ou le livre à des
individus qui l’incitent ou l’emploient à la mendicité.
S’il s’agit des père et mère, la déchéance de l’autorité parentale prévue par les
dispositions du code des personnes et de la famille peut être prononcée.
Toute personne qui détermine un mineur à quitter le domicile de ses parents, tuteur
ou patron ou qui favorise sa délinquance est punie d’un emprisonnement de deux à six
mois ».

I.2.6. Cadre conceptuel

Cette partie est consacrée à élucider quelques concepts-clés qui contribueront à


faciliter la compréhension de nos travaux. Nous avons retenu pour cela : école coranique,
madrasah, talibé, marabout et mendicité.

30
 Ecole coranique :39 Traditionnellement, c’est le premier enseignement que
reçoit tout enfant dans les sociétés islamiques. L’école coranique est remplacée par les
systèmes modernes d’éducation mais on en trouve encore dans de nombreux endroits. Dans la
langue courante on appelle souvent ces écoles kuttàb ou m’seyyid, et les enfants y passent
quatre ou cinq ans pour apprendre à lire et à écrire, recevant parfois des rudiments
d’arithmétique. La mémorisation du Coran tout entier constitue le couronnement de ce type
d’enseignement. Les voix à l’unisson de groupes d’enfants en train de réciter le Coran
composent une des tonalités les plus caractéristiques de nombreuses villes islamiques
traditionnelles. Quand le Coran est mémorisé dans sa totalité, l’éducation de l’adolescent est
achevée, à moins qu’il ne continue son cursus à la madarsah (enseignement secondaire).
Comme les systèmes modernes d’éducation ont remplacé de nos jours le système traditionnel,
l’école coranique joue de plus en plus un rôle d’institution préscolaire, ou son parallèle
éducatif, pour les jeunes enfants.

Habituellement, le professeur est payé à intervalle régulier, à mesure que l’élève


avance dans la connaissance du Coran. La sourate ar-Rahamàn, marque une étape importante;
le professeur reçoit alors une gratification, souvent sous forme de moutons. (Les paiements
sont effectués par portion de Coran réellement mémorisée. La coutume pré –islamique puis
islamique retient comme base de rémunération la tâche accomplie, et non l’effort ou le temps
qu’on lui a consacrés). De plus, un mouton est sacrifié et une cérémonie appelée le nafasar-
Rahamàn (l’insufflation du souffle du Miséricordieux) est célébrée pour l’enfant.

Dans les écoles coraniques, on écrit habituellement sur des tablettes de bois appelée
lawh, sur lesquelles on a passé un mélange de chaux pour donner une surface propre et lisse,
et pour pouvoir effacer les leçons précédentes. L’encre est un mélange de charbon de bois
additionné d’eau ; le calame est un roseau aiguisé et dont la pointe est taillée à un angle de
manière à pouvoir rendre les pleins et les déliés caractéristiques des lettres arabes. Certaines
des tablettes d’élève peuvent être magnifiquement décorées par la calligraphie du professeur
pour être montrée à la maison aux parents marquant ainsi que la classe a atteint un stade
particulier de l’apprentissage du Coran.
Au regard de ces définitions, nous retenons pour notre part que les différentes
appellations : école coranique, foyer coranique et centre coranique désignent une seule et

39
BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de l’Islam, p. 90.
31
même réalité. Aussi, emploierons-nous indifféremment l’un ou l’autre terme pour désigner la
même école.

 Madrasah désigne littéralement un « lieu d’étude » ; pluriel, madaris.


C’est une école traditionnelle d’enseignement supérieur, dans le sens où ses élèves étaient
supposés avoir déjà mémorisé le Coran tout entier. Le cursus correspondait au trivium des arts
libéraux (grammaire, logique et rhétorique) et comprenait du droit (fiqh) ; les systèmes
mathématiques traditionnels (abjad) ; la littérature, l’histoire, la grammaire à un niveau plus
poussé, le calcul des heures de la prière, l’exégèse et la psalmodie du Coran et ainsi de suite.
On y enseignait parfois également la médecine et l’agronomie.

Mais, dans la pratique, la medersa est un établissement d’enseignement privé où les


cours sont dispensés en langue arabe mais traduits en langue nationale. Ce qui nous amène à
dire que c’est une école bilingue même si on y étudie fondamentalement la religion
musulmane avec l’arabe comme langue d’enseignement.

Cette définition nous rapproche de celle donnée dans le décret n°99-221 portant
réglementation de l’enseignement privé au Burkina Faso ainsi formulée : « Les medersas ou
écoles franco-arabes sont des établissements privés confessionnels où une partie de
l’enseignement est dispensée en arabe. »

C’est en fait à partir de 1973-197440 que l’Etat s’est engagé à reconnaître la medersa
comme établissement d’enseignement à travers des textes organiques, notamment le décret
74-130 PRES/EN/ de mai 1974 portant réglementation de l’Enseignement Privé en
Haute-Volta. Ceci aurait eu pour effet l’implication de l’autorité éducative à la gestion
administrative et pédagogique, ainsi que la promotion de l’enseignement medersa à travers les
structures centrales et décentralisées du Ministère de l’enseignement de base.

Toutefois, selon l’auteur, l’implantation des premières écoles a eu lieu dans les zones
situées près du Mali actuel. Ce sont celles de Bobo –Dioulasso, de Nouna, de Tougan et de
Ouahigouya qui ont bénéficié de certains facteurs tels la proximité avec le Mali fortement
islamisé et islamiquement plus avancé et la libre circulation des érudits.

40
M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement dans les Medersa au Burkina Faso : cas de la
province du Yatenga, Mémoire de fin de formation, 2004, p. 17 à 18.
32
Citant Issa CISSE, il repartit les medersas du Burkina Faso en trois catégories suivant
leurs fondateurs :
 les fondateurs inspirés du réformisme (mouvement qui prône « un retour à l’Islam
essentiel et de fidélité stricte au Coran »). Il s’agit par exemple de la famille Diénépo
à Bobo Dioulasso ; Ibrahim DIENEPO créa son école en 1955-1956;
 les medersas créées par l’Union Culturelle Musulmane (UCM). Ce sont par exemple
celles de Sikasso-Cira à Bobo-Dioulasso en 1958, de Tougan en 1959, de Nouna en
1957 et de Ouagadougou en 1959 ;
 les medersas fondées et entretenues par la communauté musulmane. Il s’agit par
exemple de celle de Ouahigouya, créée en 1965.

En dépit de leurs caractéristiques qui sont bien distinctes, certaines personnes tendent
à confondre medersa, école franco-arabe et école coranique. Aussi, avons-nous jugé utile de
répondre à la question sur la différence entre ces trois structures.

Nous dirons d’abord que l’école franco-arabe est une école où les langues
d’enseignement sont à la fois l’arabe et le français. C’est en fait une medersa qui a intégré le
français dans ses programmes. Dans ce type d’école nous avons généralement les enseignants
affectés soit à l’enseignement du programme arabe soit à l’enseignement du programme
français. On y enseigne non seulement la religion mais aussi certaines matières officielles.
Les langues d’enseignement sont le français et l’arabe.

A propos de la différence entre medersa, école franco-arabe et école coranique,


Ali HAMADACHE cite : « La medersa est mieux organisée et structurée que l’école
coranique qui se réfère à une tradition immuable dans tous les domaines. Elle ne s’adresse
qu’aux citadins et concurrence l’école publique là où les deux écoles existent. A l’origine elle
concernait les jeunes hommes à partir de 25 ans, mais après, avec le progrès de
l’enseignement de l’arabe, elle devient l’équivalent de l’école primaire et secondaire
publique».41

C’est à partir des années 1950, poursuit HAMADACHE, que les premières medersas
furent ouvertes dans les pays à colonisation française, tandis que leur apparition est bien

41
Khayar, 1976, p.77.
33
antérieure dans les colonies britanniques. Au Ghana, leur ouverture daterait de 1889. Deux
raisons sont avancées pour expliquer cette différence. La première, les Anglais semblaient
moins intéressés par l’assimilation culturelle des populations colonisées que par leur
exploitation économique. La deuxième42 : « dans les colonies britanniques le courant
réformiste dominant était plutôt de tendance moderniste, c'est-à-dire il visait l’efficacité de
l’enseignement islamique par la synthèse de l’Islam et de l’Occident».

Dès ses débuts, écrit l’auteur, la medersa prend en Afrique deux orientations : la
première, moderniste à l’image de l’Ecole européenne, où on étudie l’arabe, l’islam et les
disciplines scientifiques à partir d’une langue européenne ; la seconde, conservatrice, a pour
modèle le monde arabe avec la langue arabe comme langue exclusive d’enseignement. Il cite
à nouveau : « D’une part les medersas dé-maraboutisent l’islam en dénonçant les erreurs
pédagogiques des écoles coraniques, l’ignorance des marabouts, et, de l’autre, elles centrent
la formation sur l’acquisition des connaissances scientifiques (mathématiques, physique,
sciences naturelles, apprentissage systémique de l’arabe, formation idéologique et
religieuse ».43

Adama OUEDRAOGO44 fait la distinction en écrivant que : « La medersa est un


établissement dans lequel sont dispensés des cours sur différentes matières littéraires,
sociales, scientifiques et religieuses en arabe. Le besoin de communiquer en français, la
recherche du travail et aussi le prestige du français ont amené les fondateurs à introduire
l’apprentissage de cette langue dans les programmes. Cet ajout a donné lieu à une typologie
des medersas au Burkina Faso : une « école medersa » est celle qui dispense les cours
uniquement en arabe, alors qu’une « école franco-arabe » enseigne en arabe et en français. »

L’auteur évoque les programmes des différentes écoles ainsi qu’il suit :
 Dans les écoles coraniques, le programme se compose de matières religieuses et de la
langue arabe. Pour la religion, on a trois matières à savoir le coran, le fiqh et le
tawhid. Le fiqh traite deux domaines : al-ibadàt qui sont les pratiques religieuses
comprenant les cinq piliers de l’islam (la prière, le jeune de ramadan, la zakat et le

42
Kanvaly FADIGA ; 1988, p. 173
43
Ibid. p.174
44
op.cit.
34
pèlerinage à la Mecque) et al-mu-àmalat qui sont les rapports entre les humains
comme le crédit, le commerce, le mariage, le baptême, etc.
Le tawhid ou al-aqidàt traduit littéralement par unicité de Dieu, la croyance,
traite des attributs de Dieu, des livres révélés, des prophètes, du destin et de la
résurrection. Pour ce qui est de la langue arabe, elle a cinq matières : la littérature, la
conjugaison, la grammaire, la lecture et l’écriture.
 Dans les medersas du cycle primaire du Burkina Faso les matières enseignées en
général sont la langue arabe à travers : la lecture, l’écriture, la grammaire, la
conjugaison, l’orthographe, la dictée, la rédaction, l’expression orale et l’expression
écrite ; les matières religieuses comprennent : la Coran, la jurisprudence, le hadith, le
tawhiid, la morale, la biographie du prophète et l’histoire islamique ; la science
sociale est composée de l’histoire, de la géographie et de l’éducation civique ; la
langue française se compose de : la lecture, l’écriture, la grammaire, la conjugaison,
l’orthographe, la dictée, la rédaction, l’expression orale et l’expression écrite ; et les
matières scientifiques sont constituées du calcul, de la géométrie, de l’arithmétique et
des sciences.
Ces matières sont en fait celles que recommande le programme officiel de
1989-1990 du Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation.

Pour OUEDRAOGO Mahamadi45, la medersa enseigne la lecture, l’expression orale,


l’expression écrite, le vocabulaire, la grammaire, l’orthographe et le calcul. Selon la place
accordée à l’utilisation de la langue dans une école on peut distinguer le type auquel il
appartient. Le type 1 appelé medersa arabe regroupe toutes les écoles où les enseignements
sont faits en arabe utilisé à 75 % et en français utilisé à 25% surtout dans le sens d’une
alphabétisation. Le type 2 appelé « école franco-arabe » regroupe les écoles où le français est
utilisé comme objet et langue d’enseignement (75%) et l’arabe (25%) utilisé comme matière
et langue d’enseignement dans les disciplines religieuses et en calcul.

Quant aux programmes, ils sont les mêmes que dans les autres écoles primaires et pour
tous les cours du CP1 au CM2 avec les mêmes thèmes et contenus pédagogiques.

45
M. OUEDRAOGO, Enseignement de Base et enseignement dans les Medersa au Burkina Faso : cas de la
province du Yatenga, Mémoire de fin de formation, 2004, p.22
35
De ce qui précède, nous retenons que la medersa et l’école franco-arabe sont des
établissements d’enseignement qui se rapprochent des écoles classiques par leurs structures,
leur organisation matérielle, administrative et pédagogique. Elles se distinguent des écoles
coraniques où l’enseignement se déroule dans des foyers avec les talibés s’asseyant par terre
et avec du matériel didactique rudimentaire et des méthodes pédagogiques archaïques.

 Talib ou talibé veut dire littéralement « celui qui demande », « celui qui
cherche » ; c'est-à-dire un étudiant. A l’origine, le terme désignait seulement un étudiant dans
le domaine de la religion. Dans certains pays, talib sert à désigner le disciple d’un maître
spirituel.

 Marabout46 est un mot français dérivé de l’arabe marbùt « attaché » dans le


sens d’attaché à Dieu. Terme utilisé en Afrique du Nord et en Afrique occidentale pour
désigner un saint ou le descendant vénéré d’un saint. Même si la vénération des saints existe
dans une certaine mesure à travers tout le monde islamique, ce phénomène constitue une
importante dimension de la spiritualité dans l’Occident arabe et dans l’Ouest africain. Seules
les régions placées sous la domination Wahhabite ont totalement éradiqué toutes les
manifestations de dévotion aux saints qui existaient auparavant.

Le saint est considéré comme exerçant une influence spirituelle ou comme bénéficiant
d’une grâce ou d’une bénédiction (barakah) particulière qui peut s’attacher indéfiniment à sa
tombe et être bénéfique à ceux qui visitent celle-ci. L’intercession est fréquemment sollicitée
dans les prières ; en fait, une famille peut aussi posséder la barakah, qui se transmet de
génération en génération chez les descendants d’un grand saint, bénédiction marquée par une
piété particulière plutôt que par des dons de guérison comme cela était attribué aux familles
royales françaises ou britanniques.

En Occident arabe, les coupoles caractéristiques des tombeaux des saints parsèment le
paysage et les fêtes des saints (mawsim en arabe) rythment l’année, occasions de
rassemblements, parfois de plusieurs milliers de personnes, de foires, de fantasias et autres
célébrations.

46
BORDAS, Dictionnaire encyclopédique de l’Islam.
36
« Marabout » est un terme plus souvent employé en français qu’en arabe, et est
particulier aux régions d’Afrique du Nord et de l’Ouest ayant fait partie de l’empire colonial
français.
Maraboutisme est un mot français inventé pour désigner la vénération des saints.

 Mendicité47 : Pratique mal vue par le droit islamique ; en revanche, le don


d’aumônes (Sadaqah) est un devoir religieux qui purifie l’âme. Il n’est pas licite de mendier
si l’on a de quoi subvenir à ses besoins pendant un jour et une nuit. Des derviches adoptèrent
cependant la mendicité comme moyens d’existence. Voici ce qu’al-Hujwiri disait : Il existe
trois motifs valables pour mendier, comme de nombreux Shaykhs l’ont dit : d’abord pour
l’amour de la liberté de l’esprit, puisqu’aucun souci n’est plus préoccupant que celui de
s’assurer de sa nourriture ; ensuite, pour la discipline de l’âme : les soufis mendient parce que
c’est particulièrement humiliant et que cela les aide à prendre conscience de leur peu de
valeur dans l’opinion des autres et ils évitent ainsi les écueils de l’autosatisfaction ; enfin ,
c’est une preuve de respect pour Dieu si un serviteur mendie auprès d’hommes qu’Il
considère tous comme Ses serviteurs car cela dénote une plus grande humilité que de
s’adresser à Dieu directement.

Les règles de la mendicité sont les suivantes : si tu mendies et que tu n’obtiens rien,
montre-toi plus joyeux encore que si tu avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès
des femmes ou des gens qui trainent dans les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un
esprit altruiste ; ne garde jamais ce que tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta maison ou
pour acquérir des biens. Tu dois vivre dans l’instant : ne laisse aucune pensée du lendemain
entrer dans ton esprit, ou bien tu es perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété
dans l’espoir que cela te vaudra des aumônes plus substantielles.

Une fois j’ai vu un vénérable soufi qui s’était perdu dans le désert arriver au marché de
Kufah a moitié mort de faim et criant : « Donnez-moi quelque chose pour l’amour de ce
moineau ! » Les gens lui demandèrent : « Pourquoi dis-tu cela ?» Il leur répondit : « Je ne puis
dire : pour l’amour de Dieu, car c’est à une créature insignifiante de réclamer des choses de ce
bas-monde ».

47
BORDAS, op.cit. p. 373
37
CHAPITRE II : METHODOLOGIE

La méthodologie est l’«ensemble des enjeux relatifs au choix des méthodes de


recherche et des techniques de collecte et d’analyse des données.»48 Celle que nous avons
choisie se fonde sur l’approche qualitative qui est la « manière d’aborder l’étude des
phénomènes qui met l’accent sur la compréhension»49.

Dans ce chapitre nous précisons le champ de la recherche, le public cible,


l’échantillon, la technique de collecte des données, la validation des instruments et le mode
d’administration des outils.

II.1. Présentation du champ d’étude

L’étude porte sur les écoles coraniques et l’éducation des enfants talibés. Elle se mène
dans la ville de Dédougou, chef –lieu de la province du Mouhoun. Cette province forme avec
cinq autres la Région de la Boucle du Mouhoun : les Balé, les Banwa, la Kossi, le Nayala et le
Sourou.
La Région de la Boucle du Mouhoun est située au Nord-ouest du Burkina Faso. Elle
est limitée au Nord et à l’Ouest par le Mali sur une frontière de près de 437 Km. Au Sud, la
région des Hauts-Bassins et celle du Sud-ouest ; à l’Est elle est limitée par les régions du
Centre-ouest et du Nord. Elle couvre une superficie de 34 497 km2, soit plus de 12% du
territoire national.

Sur le plan administratif, la région comprend six (06) provinces, 47 départements et


1 042 villages regroupés au sein des 06 communes urbaines et 41 communes rurales50.
La province du Mouhoun est la plus peuplée avec 20,6 % de la population régionale. Elle est
suivie de la Kossi qui regroupe 19,3 % de la population de la Région, tandis que la province
du Nayala occupe le dernier rang avec seulement 11,3 % de la population. Le tableau ci-
dessous donne des indications concernant la répartition de la population par province selon le
sexe.

48
Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, Méthodologie des sciences humaines, 2ème édition, p. 251
49
Ibid.
50
INSD, Monographie de la Région de la Boucle du Mouhoun, décembre 2009
38
Tableau n°3 : Répartition de la population de la Boucle
du Mouhoun par province et selon le sexe
PROVINCES SEXE
Masculin Féminin Total
MOUHOUN 148 089 149 261 297 350
KOSSI 138 459 140 087 278 546
BANWA 132 052 137 323 269 375
SOUROU 108 952 111 670 220 622
BALE 105 582 107 841 213 423
NAYALA 81 208 82 225 163 433
TOTAL 714 342 728 407 1 442 749
Source : INSD/ décembre 2009

Dédougou est également la commune la plus peuplée de la province du Mouhoun. Au


plan régional, elle occupe le deuxième rang. Elle vient avec 6 % après Solenzo qui détient
8% de la population de la région. Le tableau suivant démontre les effectifs des populations de
la province du Mouhoun par commune.

Tableau n°4 : Répartition de la population de la


province du Mouhoun par commune
COMMUNE DE Effectif Poids des
RESIDENCE Communes en %
DEDOUGOU 86 965 6,0
BONDOKUY 50 527 3,5
SAFANE 48 911 3,4
TCHERIBA 39 707 2,8
OUARKOYE 38 830 2,7
KONA 19 606 1,4
DOUROULA 12 804 0,9
Total Province 297 350 20,6
du Mouhoun
Source : INSD/ décembre 2009

39
De par sa situation géographique51, Dédougou est reliée à Ouagadougou par la route
nationale n°10 et à Bobo Dioulasso par la nationale n°14. La ville est distante de
Ouagadougou de 230 km sur les axes Dédougou– Koudougou- Ouagadougou et de Bobo
Dioulasso de 175 km sur l’axe Dédougou- Bobo.

A l’échelle communale, Dédougou s’étend sur une superficie de 1352,56 km2 (base de
donnée IGB), soit environ 19,68 % de la superficie totale de la province. Elle est limitée :
- à l’Est par la commune de Douroula ;
- à l’Ouest par les communes de Sanaba et Bourasso ;
- au Nord par les communes de Sono et Gassan ;
- au Sud par les communes de Ouarkoye et Kona ;
- et au Sud - Est par la commune de Safané.52

II.2. Population-cible

La population est «l’ensemble de tous les éléments auxquels le chercheur veut


appliquer les conclusions de son étude.»53
Dans le cas de notre étude qui concerne les écoles coraniques, notre population cible
est constituée essentiellement de personnes vivant en milieu urbain dans la commune de
Dédougou. Nous avons ciblé cette ville parce que, à la fois chef-lieu de commune, de
province, et de région, elle regroupe une forte concentration de la population dans sa grande
diversité socioculturelle. Il s’agit en fait des 38 862 habitants, soit 44,7 % de la population
communale. Le reste de la population étant réparti dans les trente-sept (37) villages.

Tableau n°5 : Répartition spatiale de la population


de la commune en 2006
Population en 2006
COMMUNE Proportion
Effectif
(%)
Dédougou urbain 38 862 44,7
Dédougou rural 48 103 55,3
TOTAL 86 965 100
Source : Plan communal de Développement de Dédougou

51
Plan communal de Développement, Rapport final de décembre 2009.
52
Ibid.
53
Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit. p.95
40
Dans le domaine de l’éducation54, Dédougou compte cinq (05) Centres d’Eveil et
d’Education Préscolaire (CEEP) dont un (01) public et quatre (04) privés. Les effectifs sont
de dix-huit (18) encadreurs (éducateurs et monitrices) et de 329 enfants dont 160 garçons
et 169 filles.
Au niveau du primaire, la circonscription de Dédougou I comprend les écoles de la
ville qui sont au nombre de 22 (13 publiques et 09 privées) tandis que Dédougou II couvre les
écoles (30 écoles publiques) des villages de la commune.

Les effectifs scolaires ont connu une hausse significative ces dernières années. Entre
2006 et 2009, ils sont passés de 11 095 à 13 254. Pendant la même période, les effectifs des
garçons sont passés de 5 913 à 6 927 contre 5 182 à 6 327 pour les filles.

Tableau n°6 : Evolution des effectifs des élèves dans la commune


2006-2007 2007-2008 2008-2009
CEB
Garçons Filles Total Garçons Filles Total Garçons Filles Total
Dédougou I 3 350 3 297 6 647 3 616 3 652 7 268 3 714 3 840 7 554

Dédougou II 2 563 1 885 4 448 2 911 2 193 5 104 3 213 2 487 5 700

TOTAL 5 913 5 182 11 095 6 527 5 845 12 372 6 927 6 327 13 254
Source : DPEBA – Dédougou

Il existe dans la commune une disparité au niveau du taux brut de scolarisation (TBS)
selon le genre. En 2009 la CEB de Dédougou I avait des TBS de 88,35 % pour les filles
contre 87,01 % pour les garçons. Cela démontre que les filles sont les plus scolarisées. Par
contre dans la CEB de Dédougou II pour la même année, c’est la tendance inverse avec un
TBS de 63,35 % pour les garçons contre 55,25 % pour les filles. Cependant, on note une
évolution d’ensemble du TBS de la commune comme le montre le tableau ci-dessous :

54
Les données présentées ici sont celles de 2009 prises dans le Plan communal de Développement de Dédougou.
Celles de 2010-2011(de la DREBA-BMHN) font ressortir 23 écoles primaires comprenant 14 écoles publiques,
03 écoles catholiques, 02 écoles protestantes, 02 écoles franco-arabes, et 02 écoles privées laïques avec un
effectif total de 8 251dont 4148 filles et 4103 garçons.
41
Tableau n°7 : Evolution du Taux Brut de Scolarisation
dans la commune (2006-2009)
2006-2007 2007-2008 2008-2009
CEB
TBS (%) TBS (%) TBS (%)
Dédougou I 83,65 86,66 87,69
Dédougou II 53,67 55,89 59,5
Source : DPEBA – Dédougou

Au plan de l’alphabétisation, la commune de Dédougou comptait en 2009 huit (08)


Centres Permanents d’Alphabétisation et de Formation (CPAF) construits et deux (02)
Centres d’Education de Base Non Formelle (CEBNF). Mais on notait environ 184 sites
d’alphabétisation avec un effectif de 184 animateurs. Les femmes étaient estimées à 852
contre 737 hommes. Les principales langues enseignées étaient : le Dioula, le Bwamu, le
Fulfuldé et le Mooré.

II.3. Echantillon

Par définition, l’échantillon est la « fraction d’une population cible dont certaines
caractéristiques vont être mesurées. »55
Nous avons retenu dans ce sens cinq catégories de participants pour constituer notre
échantillon d’étude. Il s’agit des promoteurs d’écoles coraniques, des enfants talibés, des
parents d’enfants talibés, des responsables de la communauté musulmane, notamment le
président de la communauté musulmane et l’Imam de la grande mosquée ; les autorités
pédagogiques à savoir le Chef de circonscription d’éducation de base de Dédougou I, le
Directeur provincial de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation du Mouhoun, et le
Directeur régional de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de la Boucle du
Mouhoun.

Le choix des promoteurs se justifie par le fait que ce sont eux qui fondent et gèrent les
écoles coraniques. Ils sont à l’origine de la survie, ou de la disparition de ces écoles.

55
Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit p. 95
42
S’agissant du choix des parents d’enfants talibés, il est dû au fait que ce sont ces
derniers qui conduisent les enfants aux maîtres coraniques. Les foyers s’éteindront si aucun
parent ne donne son enfant. Leur rôle est déterminant dans le système.

Concernant le choix des enfants talibés eux-mêmes, il se fonde sur deux raisons.
D’abord parce qu’ils sont les bénéficiaires de l’action éducative ; ensuite parce qu’il est du
droit de l’enfant d’être associé à toutes actions touchant son intérêt supérieur.

Parlant du choix des responsables de la communauté musulmane, nous avons estimé


qu’ils sont mieux indiqués pour parler des questions religieuses si tant est qu’il faut donner les
fondements de certaines pratiques. De plus, ils sont représentatifs de toute leur communauté.

Quant au choix des autorités pédagogiques, il tient au fait que ceux-ci sont des
encadreurs pédagogiques. De par les postes qu’ils occupent, ils sont aussi les représentants du
Ministère de l’Education nationale au plan local. Par conséquent, plus avertis de la politique
éducative de l’Etat.

II.4. Méthodes de recherche et techniques de collecte des données


II.4.1. La méthode de recherche

Pour Sylvain Giroux et Ginette Tremblay56, il existe, en tant que stratégies


d’investigation scientifique, trois méthodes de recherche en sciences humaines: la méthode
d’enquête, la méthode expérimentale, et la méthode d’analyse de traces.

Au regard de notre thème d’étude, nous avons choisi la méthode d’enquête pour notre
recherche. Elle est par définition57 une méthode de recherche qui consiste à mesurer des
comportements, des pensées ou des conditions objectives d’existence auprès des participants
afin d’établir une ou plusieurs relations d’association entre un phénomène et ses
déterminants. Dans la démarche, nous avons mis l’accent sur la compréhension des
phénomènes. C’est dire que notre approche est qualitative.

56
Sylvain Giroux et Ginette Tremblay, op.cit. p. 251
57
Ibid.
43
II.4.2. Techniques de collecte des données

Pour la collecte des données nous avons utilisé des entretiens, l’observation directe et
la recherche documentaire.

L’entretien a consisté pour nous à réaliser une interview à partir d’un guide d’entretien
que nous avons administré. Toutefois les répondants sont restés libres de leurs réponses. Nous
avons choisi cette technique parce qu’elle permet d’être en contact direct avec les personnes
ressources. Elle est mieux adaptée à nos enquêtés en majorité analphabètes. Elle donne
l’opportunité de repréciser les questions et de se faire comprendre mieux. (Confer guides
d’entretien en annexe).

En considération des catégories de personnes ressources sollicitées, il a été prévu


cinq (05) guides d’entretien. Les entretiens ont porté sur les aspects suivants :
 avec les maîtres coraniques, l’identification du foyer, les aspects pédagogiques,
administratifs, la question de la mendicité, les conditions de recrutement et d’études, la
discipline, la loi sur l’obligation scolaire et les difficultés affrontées au quotidien ;
 avec les parents, les motivations par rapport au choix éducatif, l’apport financier ou
matériel, la mendicité, leur appréciation de l’école coranique et la loi sur l’obligation
scolaire ;
 avec les enfants talibé, l’adresse des parents, les matières étudiées, le temps
d’apprentissage, les punitions, les activités parallèles, leurs entretiens et leur métier
de rêve ;
 avec les services techniques, le statut et le type d’écoles, la prise en compte des écoles
coraniques, le droit à l’éducation des enfants talibés et les stratégies d’intégration des
talibés au système éducatif ;
 avec l’Imam et le président de la communauté musulmane, leur rapport avec les écoles
coraniques, l’enseignement dispensé, leur regard sur la mendicité, les châtiments
corporels, la loi sur l’obligation scolaire, leur appréciation de l’éducation dans les foyers
coraniques et leurs suggestions pour une bonne scolarité des talibés.

Pour l’observation directe, nous nous sommes servi d’une grille que nous avons
remplie. Dans le cas présent, l’observation n’a pas porté sur les comportements des

44
personnes ; mais plutôt, elle a consisté en la description du cadre physique dans lequel
l’enseignement/apprentissage et l’hébergement des enfants talibés s’effectuent.
Les informations obtenues sont celles que nous avons recueillies dans les foyers coraniques
sans avoir eu véritablement besoin du concours des enquêtés.
La grille d’observation nous a permis de relever certains détails se rapportant au
matériel didactique, aux locaux, à la propreté, à l’hygiène et à l’assainissement du cadre de
vie des écoles coraniques. (Confer grille d’observation en annexe).

La recherche documentaire nous a conduit à visiter des bibliothèques et centres de


lecture à Koudougou et à Dédougou. Nous avons pu parcourir et exploiter à cet effet des
mémoires, des ouvrages généraux et visiter certains sites.

II.5. La validation des outils

Le préalable à notre recherche à proprement parler a été de vérifier la validité de nos


outils. Il s’agit des guides d’entretien et de la grille d’observation directe. Ces instruments ont
été d’abord soumis à des critiques ; ensuite, ils ont été administrés en pré-test à quelques
personnes de la ville ayant les caractéristiques de notre échantillon. Cela nous a permis de
nous rendre compte des difficultés d’interprétation, d’apprécier la clarté et la pertinence des
questions, puis d’apporter les réajustements nécessaires.

II.6. Le déroulement de l’étude

Après l’étape du pré-test, nous nous sommes rendu dans la zone d’étude pour
rencontrer les participants et obtenir des rendez-vous pour l’administration de l’outil.

Les entretiens ont eu lieu aux dates convenues avec les participants et ont été faits en
langue nationale dioula pour ceux qui ne s’expriment pas en français. La collecte des données
s’est déroulée dans la période du 10 décembre 2011 au 31 mars 2012. Les entretiens ont eu
lieu généralement dans les domiciles des enquêtés. Mais les mendiants ont été accostés dans
la rue et principalement au CELPAC où ils aiment se regrouper pour regarder la télévision.
Cela pour éviter que la présence du maître n’influence les réponses données.

45
II.7. L’analyse des données

A partir des données brutes recueillies, nous avons fait une synthèse en tenant compte
des catégories de personnes interrogées. Ensuite nous avons procédé à l’analyse et à
l’interprétation des données qui nous ont permis de nous prononcer sur nos hypothèses de
départ. Le traitement des données a été opéré manuellement.

II.8. Les difficultés de la recherche

Notre étude ne s’est pas menée sans difficultés. Nous en avons évidemment
rencontrées à toutes les étapes :
Au moment de la recherche documentaire, nos efforts pour trouver des documents sur
les écoles coraniques dans la bibliothèque de l’Université de Koudougou ont été infructueux.
Au Centre de Lecture publique et d’Animation culturelle de Dédougou (CELPAC), ce fut le
même résultat.
Pendant l’enquête, le repérage des foyers coraniques n’a pas été aisé. Du fait qu’ils
relèvent du secteur informel et que chaque promoteur fonctionne de façon autonome, il nous a
fallu parcourir la ville dans tous les sens à la recherche d’écoles coraniques.
De plus, nos répondants sont en grande partie non instruits en français, sinon qu’ils
sont à la limite analphabètes. Aussi, a-t-il fallu se montrer convaincant pour obtenir des
informations tant avec les talibés qu’avec leur marabout.

46
DEUXIEME PARTIE :
Aspects pratiques

47
CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION
DES RESULTATS

Dans cette deuxième grande partie de nos travaux de recherches, nous avons procédé à
la présentation, à l’analyse et à l’interprétation des données recueillies. Cette opération a
consisté pour nous à regrouper les données en sous-catégories, à analyser les relations entre
les éléments, puis à comparer les résultats obtenus avec ceux que nous attendions.

Concrètement, après la collecte des données auprès des marabouts, des parents
d’enfants talibés, des talibés eux-mêmes, des responsables de la communauté musulmane et
des responsables des services déconcentrés, nous avons présenté la situation des entretiens
réalisés. Nous les avons regroupées suivant les questions et les ressemblances de réponse.
Ensuite, nous avons interprété les résultats en donnant des sens aux éléments rassemblés avant
de vérifier nos hypothèses de départ et de faire une synthèse.

I.1. Présentation et analyse des données de l’enquête

I.1.1. Situation des entretiens réalisés


Des entretiens ont été réalisés avec les maîtres coraniques promoteurs d’école
coranique, les parents d’enfants talibés, les personnes ressources des services déconcentrés du
MENA, les dignitaires de la communauté musulmane et les enfants talibés. Au total,
cinquante (50) personnes ont été identifiées pour répondre à nos questions. Elles se
répartissent comme l’illustre le tableau ci-dessous.

Tableau n°8 : Situation des entretiens réalisés


Enquêtés Maîtres Parents de Services Responsable de Enfants Total
Entretiens coraniques talibés déconcentrés la communauté talibés
Programmés 15 10 03 02 20 50
Réalisés 15 10 03 02 20 50
Pourcentage 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
de réalisation

48
I.I.2. Situation des maîtres coraniques ayant
participé à l’enquête
L’entretien réalisé avec les fondateurs a concerné l’ensemble sans exclusive. Au
nombre de 15, nous les avons répartis suivant les effectifs en trois catégories évoluant de dix
en dix. L’esprit qui sous-tend cette catégorisation est que les difficultés de gestion des
scolaires varient en fonction des effectifs. Plus on a d’élèves, plus difficile est leur prise en
charge pédagogique, administrative et psychosociale.

La majorité des marabouts enquêtés ont un effectif compris entre 1 à 10 talibés. Ils
sont dix dans le cas, soit 66, 7 % des promoteurs. Un seul a trente (30) talibés. Il occupe le
poste de vice-président dans le bureau des maîtres coraniques.

Tableau n°9 : Répartition des maîtres coraniques suivant les effectifs


Effectifs des talibés 1à 10 11 à 20 21 à 30 Total
Nombre de marabouts 10 03 02 15
Pourcentage 66,7 % 20 % 13, 3% 100 %

Le tableau ci-dessus montre que les maîtres coraniques qui ont un effectif compris
entre 1 et 10 talibés sont au nombre de 10 ; soit 66,7 %. Seulement 02 marabouts, soit 13,3 %
ont entre 21 et 30 élèves ; pendant que 03 enseignants, soit 20 % comptent 11 à 20 enfants
dans leurs foyers.

I.I.3. Situation des parents d’élèves ayant


participé à l’enquête
Les parents d’enfants talibés qui se sont prêtés à nos questions sont au nombre de 10.
Les réalités du terrain nous ont contraint à cette limitation. Elle relève d’un choix délibéré.
En fait, la totalité des talibés présents à Dédougou sont arrivés des villages de la région de la
Boucle du Mouhoun et même d’autres régions du pays. Pas un seul n’a ses parents dans la
commune à l’exception des fils des maîtres coraniques mêmes.

Nous avons pris en compte un aspect social centré sur la profession du parent en vue
de déterminer quelles sont les populations qui ont adopté l’école coranique. Il ressort que les
paysans sont nombreux à désirer ce type d’école (70 %). Après eux, les commerçants

49
s’illustrent à 30 %. Apparemment, aucun fonctionnaire n’a d’enfants au foyer. Le tableau
suivant présente la répartition des parents selon leur situation socioprofessionnelle.

Tableau n°10 : Répartition des parents suivant la situation socioprofessionnelle


Profession Paysans Commerçants Fonctionnaires Total
Nombre de parents 07 03 00 10
Pourcentage 70 % 30 % 00 % 100 %

I.I.4. Situation des responsables de la communauté musulmane


ayant participé à l’enquête
La communauté musulmane de Dédougou a un bureau de plusieurs membres à l’image
de la CMBF58. Ne pouvant prendre tous les membres, nous avons jugé utile de nous entretenir
avec le président qui est rompu dans les questions pédagogiques parce que Conseiller
pédagogique itinérant de l’éducation de Base en retraite. La deuxième personnalité choisie est
l’Imam de la grande mosquée. Il faut signaler que la commune en compte une dizaine
dirigeant des mosquées de quartier. Le tableau ci-dessous renseigne sur la répartition des
responsables de la communauté musulmane suivant leur fonction.

Tableau n°11 : Répartition des responsables de la communauté


musulmane suivant leur fonction
Fonction Imam Président de la Total
communauté
Nombre de responsable 01 01 02
Pourcentage 50 % 50 % 100 %

I.I.5.Situation des responsables des services déconcentrés


ayant participé à l’enquête
Les responsables des services techniques concernés par nos enquêtes sont : le
Directeur régional de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation de la Boucle du

58
CMBF : Communauté musulmane du Burkina Faso
50
Mouhoun, le Directeur provincial de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation du
Mouhoun, le Chef de circonscription d’Education de Base de Dédougou I. Certes, la
commune abrite deux services d’inspection de l’enseignement de premier degré, mais un seul
s’occupe de toutes les écoles de la ville. C’est celui-là qui a été sollicité pour le besoin
de l’enquête.
Autorités pédagogiques de leur état à différents échelons de la hiérarchie
administrative, ces responsables ont été enquêtés à partir du même guide d’entretien.
Le tableau ci-dessous présente l’état de répartition des responsables des services déconcentrés
du MENA.
Tableau n°12 : Répartition des responsables
des services déconcentrés du MENA
Fonction DREBA DPEBA C.CEB Total
Nombre de personnes 01 01 01 03
Pourcentage 33,4 % 33,3 % 33,3 % 100 %

I.I.6. Situation des enfants talibés ayant


participé à l’enquête
Les talibés sollicités pour l’enquête sont au nombre de 20 répartis selon le critère
d’âge. Les 11-15 ans représentent le plus grand échantillon, soit 55% des enquêtés. Les 6-10
ans sont représentés à 25 % ; tandis que les 16 ans et plus font 20 %. Ils ont été tirés sur le
volet sans tenir compte de leur foyer d’origine. Ainsi, sur l’ensemble, au moins deux
appartiennent à la même école ; d’autant plus que le nombre total de foyers fait 15. Toutefois
nous avons des foyers où il ya seulement des adolescents de plus de 12 ans.

Tableau n°13 : Répartition des enfants talibés par groupe d’âge


Tranche d’âge 6 -10 ans 11-15ans 16 ans et + Total
Echantillon
Nombre de talibés 05 11 04 20
Pourcentage 25 % 55 % 20 % 100 %

51
I.I.7. Présentation des résultats des entretiens réalisés
avec les maîtres coraniques

Les entretiens réalisés avec les maîtres coraniques ont porté sur l’identification de
leurs foyers, les effectifs, les lieux de résidence des parents, le recrutement, la scolarité, la
mendicité, les châtiments corporels, les horaires et programmes ainsi que la loi sur
l’obligation scolaire.

Dans l’identification des écoles, il est apparu que les quinze (15) foyers repérés sont
tous situés dans les quartiers périphériques en zone non lotie. Pas une seule école n’est
installée en zone viabilisée.

En général les foyers coraniques n’ont pas de nom, mais ils sont désignés par les noms
du promoteur. Les talibés répondent que « j’étudie chez El hadj LAMINE, chez SAMBO,
chez Djibril DIALLO, etc. »

La répartition géographique des foyers ainsi que les effectifs des talibés se présentent
comme ci-après. Pour la plupart, leur durée de fonctionnement sur le territoire communal
varie entre 2 et 11 ans ; certains ayant transhumé d’autres localités du Burkina comme le
Houet, le Yatenga, le Sourou ou le Passoré.

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Tableau n°14 : Situation des foyers coraniques de la ville de Dédougou
N°dord Nom du promoteur du Foyer Localisation Garçons Filles Total
01 Aboubacar DICKO Secteur n°5 22 00 22
02 Nouhoun DIALLO Secteur n°6 06 00 06
03 Sambo GADIAGA ABDOULAYE Secteur n°6 13 00 13
04 Ousséini TALL Secteur n°3 05 00 05
05 Idrissa DIALLO Secteur n°2 20 00 20
06 Djibril DIALLO Secteur n°2 03 00 03
07 Yéro DIALLO Secteur n°2 06 00 06
08 Diahé DICKO Secteur n°5 06 00 06
09 Lamine SORE Secteur n°5 30 00 30
10 Ibrahima TALL Secteur n°5 20 00 20
11 Yéro TALL Secteur n°5 03 00 03
12 Diallo OUSSEINI Secteur n°2 04 00 04
13 Bélem ISSIAKA Secteur n°2 07 00 07
14 Diallo HAROUNA Secteur n°3 06 00 06
15 Tall HASSANE Secteur n°6 03 00 03
TOTAL 15 foyers C. 154 00 154
Source : Nos enquêtes sur le terrain.

S’agissant des effectifs, nous avons dénombré 154 talibés dont 154 garçons et 00 fille.
Manifestement, aucun foyer ne compte de fille parmi ses effectifs.

Par rapport à leur provenance nous avons relevé qu’aucun enfant talibé n’est
ressortissant de la ville, tout comme les marabouts eux-mêmes sont venus d’autres localités.

Par la question n°3 nous avons appris que tous les talibés sont internés chez leur
marabout. Cela va de soi du moment qu’aucun enfant ne réside dans la ville.

Concernant la rémunération des marabouts par les parents, la réponse est non pour
l’ensemble des promoteurs. Certains prétendent avoir été enseignés sans payer de salaire à
leur maître. Ils entendent alors perpétuer cette tradition tout en restant favorables aux dons
spontanés de cadeaux offerts par les parents.

53
A la question de savoir si les talibés mendient et pourquoi ils le font, la réponse est
affirmative pour tous, soit 100 % de ‘‘oui’’. Mais, plutôt que de donner les raisons de la
pratique de la mendicité, les maîtres l’ont simplement justifiée. Elle serait légitime si certaines
règles sont respectées : ne pas harceler la personne sollicitée et s’en aller si on ne reçoit pas
d’aumône.

Nous avons appris aussi que les temps d’enseignement sont les suivants : le matin
dans l’intervalle de 4h à 9h ; l’après-midi de 14h à 17h ; le soir de 19h à 23h. Chaque maitre
évolue dans ce créneau à quelques différences près suivant son organisation. Les interclasses
sont employés généralement pour la ronde en vue de mendier sa pitance et demander
l’aumône ; quelques rares fois pour des tâches domestiques ou de petits contrats rémunérés.

En même temps, nous avons appris que sur les douze mois de l’année, le talibé
bénéficie de deux congés de dix jours chacun, soit vingt jours au total. Le premier congé
s’étend du 27ème jour du mois de Ramadan au 7ème jour de l’après fête. Le deuxième congé
court du 3ème jour avant TABASKI au 7ème jour après la fête. Dans la semaine, l’après-midi
de mercredi, la journée entière du jeudi et la matinée du vendredi sont non ouvrables. La
synthèse se présente comme l’indique le tableau suivant :

Tableau n°15 : Synthèse des horaires et jours ouvrables de la semaine


Jours Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche
Horaire
4 h- 9 h CORAN / CORAN/ CORAN/ CORAN/ CORAN/
KITAB KITAB KITAB KITAB KITAB
9h-14h SUSPENSION DES COURS/ MENDICITE
14h–17h CORAN/ CORAN/ CORAN/ CORAN/ CORAN/
KITAB KITAB KITAB KITAB KITAB
17h-19h SUSPENSION DES COURS/ MENDICITE
19h-23h CORAN/ CORAN/ CORAN/ CORAN/ CORAN/
KITAB KITAB KITAB KITAB KITAB

La septième question nous a permis d’en savoir sur les matières enseignées. Elles sont
toutes religieuses et s’appuient sur le Coran et les ‘‘kitab’’ qui sont des livres qui enseignent

54
les obligations et les pratiques religieuses. Le Coran est enseigné dans toutes les écoles
coraniques, alors que les livres diffèrent d’un maître coranique à l’autre.
Les disciplines enseignées sont :
 le Tawhid ou l’unicité de Dieu ;
 le Fiqh ou la jurisprudence islamique ;
 le logha ou la langue arabe.
Le tableau suivant donne quelques renseignements :

Tableau n°16 : Synthèse des disciplines et matières


d’enseignement des écoles coraniques
Disciplines Matières Nature Temps d’apprentissage Observations
Tawhid Coran 114 Sourates 3 à 5 ans Commun à tous
Akdhari Indéterminé Commun à tous
Kitab Moukadamat Indéterminé Au choix
Fiqh (Livres) Asmawiyou Indéterminé Au choix
Rissalat Indéterminé Au choix
Kaala Cheick Indéterminé Au choix
Logha Kitab Langue arabe Indéterminé Au choix

Aux questions relatives à l’âge de recrutement et à la durée de la scolarité, il nous a été


révélé que les enfants sont admis au foyer à partir de 8, 9, 10, 11 ans surtout. On en trouve
dont les âges sont compris entre 18 et 20 ans. L’apprentissage dure quatre (04) années au
moins. Toutefois la scolarité varie d’un talibé à l’autre suivant ses capacités intellectuelles et
aussi suivant le niveau qu’il désire atteindre. Les moins jeunes ne sont pas acceptés parce
qu’il est difficile de les prendre en charge. Ils ne peuvent pas non plus être emmenés loin de
leurs parents.
Par rapport à la collaboration entre collègues fondateurs, beaucoup (11 sur 15 ;
soit 73, 3 %) ont reconnu appartenir à l’association des maîtres coraniques dont le président
est DICKO Aboubacar et le vice président SORE Lamine. Quatre (04) se sont contentés de
déclarer avoir connaissance de leur existence.

Pour ce qui est de leur avis sur l’école classique, 100 % des maîtres ont une opinion
favorable. Pour montrer leur bonne foi, certains ont dit leur intention de vouloir y envoyer
leurs propres enfants ; tandis que l’un d’entre eux a déjà inscrit ses deux filles à l’école

55
classique. Deux (02) d’entre eux pensent que l’école classique a son intérêt limité à la vie
d’ici-bas.

Relativement à l’obligation scolaire de tous les enfants de 6 à 16 ans, treize (13)


maîtres coraniques ; soit 86, 6% disent ignorer cette loi. Les autres l’ont simplement appris
sans savoir réellement ce que cela implique.

Lorsqu’ils ont été interrogés sur la possibilité de la double fréquentation 59, la majorité
des marabouts, soit 86,7 % ont répondu qu’il est impossible de fréquenter à la fois l’école
classique et l’école coranique. Seulement deux (02), soit 13,3 %, estiment que cela est
envisageable. Le second en doute un peu.

La quinzième question concernant les tâches d’enseignement a révélé que le maître


coranique est le seul enseignant de son école ; mais qu’il peut faire surveiller les plus petits
par les plus avancés. Les méthodes pédagogiques employées demeurent donc le tutorat et
l’enseignement individualisé, pratiquées sans formation adéquate.

En réponse aux questions n°16 et 17 se rapportant à la discipline, 100 % des


marabouts ont dit ne pas recourir aux châtiments corporels pour se faire obéir. Les seuls
moyens utilisés sont les réprimandes et les mises en garde. Les enfants d’aujourd’hui sont
fragiles, nous a-t-on répondu. Si cette pratique avait encore cours, les talibés feraient des
fugues.
Ensuite, nous avons appris qu’au sortir de l’école coranique, le talibé est remis à ses
parents qui se chargent de sa formation professionnelle. En fait, cela n’est pas la
préoccupation des maîtres. Leur objectif est atteint du moment que la formation morale et
religieuse est réussie.

Comme difficultés rencontrées dans l’exercice de leur métier, les marabouts ont
signalé l’hébergement, la restauration, et la surveillance des talibés lorsqu’ils sont hors du
foyer.

59
Le fait pour l’enfant d’être inscrit à l’école primaire et de suivre à la fois les enseignements de l’école
coranique.
56
I.I.8. Présentation des résultats des entretiens réalisés
avec les parents d’élèves
Les entretiens avec les parents d’enfants talibés ont porté sur treize (13) questions.
Ils ont concerné dix (10) parents.

A la question n°1 portant sur la répartition des enfants dans les établissements, il est
apparu que sur 55 enfants âgés de 6 à 16 ans, 28 sont dans les foyers coraniques, 22
fréquentent l’école classique et 05 qui ne sont pas scolarisés. Ce qui nous donne les taux de
50, 9 % pour les enfants envoyés à l’école coranique ; 40 % pour le classique et 9,1 % pour
les non scolarisés.

Les raisons pour lesquelles ces enfants sont envoyés à l’école coranique sont les
mêmes pour tous : bien connaître la religion musulmane et l’appliquer. En plus de cela,
certains parents disent que c’est pour tremper leur caractère et faire d’eux des hommes
préparés pour affronter les dures épreuves.

A la question de savoir ce qu’ils pensent de l’école classique, il est ressorti que tous
les parents l’apprécient positivement. Cependant, quelques uns (20%) jugent qu’elle prépare
seulement à réussir ici-bas ; ils disent avoir alors de la préférence pour l’école coranique.

Sur la question de l’obligation scolaire, aucune des personnes interrogées n’a de


l’information. Ils ont répondu ne pas avoir connaissance de cette loi. 02 parents affirment
qu’ils ont vu recruter de force dans le passé. Un parent pense que l’obligation scolaire doit
s’appliquer seulement aux enfants qui sont à la maison et qui ne sont occupés à rien.

03 parents interrogés sur 10, soit 30%, pensent que l’enfant peut fréquenter l’école
classique tout en suivant les enseignements de l’école coranique. Pour les autres, il faut faire
un choix : soit l’enfant y va pendant les vacances, soit après avoir terminé ses études
primaires.
Pour l’ensemble des parents, le choix de l’externat n’est pas envisageable. Ils
pensent que les enfants n’apprendront pas réellement s’ils sont près des parents. C’est
pourquoi il faut les confier aux maîtres dans les localités éloignées.

57
Les questions n°8 et 9 portant sur les conditions à remplir pour l’entrée des enfants
au foyer nous ont révélé qu’aucun accord n’est signé entre les marabouts et les parents à
l’inscription des enfants. De même qu’aucun frais n’est perçu pour la scolarité. C’est une
contribution volontaire comme l’a dit un parent. Celui-ci dit offrir au maitre coranique des
sommes qui varient entre 1000 et 25 000f lors de ses visites.

En posant la question sur les professions qu’ils exercent, nous avons appris que nos
répondants sont des paysans pour la plupart (70%). Les commerçants sont au nombre de trois
(30%).
Ils reconnaissent tous que la mendicité n’est pas une bonne pratique parce qu’elle
expose les enfants à des déviances. La majorité, soit 66,7%, suggère que cette pratique
disparaisse pour faire place à de petits contrats rémunérés.

La question se rapportant au niveau d’étude nous a permis de relever que 80% des
parents ont eux-mêmes fait l’école coranique, couramment appelée Dougouma-Kalan en
langue nationale dioula (c’est-à-dire l’école par terre). Certains ont appris juste quelques
sourates ; d’autres ont fréquenté plusieurs années et ont fait des études poussées.

Pour les parents, il faut nécessairement changer certains aspects qui sont obsolètes de
nos jours. Ils proposent que :
 les parents accordent un soutien au maître coranique afin de lui permettre de
bien faire son travail ;
 les maîtres coraniques suppléent la mendicité par la production agricole et les
petits travaux rémunérés.

I.I.9. Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les responsables
de la communauté musulmane

Avec le président de la communauté musulmane et l’Imam de la grande mosquée de la


ville de Dédougou, nous avons pu avoir des entretiens portant sur neuf (09) questions.

La première question se rapporte à la connaissance et au nombre de foyers coraniques


existant dans la ville. Il a été révélé que les deux responsables ont connaissance de leur

58
existence. Toutefois ils ignorent leur nombre ; mais ils peuvent citer les noms de quelques
promoteurs.
La deuxième question porte sur le genre d’enseignement dispensé dans les écoles
coraniques. Le président a mentionné le Coran et les pratiques religieuses.
Pour l’Imam, l’enseignement de l’école coranique a pour finalités de :
 éduquer l’homme de façon générale ;
 former l’homme religieusement complet ;
 mettre des érudits à la disposition et au service de la communauté musulmane.

Le but de cet enseignement est de :


 professer le TAWHID qui est l’unicité de Dieu ;
 accomplir la IBAADA qui est l’ensemble des actes d’adoration d’ALLAH
(Dieu).

Pour les objectifs, l’école coranique veut :


 former des Imams ;
 former des muezzins ;
 produire des marabouts et maîtres coraniques.

L’enseignement est donné à travers l’étude des livres suivants :


 le Coran qui est le livre sacré de l’Islam ;
 les Kitabs (livres) comprenant l’Akdari, Asmawi, Kâla Cheïck, Moukadamat,
Rissala, Kawatil-islam.
Les branches d’études étant le Tafsir ou commentaire du Coran, les hadith ou paroles du
Prophète et le Logha qui est l’apprentissage de l’arabe littéraire.

La troisième question concerne le sens à donner à la mendicité. Pour le président, les


talibés mendient par nécessité due au fait qu’ils ne vivent pas avec leurs parents. Aussi parce
que les parents ne donnent rien au maître pour l’entretien de leurs enfants.
Pour l’Imam, la mendicité est tolérée seulement dans le but de se nourrir. Le talibé qui
a consacré sa vie à chercher le savoir pour servir Dieu doit être nourri et entretenu. Il évoque
un principe musulman qui interdit de garder le reste du repas lorsqu’on se rassasie et qui
recommande de le donner à ceux qui n’ont pas à manger. C’est ce qui justifie que les
mendiants passent de porte en porte pour enlever les restes et pour éviter aux familles de les
59
rechercher pour cela. Il reconnaît cependant que c’est gênant de voir les talibés envahir les
lieux publics.

La question n°4 se rapporte à l’appréciation de l’éducation dans les écoles coraniques.


Le président apprécie négativement l’école coranique. Il doute de la qualité de l’éducation
qui y est donnée. Il pense que les enfants sont revêtus de haillon à dessein pour susciter de la
pitié. Il a peur que ces écoles ne produisent des escrocs.
L’Imam au contraire adopte une position favorable à l’école coranique. Pour lui, elle a
l’avantage d’inculquer à l’enfant, mieux que toute autre école, des valeurs comme
l’endurance, le pardon, l’humilité et la foi musulmane. Il affirme même que les medersas
ont été créées pour concurrencer et faire obstacle à l’école coranique.

La question n°5 porte sur les châtiments corporels. Le président dit ne pas savoir s’ils
existent encore dans les écoles coraniques. Dans le temps, dit-il, les plus grands frappaient
souvent les petits qu’ils devaient encadrer.
L’Imam pour sa part pense que le savoir doit s’acquérir dans la contrainte ; il doit être
introduit dans l’enfant par pression. Cette méthode est une tradition qui remonte au Prophète
à qui l’Ange Gabriel a transmis les premiers versets en le serrant comme pour le torturer.
C’est ce qui justifie le choix de la méthode dogmatique par cette école.

A la question de savoir à quelle école il faut envoyer prioritairement les enfants, le


président de la communauté musulmane répond : l’idéal serait que l’enfant puisse posséder
l’arabe et le français, en plus d’une langue nationale. Il est facile, dit-il, de comprendre sa
religion en passant par le français. Il cite l’exemple des associations musulmanes comme le
Cercle d’Etudes, de Recherches et de Formation islamique (CERFI) et l’Association des
Elèves et Etudiants musulmans au Burkina (AEEMB) qui ont réussi l’enseignement de la
religion et de l’arabe à partir du français. Par l’arabe au contraire, il serait difficile de
rattraper le premier, conclut-il.
La réponse de l’Imam à cette même question est qu’il faut envoyer les enfants en
priorité à l’école coranique car elle ouvre l’esprit des enfants. Il pense que cela peut se faire
à partir de 4 à 6 ans, juste avant d’entrer à l’école primaire.

Lorsqu’ils ont été interrogés sur l’obligation scolaire, les deux responsables religieux
ont répondu par l’affirmative. Ils savent en effet que l’école est obligatoire pour les enfants
60
âgés de 6 à 16 ans. Pour le président, cette loi est ancienne et elle comportait cette
restriction : (l’enseignement primaire est obligatoire) ‘‘dans les limites des possibilités
d’accueil’’. L’Imam pense pour sa part que cette loi doit concerner seulement les enfants qui
sont restés à la maison et qui ne fréquentent aucune structure éducative.

La question n°8 est relative aux suggestions pour que les talibés bénéficient d’une
scolarité normale. L’Imam et le président suggèrent de :
 éviter que les talibés voyagent à travers les villes et villages ;
 encourager les talibés à rester auprès de leurs parents et à étudier dans leur
lieu de résidence ;
 supprimer la mendicité ;
 impliquer les parents dans la prise en charge et le suivi des enfants talibés ;
 inscrire parallèlement les talibés au cours du soir en français ;
 enfin, que l’Etat affecte des maîtres chargés de dispenser des cours dans les
écoles coraniques.

Relativement à la tutelle des écoles coraniques, nous avons appris que celles-ci
fonctionnent en toute autonomie et qu’elles ne sont sous l’autorité de personne.

I.I.10. Présentation des résultats des entretiens réalisés avec


les responsables des services déconcentrés

Les responsables des services déconcentrés du MENA ont donné leur point de vue par
rapport aux questions formulées dans le guide d’entretien.

La première question est relative aux types d’écoles privées présents dans la zone. Les
réponses apportées nous ont permis de relever qu’il en existe cinq (05) types : les écoles
franco-arabes, les medersas, les écoles privées catholiques, les écoles privées protestantes et
les écoles privées laïques.

En réponse à la question de savoir s’ils ont connaissance de l’existence d’écoles


coraniques dans leur localité, tous les trois (03) responsables ont répondu par l’affirmative. Ils

61
savent que des foyers coraniques existent dans la ville de Dédougou à travers les talibés qui se
font remarquer dans les rues.

A la question de savoir si les statistiques scolaires prennent en compte les écoles


coraniques, la réponse est non pour tous. Pour justifier cette omission, les représentants du
MENA ont évoqué les raisons suivantes :
 elles sont mobiles et difficiles à trouver ;
 elles ne sont pas reconnues par l’administration scolaire ;
 c’est un cadre religieux comme la catéchèse ;
 elles ne viennent pas se faire reconnaitre ;
 les écoles coraniques n’ont pas le même statut que les autres écoles;
 elles sont purement coraniques et religieuses ;
 elles n’appliquent pas le programme officiel ;
 enfin, l’Etat n’a pas demandé de comptabiliser les effectifs des talibés.

Concernant l’appréciation qu’ils ont du droit à l’éducation des enfants talibés, le


Directeur régional a répondu : il n’est pas normal d’envoyer les enfants à l’école coranique ;
à la limite il faut les envoyer dans les franco-arabes reconnues. Pour le Directeur provincial, le
droit de ces enfants n’est pas respecté et il est nécessaire que l’Etat intervienne. Le C.CEB
pense que les talibés ont droit à l’éducation et que celle qu’ils reçoivent en ce moment dans
les foyers est incomplète. Il trouve que le sort des talibés est déplorable du fait qu’ils sont
jetés dans la rue sans contrôle. Il voit la nécessité pour ces enfants d’acquérir des
compétences.

Relativement à la question qui se rapporte à l’influence du nombre de talibés sur le taux


brut de scolarisation (TBS), les réponses concordent. Tous les trois (03) responsables ont
reconnu que les TBS sont influencés négativement par la mise hors système des talibés.

Parlant des stratégies qu’il est possible de développer pour que les talibés intègrent le
système scolaire, cette question nous a permis de retenir les propositions suivantes :
 sensibiliser les responsables religieux, les promoteurs, les parents d’enfants et
les talibés pour qu’on envoie désormais les talibés dans les medersas et
franco-arabes reconnues par l’Etat;

62
 recenser les maîtres coraniques et leur octroyer des moyens pour abandonner
la création des foyers coraniques ;
 transformer les promoteurs en animateurs de centre d’alphabétisation et les
alphabétiser dans une langue nationale de leur choix ;
 transformer les écoles coraniques en Centres Permanents d’Alphabétisation et
de Formation (CPAF) ou en écoles franco-arabes ;
 orienter vers les Centres d’Education de Base Non Formelle (CEBNF) les
talibés qui ont terminé leur cycle coranique.

I.I.11. Présentation des résultats des entretiens réalisés


avec les enfants talibés

Nous avons rencontré les enfants talibés en espérant obtenir confirmation de certaines
questions posées aux maitres coraniques. Ainsi, nous sommes- nous intéressé à l’âge, au lieu
de résidence des parents, aux effectifs, à la scolarité, aux études, aux conditions d’étude et à la
mendicité à travers quinze (15) questions.

Parlant de l’âge, la question n’a pu être répondue de manière très satisfaisante car la
plupart des enfants semblent ignorer leur âge. Il est ressorti que les enfants talibés sont
surtout des adolescents âgés de 11 à 20 ans. Il en existe qui ont entre 8 et 9 ans ; mais ils sont
peu nombreux.

Au sujet du lieu de résidence des parents, aucun enfant talibé n’a ses parents qui
résident à l’intérieur de la commune. Seuls 03 ont répondu avoir leurs parents dans un village
de la Kossi situé à 12 km sur le bord du fleuve Mouhoun. Ils s’avèrent être les plus proches.

Concernant les effectifs présents dans les foyers les réponses données ont permis de
noter la fourchette de trois (03) à trente (30) enfants talibés par foyer. Ce qui fait une
moyenne de dix (10) apprenants par école.

Pour ce qui est de la scolarité, les durées retrouvées vont de 3 à 5 ans. Cependant, il y
en a qui ont fréquenté précédemment un premier foyer et sont à leur deuxième.

63
Quant aux conditions d’études, aux contenus et temps d’enseignements, ils ont été
décrits à peu près de la même manière que par les maîtres coraniques. A la différence que,
comme livres au programme, les talibés n’en citent pas plus d’un.

Côté châtiment corporel, les talibés n’ont rien à craindre parce qu’il n’est plus en
usage dans les foyers. Un seul talibé, soit 5 % des enquêtés, a mentionné l’usage du fouet
contre ceux de ses camarades qui n’apprennent pas bien les textes sacrés.

Au plan de l’hébergement, tous les talibés sont des internes et font partie des
courtisans de leur marabout. Ils dorment, disent-ils, en groupe dans des dépendances qui leur
sont affectées, souvent hors de la concession du maître, mais tout proche.

Comme raisons évoquées pour la mendicité, les talibés ont fait savoir qu’elle répond à
leurs besoins de se nourrir, de se vêtir et de se chausser. Les restes de repas, ils les mangent ;
les pièces de monnaie, ils les épargnent pour des achats de vêtements, de chaussures et de
piles pour alimenter les lampes qui servent aux études du soir.

En rapport avec les visites, 17 talibés sur 20 talibés interrogés, soit 85 %, ont répondu
en avoir déjà reçu de la part de leurs parents. La plupart (75%) disent que des cadeaux leur ont
été offerts lors de ces visites. Mais de savoir si les maîtres coraniques aussi ont pu recevoir
des présents, les réponses ont été vagues. C’est à croire que les marabouts ne sont pas
récompensés par les parents.

Sur la question des soins en cas de maladie, les réponses des talibés nous ont permis
de savoir que 80% d’entre eux sont soignés par les maîtres coraniques eux-mêmes. Par contre,
d’autres (15%) ont répondu qu’ils sont conduits à l’hôpital pour les cas graves. Un enquêté a
affirmé que, jusqu’alors, personne n’était tombé malade dans leur foyer parce que le maître
faisait des prières d’exorcisme chaque vendredi.

Des questions ont porté sur d’éventuelles activités menées par les talibés en dehors des
études et de la mendicité et aussi sur les services rendus au maître en contrepartie de son
enseignement. Les réponses fournies nous ont permis de savoir qu’en dehors de la mendicité,
les talibés ne font aucune activité et qu’ils ne paient rien au maître comme frais de scolarité.

64
Répondant à la question de savoir s’ils auraient bien aimé aller à l’école classique,
quinze (15) talibés sur vingt (20) ont avoué nourrir cette intention. 02 ont émis le souhait de
suivre des cours du soir ; tandis que l’un (01) a déclaré être ancien élève du primaire qui fut
déscolarisé à partir du CE2.

A la question de savoir ce qu’ils escomptent faire à leur sortie d’école coranique,


05 talibés ont répondu qu’ils désirent devenir maîtres coraniques ; 02 veulent exercer le
métier de leur père ; 13 ignorent ce qu’ils deviendront dans l’avenir. Pour ces derniers (65 %),
Dieu déterminera leur métier en temps opportun.

I.I.12. Présentation des résultats de l’observation directe

L’observation directe effectuée dans les quinze (15) foyers coraniques nous a permis
de nous faire une idée sur les conditions d’étude, les pratiques pédagogiques, le matériel
pédagogique, les conditions de logement, l’hygiène et l’assainissement du cadre de vie, ainsi
que l’hygiène corporelle et vestimentaire des enfants talibés.

Les conditions d’étude


L’enseignement a lieu généralement à ciel ouvert dans la plupart des foyers. Aux
heures chaudes, les talibés s’assoient à l’ombre des maisons ou des murs. Seuls trois
(03) foyers disposent de hangars qui ne sont pas destinés uniquement à l’enseignement.
Aucun foyer ne dispose de mobilier si bien que maîtres et élèves s’assoient par terre.
Les premiers sur une natte, un tapis ou sur une peau de mouton ; les talibés à même le sol nu
dans la plupart des cas. Toutefois, les talibés les plus âgés s’assoient sur des nattes ou des
banquettes, et chacun passe à son tour pour réciter sa leçon du jour.
Dans tous les foyers, le marabout dispense seul son enseignement. Il se fait assister
quelquefois par des grands élèves qui font répéter leurs leçons aux plus jeunes. Nous avons
rencontré un foyer où l’épouse du marabout le supplée à son absence.
Le matériel didactique du talibé nouvellement inscrit se résume à la tablette, à l’encre
et un stylo taillé dans le roseau. Ceux qui sont moins jeunes ont en plus, des exemplaires de
coran fragmenté. Les plus anciens ont quelques kitabs (livres) en sus.

65
Les conditions de logement
Tous les 15 foyers répertoriés à Dédougou se situent dans les périphéries, en zone non
lotie. En prenant le marché pour repère, 03 foyers se situent à l’Est, 02 au nord-est, 05 au
Nord et 05 à l’Ouest. Le 1/3 de ces foyers dispose de concessions fermées ; les autres sont
ouvertes. 04 disposent de cadres spacieux ; 03 sont regroupés sur le même espace qu’ils
partagent; 08 sont installés dans des cadres peu spacieux.
Dans la plupart des foyers les maisons disponibles sont en nombre insuffisant pour
héberger les talibés. Elles se sur-peuplent au moment de dormir. Un foyer connaît un
problème sérieux d’hygiène à cause de la proximité des animaux. Le peu d’espace disponible
sert à la fois pour les courtisans et les ânes qui y sont parqués. Dans tous les autres foyers la
propreté des cours est acceptable.
Nous avons pu observer des puits dans seulement deux (02) foyers. Apparemment, les
autres n’en disposent pas.
Nous avons pu apercevoir des latrines dans trois (03) foyers sur quinze (15), soit 20 %.
Les chances d’en rencontrer davantage seraient infimes. C’est dire que la quasi-totalité des
foyers fonctionnent sans toilettes.

L’hygiène corporelle et vestimentaire


De moins en moins les talibés portent des haillons. La majorité porte des vêtements
non déchirés et non raccommodés. Il est rare d’en rencontrer allant pieds nus. Mais il y a
parfois à redire sur la propreté de leur corps. (Confer album photos en annexe)

Le cadre de vie des enfants talibés


Du point de vue de l’hygiène et de l’assainissement, le cadre de vie des talibés n’est
pas très appréciable. La vétusté des dortoirs, l’insuffisance de l’espace dans les concessions,
le manque de puits et des latrines sont autant de problèmes qui peuvent affecter les foyers
coraniques. Cette situation est aggravée du fait même que tous les foyers se situent en zone
non lotie où les services chargés de l’assainissement n’interviennent pas. A cela s’ajoute la
proximité des enclos à bétail dans certains cas; ce qui fait que bêtes et personnes se côtoient et
partagent les mêmes espaces. Néanmoins, tous les foyers ont des maisons faisant office de
dortoirs pour les talibés.

66
I.2.Interprétation des résultats et vérification des hypothèses

I.2.1. Interprétation des résultats


Les résultats obtenus avec les maîtres coraniques ont permis de dégager certaines
caractéristiques communes aux écoles. Elles sont installées en zone non lotie ; elles ne portent
pas de nom ; les talibés et leurs marabouts sont en situation de transhumance et ils n’ont pas
de source de revenu. Toutes choses qui font douter de la pérennité de ce type d’école et qui
peut expliquer leur mobilité tant à l’intérieur de la ville que vers d’autres localités.
Ce qu’il est heureux de constater, c’est que les foyers ne comptent pas de filles dans
leurs effectifs. Celles –ci sont plus vulnérables et peuvent être victimes de violences en
situation de mendiantes de rues. De plus, les maîtres coraniques sont réunis en association et
se reconnaissent à travers un bureau. Ce qui permet de les rassembler en cas de besoin et rend
possible l’ouverture de dialogue et des perspectives de changements.
Tout en reconnaissant l’importance de l’école classique, les marabouts pensent qu’il
est impossible pour les enfants de la fréquenter en même temps que la leur. En réalité, nous
pensons qu’ils craignent d’envisager cette éventualité qui supposerait la disparition des
foyers. C’est peut-être à cause de cette crainte qu’ils disent ignorer la loi sur l’obligation
scolaire et qu’ils font croire à un bon traitement des talibés au foyer.
Les difficultés qu’ils ont soulignées relatives à l’hébergement, à la restauration, et à la
surveillance des talibés hors du foyer sont bien réelles. Elles sont accentuées du fait que les
maîtres coraniques ont vis-à-vis des enfants des responsabilités à la fois de tuteur, de guide
spirituel et d’enseignant. Or, nous savons que des insuffisances existent chez la plupart de ces
marabouts. En général, ils ont un niveau d’instruction bas, un pouvoir économique faible, une
formation professionnelle de base inexistante et qui favorise des pratiques pédagogiques
désapprouvées. C’est ce qui constitue la problématique des écoles coraniques.

Les résultats obtenus avec les parents d’élèves ont révélé que 50,9 % de leurs enfants
sont à l’école coranique. Ce constat confirme notre appréciation sur l’importance de ce type
d’école dans la vie des populations.
Pour ce qui est des raisons de cette préférence, elles seraient liées à la foi, nous a-t-on
répondu. Cependant, le fait que ces mêmes parents aient accepté d’envoyer 40 % de leurs
enfants à l’école coranique sans y être contraints montre qu’avec la sensibilisation, ils peuvent
scolariser davantage d’enfants. A plus forte raison si la loi sur l’obligation scolaire leur est

67
opposée et que la gratuité leur est bien expliquée. Sans compter que de nos jours les parents et
la communauté musulmane sont de plus en plus convaincus que l’école coranique n’est pas la
seule voie pour accéder aux connaissances de l’islam. Le président de la communauté
musulmane a évoqué dans ce sens l’AEEMB et le CERFI qui sont pour lui d’autres cadres
d’apprentissage de la religion musulmane.
Quelques détails nous semblent édifiants, à savoir que la majorité de ceux qui envoient
leurs enfants dans les foyers ont eux-mêmes été enfants talibés et exercent présentement dans
le secteur du commerce ou dans l’agriculture. C’est à se demander pourquoi les parents qui
ont été à l’école classique n’y envoient pas leurs enfants. La raison serait, à notre sens, qu’ils
ont compris ce qui échappe aux premiers : à savoir que les parents ont le devoir d’assurer à
leurs enfants une vie décente, qu’ils n’ont pas le droit de les abandonner à la misère et à des
pratiques humiliantes. Les parents interrogés font bien de reconnaître que la mendicité est à
supprimer, mais ils doivent en apprendre sur les droits des enfants et les graves manquements
qu’ils commettent en abandonnant les leurs.

Les résultats obtenus à l’issue des entretiens réalisés avec les responsables des services
déconcentrés ont permis de noter que les écoles coraniques ne font pas partie de la liste des
écoles privées. Ils ne disposent d’aucune information statistique sur ces écoles pour la simple
raison qu’ils n’ont pas de rapport officiel avec elles. Néanmoins, ils savent bien que des
foyers coraniques existent à travers les talibés qui parcourent les rues de la ville.
Les écoles de confession musulmane qui apparaissent sont les medersas et les franco-
arabes qui se sont fait reconnaître. Ce qui rend envisageable la transformation des écoles
coraniques en medersas reconnues et résoudre du même coup le problème de clandestinité
dans laquelle fonctionnent les foyers. Pour cela, il faudrait que l’Etat demande leur
recensement au niveau local afin de pouvoir apprécier l’ampleur du phénomène et réagir
conséquemment.
Autrement, la situation actuelle fait penser que les écoles coraniques sont
marginalisées, qu’elles ne sont pas perçues comme des structures éducatives véritables ou
simplement qu’elles sont mal comprises. Dans ce dernier cas, ils auraient raison ceux qui
pensent que l’Etat devrait, au nom de la laïcité, se tenir à l’écart de la chose religieuse.

68
Néanmoins, nous avons perçu dans les réponses des responsables pédagogiques la
nécessité d’une réforme des écoles coraniques afin que les TBS60 s’améliorent et que les
talibés aient droit à une éducation normale.

Les entretiens avec les talibés confirment certaines réponses des maîtres coraniques.
Notamment, elles ont révélé que les châtiments corporels ne sont pas courants dans les foyers,
que les talibés mendient pour leur propre compte et qu’ils sont séparés de leurs familles qui ne
viennent les voir que rarement. C’est dire qu’au départ, les enfants mendient par impérieuse
nécessité : subvenir à leurs besoins alors qu’ils sont abandonnés de tous, jeunes et sans
ressources. Le risque à long terme est l’habitude que les talibés peuvent prendre à vivre de
mendicité et à ne rien faire d’autre. Pour preuve, la confession d’un ancien talibé rapporté par
le journal l’Evènement 61: «En dépit de toutes ces difficultés, Ahmadou Idrissa, 73 ans, a
presque une carrière de mendiant. Environ trente ans de service dans la mendicité. Il est
mendiant depuis la chute du régime du président Lamizana. Environ trente ans de service
dans la mendicité. Une brillante carrière de professionnel, qui n’a malheureusement pas de
retraite ».
La question se pose de savoir ce que les talibés feront à leur sortie du foyer vu qu’ils
ne font rien à part les études et la mendicité. Eux-mêmes ne le savent pas et ils l’ont avoué.
Cette révélation démontre également que la réforme des foyers est un impératif si le but de
l’éducation est de former l’homme productif, utile à lui-même et à sa société.

Les résultats de l’observation directe nous permettent de dire que les talibés étudient
dans des conditions difficiles. Les méthodes pédagogiques, le matériel didactique, et
l’organisation de l’environnement scolaire sont traditionnels et arriérés. De même, l’état
sanitaire et nutritionnel ainsi que l’hygiène corporelle et vestimentaire des talibés sont
insatisfaisants ; et ils sont à améliorer. L’ensemble de ces manques et insuffisances exposent
les enfants à des risques de malnutrition, d’infections diverses ou autres maladies telles : le
marasme, la diarrhée, la gale, la teigne, etc.

60
Taux brut de scolarisation
61
op.cit.
69
I.2.2. Vérification des hypothèses

Dans la première partie de notre étude, nous avons formulé trois (03) hypothèses dont
une principale et deux secondaires. En nous basant sur les résultats obtenus, nous avons
cherché dans les lignes qui suivent à vérifier si ces hypothèses sont confirmées.

L’hypothèse principale :
En rappel, l’hypothèse principale était formulée de la manière suivante : Les écoles
coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants à être de bons
croyants musulmans.
Que dire de cette hypothèse ? Cette question nous amène à examiner le programme et
l’objectif de l’école coranique pour pouvoir nous prononcer.

Pour ce qui est des programmes d’enseignement des écoles coraniques, nous avons vu
que les contenus - matières sont entièrement tournés vers la foi et les pratiques religieuses de
l’Islam. De plus, les premières années au foyer sont consacrées à lire rien que le Coran qui est
le livre saint de l’Islam. Les manuels scolaires de ces écoles contiennent seulement des
enseignements islamiques.

Quant aux finalité, but et objectif de l’école coranique, nous l’avons relevé, ils se
résument à donner à l’enfant une formation complète dans le domaine de l’Islam, et à mettre à
la disposition de la communauté musulmane des croyants chargés de célébrer le culte
musulman et de propager les connaissances islamiques.

Aussi, pouvons-nous conclure que notre hypothèse principale est vérifiée et que les
écoles coraniques dispensent effectivement un enseignement religieux dont le but est de
préparer les enfants à être de bons croyants musulmans.

L’hypothèse secondaire n°1


Cette hypothèse était ainsi formulée : la durée de la scolarité, les conditions de
recrutement et d’études permettent d’assurer aux élèves des écoles coraniques une éducation
de qualité.

70
Parlant de la durée de la scolarité, nous pouvons affirmer qu’elle varie de 3 ans à plus
de 10 ans. Vu que l’âge des talibés est de 7 ans minimum et 20 ans maximum, nous pouvons
affirmer que le plus jeune talibé a au moins 17 ans à sa sortie d’école en faisant une scolarité
maximale. Cela revient à dire que le séjour du talibé au foyer correspond à la période de
l’obligation scolaire et que sa sortie survient plus tard.

Pour ce qui est des conditions d’étude, elles sont particulières et s’écartent de celles de
l’école classique à bien d’égards. De l’entretien réalisé avec les maîtres coraniques, nous
déduisons que les talibés ont au moins 7 heures de cours par jour contre 6 heures quotidiennes
pour les écoliers du primaire. Les écoles coraniques ont un total de 5 matinées et 5 après-
midis ouvrables contre 5 matinées et 4 après-midis ouvrables pour l’école classique. Les
talibés vaquent 20 jours dans l’année tandis que le primaire vaque au moins 90 jours, les
congés y compris. De ce point de vue, nous pouvons dire que les talibés ont un volume
horaire annuel nettement supérieur à celui du primaire ; soit 1715 heures contre 1092 heures.
Ce qui fait 623 h de différence.

Par rapport aux contenus enseignés, nous avons noté qu’ils n’ont rien à voir avec les
contenus prévus par le programme officiel de 1989-1990. Ils sont tous centrés sur les matières
religieuses. L’enseignement de l’école coranique vise la formation de l’homme complet sur le
plan de l’islam. Or cette finalité ne correspond pas avec celle déclinée dans la Loi
d’orientation à son article 13 et qui vise entre autres à :
 stimuler l’esprit d'initiative et d'entreprise de l’enfant ; cultivant en lui l'esprit
de citoyenneté à travers l'amour de la Patrie afin qu'il soit capable de la
défendre et de la développer ;
 cultiver en lui l'esprit de citoyenneté responsable, le sens de la démocratie, de
l'unité nationale, des responsabilités et de la justice sociale; développant en lui
l'esprit de solidarité, d'intégrité, d'équité, de justice, de loyauté, de tolérance et
de paix ;

Quant aux buts de cet enseignement tel que rappelé par l’Imam, il est de connaître
ALLAH et de l’adorer. Ceux-ci différent des buts de l’Etat burkinabé déclinés à l’article 14 de
la Loi d’orientation et qui est de :
« faire acquérir à l'individu des compétences pour faire face aux problèmes de société;
dispenser une formation adaptée dans son contenu et ses méthodes aux exigences de
l'évolution économique, technologique, sociale et culturelle qui tienne compte des aspirations
71
et des systèmes de valeurs au Burkina Faso, en Afrique et dans le monde ; doter le pays de
cadres et de personnels compétents dans tous les domaines et à tous les niveaux ».

Nous retenons pour l’école coranique qu’elle veut former des Imams, des muezzins, des
marabouts et maîtres coraniques pendant qu’à l’école classique l’Etat burkinabé veut « faire
du jeune burkinabé un citoyen responsable, producteur et créatif ».62

Nous retenons également qu’au regard de ses horaires et programmes d’enseignement


purement religieux, l’école coranique ne dispense pas « une formation adaptée dans son
contenu et ses méthodes aux exigences de l'évolution économique, technologique, sociale et
culturelle qui tienne compte des aspirations et des systèmes de valeurs au Burkina Faso ».

Nous retenons enfin que l’école coranique absorbe l’enfant pendant la période
d’obligation scolaire, c’est-à-dire de 6 à 16 ans et qu’elle le soustrait à une scolarité normale.
De plus, en considérant l’emploi du temps des écoles coraniques nous remarquons qu’il
consacre une large part à la mendicité. Les talibés sont dans la rue de 9h à 14h puis de 17h à
19h. Cela revient à dire que les talibés restent sans surveillance d’un adulte durant 7heures
dans la journée. Ce long moment se passe dans les lieux publics tels les gares routières, les
marchés, les environs des mosquées, les restaurants et le Centre de Lecture publique et
d’Animation culturelle (CELPAC). Ils sont alors exposés aux mêmes risques que les enfants
de la rue en l’occurrence : le vol, la drogue, les bagarres et autres comportements déviants.

Du point de vue psychologique, ces enfants vivent sans doute une crise affective à cause
de la séparation avec leurs parents. Nos enquêtes ont révélé que tous les talibés présents à
Dédougou sont venus des autres provinces du Burkina ; notamment la Kossi, le Houet, le
Passoré, le Sourou et le Yatenga. C’est surtout éprouvant pour les plus jeunes, les moins de
douze (12) ans qui partagent souvent le même ‘‘dortoir’’ que les plus grands et qui peuvent
subir les brimades des ces derniers.

L’importance de l’affection des parents et du climat familial a été démontrée dans la vie
des enfants. Son manque peut affecter l’équilibre psychique de l’enfant. En aucun prix, il ne
faut en priver l’enfant. Or, malheureusement, la fréquentation de l’école coranique entraine
cela. A propos de l’importance de la famille, F. Macaire a écrit à juste titre : « La famille est

62
Loi d’orientation de l’Education, article 13
72
assurément le milieu naturel dans lequel se développe normalement l’enfant. A moins de
nécessités impérieuses, il est donc préférable de ne pas enlever l’enfant au cadre de vie qui
semble le plus apte à assurer son éducation »63. Plus loin, l’auteur renchérit :
« Insensiblement, le climat familial imprégnera l’enfant, le marquera des traits indélébiles.
C’est donc aux parents à poser les premiers jalons d’une éducation qui doit se continuer par
l’école ». 64
Partant de toutes ces raisons, nous pouvons affirmer que notre première hypothèse
secondaire n’est pas vérifiée et que l’école coranique n’assure pas aux talibés une éducation
de qualité ni du point de vue de l’islam ni de celui des normes de l’Etat burkinabé.

L’hypothèse secondaire n°2


En rappel, la deuxième hypothèse secondaire était formulée ainsi : les élèves des écoles
coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe religieux.

La question sur la mendicité a été celle qui a concerné presque tous les répondants,
excepté les responsables des services déconcentrés. Elle a été posée à 47 enquêtés sur 50, soit
94% des participants. Si le problème a été posé plus ou moins directement aux uns qu’aux
autres, tous se sont sentis interpellés de la même manière. Ainsi, il a été demandé :
 aux marabouts, à la question n°5 du guide élaboré à leur intention : « Vos
élèves mendient-ils ? Etes-vous d’accord avec cette pratique ? Quelles sont
les raisons de votre position ? »
 à l’Imam et au président de la communauté musulmane, à la question n°3 :
« Quel sens donnez- vous à la mendicité? »
 aux parents d’élève, à la question n°11 : « Que pensez-vous de la
mendicité ? »
 aux talibés, à la question n°9 : « Pourquoi mendies-tu ? »

L’ensemble des réponses apportées ont révélé que la mendicité est reconnue de tous.
Certains légitiment cette pratique et l’acceptent ; d’autres la tolèrent à certaines conditions ; et
il y en a qui l’acceptent mal.

La catégorie de réponses qui légitiment la mendicité part de deux principes. Le premier


est que les talibés ont consacré leur vie à la recherche du savoir pour servir Allah (Dieu) et

63
F. Macaire, Notre beau métier, Edition Saint Paul, 1979, p. 7
64
Ibid. p. 13
73
leurs communautés. Il est donc normal que cette communauté prenne en charge les études des
futurs dirigeants comme on l’aurait fait pour des boursiers admis à l’internat. Le deuxième
principe est d’ordre religieux et ne devrait concerner que les musulmans. Il leur serait
recommandé de partager leur repas s’il est abondant. Il serait défendu de garder les restes de
repas après s’être rassasié.

Pour le second groupe, la mendicité ne devrait avoir d’autres fins que de satisfaire le
besoin alimentaire. C’est dire que le mendiant ne devrait recevoir ni argent, ni autre don ; rien
que de la nourriture. Tout porte à croire que si les foyers disposaient de cantine scolaire et de
réfectoire, les mendiants talibés disparaîtraient des rues.

Les autres trouvent dans la mendicité les moyens de subvenir à leurs besoins de se vêtir,
de se procurer des chaussures, et même d’alimenter les lampes pour les études de nuit. La
nécessité serait donc à l’origine de cette pratique. Cette dernière catégorie de réponses
confirme d’une part l’opinion qui fait croire que les parents abandonnent les enfants entre les
mains des maîtres coraniques sur lesquels ils portent toutes leurs charges parentales. D’autre
part, on pourrait déduire que les marabouts gardent pour eux seuls les contributions que les
parents donneraient.

Sur la question, El Hadj Moussa Semdé, Secrétaire général de la Communauté


musulmane du Burkina Faso se prononce : « En réalité, la mendicité est pour le maître, un
gagne-pain pour entretenir tous ces enfants qui lui sont confiés sans aucune aide matérielle
ou financière. Les parents des talibés les oublient dès qu’ils quittent leurs villages. Le maître
(lui-même souvent sans grands moyens) est alors obligé de les envoyer mendier pour se
nourrir et leur donner quelque chose en retour. Les talibés sont pauvres et très nombreux, et
ils vivent dans des situations très précaires. Leur mendicité constitue la source principale de
financement des écoles qui les forment et les hébergent. Pire, la mendicité leur prend
tellement de temps qu’ils n’arrivent véritablement plus à apprendre, ce pourquoi ils sont là ».

A la lumière des différentes réponses apportées sur la mendicité, nous pouvons affirmer
que les talibés mendient plus par nécessité que par principes religieux. Nous nous appuyons
sur le propos de l’Imam qui estime que c’est gênant de voir les talibés pulluler dans les lieux
publics. Nous considérons aussi le point de vue de la majorité des parents qui préfèrent des
contrats rémunérés à la mendicité.
74
De plus, nous retiendrons pour le compte de notre hypothèse que la mendicité telle
que pratiquée de nos jours n’a aucune dimension religieuse et qu’elle ne respecte ni les règles
ni les raisons qui l’ont fondée jadis. En effet : « Il existe, trois motifs valables pour mendier,
comme de nombreux Shaykhs l’ont dit : d’abord pour l’amour de la liberté de l’esprit,
puisqu’aucun souci n’est plus préoccupant que celui de s’assurer de sa nourriture ; ensuite,
pour la discipline de l’âme : les soufis mendient parce que c’est particulièrement humiliant et
que cela les aide à prendre conscience de leur peu de valeur dans l’opinion des autres et ils
évitent ainsi les écueils de l’autosatisfaction ; enfin , c’est une preuve de respect pour Dieu si
un serviteur mendie auprès d’hommes qu’Il considère tous comme Ses serviteurs car cela
dénote une plus grande humilité que de s’adresser à Dieu directement ».65

Pour ce qui est des règles de la mendicité, poursuit l’auteur, elles sont les
suivantes : «si tu mendies et que tu n’obtiens rien, montre-toi plus joyeux encore que si tu
avais obtenu quelque chose ; ne mendie pas auprès des femmes ou des gens qui trainent dans
les bazars et autant que faire se peut, fais le dans un esprit altruiste ; ne garde jamais ce que
tu as récolté pour embellir ta mise, pour ta maison ou pour acquérir des biens. Tu dois vivre
dans l’instant : ne laisse aucune pensée du lendemain entrer dans ton esprit, ou bien tu es
perdu. La règle ultime est de ne jamais exhiber ta piété dans l’espoir que cela te vaudra des
aumônes plus substantielles ».

Aussi, pouvons nous déclarer que notre deuxième hypothèse secondaire n’est pas
vérifiée et que les élèves des écoles coraniques mendient non pas par principe religieux mais
par nécessité et par désespoir.

I.3. Synthèse générale

A l’issue de la présentation, de l’analyse et de l’interprétation des données ; et fort de


la vérification de nos hypothèses de recherche, nous pouvons enfin proposer une synthèse.

En termes de statistiques, la ville de Dédougou compte au moins 15 foyers coraniques


implantés aux quatre coins de la ville, dans les périphéries. Les effectifs des élèves s’élèvent à
154 talibés dont zéro fille. Comparé aux 8 582 élèves de la ville de Dédougou, ce chiffre

65
Bordas, op.cit.
75
représente 1,8 %. Ce même taux appliqué à l’effectif national des élèves en 2010-2011
donnerait 39 69566 enfants talibés. Cela démontre l’importance que l’école coranique a dans
la vie des populations.

Sur la question des contenus-matières enseignés dans les écoles coraniques, nous
avons constaté qu’ils s’écartent des programmes officiels à tous points de vue. Les manuels
scolaires et leurs contenus sont tournés vers les connaissances et les pratiques de l’Islam.
L’objectif étant de produire des érudits, des dirigeants et responsables musulmans. A l’issue
de sa formation, de son cursus disons, le talibé peut assumer les fonctions d’Imam, de
muezzin, de prêcheur, ou de maître coranique.

S’agissant de l’organisation pédagogique et administrative des foyers coraniques, nous


pouvons affirmer qu’elle est à l’initiative du promoteur qui fait comme il entend. Le point
commun à ces écoles est qu’elles fonctionnent toutes de façon traditionnelle et avec des
méthodes archaïques. Les apprenants s’asseyent par terre et récitent à tue-tête les leçons
écrites à l’encre sur leurs planchettes. Lorsque la leçon est sue par cœur à force de répétition,
elle est restituée sous le contrôle du marabout. Les châtiments corporels sont admis dans ces
écoles et se justifient par la croyance qui veut que le savoir s’acquière dans la peine comme
cela s’est passé avec les premiers disciples. Cela constitue une violation de l’article 66 de
l’arrêté n°2008-236 portant organisation de l’enseignement primaire, lequel interdit les
châtiments corporels dans les écoles. Heureusement, cette croyance semble perdre de sa
vivacité et les châtiments sont de moins en moins présents dans les écoles. Dans tous les cas,
les maîtres coraniques affirment ne pas y recourir, les cas graves d’indisciplines étant
sanctionnés par le renvoi de l’enfant à ses parents.

Il est apparu également les raisons qui poussent les talibés à la mendicité. Les parents,
il est vrai, n’apportent pas souvent de l’aide au marabout. Mais cette seule raison n’explique
pas la pratique. Elles sont liées à de la nécessité et en partie à des fondements religieux. Mais,
de plus en plus, des consciences s’éveillent et tendent à condamner la mendicité qui ne sert
plus tellement la cause de l’islam sauf à le discréditer et à le faire accuser. La plupart des
réponses obtenues sont d’ailleurs favorables à l’abandon de la mendicité en faveur d’une
assistance venant des parents.

66
Résultat obtenu en multipliant l’effectif national (2 205 295) par 1,8 puis en divisant par 100
76
Il a été révélé aussi que les parents envoient les enfants à l’école coranique pour
certaines raisons. Ils sont eux-mêmes anciens talibés. Ils ignorent la loi sur l’obligation
scolaire. Ils veulent faire bien connaître et pratiquer la religion musulmane à leurs
progénitures. De plus ils veulent, du moins certains parents, tremper le caractère des enfants
et faire d’eux des hommes aguerris.

Malheureusement, cette attente n’est pas toujours comblée. Les emplois du temps
des talibés leur laissent beaucoup trop de temps libre qu’ils sont censé employer à mendier
leur pitance. Dans une telle situation de liberté, ils peuvent manquer à certaines de leurs
obligations religieuses telles que la prière. Dans le pire des cas, ils peuvent se trouver
entraînés dans des pratiques malsaines et se rendre coupables d’actes de délinquance. C’est ce
qui ressort dans les propos du président de la communauté musulmane qui pense que le foyer
coranique n’est pas une garantie pour que les talibés soient de bons musulmans. Il s’appuie
sur son expérience pour dire que certains enfants ne prient pas en dehors du foyer. Il craint
qu’en prenant l’habitude de mendier les talibés ne deviennent des éternels assistés ou des
escrocs.

Par ailleurs, les talibés vivent dans un environnement peu sécurisé sur le plan de
l’hygiène et de l’assainissement. Nous avons fait remarquer qu’ils dorment à l’étroit dans de
petites maisons et qu’ils vivent dans des concessions qui ne disposent pas de lieux d’aisances.
De même qu’ils sont mal vêtus et très souvent malpropres, les talibés mangent généralement
des restes de nourriture. Cet état de fait les expose certainement à des risques de maladies. Ils
peuvent s’intoxiquer ou se faire contaminer en prenant des aliments avariés ou des restes de
repas de malades contagieux.

Nous avons relevé également que le fait d’être séparés de leurs familles affecte
profondément les enfants talibés. N’ayant pas reçu assez d’affection, ils ne seront pas
capables d’en donner. Devenus pères, ils seront tentés eux aussi d’abandonner leurs enfants
entre les mains d’inconnus sous prétexte de les endurcir. On pourrait dire que c’est pour se
venger de ce qu’ils ont subi, à plus forte raison si les parents interrogés ont été eux-mêmes
talibés.

77
CHAPITRE II : SUGGESTIONS

A l’issue de nos recherches documentaires et des entretiens réalisés, il est apparu la


nécessité de la réforme des écoles coraniques. Les différentes suggestions recueillies dans ce
sens auraient pu se regrouper suivant les catégories de personnes interviewées. Mais nous
avons préféré les regrouper par nature et suivant les acteurs visés. Ainsi, nous avons les
suggestions à l’adresse des promoteurs, des parents d’enfants talibés, de la communauté
musulmane et de l’Etat.

II. 1. Suggestions à l’adresse des maîtres coraniques

Nous estimons que les maîtres coraniques doivent revoir certains de leurs usages et
adopter de nouveaux comportements. Dans ce sens, ils doivent s’imposer :
 de se fixer dans leur terroir. Pour cela, éviter de se déplacer avec les talibés de
localité en localité et accepter de se soumettre aux contrôles des autorités.
 l’interdiction de recevoir des enfants non résidents dans leur localité
d’implantation et mettre fin à la pratique du régime d’internat pour les élèves.
Cela résoudra en même temps les difficultés que les marabouts ont évoquées
et qui se rapportent à l’hébergement et à la restauration des talibés ainsi qu’à
leur surveillance lorsqu’ils sont hors du foyer.
 l’ouverture des écoles coraniques aux élèves des écoles classiques désireux de
suivre leur enseignement les après-midis de jeudi et dimanche comme le font
déjà certaines communautés religieuses.

II.2. Suggestions à l’adresse des parents d’enfants

Pour que les écoles coraniques puissent fonctionner normalement les parents d’enfants
talibés doivent prendre quelques engagements et les respecter, notamment :
 Respecter la loi portant obligation scolaire de 6 à 16 ans. Cela revient à dire
que le parent peut envoyer l’enfant à l’école coranique seulement à l’âge de 4
à 6 ans ou après son cycle primaire. En ce moment, l’école coranique joue le
rôle de préscolaire ou de secondaire pour l’enfant ;

78
 Assumer leur responsabilité de parents en gardant l’enfant auprès d’eux en
famille. Toutefois si l’enfant devait être confié, que ce soit à un tuteur qui
assure toutes ses charges et non à un maître coranique, même si celui-ci est un
parent ;
 Payer au maître coranique des frais de scolarité, que ce soit en espèce ou en
nature, et refuser d’adhérer à l’esprit de la scolarisation gratuite ;
 S’organiser en association de parents d’enfants talibés et s’impliquer dans le
suivi des activités de formation et le fonctionnement des centres coraniques.

II.3. Les suggestions à l’endroit de la communauté


musulmane

La communauté musulmane est moralement garante des fidèles du point de vue


religieux. En ce sens, elle doit s’impliquer dans l’éducation des enfants en veillant sur toutes
les structures qui prétendent assurer une éducation islamique. Aussi, lui faudrait-il :
 Sensibiliser les membres de la communauté, notamment les parents d’enfants
talibés et les maîtres coraniques en vue de faire cesser : la pratique de la
mendicité, le trafic d’enfants et le principe de non paiement de frais de
scolarité au marabout.
 Organiser et encadrer les promoteurs de foyers coraniques afin qu’ils puissent
respecter les règles établies en matière d’enseignement privé au Burkina Faso.
Pour cela, délivrer un certificat de reconnaissance aux maîtres coraniques
attitrés, et faire appliquer les mêmes horaires et programmes par tous.

II.4. Les suggestions à l’endroit de l’Etat

Les actions à entreprendre par l’Etat doivent viser l’intégration des talibés au système
scolaire. Pour cela, il pourrait adopter les propositions suivantes :
 sensibiliser les responsables religieux, les promoteurs, les parents d’enfants et
les talibés pour qu’on envoie désormais les talibés dans les medersas et
franco-arabes reconnues par l’Etat;
 traduire les textes de lois en langues nationales et les mettre à la disposition
des communautés et des promoteurs de foyers coraniques ; en particulier les
79
articles de loi interdisant la mendicité, la loi d’orientation de l’éducation et le
cahier de charge portant organisation de l’enseignement privé au Burkina
Faso.
 recenser les maîtres coraniques et leur octroyer des moyens pour abandonner
la création des foyers coraniques. Avec les fonds accordés, ils peuvent mener
des activités génératrices de revenus et se passer de l’aumône.
 transformer les promoteurs en animateurs de centres d’alphabétisation et les
alphabétiser dans une langue nationale de leur choix ;
 transformer les écoles coraniques en Centres Permanents d’Alphabétisation et
de Formation (CPAF) ou en écoles franco-arabes ;
 orienter vers les Centres d’Education de Base Non Formelle (CEBNF) les
talibés qui ont terminé leur cycle coranique.

II.5. L’école coranique réformée

La mise en œuvre de ces recommandations devrait donner lieu à l’école coranique


réformée. A terme, nous aurons les écoles coraniques de types suivants :
 les écoles coraniques réformées en medersas reconnues. Elles seront celles qui auront
accepté de se transformer en adoptant le mode de gestion et de fonctionnement des écoles
medersa reconnues au Burkina Faso ;
 les écoles coraniques réformées en Centres permanents d’alphabétisation et de
formation(CPAF). Ce sera celles qui voudront bien : soit devenir centres
d’alphabétisation ou, à défaut, référer leurs talibés à des centres et fonctionner comme des
sortes d’écoles coraniques satellites. Dans ce cas, les élèves répartissent les temps
d’apprentissage entre l’atelier et le foyer.
 les écoles coraniques traditionnelles pour les scolaires. Elles seront celles qui recevront
les élèves de l’école primaire classique les jours non ouvrables et ceux ayant terminé leur
scolarité obligatoire.

Dans l’une et l’autre de ces écoles, la mendicité sera bannie ; tout comme le contrôle de
l’Etat s’exercera à travers ses services compétents et en collaboration avec la communauté
musulmane.

80
CONCLUSION

Lorsque nous abordions cette étude, notre objectif était de découvrir le fonctionnement
des écoles coraniques de la ville de Dédougou, puis de disposer de données statistiques sur
ces écoles.

A cette étape conclusive, nous pouvons affirmer, au regard de leur nombre et de leurs
effectifs, que l’école coranique occupe une place importante dans la vie des populations.
Les raisons de cet intérêt sont apparemment d’ordre religieux, mais en réalité, elles cachent
une méconnaissance des lois nationales en matière d’enseignement, d’éducation et surtout de
droit des enfants.

Il est apparu sans conteste que ces écoles ne sont pas reconnues et qu’elles ne sont pas
prises en compte dans le calcul des taux bruts de scolarisation du Burkina Faso. L’incidence
de cette situation sur les efforts du Burkina Faso pour relever les TBS et atteindre
l’Education pour tous est très négative.

Par ailleurs, nous nous sommes posé un certain nombre de questions dont la principale
est la suivante : les écoles coraniques garantissent-elles une éducation de qualité aux
enfants talibés ?
Pour répondre à cette question, nous avons émis l’hypothèse principale disant que : les
écoles coraniques dispensent un enseignement religieux qui prépare les enfants à être de
bons croyants. En spécifiant cette hypothèse nous en avons tiré deux autres, secondaires,
formulées de la manière suivante :
- La durée de la scolarité, les conditions de recrutement et d’études permettent d’assurer
aux élèves des écoles coraniques une éducation de qualité ;
- Les élèves des écoles coraniques se livrent à la mendicité seulement par principe
religieux.

Nous avons mené nos recherches en tenant compte des orientations de ces hypothèses
qu’il nous a paru nécessaire de vérifier au moyen d’instruments de collectes de données.
Pour ce faire, nous avons élaboré des guides d’entretien et une grille d’observation au regard
de notre approche qui se voulait qualitative.

81
A l’issue du traitement, de l’analyse et de l’interprétation des données, il est apparu
que notre hypothèse principale seule est confirmée et que les écoles coraniques dispensent
effectivement un enseignement islamique dont le but est d’amener les enfants à être de bons
fidèles musulmans.

Quant aux deux autres hypothèses, elles ont été infirmées. Nous retenons pour la
première que les programmes et conditions d’étude ne favorisent pas une bonne éducation des
enfants ; pour la deuxième, que la mendicité est moins le fait d’un principe religieux qu’une
imagination pour subvenir aux besoins des foyers.

Au demeurant, il est ressorti que les objectifs, les finalités et les buts de cette
éducation sont loin de s’accorder avec ceux définis par l’Etat et que d’ailleurs l’éducation
des foyers coraniques ainsi que les conditions d’enseignement sont entachées de pratiques
intolérables. La situation est grave à ce point que certains observateurs se demandent si
l’école coranique n’est pas un fléau pour emprunter les termes du journal l’Evasion qui a
écrit à propos des talibés : « Ce sont des écoliers de l’école coranique, cette institution
éducative de l’islam, insérée dans notre société contemporaine aux côtés des institutions
scolaires officiellement reconnues. Cette école doit-elle être considérée comme un fléau
social par rapport aux droits universels de l’enfant et par rapport à l’aspiration à une
société saine et productive dans un pays comme le Burkina Faso ? ».67

Cependant, un aspect des résultats de notre étude nous semble intrigant et mérite à
notre sens de faire l’objet d’une étude sociologique. C’est la dominance d’un certain groupe
ethnique dans les foyers coraniques. Treize (13) promoteurs sur quinze (15), soit 86,7 %
sont des Peuls. Ce constat est-il le même sur toute l’étendue du territoire national ? Pourquoi
les Peuls sont-ils les plus nombreux dans ce secteur ?

Tout compte fait, nous pensons que le moment est venu de rompre le silence,
d’écouter enfin l’alerte lancée par certains acteurs tels la Fondation pour le Développement
Communautaire du Burkina Faso et d’aller vers la réforme des écoles coraniques longtemps
laissées à la dérive.

67
Evasion N°347 du vendredi 14 mars 2003, p. 13
82
BIBLIOGRAPHIE

I. Ouvrages généraux
BORDAS, (1989), Dictionnaire Encyclopédique de l’Islam, Edition original, Stacey
international et cepril glassé ; Londres-1989 ; édition française, Bordas –Paris 1991, 444
pages.

Bureau International Catholique de l’Enfance, L’ENNFANT AFRICAIN, Collection Etudes


et Documents, Editions Fleurus, 31-33, rue de Fleurus, Paris-VIème, 1960, 484 pages.

Centre International de Formation à l’Enseignement des Droits de l’homme et de


la Paix (CIFEDHOP), (2004), Vues d’Afrique, Genève, 298 pages.

GIROUX, S. TREMBLAY, G. (2002), Méthodologie des sciences humaines, 2ème édition,


262 pages.

INSD, (2009), Monographie de la Région de la Boucle du Mouhoun, 172 pages.

KANE, C. H. (1961), l’aventure ambiguë, Edition ; Paris : Julliard, 191 pages.

KONE, B. (1996), La psychopédagogie au service des enseignants, 64 pages.

II. Articles, études et colloques


Comité Technique de Pilotage du Projet Talibé CTP/Talibé, (2010), Communication :
Situation des enfants talibés et des écoles coraniques au Burkina Faso, Bobo Dioulasso,
10 pages.
ILBOUDO, A. (2010), Quelles stratégies pour un meilleur apprentissage dans les centres
coraniques, Bobo Dioulasso, 09 pages.

TIEMTORE, T. (2010), La place de l’école coranique de proximité dans l’Enseignement


coranique et l’éducation de base des talibés, Bobo Dioulasso, 07 pages.

83
III. Mémoires
OUEDRAOGO, K.P. (2010), Problématique des medersas et des écoles franco-arabes non
reconnues : cas de la commune de Gonboussougou, Mémoire de fin de formation d’Elève
Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré, Ecole Normale Supérieure de l’Université
Koudougou, Burkina Faso, 78 pages.

OUEDRAOGO, M. (2004), Enseignement de Base et enseignement dans les medersas au


Burkina Faso : cas de la province du Yatenga, Mémoire de fin de formation d’Elève
Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré, Ecole Normale Supérieure de Koudougou,
Burkina Faso, 92 pages.

IV. Textes officiels


Arrêté N°2004-005/MEBA/SG/DGEB/DEB Pr du 05 février 2004 portant cahier des
charges des établissements privés de l’enseignement de base, 13 pages.

Décret N°99-221/PRES/PM/MESSRS/MEBA du 29 juin 1999 portant réglementation de


l’Enseignement Privé au Burkina Faso, JO n°28 1999, 11 pages.

LOI N°013-2007/AN du 30 juillet 2007 portant LOI d’Orientation de l’Education,


Ouagadougou, les presses de l’Imprimerie du Journal Officiel, 23 pages.

V. Sites visités
BATIONO, A. F. (2001), La survie sans besoin de mendier commence par Hamdalaye, in
Dossier-Education de L’Evènement, Site Internet : www.evenement-bf.net. Date de mise en
ligne : 16 septembre 2007.
ELIAS, Y. (1982), Islam et vie culturelle en Afrique, in Ethiopiques numéro 29, Revue
socialiste de culture négro-africaine, Site réalisé avec SPIP avec le soutien de l’Agence
universitaire de la Francophonie, consulté le 03 novembre 2011.

FDC/BF. (2007), Talibés au Burkina Faso, de l’étude à l’action, Site Internet :


www.fdcburkinafaso.org. Consulté le 17 mars 2012.

84
GANDOLFI, S. (2003), L’enseignement islamique en Afrique noire, in Cahiers d’études
africaines, 169-170/2003, mis en ligne le 21 décembre 2006. URL :
http://étudesafricaines.revues.org/ index 199.html. Consulté le 17 juillet 2010.

OUEDRAOGO, A. (2008), L’enseignement de la culture arabe et islamique dans le


département de Soaw, province du Bulkiemdé, Burkina Faso, in Revue des mondes
musulmans et de la Méditerranée] En ligne], 124/ novembre 2008, mis en ligne le 03
septembre 2009. Consulté le 17 juillet 2010. URL: htpp://remmm.revues.org/index6040.html.

SIDWAYA, (2009), L’enseignement franco-arabe : la modernisation, un souci partagé, jeudi


2 avril 2009, Assétou BADOH badohassé[email protected]

85
TABLE DES MATIERES
Titre................................................................................................................................. Pages
REMERCIEMENTS....................................................................................................... I
DEDICACE.................................................................................................................... II
RESUME......................................................................................................................... III
SOMMAIRE................................................................................................................... IV
LISTE DES TABLEAUX...................................................................................……… V
LISTE DES ANNEXES................................................................................................. VI
SIGLES ET ACRONYMES........................................................................................... VII
INTRODUCTION................................................................................................……... 1

PREMIERE PARTIE : THEORIE ET METHODOLOGIE.................................... 4


CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE...................................................................... 5
I.1. Contexte et justification............................................................................................ 5
I-2. Problématique........................................................................................................... 8
I.2.1. Questions de recherche......................................................................................... 10
I.2.2. Objectifs de la recherche........................................................................................ 13
I.2.2.1.Objectifs généraux............................................................................................... 13
I.2.2.2.Objectifs spécifiques.................................................................................……... 13
I.2.3. Hypothèses de la recherche.................................................................................... 13
I.2.3.1. Hypothèse principale........................................................................................... 13
I .2.3.2. Hypothèses secondaires..................................................................................... 13
I.2.4. Indicateurs de vérification d’hypothèse................................................................. 13
I.2.5. Revue de la littérature............................................................................................ 14
I.2.6. Cadre conceptuel................................................................................................... 30

CHAPITRE II : METHODOLOGIE.......................................................................... 38
II.1. Présentation du champ d’étude................................................................................ 38
II.2. Population-cible....................................................................................................... 40
II.3. Echantillon............................................................................................................... 42
II.4. Méthodes de recherche et techniques de collecte des données............................... 43
II.4.1. La méthode de recherche...................................................................................... 43
II.4.2. La technique de collecte des données................................................................... 44
II.5. La validation des outils............................................................................................ 45
II.6. Le déroulement de l’étude....................................................................................... 45
II.7. L’analyse des données............................................................................................. 46
II.8. Les difficultés de la recherche................................................................................. 46

DEUXIEME PARTIE : ASPECTS PRATIQUES..................................................... 47


CHAPITRE I : PRESENTATION, ANALYSE ET INTERPRETATION DES
RESULTATS................................................................................................................. 48
I.I. Présentation et analyse des données de l’enquête..................................................... 48
I.I.1.Situation des entretiens réalisés............................................................................... 48
I.I.2. Situation des maîtres coraniques ayant participé à l’enquête................................. 49
I.I.3. Situation des parents d’élèves ayant participé à l’enquête..................................... 49
I.I.4. Situation des responsables de la communauté musulmane ayant participé
à l’enquête....................................................................................................................... 50

86
I.I.5.Situation des responsables des services déconcentrés ayant participé à l’enquête.. 50
I.I.6. Situation des enfants talibés ayant participé à l’enquête........................................ 51
I.I.7 Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les maîtres coraniques....... 52
I.I.8 Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les parents d’élèves............ 57
I.I.9. Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les responsables de la
communauté musulmane................................................................................................. 59
I.I.10. Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les responsables des services
déconcentrés..............................................................................................…… 61
I.I.11. Présentation des résultats des entretiens réalisés avec les enfants talibés........... 63
I.I.12. Présentation des résultats de l’observation directe............................................... 65
I.2. Interprétation des résultats et vérification des hypothèses........................................ 67
I.2.1. Interprétation des résultats..................................................................................... 67
I.2.2. Vérification des hypothèses................................................................................... 70
I.3. Synthèse générale...................................................................................................... 75

CHAPITRE II : SUGGESTIONS................................................................................ 78
II. 1. Suggestions à l’adresse des maîtres coraniques...................................................... 78
II.2. Suggestions à l’adresse des parents d’enfants......................................................... 78
II.3. Les suggestions à l’endroit de la communauté musulmane..................................... 79
II.4. Les suggestions à l’endroit de l’Etat........................................................................ 79
II.5. L’école coranique réformée..................................................................................... 80

CONCLUSION............................................................................................................... 81
BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................... 83
ANNEXES..................................................................................................................... VII

87
ANNEXE I

Guide d’entretien avec les personnes ressources des services techniques :


le DREBA, le DPEBA, et le C.CEB de la ville de Dédougou
(03 participants)

1°) Quels types d’écoles privées existent-ils dans votre région, province ou CEB ?
2°) Avez-vous connaissance de l’existence d’écoles coraniques dans votre région, province
ou CEB ?

3°) Les statistiques scolaires de votre région, province ou CEB prennent-elles en compte les
écoles coraniques ? Pourquoi ?

4°) Pourquoi les élèves des écoles coraniques ne sont pas comptabilisés ?

5°) Comment appréciez-vous la question du droit à l’éducation des enfants talibés ?

6°) Le nombre d’enfants talibés influence-t-il considérablement votre TBS?

7°) Quelles stratégies est-il possible de développer pour que les talibés intègrent le système
scolaire ?

ix
ANNEXE II

Guide d’entretien avec les promoteurs d’école coranique

(15 participants)

I°) Identification
Nom de l’école coranique : ……………………………………………………………………..
Secteur/ Quartier : ………………………………………………………………………………
Date de création ou durée de fonctionnement:…..………………………………………..........
II°) Questions
1°) Combien d’enfants avez-vous dans votre foyer ? Garçons……………? Filles…………?
2°) Tous vos élèves résident-ils dans la localité ? Sinon, combien viennent-ils d’ailleurs ?
3°) Sous quel régime les avez-vous reçus ? Internat ? Externat ?
4°) Recevez-vous une rémunération de la part des parents ? De quelle nature ?
5°) Vos élèves mendient-ils ? Etes-vous d’accord avec cette pratique ? Quelles sont les
raisons de votre position ?
6°) Quel est le temps d’enseignement dans votre école (Emploi du temps)?
7°) Quelles sont les matières que vous enseignez à vos enfants ?
8°) A quel âge vous viennent vos élèves ?
9°) Pendant combien de temps vos enfants restent-ils au foyer (durée de la scolarité) ?
10°) Collaborez-vous avec les autres fondateurs d’écoles coraniques ?
11°) Que pensez-vous de l’école classique ?
12°) Savez-vous qu’elle est obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans ?
13°) Pensez-vous qu’il soit possible de suivre à la fois les enseignements à l’école classique et
à l’école coranique ?
14°) Avez-vous des enfants qui ont fréquenté ou qui fréquentent encore l’école classique ?
Si oui combien sont-ils ?
15°) Avez-vous des enseignants qui vous assistent dans votre tâche ?
16°) Quels moyens utilisez-vous pour instaurer la discipline ?
17°) Doit-on frapper l’enfant pour qu’il nous obéisse ? Vous arrive-t-il de frapper vos élèves ?
18°) Que font vos élèves au sortir de votre école ?
19°) Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre tâche d’éducation

x
ANNEXE III

Guide d’entretien avec les responsables de la Communauté musulmane :


Le président de la communauté musulmane de Dédougou,
et l’Imam de la grande mosquée

(02 participants)

1°) Avez-vous connaissance de l’existence d’écoles coraniques à Dédougou ? Si oui, combien


il en existe ?

2°) Quel est l’enseignement qui est dispensé dans ces écoles coraniques ?

3°) Quel sens donnez-vous à la mendicité des enfants talibés ?

4°) Quelle est votre appréciation de l’éducation dans les écoles coraniques ?

5°) Quel est votre avis sur les châtiments corporels ?

6°) A quelle école faut-il envoyer prioritairement les enfants ? Pourquoi ?

7°) Savez-vous que l’école est obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans ?

8°) Que suggérez-vous pour que les enfants talibés puissent bénéficier d’une scolarité
normale ?

9°) Les foyers coraniques sont-ils sous votre autorité ?

xi
ANNEXE IV

Guide d’entretien avec les parents d’élève des foyers coraniques

(10 participants)

Q1 : Combien d’enfants avez-vous de 6 à 16 ans ?


Garçons : ……………………..Filles :………………….Total :…………………………
Q2 : Combien avez-vous choisi de scolariser à :
 Ecole coranique (……………)
 Ecole franco-arabe/Medersa (………..)
 Ecole classique (.............)
 Aucun établissement scolaire (………)
Q3 : Quelles sont les raisons qui ont fait que vous avez inscrit votre enfant à l’école
coranique ?

Q4 : Que pensez-vous de l’école classique ?

Q5 : Savez-vous qu’elle est obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans ?

Q6 : Pensez-vous qu’il soit possible de suivre à la fois les enseignements à l’école classique
et à l’école coranique ?

Q7 : Sous quel régime votre enfant est-il inscrit à l’école coranique (internat ou externat) ?

Q8 : Quelles sont les conditions qui vous ont été posées à l’inscription de votre enfant à
l’école coranique ?

Q9 : Quelles contributions donnez-vous pour l’entretien de votre enfant ?

Q10 : Quelle profession exercez-vous ?

Q11 : Que pensez-vous de la mendicité ?

Q12 : Avez-vous fait des études vous-même ?

Q13 : Quels aspects pensez-vous qu’il faille améliorer à l’école coranique ?

xii
ANNEXE V

Guide d’entretien avec les enfants talibés des écoles coraniques.

(20 participants)

1°) Quel âge as-tu ?

2°) Où tes parents résident-ils ?

3°) Combien êtes-vous d’enfants talibés dans votre foyer ?

4°) Combien d’années de scolarité totalises-tu ?

5°) Qu’apprends-tu à l’école coranique ?

6°) Quels sont vos horaires d’étude ?

7°) Le maître coranique te frappe-t-il souvent ? Pour quelles raisons ?

8°) Où dors-tu quand la nuit arrive ?

9°) Pourquoi mendies-tu ?

10°) Tes parents viennent-ils te voir souvent ? Si oui, que t’apportent-ils à toi ? Au marabout ?

11°) Si tu es malade, qui te soigne ? Et où te soigne –t- on ?

12°) En dehors des études et de la mendicité, quelle autre activité pratiques-tu ?

13°) Le maitre t’enseigne, que lui apportes-tu en retour ?

14°) Aurais-tu aimé aller à l’école classique ?

15°) Que feras-tu à ta sortie de l’école coranique ?

xiii
ANNEXE VI

Grille d’observation directe

(15 foyers coraniques)


1- L’enseignement se fait sous :
Hangar.............arbre.................à ciel ouvert....................

2- Les talibés s’assoient :


à même le sol nu............sur une natte ou une peau de bête......

3- L’enseignement est assuré par :


Un.........deux........plusieurs maîtres coraniques........

4- Les talibés reçoivent l’enseignement de façon :


Individuelle........Collective..................par les pairs..........

5- Chaque talibé dispose de matériels didactiques suivants :


Une tablette.....Un coran.....Un livre....plusieurs livres.......Autres matériels........

6- Tenue vestimentaire des talibés


Propre............Sale................haillon.................

7- Hygiène corporelle des talibés


Bonne .............acceptable.............laisse à désirer

8- Le foyer existe :
Au centre ville........dans un quartier périphérique.................dans une concession
fermée......dans une concession ouverte.........

9- Cadre spacieux......peu spacieux ........très restreint........Propre..........sale.................

10- Existence de point d’eau :


Puits traditionnel...........puits buisé...........aucun point d’eau............

11- Existence de toilettes


Oui................Non.....................

12- Le foyer dispose de local pour héberger les talibés


Oui .................Non............

xiv
Annexe VII

Album photos d’enfants talibés

Photos d’enfants talibés prises le 29 décembre 2011 au CELPAC de Dédougou.

xv

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